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51
p. 2206-2211
Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. Loüis, prononcé à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733. [...]
Mots clefs :
Saint Louis, Monde, Religion, Rois, Discours, Paroles, Éloge, Héros, Académie française
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texteReconnaissance textuelle : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
PANEGYRIQUE de S. Loüis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
Fermer
Résumé : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Le 25 août 1733, le Père Tournemine a prononcé un panégyrique de Saint Louis à l'Académie Française, s'inspirant des paroles de Saint Paul dans l'Épître aux Galates. Ce discours met en avant Saint Louis comme un roi dont les prospérités n'ont pas corrompu et les adversités n'ont pas abattu. Deux traits distinctifs de Saint Louis sont soulignés : sa sagesse divine et sa fermeté héroïque face aux épreuves. Le panégyrique est structuré en deux parties. La première partie décrit le monde profane que Saint Louis a su vaincre, le présentant comme le meilleur des rois en raison de son soutien aux sciences et à l'éducation. Saint Louis est loué pour avoir rassemblé des érudits et des savants dans son palais, favorisant ainsi le développement intellectuel et spirituel de son peuple. La seconde partie relate les tribulations de Saint Louis, soulignant que ses épreuves étaient nécessaires pour son intérêt et celui de Dieu. Le discours se termine par une série de bénédictions et de reconnaissances de la postérité de Saint Louis, soulignant son héritage durable et son influence sur les rois suivants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
52
p. 336-341
RECEPTION de MM. de Moncrif et Dupré de Saint Maur, à l'Académie Françoise le 29. Décembre 1733.
Début :
Mr de Moncrif commença son Discours par exposer l'utilité et les avantages de [...]
Mots clefs :
Académie française, Éloge, Discours, Cardinal Richelieu, Gloire, Académicien, Louis XIV, Esprit, Orateur, Nicolas-François Dupré de Saint-Maur, François-Augustin Paradis de Moncrif
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RECEPTION de MM. de Moncrif et Dupré de Saint Maur, à l'Académie Françoise le 29. Décembre 1733.
RECEPTION de M M. de Moncrif
et Dupré de Saint Maur , à l'Académie
Françoise le 29. Décembre 1733 .
M
R de Moncrif commença son Discours
par exposer l'utilité et les avantages de
P'Académie Françoise , non - seulement pour la
perfection de la Langue, mais même pour le progrès
de l'esprit, » Fixer le sens veritable de cha
mqua
FEVRIER. 1734. 337
5 ) que mot ... faire connoître en quoi consistent
ces tours heureux d'où naissent et la force et
P'agrément du langage , n'est- ce pas , dit - il ,
guider l'esprit ? ... n'est - ce pas lui donner lieu
de s'étendre et de se perfectionner ? » L'Orateur
fit ensuite successivement l'Eloge de l'illustre
Fondateur de cette Académie le Cardinal de Richelieu
, celui de M. Seguier , de Louis XIV . de
M. de Caumartin , dont M. de Montcrif remplit
la place vacante, de M.le Cardinal de Fleury,
de M. le Maréchal de Villars , et M. le Comte
de Clermont. Qu'il nous soit permis de toucher
quelques traits de ces Eloges .
ກ
En parlant du Cardinal de Richelieu , » Ce
» Cardinal dont le génie également vaste et su-
» blime , fit sentir à toute l'Europe que pour por-
» ter la France au plus haut degré de splendeur ,
» il ne falloit que lui apprendre à se connoître; Armand
, dis - je , après avoir étendu les limites
» et multiplié les avantages interieurs de l'Etat ,
s'empressa d'y ajoûter ce Monument , qui de-
» voit en accroître la gloire ... Richelieu voulut
former un établissement , qui dès sa naissance
présentât toute son utilité , il fonda l'Académie
Françoise. L'effet répondit à son attente
; l'Ouvrage parut , il étoit perfectionné ...
» C'étoit le siecle des prodiges. Louis XIV . regnoit
... Tout devoit marquer l'ascendant de'
Louis XIV . devenu votre Protecteur , il sembla
» qu'il avoit applani les routes pénibles que les
59
3
so talents et la science avoient été forcez de suivre
>> jusqu'alors.
5
Après avoir fait l'éloge de M. de Caumartin ,
le nouvel Académicien ajoûta en parlant de PAcadémie
; il est des objets de notre admiration ,
qui bien loin de perdre à être examinez de près, ၁၁
>> neus
338 MERCURE DE FRANCE
1
nous frappent au contraire plus vivement et
s'embellissent à mesure qu'on peut les distinguer
et les connoître davantage. Le Prince *à qui
"J'ai l'honneur d'être attaché, me le fait éprou-
» ver tous les jours . Il semble par l'habitude de
l'approcher (et il est bien rare que de l'habitude
» naissent des sujets d'éloge ) il semble , dis je ,
soit que qu'en lui l'éclat du rang ne la récompense
des qualitez personnelles , & c,
20
Le Discours de M. Dupré de Saint Maur
eut aussi des traits d'une éloquence variée ,
vive et animée . Il exposa le progrès de la Langue
Françoise , par les soins et les travaux
des illustres Membres de cette Académie dès
le temps même de sa fondation , c'est-à- dire ,
sous l'illustre Cardinal de Richelieu. » Ce sublime
génie , dit- il , semblable à ces intelligences
qui président aux destins des Empires ,
et sous le Chancelier Seguier , qui acheva cer
établissement. L'Académicien fit ensuite l'Eloge
de son Prédecesseur M. l'Evêque de Langres.
Après avoir touché son illustre naissance et fait
appercevoir l'étendue de ses connoissances : » Des
talens si distinguez , ajouta - t'il , lui mériterent
» l'honneur de votre adoption , mais la douceur
» qu'il goûtoit dans vos Exercices , ne prévalut
point sur ses devoirs. L'Episcopat vous l'enleva
» et sa résidence dans son Diocèse , où il s'ense-
» velit jusqu'à la mort consomme son Eloge.
"
&
L'Orateur témoigna ensuite modestement qu'il
n'attribuoit point à sa Traduction du Poëme de
Milton , l'honneur qu'il avoit de remplacer l'il-
Justre Academicien dont il venoit de faire l'Eloge
mais plutôt au souvenir que l'Académie a cor❤
Son A. S. Monseigneur le Comte de Clermons.
servé
'
FEVRIER . 1734. 339
"
servé de feu M.de Valincourt, auquel il avoit été
uni par le sang. L'Eloge de Louis XIV . fut court
mais très- bien manié. » France , dit - il , ta splendeur
est l'ouvrage de cet auguste Monarque ;
»tu lui dois plus , tu lui dois un Prince dans le
quel tu vois revivre toutes ses vertus , son zele
pour la Religion , son amour pour la justice ,
» sa tendresse pour ses Peuples et cette prudence
consommée , qui dans l'âge des passions
» le rend aussi maître de lui-même , qu'impenetrable
dans ses secrets, Nous passons plusieurs
traits de cet Eloge , où l'Orateur , en parlant des
nouvelles conquêtes du Roy , invite l'Académie
à les publier. Continuez , Messieurs , dit- il en
finissant son Discours , de transmettre à la
posterité les louanges de ce grand Roy. Vous y
" joindrez celles d'un Ministre vertueux , modes.
» te , équitable , occupé du bien public , négli
"}
まる
gent sa propre grandeur , et qui dans le plus
» haut rang, n'a d'autres richesses en partage que
» la confiance de son Maître et la veneration des
hommes . Les sages principes par lesquels il
» se conduit , n'ont jamais varié , et les sentimens
qu'il a imprimez à notre jeune Monarque
" assurent notre felicité .
ן כ
M. de Boze, Directeur de l'Academie, répondit
aux deux nouveaux Académiciens par un Discours
où l'éloquence et la délicatesse se trouvent réunis.
Après avoir fait remarquer que quelque douleur
dont l'Académie soit penetrée en perdant
d'illustres Confreres , il y auroit de l'injustice à
ne cesser de s'y livrer , puisqu'après tout sans ces
révolutions l'Académie n'auroit pas eu l'avantage
de posseder depuis son établissement tout ce que
France a produit de plus distingué par l'éru
dition , le goût et la politesse , il fit l'éloge de
feu
340 MERCURE DE FRANCE
*
feu M. l'Evêque de Blois ; et en s'adressant ensuite-
à M. de Montcrif : » Achevez , dit - il , de le
remplacer par vos sentimens pour l'Académie...
et , si nous sommes en droit d'exiger quelque
chose de plus , par votre empressement à marquer
au Prince qui vous honore d'une protection
si distinguee , notre respect , notre reconnoissance
et notre admiration . Les Muses
seules sembloient le disputer aux Graces. Un
bruit de guerre se fait entendre et il vole à la
gloire. Objet d'étonnement pour le vulgaire ,
qui croit que la Gloire , les Graces et les Muses
sont autant de Rivales , jalouses de former
» séparément des Héros qui leur appartiennent
en propre , au lieu qu'elles y travaillent de
concert dans le sang de Condé , et que la Religion
même s'interesse au succès ...
»
20
Pour vous , M en s'adressant à M. de S.Maur,
digne heritier de l'esprit et de la tendresse d'un
Confrere dont le souvenir nous sera toujours
cher , ce n'est ni à ce titre - là que vous avez
sollicité nos suffrages , ni la premiere fois que
vous y avez cû part ; ce qui mena à l'Eloge de
feu M. P'Evêque de Langres. Il dit ensuite ;
Que ne devons- nous pas attendre de vous
après l'élégante Traduction que vous nous
avez donnée de ce Poëme ,
que l'Angleterre
met au- dessus d'Homere et de Virgile , et que
nous leur préfererions , comme elle, si nous ne
consultions que le choix , l'interêt et la grandeur
du Sujet.
*
Nous passons plusieurs autres Refléxions de ce
goût , resserrez par nos bornes , pour rapporter
* S. A. S. M. le Comte de Clermont.
Le Paradis per du de Milton .
un
FEVRIER. 1734. 341
Endroit qui termine le Discours. Après avoir
exposé le but de l'Académie Françoise dans ses
travaux et l'attentlon de la Posterité qu'elle se
propose de mériter , autant par la délicatesse du
Pinceau , que par l'importance et la majesté du
Sujet , l'illustre Académicien ajoûta : Nous
» avions à lui apprendre qu'il est des Peuples assez
heureux pour n'admettre aucune difference
entre le zele et le devoir ; entre l'amour de la
» Patrie et la gloire du Souverain , qu'il est des
Ministres sages et puissants , simples , affables
set tranquilles au milieu du mouvement qu'ils
" donnent à l'Univers entier , qu'il est des Rois
" magnanimes , qui sacrifient leurs plus grands
interêts au repos et à la tranquillité publique,
" et que rien n'arrête dès qu'il faut venger la
splendeur du Trône qu'on offense , ou se-
"courir des Alliez qu'on opprime , des Rois en-
" fin , qui ne veulent être couronnez par les
"mains de la Victoire , qu'après l'avoir été par
» celles de la Justice et de la Picté .
et Dupré de Saint Maur , à l'Académie
Françoise le 29. Décembre 1733 .
M
R de Moncrif commença son Discours
par exposer l'utilité et les avantages de
P'Académie Françoise , non - seulement pour la
perfection de la Langue, mais même pour le progrès
de l'esprit, » Fixer le sens veritable de cha
mqua
FEVRIER. 1734. 337
5 ) que mot ... faire connoître en quoi consistent
ces tours heureux d'où naissent et la force et
P'agrément du langage , n'est- ce pas , dit - il ,
guider l'esprit ? ... n'est - ce pas lui donner lieu
de s'étendre et de se perfectionner ? » L'Orateur
fit ensuite successivement l'Eloge de l'illustre
Fondateur de cette Académie le Cardinal de Richelieu
, celui de M. Seguier , de Louis XIV . de
M. de Caumartin , dont M. de Montcrif remplit
la place vacante, de M.le Cardinal de Fleury,
de M. le Maréchal de Villars , et M. le Comte
de Clermont. Qu'il nous soit permis de toucher
quelques traits de ces Eloges .
ກ
En parlant du Cardinal de Richelieu , » Ce
» Cardinal dont le génie également vaste et su-
» blime , fit sentir à toute l'Europe que pour por-
» ter la France au plus haut degré de splendeur ,
» il ne falloit que lui apprendre à se connoître; Armand
, dis - je , après avoir étendu les limites
» et multiplié les avantages interieurs de l'Etat ,
s'empressa d'y ajoûter ce Monument , qui de-
» voit en accroître la gloire ... Richelieu voulut
former un établissement , qui dès sa naissance
présentât toute son utilité , il fonda l'Académie
Françoise. L'effet répondit à son attente
; l'Ouvrage parut , il étoit perfectionné ...
» C'étoit le siecle des prodiges. Louis XIV . regnoit
... Tout devoit marquer l'ascendant de'
Louis XIV . devenu votre Protecteur , il sembla
» qu'il avoit applani les routes pénibles que les
59
3
so talents et la science avoient été forcez de suivre
>> jusqu'alors.
5
Après avoir fait l'éloge de M. de Caumartin ,
le nouvel Académicien ajoûta en parlant de PAcadémie
; il est des objets de notre admiration ,
qui bien loin de perdre à être examinez de près, ၁၁
>> neus
338 MERCURE DE FRANCE
1
nous frappent au contraire plus vivement et
s'embellissent à mesure qu'on peut les distinguer
et les connoître davantage. Le Prince *à qui
"J'ai l'honneur d'être attaché, me le fait éprou-
» ver tous les jours . Il semble par l'habitude de
l'approcher (et il est bien rare que de l'habitude
» naissent des sujets d'éloge ) il semble , dis je ,
soit que qu'en lui l'éclat du rang ne la récompense
des qualitez personnelles , & c,
20
Le Discours de M. Dupré de Saint Maur
eut aussi des traits d'une éloquence variée ,
vive et animée . Il exposa le progrès de la Langue
Françoise , par les soins et les travaux
des illustres Membres de cette Académie dès
le temps même de sa fondation , c'est-à- dire ,
sous l'illustre Cardinal de Richelieu. » Ce sublime
génie , dit- il , semblable à ces intelligences
qui président aux destins des Empires ,
et sous le Chancelier Seguier , qui acheva cer
établissement. L'Académicien fit ensuite l'Eloge
de son Prédecesseur M. l'Evêque de Langres.
Après avoir touché son illustre naissance et fait
appercevoir l'étendue de ses connoissances : » Des
talens si distinguez , ajouta - t'il , lui mériterent
» l'honneur de votre adoption , mais la douceur
» qu'il goûtoit dans vos Exercices , ne prévalut
point sur ses devoirs. L'Episcopat vous l'enleva
» et sa résidence dans son Diocèse , où il s'ense-
» velit jusqu'à la mort consomme son Eloge.
"
&
L'Orateur témoigna ensuite modestement qu'il
n'attribuoit point à sa Traduction du Poëme de
Milton , l'honneur qu'il avoit de remplacer l'il-
Justre Academicien dont il venoit de faire l'Eloge
mais plutôt au souvenir que l'Académie a cor❤
Son A. S. Monseigneur le Comte de Clermons.
servé
'
FEVRIER . 1734. 339
"
servé de feu M.de Valincourt, auquel il avoit été
uni par le sang. L'Eloge de Louis XIV . fut court
mais très- bien manié. » France , dit - il , ta splendeur
est l'ouvrage de cet auguste Monarque ;
»tu lui dois plus , tu lui dois un Prince dans le
quel tu vois revivre toutes ses vertus , son zele
pour la Religion , son amour pour la justice ,
» sa tendresse pour ses Peuples et cette prudence
consommée , qui dans l'âge des passions
» le rend aussi maître de lui-même , qu'impenetrable
dans ses secrets, Nous passons plusieurs
traits de cet Eloge , où l'Orateur , en parlant des
nouvelles conquêtes du Roy , invite l'Académie
à les publier. Continuez , Messieurs , dit- il en
finissant son Discours , de transmettre à la
posterité les louanges de ce grand Roy. Vous y
" joindrez celles d'un Ministre vertueux , modes.
» te , équitable , occupé du bien public , négli
"}
まる
gent sa propre grandeur , et qui dans le plus
» haut rang, n'a d'autres richesses en partage que
» la confiance de son Maître et la veneration des
hommes . Les sages principes par lesquels il
» se conduit , n'ont jamais varié , et les sentimens
qu'il a imprimez à notre jeune Monarque
" assurent notre felicité .
ן כ
M. de Boze, Directeur de l'Academie, répondit
aux deux nouveaux Académiciens par un Discours
où l'éloquence et la délicatesse se trouvent réunis.
Après avoir fait remarquer que quelque douleur
dont l'Académie soit penetrée en perdant
d'illustres Confreres , il y auroit de l'injustice à
ne cesser de s'y livrer , puisqu'après tout sans ces
révolutions l'Académie n'auroit pas eu l'avantage
de posseder depuis son établissement tout ce que
France a produit de plus distingué par l'éru
dition , le goût et la politesse , il fit l'éloge de
feu
340 MERCURE DE FRANCE
*
feu M. l'Evêque de Blois ; et en s'adressant ensuite-
à M. de Montcrif : » Achevez , dit - il , de le
remplacer par vos sentimens pour l'Académie...
et , si nous sommes en droit d'exiger quelque
chose de plus , par votre empressement à marquer
au Prince qui vous honore d'une protection
si distinguee , notre respect , notre reconnoissance
et notre admiration . Les Muses
seules sembloient le disputer aux Graces. Un
bruit de guerre se fait entendre et il vole à la
gloire. Objet d'étonnement pour le vulgaire ,
qui croit que la Gloire , les Graces et les Muses
sont autant de Rivales , jalouses de former
» séparément des Héros qui leur appartiennent
en propre , au lieu qu'elles y travaillent de
concert dans le sang de Condé , et que la Religion
même s'interesse au succès ...
»
20
Pour vous , M en s'adressant à M. de S.Maur,
digne heritier de l'esprit et de la tendresse d'un
Confrere dont le souvenir nous sera toujours
cher , ce n'est ni à ce titre - là que vous avez
sollicité nos suffrages , ni la premiere fois que
vous y avez cû part ; ce qui mena à l'Eloge de
feu M. P'Evêque de Langres. Il dit ensuite ;
Que ne devons- nous pas attendre de vous
après l'élégante Traduction que vous nous
avez donnée de ce Poëme ,
que l'Angleterre
met au- dessus d'Homere et de Virgile , et que
nous leur préfererions , comme elle, si nous ne
consultions que le choix , l'interêt et la grandeur
du Sujet.
*
Nous passons plusieurs autres Refléxions de ce
goût , resserrez par nos bornes , pour rapporter
* S. A. S. M. le Comte de Clermont.
Le Paradis per du de Milton .
un
FEVRIER. 1734. 341
Endroit qui termine le Discours. Après avoir
exposé le but de l'Académie Françoise dans ses
travaux et l'attentlon de la Posterité qu'elle se
propose de mériter , autant par la délicatesse du
Pinceau , que par l'importance et la majesté du
Sujet , l'illustre Académicien ajoûta : Nous
» avions à lui apprendre qu'il est des Peuples assez
heureux pour n'admettre aucune difference
entre le zele et le devoir ; entre l'amour de la
» Patrie et la gloire du Souverain , qu'il est des
Ministres sages et puissants , simples , affables
set tranquilles au milieu du mouvement qu'ils
" donnent à l'Univers entier , qu'il est des Rois
" magnanimes , qui sacrifient leurs plus grands
interêts au repos et à la tranquillité publique,
" et que rien n'arrête dès qu'il faut venger la
splendeur du Trône qu'on offense , ou se-
"courir des Alliez qu'on opprime , des Rois en-
" fin , qui ne veulent être couronnez par les
"mains de la Victoire , qu'après l'avoir été par
» celles de la Justice et de la Picté .
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Résumé : RECEPTION de MM. de Moncrif et Dupré de Saint Maur, à l'Académie Françoise le 29. Décembre 1733.
Le 29 décembre 1733, M. de Moncrif et M. Dupré de Saint Maur furent accueillis à l'Académie Française. M. de Moncrif, dans son discours, mit en avant l'importance de l'Académie pour la perfection de la langue et le progrès de l'esprit. Il rendit hommage à plusieurs personnalités marquantes, notamment le Cardinal de Richelieu, fondateur de l'Académie, et Louis XIV, protecteur de l'Académie. Richelieu fut salué pour son génie ayant conduit la France à son apogée en lui permettant de se connaître. Louis XIV fut loué pour avoir favorisé les talents et la science. M. de Moncrif mentionna également M. Seguier, M. de Caumartin, le Cardinal de Fleury, le Maréchal de Villars et le Comte de Clermont. M. Dupré de Saint Maur, dans son allocution, souligna également le progrès de la langue française grâce aux travaux des membres de l'Académie depuis Richelieu et sous le Chancelier Seguier. Il exprima sa gratitude envers son prédécesseur, l'Évêque de Langres, et attribua son élection à la traduction du poème de Milton plutôt qu'à l'œuvre elle-même. Il rendit hommage à Louis XIV et à son successeur pour leurs vertus et leur engagement envers la religion et la justice. M. de Boze, Directeur de l'Académie, répondit aux nouveaux académiciens en soulignant que, malgré les pertes subies, l'Académie avait toujours su honorer les plus distingués par leur érudition et leur politesse. Il fit l'éloge de l'Évêque de Blois et encouragea M. de Moncrif à honorer le Prince par son dévouement. Il loua également M. Dupré de Saint Maur pour sa traduction élégante du poème de Milton. Le discours se conclut par une réflexion sur les valeurs de l'Académie et les qualités des souverains et ministres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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53
p. 109-115
SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.
Début :
Le 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie tint à l'ordinaire fon affemblée [...]
Mots clefs :
Séance publique, Académie des sciences et belles-lettres de Dijon, Société, Discours, Inégalités des conditions, Homme
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texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Dijon.
E 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie
tint à l'ordinaire fon affemblée LE
publique pour la diftribution du prix.
>
La féance fut ouverte par M. Lantin
de Damerci , Académicien honoraire .
qui fit l'éloge de M. Hector - Bernard Pouffier
, Doyen du Parlement de Bourgogne
& fondateur de l'Académie. Ce difcours
fait autant d'honneur au coeur qu'à l'efprit
de M. de Damerci , qui s'y montre partout
auffi bon citoyen qu'Académicien zélé.
En louant fon héros de ce qu'il a fait
pour la patrie , par deux établiſſemens auffi
nobles qu'ils font avantageux ( la donation
faite au Doyenné du Parlement , & la
fondation de l'Académie ) , il rend un tribut
légitime de louanges aux Bourguignons
célebres qui ont tenu un rang diftingué
dans la république des Lettres , & aux citoyens
illuftres , qui plus encore par leurs
vertus que par les places éminentes qu'ils
occupent, font l'honneur & la gloire de leur
pays . Parmi ces noms refpectables on voit
110 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir ceux de M. de Berbifey , ancien
premier Préſident du Parlement , qui
après avoir été trente ans à la tête de cette
compagnie , plein de jours & comblé de
gloire , réfolut de paffer fes jours dans une
heureufe tranquillité , en défignant pour
le remplacer , le grand Magiftrat qui eft
aujourd'hui le chef du Parlement ; de M.
Vitte , Doyen du Parlement , & premier
Directeur de l'Académie , & de M. Joly
de Fleury , Intendant de Bourgogne , dont
les ancêtres ont rempli avec éclat les places
les plus diftinguées du Parlement de
Dijon. L'Orateur le loue avec autant de
difcernement que de délicateffe , & le peint
d'un feul trait en lui appliquant ce vers de:
Boileau ...
Soutient tout par lui-même , & voit tout par fes
yeux.
Ce difcours imprimé à Dijon in-4° . chez
J. Cofte , Imprimeur de l'Académie , eft
digne de la curiofité des Lettres & des
Arts. Outre l'érudition diftinguée qui y
regne , on y trouve plufieurs anecdotes
intéreffantes , & des réflexions fages fur les
établiffemens publics.
M. Gelot , Procureur du Roi du Domaine
, Académicien penfionnaire de la claſſe
de morale , chargé de la diftribution du
FEVRIER. 1755 111
prix , lut enfuite un difcours fur le fujer
propofé ; fçavoir quelle eft la fource de
Pinégalité parmi les hommes , & fi elle eft approuvée
par la loi naturelle.
Il y fait la critique de la méthode qu'ont
fuivie le grand nombre d'Auteurs qui ont
concouru , & dont les piéces ont été rejettées.
7
» Les Auteurs , dit M. G. qui ont traité
» de l'inégalité des conditions , plus ingé-
» nieux qu'exacts , ont orné leurs fujets ,
» mais ils ont manqué la reffemblance.
» Leurs écrits forment , fi l'on veut , une
» fuite d'idées brillantes ; mais on ne peut
» fe diffimuler que l'expérience de tous les
» fiécles & l'hiftoire de toutes les nations
» les démentent : .... La liberté qu'ils ac-
» cordent à l'homme , dégénere en licence
» effrénée ; il n'eft aucune fubordination
qu'ils ne traitent d'efclavage intoléra-
»ble... Aucun d'eux n'a daigné recourir
à l'Hiftoire : quel guide plus éclairé pouvoit
mieux leur indiquer la route qu'ils
» devoient fuivre pour parvenir à la vérité ?
Ainfi la cenfure de M. G. tombe fur
tous les difcours qui ont concouru ș fans
cependant avoir pour objet celui qui a été
couronné , & celui qui l'a approché de
plus près , dont il fera parlé plus bas .
Il dit enfuite qu'il a exifté & qu'il
"
112 MERCURE DE FRANCE.
exifte encore des fociétés où la nature fe
montre fans nuages , que fes reffources &
fes foibleffes s'y laiffent aifément faifir par
l'obfervateur impartial. Les Scythes & les
Germains , dans des fiécles plus reculés ; de
nos jours , les peuples de l'Amérique of
frent une multitude de preuves , de faits ,
de circonstances , qui apprennent à connoître
l'état primitif de la fociété ja les
défauts vifibles & groffiers où le manque
de fubordination précipita autrefois , & retient
encore les nations barbares citées en
exemple , forment autant de principes ,
defquels il eſt naturel de conclure avec
M. G. » que dans toute fociété perfection-
» née , je veux dire celle où les loix , les
" fciences & les arts fleutiffent , l'inégali-
» té des conditions eft néceffaire , qu'elle
» eft liée à la conftitution de cette fociété ,
» qu'elle en eft la bafe & le foutien ; &
par une feconde conféquence de ce prin-
» cipe fondée fur l'expérience de toutes
» les nations , que cette inégalité de condition
eft conforme à la loi naturelle.
Il va plus loin ; il expofe les dangers
continuels de cet état de barbarie , où l'on
ne peut efperer ni fûreté ni agrémens ,
d'où les talens & les arts fort bannis , &
où l'efprit & l'intelligence, qui font la meil
leure portion de notre exiſtence , éprouveFEVRIER.
1755. II}
و د
roient bientôt le même fort. » Ceux donc
qui ont regardé l'inégalité des conditions
comme contraire à la loi naturel-
» le , ne font tombés dans cette erreur que
» faute d'avoir connu la loi naturelle , &
» de lui avoir donné toute l'étendue qu'elle
>> doit avoir.
» L'homme eft né pour la fociété ; la
négative de cette propofition feroit une
» abfurdité ... S'il eft un cas où un hom-
"
"
me exifte fans faire partie d'aucune fo
» ciété , il eft fingulier , & ne peut être ici
» d'aucune confidération ... Mais donnez
» à cet homme un compagnon de folitude ,
≫ vous verrez bientôt les préceptes & les
obligations de la loi naturelle s'accroître
» à leurs égards. Multipliez ce nombre
» d'hommes , cette même loi naturelle reçoit
de nouvelles explications , prefcrit
» de nouveaux devoirs , qui fe combinent
» & fe multiplient conformément à tous
» les cas & à toutes les fituations où les
» membres de la fociété peuvent fe trou
» ver ... De là fe forment les rangs & les
» diſtinctions , en un mot l'inégalité des
» conditions .
و ر
"
·
» La fociété n'eft peut-être pas auffi par
» faite qu'elle pourroit l'être ; mais il feroit
injufte de la juger fur les abus qu'elle
» tolere , plutôt que fur les biens qu'elle
*
114 MERCURE DE FRANCE.
procure... Ce font des hommes qui la
»compofent & qui la régiffent ; ils ne peu-
» vent toujours le dépouiller de leurs paf-
» fions , de leurs foibleffes & de leurs erreurs
; les loix de cette fociété font leurs
» ouvrages , quelquefois ils portent le ſceau
» de l'humanité.
La différence des caracteres eft une des
preuves naturelles dont M. G. fe fert pour
établir l'inégalité des conditions ; il fait
fentir aux Philofophes orgueilleux , qui
ont déclamé contre ce principe fondamental
de toute fociété , combien eux-mêmes
ils feroient à plaindre fi leurs fophifmes
acqueroient affez de crédit pour changer
l'état des chofes. Il termine fon difcours
par cette fage conclufion : » Que chaque
membre de la fociété jouiffe avec modé-
» ration des avantages qu'elle lui procure ,
qu'il évite avec prudence l'effet de quel-
» ques abus qu'elle eft forcée de tolérer ,
» mais que dans tous les cas il refpecte
l'ordre établi.
Le problème intéreffant de l'inégalité
des conditions l'eft devenu davantage , par
la maniere ingénieufe & fage avec laquelle
M. Talbert , Chanoine de l'Eglife de Befançon,
& membre de l'Académie de la même
ville , l'a développé dans le difcours
que l'Académie couronne aujourd'hui. Son
FEVRIER. 1755. IIS
ftyle , fes preuves & fes réflexions annoncent
par-tout un philofophe éclairé , un auteur
chrétien , & un orateur élégant.
Sa religion a aidé fa raifon dans fes
»recherches , & leurs lumieres réunies lui
» ont fait trouver dans le coeur de l'hom-
» me même la folution du problême.
Pour ne rien ôter aux beautés de ce difcours
, il faudroit le rapporter en entier;
mais comme M. Talbert eft difpofé à le
faire imprimer , le public jugera par luimême
des talens de l'auteur & des motifs
qui ont déterminé l'Académie à le cou-
Fonner:
M. Etaffe , étudiant en Droit à Rennes ,
eft le feul concurrent que l'Académie ait
jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert.
Son difcours a pour devife , Urget
amor patria laudumque immenfa cupido.Pour
faire fon éloge , il fuffit d'annoncer qu'iba
fuivi le même plan , & faifi les mêmes
idées que fon rival ; mais il a été moins
heureux dans l'expofition , & n'a pas feu
répandre fur fon fujet autant de beautés
réelles que M. l'Abbé Talbert.
De l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Dijon.
E 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie
tint à l'ordinaire fon affemblée LE
publique pour la diftribution du prix.
>
La féance fut ouverte par M. Lantin
de Damerci , Académicien honoraire .
qui fit l'éloge de M. Hector - Bernard Pouffier
, Doyen du Parlement de Bourgogne
& fondateur de l'Académie. Ce difcours
fait autant d'honneur au coeur qu'à l'efprit
de M. de Damerci , qui s'y montre partout
auffi bon citoyen qu'Académicien zélé.
En louant fon héros de ce qu'il a fait
pour la patrie , par deux établiſſemens auffi
nobles qu'ils font avantageux ( la donation
faite au Doyenné du Parlement , & la
fondation de l'Académie ) , il rend un tribut
légitime de louanges aux Bourguignons
célebres qui ont tenu un rang diftingué
dans la république des Lettres , & aux citoyens
illuftres , qui plus encore par leurs
vertus que par les places éminentes qu'ils
occupent, font l'honneur & la gloire de leur
pays . Parmi ces noms refpectables on voit
110 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir ceux de M. de Berbifey , ancien
premier Préſident du Parlement , qui
après avoir été trente ans à la tête de cette
compagnie , plein de jours & comblé de
gloire , réfolut de paffer fes jours dans une
heureufe tranquillité , en défignant pour
le remplacer , le grand Magiftrat qui eft
aujourd'hui le chef du Parlement ; de M.
Vitte , Doyen du Parlement , & premier
Directeur de l'Académie , & de M. Joly
de Fleury , Intendant de Bourgogne , dont
les ancêtres ont rempli avec éclat les places
les plus diftinguées du Parlement de
Dijon. L'Orateur le loue avec autant de
difcernement que de délicateffe , & le peint
d'un feul trait en lui appliquant ce vers de:
Boileau ...
Soutient tout par lui-même , & voit tout par fes
yeux.
Ce difcours imprimé à Dijon in-4° . chez
J. Cofte , Imprimeur de l'Académie , eft
digne de la curiofité des Lettres & des
Arts. Outre l'érudition diftinguée qui y
regne , on y trouve plufieurs anecdotes
intéreffantes , & des réflexions fages fur les
établiffemens publics.
M. Gelot , Procureur du Roi du Domaine
, Académicien penfionnaire de la claſſe
de morale , chargé de la diftribution du
FEVRIER. 1755 111
prix , lut enfuite un difcours fur le fujer
propofé ; fçavoir quelle eft la fource de
Pinégalité parmi les hommes , & fi elle eft approuvée
par la loi naturelle.
Il y fait la critique de la méthode qu'ont
fuivie le grand nombre d'Auteurs qui ont
concouru , & dont les piéces ont été rejettées.
7
» Les Auteurs , dit M. G. qui ont traité
» de l'inégalité des conditions , plus ingé-
» nieux qu'exacts , ont orné leurs fujets ,
» mais ils ont manqué la reffemblance.
» Leurs écrits forment , fi l'on veut , une
» fuite d'idées brillantes ; mais on ne peut
» fe diffimuler que l'expérience de tous les
» fiécles & l'hiftoire de toutes les nations
» les démentent : .... La liberté qu'ils ac-
» cordent à l'homme , dégénere en licence
» effrénée ; il n'eft aucune fubordination
qu'ils ne traitent d'efclavage intoléra-
»ble... Aucun d'eux n'a daigné recourir
à l'Hiftoire : quel guide plus éclairé pouvoit
mieux leur indiquer la route qu'ils
» devoient fuivre pour parvenir à la vérité ?
Ainfi la cenfure de M. G. tombe fur
tous les difcours qui ont concouru ș fans
cependant avoir pour objet celui qui a été
couronné , & celui qui l'a approché de
plus près , dont il fera parlé plus bas .
Il dit enfuite qu'il a exifté & qu'il
"
112 MERCURE DE FRANCE.
exifte encore des fociétés où la nature fe
montre fans nuages , que fes reffources &
fes foibleffes s'y laiffent aifément faifir par
l'obfervateur impartial. Les Scythes & les
Germains , dans des fiécles plus reculés ; de
nos jours , les peuples de l'Amérique of
frent une multitude de preuves , de faits ,
de circonstances , qui apprennent à connoître
l'état primitif de la fociété ja les
défauts vifibles & groffiers où le manque
de fubordination précipita autrefois , & retient
encore les nations barbares citées en
exemple , forment autant de principes ,
defquels il eſt naturel de conclure avec
M. G. » que dans toute fociété perfection-
» née , je veux dire celle où les loix , les
" fciences & les arts fleutiffent , l'inégali-
» té des conditions eft néceffaire , qu'elle
» eft liée à la conftitution de cette fociété ,
» qu'elle en eft la bafe & le foutien ; &
par une feconde conféquence de ce prin-
» cipe fondée fur l'expérience de toutes
» les nations , que cette inégalité de condition
eft conforme à la loi naturelle.
Il va plus loin ; il expofe les dangers
continuels de cet état de barbarie , où l'on
ne peut efperer ni fûreté ni agrémens ,
d'où les talens & les arts fort bannis , &
où l'efprit & l'intelligence, qui font la meil
leure portion de notre exiſtence , éprouveFEVRIER.
1755. II}
و د
roient bientôt le même fort. » Ceux donc
qui ont regardé l'inégalité des conditions
comme contraire à la loi naturel-
» le , ne font tombés dans cette erreur que
» faute d'avoir connu la loi naturelle , &
» de lui avoir donné toute l'étendue qu'elle
>> doit avoir.
» L'homme eft né pour la fociété ; la
négative de cette propofition feroit une
» abfurdité ... S'il eft un cas où un hom-
"
"
me exifte fans faire partie d'aucune fo
» ciété , il eft fingulier , & ne peut être ici
» d'aucune confidération ... Mais donnez
» à cet homme un compagnon de folitude ,
≫ vous verrez bientôt les préceptes & les
obligations de la loi naturelle s'accroître
» à leurs égards. Multipliez ce nombre
» d'hommes , cette même loi naturelle reçoit
de nouvelles explications , prefcrit
» de nouveaux devoirs , qui fe combinent
» & fe multiplient conformément à tous
» les cas & à toutes les fituations où les
» membres de la fociété peuvent fe trou
» ver ... De là fe forment les rangs & les
» diſtinctions , en un mot l'inégalité des
» conditions .
و ر
"
·
» La fociété n'eft peut-être pas auffi par
» faite qu'elle pourroit l'être ; mais il feroit
injufte de la juger fur les abus qu'elle
» tolere , plutôt que fur les biens qu'elle
*
114 MERCURE DE FRANCE.
procure... Ce font des hommes qui la
»compofent & qui la régiffent ; ils ne peu-
» vent toujours le dépouiller de leurs paf-
» fions , de leurs foibleffes & de leurs erreurs
; les loix de cette fociété font leurs
» ouvrages , quelquefois ils portent le ſceau
» de l'humanité.
La différence des caracteres eft une des
preuves naturelles dont M. G. fe fert pour
établir l'inégalité des conditions ; il fait
fentir aux Philofophes orgueilleux , qui
ont déclamé contre ce principe fondamental
de toute fociété , combien eux-mêmes
ils feroient à plaindre fi leurs fophifmes
acqueroient affez de crédit pour changer
l'état des chofes. Il termine fon difcours
par cette fage conclufion : » Que chaque
membre de la fociété jouiffe avec modé-
» ration des avantages qu'elle lui procure ,
qu'il évite avec prudence l'effet de quel-
» ques abus qu'elle eft forcée de tolérer ,
» mais que dans tous les cas il refpecte
l'ordre établi.
