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1
p. 279-281
« Le nouveau Roy a de la valeur, & de l'intrepidité. [...] »
Début :
Le nouveau Roy a de la valeur, & de l'intrepidité. [...]
Mots clefs :
Roi d'Angleterre, Valeurs, Naissance, Mariage, Anne Hyde, Comte, Enfants, Princesse, Duc
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texteReconnaissance textuelle : « Le nouveau Roy a de la valeur, & de l'intrepidité. [...] »
Le nouveau Roy a de la
valeur , & de l'intrepidité. Il
eft ferme dans fes réſolutions,
& garde inviolablement fa
parole. Il nâquit le 14. Octobre
1633. & en 1660. il épouſa
Anne Hyde , Fille du Milord
Edouard Hyde , grand Chan280
MERCURE
celier d'Angleterre , & depuis
Comte de Clarendon , dont
il a eu plufieurs Fils qui n'ont
point vécu. Il luy eft feulement
refté deux Filles de ce
Mariage , fçavoir Marie Prin
ceffe d'York , qui en 1677.
époufa Guillaume Henry de
Naffau , Prince d'Orange , &
Anne Princeffe d'York , mariée
depuis peu de temps au
Prince George, Frere du Roy
de Dannemark . Madame la
Ducheffe d'York étant morte
le 10. Avril 1671. il épouſa en
fecondes Nopces le 30. Septembre
1673. Marie Eleonor
GALANT : 281
d'Efte , Princeffe de Modene,
Fille du Duc François. C'eſt
le charme de toute l'Angle
terre. Elle méne une vie
exemplaire , & l'ambition n'a
jamais efté capable de luy
faire faire aucune fauffe dé
marche.
valeur , & de l'intrepidité. Il
eft ferme dans fes réſolutions,
& garde inviolablement fa
parole. Il nâquit le 14. Octobre
1633. & en 1660. il épouſa
Anne Hyde , Fille du Milord
Edouard Hyde , grand Chan280
MERCURE
celier d'Angleterre , & depuis
Comte de Clarendon , dont
il a eu plufieurs Fils qui n'ont
point vécu. Il luy eft feulement
refté deux Filles de ce
Mariage , fçavoir Marie Prin
ceffe d'York , qui en 1677.
époufa Guillaume Henry de
Naffau , Prince d'Orange , &
Anne Princeffe d'York , mariée
depuis peu de temps au
Prince George, Frere du Roy
de Dannemark . Madame la
Ducheffe d'York étant morte
le 10. Avril 1671. il épouſa en
fecondes Nopces le 30. Septembre
1673. Marie Eleonor
GALANT : 281
d'Efte , Princeffe de Modene,
Fille du Duc François. C'eſt
le charme de toute l'Angle
terre. Elle méne une vie
exemplaire , & l'ambition n'a
jamais efté capable de luy
faire faire aucune fauffe dé
marche.
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Résumé : « Le nouveau Roy a de la valeur, & de l'intrepidité. [...] »
Le nouveau roi d'Angleterre, né le 14 octobre 1633, est connu pour sa valeur et son intrepidité. Il épousa Anne Hyde en 1660, avec qui il eut deux filles : Marie et Anne. Après le décès d'Anne en 1671, il se remaria avec Marie Éléonore d'Este en 1673. Cette dernière est admirée pour sa vie exemplaire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 153-156
Mort de Madame la Princesse de Guimené, [titre d'après la table]
Début :
Anne de Rohan, Princesse de Guemené, est morte le 14 [...]
Mots clefs :
Anne de Rohan, Princesse, Décès, Fille, Prince, Château, Duc, Maison de Rohan, Maréchal de France, Comte, Maison royale, Princesse du sang, Armes
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texteReconnaissance textuelle : Mort de Madame la Princesse de Guimené, [titre d'après la table]
Anne de Rohan , Princeffe
de Guemené, eft morte le
14.
de ce mois , en fa Terre de
Rochefort , âgée de plus de
quatre - vingt ans . Elle eftoit
Fille de Pierre , Prince de
Guemené , & de Madelaine
de Rieux Château neuf , &
avoit épousé en 1617. Loüis
de Rohan VII. du nom , fon
Coufin Germain
, Prince de
Guemené
, depuis Duc de
Mont- Bazon , Pair & Grand-
Veneur de France , Chevalier
des Ordres du Roy , Chef du
Nom & des Armes de l'Illu
ftre & Ancienne Maiſon de
154 MERCURE
Rohan , mort à Paris en 1667 .
âgé de 68. ans. De ce Mariage
font fortis Louis &
Charles de Rohan. Charles ,
Duc de Mont- Bafon , Prince
de Guemené, Comte deMontauban
, prit Alliance avec
Jeanne Armande de Schomberg
, Fille puifnée de Henry ,
Comte de Nanteuil- le Haudouin
, Maréchal de France ,
& d'Anne de la Guiche , dont
il eut entr'autres Enfans,
Charles, Prince de Guemené,
marié en premieres Noces
avec Marie- Anne d'Albert-
Luynes , Fille de CharlesGALANT.
155
ノ
Louis , Duc de Luynes , morte
en 1679. & en fecondes
Noces , avec Charlote - Elizabeth
de Cochefilet , Fille de
M' le Comte de Vauvineux ..
Ceux de la Maifon de Rohan ,
iffue des Anciens Comtes de
Vane, qui eftoit une Branche
de la Maifon Royale & Ducale
de Bretagne , ſe font alliez
plufieurs fois avec celle
de leurs Souverains , qui ont
épousé des Filles de cette
Maifon , & qui leur ont donné
des leurs. Il en eft arrivé
de mefine dans la Maiſon
Royale de France . Plufieurs
156 MERCURE
Princes & Princeffes du Sang
fe font auffi alliez à cette Illuftre
Maiſon , auffi bien que
celles de Navarre , d'Ecoffe,
de Baviere , Lorraine, Albret,
Foix , Armagnac , & autres.
Celle cy porte pour Armes,
de Gueule à neuf Macles d'or,
3.3.3 . Ils ont pris ces Armes,
des Cailloux de leurTerre,dás
leſquels , quand on les caffe,
on trouve emprainte la Figure
des Macles , qui ont une, efpece
de couleur d'or , dont le
fond eſt un peu rougeaftre .
de Guemené, eft morte le
14.
de ce mois , en fa Terre de
Rochefort , âgée de plus de
quatre - vingt ans . Elle eftoit
Fille de Pierre , Prince de
Guemené , & de Madelaine
de Rieux Château neuf , &
avoit épousé en 1617. Loüis
de Rohan VII. du nom , fon
Coufin Germain
, Prince de
Guemené
, depuis Duc de
Mont- Bazon , Pair & Grand-
Veneur de France , Chevalier
des Ordres du Roy , Chef du
Nom & des Armes de l'Illu
ftre & Ancienne Maiſon de
154 MERCURE
Rohan , mort à Paris en 1667 .
âgé de 68. ans. De ce Mariage
font fortis Louis &
Charles de Rohan. Charles ,
Duc de Mont- Bafon , Prince
de Guemené, Comte deMontauban
, prit Alliance avec
Jeanne Armande de Schomberg
, Fille puifnée de Henry ,
Comte de Nanteuil- le Haudouin
, Maréchal de France ,
& d'Anne de la Guiche , dont
il eut entr'autres Enfans,
Charles, Prince de Guemené,
marié en premieres Noces
avec Marie- Anne d'Albert-
Luynes , Fille de CharlesGALANT.
155
ノ
Louis , Duc de Luynes , morte
en 1679. & en fecondes
Noces , avec Charlote - Elizabeth
de Cochefilet , Fille de
M' le Comte de Vauvineux ..
Ceux de la Maifon de Rohan ,
iffue des Anciens Comtes de
Vane, qui eftoit une Branche
de la Maifon Royale & Ducale
de Bretagne , ſe font alliez
plufieurs fois avec celle
de leurs Souverains , qui ont
épousé des Filles de cette
Maifon , & qui leur ont donné
des leurs. Il en eft arrivé
de mefine dans la Maiſon
Royale de France . Plufieurs
156 MERCURE
Princes & Princeffes du Sang
fe font auffi alliez à cette Illuftre
Maiſon , auffi bien que
celles de Navarre , d'Ecoffe,
de Baviere , Lorraine, Albret,
Foix , Armagnac , & autres.
Celle cy porte pour Armes,
de Gueule à neuf Macles d'or,
3.3.3 . Ils ont pris ces Armes,
des Cailloux de leurTerre,dás
leſquels , quand on les caffe,
on trouve emprainte la Figure
des Macles , qui ont une, efpece
de couleur d'or , dont le
fond eſt un peu rougeaftre .
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Résumé : Mort de Madame la Princesse de Guimené, [titre d'après la table]
Anne de Rohan, princesse de Guéméné, est décédée à l'âge de plus de quatre-vingts ans sur ses terres de Rochefort. Elle était la fille de Pierre, prince de Guéméné, et de Madeleine de Rieux Château Neuf. En 1617, elle épousa Louis de Rohan VII, son cousin germain, prince de Guéméné, duc de Montbazon, pair et grand veneur de France, chevalier des ordres du roi, et chef de la maison de Rohan. Louis de Rohan décéda à Paris en 1667 à l'âge de 68 ans. Leur union donna naissance à deux fils, Louis et Charles de Rohan. Charles, duc de Montbazon, prince de Guéméné, comte de Montauban, se maria avec Jeanne Armande de Schomberg, fille du maréchal de France Henry, comte de Nanteuil-le-Haudouin, et d'Anne de La Guiche. Ils eurent plusieurs enfants, dont Charles, prince de Guéméné, qui se maria d'abord avec Marie-Anne d'Albert-Luynes, puis avec Charlotte-Élisabeth de Cochefilet. La maison de Rohan, issue des anciens comtes de Vannes, est une branche de la maison royale et ducale de Bretagne. Elle s'est alliée à plusieurs maisons princières, telles que Navarre, Écosse, Bavière, Lorraine, Albret, Foix, et Armagnac. Les armes de la maison de Rohan sont de gueules à neuf macles d'or disposées en 3, 3, 3, inspirées des cailloux de leurs terres.
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3
p. 299-323
Particularitez touchant le Voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. [titre d'après la table]
Début :
Je ne croyois pas qu'en fermant ma Lettre, je vous [...]
Mots clefs :
Chevalier de Chaumont, Siam, Roi, France, Roi de Siam, Dignité, Monarque, Ordre, Ambassadeur, Siamois, Audience, Favori, Prince, Chine, Brest, Ambassadeurs, Palais, Temps, Princesse, Nouvelles, Canon, Cap de Bonne-Espérance, Gloire, Santé du roi, Éléphants, Alexandre de Chaumont
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texteReconnaissance textuelle : Particularitez touchant le Voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. [titre d'après la table]
Je ne croyois pas qu'en
fermant ma Lettre , je vous
300 MERCURE
apprendrois des nouvelles de
M le Chevalier de Chau
mont Ambaffadeur de France
auprés du Roy de Siam.
On le croyoit encore à fix
mille liques d'icy lors qu'il
arriva a Verſailles le 24.de ce
mois. Il en a fait douze mille
en moins d'un an , & n'a employé
que 15. mois & demy
en tout fon Voyage. Il partit
de Breft le 3. Mars de
l'année derniere
, avec un
Vaiffeau du Roy nommé
Loyfeau , inonté de 36. pieces
de Canon, & la Fregate nom
mée la Maligne , montée de
GALANT. 3or
301
3
24. Il arriva en dix jours au
Tropique du Cancer du mef
me vent , dont il avoit ap
pareillé au fortir du Porr , aprés
quoy il doubla le Cap
de bonne Efperance fans le
reconnoiftre
. Il arriva à Batavia
le 1. Aouft , & à l'entrée
du Royaume
de Siam au
commencement de Septembre.
Comme il y a peu d'ha
bitations fur cette route , &
que l'on va par eau jufques
à Siam , le Roy avoit fait bâtir
, & meubler des Maifons
de cinq lieuës en cinq lieuës
pour le recevoir , & avoit en302
MERCURE
"
voyé des Officiers pour le
traiter. Il partoit tous les
jours deux nouveaux Mandarins
de Siam qui venoient
luy faire compliment de la
part du Roy,& plus il appro
choit de cette Capitale , plus
les Mandarins qu'on envoyoit
au devant de luy , éroient
élevez en dignité ,
& un des deux derniers qui
vint le complimenter, eft l'un
des trois Ambaffadeurs que
ce Monarque a nommez
pour venir en France , & que
Sa Majefté a envoyé querir
à Breft. Mr Le Chevalier de
GALANT. 203
#
Chaumont trouva un Palais
à Siam qui avoit efté baſty
exprés & meublé pour luy
Sa Table y a toûjours efté
fervie en vaiffelle d'or , & les
Tables de ceux de fa fuite en
vaiflelle d'argent. Comme
les environs de Siam font
inondez fix mois de l'année,
& que l'on eftoit au temps de
cette inondation , il y avoir
fur la Riviere un nombre
infiny de petits Bateaux dorez
que les Siamois appellent
Balons. On y voit une efpece
de Trône dans le milieu ,
où les plus confiderables ont
7
304 MERCURE
accoûtumé de fe placer. Ces
Bâtimens tiennent environ
dix ou douze perſonnes . Le
jour que M le Chevalier de
Chaumonteut Audience , le
Roy deSiam en envoya vingt
des fiens qui eftoient d'une
tres - grande magnificence ,
pour luy & fa fuite. Il y eut ce
jour la cent mille hommes de
Milices commandez pour
luy faire plus d'honneur .
Cette Audience fut remar¹
quable par trois circonftane
ces qui furent d'un grand é
clat pour la gloire de la France,
& particulierement pour
GALANT. 305
FaPerfonne duRoy , en faveur
de qui le Roy de Siam fe dépoüilla
de tout ce qui fait
foiftrefa grandeur en de pa
Pa
reilles occafions . Les Am
baffadeurs ont de coûtume
d'entrer feuls à fon Audience,
& douze Gentilshommes
que M le Chevalier de
Chaumont avoit menez a
vec luy ,
l'accompagnerent
,.
& furentaffis fur des Tabou
rets durant l'Audience , peng
dant que toute la Cour étoip
couchée le ventre , & la face
contre terre . Les Ambaffi
deurs ont auffi coûtune: de:
Juin 1686 .
306 MERCURE
a
fe profterner ainfi , & M' le
Chevalier de Chaumont en
fut difpenfé, quoy que le Favory
& le premier Miniftre
du Roy fuffent profternez.
Les Roys de Siam ne prennent
jamais de Lettres de la
main d'aucun Ambaffadeur ,
& ceMonarque prit la Lettre
de Sa Majefté de la propre
main de Mle Chevalier de
Chaumont. Il demanda des
nouvelles de la Santé duRoy,
de celle de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la
Dauphine , de Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , de
GALANT. 307
8
Monfeigneur le Duc d'An
jou , & de Monfieur. L'Au
dience finie , M' l'Ambafladeur
, & toute fa fuite furent
traitez dans le Palais avec
toute la magnificence ima
ginable,fuivant les manieres
du Païs , & le Roy pour luy
marquer une plus grande
diſtinction , luy envoya trois
plats des Mers les plus exquis
de fa Table. Aprés cette Au
dience folemnelle , M de
Chaumont en eut plufieurs
r
particulieres de ce Roy , dans
lefquelles il caufa familiere
ment avec luy. Ce Prince fit
Cij
3c8 MERCURE
paroiftre beaucoup d'efprit ,
& de bon fens. I parla du
Roy avec admiration , &
fit voir que toutes les gran
des actions ne luy eftoient
pas inconnues , & je puis
vous dire fur cet Article
que j'appris dés le temps que
fes deux Envoyez eftoient
icy , que ce Monarque faifoit
traduire en Siamois tout:
ce qu'on imprime des meri
veilles de la Vie du Roy , &
que ce que je vous en ay fou - 1
vent mandé , & que vous me
permettez de rendre public,
aprés l'avoir envoyé,
ous
c
GALANT. 309
de
avoit efté aufli mis en cette
Langue. Le Roy de Siam
pria M le Chevalier de
Chaumont de vifiter quel
ques -unes de fes Places , &
permettre qu'un Ingenieur
qu'il avoit amené avec
luy , en allaſt voir quelques
autres pour remarquer le
defaut des Fortifications .
M ' le Chevalier de Chaumont
a mené avec luy juf
ques à Siam fix Jefuites des
plus habiles de leur Ordre
en toutes les parties de Ma
thematiques , fur tour en
Aftronomie , fi eftimée en
310 MERCURE
}
fa Chine , où ils font principalement
deftinez , & où ces
connoiffances peuvent eftre
d'une grande utilité pour a
chever d'y établir le Chri
ftianifme. Ils y vont pourveus
de Lunettes d'approche
& d'Inftrumen's de
Mathematique d'une nou
velle conftruction , pour faires
des Obfervations , qu'ils
ont ordre d'envoyersicy à
Academie des Sciences
par toutes les occafions qu'
ils en auront. Ils doivent
joindre à la Chine les Peres
de leur Ordre, à qui ces for
GALANT 31r
?
tes de Sciences ont acquis
les bonnes graces du Prince
Tartare qui gouverne aujourd'huy
ce grand Empi
re . Sa Majefté , outre leur
Paffage , & les Inftrumens
dont Elle les a fait fournir
abondamment , leur donne
des Penfions annuelles , afin
rien ne leur manque, &
que
qu'ils ne foient à charge à
perfonne. Ils ont ordre auffi
d'entrer dans la connoiffance
des Arts , & de tout ce
qui peut contribuer à faire
fleurir icy ce qui eft encore
fufceptible de quelque per312
MERGURE
fection, de forte que ce pra
jet peut eltre mis au nom
bre d'une infinité
d'autres
qui s'executent
, & qui marquent
que le Roy n'épargne
ny foin ny dépenfe, pour les
bien de l'Eglife , & pour aug
menter la gloire de fon Re-
& la felicité de fes Peu
1
gne, &
ples.no
wh dae
,
it ,
Le
Roy
de
Siam
ayang
fceu
que
ces
fix
Jeſuites
eftoient
venus
avec
M
de
Chaumont
, les
voulut
en
tretenir
, & comme
il arriva
une
Eclipfe
en
ce
tempsla,
ces
Peres
firent
voir
à
GALANT 313.
ce Monarque, par le moyen
de leurs Lunettes , des chofes
qui le furprirent extrémement
, de maniere qu'il offrit
de leur faire bâtir une
Eglife , & une Maiſon , &
de les entretenir , s'ils vouloient
demeurer à Siam
mais comme ils ne pouvoient
accepter des offres fi
avantageufes , eftant deſtinez
pour la Chine , il fut refolu
que l'un d'eux reviendroit
en France , & qu'il en
ameneroit fix autres Peres
quand les Ambaffadeurs s'en
retourneront. Ce choix eft
Fuin 1686.
Dd
734 MERCURE
器
3
tombe fur le Pere Tachard,
qui apporte au Pere de la
Chaife , de la part de ca
Prince , un Crucifix dont le
Chrift eft d'or , & la Crois
d'un bois que les Siamois
eftiment plus que l'or mefme
, à caufe des grandes veri
tus qu'on luy attribuë. diff
Le Roy de Siam nourrit
dix mille Elephans , ce qui
luy doit revenir à des for
mes immenſes, puis que l'entretien
d'un Elephant re
vient icy à deux mille écuss
Mais quand on les nourriroit
à meilleur compte en ce
60000000 Millionsthe
.COM MI
F
GALANT.N
3
Païs-là leur nourriture: ne
doit pas laiffer que de coû
ter beaucoup . Co Monarque
seft veuf, & n'a qu'une Fille,
qu'on appelle la Princeffe
Reyne. Elle a trois grandes
Provinces far lefquelles elle
regne fouverainement,auffr
bien que fur toute faMaiſonl
Une des Filles qui la fervent
ayant dit des chofes dont
elle nendevoir pas parler ,
cette Princeffe la jugen elle
mefme , & ordonna qu'elle
auroit la bouche coufue. Les
ftime que le Roy fon pere at
pour le Roy , luy en ayant
Dd ij
36 MERCURE
fait prendre beaucoup pour
tous les François , comme je
vous lay marqué plufieurs
fois , il en demanda dix ou
douze à M' le Chevalier de
Chaumont quelque temps
avant que cet Ambaffadeur
partift de Siam. M' Fourbin
Lieutenant de Vaiffeau eft
dece nombre, avec un Ingenieur,
un Trompette , & plufeurs
autres,qui connoiffant
l'inclination que ce Roy a
pour la France , & fur tout
pour Sa Majefté, n'ont point,
fait de difficulté de le fatisfaire,
en demeurant à Siam. Il
S
GALANT 37
a honoré Mile Chevalier del
Chaumont de la premiere
Dignité de fon Royaume, &
la fait Oya. Je ne fuis pas en
core affez inftruit de ce que
c'eft que cette Dignité, pour
vous en dire davantage,mais
j'efpere vous en éclaircir lei
mois prochain . Comme il fa
loit pour eftrereceu , faire de
vant le Roy beaucoup de fi
gures qui approchoient de la
genuflexion , & ſe profterner
plufieurs fois , ce Prince en
difpenfa Mª de Chaumont ,{
& luy envoya les marques
de cette Dignité . Outre tous
Id 1 d in
6
18 MERCURE
les Preſens qu'il luy a faits,
il luy a donnés quand il eft
party , tous les meubles du
Palais qu'il eftoit logé , mais
Mide Chaumont n'en a pris
qu'une partie , & la donnél
coux qu'il avoit apportezide
France, pourife meubler une
chainbre , avec une Chaifea
Porcours fort magnifique,au
Favory du Roy de Siam , qui
elt né Grec , & qui fait profeffon
de la Religion Ca
tholique. Ce Favory eft élevé
à une Dignité qui eft audeffus
du premier Miniſtre
appellé le Barcalon . M teChe
GALANTM319:
valier de Chaumont a fait de l
grandes liberalitez à ceux
qui lay ont apportédes Preg
fens de ce Monarque , & a
donné un tres- beau Miroir à
la Princeffe Reyne. Jamais
on n'a vû un fi bon ordre que
celuy qu'il avoit mis dans fa
Mailon. Ses Domestiques
n'ont fait aucun defordre, &
il avoit impoſé des peines
pour châtier fur l'heure ceux
qui contreviendroient à fes
Reglemens, de forte qu'il eft
party deceRoyaume là avec
l'admiration de la Cour &
des Peuples. Le Favory du
Dd iiij
220 MERCURE
Royle vint conduiré juſques :
au lieu où ils eft rembarqué,
qui eft à plus de 40 lieues
de Siam, & le regala magnifiquement.
Après quoy M²:
deChaumont's embarqua a
vec les ttrrooiiss Ambaffadeurs
if viennent vend Siamois ent
qui
France , & qui ont cinquan
të perſonnes à leur ſuite . Si
toft qu'il fut embarqué,il fa
lãa de cinquante volées de
Canon ceux qui l'avoient ac
compagne jufqu'à fon embarquement.
Ces Ambaffa
deurs apportent beaucoup
de Prefens pour le Roy,pour
GALANT 32k
?
toute la Maifon Royale , &
pour les Miniftres. Je ne
vous en feray point aujour
d'huy de dénombrement
mais je ne fçaurois m'empê
cher de vous dire que parmy
ces Prefens, il y a de tres
beauxCanons fondus à Siam,
dont toute la garniture eft
d'argent. Il y auffi de riches
érofes , une infinité de Por
celaines fingulieres , des Cabinets
de la Chine , & quantité
d'Ouvrages des plus curieux
des Indes, & du Japon.
M'de Chaumont arriva le 19.
de ce mois dans le Port de
1-
322 MERCURE
Breft , & depois que Valco
de Gama a doublé le Cap des
Bonne Efperance , & que
Chriftophe Colomb a dési
couvert l'Amerique , il n'y al
aucun exemple d'une plus
grande diligence navale en
fair de Navigation de long
cours. Mais l'Etoile du Roy
guidoit cet Ambaffadeur , &
e'eftoit affez , puis qu'elle reghe
fur les Mers comme fur
la Terre. Si cette Relation
n'eft pas tout- à - fait exacte ,
vous n'en devez pas eftre
furpriſe. A peine ay je pu
avoir deux jours pour ramal
GALANT. 323
fer ce que je vous mande , &
apparemment vous n'atten
diez pas de moy ce mois- cy
tant de recherches curieus
fes fur cette matiere. Je con
tinueray le mois prochain, &
fije me fuis abufé en quel
que chofe , je vous le feray
fçavoir.
fermant ma Lettre , je vous
300 MERCURE
apprendrois des nouvelles de
M le Chevalier de Chau
mont Ambaffadeur de France
auprés du Roy de Siam.
On le croyoit encore à fix
mille liques d'icy lors qu'il
arriva a Verſailles le 24.de ce
mois. Il en a fait douze mille
en moins d'un an , & n'a employé
que 15. mois & demy
en tout fon Voyage. Il partit
de Breft le 3. Mars de
l'année derniere
, avec un
Vaiffeau du Roy nommé
Loyfeau , inonté de 36. pieces
de Canon, & la Fregate nom
mée la Maligne , montée de
GALANT. 3or
301
3
24. Il arriva en dix jours au
Tropique du Cancer du mef
me vent , dont il avoit ap
pareillé au fortir du Porr , aprés
quoy il doubla le Cap
de bonne Efperance fans le
reconnoiftre
. Il arriva à Batavia
le 1. Aouft , & à l'entrée
du Royaume
de Siam au
commencement de Septembre.
Comme il y a peu d'ha
bitations fur cette route , &
que l'on va par eau jufques
à Siam , le Roy avoit fait bâtir
, & meubler des Maifons
de cinq lieuës en cinq lieuës
pour le recevoir , & avoit en302
MERCURE
"
voyé des Officiers pour le
traiter. Il partoit tous les
jours deux nouveaux Mandarins
de Siam qui venoient
luy faire compliment de la
part du Roy,& plus il appro
choit de cette Capitale , plus
les Mandarins qu'on envoyoit
au devant de luy , éroient
élevez en dignité ,
& un des deux derniers qui
vint le complimenter, eft l'un
des trois Ambaffadeurs que
ce Monarque a nommez
pour venir en France , & que
Sa Majefté a envoyé querir
à Breft. Mr Le Chevalier de
GALANT. 203
#
Chaumont trouva un Palais
à Siam qui avoit efté baſty
exprés & meublé pour luy
Sa Table y a toûjours efté
fervie en vaiffelle d'or , & les
Tables de ceux de fa fuite en
vaiflelle d'argent. Comme
les environs de Siam font
inondez fix mois de l'année,
& que l'on eftoit au temps de
cette inondation , il y avoir
fur la Riviere un nombre
infiny de petits Bateaux dorez
que les Siamois appellent
Balons. On y voit une efpece
de Trône dans le milieu ,
où les plus confiderables ont
7
304 MERCURE
accoûtumé de fe placer. Ces
Bâtimens tiennent environ
dix ou douze perſonnes . Le
jour que M le Chevalier de
Chaumonteut Audience , le
Roy deSiam en envoya vingt
des fiens qui eftoient d'une
tres - grande magnificence ,
pour luy & fa fuite. Il y eut ce
jour la cent mille hommes de
Milices commandez pour
luy faire plus d'honneur .
Cette Audience fut remar¹
quable par trois circonftane
ces qui furent d'un grand é
clat pour la gloire de la France,
& particulierement pour
GALANT. 305
FaPerfonne duRoy , en faveur
de qui le Roy de Siam fe dépoüilla
de tout ce qui fait
foiftrefa grandeur en de pa
Pa
reilles occafions . Les Am
baffadeurs ont de coûtume
d'entrer feuls à fon Audience,
& douze Gentilshommes
que M le Chevalier de
Chaumont avoit menez a
vec luy ,
l'accompagnerent
,.
& furentaffis fur des Tabou
rets durant l'Audience , peng
dant que toute la Cour étoip
couchée le ventre , & la face
contre terre . Les Ambaffi
deurs ont auffi coûtune: de:
Juin 1686 .
306 MERCURE
a
fe profterner ainfi , & M' le
Chevalier de Chaumont en
fut difpenfé, quoy que le Favory
& le premier Miniftre
du Roy fuffent profternez.
Les Roys de Siam ne prennent
jamais de Lettres de la
main d'aucun Ambaffadeur ,
& ceMonarque prit la Lettre
de Sa Majefté de la propre
main de Mle Chevalier de
Chaumont. Il demanda des
nouvelles de la Santé duRoy,
de celle de Monfeigneur le
Dauphin , de Madame la
Dauphine , de Monſeigneur
le Duc de Bourgogne , de
GALANT. 307
8
Monfeigneur le Duc d'An
jou , & de Monfieur. L'Au
dience finie , M' l'Ambafladeur
, & toute fa fuite furent
traitez dans le Palais avec
toute la magnificence ima
ginable,fuivant les manieres
du Païs , & le Roy pour luy
marquer une plus grande
diſtinction , luy envoya trois
plats des Mers les plus exquis
de fa Table. Aprés cette Au
dience folemnelle , M de
Chaumont en eut plufieurs
r
particulieres de ce Roy , dans
lefquelles il caufa familiere
ment avec luy. Ce Prince fit
Cij
3c8 MERCURE
paroiftre beaucoup d'efprit ,
& de bon fens. I parla du
Roy avec admiration , &
fit voir que toutes les gran
des actions ne luy eftoient
pas inconnues , & je puis
vous dire fur cet Article
que j'appris dés le temps que
fes deux Envoyez eftoient
icy , que ce Monarque faifoit
traduire en Siamois tout:
ce qu'on imprime des meri
veilles de la Vie du Roy , &
que ce que je vous en ay fou - 1
vent mandé , & que vous me
permettez de rendre public,
aprés l'avoir envoyé,
ous
c
GALANT. 309
de
avoit efté aufli mis en cette
Langue. Le Roy de Siam
pria M le Chevalier de
Chaumont de vifiter quel
ques -unes de fes Places , &
permettre qu'un Ingenieur
qu'il avoit amené avec
luy , en allaſt voir quelques
autres pour remarquer le
defaut des Fortifications .
M ' le Chevalier de Chaumont
a mené avec luy juf
ques à Siam fix Jefuites des
plus habiles de leur Ordre
en toutes les parties de Ma
thematiques , fur tour en
Aftronomie , fi eftimée en
310 MERCURE
}
fa Chine , où ils font principalement
deftinez , & où ces
connoiffances peuvent eftre
d'une grande utilité pour a
chever d'y établir le Chri
ftianifme. Ils y vont pourveus
de Lunettes d'approche
& d'Inftrumen's de
Mathematique d'une nou
velle conftruction , pour faires
des Obfervations , qu'ils
ont ordre d'envoyersicy à
Academie des Sciences
par toutes les occafions qu'
ils en auront. Ils doivent
joindre à la Chine les Peres
de leur Ordre, à qui ces for
GALANT 31r
?
tes de Sciences ont acquis
les bonnes graces du Prince
Tartare qui gouverne aujourd'huy
ce grand Empi
re . Sa Majefté , outre leur
Paffage , & les Inftrumens
dont Elle les a fait fournir
abondamment , leur donne
des Penfions annuelles , afin
rien ne leur manque, &
que
qu'ils ne foient à charge à
perfonne. Ils ont ordre auffi
d'entrer dans la connoiffance
des Arts , & de tout ce
qui peut contribuer à faire
fleurir icy ce qui eft encore
fufceptible de quelque per312
MERGURE
fection, de forte que ce pra
jet peut eltre mis au nom
bre d'une infinité
d'autres
qui s'executent
, & qui marquent
que le Roy n'épargne
ny foin ny dépenfe, pour les
bien de l'Eglife , & pour aug
menter la gloire de fon Re-
& la felicité de fes Peu
1
gne, &
ples.no
wh dae
,
it ,
Le
Roy
de
Siam
ayang
fceu
que
ces
fix
Jeſuites
eftoient
venus
avec
M
de
Chaumont
, les
voulut
en
tretenir
, & comme
il arriva
une
Eclipfe
en
ce
tempsla,
ces
Peres
firent
voir
à
GALANT 313.
ce Monarque, par le moyen
de leurs Lunettes , des chofes
qui le furprirent extrémement
, de maniere qu'il offrit
de leur faire bâtir une
Eglife , & une Maiſon , &
de les entretenir , s'ils vouloient
demeurer à Siam
mais comme ils ne pouvoient
accepter des offres fi
avantageufes , eftant deſtinez
pour la Chine , il fut refolu
que l'un d'eux reviendroit
en France , & qu'il en
ameneroit fix autres Peres
quand les Ambaffadeurs s'en
retourneront. Ce choix eft
Fuin 1686.
Dd
734 MERCURE
器
3
tombe fur le Pere Tachard,
qui apporte au Pere de la
Chaife , de la part de ca
Prince , un Crucifix dont le
Chrift eft d'or , & la Crois
d'un bois que les Siamois
eftiment plus que l'or mefme
, à caufe des grandes veri
tus qu'on luy attribuë. diff
Le Roy de Siam nourrit
dix mille Elephans , ce qui
luy doit revenir à des for
mes immenſes, puis que l'entretien
d'un Elephant re
vient icy à deux mille écuss
Mais quand on les nourriroit
à meilleur compte en ce
60000000 Millionsthe
.COM MI
F
GALANT.N
3
Païs-là leur nourriture: ne
doit pas laiffer que de coû
ter beaucoup . Co Monarque
seft veuf, & n'a qu'une Fille,
qu'on appelle la Princeffe
Reyne. Elle a trois grandes
Provinces far lefquelles elle
regne fouverainement,auffr
bien que fur toute faMaiſonl
Une des Filles qui la fervent
ayant dit des chofes dont
elle nendevoir pas parler ,
cette Princeffe la jugen elle
mefme , & ordonna qu'elle
auroit la bouche coufue. Les
ftime que le Roy fon pere at
pour le Roy , luy en ayant
Dd ij
36 MERCURE
fait prendre beaucoup pour
tous les François , comme je
vous lay marqué plufieurs
fois , il en demanda dix ou
douze à M' le Chevalier de
Chaumont quelque temps
avant que cet Ambaffadeur
partift de Siam. M' Fourbin
Lieutenant de Vaiffeau eft
dece nombre, avec un Ingenieur,
un Trompette , & plufeurs
autres,qui connoiffant
l'inclination que ce Roy a
pour la France , & fur tout
pour Sa Majefté, n'ont point,
fait de difficulté de le fatisfaire,
en demeurant à Siam. Il
S
GALANT 37
a honoré Mile Chevalier del
Chaumont de la premiere
Dignité de fon Royaume, &
la fait Oya. Je ne fuis pas en
core affez inftruit de ce que
c'eft que cette Dignité, pour
vous en dire davantage,mais
j'efpere vous en éclaircir lei
mois prochain . Comme il fa
loit pour eftrereceu , faire de
vant le Roy beaucoup de fi
gures qui approchoient de la
genuflexion , & ſe profterner
plufieurs fois , ce Prince en
difpenfa Mª de Chaumont ,{
& luy envoya les marques
de cette Dignité . Outre tous
Id 1 d in
6
18 MERCURE
les Preſens qu'il luy a faits,
il luy a donnés quand il eft
party , tous les meubles du
Palais qu'il eftoit logé , mais
Mide Chaumont n'en a pris
qu'une partie , & la donnél
coux qu'il avoit apportezide
France, pourife meubler une
chainbre , avec une Chaifea
Porcours fort magnifique,au
Favory du Roy de Siam , qui
elt né Grec , & qui fait profeffon
de la Religion Ca
tholique. Ce Favory eft élevé
à une Dignité qui eft audeffus
du premier Miniſtre
appellé le Barcalon . M teChe
GALANTM319:
valier de Chaumont a fait de l
grandes liberalitez à ceux
qui lay ont apportédes Preg
fens de ce Monarque , & a
donné un tres- beau Miroir à
la Princeffe Reyne. Jamais
on n'a vû un fi bon ordre que
celuy qu'il avoit mis dans fa
Mailon. Ses Domestiques
n'ont fait aucun defordre, &
il avoit impoſé des peines
pour châtier fur l'heure ceux
qui contreviendroient à fes
Reglemens, de forte qu'il eft
party deceRoyaume là avec
l'admiration de la Cour &
des Peuples. Le Favory du
Dd iiij
220 MERCURE
Royle vint conduiré juſques :
au lieu où ils eft rembarqué,
qui eft à plus de 40 lieues
de Siam, & le regala magnifiquement.
Après quoy M²:
deChaumont's embarqua a
vec les ttrrooiiss Ambaffadeurs
if viennent vend Siamois ent
qui
France , & qui ont cinquan
të perſonnes à leur ſuite . Si
toft qu'il fut embarqué,il fa
lãa de cinquante volées de
Canon ceux qui l'avoient ac
compagne jufqu'à fon embarquement.
Ces Ambaffa
deurs apportent beaucoup
de Prefens pour le Roy,pour
GALANT 32k
?
toute la Maifon Royale , &
pour les Miniftres. Je ne
vous en feray point aujour
d'huy de dénombrement
mais je ne fçaurois m'empê
cher de vous dire que parmy
ces Prefens, il y a de tres
beauxCanons fondus à Siam,
dont toute la garniture eft
d'argent. Il y auffi de riches
érofes , une infinité de Por
celaines fingulieres , des Cabinets
de la Chine , & quantité
d'Ouvrages des plus curieux
des Indes, & du Japon.
M'de Chaumont arriva le 19.
de ce mois dans le Port de
1-
322 MERCURE
Breft , & depois que Valco
de Gama a doublé le Cap des
Bonne Efperance , & que
Chriftophe Colomb a dési
couvert l'Amerique , il n'y al
aucun exemple d'une plus
grande diligence navale en
fair de Navigation de long
cours. Mais l'Etoile du Roy
guidoit cet Ambaffadeur , &
e'eftoit affez , puis qu'elle reghe
fur les Mers comme fur
la Terre. Si cette Relation
n'eft pas tout- à - fait exacte ,
vous n'en devez pas eftre
furpriſe. A peine ay je pu
avoir deux jours pour ramal
GALANT. 323
fer ce que je vous mande , &
apparemment vous n'atten
diez pas de moy ce mois- cy
tant de recherches curieus
fes fur cette matiere. Je con
tinueray le mois prochain, &
fije me fuis abufé en quel
que chofe , je vous le feray
fçavoir.
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Résumé : Particularitez touchant le Voyage de M. le Chevalier de Chaumont à Siam. [titre d'après la table]
Le texte décrit le voyage et la mission diplomatique du Chevalier de Chaumont, ambassadeur de France au Siam. Parti de Brest le 3 mars de l'année précédente avec deux navires, il arriva à Versailles le 24 juin, après avoir parcouru 12 000 lieues en moins de 15 mois et demi. Son itinéraire inclut le passage du Tropique du Cancer, du Cap de Bonne Espérance, ainsi que des escales à Batavia et au Siam. À son arrivée, le roi de Siam avait préparé des maisons et des mandarins pour l'accueillir et lui offrit une audience solennelle avec des honneurs exceptionnels, permettant à Chaumont et à ses gentilshommes de rester assis tandis que la cour était prosternée. Le roi de Siam manifesta une grande admiration pour le roi de France et ses actions, demandant des nouvelles de la famille royale française et offrant des présents somptueux. Chaumont visita également des places fortes et permit à un ingénieur de vérifier les fortifications. Il était accompagné de six jésuites, experts en mathématiques et astronomie, destinés à la Chine pour y établir le christianisme. Impressionné par leurs connaissances, le roi de Siam offrit de leur construire une église et une maison. Le roi de Siam, veuf, a une fille, la princesse Reine, qui règne souverainement sur trois grandes provinces. Chaumont reçut la première dignité du royaume, devenant Oya, et fut dispensé de certaines prosternations. Il refusa une partie des meubles du palais mais offrit des présents, dont un miroir à la princesse Reine. Il quitta le Siam avec l'admiration de la cour et du peuple, accompagné par le favori du roi jusqu'à son embarquement. Les ambassadeurs siamois, au nombre de trois, l'accompagnèrent en France avec une suite de cinquante personnes, apportant des présents pour le roi de France et la maison royale. Chaumont arriva à Brest le 19 juin, marquant une grande diligence navale.
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4
p. 232-235
Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Début :
Le 5. ils furent conduits au Palais de Luxembourg par [...]
Mots clefs :
Princesse, Audience, Ambassadeurs, Mademoiselle d'Orléans, Palais du Luxembourg
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Le 5.ils furent conduits
de Siam. 233
au Palais de Luxembourg
par M de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſa
deurs , à l'Audience de
Mademoiselle d'Orleans ,,
où se trouva Madame la
Grande Ducheffe Sa Cour
eſtoit fort groffe & fort
brillante , & comme certe
Princeffe eft extréme--
ment aimée , un ſi grand.
nombre de Princeffes ,de
Ducheffes ,& d'autres Da--
mes qualifiées , s'eftoient
rendues dans ſon Appar
V
234 Voyage des Amb.
tement , pour l'accompagner
pendant cette Audience
, que beaucoup ne
pûrent trouver place dans
la chambre où elle receut
les Ambaſſadeurs . Le ſujet
du Compliment du
premier Ambaſſadeur fut,
fur ce que le merite defon
Alteffe Royale auroit esté
feul capable de l'attirer ,
quand ce qu'il estoit obligé
de rendre au Sang Royal ,
ne l'auroit pas obligé à la
voir. Il fut extrémement
de Siam.
237
fatisfait de la réponſe que
luy fit cette Princeffe ,
tant à l'égard du Roy de
Siam , que pour ce qui
regardoit ſes Ambaſſadeurs
,& il le fut encore
beaucoup des honnefterez
qu'elle eut pour
eux, cette Princeffe ayant
toûjours avancé pour less
reconduire, à meſure qu
ils marchoientpour ſe retirer
ſans tourner le dos...
de Siam. 233
au Palais de Luxembourg
par M de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſa
deurs , à l'Audience de
Mademoiselle d'Orleans ,,
où se trouva Madame la
Grande Ducheffe Sa Cour
eſtoit fort groffe & fort
brillante , & comme certe
Princeffe eft extréme--
ment aimée , un ſi grand.
nombre de Princeffes ,de
Ducheffes ,& d'autres Da--
mes qualifiées , s'eftoient
rendues dans ſon Appar
V
234 Voyage des Amb.
tement , pour l'accompagner
pendant cette Audience
, que beaucoup ne
pûrent trouver place dans
la chambre où elle receut
les Ambaſſadeurs . Le ſujet
du Compliment du
premier Ambaſſadeur fut,
fur ce que le merite defon
Alteffe Royale auroit esté
feul capable de l'attirer ,
quand ce qu'il estoit obligé
de rendre au Sang Royal ,
ne l'auroit pas obligé à la
voir. Il fut extrémement
de Siam.
237
fatisfait de la réponſe que
luy fit cette Princeffe ,
tant à l'égard du Roy de
Siam , que pour ce qui
regardoit ſes Ambaſſadeurs
,& il le fut encore
beaucoup des honnefterez
qu'elle eut pour
eux, cette Princeffe ayant
toûjours avancé pour less
reconduire, à meſure qu
ils marchoientpour ſe retirer
ſans tourner le dos...
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Résumé : Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Le 5, les ambassadeurs de Siam furent conduits au Palais de Luxembourg par M. de Bonneüil pour une audience avec Mademoiselle d'Orléans. La cour de la Grande Duchesse était très nombreuse et brillante, avec de nombreuses princesses, duchesses et autres dames qualifiées présentes pour accompagner Mademoiselle d'Orléans. Le premier ambassadeur souligna le mérite de Mademoiselle d'Orléans, capable d'attirer les ambassadeurs indépendamment de l'obligation liée au sang royal. L'ambassadeur exprima sa satisfaction quant à la réponse de Mademoiselle d'Orléans, tant pour le roi de Siam que pour ses ambassadeurs. Il fut également impressionné par les honneurs qu'elle leur accorda, notamment en les reconduisant sans qu'ils aient à tourner le dos.
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5
p. 308-314
Audience donnée par Madame la Dauphine, avec le Compliment que les Ambassadeurs ont fait à cette Princesse, [titre d'après la table]
Début :
Madame la Dauphine estant en couche lorsqu'ils eurent leur [...]
Mots clefs :
Audience, Dauphine, Princesse, Reine, Roi, Princes, Présents, Marie-Anne de Bavière, Compliment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Audience donnée par Madame la Dauphine, avec le Compliment que les Ambassadeurs ont fait à cette Princesse, [titre d'après la table]
Madame la Dauphine ef
tant en couche lorſqu'ils eurent
leur premiere Audience
du Roy , celle qu'elle devoit
leur donner fut remiſe jufqu'au
temps qu'ils reviendroient
à Verſailles. Le jour
qu'ils eurent l'honneur d'aller
chez cette Princeſſe , ils la
trouverent dans ſon Lit avec
un des - habillé magnifique.
Ce Lit eſtoit preſque tout
couvert d'un tres-beau Point
Bb ij
296 Suite du Voyage
4
de France, ſur lequel on avoit
mis de riches Carreaux. Plufieurs
Princeſſes & Ducheffes
avec un grand nombre des
principales Dames de la Cour,
toutes magnifiquement parées
& avec des habits garnis de
pierreries , faifoient un cercle
autour de ce Lit. Les Ambaf-
•ſadeurs & leur ſuite s'eſtant
approchez de Madame la
Dauphine , de la même maniere
& avec le même reſpect
qu'ils s'eſtoient approchez du
Roy le jour qu'ils eurent leur
premiere Audience de Sa Majeſté
, le premier Ambaſſadeur
commença ſon Compli
des Amb. de Siam. 197
ment , dont voicy le ſujet. 11
dit , Que la Princeffe Reyne de
Siam s'estant fait informer de
tout ce qui regardoit la Maiſon
Ruyale , & de tous les Princes
Princeſſes de cette Auguste
Maison , avoit sçû que Madame
la Dauphine goûtoit une joye
parfaite avec le Fils unique du
Roy ; Qu'on luy avoit appris le
grand merite qui la faisoit diftinguer
par elle - mesme
qu'elle estoit déja diftinguée par
Sa naiſſance ; Qu'elle avoit en
un royal plaisir d'apprendre que
le Ciel luy avoit donné des
Princes qui faisoient l'esperance
,
autant
de la France , & qu'elle la prioit
Bb iij
298 Suite duVoyage
J
de les faire élever , dans le defir
d'entretenir toûjours une parfaite
correspondance entre les deux
Royaume , afin que cette royale
amitié fuſt éternelle. Il ajoûta,
Que les Preſens qu'il avoit apportez
de la part de la Princeffe
Reyne n'estoient que des échantillons
, & qu'il avoit déja prié
Monsieur Torfde le dire àMadamela
Dauphine , afin que cette
Princeſſe ayant marqué ceux qui
luy plairoient le plus , la Princeffe
Reyné eust lieu de luy envoyer
des choses qui luy seroient agrea
bles.
Madame la Dauphine répondit
d'un air & d'une ma
desAmb. de Siam.
299
niere qui charma les Ambaf
fadeurs . Elle fit d'abord un
éloge de la Princeſſe Reyne,
& dit aprés , Qu'elle laremercioit
de ſes Preſens ; Qu'elle les
avoit veus , &qu'elle les trouvoit
fort beaux ; Qu'elle ne
manqueroit pas d'instruire les
Princes ſes Enfans fuivant les
intentions de cette Princeffe ; &&
ayant enſuite regardé Monfeigneur
le Duc de Bourgogne
, elle dit : Qu'ily en avoit
un qui estoit déja en âge de répondre
par luy- mesme. Ce Prince
fit alors un ſigne de téte ,
&confirma par là ce queMadame
la Dauphine venoit de
Bb iiij
300 Suitedu Voyage
dire. Cette Princeffe conti
nua , & dit : Que pour les deux
autres , il faloit que la Princeffe
Reyne tes reçût elle-mefme pour
caution . Madame la Dauphine
aprés avoir répondu au
Compliment qu'on luy venoit
de faire de la part de la
Princeſſe Reyne , fit des honneſtetez
aux Ambaſſadeurs
&leur dit des chofes fort obligeantes
.
tant en couche lorſqu'ils eurent
leur premiere Audience
du Roy , celle qu'elle devoit
leur donner fut remiſe jufqu'au
temps qu'ils reviendroient
à Verſailles. Le jour
qu'ils eurent l'honneur d'aller
chez cette Princeſſe , ils la
trouverent dans ſon Lit avec
un des - habillé magnifique.
Ce Lit eſtoit preſque tout
couvert d'un tres-beau Point
Bb ij
296 Suite du Voyage
4
de France, ſur lequel on avoit
mis de riches Carreaux. Plufieurs
Princeſſes & Ducheffes
avec un grand nombre des
principales Dames de la Cour,
toutes magnifiquement parées
& avec des habits garnis de
pierreries , faifoient un cercle
autour de ce Lit. Les Ambaf-
•ſadeurs & leur ſuite s'eſtant
approchez de Madame la
Dauphine , de la même maniere
& avec le même reſpect
qu'ils s'eſtoient approchez du
Roy le jour qu'ils eurent leur
premiere Audience de Sa Majeſté
, le premier Ambaſſadeur
commença ſon Compli
des Amb. de Siam. 197
ment , dont voicy le ſujet. 11
dit , Que la Princeffe Reyne de
Siam s'estant fait informer de
tout ce qui regardoit la Maiſon
Ruyale , & de tous les Princes
Princeſſes de cette Auguste
Maison , avoit sçû que Madame
la Dauphine goûtoit une joye
parfaite avec le Fils unique du
Roy ; Qu'on luy avoit appris le
grand merite qui la faisoit diftinguer
par elle - mesme
qu'elle estoit déja diftinguée par
Sa naiſſance ; Qu'elle avoit en
un royal plaisir d'apprendre que
le Ciel luy avoit donné des
Princes qui faisoient l'esperance
,
autant
de la France , & qu'elle la prioit
Bb iij
298 Suite duVoyage
J
de les faire élever , dans le defir
d'entretenir toûjours une parfaite
correspondance entre les deux
Royaume , afin que cette royale
amitié fuſt éternelle. Il ajoûta,
Que les Preſens qu'il avoit apportez
de la part de la Princeffe
Reyne n'estoient que des échantillons
, & qu'il avoit déja prié
Monsieur Torfde le dire àMadamela
Dauphine , afin que cette
Princeſſe ayant marqué ceux qui
luy plairoient le plus , la Princeffe
Reyné eust lieu de luy envoyer
des choses qui luy seroient agrea
bles.
Madame la Dauphine répondit
d'un air & d'une ma
desAmb. de Siam.
299
niere qui charma les Ambaf
fadeurs . Elle fit d'abord un
éloge de la Princeſſe Reyne,
& dit aprés , Qu'elle laremercioit
de ſes Preſens ; Qu'elle les
avoit veus , &qu'elle les trouvoit
fort beaux ; Qu'elle ne
manqueroit pas d'instruire les
Princes ſes Enfans fuivant les
intentions de cette Princeffe ; &&
ayant enſuite regardé Monfeigneur
le Duc de Bourgogne
, elle dit : Qu'ily en avoit
un qui estoit déja en âge de répondre
par luy- mesme. Ce Prince
fit alors un ſigne de téte ,
&confirma par là ce queMadame
la Dauphine venoit de
Bb iiij
300 Suitedu Voyage
dire. Cette Princeffe conti
nua , & dit : Que pour les deux
autres , il faloit que la Princeffe
Reyne tes reçût elle-mefme pour
caution . Madame la Dauphine
aprés avoir répondu au
Compliment qu'on luy venoit
de faire de la part de la
Princeſſe Reyne , fit des honneſtetez
aux Ambaſſadeurs
&leur dit des chofes fort obligeantes
.
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Résumé : Audience donnée par Madame la Dauphine, avec le Compliment que les Ambassadeurs ont fait à cette Princesse, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam eurent leur première audience avec le roi de France, mais celle avec la Dauphine fut reportée en raison de son accouchement. Lors de leur visite suivante, ils trouvèrent la Dauphine alitée, entourée de princesses et de duchesses. Le premier ambassadeur souligna la joie de la Dauphine avec le fils unique du roi et son mérite reconnu. Il mentionna les présents apportés par la princesse reine de Siam, qui n'étaient que des échantillons, et exprima le désir de maintenir une correspondance entre les deux royaumes. La Dauphine répondit avec grâce, remerciant la princesse reine pour ses présents et affirmant qu'elle instruirait ses enfants selon les intentions de la princesse. Elle nota que le duc de Bourgogne était en âge de répondre par lui-même, ce qu'il confirma d'un signe de tête. Pour les deux autres princes, elle suggéra que la princesse reine se porte elle-même caution. La Dauphine conclut en adressant des paroles obligeantes aux ambassadeurs.
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6
p. 231-235
Ils vont à l'Hôtel de Guise, où ils sont regalez d'un fort beau concert. [titre d'après la table]
Début :
Ces Ambassadeurs allerent le même jour à l'Hôtel de [...]
Mots clefs :
Hôtel de Guise, Concert, Mademoiselle de Guise, Ambassadeurs, Naissance, Meubles, Princesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont à l'Hôtel de Guise, où ils sont regalez d'un fort beau concert. [titre d'après la table]
Ces Ambaſſadeurs allerent
le même jour à l'Hôtel de
232 IV. P. duVoyage
Guiſe , on voulut d'abord
leur faire entendre un fort
beau Concert. Ils demanderent
fi Mademoiſelle de Guiſe
eſtoit dans l'Hôtel , &comme
on leur eût répondu que
oiy , ils répondirent qu'ils
n'entendroient & ne verroient
rien , qu'ils n'euſſent eu l'hon
neur de la faluer , ils furent
conduits dans l'Appartement
de cette Princefle , à laquelle
ils marquerent dans le complimentqu'ils
luy firent qu'ils
auroient crû commettre une grande
faute , s'ils estoient entrez
dans cet Hôtel,fans luyrendre
desAmb. deSiam. 233
ce qu'ils devoient à une perſonne
de sa naiſſance. Ils vifiterent
tous les Appartements fans
eftre incommodés par la foule
qui fe trouva ce jour-là à l'Hôtel
de Guiſe , tant les ordres
qu'on avoit donnez pour cela,
furent bien executez. Ils
admirerent la magnificence
des meubles , & la beauté de
l'Hôtel , & dirent qu'il eſtoit
digne de la grande Princeße qui
l'habitoit. Quoy que cet Hôtel
fut déja vaſte &beau,Mademoifelle
de Guiſe qui eft
toute magnifique , y a fait
beaucoup travailler , & l'on
V
L
\
234 IV. P. du Voyage
fçait que de tout temps , on a
parlé de la ſumptuoſité des
meubles de la Maiſon de
Guife , & de fes richesTapif
feries . Les Ambaſſadeurs , apres
avoir vû toutes ces chofes
, furent conduits dans le
lieu où ſe devoitfaire le Con
cert. Il n'eſtoit compofé que
de la Muſique de cette Princeffe
, qui foûtienten tout la
gradeur de fa naiſſance,& qui
la marque par des chofes que
beaucoup de Souverains ne
font pas. Les Ambaffadeurs
témoignerent pluſieurs fois à
Mademoiselle de Guiſe pens
des Amb de Siam. 235
dant le Concert , le plaifir
qu'ils y prenoient , & fortirent
charmez des honneſtetés
de cette Princeffe , & de
tout ce qu'ils avoient vû &
entendu.
le même jour à l'Hôtel de
232 IV. P. duVoyage
Guiſe , on voulut d'abord
leur faire entendre un fort
beau Concert. Ils demanderent
fi Mademoiſelle de Guiſe
eſtoit dans l'Hôtel , &comme
on leur eût répondu que
oiy , ils répondirent qu'ils
n'entendroient & ne verroient
rien , qu'ils n'euſſent eu l'hon
neur de la faluer , ils furent
conduits dans l'Appartement
de cette Princefle , à laquelle
ils marquerent dans le complimentqu'ils
luy firent qu'ils
auroient crû commettre une grande
faute , s'ils estoient entrez
dans cet Hôtel,fans luyrendre
desAmb. deSiam. 233
ce qu'ils devoient à une perſonne
de sa naiſſance. Ils vifiterent
tous les Appartements fans
eftre incommodés par la foule
qui fe trouva ce jour-là à l'Hôtel
de Guiſe , tant les ordres
qu'on avoit donnez pour cela,
furent bien executez. Ils
admirerent la magnificence
des meubles , & la beauté de
l'Hôtel , & dirent qu'il eſtoit
digne de la grande Princeße qui
l'habitoit. Quoy que cet Hôtel
fut déja vaſte &beau,Mademoifelle
de Guiſe qui eft
toute magnifique , y a fait
beaucoup travailler , & l'on
V
L
\
234 IV. P. du Voyage
fçait que de tout temps , on a
parlé de la ſumptuoſité des
meubles de la Maiſon de
Guife , & de fes richesTapif
feries . Les Ambaſſadeurs , apres
avoir vû toutes ces chofes
, furent conduits dans le
lieu où ſe devoitfaire le Con
cert. Il n'eſtoit compofé que
de la Muſique de cette Princeffe
, qui foûtienten tout la
gradeur de fa naiſſance,& qui
la marque par des chofes que
beaucoup de Souverains ne
font pas. Les Ambaffadeurs
témoignerent pluſieurs fois à
Mademoiselle de Guiſe pens
des Amb de Siam. 235
dant le Concert , le plaifir
qu'ils y prenoient , & fortirent
charmez des honneſtetés
de cette Princeffe , & de
tout ce qu'ils avoient vû &
entendu.
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Résumé : Ils vont à l'Hôtel de Guise, où ils sont regalez d'un fort beau concert. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam visitèrent l'Hôtel de Guise, où ils demandèrent à rencontrer Mademoiselle de Guise avant d'assister à un concert. Ils exprimèrent leur respect et admiration pour sa naissance. Ils visitèrent ensuite les appartements sans être gênés par la foule, grâce à des ordres bien exécutés. Ils admirèrent la magnificence des meubles et la beauté de l'hôtel, le jugeant digne de la princesse. Mademoiselle de Guise, connue pour sa magnificence, avait entrepris des travaux pour embellir l'hôtel déjà vaste et beau. Les ambassadeurs assistèrent à un concert composé de la musique de la princesse, qu'ils apprécièrent grandement. Ils témoignèrent à plusieurs reprises leur plaisir et sortirent charmés par les honnêtetés de la princesse et par tout ce qu'ils avaient vu et entendu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 263-282
« De Paris le 18. Juin. LE 18. JUIN, Mlle de [...] »
Début :
De Paris le 18. Juin. LE 18. JUIN, Mlle de [...]
Mots clefs :
Roi, Duc, Lieutenant, Abbaye, Extraordinaire, Marquis, Audience, Évêque, Échevins, Duc de Lorraine, Famille royale, Parlement, Fête, Princesse, Paris, Versailles, Madrid, Londres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « De Paris le 18. Juin. LE 18. JUIN, Mlle de [...] »
DeParule
LE18. ju1N,Mlle de
Rohan, fille de Mr leOuc
de RohanChabot,&c de
Me la Duchesse de Rohan,
a épousé Mr le Prince de
Bergh.
De Versailles le10.Juin.
LE20.JUIN,011areçu
des Lettres de Bayonequi
portoient qu'un Vaisseau
venant de S. Jean deLuz y
avoit amené une Fluste
Hollandoise venant de Surinam,
chargée de Sucre,
d'Indigo
,
de Cacao, &
d'autres Marchandises,estiméescentmille
Ecus. Í:
DeParislezq.Juin. ./*i
LE24. JUIN,Monsieur
le Cardinal de Noailles
a esté reçu Doyen
d'Honneur de laFaculté
de Droit de cette Université.
De Madridlez^.Juin.
- LE 16. de ce moisleRoy
d'Espagne ayant détaché
Mr leComte de Mahony
,
Lieutenant General; Don
Pedro Ronquillo
,
Maréchal
de Camp,& Mr le
Comte de Montemar, Brigadier
,
les deux premiers
ie font emparez de Cervera&
deTorra
3
& le dernier
a enlevé aux Ennemis
un Convoy de grains & de
farine.
DeParis le 3o.Juin.
LE30. JUIN,Mrl'Archevesque
d'Alby
,
sut
reçu à l'Académie Francoise
à la place de feu Mr
l'Evesque de Nismes.
Il est de la Maison de
Nesmond
, & il estoit
Evesque de Montauban
quand il fut nommé à rAr,
chevesché d'Alby. -
De Madrid leiyJuillet,
LE 6.JUILLY-T,Mr10
Baron de Huart,commandant
un Détachement de
l'armée duRoy d'Espagne,
s'est empare de la villede
Naval, poste important
dans le Comté de Ribagorça.
Il a rompu ensuite aux
Ennemis, lePont de Medianos
qui leur servoit de
communication., LA NUIT DU y.AU 8.
JUILLET, Don Juan de
Montenegro a pris par eC
calade laville deMiranda
de Duero sur les Portugais.
C'est une grandeVille qui
a de bonnes Tours
3
& une
Citadelle. Les Habitants
ont offert cent mille pistoles
pour Ce racheter du
pillage. La prise de cette
pbllairce a donné lieu d'estales
contributions dans
une bonne partie du Portugal.
De Parjis le., z6- .Juillet.
LE JUILLET,le
Roy a fait Lieutenant General
de ses Armées,Mr
de Brindelet,Colonel Suisse.
Il s'est distingué au siege
de Doüay.
Josse, Sieur de Brinde.
let, aesté Lieutenant-Colonel
du Regiment Suisse
deStouppe en 1692. Il en
fut fait Colonel en 1701.à
la mort de Mr de Stouppe,
Lieutenant-General; ilfut
fait Brigadieren IJQZ. &
Maréchal de Camp en
1709.
JDee PPaariislee28S..Juil1le! t.
LE 18. JUILLET,
Mrc Jean le Camus, Maistre
des Requestes de l'Hostel,
& Lieutenant Civil,
est mort âgé de 74. ans.
De Versailles le 6. AOtfl.
LE6.AOUST,Mr Alamanno
Salviati
)
Nonce
Extraordinaire du Pape ,
eutson Audiance de Congé-
-
De Londres le 7. Aoujl.
LE 6. AOUST
,
Mr
Creffer nommé pour aller
en qualité d'Envoyéd'Angleterre
à la Cour d'Ha:-
novre, est mort d'Apoplexie.
Il estoit allé à Kensington
pour prendre congé
de la Reine Anne.
- De Paris le 9. Aotifl.
:' «LE 9. AOUST
)
Mr le
Duc d'Harcourt fut reçu
Tair de France. ; au Parlement,
avec les ceremonies
accoustumées.
DeVersailles le ii. Aoust.
LE 12. AOUST,Mrle
Marquis de Lamberti Envoyé
Extraordinaire de
Monsieur le Duc de Lorraine,
a eu sa premicre Audiance
publique du Roy,
& des Princes & Princesses
de la Famille Royale, qu'il
complimenta sur le Mariage
de Monseigneur le
Duc de Berry. Ilestoit accompagnéde
Mr de Barrois,
aussi Envoyé Extraordinaire
de Monsieur le
Duc de Lorraine.
De Versailles ie13.Aomll.
LE13. A ousT ,les
Députez des Estats de Languedoc
ont eu Audiance
du Roy. Ils furent prerentez
parMr.leDuc du Maine
Gouverneur de la Province,
& par Mr le Marquis
delaVrilliere, Secretaire
d'Estat, & conduits
par Mr des Granges, Maistre
des Ceremonies.
Les Députez estoient
Mr l'Evesque de Montauban,
qui porta la parole
; Mr le Vicomte de Polignac
;Mr de Bonnesons,
Lieutenant du Maire de
Lodeve; Mr de Vermale,
Maire de Joyeuse ; Mr
Joubert, Syndic de la Province,&
Mr Pennautier,
Treibner.
De Pans le15.Aoufl.
1:.
;, LE 15.AOUST
,
Feste
de l'Assomption de laVierge,
on a fait la Procession
de rEglifc Metropolitaine.
Les Compagnies Superieures)
Mr le Prevost des
Marchands, les Echevins
& le Corps de Villes'y
trouvèrent.
L'élection de deux nouveaux
Echevins a este faite
le lendemain.
MrBignonaesté continué
Prevost des Marchands.
Mr Hazon, Quartinier
Et Mr Brillon,Avocat
en Parlement, ont esté élûs
Echevins.
DeVersaillesle 17.AOufl
LE 17, AOUST, le Roy
a donné l'Abbaye du Maf-
Garnier à Mr l'Evesque de
Soissons.
LE 17. AOUST,le Roy
a donné l'Abbaye de Montier
S.Jean à Mr l'Abbé de
Maulevrier ,Aumosnier
deSaMajesté.
LE 17. AOUST,le Roy
a donné l'Abbaye deChalivoy
àMr l'Abbé de Goazanvot,
Chapelain de Sa
Majesté.
LE 17. AOUST,se Roy
a donné l'Abbaye de Bertancourt
à Mede Mouchy,
Religieuse de la mesme
Abbaye.
Dans la précédente pro..
motion, le Roy donna
l'Abbaye de S. Éusebe à
Mr l'Abbé Despinouze,
Député de l'Assemblée du
Clergé.
De Verfailles le 18\Aouft<
LE18. AOUST, les
nouveaux Echevins ont
presté ferment entre les
mains du Roy. Le Scrutin
estoit porté par Mr de
Fourqueux,Conseiller au
Parlement. Ils ont salué
ensuite les Princes & les
Princesses de la Famille
Royale, 1
De Verfaillesle 19.4cujl.
,. r
7 LE 19. A 0UST j
Mr
Agostino Cusani
,
Nonce
ordinaire du Pape, a eu
Audiance particuliere du
Roy.
LE 19. AOUST
J
Mr le
Marquis deLamberty,En-.
voyé Extraordinaire de
Monsieur le Duc de Lorraine
a eu son Audiance
de Congé du Roy, & des
Princes ôc Princesses de la
Famille Royale.
LE 19. AOUST
,
Mr le
Comte de Bardy, Envoyé
Extraordinaire du Grand
Duc de Toscane a eu Audtiance
particuliereduRoy. v** De Paris le10. ^oujï.. t" '* w,,'.r"' f f-
LE 20. AouST }Ylr.
Charles Bernardin Gigault,
Marquis de Belsons,
est mort agé de 2 5.
ans. Il étoit Mestre de
CCaamvapledri'eu,n Regiment de
ôc Gouverneur
du Chasteau de Vincennes.
Ce Gouvernement aété
donné a Mr. le Marquis du
Chastelet, à la Charge d'une
Pension de 4000. Livres
pendant 10. ans pour
le fils de Mr. de Bessons.
Le Roy s'efl reservé la nomination
à la Lieutenance
de Roy, qui apartenoit cydevant
au Gouverneur.
LePere de Mr. du Chastelet
a été Grand Marechal
de Loraine.
De Paris le 25. Aoust.
LE 25. AOUST. MEK
sieurs de l'Academie Françoise
ont célébré la Feste
de S. Loüis dans l'Eglise
de S. Thomas du Louvre.
La Messea été celebrée
par Mr. l'ancien Evesque
d'Avranches, & le Panégyrique
duSaint a été prononcé
par Mr l'Abbe du
Buisson.
LE z5. AOUST
,
Meslieurs
del'AcademieRoyale
des Sciences
, Se Messieursdel'AcademieRoyale
des Médaillés Se Inscriptions,
ont celebré la Feste
de S. Loüis dans l'Eglise
desPrêtres del'Oratoire.
, Le Panegyrique du S.
a été prononcépar le Pefc
Poisson Cordelier.
LE18. ju1N,Mlle de
Rohan, fille de Mr leOuc
de RohanChabot,&c de
Me la Duchesse de Rohan,
a épousé Mr le Prince de
Bergh.
De Versailles le10.Juin.
LE20.JUIN,011areçu
des Lettres de Bayonequi
portoient qu'un Vaisseau
venant de S. Jean deLuz y
avoit amené une Fluste
Hollandoise venant de Surinam,
chargée de Sucre,
d'Indigo
,
de Cacao, &
d'autres Marchandises,estiméescentmille
Ecus. Í:
DeParislezq.Juin. ./*i
LE24. JUIN,Monsieur
le Cardinal de Noailles
a esté reçu Doyen
d'Honneur de laFaculté
de Droit de cette Université.
De Madridlez^.Juin.
- LE 16. de ce moisleRoy
d'Espagne ayant détaché
Mr leComte de Mahony
,
Lieutenant General; Don
Pedro Ronquillo
,
Maréchal
de Camp,& Mr le
Comte de Montemar, Brigadier
,
les deux premiers
ie font emparez de Cervera&
deTorra
3
& le dernier
a enlevé aux Ennemis
un Convoy de grains & de
farine.
DeParis le 3o.Juin.
LE30. JUIN,Mrl'Archevesque
d'Alby
,
sut
reçu à l'Académie Francoise
à la place de feu Mr
l'Evesque de Nismes.
Il est de la Maison de
Nesmond
, & il estoit
Evesque de Montauban
quand il fut nommé à rAr,
chevesché d'Alby. -
De Madrid leiyJuillet,
LE 6.JUILLY-T,Mr10
Baron de Huart,commandant
un Détachement de
l'armée duRoy d'Espagne,
s'est empare de la villede
Naval, poste important
dans le Comté de Ribagorça.
Il a rompu ensuite aux
Ennemis, lePont de Medianos
qui leur servoit de
communication., LA NUIT DU y.AU 8.
JUILLET, Don Juan de
Montenegro a pris par eC
calade laville deMiranda
de Duero sur les Portugais.
C'est une grandeVille qui
a de bonnes Tours
3
& une
Citadelle. Les Habitants
ont offert cent mille pistoles
pour Ce racheter du
pillage. La prise de cette
pbllairce a donné lieu d'estales
contributions dans
une bonne partie du Portugal.
De Parjis le., z6- .Juillet.
LE JUILLET,le
Roy a fait Lieutenant General
de ses Armées,Mr
de Brindelet,Colonel Suisse.
Il s'est distingué au siege
de Doüay.
Josse, Sieur de Brinde.
let, aesté Lieutenant-Colonel
du Regiment Suisse
deStouppe en 1692. Il en
fut fait Colonel en 1701.à
la mort de Mr de Stouppe,
Lieutenant-General; ilfut
fait Brigadieren IJQZ. &
Maréchal de Camp en
1709.
JDee PPaariislee28S..Juil1le! t.
LE 18. JUILLET,
Mrc Jean le Camus, Maistre
des Requestes de l'Hostel,
& Lieutenant Civil,
est mort âgé de 74. ans.
De Versailles le 6. AOtfl.
LE6.AOUST,Mr Alamanno
Salviati
)
Nonce
Extraordinaire du Pape ,
eutson Audiance de Congé-
-
De Londres le 7. Aoujl.
LE 6. AOUST
,
Mr
Creffer nommé pour aller
en qualité d'Envoyéd'Angleterre
à la Cour d'Ha:-
novre, est mort d'Apoplexie.
Il estoit allé à Kensington
pour prendre congé
de la Reine Anne.
- De Paris le 9. Aotifl.
:' «LE 9. AOUST
)
Mr le
Duc d'Harcourt fut reçu
Tair de France. ; au Parlement,
avec les ceremonies
accoustumées.
DeVersailles le ii. Aoust.
LE 12. AOUST,Mrle
Marquis de Lamberti Envoyé
Extraordinaire de
Monsieur le Duc de Lorraine,
a eu sa premicre Audiance
publique du Roy,
& des Princes & Princesses
de la Famille Royale, qu'il
complimenta sur le Mariage
de Monseigneur le
Duc de Berry. Ilestoit accompagnéde
Mr de Barrois,
aussi Envoyé Extraordinaire
de Monsieur le
Duc de Lorraine.
De Versailles ie13.Aomll.
LE13. A ousT ,les
Députez des Estats de Languedoc
ont eu Audiance
du Roy. Ils furent prerentez
parMr.leDuc du Maine
Gouverneur de la Province,
& par Mr le Marquis
delaVrilliere, Secretaire
d'Estat, & conduits
par Mr des Granges, Maistre
des Ceremonies.
Les Députez estoient
Mr l'Evesque de Montauban,
qui porta la parole
; Mr le Vicomte de Polignac
;Mr de Bonnesons,
Lieutenant du Maire de
Lodeve; Mr de Vermale,
Maire de Joyeuse ; Mr
Joubert, Syndic de la Province,&
Mr Pennautier,
Treibner.
De Pans le15.Aoufl.
1:.
;, LE 15.AOUST
,
Feste
de l'Assomption de laVierge,
on a fait la Procession
de rEglifc Metropolitaine.
Les Compagnies Superieures)
Mr le Prevost des
Marchands, les Echevins
& le Corps de Villes'y
trouvèrent.
L'élection de deux nouveaux
Echevins a este faite
le lendemain.
MrBignonaesté continué
Prevost des Marchands.
Mr Hazon, Quartinier
Et Mr Brillon,Avocat
en Parlement, ont esté élûs
Echevins.
DeVersaillesle 17.AOufl
LE 17, AOUST, le Roy
a donné l'Abbaye du Maf-
Garnier à Mr l'Evesque de
Soissons.
LE 17. AOUST,le Roy
a donné l'Abbaye de Montier
S.Jean à Mr l'Abbé de
Maulevrier ,Aumosnier
deSaMajesté.
LE 17. AOUST,le Roy
a donné l'Abbaye deChalivoy
àMr l'Abbé de Goazanvot,
Chapelain de Sa
Majesté.
LE 17. AOUST,se Roy
a donné l'Abbaye de Bertancourt
à Mede Mouchy,
Religieuse de la mesme
Abbaye.
Dans la précédente pro..
motion, le Roy donna
l'Abbaye de S. Éusebe à
Mr l'Abbé Despinouze,
Député de l'Assemblée du
Clergé.
De Verfailles le 18\Aouft<
LE18. AOUST, les
nouveaux Echevins ont
presté ferment entre les
mains du Roy. Le Scrutin
estoit porté par Mr de
Fourqueux,Conseiller au
Parlement. Ils ont salué
ensuite les Princes & les
Princesses de la Famille
Royale, 1
De Verfaillesle 19.4cujl.
,. r
7 LE 19. A 0UST j
Mr
Agostino Cusani
,
Nonce
ordinaire du Pape, a eu
Audiance particuliere du
Roy.
LE 19. AOUST
J
Mr le
Marquis deLamberty,En-.
voyé Extraordinaire de
Monsieur le Duc de Lorraine
a eu son Audiance
de Congé du Roy, & des
Princes ôc Princesses de la
Famille Royale.
LE 19. AOUST
,
Mr le
Comte de Bardy, Envoyé
Extraordinaire du Grand
Duc de Toscane a eu Audtiance
particuliereduRoy. v** De Paris le10. ^oujï.. t" '* w,,'.r"' f f-
LE 20. AouST }Ylr.
Charles Bernardin Gigault,
Marquis de Belsons,
est mort agé de 2 5.
ans. Il étoit Mestre de
CCaamvapledri'eu,n Regiment de
ôc Gouverneur
du Chasteau de Vincennes.
Ce Gouvernement aété
donné a Mr. le Marquis du
Chastelet, à la Charge d'une
Pension de 4000. Livres
pendant 10. ans pour
le fils de Mr. de Bessons.
Le Roy s'efl reservé la nomination
à la Lieutenance
de Roy, qui apartenoit cydevant
au Gouverneur.
LePere de Mr. du Chastelet
a été Grand Marechal
de Loraine.
De Paris le 25. Aoust.
LE 25. AOUST. MEK
sieurs de l'Academie Françoise
ont célébré la Feste
de S. Loüis dans l'Eglise
de S. Thomas du Louvre.
La Messea été celebrée
par Mr. l'ancien Evesque
d'Avranches, & le Panégyrique
duSaint a été prononcé
par Mr l'Abbe du
Buisson.
LE z5. AOUST
,
Meslieurs
del'AcademieRoyale
des Sciences
, Se Messieursdel'AcademieRoyale
des Médaillés Se Inscriptions,
ont celebré la Feste
de S. Loüis dans l'Eglise
desPrêtres del'Oratoire.
, Le Panegyrique du S.
a été prononcépar le Pefc
Poisson Cordelier.
Fermer
Résumé : « De Paris le 18. Juin. LE 18. JUIN, Mlle de [...] »
Le document relate divers événements survenus entre juin et août. Le 18 juin, Mlle de Rohan a épousé le Prince de Bergh. Le 20 juin, des lettres de Bayonne ont annoncé l'arrivée d'une flûte hollandaise chargée de sucre, d'indigo, de cacao et d'autres marchandises, estimées à cent mille écus. Le 24 juin, le Cardinal de Noailles a été reçu Doyen d'Honneur de la Faculté de Droit de l'Université de Paris. En Espagne, le 16 juin, le roi a envoyé des officiers prendre des villes et des convois. Le 30 juin, l'Archevêque d'Alby a été reçu à l'Académie Française. Le 6 juillet, le Baron de Huart a pris la ville de Naval. La nuit du 7 au 8 juillet, Don Juan de Montenegro a pris la ville de Miranda de Duero. Le 26 juillet, le roi a nommé Monsieur de Brindelet Lieutenant Général de ses Armées. Le 18 juillet, Jean le Camus, Maître des Requestes, est décédé à l'âge de 74 ans. Le 6 août, Alamanno Salviati, Nonce Extraordinaire du Pape, a eu son audience de congé. Le même jour, Creffer, nommé Envoyé en Angleterre, est mort d'apoplexie. Le 9 août, le Duc d'Harcourt a été reçu Pair de France. Le 12 août, le Marquis de Lamberti, Envoyé Extraordinaire du Duc de Lorraine, a eu sa première audience publique. Le 13 août, les députés des États de Languedoc ont été reçus par le roi. Le 15 août, une procession a eu lieu pour la fête de l'Assomption de la Vierge. Le 17 août, le roi a attribué plusieurs abbayes à divers ecclésiastiques. Le 18 août, les nouveaux échevins ont prêté serment. Le 19 août, Agostino Cusani, Nonce ordinaire du Pape, et le Marquis de Lamberti ont eu leurs audiences de congé. Le 20 août, Charles Bernardin Gigault, Marquis de Bessons, est décédé. Le 25 août, les académies française, des sciences et des médailles et inscriptions ont célébré la fête de Saint Louis.
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8
p. 216-270
Avanture nouvelle. / Les Bohemiennes.
Début :
Cette Avanture est du mois de Novembre dernier, & tirée [...]
Mots clefs :
Diable, Génies, Cave, Paris, Fortune, Écus, Esprit, Succession, Bohémiennes, Lettre, Main, Bélise, Bohémienne, Princesse, Parente, Amie, Bourgeoise, Bourgeoises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avanture nouvelle. / Les Bohemiennes.
Avanture no*uvelle.
Cette Avanture est du
- mois de Novembre dernier,
& tirée des Informations
d'un Procez
qu'on instruit à presents
je n'y mets rien du mien
que le tour des conversations
: je vous les rapporterois
mot à mot, si
j'y avois esté present
&quej'eussede la , memoire,
tant j'aime à estre
exact
,
dans les faits
que
que je donne pour veritables.
Les Bohemiennes. Vous-avez vû dans
le Discours des Presages
que plusieurs grands
Hommes de l'Antiquité
ajoustoient foy aux Di-,
seurs de bonne Avantuce
Grecs & Romains >
:el grand Capitaine qui
affronte avec intrépidité
les perilsréels, craindroit
peut-estre les perilsimaginaires
qu'une
Bohemienne verroit
dans sa main
,
& par
consequent espereroit
les bonnes fortunes qu'-
elle luy promettroit :
pardonnez - donc cette
foiblesse àune femme
dont je vais vous parler,
qui a un bon esprit, &
qui est tres - estimable
d'ailleurs.C'est une riche
Bourgeoise que je
nommeray Belise, &
qui est d'autant plus excusable
que la fourberie
qu'on luy a faiteest une
des moins grossieres en
ce genre-là. La Bohemienne
qui l'a filoutée,
& qui est presentement
au Chastelet, a de l'esprit
comme un Demon,
la langue bien penduë,
le babil, & l'accent Bohemien
tenant du Gas
con, langage propre à
raconter le merveilleux,
:.& à faire croire l'incroyable.
f Cette Bohemienne
sçachant que Belise alloitsouventchez
une
amie, la guette un jour,
&passe comme par hazard
auprésd-ellela
regarde à plusieurs reprises,
s'arreste, reèuletrois
pas & fait un cri
d'estonnement,&de
joye.Est-cequevousme
çonnoissez, luy dit BcJi4
se, en s'arrestant auai;
si je vous connois, répond
la Bohemienne,
dans son jargon: oliy
,
ma bonne Dame, oüy
, Se non, peut-estre &c
sans doute,je vous connois,&
si je ne vous connois
pas; mais je fuis
sure que vous ferez heureuse
de me connoistre.
Je vois bien, luy dit Belife
avec bonté, que
vous avez envie de gagner
la piece
, en me disant
ma bonne Avanture
; je n'y crois point,
mais ne laissez pas de me
la dire. Belise la fit entrer
avec elle chez son
amie, & les voilà toutes
trois à causer. Belise luy
presenta sa main
,
& la
Bohemienne,en l'observant,
feignoitd'estre de
plus en plus surprise&
rejoüie d'avoir rencontré,
disoit-elle, une personne
qu'elle cherchoit
depuis plusieursannées.
Elle devina par les régles
de son Art,plusieurs
singularitez dontelles'éstoit
fait instruire par
une Servante qui avoit
servi Belise:mais ce
qu'elle voyoit de plus
leur dans cette main
c'estoit, disoit-elle, , une
fortune subite & prochaine
; une fortune;
s'écria Belise > oüy
,
répondit
la Bohemienne,
&fortune bonne, bonne
fortune, fortune de richesses'entend,
& non
d'amour, car je vois
dans vostre main que
, vous ellesfage& fidele
à vostre mary qui pis7
est pour vos amants;
certes je voisbiendes
mains à Paris, mais j'en
nvoi.sp.e'uecomme la-vo- Par les circonstances
surprenantes qu'elle paroissoit
deviner,elle disposa
Belife à donner avec
confiance dans le
piege qu'elleluy tm-, doit.Aprés avoir persuadé
à nos Bourgeoises
qu'elle avoit des liaisons
tres - particulières avec
les Demons & les Génies,
elle leur conta Phistoire
d'une Princesse
Orientale qui étoit venu
mourir à Paris il y avoit
cent ans, & leurditque
cette Princesse eftranae-
- L:
reavoit enterre1 un r
tresor
dans une Cave, & qu'-
ensuitevoulant faire son
heritiere une certaine
Bourgeoise de ce tempslà
qu'elle avoit pris en
affection
,
elle avoit esté
surprise de mort subite
avant que d'avoir pû instruire
la Bourgeoise du
tresor caché; c'estceque
je sçaispar la Princesse
mesme,continualaBohemienne
:car quoyque
morte il y a cent ans „ elle est fort de mes amies,&
voicycomment.
Vous devez sçavoir,car
il est vray que nulle personne
de l'autre monde
ne peut parler ànulle de
celuy-cyque par l'entreluire
des Genies: or
est-il que le mien est amy
de celuy de la Princesse;
bref, je l'ayvûë tant de
fois que rien plus: &
je me fuis chargé de
luy chercher dans Paris
quelque femme qui soit
de la famille de la défunte
Bourgeoise
, que
la défunte Princesse vouloitfaire
son heritieredu
tresor caché,& je suis
bien trompé si vous n'estes
une de ces parentes;
que je cherche avec empressement;
A ce récit extravagant
l'amierioit de tout son
coeur, mais Belise ne
rioit que pour faire l'esprit
fort,carle desir d'estre
heritiere augmentoit
sa credulité. Il faut
estrefolle, dit-elle, pour
s'aller imaginer que je
sois parente de cette heritiere
; pas si folle mabonneDame,
pas si folle,
car je levoudrois detout
moncoeur ,
& je l'ay
soupçonné d'abord à
certain airdefamille qui
m'a frappé dans vostre
visage,car la Princesse
m'afaitvoir en songe
l'air de famille de l' heritiere
afin que je reconnoisse
à la phisionomie
quelqu'une de ses parentes.
Mais5 reprit Belise
5
comment sçavoir si jesuisparentede
cette
héritière qui vivoit il y
a cent ans. Oh dans Paris,
reprit la Bohemienne,
on est parent de plus
de gens qu'on ne pense,
car depuis le tems qu'on
s'y marie, & qu'on ne
nez-vous combien d'alliances
; toutes les Bourgeoises
de Paris sont
cousines, vous dis-je, il
n'y a que la difference
du degré, & si vous estes
cousine de l'heritiere
feulement au septantiéme
degré, j'ay tant de
credit sur la Princesse
que je vous fais heriter
de son tresor. C'a je
fuis impatiente d'affection
pour vous de sçavoir
si vous estes vrayement
la parente qu'ilme
faut.
,
Je vais l'éprouver
en un clein d'oeüil. Mais
si j estoisaussi parente, dit l'amie > la Bohémienne
n'y trouva point
d'apparence, mais fut
ravie pourtant de faire
l' épreuve double pour
mieuxjouer fbn jeu. A
l'instantelle demanda
deux grands verres de
cristal qu onalla chercher&
remplir d'eau
claire. Elle les mit sur
deux tables éloignées
l'unede l'autre
,
& dit
aux Bourgeoises de fermer
un oeil, .&" de regarder
attentivementavec
l'autre. Les voilà
donc observantchacune
leur verre d eau.Regardez-
bien
,
dez-bien, leur crioit la
fausse Magicienne, car
celle qui effc parente de
l'heritiere
,
doit voir
dans son verre un échantillon
du tresor dont elle
doit heriter, &C l'autre y
verra le Diable,c est-àdire,
rien. Il faut vous
dire - icy que la Bohe--
mienne avoit mis dans
chaque verre unepetite
racine, leur disant que
c estoit la racine d'enchantement
,
qui attiroit
les Genies, Se l'une
de ces racines estoit appresséeavec
unecomposition
chimique qui détrempée
par l'eau devoit
par une espece de fermentation
, former des
bubes d'air & force petits
brillants de differentes
couleurs avec de petites
pailletésdorées
y
ç'en est plus qu'il ne
faut pour faire, voir à
une femme prévenue ,
tout ce que son imagination
luy represente.
Belifecftoit si agitée
par le desir du tresor,
Se par la crainte de
ne rien voir,que la première
petite bubed'air
qui parut dans le verre,
elle criaquelle voyoit
quantité de perles. Noijre
rusée acheva de luy
tourner la teste en se réjoüissant
d'avoir deviné
juste. Vous en allez bienvoir
d'autres,s'écriat-
elle ;regardez;(bien.En*
estet
,
la fermentation
augmente ,
&C chaque
fois qu'on luy dit, voyezvous
cecy, voyez-vous
cela, Belise répond toujours
,
oüy
,
oiiy ; car
transportée,ébloüie,
troublée
,
elle vit enfin
tant de belles choses, que
charmée&convaincuë,
elle allasautes aucolde
celle qui .la.-fai[ait si-dri-,
chev^>li .VJiL'
L'autreBourgeoiseestoit
muette 'èc :bi(tll.fdt:a
chée de n'avoir vu que
de l'eau claire: mais Be--
lise croyant déjà tenir
des millions, luy promit
de l'enrichir & de
recompenser sa bienfaitrice
qui luy jura, foy
de Bohémienne, qu'elle
pollederoit ce tresor dans
- deux jours,maisqu'il y
avoitpourtant de grandesdiffcultezàvaincre:
car,dit-elle
y
le Diable ,
quiest.gardien - de tous
les tresors enterrez
?
en
doit prendre possession
au bout de cent années .à
c'estla regle des tresors
cachez, mais par bonheur
il n'y a que quatrevingts
dix-huit ans que
la Princesse a enterré le
lien, je crains pourtant
que le Diable ne nous
dispute la date, enragé
contre vous de ce qu'à
deux ans prés vous luy
enlevez des richesses qui
luy auraientserviàdamner
trente avaricieux
mais voyons encore voestre
main
,
je me trompe
fort si ce mesme Diable
la ne vous a déjàlutine.
justement, dit Belise
,. car cet Esté à la
campagne il revenoitun
esprit dans ma chambre.