Le problème intéreffant de l'inégalité
des conditions l'eft devenu davantage , par
la maniere ingénieufe & fage avec laquelle
M. Talbert , Chanoine de l'Eglife de Befançon,
& membre de l'Académie de la même
ville , l'a développé dans le difcours
que l'Académie couronne aujourd'hui. Son
FEVRIER. 1755. IIS
ftyle , fes preuves & fes réflexions annoncent
par-tout un philofophe éclairé , un auteur
chrétien , & un orateur élégant.
Sa religion a aidé fa raifon dans fes
»recherches , & leurs lumieres réunies lui
» ont fait trouver dans le coeur de l'hom-
» me même la folution du problême.
Pour ne rien ôter aux beautés de ce difcours
, il faudroit le rapporter en entier;
mais comme M. Talbert eft difpofé à le
faire imprimer , le public jugera par luimême
des talens de l'auteur & des motifs
qui ont déterminé l'Académie à le cou-
Fonner:
M. Etaffe , étudiant en Droit à Rennes ,
eft le feul concurrent que l'Académie ait
jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert.
Son difcours a pour devife , Urget
amor patria laudumque immenfa cupido.Pour
faire fon éloge , il fuffit d'annoncer qu'iba
fuivi le même plan , & faifi les mêmes
idées que fon rival ; mais il a été moins
heureux dans l'expofition , & n'a pas feu
répandre fur fon fujet autant de beautés
réelles que M. l'Abbé Talbert.
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54
p. 109-115
SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.
Début :
Le 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie tint à l'ordinaire fon affemblée [...]
Mots clefs :
Séance publique, Académie des sciences et belles-lettres de Dijon, Société, Discours, Inégalités des conditions, Homme
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texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Dijon.
E 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie
tint à l'ordinaire fon affemblée LE
publique pour la diftribution du prix.
>
La féance fut ouverte par M. Lantin
de Damerci , Académicien honoraire .
qui fit l'éloge de M. Hector - Bernard Pouffier
, Doyen du Parlement de Bourgogne
& fondateur de l'Académie. Ce difcours
fait autant d'honneur au coeur qu'à l'efprit
de M. de Damerci , qui s'y montre partout
auffi bon citoyen qu'Académicien zélé.
En louant fon héros de ce qu'il a fait
pour la patrie , par deux établiſſemens auffi
nobles qu'ils font avantageux ( la donation
faite au Doyenné du Parlement , & la
fondation de l'Académie ) , il rend un tribut
légitime de louanges aux Bourguignons
célebres qui ont tenu un rang diftingué
dans la république des Lettres , & aux citoyens
illuftres , qui plus encore par leurs
vertus que par les places éminentes qu'ils
occupent, font l'honneur & la gloire de leur
pays . Parmi ces noms refpectables on voit
110 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir ceux de M. de Berbifey , ancien
premier Préſident du Parlement , qui
après avoir été trente ans à la tête de cette
compagnie , plein de jours & comblé de
gloire , réfolut de paffer fes jours dans une
heureufe tranquillité , en défignant pour
le remplacer , le grand Magiftrat qui eft
aujourd'hui le chef du Parlement ; de M.
Vitte , Doyen du Parlement , & premier
Directeur de l'Académie , & de M. Joly
de Fleury , Intendant de Bourgogne , dont
les ancêtres ont rempli avec éclat les places
les plus diftinguées du Parlement de
Dijon. L'Orateur le loue avec autant de
difcernement que de délicateffe , & le peint
d'un feul trait en lui appliquant ce vers de:
Boileau ...
Soutient tout par lui-même , & voit tout par fes
yeux.
Ce difcours imprimé à Dijon in-4° . chez
J. Cofte , Imprimeur de l'Académie , eft
digne de la curiofité des Lettres & des
Arts. Outre l'érudition diftinguée qui y
regne , on y trouve plufieurs anecdotes
intéreffantes , & des réflexions fages fur les
établiffemens publics.
M. Gelot , Procureur du Roi du Domaine
, Académicien penfionnaire de la claſſe
de morale , chargé de la diftribution du
FEVRIER. 1755 111
prix , lut enfuite un difcours fur le fujer
propofé ; fçavoir quelle eft la fource de
Pinégalité parmi les hommes , & fi elle eft approuvée
par la loi naturelle.
Il y fait la critique de la méthode qu'ont
fuivie le grand nombre d'Auteurs qui ont
concouru , & dont les piéces ont été rejettées.
7
» Les Auteurs , dit M. G. qui ont traité
» de l'inégalité des conditions , plus ingé-
» nieux qu'exacts , ont orné leurs fujets ,
» mais ils ont manqué la reffemblance.
» Leurs écrits forment , fi l'on veut , une
» fuite d'idées brillantes ; mais on ne peut
» fe diffimuler que l'expérience de tous les
» fiécles & l'hiftoire de toutes les nations
» les démentent : .... La liberté qu'ils ac-
» cordent à l'homme , dégénere en licence
» effrénée ; il n'eft aucune fubordination
qu'ils ne traitent d'efclavage intoléra-
»ble... Aucun d'eux n'a daigné recourir
à l'Hiftoire : quel guide plus éclairé pouvoit
mieux leur indiquer la route qu'ils
» devoient fuivre pour parvenir à la vérité ?
Ainfi la cenfure de M. G. tombe fur
tous les difcours qui ont concouru ș fans
cependant avoir pour objet celui qui a été
couronné , & celui qui l'a approché de
plus près , dont il fera parlé plus bas .
Il dit enfuite qu'il a exifté & qu'il
"
112 MERCURE DE FRANCE.
exifte encore des fociétés où la nature fe
montre fans nuages , que fes reffources &
fes foibleffes s'y laiffent aifément faifir par
l'obfervateur impartial. Les Scythes & les
Germains , dans des fiécles plus reculés ; de
nos jours , les peuples de l'Amérique of
frent une multitude de preuves , de faits ,
de circonstances , qui apprennent à connoître
l'état primitif de la fociété ja les
défauts vifibles & groffiers où le manque
de fubordination précipita autrefois , & retient
encore les nations barbares citées en
exemple , forment autant de principes ,
defquels il eſt naturel de conclure avec
M. G. » que dans toute fociété perfection-
» née , je veux dire celle où les loix , les
" fciences & les arts fleutiffent , l'inégali-
» té des conditions eft néceffaire , qu'elle
» eft liée à la conftitution de cette fociété ,
» qu'elle en eft la bafe & le foutien ; &
par une feconde conféquence de ce prin-
» cipe fondée fur l'expérience de toutes
» les nations , que cette inégalité de condition
eft conforme à la loi naturelle.
Il va plus loin ; il expofe les dangers
continuels de cet état de barbarie , où l'on
ne peut efperer ni fûreté ni agrémens ,
d'où les talens & les arts fort bannis , &
où l'efprit & l'intelligence, qui font la meil
leure portion de notre exiſtence , éprouveFEVRIER.
1755. II}
و د
roient bientôt le même fort. » Ceux donc
qui ont regardé l'inégalité des conditions
comme contraire à la loi naturel-
» le , ne font tombés dans cette erreur que
» faute d'avoir connu la loi naturelle , &
» de lui avoir donné toute l'étendue qu'elle
>> doit avoir.
» L'homme eft né pour la fociété ; la
négative de cette propofition feroit une
» abfurdité ... S'il eft un cas où un hom-
"
"
me exifte fans faire partie d'aucune fo
» ciété , il eft fingulier , & ne peut être ici
» d'aucune confidération ... Mais donnez
» à cet homme un compagnon de folitude ,
≫ vous verrez bientôt les préceptes & les
obligations de la loi naturelle s'accroître
» à leurs égards. Multipliez ce nombre
» d'hommes , cette même loi naturelle reçoit
de nouvelles explications , prefcrit
» de nouveaux devoirs , qui fe combinent
» & fe multiplient conformément à tous
» les cas & à toutes les fituations où les
» membres de la fociété peuvent fe trou
» ver ... De là fe forment les rangs & les
» diſtinctions , en un mot l'inégalité des
» conditions .
و ر
"
·
» La fociété n'eft peut-être pas auffi par
» faite qu'elle pourroit l'être ; mais il feroit
injufte de la juger fur les abus qu'elle
» tolere , plutôt que fur les biens qu'elle
*
114 MERCURE DE FRANCE.
procure... Ce font des hommes qui la
»compofent & qui la régiffent ; ils ne peu-
» vent toujours le dépouiller de leurs paf-
» fions , de leurs foibleffes & de leurs erreurs
; les loix de cette fociété font leurs
» ouvrages , quelquefois ils portent le ſceau
» de l'humanité.
La différence des caracteres eft une des
preuves naturelles dont M. G. fe fert pour
établir l'inégalité des conditions ; il fait
fentir aux Philofophes orgueilleux , qui
ont déclamé contre ce principe fondamental
de toute fociété , combien eux-mêmes
ils feroient à plaindre fi leurs fophifmes
acqueroient affez de crédit pour changer
l'état des chofes. Il termine fon difcours
par cette fage conclufion : » Que chaque
membre de la fociété jouiffe avec modé-
» ration des avantages qu'elle lui procure ,
qu'il évite avec prudence l'effet de quel-
» ques abus qu'elle eft forcée de tolérer ,
» mais que dans tous les cas il refpecte
l'ordre établi.
Le problème intéreffant de l'inégalité
des conditions l'eft devenu davantage , par
la maniere ingénieufe & fage avec laquelle
M. Talbert , Chanoine de l'Eglife de Befançon,
& membre de l'Académie de la même
ville , l'a développé dans le difcours
que l'Académie couronne aujourd'hui. Son
FEVRIER. 1755. IIS
ftyle , fes preuves & fes réflexions annoncent
par-tout un philofophe éclairé , un auteur
chrétien , & un orateur élégant.
Sa religion a aidé fa raifon dans fes
»recherches , & leurs lumieres réunies lui
» ont fait trouver dans le coeur de l'hom-
» me même la folution du problême.
Pour ne rien ôter aux beautés de ce difcours
, il faudroit le rapporter en entier;
mais comme M. Talbert eft difpofé à le
faire imprimer , le public jugera par luimême
des talens de l'auteur & des motifs
qui ont déterminé l'Académie à le cou-
Fonner:
M. Etaffe , étudiant en Droit à Rennes ,
eft le feul concurrent que l'Académie ait
jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert.
Son difcours a pour devife , Urget
amor patria laudumque immenfa cupido.Pour
faire fon éloge , il fuffit d'annoncer qu'iba
fuivi le même plan , & faifi les mêmes
idées que fon rival ; mais il a été moins
heureux dans l'expofition , & n'a pas feu
répandre fur fon fujet autant de beautés
réelles que M. l'Abbé Talbert.
De l'Académie des Sciences & Belles- Lettres
de Dijon.
E 18 du mois d'Août 1754 , l'Académie
tint à l'ordinaire fon affemblée LE
publique pour la diftribution du prix.
>
La féance fut ouverte par M. Lantin
de Damerci , Académicien honoraire .
qui fit l'éloge de M. Hector - Bernard Pouffier
, Doyen du Parlement de Bourgogne
& fondateur de l'Académie. Ce difcours
fait autant d'honneur au coeur qu'à l'efprit
de M. de Damerci , qui s'y montre partout
auffi bon citoyen qu'Académicien zélé.
En louant fon héros de ce qu'il a fait
pour la patrie , par deux établiſſemens auffi
nobles qu'ils font avantageux ( la donation
faite au Doyenné du Parlement , & la
fondation de l'Académie ) , il rend un tribut
légitime de louanges aux Bourguignons
célebres qui ont tenu un rang diftingué
dans la république des Lettres , & aux citoyens
illuftres , qui plus encore par leurs
vertus que par les places éminentes qu'ils
occupent, font l'honneur & la gloire de leur
pays . Parmi ces noms refpectables on voit
110 MERCURE DE FRANCE.
avec plaifir ceux de M. de Berbifey , ancien
premier Préſident du Parlement , qui
après avoir été trente ans à la tête de cette
compagnie , plein de jours & comblé de
gloire , réfolut de paffer fes jours dans une
heureufe tranquillité , en défignant pour
le remplacer , le grand Magiftrat qui eft
aujourd'hui le chef du Parlement ; de M.
Vitte , Doyen du Parlement , & premier
Directeur de l'Académie , & de M. Joly
de Fleury , Intendant de Bourgogne , dont
les ancêtres ont rempli avec éclat les places
les plus diftinguées du Parlement de
Dijon. L'Orateur le loue avec autant de
difcernement que de délicateffe , & le peint
d'un feul trait en lui appliquant ce vers de:
Boileau ...
Soutient tout par lui-même , & voit tout par fes
yeux.
Ce difcours imprimé à Dijon in-4° . chez
J. Cofte , Imprimeur de l'Académie , eft
digne de la curiofité des Lettres & des
Arts. Outre l'érudition diftinguée qui y
regne , on y trouve plufieurs anecdotes
intéreffantes , & des réflexions fages fur les
établiffemens publics.
M. Gelot , Procureur du Roi du Domaine
, Académicien penfionnaire de la claſſe
de morale , chargé de la diftribution du
FEVRIER. 1755 111
prix , lut enfuite un difcours fur le fujer
propofé ; fçavoir quelle eft la fource de
Pinégalité parmi les hommes , & fi elle eft approuvée
par la loi naturelle.
Il y fait la critique de la méthode qu'ont
fuivie le grand nombre d'Auteurs qui ont
concouru , & dont les piéces ont été rejettées.
7
» Les Auteurs , dit M. G. qui ont traité
» de l'inégalité des conditions , plus ingé-
» nieux qu'exacts , ont orné leurs fujets ,
» mais ils ont manqué la reffemblance.
» Leurs écrits forment , fi l'on veut , une
» fuite d'idées brillantes ; mais on ne peut
» fe diffimuler que l'expérience de tous les
» fiécles & l'hiftoire de toutes les nations
» les démentent : .... La liberté qu'ils ac-
» cordent à l'homme , dégénere en licence
» effrénée ; il n'eft aucune fubordination
qu'ils ne traitent d'efclavage intoléra-
»ble... Aucun d'eux n'a daigné recourir
à l'Hiftoire : quel guide plus éclairé pouvoit
mieux leur indiquer la route qu'ils
» devoient fuivre pour parvenir à la vérité ?
Ainfi la cenfure de M. G. tombe fur
tous les difcours qui ont concouru ș fans
cependant avoir pour objet celui qui a été
couronné , & celui qui l'a approché de
plus près , dont il fera parlé plus bas .
Il dit enfuite qu'il a exifté & qu'il
"
112 MERCURE DE FRANCE.
exifte encore des fociétés où la nature fe
montre fans nuages , que fes reffources &
fes foibleffes s'y laiffent aifément faifir par
l'obfervateur impartial. Les Scythes & les
Germains , dans des fiécles plus reculés ; de
nos jours , les peuples de l'Amérique of
frent une multitude de preuves , de faits ,
de circonstances , qui apprennent à connoître
l'état primitif de la fociété ja les
défauts vifibles & groffiers où le manque
de fubordination précipita autrefois , & retient
encore les nations barbares citées en
exemple , forment autant de principes ,
defquels il eſt naturel de conclure avec
M. G. » que dans toute fociété perfection-
» née , je veux dire celle où les loix , les
" fciences & les arts fleutiffent , l'inégali-
» té des conditions eft néceffaire , qu'elle
» eft liée à la conftitution de cette fociété ,
» qu'elle en eft la bafe & le foutien ; &
par une feconde conféquence de ce prin-
» cipe fondée fur l'expérience de toutes
» les nations , que cette inégalité de condition
eft conforme à la loi naturelle.
Il va plus loin ; il expofe les dangers
continuels de cet état de barbarie , où l'on
ne peut efperer ni fûreté ni agrémens ,
d'où les talens & les arts fort bannis , &
où l'efprit & l'intelligence, qui font la meil
leure portion de notre exiſtence , éprouveFEVRIER.
1755. II}
و د
roient bientôt le même fort. » Ceux donc
qui ont regardé l'inégalité des conditions
comme contraire à la loi naturel-
» le , ne font tombés dans cette erreur que
» faute d'avoir connu la loi naturelle , &
» de lui avoir donné toute l'étendue qu'elle
>> doit avoir.
» L'homme eft né pour la fociété ; la
négative de cette propofition feroit une
» abfurdité ... S'il eft un cas où un hom-
"
"
me exifte fans faire partie d'aucune fo
» ciété , il eft fingulier , & ne peut être ici
» d'aucune confidération ... Mais donnez
» à cet homme un compagnon de folitude ,
≫ vous verrez bientôt les préceptes & les
obligations de la loi naturelle s'accroître
» à leurs égards. Multipliez ce nombre
» d'hommes , cette même loi naturelle reçoit
de nouvelles explications , prefcrit
» de nouveaux devoirs , qui fe combinent
» & fe multiplient conformément à tous
» les cas & à toutes les fituations où les
» membres de la fociété peuvent fe trou
» ver ... De là fe forment les rangs & les
» diſtinctions , en un mot l'inégalité des
» conditions .
و ر
"
·
» La fociété n'eft peut-être pas auffi par
» faite qu'elle pourroit l'être ; mais il feroit
injufte de la juger fur les abus qu'elle
» tolere , plutôt que fur les biens qu'elle
*
114 MERCURE DE FRANCE.
procure... Ce font des hommes qui la
»compofent & qui la régiffent ; ils ne peu-
» vent toujours le dépouiller de leurs paf-
» fions , de leurs foibleffes & de leurs erreurs
; les loix de cette fociété font leurs
» ouvrages , quelquefois ils portent le ſceau
» de l'humanité.
La différence des caracteres eft une des
preuves naturelles dont M. G. fe fert pour
établir l'inégalité des conditions ; il fait
fentir aux Philofophes orgueilleux , qui
ont déclamé contre ce principe fondamental
de toute fociété , combien eux-mêmes
ils feroient à plaindre fi leurs fophifmes
acqueroient affez de crédit pour changer
l'état des chofes. Il termine fon difcours
par cette fage conclufion : » Que chaque
membre de la fociété jouiffe avec modé-
» ration des avantages qu'elle lui procure ,
qu'il évite avec prudence l'effet de quel-
» ques abus qu'elle eft forcée de tolérer ,
» mais que dans tous les cas il refpecte
l'ordre établi.
Le problème intéreffant de l'inégalité
des conditions l'eft devenu davantage , par
la maniere ingénieufe & fage avec laquelle
M. Talbert , Chanoine de l'Eglife de Befançon,
& membre de l'Académie de la même
ville , l'a développé dans le difcours
que l'Académie couronne aujourd'hui. Son
FEVRIER. 1755. IIS
ftyle , fes preuves & fes réflexions annoncent
par-tout un philofophe éclairé , un auteur
chrétien , & un orateur élégant.
Sa religion a aidé fa raifon dans fes
»recherches , & leurs lumieres réunies lui
» ont fait trouver dans le coeur de l'hom-
» me même la folution du problême.
Pour ne rien ôter aux beautés de ce difcours
, il faudroit le rapporter en entier;
mais comme M. Talbert eft difpofé à le
faire imprimer , le public jugera par luimême
des talens de l'auteur & des motifs
qui ont déterminé l'Académie à le cou-
Fonner:
M. Etaffe , étudiant en Droit à Rennes ,
eft le feul concurrent que l'Académie ait
jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert.
Son difcours a pour devife , Urget
amor patria laudumque immenfa cupido.Pour
faire fon éloge , il fuffit d'annoncer qu'iba
fuivi le même plan , & faifi les mêmes
idées que fon rival ; mais il a été moins
heureux dans l'expofition , & n'a pas feu
répandre fur fon fujet autant de beautés
réelles que M. l'Abbé Talbert.
Fermer
Résumé : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie des Sciences & Belles-Lettres de Dijon.
Le 18 août 1754, l'Académie des Sciences et Belles-Lettres de Dijon organisa une séance publique pour la distribution du prix. La séance débuta par un discours de M. Lantin de Damerci, académicien honoraire, qui rendit hommage à M. Hector-Bernard Pouffier, doyen du Parlement de Bourgogne et fondateur de l'Académie. De Damerci souligna les contributions de Pouffier à la patrie, notamment par la donation au Doyenné du Parlement et la fondation de l'Académie. Il loua également des figures illustres de Bourgogne, telles que M. de Berbisey, ancien premier Président du Parlement, M. Vitte, doyen du Parlement et premier directeur de l'Académie, et M. Joly de Fleury, intendant de Bourgogne. Ensuite, M. Gelot, procureur du Roi du Domaine et académicien pensionnaire, lut un discours sur l'inégalité parmi les hommes et sa conformité avec la loi naturelle. Il critiqua les auteurs ayant traité de l'inégalité des conditions, les jugeant plus ingénieux qu'exacts, et souligna que leurs écrits étaient démentis par l'expérience des siècles et l'histoire des nations. Gelot affirma que l'inégalité des conditions est nécessaire dans une société perfectionnée, où les lois, les sciences et les arts fleurissent. Il conclut en exhortant chaque membre de la société à respecter l'ordre établi. Le problème de l'inégalité des conditions fut également développé par M. Talbert, chanoine de l'Église de Besançon et membre de l'Académie de la même ville, dont le discours fut couronné par l'Académie. Son style, ses preuves et ses réflexions témoignèrent d'un philosophe éclairé, d'un auteur chrétien et d'un orateur élégant. M. Etaffe, étudiant en droit à Rennes, fut le seul concurrent jugé digne d'entrer en lice avec M. Talbert, mais son discours fut moins réussi dans l'exposition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
55
p. 92-100
SEANCE PUBLIQUE De la Société royale des Sciences & Belles-Lettres de Nanci.
Début :
Le 20 d'Octobre dernier, la Société royale de Nanci tint, selon sa coutume, [...]
Mots clefs :
Société royale des sciences et belles-lettres de Nancy, Esprit philosophique, Discours, Génie, Académie, Nancy
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De la Société royale des Sciences & Belles-Lettres de Nanci.
SEANCE PUBLIQUE
De la Société royale des Sciences & Belles-
Lettres de Nanci.
E 20 d'Octobre dernier , la Société
royale de Nanci tint , felon fa coutume
, fa féance publique. Ce jour , fi cher
à l'Académie par la naiffance de fon fondateur
, fera encore mémorable dans fes
faftes par les fujets diftingués qu'elle vient
de recevoir. Elle comptoit déja parmi fes
membres les Fontenelle , les Hénault , les
Montefquieu; elle vient de s'affocier encore
les Maillebois , les Maupertuis , les la Condamine.
M. Dagay , Abbé de Soreze , de
l'Académie de Befançon , étoit venu exprès
de Franche-Comté à Nanci , pour faire en
ce jour fon remerciment , & M. le Corvaifier
, Secrétaire perpétuel de l'Académie
d'Angers , avoit envoyé le fien. Il fut lû
par M. le Chevalier de Solignac : la façon
de lire ne nuit point à un difcours ; celuici
fut prononcé avec goût , on l'écouta
avec attention , on le relira encore avec
plaiſir , mais il faut le lire tout entier :
quelques morceaux détachés ne feroient
connoître qu'imparfaitement le ftyle & les
fentimens de l'auteur.
AVRIL. 1755.
93
" La gloire ( dit M. le Corvaifier ) eſt
» le premier objet d'une Société d'hommes
» de Lettres , les travaux utiles la procu-
» rent , les fuccès la confirment , l'hom-
» mage du public en fixe la folidité ; elle
devient le fond & la richeffe d'un Aca-
» démie , on peut l'augmenter en la com-
» muniquant mais on peut auffi l'affoiblir
, forfqu'on admetquelqu'un à y par-
;
ticiper. Que je crains , Meffieurs , que
» vous n'ayez à vous reprocher bientôt vo-
» tre indulgence ! vous m'affociez à vos
» triomphes littéraires , pouvois- je l'efpe-
» rer ? vous exigez de moi des travaux
ferois-je affez heureux pour remplir vos
» intentions & mes devoirs ?
» Les ouvrages qui honorent votre compagnie
, & qui lui appartiennent , font
marqués au coin de l'érudition , fuppo-
» fent des recherches , annoncent des con-
» noiffances , & portent le caractere du
»goût & du génie ; ils n'éblouiffent point ,
» ils intéreffent ; ils ne féduifent point , ils
» perfuadent ; ils n'amufent pas feulement,
ils inftruifent ; ils n'obtiennent point un
applaudiffement paffager , on les admire
toujours. Quelles productions , Mef-
» fieurs , aurois-je à vous offrir qui puiffent
» être placées à côté des vôtres ? Je n'ai
pour moi que du zéle . Je ne dois pas ce4
MERCURE DE FRANCE.
pendant oublier le feul moyen que je
puiffe faire voir pour vous être agréable .
» La maniere que j'ai employée à célébrer
» les vertus du Monarque de la France , a
mérité l'approbation de votre auguſte
fondateur. Un fuffrage fi refpectable de-
» vroit calmer mes inquiétudes , & ſoute
> nir mes efpérances ; mais puis-je me dif-
» fimuler que j'ai entrepris le fujet le plus
»magnifique & le plus fécond ? qu'il ne
» s'agiffoit pas d'embellir les objets , mais
» de les montrer : qu'il fuffifoit d'être ci-
» toyen & de connoître fon Roi . On ne
peut me fçavoir gré que du choix ; la ma
tiere que j'ai embraffée , eft affez riche
»pour foutenir celui qui la traite , & pour
» fuppléer aux talens .
M. de Corvaifier parle enfuite des dif
férens établiſſemens qu'a fondés le Roi de
Pologne , & des ouvrages qu'il a compo
fés ; & après avoir expofé le plan des uns
& fait l'analyse des autres , il conclut que
les amuſemens ingénieux de ce Prince ,
auffi-bien que fes plus férieufes occupa
tions , tournent également au profit de la
religion & de l'humanité.
-
Après la lecture de ce difcours , M.
Dagay , Abbé de Soreze , Chanoine de
T'Eglife métropolitaine de Franche - Comté
, & membre de l'Académie de Befan-
•
AVRIL. 1755. 95
çon , prononça lui - même fon remerci
ment , qu'il finit ainfi . » C'eſt à vous ,
Meffieurs , qu'eft réſervée la gloire de
» tranfmettre aux fiécles à venir les fenti-
❤mens magnanimes , & les actions héroïques
dont vous êtes les témoins : c'eft à
» vous à dépofer dans le fein de la renom-
» mée tout le détail d'une vie qui doit
» être à jamais le modele & l'exemple des
»
Rois. La feule chofe que vous avez à
» craindre , c'eſt que les faits que vous de-
≫ vez raconter , & qui fe paflent fous vos
n yeux , ne paroiffent aux yeux de la pof
térité une fiction ingénieufe, plus propre
à rendre la vertu aimable que reffemblante
à la vérité. Mais raffurez - vous ,
» Meffieurs , tant de grands établiſſemens
» également utiles à la religion & à l'hu-
» manité , plus durables que le marbre &
le bronze qui les atteftent , & qui font
confignés dans les annales de l'Eglife &
dans les archives des nations , garanti
ront la certitude de votre témoignage.
Daigne la providence , qui a toujours fi
» vifiblement protégé ce Monarque , mettre
le comble à tous nos voeux Puiffent
fes jours précieux fe prolonger aux dépens
de nos années , fe perpétuer au gré
- de nos defirs , fe multiplier à proportion
de fes vertus , & durer autant que fes
Sbienfaits !
96 MERCURE DE FRANCE.
M. le Comte de Cuftine , Directeur de
l'Académie , lui répondit. Il parla avec
cette politeffe & cette modeftie qui ca
racteriſent le vrai mérite , & qui conviennent
fi bien aux perfonnes de fon rang.
Son difcours fut généralement applaudi.
Il le termina par ces paroles , qu'il adreffa
à la Compagnie. » Suivez , Meffieurs , les
» hautes deftinées qui attendent tout ce
»
qui eft l'ouvrage de Staniflas ; marchez
" avec confiance dans la carriere où il
» vous précéde , & s'il arrivoit jamais que
» votre ardeur fe rallentît , rappellez - vous
que fa gloire eft inféparable de la vôtre.
- M. de Beauchamp , Lieutenant de Roi à
Nanci , prononça un difcours fur l'ambi
tion. Il diftingua la noble ambition , qui a
pour principe l'amour de la patrie , & pour
objet l'utilité publique , de l'ambition criminelle
qui ne confulte que l'orgueil , &
qui n'afpire qu'à l'indépendance. Il prouva
par des raifons folides & des exemples
choifis , qu'autant que l'une eft louable &
peut être utile , autant l'autre eft funefte
& digne de mépris.
M. Montignot , Chanoine de l'Eglife
cathédrale de Toul , fit une differtation
fur l'efprit philofophique , dans laquelle
il fit voir que ni Lucrece , malgré la beauté
de fon génie poëtique ; ni Spinofa ,
malgré
AVRIL. 1755 . 97.
malgré l'invention hardie & la liaiſon de
fon fyftême ; ni Bayle , malgré les argumens
fpécieux de la plus fine dialectique ,
n'étoient pas de vrais Philofophes.
L'auteur avoit commencé par remonter
jufqu'au tems heureux où l'efprit philofophique
vint à paroître dans le monde.
» Qu'entendoit- on , dit- il , avant Defcar-
» tes , par cette forte d'efprit ? Etoit - ce
cette recherche févere & rigoureuſe de
» la vérité , qui pefe , balance , examine
• fans prévention , & ne s'arrête que lorf
» que l'évidence paroît : Etoit-ce ce jugement
vif& pénétrant , qui ne fe laiffant
égarer par aucune fauffe lueur , avance
» toujours d'un pas égal vers la vérité ,
» parce qu'il ne veut la reconnoître que
» dans les principes d'une claire percep
» tion , par un fentiment intérieur , ou
d'après des obfervations exactes & ré-
» pétées avec fcrupule ? Non , Meffieurs ,
ajoute-t-il , on ne penfoit même pas qu'il
»fallût acheter fi cherement la qualité de
Philofophe .... Ceux qui portoient ce
» nom , on les difpenfoit alors d'étudier
la nature , & d'obferver fes loix ; mais
" on exigeoit qu'ils excellaffent dans l'art
dangereux d'embarraffer une difficulté
par toutes les fubtilités qu'une fauffe dialectique
enfeigne ; qu'ils fuffent habiles
D
ود
"
E
98 MERCURE DE FRANCE .
» dans la fcience des mots ..... Defcartes
paroît. Sa raifon ne peut fouffrir le joug
honteux où gémiffoit le refte des hom-
» mes. Il menace de renverfer jufques dans
»fes fondemens le vieil édifice de la Phi-
» lofophie d'Ariftote , qu'il ne trouve
étayée que par la prévention de fon fié-
>> cle . Cet heureux génie a le courage de
» donner les premiers coups ; il frappe
s d'une main fure. If nons trace en vain-
» queur les vraie's routes du fçavoir ... Je
» fixe à cette époque , continue M. Montignot
, le moment où le véritable ef
» prit philofophique commença à repa-
»roître fur la terre ... Vous connoiffez ,
» Meffieurs , les avantages que la Société
» en a retirés. Mon deffein me conduit
» plus loin ; je l'envifage du côté de la re
ligion , & je dis que l'efprit philofophi
" que lui eft avantageux
, ou plutôt qu'il
» ne lui eftpas nuifible : mais eft-il facile,
» ajoute - t - il , d'accorder
enſemble
cette
docilité d'enfant , que la foi exige pour
des vérités qu'il eft défendu
d'approfon
» dir , avec ces principes
féveres de la Phi-
» lofophie moderne
, qui fe fait une loi
inviolable de n'acquiefcer à aucune opi-
» nion , jufqu'à ce que l'évidence paroiſſe ,
» & qu'elle éclaire une vérité , comme un
beau jour qui vient rendre aux objets
AVRIL. 1755.
ITI
93
93
"
1,
?
BECO
ON
leurs couleurs naturelles : Ce font des
» doutes & des frayeurs qui n'age
gueres que cette partie des hommes qué
» n'ont pas médité fur le caractere de
»l'efprit philofophique , parce qu'ils n'en
» fout point éclairés .... Rendons ici l'ef
prit philofophique refpectable à leurs
yeux Montrons qu'il eft avantageux à la
religion , & qu'il la fert auffi utilement
» qu'ilmérite d'en être honoré. » Dans le
détail ouventre enfuite M. Montignot , il
fait voir que l'efprit philofophique fert à
faire appercevoir les bornes de la raiſon ,
la néceffité d'une révélation & l'obligation
de s'y foumettre. On ne fçauroit fuivre
l'auteur dans tous fes raifonnemens . Ils
font auffi forts qu'ils le pouvoient être , &
toute Baffemblée en fut extrêmement frappée.
Cet ouvrage paroîtra , fans doute ,
bientôt dans les mémoires de l'Académie
de Nanci , avec ceux dont nous venons
de parler ob a
}
D'HOURY , Libraire , rue de la Vieille
Bouclerie , donnera inceffamment une nouvelle
édition de la Chymie médicinale , de
M. Malouin , Médecin ordinaire de la
Reine.
ailty
CONSIDERATIONS fur les caufes de la
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
grandeur des Romains & de leur décadence
; nouvelle édition , à laquelle on a
joint un dialogue de Sylla & d'Eucrate .
A Paris , chez Guillyn , quai des Auguftins
, du côté du pont Saint Michel , au Lys
d'or. 1755 .
édition ; par
URE
>
ESSAI SUR L'ARCHITECTURE , nouvelle
le P. Laugier de la Compagnie
de Jefus. A Paris , chez Duchesne ,
Libraire , rue Saint Jacques , au Temple
du goût. 1755 .
Cette édition eft augmentée, d'un dictionnaire
des termes , avec des planches
qui en facilitent l'explication .
De la Société royale des Sciences & Belles-
Lettres de Nanci.
E 20 d'Octobre dernier , la Société
royale de Nanci tint , felon fa coutume
, fa féance publique. Ce jour , fi cher
à l'Académie par la naiffance de fon fondateur
, fera encore mémorable dans fes
faftes par les fujets diftingués qu'elle vient
de recevoir. Elle comptoit déja parmi fes
membres les Fontenelle , les Hénault , les
Montefquieu; elle vient de s'affocier encore
les Maillebois , les Maupertuis , les la Condamine.
M. Dagay , Abbé de Soreze , de
l'Académie de Befançon , étoit venu exprès
de Franche-Comté à Nanci , pour faire en
ce jour fon remerciment , & M. le Corvaifier
, Secrétaire perpétuel de l'Académie
d'Angers , avoit envoyé le fien. Il fut lû
par M. le Chevalier de Solignac : la façon
de lire ne nuit point à un difcours ; celuici
fut prononcé avec goût , on l'écouta
avec attention , on le relira encore avec
plaiſir , mais il faut le lire tout entier :
quelques morceaux détachés ne feroient
connoître qu'imparfaitement le ftyle & les
fentimens de l'auteur.
AVRIL. 1755.
93
" La gloire ( dit M. le Corvaifier ) eſt
» le premier objet d'une Société d'hommes
» de Lettres , les travaux utiles la procu-
» rent , les fuccès la confirment , l'hom-
» mage du public en fixe la folidité ; elle
devient le fond & la richeffe d'un Aca-
» démie , on peut l'augmenter en la com-
» muniquant mais on peut auffi l'affoiblir
, forfqu'on admetquelqu'un à y par-
;
ticiper. Que je crains , Meffieurs , que
» vous n'ayez à vous reprocher bientôt vo-
» tre indulgence ! vous m'affociez à vos
» triomphes littéraires , pouvois- je l'efpe-
» rer ? vous exigez de moi des travaux
ferois-je affez heureux pour remplir vos
» intentions & mes devoirs ?
» Les ouvrages qui honorent votre compagnie
, & qui lui appartiennent , font
marqués au coin de l'érudition , fuppo-
» fent des recherches , annoncent des con-
» noiffances , & portent le caractere du
»goût & du génie ; ils n'éblouiffent point ,
» ils intéreffent ; ils ne féduifent point , ils
» perfuadent ; ils n'amufent pas feulement,
ils inftruifent ; ils n'obtiennent point un
applaudiffement paffager , on les admire
toujours. Quelles productions , Mef-
» fieurs , aurois-je à vous offrir qui puiffent
» être placées à côté des vôtres ? Je n'ai
pour moi que du zéle . Je ne dois pas ce4
MERCURE DE FRANCE.
pendant oublier le feul moyen que je
puiffe faire voir pour vous être agréable .
» La maniere que j'ai employée à célébrer
» les vertus du Monarque de la France , a
mérité l'approbation de votre auguſte
fondateur. Un fuffrage fi refpectable de-
» vroit calmer mes inquiétudes , & ſoute
> nir mes efpérances ; mais puis-je me dif-
» fimuler que j'ai entrepris le fujet le plus
»magnifique & le plus fécond ? qu'il ne
» s'agiffoit pas d'embellir les objets , mais
» de les montrer : qu'il fuffifoit d'être ci-
» toyen & de connoître fon Roi . On ne
peut me fçavoir gré que du choix ; la ma
tiere que j'ai embraffée , eft affez riche
»pour foutenir celui qui la traite , & pour
» fuppléer aux talens .
M. de Corvaifier parle enfuite des dif
férens établiſſemens qu'a fondés le Roi de
Pologne , & des ouvrages qu'il a compo
fés ; & après avoir expofé le plan des uns
& fait l'analyse des autres , il conclut que
les amuſemens ingénieux de ce Prince ,
auffi-bien que fes plus férieufes occupa
tions , tournent également au profit de la
religion & de l'humanité.
-
Après la lecture de ce difcours , M.