Il faut estre Sorciere
pour avoir deviné cela.
La Sorciere sçavoit, en
effet, que la Servante
s'ennuyant de ne point
voir son Amant, s'estoit
avisée de lutiner la nuit
là Maistresse pour l'obliger
à revenir à Paris.
C'a menez-moy chez
vous, dit la Bohémienne
en regardant l'eau
du verre, car je remarque
icy que ce treior est
dans la cave de la maison
mefrne où vous demeurez
,
& je voisqu'il
consiste en deux cailles
dont l'une cil: pleine de
vieux Ducats, & l'autre
de Pierreries.
Belise ravie de ravoir
voir déja sa succession
dans sa cave, emmena
chez elle son amie & la
Bohémienne, qui l'avertit,
cheminfaisant, que
pour adoucir la férocité
.de l'esprit malin
,
elle
alloit faire des conjurations
,
des fumigations,
& qu'il falloit amorcer
d'abord le Diable par
une petite effusion d'or.
Avez-vous de l'or chez
vous, continua-t-elle ;
j'ay cinq Loüis d'or, repondit
Belise, fort bien,
reprit l'autre: mais je ne
veux toucher de vous
ni or ny argent que je
n'en aye rempli vos coffres.
Vous mettrez vousmesme
l'or dans le creuset
au fond de la cave,
& vous le verrez fondre
à vos yeux par un
feu infernal qui lortira
des entrailles de la terre
en vertu de certaine paroles
ignées que je prononceray.
Je veux que
vous soyez témoin de
cesmerveilles qui vous
prouverons mon pouvoir&
le droit quevous
avez déjà sur la succession.
Avec de pareils dis
cours ils arrivèrent enfin
chez Belise
,
où le
reste de la fourberie eC.
roit preparee, comme
vous l'allez voir. Les caves
en question estoient
comme on en voit encore
à Paris, pratiquées
dans des souterrains antiques,
en forte qu'elles
n'estoient separées de
plusieurs autres caves
que par un vieux mur,
caves fort propres à exercer
l'art des Magiciens
,
& des Marchands
de Vin. L'ancienne
Servante,au tems
qu'elle apparuten Lutin
à sa Maistresse, avoit fait
dans ce vieux mur une
petite ouverture à l'occasion
de ses amours ;
elle disposoit d'une de
ces caves voisînes.C'est
par son moyenque nôtre
Magicienne avoit composé
un spectre ressemblant
à peu prés à celuy
quiestoit apparu àBelise
à sa campagne. Elle joignit
à cela un appareil
affreux dontvous verrez
l'effet dans un moment.
Belisearrivée chez elle,
alla prendre dans son
tiroir les cinq Loüisd'or
pour faire fondre au feu
infernal.On la conduit
dans ses caves; un friC.
son la prend en entrant
dans la premiere. Ily en
avoit encore une autre a..
traverser quand elle vit
au fond de la troisiéme
une -
lueur qui luy fit;
appercevoir ce fpeétrel
de sa connoissânce
,
qui
sembloit [orrir de terre.
Elle ne fitqu'uncriqui
futsuivid'un évanouissement.
Aussi-tost la Magicienne
& ia compagne
la reporterent dans
là chambre,&dés qu'on
l'eust fait revenir à elle
,
ion premier mouvement
fut d'estre charméed'avoir
vû ce qui
l'assuroit de la realité du
tresor. Elle donna les
Louis d'or pour aller,
achever la ceremonie
dans la cave, &quelque
temps après on luy vint
rendre compte du bon
effet de l'or fondu ,cir
le demon dutresor avoit
promis de letrouver la
nuit suivante au rendezvous
quon luy avoit
donné de la part de la
Princesse, pour convenir
à l'amiable du droit
de celle qui en devoit
heriter. C'est ainsi que la
Bohémienne gagnacent
francs pour sa premiere
journée, & laissa l'heritiere
fort impatiente du
Succès qu'auroit pour
elle la conférence nocturne
du Demon&de la
Princesse
Le lendemain la Bohémienne
encurée vint
trouver Belife
,
& feignant
d'estre transportée
de joye luy dit, en
l'embralïant que la Princesses'estoit
rendue chez
elle dans une petite
chambre quelle luy avoit
fait tapisserde blanc,
& que le Diable y estoit
venu malgré luy. Je l'ay
bien contraint d'yvenir,
continua-t-elle dans son
jargon, je leur commande
à baguette àces .pe- titsMessieurs-là; au reste
j'ay dit tant de perfections
de vous à la Princesse,
jqu'ellevousaime
comme [on propre enfant.
Elle vous fait sa
legataire universelle. Le
Diable alleguoit que les
cent ans estoient accomplis,
il vouloit escamoter
parun faux calcul les
deux ans qui luy manquent.
Il a bien disputé
son droit contre nous":
mais tout Diable qu'il
est, il faut qu'il nous
cede en dispute à nous
autres femmes
,
& nous
l'avons fait convenir
qu'en luy donnant sa
paragouante, il renonceroit
à la succession
, & cette paragouante ce
ne sera que mille écus,
encore voulions
- nous
qu'il les prit sur l'argent
du tresor : mais il s'est.
mis en fureur disant
qu'on vouloit le trom-
1
per, & il a raison, car
dés qu'un tresor est déterré)
il n'y a plus de
droit; bref, nous luy avons
promis les mille écus
d'avance;il faut que
vous les trouviezaujourd'huy,
Belise écoutoitavec
plaisir les bontez
de la Princesse,mais
les mil écus luy tenoient
au coeur ; elle y révoit.
Je ne veux point toucher
cet argent, continua
la rusée; vous le
donnerez au Diable en
main propre. Il est enragé1
contre vous, car vous
estes si vertueuse, il voit
de plus que vous l'allez
déshériter
,
s'il vous tenoit,
il vous dechireroit
à belles dents; il faut
pourtant que vous luy
donniez vous-mesme les
mille écus. Ah ! s'écria
Belife, jeneveuxplusle
voir; voyez-le, voyezle
,
continual'autre,en
faisantunpeu lafaschée,
vous croyez peut-estre
que je veux gagner avec
luy sur ces milleécus-là,
c'est son dernier mot ,
voyez-le vous - mesme.
Belife luy protesta quelle
avoit toute confiance
en elle, mais qu'il luy
estoit impossible detrouver
mille écus,& qu'elle
auroit mesme de la peine àmettre ensemble cinq
cent livres, à quoy la
Bohémienne repartit
apres avoir revé un moment
;hé bien vous me
ferez vostre billet du reste,
& je feray le mien
au Diable, & cela je
vous le propose fous son
bon plaisir s'entend, car
il faut que j'aille luy
faire cette nouvelle proposition.
Après ce diC.
cours elle quitta Belise
qui passale reste du jour à ramassercinq cent livres
dans la bourse de
les amies.
Le lendemain la Bo-
.-
hemienne revint luy annoncer
que le jour suivant
elle la mettroit en
possession
,
& que le
marché se pourroit conclure
la nuitprochaine
dans la cave où le Diablegardoit
le tresor ;
que la Princesse devoit
s'y trouver sur le minuit,
& qu'elle vouloit
absolument que l'heritiere
fut presente : mais,
continua - t - elle
, en
voyant déjà pâlir Belise,
ne
ne craignez rien, vous
y ferez & vous n'y ferez
pas, car ce fera mon Genie
qui prendra vostre
ressemblance, & qui paroiftra
à vostre place avec
quatre Genies de ses
amis habillez en femmes
,car la Princessè est
entestée du cérémonial ;
elle veut que quatre ou
cinq Dames venerables
forment la bas un cercle
digne de la recevoir. Il
ne nous manque plus
rien que des habits pour
ce cercle; mais il en faut
trouver, car les Genies
ont bien le pouvoir d'imiter
au naturel des
creatures vivantes, mais
ils ne peuvent imiter ni
le fil, ni la soye, ni la
laine,rien qui soit ourdi, tramé,,t.is"su, ni tricoté,ce
sont les termes du Grimoire,
nous sçavons.
cela nous autres, & je
vous l'apprends, en forte
que pour les habiller
ilfaut des habits,réellement
eftoffez
,
& j'ay
imaginé que vous leur
presteriez les vostres. Ne
craignez point qu'ils les
salissent
: les Genies sont
propres. C'a, COlltinuat-
elle d'un ton badin, il
nous faut aussi quantié
de toiles: vous avenus
doute des. draps, des
nappes}c'estquelaPrincesse
ne peut paroiftrc
que dans unlieu rapiæ
deblanc,vostre CÍ'Te est
noire, elle n'y viendroit
point, & nous manquerions
vostre succession..
A tout ce détail, Belise
topoitde tout son coeur,
penetrée de rcconnoissance
pour sa bienfaictrice.
Après avoir donné
les cinq cens livres& son
bille du reste, elle fait
elle-mesme l'inventaire
deses habits & de son
linge.LaBohemienne ne
Cluive rien de trop beau
pour~ cercle de laPrincesse
,
& mesme elle
l'augmente encore de
deux Genies voyant des
juppes & des coëffures
de reste. A peine laisset-
elle à Belise un jupon
de toile avec sa chemise.
Cette pauvre femme dépouillée
aide elle-melme
à porter ses hardes jusqu'à
la porte dela cave,
& la Bohémienne
en y entrant recommande
à l'heritiere de
bien fermer la porte à
doubletour,depeur
que quelqu'un ne vienne
troubler lecercle. Belise
ne pouvoitavoir aucun
soupçon en enfermant
son bien dans sa
cave, car elle ignoroit la
communication des caves
voisines, par où les
Genies plierent toilette,
ainsi les Bohémiennes
eurent toute la nuit devant
elles pour sortir de
Paris avec leur butin,
& l'heritiere en chemise
fut secoucher en attendant
ses habits & la succession
de la Princesse.
Voicylefragmentd'une
Lettre qui acheve de #
me détailler la fin de
cette ayanture. L .-, e lendemain matin Belise
s'apercevant quelleavoit
etéfiloutéepurlesBohémiennes3envojta
deux hommes après
elles qui lessaisirent à Chantïlliavec
les hardes & 46Ov
livsur quoj les Bohemiennes
ayant estéarrestées & interrogées
elles denierent le fait du
tresor, reconnurent les bardes
pourappartenir à la Darne,
mais elles dirent quellesleur
avoient esté données en nantissement
de 1500. liv. quelles
luyavoientprestéesainsiquil
estoit justifié par la reconnoissance
de la Dame
,
inserée
dans la Lettre qu'elle representoit;
mais comme cette Lettre
écrite à une defunte estoit fort
équivoque
, que d'ailleurs
quand elle eust esté une reconnoissancepure
&simpledela
Dame duprests de 1500.elle
eufi
rust esté nulle parce que la Dame
efloit en puissance de Tlldry.
Voicy motpour mot la copie
de cette Lettre que la Bohémienne
avoit apparemment
diflee à la Dame en luy disant
quelledevaitparpolitejje écrire
a la Princejje.
MADAME,
* N'ayant point l'honneur
d'estre connu devous,
attendu que vous n'estes
plus en vie depuis longtemps
néanmoins la personne
qui vous doit rendre
celle-cy dans la cave, avec
mes respects,vous assurera,
de ma reconnoissance pour
la bonté que vous avez de
me fire vostre heritiere ,
& pour vous témoigner
que je veux satisfaire à vostre
volonté que vostre ame
a dite àla personne qui
vous rendra la presente,
j'ay voulu que vous vissiez
dans ma Lettre comme elle
ma presté la somme de
quinze cens livres,&
que je luy rendray avec
honneur. Jesuisse.
-
£,'$«rce comprendpas que
la Bohemienne ait pus'imaginer
que cette seureté seroit
suffisante pour elle ny que la
Dame,quin'apas voulu apparemmentfaire
un Billetsimple
à laBohemienne sesoitengagée
parune reconnoissance. En un
mot il y a peu de vraysemblance
a tout cela; mais la circonstance
est vraye &sivraye
qu'onn'a pas cru devoir en alterer
la vérité pour la rendre
plus croyable
;
les Jugesde
Chantillyn'ayant nul égard à
cette promesseinserée dans la
Lettre, ne firent point de
difficulté de faire rendre les
bardes au porteur de la procuration
du Mary de la DavIe,
sous le nom duquelelles
furent revendiquées. A l'égard
de l'argents il nefut point
rendu d'autant que les Bohémiennes
ne convinrent point
l'avoirexigé de la Dame
,
mais
pretendircnî: que c' efioit leur
pecule ; qu'Aies mont oient à
d.!?!-" à q;tan lté de personnes
de qualité qui les payaient
grassement
, que mefieelles
avoient receusept Louis d'orneufs
de Mr le Duc deBaviere
pour avoir dansé devant
lui a Cbantilti & àLiencourt.
Aurestecomme les Bohemienne
au nombre de trois a oient
deja esté reprises deJustice, &
qu'elles estoient fletries, l'une
d'une fleur de lis
,
l'autre de
deux & la troisiéme de trois
ce qui les devoitfaire jugerau
Chastelet comme vagabondes,
où elles avaient cleja estécondamnéescommes
telles
,
el/cs y
furentrenvoyées ; ellesyfont,
& on leuryfait actuellement
leur Procez.S'il n'y avoit cjue
lefaitdu tresor, il n'yauroit
pas matiere à condamnation ce
seroit untour de Bohemiennes.
dont il ny auroitqu'à rire,
mais ilaparu depuis un Bouloanntgfeorrçqéuuipnreetend
qu'elles luy
Armoire &y
ontpris1200.livres
, ce qui
estantprouvépourra les conduire
à la potence.
Cette Avanture est du
- mois de Novembre dernier,
& tirée des Informations
d'un Procez
qu'on instruit à presents
je n'y mets rien du mien
que le tour des conversations
: je vous les rapporterois
mot à mot, si
j'y avois esté present
&quej'eussede la , memoire,
tant j'aime à estre
exact
,
dans les faits
que
que je donne pour veritables.
Les Bohemiennes. Vous-avez vû dans
le Discours des Presages
que plusieurs grands
Hommes de l'Antiquité
ajoustoient foy aux Di-,
seurs de bonne Avantuce
Grecs & Romains >
:el grand Capitaine qui
affronte avec intrépidité
les perilsréels, craindroit
peut-estre les perilsimaginaires
qu'une
Bohemienne verroit
dans sa main
,
& par
consequent espereroit
les bonnes fortunes qu'-
elle luy promettroit :
pardonnez - donc cette
foiblesse àune femme
dont je vais vous parler,
qui a un bon esprit, &
qui est tres - estimable
d'ailleurs.C'est une riche
Bourgeoise que je
nommeray Belise, &
qui est d'autant plus excusable
que la fourberie
qu'on luy a faiteest une
des moins grossieres en
ce genre-là. La Bohemienne
qui l'a filoutée,
& qui est presentement
au Chastelet, a de l'esprit
comme un Demon,
la langue bien penduë,
le babil, & l'accent Bohemien
tenant du Gas
con, langage propre à
raconter le merveilleux,
:.& à faire croire l'incroyable.
f Cette Bohemienne
sçachant que Belise alloitsouventchez
une
amie, la guette un jour,
&passe comme par hazard
auprésd-ellela
regarde à plusieurs reprises,
s'arreste, reèuletrois
pas & fait un cri
d'estonnement,&de
joye.Est-cequevousme
çonnoissez, luy dit BcJi4
se, en s'arrestant auai;
si je vous connois, répond
la Bohemienne,
dans son jargon: oliy
,
ma bonne Dame, oüy
, Se non, peut-estre &c
sans doute,je vous connois,&
si je ne vous connois
pas; mais je fuis
sure que vous ferez heureuse
de me connoistre.
Je vois bien, luy dit Belife
avec bonté, que
vous avez envie de gagner
la piece
, en me disant
ma bonne Avanture
; je n'y crois point,
mais ne laissez pas de me
la dire. Belise la fit entrer
avec elle chez son
amie, & les voilà toutes
trois à causer. Belise luy
presenta sa main
,
& la
Bohemienne,en l'observant,
feignoitd'estre de
plus en plus surprise&
rejoüie d'avoir rencontré,
disoit-elle, une personne
qu'elle cherchoit
depuis plusieursannées.
Elle devina par les régles
de son Art,plusieurs
singularitez dontelles'éstoit
fait instruire par
une Servante qui avoit
servi Belise:mais ce
qu'elle voyoit de plus
leur dans cette main
c'estoit, disoit-elle, , une
fortune subite & prochaine
; une fortune;
s'écria Belise > oüy
,
répondit
la Bohemienne,
&fortune bonne, bonne
fortune, fortune de richesses'entend,
& non
d'amour, car je vois
dans vostre main que
, vous ellesfage& fidele
à vostre mary qui pis7
est pour vos amants;
certes je voisbiendes
mains à Paris, mais j'en
nvoi.sp.e'uecomme la-vo- Par les circonstances
surprenantes qu'elle paroissoit
deviner,elle disposa
Belife à donner avec
confiance dans le
piege qu'elleluy tm-, doit.Aprés avoir persuadé
à nos Bourgeoises
qu'elle avoit des liaisons
tres - particulières avec
les Demons & les Génies,
elle leur conta Phistoire
d'une Princesse
Orientale qui étoit venu
mourir à Paris il y avoit
cent ans, & leurditque
cette Princesse eftranae-
- L:
reavoit enterre1 un r
tresor
dans une Cave, & qu'-
ensuitevoulant faire son
heritiere une certaine
Bourgeoise de ce tempslà
qu'elle avoit pris en
affection
,
elle avoit esté
surprise de mort subite
avant que d'avoir pû instruire
la Bourgeoise du
tresor caché; c'estceque
je sçaispar la Princesse
mesme,continualaBohemienne
:car quoyque
morte il y a cent ans „ elle est fort de mes amies,&
voicycomment.
Vous devez sçavoir,car
il est vray que nulle personne
de l'autre monde
ne peut parler ànulle de
celuy-cyque par l'entreluire
des Genies: or
est-il que le mien est amy
de celuy de la Princesse;
bref, je l'ayvûë tant de
fois que rien plus: &
je me fuis chargé de
luy chercher dans Paris
quelque femme qui soit
de la famille de la défunte
Bourgeoise
, que
la défunte Princesse vouloitfaire
son heritieredu
tresor caché,& je suis
bien trompé si vous n'estes
une de ces parentes;
que je cherche avec empressement;
A ce récit extravagant
l'amierioit de tout son
coeur, mais Belise ne
rioit que pour faire l'esprit
fort,carle desir d'estre
heritiere augmentoit
sa credulité. Il faut
estrefolle, dit-elle, pour
s'aller imaginer que je
sois parente de cette heritiere
; pas si folle mabonneDame,
pas si folle,
car je levoudrois detout
moncoeur ,
& je l'ay
soupçonné d'abord à
certain airdefamille qui
m'a frappé dans vostre
visage,car la Princesse
m'afaitvoir en songe
l'air de famille de l' heritiere
afin que je reconnoisse
à la phisionomie
quelqu'une de ses parentes.
Mais5 reprit Belise
5
comment sçavoir si jesuisparentede
cette
héritière qui vivoit il y
a cent ans. Oh dans Paris,
reprit la Bohemienne,
on est parent de plus
de gens qu'on ne pense,
car depuis le tems qu'on
s'y marie, & qu'on ne
nez-vous combien d'alliances
; toutes les Bourgeoises
de Paris sont
cousines, vous dis-je, il
n'y a que la difference
du degré, & si vous estes
cousine de l'heritiere
feulement au septantiéme
degré, j'ay tant de
credit sur la Princesse
que je vous fais heriter
de son tresor. C'a je
fuis impatiente d'affection
pour vous de sçavoir
si vous estes vrayement
la parente qu'ilme
faut.
,
Je vais l'éprouver
en un clein d'oeüil. Mais
si j estoisaussi parente, dit l'amie > la Bohémienne
n'y trouva point
d'apparence, mais fut
ravie pourtant de faire
l' épreuve double pour
mieuxjouer fbn jeu. A
l'instantelle demanda
deux grands verres de
cristal qu onalla chercher&
remplir d'eau
claire. Elle les mit sur
deux tables éloignées
l'unede l'autre
,
& dit
aux Bourgeoises de fermer
un oeil, .&" de regarder
attentivementavec
l'autre. Les voilà
donc observantchacune
leur verre d eau.Regardez-
bien
,
dez-bien, leur crioit la
fausse Magicienne, car
celle qui effc parente de
l'heritiere
,
doit voir
dans son verre un échantillon
du tresor dont elle
doit heriter, &C l'autre y
verra le Diable,c est-àdire,
rien. Il faut vous
dire - icy que la Bohe--
mienne avoit mis dans
chaque verre unepetite
racine, leur disant que
c estoit la racine d'enchantement
,
qui attiroit
les Genies, Se l'une
de ces racines estoit appresséeavec
unecomposition
chimique qui détrempée
par l'eau devoit
par une espece de fermentation
, former des
bubes d'air & force petits
brillants de differentes
couleurs avec de petites
pailletésdorées
y
ç'en est plus qu'il ne
faut pour faire, voir à
une femme prévenue ,
tout ce que son imagination
luy represente.
Belifecftoit si agitée
par le desir du tresor,
Se par la crainte de
ne rien voir,que la première
petite bubed'air
qui parut dans le verre,
elle criaquelle voyoit
quantité de perles. Noijre
rusée acheva de luy
tourner la teste en se réjoüissant
d'avoir deviné
juste. Vous en allez bienvoir
d'autres,s'écriat-
elle ;regardez;(bien.En*
estet
,
la fermentation
augmente ,
&C chaque
fois qu'on luy dit, voyezvous
cecy, voyez-vous
cela, Belise répond toujours
,
oüy
,
oiiy ; car
transportée,ébloüie,
troublée
,
elle vit enfin
tant de belles choses, que
charmée&convaincuë,
elle allasautes aucolde
celle qui .la.-fai[ait si-dri-,
chev^>li .VJiL'
L'autreBourgeoiseestoit
muette 'èc :bi(tll.fdt:a
chée de n'avoir vu que
de l'eau claire: mais Be--
lise croyant déjà tenir
des millions, luy promit
de l'enrichir & de
recompenser sa bienfaitrice
qui luy jura, foy
de Bohémienne, qu'elle
pollederoit ce tresor dans
- deux jours,maisqu'il y
avoitpourtant de grandesdiffcultezàvaincre:
car,dit-elle
y
le Diable ,
quiest.gardien - de tous
les tresors enterrez
?
en
doit prendre possession
au bout de cent années .à
c'estla regle des tresors
cachez, mais par bonheur
il n'y a que quatrevingts
dix-huit ans que
la Princesse a enterré le
lien, je crains pourtant
que le Diable ne nous
dispute la date, enragé
contre vous de ce qu'à
deux ans prés vous luy
enlevez des richesses qui
luy auraientserviàdamner
trente avaricieux
mais voyons encore voestre
main
,
je me trompe
fort si ce mesme Diable
la ne vous a déjàlutine.
justement, dit Belise
,. car cet Esté à la
campagne il revenoitun
esprit dans ma chambre.
Il faut estre Sorciere
pour avoir deviné cela.
La Sorciere sçavoit, en
effet, que la Servante
s'ennuyant de ne point
voir son Amant, s'estoit
avisée de lutiner la nuit
là Maistresse pour l'obliger
à revenir à Paris.
C'a menez-moy chez
vous, dit la Bohémienne
en regardant l'eau
du verre, car je remarque
icy que ce treior est
dans la cave de la maison
mefrne où vous demeurez
,
& je voisqu'il
consiste en deux cailles
dont l'une cil: pleine de
vieux Ducats, & l'autre
de Pierreries.
Belise ravie de ravoir
voir déja sa succession
dans sa cave, emmena
chez elle son amie & la
Bohémienne, qui l'avertit,
cheminfaisant, que
pour adoucir la férocité
.de l'esprit malin
,
elle
alloit faire des conjurations
,
des fumigations,
& qu'il falloit amorcer
d'abord le Diable par
une petite effusion d'or.
Avez-vous de l'or chez
vous, continua-t-elle ;
j'ay cinq Loüis d'or, repondit
Belise, fort bien,
reprit l'autre: mais je ne
veux toucher de vous
ni or ny argent que je
n'en aye rempli vos coffres.
Vous mettrez vousmesme
l'or dans le creuset
au fond de la cave,
& vous le verrez fondre
à vos yeux par un
feu infernal qui lortira
des entrailles de la terre
en vertu de certaine paroles
ignées que je prononceray.
Je veux que
vous soyez témoin de
cesmerveilles qui vous
prouverons mon pouvoir&
le droit quevous
avez déjà sur la succession.
Avec de pareils dis
cours ils arrivèrent enfin
chez Belise
,
où le
reste de la fourberie eC.
roit preparee, comme
vous l'allez voir. Les caves
en question estoient
comme on en voit encore
à Paris, pratiquées
dans des souterrains antiques,
en forte qu'elles
n'estoient separées de
plusieurs autres caves
que par un vieux mur,
caves fort propres à exercer
l'art des Magiciens
,
& des Marchands
de Vin. L'ancienne
Servante,au tems
qu'elle apparuten Lutin
à sa Maistresse, avoit fait
dans ce vieux mur une
petite ouverture à l'occasion
de ses amours ;
elle disposoit d'une de
ces caves voisînes.C'est
par son moyenque nôtre
Magicienne avoit composé
un spectre ressemblant
à peu prés à celuy
quiestoit apparu àBelise
à sa campagne. Elle joignit
à cela un appareil
affreux dontvous verrez
l'effet dans un moment.
Belisearrivée chez elle,
alla prendre dans son
tiroir les cinq Loüisd'or
pour faire fondre au feu
infernal.On la conduit
dans ses caves; un friC.
son la prend en entrant
dans la premiere. Ily en
avoit encore une autre a..
traverser quand elle vit
au fond de la troisiéme
une -
lueur qui luy fit;
appercevoir ce fpeétrel
de sa connoissânce
,
qui
sembloit [orrir de terre.
Elle ne fitqu'uncriqui
futsuivid'un évanouissement.
Aussi-tost la Magicienne
& ia compagne
la reporterent dans
là chambre,&dés qu'on
l'eust fait revenir à elle
,
ion premier mouvement
fut d'estre charméed'avoir
vû ce qui
l'assuroit de la realité du
tresor. Elle donna les
Louis d'or pour aller,
achever la ceremonie
dans la cave, &quelque
temps après on luy vint
rendre compte du bon
effet de l'or fondu ,cir
le demon dutresor avoit
promis de letrouver la
nuit suivante au rendezvous
quon luy avoit
donné de la part de la
Princesse, pour convenir
à l'amiable du droit
de celle qui en devoit
heriter. C'est ainsi que la
Bohémienne gagnacent
francs pour sa premiere
journée, & laissa l'heritiere
fort impatiente du
Succès qu'auroit pour
elle la conférence nocturne
du Demon&de la
Princesse
Le lendemain la Bohémienne
encurée vint
trouver Belife
,
& feignant
d'estre transportée
de joye luy dit, en
l'embralïant que la Princesses'estoit
rendue chez
elle dans une petite
chambre quelle luy avoit
fait tapisserde blanc,
& que le Diable y estoit
venu malgré luy. Je l'ay
bien contraint d'yvenir,
continua-t-elle dans son
jargon, je leur commande
à baguette àces .pe- titsMessieurs-là; au reste
j'ay dit tant de perfections
de vous à la Princesse,
jqu'ellevousaime
comme [on propre enfant.
Elle vous fait sa
legataire universelle. Le
Diable alleguoit que les
cent ans estoient accomplis,
il vouloit escamoter
parun faux calcul les
deux ans qui luy manquent.
Il a bien disputé
son droit contre nous":
mais tout Diable qu'il
est, il faut qu'il nous
cede en dispute à nous
autres femmes
,
& nous
l'avons fait convenir
qu'en luy donnant sa
paragouante, il renonceroit
à la succession
, & cette paragouante ce
ne sera que mille écus,
encore voulions
- nous
qu'il les prit sur l'argent
du tresor : mais il s'est.
mis en fureur disant
qu'on vouloit le trom-
1
per, & il a raison, car
dés qu'un tresor est déterré)
il n'y a plus de
droit; bref, nous luy avons
promis les mille écus
d'avance;il faut que
vous les trouviezaujourd'huy,
Belise écoutoitavec
plaisir les bontez
de la Princesse,mais
les mil écus luy tenoient
au coeur ; elle y révoit.
Je ne veux point toucher
cet argent, continua
la rusée; vous le
donnerez au Diable en
main propre. Il est enragé1
contre vous, car vous
estes si vertueuse, il voit
de plus que vous l'allez
déshériter
,
s'il vous tenoit,
il vous dechireroit
à belles dents; il faut
pourtant que vous luy
donniez vous-mesme les
mille écus. Ah ! s'écria
Belife, jeneveuxplusle
voir; voyez-le, voyezle
,
continual'autre,en
faisantunpeu lafaschée,
vous croyez peut-estre
que je veux gagner avec
luy sur ces milleécus-là,
c'est son dernier mot ,
voyez-le vous - mesme.
Belife luy protesta quelle
avoit toute confiance
en elle, mais qu'il luy
estoit impossible detrouver
mille écus,& qu'elle
auroit mesme de la peine àmettre ensemble cinq
cent livres, à quoy la
Bohémienne repartit
apres avoir revé un moment
;hé bien vous me
ferez vostre billet du reste,
& je feray le mien
au Diable, & cela je
vous le propose fous son
bon plaisir s'entend, car
il faut que j'aille luy
faire cette nouvelle proposition.
Après ce diC.
cours elle quitta Belise
qui passale reste du jour à ramassercinq cent livres
dans la bourse de
les amies.
Le lendemain la Bo-
.-
hemienne revint luy annoncer
que le jour suivant
elle la mettroit en
possession
,
& que le
marché se pourroit conclure
la nuitprochaine
dans la cave où le Diablegardoit
le tresor ;
que la Princesse devoit
s'y trouver sur le minuit,
& qu'elle vouloit
absolument que l'heritiere
fut presente : mais,
continua - t - elle
, en
voyant déjà pâlir Belise,
ne
ne craignez rien, vous
y ferez & vous n'y ferez
pas, car ce fera mon Genie
qui prendra vostre
ressemblance, & qui paroiftra
à vostre place avec
quatre Genies de ses
amis habillez en femmes
,car la Princessè est
entestée du cérémonial ;
elle veut que quatre ou
cinq Dames venerables
forment la bas un cercle
digne de la recevoir. Il
ne nous manque plus
rien que des habits pour
ce cercle; mais il en faut
trouver, car les Genies
ont bien le pouvoir d'imiter
au naturel des
creatures vivantes, mais
ils ne peuvent imiter ni
le fil, ni la soye, ni la
laine,rien qui soit ourdi, tramé,,t.is"su, ni tricoté,ce
sont les termes du Grimoire,
nous sçavons.
cela nous autres, & je
vous l'apprends, en forte
que pour les habiller
ilfaut des habits,réellement
eftoffez
,
& j'ay
imaginé que vous leur
presteriez les vostres. Ne
craignez point qu'ils les
salissent
: les Genies sont
propres. C'a, COlltinuat-
elle d'un ton badin, il
nous faut aussi quantié
de toiles: vous avenus
doute des. draps, des
nappes}c'estquelaPrincesse
ne peut paroiftrc
que dans unlieu rapiæ
deblanc,vostre CÍ'Te est
noire, elle n'y viendroit
point, & nous manquerions
vostre succession..
A tout ce détail, Belise
topoitde tout son coeur,
penetrée de rcconnoissance
pour sa bienfaictrice.
Après avoir donné
les cinq cens livres& son
bille du reste, elle fait
elle-mesme l'inventaire
deses habits & de son
linge.LaBohemienne ne
Cluive rien de trop beau
pour~ cercle de laPrincesse
,
& mesme elle
l'augmente encore de
deux Genies voyant des
juppes & des coëffures
de reste. A peine laisset-
elle à Belise un jupon
de toile avec sa chemise.
Cette pauvre femme dépouillée
aide elle-melme
à porter ses hardes jusqu'à
la porte dela cave,
& la Bohémienne
en y entrant recommande
à l'heritiere de
bien fermer la porte à
doubletour,depeur
que quelqu'un ne vienne
troubler lecercle. Belise
ne pouvoitavoir aucun
soupçon en enfermant
son bien dans sa
cave, car elle ignoroit la
communication des caves
voisines, par où les
Genies plierent toilette,
ainsi les Bohémiennes
eurent toute la nuit devant
elles pour sortir de
Paris avec leur butin,
& l'heritiere en chemise
fut secoucher en attendant
ses habits & la succession
de la Princesse.
Voicylefragmentd'une
Lettre qui acheve de #
me détailler la fin de
cette ayanture. L .-, e lendemain matin Belise
s'apercevant quelleavoit
etéfiloutéepurlesBohémiennes3envojta
deux hommes après
elles qui lessaisirent à Chantïlliavec
les hardes & 46Ov
livsur quoj les Bohemiennes
ayant estéarrestées & interrogées
elles denierent le fait du
tresor, reconnurent les bardes
pourappartenir à la Darne,
mais elles dirent quellesleur
avoient esté données en nantissement
de 1500. liv. quelles
luyavoientprestéesainsiquil
estoit justifié par la reconnoissance
de la Dame
,
inserée
dans la Lettre qu'elle representoit;
mais comme cette Lettre
écrite à une defunte estoit fort
équivoque
, que d'ailleurs
quand elle eust esté une reconnoissancepure
&simpledela
Dame duprests de 1500.elle
eufi
rust esté nulle parce que la Dame
efloit en puissance de Tlldry.
Voicy motpour mot la copie
de cette Lettre que la Bohémienne
avoit apparemment
diflee à la Dame en luy disant
quelledevaitparpolitejje écrire
a la Princejje.
MADAME,
* N'ayant point l'honneur
d'estre connu devous,
attendu que vous n'estes
plus en vie depuis longtemps
néanmoins la personne
qui vous doit rendre
celle-cy dans la cave, avec
mes respects,vous assurera,
de ma reconnoissance pour
la bonté que vous avez de
me fire vostre heritiere ,
& pour vous témoigner
que je veux satisfaire à vostre
volonté que vostre ame
a dite àla personne qui
vous rendra la presente,
j'ay voulu que vous vissiez
dans ma Lettre comme elle
ma presté la somme de
quinze cens livres,&
que je luy rendray avec
honneur. Jesuisse.
-
£,'$«rce comprendpas que
la Bohemienne ait pus'imaginer
que cette seureté seroit
suffisante pour elle ny que la
Dame,quin'apas voulu apparemmentfaire
un Billetsimple
à laBohemienne sesoitengagée
parune reconnoissance. En un
mot il y a peu de vraysemblance
a tout cela; mais la circonstance
est vraye &sivraye
qu'onn'a pas cru devoir en alterer
la vérité pour la rendre
plus croyable
;
les Jugesde
Chantillyn'ayant nul égard à
cette promesseinserée dans la
Lettre, ne firent point de
difficulté de faire rendre les
bardes au porteur de la procuration
du Mary de la DavIe,
sous le nom duquelelles
furent revendiquées. A l'égard
de l'argents il nefut point
rendu d'autant que les Bohémiennes
ne convinrent point
l'avoirexigé de la Dame
,
mais
pretendircnî: que c' efioit leur
pecule ; qu'Aies mont oient à
d.!?!-" à q;tan lté de personnes
de qualité qui les payaient
grassement
, que mefieelles
avoient receusept Louis d'orneufs
de Mr le Duc deBaviere
pour avoir dansé devant
lui a Cbantilti & àLiencourt.
Aurestecomme les Bohemienne
au nombre de trois a oient
deja esté reprises deJustice, &
qu'elles estoient fletries, l'une
d'une fleur de lis
,
l'autre de
deux & la troisiéme de trois
ce qui les devoitfaire jugerau
Chastelet comme vagabondes,
où elles avaient cleja estécondamnéescommes
telles
,
el/cs y
furentrenvoyées ; ellesyfont,
& on leuryfait actuellement
leur Procez.S'il n'y avoit cjue
lefaitdu tresor, il n'yauroit
pas matiere à condamnation ce
seroit untour de Bohemiennes.
dont il ny auroitqu'à rire,
mais ilaparu depuis un Bouloanntgfeorrçqéuuipnreetend
qu'elles luy
Armoire &y
ontpris1200.livres
, ce qui
estantprouvépourra les conduire
à la potence.
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Résumé : Avanture nouvelle. / Les Bohemiennes.
En novembre dernier, une aventure impliquant une riche bourgeoise nommée Belise et une bohémienne rusée a eu lieu. La bohémienne, connaissant les habitudes de Belise, la rencontre chez une amie et lui prédit une fortune subite en observant sa main. Elle raconte l'histoire d'une princesse orientale ayant caché un trésor dans une cave parisienne, destiné à une bourgeoise de l'époque. La bohémienne se présente comme l'intermédiaire de la princesse et affirme que Belise est une parente de l'héritière. Pour convaincre Belise, la bohémienne utilise des tours de magie, comme faire apparaître des bulles d'air et des paillettes dorées dans un verre d'eau, que Belise interprète comme des perles et des pierreries. Elle persuade ensuite Belise que le trésor se trouve dans la cave de sa maison et organise une mise en scène avec un spectre et des fumigations pour renforcer la crédulité de Belise. La bohémienne parvient ainsi à extorquer cinq louis d'or à Belise en une journée, en lui promettant de révéler le trésor lors d'une rencontre nocturne avec le démon et la princesse. Le lendemain, la bohémienne revient et annonce à Belise qu'elle est l'héritière universelle de la princesse, après avoir négocié avec le démon. La bohémienne demande à Belise de rassembler cinq cents livres et de rédiger un billet pour le solde. Elle organise une rencontre nocturne dans une cave pour transférer l'héritage, nécessitant des habits et du linge blanc pour former un cercle cérémoniel. Belise, convaincue, prête ses vêtements et son linge. Cependant, les bohémiennes profitent de la communication entre les caves voisines pour voler les habits et l'argent. Le lendemain, Belise découvre le vol et envoie des hommes à leur poursuite. Les bohémiennes sont arrêtées à Chantilly avec les habits et une partie de l'argent. Lors de l'interrogatoire, elles nient l'existence du trésor mais reconnaissent avoir reçu les habits en garantie d'un prêt de 1500 livres, justifié par une lettre équivoque. Les juges de Chantilly rendent les habits au représentant de la famille de la dame, mais l'argent n'est pas restitué car les bohémiennes prétendent qu'il s'agit de leur propre argent. Elles mentionnent également avoir reçu des paiements de personnes de qualité, dont le Duc de Bavière. Les bohémiennes, déjà condamnées pour vagabondage, sont renvoyées au Châtelet pour leur procès. Un bourgeois affirme qu'elles lui ont volé 1200 livres, ce qui pourrait les conduire à la potence.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 1-74
Historiette Espagnole.
Début :
Dans le temps que l'Espagne estoit divisée en plusieurs [...]
Mots clefs :
Prince, Amour, Coeur, Joie, Bonheur, Mariage, Princesse, Amant, Liberté, Duc, Combat, Époux, Choix, Rival, Espagne, Andalousie, Mort, Malheur, Vertu, Générosité, Père, Sensible, Aveu, Discours, Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Historiette Espagnole.
Historiette Espagnole.
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
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Résumé : Historiette Espagnole.
En Espagne, divisée en plusieurs pays souverains, le Duc d'Andalousie se distinguait par l'étendue de ses États et sa sagesse gouvernante. Il était respecté et vénéré, attirant les jeunes princes qui admiraient son modèle de souveraineté. Sa fille, la princesse Léonore, était célèbre pour sa beauté, son esprit et son cœur excellent, attirant l'admiration des princes à la cour. Dom Juan, fils du Duc de Grenade, osa déclarer son amour à Léonore, mais elle répondit avec modération, révélant une indifférence qui irrita Dom Juan. Malgré cela, Dom Juan pressa le mariage, espérant que Léonore aimerait son époux par défaut. Léonore, cependant, aimait secrètement le Prince de Murcie, qui arriva à Séville et fut désolé d'apprendre le mariage imminent. Le Prince de Murcie, désespéré, avoua son amour à Léonore, qui lui répondit avec générosité, confessant son amour réciproque. Ils partagèrent un moment tendre mais craignirent d'être découverts. Le Prince de Murcie rencontra Dom Juan dans les jardins, dissimulant sa colère. Léonore informa le Prince que son père insistait sur le mariage, ce qui le désespéra. Le Prince de Murcie voulut défier Dom Juan, mais Léonore le supplia de ne pas risquer sa vie. Dom Juan, soupçonnant leur amour, les surprit ensemble et confronta le Prince de Murcie. Leur secret fut révélé, mettant en danger leur amour et leur vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1-64
SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Début :
LEONORE arriva bien-tost dans l'Isle de Gade sans [...]
Mots clefs :
Prince, Grenade, Amour, Temps, Seigneur, Fortune, Père, Sujets, Amant, Douleur, Vaisseau, Princesse, Inconnue, Pouvoir, Andalousie, Malheur, Coeur, Ciel, Bonheur, Homme, Mort, Vertu, Souverain, Soeur, Duc, Usurpateur, Mariage, Doute, Perfidie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
AM~USE-ME~NS. SUITE
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
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Résumé : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Le texte relate les aventures de Léonore et du Prince de Murcie, séparés par des circonstances tragiques. Léonore arrive sur l'île de Gade, où elle est accablée par l'absence du Prince et les discours moralisateurs de sa tante, sœur du Duc d'Andalousie. Elle y rencontre Elvire, une jeune femme également triste, qui lui raconte son histoire : promise à un prince, elle dut épouser Dom Garcie après la mort de son père. Elvire parvint à s'échapper et se retrouva sur l'île de Gade. Pendant ce temps, le Prince de Murcie, désespéré par l'absence de Léonore, décide de se rendre en Andalousie malgré les dangers. Sur le rivage, il rencontre Dom Pedre, le frère d'Elvire, qui lui révèle que le Duc de Grenade est mort et que Dom Garcie, un traître, s'apprête à usurper le trône de Dom Juan. Ils s'allient pour chasser Dom Garcie et restaurer Dom Juan sur le trône de Grenade. Dom Pedre rallie les habitants contre Dom Garcie, qui s'enfuit. Dom Juan, informé de la mort de son père, rencontre Dom Garcie, qui le persuade que le Prince de Murcie a usurpé ses États. Dom Juan décide de se venger et se rend chez le Duc d'Andalousie, un allié. En mer, une tempête éclate et Dom Juan sauve Léonore, qui est troublée par les révélations sur la perfidie du Prince de Murcie. Le Duc d'Andalousie décide de marier Léonore à Dom Juan, malgré la tristesse de la jeune femme. Léonore, obligée d'obéir à son père, se prépare à épouser Dom Juan. Le Prince de Murcie, après avoir assuré la tranquillité du Duché de Grenade, est dominé par sa passion pour Léonore. Il se retrouve sur l'île de Gade et apprend de manière fortuite que Léonore a épousé Dom Juan huit jours plus tôt. À cette nouvelle, il s'évanouit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. [1]-52
SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
Début :
Le Prince de Murcie reprit enfin ses esprits, & pour [...]
Mots clefs :
Prince, Duc de Grenade, Grenade, Princesse, Solitaire, Amour, Seigneur, Malheurs, Temps, Bonheur, Joie, Malheur, Fortune, Coeur, Ciel, Époux, Lieu, Cabane, Traître, Infidélité, Surprise, Soupçon, Rival, Amants, Forêt, Solitude, Doute
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
~* SUITE ETFIN
de ïHtjloirc Espagnole. LE Prince de Murciereprit
enfinles
esprits, & pour lors le lolitaire
lui dit :Seigneur,
si j'avois pu prévoir la su.
neste impression qu'a fait
sur vous la nouvelle que
je vous ai apprise, croyez
qduoeulelouirn, d'irriter vostre
je n'aurois pen.
fé qu'à la soulager; l'experience
que j'ai faite des
revers de la fortune m'apprend
à plaindre ceux quV
ellerend malheureux. Ah
pourquoi ne sçavois-je pas
là'intérêt que vous prenez Leonore? je ne me reprocherais
pas du moins
les tourmens que vous louffre. Je ne vous les
reproche point, Seigneur,
repondit le Prince, non
plus qu'à Leonore; si elle
a épousé Dom Juan elle a
dû l'épouser, ôc si elle m'a
rendu le plus malheureux
des hommes, il faut que
je l'aye mérité:Non le
plus affreux desespoir ne
me forcera jamais à la
traitter d'infidelle mais
je n en mourraipas moins
malheureux.
Ah!Seigneur, repritle
solitaire,si Leonoren'est
point infidelle, il est des
amans plus malheureux
que vous j'ai perdu comme
vous l'esperance de
posseder jamais celle que
jaime,je ne puisdouter de
son inconstance,&j'en
reçoisJes plus forcéspreuves
au moment mêmequi
devoit assurer mon bonheur;
queldesespoirest
égal au mien ? amant dui^e
Princefk-,,,nôçre mariage
étoitconclu duconfentement
de son frère,&l'infîdelie
se
.,
fait enleverce
our-là même par rflôa
rival
,
sans ce trait de la
plus noireinfîdçlitç je seroisencore
a Grepaçlçj
&: vous ue m'auriez point
trouve dans cettesolitude
où nos communs malheurs
nous ont conduit. Le Prince comprit aisément
que cette Princesse,
que le solitaire avoir aiméen'étoit
autre qu'Eli
vire, il en avoit souvent
oui parler à Dom Pedre
son frere, & comme il
sçavoit la violence que
Dom Garcie avoit faire à
Elvire, il crut devoir réparer
le tort que le solitaire
lui faisoit par ses soupçons;
ilme semble
,
Seigneur,
lui dit-il, que vous
condamnez trop aisement
la Princesse que vous aimez
; pourquoi rapporter
àson inconstance un éloignement
dont elle gémit
peut-être autant que vous?-
si vôtre rival l'a enlevée,
le tort que vous lui faites
est irreparable, mais quoiqu'il
en soit, ce n'est point
ainsi qu'il faut juger de ce
qu'on aime. Ah ! je ne
ferois pas si malheureux
si je pouvoissoupçonner
Leonore d'inconfiance. Si
je condamne la Princesse
Elvire, reprit lesolicaire,
c'estque je ne puis douter
qu'elle ne me soit infidelle
y
après cet enlevement
je la cherchai dans
tout le Duché de Grenade
; & dans quelqueslieux
que mon rival lait conduite
,
je l'aurois sans dou-
.re découverte,si ellen'eût
été d'accord avec lui pour
rendre mes recherches
inutiles. Ah ! je l'ay trop
aimée pour ne pas me
plaindre de son changement,
& je vois bien que
nos malheurs font differens
3
quoiqu'ils partent
du même principe. C'est
ainsi que le solitaire die.
putoit au Prince la triste
floired'être le plus maleureux
de tous les horn;.
mes; si c'cft. un dédommagement
pour ceux qui
souffrent
,
ils pouvoient
tous deux y prérendre)
l'un étoit réduit à accuser
sa maîtresse, qui lui étoit
pourtant fidelle, & l'autre
a s'acculer lui-même, lui
qui n'avait jamais eu d'autre
regle de ses adtions
quesa gloire & son amour.
Cependant Elvirepassoit
sa vie dans de mortelles
inquiétudes auuibien
que Leonore,la convention
que ces deux
Princesses avoient eûë
leur étoit également funeste
,
& si Leonore avoit
lieu de soupçonner un
Prince, qu'Elvire avoit
nommé son amant, Elvire
soupçonnoit avec raison
un amant dont le nom
avoir produit un si violent,
effet sur Leonore;ellesavoient
un égal intérêt de se
retrouver. pour éclaircir
un doute si cruel,mais il
ne fut pas permis à Leonore
d'aller feule dans le
jardin,& Elviren'y voyant
plus que la curieuse tante,.
fut contrainte de choisir,
pour le lieu de sa promenade
,
la Forest de Gades;
c'est là que ces deux Princesses
le retrouverent dans
le temps qu'elles ne l'esperoient
plus. Le Duc d'Andalousie,
content de l'obeissance
de sa fille, l'avoit
enfin délivrée des
importunitez de sa vieille
secur
y
elle alloit souvent
se promener dans cette
Forest là elle pouvoit
joüir de la solitude-, & se
livrer à toute sa douleur
Le hazard la conduisit un
jour dans l'endroit où Etvire
avoit coutume d'aller
se plaindre de ses malheurs,
aussitôt elle court
vers elle avec empressement,,
& lui dit: il y a
long-temps que je vous
cherche, Madame, pour
vous apprendre une nouvelle
qui doit vous interesser
: Le Prince de Murcie
est Duc. de Grenade
par les soins de Dom Pedre
vôtre frere & son ami.
Madame,répondit Leonore,
vous sçavez la part
que j'y dois prendre, mais
je devine aussi celle que
vous y prenez, ce n'est
point moi qui dois ressentir
la joye de cette nouvelle.
Ah! qui doit donc
la ressentir ? reprit Leonore,
le Prince de Murcie
vous aime, Ôc. n'a fait
une si, grande démarche
que pour vous meriter.
Ah! Madame,répondit
Elvire, pourquoi insultez.
vousàmon malheur? Je
sçai que je ne suis point
aimée,c'est en vain que
je voudrois vous disputer
le coeur du Prince: de
Murcie.Ces deux Princelles
entraientinsensiblement
au pointd'unéclaircissement
qui leur étoitsi
necessaire,lorsqueDom
Juan &DomGarcievinrent
troubler leur entrer
tien: sitôtqu'Elvire eut
EÇÊonnu>fon persecuteur,
qgif n'étoitpasfort loin
d'elle,elle prit la fuite, &
Leonore> que la presence
de Dom Juan auroit embarrassée
dans une pareille
circonstance., prit une
autre allée dans le dessein
del'evicer; Dom Garcie
avoit cru reconnoîtreElvire
& l'avoit suivie des
yeux;l'occasion lui parut
trop bellepour la négliger
: Seigneur, dit-il à D.
Juan, vous voulez sans
doute aborder Leonore?
je vous laisse seul de peur
de troubler un entretien
si doux pour l'un & pour
l'autre, je ferai toujours à
portée de vous rejoindre;
en même temps il fuit la
routequ'il avoit vu prendre
à Elvire, & aprés
l'avoir assez long-temps
cherchée,il la découvrit
dans le lieule plus écarté
de la forest.Quelle fut la
surprise&la crainte de
cette Princessè? elle con,
noissoit le perfide Dom
Garcie.,irrité de ses refus
& de ses mépris,il étoit
capable de se porter aux
plus violentes extremitez;
Elvire dans un si grand
péril n'eut d'autrereilburce
quecelle de faire em*
tendre des cris horribles,
quipussent lui attirer du
secours, & ses cris en effet
la sauverent. Le solitaire,
quile promenoit assez près
de la, les entendit; aussitôt
il court vers le lieu où
les cris d'Elvire le con- duisent , & tout d'un , toup: il voit celle qu'il
croyoit infidelle à Grenade
, qui
-
se jettedansses
bras,en lui disant: Seigneur
,sauvez-moi des fureurs
d'un scelerat, & dans
le moment Dom Garcie
parut. Je n'entreprendrai
point
point d'exprimer les divers.
mouvemens de surprise
d'amour & de colere
donc le solitaire futsaisi ;
Dom Garcie voulut prosiser
du moment pour se
défaire de son rival avant
qu'il fût en défense, mais
lescelerat meritoitla
mort,le solitairel'étendii
à ses pieds; après le peu de resistance qu'on doit
attendre d'un lâche & d'un
traître,ensuite s'abandonnant
à d'autres transports,
il s'approcha d'Elvire:
quel bonheur luidit-il
y
Madame?la fortunevous?;
rend à mon amour, & livre
mon rival à ma vengeance
; que le perfide
nous a causé de maux r
que n'ai-je point souffert
pendant vôtre absence!
Jen'oublierai jamais,,
Prince, répondit Elvire,
le service que vôtre pitié
vient de me rendre, mais
je ferois plus heureuse si
je le devois à vôtre amour.
Ah!Ciel,s'écrialesolitaire,
comment expliquer
ces cruels reproches? jesuis
donc un amantinfidele.
Prince, je voudrois
pouvoir en douter,
rien ne troubleroit la joye
- que j'ai de vous revoir;
Ah! je serois trop heureuse.
Grand Dieu,s'ecriatil
encore une fois,il est
donc vrai que vous m'accufèz
d'inconstance> Ahj
Madame,quel démon envieux
de nôtre bonheur,
vous donne ces injustes
soupçons ;quoi je vous
revois! le plaisir que je
sens me persuade que tous
mes maux sont finis, & je
retrouve au même instant
des malheurs plus grands
encore que ceux que j'ai
fouffers
; ma chere Elvire
voyez cette trille retraite,
cetteaffreuse solitude!
font-ce la des preuves de
mon inconstance ? Oui,
Prince, cest le choix de
cette solitude qui confirme
mes tristessoupçons.
Ah! Seigneur, est-ce dans
la forestde Gades que
vôtre. confiance devoit
éclater? Le solitaire, qui
ne pouvoit rien compren- dre au discours d'Elvire,
ne sçavoit comment calnler.,
les soupçons ;nia
Princesse, lui disoit-il, daignez
medire le sujet de
vos reproches,je fuis Ulr
de me justifier, jenesuis
pas surpris que vous me
foupçonniez., le moindre
accidentpeut allarmer
une amante {enfible3 j'ai
moi-même eprouve combien
il elt aisé de craindre
le changement dece qu'
onaime
)
jevous ai crû
moi-même moins fidelle
que je ne vous retrouve,
mais si l'heureuse avanture
quinous réunit ne m'avoit
détrompé, loin de vous en
faire un mystere,je me
ferois plaint à vous, je
vous aurois découvert le
sujet de mesdouleurs, ôc
je n'aurois rien tant fouhaitté
que de vous voir
bien justifiée
; pourquoy
n'en usez-vous pas ainsi,
ma Princesse ? l'amour
peut-il prendre un autre
parti? Que me servira-t-il,
reprit El vire, de vous convaincred'inconstance
? je
ne vous en aimerai pas
moins, & vous n'en aimerez
pas moins Leonore.
Quoi!j'aime Leonore, reprit
vivement le solitaire?
Ah! je vois maintenant le
sujet de vos qsoupconsy.
vous avez crû que, charmé
de cette Princesse,je
n'habite cette solitude
-
que pour lui prouver mon
amour , mais non,ma
chere Elvire,rendez-moimon
innocence, rendezmoi
tout vôtre amour:je
n'ai jamais vû Leonore,,,
je suis dans un lieu tout
plein de sa beauté & de
les vertus & je n'ai jamais
penséqu'à vous, c'est pour
vous feule que je fuis réduit
dans l'état où vous -
me voyez. Ah! Prince., dit
Elvire,que ne vous puisje
croiremaisnon vous
me trompez;voyez vousmême
si je dois être convaincue
; je racontois a
Leonore nos communs
malheurs, elle me demanda
vôtre nom, je lui nommai
le Prince de Murcie,
&: soudain elle tombaévanouie
dans mes bras;
jouiuez. Prince, de vôtre
gloire, après ce coup rien
ne peut môterma douleur.
leur. Elvire voulut s'éloi.
gnerdu solitaice pour lui
cacher ses larmes.; arrêtez
ma Princene, s'écria-t-il
,
non je
-,
n'ai jamais vu Leonore,
ilest un autre Prince
de Murcie,vous le devez
sçavoir: Ah! pouvezvousme
soupçonner? mais
rnachere Elvire,venez me
voir tout-à-faitjustisié, j'ai
laissé dans ma cabane un
inconnu qui aime Leonore,
l'état où la nouvelle
de son mariage avec Dom
Juan la réduit, m'a découvert
son secret: il est
sans doute ce Prince de
Murcie amant de Leonore,
venezJe lui demanderai
son nom, il ne pourra
me resuser cet ecfairciuement,
qui importe tant a
vôtre bonheur& au mien.
Ils n'eurent pasgrand chemin
à faire pour arriver à
la petite cabane;le cours
de leur conversation les y
avoit insensiblement conduits,
ils y entrent, mais
quel spectacle s'offrit tout
d'un coup à leurs yeuxils
virent deux hommes étendus
dans la cabane, qui
perissoient dansleursang.
Ah Ciel! s'écria Elvire,
saisie d'horreur .& de sur-
,
prise.Qui sont ces malheureux
?Que je plains là
fort de l'un d'eux, repondit
le solitaire; c'est cet
étranger qui étoit venu
chercher ici un azile, nous
déplorions ensemblenos
communs malheurs, il alloit
fininles miens. Elvire
revenue de sa premiere
terreur s'approcha 8c reconnut
Dom Juan, Le
Prince après s'être separé
de D. Garcie avoit longtemps
erré dans la forêt,
occupe destrilles idées qui
les avoient conduits:malygré
ce que la fortune faisoitpour
luiy il nelaissoit
pas d'avoir ses chagrins;
il avoit apperçu lacabane
du soliraire, .& y étoit entré
attiré par sa simpie curiosite
:
les' soupirs de cet
inconnul'avoit redoublée
enexcitant sa compas.
sion. Mais quelle surprise!,
à peineces deux hommes
se furent envilagezdqu'un
premier mouvement de
rage & devengeance leur
étant tout loisir de s'expliquer
: Ah te voila,traître.,
s'écria l'un; perside, tu
mourras, secria l'autre :
& à l'instant ils se lancent
furieux l'un sur l'autre, &
se battent avec tant de
haine & tant d'acharnement,
que sans recevoir
aucun coupmorcel ils se
ercerent enplusieurs endroits,
ils tomberent l'un
& l'autre affoiblis par la
perte de leur sang,&par
la longueur du combar.Ce
fut dans cet état que les
trouvèrent Elvire & fou
amant, ils leur donnrent
tous les secours possibles,&
se retirèrent a l'écart dans
l'esperance de tirer quelque
éclaircisement de ce
que se diroient ces deux
rivaux. Ils reprirent peu
de temps après leurs sorces
& leurs ressentimens,.
& le Prince de Murcie
tournant vers Dom Juan
des yeux pleins d'indignation:
Quoy tu vis encore
le Ciel ne peur donc consentir
à la mort du digne
époux de Leonore, ni la
forc,ni l'amournilahaine
îije peuventrien sur de si
beauxjours?Le Ciel,répondit,
Dom Juan, veut que
j'admire encor cet illuitre
conquerant, qui vient de
joindre ,à tant de hauts titres
celuy de Duc de Grenade
: Quel regret pour
moy de mourir sans voir
regner un Prince si genereux
?Peux-tu le voir sans
rougir,persideyreprit le
Prince Non dit Dom
Juan.le rougis de t'avoir
il rpal connu. Les traîtres,
répliqua le Prince, ne rougissent
du crime qu'après
qu'ils l'ont commis. - Il est
vray, répondit D. Juan
y s'ils n'en rougissoient pas
si tard,je ferois Duc de
Grenade, & vous ne seriez
encore que le Prince de
Murcie. Poursuis,indigne
amy ,
reprit le Prince,
cherche un pretexte à ton
horrible persidie; tu n'es
donc l'époux de Leonore
que parce que je luis un
Tyran?Non', traître, repondit
Dom Juan, puiss
qu'il faut enfin éclatter, je
ne t'ai point trahi,je mefuis
yengé de l'ennemi commun
de toute l'Espagne;
d'un usurpateur qui elt en
abomination dans toute
l'Europe: Renonce àLeonore,
qui tesereste autant
quelle t'a autrefois aimé.
Grand Dieu,s'ecria-t-il,où
fùis-je?non,, Leonorenaura
pas pu le croire; tes
derniers mots te convainquentd'imposture,
tu peux
m'avoir pris pour unusurpateur,
mais non pas cette
genereule Princesse. Il est
vray, répondit D. Juan,.
tu l'avois seduite par ta
fausse vertu: maisqu'avoir
elle a repondre a D. Garcie,.
dont la fidelité rend
ta perfidie certaine ? Le
Prince vit dés ce moment
la trahison de D. Garcie
y,
& parla ainsi à sonrival:
Dom Juan,je fuis forcé de
vous rendre vôtre innocence,
Dom Garcie vous
a trahis tous deux: loin
d'usupervosEtats,je les
aysoustraits à la tyrannie,
dans le seul dessein de vous
les rendre
:,- En abordant
Tille de Gadcs je trouvay
Dom Pedre qui vous cherchoit
par tout, jem'offris
à prendre vôtre place, &
je fis pour vous ce que je
n'aurois pas fait pour moymême,
je me privay du
plaisir de revoir Leonore
pour vous remettre dans
vos Estats ; j'en ai chassé
Dom Garcie qui les usurpoit:
pour prix de mon secours
Ôc de mon amitié
vous épousez ce que j'ainle,
sans que j'en puisse
accuser que la fortune-,
vous n eres point coupable
: mais cependant Leonore
eIl: à vous & je la
perds pourjamais.
Le Prince de Murcie
parloit d'un air si couchant
que Dom Juan lui-même
commençoitàs'attendrir.
On peut juger de laJitua.
tion des deu x spectateurs;
Elvire étoit sûre du coeur
de son amant,& cetamant
voyoit dans les yeux d'El..
vire, & la justice qu'elle
rendoit à son amour, &la
joye avec laquelle elle la
lui rendoit,il ne manquoit
plus au Prince qu'une
occasion de confirmer
ces diccours qui faisoient
déja tant d'impression;
hazard la sit naître prefqu'au
même instant.Un
des domestiques de Dom
Juan,qui avoitsuivi Dom
Garcie, entra dans laca~
bane, attiré par le bruit
qu'il avoit entendu. Approchez,
lui dit D. Juan,
pourquoy m'avez
- vous
trahi? pourquoiêtes-vous
entré dans lecomplot du
traître Dom Garcie? Fernandez
( c'étoit le nom
du domestique ) interdit
d'une questionà laquelle
il ne s'attendoit pas, &
déjà surpris de la réunion
à
des deux Princes, prit le
parti de se jetter aux
pieds de son Maître, 8c
de lui découvrir tout le
mystere d'une sinoire trahison.
Ah! quel secret venez-
vous de me reveler.,
s'écria Dom Juan, saisi
d'une juste horreur,confus
desa credulité
)
deses
peré d'avoir fîiivi les mouvemens
de sa haine contre
celui à qui il devoit tout?
Ah! Seigneur,s'écria-t-il,
se tournant vers le Prince
de Murcie, que puisje
vous dire? je ne suis point
l'époux de Leonore. Vous
n'êtes point son époux,
répondit le Prince? Ah!
Dom Juan pourquoi voulez-
vousme flatter? croyez-
vous par là conserver
ma vie? Non, je meurs
mal-heureux amant de
Leonore& fidele ami de
D. Juan.C'est moi qui dois
mourir,reprit Dom Juan,
je ne fuis plus digne de
la vie; vivez, Prince,
pour posseder Leonore,
j'aiassez d'autres crunes
à me reprocher sans me
charger- encore de celui
d'être son époux; non.,
je ne le fuis point, & l'unique
consolation qui me
reste, après tous les maux
queje vous ai causez, c'est
d'être encor plus malheureuxquejene
fuis coupable.
En mêmetemps il lui
apprit comment ce mariageavoit
été retardé par
une violente maladie de
Leonore
, que ses chagrins
avoient apparemment
causée. Dom Juan
ne borna pas là les foins
.qu'il devoir au Prince
lui promit de fléchir le
Duc
Duc d'Andalousiey & fit
renaître
,
dans son coeur
l'esperance que tant. de
malheurs en avoient ôtée.
Quelchangement de situation
pour le Prince de
Murcie, à peine croyoit- iltout ce qu'il entendait
partageentre la joye de
ravoir Leonore fidelle,
& l'impatience, de la revoir
telle que l'amour la
lui conservoit
,
à peine
pouvoit-il suffire à ressentir
tout son bonheur. Elvire
& le solitaire de leur
côté jouissoient du bonheur
de se trouver fîdeles,
exempts des soins &de l'inquietude
qui troubloient
depuis si long-temps leur
amour; le spectacle dont
ils étoient témoinsaugi
mentoit encore leur tendresse.
Après qu'ilsse furent
dit tout ce qu'un bonheur
mutuel peut inspirer,
ils s'aprocherent des deux
Princes. Dés que le Prince
deMurcie eut apperçû le
solitaire, il luy dit: Vous
- me trouvez,Seigneur,dans
unesituation- bien- différente
de celle ou vous,
m'aviez laissé, vous voyez
qu'il ne faut qu'un moment
pour terminer les
plus grands malheurs, j'espere
que celuy qui doit
finir les vôtres- n'est pas
bien éloigné, &pour lors
ma joye sera parfaite. Seigneur,.
répondit le solitaire,
le Ciel nous a réunis
pour nous rendre tous heureux,
vous allez- revoir
Leonore,,, jeretrouve El
vire fidellé
; cette avanture
finittous lesmalheuts
qui sembloient attachez
aunom que nous portons
l'un & l'autre. Il lui apprit
en même temps qu'il étoit
un cadet de la maison,
dont la branche separée
depuis long-temps estoit
presque inconnuë enEspagne,
il luy raconta les
soupçons d'Elvire à l'occasson
de la conformité
de leur nom; les momens
surent employez à des détails
capables d'interesser
du moins des amans:mais
lorsqu'Elvire luy rendit
compte àsontour de Son
entrevue a\*ecLectfi0rcv&
de tout cequi l'avoirluivie
:Ah, s'écria,le Prince,,
quela fortune, est cruelle
quand ellenouspourluit:
c'érait l'unique moyen de
rendrema fidélité suspecte
à Leonore:mais non, cette
Princesse connoîtbien
mon coeur,elle n'aura
point
-
fait cette injustice à
mon- amour. Cependant
Fernandezqui avoit ete
témoin; de redaircinement
entre le Prince de
Murcie & son malfire".
plein de tout cequ'ilavoit
entenducourut le publier
dans le Palais du Duc, il
trouva Leonore quiquittoit
la forêt pour retourner
à son appartement, &
elle en sur instruite la premiere.
Son récit étoit aisez
interessant pour que Leonore
voulût le justifier,
elle ': sè fit incontinentconduire
à la cabane;dés
qu'elle parut sa présence
produisit un profond silence
,
le Prince étoit celuy
qui avoit le plus de
choses à dire, il fut aussi
celuy qui eut moins la
force de parler: mais sa
joye n'en éclattoit que
mieux dans ses regards, ôc
Leonore qui l'y. voyoit
toute entiere,ne marquoit,
pas moins vivement le.
plaisir qu'elle ressentoit..
Elvire enfin prit la parole,.
&montrant le solitaire,elle
luy apprit son nom, & lui
donna un éclaircissement
qui manquoit encore à son.
repos.
Dom Juan marquoit le
plus vif repentir,ilcedoit
tous ses droits au Prince
de Murcie: ces amans
se voyoient, délivrez d'un
dangereux persecuteur;que
ne se dirent-ils point dans
de pareils transports ? Ah
,
Madame,s'écria le Prince,
vous m'aimez encore? les
noms d'usurpateur &d'infidele
qu'on m'a tant donnez
n'ont point changé
vôtre coeur? à ce trait je
reconnois Leonore. Ouy,
Seigneur,réponditla Princesse,
je vous ay toûjours
aimé
, & je luis toûjours,
cette Leonore, dont vous
connoissez si bien les sentimens;
les raisons qui sembloient
persuader vostre
inconstance,n'ont pu prévaloir
valoir sur le souvenir de
vos verrus: Prince,j'ay
souffert de vôtre absence
) & de la cruauré avec laquelle
on a voulu flétrir
vôtre nom:mais je ne vous
ay jamais condamné, de
ne pouvant être à vous,
j'allois me donner la mort,
si la fortune ne nous eût
enfin réunis. Je n'entreprendrai
point de rapporter
ici le cours de leur entretien;
pour peu qu'on
connoisse l'amour, on en
imaginera plus que je n'en
pourroisdire: mais enfin
il n'est pointde réünion
plus touchante que celle
de deux amans qui ont eu
tant d'obstacles à surmonter
,qu'ils se protestent
qu'ils ne se sont jamais crus
infidelles
,
parmi tant de
raisons qui sembloient
marquer leur infidélité ;
la haute idée qu'ils avoient
l'un de l'autre avoit toûjours
éloignélajalousieinseparablede
l'amour moins
heroïque, & s'ils n'avoient
pas eu les chagrins de cette
espece,ceux de l'absence
en étoient plusviolens
pour eux.
Les sentimens que tant
de disgraces n'avoient pû
chasser de leur coeur firent
leur gloire & leur felicité;
leur confiance attendrit
enfin le Duc d'Andalousie
, que tant de
nouvelles raisons forçoient
d'estimer le Prince
de Murcie: Ces illustres
Amans furent bientost
unis pour toujours
; cet
heureux mariage fut suivy
de celuy du solitaire
avec Elvire, & comme
la fortune les avoit tous
associez dans les malheurs
qu'elle leur avoit suscitez,
ils jurerent de ne se separerjamais,
FIN.
de ïHtjloirc Espagnole. LE Prince de Murciereprit
enfinles
esprits, & pour lors le lolitaire
lui dit :Seigneur,
si j'avois pu prévoir la su.
neste impression qu'a fait
sur vous la nouvelle que
je vous ai apprise, croyez
qduoeulelouirn, d'irriter vostre
je n'aurois pen.
fé qu'à la soulager; l'experience
que j'ai faite des
revers de la fortune m'apprend
à plaindre ceux quV
ellerend malheureux. Ah
pourquoi ne sçavois-je pas
là'intérêt que vous prenez Leonore? je ne me reprocherais
pas du moins
les tourmens que vous louffre. Je ne vous les
reproche point, Seigneur,
repondit le Prince, non
plus qu'à Leonore; si elle
a épousé Dom Juan elle a
dû l'épouser, ôc si elle m'a
rendu le plus malheureux
des hommes, il faut que
je l'aye mérité:Non le
plus affreux desespoir ne
me forcera jamais à la
traitter d'infidelle mais
je n en mourraipas moins
malheureux.
Ah!Seigneur, repritle
solitaire,si Leonoren'est
point infidelle, il est des
amans plus malheureux
que vous j'ai perdu comme
vous l'esperance de
posseder jamais celle que
jaime,je ne puisdouter de
son inconstance,&j'en
reçoisJes plus forcéspreuves
au moment mêmequi
devoit assurer mon bonheur;
queldesespoirest
égal au mien ? amant dui^e
Princefk-,,,nôçre mariage
étoitconclu duconfentement
de son frère,&l'infîdelie
se
.,
fait enleverce
our-là même par rflôa
rival
,
sans ce trait de la
plus noireinfîdçlitç je seroisencore
a Grepaçlçj
&: vous ue m'auriez point
trouve dans cettesolitude
où nos communs malheurs
nous ont conduit. Le Prince comprit aisément
que cette Princesse,
que le solitaire avoir aiméen'étoit
autre qu'Eli
vire, il en avoit souvent
oui parler à Dom Pedre
son frere, & comme il
sçavoit la violence que
Dom Garcie avoit faire à
Elvire, il crut devoir réparer
le tort que le solitaire
lui faisoit par ses soupçons;
ilme semble
,
Seigneur,
lui dit-il, que vous
condamnez trop aisement
la Princesse que vous aimez
; pourquoi rapporter
àson inconstance un éloignement
dont elle gémit
peut-être autant que vous?-
si vôtre rival l'a enlevée,
le tort que vous lui faites
est irreparable, mais quoiqu'il
en soit, ce n'est point
ainsi qu'il faut juger de ce
qu'on aime. Ah ! je ne
ferois pas si malheureux
si je pouvoissoupçonner
Leonore d'inconfiance. Si
je condamne la Princesse
Elvire, reprit lesolicaire,
c'estque je ne puis douter
qu'elle ne me soit infidelle
y
après cet enlevement
je la cherchai dans
tout le Duché de Grenade
; & dans quelqueslieux
que mon rival lait conduite
,
je l'aurois sans dou-
.re découverte,si ellen'eût
été d'accord avec lui pour
rendre mes recherches
inutiles. Ah ! je l'ay trop
aimée pour ne pas me
plaindre de son changement,
& je vois bien que
nos malheurs font differens
3
quoiqu'ils partent
du même principe. C'est
ainsi que le solitaire die.
putoit au Prince la triste
floired'être le plus maleureux
de tous les horn;.
mes; si c'cft. un dédommagement
pour ceux qui
souffrent
,
ils pouvoient
tous deux y prérendre)
l'un étoit réduit à accuser
sa maîtresse, qui lui étoit
pourtant fidelle, & l'autre
a s'acculer lui-même, lui
qui n'avait jamais eu d'autre
regle de ses adtions
quesa gloire & son amour.
Cependant Elvirepassoit
sa vie dans de mortelles
inquiétudes auuibien
que Leonore,la convention
que ces deux
Princesses avoient eûë
leur étoit également funeste
,
& si Leonore avoit
lieu de soupçonner un
Prince, qu'Elvire avoit
nommé son amant, Elvire
soupçonnoit avec raison
un amant dont le nom
avoir produit un si violent,
effet sur Leonore;ellesavoient
un égal intérêt de se
retrouver. pour éclaircir
un doute si cruel,mais il
ne fut pas permis à Leonore
d'aller feule dans le
jardin,& Elviren'y voyant
plus que la curieuse tante,.
fut contrainte de choisir,
pour le lieu de sa promenade
,
la Forest de Gades;
c'est là que ces deux Princesses
le retrouverent dans
le temps qu'elles ne l'esperoient
plus. Le Duc d'Andalousie,
content de l'obeissance
de sa fille, l'avoit
enfin délivrée des
importunitez de sa vieille
secur
y
elle alloit souvent
se promener dans cette
Forest là elle pouvoit
joüir de la solitude-, & se
livrer à toute sa douleur
Le hazard la conduisit un
jour dans l'endroit où Etvire
avoit coutume d'aller
se plaindre de ses malheurs,
aussitôt elle court
vers elle avec empressement,,
& lui dit: il y a
long-temps que je vous
cherche, Madame, pour
vous apprendre une nouvelle
qui doit vous interesser
: Le Prince de Murcie
est Duc. de Grenade
par les soins de Dom Pedre
vôtre frere & son ami.
Madame,répondit Leonore,
vous sçavez la part
que j'y dois prendre, mais
je devine aussi celle que
vous y prenez, ce n'est
point moi qui dois ressentir
la joye de cette nouvelle.
Ah! qui doit donc
la ressentir ? reprit Leonore,
le Prince de Murcie
vous aime, Ôc. n'a fait
une si, grande démarche
que pour vous meriter.
Ah! Madame,répondit
Elvire, pourquoi insultez.
vousàmon malheur? Je
sçai que je ne suis point
aimée,c'est en vain que
je voudrois vous disputer
le coeur du Prince: de
Murcie.Ces deux Princelles
entraientinsensiblement
au pointd'unéclaircissement
qui leur étoitsi
necessaire,lorsqueDom
Juan &DomGarcievinrent
troubler leur entrer
tien: sitôtqu'Elvire eut
EÇÊonnu>fon persecuteur,
qgif n'étoitpasfort loin
d'elle,elle prit la fuite, &
Leonore> que la presence
de Dom Juan auroit embarrassée
dans une pareille
circonstance., prit une
autre allée dans le dessein
del'evicer; Dom Garcie
avoit cru reconnoîtreElvire
& l'avoit suivie des
yeux;l'occasion lui parut
trop bellepour la négliger
: Seigneur, dit-il à D.
Juan, vous voulez sans
doute aborder Leonore?
je vous laisse seul de peur
de troubler un entretien
si doux pour l'un & pour
l'autre, je ferai toujours à
portée de vous rejoindre;
en même temps il fuit la
routequ'il avoit vu prendre
à Elvire, & aprés
l'avoir assez long-temps
cherchée,il la découvrit
dans le lieule plus écarté
de la forest.Quelle fut la
surprise&la crainte de
cette Princessè? elle con,
noissoit le perfide Dom
Garcie.,irrité de ses refus
& de ses mépris,il étoit
capable de se porter aux
plus violentes extremitez;
Elvire dans un si grand
péril n'eut d'autrereilburce
quecelle de faire em*
tendre des cris horribles,
quipussent lui attirer du
secours, & ses cris en effet
la sauverent. Le solitaire,
quile promenoit assez près
de la, les entendit; aussitôt
il court vers le lieu où
les cris d'Elvire le con- duisent , & tout d'un , toup: il voit celle qu'il
croyoit infidelle à Grenade
, qui
-
se jettedansses
bras,en lui disant: Seigneur
,sauvez-moi des fureurs
d'un scelerat, & dans
le moment Dom Garcie
parut. Je n'entreprendrai
point
point d'exprimer les divers.
mouvemens de surprise
d'amour & de colere
donc le solitaire futsaisi ;
Dom Garcie voulut prosiser
du moment pour se
défaire de son rival avant
qu'il fût en défense, mais
lescelerat meritoitla
mort,le solitairel'étendii
à ses pieds; après le peu de resistance qu'on doit
attendre d'un lâche & d'un
traître,ensuite s'abandonnant
à d'autres transports,
il s'approcha d'Elvire:
quel bonheur luidit-il
y
Madame?la fortunevous?;
rend à mon amour, & livre
mon rival à ma vengeance
; que le perfide
nous a causé de maux r
que n'ai-je point souffert
pendant vôtre absence!
Jen'oublierai jamais,,
Prince, répondit Elvire,
le service que vôtre pitié
vient de me rendre, mais
je ferois plus heureuse si
je le devois à vôtre amour.
Ah!Ciel,s'écrialesolitaire,
comment expliquer
ces cruels reproches? jesuis
donc un amantinfidele.
Prince, je voudrois
pouvoir en douter,
rien ne troubleroit la joye
- que j'ai de vous revoir;
Ah! je serois trop heureuse.
Grand Dieu,s'ecriatil
encore une fois,il est
donc vrai que vous m'accufèz
d'inconstance> Ahj
Madame,quel démon envieux
de nôtre bonheur,
vous donne ces injustes
soupçons ;quoi je vous
revois! le plaisir que je
sens me persuade que tous
mes maux sont finis, & je
retrouve au même instant
des malheurs plus grands
encore que ceux que j'ai
fouffers
; ma chere Elvire
voyez cette trille retraite,
cetteaffreuse solitude!
font-ce la des preuves de
mon inconstance ? Oui,
Prince, cest le choix de
cette solitude qui confirme
mes tristessoupçons.
Ah! Seigneur, est-ce dans
la forestde Gades que
vôtre. confiance devoit
éclater? Le solitaire, qui
ne pouvoit rien compren- dre au discours d'Elvire,
ne sçavoit comment calnler.,
les soupçons ;nia
Princesse, lui disoit-il, daignez
medire le sujet de
vos reproches,je fuis Ulr
de me justifier, jenesuis
pas surpris que vous me
foupçonniez., le moindre
accidentpeut allarmer
une amante {enfible3 j'ai
moi-même eprouve combien
il elt aisé de craindre
le changement dece qu'
onaime
)
jevous ai crû
moi-même moins fidelle
que je ne vous retrouve,
mais si l'heureuse avanture
quinous réunit ne m'avoit
détrompé, loin de vous en
faire un mystere,je me
ferois plaint à vous, je
vous aurois découvert le
sujet de mesdouleurs, ôc
je n'aurois rien tant fouhaitté
que de vous voir
bien justifiée
; pourquoy
n'en usez-vous pas ainsi,
ma Princesse ? l'amour
peut-il prendre un autre
parti? Que me servira-t-il,
reprit El vire, de vous convaincred'inconstance
? je
ne vous en aimerai pas
moins, & vous n'en aimerez
pas moins Leonore.
Quoi!j'aime Leonore, reprit
vivement le solitaire?
Ah! je vois maintenant le
sujet de vos qsoupconsy.
vous avez crû que, charmé
de cette Princesse,je
n'habite cette solitude
-
que pour lui prouver mon
amour , mais non,ma
chere Elvire,rendez-moimon
innocence, rendezmoi
tout vôtre amour:je
n'ai jamais vû Leonore,,,
je suis dans un lieu tout
plein de sa beauté & de
les vertus & je n'ai jamais
penséqu'à vous, c'est pour
vous feule que je fuis réduit
dans l'état où vous -
me voyez. Ah! Prince., dit
Elvire,que ne vous puisje
croiremaisnon vous
me trompez;voyez vousmême
si je dois être convaincue
; je racontois a
Leonore nos communs
malheurs, elle me demanda
vôtre nom, je lui nommai
le Prince de Murcie,
&: soudain elle tombaévanouie
dans mes bras;
jouiuez. Prince, de vôtre
gloire, après ce coup rien
ne peut môterma douleur.
leur. Elvire voulut s'éloi.
gnerdu solitaice pour lui
cacher ses larmes.; arrêtez
ma Princene, s'écria-t-il
,
non je
-,
n'ai jamais vu Leonore,
ilest un autre Prince
de Murcie,vous le devez
sçavoir: Ah! pouvezvousme
soupçonner? mais
rnachere Elvire,venez me
voir tout-à-faitjustisié, j'ai
laissé dans ma cabane un
inconnu qui aime Leonore,
l'état où la nouvelle
de son mariage avec Dom
Juan la réduit, m'a découvert
son secret: il est
sans doute ce Prince de
Murcie amant de Leonore,
venezJe lui demanderai
son nom, il ne pourra
me resuser cet ecfairciuement,
qui importe tant a
vôtre bonheur& au mien.
Ils n'eurent pasgrand chemin
à faire pour arriver à
la petite cabane;le cours
de leur conversation les y
avoit insensiblement conduits,
ils y entrent, mais
quel spectacle s'offrit tout
d'un coup à leurs yeuxils
virent deux hommes étendus
dans la cabane, qui
perissoient dansleursang.
Ah Ciel! s'écria Elvire,
saisie d'horreur .& de sur-
,
prise.Qui sont ces malheureux
?Que je plains là
fort de l'un d'eux, repondit
le solitaire; c'est cet
étranger qui étoit venu
chercher ici un azile, nous
déplorions ensemblenos
communs malheurs, il alloit
fininles miens. Elvire
revenue de sa premiere
terreur s'approcha 8c reconnut
Dom Juan, Le
Prince après s'être separé
de D. Garcie avoit longtemps
erré dans la forêt,
occupe destrilles idées qui
les avoient conduits:malygré
ce que la fortune faisoitpour
luiy il nelaissoit
pas d'avoir ses chagrins;
il avoit apperçu lacabane
du soliraire, .& y étoit entré
attiré par sa simpie curiosite
:
les' soupirs de cet
inconnul'avoit redoublée
enexcitant sa compas.
sion. Mais quelle surprise!,
à peineces deux hommes
se furent envilagezdqu'un
premier mouvement de
rage & devengeance leur
étant tout loisir de s'expliquer
: Ah te voila,traître.,
s'écria l'un; perside, tu
mourras, secria l'autre :
& à l'instant ils se lancent
furieux l'un sur l'autre, &
se battent avec tant de
haine & tant d'acharnement,
que sans recevoir
aucun coupmorcel ils se
ercerent enplusieurs endroits,
ils tomberent l'un
& l'autre affoiblis par la
perte de leur sang,&par
la longueur du combar.Ce
fut dans cet état que les
trouvèrent Elvire & fou
amant, ils leur donnrent
tous les secours possibles,&
se retirèrent a l'écart dans
l'esperance de tirer quelque
éclaircisement de ce
que se diroient ces deux
rivaux. Ils reprirent peu
de temps après leurs sorces
& leurs ressentimens,.
& le Prince de Murcie
tournant vers Dom Juan
des yeux pleins d'indignation:
Quoy tu vis encore
le Ciel ne peur donc consentir
à la mort du digne
époux de Leonore, ni la
forc,ni l'amournilahaine
îije peuventrien sur de si
beauxjours?Le Ciel,répondit,
Dom Juan, veut que
j'admire encor cet illuitre
conquerant, qui vient de
joindre ,à tant de hauts titres
celuy de Duc de Grenade
: Quel regret pour
moy de mourir sans voir
regner un Prince si genereux
?Peux-tu le voir sans
rougir,persideyreprit le
Prince Non dit Dom
Juan.le rougis de t'avoir
il rpal connu. Les traîtres,
répliqua le Prince, ne rougissent
du crime qu'après
qu'ils l'ont commis. - Il est
vray, répondit D. Juan
y s'ils n'en rougissoient pas
si tard,je ferois Duc de
Grenade, & vous ne seriez
encore que le Prince de
Murcie. Poursuis,indigne
amy ,
reprit le Prince,
cherche un pretexte à ton
horrible persidie; tu n'es
donc l'époux de Leonore
que parce que je luis un
Tyran?Non', traître, repondit
Dom Juan, puiss
qu'il faut enfin éclatter, je
ne t'ai point trahi,je mefuis
yengé de l'ennemi commun
de toute l'Espagne;
d'un usurpateur qui elt en
abomination dans toute
l'Europe: Renonce àLeonore,
qui tesereste autant
quelle t'a autrefois aimé.
Grand Dieu,s'ecria-t-il,où
fùis-je?non,, Leonorenaura
pas pu le croire; tes
derniers mots te convainquentd'imposture,
tu peux
m'avoir pris pour unusurpateur,
mais non pas cette
genereule Princesse. Il est
vray, répondit D. Juan,.
tu l'avois seduite par ta
fausse vertu: maisqu'avoir
elle a repondre a D. Garcie,.
dont la fidelité rend
ta perfidie certaine ? Le
Prince vit dés ce moment
la trahison de D. Garcie
y,
& parla ainsi à sonrival:
Dom Juan,je fuis forcé de
vous rendre vôtre innocence,
Dom Garcie vous
a trahis tous deux: loin
d'usupervosEtats,je les
aysoustraits à la tyrannie,
dans le seul dessein de vous
les rendre
:,- En abordant
Tille de Gadcs je trouvay
Dom Pedre qui vous cherchoit
par tout, jem'offris
à prendre vôtre place, &
je fis pour vous ce que je
n'aurois pas fait pour moymême,
je me privay du
plaisir de revoir Leonore
pour vous remettre dans
vos Estats ; j'en ai chassé
Dom Garcie qui les usurpoit:
pour prix de mon secours
Ôc de mon amitié
vous épousez ce que j'ainle,
sans que j'en puisse
accuser que la fortune-,
vous n eres point coupable
: mais cependant Leonore
eIl: à vous & je la
perds pourjamais.
Le Prince de Murcie
parloit d'un air si couchant
que Dom Juan lui-même
commençoitàs'attendrir.
On peut juger de laJitua.
tion des deu x spectateurs;
Elvire étoit sûre du coeur
de son amant,& cetamant
voyoit dans les yeux d'El..
vire, & la justice qu'elle
rendoit à son amour, &la
joye avec laquelle elle la
lui rendoit,il ne manquoit
plus au Prince qu'une
occasion de confirmer
ces diccours qui faisoient
déja tant d'impression;
hazard la sit naître prefqu'au
même instant.Un
des domestiques de Dom
Juan,qui avoitsuivi Dom
Garcie, entra dans laca~
bane, attiré par le bruit
qu'il avoit entendu. Approchez,
lui dit D. Juan,
pourquoy m'avez
- vous
trahi? pourquoiêtes-vous
entré dans lecomplot du
traître Dom Garcie? Fernandez
( c'étoit le nom
du domestique ) interdit
d'une questionà laquelle
il ne s'attendoit pas, &
déjà surpris de la réunion
à
des deux Princes, prit le
parti de se jetter aux
pieds de son Maître, 8c
de lui découvrir tout le
mystere d'une sinoire trahison.