Dagay , Abbé de Soreze , Chanoine de
T'Eglife métropolitaine de Franche - Comté
, & membre de l'Académie de Befan-
•
AVRIL. 1755. 95
çon , prononça lui - même fon remerci
ment , qu'il finit ainfi . » C'eſt à vous ,
Meffieurs , qu'eft réſervée la gloire de
» tranfmettre aux fiécles à venir les fenti-
❤mens magnanimes , & les actions héroïques
dont vous êtes les témoins : c'eft à
» vous à dépofer dans le fein de la renom-
» mée tout le détail d'une vie qui doit
» être à jamais le modele & l'exemple des
»
Rois. La feule chofe que vous avez à
» craindre , c'eſt que les faits que vous de-
≫ vez raconter , & qui fe paflent fous vos
n yeux , ne paroiffent aux yeux de la pof
térité une fiction ingénieufe, plus propre
à rendre la vertu aimable que reffemblante
à la vérité. Mais raffurez - vous ,
» Meffieurs , tant de grands établiſſemens
» également utiles à la religion & à l'hu-
» manité , plus durables que le marbre &
le bronze qui les atteftent , & qui font
confignés dans les annales de l'Eglife &
dans les archives des nations , garanti
ront la certitude de votre témoignage.
Daigne la providence , qui a toujours fi
» vifiblement protégé ce Monarque , mettre
le comble à tous nos voeux Puiffent
fes jours précieux fe prolonger aux dépens
de nos années , fe perpétuer au gré
- de nos defirs , fe multiplier à proportion
de fes vertus , & durer autant que fes
Sbienfaits !
96 MERCURE DE FRANCE.
M. le Comte de Cuftine , Directeur de
l'Académie , lui répondit. Il parla avec
cette politeffe & cette modeftie qui ca
racteriſent le vrai mérite , & qui conviennent
fi bien aux perfonnes de fon rang.
Son difcours fut généralement applaudi.
Il le termina par ces paroles , qu'il adreffa
à la Compagnie. » Suivez , Meffieurs , les
» hautes deftinées qui attendent tout ce
»
qui eft l'ouvrage de Staniflas ; marchez
" avec confiance dans la carriere où il
» vous précéde , & s'il arrivoit jamais que
» votre ardeur fe rallentît , rappellez - vous
que fa gloire eft inféparable de la vôtre.
- M. de Beauchamp , Lieutenant de Roi à
Nanci , prononça un difcours fur l'ambi
tion. Il diftingua la noble ambition , qui a
pour principe l'amour de la patrie , & pour
objet l'utilité publique , de l'ambition criminelle
qui ne confulte que l'orgueil , &
qui n'afpire qu'à l'indépendance. Il prouva
par des raifons folides & des exemples
choifis , qu'autant que l'une eft louable &
peut être utile , autant l'autre eft funefte
& digne de mépris.
M. Montignot , Chanoine de l'Eglife
cathédrale de Toul , fit une differtation
fur l'efprit philofophique , dans laquelle
il fit voir que ni Lucrece , malgré la beauté
de fon génie poëtique ; ni Spinofa ,
malgré
AVRIL. 1755 . 97.
malgré l'invention hardie & la liaiſon de
fon fyftême ; ni Bayle , malgré les argumens
fpécieux de la plus fine dialectique ,
n'étoient pas de vrais Philofophes.
L'auteur avoit commencé par remonter
jufqu'au tems heureux où l'efprit philofophique
vint à paroître dans le monde.
» Qu'entendoit- on , dit- il , avant Defcar-
» tes , par cette forte d'efprit ? Etoit - ce
cette recherche févere & rigoureuſe de
» la vérité , qui pefe , balance , examine
• fans prévention , & ne s'arrête que lorf
» que l'évidence paroît : Etoit-ce ce jugement
vif& pénétrant , qui ne fe laiffant
égarer par aucune fauffe lueur , avance
» toujours d'un pas égal vers la vérité ,
» parce qu'il ne veut la reconnoître que
» dans les principes d'une claire percep
» tion , par un fentiment intérieur , ou
d'après des obfervations exactes & ré-
» pétées avec fcrupule ? Non , Meffieurs ,
ajoute-t-il , on ne penfoit même pas qu'il
»fallût acheter fi cherement la qualité de
Philofophe .... Ceux qui portoient ce
» nom , on les difpenfoit alors d'étudier
la nature , & d'obferver fes loix ; mais
" on exigeoit qu'ils excellaffent dans l'art
dangereux d'embarraffer une difficulté
par toutes les fubtilités qu'une fauffe dialectique
enfeigne ; qu'ils fuffent habiles
D
ود
"
E
98 MERCURE DE FRANCE .
» dans la fcience des mots ..... Defcartes
paroît. Sa raifon ne peut fouffrir le joug
honteux où gémiffoit le refte des hom-
» mes. Il menace de renverfer jufques dans
»fes fondemens le vieil édifice de la Phi-
» lofophie d'Ariftote , qu'il ne trouve
étayée que par la prévention de fon fié-
>> cle . Cet heureux génie a le courage de
» donner les premiers coups ; il frappe
s d'une main fure. If nons trace en vain-
» queur les vraie's routes du fçavoir ... Je
» fixe à cette époque , continue M. Montignot
, le moment où le véritable ef
» prit philofophique commença à repa-
»roître fur la terre ... Vous connoiffez ,
» Meffieurs , les avantages que la Société
» en a retirés. Mon deffein me conduit
» plus loin ; je l'envifage du côté de la re
ligion , & je dis que l'efprit philofophi
" que lui eft avantageux
, ou plutôt qu'il
» ne lui eftpas nuifible : mais eft-il facile,
» ajoute - t - il , d'accorder
enſemble
cette
docilité d'enfant , que la foi exige pour
des vérités qu'il eft défendu
d'approfon
» dir , avec ces principes
féveres de la Phi-
» lofophie moderne
, qui fe fait une loi
inviolable de n'acquiefcer à aucune opi-
» nion , jufqu'à ce que l'évidence paroiſſe ,
» & qu'elle éclaire une vérité , comme un
beau jour qui vient rendre aux objets
AVRIL. 1755.
ITI
93
93
"
1,
?
BECO
ON
leurs couleurs naturelles : Ce font des
» doutes & des frayeurs qui n'age
gueres que cette partie des hommes qué
» n'ont pas médité fur le caractere de
»l'efprit philofophique , parce qu'ils n'en
» fout point éclairés .... Rendons ici l'ef
prit philofophique refpectable à leurs
yeux Montrons qu'il eft avantageux à la
religion , & qu'il la fert auffi utilement
» qu'ilmérite d'en être honoré. » Dans le
détail ouventre enfuite M. Montignot , il
fait voir que l'efprit philofophique fert à
faire appercevoir les bornes de la raiſon ,
la néceffité d'une révélation & l'obligation
de s'y foumettre. On ne fçauroit fuivre
l'auteur dans tous fes raifonnemens . Ils
font auffi forts qu'ils le pouvoient être , &
toute Baffemblée en fut extrêmement frappée.
Cet ouvrage paroîtra , fans doute ,
bientôt dans les mémoires de l'Académie
de Nanci , avec ceux dont nous venons
de parler ob a
}
D'HOURY , Libraire , rue de la Vieille
Bouclerie , donnera inceffamment une nouvelle
édition de la Chymie médicinale , de
M. Malouin , Médecin ordinaire de la
Reine.
ailty
CONSIDERATIONS fur les caufes de la
Eij
100 MERCURE DE FRANCE.
grandeur des Romains & de leur décadence
; nouvelle édition , à laquelle on a
joint un dialogue de Sylla & d'Eucrate .
A Paris , chez Guillyn , quai des Auguftins
, du côté du pont Saint Michel , au Lys
d'or. 1755 .
édition ; par
URE
>
ESSAI SUR L'ARCHITECTURE , nouvelle
le P. Laugier de la Compagnie
de Jefus. A Paris , chez Duchesne ,
Libraire , rue Saint Jacques , au Temple
du goût. 1755 .
Cette édition eft augmentée, d'un dictionnaire
des termes , avec des planches
qui en facilitent l'explication .
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Résumé : SEANCE PUBLIQUE De la Société royale des Sciences & Belles-Lettres de Nanci.
Le 20 octobre, la Société royale des Sciences & Belles-Lettres de Nancy a célébré sa séance publique annuelle, marquant également la naissance de son fondateur. Parmi les membres présents figuraient Fontenelle, Hénault, Montesquieu, ainsi que les nouveaux membres Maillebois, Maupertuis et La Condamine. M. Dagay, Abbé de Soreze, de l'Académie de Besançon, a prononcé un discours de remerciement. M. le Corvaisier, Secrétaire perpétuel de l'Académie d'Angers, a envoyé un discours lu par M. le Chevalier de Solignac, soulignant l'importance de la gloire académique et des travaux utiles. M. le Corvaisier a également exprimé son admiration pour les œuvres érudites de l'Académie et a discuté des établissements et œuvres du Roi de Pologne, notant leur utilité pour la religion et l'humanité. M. Dagay a ensuite remercié l'Académie pour sa mission de transmettre les actions héroïques et les sentiments magnanimes aux générations futures. M. le Comte de Custine, Directeur de l'Académie, a encouragé l'Académie à suivre les hautes destinées tracées par Stanislas. M. de Beauchamp a prononcé un discours sur l'ambition, distinguant l'ambition noble de l'ambition criminelle. M. Montignot, Chanoine de l'Église cathédrale de Toul, a fait une dissertation sur l'esprit philosophique, affirmant que Descartes a marqué le début de la véritable philosophie. Il a également discuté de la compatibilité entre l'esprit philosophique et la religion, soulignant que la philosophie aide à reconnaître les limites de la raison et la nécessité de la révélation. La séance s'est conclue par des annonces de publications récentes, notamment une nouvelle édition de la 'Chymie médicinale' de M. Malouin et un 'Essai sur l'architecture' du P. Laugier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
56
p. 57-64
Lettre de M. l'Abbé A. P. J. à M. l'Abbé de B***.
Début :
Monsieur, vous avez beau regarder comme une plaisanterie le projet [...]
Mots clefs :
Prédicateurs, Mémoire, Discours, Méthode, Évangile
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre de M. l'Abbé A. P. J. à M. l'Abbé de B***.
Lettre de M. l'Abbé A. P. J. à M. l'Abbé
de B ***.
Mconte une
Onfieur , vous avez beau regarder
comme une plaifanterie
le projet
que j'ai conçu , d'engager les Prédicateurs
à réciter leurs fermons , le papier en main ;
plus je penfe à cette nouvelle méthode ,
depuis que je vous en ai parlé pour la
premiere fois , plus j'y découvre d'avantages.
Je ne me cache point à moi même
les obftacles qu'il faudra furmonter . L'habitude
dans laquelle on eft depuis longtems
de prêcher par mémoire , fera difficile
à détruire , même chez une nation
fi portée d'ailleurs à changer de modes ;
mais nous avons vû des révolutions
plus
confidérables
, foit dans les fciences , foit
dans les moeurs, pour ne pas efperer celleci
malgré les contradicteurs
.
Ст
58 MERCURE DE FRANCE.
Je fçais qu'il ne fera jamais permis à
aucun prédicateur de changer le fond &
la matière des inftructions qu'ils doivent
annoncer aux peuples. Comme la Religion
eft invariable , fes maximes doivent
être inaltérables. Plût à Dieu qu'on eût
confervé de nos jours , en annonçant l'Evangile
, cette noble fimplicité qui en faifoit
autrefois & la force & la gloire ! mais
quelle différence des difcours des premiers
Apôtres avec ceux de leurs derniers fucceffeurs
! C'étoit autrefois aux pieds de la
Croix , & dans la méditation des diverfes
Ecritures , que les miniftres de la parole
du Seigneur puifoient les réflexions pathétiques
dont ils entretenoient fouvent
les fideles , réflexions que le zéle accompagnoit
, que l'exemple foutenoit , & que
la grace du Tout - puiffant faifoit fructifier.
Comme ils n'avoient d'autre objet
que celui d'étendre le royaume de Jefus-
Chrift , ils parloient felon que l'Efprit
divin , dont ils étoient animés , les infpiroit
; & des milliers de Juifs , de
Grecs , de Romains , & d'étrangers convertis
devenoient le fruit de leurs conquêtes
, & la récompenfe de leurs travaux
évangéliques .
Préfentement au contraire il femble que
nos Prédicateurs, contens des anciens proOCTOBRE.
1755. 59
grès de la religion , ne cherchent plus quà
faire admirer l'efprit & les graces de fes
Miniftres ; ce n'eft plus , pour la plûpart ,
dans les fources facrées qu'ils étudient les
oracles qu'ils nous débitent ; & comment
pourroient-ils fe fervit utilement de l'Ecriture
& des Peres dans les difcours qu'ils
compofent fur des ridicules de fociété ?
Auffi quel eft le fruit de ces portraits prophanes
, finon les vains applaudiffemens
de ces gens oififs , que la célébrité d'un
Prédicateur attire dans nos temples , &
que l'amufement y retient ? Perfuadés qu'il
leur fuffit de plaire à un peuple qu'ils devroient
inftruire , ces Miniftres frivoles fe
font eux-mêmes impofés un joug pefant ,
que des auditeurs délicats & critiques
ont bientôt fçu aggraver. Si ces derniers
les ont difpenfé de jetter de la folidité
& de l'onction dans leurs difcours , que
de talens n'en ont- ils pas exigé je veux
dire les agrémens de la figure , les graces
de la voix , la régularité des geftes , l'étendue
de la mémoire , la délicateffe des
expreffions , la fineffe des penfées , vains
ornemens plus propres à éblouir qu'à toucher
!
Or , dites - moi , Monfieur , comment
voulez-vous qu'un Prédicateur continuellement
occupé à compofer fon vifage , à
Cvj
60
MERCURE DE FRANCE.
animer fes bras , à modifier agréablement
les refforts de fa langue , & à inférer dans
une mémoire ingrate de magnifiques lambeaux
aufquels il n'a fouvent prêté qu'une
brillante coûture , foit propre à infpirer
de l'horreur pour le vice contre lequel il
doit tonner , ou à faire chérir la vertu
qu'il doit canonifer ?
Quoique je fois le premier à foutenir qu'il
ne fera jamais permis de toucher au fond
de la doctrine & de la morale de l'Evangile
, dois- je craindre de découvrir une nouvelle
méthode pour en publier les préceptes
& les maxîmes , fur tout fi cette nouvelle
forme eft plus facile & plus avantageufe
? Non , Monfieur ; & pour peu que
vous vouliez faire attention aux raifons
fur lefquelles je la fonde , vous conviendrez
vous - même de fon utilité. Ne vaudroit
il pas mieux qu'un Curé , occupé
pendant la plus grande partie de la femaine
à défervir une nombreuſe paroiffe ,
employât le peu de tems que la vifite des
malades , & les autres foins du gouvernement
fpirituel demandent de lui , à compofer
pour chaque Dimanche une folide
& inftructive homélie , que de le voir
paffer ce même tems à inférer dans fon
cerveau un prône de parade ? Quels fruits
peuvent faire les inftructions d'un pasteur
›
OCTOBRE 1755 . 61
qui fe borne à quelques points particuliers
de la morale évangélique , & dont
les difcours font par conféquent fi fouvent
répétés , que certain, paroiffiens affidus
feroient en état de les réciter à leur
tour ?
Au contraire , en permettant aux Prédicateurs
, & fur- tout à ceux qui font à la
tête des Paroiffes , d'avoir dans la chaire
le papier à la main , on leur laiffera le
tems de méditer les divines Ectitures ,
de s'inftruire dans les ouvrages des Saints
Peres , & par conféquent , de compofer
pour chaque femaine des homélies toujours
nouvelles ils pourront même par
ce moyen enfeigner fucceffivement un
corps de doctrine fuivie , repaffer toutes
les vérités de la religion , & en expofer
tous les devoirs . On fe plaint tous les jours
que le peuple n'eft pas inftruit ; & comment
peut- il l'être , lorfque les Prédicateurs
refférés dans un cercle étroit de matieres
frappantes , négligent ces fujets effentiels
fur lefquels le tems qu'ils perdent
à apprendre leurs difcours par mémoire ,
ne leur permet pas de travailler ? N'en doutez
pas , Monfieur : Voilà une des principales
caufes de l'ignorance des fidéles ;
& le feul moyen efficace pour y remédier ,
c'eft de leur procurer un plus grand nom62
MERCURE DE FRANCE.
bre d'inftructions , en diminuant le travail
de ceux que le Seigneur a deſtiné
pour les éclairer.
Je dis plus outre l'utilité générale que
produira la nouvelle méthode d'annoncer
l'Evangile , elle aura encore l'avantage
d'être plus agréable pour l'auditeur . Qu'un
Prédicateur peu fûr de fa mémoire fe trouble
, & qu'il foit fur le point de refter
court , que de tourmens , que d'embarras
dans l'auditoire ! mais quels font les Orateurs
Chrétiens , à qui une mémoire ingrate
ou volage , n'ait jamais joué de pareils
tours ? Combien même de jeunes
Prédicateurs , dégoûtés par un début peu
flateur de ce côté , ont abandonné un miniftere
dans lequel il fe feroient cependant
diftingués ?
N'allez pas me dire ici , Monfieur , qu'on
rira de voir un Eccléfiaftique lire d'un ton
modefte une folide inftruction . Pourquoi
riroit- on plutôt dans nos temples que dans
nos barreaux ? Ne voyons - nous pas tous
les jours dans ces dernieres affemblées les
plus célébres Avocats, le mémoire en main ,
foutenir les droits de l'orphélin , & mettre
la veuve à l'abri des ufurpateurs ? On
rira moins , Monfieur , à la lecture d'un fermon
chrétiennement appuyé fur les preuves
tirées de l'Ecriture & de la tradition ,
OCTOBRE . 1755 . 63
qu'on ne feroit en droit de le faire ( fi la
majefté du lieu le permettoit ) au récit par
mémoire de ces piéces théatrales , faites
pour nourrir en même tems , & l'amour
propre du miniftre , & la curiofité de l'auditeur
.
J'exhorte donc les Prédicateurs à fecouer
le joug du préjugé & à facrifier au
bien général le petit talent d'hommes de
mémoire. Vous appréhendez , dites- vous ,
qu'il n'en foit ici comme du confeil des
rats . Tous les intéreffés ne manqueront
pas d'approuver l'avis ; mais qui attachera
le grélot ? Qui les plus fages , & les plus
zélés. Que des Griffet , par exemple , que
des Sanfaric commencent à nous enfeigner
le papier à la main . Qui d'entre les auditeurs
ofera les tourner en ridicule ? Qui
d'entre leurs confreres ne fe fera pas gloire
de marcher fur leurs traces ? Qui feroit
même plus propre que vous , Monfieur
à faire réuflir un projet , dans lequel je
n'envifage que l'utilité publique ?
Je recommande enfin à ceux qui nous
donnent des préceptes fur l'éloquence de
la chaire , d'infifter moins fur le brillant
que fur la folidité . A quoi fert de fe conformer
aux régles prefcrites dans l'éloquence
* dis corps , tandis qu'on ignore l'éloquen-
* Ouvrage tout nouveau.
64 MERCURE DE FRANCE.
ce des moeurs , & celle du ciel 2
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce i5 Juillet 1755-
de B ***.
Mconte une
Onfieur , vous avez beau regarder
comme une plaifanterie
le projet
que j'ai conçu , d'engager les Prédicateurs
à réciter leurs fermons , le papier en main ;
plus je penfe à cette nouvelle méthode ,
depuis que je vous en ai parlé pour la
premiere fois , plus j'y découvre d'avantages.
Je ne me cache point à moi même
les obftacles qu'il faudra furmonter . L'habitude
dans laquelle on eft depuis longtems
de prêcher par mémoire , fera difficile
à détruire , même chez une nation
fi portée d'ailleurs à changer de modes ;
mais nous avons vû des révolutions
plus
confidérables
, foit dans les fciences , foit
dans les moeurs, pour ne pas efperer celleci
malgré les contradicteurs
.
Ст
58 MERCURE DE FRANCE.
Je fçais qu'il ne fera jamais permis à
aucun prédicateur de changer le fond &
la matière des inftructions qu'ils doivent
annoncer aux peuples. Comme la Religion
eft invariable , fes maximes doivent
être inaltérables. Plût à Dieu qu'on eût
confervé de nos jours , en annonçant l'Evangile
, cette noble fimplicité qui en faifoit
autrefois & la force & la gloire ! mais
quelle différence des difcours des premiers
Apôtres avec ceux de leurs derniers fucceffeurs
! C'étoit autrefois aux pieds de la
Croix , & dans la méditation des diverfes
Ecritures , que les miniftres de la parole
du Seigneur puifoient les réflexions pathétiques
dont ils entretenoient fouvent
les fideles , réflexions que le zéle accompagnoit
, que l'exemple foutenoit , & que
la grace du Tout - puiffant faifoit fructifier.
Comme ils n'avoient d'autre objet
que celui d'étendre le royaume de Jefus-
Chrift , ils parloient felon que l'Efprit
divin , dont ils étoient animés , les infpiroit
; & des milliers de Juifs , de
Grecs , de Romains , & d'étrangers convertis
devenoient le fruit de leurs conquêtes
, & la récompenfe de leurs travaux
évangéliques .
Préfentement au contraire il femble que
nos Prédicateurs, contens des anciens proOCTOBRE.
1755. 59
grès de la religion , ne cherchent plus quà
faire admirer l'efprit & les graces de fes
Miniftres ; ce n'eft plus , pour la plûpart ,
dans les fources facrées qu'ils étudient les
oracles qu'ils nous débitent ; & comment
pourroient-ils fe fervit utilement de l'Ecriture
& des Peres dans les difcours qu'ils
compofent fur des ridicules de fociété ?
Auffi quel eft le fruit de ces portraits prophanes
, finon les vains applaudiffemens
de ces gens oififs , que la célébrité d'un
Prédicateur attire dans nos temples , &
que l'amufement y retient ? Perfuadés qu'il
leur fuffit de plaire à un peuple qu'ils devroient
inftruire , ces Miniftres frivoles fe
font eux-mêmes impofés un joug pefant ,
que des auditeurs délicats & critiques
ont bientôt fçu aggraver. Si ces derniers
les ont difpenfé de jetter de la folidité
& de l'onction dans leurs difcours , que
de talens n'en ont- ils pas exigé je veux
dire les agrémens de la figure , les graces
de la voix , la régularité des geftes , l'étendue
de la mémoire , la délicateffe des
expreffions , la fineffe des penfées , vains
ornemens plus propres à éblouir qu'à toucher
!
Or , dites - moi , Monfieur , comment
voulez-vous qu'un Prédicateur continuellement
occupé à compofer fon vifage , à
Cvj
60
MERCURE DE FRANCE.
animer fes bras , à modifier agréablement
les refforts de fa langue , & à inférer dans
une mémoire ingrate de magnifiques lambeaux
aufquels il n'a fouvent prêté qu'une
brillante coûture , foit propre à infpirer
de l'horreur pour le vice contre lequel il
doit tonner , ou à faire chérir la vertu
qu'il doit canonifer ?
Quoique je fois le premier à foutenir qu'il
ne fera jamais permis de toucher au fond
de la doctrine & de la morale de l'Evangile
, dois- je craindre de découvrir une nouvelle
méthode pour en publier les préceptes
& les maxîmes , fur tout fi cette nouvelle
forme eft plus facile & plus avantageufe
? Non , Monfieur ; & pour peu que
vous vouliez faire attention aux raifons
fur lefquelles je la fonde , vous conviendrez
vous - même de fon utilité. Ne vaudroit
il pas mieux qu'un Curé , occupé
pendant la plus grande partie de la femaine
à défervir une nombreuſe paroiffe ,
employât le peu de tems que la vifite des
malades , & les autres foins du gouvernement
fpirituel demandent de lui , à compofer
pour chaque Dimanche une folide
& inftructive homélie , que de le voir
paffer ce même tems à inférer dans fon
cerveau un prône de parade ? Quels fruits
peuvent faire les inftructions d'un pasteur
›
OCTOBRE 1755 . 61
qui fe borne à quelques points particuliers
de la morale évangélique , & dont
les difcours font par conféquent fi fouvent
répétés , que certain, paroiffiens affidus
feroient en état de les réciter à leur
tour ?
Au contraire , en permettant aux Prédicateurs
, & fur- tout à ceux qui font à la
tête des Paroiffes , d'avoir dans la chaire
le papier à la main , on leur laiffera le
tems de méditer les divines Ectitures ,
de s'inftruire dans les ouvrages des Saints
Peres , & par conféquent , de compofer
pour chaque femaine des homélies toujours
nouvelles ils pourront même par
ce moyen enfeigner fucceffivement un
corps de doctrine fuivie , repaffer toutes
les vérités de la religion , & en expofer
tous les devoirs . On fe plaint tous les jours
que le peuple n'eft pas inftruit ; & comment
peut- il l'être , lorfque les Prédicateurs
refférés dans un cercle étroit de matieres
frappantes , négligent ces fujets effentiels
fur lefquels le tems qu'ils perdent
à apprendre leurs difcours par mémoire ,
ne leur permet pas de travailler ? N'en doutez
pas , Monfieur : Voilà une des principales
caufes de l'ignorance des fidéles ;
& le feul moyen efficace pour y remédier ,
c'eft de leur procurer un plus grand nom62
MERCURE DE FRANCE.
bre d'inftructions , en diminuant le travail
de ceux que le Seigneur a deſtiné
pour les éclairer.
Je dis plus outre l'utilité générale que
produira la nouvelle méthode d'annoncer
l'Evangile , elle aura encore l'avantage
d'être plus agréable pour l'auditeur . Qu'un
Prédicateur peu fûr de fa mémoire fe trouble
, & qu'il foit fur le point de refter
court , que de tourmens , que d'embarras
dans l'auditoire ! mais quels font les Orateurs
Chrétiens , à qui une mémoire ingrate
ou volage , n'ait jamais joué de pareils
tours ? Combien même de jeunes
Prédicateurs , dégoûtés par un début peu
flateur de ce côté , ont abandonné un miniftere
dans lequel il fe feroient cependant
diftingués ?
N'allez pas me dire ici , Monfieur , qu'on
rira de voir un Eccléfiaftique lire d'un ton
modefte une folide inftruction . Pourquoi
riroit- on plutôt dans nos temples que dans
nos barreaux ? Ne voyons - nous pas tous
les jours dans ces dernieres affemblées les
plus célébres Avocats, le mémoire en main ,
foutenir les droits de l'orphélin , & mettre
la veuve à l'abri des ufurpateurs ? On
rira moins , Monfieur , à la lecture d'un fermon
chrétiennement appuyé fur les preuves
tirées de l'Ecriture & de la tradition ,
OCTOBRE . 1755 . 63
qu'on ne feroit en droit de le faire ( fi la
majefté du lieu le permettoit ) au récit par
mémoire de ces piéces théatrales , faites
pour nourrir en même tems , & l'amour
propre du miniftre , & la curiofité de l'auditeur
.
J'exhorte donc les Prédicateurs à fecouer
le joug du préjugé & à facrifier au
bien général le petit talent d'hommes de
mémoire. Vous appréhendez , dites- vous ,
qu'il n'en foit ici comme du confeil des
rats . Tous les intéreffés ne manqueront
pas d'approuver l'avis ; mais qui attachera
le grélot ? Qui les plus fages , & les plus
zélés. Que des Griffet , par exemple , que
des Sanfaric commencent à nous enfeigner
le papier à la main . Qui d'entre les auditeurs
ofera les tourner en ridicule ? Qui
d'entre leurs confreres ne fe fera pas gloire
de marcher fur leurs traces ? Qui feroit
même plus propre que vous , Monfieur
à faire réuflir un projet , dans lequel je
n'envifage que l'utilité publique ?
Je recommande enfin à ceux qui nous
donnent des préceptes fur l'éloquence de
la chaire , d'infifter moins fur le brillant
que fur la folidité . A quoi fert de fe conformer
aux régles prefcrites dans l'éloquence
* dis corps , tandis qu'on ignore l'éloquen-
* Ouvrage tout nouveau.
64 MERCURE DE FRANCE.
ce des moeurs , & celle du ciel 2
J'ai l'honneur d'être , & c.
Ce i5 Juillet 1755-
Fermer
Résumé : Lettre de M. l'Abbé A. P. J. à M. l'Abbé de B***.
La lettre de l'Abbé A. P. J. à l'Abbé de B *** introduit une nouvelle méthode pour les prédicateurs, consistant à réciter leurs sermons en ayant le texte en main. L'auteur reconnaît les obstacles, notamment l'habitude de prêcher par mémoire, mais espère une révolution dans les pratiques religieuses, similaire à celles observées dans les sciences et les mœurs. Il souligne l'importance de conserver les maximes religieuses invariablement tout en améliorant la méthode de leur transmission. L'Abbé critique les sermons actuels, qui se concentrent souvent sur l'esprit et les grâces des ministres plutôt que sur la simplicité et la force des premiers apôtres. Il déplore que les prédicateurs modernes cherchent à plaire plutôt qu'à instruire, se concentrant sur des aspects superficiels comme l'apparence et la voix. Cette approche frivole impose un joug pesant aux prédicateurs, qui doivent répondre aux attentes critiques des auditeurs. L'auteur propose que les prédicateurs, surtout ceux à la tête des paroisses, utilisent le papier pour lire leurs homélies. Cela leur permettrait de méditer les Écritures et les œuvres des Saints Pères, et de composer des sermons nouveaux chaque semaine. Cette méthode réduirait l'ignorance parmi les fidèles, qui bénéficieraient de plus d'instructions. De plus, elle éviterait les embarras causés par les erreurs de mémoire des prédicateurs. L'Abbé compare cette pratique à celle des avocats, qui utilisent des notes en plaidant. Il exhorte les prédicateurs à abandonner le préjugé contre la lecture des sermons et à adopter cette méthode pour le bien général. Il recommande également aux enseignants de l'éloquence de la chaire de privilégier la solidité plutôt que le brillant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
57
p. 71-77
LETTRE Au sujet du Discours de M. J. J. ROUSSEAU de Genève, sur l'origine & les fondemens de l'inégalité parmi les Hommes.
Début :
Je viens, Monsieur, de lire le Discours de M. JEAN-JACQUES ROUSSEAU de [...]
Mots clefs :
Rousseau, Société, Inégalité, Idées, Dieu, Discours, Hommes, Homme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE Au sujet du Discours de M. J. J. ROUSSEAU de Genève, sur l'origine & les fondemens de l'inégalité parmi les Hommes.
LETTRE
Au fujet du Difcours de M. J. J.
ROUSSEAU de Genève , fur l'origine
& les fondemens de l'inégalité parmi les
Hommes.
E viens , Monfieur , de lire le Difcours
JEde M. JEAN - JACQUES ROUSSEAU de
Genève , fur l'origine & les fondemens de
l'inégalité parmi les hommes . J'ai admiré le
coloris de cet étrange tableau ; mais je n'ai
pu en admirer de même le deffein & la
repréſentation . Je fais grand cas du mérite
& des talens de M. ROUSSEAU , & je félicite
Genève qui eft auffi ma patrie, de le compter
parmi les hommes célebres aufquels elle a
donné le jour : mais je regrette qu'il ait
adopté des idées qui me paroiffent fi oppofées
au vrai , & fi peu propres à faire des
heureux .
On écrira fans doute beaucoup contre
ce nouveau Difcours , comme on a beaucoup
écrit contre celui qui a remporté le
72 MERCURE DE FRANCE.
Prix de l'Académie de Dijon : & parce
qu'on a beaucoup écrit & qu'on écrira
beaucoup encore contre M. ROUSSEAU , on
lui rendra plus cher un paradoxe qu'il n'a
que trop careffé . Pour moi , qui n'ai nulle
envie de faire un livre contre M. Rous-
SEAU , & qui fuis très- convaincu que la
difpute eft de tous les moyens celui qui
peut le moins fur ce génie hardi & indépendant
, je me borne à lui propofer d'approfondir
un raifonnement tout fimple , &
qui me femble renfermer ce qu'il y a de
plus effentiel dans la queftion.
Voici ce raifonnement.
Tout ce qui réfulte immédiatement des
facultés de l'homme ne doit- il pas être dit
réfulter de fa nature ? Or , je crois que l'on
démontre fort bien que l'état de fociété réfulte
immédiatement des facultés de l'homme
je n'en veux point alléguer d'autres
preuves à notre fçavant, Auteur que fes
propres idées fur l'établiffement des fociétés
; idées ingénieufes & qu'il a fi élégamment
exprimées dans la feconde partie de
fon Difcours. Si donc l'état de fociété découle
des facultés de l'homme , il eft naturel
à l'homme. Il feroit donc auffi déraifonnable
de fe plaindre de ce que ces facultés
en fe développant ont donné naiſſance
à cet état , qu'il le feroit de fe plaindre de
OCTOBRE . 1755 . 73
ce que Dieu a donné à l'homme de telles
facultés.
L'homme eft tel que l'exigeoit la place
qu'il devoit occuper dans l'Univers . Il у
falloit apparemment des hommes qui bâtiffent
des villes , comme il y falloit des
caftors qui conftruififfent des cabannes. -
Cette perfectibilité dans laquelle M. Rous-
SEAU fait conſiſter le caractere qui diftingue
éternellement l'homme de la brute, devoit
du propre aveu de l'Auteur , conduire
l'homme au point où nous le voyons aujourd'hui.
Vouloir que cela ne fut point ,
ce feroit vouloir que l'homme ne fut point
homme. L'aigle qui fe perd dans la nue ,
rampera- t-il dans la pouffiere comme le
ferpent ?
L'HommeSauvage de M. ROUSSEAU , cet
homme qu'il chérit avec tant de complaifance
, n'eft point du tout l'homme que DIEU a
voulu faire mais DIEU a fait des Orangoutangs
& des finges qui ne font pas hommes.
:
Quand donc M. ROUSSEAU déclame
avec tant de véhémence & d'obftination
contre l'état de fociété , il s'éleve fans y
penfer contre la vOLONTÉ de CELUI qui a
fait l'homme , & qui a ordonné cet étar.
Les faits font- ils autre chofe que l'expreffion
de cette VOLONTÉ ADORABLE ?
Lorfqu'avec le pinceau d'un LE BRUN ,
D
74
MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur trace à nos yeux
l'effroyable peinture
des maux que l'Etat civil a enfantés ,
il oublie que la planette où l'on voit ces
chofes , fait partie d'un Tout immenſe qué
nous ne connoiffons point ; mais que nous
fçavons être l'ouvrage d'une SAGESSE
PARFAITE.
Aini , reconçons pour toujours à la chimérique
entrepriſe de prouver que l'homme
feroit mieux s'il étoit autrement : l'abeille
qui conftruit des cellules fi régulieres
voudra-t-elle juger de la façade du
Louvre ? Au nom du Bon- fens & de la
Raifon , prenons l'homme tel qu'il eft ,
avec toutes fes dépendances : laiffons aller
le monde comme il va ; & foyons fûrs qu'il
va auffi bien qu'il pouvoit aller.
S'il s'agiffoit de juftifier la PROVIDENCE
aux yeux des hommes , Leibnits & Pope
l'ont fait ; & les ouvrages immortels de
ces génies fublimes font des monumens
élevés à la gloire de la Raifon. Le Difcours
de M. ROUSSEAU eft un monument
élevé à l'efprit , mais à l'efprit chagrin &
mécontent de lui- même & des autres .
Lorfque notre Philofophe voudra confacrer
fes lumieres & fes talens à nous découvrir
les origines des chofes , à nous
montrer les développemens plus ou moins
lents des biens & des maux ; en un mot
OCTOBRE. 1755. 75
à fuivre l'humanité dans la courbe tortueufe
qu'elle décrit ; les tentatives de ce
génie original & fécond , pourront nous
valoir des connoiffances précieufes fur ces
fujets intéreffans. Nous nous emprefferons
alors à recueillir ces connoiffances , & à
offrir à l'Auteur le tribut de reconnoiffance
& d'éloges qu'elles lui auront mérité ,
& qui n'aura pas été , je m'affure , la
principale fin de fes recherches .
Il y a lieu , Monfieur , de s'étonner , &
je m'en étonnerois davantage , fi j'avois
moins été appellé à réfléchir fur les fources
de la diverfité des opinions des hommes
; il y a , dis- je , lieu de s'étonner qu'un
écrivain qui a fi bien connu les avantages
d'un bon gouvernement , & qui les a fi
bien peints dans fa belle dédicace à notre
République , où il a cru voir tous ces
avantages réunis , les ait fi- tôt & fi parfaitement
perdus de vûe dans fon Difcours.
On fait des efforts inutiles pour fe perfuader
qu'un écrivain qui feroit , fans doute,
fâché que l'on ne le crut pas judicieux
préférât férieufement d'aller paffer fa vie
dans les bois , fi fa fanté le lui permettoit ,
à vivre au milieu de concitoyens chéris &
dignes de l'être. Eut-on jamais préfumé
qu'un écrivain qui penfe avanceroit dans
un fiécle tel que le nôtre cet étrange para-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
doxe qui tenferme feul une fi grande foule
d'incontéquences , pour ne rien dire de
plus fou ? Si la nature reus a destinés à être
fainis , jaje presque affurer que l'état de
reqion est un état contre nature , త que
l'hom qui medite if an animal dépravé.
22 .
Janué en
commençant cette
Icture ; non deffein n'eft point de prouver
à Monfieur ROUSSEAU par des argumens
, qu'allez d'autres feront fans moi ,
& qu'il feroit peur être mieux que l'on ne
fit point , la fupériorité de l'état du Citoyen
fur l'état de l'homme fauvage ; qui eût
jamais imaginé que cela feroit mis en
queftion ! mon but eft uniquement d'ef-
Layer de faire fentir à notre Auteur combien
fes plaintes continuelles font fuper-
Alues & déplacées : & combien il eſt évident
que la focieté entroit dans la deftination
de notre être.