Ah! quel secret venez-
vous de me reveler.,
s'écria Dom Juan, saisi
d'une juste horreur,confus
desa credulité
)
deses
peré d'avoir fîiivi les mouvemens
de sa haine contre
celui à qui il devoit tout?
Ah! Seigneur,s'écria-t-il,
se tournant vers le Prince
de Murcie, que puisje
vous dire? je ne suis point
l'époux de Leonore. Vous
n'êtes point son époux,
répondit le Prince? Ah!
Dom Juan pourquoi voulez-
vousme flatter? croyez-
vous par là conserver
ma vie? Non, je meurs
mal-heureux amant de
Leonore& fidele ami de
D. Juan.C'est moi qui dois
mourir,reprit Dom Juan,
je ne fuis plus digne de
la vie; vivez, Prince,
pour posseder Leonore,
j'aiassez d'autres crunes
à me reprocher sans me
charger- encore de celui
d'être son époux; non.,
je ne le fuis point, & l'unique
consolation qui me
reste, après tous les maux
queje vous ai causez, c'est
d'être encor plus malheureuxquejene
fuis coupable.
En mêmetemps il lui
apprit comment ce mariageavoit
été retardé par
une violente maladie de
Leonore
, que ses chagrins
avoient apparemment
causée. Dom Juan
ne borna pas là les foins
.qu'il devoir au Prince
lui promit de fléchir le
Duc
Duc d'Andalousiey & fit
renaître
,
dans son coeur
l'esperance que tant. de
malheurs en avoient ôtée.
Quelchangement de situation
pour le Prince de
Murcie, à peine croyoit- iltout ce qu'il entendait
partageentre la joye de
ravoir Leonore fidelle,
& l'impatience, de la revoir
telle que l'amour la
lui conservoit
,
à peine
pouvoit-il suffire à ressentir
tout son bonheur. Elvire
& le solitaire de leur
côté jouissoient du bonheur
de se trouver fîdeles,
exempts des soins &de l'inquietude
qui troubloient
depuis si long-temps leur
amour; le spectacle dont
ils étoient témoinsaugi
mentoit encore leur tendresse.
Après qu'ilsse furent
dit tout ce qu'un bonheur
mutuel peut inspirer,
ils s'aprocherent des deux
Princes. Dés que le Prince
deMurcie eut apperçû le
solitaire, il luy dit: Vous
- me trouvez,Seigneur,dans
unesituation- bien- différente
de celle ou vous,
m'aviez laissé, vous voyez
qu'il ne faut qu'un moment
pour terminer les
plus grands malheurs, j'espere
que celuy qui doit
finir les vôtres- n'est pas
bien éloigné, &pour lors
ma joye sera parfaite. Seigneur,.
répondit le solitaire,
le Ciel nous a réunis
pour nous rendre tous heureux,
vous allez- revoir
Leonore,,, jeretrouve El
vire fidellé
; cette avanture
finittous lesmalheuts
qui sembloient attachez
aunom que nous portons
l'un & l'autre. Il lui apprit
en même temps qu'il étoit
un cadet de la maison,
dont la branche separée
depuis long-temps estoit
presque inconnuë enEspagne,
il luy raconta les
soupçons d'Elvire à l'occasson
de la conformité
de leur nom; les momens
surent employez à des détails
capables d'interesser
du moins des amans:mais
lorsqu'Elvire luy rendit
compte àsontour de Son
entrevue a\*ecLectfi0rcv&
de tout cequi l'avoirluivie
:Ah, s'écria,le Prince,,
quela fortune, est cruelle
quand ellenouspourluit:
c'érait l'unique moyen de
rendrema fidélité suspecte
à Leonore:mais non, cette
Princesse connoîtbien
mon coeur,elle n'aura
point
-
fait cette injustice à
mon- amour. Cependant
Fernandezqui avoit ete
témoin; de redaircinement
entre le Prince de
Murcie & son malfire".
plein de tout cequ'ilavoit
entenducourut le publier
dans le Palais du Duc, il
trouva Leonore quiquittoit
la forêt pour retourner
à son appartement, &
elle en sur instruite la premiere.
Son récit étoit aisez
interessant pour que Leonore
voulût le justifier,
elle ': sè fit incontinentconduire
à la cabane;dés
qu'elle parut sa présence
produisit un profond silence
,
le Prince étoit celuy
qui avoit le plus de
choses à dire, il fut aussi
celuy qui eut moins la
force de parler: mais sa
joye n'en éclattoit que
mieux dans ses regards, ôc
Leonore qui l'y. voyoit
toute entiere,ne marquoit,
pas moins vivement le.
plaisir qu'elle ressentoit..
Elvire enfin prit la parole,.
&montrant le solitaire,elle
luy apprit son nom, & lui
donna un éclaircissement
qui manquoit encore à son.
repos.
Dom Juan marquoit le
plus vif repentir,ilcedoit
tous ses droits au Prince
de Murcie: ces amans
se voyoient, délivrez d'un
dangereux persecuteur;que
ne se dirent-ils point dans
de pareils transports ? Ah
,
Madame,s'écria le Prince,
vous m'aimez encore? les
noms d'usurpateur &d'infidele
qu'on m'a tant donnez
n'ont point changé
vôtre coeur? à ce trait je
reconnois Leonore. Ouy,
Seigneur,réponditla Princesse,
je vous ay toûjours
aimé
, & je luis toûjours,
cette Leonore, dont vous
connoissez si bien les sentimens;
les raisons qui sembloient
persuader vostre
inconstance,n'ont pu prévaloir
valoir sur le souvenir de
vos verrus: Prince,j'ay
souffert de vôtre absence
) & de la cruauré avec laquelle
on a voulu flétrir
vôtre nom:mais je ne vous
ay jamais condamné, de
ne pouvant être à vous,
j'allois me donner la mort,
si la fortune ne nous eût
enfin réunis. Je n'entreprendrai
point de rapporter
ici le cours de leur entretien;
pour peu qu'on
connoisse l'amour, on en
imaginera plus que je n'en
pourroisdire: mais enfin
il n'est pointde réünion
plus touchante que celle
de deux amans qui ont eu
tant d'obstacles à surmonter
,qu'ils se protestent
qu'ils ne se sont jamais crus
infidelles
,
parmi tant de
raisons qui sembloient
marquer leur infidélité ;
la haute idée qu'ils avoient
l'un de l'autre avoit toûjours
éloignélajalousieinseparablede
l'amour moins
heroïque, & s'ils n'avoient
pas eu les chagrins de cette
espece,ceux de l'absence
en étoient plusviolens
pour eux.
Les sentimens que tant
de disgraces n'avoient pû
chasser de leur coeur firent
leur gloire & leur felicité;
leur confiance attendrit
enfin le Duc d'Andalousie
, que tant de
nouvelles raisons forçoient
d'estimer le Prince
de Murcie: Ces illustres
Amans furent bientost
unis pour toujours
; cet
heureux mariage fut suivy
de celuy du solitaire
avec Elvire, & comme
la fortune les avoit tous
associez dans les malheurs
qu'elle leur avoit suscitez,
ils jurerent de ne se separerjamais,
FIN.
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Résumé : SUITE ET FIN de l'Histoire Espagnole.
Le texte relate une série d'événements impliquant plusieurs personnages en proie à des dilemmes amoureux et politiques. Le Prince de Murcie et un solitaire, tous deux malheureux en amour, se rencontrent dans une forêt. Le Prince de Murcie apprend que Leonore, qu'il aime, a épousé Dom Juan. Le solitaire, quant à lui, est désespéré car il croit qu'Elvire, la femme qu'il aime, lui est infidèle. Ils découvrent ensuite Elvire, poursuivie par Dom Garcie, qui est sauvée par le solitaire. Elvire accuse le solitaire d'inconstance, croyant qu'il aime Leonore, mais il nie et explique qu'il n'a jamais vu Leonore. Dans une cabane, ils trouvent Dom Juan et un autre homme blessés, chacun accusant l'autre de trahison. Le Prince de Murcie et Elvire tentent de les secourir. Une confrontation éclate entre Dom Juan et le Prince de Murcie concernant la princesse Leonore. Le Prince de Murcie accuse Dom Juan de trahison et d'usurpation, mais Dom Juan révèle que Dom Garcie est le véritable traître. Dom Juan explique qu'il a agi pour protéger l'Espagne et nie toute trahison envers le Prince. Le Prince de Murcie reconnaît l'innocence de Dom Juan et la trahison de Dom Garcie. Dom Juan avoue qu'il n'est pas l'époux de Leonore et exprime son repentir, promettant d'aider le Prince de Murcie à récupérer ses États et à reconquérir Leonore. Le solitaire, ami d'Elvire, se révèle être un cadet de la maison du Prince de Murcie. Elvire et le solitaire se retrouvent fidèles l'un à l'autre. Leonore, informée des événements, se réconcilie avec le Prince de Murcie, exprimant leur amour inébranlable. Le Duc d'Andalousie, ému par les preuves de leur amour et de leur loyauté, estime le Prince de Murcie. Les amants se marient, ainsi qu'Elvire et le solitaire, jurant de ne jamais se séparer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 21-31
« On a appris de Leipsik que le Duc Antoine Ulric [...] »
Début :
On a appris de Leipsik que le Duc Antoine Ulric [...]
Mots clefs :
Tsar, Prince, Princesse, Moscovites, Vizir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On a appris de Leipsik que le Duc Antoine Ulric [...] »
On a appris de Leipsîk
que le Duc Antoine Ulric
de Wolsembuttel y étoit
, arrivé le 19. & que le lendemain
il en étoit party
pour Torgau, ou la Duchesse
sa belle fille & la
Princesse fille de cette Duchesse
étoient arrivées par
une autre route; que deux
jours auparavant le Prince
de Moscovie étoit aussï
passé par la premiere de ces
Villes pouraller au devant
du Czar son pere qui étoit
party de Catelsbade pour
aller aussi à Torgau,où
le Mariage du Prince son
fils avec la Princesse de
Wolfembuttel, devoit estre
cclebré.
Par les Lettres de Dresde
du 18. on a sçu quele Czar
y étoit arrivé le 18. qu'il
avoit donné l'ordre de Saint
André au Prince de Furstemberg
Gouverneur
-
de
FEtectorac de Saxe; que le
21.ils'étoit embarqué sur
l'Elbe, & que le 22 il étoit
arrivé à Torgau; que le
mesme jour 21. le Prince
de Moscovie son fils, le
DucAntoine Ulric de Wolfemburtel
,
le Prince herediraire
son fils, avec la Priaccflè
son épouse & laPrincesse
leur fille allerent à
Lichtenberg rendre visite à
rEkaricc: Douairiere de
Saxe, d'oùils sestoient rendus
à Torgau le 22. que
le Dimanche 25.le Mariage
du Prince de Moscovie
avec la Princesse Char lote-
Christine-Sophie de Wolfenbuttel
y sur celebré par
un Prestre Moscovite, suivant
les Rites de l'Eglise
Grecque; que le Prince fut
conduit par le Czar son
Pere, & la Princesse par le
Duc Antoine Ulric son
grand Pcrc ; que le soir il
y eut un tres grand festin
auquel le Prince de Moscovie
occupa la premiere place
ayant
ayant le Czar son Pcre à sa
droite, la Princesse son épou
se à sa gauche; que les
Princes & Princesses de la
maison de Wolfenbuttel
furent placez selon leur
rang ,
ainsi que plusieurs
autres Princes Moscovites
e., Allemans.
Les Lettres de Vienne du
17. Octobre portent que
l'Imperatrice épouse du feu
Empereur Joseph parue
en public le 11. sa Maison
ayant esté formée; qu'elle
alla à la Chapelle du
Palais avec un grand Cortege
de Seigneurs & de
Dames;que le Comte de
W ndischgratsaporta le16.
la premiere nouvelle de
l'Election faite à Francfort
le 12. en faveur de l'Archiduc;
que les Etats d'Autriche
avoient nommé trois
Seigneurs de leur Corps
pour aller en Italie luy
reprefentcr que si l'on continuë
d'exiger d'eux des
sommes tre considerables
pour les faire passer dans des
Pays Etrangers
, toutes celles
qu'ils ont données pendant
le séjourquel'Archiduc
a fait à Barcelonne y ayant
passé, & la derniere qui est
de trois millions de florins
ayant servy aux frais de son
Voyage, ils feront contraints
dabandonner leur
pays & de se retirer ailleurs;
qu'on ne doutoit plus quele
Couronnement de l'Archiduc
ne fc fist à Francfort, les
Electeurs n'ayant pas voulu
consentir qu'il se sit à Ausbourg
;que les avis d'Hongrie
portoient que la Conta-
,
gion y avoir fait de si grands
ravages que plusieurs Villagesétoient
entierement dépeuple;
qu'outre cela il y
avoir une mortalité de ber.
tail si extraordinaire, qu'il
y avoit des personnes qui
en avoient deux cens pieces,
auxquelles il n'en étoit resté
que deux ou trois; & qu'il
y avoit en plusieurs endroits
ijnc si grande quantité de
souris dans les Terres qui
mangeoient lesgrains qu'on
avoit Cernez) qu'il y avoic
tour lieu d'apréhender une
grande famine;que les Lettres
de Constantinople portoient
que le Gouverneur
d'Asaph ayant été sommé ,
de rendre la Place conformement
au Traité que le
Czar avoit concluavec le
çrand Visir,il avoit deman-
- dé un dclay de trois mois;
, qu'il avoit refusé de démolir
les Forts qui font auvoisinage
,
fous prétexte qu'ayant
été construits au dépens
du Clergé, il ne pouvoir les
remettre aux Ennemis de
leur Religion; que le Czar
avoit déclaré qu'il n'executeroit
le Traité qu'après
» que le Roy de Suede seroit
sorti des Etats du Grand
Seigneur quoy- que cet Article
n'y sur pas înlcic
; que
le Sultan avoir été fort irrité
de cette déclaration,&
qu'on croyoit quecesretardemens
& les instances du
Kan desTarrares qui se
* plaignoitdesHostilitezque
Jes Mosovites avoienr exercées
contre les Cosaques
qui étoient sous sa protection
, pourvoient causer une
nouvelle rupture avec le
.Czar ; qu'on blasmoit la
conduite du grand Visir,
de ce qu'il avoir precipitemment
conclu un Traité sans
prendre toutes les furetez
necessaires pou: l'execution,
de ivunierc qu1oritie doutoit
pas qu'il ne fût ~chose.
que le Duc Antoine Ulric
de Wolsembuttel y étoit
, arrivé le 19. & que le lendemain
il en étoit party
pour Torgau, ou la Duchesse
sa belle fille & la
Princesse fille de cette Duchesse
étoient arrivées par
une autre route; que deux
jours auparavant le Prince
de Moscovie étoit aussï
passé par la premiere de ces
Villes pouraller au devant
du Czar son pere qui étoit
party de Catelsbade pour
aller aussi à Torgau,où
le Mariage du Prince son
fils avec la Princesse de
Wolfembuttel, devoit estre
cclebré.
Par les Lettres de Dresde
du 18. on a sçu quele Czar
y étoit arrivé le 18. qu'il
avoit donné l'ordre de Saint
André au Prince de Furstemberg
Gouverneur
-
de
FEtectorac de Saxe; que le
21.ils'étoit embarqué sur
l'Elbe, & que le 22 il étoit
arrivé à Torgau; que le
mesme jour 21. le Prince
de Moscovie son fils, le
DucAntoine Ulric de Wolfemburtel
,
le Prince herediraire
son fils, avec la Priaccflè
son épouse & laPrincesse
leur fille allerent à
Lichtenberg rendre visite à
rEkaricc: Douairiere de
Saxe, d'oùils sestoient rendus
à Torgau le 22. que
le Dimanche 25.le Mariage
du Prince de Moscovie
avec la Princesse Char lote-
Christine-Sophie de Wolfenbuttel
y sur celebré par
un Prestre Moscovite, suivant
les Rites de l'Eglise
Grecque; que le Prince fut
conduit par le Czar son
Pere, & la Princesse par le
Duc Antoine Ulric son
grand Pcrc ; que le soir il
y eut un tres grand festin
auquel le Prince de Moscovie
occupa la premiere place
ayant
ayant le Czar son Pcre à sa
droite, la Princesse son épou
se à sa gauche; que les
Princes & Princesses de la
maison de Wolfenbuttel
furent placez selon leur
rang ,
ainsi que plusieurs
autres Princes Moscovites
e., Allemans.
Les Lettres de Vienne du
17. Octobre portent que
l'Imperatrice épouse du feu
Empereur Joseph parue
en public le 11. sa Maison
ayant esté formée; qu'elle
alla à la Chapelle du
Palais avec un grand Cortege
de Seigneurs & de
Dames;que le Comte de
W ndischgratsaporta le16.
la premiere nouvelle de
l'Election faite à Francfort
le 12. en faveur de l'Archiduc;
que les Etats d'Autriche
avoient nommé trois
Seigneurs de leur Corps
pour aller en Italie luy
reprefentcr que si l'on continuë
d'exiger d'eux des
sommes tre considerables
pour les faire passer dans des
Pays Etrangers
, toutes celles
qu'ils ont données pendant
le séjourquel'Archiduc
a fait à Barcelonne y ayant
passé, & la derniere qui est
de trois millions de florins
ayant servy aux frais de son
Voyage, ils feront contraints
dabandonner leur
pays & de se retirer ailleurs;
qu'on ne doutoit plus quele
Couronnement de l'Archiduc
ne fc fist à Francfort, les
Electeurs n'ayant pas voulu
consentir qu'il se sit à Ausbourg
;que les avis d'Hongrie
portoient que la Conta-
,
gion y avoir fait de si grands
ravages que plusieurs Villagesétoient
entierement dépeuple;
qu'outre cela il y
avoir une mortalité de ber.
tail si extraordinaire, qu'il
y avoit des personnes qui
en avoient deux cens pieces,
auxquelles il n'en étoit resté
que deux ou trois; & qu'il
y avoit en plusieurs endroits
ijnc si grande quantité de
souris dans les Terres qui
mangeoient lesgrains qu'on
avoit Cernez) qu'il y avoic
tour lieu d'apréhender une
grande famine;que les Lettres
de Constantinople portoient
que le Gouverneur
d'Asaph ayant été sommé ,
de rendre la Place conformement
au Traité que le
Czar avoit concluavec le
çrand Visir,il avoit deman-
- dé un dclay de trois mois;
, qu'il avoit refusé de démolir
les Forts qui font auvoisinage
,
fous prétexte qu'ayant
été construits au dépens
du Clergé, il ne pouvoir les
remettre aux Ennemis de
leur Religion; que le Czar
avoit déclaré qu'il n'executeroit
le Traité qu'après
» que le Roy de Suede seroit
sorti des Etats du Grand
Seigneur quoy- que cet Article
n'y sur pas înlcic
; que
le Sultan avoir été fort irrité
de cette déclaration,&
qu'on croyoit quecesretardemens
& les instances du
Kan desTarrares qui se
* plaignoitdesHostilitezque
Jes Mosovites avoienr exercées
contre les Cosaques
qui étoient sous sa protection
, pourvoient causer une
nouvelle rupture avec le
.Czar ; qu'on blasmoit la
conduite du grand Visir,
de ce qu'il avoir precipitemment
conclu un Traité sans
prendre toutes les furetez
necessaires pou: l'execution,
de ivunierc qu1oritie doutoit
pas qu'il ne fût ~chose.
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Résumé : « On a appris de Leipsik que le Duc Antoine Ulric [...] »
Le texte relate divers événements politiques et sociaux en Europe. À Leipzig, le duc Antoine Ulric de Wolfenbüttel est arrivé le 19 et a quitté la ville le lendemain pour Torgau, où la duchesse, sa belle-fille, et la princesse, fille de cette duchesse, étaient déjà présentes. Deux jours auparavant, le prince de Moscovie avait traversé Leipzig pour rejoindre le tsar, son père, à Torgau, où devait se célébrer le mariage du prince avec la princesse de Wolfenbüttel. À Dresde, le tsar est arrivé le 18 et a décerné l'ordre de Saint-André au prince de Fürstenberg, gouverneur de Tectorac de Saxe. Le 21, il s'est embarqué sur l'Elbe et est arrivé à Torgau le 22. Le même jour, le prince de Moscovie, le duc Antoine Ulric, le prince héritier, la princesse son épouse et leur fille ont rendu visite à la reine douairière de Saxe à Lichtenberg, avant de se rendre à Torgau. Le 25, le mariage du prince de Moscovie avec la princesse Charlotte-Christine-Sophie de Wolfenbüttel a été célébré par un prêtre moscovite selon les rites de l'Église grecque. Le prince a été conduit par le tsar, son père, et la princesse par le duc Antoine Ulric, son grand-père. Un grand festin a suivi, où le prince de Moscovie a occupé la première place, avec le tsar à sa droite et la princesse à sa gauche. Les lettres de Vienne du 17 octobre mentionnent que l'impératrice, épouse du défunt empereur Joseph, est apparue en public le 11. Le comte de Windischgrätz a apporté la nouvelle de l'élection de l'archiduc à Francfort le 12. Les États d'Autriche ont nommé trois seigneurs pour représenter l'archiduc en Italie et ont exprimé leurs préoccupations face aux sommes considérables exigées pour les frais de voyage. Les lettres d'Hongrie rapportent des ravages causés par la contagion, avec des villages dépeuplés et une mortalité extraordinaire chez le bétail. Une invasion de souris menace les récoltes, augmentant le risque de famine. À Constantinople, le gouverneur d'Asaph a demandé un délai pour rendre la place conformément au traité conclu entre le tsar et le grand vizir. Le tsar a déclaré qu'il n'exécuterait le traité qu'après le départ du roi de Suède des États du Grand Seigneur, ce qui a irrité le sultan. La conduite du grand vizir est critiquée pour avoir conclu un traité sans prendre les précautions nécessaires. Une nouvelle rupture avec le tsar est envisagée en raison des hostilités exercées par les Moscovites contre les Cosaques sous la protection du kan des Tartares.
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13
p. 106-111
MORTS.
Début :
Jacques de Savonieres, Chevalier de l'Ordre de Saint Loüis [...]
Mots clefs :
Secrétaire du roi, Gentilhomme ordinaire du roi, Princesse, Chevalier de l'Ordre de Saint Loüis
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texteReconnaissance textuelle : MORTS.
MORTS.
Jacques de Savonieres,
Chevalier de l'Ordre de
Saint Louis & Capitaine du
Port de Marseille, y mourut
le
1 1. Seprembre. Il avoit
esté pendant 47. ans Officier
des Galleres, dont
il étoit devenu premier
Çaplaine.
Marie Hyacinthe,née
Princesse de Ijçne» & du
Saint Empire Romain,
mourut le premier octobre
âgée de 17. ans. Elle etoit
fille de Mr le Mirguis de
Moï, ci devant Capitaine-
Lieutenant des Gendarmes
Ecossois, Commandant la
Gendarmerie de France,
& d'Anne Catherine de
Broglia.
Loüis de Vilevant, qui
avoit esté reçu Confciller au
Parlement, en 1653. puis
Maistre des Requestes en
1671. mourut le 19. Octobre
âgé de 80 ans.
Antoine de Lux; Comte
de Vantelet, Gentilhomme
Ordinaire du Roy mourut
le 4. Movembre âgé de plus
de 80 ans.
Catherine Vincent,veuve
d'Antoine Guyet Maistre
des Comptes, mourut aussi
le 4. Novembre âgée de
80 ans. ," ,,.
Michelle Chanlatte é*
pou se de Jacques Pallu,
Conseiller Honoraire au
Grand Conseil, mourut le
le 7 Novembre.
Henry -
Félix de Taffy,
Evescque de Châlons sur Sône
, y mourut le 11. Novembre
âgé de 71. ans.
Jean. Léonard Seeou(Ter
Conseiller - Secrétaire du
Roy, & Avocat au Parlement
de Paris
, mourut le
16. Novembre âgé de 51.
ans huit mois, avec une profonde
capacité. Il avoit plusieurs
talens qui ne se rencontrent
pas toujours dans
la même personne. Il parloit
en public & parloir
bien. Le ton de sa voix qu'il
sçavoit varier en vray Orateur
,
suivant les choses qu'il
avoit à dire; sa netteté &
,
son érudition luy attiroient
sansréduirel'attention de
i^utle monde. Horsdu Barreau
,
c'estoit un guide sur
par ses con seils. Il estoitceluy
de S A. S. Madame la
Princesse Doüairiere de Condé;
de celuy de la Maison de
Conty & de celle du Maine.
Mais il sçavoit se partager
entre-eux & le public. Une
refusoit aux pauvres ny son
temps ny des secours qu'il
prenoit sur son necessaire.
En 1709. il vendit son carosse
& leur en fit distribuer
les deniers par Mr Secousse
son frere, Curé de S. Eustache.
Joseph François Petit de
Ville-neuve, qui avoit esté
reçuConseiller Clerc au
Parlement le 4. Janvier
1702.. mourut le 22. Novembre.
Monsieur de Brom Fieubet,
est aussi mort.
Jacques de Savonieres,
Chevalier de l'Ordre de
Saint Louis & Capitaine du
Port de Marseille, y mourut
le
1 1. Seprembre. Il avoit
esté pendant 47. ans Officier
des Galleres, dont
il étoit devenu premier
Çaplaine.
Marie Hyacinthe,née
Princesse de Ijçne» & du
Saint Empire Romain,
mourut le premier octobre
âgée de 17. ans. Elle etoit
fille de Mr le Mirguis de
Moï, ci devant Capitaine-
Lieutenant des Gendarmes
Ecossois, Commandant la
Gendarmerie de France,
& d'Anne Catherine de
Broglia.
Loüis de Vilevant, qui
avoit esté reçu Confciller au
Parlement, en 1653. puis
Maistre des Requestes en
1671. mourut le 19. Octobre
âgé de 80 ans.
Antoine de Lux; Comte
de Vantelet, Gentilhomme
Ordinaire du Roy mourut
le 4. Movembre âgé de plus
de 80 ans.
Catherine Vincent,veuve
d'Antoine Guyet Maistre
des Comptes, mourut aussi
le 4. Novembre âgée de
80 ans. ," ,,.
Michelle Chanlatte é*
pou se de Jacques Pallu,
Conseiller Honoraire au
Grand Conseil, mourut le
le 7 Novembre.
Henry -
Félix de Taffy,
Evescque de Châlons sur Sône
, y mourut le 11. Novembre
âgé de 71. ans.
Jean. Léonard Seeou(Ter
Conseiller - Secrétaire du
Roy, & Avocat au Parlement
de Paris
, mourut le
16. Novembre âgé de 51.
ans huit mois, avec une profonde
capacité. Il avoit plusieurs
talens qui ne se rencontrent
pas toujours dans
la même personne. Il parloit
en public & parloir
bien. Le ton de sa voix qu'il
sçavoit varier en vray Orateur
,
suivant les choses qu'il
avoit à dire; sa netteté &
,
son érudition luy attiroient
sansréduirel'attention de
i^utle monde. Horsdu Barreau
,
c'estoit un guide sur
par ses con seils. Il estoitceluy
de S A. S. Madame la
Princesse Doüairiere de Condé;
de celuy de la Maison de
Conty & de celle du Maine.
Mais il sçavoit se partager
entre-eux & le public. Une
refusoit aux pauvres ny son
temps ny des secours qu'il
prenoit sur son necessaire.
En 1709. il vendit son carosse
& leur en fit distribuer
les deniers par Mr Secousse
son frere, Curé de S. Eustache.
Joseph François Petit de
Ville-neuve, qui avoit esté
reçuConseiller Clerc au
Parlement le 4. Janvier
1702.. mourut le 22. Novembre.
Monsieur de Brom Fieubet,
est aussi mort.
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Résumé : MORTS.
Le texte énumère plusieurs décès survenus à des dates spécifiques. Jacques de Savonieres, Chevalier de l'Ordre de Saint Louis et Capitaine du Port de Marseille, est décédé le 11 septembre après 47 ans de service dans les galères. Marie Hyacinthe, Princesse de Ijçne et du Saint Empire Romain, fille du Marquis de Moï et d'Anne Catherine de Broglia, est décédée le 1er octobre à l'âge de 17 ans. Louis de Vilevant, Conseiller au Parlement en 1653 et Maître des Requestes en 1671, est décédé le 19 octobre à l'âge de 80 ans. Antoine de Lux, Comte de Vantelet et Gentilhomme Ordinaire du Roy, est décédé le 4 novembre à plus de 80 ans. Catherine Vincent, veuve d'Antoine Guyet Maître des Comptes, est également décédée le 4 novembre à l'âge de 80 ans. Michelle Chanlatte, épouse de Jacques Pallu, Conseiller Honoraire au Grand Conseil, est décédée le 7 novembre. Henry-Félix de Taffy, Évêque de Châlons-sur-Saône, est décédé le 11 novembre à l'âge de 71 ans. Jean Léonard Secousse, Conseiller-Secrétaire du Roy et Avocat au Parlement de Paris, est décédé le 16 novembre à l'âge de 51 ans et huit mois. Il était reconnu pour ses talents oratoires et son érudition, et avait aidé les pauvres en vendant son carrosse en 1709 pour distribuer les fonds. Joseph François Petit de Villeneuve, Conseiller Clerc au Parlement depuis le 4 janvier 1702, est décédé le 22 novembre. Monsieur de Brom Fieubet est également mentionné comme étant décédé.
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14
p. 3-14
A Torgau le 27. Octobre.
Début :
Le Czar arriva icy samedy dernier. Sa majesté alla à pied [...]
Mots clefs :
Torgau, Mariage, Tsar, Cour, Prince, Princesse, Maréchaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A Torgau le 27. Octobre.
A Torgau le 17.Octobre.
Le Czararriva icy samedy
dernier. Sa Majestéalla dpied
à la Cour;leCzarowitzson
fils alla au-devant de luy, &
l'accompagna à l'appartement
qu'on luy avoit préparé. S.A.
le Ducdntoine7JlrlckaUt luy
rendrevisite. Monfèignejir U
Ducse retira ensuite gr le
C-çar alla voir la Duchesse
Louise, parce que la Reine
n'étoit pas encore habillée. Il
trouva auprés de la Duchesse,
la Princessefiancéeau C%arr.
OWtlz. Je dois vous dire, Madame
, que le Czar ejlun
Princegrand, tres bienfait,&
fortgracieux. Ilporteses cheveux
quisontbruns &frisez.
Il a unegrande barbe à la Po-
Jonoifl; ses habitsfont à la
Françoise5 mais plus modestes
qu'éclatans. Il a toûjours une
Canne à la main, eil al'air
d'ungrand Capitaine, comme
il est en effet. Il parlesouvent
à son Grand Chanchelier le
Comte Galouski, & aux
Princes & Generaux Moscosuites
: iln'estpas unmoment
çtj'tf Ilparle Bas Aiemand IJ
mieux qu'il ne croit luy même.
La DuchéeLouise le sçait
fort bien entretenir. Il y a
toujours dans ses Apartemrnts,
des Bouffonsy & desmoindres
ofo~~MM~jW~~ avec les
Princes, Généraux, CM autres
Seigneurs. S. M.>Czarienne
nesoupa point Samedy. A la
sortie de la Comedie, d<tns le
temps qu'on servoitsa Table,
elle entra dansson Abattement,
mit un Manteausursa teste) e alla pajjer la nuit dans une
Mai[inde la Ville
,
où l'on
ne s'attendaitpasd'avoir l'honneur
de recevoir un si grand
Prince. Il fait presqueregu~
lierement quatre repas chaque
jour; il mange deuxfois avec
la Reine, e deux foischez
UY-
Le Mariage se fit hier
Dimanche. Tous les Princes
&toutesles Princepesdinerent
en particulier, &•je rendirent
enfuite auprès de la Reine.
La Cour étoit magnifique.
La nouvelle épouse avoit un
habit de Moire d'argent, brodé
aujji d'argent, & fort ricbe;
Un Manteau Royal de la
mesme coulenr, ses cheveux
lien tressez, co une Couronne
couleur de Cramoisysur 1.
teste, toutegarnie de Diamants,
Le C^aroypit^ avoit un habit
blancfortbeau, broded'or; &
le Czar avoit un habit rouge
dont les boutonnières étoient de
Galon d'argent.
Les Maréchaux vinrent
avertir à trois heures que tout
étoit prest, & toute l'ajfembleç
se rendit dans 14 grande Salle
ou l'on avoitdressé un Autel.
Le vieux Duc mena la Princese.
sa petite fille, & trois
Dames de la Reineportèrent lit
queue de son Manteau.
Le C^ar accompagna l,
Reine, & le Czarowitz 14
Duchcfe Laüise. Dés qu'ils
surentarrivez
,
le Prestre Grec
qui étoit babille à peu prés de
mesmeque les Catholiques,
dcma la Benediction; il changea,
les Bagues, & demanda
en latin aufutur époux & à
lafuture épouse, s'ilsvoulount
se prendre pour Mary &pour
Femme. Il mit ensuite un
Bonnet Ducal
, ou Couronne
de velours Cramoisi, sur la
teste du Prince; mais celle
de laPrincefe s*étanttrouvée
trop étroite, le Czarordonna
àson Grand Chancellier de la
tenirsur la tefie de cette Princesse.
Le Czar se promena
toujours pendant cette Ceremo-
~3~* lors qu'ellefutachevée,
ilselicita les nouveaux époux,
On retourna ensuite chez la
Reine, dans lemesme ordre
qu'on en étoit sorti, & toute
la Cour fit Compliment ati
Prince& àla Princesse. Le
Czar donna pendant tout le
jour de grandes marques de
joye,ilécrivit à la Ptincejjè
sonépouse quiétoitàThorn erf
Pologneypour luy notifier ce
Mariage.
1
Onservit un grandsouper
a huit heures, sur un, Table
eu ilyavoitdouze Couverts.
Le Czarowitzfut placé dans
le milieu ayant a sa droite lé
Czarson Perecm la Princesse
son eooufe à sa gauche. Le
DucAntoineVlrick étoit à
la droite du Czar, & la
Reine à lagauche de la nouvelle
époufiy le Due Louis, à Iai
gauche de la Reine,ainsi que li
Prince Dolorouki, à l'un des
bouts "de la Table
:
le Prince
Turbetti étoit vis-à-vis de 1.
Reine, le Prince Courquin.,
vis-à-vis de la Primcesse, le
General Prusse vis-à-vis le
Duc AmoineUlrich., qui
avoit àsa droite la Duchesse
JLouife;Cm le Comte Galonski,
à l'autre bout de 1. Table.
Apres le souper, onse rendit
dans la Salle où l'on avoit
fait la Ceremonie. Onydansa
d'abord plusieurs danses Polonoiss.
Le Czarowitz dansa
lepremier; le vieux Duc dansa
après luy, puis le C%ary &
ensuite tous les Princes- Adofce*
vîtes. Ces danses durèrent
long-temps; le C^AY sortoit
quelques sois de la Salle, (y*
alors tout étoit dans l'inaflions
quelquesfois les Bouffons dAn.
soient seuls
,
puis se fatjbierib
donner de grands verres pour
boire à la santé de la Compagnie.
Le Czarowitz dansa
quelques Menuets; le Bal
finit par une danseAngloise.
1,1etotton-e heures lorjvjuc
l'on conduisit les nouveaux
époux à leur Apartement. Le
Czarowitz allase desbabiller
dantunautre Apartement, ~&
quand on eut deshabillé la
Princesse ,le C=t.:tr entraavec
toute la Cour. Le Prince son
filsavoituneRobbedeChambre
rougrsemée defleurs d'çr.
LaPrincesse en avaitune blAss.
chesemée defleurs au naturel
,
~& brodées.
Aprés que le C-çar eut
donnésa Benediction au Prince
son fils, illefit entrerdans le
Lit d'un costé, pendant que Io,
Princessey entroit de l'autre,
laReine Cm la DuchesseLoüise
étant auprés d'elle,ensuite
dequoychacunseretira.
P. S.
Le Duc AntoineUlrick
tria dit qu'il seroitdeVendredy
en huit jours à Gorde qu'il ira
ensuite avec le Czarowitzà
Francfort
- njoir le nouvel
Empereur} ~& que le Czar
pnaiert,iorùalJaeudy pour i. Pomera-
pénibClaem.pagne tfi fort
Le Czararriva icy samedy
dernier. Sa Majestéalla dpied
à la Cour;leCzarowitzson
fils alla au-devant de luy, &
l'accompagna à l'appartement
qu'on luy avoit préparé. S.A.
le Ducdntoine7JlrlckaUt luy
rendrevisite. Monfèignejir U
Ducse retira ensuite gr le
C-çar alla voir la Duchesse
Louise, parce que la Reine
n'étoit pas encore habillée. Il
trouva auprés de la Duchesse,
la Princessefiancéeau C%arr.
OWtlz. Je dois vous dire, Madame
, que le Czar ejlun
Princegrand, tres bienfait,&
fortgracieux. Ilporteses cheveux
quisontbruns &frisez.
Il a unegrande barbe à la Po-
Jonoifl; ses habitsfont à la
Françoise5 mais plus modestes
qu'éclatans. Il a toûjours une
Canne à la main, eil al'air
d'ungrand Capitaine, comme
il est en effet. Il parlesouvent
à son Grand Chanchelier le
Comte Galouski, & aux
Princes & Generaux Moscosuites
: iln'estpas unmoment
çtj'tf Ilparle Bas Aiemand IJ
mieux qu'il ne croit luy même.
La DuchéeLouise le sçait
fort bien entretenir. Il y a
toujours dans ses Apartemrnts,
des Bouffonsy & desmoindres
ofo~~MM~jW~~ avec les
Princes, Généraux, CM autres
Seigneurs. S. M.>Czarienne
nesoupa point Samedy. A la
sortie de la Comedie, d<tns le
temps qu'on servoitsa Table,
elle entra dansson Abattement,
mit un Manteausursa teste) e alla pajjer la nuit dans une
Mai[inde la Ville
,
où l'on
ne s'attendaitpasd'avoir l'honneur
de recevoir un si grand
Prince. Il fait presqueregu~
lierement quatre repas chaque
jour; il mange deuxfois avec
la Reine, e deux foischez
UY-
Le Mariage se fit hier
Dimanche. Tous les Princes
&toutesles Princepesdinerent
en particulier, &•je rendirent
enfuite auprès de la Reine.
La Cour étoit magnifique.
La nouvelle épouse avoit un
habit de Moire d'argent, brodé
aujji d'argent, & fort ricbe;
Un Manteau Royal de la
mesme coulenr, ses cheveux
lien tressez, co une Couronne
couleur de Cramoisysur 1.
teste, toutegarnie de Diamants,
Le C^aroypit^ avoit un habit
blancfortbeau, broded'or; &
le Czar avoit un habit rouge
dont les boutonnières étoient de
Galon d'argent.
Les Maréchaux vinrent
avertir à trois heures que tout
étoit prest, & toute l'ajfembleç
se rendit dans 14 grande Salle
ou l'on avoitdressé un Autel.
Le vieux Duc mena la Princese.
sa petite fille, & trois
Dames de la Reineportèrent lit
queue de son Manteau.
Le C^ar accompagna l,
Reine, & le Czarowitz 14
Duchcfe Laüise. Dés qu'ils
surentarrivez
,
le Prestre Grec
qui étoit babille à peu prés de
mesmeque les Catholiques,
dcma la Benediction; il changea,
les Bagues, & demanda
en latin aufutur époux & à
lafuture épouse, s'ilsvoulount
se prendre pour Mary &pour
Femme. Il mit ensuite un
Bonnet Ducal
, ou Couronne
de velours Cramoisi, sur la
teste du Prince; mais celle
de laPrincefe s*étanttrouvée
trop étroite, le Czarordonna
àson Grand Chancellier de la
tenirsur la tefie de cette Princesse.
Le Czar se promena
toujours pendant cette Ceremo-
~3~* lors qu'ellefutachevée,
ilselicita les nouveaux époux,
On retourna ensuite chez la
Reine, dans lemesme ordre
qu'on en étoit sorti, & toute
la Cour fit Compliment ati
Prince& àla Princesse. Le
Czar donna pendant tout le
jour de grandes marques de
joye,ilécrivit à la Ptincejjè
sonépouse quiétoitàThorn erf
Pologneypour luy notifier ce
Mariage.
1
Onservit un grandsouper
a huit heures, sur un, Table
eu ilyavoitdouze Couverts.
Le Czarowitzfut placé dans
le milieu ayant a sa droite lé
Czarson Perecm la Princesse
son eooufe à sa gauche. Le
DucAntoineVlrick étoit à
la droite du Czar, & la
Reine à lagauche de la nouvelle
époufiy le Due Louis, à Iai
gauche de la Reine,ainsi que li
Prince Dolorouki, à l'un des
bouts "de la Table
:
le Prince
Turbetti étoit vis-à-vis de 1.
Reine, le Prince Courquin.,
vis-à-vis de la Primcesse, le
General Prusse vis-à-vis le
Duc AmoineUlrich., qui
avoit àsa droite la Duchesse
JLouife;Cm le Comte Galonski,
à l'autre bout de 1. Table.
Apres le souper, onse rendit
dans la Salle où l'on avoit
fait la Ceremonie. Onydansa
d'abord plusieurs danses Polonoiss.
Le Czarowitz dansa
lepremier; le vieux Duc dansa
après luy, puis le C%ary &
ensuite tous les Princes- Adofce*
vîtes. Ces danses durèrent
long-temps; le C^AY sortoit
quelques sois de la Salle, (y*
alors tout étoit dans l'inaflions
quelquesfois les Bouffons dAn.
soient seuls
,
puis se fatjbierib
donner de grands verres pour
boire à la santé de la Compagnie.
Le Czarowitz dansa
quelques Menuets; le Bal
finit par une danseAngloise.
1,1etotton-e heures lorjvjuc
l'on conduisit les nouveaux
époux à leur Apartement. Le
Czarowitz allase desbabiller
dantunautre Apartement, ~&
quand on eut deshabillé la
Princesse ,le C=t.:tr entraavec
toute la Cour. Le Prince son
filsavoituneRobbedeChambre
rougrsemée defleurs d'çr.
LaPrincesse en avaitune blAss.
chesemée defleurs au naturel
,
~& brodées.
Aprés que le C-çar eut
donnésa Benediction au Prince
son fils, illefit entrerdans le
Lit d'un costé, pendant que Io,
Princessey entroit de l'autre,
laReine Cm la DuchesseLoüise
étant auprés d'elle,ensuite
dequoychacunseretira.
P. S.
Le Duc AntoineUlrick
tria dit qu'il seroitdeVendredy
en huit jours à Gorde qu'il ira
ensuite avec le Czarowitzà
Francfort
- njoir le nouvel
Empereur} ~& que le Czar
pnaiert,iorùalJaeudy pour i. Pomera-
pénibClaem.pagne tfi fort
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Résumé : A Torgau le 27. Octobre.
Le 17 octobre à Torgau, le tsar arriva le samedi précédent et fut accueilli par le tsarévitch, son fils, qui l'accompagna à son appartement. Le duc Antoine Ulrich lui rendit visite. Le tsar rencontra ensuite la duchesse Louise, car la reine n'était pas encore habillée. Il y trouva la princesse fiancée au tsar. Le tsar est décrit comme un homme grand, bien fait et gracieux, avec des cheveux bruns et frisés, une grande barbe à la polonaise, et des habits à la française mais modestes. Il conversait souvent avec son grand chancelier, le comte Galouski, ainsi qu'avec les princes et généraux moscovites. Le mariage eut lieu le dimanche. Les princes et princesses dînèrent en privé avant de se rendre auprès de la reine. La nouvelle épouse portait un habit de moire d'argent brodé d'or et un manteau royal de la même couleur, avec une couronne cramoisie garnie de diamants. Le tsarévitch portait un habit blanc brodé d'or, et le tsar un habit rouge avec des boutonnières en galon d'argent. La cérémonie se déroula dans une grande salle où un autel avait été dressé. Le vieux duc mena la princesse, et trois dames de la reine portèrent la queue de son manteau. Le tsar accompagna la reine, et le tsarévitch la duchesse Louise. Le prêtre grec donna la bénédiction, échangea les bagues, et demanda aux futurs époux s'ils voulaient se prendre pour mari et femme. Il mit ensuite une couronne de velours cramoisi sur la tête du prince, mais celle de la princesse étant trop étroite, le tsar ordonna à son grand chancelier de la tenir. Après la cérémonie, un grand souper fut servi à huit heures avec douze couverts. Le tsarévitch fut placé au milieu, avec à sa droite le tsar son père et à sa gauche la princesse son épouse. Le duc Antoine Ulrich était à la droite du tsar, et la reine à la gauche de la nouvelle épouse. Après le souper, on se rendit dans la salle de la cérémonie pour danser. Le bal se termina par une danse anglaise à une heure du matin. Les nouveaux époux furent conduits à leur appartement, où le tsar donna sa bénédiction avant que chacun ne se retire. Le duc Antoine Ulrich annonça qu'il serait à Gorde dans huit jours, puis irait avec le tsarévitch à Francfort pour voir le nouvel empereur, et que le tsar partirait le jeudi suivant pour la Poméranie.
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15
s. p.
MEMOIRES sur ces deux morts.
Début :
Le Vendredy 12. Février 1712. Marie-Adelaïde de Savoye, Epouse de [...]
Mots clefs :
Dauphin, Dauphine, Gardes, Princesse, Duc d'Orléans, Corps du prince, Carrosse, Choeur, Saint-Denis, Évêque de Senlis, Mort, Duchesse, Armes, Lit de parade, Versailles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRES sur ces deux morts.
MEMOIRES
fur ces deux morts.
LeVendredy 12. Février
1712. Marie-Adelaïde da
Savoye , Epoufe de Monfeigneur Louis , Dauphin
de France , mourut aprés
avoir receu fes Sacrements
le jour précedent avec une
parfaite refignation auxvolontez de Dieu & de grands
fentiments de pieté. Sitoft
qu'elle fut décédée ce mefme jour 12. Février à huit
heures & demie du foir , le
Roy fe retira à Marly où
de Mon(Eignearlyfetc
f'on tranfporta Monfeis
gneur le Dauphin malade
le Samedy 13. Février à
fept heures du matin. La
mort d'une Epoufe quiluy
eftoitfi chere rendit la ma
ladie mortelle ; il expira le
Jeudy 18. du mefme mois.
Parlons d'abord de ce
qui fe paffa au premier de
ces deux funeftes évenements. Ce ne furent que
cris & que larmes dans
tout le Chasteau de Verfailles. On peigna la Prin
ceffe , onla coëffa en linger
uni avec des rubans noirs
MORTA
& blancs , & en cet eftat
elle fut exposée au public
tout le Samedyfuivant.
Le Samedy 13. au ſoir
fort tard , elle fut enfevelie
& mife dans fon cercuel
par Madame la Ducheffe
du Lude , & Madame la
Marquile de Mailly , cellelà tenant la tefte , celle- cy
les pieds.
Elle refta tout le Dimanche fur fon lit dans fon
cercueil fans aucun appareil que fix cierges , parce
qu'on préparoit dans la
chambre d'auprés fon lit
de Monfeigneur, & c.
de parade où elle fut mife
le Lundy 15. & exposée au
public.
1
Le Jeudy 18. Monfei
gneur le Dauphin n'ayant
fait paroiftre d'autre in
quietude pendant toute la
nuit précedente que celle
de parvenir aumoment au
quelil pourroit entendre la
Meffe & recevoir le Saint
Sacrement, fon inquietude
ceffa quandil eut fatisfait à
ces deux devoirs , il mou
rut ( aprés avoir recom
mandéfon ameà Dieu , &
l'avoir ptié de conſerver
MORTAS
long temps la perfonne fa
crée du Roy , pour l'intel
reft de les peuples, ) à huit
heures & demie du matin.
Le Roy fe retira dans le
penultiéme Pavillon de
Marly à gauche , & dés que
Monfeigneur le Dauphin
pur eftre enseveli , on l'ap.
porta à Versailles , & on le
mit dans le mefme lit de
parade avec Madame la
Dauphine. Les deux grilles
de Versailles eftoient ten
dues de noir fans écuffons.
Toutes les arcades du ve
fabule , le grand efcalier ,
de Monfeigneur, &c.
la premiere Salle des Gar
des & tout l'appartement
de Madame la Dauphine
eftoient tendus jufqu'au
plafond : deux bandes d'E
cuffons regnoient depuis
les dehors de la Cour juf
ques à la Chambre où le
Prince & la Princeffe ef
toient expoſez.h mung
Un concours infini de
peuple , vint pendant tout
le temps que les corps du
Prince & de la Princeffe
furent expoſez , & paffoit
au travers du Salon , par
la Galerie , jufques à une
MORT
barriere qu'on avoit faite
pour ne donner paffago
que par l'autre Salle des
Gardes , & cela dura juf
qu'au Mardyà midy , qua
tre Pores de la Miffion
quatre Peres Feuillants , &
quatre Peres Recollets ,
avoient veillé jour & nuit
autour du lit de parade ,
& fur les cinq heures du
foir du Mardy 23. Mon
feigneur le Duc d'Orleans
qui avoit efté Mercredyi
17.. donner l'eaubenifte au
Corps de Madame la Dauphine , deyant conduire la
pompe
de Monfeigneur , &c.
"
pompe funebre , vint en
donner avant la levée des
corps du Prince & de la
Princeffe. Meffeigneurs les
Evefques ayant auffi donné
de l'eau benite fur lescorps
du Prince & de la Princeffe , Monfeigneur l'Evef
que de Senlis, accompagné
de Meffeigneurs les Evel
ques de Montauban , de
Tournay , & d'Autun , des
Aumofniers du Curé de
la Paroiffe de Versailles en
furplis & en étole , ayant
entonné Exultabunt , plufieurs Peres de la Miffion ,
Février 1712 .
A
MORTb
commencerent à chanter
le Miferere. Monseigneur
le Duc d'Orleans , Monfieur le Marquis de Dangeau , Chevalier d'Honneur , Monfieur
le Maréchal de Teffé , premier
Ecuyer, les Dames d'Honneur , & les Dames du
Palais qui estoient dans
la Chambreoù la Princeffe
s'avancerent eftoit morte ,
dans celle du lit de parade :
fçavoir , Madame la Ducheffe du Lude , & Madame la Comteffe de Mailly ,
Dames d'Honneur, les Da-
de Monfeigneur , &c.
mes du Palais , Meldames
Ja Marquifel de Dangeau,
deRoucyde Nogaret,d'O,
de Mongon , de Levy, d'Eftrées , ayant à leur tefte
Madame la Grande Ducheffe , Madame la Prin
ceffe de Conty , Madame
la Ducheffe de Vendofme,
&Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon. Toutes cés
Dames fuivoient les corps
du Prince & de la Princeffé, portez par dix Gardes
-dusCorps à chaque cercueil , & deux à chaque
quaiffe , où eftoient renA ij
MORT
fermées les entrailles ; lorf
qu'ils furent fur l'escalier ,
la Mufique entonna un De
profundis en faux bourdon ,
qui dura à peu prés le
temps que les deux cercueils & les deux quaiffes
furent pofez dans le Char
funebre , les Gardes Françoifes & Suiffes eftoient
fous les armes alors on
commença à défiler en cet
ordre. Premierement:
Cent Pauvres habillez
d'une cape grife & claire ,
pliffée , qui leur deſcendoit
jufqu'aux pieds , avec un
de Monfeigneur , &c.
cocluchon & une ceintures
ayant chacun un flambeau
ala main. Une Compagnie
des Gardes du Corps; cent
Vingt Moufquetaires , foixante de chaque Compa
gnie , fuivis de celles des
Gendarmes & ChevauxLegers , aprés lefquels fuivoient lesCaroffes de deuil,
de Meffieurs les Officiers ,
de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , ceux de Monfeigneur le Dauphin, & de
Madame la Dauphine , fuivis de leurs Valets de pied ;
tous ces Caroffes eftoient à
huit chevaux. A iij.
MORTAM
Premier Caroffe de Madame la Dauphine.
S. A. S. Madame la Du
cheffe Pa
Madame la Ducheſſe du
Lude, Dame d'Honneur.
Madame la Ducheffe d'Harcour.
Madame la Ducheffe de
Duras.
Madame la Marquife de
Rouffy, Damedu Palais.
Madame la Marquise de
Mailly , Dame du Palais.
Madame la Marquife de
Laigle , Dame d'Honneur de
Madame la Ducheſſe.
de Monfeigneur, &c.
Second Caroffe.me
S. A. S. Madame la Ducheffe de Vendofme.
Madame la Ducheffe d'E
firées.od
Madame la Princeffe de
Chimay.
Madame de Nogaret.
Madame de Moufereaut.
Madame la Marquife de
Braffac, Dame d'Honneur de
Madame de Vendofme.
Troifiéme Caroffe.
S. A. S. Mademoiſelle de
Conti.
Madame la Duchesse de
Sully
N
A iiij
MORT
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Marquise de
Nangy.
Madame la Marquife de
la Vrilliere
Madame la Marquife da
Liftenay.
Quatriéme Carolfe.
S.AS. Mademoiſelle de la
Rochefur Yon.
Madamela Comtesse d'Egmont.
Madame la Princesse de
Talmont.
Madame de Clermont
Madame la Marquise de
Polignac.
de Monfeigneur, &c.
Madame la Marquife de
la Vrilliere.
Madame la Marquife de
Chambouard.
Cinquiéme Caroffe.
Madame la Grand-Duchefse feule dans le fond avec
Madamela Comteffe de Mail
ly.
Et enfuite fuivirent les Pages de Monfeigneur le
Dauphin &de Madame la
Dauphine. Le Garoffe en
fuite de Monſeigneur le
Ducd'Orleans , où il eftoit
feul dans le fond avec
Monfienr le Marquis de
MORT
la Fare fon premier Capitaine des Gardes , &Mon.
fieur le Comte d'Estampes
fecond Capitaine des Gardes. Dans les autres Caroffes de fa fuite , eftoient
Meffieurs d'Armentieres ,
de Simiane , de Marivat.
Tousces équipages & corteges furent fuivis des Pa
du Roy avec les livrées
du Roy fans deüil , ayant
tous unflambeauà la main,
auffi bien que Meffieurs les
Moufquetaires , Gendarál
Chevaux Legers
ges
mes
qui tous avoient leur ha
de Monseigneur, &c.
bit d'ordonnance, à la tefte
de ce défilé , les caroffes
dans lefquels eftoient Mr
l'Evefque de Senlis , premier Aumofnier de Mada
me la Dauphine , Mr l'Evefque de Tournay , Mr.
l'Evefque de faint Omer ,
Mr. l'Evefque de Montau
ban, & Mrl'Evefque d'Au
tun , au milieu Mr le Curé
de Verfailles en Eftole d'un
cofté , le Pere de la Ruë de
le Pere Martineau, celuy
là Confeffeur de Madame
la Dauphine , celui- cy de
Monfeigneur le Dauphing
MORT
de l'autre cofté: enfuite parurent les quatre Heraults
d'armes avec le Roy d'ar
mes à leur tefte. Le Char
eftoit accompagné de qua
tre Aumofniers en rochet ,
manteau & bonnet carré,
tous quatre à cheval , te
nants chacun un des quatre coins dupoële , ce Char
eftoit attelé de huit cheyaux caparaçonnez. Les
Recollets de Verſailles accompagnerent le convoy
juſqu'à l'avenuë. Il entra
dans Paris à deux heures &
demie aprés minuit, toute
de Monfeigneur, & c.
la rue faint Honoré, où les
Feuillants , les Capucins ,
les Quinze - vingts , faint
Honoré, firent leurs Prieres avec chacun leur Clergé, ayant leurs Croix &
leurs chandeliers , fe prefenterent au paffage pour
chanter un De profundis.
Sitoft qu'on apperceut de
faint Denys les premiers
flambeaux, l'on fonna un
bourdon durant un quart
d'heure pour fignal à toutes les Eglifes de faint Denys , Collegiales , Paroil
fest & Communautez
MORTASÍ
,
d'hommes pour ſe préparer à aller au devant avec
les Religieux de faint De
nys. Tout le Clergé des
autres Eglifes s'eftant rendu dans celle de l'Abbaye ,
on fonna une ſeconde fois
un bourdon feul , pour fe
préparer àpartir. On avoit
commenceà dire des baffes
Meffes dés quatre heures
du matin , dans les Chapelles du Chevet , Chever
c'eft la partie haute de l'Eglife de faint Denys , derriere le chœur , & le lieu
oùferont expoſez pendant
de Monseigneur , &c.
quarante jours les corps du
Prince & de la Princeffe ,
tout le cortege paroiffoir
s'approcher le Clergé de
faint Denys , ayant les Religieux à leur tefte , en formerent un confiderable ,
& allerent au devant du
convoy juſques à la porte
de Paris , qui cftoit tendue avec deux rangées d'Ecuffons , auffi bien que la
premiere porte d'entrée
fur le parvis. Le Convoy
ayant joint , ils entonnerent le Libera Tout défila
furla place oùeftoient plu-
SM ORTA A
Leurs Compagnies des
Gardes Françoiles & Suif
fes ,fous les armes , les pauvres entrerent dans l'Eglife avec leurs flambeaux.
Monfieur de Dreux ; &
Monfieur Defgranges , fi
rent difpofer les fieges &
les carreaux dans le Chœur.
pour les Dames.
Monseigneur le Duc
d'Orleans , Monfieur le
Marquis de Dangeau , &
Monfieur le Maréchal de
Teffé , s'allerent placerd'abord au Choeur ; enfin le
Clergé & les Religieux
eftant
de Monfeigneur, &c.
eftant entrés, le Char eftant
arrivé devant la porte de
l'Eglife , Mr. l'Evefque de
Senlis emchape & en mitre, le Prieur de Saint Denis
enchape , accompagné de
deux Religieux en Dalmatiques , attendirent que les
deux cercueils fuffent apportés fur deux tables l'un
auprés de l'autre , placés
au milieu , fous la plateformeàl'entrée pour com
mencer leurs Harangues.
Ces deux harangues finies , Madame la grande
Ducheffe eftant revenue
Février 1712.
B
MaO RUTAsh
du Chœur au lieu où elles
fe firent pour reprefenter
auprés de Madame la Dauphine, on avoit mis fur les
cercueils de plomb enfermez dans un cercueil de
bois de chefne , & couvert
d'un velours croisé d'une
moire d'argent , à travers
lequel paffoient trois an
neaux de chaque cofté ,
un poëlle noir avec une
Croix herminée , tout le
poëfle bordé d'hermine de
la hauteur de dix pouces ,
& par deffus ce poëlle une
autre de drap d'or avec les
de Monfeigneur, c.
Ecuffons brodez de Mon
feigneur le Dauphin , auf
quels eftoient jointes les
Armes de Madamela Dau
phine fans brifures , n'y
ayant que celles deSavoye
qui font de gueules à und
Croixd'argent, ainfi qu'el
les paroiffoient alternativement dans les Ecus de
velours , chargez d'Ecuffons qui regnoient autour
du Chœur jufqu'à l'Autel,
celles de Monfeigneur le
Dauphin feuls , alternati
A
vement jointes à celles de
Madame la Dauphine. En
Bij
MAORT..
07
fuite on avança' dans le
Chœur, les Gardesducorps
eurent ordre du Maiftre
des ceremonies , de prendre le corps de Madame la
Dauphine le premier, pour
le porter fur une eftrade de
trois degrez qui eftoit dans
le Choeur, & celuy de Monfeigneur le Dauphin , lef
quels eftant placez fur deux
tables , le poëfle de drap
d'or feulement eſtendu
deffus , cinq douzaines de
cierges autour , furmonté
d'un dais en l'air . le Mifer
rere achevé , on chanta le
.
de Monfeigneur,&C.
Subvenite , Kyrie eleifon , Pa
ter nofter , pendant quoy
Mr l'Evefque de Senlis jetta l'eau benifte autour, en
cenfa, & le Pere Prieur enfuite, & Mrde Senlis ayant
fini l'Abfolution , ce qui
conduifit jufqu'à fept heu
res trois quarts ; on s'alla
repofer une demi - heure
aprés laquelle Mr de Senlis vint commencer la
grand Meffe qui dura juſ
ques à neuf heures trois
1quarts.
MORTV
Les cœurs de Monfeigneur.le Dauphin , & de
Madamela Dauphine , fu
rent portez au Val de Gras
ce le Vendredy au foir. Ils
yarriverent à minuit.de
En attendant un détail
de cette ceremonie voicy
le Difcours que fit Mada+
me l'Abbeffe du Val de
Grace en les recevant
fur ces deux morts.
LeVendredy 12. Février
1712. Marie-Adelaïde da
Savoye , Epoufe de Monfeigneur Louis , Dauphin
de France , mourut aprés
avoir receu fes Sacrements
le jour précedent avec une
parfaite refignation auxvolontez de Dieu & de grands
fentiments de pieté. Sitoft
qu'elle fut décédée ce mefme jour 12. Février à huit
heures & demie du foir , le
Roy fe retira à Marly où
de Mon(Eignearlyfetc
f'on tranfporta Monfeis
gneur le Dauphin malade
le Samedy 13. Février à
fept heures du matin. La
mort d'une Epoufe quiluy
eftoitfi chere rendit la ma
ladie mortelle ; il expira le
Jeudy 18. du mefme mois.
Parlons d'abord de ce
qui fe paffa au premier de
ces deux funeftes évenements. Ce ne furent que
cris & que larmes dans
tout le Chasteau de Verfailles. On peigna la Prin
ceffe , onla coëffa en linger
uni avec des rubans noirs
MORTA
& blancs , & en cet eftat
elle fut exposée au public
tout le Samedyfuivant.
Le Samedy 13. au ſoir
fort tard , elle fut enfevelie
& mife dans fon cercuel
par Madame la Ducheffe
du Lude , & Madame la
Marquile de Mailly , cellelà tenant la tefte , celle- cy
les pieds.
Elle refta tout le Dimanche fur fon lit dans fon
cercueil fans aucun appareil que fix cierges , parce
qu'on préparoit dans la
chambre d'auprés fon lit
de Monfeigneur, & c.
de parade où elle fut mife
le Lundy 15. & exposée au
public.
1
Le Jeudy 18. Monfei
gneur le Dauphin n'ayant
fait paroiftre d'autre in
quietude pendant toute la
nuit précedente que celle
de parvenir aumoment au
quelil pourroit entendre la
Meffe & recevoir le Saint
Sacrement, fon inquietude
ceffa quandil eut fatisfait à
ces deux devoirs , il mou
rut ( aprés avoir recom
mandéfon ameà Dieu , &
l'avoir ptié de conſerver
MORTAS
long temps la perfonne fa
crée du Roy , pour l'intel
reft de les peuples, ) à huit
heures & demie du matin.
Le Roy fe retira dans le
penultiéme Pavillon de
Marly à gauche , & dés que
Monfeigneur le Dauphin
pur eftre enseveli , on l'ap.
porta à Versailles , & on le
mit dans le mefme lit de
parade avec Madame la
Dauphine. Les deux grilles
de Versailles eftoient ten
dues de noir fans écuffons.
Toutes les arcades du ve
fabule , le grand efcalier ,
de Monfeigneur, &c.
la premiere Salle des Gar
des & tout l'appartement
de Madame la Dauphine
eftoient tendus jufqu'au
plafond : deux bandes d'E
cuffons regnoient depuis
les dehors de la Cour juf
ques à la Chambre où le
Prince & la Princeffe ef
toient expoſez.h mung
Un concours infini de
peuple , vint pendant tout
le temps que les corps du
Prince & de la Princeffe
furent expoſez , & paffoit
au travers du Salon , par
la Galerie , jufques à une
MORT
barriere qu'on avoit faite
pour ne donner paffago
que par l'autre Salle des
Gardes , & cela dura juf
qu'au Mardyà midy , qua
tre Pores de la Miffion
quatre Peres Feuillants , &
quatre Peres Recollets ,
avoient veillé jour & nuit
autour du lit de parade ,
& fur les cinq heures du
foir du Mardy 23. Mon
feigneur le Duc d'Orleans
qui avoit efté Mercredyi
17.. donner l'eaubenifte au
Corps de Madame la Dauphine , deyant conduire la
pompe
de Monfeigneur , &c.
"
pompe funebre , vint en
donner avant la levée des
corps du Prince & de la
Princeffe. Meffeigneurs les
Evefques ayant auffi donné
de l'eau benite fur lescorps
du Prince & de la Princeffe , Monfeigneur l'Evef
que de Senlis, accompagné
de Meffeigneurs les Evel
ques de Montauban , de
Tournay , & d'Autun , des
Aumofniers du Curé de
la Paroiffe de Versailles en
furplis & en étole , ayant
entonné Exultabunt , plufieurs Peres de la Miffion ,
Février 1712 .
A
MORTb
commencerent à chanter
le Miferere. Monseigneur
le Duc d'Orleans , Monfieur le Marquis de Dangeau , Chevalier d'Honneur , Monfieur
le Maréchal de Teffé , premier
Ecuyer, les Dames d'Honneur , & les Dames du
Palais qui estoient dans
la Chambreoù la Princeffe
s'avancerent eftoit morte ,
dans celle du lit de parade :
fçavoir , Madame la Ducheffe du Lude , & Madame la Comteffe de Mailly ,
Dames d'Honneur, les Da-
de Monfeigneur , &c.
mes du Palais , Meldames
Ja Marquifel de Dangeau,
deRoucyde Nogaret,d'O,
de Mongon , de Levy, d'Eftrées , ayant à leur tefte
Madame la Grande Ducheffe , Madame la Prin
ceffe de Conty , Madame
la Ducheffe de Vendofme,
&Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon. Toutes cés
Dames fuivoient les corps
du Prince & de la Princeffé, portez par dix Gardes
-dusCorps à chaque cercueil , & deux à chaque
quaiffe , où eftoient renA ij
MORT
fermées les entrailles ; lorf
qu'ils furent fur l'escalier ,
la Mufique entonna un De
profundis en faux bourdon ,
qui dura à peu prés le
temps que les deux cercueils & les deux quaiffes
furent pofez dans le Char
funebre , les Gardes Françoifes & Suiffes eftoient
fous les armes alors on
commença à défiler en cet
ordre. Premierement:
Cent Pauvres habillez
d'une cape grife & claire ,
pliffée , qui leur deſcendoit
jufqu'aux pieds , avec un
de Monfeigneur , &c.
cocluchon & une ceintures
ayant chacun un flambeau
ala main. Une Compagnie
des Gardes du Corps; cent
Vingt Moufquetaires , foixante de chaque Compa
gnie , fuivis de celles des
Gendarmes & ChevauxLegers , aprés lefquels fuivoient lesCaroffes de deuil,
de Meffieurs les Officiers ,
de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , ceux de Monfeigneur le Dauphin, & de
Madame la Dauphine , fuivis de leurs Valets de pied ;
tous ces Caroffes eftoient à
huit chevaux. A iij.
MORTAM
Premier Caroffe de Madame la Dauphine.
S. A. S. Madame la Du
cheffe Pa
Madame la Ducheſſe du
Lude, Dame d'Honneur.
Madame la Ducheffe d'Harcour.
Madame la Ducheffe de
Duras.
Madame la Marquife de
Rouffy, Damedu Palais.
Madame la Marquise de
Mailly , Dame du Palais.
Madame la Marquife de
Laigle , Dame d'Honneur de
Madame la Ducheſſe.
de Monfeigneur, &c.
Second Caroffe.me
S. A. S. Madame la Ducheffe de Vendofme.
Madame la Ducheffe d'E
firées.od
Madame la Princeffe de
Chimay.
Madame de Nogaret.
Madame de Moufereaut.
Madame la Marquife de
Braffac, Dame d'Honneur de
Madame de Vendofme.
Troifiéme Caroffe.
S. A. S. Mademoiſelle de
Conti.
Madame la Duchesse de
Sully
N
A iiij
MORT
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Marquise de
Nangy.
Madame la Marquife de
la Vrilliere
Madame la Marquife da
Liftenay.
Quatriéme Carolfe.
S.AS. Mademoiſelle de la
Rochefur Yon.
Madamela Comtesse d'Egmont.
Madame la Princesse de
Talmont.
Madame de Clermont
Madame la Marquise de
Polignac.
de Monfeigneur, &c.
Madame la Marquife de
la Vrilliere.
Madame la Marquife de
Chambouard.
Cinquiéme Caroffe.
Madame la Grand-Duchefse feule dans le fond avec
Madamela Comteffe de Mail
ly.
Et enfuite fuivirent les Pages de Monfeigneur le
Dauphin &de Madame la
Dauphine. Le Garoffe en
fuite de Monſeigneur le
Ducd'Orleans , où il eftoit
feul dans le fond avec
Monfienr le Marquis de
MORT
la Fare fon premier Capitaine des Gardes , &Mon.
fieur le Comte d'Estampes
fecond Capitaine des Gardes. Dans les autres Caroffes de fa fuite , eftoient
Meffieurs d'Armentieres ,
de Simiane , de Marivat.
Tousces équipages & corteges furent fuivis des Pa
du Roy avec les livrées
du Roy fans deüil , ayant
tous unflambeauà la main,
auffi bien que Meffieurs les
Moufquetaires , Gendarál
Chevaux Legers
ges
mes
qui tous avoient leur ha
de Monseigneur, &c.
bit d'ordonnance, à la tefte
de ce défilé , les caroffes
dans lefquels eftoient Mr
l'Evefque de Senlis , premier Aumofnier de Mada
me la Dauphine , Mr l'Evefque de Tournay , Mr.
l'Evefque de faint Omer ,
Mr. l'Evefque de Montau
ban, & Mrl'Evefque d'Au
tun , au milieu Mr le Curé
de Verfailles en Eftole d'un
cofté , le Pere de la Ruë de
le Pere Martineau, celuy
là Confeffeur de Madame
la Dauphine , celui- cy de
Monfeigneur le Dauphing
MORT
de l'autre cofté: enfuite parurent les quatre Heraults
d'armes avec le Roy d'ar
mes à leur tefte. Le Char
eftoit accompagné de qua
tre Aumofniers en rochet ,
manteau & bonnet carré,
tous quatre à cheval , te
nants chacun un des quatre coins dupoële , ce Char
eftoit attelé de huit cheyaux caparaçonnez. Les
Recollets de Verſailles accompagnerent le convoy
juſqu'à l'avenuë. Il entra
dans Paris à deux heures &
demie aprés minuit, toute
de Monfeigneur, & c.
la rue faint Honoré, où les
Feuillants , les Capucins ,
les Quinze - vingts , faint
Honoré, firent leurs Prieres avec chacun leur Clergé, ayant leurs Croix &
leurs chandeliers , fe prefenterent au paffage pour
chanter un De profundis.
Sitoft qu'on apperceut de
faint Denys les premiers
flambeaux, l'on fonna un
bourdon durant un quart
d'heure pour fignal à toutes les Eglifes de faint Denys , Collegiales , Paroil
fest & Communautez
MORTASÍ
,
d'hommes pour ſe préparer à aller au devant avec
les Religieux de faint De
nys. Tout le Clergé des
autres Eglifes s'eftant rendu dans celle de l'Abbaye ,
on fonna une ſeconde fois
un bourdon feul , pour fe
préparer àpartir. On avoit
commenceà dire des baffes
Meffes dés quatre heures
du matin , dans les Chapelles du Chevet , Chever
c'eft la partie haute de l'Eglife de faint Denys , derriere le chœur , & le lieu
oùferont expoſez pendant
de Monseigneur , &c.
quarante jours les corps du
Prince & de la Princeffe ,
tout le cortege paroiffoir
s'approcher le Clergé de
faint Denys , ayant les Religieux à leur tefte , en formerent un confiderable ,
& allerent au devant du
convoy juſques à la porte
de Paris , qui cftoit tendue avec deux rangées d'Ecuffons , auffi bien que la
premiere porte d'entrée
fur le parvis. Le Convoy
ayant joint , ils entonnerent le Libera Tout défila
furla place oùeftoient plu-
SM ORTA A
Leurs Compagnies des
Gardes Françoiles & Suif
fes ,fous les armes , les pauvres entrerent dans l'Eglife avec leurs flambeaux.
Monfieur de Dreux ; &
Monfieur Defgranges , fi
rent difpofer les fieges &
les carreaux dans le Chœur.
pour les Dames.
Monseigneur le Duc
d'Orleans , Monfieur le
Marquis de Dangeau , &
Monfieur le Maréchal de
Teffé , s'allerent placerd'abord au Choeur ; enfin le
Clergé & les Religieux
eftant
de Monfeigneur, &c.
eftant entrés, le Char eftant
arrivé devant la porte de
l'Eglife , Mr. l'Evefque de
Senlis emchape & en mitre, le Prieur de Saint Denis
enchape , accompagné de
deux Religieux en Dalmatiques , attendirent que les
deux cercueils fuffent apportés fur deux tables l'un
auprés de l'autre , placés
au milieu , fous la plateformeàl'entrée pour com
mencer leurs Harangues.
Ces deux harangues finies , Madame la grande
Ducheffe eftant revenue
Février 1712.
B
MaO RUTAsh
du Chœur au lieu où elles
fe firent pour reprefenter
auprés de Madame la Dauphine, on avoit mis fur les
cercueils de plomb enfermez dans un cercueil de
bois de chefne , & couvert
d'un velours croisé d'une
moire d'argent , à travers
lequel paffoient trois an
neaux de chaque cofté ,
un poëlle noir avec une
Croix herminée , tout le
poëfle bordé d'hermine de
la hauteur de dix pouces ,
& par deffus ce poëlle une
autre de drap d'or avec les
de Monfeigneur, c.
Ecuffons brodez de Mon
feigneur le Dauphin , auf
quels eftoient jointes les
Armes de Madamela Dau
phine fans brifures , n'y
ayant que celles deSavoye
qui font de gueules à und
Croixd'argent, ainfi qu'el
les paroiffoient alternativement dans les Ecus de
velours , chargez d'Ecuffons qui regnoient autour
du Chœur jufqu'à l'Autel,
celles de Monfeigneur le
Dauphin feuls , alternati
A
vement jointes à celles de
Madame la Dauphine. En
Bij
MAORT..
07
fuite on avança' dans le
Chœur, les Gardesducorps
eurent ordre du Maiftre
des ceremonies , de prendre le corps de Madame la
Dauphine le premier, pour
le porter fur une eftrade de
trois degrez qui eftoit dans
le Choeur, & celuy de Monfeigneur le Dauphin , lef
quels eftant placez fur deux
tables , le poëfle de drap
d'or feulement eſtendu
deffus , cinq douzaines de
cierges autour , furmonté
d'un dais en l'air . le Mifer
rere achevé , on chanta le
.
de Monfeigneur,&C.
Subvenite , Kyrie eleifon , Pa
ter nofter , pendant quoy
Mr l'Evefque de Senlis jetta l'eau benifte autour, en
cenfa, & le Pere Prieur enfuite, & Mrde Senlis ayant
fini l'Abfolution , ce qui
conduifit jufqu'à fept heu
res trois quarts ; on s'alla
repofer une demi - heure
aprés laquelle Mr de Senlis vint commencer la
grand Meffe qui dura juſ
ques à neuf heures trois
1quarts.
MORTV
Les cœurs de Monfeigneur.le Dauphin , & de
Madamela Dauphine , fu
rent portez au Val de Gras
ce le Vendredy au foir. Ils
yarriverent à minuit.de
En attendant un détail
de cette ceremonie voicy
le Difcours que fit Mada+
me l'Abbeffe du Val de
Grace en les recevant
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Résumé : MEMOIRES sur ces deux morts.
En février 1712, Marie-Adélaïde de Savoie, épouse du Dauphin Louis de France, décéda après avoir reçu les sacrements avec résignation et piété. Le roi se retira à Marly, et le Dauphin, gravement affecté par la perte de son épouse, mourut le 18 février. Les funérailles de Marie-Adélaïde eurent lieu le 13 février. Elle fut exposée au public, habillée de lingerie unie avec des rubans noirs et blancs. Le Dauphin, quant à lui, mourut après avoir reçu les derniers sacrements et recommandé son âme à Dieu. Les corps furent exposés à Versailles, avec des grilles et des arcades tendues de noir. Un grand concours de peuple vint voir les dépouilles. Les cérémonies funéraires inclurent des messes et des prières, avec la participation de nombreux ecclésiastiques et dignitaires. Les corps furent ensuite transportés à l'abbaye de Saint-Denis, où ils furent inhumés après des harangues et des prières. Les cœurs du Dauphin et de Marie-Adélaïde furent portés au Val-de-Grâce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 197-204
L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Début :
Boudabat, Prince Arabe, étoit homme de beaucoup d'esprit ; il [...]
Mots clefs :
Peintre, Amour, Haine, Portrait, Prince, Princesse, Défauts, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
L'AMOUR
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
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Résumé : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Le texte raconte l'histoire du prince arabe Boubdat, passionné par les arts et éperdument amoureux d'une Grecque laide, au détriment de sa femme, la plus belle princesse de l'Orient. Boubdat commande les portraits de ses deux compagnes à un peintre. Insatisfait des résultats, il demande des retouches incessantes. Pour la Grecque, il exige qu'elle soit représentée plus belle, au point que le peintre crée une Vénus sans ressemblance. Pour sa femme, il demande de diminuer ses beautés, altérant également la ressemblance. Exaspéré, le peintre avoue l'impossibilité de contenter le prince, qui abandonne le projet. Le peintre conclut que son art ne peut suivre l'imagination du prince et que chacun doit se contenter de ses propres limites.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 212-242
HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
Début :
Zaczer fils de Sam Prince Persan, ayant fait une partie [...]
Mots clefs :
Zaczer, Bouladabas, Chasse, Kaboul, Prince, Amants, Princesse, Perse, Fête galante, Orient, Mariage
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
HISTOIRE
de Zaczer & de
Bouladabas.
ZAczer fils de Sam
Prince Perſan , ayant fait If
une partie de chaffe , c'eſtà- dire un petit voyage de
quelques femaines , pour
chaffer dans le Kalleſtan,
qui eft la Province de Kabul aux Indes , qui confine avec la Perfe du cofé du Nord. Mecherab
Gouverneur de cette Pro-
GALANT 213
vince alla au devant du
fils de Sam pour luy faire honneur , & fut tellement charmé des belles
& grandes qualitez de ce
jeunePrince , que retournant dans fa famille il ne
pouvoit ceffer d'en parler , & fur ce recit une
de fes filles nommée Bouladabas en devint amou-,
reufe ; elle envoya quel-
-unes de fes filles
ſous prétexte de cueillir
des fleurs autour d'une
ques
214 MERCURE
fontaine où elle fceut que
Zaczer alloit fe rafraif
chir pendantla chaffe.
Zaczer ayant apperceu
ces filles , ne manqua pas
de les aborder , de s'informer qui elles eftoient.
Elles prirent occaſion de
luy dire tant de bien de
leur jeune maiſtreſſe ,
qu'il conceut dès ce jourlà beaucoup d'eftime
pour elle , & fut impatient de retourner le lendemain pour voir files
GALANT. 215
cueilleufes de fleurs ne
reviendroient point à la
fontaine : elles ne manquerent pas d'y revenir ,
& Zaczel paffa avec elles
tout le temps de la chaſſe,
& devint amoureux de
Bouladabas fur l'idée que
ces filles luy en donnerent , comme elle eftoit
devenue amoureufe de
luy fur les recits que fon
pere en faifoit tous les
jours.
Il faut remarquer que
216 MERCURE
Zaczer avoit une de ces
phifionomies qui ne plaifent pas d'abord , mais
qui fe font aimer dans la
fuite par l'efprit & par les
fentiments qui les animent; cependant les filles
de Bouladabas luy en
avoient fait un Adonis ;
& d'un autre coſté en
faifant à Zaczer le por
trait de leur maiftreffe ,
chacune d'elles y adjouſ
toit tousjours quelque
trait de beauté pour éncherir
GALANT. 217
3
cherir fur fa compagne ,
& cela formoit dans l'imagination de Zaczer
une beauté , finon plus
grande au moins toute
differente de celle de Bouladabas. Ces deux Amants furent quelque
temps fans pouvoir trouyer les moyens de ſe voir,
& ne pouvant appuyer
leur amour que fur l'idée
qu'ils s'eſtoient formée
l'un del'autre, ils auroient
juré que ce qu'ils aiOctobre. 1712. T
218 MERCURE
moient reffembloit parfaitement à l'image où
leur amour les avoit accouſtumeż. ‹ Un jour
Bouladabas ayant trouvé moyen de fe dérober
aux foins de ceux qui la
gardoient , vintà la fontaine , & y arriva quelques heures avant Zaczer. Pendant que fes filles l'entretenoient àa l'ordinaire des charmes de
celuy qu'elle alloit voir ,
elle fut long - temps ré-
GALANT. 219
veuſe , & rompit enfuite
le filence pour leur dire
qu'elle craignoit deux
chofes dans cette entre
veuë : la premiere de ne
pas paroistre auxyeux de
Zaczer digne du portrait
qu'elles luy avoient fait
d'elle; & la feconde, de ne
pas trouver Zaczer fi aimable qu'elle fe l'eftoit
imaginé : Etfi l'un de ces
deux malheurs m'arrive,
leur difoit- eller, que deviendray- je après toutes
Tij
220 MERCURE
ces avances que nous nous
fommes faites indifcretement fans nous efire veus.
Une de fes filles luy dit
qu'en effet il eftoit fouvent dangereux de prévenir trop avantageufement, & que c'eſtoit mefmeunepolitique des fem- .
mes jaloufes de profner
exceffivement les beautez qu'onannonçoit dans
le monde , afin qu'on les
trouvaſt moins belles : je
ne crains point cela pour
GALANT. 221
vous , Madame , continua - elle , moy je le
crains , interrompt Bouladabas , mais , Madame , reprit la fille qui eftoit vive &
ingenieuſe ,
faites une chofe , je nefuis
point encore venue à la
fontaine avec mes compagnes, ainfi Zaczer ne m'a
point encore veuë , je fuis
"brune comme vous , &je
puis reffembler àpeu près
en laid auportrait qu'on
luy a fait , je vais me
Tiij
222 MERCURE
parerde vospierreries , &
faire icy vofire perfonnage , cela produira plufleurs bons effets. Premierement ma vene détruira
dans fon imagination ce
phantofme de beauté qu'il
s'est fait ,
craignez la comparaifon ,
ce ne fera plus qu'à moy
dont vous
qu'il vous comparera
quand vous vous ferez
connoiftre à luy dans la
fuite , commejefuis infiniment moins belle que
. GALANT. 223
vous , &que l'idée qu'il
s'eft faite , cette premiere
furprife le difpofera à une
feconde tres- avantageuſe
pour vous.
Une autre raifon encore que cette fille réprefenta à Bouladabas , fut
que cette fuppofition lụy
donneroit lieu d'exaininer incognito & à loifir , fi
Zaczer eftoit digne de
l'idée qu'elle avoit de luy
Bouladabas accepta le
parti pour une troifiéme
Tiiij
224 MERCURE
raifon encore : j'éprouveraypar là , dit- elle , s'il
m'auroit aimée naturellement fans la prévention.
>
qu'on luy a donnée pour
moy , ma delicateſſe fe-·
roit bien plus touchée de cet
amour & s'il venoit à
t'aimerparhazardje n'en
ferois point jaloufe , cela
me prouveroit que nous
n'eftions pas deftinez l'un
pour l'autre. A peine
cette converfation fut- elle
finié , qu'on entendit de
GALANT. 225
loin le bruit de la chaffe ,
la fauffe Bouladabas eut
à peine le temps de ſe parer , que Zaczer parut
feul , percer le bois avec
impatience pour venir
joindre les filles. Elles
coururent toutes au devant de luy , & la fauſſe
Bouladabas reſta ſur un
fiege de verdure & de
fleurs , accompagnée de
la veritable , qu'on annonça à Zaczer comme
une parente de Boulada-
226 MERCURE
bas dont elle s'eftoit fait
accompagner. La fauffe
Bouladabas fe leva à l'arrivée de Zaczer , qui tout
plein de fa beauté divine
&imaginaire , accouroit
avec ardeur ; mais cette
ardeur fut bien rallentie
quand il vit une perfonne
qui n'eftoit en effet que
mediocrement belle , &
qui luy parut encore fort
au deffous de ce qu'elle
eftoit ; il refta immobile
&prefque muet, l'amour
GALANT. 227
de Bouladabas fut encore
plus refroidi que le fien ,
car Zaczer , comme nous
avons dit. ,
n'avoit pas
pour luy le premier abord ; toutes les graces
qui euffent pûanimer fon
vilage eftoient effacées
par la froideur & la furprife dont il avoit eſté
frappé : en un mot Bouladabas , bien loin de le
trouver aimable , ne fongea qu'à abbreger l'entreveue, & fit fouvenir la
228 MERCURE
fauſſe Bouladabas qu'il
falloit retourner au plus
viſte , de peur qu'on ne
s'apperceuſt au Palais de
fon Pere qu'elle en eſtoit
fortie ; on parla de ſe ſeparer , & Zaczer ne s'en
plaignit que par politeſſe.
Dansce moment les filles
de Bouladabas connurent
le tort qu'ils avoient eu
de prévenir ces Amants
trop
P'un
avantageuſement
pour l'autre ; car felon toutes les apparences
GALANT. 229
fi Zaczer avoit veu Bouladabas naturellement
d'abord en Princeſſe, leur
amour ſe fuſt peut - eſtre
efteint tout-à- fait , au
lieu que comme vous allez voir , la froideur de
cette premiere entreveuë
ne fervit qu'à rallumer
plus vivement un fond
d'amour qu'ils avoient
réellement pour le merite
l'un de l'autre.
Dans le temps que les
compliments de ſepara-
230 MERCURE
tion fe faifoient , Zaczer
qui avoit eu preſque tousjours les yeux baiffez ,
les jetta fur Bouladabas ;
& fon imagination n'eſtant plus occupée d'aucune fauffe image , la
beautéde Bouladabas s'en
empara , le premier coup
d'oeil le frappa fi vive
ment, que fa phifionomie
en fut ranimée , & Bou
ladabas qui s'apperçut
qu'elle plaifoit , commença à le trouver moins
GALANT 231 4
1
choquant , elle cuft bien
voulu refter encore , mais
Zaczer partit bruſquement,"& Bouladabas s'en
retourna avec fes filles.
La raiſon qui fit partir
Zaczer fi brufquement ,
fut une raifon de delicateffe & de conftance.
orientale , il craignit que
celle qu'il ne croyoit qu'
une parente de Bouladabas , ne luy pluſt trop ,
& ne s'eftant pas encore
apperceu qu'il l'aimoit
232 MERCURE
désja , il vouloit conferver l'amour qui luy ref
toit pour le merite de
Bouladabas , dont il ne
pouvoit douter , parce
qu'il eftoit conneu dans
toute la Perfe , & ce
>
jeune Prince qui s'eſtoit
dévoué hautement à cette Princeffe , avant que
de l'avoir veuë , voulant
fouftenir par honneur
le party qu'il avoit prit
revint le lendemain à
la fontaine , où la Princeffe
GALANT. 233
ceffe devoit revenir , il
s'imaginoit craindre d'y
retrouver fa parente
mais dans le fond du
cœur il n'y venoit que
pour elle , & il eut une
joye fecrette , lorſque
Bouladabas fous le nom
de parente parut fans
la Princeffe , qui l'avoit
chargée luy difoit- elle de:
venir luy témoigner la
douleur qu'elle avoit de
n'avoir pu s'y trouver
ce jour- là , Zaczer luy
Octobre. 1712 Y
234 MERCURE
répondit d'un air tres
content , qu'il en eftoit
fafché , & elle luy dit
que Bouladabas l'avoit
chargée de venir luy
parler d'elle le plus
long- temps qu'elle pourroit cette converfation
fut longue , & Zaczer
ne la pouvoit finir ; elle
roula toutefur la conftance , & Bouladabas le
mettoit exprés fur ce fujet , pour connoître s'il
en eftoit capable. Zac-
GALANT. 235
zer eut, tant de pouvoir,
fur luy- mefme dans cette
entreveuë , que jamais il
ne luy eſchapa aucun
mot qui luy marquaft fon
amour , au contraire , il
juroit qu'il feroit toufjours fidelle à Bouladabas , mais en jurant fidelité à celle qu'il croyoit ne
pas voir, il foupiroit pour
celle qu'il voyoit : quel
plaifir pour Bouladabas
de fe voir ainfi doublement aimée. Celjeu
L3
V ij
236 MERCURE
continua quelques jours ,
& la Princeffe ne paroiffant point , Bouladabas
pouffa l'épreuve de la conftance de Zaczer jufqu'à
luy declarer qu'elle l'aimoit ; & qu'eftant auffi
grande Princeffe que fa
parente, &beaucoup plus
riche , il auroit dû penſer
à l'époufer. Que ne ſouffrit point Zaczer dans cet
te épreuve , il alloit peut-
}
eftre fuccomber : mais
Bouladabas craignant de
"
GALANT. 237
pour tousle voir infidelle, le prévint
par un dépit & un adieu
qu'elle luy dit
jours ; & fans luy donner
le temps de luy répondre,
elle luy dit ſeulement que
Bouladabas viendroit elle- mefme le lendemain
pour le recompenfer defa
conſtance.
Zaczerrefta au mefme
endroit où on l'avoit laiffé , fans avoir la force ni
de parler ni de ſe ſouſtenir , & fe laiffa tomber
238 MERCURE
fur un gazon où il feroit
refté long-temps , fi fes
gens ne fuſſent venus le
joindre : il fe trouva mal
& on l'emporta chez luy,
où il paſſa la nuit dans un
eftat fi violent qu'il prit
le party de ne fe jamais
marier , ne voulant pas
3
donner à Bouladabas un
coeur fi rempli d'amour
pour une autre , ni épou¬
fer cette autre en manquant de fidelité à Boula
dabas min 51 38
GALANT. 239
Le lendemain , Zaczer.
feur de trouver Boulada--
bas au rendez- vous , y retourna à deffein de luy
avoüer de bonne foy les
raifon's qu'il avoit de ne
jamais voir ni elle ni fa
parente. Quel fpectacles
pourluy ! lorfque le lendomain la Princeffe parut
de loin magnifiquement
parée, avec plufieurs Maures qui la portoient ſur un
Palanquin de fleurs , entourée d'un grand nom
240 MERCURE
bre de filles tenant des
guirlandes , & de quantité de petits enfants repreſentants les Amours ;
en un mot avec tout l'appareil d'uneFeſte galante,
qui a pourbutle mariage.
Plufieurs Cavaliers parez
comme pour un Tournoy fe détacherent de la
Troupe; &le pere deBouladabas à leur tefte vint
offrir fa fille à Zaczer , qui
eftoit preſt à la refuſer &
àfuir. Lorfquevoyant de
plus
GALANT. 241
plus près la Princeffe qui
s'avançoit , il vit à ſa place celle dont il eftoit fi
amoureux. Quelle fut fa
furpriſe je croy qu'une
peinture de tout ce quife
paſſa en ce moment , ne
feroit qu'affoiblir celle
que chacun s'en peut faire. Bouladabas dit à Zaccer quefon pere avoit eſté
touché de fa conſtance ,
& avoit voulu venir la
couronner luy - meſme ,
les noces fe celebrerent
Octobre.
1712. X
242 MERCURE
peu après , & au bout
de neuf mois fortit de ce
mariage le fameux Roftam furnommé Oaſtam
le plus vaillant guerrier
que les Perfans ayent jamais eu , & qui fert encore aujourd'huy de modelle à tous les grands
hommes de l'Orient
de Zaczer & de
Bouladabas.
ZAczer fils de Sam
Prince Perſan , ayant fait If
une partie de chaffe , c'eſtà- dire un petit voyage de
quelques femaines , pour
chaffer dans le Kalleſtan,
qui eft la Province de Kabul aux Indes , qui confine avec la Perfe du cofé du Nord. Mecherab
Gouverneur de cette Pro-
GALANT 213
vince alla au devant du
fils de Sam pour luy faire honneur , & fut tellement charmé des belles
& grandes qualitez de ce
jeunePrince , que retournant dans fa famille il ne
pouvoit ceffer d'en parler , & fur ce recit une
de fes filles nommée Bouladabas en devint amou-,
reufe ; elle envoya quel-
-unes de fes filles
ſous prétexte de cueillir
des fleurs autour d'une
ques
214 MERCURE
fontaine où elle fceut que
Zaczer alloit fe rafraif
chir pendantla chaffe.
Zaczer ayant apperceu
ces filles , ne manqua pas
de les aborder , de s'informer qui elles eftoient.
Elles prirent occaſion de
luy dire tant de bien de
leur jeune maiſtreſſe ,
qu'il conceut dès ce jourlà beaucoup d'eftime
pour elle , & fut impatient de retourner le lendemain pour voir files
GALANT. 215
cueilleufes de fleurs ne
reviendroient point à la
fontaine : elles ne manquerent pas d'y revenir ,
& Zaczel paffa avec elles
tout le temps de la chaſſe,
& devint amoureux de
Bouladabas fur l'idée que
ces filles luy en donnerent , comme elle eftoit
devenue amoureufe de
luy fur les recits que fon
pere en faifoit tous les
jours.
Il faut remarquer que
216 MERCURE
Zaczer avoit une de ces
phifionomies qui ne plaifent pas d'abord , mais
qui fe font aimer dans la
fuite par l'efprit & par les
fentiments qui les animent; cependant les filles
de Bouladabas luy en
avoient fait un Adonis ;
& d'un autre coſté en
faifant à Zaczer le por
trait de leur maiftreffe ,
chacune d'elles y adjouſ
toit tousjours quelque
trait de beauté pour éncherir
GALANT. 217
3
cherir fur fa compagne ,
& cela formoit dans l'imagination de Zaczer
une beauté , finon plus
grande au moins toute
differente de celle de Bouladabas. Ces deux Amants furent quelque
temps fans pouvoir trouyer les moyens de ſe voir,
& ne pouvant appuyer
leur amour que fur l'idée
qu'ils s'eſtoient formée
l'un del'autre, ils auroient
juré que ce qu'ils aiOctobre. 1712. T
218 MERCURE
moient reffembloit parfaitement à l'image où
leur amour les avoit accouſtumeż. ‹ Un jour
Bouladabas ayant trouvé moyen de fe dérober
aux foins de ceux qui la
gardoient , vintà la fontaine , & y arriva quelques heures avant Zaczer. Pendant que fes filles l'entretenoient àa l'ordinaire des charmes de
celuy qu'elle alloit voir ,
elle fut long - temps ré-
GALANT. 219
veuſe , & rompit enfuite
le filence pour leur dire
qu'elle craignoit deux
chofes dans cette entre
veuë : la premiere de ne
pas paroistre auxyeux de
Zaczer digne du portrait
qu'elles luy avoient fait
d'elle; & la feconde, de ne
pas trouver Zaczer fi aimable qu'elle fe l'eftoit
imaginé : Etfi l'un de ces
deux malheurs m'arrive,
leur difoit- eller, que deviendray- je après toutes
Tij
220 MERCURE
ces avances que nous nous
fommes faites indifcretement fans nous efire veus.
Une de fes filles luy dit
qu'en effet il eftoit fouvent dangereux de prévenir trop avantageufement, & que c'eſtoit mefmeunepolitique des fem- .
mes jaloufes de profner
exceffivement les beautez qu'onannonçoit dans
le monde , afin qu'on les
trouvaſt moins belles : je
ne crains point cela pour
GALANT. 221
vous , Madame , continua - elle , moy je le
crains , interrompt Bouladabas , mais , Madame , reprit la fille qui eftoit vive &
ingenieuſe ,
faites une chofe , je nefuis
point encore venue à la
fontaine avec mes compagnes, ainfi Zaczer ne m'a
point encore veuë , je fuis
"brune comme vous , &je
puis reffembler àpeu près
en laid auportrait qu'on
luy a fait , je vais me
Tiij
222 MERCURE
parerde vospierreries , &
faire icy vofire perfonnage , cela produira plufleurs bons effets. Premierement ma vene détruira
dans fon imagination ce
phantofme de beauté qu'il
s'est fait ,
craignez la comparaifon ,
ce ne fera plus qu'à moy
dont vous
qu'il vous comparera
quand vous vous ferez
connoiftre à luy dans la
fuite , commejefuis infiniment moins belle que
. GALANT. 223
vous , &que l'idée qu'il
s'eft faite , cette premiere
furprife le difpofera à une
feconde tres- avantageuſe
pour vous.
Une autre raifon encore que cette fille réprefenta à Bouladabas , fut
que cette fuppofition lụy
donneroit lieu d'exaininer incognito & à loifir , fi
Zaczer eftoit digne de
l'idée qu'elle avoit de luy
Bouladabas accepta le
parti pour une troifiéme
Tiiij
224 MERCURE
raifon encore : j'éprouveraypar là , dit- elle , s'il
m'auroit aimée naturellement fans la prévention.
>
qu'on luy a donnée pour
moy , ma delicateſſe fe-·
roit bien plus touchée de cet
amour & s'il venoit à
t'aimerparhazardje n'en
ferois point jaloufe , cela
me prouveroit que nous
n'eftions pas deftinez l'un
pour l'autre. A peine
cette converfation fut- elle
finié , qu'on entendit de
GALANT. 225
loin le bruit de la chaffe ,
la fauffe Bouladabas eut
à peine le temps de ſe parer , que Zaczer parut
feul , percer le bois avec
impatience pour venir
joindre les filles. Elles
coururent toutes au devant de luy , & la fauſſe
Bouladabas reſta ſur un
fiege de verdure & de
fleurs , accompagnée de
la veritable , qu'on annonça à Zaczer comme
une parente de Boulada-
226 MERCURE
bas dont elle s'eftoit fait
accompagner. La fauffe
Bouladabas fe leva à l'arrivée de Zaczer , qui tout
plein de fa beauté divine
&imaginaire , accouroit
avec ardeur ; mais cette
ardeur fut bien rallentie
quand il vit une perfonne
qui n'eftoit en effet que
mediocrement belle , &
qui luy parut encore fort
au deffous de ce qu'elle
eftoit ; il refta immobile
&prefque muet, l'amour
GALANT. 227
de Bouladabas fut encore
plus refroidi que le fien ,
car Zaczer , comme nous
avons dit. ,
n'avoit pas
pour luy le premier abord ; toutes les graces
qui euffent pûanimer fon
vilage eftoient effacées
par la froideur & la furprife dont il avoit eſté
frappé : en un mot Bouladabas , bien loin de le
trouver aimable , ne fongea qu'à abbreger l'entreveue, & fit fouvenir la
228 MERCURE
fauſſe Bouladabas qu'il
falloit retourner au plus
viſte , de peur qu'on ne
s'apperceuſt au Palais de
fon Pere qu'elle en eſtoit
fortie ; on parla de ſe ſeparer , & Zaczer ne s'en
plaignit que par politeſſe.
Dansce moment les filles
de Bouladabas connurent
le tort qu'ils avoient eu
de prévenir ces Amants
trop
P'un
avantageuſement
pour l'autre ; car felon toutes les apparences
GALANT. 229
fi Zaczer avoit veu Bouladabas naturellement
d'abord en Princeſſe, leur
amour ſe fuſt peut - eſtre
efteint tout-à- fait , au
lieu que comme vous allez voir , la froideur de
cette premiere entreveuë
ne fervit qu'à rallumer
plus vivement un fond
d'amour qu'ils avoient
réellement pour le merite
l'un de l'autre.
Dans le temps que les
compliments de ſepara-
230 MERCURE
tion fe faifoient , Zaczer
qui avoit eu preſque tousjours les yeux baiffez ,
les jetta fur Bouladabas ;
& fon imagination n'eſtant plus occupée d'aucune fauffe image , la
beautéde Bouladabas s'en
empara , le premier coup
d'oeil le frappa fi vive
ment, que fa phifionomie
en fut ranimée , & Bou
ladabas qui s'apperçut
qu'elle plaifoit , commença à le trouver moins
GALANT 231 4
1
choquant , elle cuft bien
voulu refter encore , mais
Zaczer partit bruſquement,"& Bouladabas s'en
retourna avec fes filles.
La raiſon qui fit partir
Zaczer fi brufquement ,
fut une raifon de delicateffe & de conftance.
orientale , il craignit que
celle qu'il ne croyoit qu'
une parente de Bouladabas , ne luy pluſt trop ,
& ne s'eftant pas encore
apperceu qu'il l'aimoit
232 MERCURE
désja , il vouloit conferver l'amour qui luy ref
toit pour le merite de
Bouladabas , dont il ne
pouvoit douter , parce
qu'il eftoit conneu dans
toute la Perfe , & ce
>
jeune Prince qui s'eſtoit
dévoué hautement à cette Princeffe , avant que
de l'avoir veuë , voulant
fouftenir par honneur
le party qu'il avoit prit
revint le lendemain à
la fontaine , où la Princeffe
GALANT. 233
ceffe devoit revenir , il
s'imaginoit craindre d'y
retrouver fa parente
mais dans le fond du
cœur il n'y venoit que
pour elle , & il eut une
joye fecrette , lorſque
Bouladabas fous le nom
de parente parut fans
la Princeffe , qui l'avoit
chargée luy difoit- elle de:
venir luy témoigner la
douleur qu'elle avoit de
n'avoir pu s'y trouver
ce jour- là , Zaczer luy
Octobre. 1712 Y
234 MERCURE
répondit d'un air tres
content , qu'il en eftoit
fafché , & elle luy dit
que Bouladabas l'avoit
chargée de venir luy
parler d'elle le plus
long- temps qu'elle pourroit cette converfation
fut longue , & Zaczer
ne la pouvoit finir ; elle
roula toutefur la conftance , & Bouladabas le
mettoit exprés fur ce fujet , pour connoître s'il
en eftoit capable. Zac-
GALANT. 235
zer eut, tant de pouvoir,
fur luy- mefme dans cette
entreveuë , que jamais il
ne luy eſchapa aucun
mot qui luy marquaft fon
amour , au contraire , il
juroit qu'il feroit toufjours fidelle à Bouladabas , mais en jurant fidelité à celle qu'il croyoit ne
pas voir, il foupiroit pour
celle qu'il voyoit : quel
plaifir pour Bouladabas
de fe voir ainfi doublement aimée. Celjeu
L3
V ij
236 MERCURE
continua quelques jours ,
& la Princeffe ne paroiffant point , Bouladabas
pouffa l'épreuve de la conftance de Zaczer jufqu'à
luy declarer qu'elle l'aimoit ; & qu'eftant auffi
grande Princeffe que fa
parente, &beaucoup plus
riche , il auroit dû penſer
à l'époufer. Que ne ſouffrit point Zaczer dans cet
te épreuve , il alloit peut-
}
eftre fuccomber : mais
Bouladabas craignant de
"
GALANT. 237
pour tousle voir infidelle, le prévint
par un dépit & un adieu
qu'elle luy dit
jours ; & fans luy donner
le temps de luy répondre,
elle luy dit ſeulement que
Bouladabas viendroit elle- mefme le lendemain
pour le recompenfer defa
conſtance.
Zaczerrefta au mefme
endroit où on l'avoit laiffé , fans avoir la force ni
de parler ni de ſe ſouſtenir , & fe laiffa tomber
238 MERCURE
fur un gazon où il feroit
refté long-temps , fi fes
gens ne fuſſent venus le
joindre : il fe trouva mal
& on l'emporta chez luy,
où il paſſa la nuit dans un
eftat fi violent qu'il prit
le party de ne fe jamais
marier , ne voulant pas
3
donner à Bouladabas un
coeur fi rempli d'amour
pour une autre , ni épou¬
fer cette autre en manquant de fidelité à Boula
dabas min 51 38
GALANT. 239
Le lendemain , Zaczer.
feur de trouver Boulada--
bas au rendez- vous , y retourna à deffein de luy
avoüer de bonne foy les
raifon's qu'il avoit de ne
jamais voir ni elle ni fa
parente. Quel fpectacles
pourluy ! lorfque le lendomain la Princeffe parut
de loin magnifiquement
parée, avec plufieurs Maures qui la portoient ſur un
Palanquin de fleurs , entourée d'un grand nom
240 MERCURE
bre de filles tenant des
guirlandes , & de quantité de petits enfants repreſentants les Amours ;
en un mot avec tout l'appareil d'uneFeſte galante,
qui a pourbutle mariage.
Plufieurs Cavaliers parez
comme pour un Tournoy fe détacherent de la
Troupe; &le pere deBouladabas à leur tefte vint
offrir fa fille à Zaczer , qui
eftoit preſt à la refuſer &
àfuir. Lorfquevoyant de
plus
GALANT. 241
plus près la Princeffe qui
s'avançoit , il vit à ſa place celle dont il eftoit fi
amoureux. Quelle fut fa
furpriſe je croy qu'une
peinture de tout ce quife
paſſa en ce moment , ne
feroit qu'affoiblir celle
que chacun s'en peut faire. Bouladabas dit à Zaccer quefon pere avoit eſté
touché de fa conſtance ,
& avoit voulu venir la
couronner luy - meſme ,
les noces fe celebrerent
Octobre.
1712. X
242 MERCURE
peu après , & au bout
de neuf mois fortit de ce
mariage le fameux Roftam furnommé Oaſtam
le plus vaillant guerrier
que les Perfans ayent jamais eu , & qui fert encore aujourd'huy de modelle à tous les grands
hommes de l'Orient
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Résumé : HISTOIRE de Zaczer & de Bouladabas.
L'histoire narre les amours entre Zaccher, fils du prince persan Sam, et Bouladabas, fille du gouverneur Mecherab du Kallestan. Zaccher, de retour d'une chasse, est captivé par les qualités de Bouladabas, dont il entend parler par son gouverneur. Les servantes de Bouladabas, envoyées cueillir des fleurs, rencontrent Zaccher et lui vantent les mérites de leur maîtresse, éveillant ainsi son intérêt. Les deux amants, sans se connaître, développent une passion basée sur des descriptions idéalisées. Bouladabas, craignant de ne pas correspondre à l'image que Zaccher s'est faite d'elle, envoie une de ses servantes se faire passer pour elle lors de leur première rencontre. Cette ruse échoue, car Zaccher est déçu par la fausse Bouladabas. Cependant, lors d'une seconde rencontre, Zaccher découvre la véritable Bouladabas et en tombe amoureux. Bouladabas, de son côté, apprécie Zaccher après avoir observé sa constance. Leur amour est mis à l'épreuve par des séparations et des malentendus. Malgré ces obstacles, ils finissent par se marier. Leur union donne naissance à Rostam, un célèbre guerrier persan.
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18
p. 127-129
Nouvelles d'Allemagne.
Début :
On travaille à Vienne, aux preparatifs pour la reception de l'Archiduchesse [...]
Mots clefs :
Florins, Princesse, Archiduchesse, Italie, Garnison, Moselle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles d'Allemagne.
Nouvelles d*Allemagne.
On travaille à Vienne, aux
preparatifs pour la reception
de l'Archiduchesse qui doit
partir de Barcelonne vers la
fin du mois de Mars. On
assure que l'Archiduc est
convenu avec les Anglois
,
de
leur payer cent florins pour
chaque per sonne de la suite
de cette Princesse qu'ils
tranrporteront en Italie,
quarante florins pour chaque
Cavalier,& vingt-cinq pour
chaque Fantassin.
Les lettres de Strasbourg
du zi.MÀrs, portentqu'un
parti des Troupes
«
Françoises
, avoit surpris &
entierement défait quatre
Compagnies de Houssars
qui alloient de Philisbourg à
Landau, dont vingt -cinq
avoient été tuez, soixante
faits prisonniers, & beaucoup
de chevaux pris, sans
autre perte que de cinq
hommes tuez & treize blessez;
qu'un autre parti François
avoit défait quarante
hommes de la Garnison de
Traerbach; sur la Moselle.
On travaille à Vienne, aux
preparatifs pour la reception
de l'Archiduchesse qui doit
partir de Barcelonne vers la
fin du mois de Mars. On
assure que l'Archiduc est
convenu avec les Anglois
,
de
leur payer cent florins pour
chaque per sonne de la suite
de cette Princesse qu'ils
tranrporteront en Italie,
quarante florins pour chaque
Cavalier,& vingt-cinq pour
chaque Fantassin.
Les lettres de Strasbourg
du zi.MÀrs, portentqu'un
parti des Troupes
«
Françoises
, avoit surpris &
entierement défait quatre
Compagnies de Houssars
qui alloient de Philisbourg à
Landau, dont vingt -cinq
avoient été tuez, soixante
faits prisonniers, & beaucoup
de chevaux pris, sans
autre perte que de cinq
hommes tuez & treize blessez;
qu'un autre parti François
avoit défait quarante
hommes de la Garnison de
Traerbach; sur la Moselle.
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Résumé : Nouvelles d'Allemagne.
En Allemagne, des préparatifs sont en cours à Vienne pour accueillir l'Archiduchesse de Barcelone. L'Archiduc a convenu avec les Anglais de financer le transport de sa suite en Italie. À Strasbourg, des troupes françaises ont vaincu des hussards près de Philisbourg et Landau, capturant des prisonniers et des chevaux. Elles ont également défait des hommes de la garnison de Traerbach.
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19
p. 3-12
TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Début :
Saifaddante, ou Saifaldoulat étoit un des plus puissans Princes de [...]
Mots clefs :
Poète, Princesse, Jalousie, Forteresse, Élégie, Libéralité, Récomp
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
TRAIT D'HISTOIRE - jirdbe.
Aifaddante, ou
Saifaldoulat étoit
undes plus
puissans Princes del'Orient,&
undes meilleurs
Poètesdeson temps. La
libéralité extreme qu'il
exerçoit envers les Poë.
tes : e, geps d.cfpr;j[
l'eût -\Ja-'fai"(e;Soupçonner
devouloir honorer
lui-même son talent, s'il
n'eût pas été d'ailleurs leplrirgalant, le plus
généreux8£leplus brave
Princede son siecle. Il
naquit l'an501- de l'E
gire,& mourut l'an
jjé/Ce Prince àvoit une
maîtresse, fille d'un Prin-
!
-
", *\
ceGrec,&d'une beauté
charmante. Sapoësie,
sa galanterie &son àmour
s'employaient à
l'envi ik, avec éclat auprés
de cette Greque.
La jalousie de toutes les
autres compagnes devint
furieuse, 6C elles
complotèrent de l'enlever
la nuit,& de la jetter
dans la mer fccretement,
ou bien del'empoisonner.
Ce Prince
persuadé , que rien ne
pourroit la sauver de là
fureur d'une troupe de
rivales V & ne voulant
pas qu'elle restât expofée
à leur jaloufic il la fitconduire dans une
forteresse, où il la fit
garder avec tout le soin
imaginable.Saifaddantc
composauneélégie dans
sa douleur; en parlant
de lui-même il dit: Il
lui estarrive dans sa tour
ce qui arrive à l'oiseau
qui veut sortir de sa cage
» il voit répervier ,
& il s'y tient tremblant,
oubliant les delices de
la liberté:ou au poisson
rusé qui se tient au fond
del'eaude peur de l'hameçon
;il s'approche de
ce qui est necessaire à sa
vie, & s'en arrache en'
même temps de peur de
la perdre. Et s'adressant
à la Princesse
, lui dit:
Mes yeux vous gardent,
mon coeur vous veille,
&necessepointdecraindre
l'horreur l'uneseparationéternelle!
monamour
en eft^plusVfcH
lent 8c durera toûjours
Voila commcçci Princq
sçavôitsacrifieson pJai
sir ausalut de ce qu'il
aimoit. Voyons presentemerit
comme il ,savoitrecompenfer
le mérité
& les talens. Eslans
à Alep,environné "U;;
petttaupe de rOE.cn.
Arabe, mal vêtus'approcha
de lui bfflui recitaces
vers.
Le rMttqitemanque>
matsla demandeejtar~
rivée àfinpoint. jîlep
Av.ufinPrincey tout
doity être heureux. Le
tempsvotre firviteur
nous a maltraite^ eS
nous nepouvons nous
mettre acouvert defin
injustice eS de sa viollternrcg,
r-irqaun"'àd.ltl'i'ianb1-&r'diddeerruvéô*I*f
trebonté** < ;A i
1;." V'lu. '- Saifaddantc ., trouva
ces vers à son gré, &
fitdonnerau Poètedeux
cens écus d'or. Deux
freres, Poctes fameux,
nommez lesKaled, lui
ayantrecitéunbeau
Poème, il enfit ôter
seulement les vers qui
étoientà sa louange;il
lei traita. avec beaucoup
d'honneur, & le lendemain
matin il leur fit
donner à chacunune
belle Persannequi portoit
sur sa tête un vase
plein de vin exquis, sur
lequel étoient des étofes
d'un grand prix. Les
deux freres partirent sur
le champ pour le remercier,&
l'aîné lui dit ces
vers.
LeIcreaturesfO.n.tdans
ïimpuijfancede'vous rt
mercier de vos btèns5
vouf nous at'Z envoyé
deux bettes canes tor.
tantfur leur chefles çor.
nés d1abondance,&par
elles vous avez* chassé
de chez,nous les tenebreM
épaisses del'ennui\& te
troublé d'ejprit que tause
la disette.L'aurorenous
a montrévotreliberali-\ té, leSoleilcouchant
nenousverra point,que
nôus n'ayons renduala
ffifqïtë^vfs ave^de III
rPii¥t telle que nous a-
\vionil de tambroisiedont J',o,!s AV'Z" enj-
•WÏV
Aifaddante, ou
Saifaldoulat étoit
undes plus
puissans Princes del'Orient,&
undes meilleurs
Poètesdeson temps. La
libéralité extreme qu'il
exerçoit envers les Poë.
tes : e, geps d.cfpr;j[
l'eût -\Ja-'fai"(e;Soupçonner
devouloir honorer
lui-même son talent, s'il
n'eût pas été d'ailleurs leplrirgalant, le plus
généreux8£leplus brave
Princede son siecle. Il
naquit l'an501- de l'E
gire,& mourut l'an
jjé/Ce Prince àvoit une
maîtresse, fille d'un Prin-
!
-
", *\
ceGrec,&d'une beauté
charmante. Sapoësie,
sa galanterie &son àmour
s'employaient à
l'envi ik, avec éclat auprés
de cette Greque.
La jalousie de toutes les
autres compagnes devint
furieuse, 6C elles
complotèrent de l'enlever
la nuit,& de la jetter
dans la mer fccretement,
ou bien del'empoisonner.
Ce Prince
persuadé , que rien ne
pourroit la sauver de là
fureur d'une troupe de
rivales V & ne voulant
pas qu'elle restât expofée
à leur jaloufic il la fitconduire dans une
forteresse, où il la fit
garder avec tout le soin
imaginable.Saifaddantc
composauneélégie dans
sa douleur; en parlant
de lui-même il dit: Il
lui estarrive dans sa tour
ce qui arrive à l'oiseau
qui veut sortir de sa cage
» il voit répervier ,
& il s'y tient tremblant,
oubliant les delices de
la liberté:ou au poisson
rusé qui se tient au fond
del'eaude peur de l'hameçon
;il s'approche de
ce qui est necessaire à sa
vie, & s'en arrache en'
même temps de peur de
la perdre. Et s'adressant
à la Princesse
, lui dit:
Mes yeux vous gardent,
mon coeur vous veille,
&necessepointdecraindre
l'horreur l'uneseparationéternelle!
monamour
en eft^plusVfcH
lent 8c durera toûjours
Voila commcçci Princq
sçavôitsacrifieson pJai
sir ausalut de ce qu'il
aimoit. Voyons presentemerit
comme il ,savoitrecompenfer
le mérité
& les talens. Eslans
à Alep,environné "U;;
petttaupe de rOE.cn.
Arabe, mal vêtus'approcha
de lui bfflui recitaces
vers.
Le rMttqitemanque>
matsla demandeejtar~
rivée àfinpoint. jîlep
Av.ufinPrincey tout
doity être heureux. Le
tempsvotre firviteur
nous a maltraite^ eS
nous nepouvons nous
mettre acouvert defin
injustice eS de sa viollternrcg,
r-irqaun"'àd.ltl'i'ianb1-&r'diddeerruvéô*I*f
trebonté** < ;A i
1;." V'lu. '- Saifaddantc ., trouva
ces vers à son gré, &
fitdonnerau Poètedeux
cens écus d'or. Deux
freres, Poctes fameux,
nommez lesKaled, lui
ayantrecitéunbeau
Poème, il enfit ôter
seulement les vers qui
étoientà sa louange;il
lei traita. avec beaucoup
d'honneur, & le lendemain
matin il leur fit
donner à chacunune
belle Persannequi portoit
sur sa tête un vase
plein de vin exquis, sur
lequel étoient des étofes
d'un grand prix. Les
deux freres partirent sur
le champ pour le remercier,&
l'aîné lui dit ces
vers.
LeIcreaturesfO.n.tdans
ïimpuijfancede'vous rt
mercier de vos btèns5
vouf nous at'Z envoyé
deux bettes canes tor.
tantfur leur chefles çor.
nés d1abondance,&par
elles vous avez* chassé
de chez,nous les tenebreM
épaisses del'ennui\& te
troublé d'ejprit que tause
la disette.L'aurorenous
a montrévotreliberali-\ té, leSoleilcouchant
nenousverra point,que
nôus n'ayons renduala
ffifqïtë^vfs ave^de III
rPii¥t telle que nous a-
\vionil de tambroisiedont J',o,!s AV'Z" enj-
•WÏV
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Résumé : TRAIT D'HISTOIRE Arabe.
Le texte raconte l'histoire de Saifaddoulat, prince et poète de l'Orient, né en 501 de l'ère égyptienne et mort en 536. Reconnu pour sa libéralité envers les poètes, il était également célèbre pour sa galanterie, sa générosité et son courage. Saifaddoulat avait une maîtresse, fille d'un prince grec, dont la beauté et le charme étaient exceptionnels. La jalousie des autres compagnes les poussa à comploter pour l'enlever et la tuer. Pour la protéger, Saifaddoulat la fit conduire dans une forteresse sous haute surveillance et composa une élégie exprimant sa douleur et son amour éternel pour elle. Le texte souligne également la générosité de Saifaddoulat envers les poètes. À Alep, il offrit deux cents écus d'or à un poète arabe mal vêtu. Deux frères poètes, les Kaled, reçurent des cadeaux précieux, dont des persanes portant des vases de vin et des étoffes de grande valeur, en échange d'un poème. Les frères exprimèrent leur gratitude par des vers, soulignant que la générosité du prince avait chassé l'ennui et la disette de leur vie.
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20
p. 140-143
MORTS, BAPTESMES & Mariages des Pays Etrangers.
Début :
Mr. Jagozinski a épousé à Petersbourg Made la Comtesse Gollofskin [...]
Mots clefs :
Mort, Princesse, Reine, Cologne, Épouse, Comtesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS, BAPTESMES & Mariages des Pays Etrangers.
MORTS, B ALTES MES
& Mariages des Pays Etrangers.
Mk Jagozinski a épousé à PeterÇ.
bowrg Mad: la Comtesse Goiïofsk'in,
fille du Grand Chancelier de
Russie. Ces noces ont été celebrées avec
beaucoup de magnificence , en presence
du Czar, representant avec le Duc d'Holstein
, les peres des deux nouveaux époux,
de la Czarine , accompagnée de la Prin
cesse Menzikoss, repreíentant les meres ,
M. Toistoy , Conseiller d'Etat , & M.
îe General Butterling repreíentaient les
Freres, Mad^ la Comtesse de Mattueof
& Made épouse du Vice-
Amiral Sinets repreíêntoient les íoeurs.
Made Albertine , Michelle , Comtesle
d'Althan, est morte à Vienne le 24.
Novembre, âgée de 17. ans.
Le R. Pere Frederic Confbrug , Je
íuite , Confesseur de l'Imperatrice , est
mort à Vienne le 2 9. Novembre.
Made de Geminghen , Gouvernan
te du jeune Prince Guillaume - Augus
te, & de la jeune Princesse , Se Damed'Honneur
de la Princesse de Galles , est
morte à Londres le premier Decembre.
J A NVïE R' 1714'. ; "4?
La Comtesse de Marlborough , épouse
de M. le Comte de Gòdolphin , est ac
couchée d'une fìlie à Londres le 4. De
cembre. ;
On mande de Londres que le Roy i
d'Angleterre doit declarer la conclusion
du mariage du Prince Frederic , son petjt.
fils, avec la Princesse , fille aînée du'
Roy de Prusse , que Si M. a arrêté pen*.
dant son séjour en Allemagne.
«k. Le R. Pere Joseph Diaíde Mouray
Beneficier dans. l'Eglise Paroissiale de
5, Barthelemy , à Lisbone, y est mort le
6. Novembre , âgé de cent douze ans.
Dom Joseph Hogan, Irlandois', Che
valier de l'Ordre de Christ & Sergent
Major de bataille dans les armées du Roy
de Portugal , est mort à Liíbone le jo.
Octobre.
Dom Jerôme de Camera , quatrième
fils du feu Comte de Ribeïra. Grande ^
Ambassadeur à la Cour de France , est
rnort à Liíbone , & c'est le quatrième
heritier mâle que cette Masson a perdu
dans le courant de cette annee.
Le 6. Decembre le Patriarche de Lis-
.bone baptiíà le quatrième Infant dans
l'Eglise Patriarchale. Ce Prince fut por.
ré par Don Gaston Joseph de Camera
Goutinho , Contrôleur de la Maison de
U Reine, Se il sut tenu sur les Fonts par
G iij le
i4* MERCUTRÏ DE FRANCÉ.
. le Marquis de Capichelatro , au' nom du*
Roy d'Espagne , & pour la Reine Douai
riere d'Esp.gne par Don Numa Alvares.
Pereira , Duc de Cadanel , Conseiller
t d'Etat, Majordome. Major de la Reine,..
President du Desembargo du Palais, po
Mestre de Camp General de la Cour &
de la Province d'Estremadoure. il fut
nommé Franf ois-Joseph. Antoine.Nicolas*
Après la ceremonie le Patriarche enton
na le Te Deum , qui fut chanté par la*
Musique y eníuite ce Prélat donna la be
nediction au peuple. La nuit íuivante it
y eut des illuminations , & autres mar
ques d'une' fête publique dans les deux;
Villes. L'Ambaíïadeur d'Espagne pour jr
contribuer donna ust concert d'instru-^
.mens , avec des rafraîchislgmens à tous. ;
ceux qui le reconduisirent à son Hôtel.
: Le Comte François Malacerta est mort
k Florence fans enfans: Il ne reste plus
de cette ancienne famille que le Mar
quis Malaterra , qui est actuellement
Gouverneur de Volterra.
La Princesse Christine.Amelie , dont
la Reine de Dannemark accoucha il y a
deux mois , est morte le 8. de ce mois à
Coppenhague. ^ . \
.Le 5. de cé mots le corps dq feu
Electeur de Cologne y fut porté de Bonn
' dans un Caroslè à S. chevaux caparaçon-
' ; nea.
.. f A. N V I E R 1714. .ï+s
riéz de deuil Le Clergé Seculier & Re
gulier de Cologne , alla le recevoir hors
de là Porte de S. Se verin ', Se le conduisit
à l'Eglise Metropolitaine, où il fut mis
fous un Dais magnifique. Le 4. le Non-
. ce du Pape accompagné des Prélats Mi
tiez de Rrechsteden , de Steinfeld , d'Altemberg
, de Gladbach , de Deutz , de
Brauveiller , de S.' Martin & de S. Pan,.
taleon , des Ministres Etrangers quí sonc
. à Cologne , de la principale Nobleilè
de cet Electorat , & des Magistrats de
. cette Ville , se rendjt à l'Eglrse Metro
politaine , où il celebra pontificalement
la MeflTe , qui sot suivie de deux Orai.
íòns funèbres , l'une prononcée en Alle
mand par le P. Averhausen , Jesuite, Se
l'autre en' JLatiny pus fó: Curé de Sains
Albin , après quoi le corps de l'Electeur
de Cologne fut inhumé au bruit d'une tri-
J>ie salve de l'artillerie des remparts.
& Mariages des Pays Etrangers.
Mk Jagozinski a épousé à PeterÇ.
bowrg Mad: la Comtesse Goiïofsk'in,
fille du Grand Chancelier de
Russie. Ces noces ont été celebrées avec
beaucoup de magnificence , en presence
du Czar, representant avec le Duc d'Holstein
, les peres des deux nouveaux époux,
de la Czarine , accompagnée de la Prin
cesse Menzikoss, repreíentant les meres ,
M. Toistoy , Conseiller d'Etat , & M.
îe General Butterling repreíentaient les
Freres, Mad^ la Comtesse de Mattueof
& Made épouse du Vice-
Amiral Sinets repreíêntoient les íoeurs.
Made Albertine , Michelle , Comtesle
d'Althan, est morte à Vienne le 24.
Novembre, âgée de 17. ans.
Le R. Pere Frederic Confbrug , Je
íuite , Confesseur de l'Imperatrice , est
mort à Vienne le 2 9. Novembre.
Made de Geminghen , Gouvernan
te du jeune Prince Guillaume - Augus
te, & de la jeune Princesse , Se Damed'Honneur
de la Princesse de Galles , est
morte à Londres le premier Decembre.
J A NVïE R' 1714'. ; "4?
La Comtesse de Marlborough , épouse
de M. le Comte de Gòdolphin , est ac
couchée d'une fìlie à Londres le 4. De
cembre. ;
On mande de Londres que le Roy i
d'Angleterre doit declarer la conclusion
du mariage du Prince Frederic , son petjt.
fils, avec la Princesse , fille aînée du'
Roy de Prusse , que Si M. a arrêté pen*.
dant son séjour en Allemagne.
«k. Le R. Pere Joseph Diaíde Mouray
Beneficier dans. l'Eglise Paroissiale de
5, Barthelemy , à Lisbone, y est mort le
6. Novembre , âgé de cent douze ans.
Dom Joseph Hogan, Irlandois', Che
valier de l'Ordre de Christ & Sergent
Major de bataille dans les armées du Roy
de Portugal , est mort à Liíbone le jo.
Octobre.
Dom Jerôme de Camera , quatrième
fils du feu Comte de Ribeïra. Grande ^
Ambassadeur à la Cour de France , est
rnort à Liíbone , & c'est le quatrième
heritier mâle que cette Masson a perdu
dans le courant de cette annee.
Le 6. Decembre le Patriarche de Lis-
.bone baptiíà le quatrième Infant dans
l'Eglise Patriarchale. Ce Prince fut por.
ré par Don Gaston Joseph de Camera
Goutinho , Contrôleur de la Maison de
U Reine, Se il sut tenu sur les Fonts par
G iij le
i4* MERCUTRÏ DE FRANCÉ.
. le Marquis de Capichelatro , au' nom du*
Roy d'Espagne , & pour la Reine Douai
riere d'Esp.gne par Don Numa Alvares.
Pereira , Duc de Cadanel , Conseiller
t d'Etat, Majordome. Major de la Reine,..
President du Desembargo du Palais, po
Mestre de Camp General de la Cour &
de la Province d'Estremadoure. il fut
nommé Franf ois-Joseph. Antoine.Nicolas*
Après la ceremonie le Patriarche enton
na le Te Deum , qui fut chanté par la*
Musique y eníuite ce Prélat donna la be
nediction au peuple. La nuit íuivante it
y eut des illuminations , & autres mar
ques d'une' fête publique dans les deux;
Villes. L'Ambaíïadeur d'Espagne pour jr
contribuer donna ust concert d'instru-^
.mens , avec des rafraîchislgmens à tous. ;
ceux qui le reconduisirent à son Hôtel.
: Le Comte François Malacerta est mort
k Florence fans enfans: Il ne reste plus
de cette ancienne famille que le Mar
quis Malaterra , qui est actuellement
Gouverneur de Volterra.
La Princesse Christine.Amelie , dont
la Reine de Dannemark accoucha il y a
deux mois , est morte le 8. de ce mois à
Coppenhague. ^ . \
.Le 5. de cé mots le corps dq feu
Electeur de Cologne y fut porté de Bonn
' dans un Caroslè à S. chevaux caparaçon-
' ; nea.
.. f A. N V I E R 1714. .ï+s
riéz de deuil Le Clergé Seculier & Re
gulier de Cologne , alla le recevoir hors
de là Porte de S. Se verin ', Se le conduisit
à l'Eglise Metropolitaine, où il fut mis
fous un Dais magnifique. Le 4. le Non-
. ce du Pape accompagné des Prélats Mi
tiez de Rrechsteden , de Steinfeld , d'Altemberg
, de Gladbach , de Deutz , de
Brauveiller , de S.' Martin & de S. Pan,.
taleon , des Ministres Etrangers quí sonc
. à Cologne , de la principale Nobleilè
de cet Electorat , & des Magistrats de
. cette Ville , se rendjt à l'Eglrse Metro
politaine , où il celebra pontificalement
la MeflTe , qui sot suivie de deux Orai.
íòns funèbres , l'une prononcée en Alle
mand par le P. Averhausen , Jesuite, Se
l'autre en' JLatiny pus fó: Curé de Sains
Albin , après quoi le corps de l'Electeur
de Cologne fut inhumé au bruit d'une tri-
J>ie salve de l'artillerie des remparts.
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Résumé : MORTS, BAPTESMES & Mariages des Pays Etrangers.
En 1714, plusieurs événements marquants ont eu lieu dans diverses cours européennes. Le marquis Jagozinski a épousé la comtesse Gojofsk'in, fille du Grand Chancelier de Russie, en présence du Czar et d'autres dignitaires. À Vienne, la comtesse Albertine Michelle d'Althan est décédée à l'âge de 17 ans, ainsi que le père Frédéric Confbrug, confesseur de l'impératrice. À Londres, madame de Geminghen, gouvernante du prince Guillaume-Auguste et dame d'honneur de la princesse de Galles, est décédée. La comtesse de Marlborough y a accouché d'une fille. Le roi d'Angleterre a annoncé le mariage du prince Frédéric, son petit-fils, avec la fille aînée du roi de Prusse. À Lisbonne, plusieurs décès notables ont été enregistrés. Le père Joseph Diade Mouray, bénéficiant dans l'église paroissiale de Saint-Barthélemy, est mort à l'âge de 112 ans. Dom Joseph Hogan, chevalier de l'Ordre de Christ et sergent-major dans les armées du roi de Portugal, ainsi que Dom Jérôme de Camera, fils du comte de Ribeira, sont également décédés. Dom Jérôme était le quatrième héritier mâle perdu par cette maison cette année-là. Le patriarche de Lisbonne a baptisé le quatrième infant, nommé François-Joseph-Antoine-Nicolas, en présence de dignitaires espagnols et portugais. À Florence, le marquis Malacerta est mort sans enfants, ne laissant que le marquis Malaterra. À Copenhague, la princesse Christine-Amelie, fille de la reine de Danemark, est décédée. Enfin, le corps de l'électeur de Cologne a été transféré de Bonn à Cologne pour des funérailles solennelles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 127-143
Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 17. Decembre, les Comédiens François remirent au Théatre Ino & [...]
Mots clefs :
Esclave, Mort, Roi, Acte, Princesse, Prisonnier, Hymen, Théâtre, Comédiens-Français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
E 17. Décembre , les Comédiens
François remirent au Théâtre lw> &
Melicene , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la pre
mière fois avec un grand succès Tan
1713. oh la reprit sept ou -huit ans
après -, mais par des circonstances dont
on ne íçauroir rendre raison , les Re
présentations n'en furent pas nombreu-
: . „ se*;
*i8 MERCURE DE FRANCÈ. ,
ses } elle vienc de rentrer dans fes droits^
Sc les larmes qu'elle fait répandre dé^-
pol'ent en fa faveur. A cette occasion' ,
nous avons ctíi qu'il, ne seroi.c pas hors
de propos de faice voir dans quelle
source l'Auteur a puisé son sujec. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préfaces
La Tragédie d' lai fut une de celles
cjíii firent remporter des- prix a Euripide-y
le tems qui mus' a dérobé- une partie des
Ouvrages de ce grand Poète , r? a pas lais
sé venir jusqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit te
sujet me 'ne , fi Hygitt , Ajf-anvbi d' Augufie,
n'avait pris foin de nous le con^
server dans fa quatrième- Fable , qu'il nousa
laijsée fius' le titre d'Inv d'Euripide ,■
où nous apprennons qu' Aihamas , Sou
verain d'une punie de- la- Thessalie , eut
deux Enfans d'Ino , fin Epouse , & deux
autres ensuite de Themifto qu'iL épousa'
*nffi > qu'Ino , sa première femme , étant
mllie shr le V.arnafi* y pour célébrer ItJ
Fêtes de Bacchus ,,Athamas: envoya de
ses gens qui la lui amenèrent , & trouva
moyen de- la garder près de lui commt
une personne inconnue ; Themtjlo cepen
dant fut informée qu'elle y ètoit , fans:
pouvoir la connoure , & forma le dessein
de faire périr les Enfans de cette pretiHtrt
femme d'Athamas elle la prit
J ANVIER. 1730. *n
elle-rneme pour Confidente , & pour com
plice de son dejfeia , la regardant comme
une Esclave qui apparemment saijoit au
près des quatre enfans d'Athamas , —
qu'on iUvoit ensemble , les fonilions dt
Gouvernante \ afin de ne se point mépren
dre au ehoix qu'elle avoit a faire dt.s
deux qu'elle vouloìt immoler , Themifta
dit k fa Rivale de donner des vêter/:ens
blancs aux deux derniers enfans du Roy t
G7* cThabiller de noir ceux de la prirmiere
femme ; Ino fit le contraire ; Themifio
tua ses propres Fils 5 elle recennut fin
erreur , & fe tua elle-même de desespoir.
Voilà, pour ainsi dire, le germe de la Tra^
ge'die dont nous allons donner l'Extrair.On,
croiroit que c'est par modestie qucM .de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention > mais il nous ap
prend lui même que c'est par un autrç
motif qu'il s'y est déterniinét Voici com
ment il s'explique.
Ce sujet n'eft donc point tout entier
de mon invenùon , & il efl surprenant
que dans un tems ou beaucoup de per
sonnes d'une érudition très- profonde dans
P Antiquité , marquent tant de goût pour le
Théâtre , il ne s'en soit presque point
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
tomme un Roman tout-A-fait nouveau ,
& tiré dans toutes fis parties de mon ima
gination*
t3P MERCURE DE FRANCE.
gination. Ne diroit-on pas par le foiti
que M. de la Grange prend de se jus
tifier , qu'il craint qu'on ne lui impure
à faute ce qui devroit,lui faire honneur,
ëc qu'il croit qu'il est: plus glorieux d'a
voir lû que de créér ? il fait pourtant
Voir par la manière dont il a traité son
sujet , qu'il est; capable de l'avoir inventé.
Voici comment il dispose sa Fable, & se
la rend originale.
Un Roi de Thessalie n'ayant laisse
qu'une fille après fa mort , Athamas
usurpa le Throne fur cette Princesse.
Themiflée , fille du Gouverneur à'Euridicê
, c'-est le nom de la Princesse , se
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager son Throne & son
lit avec elle ; jl ne put le faire fans ré
pudier. Ino , fa première femme, Sf fille
de Cadmus. Themistée voulant assurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres se
crets pour faire pérjr Melicerte qu'on
avoir dérobé à fa fureur ; ce Melicerte
éroit fils d'Athamas & d'Ino. Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themistée , quoiqu'elle eut manqué son
coup -, elle fit élever Euridice dans une
tour } elle la destinoit à Palamede , c'est
le nom de ee Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lie ; elle donna à cette Princesse
une
JANVIER. ï7Jo. n»
une Esclave -pour Gouvernante. Cette
Esclave e'toit Ino elle même , qui croyoir
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
gene'ral de fa mort. Cependant Melicerte;,
échapé aux recherches de ses affalìins ,
respirok sous le nom KAlcidamas , i&
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
assiegeoit Pelle , Capitale de la Thessa
lie , pour vanger fa fille Ino. Pelle est
je lieu de ta Scène. Alcidamas & Euri
dice s'aiment par une simple vûe pro
duite par le hazard pendant le siège. Al
cidamas est fait prisonnier dans une at
taque où tout ícmbloit l'assurer d'une
pleine Victoire -, Themistée apprend en
même-rems que cet illustre prisonnier
est ce même Melicerte "dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la pre'tenduë Esclave , mere
de Melicerre •■> Ino fait fçavoir à Atha-
»nas par une lettre dont elle charge la
Princesse Euridice , qu'Alcidamas est son
fils Melicerte ; cela produit des recon-
. rioissances .très-touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe passe dans le
sems que Themistée est dans le Temple,
ou elle ordonne les apprêts du mariage
île son fils Palamede avec Euridice ,
íille du légitime Roi de Thessalie. The
mistée ayant appris qu'Athamas a vu Sc
jccoftr
.13* MERCURE DE f R AN CE.
reconnu son fils Melicerte , entreprend
Je faire périr ce Rival de son fils ; elle
.charge fa fidelle Esclave de l'envoyer sur
quelque prétexte , dans un lieu obscur ,
où elle ì'attendra pour le poignarder -,
Ino y envoyé Palamede au lieu de Me
licerte ; & par cette méprise , Themistéc
' plonge dans le sein de son propre fils
£e fer qu'elle croit porter dans le Xein
du fils de ía Rivale ; elle reconnoît ea
raéme-tems -son crime , ôc le véritable
fort de fa prétendue Esclave , & se tue
Je désespoir , peu regrettée d'Athamas ,
*jui depuis long-tems n'étoit occupé que
Je fa chere lno. Cet Argument servira
à rendre la distribution des Actes &
des Scènes plus' claire , &c les Scènes ea
íeront moins chargées d'expositions.
Themistée commence la Tragédie avec
.son fils Palamede. L'Exposition du sujet
est partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on "l'a mise dans l'Argurhent.
Un secours arrive à Athamas , & con
duit par Thrafile , frère de Themistée , #
.donne lieu à cette femme ambitieuse de
découvrir pour la première fois à soa
fils le grand dessein qu'elle a formé de
puis long-tems de lui faire épouser l'hcjitiere
légitime de la Couronne en la
personne de la Princesse Euridice. L' Au
teur connoìc trop bien le Théâtre pouc
ne
J A N ViER. 1729^ lîï
BC .pas donner des raisons à Thémistés
pour faire édater ptéciíement cn ce jour
un secret qu'elle a toûjoun caché : voici
corame ,elle s'explique.
Il est temps quand tout nous favorise,
Que jc fasse éclater cette illustre entreprise.
U n'est pas vrai , à la rigueur , que tout
favorise Thémistée , le secours que Thra-
£[e vient de lui amener , quelque considé
rable qu'elle le fasse , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers ;
Eh bien, mon fils, le fort changera-t'il de face?
Pouvons- nous espérer de sauver cette Place ?
Mais d'une espérance naislante^lle passe
bientôt à une sécurité qui va jusqu'à la
persuasion, puisqu'en finissant la première
Scène, elle dit >
Du succès que j'attends je fuis persuadée.
Le grand deísein de Thémistée ne con
siste pas seulement à faire épouser la Prin
cesse Euridice à son fils > mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Cou
ronne ; ahdication dont Clarigene , le plus
fidèle de ses Sujets l'a détourné jusqu'à
ce jour.
Thémiilée fait connoître ses intentions
G à
*54 MERCURE DE FRANCE,
à Euridice , & exhorte l'Esclave qui lui «
■tenu lieu de Gouvernante dans la Touc
d'où elle fort pour la première fois,
i la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promesse de sa liberté.
Palamede n'eisuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très-peu sa
lissait. L'Esclave inconnue loué la Prin
cesse de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet assez té
méraire pous aspirer à son Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la peiv
sonne de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours. £no pat
ixn premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de son époux ; mais Cla
rigene l'en détourne par prudence ; il
l'instruit de ce qui se passe dans J'arméa
des Aiïìegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas » ïno soupçonne que c'eù sou
' fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erteur,& lui
apprend que Thémistée a fait périr Meli
certe. Cet Acte finit par une promesse que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymcn
de Palamede avec Euridice & ['abdication
d'Athamas.Il est encore parlé dans ect Acte
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice.
Au second Acte , Clarigene , dans un
JMonologue, se confirme dans la noble
résolution de périr plutôt que de trahir les
ëaterçci; de son Roi. Âthae
JANVIER. 1730; rffS
Athamas , pour k première fois qu'il
.paroît , témoigne des remords qui tien
nent de la fureur son caractère devienc
plus raisonnable dans le reste de la Piece,
par les différentes situations où il se trou
ve. La mort prétendue' d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'esperancç /
.'de retrouver cette fidèle Epouse, injustes
ment répudiée, donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans soncaracteresï
cela n'empêche pas qu'il ne soit imbécile»
Clatigene a beau l'exhorrer à ne point
abdiquer la Couronne , par les raisons les
plus pressantes, il persiste dans son dessein,
& n'excuse sa foiblesse que par ces Vers:
•Maître encor dubandeau qu'ils veulent m'ar»
racher .
Moi-même de mon front je le veux détacher :
;Faisons voir qu'un grand coeur aisément le
dédaigne ,
|Lt sçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne.
Il confirme à Thémistée qui arrive , l'esperance
dont il l'a flatée ; Clarígene plus
Roi que le Roi même , ose persister en
présence de Thémistée dans le conseil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémistée affecte de répandre , le portent
à dice d'Ujti ton absçlu à Clarigene :
G i} Cla,
ij* MERCURE DE FRANCE, ^
Glarigene, suivei l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémistée
en est vivement picquée , 8ç Athamas sem
ble presque ['approuver par son silence..
Clarigene qui érpit sorti par ordre du Roi,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le secours amené par Thraíîle.
Thémistée en est déconcertée j mais une
seconde nouvelle que son fils lui apporte
de ^emprisonnement d'Alcidamas , qui
a suivi la mort de Thraíîle ,1a console en
partie & lui fait jurer ia mort d'Alcida-
~mas. Euridice , troublée du danger de son
Amant, prend une résolution digne d'elle,
qu'elle témoigne par çes Vers , qui finis
sent le second Acte ? . ' ;
Allons, quelque malheur que le destin m'zpr
prête,
D'une tête si chere écartons la tempête.
Le péril est pressant , volons à son secours ,
Et conservons fa vie aux dépens de mes jours.
C'est dès la première Scène du troisiè
me Acte , que le grand intérêt commen
ce. L'Esclave à qui Thémistée se confie ,
lui apprend qu'Euridice consent enfin
par ses foins à l'Hymen de son fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la li
berté du jeune Alcidamas ; ce grand
sacrifice
Janvier* 1730. n?
sacrifice persuade à Thémistéc qu'AÍcidamas
est aimé de la Princesse > Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien
d'autres foins quand elle apprend de
Thémistée que cet Alcidamas estMélicerte
8£ que" Lycus , áutrefois chargé de fa môrt
& récemment échappé des prisons de Cad~
mus , vient de lui révéler ce grand secret j
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémistée à suspendre sa ven
geance jusqu'après l'Hymen de son fils
avec Euridice & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi meme ; ce dernier
Conseil, qui a un air de fidélité, confir
me Thémistée dans la croyance où elle
est que fa prétendue Esclave est inviola
blement attachée à ses intérêts.
Euridice vient ; Thémistée dissimulant»
par le Conseil d'Ino , lui promet la liberté
d' Alcidamas au moment qu'elle aura épou
sé son fils.
Euridice gémit du sacrifice que l'Amouí
exige d'elle , pour sauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle proteste ..qu'elle se donnera la mort
après avoir sauvé la vie à son Amant. La
fausse Esclave lui conseille de feindre , Sc
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémistéc feint elle-même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque pro
messe qu'elle ait faite de lui rendre la li-
G iij berté.
MERCURE DE FRANCE;-
berté. Euridice frémit à cette funeste nou*
velle , Ino la rassure áutanc qu'elle peutpar
ces deux Vers :
te Ciel dans- mes projets ne me trahira pas,
Madame, .& je répons des jours d'Alcidamas; *
Euridice déplòre son sort dans un coure
Ivlonologue.Melicerte, qui apparemmenc
ti'Á que la Cour pour prison , vient se pré
senter aux yeux d'Euridice -, il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçue de la violence
qu'on vouloir lui faire, l'aroit déterminée
à tout entreprendre pour l'aífranchir d'un-
Hymen odieux ; il lui déclare son amoùr
qu'il s'impute à témérité, ignorant de quel
sang les Dieux l'ont fait naître» Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convena*-
fale à son rang.
Ino, sous le nom de Cléonc, vient
rassurer ces deux Amants ; Melicerte est
emû à sa vûè', il reçoit la promesse qu'elle
íui fait de le sauver , comme un Oracle
prononcé par une Divinité -, la fausse Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour son fils Mélicerte-, elle prie.
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'instruire d'un
important secret •, Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas présenter
elle-même au Rói ; elle lui répond qu'elle
ne doit se montrer à ses jeux que lorsJANVIË&.
17 3 0. ijf
«ju'ìl sera le Maître dans ce Palais , Sc
affranchi de la tyrannie de Thémistée.
Touc le monde convient que le quatriè
me est le plus bel Acte de la Piece , Athamas
même 4 qui jusqu'ici en a paru le
personnage le plus deífectueux, reprend
un nouveau caractère ; Clarigene lc rcconnoît
par ces Vers :
Je reconriois mon Koi dans ce noble dessein ,
Que les Dieux appaiscz ont mis dans votra'
sein ;
Par eux en ce moment votre aine est inspiríèV
Aux conseils d'une femme elle n'est plus li*
vrée,
Et fous de noirs chagrins trop long-temps*
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu.
Ce qui obligé Clarigene à parler ainíf
à Athamss c'est la noble résolution qu'il
lui témoigne de protéger le faux Alcidarnas
contre la fureurde Thémistée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui;
Vient de se faire en lui , à un songe dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui pré
sentant d'une main Alcidamas & de l'au
tre son fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
son réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
manière à ne pouvoir s'y tromper •> mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a poinc
douté qpe ce ne fût ion Ombre , qui , fi-
G iuj deic
pi 4.0 MERCURE DE FRANCE:
"ëelle-même dans les Enfers , venoit lui aniï
«oncer k mort } comme la fin de ses mal
heurs.
Euridiee vient présenter au Roi he
feillet dont la fausse Esclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient.
West-tu pas satisfait , impitoyable Epoux- ,
Des maux que m' a faits ton courroux-*
Sans ajoûter à ma misère
L'horreur de voir mon fils prisonnier daus ta-
Cour ,
Perdre enfij la clarté du jour
far la cruauté de son pere.
La lecture de ce billet n'avok jamais
tant touché que dans cette derniere re
prise d'Ino & Mdicerte , ce qui fait
©eaucoup d'honneur au sieur Sarrazin ,
^ui joué le Rôle d'Athamas. Le Roi or
donne à- Clarigene d-'allet chercher le
prisonnier î la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils est très-touchante. Acha
rnas ordonne à Melicerte d'éviter la Furie
de Themistéc par une prompte fuite. Me
licerte ne veut point partir fans amener
avec lui l'Efclave qui lui a causé tant
d'émotion dans l'Acte précédent. Ino
vient j son fils la reconnoîc pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de ses
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. *4i,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi .
Celles qui de mes yeux s'échapeiit malgré
moi;
Cet excés de bonté , ces marques de tendresse,
Un secret mouvement qui pour vous m'interesse
>
Madame , tout m'apprend que si je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin se deffendre de lui
avouer qu'elle est sa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themistée arrive > elle a appris qu'Arhamàs
a reconnu le prisonnier pour sort
fils ; elle en est au desespoir -, elle soup
çonne la fausse Cleone de cette trahison,
& lui demande pour preuve de son in
nocence de conduire fous un faux pré
texte , Melicerte dans un endroit obscur,
où elle le va attendre pour le poignar
der. C'est là un grand coup de Théâtre;
mais en n'auroic pas voulu que Themis
tée eut soupçonné Cleone , parcequ'ellë
lie doit pas lui confier cette derniere en
treprise , si elle se doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins imjaortante.-.
Gv Nous
1*4* MERCURE DE FRANCE.'
Nous passerons légèrement fur ce der
nier Acte , & nous n'en dirons que ce.-
qui sert à dénouer une Piéce qui n'est
que trop charge'e d'action. Palamede
vaincu , (a propose d'accabler son RivalJ.
sous fa chute par un noble desespoir.
On a retranché une Scène , où Licus:
paroissoit pour la première fois , 6c qui-:
étoit tout- à-fait inutile. Palàmede faic:
connoître que Themistéc l'attend v il estï
à présumer que c'est la fausse Cleone qui;
J'envoye à l'endroit. obscur où Themistéee
doit poignarder. Melicerte* Athamas 8C:
Eutidice viennent s'applaudir de la vic
toire que Melicerte a remportée fur ses:
Ennemis. T.hemistée vient annoncer à .
Athamas que Melicerte n'est plus-,
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
Melicerte paroîc ; mais on a trouvéqu'il
venoit un peu trop tard desabuser -
Athamas , qui ne disant , ni ne faisant :
rien pendant qu'on lui annonçoit la mortt
de son fils -, retomboit dans ion premier -
caractère, La vue de Melicerte donne
d'étranges soupçons à Themistée , dootr
les coups ont été rrompés. .
Ino vient changer ses soupçons cn cer*
titude -, elle lui apprend qu'elle a poi
gnardé son propre fils. La reconnoissinct •
entre Athamas & Ino ne produit pas un
Etaad effet , parcequ'elle se fait dans une :
sitttttioat
JANVIER. 1730. i4î
situation funeste , qui fait diversion ì
Pinterêt qui en pourroit résulter. Themistée
se tue , après une prédiction ,
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de se passer.
On a trouve' la Versification de cette
Tragédie tm peu foible ; mais on ne
peut pas refuser à l'Auteur Penrente du
Théâtre qu'il a portée au plus haut degré,
La ' Lecouvrcitr & le Sr Ditval ,
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux deThemifiée 6c d'Euriâice
, font joiiez par les D"" Balicour 8c
du Frcsne , & celui de Palamede , pat ic
ST Duchemin fils.
François remirent au Théâtre lw> &
Melicene , Tragédie de M. de la Gran
ge. Cette Piéce fut donnée pour la pre
mière fois avec un grand succès Tan
1713. oh la reprit sept ou -huit ans
après -, mais par des circonstances dont
on ne íçauroir rendre raison , les Re
présentations n'en furent pas nombreu-
: . „ se*;
*i8 MERCURE DE FRANCÈ. ,
ses } elle vienc de rentrer dans fes droits^
Sc les larmes qu'elle fait répandre dé^-
pol'ent en fa faveur. A cette occasion' ,
nous avons ctíi qu'il, ne seroi.c pas hors
de propos de faice voir dans quelle
source l'Auteur a puisé son sujec. Voici
ce qu'il en dit dans fa Préfaces
La Tragédie d' lai fut une de celles
cjíii firent remporter des- prix a Euripide-y
le tems qui mus' a dérobé- une partie des
Ouvrages de ce grand Poète , r? a pas lais
sé venir jusqu'à nous le moindre frag
ment de celui-ci , & l'on en ignoreroit te
sujet me 'ne , fi Hygitt , Ajf-anvbi d' Augufie,
n'avait pris foin de nous le con^
server dans fa quatrième- Fable , qu'il nousa
laijsée fius' le titre d'Inv d'Euripide ,■
où nous apprennons qu' Aihamas , Sou
verain d'une punie de- la- Thessalie , eut
deux Enfans d'Ino , fin Epouse , & deux
autres ensuite de Themifto qu'iL épousa'
*nffi > qu'Ino , sa première femme , étant
mllie shr le V.arnafi* y pour célébrer ItJ
Fêtes de Bacchus ,,Athamas: envoya de
ses gens qui la lui amenèrent , & trouva
moyen de- la garder près de lui commt
une personne inconnue ; Themtjlo cepen
dant fut informée qu'elle y ètoit , fans:
pouvoir la connoure , & forma le dessein
de faire périr les Enfans de cette pretiHtrt
femme d'Athamas elle la prit
J ANVIER. 1730. *n
elle-rneme pour Confidente , & pour com
plice de son dejfeia , la regardant comme
une Esclave qui apparemment saijoit au
près des quatre enfans d'Athamas , —
qu'on iUvoit ensemble , les fonilions dt
Gouvernante \ afin de ne se point mépren
dre au ehoix qu'elle avoit a faire dt.s
deux qu'elle vouloìt immoler , Themifta
dit k fa Rivale de donner des vêter/:ens
blancs aux deux derniers enfans du Roy t
G7* cThabiller de noir ceux de la prirmiere
femme ; Ino fit le contraire ; Themifio
tua ses propres Fils 5 elle recennut fin
erreur , & fe tua elle-même de desespoir.
Voilà, pour ainsi dire, le germe de la Tra^
ge'die dont nous allons donner l'Extrair.On,
croiroit que c'est par modestie qucM .de la
Grange a voulu rendre à Euripide l'honneur
de l'invention > mais il nous ap
prend lui même que c'est par un autrç
motif qu'il s'y est déterniinét Voici com
ment il s'explique.
Ce sujet n'eft donc point tout entier
de mon invenùon , & il efl surprenant
que dans un tems ou beaucoup de per
sonnes d'une érudition très- profonde dans
P Antiquité , marquent tant de goût pour le
Théâtre , il ne s'en soit presque point
trouvé qui n'ayent regardé cette Piéce
tomme un Roman tout-A-fait nouveau ,
& tiré dans toutes fis parties de mon ima
gination*
t3P MERCURE DE FRANCE.
gination. Ne diroit-on pas par le foiti
que M. de la Grange prend de se jus
tifier , qu'il craint qu'on ne lui impure
à faute ce qui devroit,lui faire honneur,
ëc qu'il croit qu'il est: plus glorieux d'a
voir lû que de créér ? il fait pourtant
Voir par la manière dont il a traité son
sujet , qu'il est; capable de l'avoir inventé.
Voici comment il dispose sa Fable, & se
la rend originale.
Un Roi de Thessalie n'ayant laisse
qu'une fille après fa mort , Athamas
usurpa le Throne fur cette Princesse.
Themiflée , fille du Gouverneur à'Euridicê
, c'-est le nom de la Princesse , se
rendit fi redoutable à l'ufurpateur , qu'il
fut obligé de partager son Throne & son
lit avec elle ; jl ne put le faire fans ré
pudier. Ino , fa première femme, Sf fille
de Cadmus. Themistée voulant assurer
la Couronne à un fils qu'elle avoit eu
d'un premier lit , donna des ordres se
crets pour faire pérjr Melicerte qu'on
avoir dérobé à fa fureur ; ce Melicerte
éroit fils d'Athamas & d'Ino. Le bruit
de fa mort fut répandu par les foins de
Themistée , quoiqu'elle eut manqué son
coup -, elle fit élever Euridice dans une
tour } elle la destinoit à Palamede , c'est
le nom de ee Fils qu'elle avoit eu d'un
premier lie ; elle donna à cette Princesse
une
JANVIER. ï7Jo. n»
une Esclave -pour Gouvernante. Cette
Esclave e'toit Ino elle même , qui croyoir
n'avoir plus de fils , trompée par le bruit
gene'ral de fa mort. Cependant Melicerte;,
échapé aux recherches de ses affalìins ,
respirok sous le nom KAlcidamas , i&
commandoit l'Armée de Cadmus , qui
assiegeoit Pelle , Capitale de la Thessa
lie , pour vanger fa fille Ino. Pelle est
je lieu de ta Scène. Alcidamas & Euri
dice s'aiment par une simple vûe pro
duite par le hazard pendant le siège. Al
cidamas est fait prisonnier dans une at
taque où tout ícmbloit l'assurer d'une
pleine Victoire -, Themistée apprend en
même-rems que cet illustre prisonnier
est ce même Melicerte "dont elle avoit
autrefois ordonné la mort ; elle en fait
confidence à la pre'tenduë Esclave , mere
de Melicerre •■> Ino fait fçavoir à Atha-
»nas par une lettre dont elle charge la
Princesse Euridice , qu'Alcidamas est son
fils Melicerte ; cela produit des recon-
. rioissances .très-touchantes entre le pere
& le fils , & bientôt après entre le fils
& la mere. Tout cela fe passe dans le
sems que Themistée est dans le Temple,
ou elle ordonne les apprêts du mariage
île son fils Palamede avec Euridice ,
íille du légitime Roi de Thessalie. The
mistée ayant appris qu'Athamas a vu Sc
jccoftr
.13* MERCURE DE f R AN CE.
reconnu son fils Melicerte , entreprend
Je faire périr ce Rival de son fils ; elle
.charge fa fidelle Esclave de l'envoyer sur
quelque prétexte , dans un lieu obscur ,
où elle ì'attendra pour le poignarder -,
Ino y envoyé Palamede au lieu de Me
licerte ; & par cette méprise , Themistéc
' plonge dans le sein de son propre fils
£e fer qu'elle croit porter dans le Xein
du fils de ía Rivale ; elle reconnoît ea
raéme-tems -son crime , ôc le véritable
fort de fa prétendue Esclave , & se tue
Je désespoir , peu regrettée d'Athamas ,
*jui depuis long-tems n'étoit occupé que
Je fa chere lno. Cet Argument servira
à rendre la distribution des Actes &
des Scènes plus' claire , &c les Scènes ea
íeront moins chargées d'expositions.
Themistée commence la Tragédie avec
.son fils Palamede. L'Exposition du sujet
est partagée entre le fils & la mere ,
& telle qu'on "l'a mise dans l'Argurhent.
Un secours arrive à Athamas , & con
duit par Thrafile , frère de Themistée , #
.donne lieu à cette femme ambitieuse de
découvrir pour la première fois à soa
fils le grand dessein qu'elle a formé de
puis long-tems de lui faire épouser l'hcjitiere
légitime de la Couronne en la
personne de la Princesse Euridice. L' Au
teur connoìc trop bien le Théâtre pouc
ne
J A N ViER. 1729^ lîï
BC .pas donner des raisons à Thémistés
pour faire édater ptéciíement cn ce jour
un secret qu'elle a toûjoun caché : voici
corame ,elle s'explique.
Il est temps quand tout nous favorise,
Que jc fasse éclater cette illustre entreprise.
U n'est pas vrai , à la rigueur , que tout
favorise Thémistée , le secours que Thra-
£[e vient de lui amener , quelque considé
rable qu'elle le fasse , ne l'a pas empêchée
de dire dès le premier Vers ;
Eh bien, mon fils, le fort changera-t'il de face?
Pouvons- nous espérer de sauver cette Place ?
Mais d'une espérance naislante^lle passe
bientôt à une sécurité qui va jusqu'à la
persuasion, puisqu'en finissant la première
Scène, elle dit >
Du succès que j'attends je fuis persuadée.
Le grand deísein de Thémistée ne con
siste pas seulement à faire épouser la Prin
cesse Euridice à son fils > mais à achever
de déterminer Athamas à abdiquer la Cou
ronne ; ahdication dont Clarigene , le plus
fidèle de ses Sujets l'a détourné jusqu'à
ce jour.
Thémiilée fait connoître ses intentions
G à
*54 MERCURE DE FRANCE,
à Euridice , & exhorte l'Esclave qui lui «
■tenu lieu de Gouvernante dans la Touc
d'où elle fort pour la première fois,
i la porter à cet Hymen ; elle tâche de
l'y engager par la promesse de sa liberté.
Palamede n'eisuye que des mépris de la
part d'Euridice , & la quitte très-peu sa
lissait. L'Esclave inconnue loué la Prin
cesse de la noble fermeté avec laquelle
elle a réprimé l'audace d'un Sujet assez té
méraire pous aspirer à son Hymen.
Clarigene reconnoît Ino dans la peiv
sonne de l'Esclave ; il lui apprend qu'Athamas
la regrette tous les jours. £no pat
ixn premier mouvement voudroit s'aller
jetter aux pieds de son époux ; mais Cla
rigene l'en détourne par prudence ; il
l'instruit de ce qui se passe dans J'arméa
des Aiïìegeans , dont le Chef s'appelle
Alcidamas » ïno soupçonne que c'eù sou
' fils Melicerte qui fe cache fous ce nom ;
Clarigene lui ôte une fi douce erteur,& lui
apprend que Thémistée a fait périr Meli
certe. Cet Acte finit par une promesse que
Clarigene fait à Ino de détourner l'Hymcn
de Palamede avec Euridice & ['abdication
d'Athamas.Il est encore parlé dans ect Acte
de l'Amour d'Alcidamas & d'Euridice.
Au second Acte , Clarigene , dans un
JMonologue, se confirme dans la noble
résolution de périr plutôt que de trahir les
ëaterçci; de son Roi. Âthae
JANVIER. 1730; rffS
Athamas , pour k première fois qu'il
.paroît , témoigne des remords qui tien
nent de la fureur son caractère devienc
plus raisonnable dans le reste de la Piece,
par les différentes situations où il se trou
ve. La mort prétendue' d'Ino & de Melicerte
qu'il s'impute , le rend furieux ;
mais ce cher Fils recouvré , & l'esperancç /
.'de retrouver cette fidèle Epouse, injustes
ment répudiée, donnent lieu à ce qu'on
trouve de changement dans soncaracteresï
cela n'empêche pas qu'il ne soit imbécile»
Clatigene a beau l'exhorrer à ne point
abdiquer la Couronne , par les raisons les
plus pressantes, il persiste dans son dessein,
& n'excuse sa foiblesse que par ces Vers:
•Maître encor dubandeau qu'ils veulent m'ar»
racher .
Moi-même de mon front je le veux détacher :
;Faisons voir qu'un grand coeur aisément le
dédaigne ,
|Lt sçait y renoncer avant qu'on l'y contraigne.
Il confirme à Thémistée qui arrive , l'esperance
dont il l'a flatée ; Clarígene plus
Roi que le Roi même , ose persister en
présence de Thémistée dans le conseil qu'il
vient de lui donner ; tout cela n'ébranle
point Athamas ; quelques larmes que
Thémistée affecte de répandre , le portent
à dice d'Ujti ton absçlu à Clarigene :
G i} Cla,
ij* MERCURE DE FRANCE, ^
Glarigene, suivei l'ordre que j'ai donné.
Euridice qui arrive , témoigne au
contraire une noble fermeté , Thémistée
en est vivement picquée , 8ç Athamas sem
ble presque ['approuver par son silence..
Clarigene qui érpit sorti par ordre du Roi,
revient pour lui annoncer que les ennemis
ont défait le secours amené par Thraíîle.
Thémistée en est déconcertée j mais une
seconde nouvelle que son fils lui apporte
de ^emprisonnement d'Alcidamas , qui
a suivi la mort de Thraíîle ,1a console en
partie & lui fait jurer ia mort d'Alcida-
~mas. Euridice , troublée du danger de son
Amant, prend une résolution digne d'elle,
qu'elle témoigne par çes Vers , qui finis
sent le second Acte ? . ' ;
Allons, quelque malheur que le destin m'zpr
prête,
D'une tête si chere écartons la tempête.
Le péril est pressant , volons à son secours ,
Et conservons fa vie aux dépens de mes jours.
C'est dès la première Scène du troisiè
me Acte , que le grand intérêt commen
ce. L'Esclave à qui Thémistée se confie ,
lui apprend qu'Euridice consent enfin
par ses foins à l'Hymen de son fils , &
qu'elle n'y met d'autre prix que la li
berté du jeune Alcidamas ; ce grand
sacrifice
Janvier* 1730. n?
sacrifice persuade à Thémistéc qu'AÍcidamas
est aimé de la Princesse > Ino
combat cette croyance ; mais elle a bien
d'autres foins quand elle apprend de
Thémistée que cet Alcidamas estMélicerte
8£ que" Lycus , áutrefois chargé de fa môrt
& récemment échappé des prisons de Cad~
mus , vient de lui révéler ce grand secret j
que devient Ino à cette fatale confidence?
elle exhorte Thémistée à suspendre sa ven
geance jusqu'après l'Hymen de son fils
avec Euridice & fur tout à cacher le fort
de Mélicerte au Roi meme ; ce dernier
Conseil, qui a un air de fidélité, confir
me Thémistée dans la croyance où elle
est que fa prétendue Esclave est inviola
blement attachée à ses intérêts.
Euridice vient ; Thémistée dissimulant»
par le Conseil d'Ino , lui promet la liberté
d' Alcidamas au moment qu'elle aura épou
sé son fils.
Euridice gémit du sacrifice que l'Amouí
exige d'elle , pour sauver ce qu'elle aime,
elle s'en plaint à Ino qui l'y a confirmée,
elle proteste ..qu'elle se donnera la mort
après avoir sauvé la vie à son Amant. La
fausse Esclave lui conseille de feindre , Sc
pour l'y mieux obliger , elle lui apprend
que Thémistéc feint elle-même & qu'elle
a juré la mort d'Alcidamas , quelque pro
messe qu'elle ait faite de lui rendre la li-
G iij berté.
MERCURE DE FRANCE;-
berté. Euridice frémit à cette funeste nou*
velle , Ino la rassure áutanc qu'elle peutpar
ces deux Vers :
te Ciel dans- mes projets ne me trahira pas,
Madame, .& je répons des jours d'Alcidamas; *
Euridice déplòre son sort dans un coure
Ivlonologue.Melicerte, qui apparemmenc
ti'Á que la Cour pour prison , vient se pré
senter aux yeux d'Euridice -, il lui dit que
la nouvelle qu'il a reçue de la violence
qu'on vouloir lui faire, l'aroit déterminée
à tout entreprendre pour l'aífranchir d'un-
Hymen odieux ; il lui déclare son amoùr
qu'il s'impute à témérité, ignorant de quel
sang les Dieux l'ont fait naître» Euridice
reçoit cet aveu avec la décence convena*-
fale à son rang.
Ino, sous le nom de Cléonc, vient
rassurer ces deux Amants ; Melicerte est
emû à sa vûè', il reçoit la promesse qu'elle
íui fait de le sauver , comme un Oracle
prononcé par une Divinité -, la fausse Cléone
lui dit qu'il n'y a qu'à le faire connoître
au Roi pour son fils Mélicerte-, elle prie.
Euridice de remettre entre les mains d'Athamas
un écrit qui doit l'instruire d'un
important secret •, Euridice lui demande
d'où vient qu'elle ne le va pas présenter
elle-même au Rói ; elle lui répond qu'elle
ne doit se montrer à ses jeux que lorsJANVIË&.
17 3 0. ijf
«ju'ìl sera le Maître dans ce Palais , Sc
affranchi de la tyrannie de Thémistée.
Touc le monde convient que le quatriè
me est le plus bel Acte de la Piece , Athamas
même 4 qui jusqu'ici en a paru le
personnage le plus deífectueux, reprend
un nouveau caractère ; Clarigene lc rcconnoît
par ces Vers :
Je reconriois mon Koi dans ce noble dessein ,
Que les Dieux appaiscz ont mis dans votra'
sein ;
Par eux en ce moment votre aine est inspiríèV
Aux conseils d'une femme elle n'est plus li*
vrée,
Et fous de noirs chagrins trop long-temps*
abbatu ,
Seigneur , vous reprenez toute votre vertu.
Ce qui obligé Clarigene à parler ainíf
à Athamss c'est la noble résolution qu'il
lui témoigne de protéger le faux Alcidarnas
contre la fureurde Thémistée. Athamas
lui dit qu'il doit ce changement qui;
Vient de se faire en lui , à un songe dans
lequel il a crû voir fa chere Ino , lui pré
sentant d'une main Alcidamas & de l'au
tre son fils Melicerte. Il ajoûte qu'après
son réveil il a entendu la voix d'Ino d'une
manière à ne pouvoir s'y tromper •> mais
que ne l'ayant point trouvée , il n'a poinc
douté qpe ce ne fût ion Ombre , qui , fi-
G iuj deic
pi 4.0 MERCURE DE FRANCE:
"ëelle-même dans les Enfers , venoit lui aniï
«oncer k mort } comme la fin de ses mal
heurs.
Euridiee vient présenter au Roi he
feillet dont la fausse Esclave l'a chargée
pour lui. Voici ce qu'il contient.
West-tu pas satisfait , impitoyable Epoux- ,
Des maux que m' a faits ton courroux-*
Sans ajoûter à ma misère
L'horreur de voir mon fils prisonnier daus ta-
Cour ,
Perdre enfij la clarté du jour
far la cruauté de son pere.
La lecture de ce billet n'avok jamais
tant touché que dans cette derniere re
prise d'Ino & Mdicerte , ce qui fait
©eaucoup d'honneur au sieur Sarrazin ,
^ui joué le Rôle d'Athamas. Le Roi or
donne à- Clarigene d-'allet chercher le
prisonnier î la reconnoiffance entre le
Pere & le Fils est très-touchante. Acha
rnas ordonne à Melicerte d'éviter la Furie
de Themistéc par une prompte fuite. Me
licerte ne veut point partir fans amener
avec lui l'Efclave qui lui a causé tant
d'émotion dans l'Acte précédent. Ino
vient j son fils la reconnoîc pour fa mere
aux tendres foins qu'elle prend de ses
jours. Voici comment il s'explique.
Ces
JANVIER. 1730. *4i,
Ces mots entrecoupés , ces larmes que je
voi .
Celles qui de mes yeux s'échapeiit malgré
moi;
Cet excés de bonté , ces marques de tendresse,
Un secret mouvement qui pour vous m'interesse
>
Madame , tout m'apprend que si je vois le
jour ,
Melicerte deux fois le tient de votre amour.
Ino ne peut enfin se deffendre de lui
avouer qu'elle est sa mere ; elle l'oblige
à fuir avec Clarigene. Melicerte obéit
malgré lui.
Themistée arrive > elle a appris qu'Arhamàs
a reconnu le prisonnier pour sort
fils ; elle en est au desespoir -, elle soup
çonne la fausse Cleone de cette trahison,
& lui demande pour preuve de son in
nocence de conduire fous un faux pré
texte , Melicerte dans un endroit obscur,
où elle le va attendre pour le poignar
der. C'est là un grand coup de Théâtre;
mais en n'auroic pas voulu que Themis
tée eut soupçonné Cleone , parcequ'ellë
lie doit pas lui confier cette derniere en
treprise , si elle se doute qu'elle a pû la
trahir dans une confidence moins imjaortante.-.
Gv Nous
1*4* MERCURE DE FRANCE.'
Nous passerons légèrement fur ce der
nier Acte , & nous n'en dirons que ce.-
qui sert à dénouer une Piéce qui n'est
que trop charge'e d'action. Palamede
vaincu , (a propose d'accabler son RivalJ.
sous fa chute par un noble desespoir.
On a retranché une Scène , où Licus:
paroissoit pour la première fois , 6c qui-:
étoit tout- à-fait inutile. Palàmede faic:
connoître que Themistéc l'attend v il estï
à présumer que c'est la fausse Cleone qui;
J'envoye à l'endroit. obscur où Themistéee
doit poignarder. Melicerte* Athamas 8C:
Eutidice viennent s'applaudir de la vic
toire que Melicerte a remportée fur ses:
Ennemis. T.hemistée vient annoncer à .
Athamas que Melicerte n'est plus-,
qu'elle l'a poignardé de fa propre main.
Melicerte paroîc ; mais on a trouvéqu'il
venoit un peu trop tard desabuser -
Athamas , qui ne disant , ni ne faisant :
rien pendant qu'on lui annonçoit la mortt
de son fils -, retomboit dans ion premier -
caractère, La vue de Melicerte donne
d'étranges soupçons à Themistée , dootr
les coups ont été rrompés. .
Ino vient changer ses soupçons cn cer*
titude -, elle lui apprend qu'elle a poi
gnardé son propre fils. La reconnoissinct •
entre Athamas & Ino ne produit pas un
Etaad effet , parcequ'elle se fait dans une :
sitttttioat
JANVIER. 1730. i4î
situation funeste , qui fait diversion ì
Pinterêt qui en pourroit résulter. Themistée
se tue , après une prédiction ,
dont on croit que l'Auteur auroit bien
fait de se passer.
On a trouve' la Versification de cette
Tragédie tm peu foible ; mais on ne
peut pas refuser à l'Auteur Penrente du
Théâtre qu'il a portée au plus haut degré,
La ' Lecouvrcitr & le Sr Ditval ,
jouent les deux principaux Rôles dans
cette Piéce. Ceux deThemifiée 6c d'Euriâice
, font joiiez par les D"" Balicour 8c
du Frcsne , & celui de Palamede , pat ic
ST Duchemin fils.
Fermer
Résumé : Ino & Melicerte, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte du Mercure de France de janvier 1730 relate la représentation de la tragédie 'Mélicerte' de M. de la Grange, initialement jouée en 1713 et reprise après plusieurs années. La pièce s'inspire d'une tragédie d'Euripide et d'un récit d'Hygin, un auteur antique, qui raconte comment Themisto, la seconde épouse d'Athamas, roi de Thessalie, tente de tuer les enfants de la première épouse, Ino. La tragédie de M. de la Grange adapte cette histoire en introduisant des personnages et des événements originaux, tels que la princesse Euridice et Mélicerte, le fils caché d'Athamas et d'Ino, qui survit et commande l'armée sous le nom d'Alcidamas. L'intrigue se développe autour de la princesse Euridice, qui déplore son sort dans un cour. Mélicerte se révèle à elle et lui déclare son amour, prêt à la libérer d'un mariage odieux. Ino, sous le nom de Cléone, rassure les amants et promet de sauver Mélicerte en le faisant reconnaître par Athamas comme son fils. Euridice remet un écrit à Athamas, révélant un important secret. Athamas, inspiré par un songe où il voit Ino avec Alcidamas et Mélicerte, décide de protéger Mélicerte contre Themisto. La reconnaissance entre Athamas et Mélicerte est émouvante. Ino révèle sa véritable identité à Mélicerte et l'oblige à fuir avec Clarigene. Themisto, apprenant la reconnaissance de Mélicerte par Athamas, est désespérée et soupçonne Cléone de trahison. Elle tente de poignarder Mélicerte, mais échoue. Ino révèle à Themisto qu'elle a poignardé son propre fils, Palamède. La reconnaissance entre Athamas et Ino est peu marquée. Themisto se tue après une prédiction. La tragédie explore les thèmes de la vengeance, de l'amour et de la trahison, avec des personnages complexes et des intrigues entremêlées. La versification de la tragédie est jugée faible, mais l'auteur est reconnu pour son talent théâtral. Les rôles principaux sont interprétés par Penrente, Lecouvreur, et le Sr Ditval, tandis que ceux de Themisto et d'Euridice sont joués par les D'' Balicour et du Fresne, et celui de Palamède par le Sr Duchemin fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 170-176
MORTS, ET MARIAGES des Pays Etrangers.
Début :
Le Prince Thomas Emmanuel de Savoye, Comte de Soissons, Chevalier de la Toison [...]
Mots clefs :
Prince, Princesse, Palais, Famille, Chevaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS, ET MARIAGES des Pays Etrangers.
MORTS, ET MARIAGES
des Pays Etrangers.