J'ai parlé à M. ROUSSEAU avec toute la
franchife que la relation de compatriote
authorife. J'ai une fi grande idée des qualités
de fon coeur , que je n'ai pas fongé
un inftant qu'il put ne pas prendre en bonne
part ces réflexions . L'amour feul de la
vérité me les a dictées . Si pourtant en les
faifant , il m'étoit échappé quelque chofe
qui pût déplaire à M. ROUSSEAU , je le
OCTOBRE. 1755 . 77
prie de me le pardonner , & d'être perfuadé
de la pureté de mes intentions .
Je ne dis plus qu'un mot ; c'eft fur la
pitié , cette vertu fi célébrée par notre Auteur
, & qui fut felon lui , le plus bel appade
l'homme dans l'enfance du monde.
Je prie M. ROUSSEAU de vouloir bien
réfléchir fur les queftions fuivantes .
nage
Un homme , ou tout autre être fenfible ,
qui n'auroit jamais connu la douleur ,
auroit il de la pitié , & feroit- il ému à la
vue d'un enfant qu'on égorgeroit ?
Pourquoi la populace , à qui M. Rous-
SEAU accorde une fi grande dofe de pitié ,
fe repaît-elle avec tant d'avidité du fpectacle
d'un malheureux expirant fur la roue ?
ha-
L'affection que les femelles des animaux
témoignent pour leurs petits , a -t- elle ces
petits pour objet , ou la mere ? Si par
fard c'étoit celle - ci , le bien être des petits
n'en auroit été que mieux affuré.
J'ai l'honneur d'être , & c.
PHILOPOLIS , Citoyen de Genève.
A Genève , le 25 Août 1755 .
Au fujet du Difcours de M. J. J.
ROUSSEAU de Genève , fur l'origine
& les fondemens de l'inégalité parmi les
Hommes.
E viens , Monfieur , de lire le Difcours
JEde M. JEAN - JACQUES ROUSSEAU de
Genève , fur l'origine & les fondemens de
l'inégalité parmi les hommes . J'ai admiré le
coloris de cet étrange tableau ; mais je n'ai
pu en admirer de même le deffein & la
repréſentation . Je fais grand cas du mérite
& des talens de M. ROUSSEAU , & je félicite
Genève qui eft auffi ma patrie, de le compter
parmi les hommes célebres aufquels elle a
donné le jour : mais je regrette qu'il ait
adopté des idées qui me paroiffent fi oppofées
au vrai , & fi peu propres à faire des
heureux .
On écrira fans doute beaucoup contre
ce nouveau Difcours , comme on a beaucoup
écrit contre celui qui a remporté le
72 MERCURE DE FRANCE.
Prix de l'Académie de Dijon : & parce
qu'on a beaucoup écrit & qu'on écrira
beaucoup encore contre M. ROUSSEAU , on
lui rendra plus cher un paradoxe qu'il n'a
que trop careffé . Pour moi , qui n'ai nulle
envie de faire un livre contre M. Rous-
SEAU , & qui fuis très- convaincu que la
difpute eft de tous les moyens celui qui
peut le moins fur ce génie hardi & indépendant
, je me borne à lui propofer d'approfondir
un raifonnement tout fimple , &
qui me femble renfermer ce qu'il y a de
plus effentiel dans la queftion.
Voici ce raifonnement.
Tout ce qui réfulte immédiatement des
facultés de l'homme ne doit- il pas être dit
réfulter de fa nature ? Or , je crois que l'on
démontre fort bien que l'état de fociété réfulte
immédiatement des facultés de l'homme
je n'en veux point alléguer d'autres
preuves à notre fçavant, Auteur que fes
propres idées fur l'établiffement des fociétés
; idées ingénieufes & qu'il a fi élégamment
exprimées dans la feconde partie de
fon Difcours. Si donc l'état de fociété découle
des facultés de l'homme , il eft naturel
à l'homme. Il feroit donc auffi déraifonnable
de fe plaindre de ce que ces facultés
en fe développant ont donné naiſſance
à cet état , qu'il le feroit de fe plaindre de
OCTOBRE . 1755 . 73
ce que Dieu a donné à l'homme de telles
facultés.
L'homme eft tel que l'exigeoit la place
qu'il devoit occuper dans l'Univers . Il у
falloit apparemment des hommes qui bâtiffent
des villes , comme il y falloit des
caftors qui conftruififfent des cabannes. -
Cette perfectibilité dans laquelle M. Rous-
SEAU fait conſiſter le caractere qui diftingue
éternellement l'homme de la brute, devoit
du propre aveu de l'Auteur , conduire
l'homme au point où nous le voyons aujourd'hui.
Vouloir que cela ne fut point ,
ce feroit vouloir que l'homme ne fut point
homme. L'aigle qui fe perd dans la nue ,
rampera- t-il dans la pouffiere comme le
ferpent ?
L'HommeSauvage de M. ROUSSEAU , cet
homme qu'il chérit avec tant de complaifance
, n'eft point du tout l'homme que DIEU a
voulu faire mais DIEU a fait des Orangoutangs
& des finges qui ne font pas hommes.
:
Quand donc M. ROUSSEAU déclame
avec tant de véhémence & d'obftination
contre l'état de fociété , il s'éleve fans y
penfer contre la vOLONTÉ de CELUI qui a
fait l'homme , & qui a ordonné cet étar.
Les faits font- ils autre chofe que l'expreffion
de cette VOLONTÉ ADORABLE ?
Lorfqu'avec le pinceau d'un LE BRUN ,
D
74
MERCURE DE FRANCE.
l'Auteur trace à nos yeux
l'effroyable peinture
des maux que l'Etat civil a enfantés ,
il oublie que la planette où l'on voit ces
chofes , fait partie d'un Tout immenſe qué
nous ne connoiffons point ; mais que nous
fçavons être l'ouvrage d'une SAGESSE
PARFAITE.
Aini , reconçons pour toujours à la chimérique
entrepriſe de prouver que l'homme
feroit mieux s'il étoit autrement : l'abeille
qui conftruit des cellules fi régulieres
voudra-t-elle juger de la façade du
Louvre ? Au nom du Bon- fens & de la
Raifon , prenons l'homme tel qu'il eft ,
avec toutes fes dépendances : laiffons aller
le monde comme il va ; & foyons fûrs qu'il
va auffi bien qu'il pouvoit aller.
S'il s'agiffoit de juftifier la PROVIDENCE
aux yeux des hommes , Leibnits & Pope
l'ont fait ; & les ouvrages immortels de
ces génies fublimes font des monumens
élevés à la gloire de la Raifon. Le Difcours
de M. ROUSSEAU eft un monument
élevé à l'efprit , mais à l'efprit chagrin &
mécontent de lui- même & des autres .
Lorfque notre Philofophe voudra confacrer
fes lumieres & fes talens à nous découvrir
les origines des chofes , à nous
montrer les développemens plus ou moins
lents des biens & des maux ; en un mot
OCTOBRE. 1755. 75
à fuivre l'humanité dans la courbe tortueufe
qu'elle décrit ; les tentatives de ce
génie original & fécond , pourront nous
valoir des connoiffances précieufes fur ces
fujets intéreffans. Nous nous emprefferons
alors à recueillir ces connoiffances , & à
offrir à l'Auteur le tribut de reconnoiffance
& d'éloges qu'elles lui auront mérité ,
& qui n'aura pas été , je m'affure , la
principale fin de fes recherches .
Il y a lieu , Monfieur , de s'étonner , &
je m'en étonnerois davantage , fi j'avois
moins été appellé à réfléchir fur les fources
de la diverfité des opinions des hommes
; il y a , dis- je , lieu de s'étonner qu'un
écrivain qui a fi bien connu les avantages
d'un bon gouvernement , & qui les a fi
bien peints dans fa belle dédicace à notre
République , où il a cru voir tous ces
avantages réunis , les ait fi- tôt & fi parfaitement
perdus de vûe dans fon Difcours.
On fait des efforts inutiles pour fe perfuader
qu'un écrivain qui feroit , fans doute,
fâché que l'on ne le crut pas judicieux
préférât férieufement d'aller paffer fa vie
dans les bois , fi fa fanté le lui permettoit ,
à vivre au milieu de concitoyens chéris &
dignes de l'être. Eut-on jamais préfumé
qu'un écrivain qui penfe avanceroit dans
un fiécle tel que le nôtre cet étrange para-
Dij
76 MERCURE DE FRANCE.
doxe qui tenferme feul une fi grande foule
d'incontéquences , pour ne rien dire de
plus fou ? Si la nature reus a destinés à être
fainis , jaje presque affurer que l'état de
reqion est un état contre nature , త que
l'hom qui medite if an animal dépravé.
22 .
Janué en
commençant cette
Icture ; non deffein n'eft point de prouver
à Monfieur ROUSSEAU par des argumens
, qu'allez d'autres feront fans moi ,
& qu'il feroit peur être mieux que l'on ne
fit point , la fupériorité de l'état du Citoyen
fur l'état de l'homme fauvage ; qui eût
jamais imaginé que cela feroit mis en
queftion ! mon but eft uniquement d'ef-
Layer de faire fentir à notre Auteur combien
fes plaintes continuelles font fuper-
Alues & déplacées : & combien il eſt évident
que la focieté entroit dans la deftination
de notre être.
J'ai parlé à M. ROUSSEAU avec toute la
franchife que la relation de compatriote
authorife. J'ai une fi grande idée des qualités
de fon coeur , que je n'ai pas fongé
un inftant qu'il put ne pas prendre en bonne
part ces réflexions . L'amour feul de la
vérité me les a dictées . Si pourtant en les
faifant , il m'étoit échappé quelque chofe
qui pût déplaire à M. ROUSSEAU , je le
OCTOBRE. 1755 . 77
prie de me le pardonner , & d'être perfuadé
de la pureté de mes intentions .
Je ne dis plus qu'un mot ; c'eft fur la
pitié , cette vertu fi célébrée par notre Auteur
, & qui fut felon lui , le plus bel appade
l'homme dans l'enfance du monde.
Je prie M. ROUSSEAU de vouloir bien
réfléchir fur les queftions fuivantes .
nage
Un homme , ou tout autre être fenfible ,
qui n'auroit jamais connu la douleur ,
auroit il de la pitié , & feroit- il ému à la
vue d'un enfant qu'on égorgeroit ?
Pourquoi la populace , à qui M. Rous-
SEAU accorde une fi grande dofe de pitié ,
fe repaît-elle avec tant d'avidité du fpectacle
d'un malheureux expirant fur la roue ?
ha-
L'affection que les femelles des animaux
témoignent pour leurs petits , a -t- elle ces
petits pour objet , ou la mere ? Si par
fard c'étoit celle - ci , le bien être des petits
n'en auroit été que mieux affuré.
J'ai l'honneur d'être , & c.
PHILOPOLIS , Citoyen de Genève.
A Genève , le 25 Août 1755 .
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Résumé : LETTRE Au sujet du Discours de M. J. J. ROUSSEAU de Genève, sur l'origine & les fondemens de l'inégalité parmi les Hommes.
La lettre discute du 'Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes' de Jean-Jacques Rousseau. L'auteur apprécie le style de Rousseau mais rejette ses idées, qu'il considère opposées à la vérité et nuisibles au bonheur. Il anticipe que le discours provoquera de nombreuses critiques, similaires à celles suscitées par un précédent discours primé par l'Académie de Dijon. Plutôt que de polémiquer, l'auteur propose un raisonnement simple : tout ce qui découle des facultés humaines est naturel. Par conséquent, l'état de société, résultant de ces facultés, est naturel et ne doit pas être regretté. L'auteur soutient que la perfectibilité humaine, soulignée par Rousseau, conduit naturellement à l'état actuel de l'humanité. Il critique également la vision idéalisée de l'homme sauvage de Rousseau, affirmant que cet état n'est pas celui voulu par Dieu. L'auteur conclut en appelant à accepter l'homme tel qu'il est et à reconnaître la sagesse divine dans l'ordre du monde. Il exprime son admiration pour les qualités de cœur de Rousseau et pose des questions sur la pitié, une vertu chère à Rousseau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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58
p. 107-121
« Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Début :
Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...]
Mots clefs :
Collection, Nature, Vérité, Docteur, Académies, Médecine, Découvertes, Philosophie, Physique, Discours
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texteReconnaissance textuelle : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Nous avons annoncé au mois de Septembre
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
110 MERCURE DE FRANCE.
22
interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
"
"3
D
Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
"""
112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
la nouvelle Collection académique ,
c. avec promeffe d'en parler plus expreffément
une autre fois . Nous allons la
remplir . La feule infpection de fon titre a
dû déja faire connoître l'étendue du projet
de l'Editeur.
Cet ouvrage eft précédé d'un beau difcours
préliminaire qui préfente des vues
très- philofophiques . Elles font juger avantageufement
du mérite de M. Gueneau
qui en eft l'Auteur. Comme il fent vivement
l'importance des vérités phyfiques
que cette collection a pour objet , il s'exprime
de même. Les matieres les plus abftraites
deviennent intéreffantes fous une
main auffi habile que la fienne . Il joint à
la profondeur du raifonnement l'éloquence
du ftyle ; deux qualités d'autant plus
dignes d'éloges , qu'elles ne vont pas toujours
enfemble.
On n'entend pas ici cette éloquence qui
cherche à furprendre par de fauffes lueurs ,
& qui fait difparoître la vérité fous des
ornemens qui lui font étrangers. Toat
homme qui penfe en philofophe , eft bien
éloigné de l'employer à un pareil ufage.
Ce feroit prendre l'abus de l'éloquence
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
pour l'eloquence elle- même , qui a pour
bale la folidité du jugement . On entend
donc par là cette énergie d'expreffion qui
communique ,, pour ainfi dire , la vie aux
idées dont elle rend la force plus fenfible ,
en leur prêtant un nouvel éclat . M. Gueneau
débute par des réflexions générales fur
la marche de l'efprit humain dans le développement
des connoillances qui appartiennent
à l'étude de la nature Il en marque
les progrès , & failit avec art tous
les rapports qui en dépendent. Il infifte
particulierement fur la néceffité de l'obfervation
, dont il analyſe les principes . It
approfondit la méthode qui doit fervir de
guide aux Obfervateurs dans leurs recherches
,pour
arriver à la certitude phyfique.
»Le premier objet ( dit- il ) qui fe préten-
» te à obferver , celui qu'il nous importe le
» plus de bien connoître , c'eft nous- mêmes.
Cette efpece d'obfervation inté-
» rieure doit précéder toute autre obfer-
» vation , & peut feule nous rendre capables
de juger fainement des êtres qui
» font hors de nous En effet nous ne connoiffons
point immédiatement ces êtres ;
nous ne pourrons jamais pénétrer leur
nature intime , & leur effence réelle ; les
idées que nous en avons , fe terminent
à leur furface , & même à parler rigouDECEMBRE
. 1755. 109
"
reuſement , nous n'appercevons point
» ces furfaces , mais feulement les impref-
»fions qu'elles font fur nos organes . Tou-
» tes ces vérités font certaines pour quiconque
fçait réfléchir ; & s'il eft abfurde à
» l'Egoifte d'en conclure qu'il exifte ſeul ;
»de suppofer que ce qu'on appelle les ob-
» jets extérieurs , ne font autre choſe que
»fes différentes manieres de voir , & n'ont
» aucune réalité hors de lui ; de fe perfua-
» der que les limites de fon être font celles
» de la nature ; & de vouloir ainfi réduire
» l'univers aux dime fons d'un atome ,
» il eft raisonnable aufli d'avouer que la
» maniere dont nous connoiffons notre
» exiftence , eft très- différente de celle
» dont nous connoiffons toute autre exif-
"tence : la premiere eft une confcience
intime , un fentiment profond ; la fe-
» conde eft une conféquence déduite de
» cette vérité premiere : la certitude eft
égale des deux côtés ; mais la preuve
» n'eft pas la même. Dans le premier cas ,
» ceft une lumiere directe immédiate-
»ment préfente à notre ame ; dans le fe-
»' cond , c'est une lumiere réfléchie par des
objets extérieurs , & modifiée par nos
» fens. Car nos fens font la feule voye
≫ par laquelle nous puiffions communi-
" quer avec la nature ; c'eft un milieu
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interpofé entre notre ame & le monde
» phyfique'; milieu à travers lequel paf-
» fent néceffairement les images des cho-
» fes , ou plutôt les ombres projettées fur
» notre fens intérieur. Il faut donc avant
" tout travailler à épurer ce milieu , & à
» écarter tout ce qui pourroit alterer ces
images primitives , & les teindre de
couleurs étrangeres ; ou du moins il faut
» fe mettre en état de reconnoître , & même
de rectifier les altérations qu'elles
» fubiffent à leur paffage. »
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Ce que nous venons de rapporter du
Difcours de M. Gueneau , montre qu'il
employe heureufement les notions métaphyfiques
dans la définition des chofes
dont il traite , & fuffit en même-temps ,
pour donner une idée de fa maniere d'écrire
, analogue à fa façon de penfer. Nous
ajouterons un autre morceau qui nous paroît
frappé au même coin. Il s'agit de repréfenter
les effets que le préjugé a coututume
de produire , & les funeftes fuites
qu'il entraîne après lui : Voici comme s'explique
l'Auteur. » Le préjugé eft le plus
grand ennemi de la vérité , & par con-
» féquent de l'homme , puifque l'hom-
» me ne peut fe rendre heureux que par
« la connoiffance de la vérité. Cet enne-
» mi nous obféde dès notre naiffance ,
DECEMBRE. 1755. Τ
ou plutôt il femble être né avec nous :
» à peine notrepaupiere commence à s'ou-
» vrir , qu'il nous enveloppe de fes om-
» bres : fon murmure confus eft le pre-
» mier bruit qui frappe nos oreilles ; &
» nos premiers regards font fouillés par
l'erreur. A mefure que nos facultés fe
développent , le préjugé fe les affujetir ,
& fe fortifie avec elles : non- feulement
» il falfifie le témoignage de nos lens ,
» il obfurcit encore les foibles lueurs de
» notre raifon. L'éducation , l'exemples,
23
toute communication avec les autres
» hommes , lui fervent fouvent de moyen
» pour accroître & perpétuer fa contagion
: quelquefois il fe fait la guerre à
» lui-même , pour triompher de nous plus
furement ; il n'eft point de formes qu'il
» ne prenne pour nous fubjuguer , ou pour
» nous féduire , & jamais il n'eft plus ter-
» rible , que lorfqu'il fe produit fous des
» dehors refpectés. Cependant il nuit en
» core moins à la vérité par les menfonges
qu'il accrédite , que par le vice qu'il
» introduit dans la méthode de raifonner.»
M. Gueneau propofe enfuite le reméde
qu'il faut appliquer au mal , & il qualifie
ce reméde de donte méthodique. » C'est
( continue- t'il ) cette ignorance de convention,
par laquelle un Philofophe s'é-
و د
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112 MERCURE DE FRANCE.
و ر
"
» leve au - deffus de fes opinions , que le
vulgaire appelle fes connoillances , afin
» de les juger toutes avec une fermeté
» éclairée , d'affigner à chacune fon dégré
précis de probabilité , de rejetter
» toutes celles qui ne font point fondées ,
» & de s'attacher inviolablement à la vé-
» rité mieux connue. Ce doute eft appellé
» méthodique , parce qu'il fuppofe une
méthode fure de diftinguer l'obfcur de
» l'évident , le faux du vrai , & même le
» vrai du vaiſemblable. Il ne fufpend no-
» tre jugement , que lorfque la lumiere
» vient à nous manquer : il differe effen-
» tiellement du Pyrrhonifme , qui n'eſt
» autre chofe que le défefpoir d'un efprit
» foible , qui a fçu fe defabufer de fes pré-
» jugés , mais qui n'ayant pas le courage
» de chercher la vérité , fait de vains ef-
» forts pour l'anéantir. Le doute philofophique
eft aucontraire le premier effort
» d'une ame généreufe , qui veut fecouer
» le joug de l'erreur : c'eft le premier pas
» qu'il faut faire pour arriver à la cer-
» titude , & il n'est pas moins oppofé à
l'aveugle indécifion du Pyrrhonien , qu'à
» l'aveugle témérité du Dogmatique . C'eft
» moins un doute réel , qu'un examen
» après coup , par lequel la raifon rentre
» dans fes droits , & ſe prépare à la vérité ,
"
و ر
DECEMBRE . 1755. 113
en fe dégageant des entraves de l'opi-
» nion. "
Il ne faudroit pas moins que copier le
Difcours d'un bout à l'autre , pour mettre
à portée de juger de la jufteffe des remarques
de M. Gueneau , & en même- temps
faire appercevoir l'enchaînement de fes
idées , avec leur dépendance mutuelle .
C'est pourquoi nous ne pouvons trop
en recommander la lecture , qui fervira à
confirmer la bonne opinion que nous
avons conçue du travail de l'Auteur. L'é
poque de la révolution que la Philofophie
a éprouvée dans ces derniers fiécles , fixe
toute fon attention . Elle doit fe rapporter
à la naiffance de ces Grands hommes , qui
ont diffipé les ténébres que la Scholaftique
avoit répandues fur les Sciences . On
voit ici paroître tour à tour le Chancelier
Bacon , Galilée , Defcartes , Mallebranche ,
Leibnitz & Newton , qu'il fuffit de nommer
pour faire leur éloge. M. Gueneau
puife dans le vrai les traits que fa plume
lui fournit , pour caracteriſer là trempe
de leur efprit. L'équité dirige par - tout les
jugemens , lorfqu'il eft queftion d'apprécier
le mérite de leurs découvertes . Il
procéde à l'examen des hypotèfes qu'il
fçait réduite à leur jufte valeur . Descartes
ne trouve dans l'Auteur qu'un Cenfeur
114 MERCURE DE FRANCE.
éclairé qui témoigne fon eftimne pour lui ,
dans le temps même qu'il appuye le plus
fortement fur les erreurs qui font parti
culieres à ce Philofophe. Elles apprennent
à fe tenir en garde contre les écarts de l'imagination
, à laquelle Defcartes femble
avoir donné trop d'effor dans la maniere
d'établir fon fyftême Phyfique . Il y a
moyen de les rectifier par les propres principes
de fa Méthode qui a tracé la route
qui conduit à la vérité. L'Auteur reconnoît
avec plaifir les obligations infinies
que l'on a à ce grand homme , dont le
génie vafte & profond embraffoit les ob
jets les plus fublimes , comme il eſt aiſé
de s'en convaincre par fes Méditations .
S'il n'a pas toujours réuffi dans l'explication
des loix de la nature , ce n'eſt pas
une raifon pour lui refufer un talent fu
périeur , & encore moins pour le traiter
avec mépris. C'est ce que font pourtant
certains Modernes , dont une prévention
outrée régle tous les fentimens . Sa réputation
ne fera pas moins en fureté , pour
être uniquement attaquée par des gens que
les préjugés fubjuguent .
.. On ne fera fans doute pas fâché de fçavoir
comment M. Gueneau a faifi le caractere
de la Philofophie du célébre Anglois
, de qui les opinions font à préſent
DECEMBRE. 1755. IT'S
dominantes . Voici ce qu'il dit à ce fujet .
» Enfin Newton parut , étonna l'Univers ,
» & l'éclaira d'un nouveau jour : il pur-
» gea la Philofophie de tout ce que le Car-
» téfianiſme y avoit laiffé ou mis d'erreur
» & d'incertitude : il ia ramena de la fpé-
» culation des caufes poffibles à l'obfer-
» vation des effets récis : il penfa que fi
» l'on connoiffoit bien l'enchaînement &
la loi de tous les phénomenes , on con-
» noîtroit affez la nature : il regarda les
» hypothèſes commes ces nuages voltigeans
, qu'amene un tourbillon qu'un
» fouffle diffipe , & qui interceptent la
»lumiere, ou qui l'alterent en la réfléchiffant.
Ces principes joints à de grandes
a vues , à une fagacité prodigieufe , & à
» un travail infatigable , le conduifirent à
» des découvertes également hautes & fo-
» lides .
M. Gueneau entre enfuite dans le dérail
du plan fur lequel la Collellion Académique
a été exécutée , & nous inftruit du
but que l'on s'y eft propofé . Cet Ouvrage
porte de lui -même fa recommandation
fans qu'il foit befoin de s'étendre fur les
avantages inconteftables qui lui font propres.
C'est une tâche que l'Editeur a
très -bien remplie . Il fait honneur de la
premiere idée de cette Collection , à feu M.
T16 MERCURE DE FRANCE.
Berryat , Docteur en Médecine , & Correfpondant
de l'Académie Royale des
Sciences de Paris . Il ne doute pas que ce
projet n'eût reçu fous les mains de cet habile
homme toute l'étendue & toute la
perfection qu'il comportoit , fi fa mort
n'eût mis un obftacle invincible à l'éxécution
de fes vues fur cet article. M. Gueneau
s'eft donc à fon défaut chargé de l'entrepriſe
, dont l'importance a engagé plufieurs
Gens de Lettres à s'affocier à fes
travaux , pour concourir avec lui par leurs
foins , à la publication de ce vafte Recueil.
11 obferve que le nombre des Académies
qui fe multiplient tous les jours
rend cette Collection abfolument néceffaire
: elle offre tout ce que les compilations
peuvent avoir d'avantageux , & eft
exempte des défauts qui leur font ordinaires
. Nous ofons dire de plus que le
difcernement qu'on remarque dans le
choix des fujets qui conftituent ce Recueil,
la rend très- estimable . Son objet eft de renfermer
les obfervations & les découvertes
faites depuis le renouvellement de la Philofophie
, par les plus fameux Phyficiens
de l'Europe , fur l'Histoire Naturelle & la
Botanique , la Phyſique expérimentale & la
Chimie , la Médecine & l'Anatomie. Les
Mémoires des Académies célébres , & les
,
DECEMBRE. 1755. 117
bons Ouvrages périodiques de France ,
d'Angleterre, d'Italie & d'Allemagne , doivent
fournir les materiaux de cette Collection.
On fe propofe de raffembler avec
foin en moins de quarante Volumes , tous
les faits relatifs à ces trois parties de la
Philofopie naturelle ; ce qui épargnera la
peine de les chercher dans plus de huit
cens Volumes originaux écrits en différentes
langues , où ils font répandus. On
s'eft attaché dans leur arrangement à l'ordre
des temps , parce qu'il eft le plus propre
l'inftruction des Lecteurs. Il n'y a qu'une
circonftance où l'on a cru devoir s'en écar
ter ; c'eft lorfqu'il a fallu rapprocher cer
tains faits , qui n'empruntent leur évidence
que de leur réunion. On aura dans cette
Collection , une fuite d'expériences &
d'obfervations comme enchaînées les unes'
aux autres : les voies de la comparaifon
qu'elle facilitera , rendront par ce moyen
leur utilité plus fenfible. Elle a d'autant
plus de droit de s'attendre à un accueil favorable
de la part des perfonnes qui s'oc
cupent de l'étude de la nature ; que le fuccès
des diverfes piéces qu'elle met fous
leurs yeux , eft confirmé depuis long temps
par le fceau de l'approbation publique.
Il ne paroît encore que trois Volumes ; on
en promet un quatrième pour Pâques 1756,
1S MERCURE DE FRANCE.
& on s'engage à donner les autres fucceffivement
de fix mois en fix mois . Nous
allons expofer un précis des matieres qu'ils .
contiennent , felon la divifion qui leur appartient.
C'est tout ce que nous pouvons faire pour
un Ouvrage , qui par fa nature n'eſt guete
fufceptible d'extrait. Les trois parties
différentes qui entrent dans fa compofition
, peuvent-être détachées ; de forte.
qu'il fera facile d'en former trois fuites
féparées , dont chacune fera complete en:
fon genre. En ce cas , ceux qui voudront
fe borner à l'acquifition de l'une des trois ,
auront la liberté de fe fatifaire . Cependant
nous croyons que toutes les trois préfentent
des chofes capables d'intereffer la
curiofité des Sçavans , & de les déterminer
par conféquent à acquérir la Collection
entiere. Le premier Volume comprend ,
outre le Difcours préliminaire dont nous
avons déja parlé , tout ce que l'Académie
del Cimento de Florence a mis au jour fous
le titre d'Effais d'Expériences Phyfiques, avec
les additions du Docteur Muffchenbroek ,
qui font en notes, Elles roulent fur les obfervations
poftérieures , comparées avec
celles des Phyficiens de Florence , & traitent
de quantité de découvertes du Docteur
Muffchenbroek lui-même , fur toutes forDECEMBRE.
1755 119
es de matieres ; mais particulierement fur
la formation de la glace , fur l'expanfion
des folides caufés par l'action de la chaleur
, fur l'effervefcence réfultant des différens
mélanges , &c. Le nouvel Editeur
a joint un extrait des vingt premieres années
du Journal des Sçavans , où l'on a réuni
toutes les piéces de ce Journal , qui ont
rapport à l'objet de la Collection Académique.
Le fecond Volume contient les quatorze
premieres années des Tranfactions Philo-
Sophiques de la Société Royale de Londres ,
& la Collection Philofophique publiée par le
Docteur Hook , pour remplir une lacune
de près de cinq années , qui fe trouve dans
la fuite des Tranfallions , depuis 1678 .
jufqu'en 1683 .
La premiere Décurie des Ephémérides
de l'Académie des Curieux de la Nature
Allemagne , & la moitié de la feconde
Décurie , qui va jufqu'en 1686. font la:
matiere du troifiéme Volume,
Il eft jufte que nous fallions connoître
les noms des Gens de Lettres à qui le Public
eft redevable de la traduction des
piéces qui compofent les Recueils Originaux
, d'où ont été tirés ces premiers Volumes
de la Collection Académique .
On ne les fçauroit trop louer d'avoir tra120
MERCURE DE FRANCE.
vaillé à tranſmettre dans notre Langue , les
grandes découvertes qu'elles renferment.
Le Traducteur des Effais de l'Académie
del Cimento , a voulu garder l'Anonyme ,
& cela par des motifs qu'on ne fpécifie
point. On nous apprend que M. Lavirotte,
Docteur-Régent de la Faculté de Médecine
de Paris , Cenfeur Royal , & l'un des
Auteurs du Journal des Sçavans , a pris
fur lui le foin de revoir la traduction de ce
Morceau .
Ce qui paroît des Tranfactions Philofophiques
, a été traduit par M. Roux , Docteur
en Médecine , par M. Larcher , par
M. le Chevalier de Buffon , & par M.
Daubenton , frere aîné de l'Académicien
du même nom, & l'un des Auteurs de
l'Encyclopedie.
Les articles qui concernent l'Agriculture
, ont été confiés à M. Daubenton ; &
il étoit mal aifé de choisir quelqu'un qui
fût plus en état que lui de fe bien acquitter
de cette partie qu'il poffede à fonds .
Les Ephém rides d'Allemagne ont été
traduites par M. Nadaut , Avocat Général
Honoraire de la Chambre des Comptes de
Dijon , & Correfpondant de l'Académie
Royale des Sciences de Paris , & par M.
Daubenton le jeune, proche parent de ceux
du même nom , que nous venons de citer.
M.
DECEMBRE . 1755. 121
M. Barberet , Docteur en Médecine à Dijon
, a dreffé les Tables Alphabétiques rai .
Jonnées , qui font à la fin de chaque Volume.
Il eſt aifé de fentir les avantages
attachés à cette Collection , par ce détail
qui indique le fonds de l'Ouvrage. Nous
ajouterons qu'elle eft enrichie de plus de
150 figures , fur près de So planches en
taille- douce. Il faut dire à la louange des
Libraires affociés , qu'il n'ont rien épargné
de tout ce qui dépend de l'Art Typogra
phique , dont l'exécution répond parfaitement
à la beauté de l'entreprife .
Nous n'appuierons pas davantage fur
les éloges que méritent les vues de l'Editeur
, & les travaux de fes collegues . Ce
font autant de moyens qui concourent à
rendre la nouvelle Collection infiniment
précieufe aux connoiffeurs , & à leur faire
défirer avec empreffement les volumes fuivans.
Fermer
Résumé : « Nous avons annoncé au mois de Septembre la nouvelle Collection académique, [...] »
Le texte annonce la publication d'une nouvelle Collection académique, précédée d'un discours préliminaire de M. Gueneau. Ce discours expose des vues philosophiques et met en avant l'importance des vérités physiques. Gueneau combine profondeur de réflexion et éloquence stylistique, tout en évitant l'éloquence trompeuse. Il insiste sur l'observation et la méthode pour atteindre la certitude physique, commençant par l'observation de soi-même avant d'explorer le monde extérieur. Le préjugé est identifié comme un ennemi de la vérité, et Gueneau propose un doute méthodique pour le combattre. Le texte mentionne également des figures historiques telles que Bacon, Galilée, Descartes, Malebranche, Leibniz et Newton, soulignant leurs contributions à la philosophie et à la science. La Collection académique vise à rassembler les observations et découvertes des plus célèbres physiciens européens dans divers domaines scientifiques, évitant ainsi la dispersion des informations dans de nombreux volumes originaux. Le texte précise que trois volumes sont déjà publiés, avec un quatrième prévu pour Pâques 1756. Cette collection facilite la comparaison entre expériences et observations et est destinée aux personnes étudiant la nature. Elle a déjà reçu l'approbation publique. Le premier volume inclut les 'Essais d'Expériences Physiques' de l'Académie del Cimento de Florence, avec des additions du Docteur Musschenbroek, traitant de diverses découvertes, notamment sur la formation de la glace et l'expansion des solides chauffés. Il comprend également un extrait des vingt premières années du 'Journal des Sçavans'. Le deuxième volume contient les quatorze premières années des 'Transactions Philosophiques' de la Société Royale de Londres et une collection philosophique du Docteur Hook. Le troisième volume présente les 'Éphémérides' de l'Académie des Curieux de la Nature en Allemagne, couvrant les années jusqu'en 1686. Les traductions des textes originaux ont été réalisées par plusieurs savants, dont M. Lavirotte, M. Roux, M. Larcher, le Chevalier de Buffon, M. Daubenton, M. Nadaut, et M. Barberet. La collection est enrichie de plus de 150 figures sur près de 50 planches en taille-douce et bénéficie d'une excellente qualité typographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
59
p. 160-164
SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
Début :
M. l'Abbé de Boismont ayant été élu par l'Académie Françoise à la place de feu [...]
Mots clefs :
Académie française, Discours, Nicolas Thyrel de Boismont, Esprit, Abbé
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
SEANCE PUBLIQUE
De l'Académie Françoife.
M. l'Abbé de Boifmont ayant été élu
par l'Académie Françoife à la place de feu
M. l'Evêque de Mirepoix , y prit féance le
25 Octobre. Le difcours qu'il prononça ,
fut trouvé très- éloquent , & nous ofons
affurer que l'impreffion ne lui a rien fair
perdre de fa beauté. Ceux qui ne l'ont ni
entendu ni lu , en jugeront par les traits
que j'en vais citer. Je les prendrai dans
l'apologie qu'il fait du caractere actuel
de l'éloquence de la chaire , à qui l'on rẹ-
proche d'être trop ornée , & de courir
trop après l'efprit . Pourquoi , dit-il , lorfqu'il
s'agit de commander aux paffions
des hommes , dédaigneroit-on le charme
le plus puiffant qui les foumette , & qui les
captive ? J'appelle ainfi cet heureux art
d'embellir la raifon , d'adoucir la rudeffe
de fes traits , de lui donner une teinture
vive & pénétrante , de la dépouiller de
DECEMBRE. 1755. 161
cette féchereffe qui révolte , de cette monotonie
qui dégoute , de cette pefanteur
qui attiédit , & qui fatigue. Que produitelle
fans le fecours de cet art ? une attention
morte , une conviction froide , un
hommage aride & inanimé ; quelquefois
la tentation de fe venger de l'ennui par
le doute , & toujours le dépit fecret de
fentir que ce qui peut laiffer encore quelques
nuages dans l'efprit , ne foit pas du
moins protégé par le fuffrage du coeur.
On regrette tous les jours , ajoute- t- il
plus bas , la majestueufe fimplicité des premiers
défenfeurs. On veut que dans ces
rems heureux tout pliât fous le poids de
la vérité feule , & que pour la rendre victorieufe
il ait fuffi de la montrer fans parure
& fans art ; mais que prétend- on par
cette fuppofition chagrine ? fe perfuade- ton
que les premiers panégyriftes de la foi
dédaignerent les teffources du génie , abandonnerent
la vérité à fon ' auftérité naturelle
, repoufferent d'une main fuperftitieuſe
tous les ornemens qu'elle avoue , &
qu'en un mot un zele brulant & impétueux
leur tint lieu de tout ? illufion démentie
par les précieux monumens qui nous refrent
de ces gran is hommes. Qu'on écoute
S. Paul foudroyant la raifon humaine au
milieu de l'Areopage ; quelle critique dé-
1
162 MERCURE DE FRANCE.
licate ! quelle philofophie fublime ! quel
tableau brillant de l'immenfité du premier
être ! Non , quels que fuffent alors les fuccès
de la foi , les moyens humains entrerent
, je ne dis pas dans la compofition ,
mais dans la propagation fucceffive de cette
oeuvre divine . Alors , comme de nos
jours les controverfes , les écrits , les dif
cours publics prirent la teinture du caractere
perfonnel de l'efprit dominant du
fiecle , & fi j'ofe m'exprimer ainfi de
l'impulsion générale des moeurs. Tertullien
fut févere & bouillant , S. Auguftin
profond & lumineux, S. Chryfoftome pompeux
& folide , S. Bernard fenfible & fieuri.
Leur zele ne porte nulle part l'empreinte
d'une raifon féche & décharnée ; ils
l'enrichiffent , ils la parent de tous les tréfors
de l'imagination , moins déliée peutêtre
, moins minutieufe que celle de nos
jours , parce que leur âge étant plus fimple
, les vices avoient , pour ainfi dire
plus de corps & de confiftance : la corrup
tion étoit moins adroite , moins myſtérieufe
; elle ne forçoit point par conféquent,
à ces détails , & à ces nuances qui reffemblent
quelquefois à un foin affecté de l'art,
& qui n'appartiennent cependant qu'à un
efprit d'exactitude & d'obfervation . Lorfque
le vice eft devenu ingénieux , il a failu
DECEMBRE. 1755. 163
le devenir avec lui , pour le combattre.