LE Prince Thomas Emmanuel deSavoyer,
Comte de Soissons, Chevalier de la Toison
d or , Mar échal de Camp , General des Armées
de l' Empereur , & Colonel d'un Régiment de
Cuií ailiers
Janvier. r7?ôv ta
Cuirassier», au Service de Sa Majesté Impériale,
mourut de la petite Vérole à Vienne , Je 18. dit
mois dernier , dans la 43". année de Ion âge,
étant né le 8. Décembre 1687. II avoit épousé le
14- Octobre 171$. la Princesse Thérèse Anne
Félicité, Fille du Prince Jean Adam André
de Lichcenstein , dont il a eu le 23. Décembre
ï7'4- le Prince Eugène Jean de Soislons, la
Corps de ce Prince fut inhumé le 30. lans cé
rémonie, dans Yb.^lise de S. Ertienne. *■
La Marquise DuúaHere d'Anspach, de 1*
Famille des Princes de Wirtemberg Stugard en'
Franconìe, y est morte âgée de $6 -n?.
Le jv de ce mois , une Femme nommée
Elizabeth Pieters , veuve de Reynitr Bemcl»
man, mourut à Amsterdam , âgée de \ 1 1 ans;
Le Duc Jean Ernest de Saxe , Hifbutg Haulèn
, l'áîné de la branche Ernestine, est mors
ì LeypsicK , dans la 17-. année de ion âge.
On apprend de Vienne , que le nombre de*
morts, tant de cette Ville que des Fauxbourgs »'
pendant l'année derniere, monte à 8; 83. Sçavoir
, tf7c. hommes, 18 ií- semmes, 204.1*
enfans mâles, & r 8 r f. filles. Le nombre de*
enfans baptisez pendant la meme arnee , eit de
' suivant les Extraits baptistaires mortuai
res , depuis le 11. Décembre 1718. juiqu'aú
13. Decembré 1719. on a baptise à Londres &f
à Westminster 8736. g \rçons , & 8324 files,
en tout 19721- de loue que le rombre des
morts de cette année , excède celui <u l'année
précédente de 1911 On a remarqué fur le
nombre des personnes mortes , qu'il s'en trou
ve 1073 f. au-dessous de deux ans , &• 143. de
90 ans & au-dessus. Les maladies qui en ont
emporté plus des deux tkts , sent les con-
■ y uliia»s
rfa MERCURE flE FRAtíCE.
gisions! les fluxions , & diverses fortes eíe
fièvres . la consomption & la petite vérole.
II eíl mort à Amsterdam pendant Patinée
derniere. j£i8. personnes, ce qui fait if4<«
moins qu'en 1718. qu?il en mourut 111Ó4.
Le 11.. Décembre dernier. Fête de S. André,
jour destiné pout la célébration des FiancuilleSdu
Czar , la Clarine Douairière , les Princefles
du Sang , & les -autres personnes de distinction
qui avoient été invitées à cette Cérémonie, se
rendirent au Palais vers les deux heures après
midi j les Dames furent conduites-dans les Apr
partemens à la droite de la grande Salle, &
les Seigneurs dans les Anti-Chambres de S.Mt
Gz. La grande Salle destinée pour cette Céré
monie , étoit magnifiquement ornée ; on avoir,
placé au milieu un grand Tapis de Soye de
Perse. Vis à- vis de ce Tapis , au haut bout
de la Salle , il y- avoit une table couverte dé
drap d'or ; fur cette table étoit un Bassin d'or ,
dans lequel étoit la sainte Croix , & deux Plats
d'or > destinez pour la bénédiction des Bagues;
li y avoit vis-à vis de la Table , fur le Tapis
un Dais de drap d'argent brodé d'or , soutenu
par six Majors Généraux. A la droite de ce
Dais-, fur un autre Tapis de Soye , étoit un
Fauteuil pour le Czar, & â. gauche, aussi fur
un Tapis & fur une même ligne, deux aurres
Fauteuils- de Velours vert ohamaré d'or , pout
la Czarine Douairière &1pour la Princesse fu
ture E oouse du Czar. A côté de res Fauteuils
un peu en arriére , il v avoit quatre Chaises
pour les quatre Princeííès du Sang, & plusieurs
autres Chaises ensuite pour les Princesses Mere
& Soeur de la Princesse , 8e pour les autre*
Princesses- de la Famille Dolgorucki.
•Agrès que tout, le monde fut assemblé au
Palais.
Janvier. 1730. 17$:
Malais > le Prince Dolgorucki, Grand- Cham
bellan du Czar & frère de la Princesse fiancée;
se rendit en qualité de principal Commissaire
du Czar , pour cet Acte , avec une nombreuse
suite de Carrosses & de Domestiques de S. Mi
Cz. au Palais de Golowiesch, où étoit la Prin
cesse & toutes les Princefles de la Famille Dol
gorucki; il déclara à la Princesse qu'il étoit
chargé de la conduire au Palais de S. M.Cz.
& apiès l'avoir priée de s'y rendre , il lui
donna la main & la conduisit au Carroíîé i
après quoi la marche commenta dans Tordre
suivant :
Deux Carroflès du Czar à six chevaux , ave£
les Chambellans de S M. Cz. un autre .Car
rosse du Czar >. aussi à six chevaux , dans leques
étoit le Grand-Chambellan seul. Qyjtre Cou
reurs du Czar. Deux Fooriers de ia Cour , ì
cheval. M. Coícheíef , Ecuyer du C2ar, à che
val 5 seul. La Garde des Grenadiers de la Prin
cesse ». à cheval. Quatre Postillons de S. M!
Cz. Un carosse à" six chevaux , dans lequel
étoit S. A. avec la Princesse fa mère & la
Princesse fa soeur : six Pages du Czar étoienc
montez fur le devant du Carrosle : ua
Page de la Chambre marchoit derrière ì
cheval ; & six Heyduques avec les Valetsde-
Pied de S» M. Cz. tous avec de magni
fiques Livres > alloient aux deux cotez. Plufieurs
autres Carrosses fuivoient, dans lesquels
étoient les Princeflés de la Famille Dolgorucki,
les Dames de. la Cour de S. A. Les Carrosses
de parade fumaient la marche..
Lorsque ce Cortège fut près du Palais du
Czar, le Maréchal de la Cour & le Grand-
Maître des Cérémonies, ayant à la main leurs
Bi.gns de CetemoniejSc accompagne* des Seigneurs>
J7 4 MFRCURÊ DÈ FRANCE,
1
gneurs de la Cour , allèrent dans l'Appaftë*
tnent des Dames, & prièrent la Czarìnt Douai* .
riere, les Princesses du Sang & les autres Da
mes , de se rendre dans la Salle des Fiançailles;
Après quoi le Maréchal de la Cour & le Grandi
Maître des Cérémonies allèrent au-devant dë
la Princesse pour la recevoir & la conduire:
dans la même Salle. Le Prince Dolgoruckij
Grand-Chambellan , donna la main à cette
Princesse à la descente du Carrosse ík Raccom
pagna iusqu'à la Salle : Aussi-tôt que la Prin
cesse fui entrée dans la Salle ■ on entendit uri
agréable Concert de Musique? après qu'elle
tut pris fa place; le Grand-Chambellan , le?
Chambellans & autres Seigneurs , conduit*
par le NÍaréchal de la Cour & par le Grand-
Miîcre des Cérémonies , allèrent prendre lé
Czar aux fanfares des Trompettes) ce Prince j
accompagné du Prince Grégoire AlexiowitZ
Dolgorucki , du Velt Maréchal , Prince Dolf;
oruki , du Baron d'Osterman, Vice Chanceier
, & de tous les Grands de fa Cour , sá
lendit aussi dans la même Salle.
Aussi tôt que S. M. Cz fe fut placée dans
son Fauteuil, la Princesse, conduite par le
Grand-Chambellan, se rendit sous le Dais;
le Czar s'y rendit aussi , étant conduit par lé
Baron d'Osterman , & se mit à la droite de la
Princesse. L' Archevêque de Novogrod fit en
suite une Prière , & s'étant approché de la
Table , il mit les deux Bagues dans les deux
Plats d'or , les bénit, suivant le Rit del'Eglisé
Grecque . & les délivra aux Fiancez , sçavotr,
celle de la Princesse à S. M. Cz. & celle du
Czar à la Princesse. Après quelques autres
Prières, le Czar & la Princefle s'étant remis
â leurs places, reçurent les complimens de
féliciràtL n
JANVIER. ir?o: i7f
sélicitation des Seigneurs &: Dames > qui eu
rent l'honneur de leui baiser la main. On 61
ëâ même- temps une triple décharge du Canon
dés Remparts , aux fanfares des Trompettes »
&c Après cette Cérémonie , le Czar , accom
pagné de la Czarine Douairière» des Princesses
du Sang & des Princeííes de la Famille Dolgoruclìi
, conduisit la Princesse fiancée dans
son Appartement , poUT y voir tirer un Feu
d'artifice qui réussit très-bien. Il y eut aussi de
fort belles Illuminations. Toute la Compagnie
étant ensuite retournée dans la grande Salle r
il y eut Jeu & Bal , qui ne dura qu'une demie
heure, arce que la Princesse fiancée s'étoit bieffée
au pied. Après qu'il fi.t fini , la Princesse
fiancée retourna dans son Palais dans u«
Carrosse à huit chevaux , conduits par six Pos
tillons avec six Pages . huit Heydtrques , huie
Chevaliers- Gardes à cheval 1 &r le même Cor
tège avec lequel elle s'étoit rendue au Palais
du Czar. La Princesse étoit feule dans ce Car
rosse , & on battit la caisse à son départ.
on écrit de Moscou , que tout le monde
convient que le Czar n'avoit pu faire un choix
qui fût plus universellement applaudi , à cause
ou mérite, de la bonté du coeur & de la
modestie de la futureCzarine.CesLettres ajou
tent que dans le Discours que le Velt-Marcchal
Dolgorucki fit le 30. Novembre à cette
Princesse , il lui dit entre autres choses : Hier
vous íliéï ma Nièce y aujourd'hui vous allej^
être ma Souveraine i vous voyez, par là com
ment les affaires humaines peuvent changer dit
soir au lendemain : que l' éclat da nouveau rang
que vout alleç tenir , ne vous ébloiiijfe pas &
ne vous f*sse pas perdre cette noble modestie n*i
HO lit
\jè mercure de francë:
vous y a élevée. Noire Famille est ajfez pour
vût; des biens de la fortune ; elle n'a besoin derien
: ainsi oubliez, que votts en êtes ,
frenex. à tâche de n'employer le crédit que -voue
fourrez avoir qu'à faire du bien, à ceux quih
méritent le plus , fans avoir égard au non*
qu'ils portent.^
des Pays Etrangers.
LE Prince Thomas Emmanuel deSavoyer,
Comte de Soissons, Chevalier de la Toison
d or , Mar échal de Camp , General des Armées
de l' Empereur , & Colonel d'un Régiment de
Cuií ailiers
Janvier. r7?ôv ta
Cuirassier», au Service de Sa Majesté Impériale,
mourut de la petite Vérole à Vienne , Je 18. dit
mois dernier , dans la 43". année de Ion âge,
étant né le 8. Décembre 1687. II avoit épousé le
14- Octobre 171$. la Princesse Thérèse Anne
Félicité, Fille du Prince Jean Adam André
de Lichcenstein , dont il a eu le 23. Décembre
ï7'4- le Prince Eugène Jean de Soislons, la
Corps de ce Prince fut inhumé le 30. lans cé
rémonie, dans Yb.^lise de S. Ertienne. *■
La Marquise DuúaHere d'Anspach, de 1*
Famille des Princes de Wirtemberg Stugard en'
Franconìe, y est morte âgée de $6 -n?.
Le jv de ce mois , une Femme nommée
Elizabeth Pieters , veuve de Reynitr Bemcl»
man, mourut à Amsterdam , âgée de \ 1 1 ans;
Le Duc Jean Ernest de Saxe , Hifbutg Haulèn
, l'áîné de la branche Ernestine, est mors
ì LeypsicK , dans la 17-. année de ion âge.
On apprend de Vienne , que le nombre de*
morts, tant de cette Ville que des Fauxbourgs »'
pendant l'année derniere, monte à 8; 83. Sçavoir
, tf7c. hommes, 18 ií- semmes, 204.1*
enfans mâles, & r 8 r f. filles. Le nombre de*
enfans baptisez pendant la meme arnee , eit de
' suivant les Extraits baptistaires mortuai
res , depuis le 11. Décembre 1718. juiqu'aú
13. Decembré 1719. on a baptise à Londres &f
à Westminster 8736. g \rçons , & 8324 files,
en tout 19721- de loue que le rombre des
morts de cette année , excède celui <u l'année
précédente de 1911 On a remarqué fur le
nombre des personnes mortes , qu'il s'en trou
ve 1073 f. au-dessous de deux ans , &• 143. de
90 ans & au-dessus. Les maladies qui en ont
emporté plus des deux tkts , sent les con-
■ y uliia»s
rfa MERCURE flE FRAtíCE.
gisions! les fluxions , & diverses fortes eíe
fièvres . la consomption & la petite vérole.
II eíl mort à Amsterdam pendant Patinée
derniere. j£i8. personnes, ce qui fait if4<«
moins qu'en 1718. qu?il en mourut 111Ó4.
Le 11.. Décembre dernier. Fête de S. André,
jour destiné pout la célébration des FiancuilleSdu
Czar , la Clarine Douairière , les Princefles
du Sang , & les -autres personnes de distinction
qui avoient été invitées à cette Cérémonie, se
rendirent au Palais vers les deux heures après
midi j les Dames furent conduites-dans les Apr
partemens à la droite de la grande Salle, &
les Seigneurs dans les Anti-Chambres de S.Mt
Gz. La grande Salle destinée pour cette Céré
monie , étoit magnifiquement ornée ; on avoir,
placé au milieu un grand Tapis de Soye de
Perse. Vis à- vis de ce Tapis , au haut bout
de la Salle , il y- avoit une table couverte dé
drap d'or ; fur cette table étoit un Bassin d'or ,
dans lequel étoit la sainte Croix , & deux Plats
d'or > destinez pour la bénédiction des Bagues;
li y avoit vis-à vis de la Table , fur le Tapis
un Dais de drap d'argent brodé d'or , soutenu
par six Majors Généraux. A la droite de ce
Dais-, fur un autre Tapis de Soye , étoit un
Fauteuil pour le Czar, & â. gauche, aussi fur
un Tapis & fur une même ligne, deux aurres
Fauteuils- de Velours vert ohamaré d'or , pout
la Czarine Douairière &1pour la Princesse fu
ture E oouse du Czar. A côté de res Fauteuils
un peu en arriére , il v avoit quatre Chaises
pour les quatre Princeííès du Sang, & plusieurs
autres Chaises ensuite pour les Princesses Mere
& Soeur de la Princesse , 8e pour les autre*
Princesses- de la Famille Dolgorucki.
•Agrès que tout, le monde fut assemblé au
Palais.
Janvier. 1730. 17$:
Malais > le Prince Dolgorucki, Grand- Cham
bellan du Czar & frère de la Princesse fiancée;
se rendit en qualité de principal Commissaire
du Czar , pour cet Acte , avec une nombreuse
suite de Carrosses & de Domestiques de S. Mi
Cz. au Palais de Golowiesch, où étoit la Prin
cesse & toutes les Princefles de la Famille Dol
gorucki; il déclara à la Princesse qu'il étoit
chargé de la conduire au Palais de S. M.Cz.
& apiès l'avoir priée de s'y rendre , il lui
donna la main & la conduisit au Carroíîé i
après quoi la marche commenta dans Tordre
suivant :
Deux Carroflès du Czar à six chevaux , ave£
les Chambellans de S M. Cz. un autre .Car
rosse du Czar >. aussi à six chevaux , dans leques
étoit le Grand-Chambellan seul. Qyjtre Cou
reurs du Czar. Deux Fooriers de ia Cour , ì
cheval. M. Coícheíef , Ecuyer du C2ar, à che
val 5 seul. La Garde des Grenadiers de la Prin
cesse ». à cheval. Quatre Postillons de S. M!
Cz. Un carosse à" six chevaux , dans lequel
étoit S. A. avec la Princesse fa mère & la
Princesse fa soeur : six Pages du Czar étoienc
montez fur le devant du Carrosle : ua
Page de la Chambre marchoit derrière ì
cheval ; & six Heyduques avec les Valetsde-
Pied de S» M. Cz. tous avec de magni
fiques Livres > alloient aux deux cotez. Plufieurs
autres Carrosses fuivoient, dans lesquels
étoient les Princeflés de la Famille Dolgorucki,
les Dames de. la Cour de S. A. Les Carrosses
de parade fumaient la marche..
Lorsque ce Cortège fut près du Palais du
Czar, le Maréchal de la Cour & le Grand-
Maître des Cérémonies, ayant à la main leurs
Bi.gns de CetemoniejSc accompagne* des Seigneurs>
J7 4 MFRCURÊ DÈ FRANCE,
1
gneurs de la Cour , allèrent dans l'Appaftë*
tnent des Dames, & prièrent la Czarìnt Douai* .
riere, les Princesses du Sang & les autres Da
mes , de se rendre dans la Salle des Fiançailles;
Après quoi le Maréchal de la Cour & le Grandi
Maître des Cérémonies allèrent au-devant dë
la Princesse pour la recevoir & la conduire:
dans la même Salle. Le Prince Dolgoruckij
Grand-Chambellan , donna la main à cette
Princesse à la descente du Carrosse ík Raccom
pagna iusqu'à la Salle : Aussi-tôt que la Prin
cesse fui entrée dans la Salle ■ on entendit uri
agréable Concert de Musique? après qu'elle
tut pris fa place; le Grand-Chambellan , le?
Chambellans & autres Seigneurs , conduit*
par le NÍaréchal de la Cour & par le Grand-
Miîcre des Cérémonies , allèrent prendre lé
Czar aux fanfares des Trompettes) ce Prince j
accompagné du Prince Grégoire AlexiowitZ
Dolgorucki , du Velt Maréchal , Prince Dolf;
oruki , du Baron d'Osterman, Vice Chanceier
, & de tous les Grands de fa Cour , sá
lendit aussi dans la même Salle.
Aussi tôt que S. M. Cz fe fut placée dans
son Fauteuil, la Princesse, conduite par le
Grand-Chambellan, se rendit sous le Dais;
le Czar s'y rendit aussi , étant conduit par lé
Baron d'Osterman , & se mit à la droite de la
Princesse. L' Archevêque de Novogrod fit en
suite une Prière , & s'étant approché de la
Table , il mit les deux Bagues dans les deux
Plats d'or , les bénit, suivant le Rit del'Eglisé
Grecque . & les délivra aux Fiancez , sçavotr,
celle de la Princesse à S. M. Cz. & celle du
Czar à la Princesse. Après quelques autres
Prières, le Czar & la Princefle s'étant remis
â leurs places, reçurent les complimens de
féliciràtL n
JANVIER. ir?o: i7f
sélicitation des Seigneurs &: Dames > qui eu
rent l'honneur de leui baiser la main. On 61
ëâ même- temps une triple décharge du Canon
dés Remparts , aux fanfares des Trompettes »
&c Après cette Cérémonie , le Czar , accom
pagné de la Czarine Douairière» des Princesses
du Sang & des Princeííes de la Famille Dolgoruclìi
, conduisit la Princesse fiancée dans
son Appartement , poUT y voir tirer un Feu
d'artifice qui réussit très-bien. Il y eut aussi de
fort belles Illuminations. Toute la Compagnie
étant ensuite retournée dans la grande Salle r
il y eut Jeu & Bal , qui ne dura qu'une demie
heure, arce que la Princesse fiancée s'étoit bieffée
au pied. Après qu'il fi.t fini , la Princesse
fiancée retourna dans son Palais dans u«
Carrosse à huit chevaux , conduits par six Pos
tillons avec six Pages . huit Heydtrques , huie
Chevaliers- Gardes à cheval 1 &r le même Cor
tège avec lequel elle s'étoit rendue au Palais
du Czar. La Princesse étoit feule dans ce Car
rosse , & on battit la caisse à son départ.
on écrit de Moscou , que tout le monde
convient que le Czar n'avoit pu faire un choix
qui fût plus universellement applaudi , à cause
ou mérite, de la bonté du coeur & de la
modestie de la futureCzarine.CesLettres ajou
tent que dans le Discours que le Velt-Marcchal
Dolgorucki fit le 30. Novembre à cette
Princesse , il lui dit entre autres choses : Hier
vous íliéï ma Nièce y aujourd'hui vous allej^
être ma Souveraine i vous voyez, par là com
ment les affaires humaines peuvent changer dit
soir au lendemain : que l' éclat da nouveau rang
que vout alleç tenir , ne vous ébloiiijfe pas &
ne vous f*sse pas perdre cette noble modestie n*i
HO lit
\jè mercure de francë:
vous y a élevée. Noire Famille est ajfez pour
vût; des biens de la fortune ; elle n'a besoin derien
: ainsi oubliez, que votts en êtes ,
frenex. à tâche de n'employer le crédit que -voue
fourrez avoir qu'à faire du bien, à ceux quih
méritent le plus , fans avoir égard au non*
qu'ils portent.^
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Résumé : MORTS, ET MARIAGES des Pays Etrangers.
Le texte relate divers événements de mort et de mariage dans des pays étrangers. Le Prince Thomas Emmanuel de Savoie, Comte de Soissons, est décédé de la variole à Vienne le 18 janvier 1720 à l'âge de 43 ans. Il avait épousé la Princesse Thérèse Anne Félicité de Liechtenstein en 1715, avec qui il eut un fils, le Prince Eugène Jean de Soissons, né en 1714. La Marquise Duüahere d'Anspach, de la famille des Princes de Wurtemberg, est morte à 56 ans. À Amsterdam, Elizabeth Pieters, veuve de Reynier Bemclman, est décédée à 111 ans. Le Duc Jean Ernest de Saxe, Hifbutg Haulèn, est mort à Leipzig à l'âge de 17 ans. À Vienne, le nombre de décès en 1719 s'élève à 8 833, incluant 1 776 hommes, 1 811 femmes, 2 041 garçons et 1 827 filles. À Londres et Westminster, 19 721 enfants ont été baptisés en 1719. Le texte décrit également les préparatifs et le déroulement du mariage du Czar avec la Princesse Dolgorucki. La cérémonie a eu lieu en janvier 1730, avec une procession solennelle et des festivités incluant un concert, des prières, des félicitations, un feu d'artifice et des illuminations. La Princesse, après la cérémonie, a été conduite dans son appartement pour voir le feu d'artifice, suivie d'un jeu et d'un bal. Le choix du Czar a été universellement applaudi en raison des qualités de la future Czarine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 583-586
RUSSIE.
Début :
Le 21. Janvier, Mirsa Ibrahim, Envoyé Extraordinaire du Prince Thamas, fils du dernier [...]
Mots clefs :
Moscou, Tsar, Princesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RUSSIE.
RUSSIE.
›
Lar fils du der-
E 21. Janvier , Mirfa Ibrahim , Envoyé Ex
nier Roi de Perfe , fit fon Entrée publique à Mofcou
, avec une fuite de 30. à 40. perfonnes , dans
le nombre deſquelles il y a deux proches parens
de ce Prince.
On a appris de Mofcou que le 17. Janvier, le
Czar accompagné de la Princeffe Dolhorucki
des Miniftres Etrangers & des Seigneurs de fa
Cour , alla avec une fuite de plus de cinq cent
Trainaux à Jouorof, qui eft éloigné de cette Capitale
de fix Verftes , où il y eut une grande
Chaffe
384 MERCURE DE FRANCE .
Chaffe , dans laquelle on tua plus de trois cent
pieces de gibier.
A fon retour , S. M. Cz . fe trouva très -abbatuë
, & avec un grand mal de tête ; de ſorte
qu'elle fut obligée de fe mettre au lit ; le lende
main la petite Verole commença à paroître , &
elle continua depuis à fortir fi heureuſe.nent que
les Medecins de la Cour affurerent le 26. que le
Czar étoit hors de danger ; mais la nuit ſuivante
il furvint une fievre avec un trafport au cerveau
fi violent , que ce Prince mourut la nuit du 29.
au 30. à minuit & demi , âgé de 14. ans 3. mois
& 7. jours , étant né à Petersbourg , le 23. Octobre
1715.
*
Il avoit été proclamé Czar & Souverain de
Mofcovie & de toute la Ruffie le 1-8. May 1727.
fuivant le teftament de la Czarine Catherine
feconde femme du Czar Pierre I. fon Aycul ,
laquelle étoit morte le jour précedent ; il avoit
été fiancé le 6. Juin de la même année avec Ma
rie Allexandrewna , fille ainée du Prince Menzikoff
, fon premier Miniftre ; mais le Confeil de
Regence , jaloux de la trop grande autorité de ce
Miniftre , détermina le Czar à le faire arrêter le
19. Septembre fuivant , & à le releguer dans une
Fortereffe en Siberie , avec la Princeffe fa fille.
Au commencement de l'année 1728. le Czár
quitta le féjour de Petersbourg pour fe rendre à
Mofcou , Capitale de fes Etats , ou ayant fait fon
Entrée le 15. Fevrier de la même année , il fut
couronné le 7. Mars fuivant. La Princefe Natalie
Alexiowna , fa foeur unique , qu'il aimoit
beaucoup, y mourut le 2.Decembre fuivant dans
la 15 année de fon âge ; ils étoient les deux
feuls enfans vivans d'Alexis Petrowits , Czarowits
fils unique du Czar Pierre I. qui mourut
dans la difgrace de fon Pere , le 26. Juillet 1718.
âgé
3
MARS. 1༡༢ : 185
agé de 29. ans ou environ , & de Charlotte Chrif
tine Sophie de Brunfwick Wolfembutel , Soeur
de l'Imperatrice , laquelle mourut à Petersbourg
ke 1. Novembre 1715. âgée de 21. ans.
Le Czar Pierre II. qui vient de mourir avoit
été fiancé pour la feconde fois le 11. Decembre
dernier avec Catherine Alexiwna , fille ainée d'Alexis
Gregorowitz , Prince Dolhorucki , Minif
tre & Confeil er actuel d'Etat , Grand-Maître de
la Cour , & Chevalier de l'Ordre de Saint André
, & qui avoit été Gouverneur de S. M. Cz.
Dans le moment de la mort du Czar , les Mi
niftres du Haut - Confeil & les Feldts- Maréchaux
s'étant affemblés dans le Palais , & ayant fait appeller
le Senat & toute la Generalité , la Princeffe
Anne Juanowns, Ducheffe Douairiere de Curlande
, fut reconnue d'un accord unanime Souve
raine de toute la Ruffie , conformément aux vo
lontés du feu Czar , & fa proclamation en qualité
de Czarine fut faite vers les dix heures du matin
, à la tête des Troupes , au bruit des Canons
& au fon des Cloches.
.
Cette Princeffe née en 1693. eft la feconde
fille du Czar Jean Alexiowits , frere ainé du Czar
Pierre I. & qui avoit regné avec lui jufqu'au 31 .
Janvier 1696. qu'il mourut, laiffant de Profcovic
Fæderowna Soltikow , fa femme , trois filles encore
vivantes qui font Catherine , mariée le 19.
Avril 1716. à Charles Leopol , Duc de Mekelbourg
Swevin , Anne qui vient d'être procla
mée Czarine , mariée le 13. Novembre 1710. à
Frederic Guillaume , Duc de Curlande , dont elle
eft veuve depuis le 21. Janvier 1711. & Profcovie
née en 1695. qui eft retirée dans un Couvent.
Le Czar a recommandé en mourant aux Mi
niftres du Haut-Confeil la Princeffe Dolhorucki ,
386 MERCURE DE FRANCE.
fa fiancée , la Princeffe Elifabeth , fa tante , le Duc
d'Holstein & le Duc de Mekelbourg , leur té
moignant qu'il fouhaitoit qu'on executât à leur
égard tout ce qui a été ordonné par le Teftament
du Czar Pierre I. touchant le payement de leurs
penfions.
Le Prince Bafile Lukowits Dolhorucki partit
de Mofcou le 28. Janvier en pofte pour aller à
Mittau porter à la Ducheffe Douairiere de Curlande
la nouvelle de fa proclamation . Il étoit accompagné
du Prince Trubetzkoy , Major General
, de M. Leontioff , auffi Major General , &
de M. Jerepkin , Capitaine des Gardes .
On a appris depuis que le Prince Dolhorucki
étoit arrivé le 5. Fevrier au foir à Mittau , & que
la Ducheffe Douairiere de Curlande , nouvelle
Czarine , en étoit partie le 9. pour ſe rendre à
Mofcou.
›
Lar fils du der-
E 21. Janvier , Mirfa Ibrahim , Envoyé Ex
nier Roi de Perfe , fit fon Entrée publique à Mofcou
, avec une fuite de 30. à 40. perfonnes , dans
le nombre deſquelles il y a deux proches parens
de ce Prince.
On a appris de Mofcou que le 17. Janvier, le
Czar accompagné de la Princeffe Dolhorucki
des Miniftres Etrangers & des Seigneurs de fa
Cour , alla avec une fuite de plus de cinq cent
Trainaux à Jouorof, qui eft éloigné de cette Capitale
de fix Verftes , où il y eut une grande
Chaffe
384 MERCURE DE FRANCE .
Chaffe , dans laquelle on tua plus de trois cent
pieces de gibier.
A fon retour , S. M. Cz . fe trouva très -abbatuë
, & avec un grand mal de tête ; de ſorte
qu'elle fut obligée de fe mettre au lit ; le lende
main la petite Verole commença à paroître , &
elle continua depuis à fortir fi heureuſe.nent que
les Medecins de la Cour affurerent le 26. que le
Czar étoit hors de danger ; mais la nuit ſuivante
il furvint une fievre avec un trafport au cerveau
fi violent , que ce Prince mourut la nuit du 29.
au 30. à minuit & demi , âgé de 14. ans 3. mois
& 7. jours , étant né à Petersbourg , le 23. Octobre
1715.
*
Il avoit été proclamé Czar & Souverain de
Mofcovie & de toute la Ruffie le 1-8. May 1727.
fuivant le teftament de la Czarine Catherine
feconde femme du Czar Pierre I. fon Aycul ,
laquelle étoit morte le jour précedent ; il avoit
été fiancé le 6. Juin de la même année avec Ma
rie Allexandrewna , fille ainée du Prince Menzikoff
, fon premier Miniftre ; mais le Confeil de
Regence , jaloux de la trop grande autorité de ce
Miniftre , détermina le Czar à le faire arrêter le
19. Septembre fuivant , & à le releguer dans une
Fortereffe en Siberie , avec la Princeffe fa fille.
Au commencement de l'année 1728. le Czár
quitta le féjour de Petersbourg pour fe rendre à
Mofcou , Capitale de fes Etats , ou ayant fait fon
Entrée le 15. Fevrier de la même année , il fut
couronné le 7. Mars fuivant. La Princefe Natalie
Alexiowna , fa foeur unique , qu'il aimoit
beaucoup, y mourut le 2.Decembre fuivant dans
la 15 année de fon âge ; ils étoient les deux
feuls enfans vivans d'Alexis Petrowits , Czarowits
fils unique du Czar Pierre I. qui mourut
dans la difgrace de fon Pere , le 26. Juillet 1718.
âgé
3
MARS. 1༡༢ : 185
agé de 29. ans ou environ , & de Charlotte Chrif
tine Sophie de Brunfwick Wolfembutel , Soeur
de l'Imperatrice , laquelle mourut à Petersbourg
ke 1. Novembre 1715. âgée de 21. ans.
Le Czar Pierre II. qui vient de mourir avoit
été fiancé pour la feconde fois le 11. Decembre
dernier avec Catherine Alexiwna , fille ainée d'Alexis
Gregorowitz , Prince Dolhorucki , Minif
tre & Confeil er actuel d'Etat , Grand-Maître de
la Cour , & Chevalier de l'Ordre de Saint André
, & qui avoit été Gouverneur de S. M. Cz.
Dans le moment de la mort du Czar , les Mi
niftres du Haut - Confeil & les Feldts- Maréchaux
s'étant affemblés dans le Palais , & ayant fait appeller
le Senat & toute la Generalité , la Princeffe
Anne Juanowns, Ducheffe Douairiere de Curlande
, fut reconnue d'un accord unanime Souve
raine de toute la Ruffie , conformément aux vo
lontés du feu Czar , & fa proclamation en qualité
de Czarine fut faite vers les dix heures du matin
, à la tête des Troupes , au bruit des Canons
& au fon des Cloches.
.
Cette Princeffe née en 1693. eft la feconde
fille du Czar Jean Alexiowits , frere ainé du Czar
Pierre I. & qui avoit regné avec lui jufqu'au 31 .
Janvier 1696. qu'il mourut, laiffant de Profcovic
Fæderowna Soltikow , fa femme , trois filles encore
vivantes qui font Catherine , mariée le 19.
Avril 1716. à Charles Leopol , Duc de Mekelbourg
Swevin , Anne qui vient d'être procla
mée Czarine , mariée le 13. Novembre 1710. à
Frederic Guillaume , Duc de Curlande , dont elle
eft veuve depuis le 21. Janvier 1711. & Profcovie
née en 1695. qui eft retirée dans un Couvent.
Le Czar a recommandé en mourant aux Mi
niftres du Haut-Confeil la Princeffe Dolhorucki ,
386 MERCURE DE FRANCE.
fa fiancée , la Princeffe Elifabeth , fa tante , le Duc
d'Holstein & le Duc de Mekelbourg , leur té
moignant qu'il fouhaitoit qu'on executât à leur
égard tout ce qui a été ordonné par le Teftament
du Czar Pierre I. touchant le payement de leurs
penfions.
Le Prince Bafile Lukowits Dolhorucki partit
de Mofcou le 28. Janvier en pofte pour aller à
Mittau porter à la Ducheffe Douairiere de Curlande
la nouvelle de fa proclamation . Il étoit accompagné
du Prince Trubetzkoy , Major General
, de M. Leontioff , auffi Major General , &
de M. Jerepkin , Capitaine des Gardes .
On a appris depuis que le Prince Dolhorucki
étoit arrivé le 5. Fevrier au foir à Mittau , & que
la Ducheffe Douairiere de Curlande , nouvelle
Czarine , en étoit partie le 9. pour ſe rendre à
Mofcou.
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Résumé : RUSSIE.
Le 21 janvier, Mirfa Ibrahim, envoyé du dernier roi de Perse, arriva à Moscou avec une suite de 30 à 40 personnes, incluant deux proches parents du prince. Le 17 janvier, le Czar, accompagné de la princesse Dolhorucki, des ministres étrangers et des seigneurs de la cour, se rendit à Jouorof pour une grande chasse, au cours de laquelle plus de trois cents pièces de gibier furent tuées. À son retour, le Czar se sentit très fatigué et souffrit d'un mal de tête, ce qui le contraignit à se mettre au lit. Le lendemain, des symptômes de petite vérole apparurent, mais les médecins assurèrent le 26 janvier que le Czar était hors de danger. Cependant, la nuit suivante, une fièvre violente avec un transport au cerveau survint, et le Czar mourut la nuit du 29 au 30 janvier à minuit et demi, à l'âge de 14 ans, 3 mois et 7 jours. Il avait été proclamé Czar et souverain de Moscovie et de toute la Russie le 18 mai 1727, suivant le testament de la czarine Catherine, seconde femme du Czar Pierre Ier. Il avait été fiancé le 6 juin 1727 à Marie Alexandrewna, fille du prince Menzikoff, mais ce dernier fut arrêté et exilé en Sibérie avec sa fille en septembre 1727. Le Czar quitta Saint-Pétersbourg pour Moscou au début de l'année 1728 et y fut couronné le 7 mars. Sa sœur unique, la princesse Natalie Alexiowna, mourut le 2 décembre 1727 à l'âge de 15 ans. Le Czar Pierre II avait été fiancé une seconde fois le 11 décembre précédent avec Catherine Alexiwna, fille du prince Dolhorucki. À la mort du Czar, les ministres et les feld-maréchaux réunis au palais proclamèrent la princesse Anne Juanowns, duchesse douairière de Curlande, souveraine de toute la Russie conformément aux volontés du feu Czar. Née en 1693, elle était la seconde fille du Czar Jean Alexiowits, frère aîné du Czar Pierre Ier. Le prince Dolhorucki partit pour Mittau afin d'informer la duchesse douairière de Curlande de sa proclamation, et elle quitta Mittau le 9 février pour se rendre à Moscou.
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24
p. 809-812
RUSSIE.
Début :
La Czarine arriva à Moscou le 19. Fevrier à 2. heures après midi. Dès le matin on fit deux [...]
Mots clefs :
Tsarine, Princesse, Conseil, Prince
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texteReconnaissance textuelle : RUSSIE.
RUSSIE.
A Czarine arriva à Mofcou le 19. Fevrier à
2. heures après midi . Dès le matin on fit deux
détachemens , l'un du Régiment des Gardes à
cheval & l'autre du Régiment des Gardes Infanterie
, pour aller au-devant de S.-M. Cz. avec
les Députez des trois Etats , qui à une lieuë de
Mofcou lui préfenterent les Clefs de la Ville & du
Château , le Sceptre & la Couronne. Toutes les
rues fur fon paffage étoient tapiffées ; la Bourgeoifie
fous les armes & la Garnifon formoient
une double haye depuis la porte de la Trinité jufqu'à
la grande Eglife , à la porte de làquelle cette
Princeffe fut reçue par l'Archevêque de Novogorod
, accompagné de plufieurs Evêques , Abbez &
autres Ecclefiaftiques de diftinction . Après le Te
Deum, qui fut chanté par la Mufique , la Czarine
fe rendit au Château , où elle fut reçue par la Du--
cheffe de Mekelbourg , fa foeur. Le foir elle reçut
les complimens des Miniftres Etrangers &
des Seigneurs de la Cour.
Cette Princeffe a figné un Decret par lequel !
elle continue tous les Officiers du feu Czar dans
les fonctians de leurs Charges , à la réſerve du
Procureur General Jagozinski , qui a été arrêté
pour avoir voulu exciter une fédition en faveur
H de
810 MERCURE DE FRANCE
de la Princaffe Elifabeth , tante du feu Czar.
Le 26.Février, la Czarine fit fon entrée publique
à Mofcou. Une Compagnie de Grenadiers des
Gardes à cheval commençoit la marche : elle étoit
fuivie de 21. Caroffes à huit chevaux des principaux
Seigneurs de la Cour& de la principale Nobleffe
à cheval. Les Membres du Haut - Conſeil &
les principaux Boyars marchoient enfuite dans des
Caroffes à fix chevaux : le Caroffe de , Ceremonie
de la Czarine venoit après ; il étoit fuivi d'autres
Caroffes dans lefquels étoient plufieurs Dames
qui font venues de Curlande avec cette Princeffe.
A quelque diftance , un Détachement des Chevaliers
Gardes marchoit devant le Caroffe de
S. M. Cz. attelé de huit chevaux , richement caparaçonnez
, & entouré de Valets de Pied , de
Maures & de Heiduques. Le Prince Bafile Dol--
horuski, le Prince Michel Michalowitz Gallitzin &
le Major General Leontioff , étoient à cheval aux
Portieres du Caroffe de S.M.Cz.un autre Détachement
des Chevaliers- Gardes fermoit la marche.
On avoit élevé trois Arcs de Triomphe dans la
Ville , au premier defquels la Czarine fut complimentée
par les Magiftrats en corps & par les
principaux Habitans ; au fecond , par la Nobleffe
& au troifiéme par le Clergé. La Czarine étant
arrivée à l'Eglife Cathédrale , l'Archevêque de
Novogorod la complimenta , après quoi on chan--
ta le Te Deum , au bruit des falves réiterées de
P'Artillerie & des acclamations du Peuple. S. M.
Cz. après avoir vifité quelques Eglifes , fe rendit
au Château du Crenelin , où elle a réfolu.de faire.
fa réfidence. Les principaux Seigneurs & Dames
de la Cour , eurent l'honneur de la complimenter
& de lui baifer la main.
Le 28. le Senat s'étant affemblé , la nouvelle-
Czarine s'y étant renduë , lui fit un Diſcours ,
conte
AVRIL. 1730. 811
contenant en fubftance qu'elle le remercioit du
foin qu'il avoit pris de remplir le Trône vacant
felon les Lolx & les Conftitutions anciennes de
la Monarchie , & des égards qu'il a eûs à cette
occafion pour fa perfonne ; qu'elle promet de
maintenir de tout fon pouvoir les prérogatives ,
les Privileges & la dignité du Sénat ; qu'elle affure
que tous fes fideles Sujets jouiront d'un gouvernement
doux & paifible , auffi long- temps qu'il
plaira à Dieu de lui conferver la vie : qu'elle promet
de plus qu'elle maintiendra & foutiendra fortement
la Religion Chrétienne Grecque , avec
toutes les ceremonies avec lesquelles elle a été introduite
dans la Ruffie , &c. & qu'elle protegera
les autres Religions que fes Ancêtres ont bienvoulu
tolerer dans leurs Etats , & c.
Avant le départ de la Czarine de Mittau , cette
Princeffe avoit figné une Déliberation qui lui
avoit été préfentée par les Députez du Haut-
Confeil , contenant divers articles , fuivant lefquels
la puiffance fouveraine étoit partagée entre
elle & de Haut- Confeil ; quelques Seigneurs ayant
délibéré entre eux fur cette nouvelle forme de
gouvernement établie par le Confeil , & reconnu
que le Gouvernement Monarchique étoit le feul
qui convint à la Ruffie , demanderent le 8. Marsune
Audience publique à la Czarine. S. M. Cz.
en fit donner avis au Haut-Confeil , qui s'étant
affemblé dans la grande Salle d'Audience , fut témoin
des repréfentations que le Feld- Maréchal
Trubetzkoy & le Knés Alexis Czerkaski , Sénateur
, à la tête de 390. Gentilshommes , firent à
la Czarine contre les conditions qu'elle avoit
agréés ; ils la prierent enfuite de vouloir accepter
la fouveraineté en entier & avec la même autorité
que fes Prédeceffeurs l'avoient poffedée . S. M. Cz.
leur répondit que s'étant engagée par fa figna:ure
Hvja · à
812 MERCURE DE FRANCE
à des conventions contraires , elle devoit fçavoir
files Membres du Haut-Confeil confentoient
qu'elle acceptât les offres de fon Peuple. La plupart
de ceux qui compofoient ce Confeil ayant
marqué par une inclination de tête qu'ils y donnoient
leur confentement , la Czarine accepta la
fouveraineté , & le Grand- Chancelier ayant rapporté
les Articles qu'elle avoit fignez , on les dé→
chira fur le champ ; après quoi S. M. fit un Difcours
, tant pour témoigner fa reconnoiffance aux
Députez de la Nobleffe ,que pour les affurer qu'elle
feroit une veritable mere de la Patrie , & qu'elle
accorderoit à fes Sujets toutes les graces qu'ils
pourroient légitimement efperer.
La fille du Prince Menfikoff , que le feu Czar
avoit eu deffein d'époufer , eft morte au commencement
du mois dernier , & la Princeffe Dolhorucki
, qui a eu l'honneur d'être fiancée avec ce
Prince , s'eft retirée dans une Terre avec le Prince
Dolhorucki fon Pere. La Czarine vient d'accor
der une penfion confiderable à cette Princeffe.
On a envoyé ordre aux Commiffaires de l'Amirauté
de Petersbourg , de faire équiper inceffamment
irois Vaiffeaux de guerre de ..40. Pieces
de Canon , qu'on doit envoyer en France & en
Efpagne avec des Marchandiſes de Ruſſie.
On a donné ordre aux Intendans des Mines
d'Olonitz, d'envoyer des gens experimentez dans
le travail des Mines à Derbent , parce qu'on a
réfolu de mettre en valeur les Mines d'or & d'ar
gent qu'on a découvertes près des Côtes de la
Mer Cafpienne.
A Czarine arriva à Mofcou le 19. Fevrier à
2. heures après midi . Dès le matin on fit deux
détachemens , l'un du Régiment des Gardes à
cheval & l'autre du Régiment des Gardes Infanterie
, pour aller au-devant de S.-M. Cz. avec
les Députez des trois Etats , qui à une lieuë de
Mofcou lui préfenterent les Clefs de la Ville & du
Château , le Sceptre & la Couronne. Toutes les
rues fur fon paffage étoient tapiffées ; la Bourgeoifie
fous les armes & la Garnifon formoient
une double haye depuis la porte de la Trinité jufqu'à
la grande Eglife , à la porte de làquelle cette
Princeffe fut reçue par l'Archevêque de Novogorod
, accompagné de plufieurs Evêques , Abbez &
autres Ecclefiaftiques de diftinction . Après le Te
Deum, qui fut chanté par la Mufique , la Czarine
fe rendit au Château , où elle fut reçue par la Du--
cheffe de Mekelbourg , fa foeur. Le foir elle reçut
les complimens des Miniftres Etrangers &
des Seigneurs de la Cour.
Cette Princeffe a figné un Decret par lequel !
elle continue tous les Officiers du feu Czar dans
les fonctians de leurs Charges , à la réſerve du
Procureur General Jagozinski , qui a été arrêté
pour avoir voulu exciter une fédition en faveur
H de
810 MERCURE DE FRANCE
de la Princaffe Elifabeth , tante du feu Czar.
Le 26.Février, la Czarine fit fon entrée publique
à Mofcou. Une Compagnie de Grenadiers des
Gardes à cheval commençoit la marche : elle étoit
fuivie de 21. Caroffes à huit chevaux des principaux
Seigneurs de la Cour& de la principale Nobleffe
à cheval. Les Membres du Haut - Conſeil &
les principaux Boyars marchoient enfuite dans des
Caroffes à fix chevaux : le Caroffe de , Ceremonie
de la Czarine venoit après ; il étoit fuivi d'autres
Caroffes dans lefquels étoient plufieurs Dames
qui font venues de Curlande avec cette Princeffe.
A quelque diftance , un Détachement des Chevaliers
Gardes marchoit devant le Caroffe de
S. M. Cz. attelé de huit chevaux , richement caparaçonnez
, & entouré de Valets de Pied , de
Maures & de Heiduques. Le Prince Bafile Dol--
horuski, le Prince Michel Michalowitz Gallitzin &
le Major General Leontioff , étoient à cheval aux
Portieres du Caroffe de S.M.Cz.un autre Détachement
des Chevaliers- Gardes fermoit la marche.
On avoit élevé trois Arcs de Triomphe dans la
Ville , au premier defquels la Czarine fut complimentée
par les Magiftrats en corps & par les
principaux Habitans ; au fecond , par la Nobleffe
& au troifiéme par le Clergé. La Czarine étant
arrivée à l'Eglife Cathédrale , l'Archevêque de
Novogorod la complimenta , après quoi on chan--
ta le Te Deum , au bruit des falves réiterées de
P'Artillerie & des acclamations du Peuple. S. M.
Cz. après avoir vifité quelques Eglifes , fe rendit
au Château du Crenelin , où elle a réfolu.de faire.
fa réfidence. Les principaux Seigneurs & Dames
de la Cour , eurent l'honneur de la complimenter
& de lui baifer la main.
Le 28. le Senat s'étant affemblé , la nouvelle-
Czarine s'y étant renduë , lui fit un Diſcours ,
conte
AVRIL. 1730. 811
contenant en fubftance qu'elle le remercioit du
foin qu'il avoit pris de remplir le Trône vacant
felon les Lolx & les Conftitutions anciennes de
la Monarchie , & des égards qu'il a eûs à cette
occafion pour fa perfonne ; qu'elle promet de
maintenir de tout fon pouvoir les prérogatives ,
les Privileges & la dignité du Sénat ; qu'elle affure
que tous fes fideles Sujets jouiront d'un gouvernement
doux & paifible , auffi long- temps qu'il
plaira à Dieu de lui conferver la vie : qu'elle promet
de plus qu'elle maintiendra & foutiendra fortement
la Religion Chrétienne Grecque , avec
toutes les ceremonies avec lesquelles elle a été introduite
dans la Ruffie , &c. & qu'elle protegera
les autres Religions que fes Ancêtres ont bienvoulu
tolerer dans leurs Etats , & c.
Avant le départ de la Czarine de Mittau , cette
Princeffe avoit figné une Déliberation qui lui
avoit été préfentée par les Députez du Haut-
Confeil , contenant divers articles , fuivant lefquels
la puiffance fouveraine étoit partagée entre
elle & de Haut- Confeil ; quelques Seigneurs ayant
délibéré entre eux fur cette nouvelle forme de
gouvernement établie par le Confeil , & reconnu
que le Gouvernement Monarchique étoit le feul
qui convint à la Ruffie , demanderent le 8. Marsune
Audience publique à la Czarine. S. M. Cz.
en fit donner avis au Haut-Confeil , qui s'étant
affemblé dans la grande Salle d'Audience , fut témoin
des repréfentations que le Feld- Maréchal
Trubetzkoy & le Knés Alexis Czerkaski , Sénateur
, à la tête de 390. Gentilshommes , firent à
la Czarine contre les conditions qu'elle avoit
agréés ; ils la prierent enfuite de vouloir accepter
la fouveraineté en entier & avec la même autorité
que fes Prédeceffeurs l'avoient poffedée . S. M. Cz.
leur répondit que s'étant engagée par fa figna:ure
Hvja · à
812 MERCURE DE FRANCE
à des conventions contraires , elle devoit fçavoir
files Membres du Haut-Confeil confentoient
qu'elle acceptât les offres de fon Peuple. La plupart
de ceux qui compofoient ce Confeil ayant
marqué par une inclination de tête qu'ils y donnoient
leur confentement , la Czarine accepta la
fouveraineté , & le Grand- Chancelier ayant rapporté
les Articles qu'elle avoit fignez , on les dé→
chira fur le champ ; après quoi S. M. fit un Difcours
, tant pour témoigner fa reconnoiffance aux
Députez de la Nobleffe ,que pour les affurer qu'elle
feroit une veritable mere de la Patrie , & qu'elle
accorderoit à fes Sujets toutes les graces qu'ils
pourroient légitimement efperer.
La fille du Prince Menfikoff , que le feu Czar
avoit eu deffein d'époufer , eft morte au commencement
du mois dernier , & la Princeffe Dolhorucki
, qui a eu l'honneur d'être fiancée avec ce
Prince , s'eft retirée dans une Terre avec le Prince
Dolhorucki fon Pere. La Czarine vient d'accor
der une penfion confiderable à cette Princeffe.
On a envoyé ordre aux Commiffaires de l'Amirauté
de Petersbourg , de faire équiper inceffamment
irois Vaiffeaux de guerre de ..40. Pieces
de Canon , qu'on doit envoyer en France & en
Efpagne avec des Marchandiſes de Ruſſie.
On a donné ordre aux Intendans des Mines
d'Olonitz, d'envoyer des gens experimentez dans
le travail des Mines à Derbent , parce qu'on a
réfolu de mettre en valeur les Mines d'or & d'ar
gent qu'on a découvertes près des Côtes de la
Mer Cafpienne.
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Résumé : RUSSIE.
Le texte décrit l'arrivée et l'accession au trône de la nouvelle czarine en Russie. Le 19 février, elle arrive à Moscou où elle est accueillie par des détachements des régiments des Gardes à cheval et des Gardes Infanterie, ainsi que par les députés des trois états qui lui remettent les clefs de la ville et du château, le sceptre et la couronne. Les rues sont décorées et la bourgeoisie ainsi que la garnison forment une double haie jusqu'à la grande église. Après un Te Deum, elle se rend au château où elle est reçue par la duchesse de Meckelbourg, sa sœur. Le soir, elle reçoit les compliments des ministres étrangers et des seigneurs de la cour. La czarine signe un décret confirmant tous les officiers du précédent tsar dans leurs fonctions, à l'exception du procureur général Jagozinski, arrêté pour avoir tenté de fomenter une sédition en faveur de la princesse Élisabeth, tante du défunt tsar. Le 26 février, elle fait son entrée publique à Moscou, accompagnée d'une procession solennelle incluant des carrosses, des nobles et des détachements des Chevaliers Gardes. Elle est acclamée par les magistrats, la noblesse et le clergé, et se rend à l'église cathédrale où un Te Deum est chanté. Elle visite ensuite quelques églises avant de se rendre au château du Kremlin, où elle décide de résider. Le 28 février, la czarine s'adresse au Sénat, remerciant les sénateurs pour leur rôle dans la transition et promettant de maintenir les prérogatives et les privilèges du Sénat. Elle assure également un gouvernement doux et paisible, et la protection de la religion chrétienne grecque ainsi que des autres religions tolérées dans l'État. Avant son départ de Mittau, la czarine avait signé une délibération proposée par les députés du Haut-Conseil, partageant la puissance souveraine entre elle et le Haut-Conseil. Cependant, le 8 mars, des seigneurs demandent une audience publique pour lui proposer d'accepter la souveraineté en entier. Après avoir obtenu le consentement du Haut-Conseil, elle accepte la souveraineté et fait un discours de reconnaissance et d'assurance à la noblesse. Le texte mentionne également la mort de la fille du prince Menfikoff et le retrait de la princesse Dolhorucki dans une terre avec son père. La czarine accorde une pension à cette princesse. Enfin, des ordres sont donnés pour équiper des vaisseaux de guerre et exploiter les mines d'or et d'argent près des côtes de la mer Caspienne.
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25
p. 1895-1896
Autre sur le même sujet du Grand-Prieur de l'Abbaye S. Germain, [titre d'après la table]
Début :
Le 14. du même mois, le R. P. Grand Prieur de l'Abbaye de S. Germain, donna aussi un Mandement [...]
Mots clefs :
Prince, Princesse, Dauphin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autre sur le même sujet du Grand-Prieur de l'Abbaye S. Germain, [titre d'après la table]
Le 14. du même mois , le R. P. Grand - Prieur
de l'Abbaye de S. Germain , donna auffi un Mandement
digue de la grandur du ' Sujet & de fa
pieté. En voici la teneur :
CLAUDE DU PRE' , Grand - Prieur de
l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez , immédiate
au S. Siege , & Vicaire General de S. B.
M. le Cardinal de Biffy , Evêque de Meaux
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit , Abbé
Commandataire de cette l'Abaye , & c.
La Race fainte fe multiplie , la Pofterité nombreuſe
du Jufte eft un gage de la protection du
Tout- Puiffant , une récompenfe rendue à la vertu ,
de celui qui le craint & qui le fert avec fidelité .
Verité juftifiée par l'évenement. Elle s'accomplit
dans la Perfonne facrée du grand & Religieux
Monarque qui nous gouverne. Le Seigneur a beni
les premieres années de fon Alliance glorieufe.
Nous avons renconnu dans la Naiffance des trois
auguftes Princeffes , plus encore dans celle de
Monfeigneur LE DAUPHIN , les preuves
les plus marquées d'une Providence infiniment attentive
aux voeux du Roy , de la Reine , de toute
la Nation ; aujourd'hui nous voyons avec la joye
la plus vive , que le Seigneur mefurant fes faveurs
fur la pieté & la Religion de ce grand Prince ,
continue à le combler de nouvelles benedictions .
Le bonheur des Peuples qui rend S M. fenfible à
de tels bienfaits , nous engage à redoubler nos
voeux & nos prieres. L'augufte & vertueuſe Princeffe
, qui par l'affemblage des dons les plus précieux
de la Nature & de la grace , concourt à
rendre notre felicité durable & conſtante , mérite
ce jufte tribut. Prions pour la confervation d'une
fanté fi chere à la France , prions pour le fuccès
de fon heureufe délivrance . Puiffe -t- elle à jamais
être l'objet de l'amour & de la veneration des
Peuples
1896 MERCURE DE FRANCE
Peuples. , croître en mille mille generation .
Puiffe fa glorieufe Pofterité , fi fainte dans fa
Souche , fi augufte dans fa Tige , fi féconde en
Heros & en Maîtres du Monde dans fon étenduë
, n'avoir d'autre terme , que la fin des temps.
A CES CAUSES , en conformité des intentions
de Sa Majeſté , &c.
de l'Abbaye de S. Germain , donna auffi un Mandement
digue de la grandur du ' Sujet & de fa
pieté. En voici la teneur :
CLAUDE DU PRE' , Grand - Prieur de
l'Abbaye Royale de S. Germain des Prez , immédiate
au S. Siege , & Vicaire General de S. B.
M. le Cardinal de Biffy , Evêque de Meaux
Commandeur de l'Ordre du S. Efprit , Abbé
Commandataire de cette l'Abaye , & c.
La Race fainte fe multiplie , la Pofterité nombreuſe
du Jufte eft un gage de la protection du
Tout- Puiffant , une récompenfe rendue à la vertu ,
de celui qui le craint & qui le fert avec fidelité .
Verité juftifiée par l'évenement. Elle s'accomplit
dans la Perfonne facrée du grand & Religieux
Monarque qui nous gouverne. Le Seigneur a beni
les premieres années de fon Alliance glorieufe.
Nous avons renconnu dans la Naiffance des trois
auguftes Princeffes , plus encore dans celle de
Monfeigneur LE DAUPHIN , les preuves
les plus marquées d'une Providence infiniment attentive
aux voeux du Roy , de la Reine , de toute
la Nation ; aujourd'hui nous voyons avec la joye
la plus vive , que le Seigneur mefurant fes faveurs
fur la pieté & la Religion de ce grand Prince ,
continue à le combler de nouvelles benedictions .
Le bonheur des Peuples qui rend S M. fenfible à
de tels bienfaits , nous engage à redoubler nos
voeux & nos prieres. L'augufte & vertueuſe Princeffe
, qui par l'affemblage des dons les plus précieux
de la Nature & de la grace , concourt à
rendre notre felicité durable & conſtante , mérite
ce jufte tribut. Prions pour la confervation d'une
fanté fi chere à la France , prions pour le fuccès
de fon heureufe délivrance . Puiffe -t- elle à jamais
être l'objet de l'amour & de la veneration des
Peuples
1896 MERCURE DE FRANCE
Peuples. , croître en mille mille generation .
Puiffe fa glorieufe Pofterité , fi fainte dans fa
Souche , fi augufte dans fa Tige , fi féconde en
Heros & en Maîtres du Monde dans fon étenduë
, n'avoir d'autre terme , que la fin des temps.
A CES CAUSES , en conformité des intentions
de Sa Majeſté , &c.
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Résumé : Autre sur le même sujet du Grand-Prieur de l'Abbaye S. Germain, [titre d'après la table]
Le 14 du même mois, Claude du Pré, Grand-Prieur de l'Abbaye Royale de Saint-Germain-des-Prés, Vicaire Général du Cardinal de Bissy, Évêque de Meaux, et Commandeur de l'Ordre du Saint-Esprit, a émis un mandement. Ce document souligne la grandeur et la piété du sujet, en mettant en avant la multiplication de la race sainte comme signe de la protection divine et récompense de la vertu. Le monarque régnant illustre cette vérité par la naissance de trois princesses et du Dauphin au début de son règne, preuves de la Providence divine. Le bonheur des peuples, sensible aux bienfaits du roi, incite à redoubler les vœux et les prières. La princesse, par ses dons naturels et spirituels, contribue à la félicité durable de la nation. Les prières visent la conservation de sa santé et le succès de son heureuse délivrance. On souhaite que sa postérité soit sainte, auguste et féconde en héros et maîtres du monde, jusqu'à la fin des temps. Ce mandement est émis en conformité avec les intentions de Sa Majesté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 2076-2077
MORTS, NAISSANCES, & Mariages des Païs Etrangers.
Début :
On apprend de Lisbonne qu'Isabelle Pereira, Domestique du Commandant de cette Ville, [...]
Mots clefs :
Princesse, Prince
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texteReconnaissance textuelle : MORTS, NAISSANCES, & Mariages des Païs Etrangers.
MORTS ,
NAISSANCES,
Mariages des Païs Etrangers.
étoit
N apprend de Lisbonne qu'Ifabelle Pereira ;
morte à Caftello Mendo , âgée de IIO ans.
La Princeffe Epouſe du Prince Royal de Saxe ,
accoucha à Dreſde le 25 Août vers les dix heures
& demie du matin d'un fecond Prince , qui
fut baptifé le lendemain , & nommé Augufte-
Albert - François - Xavier , ayant été tenu für les
Fonts au nom de l'Empereur , du Roi de France
& de la Reine de Portugal. On fit à cette occafion
une triple falve de l'Artillerie des Remparts
& c.
Le 18 Juillet , le Duc d'Holftein Ploen , épouſa
Coppenhague la fille du Comte de Reventlau .
La Celebration du mariage fe fit dans la Chapelle
du Palais en préſence du Roi , de la Reine
de Danemarck, du Prince Royal & de la Princefle
fon Epoufe,
Le
3:
SEPTEMBRE. 1730. 2077
Le 28 Août , la Cerémonie du mariage du Duc
Ferdinand de Curlande avec la Princeffe , fille de
la Ducheffe Douairiere de Veiffenfels , fe fit à
Dama.
NAISSANCES,
Mariages des Païs Etrangers.
étoit
N apprend de Lisbonne qu'Ifabelle Pereira ;
morte à Caftello Mendo , âgée de IIO ans.
La Princeffe Epouſe du Prince Royal de Saxe ,
accoucha à Dreſde le 25 Août vers les dix heures
& demie du matin d'un fecond Prince , qui
fut baptifé le lendemain , & nommé Augufte-
Albert - François - Xavier , ayant été tenu für les
Fonts au nom de l'Empereur , du Roi de France
& de la Reine de Portugal. On fit à cette occafion
une triple falve de l'Artillerie des Remparts
& c.
Le 18 Juillet , le Duc d'Holftein Ploen , épouſa
Coppenhague la fille du Comte de Reventlau .
La Celebration du mariage fe fit dans la Chapelle
du Palais en préſence du Roi , de la Reine
de Danemarck, du Prince Royal & de la Princefle
fon Epoufe,
Le
3:
SEPTEMBRE. 1730. 2077
Le 28 Août , la Cerémonie du mariage du Duc
Ferdinand de Curlande avec la Princeffe , fille de
la Ducheffe Douairiere de Veiffenfels , fe fit à
Dama.
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Résumé : MORTS, NAISSANCES, & Mariages des Païs Etrangers.
En 1730, Isabelle Pereira est décédée à Lisbonne à 110 ans. À Dresde, la princesse épouse du prince royal de Saxe a donné naissance à Auguste-Albert-François-Xavier. Le duc d'Holstein-Ploen a épousé la fille du comte de Reventlau à Copenhague. Le duc Ferdinand de Courlande a célébré son mariage à Dama.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 2521-2528
« Le 23. Octobre, la Duchesse d'Orleans donna une petite Fête à Bagnolet pour le Divertissement [...] »
Début :
Le 23. Octobre, la Duchesse d'Orleans donna une petite Fête à Bagnolet pour le Divertissement [...]
Mots clefs :
Reine, Église, Roi, Messe, Musique, Princesse, Palais, Opéra, Cérémonies, Ambassadeurs, Jésuites, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 23. Octobre, la Duchesse d'Orleans donna une petite Fête à Bagnolet pour le Divertissement [...] »
E 23. Octobre , la Ducheffe d'Orleans donna '
une petite Fête à Bagnolet pour le Divertiffe
ment des deux Princeffes fes filles , à laquelle toutès
les Dames du Palais Royal & plufieurs autres
attachées à S. A. R. & aux Princeffes , fe trouverent
, de même que plufieurs Seigneurs attachés
à la Maifon d'Orleans . S. A. R. fit donner aux
Princeffes & aux Dames qui étoient du Souper ,
à chacune un habit de Satin gaufré , d'une nouvelle
fabrique établie depuis peu au Village de
Bagnolet. Les Seigneurs qui étoient de la danfe ,
eurent auffi des habits & des veftes de même . Le
tout fut trouvé très - galant & d'un très - bon gout;il
y eut plufieurs danfes & contre- danfes qui furent
parfaitement bien executées par les jeunes Princeffes
& par les Dames & les Seigneurs qui eurent
l'honneur de danfer avec elles.
Le 25. du même mois , la jeune Princeſſe de
Bade , Niece du Duc d'Orleans , fe rendit au Palais
Royal pour rendre vifite à S. A. R. qui la
reçut très-gracieufement , & lui fit prefent d'une
magnifique Poupée, de la grandeur de cette jeune
Princeffe, ornée de Boucles d'oreilles de diamans,
de Papillons & autres ornemens de tête auffi en
brillans,avec plufieurs habits magnifiques pour la
Poupée. Les Princeffes d'Orleans ajoûterent à ce
Prefent plufieurs Bijoux très-galans , qui furent
mis dans les poches de la Poupée , laquelle étoit
accompagnée d'une Figure de Crocheteur en
I carton
2522 MERCURE DE FRANCE
carton , portant une Valife qui renfermoit diffe
rens habits & nipes pour l'ufage de la Poupée .
Le 7. le Marquis de Caftellar , nouvel Ambaffadeur
du Roi d'Efpagne, fe rendit aux Carmelites,
où il eut Audiance de la Reine Douairiere d'Efpagne
, qui le reçut très gracieufement . Ce Miniftre
témoigna à S. M. C. les affurances d'amitié
qu'il venoit lui faire de la part du Roi & de la
Reine d'Espagne.
Le 8.de ce mois , Madame d'Orleans , Abbeffe
de Chelles , alla à la Magdeleine de Trenel dîner
avec la Ducheffe d'Orleans fa mere & avec les
Princeffes fes Soeurs. L'après dîné , la Reine d'Eſpagne
s'y rendit auffi , & quelque tems après M. le.
Duc d'Orleans , accompagné du Duc de Chartres,
fon Fils , y arriva. Deforte que S. A. R. eut le
plaifir de voir dans la même journée preſque toure
fon augufte Famille raffemblée.
Le 25. Octobre , la jeune Princeffe de Bade ,
fille duMargrave de Bade Baden, & Niece du Duc
d'Orleans , partit de Paris pour s'en retourner
à Raftalt , en parfaite fanté. M. Petit , Chirurgien
Juré , Démonftrateur Royal & Membre
des Académies des Sciences de Paris & de Londres,
lui avoit extirpé à la joue une loupe d'une groffeur
prodigieufe, & avec tant de fuccès, que cette
Princeffe n'en fera pas même marquée ; auffi ar'elle
récompenfé noblement l'habile main qui a
fi bien operé, & a de plus fait preſent à M. Petit
d'un Neceffaire , c'est - à-dire , d'un affortiment
de tout ce qu'il convient pour faire & fervir du
Caffé , du Thé & du Chocolat , contenant differentes
pieces , comme Aiguére , Soucoupe , plufreurs
Pots , Taffes , Drageoires , Cuilliers , & c.
le tout en Vermeil doré , & Porcelaines de Drefde,
d'un prix confiderable & d'un travail exquis.
Cette Princeffe a donné à la Sacriſtie du Conyent
NOVEMBRE. 1730. 2523
went des Petites Cordelieres , où elle a occupé un
Appartement pendant fon féjour à Paris , un Baffin
& une Aiguiere d'argent , & a fait des préfens
à toutes les Religieafes , pour leur marquer fa
Latisfaction fur leurs foins & fur leurs attentions,
Le Roi a nommé le Duc de Saint- Aignan, Chevalier
des Ordres de S. M. Ambaffadeur à Rome.
Le 29. du mois dernier , le Marquis de Caſte-
Jar , Ambaffadeur Extraordinaire & Plenipotentiaire
du Roi d'Efpagne , eut fa premiere Audience
particuliere du Roi , de la Reine & de Monfeigneur
le Dauphin , étant conduit par le Chevalier
de Sainctot, Introducteur des Ambaſſadeurs.
Le 31. Octobre , veille de la Fête de tous les
Saints , le Roi revêtu du grand Collier de l'Ordre
du S. Efprit , fe rendit dans la Chapelle du
Château de Verſailles , où S. M. entendit la Meffe
& communia par les mains de l'Abbé de Choifeul
, fon Aumônier en quartier enfuite le Roi
toucha un grand nombre de Malades.
L'aprés midi , S. M. affifta dans la même Chapelle
aux premieres Vêpres chantées par la Mufique,
aufquelles l'Evêque d'Aire officla pontificalement.
Le premier de ce mois, jour de la Fête , le
Roi entendit la grande Meffe celebrée pontificalement
par l'Evêque d'Aire,& chantée par la Mufique.
L'aprés midi S. M. entendit le Sermon du
Pere Cotoner de la Compagnie de Jefus ; enfuite
les fecondes Vêpres qui furent chantéesS par la
Mufique , aufquelles le même Prélat officia. Le
Roi affitta aufli aux Vêpres des Morts.
Le même jour, la Reine entendit la Meffe dans la
même Chapelle, & S. M. communia par les mains
du Cardinal de Fleury , fon Grand- Aumônier .
Le 2. jour des Trépaffez , le Roi & la Reine entendirent
1 ij
2524 MERCURE DE FRANCE
tendirent la Meffe de Requiem , pendant laquelle
le De profundis fut chanté par la Mufique. Aprés
la Meffe , le Roi partit pour Rambouillet.
La Reine ayant voulu rendre à Dieu fes actions
de graces particulieres , de fon heureux
accouchement, & de la naiffarce de Monfeigneur
le Duc d'Anjou, S.M. vint le 6 de ce mois à l'Eglife
Métropolitaine de Paris . La Reine accompagnée
de Mademoiſelle de Clermont , Sur - Intendante
de Sa Maiſon , des Dames de fa Cour & de
fes principaux Officiers , arriva à midi à l'Eglife
Métropolitaine , où les détachemens des Régimens
des Gardes Françoifes & Suifles étoient en
haye & fous les armes. L'Archevêque de Paris ,
revêtu de fes habits Pontificaux & à la tête des
Chanoines , reçut la Reine à la porte de l'Eglife ,
avec les cérémonies accoutumées ; & après avoir
complimenté Sa Majefté , il la conduifit dans le
Choeur. La Reine y fit fa priere , & alla enfuite
à l'Autel de la Vierge entendre la Meffe , qui
fut dite par un de fes Chapelains.La Reine ayant
été reconduite à la porte de l'Eglife , avec les
mêmes cérémonies qui avoient été observées à
fon arrivée , S. M. partit pour retourner à Verfailles,
Le fi Novembre aprés midi, les RR.PP. de la
Compagnie de JESUS , firent avec beaucoup de
folemnité , dans leur Eglife de la Maiſon Profeffe
de Paris , qui étoit éclairée par un grand
nombre de lumieres , l'ouverture de l'Octave de
fa Fête de la Canonifation de S. Louis de Gonzague
& de S. Staniflas Koftka , de leur Compagnie.
Le lendemain l'Archevêque de Paris , à la
tête du Chapitre de l'Eglife Metropolitaine , fe
rendit à cette Eglife, & y célebra pontificalement
la Meffe , qui fut chantée à plufieurs choeurs de
mufique
NOVEMBRE . 1730. 2525
mufique. L'après midi , l'Evêque de Cifteron
prononça le Panegyrique de ces deux Saints avec
beaucoup d'éloquence , & l'Abbé de Gontault ,
Doyen du Chapitre , officia au Salut .
Les jours fuivans , differens Evêques y ont cé
lébré pontificalement la Meffe , & ont officié aux
Saluts .
Le 12 de ce mois , le Comte de Seefted , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy de Danemarc ,
eut , en long Manteau de deuil , une Audience
particuliere du Roy , dans laquelle il donna part
a S. M. de la mort du Roy de Danemarc , Frederic.
IV . Il fut conduit à cette Audience par le
Chevalier de Sainctot , Introducteur des Ambaf
fadeurs , qui le conduifit enfuite à l'Audience de
Ia Reine , & à celle de Monfeigneur le Dauphin.
Le 16. le Roy prit le deuil pour cette mort.
Le 19. le Roy & la Reine partirent de Verfailles
pour aller paffer quelques jours au Château
de Marly.
Le 13 , l'ouverture du Parlement fe fit avec les
céremonies accoutumées , par une Meffe folemnelle
, célébrée pontificalement dans la Grand'-
Salle du Palais , par l'Archevêque de Bourges , à
laquelle M. Portail , Pr. Préfident , & les Chambres
affifterent.
A la rentrée du Parlement de Dijon , à la faint
Martin , M. le Prefident de la Marche , qui eft
un jeune Magiftrat , né Orateur , s'étoit chargé
de faire le Difcours des Mercuriales & de l'Audience
publique , & il s'en acquitta parfaitement."
Le Difcours aux Chambres affemblées , fut pour
apprendre aux Officiers à ne pas juger par hu-
I. iij meur.
2526 MERCURE DE FRANCE
meur. Ce fujet parut nouveau & fut traité avec
toute la politeffe , la nobleffe & l'éloquence poffible,
ainfi que celui pour les Avocats , fur l'amour
de la verité ; & il finit par un éloge magnifique
du Roy & du Miniftere,
Le 14 , la Reine vint à Paris , & alla entendre
la Meffe dans l'Eglife de la Maiſon Profeffe des
Jefuites,à l'occafion de la Fête qu'on y célébroit.
S. M. accompagnée de Mademoiſelle de Clermont,
Sur- Intendante de Sa Maiſon , des Dames
de fa Cour , du Cardinal de Fleury , fon Grand
Aumônier , & de fes principaux Officiers , fut
reçûë à la porte de l'Eglife par le Pere Supérieur,
accompagné des Jefuites de la Maiſon , de ceux
du College de LoUIS LE GRAND , & de ceux du
Noviciat. Après que le P. Supérieur eut compli
menté la Reine par un Difcours auffi éloquent
que convenable à la piété de S. M. la Reine fut
Conduite dans le Sanctuaire , & elle y entendit la
Meffe , qui fut dite par un de fes Chapelains ;
pendant laquelle on chanta un Motet. S.M.ayant
été reconduite à la porte de l'Eglife avec les ceremonies
obfervées à ſon arrivée, elle ſe rendit au
Monaftere des Religieufes de l'Ave Maria , d'où
S. M. alla dîner au Palais des Thuilleries , après
avoir paflé par la Place Royale. La Reine trouva,
à l'Eglife des Jéfuites , à celle de l'Ave Maria
& au Palais des Thuilleries , les Gardes Françoifes
& Suiffes en haye & fous les Armes. L'après
midi , S. M. partit de Paris vers les quatre
heures , pour retourner à Verſailles , & s'arrêta
quelque temps au Couvent des Religieufes de
Sainte Marie de Chaillot.
> Le 22. de ce mois , la Fête de Sainte Cecile
fut celebrée avec éclat dans l'Eglife des Enfans.
Rouges
NOVEMBRE 1730. 2527
Rouges ; on y chanta une grande Meffe & les
Vêpres en Mufique & à grand choeur , de la.
compofition de l'Abbé Senefchal , qui fut genéralement
applaudie..
Le 25. là Lotterie de la Compagnie des Indes
pour le remboursement des Actions fut tirée en
la maniere accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie.
On a publié la Lifte des Numero des Actions
& dixièmes d'Actions qui feront rembourfées
, failant en tout le nombre de 3.00. Actions..
Le premier de ce mois , Fête de la Touffaint ,
il y eut Concert fpirituel au Château des Thuil--
leries. M. Mouret fit chanter Exultate jufti ,
Motet de M. de la Lande , fuivi d'un autre Motet
à deux Baffes - Tailles qui fut très gouté. Les
Dile, Erremens & . Petitpas chanterent avec applaudiffement
un petit Motet nouveau à deux
Deffus , de la compofiiion de M. Le Máire. La
Dile le Maure chanta Ufquequò , petit Moter
de M. Mouret , avec une grande préciſion. Le
Concert fut terminé par le Dixit Dominus de
M. de la Lande.
Le 2. jour des Morts , on exécuta le Divertiffement
de la Chaffe du Cerf . & plufieurs
Piéces de fimphonie , après lefquelles on chanta
le De profundis de M. de la Lande.
Il y a eu Concert François tous les Mercredis
de ce mois , dans lefquels on a chanté plufieurs
Divertiffemens de différens Maîtres , & tous les
Concerts ont toujours été terminés par un Mo.
tet à grands choeurs , de M. de la Lânde.
Le 4. de ce mois , M. de Blamont, Sur- Intendant
de la Mufique du Roi , fit chanter chez la
Reine le 4 & 5e Acte de l'Opera d'Amadis de
L. iiij Gaule;
2528 MERCURE DE FRANCE
Gaule ; La Dile Pitron chanta le Rôle d'Arcabonne
la Dle Lenner celui d'Oriane , le St
d'Angerville celui d'Archelaus & le Sr Guedon
remplit celui d'Amadis .
>
Le 12. on chanta un Divertiffement intitulé
Les Plaisirs de l'Hyver , de la compofition de
M. Capuce , Maître de Mufique de l'Académie
de Dijon , qui fut fort applaudi. Cet Auteur vient
de donner au Public un Livre de Piéces de Viole
qui eft fort goûté .
Le 15. on chanta un Divertiffement de M. de
Blamont qui a pour titre Le Retour des Dieux.
fur la Terre , lequel avoit été chanté devant
L. M. le jour de leur mariage à Fontainebleau.
Le 20. on chanta à Marli le Prologue & le
premier Acte du Balet des Fêtes Grecques &
Romaines de M. de Blamont ; les Dies Antier &
Le Maure chanterent les Rôles de Clio & d'Erato
, & le S d'Angerville celui d'Apollon , &
dans la Piéce les Diles Le Maure , Barbier & le
Noir remplirent les principaux les . La D'e
Pitron chanta enfuite un Air détaché .
Le 22. on chanta la fuite du fecond & du troifiéme
Acte , dans lefquels les Diles Antier , Lenner
& Barbier chanterent les principaux Rôles ,
& le S le Prince fit celui de Tibule.
une petite Fête à Bagnolet pour le Divertiffe
ment des deux Princeffes fes filles , à laquelle toutès
les Dames du Palais Royal & plufieurs autres
attachées à S. A. R. & aux Princeffes , fe trouverent
, de même que plufieurs Seigneurs attachés
à la Maifon d'Orleans . S. A. R. fit donner aux
Princeffes & aux Dames qui étoient du Souper ,
à chacune un habit de Satin gaufré , d'une nouvelle
fabrique établie depuis peu au Village de
Bagnolet. Les Seigneurs qui étoient de la danfe ,
eurent auffi des habits & des veftes de même . Le
tout fut trouvé très - galant & d'un très - bon gout;il
y eut plufieurs danfes & contre- danfes qui furent
parfaitement bien executées par les jeunes Princeffes
& par les Dames & les Seigneurs qui eurent
l'honneur de danfer avec elles.
Le 25. du même mois , la jeune Princeſſe de
Bade , Niece du Duc d'Orleans , fe rendit au Palais
Royal pour rendre vifite à S. A. R. qui la
reçut très-gracieufement , & lui fit prefent d'une
magnifique Poupée, de la grandeur de cette jeune
Princeffe, ornée de Boucles d'oreilles de diamans,
de Papillons & autres ornemens de tête auffi en
brillans,avec plufieurs habits magnifiques pour la
Poupée. Les Princeffes d'Orleans ajoûterent à ce
Prefent plufieurs Bijoux très-galans , qui furent
mis dans les poches de la Poupée , laquelle étoit
accompagnée d'une Figure de Crocheteur en
I carton
2522 MERCURE DE FRANCE
carton , portant une Valife qui renfermoit diffe
rens habits & nipes pour l'ufage de la Poupée .
Le 7. le Marquis de Caftellar , nouvel Ambaffadeur
du Roi d'Efpagne, fe rendit aux Carmelites,
où il eut Audiance de la Reine Douairiere d'Efpagne
, qui le reçut très gracieufement . Ce Miniftre
témoigna à S. M. C. les affurances d'amitié
qu'il venoit lui faire de la part du Roi & de la
Reine d'Espagne.
Le 8.de ce mois , Madame d'Orleans , Abbeffe
de Chelles , alla à la Magdeleine de Trenel dîner
avec la Ducheffe d'Orleans fa mere & avec les
Princeffes fes Soeurs. L'après dîné , la Reine d'Eſpagne
s'y rendit auffi , & quelque tems après M. le.
Duc d'Orleans , accompagné du Duc de Chartres,
fon Fils , y arriva. Deforte que S. A. R. eut le
plaifir de voir dans la même journée preſque toure
fon augufte Famille raffemblée.
Le 25. Octobre , la jeune Princeffe de Bade ,
fille duMargrave de Bade Baden, & Niece du Duc
d'Orleans , partit de Paris pour s'en retourner
à Raftalt , en parfaite fanté. M. Petit , Chirurgien
Juré , Démonftrateur Royal & Membre
des Académies des Sciences de Paris & de Londres,
lui avoit extirpé à la joue une loupe d'une groffeur
prodigieufe, & avec tant de fuccès, que cette
Princeffe n'en fera pas même marquée ; auffi ar'elle
récompenfé noblement l'habile main qui a
fi bien operé, & a de plus fait preſent à M. Petit
d'un Neceffaire , c'est - à-dire , d'un affortiment
de tout ce qu'il convient pour faire & fervir du
Caffé , du Thé & du Chocolat , contenant differentes
pieces , comme Aiguére , Soucoupe , plufreurs
Pots , Taffes , Drageoires , Cuilliers , & c.
le tout en Vermeil doré , & Porcelaines de Drefde,
d'un prix confiderable & d'un travail exquis.
Cette Princeffe a donné à la Sacriſtie du Conyent
NOVEMBRE. 1730. 2523
went des Petites Cordelieres , où elle a occupé un
Appartement pendant fon féjour à Paris , un Baffin
& une Aiguiere d'argent , & a fait des préfens
à toutes les Religieafes , pour leur marquer fa
Latisfaction fur leurs foins & fur leurs attentions,
Le Roi a nommé le Duc de Saint- Aignan, Chevalier
des Ordres de S. M. Ambaffadeur à Rome.
Le 29. du mois dernier , le Marquis de Caſte-
Jar , Ambaffadeur Extraordinaire & Plenipotentiaire
du Roi d'Efpagne , eut fa premiere Audience
particuliere du Roi , de la Reine & de Monfeigneur
le Dauphin , étant conduit par le Chevalier
de Sainctot, Introducteur des Ambaſſadeurs.
Le 31. Octobre , veille de la Fête de tous les
Saints , le Roi revêtu du grand Collier de l'Ordre
du S. Efprit , fe rendit dans la Chapelle du
Château de Verſailles , où S. M. entendit la Meffe
& communia par les mains de l'Abbé de Choifeul
, fon Aumônier en quartier enfuite le Roi
toucha un grand nombre de Malades.
L'aprés midi , S. M. affifta dans la même Chapelle
aux premieres Vêpres chantées par la Mufique,
aufquelles l'Evêque d'Aire officla pontificalement.
Le premier de ce mois, jour de la Fête , le
Roi entendit la grande Meffe celebrée pontificalement
par l'Evêque d'Aire,& chantée par la Mufique.
L'aprés midi S. M. entendit le Sermon du
Pere Cotoner de la Compagnie de Jefus ; enfuite
les fecondes Vêpres qui furent chantéesS par la
Mufique , aufquelles le même Prélat officia. Le
Roi affitta aufli aux Vêpres des Morts.
Le même jour, la Reine entendit la Meffe dans la
même Chapelle, & S. M. communia par les mains
du Cardinal de Fleury , fon Grand- Aumônier .
Le 2. jour des Trépaffez , le Roi & la Reine entendirent
1 ij
2524 MERCURE DE FRANCE
tendirent la Meffe de Requiem , pendant laquelle
le De profundis fut chanté par la Mufique. Aprés
la Meffe , le Roi partit pour Rambouillet.
La Reine ayant voulu rendre à Dieu fes actions
de graces particulieres , de fon heureux
accouchement, & de la naiffarce de Monfeigneur
le Duc d'Anjou, S.M. vint le 6 de ce mois à l'Eglife
Métropolitaine de Paris . La Reine accompagnée
de Mademoiſelle de Clermont , Sur - Intendante
de Sa Maiſon , des Dames de fa Cour & de
fes principaux Officiers , arriva à midi à l'Eglife
Métropolitaine , où les détachemens des Régimens
des Gardes Françoifes & Suifles étoient en
haye & fous les armes. L'Archevêque de Paris ,
revêtu de fes habits Pontificaux & à la tête des
Chanoines , reçut la Reine à la porte de l'Eglife ,
avec les cérémonies accoutumées ; & après avoir
complimenté Sa Majefté , il la conduifit dans le
Choeur. La Reine y fit fa priere , & alla enfuite
à l'Autel de la Vierge entendre la Meffe , qui
fut dite par un de fes Chapelains.La Reine ayant
été reconduite à la porte de l'Eglife , avec les
mêmes cérémonies qui avoient été observées à
fon arrivée , S. M. partit pour retourner à Verfailles,
Le fi Novembre aprés midi, les RR.PP. de la
Compagnie de JESUS , firent avec beaucoup de
folemnité , dans leur Eglife de la Maiſon Profeffe
de Paris , qui étoit éclairée par un grand
nombre de lumieres , l'ouverture de l'Octave de
fa Fête de la Canonifation de S. Louis de Gonzague
& de S. Staniflas Koftka , de leur Compagnie.
Le lendemain l'Archevêque de Paris , à la
tête du Chapitre de l'Eglife Metropolitaine , fe
rendit à cette Eglife, & y célebra pontificalement
la Meffe , qui fut chantée à plufieurs choeurs de
mufique
NOVEMBRE . 1730. 2525
mufique. L'après midi , l'Evêque de Cifteron
prononça le Panegyrique de ces deux Saints avec
beaucoup d'éloquence , & l'Abbé de Gontault ,
Doyen du Chapitre , officia au Salut .
Les jours fuivans , differens Evêques y ont cé
lébré pontificalement la Meffe , & ont officié aux
Saluts .
Le 12 de ce mois , le Comte de Seefted , Ambaffadeur
Extraordinaire du Roy de Danemarc ,
eut , en long Manteau de deuil , une Audience
particuliere du Roy , dans laquelle il donna part
a S. M. de la mort du Roy de Danemarc , Frederic.
IV . Il fut conduit à cette Audience par le
Chevalier de Sainctot , Introducteur des Ambaf
fadeurs , qui le conduifit enfuite à l'Audience de
Ia Reine , & à celle de Monfeigneur le Dauphin.
Le 16. le Roy prit le deuil pour cette mort.
Le 19. le Roy & la Reine partirent de Verfailles
pour aller paffer quelques jours au Château
de Marly.
Le 13 , l'ouverture du Parlement fe fit avec les
céremonies accoutumées , par une Meffe folemnelle
, célébrée pontificalement dans la Grand'-
Salle du Palais , par l'Archevêque de Bourges , à
laquelle M. Portail , Pr. Préfident , & les Chambres
affifterent.
A la rentrée du Parlement de Dijon , à la faint
Martin , M. le Prefident de la Marche , qui eft
un jeune Magiftrat , né Orateur , s'étoit chargé
de faire le Difcours des Mercuriales & de l'Audience
publique , & il s'en acquitta parfaitement."
Le Difcours aux Chambres affemblées , fut pour
apprendre aux Officiers à ne pas juger par hu-
I. iij meur.
2526 MERCURE DE FRANCE
meur. Ce fujet parut nouveau & fut traité avec
toute la politeffe , la nobleffe & l'éloquence poffible,
ainfi que celui pour les Avocats , fur l'amour
de la verité ; & il finit par un éloge magnifique
du Roy & du Miniftere,
Le 14 , la Reine vint à Paris , & alla entendre
la Meffe dans l'Eglife de la Maiſon Profeffe des
Jefuites,à l'occafion de la Fête qu'on y célébroit.