Cette maniere de juftifier la néceffité où
l'on eft aujourd'hui d'employer les armes
de l'efprit pour faire triompher la parole
de Dieu , eft elle- même auffi ingénieufe ,
qu'elle eft nouvelle & bien faifie.
Monfieur l'Abbé Alary répondit à mon
fieur l'Abbé de Boifmont. Son difcours
eut l'approbation génerale , & le mérite
à double titre. Il eft élégant & court.
Après avoir donné en peu de mots au Récipiendaire
la louange due à fon talent
pour la chaire , il fait ainfi l'éloge de M.
l'Evêque de Mirepoix .
Né dans le fein d'une famille entierement
confacrée à la Religion , il ne connut
de vrais devoirs que ceux qu'elle prefcrit.
Son exactitude à les remplir le fit
renoncer abfolument au monde ; mais
malgré fa retraite, il ne put être long- tems
ignoré. Il parut dans le public pour y annoncer
les vérités éternelles..... Il n'eut
de commerce avec les grands que dans le
tribunal de la pénitence , & ils fe firent
gloire , en devenant fes amis , d'être à fon
infçu les protecteurs. Ce furent là , Monfieur
, les deux feuls nroyens qui fervirent
à fon élévation . Il ne dut rien à la fortune
, tout fut l'ouvrage de la providence ,
dont les voies impénétrables le conduifi164
MERCURE DE FRANCE.
rent aux premiers honneurs de l'Eglife ;
mais à peine y fut- il parvenu qu'il fut forcé
de s'arracher à fes travaux apoftoliques
déja récompenfés par les fruits les plus
abondans.
Deſtiné à l'inftruction de l'héritier du
premier trône de l'univers , il ne changea
point de maximes ; la Religion fut toujours
la bafe de fa conduite. Il ne fut occupé
que d'infpirer à fon augufte Eleve
les fentimens d'une pieté folide & éclairée
, l'amour du devoir & le defir de s'inftruire
, qualités fi néceffaires aux Souverains,
qui veulent faire le bonheur de leurs
peuples. Nous fommes tous témoins du
fuccès de fes foins ; & pouvions - nous
moins attendre d'un Prince , qui , dès les
premiers momens qu'il a connu la raifon
a donné les preuves les plus brillantes de
la vivacité de fon efprit , les marques les
plus fures de la folidité de fon jugement ,
les indices les plus certains de la fenfibilité
de fon coeur , reffource fi défirable
pour tous les malheureux .
De l'Académie Françoife.
M. l'Abbé de Boifmont ayant été élu
par l'Académie Françoife à la place de feu
M. l'Evêque de Mirepoix , y prit féance le
25 Octobre. Le difcours qu'il prononça ,
fut trouvé très- éloquent , & nous ofons
affurer que l'impreffion ne lui a rien fair
perdre de fa beauté. Ceux qui ne l'ont ni
entendu ni lu , en jugeront par les traits
que j'en vais citer. Je les prendrai dans
l'apologie qu'il fait du caractere actuel
de l'éloquence de la chaire , à qui l'on rẹ-
proche d'être trop ornée , & de courir
trop après l'efprit . Pourquoi , dit-il , lorfqu'il
s'agit de commander aux paffions
des hommes , dédaigneroit-on le charme
le plus puiffant qui les foumette , & qui les
captive ? J'appelle ainfi cet heureux art
d'embellir la raifon , d'adoucir la rudeffe
de fes traits , de lui donner une teinture
vive & pénétrante , de la dépouiller de
DECEMBRE. 1755. 161
cette féchereffe qui révolte , de cette monotonie
qui dégoute , de cette pefanteur
qui attiédit , & qui fatigue. Que produitelle
fans le fecours de cet art ? une attention
morte , une conviction froide , un
hommage aride & inanimé ; quelquefois
la tentation de fe venger de l'ennui par
le doute , & toujours le dépit fecret de
fentir que ce qui peut laiffer encore quelques
nuages dans l'efprit , ne foit pas du
moins protégé par le fuffrage du coeur.
On regrette tous les jours , ajoute- t- il
plus bas , la majestueufe fimplicité des premiers
défenfeurs. On veut que dans ces
rems heureux tout pliât fous le poids de
la vérité feule , & que pour la rendre victorieufe
il ait fuffi de la montrer fans parure
& fans art ; mais que prétend- on par
cette fuppofition chagrine ? fe perfuade- ton
que les premiers panégyriftes de la foi
dédaignerent les teffources du génie , abandonnerent
la vérité à fon ' auftérité naturelle
, repoufferent d'une main fuperftitieuſe
tous les ornemens qu'elle avoue , &
qu'en un mot un zele brulant & impétueux
leur tint lieu de tout ? illufion démentie
par les précieux monumens qui nous refrent
de ces gran is hommes. Qu'on écoute
S. Paul foudroyant la raifon humaine au
milieu de l'Areopage ; quelle critique dé-
1
162 MERCURE DE FRANCE.
licate ! quelle philofophie fublime ! quel
tableau brillant de l'immenfité du premier
être ! Non , quels que fuffent alors les fuccès
de la foi , les moyens humains entrerent
, je ne dis pas dans la compofition ,
mais dans la propagation fucceffive de cette
oeuvre divine . Alors , comme de nos
jours les controverfes , les écrits , les dif
cours publics prirent la teinture du caractere
perfonnel de l'efprit dominant du
fiecle , & fi j'ofe m'exprimer ainfi de
l'impulsion générale des moeurs. Tertullien
fut févere & bouillant , S. Auguftin
profond & lumineux, S. Chryfoftome pompeux
& folide , S. Bernard fenfible & fieuri.
Leur zele ne porte nulle part l'empreinte
d'une raifon féche & décharnée ; ils
l'enrichiffent , ils la parent de tous les tréfors
de l'imagination , moins déliée peutêtre
, moins minutieufe que celle de nos
jours , parce que leur âge étant plus fimple
, les vices avoient , pour ainfi dire
plus de corps & de confiftance : la corrup
tion étoit moins adroite , moins myſtérieufe
; elle ne forçoit point par conféquent,
à ces détails , & à ces nuances qui reffemblent
quelquefois à un foin affecté de l'art,
& qui n'appartiennent cependant qu'à un
efprit d'exactitude & d'obfervation . Lorfque
le vice eft devenu ingénieux , il a failu
DECEMBRE. 1755. 163
le devenir avec lui , pour le combattre.
Cette maniere de juftifier la néceffité où
l'on eft aujourd'hui d'employer les armes
de l'efprit pour faire triompher la parole
de Dieu , eft elle- même auffi ingénieufe ,
qu'elle eft nouvelle & bien faifie.
Monfieur l'Abbé Alary répondit à mon
fieur l'Abbé de Boifmont. Son difcours
eut l'approbation génerale , & le mérite
à double titre. Il eft élégant & court.
Après avoir donné en peu de mots au Récipiendaire
la louange due à fon talent
pour la chaire , il fait ainfi l'éloge de M.
l'Evêque de Mirepoix .
Né dans le fein d'une famille entierement
confacrée à la Religion , il ne connut
de vrais devoirs que ceux qu'elle prefcrit.
Son exactitude à les remplir le fit
renoncer abfolument au monde ; mais
malgré fa retraite, il ne put être long- tems
ignoré. Il parut dans le public pour y annoncer
les vérités éternelles..... Il n'eut
de commerce avec les grands que dans le
tribunal de la pénitence , & ils fe firent
gloire , en devenant fes amis , d'être à fon
infçu les protecteurs. Ce furent là , Monfieur
, les deux feuls nroyens qui fervirent
à fon élévation . Il ne dut rien à la fortune
, tout fut l'ouvrage de la providence ,
dont les voies impénétrables le conduifi164
MERCURE DE FRANCE.
rent aux premiers honneurs de l'Eglife ;
mais à peine y fut- il parvenu qu'il fut forcé
de s'arracher à fes travaux apoftoliques
déja récompenfés par les fruits les plus
abondans.
Deſtiné à l'inftruction de l'héritier du
premier trône de l'univers , il ne changea
point de maximes ; la Religion fut toujours
la bafe de fa conduite. Il ne fut occupé
que d'infpirer à fon augufte Eleve
les fentimens d'une pieté folide & éclairée
, l'amour du devoir & le defir de s'inftruire
, qualités fi néceffaires aux Souverains,
qui veulent faire le bonheur de leurs
peuples. Nous fommes tous témoins du
fuccès de fes foins ; & pouvions - nous
moins attendre d'un Prince , qui , dès les
premiers momens qu'il a connu la raifon
a donné les preuves les plus brillantes de
la vivacité de fon efprit , les marques les
plus fures de la folidité de fon jugement ,
les indices les plus certains de la fenfibilité
de fon coeur , reffource fi défirable
pour tous les malheureux .
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Résumé : SEANCE PUBLIQUE De l'Académie Françoise.
Lors d'une séance publique de l'Académie Française, l'Abbé de Boifmont a été élu pour succéder à M. l'Évêque de Mirepoix. Le 25 octobre, il a prononcé un discours jugé très éloquent, dont la beauté n'a pas été altérée par l'impression. Dans ce discours, il a défendu l'éloquence de la chaire, souvent critiquée pour être trop ornée et trop spirituelle. Il a argumenté que l'art d'embellir la raison est nécessaire pour captiver et soumettre les passions humaines. Sans cet art, l'attention reste morte, la conviction froide, et l'audience peut être tentée de douter. Il a regretté la simplicité des premiers défenseurs de la foi, mais a souligné que même eux utilisaient des moyens humains pour propager leur message. Il a cité des exemples comme Saint Paul, Tertullien, Saint Augustin, Saint Chrysostome et Saint Bernard, qui enrichissaient leurs discours de trésors d'imagination. L'Abbé Alary a répondu à l'Abbé de Boifmont avec un discours élégant et court, louant le talent de ce dernier pour la chaire et rendant hommage à M. l'Évêque de Mirepoix. Ce dernier, né dans une famille dévouée à la religion, a consacré sa vie à ses devoirs religieux, annonçant les vérités éternelles et gagnant le respect des grands. Il a été choisi pour instruire l'héritier du trône, lui inspirant une piété solide et éclairée, l'amour du devoir et le désir de s'instruire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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60
p. 245-248
GRANDE-BRETAGNE.
Début :
Aujourd'hui, le Roi s'est rendu à la Chambre des Pairs [...]
Mots clefs :
Londres, Parlement, Sa Majesté, Discours, Colonies américaines, Adresse au roi, Régiments
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texteReconnaissance textuelle : GRANDE-BRETAGNE.
GRANDE - BRETAGNE
.
DE LONDRES , le 13 Novembre.
Aujourd'hui , le Roi s'eft rendu à la Chambre
des Pairs avec les cérémonies accoutumées ; & Sa
Majefté ayant mandé la Chambre des Communes ,
a fait l'ouverture du Parlement par le Difcours
fuivant.
Mylords & Meffieurs , La fituation critique où
font actuellement les affaires , & la volonté dans
laquelle je fuis conflamment de m'appuyer des avis
de l'affiftance de mon Parlement dans toutes les
occafions importantes , m'ont fait fouhaiter de vous
raffembler le plutôt qu'il feroit poffible. Depuis vo
tre derniere Seffion , j'ai pris les mesures qui pouvoient
le plus contribuer à protéger nos poffeffions en
Amérique , & à nous faire recouvrer ce qui en a été
enlevé ou par empietement ou par invasion , au mépris
de la paix , & contre la foi des Traités les plus
folemnels. Pour remplir ces objets , on a apporté
autant de diligence que d'attention , à mettre en
état les forces maritimes de ces Royaumes , & à les
employer : quelques troupes de terres ont été envoyées
dans l'Amérique Septentrionale , & l'on afourni aux
différentes Colonies tous les encouragemens propres
les animer tant à leur propre défense , qu'a la défenfe
des droits de la Grande Bretagne . Avec unfincere
defir de garantir mon Peuple des malheurs de la
guerre, & deprévenir , au milieu des troubles préfens
, tout ce qui pourroit en allumer une générale en
Europe , j'ai été toujours prêt à accepter des voies
raisonnables honorables d'accommodement ; mais
jufqu'ici la France n'en a proposé aucune. Auffij'ai
borné mes vues, à empêcher cette Puillance de faire
de nouvelles ufurpations , ou de foutenir celles qu'sty
Lij
246 MERCURE DE FRANCE.
le a déja faites ; à faire pleinement connoître le droit
que nous avons de demander une fatisfaction pour
des hoftilités commifes dans le tems d'une profonde
paix, à faire échouer les deffeins qui , felon ce
que diverfes apparences & plufieurs préparatifs donnent
lieu de croire , ont été formés contre mes Royaumes
& mes Domaines. l'ai ſuivi en cela le fiflême
que je vous ai communiqué précédemment , & vous
m'avez donné les plus fortes afurances , que vous
m'aideriez efficacement à le faire réuffer . Quelle
Puiffance pourroit nous reprocher des démarches fi
néceffaires à notre fureté? Mon Frere le Roi d'Elpagne
ne regarde point d'un oeil indifférent l'orage qui
s'est élevé; & prenant un vif intérêt au commun
bonheur de l'Europe , il défire ardemment le mainzien
de la tranquillitégénérale . Il m'a fait aſſurer,
qu'il perfifteroit dans les mêmes fentimens pacifiques.
Occupé de ces grandes fins , je ne doute pas que mon
Parlement ne me feconde avec vigueur & avec zele ,
& que , dans une conjoncture où il s'agit fi particulierement
de l'intérêt de la Nation , les promeffes que
vous m'avezfaites dans votre derniere Sffion n'ayent
leur plein effet. En conféquence , j'ai confidérablement
multiplié mes armemens fur mer; j'ai fait auſſi
une augmentation dans mes forces de terre , de la
maniere la moins onéreuse qu'il a été poffible ; j'ai
conclu en même tems deux Traités , l'un avec l'Impératrice
de Ruffie , l'autre avec le Landgrave de
Hele -Caffel , lefquels vous feront communiqués.
Meffieurs de la Chambre des Communes , J'ai ordonné
qu'on vous remit les états pour le fervice de
P'année prochaine & les comptes des dépenses extraordinaires
, qui ont été faites cette année , ſuivant le
pouvoir que j'ai reçu du Parlement . Je vois avecgrand
chagrin , que le befoin de l'Etat exige de forts
fubfides. Je vous de mande feulement lesfecours fans
DECEMBRE. 1755. 247
lefquels je ne pourrois foutenir les entreprises commencées
, conformément à vos intentions , pour la
fureté de mes Royaumes , pour les autres objets
dont je vous ai déja parlé. Quelques sommes que
vous mefournifficz , vous devez compter qu'elles feront
employées avec la plus exacte économie , & uniquement
aux usages pour lefquels vous les deſtinerez .
Mylords & Meffieurs , Je me repose sur votre affec
tion & fur votre fidélité , dont je fais depuis fi longtems
l'expérience. It ne s'eft jamais préfenté de circonftances
dans lesquelles mon honneur & les inté
rêts dela Grande- Bretagneayent requisplus que dans
celle- ci , que vous délibéraffiez avec zele , unanimité
promptitude. Après que le Roi s'eft rétiré ,
les deux Chambres ont réfolu de préfenter chacune
une Adreffe à Sa Majefté. Les Seigneurs préfenteront
demain la leur. La Chambre des Communes
doit préfenter la fenne après demain . On
affure que fi la guerre fe déclare , le fubfide pour
l'année 1756 fera de huit millions fterlings . Le
bruit court auffi , que le Parlement paffera un
Bill , pour établir la Milice dans toutes les Provinces
de la Grande-Bretagne. Le feur Henriques
a préfenté aujourd'hui à tous les Membres des
deux Chambres fon projet , pour lever trois millions
fterlings chaque année par une Loterie.
Sa Majesté a déclaré que fuppofé qu'on fût dans
la néceffité d'affembler une armée , le Duc de
Cumberland la commanderoit en chef , & qu'il
auroit fous fes ordres le Chevalier Ligonier , Général
de Cavalerie ; le fieur Hawley , le Lord Tirawley
, le fieur Campbell . le Duc de Marlboroug
& le Chevalier Mordaunt , Lieutenans- Généraux
, le fieur Stuart , les Comtes de Loudon &
& de Panmure , le Lord Georges Sackeville & le
Comte d'Ancram , Majors Généraux. Le Gouver
248 MERCURE DE FRANCE.
nement le propofe de faire encore une nouvelle
augmentation de vingt hommes par Compagnies
dans chaque Régiment d'Infanterie fur l'établiffement
de la GrandeBretagne . Il y aura une pareille
augmentation dans le Régiment de Cavalerie
des Gardes Bleues.
Le 19 , l'Amiral Weft fit voile de Plymouth avec
une efcadre. Il eft à préfent décidé que l'Amiral.
Boscawen hivernera avec la fienne en Amérique.
On a fait partir deux vaiffeaux , l'un pour le Ĥavre-
de -Grace , Pautre pour Saint-Malo . Ces Bâtimens
ont à bord un grand nombre de paflagers
& de négocians , qui fe font trouvés à bord des
prifes faites fur les François.
.
DE LONDRES , le 13 Novembre.
Aujourd'hui , le Roi s'eft rendu à la Chambre
des Pairs avec les cérémonies accoutumées ; & Sa
Majefté ayant mandé la Chambre des Communes ,
a fait l'ouverture du Parlement par le Difcours
fuivant.
Mylords & Meffieurs , La fituation critique où
font actuellement les affaires , & la volonté dans
laquelle je fuis conflamment de m'appuyer des avis
de l'affiftance de mon Parlement dans toutes les
occafions importantes , m'ont fait fouhaiter de vous
raffembler le plutôt qu'il feroit poffible. Depuis vo
tre derniere Seffion , j'ai pris les mesures qui pouvoient
le plus contribuer à protéger nos poffeffions en
Amérique , & à nous faire recouvrer ce qui en a été
enlevé ou par empietement ou par invasion , au mépris
de la paix , & contre la foi des Traités les plus
folemnels. Pour remplir ces objets , on a apporté
autant de diligence que d'attention , à mettre en
état les forces maritimes de ces Royaumes , & à les
employer : quelques troupes de terres ont été envoyées
dans l'Amérique Septentrionale , & l'on afourni aux
différentes Colonies tous les encouragemens propres
les animer tant à leur propre défense , qu'a la défenfe
des droits de la Grande Bretagne . Avec unfincere
defir de garantir mon Peuple des malheurs de la
guerre, & deprévenir , au milieu des troubles préfens
, tout ce qui pourroit en allumer une générale en
Europe , j'ai été toujours prêt à accepter des voies
raisonnables honorables d'accommodement ; mais
jufqu'ici la France n'en a proposé aucune. Auffij'ai
borné mes vues, à empêcher cette Puillance de faire
de nouvelles ufurpations , ou de foutenir celles qu'sty
Lij
246 MERCURE DE FRANCE.
le a déja faites ; à faire pleinement connoître le droit
que nous avons de demander une fatisfaction pour
des hoftilités commifes dans le tems d'une profonde
paix, à faire échouer les deffeins qui , felon ce
que diverfes apparences & plufieurs préparatifs donnent
lieu de croire , ont été formés contre mes Royaumes
& mes Domaines. l'ai ſuivi en cela le fiflême
que je vous ai communiqué précédemment , & vous
m'avez donné les plus fortes afurances , que vous
m'aideriez efficacement à le faire réuffer . Quelle
Puiffance pourroit nous reprocher des démarches fi
néceffaires à notre fureté? Mon Frere le Roi d'Elpagne
ne regarde point d'un oeil indifférent l'orage qui
s'est élevé; & prenant un vif intérêt au commun
bonheur de l'Europe , il défire ardemment le mainzien
de la tranquillitégénérale . Il m'a fait aſſurer,
qu'il perfifteroit dans les mêmes fentimens pacifiques.
Occupé de ces grandes fins , je ne doute pas que mon
Parlement ne me feconde avec vigueur & avec zele ,
& que , dans une conjoncture où il s'agit fi particulierement
de l'intérêt de la Nation , les promeffes que
vous m'avezfaites dans votre derniere Sffion n'ayent
leur plein effet. En conféquence , j'ai confidérablement
multiplié mes armemens fur mer; j'ai fait auſſi
une augmentation dans mes forces de terre , de la
maniere la moins onéreuse qu'il a été poffible ; j'ai
conclu en même tems deux Traités , l'un avec l'Impératrice
de Ruffie , l'autre avec le Landgrave de
Hele -Caffel , lefquels vous feront communiqués.
Meffieurs de la Chambre des Communes , J'ai ordonné
qu'on vous remit les états pour le fervice de
P'année prochaine & les comptes des dépenses extraordinaires
, qui ont été faites cette année , ſuivant le
pouvoir que j'ai reçu du Parlement . Je vois avecgrand
chagrin , que le befoin de l'Etat exige de forts
fubfides. Je vous de mande feulement lesfecours fans
DECEMBRE. 1755. 247
lefquels je ne pourrois foutenir les entreprises commencées
, conformément à vos intentions , pour la
fureté de mes Royaumes , pour les autres objets
dont je vous ai déja parlé. Quelques sommes que
vous mefournifficz , vous devez compter qu'elles feront
employées avec la plus exacte économie , & uniquement
aux usages pour lefquels vous les deſtinerez .
Mylords & Meffieurs , Je me repose sur votre affec
tion & fur votre fidélité , dont je fais depuis fi longtems
l'expérience. It ne s'eft jamais préfenté de circonftances
dans lesquelles mon honneur & les inté
rêts dela Grande- Bretagneayent requisplus que dans
celle- ci , que vous délibéraffiez avec zele , unanimité
promptitude. Après que le Roi s'eft rétiré ,
les deux Chambres ont réfolu de préfenter chacune
une Adreffe à Sa Majefté. Les Seigneurs préfenteront
demain la leur. La Chambre des Communes
doit préfenter la fenne après demain . On
affure que fi la guerre fe déclare , le fubfide pour
l'année 1756 fera de huit millions fterlings . Le
bruit court auffi , que le Parlement paffera un
Bill , pour établir la Milice dans toutes les Provinces
de la Grande-Bretagne. Le feur Henriques
a préfenté aujourd'hui à tous les Membres des
deux Chambres fon projet , pour lever trois millions
fterlings chaque année par une Loterie.
Sa Majesté a déclaré que fuppofé qu'on fût dans
la néceffité d'affembler une armée , le Duc de
Cumberland la commanderoit en chef , & qu'il
auroit fous fes ordres le Chevalier Ligonier , Général
de Cavalerie ; le fieur Hawley , le Lord Tirawley
, le fieur Campbell . le Duc de Marlboroug
& le Chevalier Mordaunt , Lieutenans- Généraux
, le fieur Stuart , les Comtes de Loudon &
& de Panmure , le Lord Georges Sackeville & le
Comte d'Ancram , Majors Généraux. Le Gouver
248 MERCURE DE FRANCE.
nement le propofe de faire encore une nouvelle
augmentation de vingt hommes par Compagnies
dans chaque Régiment d'Infanterie fur l'établiffement
de la GrandeBretagne . Il y aura une pareille
augmentation dans le Régiment de Cavalerie
des Gardes Bleues.
Le 19 , l'Amiral Weft fit voile de Plymouth avec
une efcadre. Il eft à préfent décidé que l'Amiral.
Boscawen hivernera avec la fienne en Amérique.
On a fait partir deux vaiffeaux , l'un pour le Ĥavre-
de -Grace , Pautre pour Saint-Malo . Ces Bâtimens
ont à bord un grand nombre de paflagers
& de négocians , qui fe font trouvés à bord des
prifes faites fur les François.
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Résumé : GRANDE-BRETAGNE.
Le 13 novembre, le roi de Grande-Bretagne a ouvert le Parlement en présence des Chambres des Pairs et des Communes. Il a mis en lumière la situation critique des affaires et la nécessité de protéger les possessions en Amérique, menacées par des empiètements ou des invasions. Pour ce faire, des mesures ont été prises pour renforcer les forces maritimes et terrestres, et des encouragements ont été fournis aux colonies pour leur défense. Le roi a exprimé son désir d'éviter la guerre tout en se préparant à des accommodements honorables, mais la France n'a proposé aucune voie raisonnable. Il a également mentionné les efforts pour empêcher de nouvelles usurpations françaises et pour garantir les droits de la Grande-Bretagne. Le roi d'Espagne a assuré son soutien pacifique. Le Parlement a été informé de l'augmentation des armements et des forces terrestres, ainsi que de la conclusion de traités avec l'Impératrice de Russie et le Landgrave de Hesse-Cassel. Le roi a demandé des subsides pour soutenir les entreprises en cours et a assuré une gestion économique des fonds. Les Chambres ont résolu de présenter des adresses au roi, et des préparatifs militaires ont été annoncés, incluant la nomination de hauts gradés pour une éventuelle armée. Des augmentations de troupes dans les régiments d'infanterie et de cavalerie ont également été proposées. L'Amiral Boscawen hivernera en Amérique, et deux vaisseaux ont été envoyés vers la France avec des prisonniers.
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61
p. 196-214
SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
Début :
La Société littéraire ouvrit ses séances par la lecture du remerciement, envoyé [...]
Mots clefs :
Société littéraire de Châlons, Société littéraire, Cadavres, Cimetière, Calomnie, Coeur, Discours, Exhumation, Sciences, Académies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
SEANCES PARTICULIERES
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
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Résumé : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
La Société Littéraire de Châlons-sur-Marne a débuté ses séances par la lecture d'un remerciement de M. Desforges-Maillard, un associé externe. Ce discours met en avant l'importance des sciences et des lettres, souvent critiquées par des ouvrages contemporains cherchant la singularité et l'apparence. M. Desforges-Maillard défend l'utilité des sciences et des lettres, soulignant qu'elles sont à l'origine des arts et de l'industrie. Il réfute les arguments basés sur les abus occasionnés par la dépravation du cœur, affirmant qu'il ne faut pas tirer de conclusions générales à partir d'abus particuliers. Il compare cette idée à celle de condamner la création du feu parce qu'il peut causer des incendies. Le discours aborde ensuite la question de la multiplicité des académies, qui ne devrait pas être perçue comme une perte pour les talents. Au contraire, les académies encouragent et multiplient les talents. M. Desforges-Maillard déplore les préjugés qui limitent la reconnaissance des talents en dehors des capitales et souligne que les sociétés littéraires dans les provinces aident à surmonter ces obstacles. L'Abbé Suicer, licencié en lois, a répondu au discours en louant le génie et la fécondité de M. Desforges-Maillard, soulignant sa maîtrise de divers genres littéraires et l'accueil favorable du public à ses œuvres. M. Culoteau de Velie, avocat du roi, a lu un discours sur l'abus des talents, divisé en deux parties. La première examine les sources de ces abus, qu'il trouve dans l'amour-propre et la cupidité. La seconde propose des moyens pour prévenir ou remédier à ces abus, notamment en formant le goût et en dirigeant les pas incertains des jeunes esprits. M. Dupré d'Aulnay a présenté un mémoire sur l'écoulement de la matière subtile dans le fer et l'aimant, réfutant le système de Descartes et de certains physiciens. Il explique les interactions entre les émanations du soleil et de l'air subtil avec les corps mols ou solides. Enfin, M. Navier, docteur en médecine, a lu une dissertation sur les dangers des exhumations, en particulier celle prévue pour le cimetière de la paroisse de Saint-Alpin à Châlons. Il détaille les degrés de corruption des corps et les risques sanitaires associés aux exhalaisons infectes, proposant un délai minimum de quatre ans avant toute exhumation pour éviter les dangers pour la santé publique. M. Navier rapporte que dans l'église collégiale de Notre-Dame en Vaux, des fossoyeurs ont dû quitter leur travail en raison de l'air vicié. Pour prévenir la contagion lors des exhumations, il recommande de les différer autant que possible et, si nécessaire, de prendre des précautions telles que creuser des tranchées remplies de chaux vive et d'eau pour détruire les miasmes corrupteurs. Il suggère également de choisir le temps le plus froid de l'année, d'allumer des feux autour du cimetière et de tirer du canon pour purifier l'air. M. Navier critique l'usage d'enterrer dans les églises, pratique qui a causé des accidents fâcheux. Il observe que cette pratique, interdite avant le neuvième siècle, a été réintroduite pour des raisons financières. Les terres des cimetières, imprégnées de particules corrompues, provoquent des maladies contagieuses. Pour remédier à cet abus, il propose de cesser les inhumations dans les églises ou de les rendre très rares, et de brûler de la chaux sur les corps pour les détruire rapidement. Il recommande également de pratiquer des ouvertures dans les voûtes des églises pour renouveler l'air. M. Navier s'oppose aux charniers, notant que des os chargés de parties charnues y sont souvent trouvés. Il propose de supprimer et détruire les charniers et d'obliger les fossoyeurs à réenterrer les ossements trouvés. Le texte mentionne également d'autres contributions, comme celles de M. Viallet sur la divisibilité de la matière, de M. Meunier sur la mortalité humaine, et de l'abbé Suicer sur l'inefficacité des prédications. Enfin, M. de la Motte-Conflans présente un discours sur la calomnie, inspirée par un tableau d'Apelle, soulignant que la vérité finit toujours par triompher.
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62
p. 202-204
GRANDE-BRETAGNE.
Début :
Le Roi se rendit le 27 à la Chambre des Pairs avec les cérémonies accoutumées, [...]
Mots clefs :
Londres, Chambre des pairs, Chambre des communes, Sa Majesté, Discours, Guerre contre la France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE-BRETAGNE.
GRANDE-BRE•TAGNE.
DE LONDRES , le 31 Mai.
Le Roi fe rendit le 27 à la Chambre des Pairs
avec les cérémonies accoutumées , & Sa Majefté
ayant mandé la Chambre des Communes , fit la
clôture des Séances du Parlement par le Difcours
fuivant. MYLORDS ET MESSTEURS , il est juste qu'après
avoir donné une application fi longue &fi conf
tante aux affaires publiques , vous preniez quelque
relâche . It eft jufte auſſi que je vousfaſſe més remerciemens
finceres de l'ardeur efficace , avec laquelle
vous m'avez aidé à foutenir la caufe dans laquelle
je me trouve engagé pour la Nation . Les infultes
2
les hoftilités commifes depuis quelque temps par
les François contre mes Etats & contre mes Sujets
viennent d'être fuivies d'une invafion dans l'Ifle
Minorque , quoique cette poffeffion me foit garantie
par toutes les Puillances de l'Europe , en particulier
par le Roi des François. Ainfi , pour défendre
l'honneur de ma Couronne les droits de mes
Sujets , j'ai été dans la néceffité de déclarer formel-
Tement la guerre à la France. Je me repose sur la
JUILLET. 1756. 203
Protection Divine & fur la vigoureuſe affiftance de
mes fideles Sujets dans une cauſeſi jußte. MESSIEURS
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES , je vous remercie
de la promptitude avec laquelle vous m'avez accordé
des fecours fi confidérables. Vous pouvez être af
furés , qu'ils feront employés aux fins falutaires
pour lesquelles vous les avez donnés . MYLORDS ET
MESSIEURS , rien ne m'a plus fatisfait que la confiance
, que vous avez en moi. C'est la marque la
plus agréable , que je puiſſe recevoir de votre reconnoiffance.
Auffi vous devez être perfuadés , queje
n'en ferai ufage que pour votre avantage. Le maintien
de votre Religion , de vos Libertés de votre
Indépendance , eft fera toujours mon principal
objet. Je compte que de votre côté , vous ne vous
manquerez pas à vous-mêmes. Le Roi , en terminant
les Séances du Parlement , s'eft contenté d'ajourner
cette Affemblée ; & le Parlement eft cen
fé n'être point prorogé , mais fufpendre feulement
fes délibérations.
En conféquence de la Déclaration de guerre ,
publiée le 18 , le Roi a ordonné d'expédier des
Lettres de Marque aux Armateurs , pour les autorifer
à faire la courfe. Sa Majefté fe réſervera la
moitié de toutes les prifes qui fe feront , foit en
Navires Marchands , foit en Bâtimens Corſaires ;
& les fommes , qui proviendront de cette réferve
, feront employées à donner des gratifications
aux équipages qui s'empareront de quelques
Vaiffeaux de guerre des ennemis. La Fregate la
Lime rentra le 23 dans ce Port , extrêmement
maltraitée. Elle a recu quatre- vingts coups de canon
dans la voile de fon grand perroquet , cinquante-
quatre dans fa grande voile , & plufieurs à
fleur d'eau .
Depuis qu'on a publié la Déclaration de guerre,
-Lvj
204 MERCURE DE FRANCE.
il s'eft préfenté à la Banque un fi grand nombre
de perfonnes , pour retirer leurs fonds , que , ne
pouvant faire face à toutes les demandes , elle a
été obligée un de ces jours derniers , de fufpendre
pendant huit heures les payemens .
DE LONDRES , le 31 Mai.
Le Roi fe rendit le 27 à la Chambre des Pairs
avec les cérémonies accoutumées , & Sa Majefté
ayant mandé la Chambre des Communes , fit la
clôture des Séances du Parlement par le Difcours
fuivant. MYLORDS ET MESSTEURS , il est juste qu'après
avoir donné une application fi longue &fi conf
tante aux affaires publiques , vous preniez quelque
relâche . It eft jufte auſſi que je vousfaſſe més remerciemens
finceres de l'ardeur efficace , avec laquelle
vous m'avez aidé à foutenir la caufe dans laquelle
je me trouve engagé pour la Nation . Les infultes
2
les hoftilités commifes depuis quelque temps par
les François contre mes Etats & contre mes Sujets
viennent d'être fuivies d'une invafion dans l'Ifle
Minorque , quoique cette poffeffion me foit garantie
par toutes les Puillances de l'Europe , en particulier
par le Roi des François. Ainfi , pour défendre
l'honneur de ma Couronne les droits de mes
Sujets , j'ai été dans la néceffité de déclarer formel-
Tement la guerre à la France. Je me repose sur la
JUILLET. 1756. 203
Protection Divine & fur la vigoureuſe affiftance de
mes fideles Sujets dans une cauſeſi jußte. MESSIEURS
DE LA CHAMBRE DES COMMUNES , je vous remercie
de la promptitude avec laquelle vous m'avez accordé
des fecours fi confidérables. Vous pouvez être af
furés , qu'ils feront employés aux fins falutaires
pour lesquelles vous les avez donnés . MYLORDS ET
MESSIEURS , rien ne m'a plus fatisfait que la confiance
, que vous avez en moi. C'est la marque la
plus agréable , que je puiſſe recevoir de votre reconnoiffance.
Auffi vous devez être perfuadés , queje
n'en ferai ufage que pour votre avantage. Le maintien
de votre Religion , de vos Libertés de votre
Indépendance , eft fera toujours mon principal
objet. Je compte que de votre côté , vous ne vous
manquerez pas à vous-mêmes. Le Roi , en terminant
les Séances du Parlement , s'eft contenté d'ajourner
cette Affemblée ; & le Parlement eft cen
fé n'être point prorogé , mais fufpendre feulement
fes délibérations.
En conféquence de la Déclaration de guerre ,
publiée le 18 , le Roi a ordonné d'expédier des
Lettres de Marque aux Armateurs , pour les autorifer
à faire la courfe. Sa Majefté fe réſervera la
moitié de toutes les prifes qui fe feront , foit en
Navires Marchands , foit en Bâtimens Corſaires ;
& les fommes , qui proviendront de cette réferve
, feront employées à donner des gratifications
aux équipages qui s'empareront de quelques
Vaiffeaux de guerre des ennemis. La Fregate la
Lime rentra le 23 dans ce Port , extrêmement
maltraitée. Elle a recu quatre- vingts coups de canon
dans la voile de fon grand perroquet , cinquante-
quatre dans fa grande voile , & plufieurs à
fleur d'eau .
Depuis qu'on a publié la Déclaration de guerre,
-Lvj
204 MERCURE DE FRANCE.
il s'eft préfenté à la Banque un fi grand nombre
de perfonnes , pour retirer leurs fonds , que , ne
pouvant faire face à toutes les demandes , elle a
été obligée un de ces jours derniers , de fufpendre
pendant huit heures les payemens .
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Résumé : GRANDE-BRETAGNE.
Le 27 mai, le roi de Grande-Bretagne a clôturé les séances du Parlement en exprimant sa gratitude aux parlementaires pour leur engagement face aux hostilités françaises, notamment l'invasion de Minorque. En réponse, il a déclaré la guerre à la France pour défendre l'honneur de sa couronne et les droits de ses sujets. Le roi a remercié les Communes pour les secours accordés et assuré qu'ils seraient utilisés à bon escient. Il a souligné son engagement à maintenir la religion, les libertés et l'indépendance de la nation. Le Parlement a été ajourné sans prorogation. Suite à la déclaration de guerre, le roi a ordonné l'expédition de lettres de marque aux armateurs pour autoriser la course. La Banque a suspendu les paiements pendant huit heures en raison d'un afflux massif de retraits. La frégate La Lime est rentrée au port gravement endommagée.
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63
p. 195-203
ALLEMAGNE.
Début :
Un Courier, arrivé le 13 Janvier de Versailles ; a apporté l'effrayante [...]
Mots clefs :
Impératrice Reine, Vienne, Prières publiques, Roi de France, Convention sur les déserteurs, Général Lascy, Attaque du poste d'Ostritz, Litoměřice, Dresde, Monnaie, Saxe, Roi de Prusse, Ratisbonne, Écrit, Remarques au sujet des écrits du roi de Prusse, Diète générale de l'Empire, Liège, Surveillance des étrangers, Prières, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE.
DE VIENNE , le 29 Janvier.
UN Courier , arrivé le 13 Janvier de Verfailles ;
a apporté l'effrayante nouvelle du danger auquel
a été exposé le Roi Très - Chrétien. Auffitôt l'Impératrice
Reine manda au Cardinal de Trautſon ,
Archevêque de cette Ville , d'ordonner des prieres
publiques , pour obtenir du Ciel la confervation
d'un Prince , dont les jours font fi précieux à l'Europe
. Les Eglifes font remplies d'une affluence extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres , qui
demandent à Dieu le rétabliſſement de la fanté de
ce Monarque .