S. M. accompagnée de Mademoiſelle de Clermont,
Sur- Intendante de Sa Maiſon , des Dames
de fa Cour , du Cardinal de Fleury , fon Grand
Aumônier , & de fes principaux Officiers , fut
reçûë à la porte de l'Eglife par le Pere Supérieur,
accompagné des Jefuites de la Maiſon , de ceux
du College de LoUIS LE GRAND , & de ceux du
Noviciat. Après que le P. Supérieur eut compli
menté la Reine par un Difcours auffi éloquent
que convenable à la piété de S. M. la Reine fut
Conduite dans le Sanctuaire , & elle y entendit la
Meffe , qui fut dite par un de fes Chapelains ;
pendant laquelle on chanta un Motet. S.M.ayant
été reconduite à la porte de l'Eglife avec les ceremonies
obfervées à ſon arrivée, elle ſe rendit au
Monaftere des Religieufes de l'Ave Maria , d'où
S. M. alla dîner au Palais des Thuilleries , après
avoir paflé par la Place Royale. La Reine trouva,
à l'Eglife des Jéfuites , à celle de l'Ave Maria
& au Palais des Thuilleries , les Gardes Françoifes
& Suiffes en haye & fous les Armes. L'après
midi , S. M. partit de Paris vers les quatre
heures , pour retourner à Verſailles , & s'arrêta
quelque temps au Couvent des Religieufes de
Sainte Marie de Chaillot.
> Le 22. de ce mois , la Fête de Sainte Cecile
fut celebrée avec éclat dans l'Eglife des Enfans.
Rouges
NOVEMBRE 1730. 2527
Rouges ; on y chanta une grande Meffe & les
Vêpres en Mufique & à grand choeur , de la.
compofition de l'Abbé Senefchal , qui fut genéralement
applaudie..
Le 25. là Lotterie de la Compagnie des Indes
pour le remboursement des Actions fut tirée en
la maniere accoutumée à l'Hôtel de la Compagnie.
On a publié la Lifte des Numero des Actions
& dixièmes d'Actions qui feront rembourfées
, failant en tout le nombre de 3.00. Actions..
Le premier de ce mois , Fête de la Touffaint ,
il y eut Concert fpirituel au Château des Thuil--
leries. M. Mouret fit chanter Exultate jufti ,
Motet de M. de la Lande , fuivi d'un autre Motet
à deux Baffes - Tailles qui fut très gouté. Les
Dile, Erremens & . Petitpas chanterent avec applaudiffement
un petit Motet nouveau à deux
Deffus , de la compofiiion de M. Le Máire. La
Dile le Maure chanta Ufquequò , petit Moter
de M. Mouret , avec une grande préciſion. Le
Concert fut terminé par le Dixit Dominus de
M. de la Lande.
Le 2. jour des Morts , on exécuta le Divertiffement
de la Chaffe du Cerf . & plufieurs
Piéces de fimphonie , après lefquelles on chanta
le De profundis de M. de la Lande.
Il y a eu Concert François tous les Mercredis
de ce mois , dans lefquels on a chanté plufieurs
Divertiffemens de différens Maîtres , & tous les
Concerts ont toujours été terminés par un Mo.
tet à grands choeurs , de M. de la Lânde.
Le 4. de ce mois , M. de Blamont, Sur- Intendant
de la Mufique du Roi , fit chanter chez la
Reine le 4 & 5e Acte de l'Opera d'Amadis de
L. iiij Gaule;
2528 MERCURE DE FRANCE
Gaule ; La Dile Pitron chanta le Rôle d'Arcabonne
la Dle Lenner celui d'Oriane , le St
d'Angerville celui d'Archelaus & le Sr Guedon
remplit celui d'Amadis .
>
Le 12. on chanta un Divertiffement intitulé
Les Plaisirs de l'Hyver , de la compofition de
M. Capuce , Maître de Mufique de l'Académie
de Dijon , qui fut fort applaudi. Cet Auteur vient
de donner au Public un Livre de Piéces de Viole
qui eft fort goûté .
Le 15. on chanta un Divertiffement de M. de
Blamont qui a pour titre Le Retour des Dieux.
fur la Terre , lequel avoit été chanté devant
L. M. le jour de leur mariage à Fontainebleau.
Le 20. on chanta à Marli le Prologue & le
premier Acte du Balet des Fêtes Grecques &
Romaines de M. de Blamont ; les Dies Antier &
Le Maure chanterent les Rôles de Clio & d'Erato
, & le S d'Angerville celui d'Apollon , &
dans la Piéce les Diles Le Maure , Barbier & le
Noir remplirent les principaux les . La D'e
Pitron chanta enfuite un Air détaché .
Le 22. on chanta la fuite du fecond & du troifiéme
Acte , dans lefquels les Diles Antier , Lenner
& Barbier chanterent les principaux Rôles ,
& le S le Prince fit celui de Tibule.
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Résumé : « Le 23. Octobre, la Duchesse d'Orleans donna une petite Fête à Bagnolet pour le Divertissement [...] »
En octobre 1730, plusieurs événements marquants eurent lieu à la cour de France. Le 7 octobre, le Marquis de Castellar, nouvel ambassadeur d'Espagne, fut reçu par la Reine douairière d'Espagne. Le 8 octobre, Madame d'Orléans, Abbesse de Chelles, dîna avec la Duchesse d'Orléans et les Princesses, rejointes plus tard par la Reine d'Espagne et le Duc d'Orléans. Le 25 octobre, la Princesse de Bade, nièce du Duc d'Orléans, rendit visite au Palais Royal et reçut une poupée ornée en cadeau. La même journée, elle quitta Paris pour Rastatt après une opération réussie pour enlever une loupe à sa joue, récompensant le chirurgien avec un nécessaire en vermeil doré et porcelaine de Dresde. Le Roi nomma le Duc de Saint-Aignan ambassadeur à Rome. Le 29 octobre, le Marquis de Castellar eut sa première audience privée avec le Roi, la Reine et le Dauphin. Le 31 octobre, le Roi assista à la messe et communia à Versailles, touchant ensuite un grand nombre de malades. Les 1er et 2 novembre, le Roi et la Reine assistèrent à des messes et sermons à Versailles, incluant une messe de Requiem. Le 6 novembre, la Reine rendit grâce pour son accouchement à l'église métropolitaine de Paris. Le 11 novembre, les Jésuites célébrèrent la canonisation de Saint Louis de Gonzague et Saint Stanislas Kostka. Le 12 novembre, l'ambassadeur du Danemark informa le Roi de la mort du Roi Frédéric IV. Le 16 novembre, le Roi prit le deuil. Le 19 novembre, le Roi et la Reine se rendirent au Château de Marly. Le 13 novembre, le Parlement ouvrit avec une messe solennelle à Dijon, où un jeune magistrat prononça un discours sur l'humilité des juges. Le 14 novembre, la Reine assista à une messe chez les Jésuites et visita le monastère des Religieuses de l'Ave Maria avant de retourner à Versailles. Le 22 novembre, la fête de Sainte Cécile fut célébrée avec une grande messe et des vêpres. Le 25 novembre, la loterie de la Compagnie des Indes eut lieu. Divers concerts et divertissements musicaux furent organisés au Château des Tuileries et à Marly, incluant des motets et des opéras.
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28
p. 2965
MARIAGES des Païs Etrangers.
Début :
Le Mariage du Duc de Guastella, avec la Princesse Marie Eléonore de Holstein-Weissembourg [...]
Mots clefs :
Princesse, Baron, Prince, Reine
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texteReconnaissance textuelle : MARIAGES des Païs Etrangers.
MARIAGES
des Pais Etrangers.
LE Mariage du Duc de Guaftella , avec la Princeffe
Marie Eléonore de Holftein - Weiffembourg
a été conclu à Vienne depuis peu, avec l'agrément
de l'Empereur.
On mande de Turin que le Baron de Sthall
Confeiller Privé de l'Electeur Palatin , y étoit arrivé
avec les pleins pouvoirs du Prince hereditaire
de Sultzbach , pour la conclufion du Mariage de
ce Prince avec la Princeffe de Heffe - Rheinfels .
foeur de la Reine de Sardaigne, & de la Princeffe,
Epoufe du Duc de Bourbon ; que le 8 de ce mois
les articles de Mariage avoient été fignez par
cette Princeffe & par le Baron de Sthall , au nom
du Pr.'de Sultzbach , en prefence du Roy , de la
Reine de Sardaigne & des principaux Seigneurs
de la Cour , que le 9 , cet Envoyé avoit preſenté
à la Princeffe une Caffette pleine de Bijoux ; que
le. 20 , jour deſtiné pour la cérémonie dn mariage
, la Princeffe de Heffe , conduite par le Baron
de Sthall , s'étoit rendue à la grande Salle du Palais
, où l'Archevêque de Turin leur avoit donné
la Benediction nuptiale ; que le foir il y avoit eu
un Feftin, & enfuite un Bal magnifique dans l'ap
partement de la Princeffe de Sultzbach ; que le 21
elle avoit pris congé de L. M. & que le 22. elle
étoit partie pour fe rendre à Manheim,
des Pais Etrangers.
LE Mariage du Duc de Guaftella , avec la Princeffe
Marie Eléonore de Holftein - Weiffembourg
a été conclu à Vienne depuis peu, avec l'agrément
de l'Empereur.
On mande de Turin que le Baron de Sthall
Confeiller Privé de l'Electeur Palatin , y étoit arrivé
avec les pleins pouvoirs du Prince hereditaire
de Sultzbach , pour la conclufion du Mariage de
ce Prince avec la Princeffe de Heffe - Rheinfels .
foeur de la Reine de Sardaigne, & de la Princeffe,
Epoufe du Duc de Bourbon ; que le 8 de ce mois
les articles de Mariage avoient été fignez par
cette Princeffe & par le Baron de Sthall , au nom
du Pr.'de Sultzbach , en prefence du Roy , de la
Reine de Sardaigne & des principaux Seigneurs
de la Cour , que le 9 , cet Envoyé avoit preſenté
à la Princeffe une Caffette pleine de Bijoux ; que
le. 20 , jour deſtiné pour la cérémonie dn mariage
, la Princeffe de Heffe , conduite par le Baron
de Sthall , s'étoit rendue à la grande Salle du Palais
, où l'Archevêque de Turin leur avoit donné
la Benediction nuptiale ; que le foir il y avoit eu
un Feftin, & enfuite un Bal magnifique dans l'ap
partement de la Princeffe de Sultzbach ; que le 21
elle avoit pris congé de L. M. & que le 22. elle
étoit partie pour fe rendre à Manheim,
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Résumé : MARIAGES des Païs Etrangers.
Le texte décrit deux mariages de princes étrangers. Le premier est celui du Duc de Guaftella avec la Princesse Marie Eléonore de Holftein-Weiffembourg, approuvé par l'Empereur à Vienne. Le second concerne le mariage du Prince héritier de Sultzbach avec la Princesse de Heffe-Rheinfels, fille de la Reine de Sardaigne et sœur du Duc de Bourbon. Le Baron de Sthall, conseiller privé de l'Électeur Palatin, a représenté le Prince de Sultzbach à Turin. Le 8 du mois, les articles de mariage ont été signés en présence du Roi, de la Reine de Sardaigne et des principaux seigneurs de la cour. Le 9, le Baron a offert des bijoux à la Princesse. Le mariage a eu lieu le 20, bénit par l'Archevêque de Turin, suivi d'un festin et d'un bal. Le 21, la Princesse de Sultzbach a pris congé du Roi et est partie pour Manheim le 22.
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29
p. 790-792
MORTS, BAPTEMES, MARIAGES des Pays Etrangers.
Début :
Neophite Narry, Archevêque de Sedijana en Sorie, né à Alep [...]
Mots clefs :
Baptême, Alep, Le Levant, Missionnaire, Pape, Princesse, Cardinal
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texteReconnaissance textuelle : MORTS, BAPTEMES, MARIAGES des Pays Etrangers.
MORTS, BAPTEMES, MARIAGES
des Pays Etrangers.
Nophite Narry ,Archevêque de Sedijana en
Sorie , né Alep ,, et ancien Missionnaire
dans le Levant , mourut
le 24. de Fevrier , âgé de
62. ans ; il fut inhumé
le lendemain
avec beaucoup
de céremonie
dans l'Eglise du College de
Propaganda
fide , ou la Messe fut celebrée
, et
l'Abfoute
fut faite par M. Fouquet , Evêque Ti
tulaire d'Eleutheropolis
, et on celebra pendant
la
matinée
dans la même Eglise , des Messes
, suivant
les Rits Latin , Grec , Arménien
, Syriaque
,
Copthe
, Chaldéen
et Maronite
.
M. Nastri , Prelat Grec , Archevêque de Samarie
, qui a été pendant long- tems Missionnaire
dans le Levant , ayant été renversé par un des
Carosses du cortege le jour de l'Entrée publique
de l'Ambassadeur de Malte à Rome , mourut je
lendemain de ses blessures son corps qui a été
Exposé pendant quatre jours dans l'Eglise du
College
A V RIL. 1731. 791
College de Propaganda fide , rendant une sueur
qu'on disoit être d'une odeur douce et agréable ,
le Pape y envoya ses Medecins et ses Chirurgiens
pour l'examiner , et après qu'ils en ont eu fait
leur rapport à Sa Sainteté , ce corps a été inhumé
dans la même Eglise auprès de celui du feu
Cardinal de Tournon.
Le 23. Mars , le Duc Auguste Guillaume de
Brunswick Wolfembutel , mourut à Wolfembutel
, âgé de 69. ans et quinze jours , étant né le 8.
Mars 1662. ce Prince n'ayant point laissé d'enfans
des trois Princesses qu'il a épousées , le Duc
Louis Rodolphe de Brunswix Blankemberg , pere
de l'Imperatrice et de la Princesse , Epouse du
Duc Ferdinand Albert de Brunsvick Bevern , suçcede
à ses Etats.
La Princesse d'Anhalt , et Epouse du Comte
d'Hanau , soeur de la Reine d'Angleterre , est
morte sur la fin du mois dernier.
Le Cardinal Jacques Boncompagno , mourut
subitement à Rome le 24 , Mars dans sa soixantedix-
neuvième année,étant né les.Mai1652 . Il étoit
fils de Hugues Boncompagno troisiéme Duc de
Sora , mort au mois d'Octobre 1676. et de Dona
Marie Ruffo , fille de François Marie , second
Duc de Bagnara. Il étoit frere du Duc de Sora ,
set beaufrere de la Princesse Piombino. Le Pape
Innocent XII. le fit Cardinal dans le Consistoire
du 12. Decembre 1695. et dans un des Consistoires
suivans , Sa Sainteté lui donna le titrs
de Sainte Marie in via lata. Ce Cardinal étoit
Archevêque de Bologne et Evêque d'Albano ; il
avoit séance dans les Congrégations des Evêques
et Reguliers , du Concile et de la visite Apostolique.
Son corps fut porté le lendemain dans l'Eglise
de Sainte Brigite , où il fut mit en dépôt,
Il a fait un Testament par lequel il laisse 300c,
Ecus
792 MERCURE DE FRANCE
Ecus à ses Domestiques , et un Tableau de grand
prix à Sa Sainteté. Il fait quelques legs de vaisselle
d'argent au Duc de Friano et à la Princesse
de Piombino , et il institue le Duc de Sora heritier
de tous ses biens. 11 vaque par cette mort un
septiéme lieu dáus le Sacré College.
Le 28. le Corps du Cardinal Boncompagno fur
transporté dans l'Eglise de S. André della Valle ,
où il fut inhumé avec beaucoup de cérémonie.
des Pays Etrangers.
Nophite Narry ,Archevêque de Sedijana en
Sorie , né Alep ,, et ancien Missionnaire
dans le Levant , mourut
le 24. de Fevrier , âgé de
62. ans ; il fut inhumé
le lendemain
avec beaucoup
de céremonie
dans l'Eglise du College de
Propaganda
fide , ou la Messe fut celebrée
, et
l'Abfoute
fut faite par M. Fouquet , Evêque Ti
tulaire d'Eleutheropolis
, et on celebra pendant
la
matinée
dans la même Eglise , des Messes
, suivant
les Rits Latin , Grec , Arménien
, Syriaque
,
Copthe
, Chaldéen
et Maronite
.
M. Nastri , Prelat Grec , Archevêque de Samarie
, qui a été pendant long- tems Missionnaire
dans le Levant , ayant été renversé par un des
Carosses du cortege le jour de l'Entrée publique
de l'Ambassadeur de Malte à Rome , mourut je
lendemain de ses blessures son corps qui a été
Exposé pendant quatre jours dans l'Eglise du
College
A V RIL. 1731. 791
College de Propaganda fide , rendant une sueur
qu'on disoit être d'une odeur douce et agréable ,
le Pape y envoya ses Medecins et ses Chirurgiens
pour l'examiner , et après qu'ils en ont eu fait
leur rapport à Sa Sainteté , ce corps a été inhumé
dans la même Eglise auprès de celui du feu
Cardinal de Tournon.
Le 23. Mars , le Duc Auguste Guillaume de
Brunswick Wolfembutel , mourut à Wolfembutel
, âgé de 69. ans et quinze jours , étant né le 8.
Mars 1662. ce Prince n'ayant point laissé d'enfans
des trois Princesses qu'il a épousées , le Duc
Louis Rodolphe de Brunswix Blankemberg , pere
de l'Imperatrice et de la Princesse , Epouse du
Duc Ferdinand Albert de Brunsvick Bevern , suçcede
à ses Etats.
La Princesse d'Anhalt , et Epouse du Comte
d'Hanau , soeur de la Reine d'Angleterre , est
morte sur la fin du mois dernier.
Le Cardinal Jacques Boncompagno , mourut
subitement à Rome le 24 , Mars dans sa soixantedix-
neuvième année,étant né les.Mai1652 . Il étoit
fils de Hugues Boncompagno troisiéme Duc de
Sora , mort au mois d'Octobre 1676. et de Dona
Marie Ruffo , fille de François Marie , second
Duc de Bagnara. Il étoit frere du Duc de Sora ,
set beaufrere de la Princesse Piombino. Le Pape
Innocent XII. le fit Cardinal dans le Consistoire
du 12. Decembre 1695. et dans un des Consistoires
suivans , Sa Sainteté lui donna le titrs
de Sainte Marie in via lata. Ce Cardinal étoit
Archevêque de Bologne et Evêque d'Albano ; il
avoit séance dans les Congrégations des Evêques
et Reguliers , du Concile et de la visite Apostolique.
Son corps fut porté le lendemain dans l'Eglise
de Sainte Brigite , où il fut mit en dépôt,
Il a fait un Testament par lequel il laisse 300c,
Ecus
792 MERCURE DE FRANCE
Ecus à ses Domestiques , et un Tableau de grand
prix à Sa Sainteté. Il fait quelques legs de vaisselle
d'argent au Duc de Friano et à la Princesse
de Piombino , et il institue le Duc de Sora heritier
de tous ses biens. 11 vaque par cette mort un
septiéme lieu dáus le Sacré College.
Le 28. le Corps du Cardinal Boncompagno fur
transporté dans l'Eglise de S. André della Valle ,
où il fut inhumé avec beaucoup de cérémonie.
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Résumé : MORTS, BAPTEMES, MARIAGES des Pays Etrangers.
Le texte relate divers événements concernant des décès, des baptêmes et des mariages dans plusieurs pays étrangers. L'archevêque de Sedijana en Syrie, Nophite Narry, né à Alep et ancien missionnaire dans le Levant, est décédé le 24 février à l'âge de 62 ans. Il a été inhumé le lendemain avec cérémonie dans l'église du Collège de Propaganda fide. M. Nastri, prélat grec et archevêque de Samarie, ancien missionnaire dans le Levant, est mort des suites de blessures causées par un carrosse lors de l'entrée publique de l'ambassadeur de Malte à Rome. Son corps a été exposé pendant quatre jours dans l'église du Collège de Propaganda fide avant d'être inhumé auprès du cardinal de Tournon. Le duc Auguste Guillaume de Brunswick-Wolfenbüttel est décédé à Wolfenbüttel le 23 mars à l'âge de 69 ans. Le duc Louis Rodolphe de Brunswick-Blankenberg lui a succédé. La princesse d'Anhalt, épouse du comte d'Hanau et sœur de la reine d'Angleterre, est morte à la fin du mois précédent. Le cardinal Jacques Boncompagno, archevêque de Bologne et évêque d'Albano, est décédé subitement à Rome le 24 mars à l'âge de 69 ans. Son corps a été inhumé avec cérémonie à l'église de Saint-André della Valle. Sa mort a laissé vacant un septième siège au Sacré Collège.
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30
p. 1374-1378
ITALIE.
Début :
MR. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin, et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi [...]
Mots clefs :
Cardinal, Terres du roi de Sardaigne, Convent de Capucins, Naples, Princesse, Conseil collatéral
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ITALIE.
ITALI E.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans ,cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
M
R. Guillelmi qu'on avoit envoyé à Turin ,
et qui n'a pû entrer sur les Terres du Roi
de Sardaigne , est revenu à Rome , et on a sçu
par lui , que ce Prince avoit déffendu à tous les
Evêques de ses Etats de sacrer aucun Prêtre sans
sa permission.
Le Cardinal Cienfuego a eu une Audience par
ticuliere du Pape , dans laquelle il lui donna part
que l'Empereur avoit obtenu de la Czarine la
permission de faire construire à Moscou un Con
vent de Capucins, avec une Eglise , et que les Sei
gneurs et Dames de la Cour de Vienne contri
buoient à cet établissement.
On mande de Naples , qu'on y a tenu depuis
peu un Conseil Collateral pour dresser un Mé
moire au sujet des procedures faites par le Non
ce du Pape contre le Cardinal Coscia , et l'on fit
partir le même jour un Courrier pour porter ce
Memoire à Vienne, Ce Cardinal est présente
1. Vol ment
JUI N. 1731 1375
par
ment logé chez le Duc de Monte- Calvo Pigna
telli : il a reçu un ordre décerné la Congre
gation de Non Nullis , et approuvé par le Pape ,
qui lui deffend d'entrer dans aucune Eglise.
On écrit de Génes , que le Patron d'une Bar
que qui y est arrivée de Naples , a rapporté que
le Cardinal Coscia étoit parti Incognito pour
Manfredonia , d'où il devoit passer par Mera
Venise, pour se rendre ensuite à Vienne , et y sol
Ficiter la protection de l'Empereur.
La Princesse Altiery que le Pape avoit nom
mée pour aller à Parme assister aux Couches de
la Duchesse Douairiere de Parme , ayant prié
S. S. de l'en dispenser , le Pape a nommé en sa
place la Comtesse Caprara.
La Congrégation du Bon Gouvernement est
occupée à examiner un Projet qui a été presenté
au Pape par le Cardinal Lambertini,pour rendre
franc le Port d'Ancone ; mais la Republique de
Venise et celle de Génes ont chargé leurs Minis
tres de faire tous leurs efforts pour empêcher que
ce Projet ne soit approuvé.
Le 12. May , le Pape nomma à l'archevêché
de Benevent M. Doria , dont la place de Maître
de Chambre du Pape a été donnée à M. Pallavi
cini , Nonce à Florence.
d'aller
Les Religieuses du Monastere de S. Ambroise
ont enfin obtenu,aprés beaucoup de sollicitations,
la confirmation du Bref du feu Pape , qui leur
fois l'année visiter les qua
permet quatre
tre principales Eglises de Rome.
L'Abbé Guella , qui , quoyque Piémontois ,
a écrit en faveur du S. Siege contre son Souve
rain , a obtenu de S. S. une Pension de 20 Ecus
par mois , assignés sur les revenus propres à la
Maison Corsini.
I Is Vol.
Les
H iij
1376 MERCURE DE FRANCE
Les Lettres de Turin portent que le Roy de
Sardaigne avoit fait sequestrer les revenus des:
Benefices situés dans ses Etats , dont est revêtu
Je Neveu du Cardinal Imperiali : parceque ce
Cardinal a paru se conduire avec trop de partia
lité contre ce Prince. Day
On mande aussi de Turin que le Roy Victor
'Amedée étoit parfaitement rétabli de sa derniere
'maladie , qu'il étoit dans le dessein d'aller faire
sa résidence à Rivoli , parceque l'Air de Cham
bery est contraire à sa Santé .
Les mêmes Lettres portent qu'on avoit arrê
té depuis peu cinq Personnes de consideration
par rapport aux differends du Roi de Sardaigne
avec le S. Siege.
Les Lettres de Génes portent , que la Répu
blique avoit obtenu de l'Empereur, un secours.
de Troupes , pour réduire les Rebelles de l'Isle
de Corse , où il y étoit arrivé depuis peu une
Tartane inconnue , qui y avoit débarqué 56.
quintaux de Poudre et 3000. Fusils . Ces Lettres,
ajoutent , que depuis la Prise de la Tour de Saint
Florent , les Rebelles avoient formé le Blocus de
la Ville de Culvi. I >
On écrit de Naples, que le 5. May , le Clergé
Séculier et Régulier de cette Ville , assista l'après
midi à la Procession Solemnelle qu'on fait
tous les ans à pareil jour , à l'occasion de la Fête
de la Translation de Saint Janvier , principal
Patron de cette Ville , dont le Sang fut posé sur
un Autel magnifique qu'on avoit élevé sous un
Dais , dans le Quartier de Capouë. Le Viceroy
la Comtesse d'Arrach son Epouse , et la princi
pale Noblesse y assisterent pour voir la liquefac
tion du Sang de ce Saint , lorsqu'on l'approche.
de son chef ; mais ce Miracle n'arriva pas non .
2
plus
JUIN. 1731 . 251377
plus que le lendemain. Le 7. il se fit à l'ordinaire
dans la Chapelle du Trésor , où l'Ambassadeur
de la République de Venise se rendit avec un
grand nombre d'Etrangers.
}
La Ville de Foggia , située dans la Capita
Aate , Province de la Pouille ; au Royaume de
Naples , est une des plus considerables de cette
Contrée. Elle a essuye dans les Siécles passez di
vers malheurs : elle a été sujette aux invasions
des Barbares , prise par les Sarrazins , saccagée
par les Soldats de Manfrede , brûlée et démante
lée par ce Roy : Elle a souffert à diverses reprises,
la Famine et la Peste : Elle a été déchirée par des
divisions intestines ; mais tous ces malheurs ne
sçauroient être mis en parallele avec celui dont
elle vient d'être accablée par un Tremblement de
Terre , qui est arrivé le 20. Mars dernier ,
dont nous avons déja parlé assez au long , qui
en a renversé ou ébranlé tous les Edifices , fait
perir sous les ruines un grand nombre de Per
sonnes , et réduit le reste des Habitans à une ex
trême misere.
et
La premiere secousse se fit sentir vers les qua
tres heures du matin ; elle fut si violente et si
promte , que la plupart des Edifices furent ren
-versez , et plusieurs personnes ensévelies sous les
ruines , avant que les Habitans se fussent presque
apperçus qu'il y eût un Tremblement de Terre.
Cette premiere secousse dura cinq minutes : une
Minute après , on en sentit une seconde aussi vio
lente ; l'eau des puits , quoique profonds de 30
à 40 pieds , sortit par le haut , et inonda les en
virons.
On ne sçauroit exprimer l'épouvante dont les
Habitans furent saisis pendant ces deux secous
ses ; ceux qui eurent le bonheur de n'être pas
1. Vol.
H in écra -
1378 MERCURE DE FRANCE
f
écrasés sous les chutes des Maisons , se sauverent
précipitemment , sans pouvoir rien emporter . Les
nuages épais causés par la poussiere , ` la confu
sion de la nuit , l'embarras des décombres , les
cris et les gémissemens de ceux qui à demi ense
velis demandoient du secours,augmentoient l'hor
reur dont ils étoient saisis . A la pointe du jour
ils se virent dans la Plaine , hommes , femmes
et enfans , tous presque nuds la clarté du So
leil éclaira leur misere , & la fit sentir plus vive
ment . Peu de tems après , une trosiéme secousse,
aussi violente que les deux premieres acheva de
renverser cette malheureuse Ville.A mesure que le
jour augmentoit , les cris et les gémissemens des
Habitans redoubloient ; ce qui rendoit leur mi
sere encore plus sensible , fut un froid.
perçants,
dont ils étoient transis , n'ayant aucun vêtement
pour se couvrir.
"
On ne sçauroit donner un détail des Maisons
renversées ; il suffira de dire que le Convent des
Capucins , celui du Conservatoire des Repenties ,
et le Palais de l'Evêque ,avec quelque peu de Mai
sons sur la Place Majeure ,sont les seuls Edificesqui
soient restés sur pied ; tous les autres ayant été
renversez , ou tellement ruinez, qu'ils sont inhabi
tables. On fait monter à près de 2000. le nom
bre des personnes ensevelis sous les ruines ;
et on compte qu'il y a cû ce jour - là et les jours
suivans ,cinquante secousses de Tremblement.
de Terre.
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Résumé : ITALIE.
En juin 1731, plusieurs événements politiques et religieux ont marqué l'Italie et les États voisins. À Turin, M. Guillelmi, représentant papal, est retourné à Rome après avoir été empêché d'entrer en Sardaigne. Il a rapporté que le roi de Sardaigne avait interdit aux évêques de ses États de sacrer des prêtres sans son autorisation. Le cardinal Cienfuegos a informé le pape que l'empereur avait obtenu la permission de la czarine de construire un couvent de Capucins à Moscou, avec le soutien de la cour de Vienne. À Naples, un conseil a été réuni pour préparer un mémoire concernant les procédures du nonce papal contre le cardinal Coscia, logé chez le duc de Monte-Calvo Pignatelli et interdit d'entrer dans les églises. Des rumeurs suggèrent que le cardinal Coscia se serait rendu incognito à Manfredonia avant de se diriger vers Vienne. Le pape a nommé la comtesse Caprara pour remplacer la princesse Altieri à Parme. La Congrégation du Bon Gouvernement examine un projet du cardinal Lambertini pour rendre le port d'Ancone franc, malgré l'opposition des républiques de Venise et de Gênes. Le pape a également nommé M. Doria à l'archevêché de Benevent et M. Pallavicini comme maître de chambre. Les religieuses du monastère de Saint-Ambroise ont obtenu la confirmation d'un bref papal leur permettant de visiter les principales églises de Rome. L'abbé Guella, un Piémontais ayant écrit en faveur du Saint-Siège, a reçu une pension du pape. À Turin, le roi de Sardaigne a séquestré les revenus des bénéfices du neveu du cardinal Imperiali en raison de la partialité de ce dernier. Le roi Victor-Amédée, rétabli de sa maladie, prévoit de résider à Rivoli. Cinq personnes de considération ont été arrêtées en lien avec les différends entre le roi de Sardaigne et le Saint-Siège. À Gênes, la république a obtenu des troupes de l'empereur pour réprimer les rebelles en Corse. À Naples, une procession solennelle a eu lieu pour la fête de la Translation de Saint Janvier, mais le miracle de la liquéfaction de son sang n'a pas eu lieu. Enfin, la ville de Foggia, en Pouille, a été dévastée par un tremblement de terre le 20 mars, causant la destruction de nombreux bâtiments et la mort de milliers de personnes. Les habitants ont été terrifiés par les secousses et les conditions météorologiques froides.
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31
p. 1382-1383
MORTS ET MARIAGES des Pays Etrangers.
Début :
Violente-Beatrix de Baviere, Veuve de Ferdinand de Medicis, Prince hereditaire de [...]
Mots clefs :
Princesse, Duchesse
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texteReconnaissance textuelle : MORTS ET MARIAGES des Pays Etrangers.
MORTS ET MARIAGES.
des Pays Etrangers.
V
Iolente- Beatrix de Baviere , Veuve de Fer
dinand de Medicis , Prince hereditaire de
Toscane , mourut à Florence le 30. de May ,
âgée de 58. ans , quatre mois et sept jours ;
étant née le 23. Janvier 1673. Cette Princesse
qui étoit fille de Ferdinand Marie , Electeur de
Baviere , mort le 16. May. 1679. et d'Adelaïde
Henriette de Savoye , morte le 18. Mars 1678..
étoit soeur de feuë Madame la Dauphine , ayeu
le du Roy Tr. Chr. et du feu Electeur de Bavie
re Maximilien Marie Emanuel.
La Duchesse de la Ferie , Mere du Duc de la
Ferie , Pair de France , mourut à Londres le 5 .
Juin dans un âge fort avancé.
Don Alphonse Escobar , Lieutenant Géneral
J. Vali
des.
JUIN
7383 1731
des Armées du Roy d'Espagne , est mort depuis
peu à Badajoz , âgé de 96. ans , dont il en avoit
servi 76. dans les Troupes.
Le 3 Juin , le Prince François Hugues de
Nassau Siegen, de la Branche Catholique, épousa:
à Barteinstein , le Comtesse Leopoldine Hohen
hoe Barteinstein , fille du Comte de ce nom , qui
a été cy-devant Juge de la Chambre Imperiale
deWetzlar.
des Pays Etrangers.
V
Iolente- Beatrix de Baviere , Veuve de Fer
dinand de Medicis , Prince hereditaire de
Toscane , mourut à Florence le 30. de May ,
âgée de 58. ans , quatre mois et sept jours ;
étant née le 23. Janvier 1673. Cette Princesse
qui étoit fille de Ferdinand Marie , Electeur de
Baviere , mort le 16. May. 1679. et d'Adelaïde
Henriette de Savoye , morte le 18. Mars 1678..
étoit soeur de feuë Madame la Dauphine , ayeu
le du Roy Tr. Chr. et du feu Electeur de Bavie
re Maximilien Marie Emanuel.
La Duchesse de la Ferie , Mere du Duc de la
Ferie , Pair de France , mourut à Londres le 5 .
Juin dans un âge fort avancé.
Don Alphonse Escobar , Lieutenant Géneral
J. Vali
des.
JUIN
7383 1731
des Armées du Roy d'Espagne , est mort depuis
peu à Badajoz , âgé de 96. ans , dont il en avoit
servi 76. dans les Troupes.
Le 3 Juin , le Prince François Hugues de
Nassau Siegen, de la Branche Catholique, épousa:
à Barteinstein , le Comtesse Leopoldine Hohen
hoe Barteinstein , fille du Comte de ce nom , qui
a été cy-devant Juge de la Chambre Imperiale
deWetzlar.
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Résumé : MORTS ET MARIAGES des Pays Etrangers.
Le texte mentionne plusieurs décès et un mariage de personnalités notables. La princesse Violente-Beatrix de Bavière, veuve de Ferdinand de Médicis, prince héritier de Toscane, est décédée à Florence le 30 mai à l'âge de 58 ans. Elle était la fille de Ferdinand Marie, électeur de Bavière, et d'Adélaïde Henriette de Savoie, ainsi que la sœur de la défunte dauphine et la grand-tante du roi Louis XV et de l'électeur de Bavière Maximilien Emmanuel. La duchesse de La Ferté, mère du duc de La Ferté, pair de France, est morte à Londres le 5 juin à un âge avancé. Don Alphonse Escobar, lieutenant général des armées du roi d'Espagne, est décédé récemment à Badajoz à l'âge de 96 ans, après 76 années de service militaire. Le 3 juin, le prince François Hugues de Nassau Siegen, de la branche catholique, a épousé à Barteinstein la comtesse Léopoldine Hohenloe-Barteinstein, fille du comte de ce nom et ancien juge de la Chambre impériale de Wetzlar.
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32
p. 1974-1977
EPITAPHE de Madame de Brunswic.
Début :
PASSANT, arrêtez- vous ici , et respectez un nom qui ressent la Majesté. Cy git [...]
Mots clefs :
Princesse, Majesté, Race, Couronnes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITAPHE de Madame de Brunswic.
EPITAPHE de Madame de Brunswic.
PASSANT , arrêtez- vous ici , et respectez
un nom qui ressent la Majesté. Cy git
la Serenissime Princesse BENEDICTINE
fille
A OUS T. 1731
1975
Alle d'Edouard , frere de Charles - Louis,
Electeur , Comte Palatin du Rhin , Duc
de Baviere , Comte de Zell et d : Spanheim
, et d'Anne de Gonzague de Nevers,
Epouse de Jean- Frederic , Duc de Brunswic
et de Lunebourg , et mere de Caroline
- Felicité , mariée à Renaud d'Este ,
Duc de Modene, et de l'Auguste Princesse
AMELIE WILHELMINE veuve de
JOSEPH I. Empereur des Romains .
·
SON ancienne Race a pris naissance
parmi les Couronnes , elle s'est multipliée
avec les Sceptres , elle s'est agrandie sur
les Trônes. Illustrée par l'éclat de sa vertu,
encore plus que par celui qu'elle a reçû
de ses Peres , et répanduë de tous côtez
avec une gloire peu commune , elle fait
douter également à l'Antiquité et à la
Posterité , si elle a plus reçû de ses Ancêtres
, ou plus transmis à ses Descendans.
Passant , respectez donc cette Princesse,
le modele de la Femme Forte , l'exemple
d'une Princesse vrayèment Chrétienne
laquelle ayant reçû du Ciel un naturel
heureux , a fait admirer en sa Personne
un merveilleux assemblage de vertus
d'affection pour les siens , de bonté pour
ses Domestiques , de bienveillance pour
tous ceux qui dépendoient d'elle , et d'affabilité
dans le commerce de la vie.
DI
1976 MERCURE DE FRANCE
DEMANDEZ à Dieu pour cette grande
Princesse , BENITE de nom et d'effet , le
repos éternel et la Compagnie des Saints ,
puisque vous trouvez en elle un Miroir de
Pieté, un Exemple de Probité, l'ornement
et le modele de ce caractere noble et grand
qu'elle avoit reçû de ses Ayeux .
SEMBLABLE à une personne qui dort
paisiblement , elle est morte de la mort
des Justes , le x11. du mois d'Août ,
l'An de la Nativité de J. C. M. DCC. XXX.
âgée de plus de LXXIX. ans.
Nous avons parlé en son tems de la
Mort du celebre M. Newton ; voici l'Epitaphe
qu'on vient de graver sur son
Tombeau dans l'Eglise de Westminster.
H. S. E ..
ISAACUS NEWTON , Eques Auratus ,
Qui animi vi propè divinâ
Planetarum motus , figuras ,
>
Cometarum Semitas , Oceanique æstus
Sua Mathesi facem præferente ,
Primus démonstravit ;
Radiorum lucis dissimilitudines ,
Colorumque inde nascentium proprietates.
Quas nemo ante suspicatus erat ; pervestigavit.
Naturæ , Antiquitatis , S. Scripturæ
Sedulus
A O UST. 1731. 1977
Sedulus , sagax , fidus Interpres.
Dei O.M.Majestatem Philosophiâ aperuit,
Evangelii simplicitatem moribus expressit
Sibi gratulentur Mortales ,
Tale , tantumque extitissé ,
HUMANI GENERIS DECUS.
Nat. XXV. Dec. A. D. M. DC. LII
Obiit MAR. XX . M. DCC . XXV I.
PASSANT , arrêtez- vous ici , et respectez
un nom qui ressent la Majesté. Cy git
la Serenissime Princesse BENEDICTINE
fille
A OUS T. 1731
1975
Alle d'Edouard , frere de Charles - Louis,
Electeur , Comte Palatin du Rhin , Duc
de Baviere , Comte de Zell et d : Spanheim
, et d'Anne de Gonzague de Nevers,
Epouse de Jean- Frederic , Duc de Brunswic
et de Lunebourg , et mere de Caroline
- Felicité , mariée à Renaud d'Este ,
Duc de Modene, et de l'Auguste Princesse
AMELIE WILHELMINE veuve de
JOSEPH I. Empereur des Romains .
·
SON ancienne Race a pris naissance
parmi les Couronnes , elle s'est multipliée
avec les Sceptres , elle s'est agrandie sur
les Trônes. Illustrée par l'éclat de sa vertu,
encore plus que par celui qu'elle a reçû
de ses Peres , et répanduë de tous côtez
avec une gloire peu commune , elle fait
douter également à l'Antiquité et à la
Posterité , si elle a plus reçû de ses Ancêtres
, ou plus transmis à ses Descendans.
Passant , respectez donc cette Princesse,
le modele de la Femme Forte , l'exemple
d'une Princesse vrayèment Chrétienne
laquelle ayant reçû du Ciel un naturel
heureux , a fait admirer en sa Personne
un merveilleux assemblage de vertus
d'affection pour les siens , de bonté pour
ses Domestiques , de bienveillance pour
tous ceux qui dépendoient d'elle , et d'affabilité
dans le commerce de la vie.
DI
1976 MERCURE DE FRANCE
DEMANDEZ à Dieu pour cette grande
Princesse , BENITE de nom et d'effet , le
repos éternel et la Compagnie des Saints ,
puisque vous trouvez en elle un Miroir de
Pieté, un Exemple de Probité, l'ornement
et le modele de ce caractere noble et grand
qu'elle avoit reçû de ses Ayeux .
SEMBLABLE à une personne qui dort
paisiblement , elle est morte de la mort
des Justes , le x11. du mois d'Août ,
l'An de la Nativité de J. C. M. DCC. XXX.
âgée de plus de LXXIX. ans.
Nous avons parlé en son tems de la
Mort du celebre M. Newton ; voici l'Epitaphe
qu'on vient de graver sur son
Tombeau dans l'Eglise de Westminster.
H. S. E ..
ISAACUS NEWTON , Eques Auratus ,
Qui animi vi propè divinâ
Planetarum motus , figuras ,
>
Cometarum Semitas , Oceanique æstus
Sua Mathesi facem præferente ,
Primus démonstravit ;
Radiorum lucis dissimilitudines ,
Colorumque inde nascentium proprietates.
Quas nemo ante suspicatus erat ; pervestigavit.
Naturæ , Antiquitatis , S. Scripturæ
Sedulus
A O UST. 1731. 1977
Sedulus , sagax , fidus Interpres.
Dei O.M.Majestatem Philosophiâ aperuit,
Evangelii simplicitatem moribus expressit
Sibi gratulentur Mortales ,
Tale , tantumque extitissé ,
HUMANI GENERIS DECUS.
Nat. XXV. Dec. A. D. M. DC. LII
Obiit MAR. XX . M. DCC . XXV I.
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Résumé : EPITAPHE de Madame de Brunswic.
L'épitaphe de Madame de Brunswic honore la Sérénissime Princesse Bénédictine, née en 1731 et décédée en 1775. Elle était la fille d'Édouard, frère de Charles-Louis, Électeur et Comte Palatin du Rhin, Duc de Bavière, et d'Anne de Gonzague de Nevers. Madame de Brunswic était l'épouse de Jean-Frédéric, Duc de Brunswic et de Lunebourg, et la mère de Caroline-Félicité, mariée à Renaud d'Este, Duc de Modène, et de la Princesse Amélie-Wilhelmine, veuve de Joseph Ier, Empereur des Romains. L'épitaphe met en avant son illustre lignée et son éclat dû à sa vertu. Elle est décrite comme une femme forte et une princesse chrétienne, connue pour son affection, sa bonté, sa bienveillance et son affabilité. Elle est morte paisiblement le 11 août 1770 à l'âge de plus de 79 ans. Le texte mentionne également la mort de M. Newton, né le 25 décembre 1642 et décédé le 20 mars 1727. Newton est loué pour ses contributions scientifiques et sa piété, ayant démontré les mouvements des planètes, les trajectoires des comètes, et les propriétés de la lumière. Il est décrit comme un interprète fidèle de la nature, de l'antiquité et des Saintes Écritures, et comme un modèle de simplicité évangélique.
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33
p. 2438-2439
POLOGNE.
Début :
On mande de l'Ukraine, que le Comte Kalzinski, Regimentaire, avoit fait rendre [...]
Mots clefs :
Ukraine, Cosaques, Crimée, Princesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
ر
N mande de l'Ukraine , que le Comte
Kalzinski , Regimentaire , avoit fait rendre
les Chevaux et les Bestiaux que les Cosaques
avoient enlevés sur les frontieres ; que ces
Brigands étoient environnez par l'Armée du
Kan des Tartares de Crimée , qui avoit résolu
de les réduire à la derniere extrêmité , pour se
vanger de plusieurs insultes qu'ils ont faites à
ses sujets , et de l'Assassinat d'un de ses principaux
Officiers ; qu'à l'arrivée du Kan dans l'U
Krainė
OCTOBRE. 1731 .
1731. 2439
>
kraine , le General des Cosaques , nomané Maloczivicez
, étoit allé se jetter à ses pieds pour
lui demander pardon au nom de toute sa Nation
et lui offrir une satisfaction convenable ,
avec 11. Cosaques pour être ses Esclaves ; mais
que toutes ses offres ayant été rejettées , ce General
avoit envoyé des Députez à la Czarine
pour lui offrir de mettre toute la Nation des
Cosaques sous sa protection , et de lui payer
un tribut
et qu'en attendant la réponse de
cette Princesse les principales Familles des
Cosaques s'étoient retirées dans des Bois de la
Pologne , mais qu'on y avoit envoyé quelques
Compagnies franches pour les en chasser .
ر
N mande de l'Ukraine , que le Comte
Kalzinski , Regimentaire , avoit fait rendre
les Chevaux et les Bestiaux que les Cosaques
avoient enlevés sur les frontieres ; que ces
Brigands étoient environnez par l'Armée du
Kan des Tartares de Crimée , qui avoit résolu
de les réduire à la derniere extrêmité , pour se
vanger de plusieurs insultes qu'ils ont faites à
ses sujets , et de l'Assassinat d'un de ses principaux
Officiers ; qu'à l'arrivée du Kan dans l'U
Krainė
OCTOBRE. 1731 .
1731. 2439
>
kraine , le General des Cosaques , nomané Maloczivicez
, étoit allé se jetter à ses pieds pour
lui demander pardon au nom de toute sa Nation
et lui offrir une satisfaction convenable ,
avec 11. Cosaques pour être ses Esclaves ; mais
que toutes ses offres ayant été rejettées , ce General
avoit envoyé des Députez à la Czarine
pour lui offrir de mettre toute la Nation des
Cosaques sous sa protection , et de lui payer
un tribut
et qu'en attendant la réponse de
cette Princesse les principales Familles des
Cosaques s'étoient retirées dans des Bois de la
Pologne , mais qu'on y avoit envoyé quelques
Compagnies franches pour les en chasser .
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Résumé : POLOGNE.
En 1731, en Pologne, le Comte Kalzinski a récupéré des chevaux et du bétail volés par les Cosaques aux frontières de l'Ukraine. Les Cosaques étaient encerclés par l'armée du Kan des Tartares de Crimée, qui cherchait à les punir pour des insultes et l'assassinat d'un de ses officiers. À l'arrivée du Kan en Ukraine, le général des Cosaques, Maloczivicez, s'est jeté à ses pieds pour demander pardon et a offert une satisfaction ainsi que 11 Cosaques comme esclaves. Ces offres ayant été rejetées, Maloczivicez a envoyé des députés à la Czarine pour proposer de placer les Cosaques sous sa protection et de lui payer un tribut. En attendant la réponse, les principales familles cosaques se sont réfugiées dans des bois en Pologne, mais des compagnies franches y ont été envoyées pour les en chasser.
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34
p. 2665-2666
MORTS, NAISSANCES, & Mariages.2265
Début :
La Princesse Proscovie Jwanewna, sœur de la Czarine mourut à Moscou le 19 du [...]
Mots clefs :
Princesse, Archiduchesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS, NAISSANCES, & Mariages.2265
MORTS ,
NAISSANCES ,
L
&
Mariages.
A Princesse Proscovie Jwanewna , soeur de
la Czarine mourut à Moscou le 19 du
mois dernier , dans la 37. année de son âge.
>
La Princesse Jeanne - Christine- Amelie , née
Comtesse de Promniz , Epouse du Prince Auguste
Louis d'Anhalt-Cothen accoucha à
Francfort le 26 d'Octobre , d'un Prince , qui
à été nommé Frederic- Armand .
Le 4. Novembre , l'Archiduchesse , Epouse
du Prince Electoral de Saxe , accoucha à Dresde
d'une Princesse , qui fut baptisée le même jour ,
et nommée Caroline.
La nommée Sara- Fuch , femme d'un Marinier
de Roterbilh , accoucha le io Novembre de
trois enfans , deux mâles et une fille , qui furent
baptisés , et le lendemain d'un autre enfant mâle
qui étoit mort.
Le Lord Jean Russel , épousa à Londres le 227
d'Octobre , Mylady Diane Spencer chez la Duchesse
Douairiere de Marlborough , qui , à cette
occasion , donna un répas magnifique , où l'on
ne se servit que d'assiettes , de plats et de fourchettes
d'or. Cette Dame a eû 30000 livres ster
lings en mariage , et la Duchesse de Marlborough,
sa grande Mere, lui a encore assuré 100
mille livres sterlings après sa mort.
Le Margrave Frederick Ernest , frere du Margrave
2666 MERCURE DE FRANCE
grave de Culmbach Bareith , de la Reine de
Dannemarc , et de la Princesse d'Oestfrise , a été
fiancé à Brunswick avec la Princesse Christine-
Sophie , fille du Duc Ernest Ferdinand de Bruns
wuick-Beveren et de la Princesse Eleonore→
Charlotte de Curlande..
NAISSANCES ,
L
&
Mariages.
A Princesse Proscovie Jwanewna , soeur de
la Czarine mourut à Moscou le 19 du
mois dernier , dans la 37. année de son âge.
>
La Princesse Jeanne - Christine- Amelie , née
Comtesse de Promniz , Epouse du Prince Auguste
Louis d'Anhalt-Cothen accoucha à
Francfort le 26 d'Octobre , d'un Prince , qui
à été nommé Frederic- Armand .
Le 4. Novembre , l'Archiduchesse , Epouse
du Prince Electoral de Saxe , accoucha à Dresde
d'une Princesse , qui fut baptisée le même jour ,
et nommée Caroline.
La nommée Sara- Fuch , femme d'un Marinier
de Roterbilh , accoucha le io Novembre de
trois enfans , deux mâles et une fille , qui furent
baptisés , et le lendemain d'un autre enfant mâle
qui étoit mort.
Le Lord Jean Russel , épousa à Londres le 227
d'Octobre , Mylady Diane Spencer chez la Duchesse
Douairiere de Marlborough , qui , à cette
occasion , donna un répas magnifique , où l'on
ne se servit que d'assiettes , de plats et de fourchettes
d'or. Cette Dame a eû 30000 livres ster
lings en mariage , et la Duchesse de Marlborough,
sa grande Mere, lui a encore assuré 100
mille livres sterlings après sa mort.
Le Margrave Frederick Ernest , frere du Margrave
2666 MERCURE DE FRANCE
grave de Culmbach Bareith , de la Reine de
Dannemarc , et de la Princesse d'Oestfrise , a été
fiancé à Brunswick avec la Princesse Christine-
Sophie , fille du Duc Ernest Ferdinand de Bruns
wuick-Beveren et de la Princesse Eleonore→
Charlotte de Curlande..
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Résumé : MORTS, NAISSANCES, & Mariages.2265
Le texte relate plusieurs événements familiaux au sein de la noblesse européenne. La Princesse Proscovie Jwanewna, sœur de la Czarine, est décédée à Moscou à l'âge de 37 ans. La Princesse Jeanne-Christine-Amélie, Comtesse de Promniz et épouse du Prince Auguste Louis d'Anhalt-Cothen, a donné naissance à un prince nommé Frédéric-Armand à Francfort. L'Archiduchesse, épouse du Prince Électeur de Saxe, a accouché d'une princesse nommée Caroline à Dresde. Sara Fuch, femme d'un marinier de Roterbilh, a donné naissance à trois enfants, dont un est décédé le lendemain. Le Lord Jean Russel a épousé Mylady Diane Spencer à Londres, avec une dot de 30 000 livres sterling et une assurance de 100 000 livres sterling après le décès de la Duchesse de Marlborough. Le Margrave Frederick Ernest, frère du Margrave de Culmbach Bareith, de la Reine de Dannemarc et de la Princesse d'Oestfrise, s'est fiancé à Brunswick avec la Princesse Christine-Sophie, fille du Duc Ernest Ferdinand de Brunswick-Beveren et de la Princesse Éléonore-Charlotte de Curlande.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 600-601
MORT ET MARIAGES.
Début :
Le Cardinal Prosper Marefoschi, Vicaire de Rome et Cardinal Prêtre [...]
Mots clefs :
Cardinal, Princesse, Tsar
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texteReconnaissance textuelle : MORT ET MARIAGES.
MORT ET MARIAGES.
LR
E Cardinal Prosper Marefoschi , Vicaire de,
Rome et Cardinal Prêtre , du Titre de Sainte
Calixte , mourut à Rome le 24 Février , dans la
78e année de son âge , étant né à Macerata le
29 Septembre 1653. son Corps fut inhumé le
lendemain dans l'Eglise de sainte Marie de Lo
rette ; et le 27 , le Cardinal Guadagni , Evêque
d'Arezzo et neveu du Pape,fut nommé à sa place ,
Vicaire General de Rome.
Le ro Mars , vers les 7 heures du soir , la Cere
monie des Fiançailles du Prince Royal de Prusse
avec la Princesse Elizabeth- Christine de Beveren,
qui est dans la 17me année de son âge , se fit à
Berlin en presence de L.M. et des Princes et Princesses de la Famille Royale,du Duc et de la Duchesse de Beveren, et du Prince leur fils. Après le
souper, qui fut servi sur une Table de 300 cou
verts , on recommença le Bal , qui avoit été ouvert avant le souper par le Prince Royal et la Princesse de Beveren.
1
On a appris de Vienne , que M. Von- Holm ,
Envoyé du Duc d'Holstein , avoit eu une Audiance particuliere de l'Empereur , dans laquelle
on assure qu'il a fait part à S. M. Imp. de la résoluSabote Prenk
MARS. 1732. 601
solution que ce Prince a prise d'épouser en secondes nôces sa belle soeur la Princesse Elizabeth
de Moscovie , fille du feu Czar Pierre I et de la feu Czarine Catherine.
LR
E Cardinal Prosper Marefoschi , Vicaire de,
Rome et Cardinal Prêtre , du Titre de Sainte
Calixte , mourut à Rome le 24 Février , dans la
78e année de son âge , étant né à Macerata le
29 Septembre 1653. son Corps fut inhumé le
lendemain dans l'Eglise de sainte Marie de Lo
rette ; et le 27 , le Cardinal Guadagni , Evêque
d'Arezzo et neveu du Pape,fut nommé à sa place ,
Vicaire General de Rome.
Le ro Mars , vers les 7 heures du soir , la Cere
monie des Fiançailles du Prince Royal de Prusse
avec la Princesse Elizabeth- Christine de Beveren,
qui est dans la 17me année de son âge , se fit à
Berlin en presence de L.M. et des Princes et Princesses de la Famille Royale,du Duc et de la Duchesse de Beveren, et du Prince leur fils. Après le
souper, qui fut servi sur une Table de 300 cou
verts , on recommença le Bal , qui avoit été ouvert avant le souper par le Prince Royal et la Princesse de Beveren.
1
On a appris de Vienne , que M. Von- Holm ,
Envoyé du Duc d'Holstein , avoit eu une Audiance particuliere de l'Empereur , dans laquelle
on assure qu'il a fait part à S. M. Imp. de la résoluSabote Prenk
MARS. 1732. 601
solution que ce Prince a prise d'épouser en secondes nôces sa belle soeur la Princesse Elizabeth
de Moscovie , fille du feu Czar Pierre I et de la feu Czarine Catherine.
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Résumé : MORT ET MARIAGES.
En février et mars 1732, plusieurs événements notables ont eu lieu. À Rome, le cardinal Prosper Marefoschi, Vicaire de Rome et Cardinal Prêtre du Titre de Sainte Calixte, est décédé le 24 février à l'âge de 78 ans. Il a été inhumé le lendemain dans l'église de Sainte Marie de Lorette. Le cardinal Guadagni, Évêque d'Arezzo et neveu du Pape, a été nommé à sa succession en tant que Vicaire Général de Rome le 27 février. À Berlin, le 1er mars, les fiançailles du Prince Royal de Prusse avec la Princesse Elizabeth-Christine de Beveren, âgée de 17 ans, ont été célébrées en présence des souverains, des membres de la famille royale, et des Duc et Duchesse de Beveren ainsi que leur fils. Après un souper et un bal, la cérémonie s'est conclue par une danse ouverte par le Prince Royal et la Princesse de Beveren. À Vienne, M. Von Holm, Envoyé du Duc d'Holstein, a informé l'Empereur de la décision du Duc d'Holstein d'épouser en secondes noces la Princesse Elizabeth de Moscovie, fille du défunt Czar Pierre I et de la défunte Czarine Catherine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 1678-1705
SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Début :
Don Rodrigue flottant entre la crainte et l'esperance, se [...]
Mots clefs :
Rival, Don Alphonse, Don Pedro, Delmire, Don Rodrigue, Princesse, Amour, Prince jaloux, Lettres, Amant, Lit, Appartement, Couronne de Valence, Héritier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
SUITE de l'Histoire DU PRINCE
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
D
JALOUX.
ON Rodrigue flottant entre la crain
te et l'esperance , se hâte d'aller rejoindre l'irritée Delmire,pour ne lui donner pas le temps de s'affermir dans les
fâcheuses dispositions où sa jalousie l'a- voit mise contre lui. Delmire accablée
d'une douleur mortelle , s'étoit renfermée dans son appartement , avec ordre
de n'y laisser entrer que D. Rodrigue. Ce
Prince aussi amoureux que jaloux, ne tarda
guére à s'y rendre il n'y entra qu'en
tremblant ; les pleurs dont il trouva le visage de sa chere Princesse tout inondé , et
ses soupirs , qu'elle sembloit plutôt adresser au ciel qu'à son Amant , lui firent
sentir à quel point il l'avoit offensée. Il
se jetta à ses pieds , et y demeura longtemps sans pouvoir proferer un seul mot.
Delmire fut la premiere à rompre le silence » Eh bien ! lui dit- elle , êtes- vous
>> assez convaincu de mon innocence ? et
» venez-vous me demander par quel gen-
» re de peine je dois vous faire expier
votre crime ? J'ai merité la mort , lui
» répondit Don Rodrigue , et je viens
> expi-
AOUST. 17320 1679
expirer à vos genoux ; mais si un cri
>> me que l'amour seul fait commettre,
» peut exciter la pitié , suspendez un mo-
>> ment une colere plus terrible pour moi
»que la mort même, et daignez examiner » les circonstances dont a été accompa-
>>gné ce même crime que vous allez
»nir. Eh ! quel autre que moy ne fut pas
>> devenu coupable? Qui n'eût pas cru que
pucette fatale Lettre , que le destin jaloux
»de mon repos, a fait tomber entre mes
»mains , s'addressoit à unRival secret ?
»Arrêtez, interrompit Delmire, vous par-
»lez icy le langage de tous les coupables ;
»ils ne manquent jamais d'attribuer au
·29
1
»destin les fautes dont on les accuse , et
»dont ils sont les premiers Auteurs. Je
>> conviens , poursuivit - elle , que cette
moitié de Lettre, qui vous a fait concevoir des soupçons si injurieux à ma gloire, auroit pû induire en erreur les cœurs .
les moins susceptiblés de jalousie , elle
»étoit de ma main ; elle s'addressoit à un
»Amant qui est en Arragon , tandis que
>>vous étiez dans Valence ; la signature
»présentoit à vos yeux la moitié de mon
»nom ; en un mot , toutes ces circons
>>tances , dont vous attendez votre justi-
»fication , le sort les avoient combinées
d'une maniere à vous rendre le plus jaAiiij loux
1680 MERCURE DE FRANCE
·
loux de tous les hommes ; mais n'avez-
»vous pas été le premier instrument de
Votre perte ? Quel Démon , l'ennemi de
»votre repos et du mien vous a porté à
faire intercepter cette Lettre , qui a fait
»en même temps votre crime et votre
supplice. N'accusez donc plus le destin,
il ne vous a fait commettre un second
crime que pour vous punir du premier.
>>Vous m'aviez déja soupçonnée , avant
que le hazard vous donnat de nouvelles
»défiances ; le destin les a plutôt confir-
» mées , qu'il ne les a fait naître , et je ne
» puis vous en punir avec trop de ri-
» gueur.
»
D. Rodrigue ne put disconvenir qu'il
ne fut allé lui-même au- devant de son
malheur. Puisque vous justifiez le destin , lui dit Delmire , d'un ton de voix.
» radouci ; c'est à la pitié ou plutôt à l'A-
» mour à vous justifier dans mon cœur ;
>> mais je crains bien que vous n'ayez sou-
» vent besoin de cette indulgence , et que
>> toute ma vie ne se passe à vous par-
» donner , parce que vous ne cesserez ja-
» mais de m'offenser. Le Prince amoureux
n'oublia rien pour la rassurer sur l'avenir ; mais il retomba bien- tôt dans le crime dont il venoit d'obtenir le pardon :
Voicy ce qui contribua à le rendre encore
criminel. Don
ན AOUST. 1732. 1681
Don Pedre, Frere de Delmire , avoit
souvent entendu parler de la jalousie de
Don Rodrigue; il n'avoit consenti à la
paix qu'aux pressantes instances de sa
sœur ; mais il l'aimoit trop pour vouloir
la rendre malheureuse ; l'amour fraternel
F'emporta dans son cœur sur la dignité
Royale , et le fit descendre jusqu'à se travestir , pour s'instruire par lui- même de
ce qui se passoit entre ces deux Amans
que l'hymen devoit unir. Le Roy de Valence ne l'avoit jamais vû; il n'avoit confié son dessein qu'à Florent ; ainsi tout
lui répondoit de l'incognito qu'il vouloit
garder dans la Cour de son beau frere
futur. Il n'y fut pas plutôt arrivé , que
Florent , à la faveur d'une nuit des plus
obscures , le conduisit à l'appartement
de Delmire ; cependant cela ne fut pas
assez secret , pour échapper à l'attention
de ce même confident , que nous avons
appellé Octave , et qui , comme nous l'avons déja dit , recherchoit la faveur de
son maître, aux dépens de son repos ; il
courut faire part de sa découverte à Don
Rodrigue.
963
Que devint ce Prince à un indice si peu
douteux de l'infidelité de Delmire ? Ce
n'étoit plus une Lettre équivoque, c'étoit
un Rival introduit la nuit dans l'appar
A v tement
1682 MERCURE DE FRANCE
tement d'une Princesse qu'il devoit épouser dans peu de jours. Cependant la promesse qu'il venoit de lui faire de n'être
plus jaloux , ne laissa pas de lui faire
craindre d'encourir sa disgrace éternelle ;
il ne voulut s'en fier qu'au rapport de ses
yeux , et ce fut dans cette pensée qu'il se
laissa guider par Octave jusqu'à l'appar
tement de Delmire.
Cette Princesse avoit déja reconnu son
cher Frere , qui l'avoit informée du dessein qui l'amenoit à Valence. Il l'a pria
de supprimer les noms de Frere et de Roi,
et de ne l'appeller qu'Evandre. Dom Rodrigue n'arriva qu'à la fin de leur conversation , oùFlorent étoit présent ; il prê
ta une oreille attentive , et entendit ces
mots , qui ne le laisserent plus douter de
son malheur. » Il est temps , dit Delinire
» à Florent, que mon cher Evandre se re-
»pose , allez le conduire dans la cham-
»bre la plus secrette demon appartement,
et prenez garde qu'aucun ne le voïe en-
>> trer ; je ferai tout ce qu'il vous plaît ,
» répondit le faux Evandre ; c'est à vous
»de me commander , ct à moi de vous
obeïr , lui répliqua Delmire ; l'amour
que j'ai pour vous , ajouta D. Pedro
Vous donne un droit suprême sur tou-
»tes mes volontez. Adieu , ma chere
» Delmire ,
7
A OUST. 1732. 1683
»Delmire , je me retire , pour n'être pas
» découvert.
A ces mots , Florent conduisit le Roy
d'Arragon dans l'appartement de Delmire; l'entretien qu'elle avoit eu avec son
Frere , s'étoit passé.dans une avant cour
et sans lumiere , comme l'entre- vûë le
demandoit. Elle alloit rentrer après lui ::
-97 Arrêtez , lui dit D. Rodrigue ; ne vous.
»pressez pas tant d'aller joüir d'un repos
>> que vous ôtez aux autres ; pourvû que
»ce ne soit que l'amour qui vous empê
» che d'être tranquille , lui répondit Delmire , je ne m'en plaindrai pas ; mais si
>> c'est encore la jalousie qui vous rend
»aussi agité que vous le paroissez , je ne
vous le pardonnerai de ma vie. Vous
"parlez de pardonner , reprit D. Rodri
" gue , quand c'est - à- yous à demander:
»grace ? Perfide que vous êtes ! préten 23. dez-vous démentir mes oreilles ? Mais
» c'est trop perdre de temps en discours ;
» il périra, cet heureux Evandre que vous
» me préferez , et je cours immoler cette
» premiere victime à mon juste ressenti-
»ment. A ces mots, il s'avança vers l'en
>> droit par où son prétendu Rival s'étoit
>> retiré: Juste- ciel ! s'écria Delmire ; de-
>> meurez ; qu'allez-vous faire ? quel sang
allez-vous répandre ? Non , non ; - lui
A vj » répon
1684 MERCURE DE FRANCE
❤
répondit le furieux Rodrigue, je ne puis
» assez- tôt le verser , ce sang qui doit m'ê-
» tre d'autant plus odieux , que l'amour
» vous le rend cher. Je frémis , lui dit la
»tremblante Delmire , en le retenant ,
» autant que sa foiblesse le lui pouvoit
»permettre ; mais son furieux Amant
n'eût pas beaucoup de peine à se déro-
» ber d'entre ses bras. Il couroit rapido-
» ment à sa vengeance , lorsque D.Pedro,
>> attiré par les cris de sa sœur , s'avança ,
l'épée à la main pour la secourir , sans
»sçavoir contre qui il devoit la deffendre.
Dans quelle affreuse situation se trouva
pour lors la malheureuse Delmire ; les
deux hommes que l'Amour er le sang lui
rendoient les plus chers ,
étoient prêts
périr l'un par l'autre. Quel parti pren- dre ? Elle n'en eut point d'autre que de
se précipiter entre les deux Epées. Ar-
» rête , s'écria t- elle , impétueux Amant
» et commence par me percer le cœur , si
» tu veux aller jusqu'à celui de mon Frere.
» Votre Frere , lui dit Rodrigue , en bais-
» sant la pointe de son épée par terre ; ô
»destin , quel sang m'allois-tu faire répandre ?
à
Ce terrible spectacle devint touchant :
par le repentir de Rodrigue ; peu s'en fallut qu'il ne se prosternât aux pieds de Dom
1
AOUST. 17; 2. 1681
Dom Pedro pour lui demander cette mort qu'il avoit voulu lui donner.
» Je suis plus coupable que vous, lui ré-
» pondit le Roy d'Arragon ; mon dégui-
» sement a causé votre erreur , mais vous
» devez le pardonner aux interêts du
» sang. J'ai voulu sçavoir de la propre
>> bouche de ma sœur , si cet hymen que
» vous m'avez assuré devoit faire votre
» bonheur , ne seroit pas un malheur
pour elle ; j'avois déja appris à quel ex-
» cès alloit votre amour pour Delmire ,
» et j'en suis plus convaincu que jamais
" par mes propres yeux. Je vous entends,
» Seigneur, lui répondit D. Rodrigue ;
» vous allez vous joindre à l'irritée Del-
» mire , pour me faire un crime de cet
» excès d'amour , et pour m'en punir par
la privation de ce que j'ai de plus cher ;
» j'attends l'Arrêt de ma mort déclaré ;
» je l'ai trop bien méritée , poursuivit-il
» en se jettant aux pieds de Delmire, mais
» n'y employez que vous- même , ajouta-
» t-il , en lui présentant son épée , et per-
>> cez un cœur plus malheureux encore
» qu'il n'est coupable.
Tout l'attendrissement de la triste Delmire n'auroit pas sauvé son Amant des
justes reproches qu'elle lui auroit pû faire , mais la conjoncture favorisoit le criminel ;
1686 MERCURE DE FRANCE
minel ; la Princesse n'osa faire connoître
au Roy son Frere tous les sujets de plainte qu'elle avoit eus précedemment , de
peur de lui donner de l'éloignement pour
un hymen qu'elle souhaitoit,autant qu'elle le craignoit. Elle ordonna à Rodrigue
de se lever , sans prononcer ni sa grace ,
ni sa condamnation ; elle se contenta de
jetter un profond soûpir que son Amant
attribua plus à sa douleur qu'à son amour..
D. Pedro lui donna une explication plus
favorable ; il ne douta point de la tendresse de sa sœur pour son Amant , et
n'imputa son silence qu'à sa modestie. Je
ne veux plus differer votre union , dit- il
à Rodrigue et à Delmire ; si toutes les jalousies du Roy de Valence étoient aussi
bien fondées qne celle- ci , il y auroit de
Pinjustice à s'en plaindre. Le hazard a pro
duit dans son cœur des mouvemens dont
la sagesse même auroit eu peine à se deffendre , et toute l'estime que j'ai pour
la Duchesse du Tirol ne seroit pas à l'épreuve d'une pareille aventure. Il ne me
refte plus , continua- t- il en s'addressant
au Roy de Valence , qu'à vous donner
des preuves de ma sincerité en vous déclarant mon Hymen , secret avec l'aimale Princesse dont je viens de vous par
er ; j'ai eu des raisons de politique pour
lev
AOUST. 1732 1687
pas
le cacher ; mais ces raisons ne doivent
aller jusqu'à tromper un Prince avec
qui je prétends être uni à jamais ; l'amour
me paroît assez puissant sur votre cœur
pour n'y laisser point de place à l'ambition , et je suis persuadé que dans l'Hymen qui va donner la paix à nos Peuples , vous envisagez plutôt la possession
de Delmire , que la brillante succession
qui lui appartiendroit par le droit de la
naissance , si le ciel me laissoit mourir
sans posterité. » Non, répondit D. Ro-
»drigue , tous les Empires du monde ne
>> sçauroient balancer dans mon cœur lese
>> charmes de l'adorable Delmire , et puis
» que je l'obtiens , je n'ai plus rien à dé-
>> sirer.
Alphonse lui renouvella les assurances
de son bonheur, et le pria seulement de
vouloir bien le differer jusqu'à l'arrivée
de la Duchesse du Tirol , qu'il vouloit
faire reconnoître Reine d'Arragon dans
le même jour où sa seeur. seroit déclarée
Reine de Valence. Delmire n'osa s'opposer ouvertement à la volonté de son Pere;
mais comme elle étoit tendrement aimée
de la Duchesse du Tirol , qu'elle attendoit incessamment; elle se promit d'ob
tenir , par son moïen , les délais dont elle
avoit encore besoin pour éprouver D. Ro
drigue.
Nous
1688 MERCURE DE FRANCE
Nous avons parlé au commencement
de cette Histoire de deux Lettres , que
ces deux tendres amies s'étoient écrites ;
la Princesse du Tirol n'avoit point fait
part de la sienne au Roy son époux , et
vouloit se reserver le plaisir de le surprendre. Cela ne tarda guére d'arriver , et ce
fut justement un nouveau piége que la
fortune tendit au jaloux Rodrigue , pour
le faire retomber dans cette espece de
frénesie qui l'avoit déja rendu si coupable
aux yeux de Delmire. Cette capricieuse
Déesse avoit arrêté qu'il le deviendroit
trois fois presque dans le cours d'une
même journée.
L'incertitude où Delmire l'avoit laissé
ne lui permit pas de joüir du repos oùla
nuit invite toute la nature ; son insomnie
causée par le trouble dont il étoit agité ,
l'obligea à se lever quelques heures après
qu'il se fut couché; et conduit par son
amour, ou par son mauvais génie, il porta
ses pas vers cette fatale Galerie, où sa derniere Scene, avec Delmire etle Roy d'Arragon s'étoit passée; c'étoit- là que la fortune lui en gardoit une derniere plus funeste encore.
A peine y avoit - il resté quelques momens au milieu des tenebres , occupé de
sa derniere aventure , qu'il fut tiré de sa
profon-
AOUST. 1732 1689
profonde réverie , par un éclat de rire qui
partoit de la Chambre de Delmire. Cette
joïe qui regnoit chez son Amante , tandis
qu'il étoit accablé de douleur , ne lui fit
que trop entendre qu'on ne l'aimoit pas
assez pour partager ses chagrins ; il s'approcha pour mieux distinguer les voix ,
mais elles furent interrompues par de
nouveaux éclats de rire , qui acheverent
de le picquer. » Que vous êtes heureuse ,
» dit-il tout bas , insensible Delmire , de
» pouvoir passer si subitement de la dou-
» leur au plaisir ? A cette douloureuse réfléxion il succeda un désir curieux ; l'ap
partement de Delmire étoit éclairé , D.Rodrigue voulut voir à travers la Serrure ce
qui se passoit chez son Amante , qui pût
donner lieu à cette joye immodérée. Quel
spectacle pour un Jaloux ! Il vit sa Prin
cesse entre les bras d'un jeune Cavalier ;
quel nouveau trouble s'empara de son
cœur à cette fatale vûë! La raison fit la
place à la fureur ; aucun respect ne le retint plus ; il frappa à la porte , et ordonna qu'on l'ouvrit , d'un ton de maître irrité.
Delmire ne douta point que ce ne fut-là
un nouvel accès de jalousie ; et prenant
son parti sur le champ , elle pria le Cavalier de se cacher pour quelques momens ,
ct
1690 MERCURE DE FRANCE
et fit ouvrir la porte au furieux Don Ro
drigue.
A peine fut-il entré , qu'il porta ses
yeux égarez de toutes parts , et ne trouvant plus l'objet de sa rage , il l'a déchargea toute entiere sur Delmire, qu'il
accabla des injures les plus sanglantes. La
Princesse garda un long silence , pour
voir jusqu'à quel excès pouvoit se répandre la fureur d'un Amant jaloux. Ce silence parut si injurieux à D. Rodrigue
que sa rage en prit de nouvelles forces ;
les reproches devenoient toujours plus
outrageans. » C'en est assez , lui dit Del-
»mire , avec une modération qui l'irrita
» encore davantage j'ai voulu voir de
» quels traits la jalousie pourroit peindre
»aux yeux d'un Amant, l'objet de sa ten-
» dresse ; la vôtre a répandu son plus noir
»poison sur la malheureuse Delmire. Je
» ne suis que trop payée de ma curiosité ;
je ne suis plus digne de votre amour ,
puisque j'ai perdu votre estime ; et deshonorée dans votre esprit , je ne dois
plus me flatter de regner sur votre >>> cœur.
» Moy , répondit l'impétueux Rodri
gue , je pourrois encore vous aimer ,
après ce que je viens de voir ! Oseriez-
» vous encore démentir mes yeux ? Non,
VOS
AOUST. 1732. 1691
>>
vos yeux ne vous ont point trompé ?
» lui répondit Delmire toujours plus
»tranquille en apparence ; quand ils vous
Dont montré Delmire entre les bras d'un
Cavalier ; mais ils vous ont justement
» puni de venir épier ce qui se passe chez
selle , et vous ne sçauriez vous disculper
» d'une défiance incompatible avec l'es-
» time que vous devez avoir pour une »Princesse destinée à votre lit. Ne m'in-
»terrompez pas , continua t- elle , voyant
» qu'il alloit ouvrir la bouche pour l'accabler de nouvelles injures; j'avoue que
»jamais soupçon ne fut mieux fondé que
>> le vôtre ; mais vous vous seriez épargné
»le supplice de me croire infidelle , si
» vous vous en étiez reposé sur ma vertu
»et sur ma gloire . Vous voyez que je ne
cherche point à vous nier le crime dont
vous m'accusez et dont vos propres
» yeux vous ont convaincu , mais voicy
ce que ma gloire exige de vous. L'offense est assez grande pour mériter ce
sacrifice ; j'exige donc de vous que vous
,, ne m'abbaissiez pas jusqu'à me justifier,
toute coupable que vous me croyez ; je
ne puis vous pardonner qu'à ce prix ;
c'est à vous à prendre une derniere résolution. Ma résolution est prise, lui répondit D. Rodrigue , je ne respire que
>>
>>
22
>>
>>
>>
» ven-
1692 MERCURE DE FRANCE
vengeance; je veux laver dans le sang
» d'un Rival l'outrage que vous m'avez
fait ; si l'amour ne retenoit mon bras ,
»mes coups iroient jusqu'à vous ; mais je
»le surmonterai cet indigne amour ; il ne
»sçauroit subsister sans l'estime dans un
» cœur tel que le mien ; il fera place à
» l'indifference; et peut- être au mépris, in-
»terrompit Delmire ; eh!n'a- t- il pas com-
»mencé par là? Tout soupçon jaloux qui
» Alétrit la gloire de ce qu'on aime, suppose
» un mépris éclatant. Mais il est temps de
finir une conversation qui ne sert qu'à
»vous aigrir davantage et à vous rendre
plus coupable ; j'ai voulu vous donner
» les moïens d'obtenir votre pardon ;
» vous n'avez pas voulu le meriter aux
» conditions que je vous ai imposées ; il
❤ne me reste plus qu'à me justifier et à
» vous punir ; s'il est vrai , comme vous
» venez de m'en assurer, que l'amour sub-
» siste encore dans votre cœur. Vous jus-
» tifier , s'écria D. Rodrigue , et par quel
» charme , par quel enchantement , par
» quel prestige le pourriez- vous? Plut au
" ciel , lui dit Delmire , avec un soupir
>> douloureux , qu'il vous fut aussi facile
» de cesser d'être jaloux , qu'à moi de
>> cesser d'être coupable à vos yeux ! Je ne
כן
» dis
AOUST. 1732. -1693
» dis plus qu'un mot ; si vous pouvez
>> vous résoudre à me croire innocente
sur ma seule parole ; je vous accepte
» pour époux , sans vous mettre à de nou-
»velles épreuves , mais si vous exigez que
»je me justifie , je renonce à vous pour
» jamais je n'ai plus rien à dire , c'est à
» vous de choisir,
Le ton absolu dont la Princeffe prononça ces dernieres paroles , commença
à donner quelque émotion à D. Rodrigue; mais ce qu'il avoit vû, le tenoit dans
une si parfaite sécurité , qu'il ne balança
plus à suivre le parti qu'il avoit déja pris ,
et qu'il croyoit le seul à prendre : » Oui ,
lui dit-il , je consens à vous perdre pour
»jamais , si vous prouvez votre innocen-
»ce ; elle m'est assez précieuse pour l'achepter aux dépens de ce qui devoit
»faire tout le bonheur de ma vie.
n
>> C'est assez , dit la Princesse , qu'on
aille éveiller le Roy mon Frere ? Quoi !
» lui dit le Roy de Valence , vous voulez
»le rendre témoin de votre honte ; dites
plutôt de votre injustice , répondit Del-
>> mire; j'ai besoin de sa présence , pour
n réprimer vos premiers transports , à la
» vûë de l'objet de votre jalousie.
Cette fermeté , qui est plutôt compagne de l'innocence que du crime , étonnale
1694 MERCURE DE FRANCE
le Prince jaloux ; il craignit de se voir confondu pour la troisiéme fois , quoique
tout l'assurât du contraire; il étoit même
prêt à se retracter ; mais l'arrivée de D.
Pedro ne lui en donna pas le temps , et
l'approche de son Rival acheva de l'affermir dans ses injustes soupçons. » Pardon-
» nez-moy, Seigneur, dit Delmire au Roy
»son Frere , si je trouble votre repos ,
» pour quelques momens , mais il s'agit
» d'assurer le mien pour toute ma vie.
» Jettez les yeux sur ce Cavalier , et déclarez son sort au plus jaloux de tous رو
les Amans. Cet éclaircissement n'a pas
»besoin de ma présence : Elle se retira en
» proférant ces dernieres paroles , avec
»une émotion qui acheva de faire trem-
» bler D. Rodrigue.
D. Pedro ne sçavoit que penser de la
prompte retraite de sa soeur ; il en chercha la cause dans les traits du Cavalier
mais quel fut son étonnement quand il
le reconnut pour sa chere Bélize , Duchesse de Tirol; il ne l'eût pas plutôt
nommée , que D. Rodrigue fit un grand
cri : Qu'ai-je fait , dit-il ? je suis le plus
malheureux et le plus criminel de tous les
hommes.
Le Roy d'Arragon comprit bien par
cette exclamation , que c'étoit quelque
nouvel effet de jalousie qui venoit brouil- ler
A OUST. 17320 1695
ler l'Amantavec l'Amantes mais comme il
ignoroit les conditions imposées et acceptées d'une et d'autre part , il crut que le
racommodement ne seroit pas difficile à
faire entre deux personnes dont il connoissoit l'amour réciproque. Il rassura
D Rodrigue sur les suites de ce nouvel
incident , et l'ayant prié d'aller se reposer, il entra chez Delmire avec sa charmante Epouse; qui sans doute n'eût pas
tant de peine à justifier son travestissement , que Rodrigue en trouvoit à révoquer l'Arrêt fatal auquel il avoit souscrit lui - même.
Il ne fut pas plutôt seul , qu'il se rappella tout ce que sa situation avoit de plus
funeste ; les injures atroces ou plutôt les
blasphêmes qu'il avoit vomis contre un
objet adorable; la bonté avec laquelle Delmíre avoit daigné les lui pardonner à des
conditions qu'elle n'exigeoit que pour sa
gloire , et sur tout la peine à laquelle il
s'étoit soumis lui même , si elle justifioit
son innocence; tout cela se présentant en
foule à sa mémoire , le mit dans un dé
sespoir le plus affreux qu'on puisse s'imaginer. » Quoi ? dit- il , j'ai été capable de
>> renoncer à Delmire ! fatale jalousie , à
» quel excès d'aveuglément m'as- tu por-
»té. C'en est trop , abandonnons une vie
que
1696 MERCURE DE FRANCE
»que la seule possession de ma Princesse
pouvoit me rendre agréable; il est temps
» qu'un sang criminel expie l'injure que
» j'ai faite à la vertu et à l'innocence mê-
» me. A ces mots, il alloit se percer d'un
coup mortel,si une main secourable n'eût
retenu le coup , prêt à tomber. » Qui
» m'empêche de venger Delmire outragée s'écria-t- il. C'est Delmire même ,
lui répondit cette Princesse , qui , ayant craint les suites de l'accablement où elle
l'avoit laissé , étoit sortie de son appartement pour les prévenir.
1
Elle s'étoit fait suivre par Téodore et
par Délie, prévoïant bien le besoin qu'elle pourroit avoir de leur secours contre
un désesperé : On a déja remarqué que
cette premiere étoit aussi favorable à D.
Rodrigue , que la derniere lui étoit contraire. Téodore frémit en voyant ce malheureux Prince prêt à se donner la mort ;
l'interêt qu'elle prenoit dans son Hymen et dans ses jours avoit un motif secret , dont on sera instruit à la fin de cette
histoire , que nous allons abreger autant
qu'il nous sera possible.
Delmire n'oublia rien pour remettre
l'esprit de son Amant dans une assiette
plus tranquille ; larmes, soupirs , sermens
de lui pardonner , assurance de le rendre
вен-
AOUST. 1732 1697
heureux , tout fut employé , mais inutilement. D. Rodrigue se crut indigne de la
grace qu'elle lui promettoit , et persista
dans le dessein de mourir. » Eh bien !
» jurez - moi du moins , lui dit-elle , que
» vous ne me rendrez pas témoin de vo-
>> tre morts et pour gage de votre ser-
>> ment , rendez- moi cette épée , dont la
>> seule vûë me fait frémir : la voilà , lui
» répondit D. Rodrigue. A peine l'eût- il
remise entre ses mains , qu'elle lui dit :
Vous pouvez exécuter le cruel dessein
dont tout mon amour ne peut vous distraire ; mais je vous jure , que je me percerai moi-même de ce fer que vous venez
de me donner , si vous ne respectez des
jours ausquels les miens sont attachez.
Quoi ? s'écria l'amoureux Rodrigue , c'est
moi qui ai fait le crime , et c'est vous que
vous voulez punir.
par
Cette Scene , où l'amour commençoit
à prendre le dessus , fut terminée l'amour même ; Rodrigue imposa des loix
à son tour , et ne promit de vivre à la
tendre Delmire qu'à condition qu'elle consentiroit à lui donner la main avant
que de se séparer de lui.
Votre pitié , lui dit - il , a plus de part
que votre amour , à la promesse que vous
me faites , d'oublier mon crime ; vous
B cherchez
1698 MERCURE DE FRANCE
cherchez du moins à prolonger mesjours
de quelques heures , mais je n'en puis
souffrir la durée, dans la crainte où je suis
de vous perdre pour jamais , je ne balance
plus voilà mon partage ; la mort ou
Delmire
La Princesse s'opposa long-temps à cette
résolution ; mais l'amoureux Prince n'en
voulant point démordre, Théodore et Dé
lie même y déterminerent Delmire ; la foy
mutuelle fût jurée en leur présence ; Delmire fut reconduite dans son appartement
par son Epoux. Nous allons voir en peu
de mots les suites fâcheuses que pensa
avoir cet Hymen clandestin .
A peine le jour commença à luire qu'on
wint annoncer à Delmire qu'un Cavalier
que ses rides rendoient respectable , lui
demandoit une audience secrete. Delmire
fit sortir tout le monde de son cabinet
et ordonna qu'on fit entrer l'inconnu . A
peine l'eût elle apperçû , qu'elle le reconnut pour un des plus affectionnez serviteurs de feu son pere. Que j'ai de plaisir,
d'Alvar, lui dit elle , de vous revoir après
une absence de 5 ou 6 années » Je serois
» encore dans les Prisons de Portugal , lui
dit- il si la nouvelle de votre prochain
Mariage ne m'avoit porté à mettre tout
> en
1
AOUST. 1732. 1896
» en usage pour recouvrer la liberté , je
»rends graces au ciel , poursuivit il , de
» m'avoir fait arriver assez à temps pour
>> le rompre.
» Rompre monHymen avec D. Rodri-
» gue , que dites- vous , D. Alvar ? Son-
» gez vous bien qu'il doit faire la félicité
» de deux Peuples ; dites plutôt, Madame,
» lui répondit-il , qu'il attireroit sur eux
» la malédiction du ciel ; mais c'est trop
» vous laisser en suspens , Madame , ap-
» prenez que D. Rodrigue est votre Fre-
»re Mon Frere , lui répondit Delmire
» en frémissant ! Qu'osez vous avancer ?
Ce que je ne suis que trop en état de
vous prouver, répondit D. Alvar ; achevez de me donner la mort , lui dit la
riste Delmire , par le récit d'une si fu-
» neste histoire.
D. Alvar n'attribuant la douleur de la
Princesse qu'à l'amour extrême qu'elle
avoit pour D. Rodrigue , l'éclaircit par
ces mots.
" Vous n'ignorez pas , Madame , l'étroi-
» te liaison qui avoit toujours uni D. Alphonse , Roy d'Arragon , et D. Fernand , Roy de Val nce ; ce dernier ce
trouvant sans enfans , dans un âge où
» il n'esperoir plus d'en avoir, eût recours
» à son ami ; la Reine , votre mere, étoit
Bij » déja
1700 MERCURE DE FRANCE
»déja accouchée de D. Pedro, et se trou-
"voit enceinte , pour la seconde fois ; D.