Notre Cour vient de conclure avec celle de France
une convention , par laquelle elles s'engagent à
Le rendre réciproquement les déferteurs de leurs
troupes. Cette convention commencera le premier
du mois prochain à avoir ſon effet .
DE LEITMERITZ , le 7 Janvier.
Le premier de ce mois , le Général Lafcy fit attaquer
par cinq cens Croates le poſte d'Óftritz ,
où il y avoit trois cens Pruffiens . Le Major Blumenthal
, qui y commandoit , fut tué. Les enne,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
mis perdirent deux autres Officiers & trente - huit
Soldats. On fit neuf prifonniers. Le refte fut difper.
fé. De notre côté , il y eut un Capitaine tué , un
Lieutenant & fix Soldats bleffés . Le lendemain, les
Pruffiens reprirent ce pofte. Ils l'ont fait occuper
par mille hommes , & ils y ont mis quatre pieces
de canon.
DE DRESDE , le premier Février.
Le fieur Frege , Directeur de la Monnoie de
Leipfick , a eu ordre du Directoire Général de
Guerre du Roi de Pruffe , de délivrer , fous peine
d'être mis aux fers , les coins , les inftrumens néceffaires
à frapper des efpeces , & même les matieres
d'or & d'argent qu'il avoit fous fa garde.
Les exécutions militaires contre les Bailliages
qui n'ont pas fourni le nombre de recrues exigé ,
s'effectuent avec rigueur.
Malgré les circonftances où se trouve la Saxe ,
la Reine , le Prince Royal , la Princeffe fon épouse ,
& les Princes Albert & Clement, envoyerent complimenter
le Roi de Pruffe le jour anniverſaire de
fa naiffance. S. M. Pruffienne fit l'accueil le plus
gracieux aux Seigneurs chargés de s'acquitter de
ce cérémonial. Elle les affura qu'Elle ne defiroit
rien avec plus d'ardeur , que de pouvoir délivrer la
Saxe du Séjour des troupes étrangeres. Le 28 du
mois dernier , ce Prince partit pour la Siléfie.
Plufieurs des Régimens Pruffiens qui font en cette
Ville , ont reçu ordre de fe tenir prêts à marcher.
Plufieurs remifes confidérables , que la Reine a
reçues , ont mis cette Princefle en état , non feulement
d'acquitter une partie des dettes que de
malheureufes circonftances l'ont obligée de contracter
, mais encore de faire fentir les effets de fa
générosité aux Officiers Saxons , qui ont beſoin
MAR S. 1757. 197
de fecours , On a diſtribué ici clandeftinement divers
exemplaires d'un Ecrit anonyme , intitulé ,
Démonftrationfuccincte que le Royaume de Boheme
appartient au Roi de Pruffe. L'Auteur , pour établir
le prétendu droit de S. M. Pruffienne , remonte à
Marguerite , Princeffe de Boheme , qui dans le
quinzieme fiecle fut mariée à Jean III , Margrave
de Brandebourg. Le Roi de Pruffe , indigné qu'on
lui prêtât des vues contraires à celles qu'il a annoncées
dans fes Déclarations , a ordonné que
l'ouvrage fût brûlé par la main du Bourreau . Ce
Prince fait faire d'exactes perquifitions , pour découvrir
l'Auteur & l'Imprimeur.
9
En différens endroits , les Officiers Pruffiens
ont fait ouvrir les prifons , & ont enrôlé toutes les
perfonnes qu'ils y ont trouvées propres à porter
les armes. Depuis quelque temps ils engagent indiftinctement
tous les jeunes gens , foit artifans
foit domeftiques , fans avoir égard ni à la profeffion
, ni à la livrée. Le Roi de Pruffe a fait publier
une Ordonnance , par laquelle il enjoint à tous les
Saxons qui font à fon fervice , & qui poffedent
des biens fonds , de les vendre , & de dépofer à la
caiffe du Directoire militaire les fommes qui pro .
viendront de la vente. S'ils ont quelques préten
tions à faire valoir , les Bailliages refpectifs font
tenus de leur rendre prompte juftice , & les deniers
provenans de ces prétentions feront portés
pareillement à ladite caiffe.
DE RATISBONNE , le 25 Janvier.
On a reçu ici plufieurs exemplaires d'un Ecrit
que la Cour de Vienne vient de faire publier. , &
qui eft intitulé , Remarques fur les Manifeftes , Lettres
Circulaires autres Mémoires , donnés de la
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
part du Roi de Pruffe. Cette Piece contient trentefept
pages in-4° . Voici quelques-uns des principaux
traits qu'elle renferme . « Le Roi de Pruffe
prétend avoir feul le droit de tenir en tout tems
» de grandes armées prêtes à marcher , & d'aug-
» menter fucceffivement , fans aucun danger ap-
» parent , le nombre de fes troupes . Il s'arroge
» même le privilege de faire enlever , tantôt par
» rufe , tantôt par violence , les Sujets aux Souve-
» rains , les Miniftres aux Eglifes , les enfans aux
» peres , les peres aux enfans. En même temps , il
» ne veut pas qu'une Puiffance voifine puiffe le
»foupçonner d'un deffein offenfif, & qu'elle fe
» concerte avec d'autres Puiffances pour Le défen-
» dre en cas d'attaque..... Lorſqu'une Puiffance
» fonge à completter fes troupes , & à pourvoir
» d'artillerie & de munitions fes places frontieres ,
>> il croit pouvoir lui demander fierement , l'épée
» à la main , le motifde telles précautions. Si elle
» ne s'explique pas d'abord dans les termes qu'il
» lui preferit , & fi elle ne promet formellement
» de fufpendre les préparatifs qu'elle a commen-
» cés pour fa défenfe , il va jufqu'à la menacer
» de l'attaquer inceffamment avec une armée for-
» midable...... L'article ſecret du Traité de Pé-
» terfbourg devoit-il caufer quelque ombrage au
» Roi de Prufle ? Au devant de cet article , on avoit
> eu foin de mettre ces paroles remarquables : ( Si
contre toute attente , & contre les voeux communs
» S. M. Pruffienne eft la premiere à fe départir de
les
la Paix de Drefde. ) On avoit ajouté , que
» deux Parties Contractantes mettroient tout en
» ufage pour prévenir un tel inconvénient . Ces clau-
» fes ne prouvoient- elles pas évidemment que , fi
» l'Impératrice Reine fe réfervoit le droit de re-
» vendiquer la Siléfie , & d'employer le fecours
MAR S. 1757. 199
de fes Alliés pour la recouvrer , c'étoit feule-
» ment dans le cas où , malgré les voeux com-
» muns de l'Impératrice Reine & de l'Impératrice
» de Ruffie , & malgré toutes les peines qu'Elles
>> emploieroient pour le maintien de la paix , le
» Roi de Pruffe tenteroit une nouvelle aggref-
» fion ? .... Pour ce qui regarde la découverte de
» cet article , S. M. Pruffienne pouvoit s'épargner
» un expédient auffi illicite que celui de forcer un
» Cabinet Royal dans un pays neutre , puifque la
» Cour de Vienne n'auroit fait aucune difficulté
» difficulté d'avouer qu'elle a porté toujours fa plus
» grande attention fur les préparatifs de guerre
» des Pruffiens & fur leurs vexations , & qu'elle
» s'eft fervie de tous les moyens néceffaires & juf-
» tes , pour donner à l'auteur des troubles , s'il eft
» poffible , lieu de ſe repentir de ſes violences &
» de fes injuftices. >>
Le 17 de ce mois , la Diete générale de l'Empire
donna le Conclufum fuivant. « De la part des
Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , on dé-
» clare à M. le Prince de la Tour - Taxis , Princi-
» pal Commiffaire de l'Empereur , qu'on a due-
» ment propofé aux trois Colleges de l'Empire ,
» & mis en délibération les Décrets de Commif-
» fion Impériale , portés les 20 Septembre & 18
» Octobre de l'année derniere , à la Dictature , au
» fujet de l'invaſion hoftile du Roi de Pruffe Elec-
>> teur de Brandebourg , dans la Saxe & dans la
>> Boheme ; ainfi que la Lettre de S. M. l'Impéra-
» trice Reine , du 21 Octobre , & les Mémoires
» préſentés par les Miniftres de Saxe & de Brande-
» bourg les 23 Septembre & 20 Décembre der-
» niers : qu'on a vu , par leur contenu , toutes les
» circonftances de l'irruption faite par les troupes
» Pruffiennes dans les Etats de l'Impératrice Rei-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
>> ne & du Roi de Pologne Electeur de Saxe , la
>> maniere dont l'Electorat de Saxe & autres Etats
» ont été faifis & font encore détenus , & enfin les
» Mandemens émanés du Juge Suprême de l'Em-
» pire contre ces entreprifes : qu'après une mûre
» délibération , telle que l'importance de l'affaire
» l'exigeoit , il a été conclu & arrêté que S. M.
» Impériale feroit très-refpectueufement remer-
» ciée de fes foins paternels pour le rétabliſſement
» de la tranquillité publique : qu'en même temps
» Elle feroit très - humblement requife de conti-
>> nuer d'agir , comme Elle a commencé , fui-
» vant les Loix & Conftitutions de la Patrie , ( en
particulier felon l'ordonnance d'exécution , la
» paix de Weftphalie & la Capitulation Impéria-
» le ) , afin que par les moyens déja mis en oeuvre
» & ceux qu'on emploiera , non feulement S. M.
» le Roi de Pologne foit remis en poffeffion de fes
Etats avec le dédommagement le plus complet ,
>> mais auffi que S. M. l'Impératrice , comme
» Reine & Electrice de Boheme , obtienne la ſatisfaction
qui lui eft dûe : qu'en conféquence
» des Excicatoires de S. M. Impériale , tous les
» Co-Etats de l'Empire , qui ont à coeur le main-
» tien de la Conftitution fondamentale du Corps
» Germanique , concourront de tout leur pou-
» voir aux moyens de parvenir au but propofé par
» Sadite Majefté : que pour fecourir tant les Etats
opprimés que ceux qui pourroient dans la fuite
» éprouver le même fort , tous les Cercles porte-
» ront fans délai leurs contingens au triple , & les
tiendront prêts à marcher avec tout ce qui eft
» néceffaire au fervice. On fe réſerve une expli-
» cation ultérieure fur les autres points des Décrets
de Commiſſion. »
MARS . 1757 . 201
DE LIEGE , le 31 Janvier.
Dès qu'on eut reçu
ici la nouvelle de l'attentat
commis contre la Perfonne de Louis XV , on donna
ordre d'arrêter & d'examiner , fans diſtinction
de rang , tous les étrangers qui arriveroient
en cet-
Ville. Les Etats de l'Evêché , étant actuellement
affemblés , députerent à M. Durand d'Aubigny ,
Réfident de France , pour lui témoigner le vif intérêt
qu'ils prennent àla confervation
de Sa Majefté
Très- Chrétienne. Le 14 , les Chanoines de l'Eglife
Collégiale de Saint Martin , dont le Roi de
France eft protecteur , firent chanter une grande
Meffe en mufique , en action de graces de ce qu'il
a plu à Dieu de fauver les jours de ce Monarque.
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye du Val
des Ecoliers de cette Ville , coururent fe profterner
au pied des Autels , pour obtenir du Ciel la
confervation de ce Monarque. Pendant neufjours,
ils ont continué leurs prieres. Lorsqu'ils eurent
appris la guérifon de S. M. Très - Chrétienne , ils
réfolurent de rendre de folemnelles actions de
graces au Tout-Puiffant. Le 27 de ce mois , jour
fixé pour cette cérémonie , elle fut annoncée le
matin par une falve de boîtes , qui fut répétée à
midi. M. d'Aubigny , Réfident de France , s'étant
rendu à l'Abbaye , l'Abbé à la tête des Chanoines
, & en habits pontificaux , le reçut à la porte
de l'Eglife , & lui adreffa ce difcours : « Mon-
» fieur , effuyons nos larmes , & oublions , s'il
» fe peut , les horreurs qui les ont fait couler ,
» pour ne penfer qu'aux miféricordes de l'Eternel ,
» qui vient d'arracher à la mort un Prince dont la
» perte eût été pour nous le comble des malheurs..
Qu'il vive ce grand Roi , la gloire & les délices
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
» de la France ! Qu'il vive ce Prince Bien- Aimé !
>> Qu'il jouiffe longtemps des douceurs d'un nom
>> plus cher pour lui , que ceux qu'il s'eft acquis
9.
par les victoires ! C'eft en ne laiffant échapper
>> aucune occafion de mériter le nom de Bien-Ai-
» mé, de la part de l'Etranger même , que ce
» Roi pacifique étend chaque jour les bornes de
>> fon Empire au- delà des pays de fa domination .
» Nous en fommes témoins , Monfieur , & nous
» le publions avec joie. Louis eft pour les Voifins
» comme pour les François , Louis le Bien - Aimé.
>> C'eft un hommage & un tribut que la recon-
>> noiffance ne peut refufer à la générofité de ce
>> Prince bienfaifant . Que ne puis - je , Monfieur
» répandre dans le fein du Miniftre d'un fi grand
» Roi tous les fentimens que le devoir & l'amour
» le plus refpectueux m'infpirent ! ... Mais la
» Religion nous appelle dans le Sanctuaire. Al-
» lons , Monfieur , rendre gloire à Dieu du pro-
» dige éclatant qu'il a opéré pour la confervation
» du Fils Aîné de fon Eglife. Demandons en mê-
» me temps que fa main bienfaifante demeure
» étendue fur l'homme de fa droite , pour le protéger
& pour le défendre . Qu'il ajoute long-
» temps des jours à des jours fi précieux ! Le Ciel
attend nos voeux , pour les exaucer , & pour
>> nous prouver que Louis eft autant le Bien-Aimé
» de Dieu que des hommes . >>
On conduifit M. d'Aubigny dans le Choeur , &
le Te Deum fut chanté en Mufique . L'Eglife étoit
ornée avec la plus grande magnificence. Une tenture
, enrichie de fleurs de lys d'or , entouroit le
Choeur , jufqu'à la naiffance de la voute , & le
Chiffre de Louis XV étoit placé d'efpace en efpace
dans des cartouches. Des girandoles chargées de
bougies formoient un triple cordon de lumieres.
MARS. 1757. 203
Plufieurs luftres , qui defcendoient de la voûte ,
augmentoient le brillant de l'illumination . Vis - àvis
du fauteuil du Célébrant , on avoit élevé un
trône où étoit le Portrait de S. M. Très- Chrétienne
, auquel on a rendu les mêmes honneurs
que fi Elle avoit été préfente. Le Portrait étoit
couronné de cette Infcription : Dilectus Deo &
hominibus. On lifoit à la droite du trône ces
rots : Obducam cicatricem tibi , & à vulneribus
tuis fanabo te ; & à la gauche ceux - ci : Sanavi
Ludovicum reduxi , & reddidi confolationes
lugentibus eum. L'illumination de la Nef répondoit
à celle du Choeur. L'architecture de la tribune
dans laquelle eft l'Orgue , étoit deffinée avec.
des pots à feu. Des deux côtés de l'Orgue s'élevoient
deux pyramides de lampions. Un cordon
de flambeaux de cire blanche régnoit tout le long
de la corniche . Le portail de l'Eglife & les bâtimens
qui l'environnent , étoient entiérement illuminés.
DE VIENNE , le 29 Janvier.
UN Courier , arrivé le 13 Janvier de Verfailles ;
a apporté l'effrayante nouvelle du danger auquel
a été exposé le Roi Très - Chrétien. Auffitôt l'Impératrice
Reine manda au Cardinal de Trautſon ,
Archevêque de cette Ville , d'ordonner des prieres
publiques , pour obtenir du Ciel la confervation
d'un Prince , dont les jours font fi précieux à l'Europe
. Les Eglifes font remplies d'une affluence extraordinaire
de perfonnes de tous les Ordres , qui
demandent à Dieu le rétabliſſement de la fanté de
ce Monarque .
Notre Cour vient de conclure avec celle de France
une convention , par laquelle elles s'engagent à
Le rendre réciproquement les déferteurs de leurs
troupes. Cette convention commencera le premier
du mois prochain à avoir ſon effet .
DE LEITMERITZ , le 7 Janvier.
Le premier de ce mois , le Général Lafcy fit attaquer
par cinq cens Croates le poſte d'Óftritz ,
où il y avoit trois cens Pruffiens . Le Major Blumenthal
, qui y commandoit , fut tué. Les enne,
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
mis perdirent deux autres Officiers & trente - huit
Soldats. On fit neuf prifonniers. Le refte fut difper.
fé. De notre côté , il y eut un Capitaine tué , un
Lieutenant & fix Soldats bleffés . Le lendemain, les
Pruffiens reprirent ce pofte. Ils l'ont fait occuper
par mille hommes , & ils y ont mis quatre pieces
de canon.
DE DRESDE , le premier Février.
Le fieur Frege , Directeur de la Monnoie de
Leipfick , a eu ordre du Directoire Général de
Guerre du Roi de Pruffe , de délivrer , fous peine
d'être mis aux fers , les coins , les inftrumens néceffaires
à frapper des efpeces , & même les matieres
d'or & d'argent qu'il avoit fous fa garde.
Les exécutions militaires contre les Bailliages
qui n'ont pas fourni le nombre de recrues exigé ,
s'effectuent avec rigueur.
Malgré les circonftances où se trouve la Saxe ,
la Reine , le Prince Royal , la Princeffe fon épouse ,
& les Princes Albert & Clement, envoyerent complimenter
le Roi de Pruffe le jour anniverſaire de
fa naiffance. S. M. Pruffienne fit l'accueil le plus
gracieux aux Seigneurs chargés de s'acquitter de
ce cérémonial. Elle les affura qu'Elle ne defiroit
rien avec plus d'ardeur , que de pouvoir délivrer la
Saxe du Séjour des troupes étrangeres. Le 28 du
mois dernier , ce Prince partit pour la Siléfie.
Plufieurs des Régimens Pruffiens qui font en cette
Ville , ont reçu ordre de fe tenir prêts à marcher.
Plufieurs remifes confidérables , que la Reine a
reçues , ont mis cette Princefle en état , non feulement
d'acquitter une partie des dettes que de
malheureufes circonftances l'ont obligée de contracter
, mais encore de faire fentir les effets de fa
générosité aux Officiers Saxons , qui ont beſoin
MAR S. 1757. 197
de fecours , On a diſtribué ici clandeftinement divers
exemplaires d'un Ecrit anonyme , intitulé ,
Démonftrationfuccincte que le Royaume de Boheme
appartient au Roi de Pruffe. L'Auteur , pour établir
le prétendu droit de S. M. Pruffienne , remonte à
Marguerite , Princeffe de Boheme , qui dans le
quinzieme fiecle fut mariée à Jean III , Margrave
de Brandebourg. Le Roi de Pruffe , indigné qu'on
lui prêtât des vues contraires à celles qu'il a annoncées
dans fes Déclarations , a ordonné que
l'ouvrage fût brûlé par la main du Bourreau . Ce
Prince fait faire d'exactes perquifitions , pour découvrir
l'Auteur & l'Imprimeur.
9
En différens endroits , les Officiers Pruffiens
ont fait ouvrir les prifons , & ont enrôlé toutes les
perfonnes qu'ils y ont trouvées propres à porter
les armes. Depuis quelque temps ils engagent indiftinctement
tous les jeunes gens , foit artifans
foit domeftiques , fans avoir égard ni à la profeffion
, ni à la livrée. Le Roi de Pruffe a fait publier
une Ordonnance , par laquelle il enjoint à tous les
Saxons qui font à fon fervice , & qui poffedent
des biens fonds , de les vendre , & de dépofer à la
caiffe du Directoire militaire les fommes qui pro .
viendront de la vente. S'ils ont quelques préten
tions à faire valoir , les Bailliages refpectifs font
tenus de leur rendre prompte juftice , & les deniers
provenans de ces prétentions feront portés
pareillement à ladite caiffe.
DE RATISBONNE , le 25 Janvier.
On a reçu ici plufieurs exemplaires d'un Ecrit
que la Cour de Vienne vient de faire publier. , &
qui eft intitulé , Remarques fur les Manifeftes , Lettres
Circulaires autres Mémoires , donnés de la
I iij
198 MERCURE DE FRANCE .
part du Roi de Pruffe. Cette Piece contient trentefept
pages in-4° . Voici quelques-uns des principaux
traits qu'elle renferme . « Le Roi de Pruffe
prétend avoir feul le droit de tenir en tout tems
» de grandes armées prêtes à marcher , & d'aug-
» menter fucceffivement , fans aucun danger ap-
» parent , le nombre de fes troupes . Il s'arroge
» même le privilege de faire enlever , tantôt par
» rufe , tantôt par violence , les Sujets aux Souve-
» rains , les Miniftres aux Eglifes , les enfans aux
» peres , les peres aux enfans. En même temps , il
» ne veut pas qu'une Puiffance voifine puiffe le
»foupçonner d'un deffein offenfif, & qu'elle fe
» concerte avec d'autres Puiffances pour Le défen-
» dre en cas d'attaque..... Lorſqu'une Puiffance
» fonge à completter fes troupes , & à pourvoir
» d'artillerie & de munitions fes places frontieres ,
>> il croit pouvoir lui demander fierement , l'épée
» à la main , le motifde telles précautions. Si elle
» ne s'explique pas d'abord dans les termes qu'il
» lui preferit , & fi elle ne promet formellement
» de fufpendre les préparatifs qu'elle a commen-
» cés pour fa défenfe , il va jufqu'à la menacer
» de l'attaquer inceffamment avec une armée for-
» midable...... L'article ſecret du Traité de Pé-
» terfbourg devoit-il caufer quelque ombrage au
» Roi de Prufle ? Au devant de cet article , on avoit
> eu foin de mettre ces paroles remarquables : ( Si
contre toute attente , & contre les voeux communs
» S. M. Pruffienne eft la premiere à fe départir de
les
la Paix de Drefde. ) On avoit ajouté , que
» deux Parties Contractantes mettroient tout en
» ufage pour prévenir un tel inconvénient . Ces clau-
» fes ne prouvoient- elles pas évidemment que , fi
» l'Impératrice Reine fe réfervoit le droit de re-
» vendiquer la Siléfie , & d'employer le fecours
MAR S. 1757. 199
de fes Alliés pour la recouvrer , c'étoit feule-
» ment dans le cas où , malgré les voeux com-
» muns de l'Impératrice Reine & de l'Impératrice
» de Ruffie , & malgré toutes les peines qu'Elles
>> emploieroient pour le maintien de la paix , le
» Roi de Pruffe tenteroit une nouvelle aggref-
» fion ? .... Pour ce qui regarde la découverte de
» cet article , S. M. Pruffienne pouvoit s'épargner
» un expédient auffi illicite que celui de forcer un
» Cabinet Royal dans un pays neutre , puifque la
» Cour de Vienne n'auroit fait aucune difficulté
» difficulté d'avouer qu'elle a porté toujours fa plus
» grande attention fur les préparatifs de guerre
» des Pruffiens & fur leurs vexations , & qu'elle
» s'eft fervie de tous les moyens néceffaires & juf-
» tes , pour donner à l'auteur des troubles , s'il eft
» poffible , lieu de ſe repentir de ſes violences &
» de fes injuftices. >>
Le 17 de ce mois , la Diete générale de l'Empire
donna le Conclufum fuivant. « De la part des
Electeurs , Princes & Etats de l'Empire , on dé-
» clare à M. le Prince de la Tour - Taxis , Princi-
» pal Commiffaire de l'Empereur , qu'on a due-
» ment propofé aux trois Colleges de l'Empire ,
» & mis en délibération les Décrets de Commif-
» fion Impériale , portés les 20 Septembre & 18
» Octobre de l'année derniere , à la Dictature , au
» fujet de l'invaſion hoftile du Roi de Pruffe Elec-
>> teur de Brandebourg , dans la Saxe & dans la
>> Boheme ; ainfi que la Lettre de S. M. l'Impéra-
» trice Reine , du 21 Octobre , & les Mémoires
» préſentés par les Miniftres de Saxe & de Brande-
» bourg les 23 Septembre & 20 Décembre der-
» niers : qu'on a vu , par leur contenu , toutes les
» circonftances de l'irruption faite par les troupes
» Pruffiennes dans les Etats de l'Impératrice Rei-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
>> ne & du Roi de Pologne Electeur de Saxe , la
>> maniere dont l'Electorat de Saxe & autres Etats
» ont été faifis & font encore détenus , & enfin les
» Mandemens émanés du Juge Suprême de l'Em-
» pire contre ces entreprifes : qu'après une mûre
» délibération , telle que l'importance de l'affaire
» l'exigeoit , il a été conclu & arrêté que S. M.
» Impériale feroit très-refpectueufement remer-
» ciée de fes foins paternels pour le rétabliſſement
» de la tranquillité publique : qu'en même temps
» Elle feroit très - humblement requife de conti-
>> nuer d'agir , comme Elle a commencé , fui-
» vant les Loix & Conftitutions de la Patrie , ( en
particulier felon l'ordonnance d'exécution , la
» paix de Weftphalie & la Capitulation Impéria-
» le ) , afin que par les moyens déja mis en oeuvre
» & ceux qu'on emploiera , non feulement S. M.
» le Roi de Pologne foit remis en poffeffion de fes
Etats avec le dédommagement le plus complet ,
>> mais auffi que S. M. l'Impératrice , comme
» Reine & Electrice de Boheme , obtienne la ſatisfaction
qui lui eft dûe : qu'en conféquence
» des Excicatoires de S. M. Impériale , tous les
» Co-Etats de l'Empire , qui ont à coeur le main-
» tien de la Conftitution fondamentale du Corps
» Germanique , concourront de tout leur pou-
» voir aux moyens de parvenir au but propofé par
» Sadite Majefté : que pour fecourir tant les Etats
opprimés que ceux qui pourroient dans la fuite
» éprouver le même fort , tous les Cercles porte-
» ront fans délai leurs contingens au triple , & les
tiendront prêts à marcher avec tout ce qui eft
» néceffaire au fervice. On fe réſerve une expli-
» cation ultérieure fur les autres points des Décrets
de Commiſſion. »
MARS . 1757 . 201
DE LIEGE , le 31 Janvier.
Dès qu'on eut reçu
ici la nouvelle de l'attentat
commis contre la Perfonne de Louis XV , on donna
ordre d'arrêter & d'examiner , fans diſtinction
de rang , tous les étrangers qui arriveroient
en cet-
Ville. Les Etats de l'Evêché , étant actuellement
affemblés , députerent à M. Durand d'Aubigny ,
Réfident de France , pour lui témoigner le vif intérêt
qu'ils prennent àla confervation
de Sa Majefté
Très- Chrétienne. Le 14 , les Chanoines de l'Eglife
Collégiale de Saint Martin , dont le Roi de
France eft protecteur , firent chanter une grande
Meffe en mufique , en action de graces de ce qu'il
a plu à Dieu de fauver les jours de ce Monarque.
Les Chanoines Réguliers de l'Abbaye du Val
des Ecoliers de cette Ville , coururent fe profterner
au pied des Autels , pour obtenir du Ciel la
confervation de ce Monarque. Pendant neufjours,
ils ont continué leurs prieres. Lorsqu'ils eurent
appris la guérifon de S. M. Très - Chrétienne , ils
réfolurent de rendre de folemnelles actions de
graces au Tout-Puiffant. Le 27 de ce mois , jour
fixé pour cette cérémonie , elle fut annoncée le
matin par une falve de boîtes , qui fut répétée à
midi. M. d'Aubigny , Réfident de France , s'étant
rendu à l'Abbaye , l'Abbé à la tête des Chanoines
, & en habits pontificaux , le reçut à la porte
de l'Eglife , & lui adreffa ce difcours : « Mon-
» fieur , effuyons nos larmes , & oublions , s'il
» fe peut , les horreurs qui les ont fait couler ,
» pour ne penfer qu'aux miféricordes de l'Eternel ,
» qui vient d'arracher à la mort un Prince dont la
» perte eût été pour nous le comble des malheurs..
Qu'il vive ce grand Roi , la gloire & les délices
1 v
202 MERCURE DE FRANCE.
» de la France ! Qu'il vive ce Prince Bien- Aimé !
>> Qu'il jouiffe longtemps des douceurs d'un nom
>> plus cher pour lui , que ceux qu'il s'eft acquis
9.
par les victoires ! C'eft en ne laiffant échapper
>> aucune occafion de mériter le nom de Bien-Ai-
» mé, de la part de l'Etranger même , que ce
» Roi pacifique étend chaque jour les bornes de
>> fon Empire au- delà des pays de fa domination .
» Nous en fommes témoins , Monfieur , & nous
» le publions avec joie. Louis eft pour les Voifins
» comme pour les François , Louis le Bien - Aimé.
>> C'eft un hommage & un tribut que la recon-
>> noiffance ne peut refufer à la générofité de ce
>> Prince bienfaifant . Que ne puis - je , Monfieur
» répandre dans le fein du Miniftre d'un fi grand
» Roi tous les fentimens que le devoir & l'amour
» le plus refpectueux m'infpirent ! ... Mais la
» Religion nous appelle dans le Sanctuaire. Al-
» lons , Monfieur , rendre gloire à Dieu du pro-
» dige éclatant qu'il a opéré pour la confervation
» du Fils Aîné de fon Eglife. Demandons en mê-
» me temps que fa main bienfaifante demeure
» étendue fur l'homme de fa droite , pour le protéger
& pour le défendre . Qu'il ajoute long-
» temps des jours à des jours fi précieux ! Le Ciel
attend nos voeux , pour les exaucer , & pour
>> nous prouver que Louis eft autant le Bien-Aimé
» de Dieu que des hommes . >>
On conduifit M. d'Aubigny dans le Choeur , &
le Te Deum fut chanté en Mufique . L'Eglife étoit
ornée avec la plus grande magnificence. Une tenture
, enrichie de fleurs de lys d'or , entouroit le
Choeur , jufqu'à la naiffance de la voute , & le
Chiffre de Louis XV étoit placé d'efpace en efpace
dans des cartouches. Des girandoles chargées de
bougies formoient un triple cordon de lumieres.
MARS. 1757. 203
Plufieurs luftres , qui defcendoient de la voûte ,
augmentoient le brillant de l'illumination . Vis - àvis
du fauteuil du Célébrant , on avoit élevé un
trône où étoit le Portrait de S. M. Très- Chrétienne
, auquel on a rendu les mêmes honneurs
que fi Elle avoit été préfente. Le Portrait étoit
couronné de cette Infcription : Dilectus Deo &
hominibus. On lifoit à la droite du trône ces
rots : Obducam cicatricem tibi , & à vulneribus
tuis fanabo te ; & à la gauche ceux - ci : Sanavi
Ludovicum reduxi , & reddidi confolationes
lugentibus eum. L'illumination de la Nef répondoit
à celle du Choeur. L'architecture de la tribune
dans laquelle eft l'Orgue , étoit deffinée avec.
des pots à feu. Des deux côtés de l'Orgue s'élevoient
deux pyramides de lampions. Un cordon
de flambeaux de cire blanche régnoit tout le long
de la corniche . Le portail de l'Eglife & les bâtimens
qui l'environnent , étoient entiérement illuminés.
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Résumé : ALLEMAGNE.
En janvier 1757, des rumeurs alarmantes sur la santé du roi de France, Louis XV, ont circulé, incitant l'impératrice reine à ordonner des prières publiques à Vienne pour sa guérison. Les églises se sont remplies de fidèles de tous milieux sociaux. Une convention entre les cours d'Allemagne et de France a été conclue pour échanger les déserteurs de leurs troupes, effective à partir du 1er février. Sur le front militaire, le 1er janvier à Leitmeritz, le général Laffy a attaqué un poste prussien à Óstritz, tuant le major Blumenthal et faisant plusieurs prisonniers. Les Prussiens ont repris le poste le lendemain et l'ont renforcé. À Dresde, le directeur de la monnaie de Leipzig a reçu l'ordre de fournir les outils et matières nécessaires à la frappe des espèces au Directoire Général de Guerre du roi de Prusse. Les exécutions militaires contre les bailliages n'ayant pas fourni le nombre requis de recrues se poursuivaient avec rigueur. Malgré les difficultés, la reine de Saxe et les princes saxons ont complimenté le roi de Prusse à l'occasion de son anniversaire, exprimant leur espoir de voir les troupes étrangères quitter la Saxe. Plusieurs régiments prussiens se préparaient à partir, et la reine de Saxe a distribué des aides financières aux officiers saxons dans le besoin. Un écrit anonyme prétendant que la Bohême appartenait au roi de Prusse a été distribué clandestinement. Le roi de Prusse a ordonné la destruction de cet écrit et a lancé des enquêtes pour identifier l'auteur et l'imprimeur. Les officiers prussiens ont enrôlé de force des prisonniers et des jeunes gens pour renforcer leurs troupes. Une ordonnance prussienne a également contraint les Saxons au service prussien à vendre leurs biens fonciers. À Ratisbonne, la cour de Vienne a publié un document répondant aux manifestes du roi de Prusse, critiquant ses actions militaires et ses exigences. La Diète générale de l'Empire a conclu que l'impératrice reine devait continuer à agir selon les lois et constitutions pour rétablir la tranquillité et aider le roi de Saxe à récupérer ses États. À Liège, après un attentat contre Louis XV, des mesures de sécurité ont été prises pour arrêter et examiner les étrangers arrivants. Les États de l'Évêché ont exprimé leur soutien au roi de France. Des messes et des prières ont été organisées pour sa guérison, suivies de cérémonies de remerciement après sa récupération. Le résident de France a été accueilli à l'abbaye du Val des Écoliers pour une cérémonie de Te Deum en l'honneur du roi. En mars 1757, une illumination somptueuse a été réalisée dans une église. Le chiffre de Louis XV était placé dans des cartouches à intervalles réguliers. Des girandoles chargées de bougies formaient un triple cordon de lumières, et plusieurs lustres descendant de la voûte augmentaient l'éclat de l'illumination. En face du fauteuil du célébrant, un trône accueillait le portrait du roi Louis XV, auquel on rendait les mêmes honneurs qu'à sa présence. Le portrait était couronné de l'inscription 'Dilectus Deo & hominibus'. À droite du trône, on lisait 'Obducam cicatricem tibi, & vulneribus tuis sanabo te', et à gauche 'Sanavi Ludovicum reduxi, & reddidi consolationes lugentibus eum'. L'illumination de la nef répondait à celle du chœur. L'architecture de la tribune de l'orgue était ornée de pots à feu, et deux pyramides de lampions s'élevaient de chaque côté de l'orgue. Un cordon de flambeaux de cire blanche courait le long de la corniche. Le portail de l'église et les bâtiments environnants étaient entièrement illuminés.
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64
p. 195-197
DE LONDRES, le 11 Novembre.
Début :
L'expédition tentée contre Sutatte a eu le succès qu'on desiroit. [...]
Mots clefs :
Flotte anglaise, Bombay, Débarquement, Troupes, Attaque, Désertion, Parlement, Discours, Succès des armes, Sa Majesté anglaise, Caroline, Sauvages, Colonies, Attaques, Forts, Capitaine, New York, Français, Expéditions, Officiers, Québec
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texteReconnaissance textuelle : DE LONDRES, le 11 Novembre.
DE LONDRES , le 11 Novembre.
L'expédition tentée contre Suratte a eu le fuccès
qu'on defiroit. La flotte partit de Bombai à la fin
de Février. Les troupes de débarquement étoient
comparées de huit cens Européens & de trois
mille Cipayes. On arriva heureuſement ſur la
côte; mais quand il fut queftion d'entrer dans la
riviere , on ne pût faire aucun ulage des gros
vaiffeaux . On eut beaucoup de peine à faire avancer
jufqu'à la ville un bâtiment de vingt pièces
de canon , & quatre galiotes à bombes. Les troupes
débarquèrent ; elles attaquèrent la place , &
furent repouffées deux fois avec beaucoup de
perte. La défertion , qui devint confidérable , en
diminua encore le nombre. On tenta un dernier
effort. Le bâtiment & les galiotes eurent ordre
de rompre la chaîne qui fermoir l'entrée du port.
Dès que la chaîne fut rompue , on reprit l'attaque
de la place , & dans l'efpace de quatre heures
ony jetta quarante - deux bombes & cinq cens
boulets. La garnifon répondit à ce feu violent par
celui de quatre batteries, qui tuèrent ou bleſsèrent
près de la moitié des équipages de nos bâtimens.
Le 2 Mars le Château capitula , & nos troupes
entrèrent dans la place .
Du 16.
Le 13 de ce mois , le Parlement fut aſſemblé.
Les féances commencèrent dans les deux Cham-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
bres par la lecture d'un Difcours qui leur fut
adreffé de la part du Roi. Ce Difcours rappelle
les principaux fuccès qui ont couronné les armes
de Sa Majesté. Le Roi déclare que comme il n'a
point commencé la guerre par des vues d'ambi
tion , il eft fort éloigné de la continuer par un
motif de reffentiment ; qu'il defire fincèrement de
voir la paix rétablie , & qu'il écoutera volontiers
les propofitions qui pourront lui être faites , pourvu
qu'elles foient honorables pour Sa Majesté &
pour les Alliés.
Du 30.
Nous venons de recevoir les nouvelles fuivantes
de Charleſtown dans la Caroline . Les François
ont mis en mouvement la Nation Indienne
des Chorokées . Ces Sauvages au nombre de trois
mille hommes ont pénétré dans quelques - unes
de nos Colonies. Ils ont paru dans le voisinage
du Fort Laudon , & ont enlevé la chevelure à
quelques foldats de la garnison de ce Fort. Les
habitans de ces contrées ont pris l'épouvante à
leur approche , & ont cherché un afyle dans le
Fort Prince-George. Ils ont rencontré dans les
bois plufieurs partis de ces Sauvages , dont ils
n'ont évité la fureur qu'en abandonnant la plus
grande partie de leurs effets . Plufieurs des Indiens
qui avoient marqué le plus de zèle pour
nos intérêts , font juftement foupçonnés de fomenter
la guerre. Plufieurs établiflemens de
grande valeur ont été abandonnés . Les Fermiers
& les Cultivateurs ont pris la fuite , pour ne
pas demeurer expofés à la cruauté des Sauvages.
Le Capitaine , Stuart marche avec un Corps
de troupes vers le pays des Cherokées . On efpere
beaucoup de l'habileté & de la bravoure de
cet Officier. Les Compagnies Provinciales & fes
Milices ont ordre de fe tenir prêtes à marcher.
JANVIER. 1966 . 197
Ön mande de la nouvelle York les détails
fuivans. Les troupes aux ordres du Général Amherft
ont été occupées jufqu'au 10 Octobre à
fortifier la pointe de la Couronne . On a entrepris
d'y conftruire trois Forts fur les hauteurs
qui commandent cette Place. Dès les premiers
jours d'Octobre , le Général Amherst fit fes dif
pofitions pour traverfer le Lac Champlin. Toutes
les difpofitions étant faites pour l'embarquement,
les troupes au nombre de quatre mille cinq cens
hommes , fe rendirent à bord des bateaux . Le
11 Novembre la flotte mit à la voile , & quelques
jours après elle mouilla à la hauteur du
Fort Saint Jean. Trois bâtimens François étoient
fur cette côte. Le Général Amherſt les fit attaquer.
Deux furent coulés à fond , & le troifiéme
échoua . Les vents contraires empêcherent ce Général
de poursuivre fon expédition ; & le 21 , il
fut obligé de revenir à la pointe de la Couronne .
Un corps de dix mille hommes de troupes fran
çoifes occupe différens poftes , & ne laifle aucune
fureté entre Québec & la pointe de la Couronne.
Le Général Amherſt a beaucoup à craindre
d'un Corps i nombreux. Les Officiers qui le
commandoient , annoncent faas diffimulation ,
qu'auffitôt que la glace fera affez forte pour porter
leur artillerie , ils paroîtront fur les murs de
Québec.
L'expédition tentée contre Suratte a eu le fuccès
qu'on defiroit. La flotte partit de Bombai à la fin
de Février. Les troupes de débarquement étoient
comparées de huit cens Européens & de trois
mille Cipayes. On arriva heureuſement ſur la
côte; mais quand il fut queftion d'entrer dans la
riviere , on ne pût faire aucun ulage des gros
vaiffeaux . On eut beaucoup de peine à faire avancer
jufqu'à la ville un bâtiment de vingt pièces
de canon , & quatre galiotes à bombes. Les troupes
débarquèrent ; elles attaquèrent la place , &
furent repouffées deux fois avec beaucoup de
perte. La défertion , qui devint confidérable , en
diminua encore le nombre. On tenta un dernier
effort. Le bâtiment & les galiotes eurent ordre
de rompre la chaîne qui fermoir l'entrée du port.
Dès que la chaîne fut rompue , on reprit l'attaque
de la place , & dans l'efpace de quatre heures
ony jetta quarante - deux bombes & cinq cens
boulets. La garnifon répondit à ce feu violent par
celui de quatre batteries, qui tuèrent ou bleſsèrent
près de la moitié des équipages de nos bâtimens.
Le 2 Mars le Château capitula , & nos troupes
entrèrent dans la place .
Du 16.
Le 13 de ce mois , le Parlement fut aſſemblé.
Les féances commencèrent dans les deux Cham-
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
bres par la lecture d'un Difcours qui leur fut
adreffé de la part du Roi. Ce Difcours rappelle
les principaux fuccès qui ont couronné les armes
de Sa Majesté. Le Roi déclare que comme il n'a
point commencé la guerre par des vues d'ambi
tion , il eft fort éloigné de la continuer par un
motif de reffentiment ; qu'il defire fincèrement de
voir la paix rétablie , & qu'il écoutera volontiers
les propofitions qui pourront lui être faites , pourvu
qu'elles foient honorables pour Sa Majesté &
pour les Alliés.
Du 30.
Nous venons de recevoir les nouvelles fuivantes
de Charleſtown dans la Caroline . Les François
ont mis en mouvement la Nation Indienne
des Chorokées . Ces Sauvages au nombre de trois
mille hommes ont pénétré dans quelques - unes
de nos Colonies. Ils ont paru dans le voisinage
du Fort Laudon , & ont enlevé la chevelure à
quelques foldats de la garnison de ce Fort. Les
habitans de ces contrées ont pris l'épouvante à
leur approche , & ont cherché un afyle dans le
Fort Prince-George. Ils ont rencontré dans les
bois plufieurs partis de ces Sauvages , dont ils
n'ont évité la fureur qu'en abandonnant la plus
grande partie de leurs effets . Plufieurs des Indiens
qui avoient marqué le plus de zèle pour
nos intérêts , font juftement foupçonnés de fomenter
la guerre. Plufieurs établiflemens de
grande valeur ont été abandonnés . Les Fermiers
& les Cultivateurs ont pris la fuite , pour ne
pas demeurer expofés à la cruauté des Sauvages.
Le Capitaine , Stuart marche avec un Corps
de troupes vers le pays des Cherokées . On efpere
beaucoup de l'habileté & de la bravoure de
cet Officier. Les Compagnies Provinciales & fes
Milices ont ordre de fe tenir prêtes à marcher.
JANVIER. 1966 . 197
Ön mande de la nouvelle York les détails
fuivans. Les troupes aux ordres du Général Amherft
ont été occupées jufqu'au 10 Octobre à
fortifier la pointe de la Couronne . On a entrepris
d'y conftruire trois Forts fur les hauteurs
qui commandent cette Place. Dès les premiers
jours d'Octobre , le Général Amherst fit fes dif
pofitions pour traverfer le Lac Champlin. Toutes
les difpofitions étant faites pour l'embarquement,
les troupes au nombre de quatre mille cinq cens
hommes , fe rendirent à bord des bateaux . Le
11 Novembre la flotte mit à la voile , & quelques
jours après elle mouilla à la hauteur du
Fort Saint Jean. Trois bâtimens François étoient
fur cette côte. Le Général Amherſt les fit attaquer.
Deux furent coulés à fond , & le troifiéme
échoua . Les vents contraires empêcherent ce Général
de poursuivre fon expédition ; & le 21 , il
fut obligé de revenir à la pointe de la Couronne .
Un corps de dix mille hommes de troupes fran
çoifes occupe différens poftes , & ne laifle aucune
fureté entre Québec & la pointe de la Couronne.
Le Général Amherſt a beaucoup à craindre
d'un Corps i nombreux. Les Officiers qui le
commandoient , annoncent faas diffimulation ,
qu'auffitôt que la glace fera affez forte pour porter
leur artillerie , ils paroîtront fur les murs de
Québec.
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Résumé : DE LONDRES, le 11 Novembre.
Le 11 novembre, une expédition contre Suratte a réussi. La flotte, partie de Bombay fin février, comprenait huit cents Européens et trois mille Cipayes. Après un débarquement réussi, les troupes ont rencontré des difficultés avec les gros vaisseaux pour avancer vers la ville. Un bâtiment de vingt pièces de canon et quatre galiotes à bombes ont été utilisés pour rompre la chaîne fermant l'entrée du port. Après un assaut intense de quatre heures, la garnison a capitulé le 2 mars, permettant aux troupes d'entrer dans la place. Le 16 novembre, le Parlement a été assemblé et les féances ont commencé par la lecture d'un discours du roi. Ce discours rappelait les succès militaires et exprimait le désir du roi de rétablir la paix de manière honorable. Le 30 novembre, des nouvelles de Charlestown en Caroline ont rapporté que les Français avaient incité la nation indienne des Cherokées à attaquer les colonies. Trois mille Sauvages ont pénétré dans les colonies, semant la peur parmi les habitants. Le Capitaine Stuart a été envoyé avec des troupes pour contrer cette menace. À New York, les troupes du Général Amherst ont fortifié la pointe de la Couronne et ont tenté de traverser le Lac Champlain. Cependant, des vents contraires ont obligé le Général à revenir. Un corps de dix mille troupes françaises occupe divers postes entre Québec et la pointe de la Couronne, posant une menace significative.
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65
p. 197-198
DE ROME, le 24 Mai.
Début :
Le démêlé de notre Cour avec la République de Gênes, occupe beaucoup le Sacré Collége. [...]
Mots clefs :
République de Gênes, Tensions, Cardinaux, Congrès, Pape, Décret, Discours, Consistoire, Cour, Chevalier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE ROME, le 24 Mai.
De ROME , le 24 Mai.
Le démêlé de notre Cour avec la République
de Gênes , occupe beaucoup le Sacré Collège.
II fe tint , le neuf de ce mois , une Congrégation
de Cardinaux , où l'on agita cette matière ;
& il s'en eft tenu deux autres le 11 & le 13 , fur
le même fujet . On afficha , le 15 , dans les endroits
accoutumés , un Bref par lequel Sa Sainteté
annulle le Décret du Gouvernement de Gênes
contre le Visiteur Apoftolique de Corfe . Ce Décret
promettoit deux mille écus à celui qui livreroit
ce Vifiteur. On a publié le Bref , par lequel
le Pape commet ce Viſiteur : on a auſſi rendu
public le difcours pathétique prononcé par
Sa Sainteté dans le Confiftoire fecret tenu le So
On travaille à dr fer un Mémoire qui fera envoyé
à tous les Nonces dans les Cours étrangè
res , pour juftifier la conduite du Pape dans
cette affaire. Sa Sainteté a adreflé à la République
de Gênes un Bref exhortatoire , pour l'en-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE:
gager à donner au Saint Siege une fatisfaction »
convenable de fon procédé.
Le Chevalier de Saint Georges , eft toujours
dans un état fort critiqué. Il y a déjà près d'un
mois que le Pape lui a envoyé fa bénédiction, in
articulo mortis.
Le démêlé de notre Cour avec la République
de Gênes , occupe beaucoup le Sacré Collège.
II fe tint , le neuf de ce mois , une Congrégation
de Cardinaux , où l'on agita cette matière ;
& il s'en eft tenu deux autres le 11 & le 13 , fur
le même fujet . On afficha , le 15 , dans les endroits
accoutumés , un Bref par lequel Sa Sainteté
annulle le Décret du Gouvernement de Gênes
contre le Visiteur Apoftolique de Corfe . Ce Décret
promettoit deux mille écus à celui qui livreroit
ce Vifiteur. On a publié le Bref , par lequel
le Pape commet ce Viſiteur : on a auſſi rendu
public le difcours pathétique prononcé par
Sa Sainteté dans le Confiftoire fecret tenu le So
On travaille à dr fer un Mémoire qui fera envoyé
à tous les Nonces dans les Cours étrangè
res , pour juftifier la conduite du Pape dans
cette affaire. Sa Sainteté a adreflé à la République
de Gênes un Bref exhortatoire , pour l'en-
I iij
198 MERCURE DE FRANCE:
gager à donner au Saint Siege une fatisfaction »
convenable de fon procédé.
Le Chevalier de Saint Georges , eft toujours
dans un état fort critiqué. Il y a déjà près d'un
mois que le Pape lui a envoyé fa bénédiction, in
articulo mortis.
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Résumé : DE ROME, le 24 Mai.
Le conflit entre la Cour de Rome et la République de Gênes préoccupe le Sacré Collège, qui a organisé plusieurs congrégations en mai pour en discuter. Le 15 mai, un bref papal a annulé le décret génois offrant une récompense pour la capture du Visiteur Apostolique de Corse. Le Pape a également publié un bref commettant ce Visiteur et a rendu public un discours secret. Un mémoire est en préparation pour justifier la conduite du Pape auprès des nonces dans les cours étrangères. Un bref exhortatoire a été adressé à la République de Gênes pour obtenir une satisfaction convenable. Par ailleurs, le Chevalier de Saint Georges est dans un état critique depuis près d'un mois et a reçu la bénédiction papale in articulo mortis.
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66
p. 71-75
DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
Début :
Le Public a vu avec plaisir un Eléve aimable de Thalie succéder à un des [...]
Mots clefs :
Discours, Académie, Ouvrages, Éloge poétique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
DISCOURS prononcé dans l'Académie
Françoife , le Samedi 22 Janvier
M. DCC. LXIII , à la réception
de M. l'Abbé DE VOISENON ; à
Paris , chez la veuve Brunet , Imprimeur
de l'Académie Françoiſe , au
Palais & rue baffe des Urfins. 1763.
in-4°.
J
Le Public a vu avec plaifir un Eléve
aimable de Thalie fuccéder à un des
plus chers Favoris de Melpomene , & a
applaudi au choix de l'Académie Françoife
, qui a nommé M. l'Abbé de Voifenon
à la place de M. de Crébillon. Ce
fut le Samedi , 22 Janvier , que M. l'Abbé
de Voifenon y vint prendre féance
& y prononça un difcours qui a mérité
les applaudiffemens d'une nombreuſe
Affemblée. On fçait quelle eft la diffi-
1
72 MERCURE DE FRANCE .
" .
culté de ces fortes d'Ouvrages , où fur
an plan tout tracé on éxige cependant
des chofes neuves. Sans s'écarter de la
Toute indiquée , l'ingénieux Récipiendaire
a fçu employer des tours nou
veaux qui l'ont , pour ainfi dire , tiré de
la claffe commune. Il fuccédoit à un
très-grand Poëte : fon difcours , quoiqu'en
profe , devoit donc refpirer la
plus haute Poëfie; & c'eft dans ce langage
fublime qu'il a dignement loué fon illuftre
prédéceffeur. » Le grand Corneille,
», dit- il , & le tendre Racine venoient
» d'être plongés dans les ténébres du
tombeau : leurs maufolées étoient
» placés aux deux côtés du trône qu'ils
avoient accupé ; la Mufe de la Tragédie
étoit panchée fur l'urne de Pompée
, & fixoit des regards de défolation
fur Rodogune , Cinna , Phedre,
Andromaque & Britannicus. Elle étoit
» tombée dans une létargie profonde ;
» fon âme ufée par la douleur , n'avoir
» plus la force que donne le défefpoir.
Dans l'excès de fon abbattement ,
fon poignard étoit échappé de fes
mains un morte! fier & courageux
» enveloppé de deuil , s'avance avec in-
» trépidité ; ramaffe le poignard & s'écrie
: Mufe , ranime-toi , je vais te ren-
» dre
ور
MARS. 1763. 73
I.
es
11-
é
en
dre
» dre ta fplendeur. La Terreur entendit
» fa voix & parut fur la Scène : Tu me
» rappelles à la lumière , & ton Génie
» m'a donné un nouvel être , dit- elle
» avec tranfport. A ces mots elle faifit
» une coupe enfanglantée , marcha de-
» vant lui , & fit retentir le Mont facré
» du nom de Crébillon. La Mufe re-
» prit fes fens ; les cendres de Corneille
» & de Racine s'animérent ; & leur
» Succeffeur fut placé fur le Trône éle-
» vé entre les deux tombeaux.
Après cet éloge poëtique , M. l'Abbé
de Voifenon entra dans quelques détails
au fujet des Ouvrages dramatiques
de fon Prédéceffeur. Il dit , en parlant
d'une de fes Tragédies. » Atrée &Thyefte ,
- ce chef-d'oeuvre d'horreur , fit une
» impreffion fi forte , qu'on détourna
» les yeux ; on la lut , on l'admira ;
, mais on n'en foutint la repréfentation
» qu'avec peine ; & c'étoit la louer que
» de n'ofer la voir.
L'éloge de M. de Crébillon, dont nous
n'avons rapporté qu'une petite partie ,
eft firivi des autres éloges d'ufage dans
ces fortes de cérémonies ; & enfin le
difcours eft terminé par la defcription
poëtique de deux Temples que l'Auteur
appelle le Temple de la fauffe Gloire , &
D
74 MERCURE DE FRANCE .
de Temple de la Gloire véritable. Il place
dans le premier les Gengiskan , les
Tamerlan les Alexandres & tant
d'autres qui les ont pris pour modéles ;
de là une defcription des malheurs que
caufe l'ambition des Conquérans . Le
Temple de la Gloire véritable eſt bien
différent. C'eſt le féjour des bons Rois
tels que Marc Aurele , Trajan , Titus ,
S. Louis , Louis XII, Henri IV; ce qui
améne très- naturellement l'élogedu ROI
LOUIS XV,qui doit être l'ornement de
ce Temple. C'eft par là que finit le
difcours de M. l'Abbé de Voifenon ,
dans lequel on a trouvé des tours nouveaux
, des penfées ingénieufes , & une
variété d'images & de ftyle peu ordinaire
dans les Ouvrages de cette nature.
M. le Duc de S. Agnan én qualité
de Directeur de l'Académie , répondit
au difcours du nouveau Récipiendaire.
C'étoit M. le Duc de Nivernois qui devoit
être chargé de ce travail , fi des affaires
plus importantes ne l'euffent occupé
ailleurs. C'eſt à quoi M. le Duc de
S. Agnan fait allufion quand il dit: » Les
›› grands intérêts qui lui font confiés
»peuvent feuls nous empêcher aujourd'hui
de regretter fon abfence . De là
MARS. 1763. 75
il paffe à l'éloge de M. le Duc de Nivernois
qu'il finit ainfi » Daignez ,
→ Meffieurs , oublier ce que vous per-
» dez en ce jour , & ne vous occuper
» que de la fatisfaction que vous au-
» rez bientôt de le revoir le rameau d'o-
» livier entre les mains , plus en état
» que jamais de vous aider à faire con-
» noître à la Poftérité la plus reculée
» juſqu'à quel degré notre bien - aimé
Maître & Protecteur a porté tant de
» fois , & fi récemment encore les
» fentimens d'humanité , de bonté &
» d'amour de fes Peuples : fentimens
» nés avec lui pour notre bonheur , &
» garants à l'Europe entière de l'ufage
» qu'il fait des dernières leçons de fon
augufte Bifayeul , toujours préfentes
» à fes yeux , & pour jamais gravées
» au fond de fon coeur.
C'eft avec ces mêmes traits d'une noble
fimplicité que M. le Duc de S. Agnan
avoit loué M. l'Abbé de Voifenon
, & le grand Poëte Tragique qu'il
venoit remplacer à l'Académie. On a
applaudi à ces divers éloges ; & le difcours
imprimé n'a point démenti les
pplaudiffemens de l'Affemblée .
Françoife , le Samedi 22 Janvier
M. DCC. LXIII , à la réception
de M. l'Abbé DE VOISENON ; à
Paris , chez la veuve Brunet , Imprimeur
de l'Académie Françoiſe , au
Palais & rue baffe des Urfins. 1763.
in-4°.
J
Le Public a vu avec plaifir un Eléve
aimable de Thalie fuccéder à un des
plus chers Favoris de Melpomene , & a
applaudi au choix de l'Académie Françoife
, qui a nommé M. l'Abbé de Voifenon
à la place de M. de Crébillon. Ce
fut le Samedi , 22 Janvier , que M. l'Abbé
de Voifenon y vint prendre féance
& y prononça un difcours qui a mérité
les applaudiffemens d'une nombreuſe
Affemblée. On fçait quelle eft la diffi-
1
72 MERCURE DE FRANCE .
" .
culté de ces fortes d'Ouvrages , où fur
an plan tout tracé on éxige cependant
des chofes neuves. Sans s'écarter de la
Toute indiquée , l'ingénieux Récipiendaire
a fçu employer des tours nou
veaux qui l'ont , pour ainfi dire , tiré de
la claffe commune. Il fuccédoit à un
très-grand Poëte : fon difcours , quoiqu'en
profe , devoit donc refpirer la
plus haute Poëfie; & c'eft dans ce langage
fublime qu'il a dignement loué fon illuftre
prédéceffeur. » Le grand Corneille,
», dit- il , & le tendre Racine venoient
» d'être plongés dans les ténébres du
tombeau : leurs maufolées étoient
» placés aux deux côtés du trône qu'ils
avoient accupé ; la Mufe de la Tragédie
étoit panchée fur l'urne de Pompée
, & fixoit des regards de défolation
fur Rodogune , Cinna , Phedre,
Andromaque & Britannicus. Elle étoit
» tombée dans une létargie profonde ;
» fon âme ufée par la douleur , n'avoir
» plus la force que donne le défefpoir.
Dans l'excès de fon abbattement ,
fon poignard étoit échappé de fes
mains un morte! fier & courageux
» enveloppé de deuil , s'avance avec in-
» trépidité ; ramaffe le poignard & s'écrie
: Mufe , ranime-toi , je vais te ren-
» dre
ور
MARS. 1763. 73
I.
es
11-
é
en
dre
» dre ta fplendeur. La Terreur entendit
» fa voix & parut fur la Scène : Tu me
» rappelles à la lumière , & ton Génie
» m'a donné un nouvel être , dit- elle
» avec tranfport. A ces mots elle faifit
» une coupe enfanglantée , marcha de-
» vant lui , & fit retentir le Mont facré
» du nom de Crébillon. La Mufe re-
» prit fes fens ; les cendres de Corneille
» & de Racine s'animérent ; & leur
» Succeffeur fut placé fur le Trône éle-
» vé entre les deux tombeaux.
Après cet éloge poëtique , M. l'Abbé
de Voifenon entra dans quelques détails
au fujet des Ouvrages dramatiques
de fon Prédéceffeur. Il dit , en parlant
d'une de fes Tragédies. » Atrée &Thyefte ,
- ce chef-d'oeuvre d'horreur , fit une
» impreffion fi forte , qu'on détourna
» les yeux ; on la lut , on l'admira ;
, mais on n'en foutint la repréfentation
» qu'avec peine ; & c'étoit la louer que
» de n'ofer la voir.
L'éloge de M. de Crébillon, dont nous
n'avons rapporté qu'une petite partie ,
eft firivi des autres éloges d'ufage dans
ces fortes de cérémonies ; & enfin le
difcours eft terminé par la defcription
poëtique de deux Temples que l'Auteur
appelle le Temple de la fauffe Gloire , &
D
74 MERCURE DE FRANCE .
de Temple de la Gloire véritable. Il place
dans le premier les Gengiskan , les
Tamerlan les Alexandres & tant
d'autres qui les ont pris pour modéles ;
de là une defcription des malheurs que
caufe l'ambition des Conquérans . Le
Temple de la Gloire véritable eſt bien
différent. C'eſt le féjour des bons Rois
tels que Marc Aurele , Trajan , Titus ,
S. Louis , Louis XII, Henri IV; ce qui
améne très- naturellement l'élogedu ROI
LOUIS XV,qui doit être l'ornement de
ce Temple. C'eft par là que finit le
difcours de M. l'Abbé de Voifenon ,
dans lequel on a trouvé des tours nouveaux
, des penfées ingénieufes , & une
variété d'images & de ftyle peu ordinaire
dans les Ouvrages de cette nature.
M. le Duc de S. Agnan én qualité
de Directeur de l'Académie , répondit
au difcours du nouveau Récipiendaire.
C'étoit M. le Duc de Nivernois qui devoit
être chargé de ce travail , fi des affaires
plus importantes ne l'euffent occupé
ailleurs. C'eſt à quoi M. le Duc de
S. Agnan fait allufion quand il dit: » Les
›› grands intérêts qui lui font confiés
»peuvent feuls nous empêcher aujourd'hui
de regretter fon abfence . De là
MARS. 1763. 75
il paffe à l'éloge de M. le Duc de Nivernois
qu'il finit ainfi » Daignez ,
→ Meffieurs , oublier ce que vous per-
» dez en ce jour , & ne vous occuper
» que de la fatisfaction que vous au-
» rez bientôt de le revoir le rameau d'o-
» livier entre les mains , plus en état
» que jamais de vous aider à faire con-
» noître à la Poftérité la plus reculée
» juſqu'à quel degré notre bien - aimé
Maître & Protecteur a porté tant de
» fois , & fi récemment encore les
» fentimens d'humanité , de bonté &
» d'amour de fes Peuples : fentimens
» nés avec lui pour notre bonheur , &
» garants à l'Europe entière de l'ufage
» qu'il fait des dernières leçons de fon
augufte Bifayeul , toujours préfentes
» à fes yeux , & pour jamais gravées
» au fond de fon coeur.
C'eft avec ces mêmes traits d'une noble
fimplicité que M. le Duc de S. Agnan
avoit loué M. l'Abbé de Voifenon
, & le grand Poëte Tragique qu'il
venoit remplacer à l'Académie. On a
applaudi à ces divers éloges ; & le difcours
imprimé n'a point démenti les
pplaudiffemens de l'Affemblée .
Fermer
Résumé : DISCOURS prononcé dans l'Académie Françoise, le Samedi 22 Janvier M. DCC. LXIII, à la réception de M. l'Abbé DE VOISENON ; à Paris, chez la veuve Brunet, Imprimeur de l'Académie Françoise, au Palais & rue basse des Ursins. 1763. in-4°.
Le 22 janvier 1763, l'Académie Française a accueilli l'Abbé de Voisenon pour succéder à M. de Crébillon. Lors de sa réception, l'Abbé de Voisenon a prononcé un discours acclamé par une nombreuse assemblée. Il a souligné la difficulté de créer des œuvres nouvelles dans un cadre préétabli tout en se distinguant par des innovations. Dans son discours, il a rendu hommage à son prédécesseur en évoquant la tragédie française, notamment Corneille et Racine, et en décrivant la Muse de la Tragédie ranimée par le génie de Crébillon. Il a également détaillé les œuvres dramatiques de Crébillon, mentionnant notamment la tragédie 'Atrée et Thyeste', jugée trop horrible pour être représentée. Le discours s'est conclu par une description poétique des temples de la fausse gloire et de la véritable gloire, ce dernier étant dédié aux bons rois, y compris Louis XV. M. le Duc de Saint-Aignan, en tant que directeur de l'Académie, a répondu au discours, regrettant l'absence de M. le Duc de Nivernois et louant ses qualités humaines et son dévouement. Les éloges ont été applaudis, et le discours imprimé a confirmé l'approbation de l'assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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67
p. 55-63
DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
Début :
N'EST-CE pas vous que les sottises des hommes faisoient rire ? [...]
Mots clefs :
Ridicule, Athéniens, Auteurs, Discours, Sottises, Corriger les hommes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
DIALOGUE entre DÉMOCRITE &
N
MOLIERE.
MOLIER É.
' EST - CE pas vous que les fottifes
des hommes faifoient rire ?
DEMOCRITE.
N'eft- ce pas vous qui faifiez rire les
hommes de leurs fottifes ?
MOLIER E.
Qui ; notre emploi fut très- différent ,
comme vous voyez.
DEMOCRIT E.
Je choifis le moins pénible , celui
en même temps , qui me parut le plus
Civ
$6 MERCURE DE FRANCE.
propre à corriger l'efpéce humaine de
fes travers.
MOLIERE.
L'expérience dut bientôt vous détromper.
Loin que ces ris perpétuels
guériffent les Athéniens de leurs folies ,
ils chargerent , dit-on , Hippocrate du
foin de vous guérir de la vôtre.
DEMOCRITE.
J'avoue que j'ai laiffé mes Compatriotes
auffi extravagans qu'ils l'étoient
d'abord. Mais vous-même , qu'euffiezvous
fait à ma place ?
MOLIERE.
Ce que j'ai fait depuis vous . Au lieu
de me livrer à un rire immodéré , &
dès-lors , un peu ridicule , j'aurois tracé
le tableau des travers qui le provoquoient.
DEMOCRITE.
C'eût été vous- même rifquer le fort
de Zeuxis , qui mourut , à force de
rire , en contemplant certain grotesque
portrait qu'il venoit de tracer.
MOLIER E.
Oh , pour moi , je n'ai jamais ri .
AVRIL. 1763. 57
DÉMOCRITE.
Vous euffiez donc pleuré.
MOLIERE.
Ne diroit- on pas , à vous entendre
que vos Athéniens eurent un brévet
exclufif de ridicule ? Nos François ne
pourront - ils , au moins , prétendre au
parallèle ?
DEMOCRITE.
J'en doute. Figurez-vous une Nation
Tégère , capricieufe , inconféquente ; approuvant
aujourd'hui ce qu'elle blâmera
demain ; fans but , fans réflexion , fans
caractére : changeant avec la même facilité
, de fyftême , de ridicules , de mo--
des & d'amis : une Nation , en un mot ,
qui n'a d'uniformité que dans fon inconftance....
Tels furent mes Compatriotes.
Auriez -vous eu de pareils objets
à peindre ?
MOLIERE,
A-peu-près ..
DÉMOCRITE ,
Par exemple , y eut- il jamais parmi
vous d'étourdi auffi effronté que notre
Alcibiade ?
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
MOLIER E.
Alcibiade eût été parmi nous un
homme à citer , une efpéce de Sage.
DÉMOCRIT E. •
Que dirons nous de ce Peuple qui
s'amufoit à plaindre le chien de cet
infenfé , & qui ne plaignoit pas tant
de maris dont il féduifoit , ou enlevoit
la femme ?
MOLIER E.
J'ai connu certaine contrée où les
maris fupportoient plus facilement ces
fortes d'affronts , qu'un coup donné
mégarde à leur chien .
DEMOCRITE.
par
Qui n'eût pas ri , à ma place , de
voir cette multitude orgueilleufe ériger
une foule de ftatutes aux Orateurs qui
fçavoient le mieux louer fes travers &
Les caprices?
MOLIER E.
Chez nous la multitude ne peut
rien ; auffi n'eft - ce pas elle qu'on loue.
Il eft, en même temps , affez rare qu'un
Grand outre la reconnoiffance envers
ceux qui l'ont le plus flatté. Il fe borne
à trouver l'éloge un peu mince , &
AVRIL. 1763. 59
à oublier jufqu'au nom de l'Auteur .
DEMOCRITE.
N'ai-je pas vû ces mêmes Athéniens
traiter plus mal leurs meilleurs Généraux
que leurs plus mauvais Rhéteurs ,
& bannir des Murs de leur Ville
ceux qui les avoient le mieux défendus
?
MOLIERE.
›
Nos François fuivent une autre méthode.
Ils payent fouvent d'un malin
vaudeville les plus grandes actions
comme les plus grandes fautes , &
nulle difgrace ne les afflige , dès qu'il
en peut naître une épigramme.
DEMOCRITE .
A propos d'épigramme , parlons des
Auteurs mes contemporains. Que de
jaloufies , que de petiteffes dans les
plus Grands! Que de prétentions , que
d'orgueil dans les plus Petits ! Je crois les
voir encore s'agiter , cabaler , s'entremordre,
s'entre-détruire, avec autant de
fureur que les Grecs , & les Troyens ,
autre espéce de foux , combattirent
pour une Beauté déja furrannée ..
Oh certainement , vos Auteurs ont
été plus raisonnables !
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
MOLIER E.
Il femble , au contraire , que vous
ayez voulu les peindre . Mais je pour--
rois ajouter plus d'un trait au tableau .,
Si les Ecrivains modernes font infé--
rieurs aux anciens , ce n'eft pas du côté
de la tracafferie .
DÉMOCRITE.
Paffe encore pour certains Auteurs
& furtout pour les Poëtes. Mais que
dire des Philofophes ? Quelle contrariété
dans leurs difcours , dans leur
conduite , dans leurs fyftêmes ! Chacun
d'eux crée un monde à fa manière
& fe perfuade avoir faifi la vraie. J'ai
auffi , moi-même qui vous parle , bâti
mon Univers. Après quoi , j'ai ri de ce
frêle édifice , comme j'avois fait des
tant d'autres.
MOLIERE..
"
Nous ne manquons pas , non plus ,
de ces fortes d'Architectes . Il n'en eft
aucun qui ne croye avoir bâti fur de
meilleurs fondemens que tous fes rivaux
. Mais , au bout d'un quart de fiécle
, on pourroit dire de ces Monumens
, comme de la Ville de Priam ::
c'est ici ou fut Troye
AVRIL. 1763 .
or
DEMOCRITE.
Une telle manie a dû vous fournir
plus d'une fcène vraiment comique.
MOLIER E..
J'ai refpecté le peu que nous fçavions
d'Aftronomie , c'est - à - dire , tout ce
qui m'a paru démontré fur cette matière.
Mais & peut-être j'eus tort ) je.
ridiculifai dans les femmes ces fortes de
recherches.
DÉMOCRITE . {
Quoi ! parmi vous les femmes s'amufent
à mefurer les Cieux ? J'en félicite
leurs époux . Nos Athéniennes
pour la plûpart , facrifioient à d'autres:
genres de curiofité.
MOLIER E.
Oh ! nous avons auffi des curieufes
de plus d'une espéce..
DÉMOCRITE.
Leurs maris font - ils jaloux ? J'ai beau
coup ri des vaines précautions de certains
époux d'Athenes , éviter cer
tain accident qu'on n'évite guères que
par hafard.
pour
MOLIER E.
De mon temps , plus d'un mari eut le
même. foible ; & moi-même je n'en:
62 MERCURE DE FRANCE.
fus pas exempt. Mais j'eus le courage
de fronder & mon ridicule , & celui
des autres : leçon qui fructifia au point
que
mes fucceffeurs font réduits à fronder
un ridicule tout oppofé.
DÉMOCRITE.
Eft- ce la feule de vos leçons qu'on
ait prife trop à la lettre ?
MOLIERE.
J'en puis citer d'autres . Par exemple
, j'ai ridiculifé , & prèfque à tous
propos , le jargon barbare , le craffeux
pédantifme des Médecins de mon fiécle.
Aujourd'hui c'eft l'élégance de
leurs difcours , de leur parure & de leur
équipage , qui fert de matière aux Sarcafmes
de Thalie. Il en eſt ainfi de
quelques autres travers , qui n'ont fait
que fe métamorphofer en travers non
moins bifarres.
DÉMOCRITE.
Avouez donc , entre nous , que votre
méthode pour corriger les hommes
n'eft pas plus éfficace que la mienne.
MOLIER E.
C'eft ce que je n'avouerai pas. Un
ridicule anéanti , fût-il même remplacé
AVRIL. 1763. 63
par un autre , eft toujours un ridicule
de moins.
DEMOCRITE.
Comment cela ?
MOLIER E.
C'eft que tous deux euffent pu exifter
en même tems. Aux Précieufes ridicu
les , ont fuccédé les Petites -Maîtreſſes.
Mais fi je n'euffe réuffi à diffamer les premieres
, on les verroit marcher de frontavec
les fecondes.
DEMOCRITE.
Que conclure , enfin , de tout ceci ?
MOLIERE
.
Que la fource du ridicule eft intariffable
chez les humains ; qu'on peut
en prévenir les débordemens , mais non
en arrêter le cours : en un mot , qu'un
Moliere y trouveroit toujoursà réprendre
, & un Démocrite toujours à rire.
Par M. DE LA DIXMERIE.
N
MOLIERE.
MOLIER É.
' EST - CE pas vous que les fottifes
des hommes faifoient rire ?
DEMOCRITE.
N'eft- ce pas vous qui faifiez rire les
hommes de leurs fottifes ?
MOLIER E.
Qui ; notre emploi fut très- différent ,
comme vous voyez.
DEMOCRIT E.
Je choifis le moins pénible , celui
en même temps , qui me parut le plus
Civ
$6 MERCURE DE FRANCE.
propre à corriger l'efpéce humaine de
fes travers.
MOLIERE.
L'expérience dut bientôt vous détromper.
Loin que ces ris perpétuels
guériffent les Athéniens de leurs folies ,
ils chargerent , dit-on , Hippocrate du
foin de vous guérir de la vôtre.
DEMOCRITE.
J'avoue que j'ai laiffé mes Compatriotes
auffi extravagans qu'ils l'étoient
d'abord. Mais vous-même , qu'euffiezvous
fait à ma place ?
MOLIERE.
Ce que j'ai fait depuis vous . Au lieu
de me livrer à un rire immodéré , &
dès-lors , un peu ridicule , j'aurois tracé
le tableau des travers qui le provoquoient.
DEMOCRITE.
C'eût été vous- même rifquer le fort
de Zeuxis , qui mourut , à force de
rire , en contemplant certain grotesque
portrait qu'il venoit de tracer.
MOLIER E.
Oh , pour moi , je n'ai jamais ri .
AVRIL. 1763. 57
DÉMOCRITE.
Vous euffiez donc pleuré.
MOLIERE.
Ne diroit- on pas , à vous entendre
que vos Athéniens eurent un brévet
exclufif de ridicule ? Nos François ne
pourront - ils , au moins , prétendre au
parallèle ?
DEMOCRITE.
J'en doute. Figurez-vous une Nation
Tégère , capricieufe , inconféquente ; approuvant
aujourd'hui ce qu'elle blâmera
demain ; fans but , fans réflexion , fans
caractére : changeant avec la même facilité
, de fyftême , de ridicules , de mo--
des & d'amis : une Nation , en un mot ,
qui n'a d'uniformité que dans fon inconftance....
Tels furent mes Compatriotes.
Auriez -vous eu de pareils objets
à peindre ?
MOLIERE,
A-peu-près ..
DÉMOCRITE ,
Par exemple , y eut- il jamais parmi
vous d'étourdi auffi effronté que notre
Alcibiade ?
Cv
58 MERCURE DE FRANCE .
MOLIER E.
Alcibiade eût été parmi nous un
homme à citer , une efpéce de Sage.
DÉMOCRIT E. •
Que dirons nous de ce Peuple qui
s'amufoit à plaindre le chien de cet
infenfé , & qui ne plaignoit pas tant
de maris dont il féduifoit , ou enlevoit
la femme ?
MOLIER E.
J'ai connu certaine contrée où les
maris fupportoient plus facilement ces
fortes d'affronts , qu'un coup donné
mégarde à leur chien .
DEMOCRITE.
par
Qui n'eût pas ri , à ma place , de
voir cette multitude orgueilleufe ériger
une foule de ftatutes aux Orateurs qui
fçavoient le mieux louer fes travers &
Les caprices?