»Fernand pria D. Alphonse de vouloir
>>bien lui donner l'enfant qu'elle mettroit
»au monde , supposé que ce fut unPrin-
»ce. Quand D. Alphonse n'y auroit pas
»trouvé ses avantages , l'amitié qu'il por-
>>toit à D. Fernand , auroit obtenu de lui
» ce qu'on lui demandoit; on fit courir le
» bruit que la Reine de Valence étoit
»grosse, et la Reine d'Arragon ayant mis
>>au monde un enfant mâle , on fit entendre qu'il étoit mort en naissant, et il
>> fut donné à D. Fernand , qui l'appella
»D. Rodrigue. C'est le même que vous
>>alliez épouser; le ciel n'a pas voulu lais
» ser consommer un inceste si abomina-
»ble ; c'est à vous , Madame , à prendre
les mesures les plus convenables , dans
» une conjoncture si délicate.
>>
J'y penserai , lui dit Delmire , en levant au ciel des yeux remplis de larmes .
Aces mots elle congédia D. Alvar , et lui
promit de lui envoyer sa réponse la nuit
prochaine.
Elle fit dire qu'elle étoit indisposée , et
deffendit qu'on laissât entrer qui que ce
fut dans son appartement , jusqu'à nouvel ordre.
Le Roy de Valence fut surpris que cet
ordre
A O UST. 1732. 1701
ordre fut pour lui , après le don qu'elle
lui avoir fait de sa foy ; cependant son
respect l'empêcha de s'en plaindre. Tout
le jour se passa, sans que l'ordre fut révoqué ; ce qui redoubla l'inquiétude de l'amoureux Rodrigue.
La nuit étant venue , ce Prince impa
tient s'approcha de l'appartement de Delmire. Quelle fut sa surprise lorsqu'il en
vit sortir Florent , à qui Délie recomman
da de faire diligence pour remettre un
Billet entre les mains de D. Alvar ! il
craignit que le Roy d'Arragon ne s'opposât à son bonheur , et n'envoyât quelques ordres secrets à ce fidele Sujet. La
crainte qu'on ne lui enlevât sa chere Delmire , le porta à intercepter ce Billet ;
Florent intimidé par ses menaces ,
livra et retourna à l'Appartement de la
Princesse pour l'informer du mauvais succès de son Ambassade. De quelle horreur
ne fut pas saisi D. Rodrigue à la lecture
du Billet intercepté , on en va juger par
ce qu'il contenoit.
Delmire à D. Alvar.
le lui
Faites préparer le plus promptement que
vous pourrez une Barque qui m'éloigne de
ce funeste Rivage , je n'en puis plus soutenir la vie après le crime qui vient de s'y
com-
1702 MERCURE DE FRANCE
commettre ; je frissonne à l'aveu que je vous
en fais ; mon frere est entré dans mon lit.
Ne refusez pas votre secours à la plus malheureuse Princesse qui fût jamais.
D. Rodrigue fut d'abord si frappé qu'il
en perdit l'usage de ses sens ; mais après
quelques momens de reflexion , le crine lui parut si noir qu'il ne put le croire,
quoiqu'il fût tracé de la main même de
Delmire: » Non , dit- il , vertueuse Prin-
»cesse , je vous connois trop bien pour » vous croire si coupable ; vous voulez ,
»sans doute , éprouver si je serai encore
capable de me livrer à cette funeste
» passion qui faisoit mon malheur et le
» vôtre , mais elle ne seroit plus pardon-
>> nable ; vous étiez maîtresse de votre
» cœur quand je craignois votre infide-
» lité ; mais vous êtes mon Epouse , je ne
> crains plus rien , votre vertu me ré-
»pond de votre foi.
Après cette reflexion , qui remit le
calme dans son ame, il courut à l'Appartement de Delmire. Cette Princesse
instruite par Florent de . ce qui s'étoit
passé , avoit ordonné qu'on le laissât entrer; les remords dont elle étoit déchirée,
la rendirent d'abord interdite et muette ;
mais voyant D. Rodrigue se jetter à ses
pieds dans la posture du plus passionné
de
A O UST. 1732 1703
de tous les Amans : » Eloignez-vous , lui
» dit- elle , vous me faites frémir ; cessez
de me présenter un Epoux qui doit
» m'être odieux , depuis que j'ai appris
» qu'il est mon frere. Moi , votre frere ,
» s'écria D. Rodrigue ! Eh n'avez- vous
» pas lû ce funeste secret , lui répondit
»Delmire , dans le Billet que vous avez
>arraché à Florent.
La connoissance d'un malheur que ce
Prince n'avoit pris que pour une feinte ,
le mit dans un desespoir qui donna tout
à craindre à Delmire ; elle ne l'avoit ja
mais trouvé si digne d'être aimé ; ce n'étoit plus cet Amant jaloux , qui ne lui
prouvoit l'excès de son amour que par
les plus sanglans outrages , c'étoit un
Epoux fidele et passionné , qui n'étoit
sensible qu'au malheur d'être séparé pour
jamais du seul bien qui pouvoit faire sa
felicité.
Il est temps de tirer ces Amans infortunez d'une peine si cruelle ; D. Rodri
gue manda D. Alvar , pour être mieux
éclairci de son malheur. Il fit prier en
même- temps le Roy d'Arragon de venir
à l'Appartement de sa sœur , afin que
la présence du Souverain , imposant au
Sujet , l'empêchât de soutenir une imposture. D. Alvar confirma tout ce qu'il
B iij avoit
1704 MERCURE DE FRANCE
avoit dit à Delmire ; et pour ne laisser
aucun doute sur ce qu'il venoit de raconter , il voulut l'appuyer du témoignage de Théodore , qui avoit prêté son
ministere à la supposition d'enfant dont
il étoit question. Théodore ! s'écria Delmire; ô Monstre que les Enfers ont vomi
»pour le malheur de ma vie ; elle sça-
»voit que j'étois sœur de D. Rodrigue
»et c'est elle- même qui m'a déterminée
» à le recevoir pour Epoux.
20
Théodore arriva bientôt. » Oserez-
» vous nier , lui dit D. Alvar, que D. Rodrigue ne soit frere du Roy d'Arragon
et de la Princesse Delmire ? Je suis
prête à justifier le contraire , lui repon-
» dit Théodore. Ces mots et la fermeté
avec laquelle ils furent prononcez , em-
» pêcherent D. Rodrigue de l'accabler de
reproches , dont il se seroit repenti.
Finissons. Théodore convint de tout
ce que D. Alvar avoit revelé ; mais elle
déclara ce qui n'étoit pas venu à la connoissance de ce sage Vieillard. Le fils
supposé que D. Alphonse avoit donné à
D. Pedro étant mort , D. Pedro en substitua un autre en sa place sous le nom
de Rodrigue ; il avoit eu ce dernier de
Théodore , qui pour garantir la verité
de ce qu'elle avançoit , produisit un Acte
revêty
A OUS T. 1732. 1705
revêtu de toutes les formalitez et signé
de la main de D. Alphonse même. Par
cet Acte D.Pedro reconnoissoit Théodore
pour son Epouse et le fruit de lent hymen pour le legitime heritier de la Couronne de Valence. Ce dernier éclaircissement remit le calme dans tous les
cœurs ; et le double Mariage fut celebré
dès le lendemain , à la vûë des deux Peuples dont il devoit faire le bonheur.
Fermer
Résumé : SUITE de l'Histoire DU PRINCE JALOUX.
Le texte relate les péripéties de Rodrigue et Delmire, marquées par la jalousie et les malentendus. Rodrigue, tourmenté par la jalousie, se rend auprès de Delmire après avoir trouvé une lettre équivoque. Delmire, accablée de douleur, accuse Rodrigue de l'avoir soupçonnée injustement. Rodrigue, conscient de son erreur, implore son pardon. Delmire, bien que blessée, accepte de lui pardonner, mais exprime ses craintes quant à la récurrence de sa jalousie. Rodrigue promet de changer, mais sa promesse est rapidement mise à l'épreuve. Don Pedro, frère de Delmire, se déguise pour vérifier la fidélité de Delmire et de Rodrigue. Rodrigue, informé par Octave, un confident, surprend Don Pedro dans l'appartement de Delmire. Dans un accès de jalousie, Rodrigue s'apprête à tuer Don Pedro, mais Delmire s'interpose. Don Pedro révèle alors son identité et explique son déguisement. Rodrigue, repentant, demande pardon. Don Pedro, touché par la sincérité de Rodrigue, accepte de pardonner et décide d'accélérer l'union entre Rodrigue et Delmire. Plus tard, la Duchesse du Tirol, amie de Delmire, arrive et écrit une lettre à Delmire, qui est interceptée par Rodrigue. Cette lettre, mal interprétée, ravive la jalousie de Rodrigue, le plongeant à nouveau dans le doute et la suspicion. Rodrigue, agité par un trouble, se rend dans la galerie où il avait vécu une scène précédente avec Delmire et le roi d'Aragon. Il entend des rires provenant de la chambre de Delmire, ce qui le pousse à observer à travers la serrure. Il découvre Delmire dans les bras d'un jeune cavalier, ce qui le plonge dans une fureur jalouse. Il frappe à la porte et, après avoir été introduit, accuse Delmire d'infidélité. Delmire, gardant son calme, lui explique qu'il a mal interprété la scène et lui propose de choisir entre la croire sur parole ou la perdre à jamais. Rodrigue, aveuglé par sa jalousie, insiste pour qu'elle se justifie. Delmire appelle alors son frère, le roi, qui révèle que le cavalier est en réalité la duchesse de Tirol, Bélize, déguisée. Rodrigue, pris de désespoir, décide de se suicider, mais Delmire l'en empêche et lui jure de l'aimer malgré son comportement. Ils finissent par se marier secrètement. Le lendemain, un serviteur de Delmire, Alvar, arrive et menace de révéler le mariage, espérant ainsi le rompre. Don Alvar informe la princesse Delmire que Don Rodrigue, qu'elle doit épouser, est en réalité son frère. Il explique que le roi Ferdinand de Valence, ami du roi Alphonse d'Aragon, avait demandé à Alphonse de lui donner l'enfant que la reine d'Aragon portait, car Ferdinand n'avait pas d'héritier. L'enfant, un garçon, fut présenté comme mort-né et donné à Ferdinand, qui le nomma Rodrigue. Delmire, horrifiée, décide de fuir mais est interceptée par Rodrigue, qui ne croit pas à sa culpabilité. Après des révélations supplémentaires, il s'avère que Théodore, une servante, avait substitué un autre enfant à celui de Pedro, fils de la reine d'Aragon. Théodore produit un acte confirmant ces faits. Finalement, le double mariage est célébré, apportant le bonheur aux deux peuples.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 1762-1768
REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
Début :
Les Antiquaires sont partagez sur les Médailles qui portent le [...]
Mots clefs :
Médailles, Antiquiaires, Lucille, Princesse, Impératrice, Objection, Erreur, Observation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
REMARQUES sur les Médailles qui
portent le nom de Lucille.
LMédailles qui portent le nomde Lu- Es Antiquaires sont partagez sur les
cille. Les uns les donnent toutes à Lucille,
femme de Verus , qui regna avec MarcAurele ; et selon les autres, il faut les partager entre cette Princesse , et la femme
d'Elius Cesar , adopté par Adrien.
Ceux qui reconnoissent deux Lucilles ',
se fondent principalement,sur ce que Lucille ,femme de Verus,se fait appeller sur
ses Médailles , fille d'Antonin Auguste
LUCILLE. AUG. ANTONINI AUG. F. à la
difference, de Lucille femme d'Ælius ,
qui
AOUST. 1732. 1763
qui se contente du titre d'Auguste , LuCILLA AUGUSTA. Cette raison , quelque
spécieuse qu'elle le paroît d'abord , n'est
d'aucune considération , aussi - tôt qu'on
vient à faire attention que Faustine , femme, de Marc - Aurele , s'appella dans les
commencemens , fille d'Antonin le Débonnaire. FAUSTINA AUG. PII AUG. F. et
qu'en suite elle quitta ce titre , pour ne
garder que celui d'Auguste,FAUSTINA AUSTINA
AUGUSTA. Ce qui est arrivé à cette Princesse , est sans doute arrivé à Lucille sa
fille. Toutes deux nées d'un pere Empereur ; elles eurent soin dans le commencement de s'en faire honneur, en se nommant d'eux , pour faire connoître par là
que ce n'étoit pas de leur maris seuls
qu'elles empruntoient leur noblesse, mais
ce titre une fois reconnu devint assez inutile dans la suite , et elles ont pû le négliger tres aisément.
La différence de la Coëffure qu'on re
marque dans les Médailles de l'une et de
l'autre Princesse est un argument plus
foible que le premier; car , je vous prie ,
si cette observation avoit lieu , combien
de Princesses serions - nous obligez de
multiplier. Nous reconnoitrions au moins
quatre Sabines , femmes d'Adrien , puisqu'il se trouve autant et plus de CoëffuLOS
1764 MERCURE DE FRANCE
res differentes sur les Médailles de cette
Impératrice.
J'en dis autant de quelques différences
de traits, qu'on prétend appercevoir dans
les Médailles qu'on attribueune Lucil
le , et dans celles qu'on reconnoît pour
être de l'autre , outre quelle est tres- légere ; ainsi qu'on en convient, c'est qu'on
remarque cette même différence dans les
Médailles, qui d'un communaccord n'appartiennent qu'à une seule ; c'est ce dont
il est aisé de se convaincre , en confrontant les Médailles de la Lucille , qu'on
prétend femme d'Elius , qui portent
pour légende HILARITAS. S. c. avec celles
où l'on lit FECUNDITAS. S. C. où l'on trou
vera une difference surement plus grande
que celle qu'on veut trouver dans les autres.
Mais , dit- on , Lucille , femme de Verus , n'a jamais eu d'enfans, au lieu qu'on
en trouve jusqu'à trois , sur les Médailles
de Lucille , femme d'Elius.
: Il n'est pas difficile de répondre à cette
objection , jamais proposition ne fut plus
légere ; tout concourt à en faire voir le
peu de solidité. 1º . Selon quelques His- toriens , Lucille , femme de Verns , eut
de Pompeianus , qu'elle épousa après la
mort de ce Prince , un fils qui porta le
nom de son pere , et qui fut tué par le
com-
AOUST. 17320 1769
commandement de Caracalla. Ce que je
remarque , parce qu'Angelloni , pour
mieux prouver la stérilité de Lucille , l'a
avancée , comme constant , dans son second , comme dans son premier mariage.
2. Les Médailles et les Inscriptions
nous prouvent clairement que cette Princesse eut des enfans de son premier mari ;
en effet , sur quelques- unes de ses Médailles , j'entens parler de celles qu'on ne
lui dispute point et où elle est : ANTONINI
AVG. F. Ne lit-on pas : IVNONI LVCIANAE.
FECVNDITAS. AVGVSTAE. avec l'Image de
ces Déesses , tenant un enfant dans les
bras : Qu'à-t on voulu faire entendre parlà ; si-non que Lucille étoit mere , lorsque ces monumens ont été frappez. Mais
les Inscriptions s'expliquent encore plus
clairement. Je n'en veux pour témoin que
celle- cy , rapportée par Gruter , qui semble faite exprès , pour expliquer les Médailles que je viens de citer.
IVNONI LVCINAE
PRO SALVTE DOMVS AVGVSTORVM.
IMP. CAES. M. AVREĻI. ANTONINI. AVO.
ARMENIACI. PARTICI. MAXIMI. MEDICI. ET
FAVSTINAE. AVG. EIVS. ET IMP, CAES. L.AV,
RELI. VERI. AVG, ARMENIACI, PARTICI
MEDICI. ET LVCILLAE, AVGVSTAE. EIVS.
LIBERORVM. QVE. EORVM.
FORTVNATVS , et le reste.
1766 MERCURE DE FRANCE
Peut- on avancer après cela , que Lucille n'a jamais eu d'enfans ; le silence des
Historiens sur leur sujet , insinuë seulement , que ces enfans sont morts au berceau , ou si jeunes , que l'histoire n'a pas
crû en devoir faire mention.
Après ces observations , qui pourroient
suffire pour le sentiment qui ne reconnoît qu'une Lucille , dont nous ayons eu
des Médailles, et qui est femme de Verus ;
j'ajouterai deux autres Remarques , qui achevent de mettre la chose dans une plus
grande évidence.
La premiere consiste dans le titre d'Auguste qu'on donne à la femme d'Elius.
LVCILLA AVGVSTA. titre que cette Princesse n'a jamais pû porter ; Ælius n'ayant
été que César , et n'ayant jamais eu luimême la qualité d'Auguste. Nous ne
voyons pas même , avant le regne de
Constantin , des titres particuliers pour
les femmes des Césars , qui commencerent alors à s'appeller Dames Illustres :
NOBIL. F. Mais pour le nom d'Auguste ,
aucune ne l'a jamais eu; et si Constantine ,
femme du César Gallus , paroît avec ce
titre , dans une Légende de Médaille, citée
par Golzius , on doit se souvenir qu'avant d'épouser Gallus , elle avoit été déja
mariée à Anniballien , qui prenoit le titre
de
AOUST. 1732. 1767
de Roy , et que Philostorge ( lib . 3. ) nous
marque expressement que Constantin le
Grand , son pere , avoit de son vivant
donné le titre d'Auguste à cette Princesse ; ainsi elle ne peut faire d'exception à
la Regle générale.
La seconde observation par laquelle je
finis; c'est que la dispute n'est fondée que
sur unesupposition que l'on fait. On veut
que la femme d'Alius se soit appellée Lucille, et cependant aucun Autheur ne nous
a appris sonnom.Nous sçavons seulement
qu'elle étoit fille de Nigrinus , qu'elle cut
deux enfans , l'Empereur Verus , et une
fille appellée Fadia , qui avoit été destinée par Adrien , pour épouse à MarcAurele , mais que ce Prince n'épousa pas
à cause de sa jeunesse. Voilà tout ce que
l'hitoire nous en apprend ; son nom est
un mystere inconnu ; et ceux qui l'ont
nommée Domitia Lucilla , se sont trompez. Qu'il me soit permis de le dire , un
manque d'attention les a jettez dans l'erreur. Marc Aurele et Verus sont toûjours
appellez Freres. DIVI FRATRES ; les Auteurs voyant que la mere du premier s'appelloit Domitia Lucilla, ont cru assez légerement qu'elle l'étoit du second , sans
se ressouvenir que la fraternité de ces
Princes ne venoit que d'adoption.
,
Voilà
1768 MERCURE DE FRANCE
Voilà la cause de l'erreur ; cause qui a
fait naître la question , mais qui une fois
reconnuë , ne fait plus de difficulté pour
la décision , à sçavoir que toutes les Médailles qui nous restent , avec le nom de
Lucille , appartiennent toutes à la femme
de Verus. D. P.
A Orleans, ce 12 Avril 1732.
portent le nom de Lucille.
LMédailles qui portent le nomde Lu- Es Antiquaires sont partagez sur les
cille. Les uns les donnent toutes à Lucille,
femme de Verus , qui regna avec MarcAurele ; et selon les autres, il faut les partager entre cette Princesse , et la femme
d'Elius Cesar , adopté par Adrien.
Ceux qui reconnoissent deux Lucilles ',
se fondent principalement,sur ce que Lucille ,femme de Verus,se fait appeller sur
ses Médailles , fille d'Antonin Auguste
LUCILLE. AUG. ANTONINI AUG. F. à la
difference, de Lucille femme d'Ælius ,
qui
AOUST. 1732. 1763
qui se contente du titre d'Auguste , LuCILLA AUGUSTA. Cette raison , quelque
spécieuse qu'elle le paroît d'abord , n'est
d'aucune considération , aussi - tôt qu'on
vient à faire attention que Faustine , femme, de Marc - Aurele , s'appella dans les
commencemens , fille d'Antonin le Débonnaire. FAUSTINA AUG. PII AUG. F. et
qu'en suite elle quitta ce titre , pour ne
garder que celui d'Auguste,FAUSTINA AUSTINA
AUGUSTA. Ce qui est arrivé à cette Princesse , est sans doute arrivé à Lucille sa
fille. Toutes deux nées d'un pere Empereur ; elles eurent soin dans le commencement de s'en faire honneur, en se nommant d'eux , pour faire connoître par là
que ce n'étoit pas de leur maris seuls
qu'elles empruntoient leur noblesse, mais
ce titre une fois reconnu devint assez inutile dans la suite , et elles ont pû le négliger tres aisément.
La différence de la Coëffure qu'on re
marque dans les Médailles de l'une et de
l'autre Princesse est un argument plus
foible que le premier; car , je vous prie ,
si cette observation avoit lieu , combien
de Princesses serions - nous obligez de
multiplier. Nous reconnoitrions au moins
quatre Sabines , femmes d'Adrien , puisqu'il se trouve autant et plus de CoëffuLOS
1764 MERCURE DE FRANCE
res differentes sur les Médailles de cette
Impératrice.
J'en dis autant de quelques différences
de traits, qu'on prétend appercevoir dans
les Médailles qu'on attribueune Lucil
le , et dans celles qu'on reconnoît pour
être de l'autre , outre quelle est tres- légere ; ainsi qu'on en convient, c'est qu'on
remarque cette même différence dans les
Médailles, qui d'un communaccord n'appartiennent qu'à une seule ; c'est ce dont
il est aisé de se convaincre , en confrontant les Médailles de la Lucille , qu'on
prétend femme d'Elius , qui portent
pour légende HILARITAS. S. c. avec celles
où l'on lit FECUNDITAS. S. C. où l'on trou
vera une difference surement plus grande
que celle qu'on veut trouver dans les autres.
Mais , dit- on , Lucille , femme de Verus , n'a jamais eu d'enfans, au lieu qu'on
en trouve jusqu'à trois , sur les Médailles
de Lucille , femme d'Elius.
: Il n'est pas difficile de répondre à cette
objection , jamais proposition ne fut plus
légere ; tout concourt à en faire voir le
peu de solidité. 1º . Selon quelques His- toriens , Lucille , femme de Verns , eut
de Pompeianus , qu'elle épousa après la
mort de ce Prince , un fils qui porta le
nom de son pere , et qui fut tué par le
com-
AOUST. 17320 1769
commandement de Caracalla. Ce que je
remarque , parce qu'Angelloni , pour
mieux prouver la stérilité de Lucille , l'a
avancée , comme constant , dans son second , comme dans son premier mariage.
2. Les Médailles et les Inscriptions
nous prouvent clairement que cette Princesse eut des enfans de son premier mari ;
en effet , sur quelques- unes de ses Médailles , j'entens parler de celles qu'on ne
lui dispute point et où elle est : ANTONINI
AVG. F. Ne lit-on pas : IVNONI LVCIANAE.
FECVNDITAS. AVGVSTAE. avec l'Image de
ces Déesses , tenant un enfant dans les
bras : Qu'à-t on voulu faire entendre parlà ; si-non que Lucille étoit mere , lorsque ces monumens ont été frappez. Mais
les Inscriptions s'expliquent encore plus
clairement. Je n'en veux pour témoin que
celle- cy , rapportée par Gruter , qui semble faite exprès , pour expliquer les Médailles que je viens de citer.
IVNONI LVCINAE
PRO SALVTE DOMVS AVGVSTORVM.
IMP. CAES. M. AVREĻI. ANTONINI. AVO.
ARMENIACI. PARTICI. MAXIMI. MEDICI. ET
FAVSTINAE. AVG. EIVS. ET IMP, CAES. L.AV,
RELI. VERI. AVG, ARMENIACI, PARTICI
MEDICI. ET LVCILLAE, AVGVSTAE. EIVS.
LIBERORVM. QVE. EORVM.
FORTVNATVS , et le reste.
1766 MERCURE DE FRANCE
Peut- on avancer après cela , que Lucille n'a jamais eu d'enfans ; le silence des
Historiens sur leur sujet , insinuë seulement , que ces enfans sont morts au berceau , ou si jeunes , que l'histoire n'a pas
crû en devoir faire mention.
Après ces observations , qui pourroient
suffire pour le sentiment qui ne reconnoît qu'une Lucille , dont nous ayons eu
des Médailles, et qui est femme de Verus ;
j'ajouterai deux autres Remarques , qui achevent de mettre la chose dans une plus
grande évidence.
La premiere consiste dans le titre d'Auguste qu'on donne à la femme d'Elius.
LVCILLA AVGVSTA. titre que cette Princesse n'a jamais pû porter ; Ælius n'ayant
été que César , et n'ayant jamais eu luimême la qualité d'Auguste. Nous ne
voyons pas même , avant le regne de
Constantin , des titres particuliers pour
les femmes des Césars , qui commencerent alors à s'appeller Dames Illustres :
NOBIL. F. Mais pour le nom d'Auguste ,
aucune ne l'a jamais eu; et si Constantine ,
femme du César Gallus , paroît avec ce
titre , dans une Légende de Médaille, citée
par Golzius , on doit se souvenir qu'avant d'épouser Gallus , elle avoit été déja
mariée à Anniballien , qui prenoit le titre
de
AOUST. 1732. 1767
de Roy , et que Philostorge ( lib . 3. ) nous
marque expressement que Constantin le
Grand , son pere , avoit de son vivant
donné le titre d'Auguste à cette Princesse ; ainsi elle ne peut faire d'exception à
la Regle générale.
La seconde observation par laquelle je
finis; c'est que la dispute n'est fondée que
sur unesupposition que l'on fait. On veut
que la femme d'Alius se soit appellée Lucille, et cependant aucun Autheur ne nous
a appris sonnom.Nous sçavons seulement
qu'elle étoit fille de Nigrinus , qu'elle cut
deux enfans , l'Empereur Verus , et une
fille appellée Fadia , qui avoit été destinée par Adrien , pour épouse à MarcAurele , mais que ce Prince n'épousa pas
à cause de sa jeunesse. Voilà tout ce que
l'hitoire nous en apprend ; son nom est
un mystere inconnu ; et ceux qui l'ont
nommée Domitia Lucilla , se sont trompez. Qu'il me soit permis de le dire , un
manque d'attention les a jettez dans l'erreur. Marc Aurele et Verus sont toûjours
appellez Freres. DIVI FRATRES ; les Auteurs voyant que la mere du premier s'appelloit Domitia Lucilla, ont cru assez légerement qu'elle l'étoit du second , sans
se ressouvenir que la fraternité de ces
Princes ne venoit que d'adoption.
,
Voilà
1768 MERCURE DE FRANCE
Voilà la cause de l'erreur ; cause qui a
fait naître la question , mais qui une fois
reconnuë , ne fait plus de difficulté pour
la décision , à sçavoir que toutes les Médailles qui nous restent , avec le nom de
Lucille , appartiennent toutes à la femme
de Verus. D. P.
A Orleans, ce 12 Avril 1732.
Fermer
Résumé : REMARQUES sur les Médailles qui portent le nom de Lucille.
Le texte examine les médailles portant le nom de Lucille et présente deux interprétations principales. La première attribue toutes les médailles à Lucille, épouse de Verus et co-régnante avec Marc-Aurèle. La seconde suggère de partager ces médailles entre cette Lucille et la femme d'Élius César, adopté par Adrien. Les partisans de l'existence de deux Lucilles se basent sur les titres présents sur les médailles. Lucille, femme de Verus, se désigne comme fille d'Antonin Auguste, tandis que Lucille, femme d'Élius, utilise simplement le titre d'Auguste. Cependant, cette distinction est contestée car Faustine, femme de Marc-Aurèle, a également changé de titre au cours de sa vie. La différence de coiffure et de traits sur les médailles est jugée insuffisante pour distinguer deux Lucilles, car ces variations existent aussi parmi les médailles d'une même personne. Une objection majeure concerne la maternité. Lucille, femme de Verus, est souvent considérée comme stérile, contrairement à Lucille, femme d'Élius, qui aurait eu trois enfants. Toutefois, des historiens et des inscriptions indiquent que Lucille, femme de Verus, a pu avoir des enfants, peut-être morts jeunes. Enfin, le texte souligne que la femme d'Élius n'a jamais porté le titre d'Auguste, réservé aux épouses des empereurs. De plus, le nom de la femme d'Élius n'est pas confirmé comme étant Lucille, ce qui renforce l'hypothèse que toutes les médailles appartiennent à Lucille, femme de Verus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 2527-2545
LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
Début :
Dans une des plus agréables Contrées de l'Inde, est un Royaume nommé [...]
Mots clefs :
Indes, Mallean, Amour, Femmes, Rivalité, Époux, Princesse, Malheurs, Corps, Âme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
LES AMES RIVALES ,
HISTOIRE FABULEUSE.
Ans une des plus agréables Contrées
de l'Inde , est un Royaume nommé
Mallean , où les femmes ontune autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons , et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la tịmidité , la paresse , et pour devoirs , la
solitude , la pudeur et la fidelité.
Ce genre de domination n'a pas tou
jours subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en aug
menter le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves.
Cette superiorité ne les a peut- être pas
rendues plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré1. Vol.
Av gne
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres de la Religion des Indiens telles
étoient alors les mœurs.
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher ; une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer , et ils s'aimoient toujours. Peut-être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut il que la croire possible?
La Princesse Amassita , fille du Roi
1.Vol. de ༤ ༽
DECEMBRE. 1732. 2529
'de Mallean , étant parvenue à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde .
se disputerent l'honneur d'être du nombre des douze Amans ; elle étoit bien digne de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'elles. Parmi les illustres concurrens qui furent préferés , Masulhim , Prince de Carnate , et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien- tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
l'autre par l'impetuosité de sa passion.
à
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son cœur , mais elle n'osa d'abord se l'a- .
vouer à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux. Elle regardoit comme un crime les moindres mouvemens qui pouvoient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses devoirs,
peut-être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol. A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une ex- .
trême agitation ; la veritable tendresse est
timide; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré,
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes , dans des aniet revenoit s'emparer de sa demeure ordinaire. Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
maux ,
$
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per
I. Vol. miş
DECEMBRE. 1732. 2537
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhim
eut entr'autres cette préference , mais cette idée flateuse s'évanouissoit bien- tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre ,
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ;; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
ayoit toujours ses Rivaux pour confidens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita : Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous.
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées peut-être ( ' quoique vous soyez.
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez des prévenances qui ne vous laissent pas un moment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , oseque
1. Vola rois
2532 MERCURE DE FRANCE
rois-je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'aujourd'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure seulement ; leur amour n'aura qu'à
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches , les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment , l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés. Mon cœur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce que si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire.
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui réponditelle , est effectivement très- raisonnable ;
il est vrai que si mon cœur s'étoit déja déterminé , l'Amant vers lequel il pancheroit , se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses RiI.Vol.
vaux.
DECEMBRE. 9732 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir que ce sérieux alors pouvoit ressembler à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. SiKandar approcha d'elle avec assez de confiance de n'être point haï. Dans les momens ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répon
dre , et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez-vous , lui dit-elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre ;
1. Vol * elle
2534 MERCURE DE FRANCE
,
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit accorder.
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne : Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire ; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai-je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient n'étoit rien moins que distraite ; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement de paroître amoureux , trop d'envie de plaire. Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore ce qu'elle y cherchoit , et voyant
,
1. vol. qu'il
DECEMBRE. 1732 2535.
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
resta à son tour quelques momens sans
parler.
Belle Amassita , reprit Masulhim , ch'
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment, ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint , elle habite chaque nuit votre Palais ; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe ; j'animois ces génies
qui sous des formes charmantes répandoient des fleurs sur votre tête ; je pas
sois dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts ,
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans. Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera , tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassità, reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame et je ne veux jamais l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers. Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret ; je voudrois n'en
faire usageque par vos conseils : mon ame¹
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint que le soir même pour faire l'épreuve de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez-vous. Ils se séparerent ; la PrinI.Vel. cesse
DECEMBREE. 1732. 2537
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant , l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vit arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tendresse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui fafsoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer ,
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être heureuses , et la nuit se passa précipitamment pour elles ; il fallut s'en retourner. La Princesse vouloit avant l'heure ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans se demanderent et se promirent
un même rendez-vous pour la nuit d'ensuite , et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner à leur habitation,
1.Vol.
On
2538 MERCURE DE FRANCE
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement , elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin , et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer de sa représentation.
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Masulhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite.
par celle de son Amant , elle resta incertaine, errante , formant mille projets et ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien li
vrées à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont 1. Vel сара-
DECEMBRE. 1732. 2535
Capables , qu'elles ne sçavent plus qu'ai◄
mer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;,
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse; il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient de
venus méprisans à son égard , et marquoient une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement ,
il ne pouvoit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse ,
et pour porter à son Rival un coup irrémediable , il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête
s'ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I.Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en emparer dès que Sikandar l'eut abang
donnée.
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
lui d'avoir obtenu par une trahison le titre d'Epoux,que son Rival n'auroit voulu recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le cœur de la Princesse , en semant entr'eux des sujets horribles de jalousie et de haine. Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude. L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision ,
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi renfermées,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2548
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle elles pouvoient se porter de concert ; c'étoit de songer à a Princesse , et
de conduire chez elle leur personne. Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita. A peine apperçûtelle Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux , mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit exprimer : s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie,, l'autre ame lui faisoit prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavoüer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri , désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere. Enfin ,
ces deux Amans éprouverent la situaI. Vol. tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus singuliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle.
- Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire. Il se sépara de l'ame de son
Rival c'étoit le jour même où les Malléanes avoient marqué la cerémonie de son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée. Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur que lui avoit causé l'ame de Sikandar , jointe à celle de son Amant , ne son.
gea plus qu'à l'oublier. Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit les habits de cette cerémonie. On
la conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar1. Vol. choit
DECEMBRE. 1737 2548
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux. Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croise infidele. O Malleanes , dit- elle , soyés touchés du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse jugés , ajoûta-t'elle , de l'horreur de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je,
vous l'ai avoué : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne. Le serment par lequel vous m'attacherés à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon ame enfin , en seront séparés à tous les momens de mavie,
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir. Les
:
I. Vol. B Mal-
2544 MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens.
"
Enfin , me voilà libre , s'écria- t'elle
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon cœur de ma main ! in cut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son cœur toute l'innocence de son
Amant. Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires.
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher sa honteet sa fureur dans le sein d'une étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoir faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses,
ils convinrent que leurs ames ne quitte
roient jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur:
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il n'étoit causé que par les purs mouI.Vok vemens
DECEMBRE. 1732 2345
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse , les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consiste dans la seule union des ames.
HISTOIRE FABULEUSE.
Ans une des plus agréables Contrées
de l'Inde , est un Royaume nommé
Mallean , où les femmes ontune autorité
entiere sur les hommes ; dispensatrices
des Loix , l'administration du Gouvernement les regarde seules , tandis que les
hommes enfermez dans le sein des maisons , et livrez à des occupations frivoles ,
ont pour tout avantage la parure , le
plaisir de plaire et d'être prévenus , la tịmidité , la paresse , et pour devoirs , la
solitude , la pudeur et la fidelité.
Ce genre de domination n'a pas tou
jours subsisté chez les Malleanes ; il est
l'ouvrage de l'Amour ; les femmes qui
d'abord ne pouvoient avoir qu'un époux,
acquirent avec adresse le droit d'en aug
menter le nombre , dont elles parvinrent
enfin à ne faire que des esclaves.
Cette superiorité ne les a peut- être pas
rendues plus heureuses , si l'on en croit
le souvenir qu'elles gardent encore du ré1. Vol.
Av gne
2528 MERCURE DE FRANCE
gne de Masulhim , qui fut le plus doux
qu'ayent éprouvé les peuples ; ce Régne
est rapporté dans un des principaux Livres de la Religion des Indiens telles
étoient alors les mœurs.
Dès qu'une fille avoit atteint l'âge de
dix ans , ses parens lui présentoient douze Amans convenables par leur âge et par
leur naissance , et ces Amans passoient une
année auprès d'elle , sans la perdre de vuë
un seul moment ; ce temps révolu , elle
pouvoit choisir un d'entre eux ; ce choix
lui donnoit le titre d'époux , et devenoit
une exclusion pour les onze autres ; elle
étoit libre aussi de ne point aimer , c'està dire , de prendre douze nouveaux
Amans , et de n'avoir point d'époux ;
quelque soin qu'eussent les Amans de
dissimuler leur caractere lorsqu'ils avoient
interêt de le cacher ; une fille pendant le
cours de cette année où ils vivoient avec
elle , avoit tout le tems de le pénétrer ;
ainsi on s'unissoit autant par convenance
que par penchant , eh ! quelle felicité accompagnoit cette union ! Deux époux ne
concevoient pas qu'on pût cesser de s'aimer , et ils s'aimoient toujours. Peut-être
pour garder une fidelité inviolable , ne
faut il que la croire possible?
La Princesse Amassita , fille du Roi
1.Vol. de ༤ ༽
DECEMBRE. 1732. 2529
'de Mallean , étant parvenue à l'âge d'être
mariée , les plus grands Princes de l'Inde .
se disputerent l'honneur d'être du nombre des douze Amans ; elle étoit bien digne de cet empressement ; elle joignoit à
une figure charmante , un certain agrément dans l'esprit et dans le caractere
qui forçoit les femmes les plus vaines à
lui pardonner d'être plus aimable qu'elles. Parmi les illustres concurrens qui furent préferés , Masulhim , Prince de Carnate , et Sikandar , Prince de Balassor , se
distinguerent bien- tôt ; l'un par les graces
avec lesquelles il cherchoit à plaire , et
l'autre par l'impetuosité de sa passion.
à
Cette tendresse très - vive de part et
d'autre ne mit point cependant d'égalité
entre eux aux yeux de la Princesse. Le
Prince de Carnate interessoit le mieux
son cœur , mais elle n'osa d'abord se l'a- .
vouer à elle- même , dans la crainte de ne
pas garder assez séverement l'exterieur
d'indifférence qu'elle devoit marquer
ses Amans jusqu'au jour où elle choisiroit
un époux. Elle regardoit comme un crime les moindres mouvemens qui pouvoient découvrir le fond de son ame :
dans le tableau qu'on se fait de ses devoirs,
peut-être faut- il grossir les objets pour
les appercevoir tels qu'ils sont.
I. Vol. A vj Le
2530 MERCURE DE FRANCE
Le Prince de Carnate étoit dans une ex- .
trême agitation ; la veritable tendresse est
timide; il n'osoit se flater de l'emporter
sur le Prince de Balassor , toujours occupé d'Amassita , il joüissoit du plaisir de
la voir sans cesse par le secours du Dieu
des ames , qui lui avoit accordé le pouvoir de donner l'essor à la sienne ; son
amour lui avoit fait obtenir cette faveur
singuliere. Son ame alloit donc à son gré,
habiter le corps d'une autre personne , ou
se placer dans des plantes , dans des aniet revenoit s'emparer de sa demeure ordinaire. Ainsi dès que la nuit
étoit venuë , l'ame du Prince de Carnate
partoit et s'introduisoit dans l'appartement de la Princesse , dont l'accès étoit
alors interdit à ses Amans; ce secret lui
épargnoit des momens d'absence qui lui
auroient été insupportables , mais il ne
lui donnoit à cet égard aucun avantage
sur son Rival , qui possedoit comme lui
cette merveilleuse liberté d'ame.
maux ,
$
La Princesse ne pût si bien dissimuler
le penchant qu'elle avoit pour le Prince
de Carnate , qu'il ne parût à bien des
marques dont elle ne s'appercevoit point;
c'est l'illusion ordinaire des Amans , ils
croyent que leur secret ne s'est point
échapé , tant qu'ils ne se sont point per
I. Vol. miş
DECEMBRE. 1732. 2537
mis la satisfaction de le trahir ; Masulhim
eut entr'autres cette préference , mais cette idée flateuse s'évanouissoit bien- tôt ;
inquiet dans ce qu'il osoit se promettre ,
il falloit pour être tranquille , un mot de
la bouche de la Princesse ;; eh ! comment
l'obtenir ? Amassita ne voyoit jamais ses
Amans qu'ils ne fussent ensemble , et ne
leur parloit jamais qu'en public , ainsi on
ayoit toujours ses Rivaux pour confidens.
Un jour qu'ils étoient chez la Princesse,
Masulhim imagina un moyen pour avoir
un entretien secret avec elle ; la conversation étoit generale , et rouloit selon la
coûtume ordinaire , sur les charmes d'Amassita : Madame , dit le Prince de Car
nate , n'osant nous flater de vous avoir
plû , nous devons bien craindre de vous.
ennuyer ; vous n'entendez jamais que
des louanges , que des protestations éxagerées peut-être ( ' quoique vous soyez.
charmante et que nous vous aimions de
bonne foi ( vous ne trouvez des prévenances qui ne vous laissent pas un moment le plaisir de désirer ; il est sûr que
si l'un de vos Amans est assez heureux
pour que vous lui sçachiez gré de ce continuel empressement , les onze autres vous
en deviennent plus insupportables , oseque
1. Vola rois
2532 MERCURE DE FRANCE
rois-je vous proposer un arrangement qui
vous sauveroit de ces hommages dont
vous êtes peut-être excedée. Souffrés qu'aujourd'hui tous vos Amans vous entretien
nent avec quelque liberté un quart d'heure seulement ; leur amour n'aura qu'à
s'empresser de se faire connoître , ce quart
d'heure expiré , les sermens , les reproches , les louanges à découvert , enfin
toute cette déclamation ordinaire de la
tendresse ne leur sera plus permise ; il
faudra qu'ils paroissent hors d'interêt dans
tout ce qu'ils vous diront ; ainsi l'enjoüment , l'agrément de l'esprit prendront
la place du sérieux de l'Amour qui en est
toujours l'ennuyeux dans les Amans qui
ne sont point aimés. Mon cœur ne m'a
fait vous proposer cette conduite que parce que si je ne suis pas assez heureux pour
meriter votre foi , ne vous plus parler de
ma tendresse , en est , je croi , la scule
marque qui puisse vous plaire.
La Princesse parut surprise du discours
de Masulhim : votre idée , lui réponditelle , est effectivement très- raisonnable ;
il est vrai que si mon cœur s'étoit déja déterminé , l'Amant vers lequel il pancheroit , se tairoit comme les autres , et
peut-être que son silence me seroit plus
à charge que l'ennui d'entendre ses RiI.Vol.
vaux.
DECEMBRE. 9732 2533
vaux. J'accepte cependant le projet que
votre prudence vous fait imaginer ; je
ne veux pas être moins raisonnable que
vous la Princesse prit un air sérieux en
achevant cette réponse , sans s'appercevoir que ce sérieux alors pouvoit ressembler à un reproche. Amassita commença
dès le même jour cette espéce d'audience ,
à laquelle elle venoit de s'assujettir. Le
tems de la promenade et celui des Jeux
fûrent employés à écouter ses Amans. Les
concurrens du Prince de Carnate eurent
les premiers momens que la Princesse
abrégea souvent d'autorité. Il ne restoit
plus que le Prince de Balassor et lui. SiKandar approcha d'elle avec assez de confiance de n'être point haï. Dans les momens ou par le secours des différentes
métamorphoses qu'il pouvoit prendre , il
entroit dans l'appartement d'Amassita
qui n'étoit alors qu'avec ses femmes ; il
avoit remarqué une réverie , une distraction qui s'emparoit de la Princesse ; il
l'avoit expliquée favorablement pour lui ,
tandis que le Prince de Carnate , sans oser
s'en flater , en avoit tout l'honneur. La
Princesse l'écouta sans jamais lui répon
dre , et le quart d'heure à peine achevé :
Souvenez-vous , lui dit-elle , que c'est la
derniere fois que je dois vous entendre ;
1. Vol * elle
2534 MERCURE DE FRANCE
,
elle fut jointe alors par le Prince de Carnate et les autres Amans observerent
avec inquiétude cette espéce de tête à
tête , qui étoit le dernier qu'Amassita devoit accorder.
Masulhim aborda la Princesse avec un
embarras qui ne lui laissa point appercevoir qu'elle n'avoit pas une contenance
plus assûrée que la sienne : Madame
lui dit- il , à présent je suis au désespoir
de la loi que je vous ai engagée à prescrire ; voici peut-être la derniere fois que
je puis vous dire que je vous aime , que
deviendrai-je si votre choix regarde un
autre que le Prince de Carnate , le plus
tendre de vos Amans ? Alors fixant ses
yeux sur ceux de la Princesse , son trouble en augmenta , et il cessa de parler.
Amassita qui sembloit ne s'occuper que
d'un tapis de fleurs sur lequel ils se promenoient n'étoit rien moins que distraite ; elle ne sentoit plus l'impatience
qu'elle avoit euë de voir finir la conversation avec ses autres Amans ; elle avoit
trouvé dans leurs discours trop d'empressement de paroître amoureux , trop d'envie de plaire. Celui de Masulhim ne lui
parut pas assez tendre ; elle tourna les
yeux sur les siens , sans trop démêler encore ce qu'elle y cherchoit , et voyant
,
1. vol. qu'il
DECEMBRE. 1732 2535.
qu'il gardoit toujours le silence : vous
n'avés qu'un quart d'heure , dit elle ; à
ces mots son embarras augmenta , et elle
resta à son tour quelques momens sans
parler.
Belle Amassita , reprit Masulhim , ch'
pourquoi me faites- vous sentir davantage
le peu qu'il durera ce moment, ce seul
moment où je puis vous parler sans voir
mes odieux Rivaux pour témoins ! Ah !
si j'étois l'Amant que vous préfererés ,
qu'il vous seroit aisé de m'ôter mon incertitude sans que personne au monde
connut mon bonheur ! J'ai obtenu du
Dieu des Ames le pouvoir de disposer de
la mienne , séparée du corps qui la contraint , elle habite chaque nuit votre Palais ; j'étois cette nuit même avec toutes
ces images que vous n'avés regardées que
comme un songe ; j'animois ces génies
qui sous des formes charmantes répandoient des fleurs sur votre tête ; je pas
sois dans ces timbres et dans ces chalu
meaux dont ils formoient des Concerts ,
et je tâchois d'en rendre les sons plus touchans. Ce matin j'étois cet Oyseau à qui
vous n'avez appris que votre nom , et qui
vous a surpris par tout ce qu'il vous a dit
de tendre. Que ces momens me rendent
heureux ! ne pouvant me flater d'être ce
I. Vol. que
536 MERCURE DE FRANCE
>
que vous aimés , j'ai du moins le plaisir
de devenir tout ce qui vous amuse , et je
serai toujours tout ce qui vous environnera , tout ce qui sera attaché à vous pour
toute la vie Quoi ! vous êtes toujours
où je suis , répondit la Princesse ! Oüi
belle Amassità, reprit Masulhim ; ce n'est
que depuis que je vous aime que j'ai ce
pouvoir sur mon ame et je ne veux jamais l'employer que pour vous ; daignés
le partager ce pouvoir si désirable , il ne
dépend que de quelques mots prononcés
songés quel est l'avantage de donner à
son ame la liberté de parcourir l'Univers. Non , interrompit la Princesse , si
j'apprenois ce secret ; je voudrois n'en
faire usageque par vos conseils : mon ame¹
voudroit toujours être suivie de la
vôtre.
A ces mots , Amassita s'apperçut que
son secret s'étoit échapé , mais il ne lui
restoit pas le tems de se le reprocher ; le
quart d'heure étoit déja fini , elle se hâta
d'apprendre les mots consacrés ; elle convint que le soir même pour faire l'épreuve de son nouveau secret , dès que ses
femmes la croiroient endormie , son ame
iroit joindre celle du Prince , et ils choisirent l'Etoile du matin pour le lieu du
rendez-vous. Ils se séparerent ; la PrinI.Vel. cesse
DECEMBREE. 1732. 2537
cesse rentra dans son appartement , et Masulhim retourna à son Palais. Tous deux
ne respiroient que la fin du jour , et ce
jour ne finissoit point , la nuit vint cependant , l'ame du Prince étoit déja partic
bien auparavant : enfin elle vit arriver
celle de la Princesse ; elles se joignirent
au plutôt , elles se confondirent , elles
goûterent cette joye , cette satisfaction
profonde que les Amans qui ne sont pas
assez heureux pour être débarassés de leurs
corps , ne connoissent point. Ces ames li
bres ne furent plus qu'amour pur , que
plaisirs inalterables , chacune appercevoit
toute la tendresse qu'elle faisoit naître , et
c'étoit le bonheur parfait qu'elle portoit
dans l'ame cherie , qui fafsoit tout l'excès
du sien ; elles ne voyoient nulles peines
à prévenir , nulles satisfactions à désirer ,
enfin elles ne faisoient que sentir et qu'être heureuses , et la nuit se passa précipitamment pour elles ; il fallut s'en retourner. La Princesse vouloit avant l'heure ordinaire de son lever , rejoindre son
corps qu'elle avoit laissé dans son lit. Ces
Amans se demanderent et se promirent
un même rendez-vous pour la nuit d'ensuite , et ayant fait la route ensemble , ils
ne se séparerent qu'au moment de retourner à leur habitation,
1.Vol.
On
2538 MERCURE DE FRANCE
On croiroit qu'une union où l'ame
seule agit , est exemte des révolutions qui
persécutent les passions vulgaires , mais
l'amour ne va jamais sans quelque trouble quelle surprise pour l'ame de la
Princesse , lorsque rentrant dans son appartement , elle apperçût son corps déja
éveillé et environné de ses femmes , qui
s'occupoient à le parer. Le Prince de Balassor par le secours d'une Métamorphose
avoit entendu les Amans lorsqu'ils se
donnoient rendez-vous à l'Etoile du matin , et dès l'instant qu'il avoit vû partir
l'ame de la Princesse , il avoit été s'emparer de sa représentation.
Amassita resta embarassée , éperduë à
un point qu'on ne sçauroit exprimer. Elle
n'avoit plus Masulhim pour l'aider de ses
conseils ; elle n'étoit point accoûtumée à
disposer de son ame sans être conduite.
par celle de son Amant , elle resta incertaine, errante , formant mille projets et ne s'arrêtant à aucun.
Il paroît surprenant qu'une ame qui
agissoit librement , ne trouva point d'abord de ressources pour se tirer de
peine ; mais quand les ames sont bien li
vrées à l'Amour , elles négligent si fort
toutes les autres opérations dont elles sont 1. Vel сара-
DECEMBRE. 1732. 2535
Capables , qu'elles ne sçavent plus qu'ai◄
mer.
Masulhim qui ignoroit ses malheurs ;,
vint à l'heure ordinaire chez la Princesse; il avoit cette joye si délicieuse , que les
Amans ont tant de peine à cacher quand
ils commencent d'être heureux. Quel
étonnement pour lui de ne point trouver
dans la Princesse ce caractere de douceur
et de dignité qui lui étoit si naturelle !
son langage et son maintien étoient de
venus méprisans à son égard , et marquoient une coqueterie grossiere pour ses
Rivaux ; car le Prince de Balassor faisoit
malignement agir la fausse Princesse , de
façon à désesperer Masulhim.
Le Prince de Carnate ne pouvoit rien
comprendre à ce changement ,
il ne pouvoit le croire. Sikandar lisoit dans ses
yeux toute sa douleur , et ressentoit autant de joye dans le fond de cette ame
dont il animoit le corps de la Princesse ,
et pour porter à son Rival un coup irrémediable , il fit assembler les Bramines ,
et leur déclara ( paroissant toujours la
Princesse que quoique l'année ne fut
point encore révolue , elle étoit prête
s'ils y consentoient, à déclarer son Epoux;
on applaudit à cette proposition , et la
I.Vol. fausse
2540 MERCURE DE FRANCE
fausse Princesse nomma le Prince de Balass or.
Après cette démarche , si funeste pour
Masulhim et pour Amassita , l'ame de
Sikandar partit , et celle de la Princesse
qui étudioit le moment de rentrer dans
sa propre personne , ne manqua pas de
s'en emparer dès que Sikandar l'eut abang
donnée.
Mais tous les maux que le Prince de
Balassor venoit de causer ne suffisoient
pas à sa fureur , ce n'étoit pas assez pour
lui d'avoir obtenu par une trahison le titre d'Epoux,que son Rival n'auroit voulu recevoir que des mains de l'Amour , il
voulut encore lui ravir le cœur de la Princesse , en semant entr'eux des sujets horribles de jalousie et de haine. Comme il
méditoit ce projet , il apperçût l'ame du
Prince de Carnate qui alloit rejoindre son
corps dont elle s'étoit séparée par inquié
tude. L'ame de Sikandar suivit celle
de Masulhim avec tant de précision ,
qu'elles y entrerent en même tems ; celle
du Prince de Carnate fut au désespoir de
trouver une compagnie si odieuse , mais
comment s'en séparer ? lui abandonner la
place , pouvoit être un parti dangereux.
Ces deux ames resterent ainsi renfermées,
sans avoir de commerce ensemble. Elles
1. Vol. réso
DECEMBRE. 1732. 2548
résolurent de se nuire en tout ce qu'elles
pourroient , par les démarches qu'elles
feroient faire à leur commune machine.
Il n'y avoit qu'une seule opération à laquelle elles pouvoient se porter de concert ; c'étoit de songer à a Princesse , et
de conduire chez elle leur personne. Ces
deux Rivaux se rendirent donc ensemble
au Palais d'Amassita. A peine apperçûtelle Masulhim , qu'elle s'empressa de se
justifier sur le choix qu'elle paroissoit
avoir fait devant ses Etats assemblez. Le
Prince de Carnate attendri par la douleur
de la Princesse , voulut se jetter à ses genoux , mais cette autre ame qui agissoit
en lui de son côté , troubloit toujours les
mouvemens que le Prince de Carnate vouloit exprimer : s'il juroit à la Princesse de
l'aimer toute sa vie,, l'autre ame lui faisoit prendre un ton d'ironie qui sembloit
désavoüer tout ce qu'il pouvoit dire. Ces
dehors offensans qui étoient apperçûs de
la Princesse , la blessoient ; elle faisoit des
reproches à Masulhim. Il en étoit attendri , désesperé , mais dans le moment
qu'il la rassuroit par les discours les plus
tendres , l'ame ennemie lui imprimoit un
air de distraction et de fausseté qui les
rebroüilloient avec plus de colere. Enfin ,
ces deux Amans éprouverent la situaI. Vol. tion
2542 MERCURE DE FRANCE
tion du monde la plus triste et la plus singuliere.
Ce cruel pouvoir de l'ame du Prince de
Balassor mit entre eux la désunion et le
désespoir. Les Malleans étoient extrêmement surpris de voir ces contrastes dans
le Prince de Carnate. Ils ne sçavoient point
encore que dans un Amant l'inégalité et
l'inconstance ne sont que l'ouvrage d'une
ame étrangere qui le fait agir malgré soi ,
et que la veritable reste toujours fidelle.
- Masulhim et Amassita outrément aigris
l'un contre l'autre , Sikandar crut qu'il
n'avoit qu'à reparoître sous sa forme ordinaire. Il se sépara de l'ame de son
Rival c'étoit le jour même où les Malléanes avoient marqué la cerémonie de son union avec la Princesse.
Les Bramines s'assemblerent , et la Fête
fut commencée. Quelle situation pour
Masulhim ! la Princesse toujours irritée
contre lui , toujours livrée à la cruelle erreur que lui avoit causé l'ame de Sikandar , jointe à celle de son Amant , ne son.
gea plus qu'à l'oublier. Elle se laissa parer
du voile de felicité ; c'est ainsi qu'on appelloit les habits de cette cerémonie. On
la conduisit au Temple des deux Epoux
immortels. Le Prince de Balassor mar1. Vol. choit
DECEMBRE. 1737 2548
choit à côté de la Princesse , et Masulhim
qui voyoit son malheur assûré , suivoit ,
confondu dans la foule et noyé dans la
douleur et dans le désespoir. Le Prêtre et
la Prêtresse firent asseoir Amassita , et
placerent à côté d'elle l'indigne Amant
dont elle alloit faire un Epoux. Le trouble
de la Princesse s'augmenta ; un torrent de
larmes vint inonder ses yeux ; elle sentit
au moment de donner sa foi à un autre
qu'à Masulhim , qu'il y avoit encore un
supplice plus grand que de le croise infidele. O Malleanes , dit- elle , soyés touchés du sort de votre Princesse ; il s'agit
du bonheur de sa vie. Elle déclara alors
la trahison de Sikandar , lorsque faisant
parler sa représentation , il s'étoit nommé lui- même pour l'Amant préferé de la
Princesse jugés , ajoûta-t'elle , de l'horreur de ma situation ; si vous me forcés
à être unie avec le Prince de Balassor , je,
vous l'ai avoué : favorisée du Dieu des
ames , j'ai le pouvoir de disposer de la
mienne. Le serment par lequel vous m'attacherés à un Amant que je déteste , ne
lui livrera que ma représentation ; ma
foi , mes desirs , mon ame enfin , en seront séparés à tous les momens de mavie,
Quelle union chez les Malleanes ! je vois
que la seule idée vous en fait frémir. Les
:
I. Vol. B Mal-
2544 MERCURE DE FRANCE
Malleanes firent un cri d'effroi , et d'une
voix unanime releverent la Princesse de
ses engagemens.
"
Enfin , me voilà libre , s'écria- t'elle
helas ! si le Prince de Carnate m'avoit
toujours aimée , que j'aurois été éloignée
de séparer mon cœur de ma main ! in cut
toujours trouvé en moi mon ame toute
entiere. A ces mots Masulhim se jetta aux
pieds de la Princesse , qui ne lui donna
pas le tems de parler. Elle sentit dans le
fond de son cœur toute l'innocence de son
Amant. Elle le déclara son Epoux , elle le
répeta plusieurs fois , de crainte de n'être
pas assez liée par les sermens ordinaires.
Masulhim fut prêt d'expirer de joye et
d'amour.
Le désespoir de Sikandar fut égal au
bonheur de ces deux Amans. Il alla cacher sa honteet sa fureur dans le sein d'une étoile funeste de laquelle son ame étoit
émanée. Sa fuite ne rassûra pas entierement les deux Epoux ; et pour prévenir
les entreprises qu'il pouvoir faire contre
eux par le secours de ses Métamorphoses,
ils convinrent que leurs ames ne quitte
roient jamais leurs corps. Ils aimerent
mieux perdre de leur bonheur et de leur:
amour qui étoit cent fois plus parfait lorsqu'il n'étoit causé que par les purs mouI.Vok vemens
DECEMBRE. 1732 2345
vemens de leurs ames ; et ce dernier exemple a été le seul imité. On a perdu dans
le monde l'idée de leur premiere tendresse , les Amans ne sont plus assez heureux
pour sentir que leur vrai bonheur consiste dans la seule union des ames.
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Résumé : LES AMES RIVALES, HISTOIRE FABULEUSE.
Le texte 'Les Âmes Rivales' se déroule dans le royaume de Mallean, en Inde, où les femmes détiennent l'autorité et les hommes sont confinés à des rôles domestiques. Cette domination féminine résulte de l'évolution des mœurs, permettant aux femmes d'avoir plusieurs époux réduits à des esclaves. Autrefois, à l'âge de dix ans, une fille choisissait un époux parmi douze prétendants après une année de cohabitation, marquant une union fidèle et amoureuse. La princesse Amassita, fille du roi de Mallean, doit choisir un époux parmi douze princes, dont Masulhim de Carnate et Sikandar de Balassor. Amassita préfère Masulhim mais dissimule ses sentiments. Masulhim, grâce à un pouvoir divin, peut séparer son âme de son corps pour visiter Amassita en secret. Il propose un arrangement où chaque prétendant aurait un quart d'heure pour s'exprimer librement. Amassita accepte et écoute les princes. Sikandar est le dernier à parler, mais Amassita l'interrompt, annonçant que c'est la dernière fois qu'elle l'entendra. Lors de son tour, Masulhim exprime son désespoir et révèle son pouvoir de séparer son âme. Touché par ses paroles, Amassita avoue son amour et apprend le secret pour séparer son âme. Ils se donnent rendez-vous près de l'étoile du matin. Cette nuit-là, leurs âmes se rejoignent et goûtent un bonheur parfait, libéré des contraintes corporelles. Après cette nuit, ils se promettent de se revoir. Cependant, Sikandar utilise une métamorphose pour prendre le contrôle du corps d'Amassita et semer la discorde. Il manipule Amassita pour qu'elle nomme Sikandar comme son époux, causant la douleur et la confusion de Masulhim. Sikandar introduit la jalousie et la haine entre les amants en faisant cohabiter leurs âmes dans le corps de Masulhim, entraînant des malentendus et des souffrances. Lors de la cérémonie de mariage, Amassita révèle la trahison de Sikandar aux Malleanes, qui la libèrent de ses engagements. Amassita et Masulhim se réconcilient et décident de ne plus jamais séparer leurs âmes de leurs corps pour éviter de futures manipulations. Sikandar, déchu, se retire dans une étoile funeste.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 354-364
Extrait de la Tragédie de Gustave, [titre d'après la table]
Début :
Le 6 Février, les Comédiens François donnerent la premiere Représentation de [...]
Mots clefs :
Gustave, Christierne, Adélaïde, Astolphe, Frédéric, Princesse, Mort, Mère, Prince, Tyran, Lettre, Danemark
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texteReconnaissance textuelle : Extrait de la Tragédie de Gustave, [titre d'après la table]
Le 6 Février , les Comédiens François
donnerent la premiere Représentation de
Ia Tragédie de Gustave ; il y a peu de Piéces
qui ayent été reçûes avec un applau
dissement
FEVRIER. 1733. 355
dissement si unanime ; la grande idée
qu'on s'en est d'abord faite n'a fait qu'aug,
menter dans les Représentations suivan
tes. Elle est de M. Pyron , Auteur de la
Comédie des Fils Ingrats , et de la Tragédie
de Callistene. Nous n'en donnerons
qu'un Argument très- succinct , en attendant
que nous l'ayons assez éxaminée
pour pouvoir en donner un Extrait plus
détaillé .
Le Heros de cette Tragédie est le premier
de sa Maison qui ait regné sur les
Suedois ; on l'avoit d'abord annoncé
dans les affiches sous le nom de Gustave
Vasa, pour le distinguer de Gustave Adol
phe , dont le nom n'est pas moins celébre.
Stenon , Roi de Suede , à qui ce premier
Gustave a succedé , l'avoit désigné
son Successeur , à la faveur d'un mariage
avec Adelaide , sa Fille. Christierne
Beau- Frere de Charlequint , détrôna et
fit massacrer Stenon ; il fit enfermer Adelaïde
Fille de ce malheureux Roi dans
une Tour, et il y a apparence qu'il n'auroit
pas épargné celui qui lui étoit destinépour
Epoux , s'il étoit tombé en sa puissance ;
il faut donc supposer que Gustave fut au
moins emprisonné , ou qu'il se tint caché
pendant neuf ans pour attendre le tems.
favorable, où il pourroit monter sur le
Trône
2
356 MERCURE DE FRANCE
Trône où il avoit été destiné par le légiti
me Roi . Ces neuf ans étant expirés , et le
tems de sa vangeance étant arrivé , comme
sa tête avoit été mise à prix par Christierne
, il fit courir lui- même le bruit que
Gustave avoit été tué , et que le meurtrier
devoit apporter sa tête à Christierne.
C'est ici que l'action theatrale commence.
Christierne à son retour de quelque
expédition , demande à Astolphe , fidele
Ministre de ses vangeances , ce qui s'est
passé dans Stocholm depuis son absence ;
Astolphe lui rend un compte éxact de ce
qui regarde sa nouvelle domination , et
lui annonce entr'autres choses que la Reine
, veuve de Stenon , est morte ; Christierne
lui apprend à son tour quelque
chose de plus favorable à ses projets ambitieux
, c'est l'assassinat de Gustave. E
dentPrince assez amateur du repos , pour avoir
abandonné à Christierne les droits naturels
qu'il avoit sur la Couronne de
Dannemarc , ne peut apprendre sans indignation
qu'on ait assassiné Gustave ; il
a déja commencé à devenir suspect à
Christier ne , par les voeux de la plûpart ,
des Danois pour son rétablissement au
Trône qui lui appartient ; mais ce meurtre
abominable dont le Tyran fait gloire ,
fait
FEVRIER. 1733 . 387
fait encore plus d'horreur à Casimir , l'un
des plus fideles Sujets qui soient restés
à Stenon malgré son détrônement ; de
sorte qu'il forme dès-lors le genereux des
sein de vanger Gustave , comme désigné
par Stenon pour lui succeder au Trône ;
par le droit d'Adelaïde , sa Fille. Frederic
aime cette malheureuse Princesse , dont
les fers viennent d'être brisez par un
trait de politique de Christiernę ; la Princesse
l'a toujours estimé , Christierne le
lui a fait proposer pour Epoux , mais ce
Tyran n'avoit pas encore vû cette Fille
de Stenon , et ce n'a été que long- tems
après le jour de son emprisonnement qu'il
a connu le pouvoir de ses charmes ; il
n'a garde de faire connoître son amour
à Fréderic , qu'il a interêt de flater toujours
de l'espérance de son Hymen avec
Adelaïde ; c'est dans cette vûë qu'il charge
ce Prince Danois du soin d'annoncer à
cette Princesse la mort de Gustave , lui
faisant entendre que perdant toute esperance
d'épouser l'Amant à qui son Perc
l'avoit destinée , elle n'apportera plus de
résistance au nouvel Hymen qu'on éxige
d'elle. Fréderic ne sçait comment annoncer
une si funeste nouvelle à sa Princesse ;
il craint de lui en devenit encore plus
odieux ; elle vient ; il la plaint ; elle lui
de358
MERCURE DE FRANCE
demande d'où naissent ses plaintes , et
comme il s'obstine à garder le silence
quoiqu'elle le presse de le rompre : Ah !
lui dit elle , Gustave est mort ; il la quitte
sans proferer un seul mot . Elle prend sa
retraite et son silence pour un aveu ; elle
ne doute plus de la mort de Gustave ; la
Mere de ce Prince , qui passe pour une
Suivante de cette Princesse éplorée , témoigne
plus de fermeté ; ce qui donne
lieu à ces deux beaux Vers d'Adelaïde :
Calme dénaturé , qui fait voir en ce jour,
Que le sang sur un coeur est plus fort que PA
mour !
Voilà à peu près ce qui fait le sujet du
premier Acte , nous nous y sommes un
peu étendus , croyant l'exposition de ces
circonstances nécessaires pour l'intelligence
de l'action principale
Casimir ayant appris que le prétendu
assassin de Gustave doit en apporter la
tête à Christierne , vient l'attendre dans
un endroit par où il doit passer ; prêt à
le combattre , il le reconnoît pour Gustave
même ; ce Prince lui explique.comment
il s'est transporté jusqu'à Stocholm
sans avoir été reconnu ; il lui demande si
Adelaïde lui est fidele ; Casimir l'en
ayant
FEVRIER. 1733 359
1
ayant assuré , Gustave lui dit d'un ton de
confiance :
Stocholm est libre , et Stenon est vangé.
Christierne vient ; le faux assassin qui
lui est toujours inconnu , lui raconte
en termes équivoques ce qu'il veut lui
persuader ; il lui promet de lui montrer la
tête de Gustave , qu'il dit avoir attaqué en
brave homme ; il lui demande pour toute
récompense , qu'il lui permette de rendre
à la Princesse une Lettre que Gustave a
mise entre ses mains : Christierne lit la
Lettre , il reconnoît le seing de Gustave :
par ce Billet , Gustave prie Adélaïde de
ne pas
s'obstiner à lui être fidele après sa
mort , et de recevoir un Epoux de la
main du Vainqueur ; cette Lettre étant
parfaitement conforme aux intentions de
Christierne , ce Tyran lui permet de la
donner à Adélaïde , et de l'entretenir sans
témoins, Gustave se retire ; Astolphe plus
méchant encore que Christierne lui
dit que s'il veut que son Hymen avec
Adélaïde ne soit plus traversé , il faut absolument
séparer Léonor de cette Princesse
, attendu que cette Suivante l'entretient
dans une haine implacable contre
lui ; Christierne approuve ce conseil , et
le charge de l'éxécuter quand il le trouve-
>
ra
$ 60 MERCURE DE FRANCE
ra à propos ; voilà à peu près toute l'ac
tion du second Acte.
L'entrevuë d'Adélaïde avec celui qui
doit lui donner une Lettre de Gustave ,fait
le principal incident du troisiéme Acte.
Cet incident est précedé d'un autre qui
est très- bien imaginés le voici . Léonor ne
doutant plus de la mort de son Fils , dont
elle n'a été que trop bien informée , ne
peut plus se contraindre en présence d'Astolphe
et pour réprimer l'insolence de
ses discours , elle se déclare mere de Gusrave
Astolphe la fait arrêter sur le
champ malgré les larmes et les cris d'Adélaïde
cet emprisonnement est abŝolument
nécessaire pour préparer un coup
de Théatre qui fait un honneur infini à
P'Auteur. Léonor ayant été arrachée d'entre
les bras d'Adélaïde , Gustave est introduit
auprès d'elle ; elle ne reconnoît
pas le son de sa voix , soit qu'il soit supposé
qu'il la contrefasse , soit que neuf
ans d'absence y ayent apporté assez de
changement pour la rendre méconnoissa→
ble aux oreilles d'une Princesse , accablée
d'ailleurs d'une douleur mortelle ; elle lit e;
la Lettre dont on a déjà parlé dans l'Acte
précédent ; elle fait connoître après cette
fecture qu'elle aimera toujours Gustave ,
quoiqu'il la dispense de sa foi ; à cet heureux
FEVRIER. 1733. 361
reux témoignage d'une constance éternelle
, Gustave transporté se jette à ses
pieds ; cette reconnoissance a fait un plaisir
infini ; Adélaïde à travers sa joie laisse
entrevoir une douleur dont elle apprend
la cause à Gustave ; c'est l'emprisonnement
de Léonor qu'elle fait connoître à
çe tendre Fils pour sa Mere , dont il avoit
déja pleuré la mort ; Gustave ne balance
pas à s'exposer à tout pour la délivrance
d'une Mere si chete ; il quitte la Prin
cesse dans le dessein de tout entreprendre
; Frederic vient un moment après
toujours soumis et respectueux. Adélaïde
le prie à son tour de travailler à la déli̟-
vrance de Léonor , ce genereux Prince
lui promet de la demander à Christierne
et de tout entreprendre s'il la lui refuse,
Passons à l'Acte IV.
Astolphe apprend à Christierne que
cette Léonor qui lui paroissoit si suspecte
s'est enfin fait reconnoître pour Mere de
Gustave. Christierne est frappé de cette
découverte , mais il l'est encore plus d'un
nouveau soupçon d'Astolphe , qui vient
de faire arrêter le prétendu assassin de
Gustave , parce qu'il avoit voulu séduire,
à force d'argent , les Gardes de Léonor ,
ce qui lui fait présumer qu'il se pourroit
bien que le prétendu meurtrier de Gusta362
MERCURE DE FRANCE
ve fut Gustave lui -même. Christierne en
tre dans ce soupçon ; et pour l'éclaircir
it ordonne à Astolphe de lui envoyer
Léonor , et de se tenir prêt à faire paroî
tre le prisonnier qu'il vient de faire arrê
ter , au premier signal. Ses ordres sont
ponctuellement éxecutés. Léonor vient la
premiere ; elle reproche la mort de son
Fils au Tyran ; il s'en excuse avec adresse
eh bien , lui répond Léonor , si tu
n'es pas complice de la mort de Gustave,
prouve-le moi par le supplice de son assassin
. Christierne y consent ; on amene
Gustave , Léonor le reconnoît pour son
Fils , sans oser proferer un seul mot , mais
voyant qu'on va lui donner la mort par
l'ordre de Christierne : Arrête , dit elle
parlant à celui qui va le frapper : Ah !
C'est ton Fils , dit alors Christierne : ce
coup de Théatre a parû le plus bel endroit
de la Tragédie.
,
Nous passons légerement sur ce qui
reste , pour ne pas sortir des bornes que
nous avons prescrites à cet argument.
Frederic n'ayant pû obtenir de Christierne
la liberté de Léonor , et d'ailleurs
le Tyran lui ayant dit qu'il prétend lui
même épouser Adélaïde , s'emporte d'u
ne maniere à fournir à Christierne un
prétexte de le faire arrêter , de sorte que
le
FEVRIER. 1733. 365
le danger des personnages les plus interessants
de la Piéce , paroît arrivé à son
dernier période. Heureusement on s'est
avisé trop tard de faire arrêter Casimir
par la raison qu'il étoit le moins suspect
on vient avertir Christierne que tout
conspire contre lui , et que ce Casimir
dont il ne s'étoit jamais défié, avoit , à
main armée délivré Gustave et Frederic
de sorte qu'il ne lui reste d'espoir que
dans la fuite. Christierne vaincu sur la
Mer et sur les glaces , tente un dernier
coup que le désespoir lui inspire ; il fait
paroître sur le tillac d'un Vaisseau Léonor
prête à tomber sous un coup mortel
, et par une Lettre qu'il envoye à la
Flote ennemie , par une fleche décochée ,
il fait entendre à Gustave que s'il ne lui
rend Adelaïde , sa Mere est morte ; Gustave
ne balance pas un moment à se livrer
lui- même pour sauver sa Mere; Adelaïde
s'y oppose , mais inutilement ; enfin Leonor
vient dissiper par sa présence le trouble
dont tous les esprits sont agitez ; elle
annonce que le génereux Fréderic l'a sauvée
dans le temps que Christierne lui alloit
enfoncer un poignard dans le sein ; on
amene le Tyran à Gustave , qui ne dai
gne pas répandre un sang si indigne , il
gie veut pas même qu'on attente à sa li-
L
berté
364 MERCURE DE FRANCE
berté , et l'abandonne aux remords , justes
vengeurs des crimes pour Fréderic
il a déja pris son parti en Prince génereux
, et a fait voile du côté du Dannemarc
, où les Peuples l'attendent pour
le couronner.
;
La Scene se passe dans le Palais des
Rois de Suede à Stokolm. Le principal
Rôle de Gustave est rempli et très-bien
joüé par le sieur Dufresne ceux de Christierne
, Roy de Dannemarc , de Fréderic
, Prince de Dannemarc , de Casimir ,
Seigneur Suedois , d'Astolphe , Confident
de Christierne et d'Othon , Capitaine
de ses Gardes , sont jouez par les
sieurs Sarrazin , Grandval , le Grand ,
Montmenil , et du Breuil. Les Rôles d'Adelaïde
, Princesse de Suede , de Leonor ,
Mere de Gustave , et de Sophie , Confidente
d'Adelaïde , sont remplis par les
Dlles Gaussin , Ballycourt et Jouvenot,
donnerent la premiere Représentation de
Ia Tragédie de Gustave ; il y a peu de Piéces
qui ayent été reçûes avec un applau
dissement
FEVRIER. 1733. 355
dissement si unanime ; la grande idée
qu'on s'en est d'abord faite n'a fait qu'aug,
menter dans les Représentations suivan
tes. Elle est de M. Pyron , Auteur de la
Comédie des Fils Ingrats , et de la Tragédie
de Callistene. Nous n'en donnerons
qu'un Argument très- succinct , en attendant
que nous l'ayons assez éxaminée
pour pouvoir en donner un Extrait plus
détaillé .
Le Heros de cette Tragédie est le premier
de sa Maison qui ait regné sur les
Suedois ; on l'avoit d'abord annoncé
dans les affiches sous le nom de Gustave
Vasa, pour le distinguer de Gustave Adol
phe , dont le nom n'est pas moins celébre.
Stenon , Roi de Suede , à qui ce premier
Gustave a succedé , l'avoit désigné
son Successeur , à la faveur d'un mariage
avec Adelaide , sa Fille. Christierne
Beau- Frere de Charlequint , détrôna et
fit massacrer Stenon ; il fit enfermer Adelaïde
Fille de ce malheureux Roi dans
une Tour, et il y a apparence qu'il n'auroit
pas épargné celui qui lui étoit destinépour
Epoux , s'il étoit tombé en sa puissance ;
il faut donc supposer que Gustave fut au
moins emprisonné , ou qu'il se tint caché
pendant neuf ans pour attendre le tems.
favorable, où il pourroit monter sur le
Trône
2
356 MERCURE DE FRANCE
Trône où il avoit été destiné par le légiti
me Roi . Ces neuf ans étant expirés , et le
tems de sa vangeance étant arrivé , comme
sa tête avoit été mise à prix par Christierne
, il fit courir lui- même le bruit que
Gustave avoit été tué , et que le meurtrier
devoit apporter sa tête à Christierne.
C'est ici que l'action theatrale commence.
Christierne à son retour de quelque
expédition , demande à Astolphe , fidele
Ministre de ses vangeances , ce qui s'est
passé dans Stocholm depuis son absence ;
Astolphe lui rend un compte éxact de ce
qui regarde sa nouvelle domination , et
lui annonce entr'autres choses que la Reine
, veuve de Stenon , est morte ; Christierne
lui apprend à son tour quelque
chose de plus favorable à ses projets ambitieux
, c'est l'assassinat de Gustave. E
dentPrince assez amateur du repos , pour avoir
abandonné à Christierne les droits naturels
qu'il avoit sur la Couronne de
Dannemarc , ne peut apprendre sans indignation
qu'on ait assassiné Gustave ; il
a déja commencé à devenir suspect à
Christier ne , par les voeux de la plûpart ,
des Danois pour son rétablissement au
Trône qui lui appartient ; mais ce meurtre
abominable dont le Tyran fait gloire ,
fait
FEVRIER. 1733 . 387
fait encore plus d'horreur à Casimir , l'un
des plus fideles Sujets qui soient restés
à Stenon malgré son détrônement ; de
sorte qu'il forme dès-lors le genereux des
sein de vanger Gustave , comme désigné
par Stenon pour lui succeder au Trône ;
par le droit d'Adelaïde , sa Fille. Frederic
aime cette malheureuse Princesse , dont
les fers viennent d'être brisez par un
trait de politique de Christiernę ; la Princesse
l'a toujours estimé , Christierne le
lui a fait proposer pour Epoux , mais ce
Tyran n'avoit pas encore vû cette Fille
de Stenon , et ce n'a été que long- tems
après le jour de son emprisonnement qu'il
a connu le pouvoir de ses charmes ; il
n'a garde de faire connoître son amour
à Fréderic , qu'il a interêt de flater toujours
de l'espérance de son Hymen avec
Adelaïde ; c'est dans cette vûë qu'il charge
ce Prince Danois du soin d'annoncer à
cette Princesse la mort de Gustave , lui
faisant entendre que perdant toute esperance
d'épouser l'Amant à qui son Perc
l'avoit destinée , elle n'apportera plus de
résistance au nouvel Hymen qu'on éxige
d'elle. Fréderic ne sçait comment annoncer
une si funeste nouvelle à sa Princesse ;
il craint de lui en devenit encore plus
odieux ; elle vient ; il la plaint ; elle lui
de358
MERCURE DE FRANCE
demande d'où naissent ses plaintes , et
comme il s'obstine à garder le silence
quoiqu'elle le presse de le rompre : Ah !
lui dit elle , Gustave est mort ; il la quitte
sans proferer un seul mot . Elle prend sa
retraite et son silence pour un aveu ; elle
ne doute plus de la mort de Gustave ; la
Mere de ce Prince , qui passe pour une
Suivante de cette Princesse éplorée , témoigne
plus de fermeté ; ce qui donne
lieu à ces deux beaux Vers d'Adelaïde :
Calme dénaturé , qui fait voir en ce jour,
Que le sang sur un coeur est plus fort que PA
mour !
Voilà à peu près ce qui fait le sujet du
premier Acte , nous nous y sommes un
peu étendus , croyant l'exposition de ces
circonstances nécessaires pour l'intelligence
de l'action principale
Casimir ayant appris que le prétendu
assassin de Gustave doit en apporter la
tête à Christierne , vient l'attendre dans
un endroit par où il doit passer ; prêt à
le combattre , il le reconnoît pour Gustave
même ; ce Prince lui explique.comment
il s'est transporté jusqu'à Stocholm
sans avoir été reconnu ; il lui demande si
Adelaïde lui est fidele ; Casimir l'en
ayant
FEVRIER. 1733 359
1
ayant assuré , Gustave lui dit d'un ton de
confiance :
Stocholm est libre , et Stenon est vangé.
Christierne vient ; le faux assassin qui
lui est toujours inconnu , lui raconte
en termes équivoques ce qu'il veut lui
persuader ; il lui promet de lui montrer la
tête de Gustave , qu'il dit avoir attaqué en
brave homme ; il lui demande pour toute
récompense , qu'il lui permette de rendre
à la Princesse une Lettre que Gustave a
mise entre ses mains : Christierne lit la
Lettre , il reconnoît le seing de Gustave :
par ce Billet , Gustave prie Adélaïde de
ne pas
s'obstiner à lui être fidele après sa
mort , et de recevoir un Epoux de la
main du Vainqueur ; cette Lettre étant
parfaitement conforme aux intentions de
Christierne , ce Tyran lui permet de la
donner à Adélaïde , et de l'entretenir sans
témoins, Gustave se retire ; Astolphe plus
méchant encore que Christierne lui
dit que s'il veut que son Hymen avec
Adélaïde ne soit plus traversé , il faut absolument
séparer Léonor de cette Princesse
, attendu que cette Suivante l'entretient
dans une haine implacable contre
lui ; Christierne approuve ce conseil , et
le charge de l'éxécuter quand il le trouve-
>
ra
$ 60 MERCURE DE FRANCE
ra à propos ; voilà à peu près toute l'ac
tion du second Acte.
L'entrevuë d'Adélaïde avec celui qui
doit lui donner une Lettre de Gustave ,fait
le principal incident du troisiéme Acte.
Cet incident est précedé d'un autre qui
est très- bien imaginés le voici . Léonor ne
doutant plus de la mort de son Fils , dont
elle n'a été que trop bien informée , ne
peut plus se contraindre en présence d'Astolphe
et pour réprimer l'insolence de
ses discours , elle se déclare mere de Gusrave
Astolphe la fait arrêter sur le
champ malgré les larmes et les cris d'Adélaïde
cet emprisonnement est abŝolument
nécessaire pour préparer un coup
de Théatre qui fait un honneur infini à
P'Auteur. Léonor ayant été arrachée d'entre
les bras d'Adélaïde , Gustave est introduit
auprès d'elle ; elle ne reconnoît
pas le son de sa voix , soit qu'il soit supposé
qu'il la contrefasse , soit que neuf
ans d'absence y ayent apporté assez de
changement pour la rendre méconnoissa→
ble aux oreilles d'une Princesse , accablée
d'ailleurs d'une douleur mortelle ; elle lit e;
la Lettre dont on a déjà parlé dans l'Acte
précédent ; elle fait connoître après cette
fecture qu'elle aimera toujours Gustave ,
quoiqu'il la dispense de sa foi ; à cet heureux
FEVRIER. 1733. 361
reux témoignage d'une constance éternelle
, Gustave transporté se jette à ses
pieds ; cette reconnoissance a fait un plaisir
infini ; Adélaïde à travers sa joie laisse
entrevoir une douleur dont elle apprend
la cause à Gustave ; c'est l'emprisonnement
de Léonor qu'elle fait connoître à
çe tendre Fils pour sa Mere , dont il avoit
déja pleuré la mort ; Gustave ne balance
pas à s'exposer à tout pour la délivrance
d'une Mere si chete ; il quitte la Prin
cesse dans le dessein de tout entreprendre
; Frederic vient un moment après
toujours soumis et respectueux. Adélaïde
le prie à son tour de travailler à la déli̟-
vrance de Léonor , ce genereux Prince
lui promet de la demander à Christierne
et de tout entreprendre s'il la lui refuse,
Passons à l'Acte IV.
Astolphe apprend à Christierne que
cette Léonor qui lui paroissoit si suspecte
s'est enfin fait reconnoître pour Mere de
Gustave. Christierne est frappé de cette
découverte , mais il l'est encore plus d'un
nouveau soupçon d'Astolphe , qui vient
de faire arrêter le prétendu assassin de
Gustave , parce qu'il avoit voulu séduire,
à force d'argent , les Gardes de Léonor ,
ce qui lui fait présumer qu'il se pourroit
bien que le prétendu meurtrier de Gusta362
MERCURE DE FRANCE
ve fut Gustave lui -même. Christierne en
tre dans ce soupçon ; et pour l'éclaircir
it ordonne à Astolphe de lui envoyer
Léonor , et de se tenir prêt à faire paroî
tre le prisonnier qu'il vient de faire arrê
ter , au premier signal. Ses ordres sont
ponctuellement éxecutés. Léonor vient la
premiere ; elle reproche la mort de son
Fils au Tyran ; il s'en excuse avec adresse
eh bien , lui répond Léonor , si tu
n'es pas complice de la mort de Gustave,
prouve-le moi par le supplice de son assassin
. Christierne y consent ; on amene
Gustave , Léonor le reconnoît pour son
Fils , sans oser proferer un seul mot , mais
voyant qu'on va lui donner la mort par
l'ordre de Christierne : Arrête , dit elle
parlant à celui qui va le frapper : Ah !
C'est ton Fils , dit alors Christierne : ce
coup de Théatre a parû le plus bel endroit
de la Tragédie.
,
Nous passons légerement sur ce qui
reste , pour ne pas sortir des bornes que
nous avons prescrites à cet argument.
Frederic n'ayant pû obtenir de Christierne
la liberté de Léonor , et d'ailleurs
le Tyran lui ayant dit qu'il prétend lui
même épouser Adélaïde , s'emporte d'u
ne maniere à fournir à Christierne un
prétexte de le faire arrêter , de sorte que
le
FEVRIER. 1733. 365
le danger des personnages les plus interessants
de la Piéce , paroît arrivé à son
dernier période. Heureusement on s'est
avisé trop tard de faire arrêter Casimir
par la raison qu'il étoit le moins suspect
on vient avertir Christierne que tout
conspire contre lui , et que ce Casimir
dont il ne s'étoit jamais défié, avoit , à
main armée délivré Gustave et Frederic
de sorte qu'il ne lui reste d'espoir que
dans la fuite. Christierne vaincu sur la
Mer et sur les glaces , tente un dernier
coup que le désespoir lui inspire ; il fait
paroître sur le tillac d'un Vaisseau Léonor
prête à tomber sous un coup mortel
, et par une Lettre qu'il envoye à la
Flote ennemie , par une fleche décochée ,
il fait entendre à Gustave que s'il ne lui
rend Adelaïde , sa Mere est morte ; Gustave
ne balance pas un moment à se livrer
lui- même pour sauver sa Mere; Adelaïde
s'y oppose , mais inutilement ; enfin Leonor
vient dissiper par sa présence le trouble
dont tous les esprits sont agitez ; elle
annonce que le génereux Fréderic l'a sauvée
dans le temps que Christierne lui alloit
enfoncer un poignard dans le sein ; on
amene le Tyran à Gustave , qui ne dai
gne pas répandre un sang si indigne , il
gie veut pas même qu'on attente à sa li-
L
berté
364 MERCURE DE FRANCE
berté , et l'abandonne aux remords , justes
vengeurs des crimes pour Fréderic
il a déja pris son parti en Prince génereux
, et a fait voile du côté du Dannemarc
, où les Peuples l'attendent pour
le couronner.