MOLIER E.
Chez nous la multitude ne peut
rien ; auffi n'eft - ce pas elle qu'on loue.
Il eft, en même temps , affez rare qu'un
Grand outre la reconnoiffance envers
ceux qui l'ont le plus flatté. Il fe borne
à trouver l'éloge un peu mince , &
AVRIL. 1763. 59
à oublier jufqu'au nom de l'Auteur .
DEMOCRITE.
N'ai-je pas vû ces mêmes Athéniens
traiter plus mal leurs meilleurs Généraux
que leurs plus mauvais Rhéteurs ,
& bannir des Murs de leur Ville
ceux qui les avoient le mieux défendus
?
MOLIERE.
›
Nos François fuivent une autre méthode.
Ils payent fouvent d'un malin
vaudeville les plus grandes actions
comme les plus grandes fautes , &
nulle difgrace ne les afflige , dès qu'il
en peut naître une épigramme.
DEMOCRITE .
A propos d'épigramme , parlons des
Auteurs mes contemporains. Que de
jaloufies , que de petiteffes dans les
plus Grands! Que de prétentions , que
d'orgueil dans les plus Petits ! Je crois les
voir encore s'agiter , cabaler , s'entremordre,
s'entre-détruire, avec autant de
fureur que les Grecs , & les Troyens ,
autre espéce de foux , combattirent
pour une Beauté déja furrannée ..
Oh certainement , vos Auteurs ont
été plus raisonnables !
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
MOLIER E.
Il femble , au contraire , que vous
ayez voulu les peindre . Mais je pour--
rois ajouter plus d'un trait au tableau .,
Si les Ecrivains modernes font infé--
rieurs aux anciens , ce n'eft pas du côté
de la tracafferie .
DÉMOCRITE.
Paffe encore pour certains Auteurs
& furtout pour les Poëtes. Mais que
dire des Philofophes ? Quelle contrariété
dans leurs difcours , dans leur
conduite , dans leurs fyftêmes ! Chacun
d'eux crée un monde à fa manière
& fe perfuade avoir faifi la vraie. J'ai
auffi , moi-même qui vous parle , bâti
mon Univers. Après quoi , j'ai ri de ce
frêle édifice , comme j'avois fait des
tant d'autres.
MOLIERE..
"
Nous ne manquons pas , non plus ,
de ces fortes d'Architectes . Il n'en eft
aucun qui ne croye avoir bâti fur de
meilleurs fondemens que tous fes rivaux
. Mais , au bout d'un quart de fiécle
, on pourroit dire de ces Monumens
, comme de la Ville de Priam ::
c'est ici ou fut Troye
AVRIL. 1763 .
or
DEMOCRITE.
Une telle manie a dû vous fournir
plus d'une fcène vraiment comique.
MOLIER E..
J'ai refpecté le peu que nous fçavions
d'Aftronomie , c'est - à - dire , tout ce
qui m'a paru démontré fur cette matière.
Mais & peut-être j'eus tort ) je.
ridiculifai dans les femmes ces fortes de
recherches.
DÉMOCRITE . {
Quoi ! parmi vous les femmes s'amufent
à mefurer les Cieux ? J'en félicite
leurs époux . Nos Athéniennes
pour la plûpart , facrifioient à d'autres:
genres de curiofité.
MOLIER E.
Oh ! nous avons auffi des curieufes
de plus d'une espéce..
DÉMOCRITE.
Leurs maris font - ils jaloux ? J'ai beau
coup ri des vaines précautions de certains
époux d'Athenes , éviter cer
tain accident qu'on n'évite guères que
par hafard.
pour
MOLIER E.
De mon temps , plus d'un mari eut le
même. foible ; & moi-même je n'en:
62 MERCURE DE FRANCE.
fus pas exempt. Mais j'eus le courage
de fronder & mon ridicule , & celui
des autres : leçon qui fructifia au point
que
mes fucceffeurs font réduits à fronder
un ridicule tout oppofé.
DÉMOCRITE.
Eft- ce la feule de vos leçons qu'on
ait prife trop à la lettre ?
MOLIERE.
J'en puis citer d'autres . Par exemple
, j'ai ridiculifé , & prèfque à tous
propos , le jargon barbare , le craffeux
pédantifme des Médecins de mon fiécle.
Aujourd'hui c'eft l'élégance de
leurs difcours , de leur parure & de leur
équipage , qui fert de matière aux Sarcafmes
de Thalie. Il en eſt ainfi de
quelques autres travers , qui n'ont fait
que fe métamorphofer en travers non
moins bifarres.
DÉMOCRITE.
Avouez donc , entre nous , que votre
méthode pour corriger les hommes
n'eft pas plus éfficace que la mienne.
MOLIER E.
C'eft ce que je n'avouerai pas. Un
ridicule anéanti , fût-il même remplacé
AVRIL. 1763. 63
par un autre , eft toujours un ridicule
de moins.
DEMOCRITE.
Comment cela ?
MOLIER E.
C'eft que tous deux euffent pu exifter
en même tems. Aux Précieufes ridicu
les , ont fuccédé les Petites -Maîtreſſes.
Mais fi je n'euffe réuffi à diffamer les premieres
, on les verroit marcher de frontavec
les fecondes.
DEMOCRITE.
Que conclure , enfin , de tout ceci ?
MOLIERE
.
Que la fource du ridicule eft intariffable
chez les humains ; qu'on peut
en prévenir les débordemens , mais non
en arrêter le cours : en un mot , qu'un
Moliere y trouveroit toujoursà réprendre
, & un Démocrite toujours à rire.
Par M. DE LA DIXMERIE.
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Résumé : DIALOGUE entre DÉMOCRITE & MOLIERE.
Le texte relate un dialogue entre Démocrite, philosophe grec, et Molière, dramaturge français, sur leurs méthodes respectives pour critiquer les travers humains. Démocrite choisit de rire des folies des hommes, tandis que Molière préfère les représenter dans ses œuvres pour les critiquer. Démocrite reconnaît que ses compatriotes athéniens restent aussi extravagants qu'auparavant, mais Molière affirme que son approche a eu plus d'impact. Ils comparent les ridicules et les travers de leurs nations respectives, avec Démocrite décrivant les Athéniens comme capricieux et inconstants, et Molière reconnaissant des similitudes chez les Français. Ils évoquent également les comportements des écrivains et des philosophes de leurs époques, soulignant les jalousies et les prétentions. Molière mentionne que les ridicules évoluent mais ne disparaissent jamais complètement, et que chaque époque a ses propres travers. Le dialogue se conclut sur l'idée que le ridicule est intarissable chez les humains, et que chaque génération trouvera toujours des sujets à critiquer ou à moquer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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68
p. 124-127
SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
Début :
LE 24 Août 1762, l'Académie de Besançon fit célébrer dans l'Eglise des [...]
Mots clefs :
Académie, Prix, Séance, Ordre, Besançon, Discours, Comte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
SÉANCE publique de l'Académie de
BESANÇON pour la diftribution
des Prix.
LE 24 Août 1762 , l'Académie de
Befançon fit célébrer dans l'Eglife des
P P. Carmes une Meffe avec un Motet ;
le Panégyrique de S. Louis fut enfuite
AVRIL. 1763. 125
prononcé par M. Pavoy , Docteur en
Théologie , Curé de Pugé en Franche-
Comté. L'après - midi du même jour
l'Académie tint une Séance publique
pour la diftribution des Prix . M. de
Frafne , Avocat Général Honoraire du
Parlement de Franche-Comté , Préfident
de l'Académie , fit un difcours
relatif à l'objet de cette Séance. Il obferva
fur la réferve du Prix d'éloquence
pour l'année prochaine : " Que c'eſt un
» moment de repos qui devient l'affu-
» rance d'une récolte plus abondante
» pour l'avenir ; que d'efprit n'eft pas
» toujours également fertile dans fes
» productions ; qu'expofé à des varia-
» tions qui le rendent fouvent mécon-
» noiffable à lui-même , il reffent ainſi
» que la Nature , les influences du temps
» & des circonftances ; que dans un
" Sujet propofé pour un Difcours ,
" tout dépend de la manière de l'apper-
» cevoir , de l'impreffion plus ou moins
» vive qu'il fait dans l'âme & des idées
» qui en résultent ; que de là naît cet-
» te heureufe facilité à préfenter le
L
chofes fous l'afpect qui leur con-
» vient , à les traiter avec ordre , à leur
» appliquer des principes qui devien-
» nent une fource féconde de confé-
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» quences , & à répandre à propos fur
» tout l'ouvrage les agrémens du colo-
» ris ; qu'au contraire fi l'efprit foible-
» ment affecté ne faifit pas le véritable
» point de la queſtion à difcuter , il fe
» rétrécit en quelque forte , il tombe
» dans la langueur & de là dans les
» écarts.
M. de Frafne déclara enfuite que le
prix d'érudition avoit été décerné à
Dom Berthod , Bénédictin , Bibliothé
caire de l'Abbaye de S. Vincent de Befançon
, Auteur déja couronné plus d'une
fois par l'Académie ; que l'Acceffit
avoit été déféré en premier ordre à Dom
Coudret, Religieux de la même Abbaye,
& à l'Auteur de la Differtation qui a pour
devife Vivit poft funera Virtus. Le
mérite de ces deux derniers Ouvrages
fit remarquer à M. de Frafne » que
» quand on fuit d'auffi près le vainqueur
, on participe à fa gloire , &
» qu'il femble même que l'on peut
détacher
quelques fleurs de fa couronne
fans en diminuer l'éclat.
M. de Frafne annonça enfin que le
prix des Arts avoit été également adjugé
à M. Perreciot , Etudiant en Médecine
à Befançon & à André Vautheret,
Thuillier , demeurantau Village
AVRIL 1763. 127
"
de Four en Franche-Comté. Cette décifion
occafionna un acte de générosité
dont l'Académie eut la fatisfaction d'être
témoin avec le Public ; M. Perreciot
refufa de profiter du partage dont le
prix étoit fufceptible ; il s'empreffa de
céder à fon concurrent la médaille d'or
qui eft de la valeur de 200 liv . il ne fe
réferva que la gloire de la mériter deux
fois. Un procédé fi digne des Arts &
des Lettres aufquels il confacre fa jeuneffe
, excita l'admiration de toute l'Af
femblée. Dans la même Séance on inftalla
parmi les Affociés étrangers de l'Académie
le R. P. Pacioudi , Théatin
ancien Procureur général de fon Ordre,
Hiftoriographe de l'Ordre de Malthe ,
Bibliothécaire & Antiquaire de S. A. R.
le Duc de Parme , Membre de l'Académie
des Infcriptions & Belles-Lettres
de Paris , de celles de Florence , de Cortone
, de Pefaro , &c . On dérogea en
faveur de ce fçavant Etranger à l'ufage
des Académies de France ; on lui permit
de faire en Latin fon Difcours de réception,
auquel M. de Frafne , en qualité
de Préfident, répondit en François . La
Séance fut terminée par la lecture du
Programme des Sujets propofés pour
les Prix de 1763.
BESANÇON pour la diftribution
des Prix.
LE 24 Août 1762 , l'Académie de
Befançon fit célébrer dans l'Eglife des
P P. Carmes une Meffe avec un Motet ;
le Panégyrique de S. Louis fut enfuite
AVRIL. 1763. 125
prononcé par M. Pavoy , Docteur en
Théologie , Curé de Pugé en Franche-
Comté. L'après - midi du même jour
l'Académie tint une Séance publique
pour la diftribution des Prix . M. de
Frafne , Avocat Général Honoraire du
Parlement de Franche-Comté , Préfident
de l'Académie , fit un difcours
relatif à l'objet de cette Séance. Il obferva
fur la réferve du Prix d'éloquence
pour l'année prochaine : " Que c'eſt un
» moment de repos qui devient l'affu-
» rance d'une récolte plus abondante
» pour l'avenir ; que d'efprit n'eft pas
» toujours également fertile dans fes
» productions ; qu'expofé à des varia-
» tions qui le rendent fouvent mécon-
» noiffable à lui-même , il reffent ainſi
» que la Nature , les influences du temps
» & des circonftances ; que dans un
" Sujet propofé pour un Difcours ,
" tout dépend de la manière de l'apper-
» cevoir , de l'impreffion plus ou moins
» vive qu'il fait dans l'âme & des idées
» qui en résultent ; que de là naît cet-
» te heureufe facilité à préfenter le
L
chofes fous l'afpect qui leur con-
» vient , à les traiter avec ordre , à leur
» appliquer des principes qui devien-
» nent une fource féconde de confé-
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» quences , & à répandre à propos fur
» tout l'ouvrage les agrémens du colo-
» ris ; qu'au contraire fi l'efprit foible-
» ment affecté ne faifit pas le véritable
» point de la queſtion à difcuter , il fe
» rétrécit en quelque forte , il tombe
» dans la langueur & de là dans les
» écarts.
M. de Frafne déclara enfuite que le
prix d'érudition avoit été décerné à
Dom Berthod , Bénédictin , Bibliothé
caire de l'Abbaye de S. Vincent de Befançon
, Auteur déja couronné plus d'une
fois par l'Académie ; que l'Acceffit
avoit été déféré en premier ordre à Dom
Coudret, Religieux de la même Abbaye,
& à l'Auteur de la Differtation qui a pour
devife Vivit poft funera Virtus. Le
mérite de ces deux derniers Ouvrages
fit remarquer à M. de Frafne » que
» quand on fuit d'auffi près le vainqueur
, on participe à fa gloire , &
» qu'il femble même que l'on peut
détacher
quelques fleurs de fa couronne
fans en diminuer l'éclat.
M. de Frafne annonça enfin que le
prix des Arts avoit été également adjugé
à M. Perreciot , Etudiant en Médecine
à Befançon & à André Vautheret,
Thuillier , demeurantau Village
AVRIL 1763. 127
"
de Four en Franche-Comté. Cette décifion
occafionna un acte de générosité
dont l'Académie eut la fatisfaction d'être
témoin avec le Public ; M. Perreciot
refufa de profiter du partage dont le
prix étoit fufceptible ; il s'empreffa de
céder à fon concurrent la médaille d'or
qui eft de la valeur de 200 liv . il ne fe
réferva que la gloire de la mériter deux
fois. Un procédé fi digne des Arts &
des Lettres aufquels il confacre fa jeuneffe
, excita l'admiration de toute l'Af
femblée. Dans la même Séance on inftalla
parmi les Affociés étrangers de l'Académie
le R. P. Pacioudi , Théatin
ancien Procureur général de fon Ordre,
Hiftoriographe de l'Ordre de Malthe ,
Bibliothécaire & Antiquaire de S. A. R.
le Duc de Parme , Membre de l'Académie
des Infcriptions & Belles-Lettres
de Paris , de celles de Florence , de Cortone
, de Pefaro , &c . On dérogea en
faveur de ce fçavant Etranger à l'ufage
des Académies de France ; on lui permit
de faire en Latin fon Difcours de réception,
auquel M. de Frafne , en qualité
de Préfident, répondit en François . La
Séance fut terminée par la lecture du
Programme des Sujets propofés pour
les Prix de 1763.
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Résumé : SÉANCE publique de l'Académie de BESANÇON pour la distribution des Prix.
Le 24 août 1762, l'Académie de Besançon organisa une messe suivie d'un panégyrique de Saint Louis à l'église des Pères Carmes. L'après-midi, une séance publique eut lieu pour la distribution des prix. M. de Frafne, Président de l'Académie, prononça un discours soulignant que l'esprit n'est pas toujours également fertile. Le prix d'érudition fut attribué à Dom Berthod, Bénédictin et Bibliothécaire de l'Abbaye de Saint Vincent de Besançon, tandis que l'accessit fut partagé entre Dom Coudret et l'auteur de la dissertation 'Vivit post funera Virtus'. Le prix des Arts fut décerné à M. Perreciot et André Vautheret, ce dernier habitant Four en Franche-Comté. M. Perreciot céda sa médaille d'or à son concurrent, suscitant l'admiration de l'assemblée. La séance se conclut par l'installation du R. P. Pacioudi parmi les associés étrangers de l'Académie, qui fit un discours en latin, auquel M. de Frafne répondit en français. La séance se termina par la lecture des sujets proposés pour les prix de 1763.
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69
p. 128-129
RENTRÉE publique de l'Académie de BESANÇON, du 17 Novemb. 1762.
Début :
M. ATHALIN, Doyen des Professeurs de Médecine en l'Université de Besançon [...]
Mots clefs :
Président, Séance, Académie, Médecine, Parlement, Discours, Récipiendaires
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texteReconnaissance textuelle : RENTRÉE publique de l'Académie de BESANÇON, du 17 Novemb. 1762.
RENTRÉE publique de l'Académie de
BESANÇON , du 17 Novemb. 1762,
M. ATHALIN , Doyen des Profeffeurs
de Médecine en l'Univerfité de
Befançon , & Vice-Préfident de l'Académie
, ouvrit la Séance par des regrets
modeftes d'avoir à fuppléer en
l'abſence de M. de Frafne & à remplacer
fes talens dans une occafion , où
il fe flatoit de n'avoir qu'à les admirer
en filence. Il indiqua enfuite le retour de
la paix comme un double fujet d'allegreffe
& pour les bons Citoyens &
pour les Gens dé Lettres , à qui elle
doit fervir d'époque d'une nouvelle
émulation . Delà il paffa à l'annonce des
ouvrages préparés pour cette Séance ,'
dont la lecture fe fit dans l'ordre fuivant.
M. Binétruy de Grand-Fontaine ,
Secrétaire perpétuel , fit l'éloge hiftorique
de M. de Clevans, Marquis de Bou-"
clans , Confeiller Honoraire du Parlement
de Franche- Comté , & de M.
le Baron de Courbouffon , Préfident à
Mortier du même Parlement. M. Rougnon
, Profeffeur de Médecine en l'Unii
AVRIL. 1763. 129
verfité de Befançon difcuta dans fon
difcours de réception , les influences
du climat & de l'air , furtout par rapport
à la Franche-Comté. M. l'Abbé
Camus , Chanoine de l'illuftre Eglife
Métropolitaine de Befançon , développa
dans fon difcours de reception les
caractéres de la vraie grandeur qui difsingue
celui qui n'ufe de fa fortune &
de fon élevation que pour devenir meilleur.
M. Athalin termina la Séance par
la réponse qu'il fit en qualité de Vice-
Préfident aux Complimens des deux
Récipiendaires.
BESANÇON , du 17 Novemb. 1762,
M. ATHALIN , Doyen des Profeffeurs
de Médecine en l'Univerfité de
Befançon , & Vice-Préfident de l'Académie
, ouvrit la Séance par des regrets
modeftes d'avoir à fuppléer en
l'abſence de M. de Frafne & à remplacer
fes talens dans une occafion , où
il fe flatoit de n'avoir qu'à les admirer
en filence. Il indiqua enfuite le retour de
la paix comme un double fujet d'allegreffe
& pour les bons Citoyens &
pour les Gens dé Lettres , à qui elle
doit fervir d'époque d'une nouvelle
émulation . Delà il paffa à l'annonce des
ouvrages préparés pour cette Séance ,'
dont la lecture fe fit dans l'ordre fuivant.
M. Binétruy de Grand-Fontaine ,
Secrétaire perpétuel , fit l'éloge hiftorique
de M. de Clevans, Marquis de Bou-"
clans , Confeiller Honoraire du Parlement
de Franche- Comté , & de M.
le Baron de Courbouffon , Préfident à
Mortier du même Parlement. M. Rougnon
, Profeffeur de Médecine en l'Unii
AVRIL. 1763. 129
verfité de Befançon difcuta dans fon
difcours de réception , les influences
du climat & de l'air , furtout par rapport
à la Franche-Comté. M. l'Abbé
Camus , Chanoine de l'illuftre Eglife
Métropolitaine de Befançon , développa
dans fon difcours de reception les
caractéres de la vraie grandeur qui difsingue
celui qui n'ufe de fa fortune &
de fon élevation que pour devenir meilleur.
M. Athalin termina la Séance par
la réponse qu'il fit en qualité de Vice-
Préfident aux Complimens des deux
Récipiendaires.
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Résumé : RENTRÉE publique de l'Académie de BESANÇON, du 17 Novemb. 1762.
Lors de la rentrée publique de l'Académie de Besançon du 17 novembre 1762, M. Athalin, Doyen des Professeurs de Médecine et Vice-Président de l'Académie, ouvrit la séance en regrettant l'absence de M. de Frafne. Il souligna la joie apportée par le retour de la paix, marquant une nouvelle ère d'émulation. La séance se poursuivit avec la présentation des ouvrages préparés. M. Binétruy de Grand-Fontaine, Secrétaire perpétuel, rendit hommage à M. de Clevans, Marquis de Bouclans, et au Baron de Courbouffon, Président à Mortier du Parlement de Franche-Comté. M. Rougnon, Professeur de Médecine, discuta des influences du climat et de l'air en Franche-Comté. L'Abbé Camus, Chanoine de l'Église Métropolitaine de Besançon, développa les caractéristiques de la vraie grandeur, qui se manifeste par l'utilisation de la fortune et de l'élévation pour devenir meilleur. M. Athalin conclut la séance en répondant aux compliments des deux récipiendaires.
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70
p. 132
SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
Début :
M. LE Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, ouvrit [...]
Mots clefs :
Académie, Discours, Directeur, Sciences, Arts, Parlement
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texteReconnaissance textuelle : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
SÉANCE publique de l'Académie Royale
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
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Résumé : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
En avril 1763, l'Académie Royale des Sciences et Beaux-Arts de Pau a organisé une séance publique. Le Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, a inauguré la séance par un discours sur les mérites de célébrer les grands hommes, bénéfiques pour le cœur et l'esprit. Ce discours a été salué pour son goût et son éloquence. Par la suite, un poème sur le Pacte de famille, rédigé par M. Le Mesle de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, a été lu et a remporté le prix. M. de Bordenave Caffou, Conseiller au Parlement, et M. Bourdier de Bauregard, Directeur des Domaines du Roi en Béarn, ont prononcé des discours de remerciement après leur élection pour occuper deux places vacantes. M. le Directeur, Navailles Pocyferre, a répondu au nom de l'Académie. L'assemblée, nombreuse et brillante, a applaudi les discours des récipiendaires et du directeur, jugés dignes des plus grands éloges.
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71
p. 200-201
AVIS DIVERS. THÉRIAQUE d'Andromaque.
Début :
La Compagnie des Apoticaires de Paris a commencé à exposer le 19 Septembre [...]
Mots clefs :
Apothicaire, Drogues, Thériaque, Exposition, Magistrats, Antidote, Bien commun, Discours
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texteReconnaissance textuelle : AVIS DIVERS. THÉRIAQUE d'Andromaque.
AVIS DIVERS.
THERIAQUE d'Andromaque.
La Compagnie des Apoticaires de Paris a com
mencé à expoſer le 19 Septembre dernier les dro--
guesqui entrent dans la compoſition de laThériaque.
Les Magiſtrats & la Facultéde Médeciney ont
aſſiſté le premier jour. Me Hériſſant,Profeſſeur en
Pharmacie a ouvert la ſéance par un diſcours fur
l'excellence de cet antidote , ſur les ſoins & le ſcrupule
qu'éxige ſa préparation pour que ſes effets
foient certains. M DEMORET, premier Garde de la
Compagnie des Apoticaires , en a prononcé un
autre dans lequel , après avoir fait l'hiſtoire de ce
médicament il a repréſenté au Magiſtrat qui préfidoit
, qu'il étoit de la derniere importance pour
le bien public , qu'il s'opposât à ce que nombre de
gens ſans aveu débitaſſent ce médicament ni aucunautre,
&qu'il n'y eût que des perſonnesdont.
lacapacité ſeroit reconnue qui exerçaſſent leur
profeſſion ; qu'on ne pouvoit douter que ſa compagnie
fût dévouée au bien de la ſociété, que le
grandnombre d'Auditeurs qui aſſiſtoient au cours
deChymie qu'ils faifoient tous les ans , prouvoit
queleurs travaux étoient néceſſaires & bien reçus,
&quela ſeule récompenſe qu'ils en demandoient
étoitde jouir de leurs droits . Il a terminé fon dif
cours parun éloge digne du Magiſtrat auquel il,
l'adreſſoit. Il n'étoit dicté ni par la flaterie ni par
L'enviede ſéduire , c'étoit une effufion de coeur.
DECEMBRE. 1763. 201
Cediſcours a été ſuivi de l'hiſtoire naturelle des
drogues qui étoient expoſées. Leur beauté a furpris
tous les connoiffeurs; elles ont été ſoumiſes à
la cenſure du Public juſqu'au ; Octobre dernier.
On a travaillé à la confection de cer Antidote , en
préſence des mêmes Magiſtrats & de la Facultéde
Médecine. On ne doute plus que cette Thériaque
ne foit ſupérieure à celle de Veniſe , qui n'a ni l'odeur
ni la couleur qu'elle doit avoir. Les envois
conſidérables que les Apoticaires de Paris font de
la leur , annoncent qu'elle est regardée comme
la meilleure de l'Europe.
THERIAQUE d'Andromaque.
La Compagnie des Apoticaires de Paris a com
mencé à expoſer le 19 Septembre dernier les dro--
guesqui entrent dans la compoſition de laThériaque.
Les Magiſtrats & la Facultéde Médeciney ont
aſſiſté le premier jour. Me Hériſſant,Profeſſeur en
Pharmacie a ouvert la ſéance par un diſcours fur
l'excellence de cet antidote , ſur les ſoins & le ſcrupule
qu'éxige ſa préparation pour que ſes effets
foient certains. M DEMORET, premier Garde de la
Compagnie des Apoticaires , en a prononcé un
autre dans lequel , après avoir fait l'hiſtoire de ce
médicament il a repréſenté au Magiſtrat qui préfidoit
, qu'il étoit de la derniere importance pour
le bien public , qu'il s'opposât à ce que nombre de
gens ſans aveu débitaſſent ce médicament ni aucunautre,
&qu'il n'y eût que des perſonnesdont.
lacapacité ſeroit reconnue qui exerçaſſent leur
profeſſion ; qu'on ne pouvoit douter que ſa compagnie
fût dévouée au bien de la ſociété, que le
grandnombre d'Auditeurs qui aſſiſtoient au cours
deChymie qu'ils faifoient tous les ans , prouvoit
queleurs travaux étoient néceſſaires & bien reçus,
&quela ſeule récompenſe qu'ils en demandoient
étoitde jouir de leurs droits . Il a terminé fon dif
cours parun éloge digne du Magiſtrat auquel il,
l'adreſſoit. Il n'étoit dicté ni par la flaterie ni par
L'enviede ſéduire , c'étoit une effufion de coeur.
DECEMBRE. 1763. 201
Cediſcours a été ſuivi de l'hiſtoire naturelle des
drogues qui étoient expoſées. Leur beauté a furpris
tous les connoiffeurs; elles ont été ſoumiſes à
la cenſure du Public juſqu'au ; Octobre dernier.
On a travaillé à la confection de cer Antidote , en
préſence des mêmes Magiſtrats & de la Facultéde
Médecine. On ne doute plus que cette Thériaque
ne foit ſupérieure à celle de Veniſe , qui n'a ni l'odeur
ni la couleur qu'elle doit avoir. Les envois
conſidérables que les Apoticaires de Paris font de
la leur , annoncent qu'elle est regardée comme
la meilleure de l'Europe.
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Résumé : AVIS DIVERS. THÉRIAQUE d'Andromaque.
Le 19 septembre 1763, la Compagnie des Apoticaires de Paris a exposé les drogues composant la Thériaque d'Andromaque, en présence des magistrats et de la Faculté de Médecine. Me Hérissant, Professeur en Pharmacie, a souligné l'excellence de cet antidote et les soins nécessaires à sa préparation. M. Demoret, premier Garde de la Compagnie, a retraçé l'histoire du médicament et insisté sur la régulation de sa vente pour éviter les abus. Il a également mis en avant l'engagement de la Compagnie pour le bien public et la reconnaissance des apothicaires. Les drogues, saluées pour leur beauté, ont été soumises à la censure publique jusqu'en octobre. La confection de la Thériaque, réalisée sous le regard des autorités, a confirmé sa supériorité sur celle de Venise. La réputation de la Thériaque parisienne en Europe est attestée par ses envois importants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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72
p. 230-232
De PARIS, le 30 Décembre 1763.
Début :
Le Comte de Mailly, Chevalier des Ordres du Roi, Lieutenant Général [...]
Mots clefs :
Comte, Chevalier, Gouverneur, Ordres, Académie, Discours, Lettres patentes, Université, Loterie de l'école royale militaire, Loterie de l'Hôtel-de-ville, Tirage
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texteReconnaissance textuelle : De PARIS, le 30 Décembre 1763.
De PARIS, le 30 Décembre 1763 .
LE Comte de Mailly , Chevalier des Ordres du
Roi , Lieutenant Général de ſes Armées , Gouverneur
des Ville & Château de Dieppe , premier
Ecuyer de Madame la Dauphine , ſe rendit,
le 28 du mois dernier au Couvent des Peres
Cordeliers , revêtu des marques des Ordres de
Sa Majesté & précédé des ſieurs Chendret , Hé,
rault , & Perſeville , Huiſſier deſdits Ordres , aves
leur habit de Cérémonie. Il y préſida , au nom
du Roi , au Chapitre de Saint Michel , & reçut
Chevaliers de cet Ordre , avec les Cérémonies
accoutumées , le ſieur Dunod de Charnage ,
Avocat au Parlement de Besançon , Ancien Vicomte
Mayeur & Lieutenant Général de la même
Ville ; le ſieur Guillot Aubry , de l'Académie
3
FEVRIER. 1764. 231
Royale d'Architecture de la premiere Claffe &
Contrôleur des Bâtimens dépendans des Domaines
de Sa Majeſté ; le ſieur Mercier , ancien
premier Echevin de Paris , & le ſieur Babille ,
Avocat au Parlement , ancien Echevin. Le fieur
Boyer , Chevalier , Secrétaire de l'Ordre , avoit
auparavant adreſſé à l'aſſemblée un Dicours dans
lequel il avoit fait l'éloge des nouveaux Chevaliers ,
&avoit fait mention des motifs qui ont déter
miné Sa Majesté à leur accorder cette grace. Le
Comte de Mailly , & les Chevaliers ſe rendirent
enſuite en proceffion à l'Eglife , & y aſſiſterent
au Service qu'on y célébre tous les ans , lepremier
Lundi de l'Avent , pour les Rois , les Princes&
les Chevaliers décédés.
Le 24 du même mois , l'Académie Françoiſe
s'aſſembla & nomma le ſieur Marmontel pour
remplir la place vacante par la mort du ſieur de
Bougainville.
On a publié ici deux Lettres Patentes du Roi .
Les premieres , datées du 26 Octobre dernier ,
confirment le Collége de Fontenay- le-Comte ,
& l'union qui y a été faite du Prieuré de Rohan-
Rohan ; les ſecondes , du 16 Novembre , portent
tranflation des Ecoles de la Faculté des Droits de
l'Univerſité de Paris ſur la place de la nouvelle
Egliſe de Sainte Genevieve du Mont.
Le 3 dece mois , l'Univerſité tint ſon aſſemblée
al College de LoUIS- LE-GRAND , & annonça
pour l'année prochaine le prix d'Eloquence Latine
fondé par le ſieur Coignard , Secrétaire du
Roi , & Conſervateur des Hypothèques : ce prix
doit avoir pour ſujet: Ubi viget virilis difciplina ,
ibi optima estjuventutis inſtitutio. Le ſieur Camić ,
Profeſſeur au Collége de Lizieux , a été élu , le
16 de ce mois , Recteur de l'Univerſité à la place
du ſieur Fourneau,
232 MERCURE DE FRANCE.
Le 22 , l'Académie Françoiſe tint une ſéance
publique pour la réception du ſieur Marmontel
Le ſieur Bignon répondit , en qualité de Directeur
, au Diſcours du nouvel Académicien.
La ſéance fut terminée par la lecture d'une Epître
en vers du ſieur Marmontel ,fur la force & la
foibleffe de l'Esprit humain .
Le trente - fixiéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel de Ville s'eſt fait , le 24 de ce mois , en
la manière accoutumée. Le lot de cinquante mille
livres eſt échu au Numéro 64567 celui de vingt
mille livres au Numéro 78669 , & les deux de
dix mille livres aux Numéro 70033 & 74726.
Les , on a tiré la Loterie de l'Ecole Royale Mi
litaire . Les Numéros ſortis de la roue de fortune,
font , 2,39,36,6,900
LE Comte de Mailly , Chevalier des Ordres du
Roi , Lieutenant Général de ſes Armées , Gouverneur
des Ville & Château de Dieppe , premier
Ecuyer de Madame la Dauphine , ſe rendit,
le 28 du mois dernier au Couvent des Peres
Cordeliers , revêtu des marques des Ordres de
Sa Majesté & précédé des ſieurs Chendret , Hé,
rault , & Perſeville , Huiſſier deſdits Ordres , aves
leur habit de Cérémonie. Il y préſida , au nom
du Roi , au Chapitre de Saint Michel , & reçut
Chevaliers de cet Ordre , avec les Cérémonies
accoutumées , le ſieur Dunod de Charnage ,
Avocat au Parlement de Besançon , Ancien Vicomte
Mayeur & Lieutenant Général de la même
Ville ; le ſieur Guillot Aubry , de l'Académie
3
FEVRIER. 1764. 231
Royale d'Architecture de la premiere Claffe &
Contrôleur des Bâtimens dépendans des Domaines
de Sa Majeſté ; le ſieur Mercier , ancien
premier Echevin de Paris , & le ſieur Babille ,
Avocat au Parlement , ancien Echevin. Le fieur
Boyer , Chevalier , Secrétaire de l'Ordre , avoit
auparavant adreſſé à l'aſſemblée un Dicours dans
lequel il avoit fait l'éloge des nouveaux Chevaliers ,
&avoit fait mention des motifs qui ont déter
miné Sa Majesté à leur accorder cette grace. Le
Comte de Mailly , & les Chevaliers ſe rendirent
enſuite en proceffion à l'Eglife , & y aſſiſterent
au Service qu'on y célébre tous les ans , lepremier
Lundi de l'Avent , pour les Rois , les Princes&
les Chevaliers décédés.
Le 24 du même mois , l'Académie Françoiſe
s'aſſembla & nomma le ſieur Marmontel pour
remplir la place vacante par la mort du ſieur de
Bougainville.
On a publié ici deux Lettres Patentes du Roi .
Les premieres , datées du 26 Octobre dernier ,
confirment le Collége de Fontenay- le-Comte ,
& l'union qui y a été faite du Prieuré de Rohan-
Rohan ; les ſecondes , du 16 Novembre , portent
tranflation des Ecoles de la Faculté des Droits de
l'Univerſité de Paris ſur la place de la nouvelle
Egliſe de Sainte Genevieve du Mont.
Le 3 dece mois , l'Univerſité tint ſon aſſemblée
al College de LoUIS- LE-GRAND , & annonça
pour l'année prochaine le prix d'Eloquence Latine
fondé par le ſieur Coignard , Secrétaire du
Roi , & Conſervateur des Hypothèques : ce prix
doit avoir pour ſujet: Ubi viget virilis difciplina ,
ibi optima estjuventutis inſtitutio. Le ſieur Camić ,
Profeſſeur au Collége de Lizieux , a été élu , le
16 de ce mois , Recteur de l'Univerſité à la place
du ſieur Fourneau,
232 MERCURE DE FRANCE.
Le 22 , l'Académie Françoiſe tint une ſéance
publique pour la réception du ſieur Marmontel
Le ſieur Bignon répondit , en qualité de Directeur
, au Diſcours du nouvel Académicien.
La ſéance fut terminée par la lecture d'une Epître
en vers du ſieur Marmontel ,fur la force & la
foibleffe de l'Esprit humain .
Le trente - fixiéme tirage de la Loterie de
l'Hôtel de Ville s'eſt fait , le 24 de ce mois , en
la manière accoutumée. Le lot de cinquante mille
livres eſt échu au Numéro 64567 celui de vingt
mille livres au Numéro 78669 , & les deux de
dix mille livres aux Numéro 70033 & 74726.
Les , on a tiré la Loterie de l'Ecole Royale Mi
litaire . Les Numéros ſortis de la roue de fortune,
font , 2,39,36,6,900
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Résumé : De PARIS, le 30 Décembre 1763.
Le 28 décembre 1763, le Comte de Mailly présida au Couvent des Pères Cordeliers le Chapitre de Saint Michel, où les sieurs Dunod de Charnage, Guillot Aubry, Mercier et Babille furent reçus comme Chevaliers. Le Chevalier Boyer prononça un discours élogieux. Ensuite, ils assistèrent à un service en mémoire des défunts Rois, Princes et Chevaliers. Le 24 décembre, l'Académie Française nomma Jean-François Marmontel pour remplacer François Bougainville. Deux Lettres Patentes du Roi confirmèrent l'union du Collège de Fontenay-le-Comte avec le Prieuré de Rohan-Rohan et transférèrent les écoles de la Faculté des Droits de l'Université de Paris sur la place de la nouvelle Église de Sainte Geneviève du Mont. Le 30 décembre, l'Université annonça un prix d'éloquence latine pour l'année suivante, avec pour sujet 'Ubi viget virilis disciplina, ibi optima est juventutis institutio'. Le sieur Camic fut élu Recteur de l'Université le 16 décembre. Le 22 décembre, l'Académie Française tint une séance publique pour la réception de Marmontel, au cours de laquelle le sieur Bignon répondit au discours du nouvel académicien. La séance se termina par la lecture d'une épître en vers de Marmontel sur la force et la faiblesse de l'esprit humain. Le 24 décembre, la Loterie de l'Hôtel de Ville attribua des lots de 50 000, 20 000 et 10 000 livres, et la Loterie de l'École Royale Militaire tira les numéros 2, 39, 36, 6 et 900.
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