;
La Scene se passe dans le Palais des
Rois de Suede à Stokolm. Le principal
Rôle de Gustave est rempli et très-bien
joüé par le sieur Dufresne ceux de Christierne
, Roy de Dannemarc , de Fréderic
, Prince de Dannemarc , de Casimir ,
Seigneur Suedois , d'Astolphe , Confident
de Christierne et d'Othon , Capitaine
de ses Gardes , sont jouez par les
sieurs Sarrazin , Grandval , le Grand ,
Montmenil , et du Breuil. Les Rôles d'Adelaïde
, Princesse de Suede , de Leonor ,
Mere de Gustave , et de Sophie , Confidente
d'Adelaïde , sont remplis par les
Dlles Gaussin , Ballycourt et Jouvenot,
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Résumé : Extrait de la Tragédie de Gustave, [titre d'après la table]
Le 6 février 1733, les Comédiens Français ont présenté pour la première fois la tragédie 'Gustave' de M. Pyron, également auteur des 'Fils Ingrats' et de 'Callistene'. Cette pièce a été acclamée par le public dès sa première représentation, et cet enthousiasme n'a fait que croître lors des représentations suivantes. La tragédie 'Gustave' raconte l'histoire de Gustave Vasa, premier roi de sa maison à régner sur les Suédois. Gustave a été désigné comme successeur de Stenon, roi de Suède, grâce à son mariage avec Adelaide, la fille de Stenon. Cependant, Christierne, beau-frère de Charles Quint, a détrôné et fait massacrer Stenon, emprisonnant Adelaide dans une tour. Pour éviter d'être capturé, Gustave s'est caché pendant neuf ans avant de revenir pour réclamer le trône. L'action commence avec Christierne de retour d'une expédition, apprenant la mort de Gustave et celle de la reine, veuve de Stenon. Casimir, un fidèle sujet de Stenon, décide de venger Gustave. Frédéric, amoureux d'Adelaïde, est chargé par Christierne d'annoncer la mort de Gustave à la princesse. Malgré ses réticences, Frédéric finit par révéler la nouvelle à Adelaide. Dans le deuxième acte, Casimir reconnaît Gustave déguisé et apprend qu'il est toujours vivant. Gustave demande à Casimir si Adelaide lui est fidèle. Christierne, toujours méfiant, ordonne à Astolphe de séparer Léonor, la mère de Gustave, d'Adelaïde. Le troisième acte se concentre sur la rencontre entre Adelaide et Gustave, déguisé en messager. Léonor, croyant Gustave mort, est arrêtée par Astolphe. Gustave se révèle à Adelaide, qui est ravie de le revoir. Gustave décide de libérer sa mère, Léonor, emprisonnée par Christierne. Dans le quatrième acte, Christierne découvre que Léonor est la mère de Gustave et ordonne son exécution. Gustave est amené devant Christierne, qui reconnaît finalement son erreur. Frédéric, après avoir tenté en vain de libérer Léonor, est arrêté par Christierne. Casimir libère Gustave et Frédéric, forçant Christierne à fuir. Gustave, après avoir sauvé sa mère, épargne Christierne et le laisse aux remords de ses crimes. Frédéric retourne au Danemark pour être couronné. La pièce se déroule au palais des rois de Suède à Stockholm. Les principaux rôles sont interprétés par Dufresne, Sarrazin, Grandval, Montmenil, et autres acteurs renommés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 874-875
RÉPONSE du Chevalier de Leucotece aux Vers de M. Carelet, inserez dans le Mercure de Janvier 1733.
Début :
Quiconque aura délicatesse, [...]
Mots clefs :
Princesse, Mlle de Malcrais
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE du Chevalier de Leucotece aux Vers de M. Carelet, inserez dans le Mercure de Janvier 1733.
REPONSE du Chevalier de Lencotece
aux Vers de M. Carelet inserez
dans le Mercure de Fanvier 1733 .
QuiUcioconnqque aura délicatesse ,
›
Et dans le coeur et dans l'esprit ,
Qui de Vers au bon coin , et de galant écrit
Connoîtra l'art , prisera la finesse ,
Cil , je le sçais , de ma Princesse *
Sera l'amant , et partant mon rival .
A donc, beau Sire, est - ce compter si mal
Comptant ainsi , sans vitupere et honte ,
Aurois -je pû vous oublier ?
Or tenez-vous ferme sur l'étrier ,
Trop bien vous ai mis en mon compte
Et , s'il vous plaît , le beau premier ,
Mlle de Malerass
Non
MA Y. 1733 .
875
Non pas de ceux que dois estropier. ,
Tout simplement , mais de ceux que ma
Lance ,
Doit mettre à Malemort , et pousser
outrance,
aux Vers de M. Carelet inserez
dans le Mercure de Fanvier 1733 .
QuiUcioconnqque aura délicatesse ,
›
Et dans le coeur et dans l'esprit ,
Qui de Vers au bon coin , et de galant écrit
Connoîtra l'art , prisera la finesse ,
Cil , je le sçais , de ma Princesse *
Sera l'amant , et partant mon rival .
A donc, beau Sire, est - ce compter si mal
Comptant ainsi , sans vitupere et honte ,
Aurois -je pû vous oublier ?
Or tenez-vous ferme sur l'étrier ,
Trop bien vous ai mis en mon compte
Et , s'il vous plaît , le beau premier ,
Mlle de Malerass
Non
MA Y. 1733 .
875
Non pas de ceux que dois estropier. ,
Tout simplement , mais de ceux que ma
Lance ,
Doit mettre à Malemort , et pousser
outrance,
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Résumé : RÉPONSE du Chevalier de Leucotece aux Vers de M. Carelet, inserez dans le Mercure de Janvier 1733.
Le Chevalier de Lencotece répond aux vers de M. Carelet, publiés dans le Mercure de janvier 1733. Il loue la finesse de sa Princesse et se dit prêt à rivaliser avec ceux qui apprécient l'art des vers. Il mentionne Mlle de Malerass et affirme vouloir mettre ses adversaires en difficulté sans les blesser.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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41
p. 1353-1355
VERS à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par M. Clement, Receveur des Tailles de Dreux.
Début :
En qualité de Suivant d'Apollon, [...]
Mots clefs :
Princesse, Muse, Voltaire, Vers, Goût, Apollon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par M. Clement, Receveur des Tailles de Dreux.
VERS à S. A. S. Madame la Duchesse
du Maine , par M. Clement , Receveur
des Tailles de Dreux.
EN qualité de Suivant d'Apollon
Je vous dois , Illustre PRINCESSE,
II. Vol.
E ij Un
1354 MERCURE DE FRANCE
Un compliment où regne la finesse ,
Et le feu du sacré Vallon.
Elevé loin du Sanctuaire,
Où le bon goût seul est admis ,
Je sçai trop qu'il ne m'est permis ,
Que d'admirer et de me taire ;
Mais quoiqu'infiniment soumis ,
Ne peut on sans être Voltaire ,
Par un effort digne de plaire ,
S'offrir à vos regards surpris.
Je gouverne aisément ma Muse ,
Et malgré sa legereté ,
Pour empêcher qu'on ne l'accuse ,
D'imprudente vivacité ,
J'arrête ici sa témeraire audace ,
Et je l'avertis sagement ,
De paroître avec enjoüement ,
Et d'éviter le jargon tout de glace ,
D'éloges rebattus , exprimez foiblement.
Je désire donc simplement ,
Qu'elle se présente avec grace ,
Et que du moins , PRINCESSE , ce moment ,
Şoit pour vous un amusement.
Qu'au milieu d'une Cour délicate et paisible;
Vous vous souveniez quelquefois ,
Qu'asservi sous vos douces Loix ,
Le Druide le moins sensible ,
Se ranime , et déja des accens de sa voix ,
II. Vol.
De
JUIN. 1733. 1355
ल
+
Du grand nom de Condé fait retentir nos bois.
Tout beau , Muse , qu'allez - vous dire
Est-ce donc là le souverain Empire ,
De ma raison sur vous jusqu'à ce jour.
Imitez La Fontaine , et des traits de l'Amour,
Chantez seulement la puissance ;
Si je flattois votre imprudence ,
Bien -tôt de ma Princesse adorant les vertus ,
Vous parleriez des divins attributs ,
Dont Apollon honora sa naissance.
De tels objets respectez la grandeur ;
Et ne rompez votre silence ,
Que pour annoncer le bonheur,
Qui doit bien- tôt ramener sa présence.
Peignez aussi le Plaisir enchanteur ,
Revolant vers Annet , et de Fêtes charmantes ,
Lui-même être l'ordonnateur
Recherchez , Muse , sa faveur ,
Tout brille sous ses mains sçavantes ,
Et sans craindre Voltaire , allez dire par tout ,
Qu'en ces dieux seulement est le Temple du
Goût.
du Maine , par M. Clement , Receveur
des Tailles de Dreux.
EN qualité de Suivant d'Apollon
Je vous dois , Illustre PRINCESSE,
II. Vol.
E ij Un
1354 MERCURE DE FRANCE
Un compliment où regne la finesse ,
Et le feu du sacré Vallon.
Elevé loin du Sanctuaire,
Où le bon goût seul est admis ,
Je sçai trop qu'il ne m'est permis ,
Que d'admirer et de me taire ;
Mais quoiqu'infiniment soumis ,
Ne peut on sans être Voltaire ,
Par un effort digne de plaire ,
S'offrir à vos regards surpris.
Je gouverne aisément ma Muse ,
Et malgré sa legereté ,
Pour empêcher qu'on ne l'accuse ,
D'imprudente vivacité ,
J'arrête ici sa témeraire audace ,
Et je l'avertis sagement ,
De paroître avec enjoüement ,
Et d'éviter le jargon tout de glace ,
D'éloges rebattus , exprimez foiblement.
Je désire donc simplement ,
Qu'elle se présente avec grace ,
Et que du moins , PRINCESSE , ce moment ,
Şoit pour vous un amusement.
Qu'au milieu d'une Cour délicate et paisible;
Vous vous souveniez quelquefois ,
Qu'asservi sous vos douces Loix ,
Le Druide le moins sensible ,
Se ranime , et déja des accens de sa voix ,
II. Vol.
De
JUIN. 1733. 1355
ल
+
Du grand nom de Condé fait retentir nos bois.
Tout beau , Muse , qu'allez - vous dire
Est-ce donc là le souverain Empire ,
De ma raison sur vous jusqu'à ce jour.
Imitez La Fontaine , et des traits de l'Amour,
Chantez seulement la puissance ;
Si je flattois votre imprudence ,
Bien -tôt de ma Princesse adorant les vertus ,
Vous parleriez des divins attributs ,
Dont Apollon honora sa naissance.
De tels objets respectez la grandeur ;
Et ne rompez votre silence ,
Que pour annoncer le bonheur,
Qui doit bien- tôt ramener sa présence.
Peignez aussi le Plaisir enchanteur ,
Revolant vers Annet , et de Fêtes charmantes ,
Lui-même être l'ordonnateur
Recherchez , Muse , sa faveur ,
Tout brille sous ses mains sçavantes ,
Et sans craindre Voltaire , allez dire par tout ,
Qu'en ces dieux seulement est le Temple du
Goût.
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Résumé : VERS à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par M. Clement, Receveur des Tailles de Dreux.
Le poème est adressé à Madame la Duchesse du Maine par M. Clément, Receveur des Tailles de Dreux, qui se présente comme Suivant d'Apollon. L'auteur reconnaît l'illustre statut de la Duchesse et exprime son admiration et sa soumission. Il souhaite que sa muse se présente avec grâce, évitant les éloges rebattus, et que ses vers soient un amusement pour la Duchesse. L'auteur espère qu'elle se souviendra de lui, même au sein de sa cour délicate et paisible. Il mentionne le nom prestigieux de Condé et invite sa muse à imiter La Fontaine en chantant la puissance de l'amour. Le poème se conclut par une évocation du plaisir enchanteur et des fêtes charmantes, soulignant que le véritable goût réside dans ces moments.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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42
p. 2291-2296
RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
Début :
Son Altesse Sérénissime partit d'Anet avec la Princesse sa fille, accompagnée [...]
Mots clefs :
Dreux, Hôtel de ville, Duchesse du Maine, Princesse, Officiers, Église, Jeunes gens, Honneur, Bourgeoisie, Officiers
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texteReconnaissance textuelle : RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
RECEPTIONfaite à S. A.S. Madame
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
La Duchesse du Maine , par la Ville de
Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement
, Receveur des Tailles de l'Election
de Dreux.
Save
On Altesse Sérénissime partit d'Anet
ec la Princesse sa fille , accompagnée
d'un grand nombre de personnes du
premier rang , le 23. Septembre dernier ,
er arriva ici sur les 4. heures du soir ;
elle fut saluée à une lieüe de la Ville
par une Compagnie de jeunes Gens qui
s'étoient réunis pour aller au - devant
d'Elle , ayant un Trompette à leur tête ;:
ils étoient parfaitement bien montez
er la maniere dont ils avoient orné leurs
chevaux donnoit un air de galanterie à
cette Troupe, qui satis fit beaucoup S.A.S.
Ils la suivirent jusqu'à Dreux autour de
sa Caleche , laquelle étoit précedée par
les Officiers de sa Maison , et suivie des
Carosses des personnes qui l'accompa
groient.
y
Avant que d'entrer dans la Ville , le
Maire et les autres Officiers de la Ville ,
Hvj por
2192 MERCURE DE FRANCE
portant le Dais sous lequel S. A. S. de- ´
voit marcher jusqu'à l'Eglise , eurent
l'honneur de la complimenter et de fui
présenter avec les Clefs de la Ville , les
présens ordinaires de vins exquis et de
Confitures seches.-
S. A. S. entra dans Dreux , au milieu
d'un concours de peuple extraordinaire
et au bruit des Tambours et de
toutes les Cloches. Elle s'arrêta encore
pour recevoir les complimens du Bailliage
et des autres Corps de Judicature ;
elle répondit aux Harangues avec cette
dignité et cette délicatesse d'esprit si
connues de tous ceux qui ont l'honneur
de l'approcher. Elle fut conduite après
ces cérémonies à l'Eglise principale qui
est située sur le lieu le plus éminent de
la Ville où est aussi le Château des
anciens Comtes de Dreux .
La Princesse trouva sur son passage
toute la Bourgeoisie en haye et sous les
armes ; et de distance en distance elle
passoit sous des Arcs de Triomphes ,
dont la décoration exprimoit la joye qui
devoit regner dans une pareille Fête.
Les Chanoines de la Collegiale vinrent
la recevoir et la conduisirent jusqu'à
leur Eglise , où elle arriva environnée
de tous les Corps de la Ville . Après
s'être
1
OCTOBRE . 1733. 2193
·
s'être placée au milieu du Choeur , on
chanta le Te Deum , qui fut précédé
d'th Motet , dont l'execution parut satisfaire
S. A. S. Après les cérémonies de
l'Eglise, elle fut conduite dans une grande
Salle du Château , où l'on avoit élevé
un Théatre. Elle vit représenter par des
jeunes gens choisis de la Ville , la Tragédie
d'Oedipe , de M. de Voltaire , qui
fut suivie de Momus Fabuliste , de M.Fuzelier
. Ces deux Pieces furent assez bien
représentéss pour mériter les éloges de
S. A. S. Dans l'intervalle des deux Pieces
il y eut une petit Divertissement en Musique
, qui fut parfaitement executé et
dont voici les paroles.
Volez plaisir's heureux , enchantez nos esprits ,
Sçavantes filles du Permesse ,
Protegez nos Jeux et nos Ris ;
Quepartout on y reconnoisse,
Le goût et la délicatesse
Que vous ne prodiguez qu'à vos seuls Favoris
Volez plaisirs heureux , enchantez nos esprits.
La Fille de Condé vient embellir ces Rives ,
Druides accourez , vous , Nimphes fugitives ,
Qui vous ressouvenez d'avoir vû dans ces Lieux,
Briller ses illustres Ayeux ,
Aux accens de ma voix soyez plus attentives.
Celebrez ce jour prétieux,
L'ai
2294 MERCURE DE FRANCE
L'aimable esperance
Soutient nos désirs ,
Puissent nos plaisirs '
Et notre constance •
Fixer sa présence ;
Soyons les Rivaux ,
Des charmes de Sceaux .
La brillante Aurore
Montre ici ses feux ,
La naissante Flore
Y charme les yeux ;
Zéphir qui l'adore
La suit en ces lieux ,
Et les rend encore
Plus délicieux.
Chantons et repetons sans esse ,
Velez , plaisirs , &c..
Après la Comédie , S. A. S. fue
conduite , au bruit des Tambours , dans
la Maison la plus riante et la plus commode
de toute la Ville , où son logement
étoit préparé ; elle retrouva sur
son passage la Bourgeoisie sous les arfaisant
une double haye. Elle vit
avec plaisir les illuminations ingénieuses
dont tous les Habitans avoient orné leurs
Maisons. La Princesse passa sous de nouveaux
-Arcs de -Triomphe , que les Offciens
OCTOBRE..
ciers de Ville avoient eu
illuminer avec beauboup d'are
Elle se mit à table , et dans le meme
temps on servit par son ordre , un grand
soupé à l'Hôtel de Ville , où les Officiers
de Ville et tous les Corps de Judicatute
furent invitez . Après le souper on com
mença le Bal , que S. A. S. voulut bien
honorer de sa présence. Les Dames de
la Ville et des environs y vinrent en
Masque , habillées avec beaucoup de goût
et de magnificence. Les Danses durerent
jusqu'à quatre heures du matin , que la
Princesse et les Dames qui l'accompagnoient
, se retirerent. Le Bal cessé , tou
te la Bourgeoisie continua de monter la
Garde chez elle , et n'a point cessé jusqu'à
son départ de lui donner des mar
ques de son respect et de son attache
ment.
Le lendemain 24. S. A. S. fut occupée
à visiter les Eglises et les Monasteres de
cette Ville , laissant partout des marques
de sa libéralité. Elle vint ensuite
à l'Hôtel de Ville , les Officiers la complimenterent
de nouvean , et eurent
T'honneur de lui présenter une Collation
composée des plus beaux fruits de
La saison . La Princesse revint chez elle
où le divertissement déja donné fut exé,
cutê
CURE DE FRANCE
T
eau , accompagné de beaud'autre
Musique, S. A. S. retourna
à Anet le 25 , marquant une extrême
satisfaction d'avoir trouvé dans la
Ville de Dreux tous les coeurs si remplis
de respect et d'amour pour elle.
La compagnie de jeunes gens qni avoit
été audevant de la Princesse , se trouva
dans le même équipage à la Porte de la
Ville , dans le dessein de l'accompagner
jusqu'à Anet. S. A.S. leur sçût bon gré de
cette disposition et leur permit seulement
de la conduire à une lieuë de la Ville . Ils
revinrent à Dreux , où après avoir fait uu
grand souper dans l'Hôtel de Ville , ils
donnerent le Bal aux Dames , pour ter
miner cette galante fête .
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Résumé : RECEPTION faite à S. A. S. Madame la Duchesse du Maine, par la Ville de Dreux. Extrait d'une Lettre de M. Clement, Receveur des Tailles de l'Election de Dreux.
Le 23 septembre, la Duchesse du Maine, accompagnée de la Princesse sa fille et de nombreuses personnalités, arriva à Dreux vers 16 heures. Elle fut accueillie à une lieue de la ville par une compagnie de jeunes gens bien montés et galamment vêtus, qui la suivirent jusqu'à Dreux. À l'entrée de la ville, le maire et les officiers municipaux lui présentèrent les clés de la ville, des vins et des confitures, et la conduisirent sous un dais jusqu'à l'église principale. La Duchesse fut acclamée par une foule nombreuse et reçut les compliments des autorités locales. Après un Te Deum à l'église, elle assista à des représentations théâtrales au château, incluant 'Œdipe' de Voltaire et 'Momus Fabuliste' de Fuzelier, entrecoupées de musique. Le soir, elle fut conduite à sa résidence, où elle admira les illuminations et les arcs de triomphe. Un grand souper et un bal masqué suivirent, durant lesquels la Duchesse dansa jusqu'à quatre heures du matin. Le lendemain, elle visita les églises et monastères de la ville, distribuant des marques de sa libéralité. Elle quitta Dreux le 25 septembre, satisfaite de l'accueil reçu, et fut escortée par les jeunes gens jusqu'à une lieue de la ville. Ces derniers organisèrent un souper et un bal pour clôturer la fête.
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43
p. 2715-2717
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Au commencement de ce mois, plusieurs Gentilshommes allerent chez divers Habitans [...]
Mots clefs :
Prince de Galles, Reine, Roi, Palais de Sommerset, Appartement, Princesse, Grand chambellan
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texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
U commencement de ce mois , plusieurs
bitans de Westminster , les prier de nommer
le Chevalier Charles Wager et M. Claiton ,
Membres du Parlement , mais la plupart de ceux
dont on briguoit les suffrages , répondirent qu'ils
ne pouvoient donner leurs voix à des personnes
qui avoient opiné dans la derniere cession du
Parlement pour l'établissement de l'Excise .
Le 18. Novembre à trois heures après midi, le
Prince d'Orange arriva à Londres de Greenwich,
dans un Berge du Roy et il débarqua au Quay
de la Tour, où il fut reçû par le Comte de Leices
ter , qui en est Gouverneur , et par plusieurs autres
Seigneurs ; il monta ensuite dans les Carrosses
de S. M. accompagné de M. Horace Walpool
, du Comte d'Albermarle , et de M. Dun
can , il se rendit au Palais de Sommerset . Peu de
temps après son arrivée , le Roy , la Reine , le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , et les
cinq Princesses P'envoyerent complimenter , er
la plupart des Conseillers du Conseil Privé , allerent
le saluer.
Hiiij Le
2716 MERCURE DE FRANCE
Le 19. au matin , ce Prince reçut la visite du
Prince de Galles et le Chevalier Clement Cotterel
, Maître des Céremonies , lui présenta les Ministres
Etrangers , les Grand- Officiers de la Couronne,
et les principaux Seigneurs, le même jour,
à une heure après midi , le Maître des Céremonies
le fut peendre dans les Garosses de S. M. et
le conduisit au Palais de S. James. Il fut reçû
à la descente du Carosse par un Ecuyer du Roy ,
au haut de l'Escalier par le Duc de Grafton ,
Grand- Chambellan de S. M. et par le Lord Harvey,
Vice-Chambellan , et dans la Chambre du
Lit , par le Lord Hinton , Gentilhomme de la
Chambre , qui l'introduisit dans le Cabinet de
S. M. les mêmes Officiers le conduisirent à l'Appartement
de la Reine , à l'entrée duquel il fut
reçû par le Comte de Grantham , Grand-Chambellan
de S. M. et par M. Cooke , Vice- Chambellan
, précedez de l'Ecuyer de la Reine. Il alla
ensuite à l'Appartement du Prince de Galles , ou
Ie Marquis de Carnarvon l'introduisit , et delà
à celui du Duc de Cumberland , où M. Points
Pintroduisit ; il retourna à l'Appartement de la
Reine , où L. M. et toute la Famille Royale , se
trouverent , et sur les trois heures il alla dîner au
Palais de Sommerzet.
Le lendemain il rendit une seconde visite à la
Reine , et de -là il fut reconduit au Palais de
Sommerset. Plusieurs Conseillers du Conseil Privé
et quelques Seigneurs , eurent l'honneur de
dîner avec lui. Ce Prince reçut les complimens
du Comte de Mentijo , Ambassadeur Extraor
dinaire du Roy d'Espagne ; et après avoir été
conduit pour la premiere fois à l'Appartement
de la Princesse Royale , il se rendit chez la Reine.
La fievre dont ce Prince a éte attaqué quel-
I. Vol.
ques
DECEMBRE. 1733. 2717
ques jours après son arrivée , et dont il est entierement
rétabli , a fait differer son Mariage
avec la Princesse Royale , qui ne sera celebré que
vers le 20. du mois prochain,
Le 11. de ce mois , vieux stile , Fête de S. André
, L. M. et les Princes et Princesses de la Famille
Royale , porterent , selon la coûtume , la
Croix de l'Ordre de S. André sur leurs habits
le Prince d'Orange en porta aussi une garnie do
diamans d'un prix considerable , dont le Roy lui.
fait présent à cette occasion.
M. Hop , Ministre de la République d'Hollande
en cette Cour , eut le lendemain une Audience
de S. M. à qui il donna part de la résolu
tion prise par les Etats Géneraux , de garder.
une exacte neutralité dans la conjoncture présen
te des affaires.
Le 9. de ce mois , le Baron de Starck , Envoyé
Extraordinaire du Duc de Holstein - Gottorp
, eut une Audience particuliere de L. M. er
l'on assure qu'il a demandé la Princesse Amelie
en mariage pour le Prince son Maître , qui a ré
solu de venir demeurer en Angleterre , s'il épouse
cette Princesse .
U commencement de ce mois , plusieurs
bitans de Westminster , les prier de nommer
le Chevalier Charles Wager et M. Claiton ,
Membres du Parlement , mais la plupart de ceux
dont on briguoit les suffrages , répondirent qu'ils
ne pouvoient donner leurs voix à des personnes
qui avoient opiné dans la derniere cession du
Parlement pour l'établissement de l'Excise .
Le 18. Novembre à trois heures après midi, le
Prince d'Orange arriva à Londres de Greenwich,
dans un Berge du Roy et il débarqua au Quay
de la Tour, où il fut reçû par le Comte de Leices
ter , qui en est Gouverneur , et par plusieurs autres
Seigneurs ; il monta ensuite dans les Carrosses
de S. M. accompagné de M. Horace Walpool
, du Comte d'Albermarle , et de M. Dun
can , il se rendit au Palais de Sommerset . Peu de
temps après son arrivée , le Roy , la Reine , le
Prince de Galles , le Duc de Cumberland , et les
cinq Princesses P'envoyerent complimenter , er
la plupart des Conseillers du Conseil Privé , allerent
le saluer.
Hiiij Le
2716 MERCURE DE FRANCE
Le 19. au matin , ce Prince reçut la visite du
Prince de Galles et le Chevalier Clement Cotterel
, Maître des Céremonies , lui présenta les Ministres
Etrangers , les Grand- Officiers de la Couronne,
et les principaux Seigneurs, le même jour,
à une heure après midi , le Maître des Céremonies
le fut peendre dans les Garosses de S. M. et
le conduisit au Palais de S. James. Il fut reçû
à la descente du Carosse par un Ecuyer du Roy ,
au haut de l'Escalier par le Duc de Grafton ,
Grand- Chambellan de S. M. et par le Lord Harvey,
Vice-Chambellan , et dans la Chambre du
Lit , par le Lord Hinton , Gentilhomme de la
Chambre , qui l'introduisit dans le Cabinet de
S. M. les mêmes Officiers le conduisirent à l'Appartement
de la Reine , à l'entrée duquel il fut
reçû par le Comte de Grantham , Grand-Chambellan
de S. M. et par M. Cooke , Vice- Chambellan
, précedez de l'Ecuyer de la Reine. Il alla
ensuite à l'Appartement du Prince de Galles , ou
Ie Marquis de Carnarvon l'introduisit , et delà
à celui du Duc de Cumberland , où M. Points
Pintroduisit ; il retourna à l'Appartement de la
Reine , où L. M. et toute la Famille Royale , se
trouverent , et sur les trois heures il alla dîner au
Palais de Sommerzet.
Le lendemain il rendit une seconde visite à la
Reine , et de -là il fut reconduit au Palais de
Sommerset. Plusieurs Conseillers du Conseil Privé
et quelques Seigneurs , eurent l'honneur de
dîner avec lui. Ce Prince reçut les complimens
du Comte de Mentijo , Ambassadeur Extraor
dinaire du Roy d'Espagne ; et après avoir été
conduit pour la premiere fois à l'Appartement
de la Princesse Royale , il se rendit chez la Reine.
La fievre dont ce Prince a éte attaqué quel-
I. Vol.
ques
DECEMBRE. 1733. 2717
ques jours après son arrivée , et dont il est entierement
rétabli , a fait differer son Mariage
avec la Princesse Royale , qui ne sera celebré que
vers le 20. du mois prochain,
Le 11. de ce mois , vieux stile , Fête de S. André
, L. M. et les Princes et Princesses de la Famille
Royale , porterent , selon la coûtume , la
Croix de l'Ordre de S. André sur leurs habits
le Prince d'Orange en porta aussi une garnie do
diamans d'un prix considerable , dont le Roy lui.
fait présent à cette occasion.
M. Hop , Ministre de la République d'Hollande
en cette Cour , eut le lendemain une Audience
de S. M. à qui il donna part de la résolu
tion prise par les Etats Géneraux , de garder.
une exacte neutralité dans la conjoncture présen
te des affaires.
Le 9. de ce mois , le Baron de Starck , Envoyé
Extraordinaire du Duc de Holstein - Gottorp
, eut une Audience particuliere de L. M. er
l'on assure qu'il a demandé la Princesse Amelie
en mariage pour le Prince son Maître , qui a ré
solu de venir demeurer en Angleterre , s'il épouse
cette Princesse .
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
En novembre 1733, des citoyens de Westminster ont refusé de nommer le Chevalier Charles Wager et M. Claiton au Parlement en raison de leur soutien à l'Excise. Le 18 novembre, le Prince d'Orange est arrivé à Londres depuis Greenwich et a été accueilli par le Comte de Leicester et d'autres seigneurs. Il a ensuite été conduit au Palais de Somerset, où il a reçu les compliments du roi, de la reine, du Prince de Galles, du Duc de Cumberland et des princesses. Le lendemain, il a rencontré le Prince de Galles, les ministres étrangers, les grands officiers de la couronne et les principaux seigneurs. Le Prince d'Orange a ensuite été conduit au Palais de Saint James, où il a été reçu par divers dignitaires et a rencontré la famille royale. La fièvre contractée par le Prince d'Orange a retardé son mariage avec la Princesse Royale, prévu pour le 20 décembre. Le 11 décembre, la famille royale a porté la croix de l'Ordre de Saint André, le Prince d'Orange ayant reçu une croix garnie de diamants offerte par le roi. M. Hop, ministre de la République d'Hollande, a informé le roi de la décision des États Généraux de maintenir une neutralité stricte. Le 9 décembre, le Baron de Starck a demandé la main de la Princesse Amélie pour le Prince de Holstein-Gottorp.
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44
p. 2925-2927
ETRENNES, A S. A. S. Madame la Princesse de Conty la Jeune.
Début :
Au commencement d'une Année, [...]
Mots clefs :
Encens, Princesse, Image, Vertu, Époux
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texteReconnaissance textuelle : ETRENNES, A S. A. S. Madame la Princesse de Conty la Jeune.
ETRENNES ,
▲ S. A. S. Madame la Princesse de
Conty la Jeune.
ΑνU commencement d'une Année ;
Tout le monde fait des présens ;
Le mien , Princesse fortunée ,
Ne peut être qu'un peu d'Encens
L'Encens a l'odeur agréable ;
Mais on craint d'en être entêté :
Le mien est doux , il est aimable ,
C'est l'encens de la verité,
II. Vol. Hij L'En1926
MERCURE DE FRANCE
L'Encens et sa délicatesse
Doivent se fixer aux saints Lieux ;
Mais sur la Terre on est Déesse ,
Quand on est l'Image des Dieux.
De cette merveilleuse image ,
Je vois en toi briller les traits ;
La vertu seule à l'avantage
D'en conserver tous les attraits.
La Vertu donne la victoire ,
Quand on veut écouter sa voix ;
Elle fera toute la gloire
De l'Epoux digne de ton choix.
Epoux , qui déja de Bellone .
Suit le tumulte et les hazards ;;
Il fait honneur à la Couronne
D'un Roy , le Favori de Mars,
Mars arrêtera le Tonnerre
Qui menace les Allemands
Il est trop ami de Cichere ,
Pour alterer des noeuds charmans .
Noeuds desirez ! que la Prudence
A formez pour notre repos ;
Tu sçais ce qu'en attend la France :
L'héritier de tant de Heros.
11. Vol
Cet
DECEMBR E. 1733. 2927
Cet Heritier dans sa carriere ,
Aura d'Orleans la douceur ;
Du Grand Condé l'ame guerriere ,
Et de Conti la noble ardeur,
T. S. V. P:
▲ S. A. S. Madame la Princesse de
Conty la Jeune.
ΑνU commencement d'une Année ;
Tout le monde fait des présens ;
Le mien , Princesse fortunée ,
Ne peut être qu'un peu d'Encens
L'Encens a l'odeur agréable ;
Mais on craint d'en être entêté :
Le mien est doux , il est aimable ,
C'est l'encens de la verité,
II. Vol. Hij L'En1926
MERCURE DE FRANCE
L'Encens et sa délicatesse
Doivent se fixer aux saints Lieux ;
Mais sur la Terre on est Déesse ,
Quand on est l'Image des Dieux.
De cette merveilleuse image ,
Je vois en toi briller les traits ;
La vertu seule à l'avantage
D'en conserver tous les attraits.
La Vertu donne la victoire ,
Quand on veut écouter sa voix ;
Elle fera toute la gloire
De l'Epoux digne de ton choix.
Epoux , qui déja de Bellone .
Suit le tumulte et les hazards ;;
Il fait honneur à la Couronne
D'un Roy , le Favori de Mars,
Mars arrêtera le Tonnerre
Qui menace les Allemands
Il est trop ami de Cichere ,
Pour alterer des noeuds charmans .
Noeuds desirez ! que la Prudence
A formez pour notre repos ;
Tu sçais ce qu'en attend la France :
L'héritier de tant de Heros.
11. Vol
Cet
DECEMBR E. 1733. 2927
Cet Heritier dans sa carriere ,
Aura d'Orleans la douceur ;
Du Grand Condé l'ame guerriere ,
Et de Conti la noble ardeur,
T. S. V. P:
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Résumé : ETRENNES, A S. A. S. Madame la Princesse de Conty la Jeune.
Le poème, dédié à la Princesse de Conty la Jeune et écrit en décembre 1733, commence par évoquer les étrennes et exprime le souhait de lui offrir l'encens de la vérité. L'auteur compare la princesse à une déesse terrestre, dotée de traits merveilleux, et souligne que la vertu est essentielle pour conserver ces attraits. Le poème mentionne également l'époux de la princesse, engagé dans les tumultes et les dangers de la guerre, honorant la couronne d'un roi favori de Mars, le dieu de la guerre. Mars est décrit prêt à arrêter le tonnerre menaçant les Allemands, tout en étant ami de Cichere, suggérant une alliance ou une paix souhaitée. Enfin, le texte évoque l'héritier, qui combinera la douceur d'Orléans, l'âme guerrière du Grand Condé et la noble ardeur de Conti. L'auteur espère que cet héritier apportera la prudence et le repos à la France.
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45
p. 351-365
LETTRE écrite de Brest, contenant l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Début :
Un de mes amis revenu l'année passée de la Chine m'a fait voir une singularité [...]
Mots clefs :
Tragédie chinoise, Médecin, Orphelin, Fils, Tchao-Chi-cou, Mort, Chinois, Princesse, Enfant, Jeune, Tragédie, Histoire, Théâtre, Ministre, Action
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE écrite de Brest, contenant l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
LETTRE écrite de Brest contenant
l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Un de mes amis revenu l'année passée
de la Chine m'a fait voir une singula-
G vj
rité
352 MERCURE DE FRANCE
rité Littéraire que je me fais un plaisir de
vous annoncer. C'est la Traduction d'une
Tragédie Chinoise. L'Ouvrage en doit être
envoyé à Paris ; si l'idée generale que
vous en prendrez dans l'Extrait que je
vous envoye pique votre curiosité , il
vous sera facile de voir l'Ouvrage entier,
qui doit être remis à M.....
Le Traducteur avertit dans une Préface
que les Tragédies Chinoises ne sont
assujetties à aucune des Regles de nôtre
Théatre moderne , celle des trois unitez
y est absolument inconnue et une Tragédie
Chinoise est proprement une Histoire
mise en Dialogue , dont les différentes
parties sont autant de Scenes détachées
, entre lesquelles il n'y a d'autre
liaison que celle qu'ont entr'elles les diverses
actions particulieres qui forment
la suite de cette Histoire.
Le Lieu change le plus souvent d'une
Scene à l'autre , mais de même que l'Acteur
en se montrant la premiere fois à
soin de dire , je suis un tel , et je viens
telle chose ; de même aussi en
pour
changeant de lieu il a soin d'avertir qu'il
est en un tel endroit, et que c'est là mêine
que va se passer l'action.
> Il en est de même du tems lorsque
l'intervalle d'une Scene à l'autre est un
peu
FEVRIER. 1734. 353
peu considérable,l'Acteur ne manque pas
de le dire et d'ajoûter que depuis un tel
Evenement il s'est écoulé tant de tems .
,
Vous voyez par-là , Monsieur , que
ces Tragédies ont du moins le mérite de
la clarté et que le violement de nos
regles ne cause aucun embarras à l'imagination
des Spectateurs. Les Piéces
Espagnoles , Italiennes , Angloises et
même les Piéces Françoises du commencement
du dernier siécle n'étoient pas
plus régulieres que celle des Chinois ;
mais le violement de la Regle des unitez
, y jettoit une obscurité bien plus
grande,parce que le Spectateur ne sçavoit
jamais dans quel tems et dans quel lieu
il s'étoit transporté, qu'après avoir entendu
une partie de la Scene ; l'embarras
étoit peut être encore plus grand dans
quelques unes de nos Piéces où l'on
cache l'inobservation de l'unité de tems
et de l'unité de lieu au dépens de la vraisemblance
et de la bienséance , comme
dans Cinna.
Il ne paroît pas beaucoup d'art dans
la maniere dont s'annoncent les Personnages
Chinois dans la Piéce que j'ai lûë
mais je ne doute pas que d'autres Piéces
n'en montrent davantage . Si quelqu'un
des Missionnaires Européens vouloit faire
sur
354 MERCURE DE FRANCE
sur le Théatre Chinois , ce que le R. P.
Brumoi a fait sur le Theatre des Grecs ,
nous en donner une Histoire ou une
Notice , je ne doute pas que son Ouvrage
ne fut bien reçu ; et à juger des
Tragédies Chinoises par le caractere general
de cette Nation , et par le ton de
celle-ci , je suis persuadé que l'on y verroit
bien d'autres exemples de vertu et de
courage, que dans les Tragédies Grecques
où la véritable vertu est presque inconnuë
; ou le courage est une passion et
une passion turbulente qui offusque la
raison et bannit la tranquillité de l'Ame ;
où l'orgueil et l'amour de la gloire bien
plus que l'attachement au devoir sont la
Source des grandes actions et où les
crimes ne se punissent presque jamais
que par d'autres crimes .
La Déclamation Chinoise , à ce que
nous apprend le Traducteur , est souvent
entremêlée de chant. Le même Personnage
interrompant sa Déclamation
par quelques paroles chantées, et plaçant
de même au milieu d'une suite de paroles
chantées , quelques paroles simplement
déclamées. Il faudroir avoir les
oreilles bien faites à l'harmonie de la
prononciation Chinoise pour juger de
l'effet que doit produire ce mélange. Il ,
n'est
FEVRIER 1734 359
n'est pas peut être plus ridicule que cette
Déclamation empoulée , ou ce Chant
Tragique , dont les grands Acteurs que
* nous avons perdu depuis peu , ont tenté
inutilement de délivrer nôtre Theatre.
A juger de la Déclamation Chinoise
par l'idée que les Relations nous donnent
de leur prononciation , elle doit être
pour le Chant , ce que le Récitatif de
nos Opéra est pour les grands Airs . La
comparaison est d'autant plus juste que
c'est principalement pour exprimer quetque
sentiment plus vifou quelque mouvement
plus animé que les Acteurs
Chinois ont recours au Chant.
Après ce Préambule je viens à la Tragédie
même qui y a donné occasion . Elle
est intitulée l'Orphelin de sa Maison
THEAO , et il s'agit des Avantures de
cet Enfant depuis sa naissance jusqu'à-ce
qu'il eût vangé ses Parens . Ainsi l'Action
de la Piéce dure environ 20 ans.
Sous le Regne de Cing Cong , Empe.
reur de la Dynastie des Tsine , Tou ngan
Con , Ministre de la Guerre et Theao
Tune , Ministre de la Justice et des Finances
partageoient entr'eux deux le
Gouvernement. Tou ngan Cou , jaloux
du crédit de son Rival , après avoir tenté
différentes voyes pour le faire périr, vint
enfin
356 MERCURE DE FRAN CE
enfin à bout de le rendre suspect à l'Empereur.
Ce Prince persuadé des crimes de
Tehao Tune qui avoit pris la fuite , signa
un ordre pour faire mourir la famille
et les Domestiques de ce Ministre au
nombre de trois cent personnes . Tehaoso ,
Fils du Ministre disgracié , er gendre de
l'Empereur , fut le seul épargné en considération
de son alliance avec la famille
Royale ; Tou ngan Cou , croyant sa vengeance
imparfaite tant qu'il resteroit
quelqu'un de cette Maison , supposa un
ordre de l'Empereur à Tehaoso de se
donner la mort, et le lui envoya porter
avec le fer , le poison et le cordeau , lui
laissant le choix de son supplice. Cette
espece d'Argument de la Pièce est dans
un long Monologue par lequel Ngan
Cou ouvre le Theatre.
Dans la Scene suivante Tehaoso paroît
avec son Epouse , et comme il est per--
suadé qu'on ne l'épargnera pas encore
longtems , il lui donne par avance ses
derniers ordres ; lui recommande le fruit
dont elle est enceinte et veut , qu'il soit
nommé l'Orphelin de Tehao, au cas que
cc soit un Garçon , et qu'il soit élevé
pour être le vengeur de sa famille . Dans
ce moment on apporte l'ordre de l'Empereur
; Tehaoso le reçoit à genoux ,
choiFEVRIER.
1734. 357
choisit le poignard et se frappe après
avoir renouvellé ses derniers ordres .
La Princesse est enfermée dans son Palais
pour être gardée exactement jusqu'à
ses couches . L'introduction au Prologue
nommé Sié tscè , finit - là . Il y a ensuite
cinq Sections ou divisions tchè , que l'on
peut nommer Actes à nôtre maniere.
On apprend dans la premiere partie à
Tougnen Cou , que la Princesse femme
de Tehaoso , est accouchée d'un fils et
qu'elle l'a nommé l'Orphelin de Tehao .
La haine de Ngan Cou , s'irrite à cette
nouvelle ; il jure la mort de cet Enfant ,
et donne des ordres pour redoubler la
garde du Palais de cette Princesse.
Dans la Scene suivante cette Princesse
paroît avec son fils dans ses bras ; elle
déplore ses propres malheurs , ceux de
toute sa Maison : la mort cruelle de son
Mari, le péril auquel son fils est exposé ,
dit qu'elle a envoyé chercher le Médecin
Tehing ing, le seul des 300 Domestiques
de la Maison de son Beau- pere , qui ait
échapé au carnage ; qu'elle connoît sa
vertu , son courage , son affection pour
la Maison Tehao et qu'il est le seul qui
puisse sauver les restes infortunez de
cette Maison.
Tehing ing , arrive dans l'équipage
d'un
358 MERCURE DE FRANCE :
d'un Médecin Chinois , portant avec lui
sa Cassette aux Remedes pendue à son
col . La Princesse lui propose d'emporter
le jeune Tehao , et de se charger du soin
de le cacher. Tehing ing représente à la
Princesse les difficultez et le péril d'une
telle entreprise elle se jette à ses pieds;
Tehing ing la releve , lui proteste qu'il
est prêt à tout entreprendre pour elle ;
mais continue- t-il , si je sauve mon
jeune Maître , comment poutrez - vous
cacher cette action au Tyran ? il vous
arrachera ce secret ; nous périrons moi
et ma famille , et nous périrons sans
sauver vôtre Fils. Tehing ing , dir la
Princesse , ne craignez rien de ma foiblesse
; partez avec mon fils ; son pere
est mort sous le Couteau , c'en est fait,
sa Mere va rejoindre son Epoux , elle va
mourir. En achevant ces mots ; la Prin
cesse qui a détaché sa ceinture , la passe
dans son col et s'étrangle .
Tehing-ing pénétré d'un Spectacle si
touchant prend l'Enfant et le cache
dans son coffre , le couvre de quelques
hardes et l'emporte. Il est arrêté par
Han Koné , Mandarin d'Armes qui garde
les portes du Palais par ordre de Toungan
Cou. Han Koué doit le commencement
de sa fortune à Tebao tune , et
comme
FEVRIER. 1734- 359
, comme il aime la vertu c'est à regret
qu'il obéït à Ngan Cou , dont il déteste
les crimes ; le Mandarin soupçonne bientôt
à l'air inquiet et embarassé du Médecin
, ce qu'il vient de faire , fait retirer
ses Soldats , ouvre le coffre , apperçoit
l'enfant , est attendri à sa vûë , promet
à Tehing de ne le point dénoncer
lui ordonne de l'emporter et de se retirer.
Le Médecin sort et revient se jetter
aux pieds de Han Koué comme s'il eût
craint que tout cela ne fut un piége qu'on
lui tendit ; cette manoeuvre se répete
plusieurs fois Han Koué , reproche à
Tehing ing cette méfiance , si tu n'as pas
le courage d'exposer ta vie , lui dit- il ,
pourquoi t'es- tu engagé dans cette entreprise
? rassures- toi , ajoute-t-il , tų
n'auras rien à craindre de ma part , en
disant ces mots , Han Koué se frappe de
son poignard et tombe mort. Tehing emporte
l'Enfant , et sort en nommant le
lieu qu'il a choisi pour sa retraite.
Vous serez sans doute un peu blessé
Monsieur , de la brusque résolution que
le pauvre Han Koué prend assez legerement
de sortir de la vie pour ôter toute
inquiétude au Médecin ; c'est même- là
une répetition de ce qu'a fait la Princesse.
Il est vrai que ces deux Personnages auroient
360 MERCURE DE FRANCE
roient embarassé dans la suite de la Piéce,
mais la façon de s'en défaire me semble
un peu singuliere apparemment que
. les Chinois, malgré le peu d'opinion que
nous avons de leur bravoure , ne regardent
pas la mort avec crainte et qu'ils
croyent au moins spéculativement qu'il
n'est pas nécessaire d'avoir des raisons
bien fortes pour se la donner. Leur
Histoire confirme cette opinion
crois d'ailleurs que l'on peut juger du
caractere et des opinions d'une Nation
du moins jusqu'à un certain point , par
ses Piéces de Theatre.
و etje
Dans la Division suivante , on apprend
à Tou- ngan Cou , ce qui vient d'arriver ;
il est saisi de fureur et il forme le dessein
de
supposer un nouvel Ordre du Roy
pour se faire apporter tous les Enfans
âgez de six mois , résolu de les poignar
der tous, pour envelopper dans le Massacre
general l'Orphelin de Tehao. Je passe
Monsieur le détail des Scenes difficiles
à abréger et qui ne servent à rien pour
arriver à la quatrième Scene de cette
Section .
Le Médecin Tehing qui a pris la résolution
d'aller chercher un azile pour le
jeune Tehao auprès de Kong Lun , ancien
Ministre, ennemi de Tou -ngan Kou
et
1
FEVRIER 1734. 361
et ami de Tehao - tune , retiré à la Campagne.
Il arrive chez ce vicillard , lui découvre
son secret , et lui remet entre les mains
l'Orphelin de Tehao , et lui apprend la
Loy portée contre tous les Enfans du
Royaume , après quoi il lui déclare qu'il
est résolu de reconnoître les obligations.
qu'il a à ceux de la maison de Theao
et de sauver les jours de tous ces infortunez
condamnez à la mort par l'Arrêt
de Ngan- Kou. J'ai un Fils du même âge
que le jeune Prince , ajoute- t- il , je vais
emporter chez moi ses vêtemens , j'en
couvrirai mon Fils , vous irez me dénoncer
au Tyran comme le dépositaire et
le gardien de l'Orphelin de Tehao ;
j'avouerai touts on prendra mon Fils
pour cet Orphelin , nous mourrons lui
et moi et vous éleverez ce cher Enfant
que je vous confie ; vous l'instruirez de
son sort , et vous l'aiderez à venger
mort de ses Parens .
la
Cong - Lun répond à cela en demandant
à ce Médecin quel âge il a , et il répond
qu'il a 45 ans . Vous avez 45 ans , dit
Cong- Lun ? Il faut attendre au moins
20 ans avant que cet Enfant puisse connoître
son sort et venger sa famille , vous
aurez alors 65 ans , moi j'en aurai alors"
3.
90,
352 MERCURE DE FRANCE
90 , et quand même je pourrois vivre
jusques- là , de quel secours lui serois - je ?
Croyez moi , portez chez vous ce jeune
Orphelin , mettez- le à la place de vôtre
fils ? et puisque vous voulez bien sacrifier
ce ls , apportez - le ici , et m'allez
accuser au Tyran ? il viendra me chercher
, nous périrons vôtre fils et moi
mais vous sauverez l'Orphelin ; allez ?
ce projet est plus sage que le vôtre.
Le Médecin ne se rend qu'après avoir
employé les discours les plus pressans
pour détourner Cong Lun de son dessein ,
et l'on voit que c'est à regret qu'il consent
à sauver ses jours aux dépens de
ceux de ce Vieillard . Une chose qui mérite
d'être remarquée dans cette Scene
c'est la tranquillité avec laquelle ces deux
Hommes déliberent sur le choix de celui
qui doit s'immoler ; l'utilité dont ils
peuvent être à l'Orphelin de Theao , est
la seule chose qu'ils ayent en vûë. Je ne
crois pas que l'imagination puisse aller
au delà, pour donner une idée de l'extrê
me fermeté et de l'extrême courage .
Dans la troisiéme Division le Médecin
va dénoncer Cong- Lun à Tou ngan Cou ;
celui - ci paroît douter de la verité de la
dénonciation , et lui demande les motifs
' qui l'ont porté à la faire. Le Méd.cin
réFEVRIER.
1734. 363
répond que c'est pour sauver les jours
de son propre Fils et ceux de tous les
Enfans condamnez à périr. Ngan Cou le
conduit avec lui chez Cong- Lun. On interroge
celui - ci , on lui confronte le Dénonciateur
, et je ne sçai sur quel fondement
Ngan Cou soupçonnant la bonne
foi du Médecin , et croyant qu'il y a
quelque intelligence entre lui et Cong-
Lun , oblige ce Médecin de lui donner
la Bastonnade ; cette Scene qui ne seroit
guere de notre gout , m'a paru au fond
assez mal imaginée. L'Auteur Chinois a
crû , sans doute , rendre la situation de
Cong Lun plus interessante ; mais il n'a
pas pensé qu'en voulant outrer le Grand,
on tombe dans le Gigantesque , lequel est
toujours voisin du Puerile .
CetteScene est interrompue par l'arrivée
d'un Soldat qui apporte le fils du Médecin
, qu'on prend pour l'Orphelin de
Tehao. Ngan Cou à cette vûë s'abandonne
à la joye et poignarde cette Enfant
aux yeux du Médecin et de Cong - Lun .
Celui- ci après lui avoir reproché tous ses
crimes et déploré la mort du prétendu
Orphelin se précipite du haut d'une Terrasse
et se tuë.
Ngan Cou prend chez lui le Médecin
avec le véritable Orphelin de Tehao,
qu'il
364 MERCURE DE FRANCE
qu'il croit son Fils , et déclare qu'il veut
le combler de biens , et même adopter
le Fils , parce qu'il n'a plus d'espérance
d'en avoir. C'est-là où finit la troisiéme
Section.
L'intervalle de la troisième à la quatriéme
Section , est supposé de 20 ans
entiers , comme ledit Ngan Cou , dans
la Scene qui commence cette Section .
Ce Ministre déclare que prêt à s'emparer
du Trône et à faire périr le Roy , il
va associer ce jeune Homme à son entreprise
.
Dans la Scene suivante le Médecin Tehing
, paroît un Rouleau à la main , sur
lequel il a fait dépeindre son Histoire
et celle de l'Orphelin . Il veut instruire
l'Orphelin de son sort ; mais pour s'assurer
de ses sentimens il est résolu d'essaïer
l'impression que fera sur lui la vuë de
ces Tableaux et le récit des Evénemens
qu'ils représentent. Cette idée m'a paru
ingenieuse , et malgré le défaut de la
repétition des choses déja connues , qui
se trouve dans la maniere dont cela est
exécuté , je vous avoie que cette Scene
m'a attaché à la Lecture , par la gradation
des sentimens qui s'excitent dans
l'ame du jeune homme , en écoutant une
Histoire à laquelle il croit n'avoir aucun
interêt. Cette
FEVRIER. 1734. 365
Cette Scene occupe toute la quatriéme
Section. La cinquième contient le dénoüement
ou la maniere dont l'Orphe-
"lin de Tebao se découvre au Roy , qui
donne des ordres pour arrêter et punir
Tou- Ngan Cou. L'Action du Médecin est
la même dans cette Tragédie que celle
de Leontine dans celle d'Heraclide . Les
Chinois ont mis en cette Action ce que
Corneille a mis en récit.
Voilà , M. la singularité que je vous
avois promise , mandez - moi ce que vous
et vos amis penseront de cette Tragédie
Chinoise , et si le plaisir qu'elle m'a fait
n'a pas sa source dans la disposition qui
nous porte presque toujours à admirer
les choses extrémement éloignées de nous,
soit par la distance des tems
soit par
celle des lieux. Je suis & c.
l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Un de mes amis revenu l'année passée
de la Chine m'a fait voir une singula-
G vj
rité
352 MERCURE DE FRANCE
rité Littéraire que je me fais un plaisir de
vous annoncer. C'est la Traduction d'une
Tragédie Chinoise. L'Ouvrage en doit être
envoyé à Paris ; si l'idée generale que
vous en prendrez dans l'Extrait que je
vous envoye pique votre curiosité , il
vous sera facile de voir l'Ouvrage entier,
qui doit être remis à M.....
Le Traducteur avertit dans une Préface
que les Tragédies Chinoises ne sont
assujetties à aucune des Regles de nôtre
Théatre moderne , celle des trois unitez
y est absolument inconnue et une Tragédie
Chinoise est proprement une Histoire
mise en Dialogue , dont les différentes
parties sont autant de Scenes détachées
, entre lesquelles il n'y a d'autre
liaison que celle qu'ont entr'elles les diverses
actions particulieres qui forment
la suite de cette Histoire.
Le Lieu change le plus souvent d'une
Scene à l'autre , mais de même que l'Acteur
en se montrant la premiere fois à
soin de dire , je suis un tel , et je viens
telle chose ; de même aussi en
pour
changeant de lieu il a soin d'avertir qu'il
est en un tel endroit, et que c'est là mêine
que va se passer l'action.
> Il en est de même du tems lorsque
l'intervalle d'une Scene à l'autre est un
peu
FEVRIER. 1734. 353
peu considérable,l'Acteur ne manque pas
de le dire et d'ajoûter que depuis un tel
Evenement il s'est écoulé tant de tems .
,
Vous voyez par-là , Monsieur , que
ces Tragédies ont du moins le mérite de
la clarté et que le violement de nos
regles ne cause aucun embarras à l'imagination
des Spectateurs. Les Piéces
Espagnoles , Italiennes , Angloises et
même les Piéces Françoises du commencement
du dernier siécle n'étoient pas
plus régulieres que celle des Chinois ;
mais le violement de la Regle des unitez
, y jettoit une obscurité bien plus
grande,parce que le Spectateur ne sçavoit
jamais dans quel tems et dans quel lieu
il s'étoit transporté, qu'après avoir entendu
une partie de la Scene ; l'embarras
étoit peut être encore plus grand dans
quelques unes de nos Piéces où l'on
cache l'inobservation de l'unité de tems
et de l'unité de lieu au dépens de la vraisemblance
et de la bienséance , comme
dans Cinna.
Il ne paroît pas beaucoup d'art dans
la maniere dont s'annoncent les Personnages
Chinois dans la Piéce que j'ai lûë
mais je ne doute pas que d'autres Piéces
n'en montrent davantage . Si quelqu'un
des Missionnaires Européens vouloit faire
sur
354 MERCURE DE FRANCE
sur le Théatre Chinois , ce que le R. P.
Brumoi a fait sur le Theatre des Grecs ,
nous en donner une Histoire ou une
Notice , je ne doute pas que son Ouvrage
ne fut bien reçu ; et à juger des
Tragédies Chinoises par le caractere general
de cette Nation , et par le ton de
celle-ci , je suis persuadé que l'on y verroit
bien d'autres exemples de vertu et de
courage, que dans les Tragédies Grecques
où la véritable vertu est presque inconnuë
; ou le courage est une passion et
une passion turbulente qui offusque la
raison et bannit la tranquillité de l'Ame ;
où l'orgueil et l'amour de la gloire bien
plus que l'attachement au devoir sont la
Source des grandes actions et où les
crimes ne se punissent presque jamais
que par d'autres crimes .
La Déclamation Chinoise , à ce que
nous apprend le Traducteur , est souvent
entremêlée de chant. Le même Personnage
interrompant sa Déclamation
par quelques paroles chantées, et plaçant
de même au milieu d'une suite de paroles
chantées , quelques paroles simplement
déclamées. Il faudroir avoir les
oreilles bien faites à l'harmonie de la
prononciation Chinoise pour juger de
l'effet que doit produire ce mélange. Il ,
n'est
FEVRIER 1734 359
n'est pas peut être plus ridicule que cette
Déclamation empoulée , ou ce Chant
Tragique , dont les grands Acteurs que
* nous avons perdu depuis peu , ont tenté
inutilement de délivrer nôtre Theatre.
A juger de la Déclamation Chinoise
par l'idée que les Relations nous donnent
de leur prononciation , elle doit être
pour le Chant , ce que le Récitatif de
nos Opéra est pour les grands Airs . La
comparaison est d'autant plus juste que
c'est principalement pour exprimer quetque
sentiment plus vifou quelque mouvement
plus animé que les Acteurs
Chinois ont recours au Chant.
Après ce Préambule je viens à la Tragédie
même qui y a donné occasion . Elle
est intitulée l'Orphelin de sa Maison
THEAO , et il s'agit des Avantures de
cet Enfant depuis sa naissance jusqu'à-ce
qu'il eût vangé ses Parens . Ainsi l'Action
de la Piéce dure environ 20 ans.
Sous le Regne de Cing Cong , Empe.
reur de la Dynastie des Tsine , Tou ngan
Con , Ministre de la Guerre et Theao
Tune , Ministre de la Justice et des Finances
partageoient entr'eux deux le
Gouvernement. Tou ngan Cou , jaloux
du crédit de son Rival , après avoir tenté
différentes voyes pour le faire périr, vint
enfin
356 MERCURE DE FRAN CE
enfin à bout de le rendre suspect à l'Empereur.
Ce Prince persuadé des crimes de
Tehao Tune qui avoit pris la fuite , signa
un ordre pour faire mourir la famille
et les Domestiques de ce Ministre au
nombre de trois cent personnes . Tehaoso ,
Fils du Ministre disgracié , er gendre de
l'Empereur , fut le seul épargné en considération
de son alliance avec la famille
Royale ; Tou ngan Cou , croyant sa vengeance
imparfaite tant qu'il resteroit
quelqu'un de cette Maison , supposa un
ordre de l'Empereur à Tehaoso de se
donner la mort, et le lui envoya porter
avec le fer , le poison et le cordeau , lui
laissant le choix de son supplice. Cette
espece d'Argument de la Pièce est dans
un long Monologue par lequel Ngan
Cou ouvre le Theatre.
Dans la Scene suivante Tehaoso paroît
avec son Epouse , et comme il est per--
suadé qu'on ne l'épargnera pas encore
longtems , il lui donne par avance ses
derniers ordres ; lui recommande le fruit
dont elle est enceinte et veut , qu'il soit
nommé l'Orphelin de Tehao, au cas que
cc soit un Garçon , et qu'il soit élevé
pour être le vengeur de sa famille . Dans
ce moment on apporte l'ordre de l'Empereur
; Tehaoso le reçoit à genoux ,
choiFEVRIER.
1734. 357
choisit le poignard et se frappe après
avoir renouvellé ses derniers ordres .
La Princesse est enfermée dans son Palais
pour être gardée exactement jusqu'à
ses couches . L'introduction au Prologue
nommé Sié tscè , finit - là . Il y a ensuite
cinq Sections ou divisions tchè , que l'on
peut nommer Actes à nôtre maniere.
On apprend dans la premiere partie à
Tougnen Cou , que la Princesse femme
de Tehaoso , est accouchée d'un fils et
qu'elle l'a nommé l'Orphelin de Tehao .
La haine de Ngan Cou , s'irrite à cette
nouvelle ; il jure la mort de cet Enfant ,
et donne des ordres pour redoubler la
garde du Palais de cette Princesse.
Dans la Scene suivante cette Princesse
paroît avec son fils dans ses bras ; elle
déplore ses propres malheurs , ceux de
toute sa Maison : la mort cruelle de son
Mari, le péril auquel son fils est exposé ,
dit qu'elle a envoyé chercher le Médecin
Tehing ing, le seul des 300 Domestiques
de la Maison de son Beau- pere , qui ait
échapé au carnage ; qu'elle connoît sa
vertu , son courage , son affection pour
la Maison Tehao et qu'il est le seul qui
puisse sauver les restes infortunez de
cette Maison.
Tehing ing , arrive dans l'équipage
d'un
358 MERCURE DE FRANCE :
d'un Médecin Chinois , portant avec lui
sa Cassette aux Remedes pendue à son
col . La Princesse lui propose d'emporter
le jeune Tehao , et de se charger du soin
de le cacher. Tehing ing représente à la
Princesse les difficultez et le péril d'une
telle entreprise elle se jette à ses pieds;
Tehing ing la releve , lui proteste qu'il
est prêt à tout entreprendre pour elle ;
mais continue- t-il , si je sauve mon
jeune Maître , comment poutrez - vous
cacher cette action au Tyran ? il vous
arrachera ce secret ; nous périrons moi
et ma famille , et nous périrons sans
sauver vôtre Fils. Tehing ing , dir la
Princesse , ne craignez rien de ma foiblesse
; partez avec mon fils ; son pere
est mort sous le Couteau , c'en est fait,
sa Mere va rejoindre son Epoux , elle va
mourir. En achevant ces mots ; la Prin
cesse qui a détaché sa ceinture , la passe
dans son col et s'étrangle .
Tehing-ing pénétré d'un Spectacle si
touchant prend l'Enfant et le cache
dans son coffre , le couvre de quelques
hardes et l'emporte. Il est arrêté par
Han Koné , Mandarin d'Armes qui garde
les portes du Palais par ordre de Toungan
Cou. Han Koué doit le commencement
de sa fortune à Tebao tune , et
comme
FEVRIER. 1734- 359
, comme il aime la vertu c'est à regret
qu'il obéït à Ngan Cou , dont il déteste
les crimes ; le Mandarin soupçonne bientôt
à l'air inquiet et embarassé du Médecin
, ce qu'il vient de faire , fait retirer
ses Soldats , ouvre le coffre , apperçoit
l'enfant , est attendri à sa vûë , promet
à Tehing de ne le point dénoncer
lui ordonne de l'emporter et de se retirer.
Le Médecin sort et revient se jetter
aux pieds de Han Koué comme s'il eût
craint que tout cela ne fut un piége qu'on
lui tendit ; cette manoeuvre se répete
plusieurs fois Han Koué , reproche à
Tehing ing cette méfiance , si tu n'as pas
le courage d'exposer ta vie , lui dit- il ,
pourquoi t'es- tu engagé dans cette entreprise
? rassures- toi , ajoute-t-il , tų
n'auras rien à craindre de ma part , en
disant ces mots , Han Koué se frappe de
son poignard et tombe mort. Tehing emporte
l'Enfant , et sort en nommant le
lieu qu'il a choisi pour sa retraite.
Vous serez sans doute un peu blessé
Monsieur , de la brusque résolution que
le pauvre Han Koué prend assez legerement
de sortir de la vie pour ôter toute
inquiétude au Médecin ; c'est même- là
une répetition de ce qu'a fait la Princesse.
Il est vrai que ces deux Personnages auroient
360 MERCURE DE FRANCE
roient embarassé dans la suite de la Piéce,
mais la façon de s'en défaire me semble
un peu singuliere apparemment que
. les Chinois, malgré le peu d'opinion que
nous avons de leur bravoure , ne regardent
pas la mort avec crainte et qu'ils
croyent au moins spéculativement qu'il
n'est pas nécessaire d'avoir des raisons
bien fortes pour se la donner. Leur
Histoire confirme cette opinion
crois d'ailleurs que l'on peut juger du
caractere et des opinions d'une Nation
du moins jusqu'à un certain point , par
ses Piéces de Theatre.
و etje
Dans la Division suivante , on apprend
à Tou- ngan Cou , ce qui vient d'arriver ;
il est saisi de fureur et il forme le dessein
de
supposer un nouvel Ordre du Roy
pour se faire apporter tous les Enfans
âgez de six mois , résolu de les poignar
der tous, pour envelopper dans le Massacre
general l'Orphelin de Tehao. Je passe
Monsieur le détail des Scenes difficiles
à abréger et qui ne servent à rien pour
arriver à la quatrième Scene de cette
Section .
Le Médecin Tehing qui a pris la résolution
d'aller chercher un azile pour le
jeune Tehao auprès de Kong Lun , ancien
Ministre, ennemi de Tou -ngan Kou
et
1
FEVRIER 1734. 361
et ami de Tehao - tune , retiré à la Campagne.
Il arrive chez ce vicillard , lui découvre
son secret , et lui remet entre les mains
l'Orphelin de Tehao , et lui apprend la
Loy portée contre tous les Enfans du
Royaume , après quoi il lui déclare qu'il
est résolu de reconnoître les obligations.
qu'il a à ceux de la maison de Theao
et de sauver les jours de tous ces infortunez
condamnez à la mort par l'Arrêt
de Ngan- Kou. J'ai un Fils du même âge
que le jeune Prince , ajoute- t- il , je vais
emporter chez moi ses vêtemens , j'en
couvrirai mon Fils , vous irez me dénoncer
au Tyran comme le dépositaire et
le gardien de l'Orphelin de Tehao ;
j'avouerai touts on prendra mon Fils
pour cet Orphelin , nous mourrons lui
et moi et vous éleverez ce cher Enfant
que je vous confie ; vous l'instruirez de
son sort , et vous l'aiderez à venger
mort de ses Parens .
la
Cong - Lun répond à cela en demandant
à ce Médecin quel âge il a , et il répond
qu'il a 45 ans . Vous avez 45 ans , dit
Cong- Lun ? Il faut attendre au moins
20 ans avant que cet Enfant puisse connoître
son sort et venger sa famille , vous
aurez alors 65 ans , moi j'en aurai alors"
3.
90,
352 MERCURE DE FRANCE
90 , et quand même je pourrois vivre
jusques- là , de quel secours lui serois - je ?
Croyez moi , portez chez vous ce jeune
Orphelin , mettez- le à la place de vôtre
fils ? et puisque vous voulez bien sacrifier
ce ls , apportez - le ici , et m'allez
accuser au Tyran ? il viendra me chercher
, nous périrons vôtre fils et moi
mais vous sauverez l'Orphelin ; allez ?
ce projet est plus sage que le vôtre.
Le Médecin ne se rend qu'après avoir
employé les discours les plus pressans
pour détourner Cong Lun de son dessein ,
et l'on voit que c'est à regret qu'il consent
à sauver ses jours aux dépens de
ceux de ce Vieillard . Une chose qui mérite
d'être remarquée dans cette Scene
c'est la tranquillité avec laquelle ces deux
Hommes déliberent sur le choix de celui
qui doit s'immoler ; l'utilité dont ils
peuvent être à l'Orphelin de Theao , est
la seule chose qu'ils ayent en vûë. Je ne
crois pas que l'imagination puisse aller
au delà, pour donner une idée de l'extrê
me fermeté et de l'extrême courage .
Dans la troisiéme Division le Médecin
va dénoncer Cong- Lun à Tou ngan Cou ;
celui - ci paroît douter de la verité de la
dénonciation , et lui demande les motifs
' qui l'ont porté à la faire. Le Méd.cin
réFEVRIER.
1734. 363
répond que c'est pour sauver les jours
de son propre Fils et ceux de tous les
Enfans condamnez à périr. Ngan Cou le
conduit avec lui chez Cong- Lun. On interroge
celui - ci , on lui confronte le Dénonciateur
, et je ne sçai sur quel fondement
Ngan Cou soupçonnant la bonne
foi du Médecin , et croyant qu'il y a
quelque intelligence entre lui et Cong-
Lun , oblige ce Médecin de lui donner
la Bastonnade ; cette Scene qui ne seroit
guere de notre gout , m'a paru au fond
assez mal imaginée. L'Auteur Chinois a
crû , sans doute , rendre la situation de
Cong Lun plus interessante ; mais il n'a
pas pensé qu'en voulant outrer le Grand,
on tombe dans le Gigantesque , lequel est
toujours voisin du Puerile .
CetteScene est interrompue par l'arrivée
d'un Soldat qui apporte le fils du Médecin
, qu'on prend pour l'Orphelin de
Tehao. Ngan Cou à cette vûë s'abandonne
à la joye et poignarde cette Enfant
aux yeux du Médecin et de Cong - Lun .
Celui- ci après lui avoir reproché tous ses
crimes et déploré la mort du prétendu
Orphelin se précipite du haut d'une Terrasse
et se tuë.
Ngan Cou prend chez lui le Médecin
avec le véritable Orphelin de Tehao,
qu'il
364 MERCURE DE FRANCE
qu'il croit son Fils , et déclare qu'il veut
le combler de biens , et même adopter
le Fils , parce qu'il n'a plus d'espérance
d'en avoir. C'est-là où finit la troisiéme
Section.
L'intervalle de la troisième à la quatriéme
Section , est supposé de 20 ans
entiers , comme ledit Ngan Cou , dans
la Scene qui commence cette Section .
Ce Ministre déclare que prêt à s'emparer
du Trône et à faire périr le Roy , il
va associer ce jeune Homme à son entreprise
.
Dans la Scene suivante le Médecin Tehing
, paroît un Rouleau à la main , sur
lequel il a fait dépeindre son Histoire
et celle de l'Orphelin . Il veut instruire
l'Orphelin de son sort ; mais pour s'assurer
de ses sentimens il est résolu d'essaïer
l'impression que fera sur lui la vuë de
ces Tableaux et le récit des Evénemens
qu'ils représentent. Cette idée m'a paru
ingenieuse , et malgré le défaut de la
repétition des choses déja connues , qui
se trouve dans la maniere dont cela est
exécuté , je vous avoie que cette Scene
m'a attaché à la Lecture , par la gradation
des sentimens qui s'excitent dans
l'ame du jeune homme , en écoutant une
Histoire à laquelle il croit n'avoir aucun
interêt. Cette
FEVRIER. 1734. 365
Cette Scene occupe toute la quatriéme
Section. La cinquième contient le dénoüement
ou la maniere dont l'Orphe-
"lin de Tebao se découvre au Roy , qui
donne des ordres pour arrêter et punir
Tou- Ngan Cou. L'Action du Médecin est
la même dans cette Tragédie que celle
de Leontine dans celle d'Heraclide . Les
Chinois ont mis en cette Action ce que
Corneille a mis en récit.
Voilà , M. la singularité que je vous
avois promise , mandez - moi ce que vous
et vos amis penseront de cette Tragédie
Chinoise , et si le plaisir qu'elle m'a fait
n'a pas sa source dans la disposition qui
nous porte presque toujours à admirer
les choses extrémement éloignées de nous,
soit par la distance des tems
soit par
celle des lieux. Je suis & c.
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Résumé : LETTRE écrite de Brest, contenant l'Extrait d'une Tragédie Chinoise.
Un ami de l'auteur, récemment revenu de Chine, lui a montré la traduction d'une tragédie chinoise intitulée 'L'Orphelin de sa Maison Theao'. Cette tragédie relate les aventures d'un enfant depuis sa naissance jusqu'à la vengeance de ses parents, sur une période d'environ 20 ans sous le règne de l'empereur Cing Cong. La pièce ne respecte pas les règles des trois unités (temps, lieu, action) du théâtre moderne. Chaque scène est indépendante et les changements de lieu et de temps sont explicitement annoncés par les acteurs. La pièce est structurée en sections appelées 'tchè', similaires à des actes. L'intrigue principale commence avec la disgrâce du ministre Tehao Tune, accusé à tort par son rival Tou ngan Cou. Tehao Tune est condamné à mort et sa famille massacrée, à l'exception de son fils Tehaoso, épargné en raison de son alliance avec la famille royale. Tou ngan Cou ordonne à Tehaoso de se suicider, ce qu'il fait après avoir donné ses dernières instructions à son épouse enceinte. L'épouse de Tehaoso donne naissance à un fils, nommé 'L'Orphelin de Tehao'. Elle confie l'enfant au médecin Tehing ing, qui le cache et le sauve malgré les obstacles. Plusieurs personnages, comme le mandarin Han Koué et le vieillard Cong Lun, jouent des rôles cruciaux en aidant à protéger l'orphelin. Dans la troisième division, le médecin dénonce Cong-Lun à Tou Ngan Cou pour sauver son fils et d'autres enfants condamnés. Ngan Cou, doutant de la bonne foi du médecin, le fait bastonner. La scène est interrompue par l'arrivée d'un soldat apportant le fils du médecin, pris pour l'orphelin de Tehao. Ngan Cou, croyant avoir retrouvé son fils, poignarde l'enfant devant le médecin et Cong-Lun, qui se suicide ensuite. Ngan Cou adopte alors le véritable orphelin de Tehao, croyant que c'est son fils. Vingt ans plus tard, dans la quatrième section, Ngan Cou, prêt à s'emparer du trône, veut associer le jeune homme à son entreprise. Le médecin Tehing montre à l'orphelin des tableaux représentant son histoire pour tester ses sentiments. La cinquième section révèle comment l'orphelin de Tehao se découvre au roi, qui ordonne l'arrestation et la punition de Tou Ngan Cou. La pièce met en avant des thèmes de courage, de vertu et de sacrifice, caractéristiques de la culture chinoise. La déclamation dans les tragédies chinoises est souvent mélangée de chant, et les acteurs annoncent clairement les changements de lieu et de temps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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46
p. 368-379
Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Début :
Le goût pour la Comédie, si en vogue depuis quelque temps, ne s'est point rallenti [...]
Mots clefs :
Apollon, Mercure, Thalie, Momus, Melpomène, Déesse, Princesse, Duchesse du Maine, Prologue, Plaisir, Arts, Cour, Jeux, Théâtre de l'Arsenal, Comédie, Pierre de Morand
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texteReconnaissance textuelle : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le goût pour la Comédie , si en vogue
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
depuis quelque temps , ne s'est point rallenti
du tout à Paris ; on voit tous les
jours des Compagnies , où l'on se fait un
plaisir de représenter des Fiéces de Théatre
, et où elles sont , pour l'ordinaire
jouées avec applaudissement. Parmi ces
sortes de Sociétez , celle qui étoit à l'Hôtel
de Brancas , et ensuite à l'Hôtel de
Lauzun , est une de celles parmi lesquelles
il y a de meilleurs sujets . Nous en avons
parlé dans le Mercure de Mars 1732. Des
Personnes de distinction , et des connoisseurs
éclaircz ont vû leurs Représentations
FEVRIER . 1734. 369
tions avec plaisir ;et ces Mrs ont été souvent
honorez de la présence de plusieurs
Princes et Princesses , entr'autres Madame
la Duchesse du Maine y a assisté plusieurs
fois , et en a paru satisfaite . C'est
ce qui les a engagez à demander à cette
Princesse une Salle propre à jour la Comédie
. Ils lui ont présentez le Placet
qu'on va lire :
Toi , qui toujours des Arts , fus le plus ferme
appui ;
Toi , dont l'auguste Cour , est ce fameux Parnasse
,
Dont on ne trouve ailleurs que quelque foible
trace ,
Princesse , sois sensible à notre juste ennui.
Tantôt de Melpomene , et tantôt de Thalie ,
Nous avons autrefois osé former les jeux ;
Et du plus beau succès notre audace suivie ,
Leur mérita l'honneur de paroître à tes yeux.
Par ton aveu flateur , devenu moins timides ,
De ce doux souvenir , sans relâche frappez ,
Nos coeurs , depuis long - temqs , ne sont plus
occupez ,
Qu'à chercher un bonheur dont ils sont plus
avides.
H iij Mais
370 MERCURE DE FRANCE
Mais , quoique redoublez , nos soins sont sans
effets ;
Nos Muses sans secours , errantes , désolées ,
N'ont presque plus d'espoir de se voir rassem
blées ;
Elles ne trouvent plus ni Temples , ni Palais.
Princesse , c'est à toi de finir leur disgrace ,
Daigne les recevoir au milieu de ta Cour ,
Assure leur , toi -même , un tranquile séjour :
Ta nouvelle bonté , ranimant leur audace ,
Elles te donneront un innocent plaisir ,
Digne , peut- être encor d'occuper ton loisir.
Ce Placer fut reçu favorablement de
la Princesse , qui a eu la bonté de donner
à ces Mrs , une Salle dans l'Arsenal , où
ils ont fait dresser leur Théatre , et sur
lequel ils ont représenté pour la premiere
fois , le 21 Février , en présence de
Madame la Duchesse du Maine, et d'une
Compagnie choisie , la Tragédie de
Manlius Capitolinus , de M. de la Fosse ,
suivie de la petite Comédie des trois Freres
Rivaux , à laquelle ils ont ajouté un
Divertissement de Chants et de Danses
dont les paroles sont de M. Parfait , et la
Musique de M. Bouvar. Le tout précédé
d'un Prologue , fait à la loüange de la
Princesse, qui après la Représentation , eut
la
FEVRIER. 1734 377
la bonté d'en témoigner sa satisfaction à
l'Auteur.
Les Acteurs de ce Prologue sont , Apol
lon , Mercure, Momus , Me'pomene et Thar
lie. Melpomene seule ouvre la Scene par
ces Vers :
Mes yeux , préparez- vous à répandre des larmes,
Si vous voulez avoir des charmes ,
Pour cette aimable Cour ,
Où le bon goût se mêle à la délicatesse ,
Où dans cet heureux jour ,
M'appelle une Déesse ;
Où je vois auprès d'elle une Auguste Princesse .
Dont les vertus illustrent ce séjour .
Autant que ses appas , ses graces , sa jeunesse.
;
Thalie arrive en ordonnant aux Jeux ,
aux Ris , et aux Graces de la suivre les
deux Muses sont également surprises de
se trouver ensemble , et se disputent la
préférence de leur Art ; chacune veut
avoir la gloire d'amuser la Déesse ; elles
prennent Apollon pour Juge.Ce Dieu les
rassure , en leur annonçant que la Déesse
veut voir les Jeux de l'une et de l'autre.
Il dit à Melpomene qu'elle aura so'n
de toucher son coeur ; et qu'ensuite Th -
lie viendra dissiper les tristes impression s
de la Muse Tragique ; il a oute que i
Hiiij elles
372 MERCURE DE FRANCE
elles veulent lui plaire , elles doivent précisément
se renfermer dans le caractere
de leur Art. Songez , leur dit il :
Que vous , ( 1 ) en gémissant , il faut encore
instruire ;
Et que vous , ( 2 ) en raillant , vous ne devez
pas nuire .
Que le vice par vous ( 3 ) sans cesse combattu ,
Ne doit jamais accabler la vertu
Que vous , ( 4 ) sans crainte , sans scru
pule ,
Livrant la Guerre au Ridicule ,
Sous des traits généraux ,
Vous devez le faire paroître ,
Mais que l'on ne doit reconnoître
Aucun particulier trop peint dans vos Tableaux >
En un mor , que la Tragédie ,
De toucher les grands coeurs doit tirer tout son
prix ,
Et que la Comédie ,
Doit tirer tout le sien de plaire aux bons esprits.
Melpoméne répond à Apollon que telles
sont les loix que ses favoris observe,
rent dans Athénes , et qu'elle n'a jamais
approuvé ces écrits fastueux , où l'on
( 1 ) A Melpomene.
( 2 ) A Thalie.-
( 3 ) A Melpomene.
(4 )A Thalie.
veut
FEVRIER. 1734. 373
veut la dépouiller de ses premieres graces
, qu'elle préfére la conduite et les
moeurs à toute autre beauté. Thalie assure
à son tour Apollon , qu'elle n'a jamais
dicté ces traits grossiers de l'envie ,
qui attaquent la probité , et que lorsque
la raillerie n'est pas accompagnée d'une
utile leçon , ce n'est point là son 、ouvra
ge. Apollon leur dit qu'il est charmé de
les voir penser ainsi qu'on pense dans la
Cour où elles paroissent.
Mercure en arrivant est fort surpris à
l'aspect d'Apollon et des deux Muses.
Apollon lui en demande la cause. Mercure
répond qu'il ne s'attendoit pas de
les trouver tous trois dans ces mêines
lieux , où Mars tient la foudre de Jupiter
en dépôt. Il ajoute :
Pour achever de mettre en poudre
Les Titans orgueilleux ,.
Qui bravoient , sans trembler , le Souverain des
Cieux ;
Je venois au Dieu de la Guerre
Porter l'ordre nouveau du Maître du Tonnerre ,
Et je ne croyois pas ce terrible séjour
Un lieu trop propre à tenir votre Cour.
Apollon répond qu'il a lieu d'être surpris
à son tour, et dit : Mercure ignore- til
H v
que
374 MERCURE DE FRANCE
que Minerve suit toujours Mars dans ces
lieux , et que sur les pas de la Déesse ,
Apollon conduit les Muses et les beaux
Arts ?
Qu'à son gré , Jupiter signale sa vengeance
Contre ses ennemis jaloux ;
Que Mars seconde son courroux ;
Que deux jeunes Héros qui reçûrent naissance
Du terrible Dieu des Combats
Fassent sentir par tout la force de leurs bras ,
Sur les pas de Minerve
Apollon toujours se reserve
Le soin de célébrer les Dieux et les Héros
Et de les délasser de leurs nobles travaux.
Quand sur les Enfans de la terre
Jupiter lance le tonnerre
Son Empire est- il ébranlé ?
Sa fureur , des beaux Arts , détruit- elle l'azyle ♬
Dans mes travaux suis je troublé ?
Et le séjour des Cieux devient- il moins tranquile
, Non , les rebelles seuls doivent trembler
d'effroi , et Mercure [ dit à Apollon
qu'il ne craint pas que le tegne des Arts
périsse sous le regne de Jupiter ; qu'il a
lui-même trop d'interêt à les favoriser, et
que ce seroit en vain qu'il triompheroit
de
FEVRIER . 1734- 375
de ses ennemis , si Apollon et les Muses
n'immortalisoient ses exploits.
Oui, ( dit-il ) les Lauriers que la Victoire
donne ,
Şont d'eux - mêmes bien - tôt Alétris ;
Ils ne sont toujours verds qu'autant qu'à leur
Couronne
Vous ajoutez , vous - même , un nouveau
prix.
Par ce Dieu triomphant une vaste Carriere
Vient d'être ouverte à vos efforts ;
Bien- tôt il va fournir la plus ample matiere
A des accents plus brillants et plus forts ;
Préparez - vous sous les loix de Minerve ,
A faire ouir des sons dignes d'elle et de lui ;
Et lorsque par vos soins , la Déesse aujourd'hui
Prendra les seuls plaisirs que son coeur se réserve
,
Songez qu'elle est du sang du Souverain des
Dieux ;
Et que d'en celebrer les Exploits glorieux ,
C'est- là Pexalter elle- même ;
Que quand mille vertus en elle se font voir ,
Le seul encens qu'elle veut recevoir
Est d'entendre louer son Empire suprême.
Mercure quitte Apollon en lui disane
qu'il court où Jupiter l'envoye , et qu'il
H vj
Ie376
MERCURE DE FRANCE
reviendra prendre part aux plaisirs qu'il
prépare à la Déesse . Apollon invite les
Muses de hâter leurs Jeux , & c. Momus
arrive en riant , on lui en demande la
cause , il répond :
Peut-on le demander ? J'apprens que dans ces
lieux
Vous préparez tous trois des jeux
Pour amuser une Déesse
Dont les hautes vertus
L'Esprit , le Sçavoir , la Sagesse ,
Furent toujours respectez de Momus ,
Je crois d'abord que votre zéle ,
Ne lui présentera qu'un plaisir digne d'elle,
Que rassemblant de toutes parts
Les plus renommez dans vos Arts ,
Vous pourrez mériter l'honneur de sa présence →
Point du tout : Quel objet a frappé mes regards!
Je ne puls m'empêcher d'en rire , quand j'y
pense ,)
J'ai vû que vous aviez fait choix
D'un tas d'Acteurs sans art et sans expérience
Et qui n'ont du Théatre aucune connoissance ;
Dont les gestes , les tons de voix ,
Le jeu , le peu d'intelligence
Vont gâter les plus beaux endroits.
Ah ! quel excès d'extravagance.
Apollon répond que c'est la coutume
des
FEVRIER 1734 377
des Critiques du tems de décider de tout
par prévention et sans avoir vû un Ouvrage.
Momus soutient qu'on se trompet
rarement en décidant ainsi , et que le
succès de toute chose vient du premier
coup d'oeil dont on l'envisage ; et il ajoute :
Quand le public s'accorde à prononcer
Que ce qu'on lui promet doit êrre détestable ,
Aussi- tôt cet Arrêt rend la chose exécrable ;
Fut- elle bonne , ensuite on doit sans balancer ,
Soutenir constamment qu'elle est abominable ,
Tel sst votre Spectacle , il sera pitoyable.
Thalie dit à Momus qu'il gagne infiniment
à frequenter certains lieux , d'où
partent des traits si justes. Melpomene
interrompt Thalie , en lui disant qu'il est
inutile de vouloir faire entendre raison
au caustique Momus ; mais qu'il leur importe
peu qu'il approuve où qu'il blâme
leur dessein :
Pourvu que la Déesse à qui nous voulons plaire
Approuve les Acteurs dont nous avons fait
choix ,
Et que même elle les préfére
A ceux qui nous vendant leur voix .
Pour leur interêt seul sont soumis à nos laix ,
Et n'ont d'objet que le salaire.
File
378 MERCURE DE FRANCE
Elle ajoute que le zéle dont ils brûlent
leur tiendra lieu de tout mérite.
L'indulgence est le prix de si nobles objets.
Momus replique qu'il est persuadé que
leurs Acteurs ne manquent pas de zéle
mais que cela ne suffit pas pour faire de
bons Comédiens . Autrefois , dit il , Melpoméne
avoit trouvé l'art de m'attendrir
, mais je rentre plus que jamais dans
mes droits ; et je crains seulement que ce
ne soit le tour de Thalie de me faire pleu
rer. Thalie s'offense beaucoup de cette
raillerie; et Momus dit , que rire à la Tragédie
, et pleurer à la Comédie est un plaisir
bien digne de lui. Melpomene quitte
la partie. Thalie la suit , en menaçant
Momus. Apollon reste seul avec lui et lui
représente que le triste fruit qu'on retire
de mordre toujours est d'être fuy et détesté
d'un chacunsà quoi Momus répond:
De donner des leçons vous voulez vous mêler ;
Je veux aussi vous en faire une
Vous êtes un Pédant , d'espece non commune
Fade, ennuyeux , de tout voulant toujours parler ;
Et que l'on ne sçauroit enter dre sans bâiller :
Adieu .
"
Il sort et Apollon se récrie sur le caraçtere
FEVRIER 379 1734.
tere de ces sortes d'esprits ; il dit qu'en
voulant leur contredire , on s'attire leur
mépris. Le Prologue finit par ces quatre
Vers .
Princesse , tu connois l'écücil qui nous menace ,
Et nous mêmes trop tard nous sentons le danger
Mais ta bonté pour nous doit nous encourager
L'espoir de l'obtenir nous rendra notre audace.
Le Prologue est de M. de Morand,dans
lequel il jouoit lui- même le Rôle d'Apollon.
Nous apprenons que ces Mrs se
préparent à donner sur le même Théatre
une Tragédie nouvelle du même Au
teur , dont nous parlerons en son temps.
C'est de lui dont il est parlé dans le
Mercure de Février 1732. au sujet d'un
pareil Spectacle , représenté à Nîmes, & c.
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Résumé : Comedie à l'Arcenal, Prologue &c. [titre d'après la table]
Le texte relate la montée en popularité de la comédie à Paris, avec plusieurs compagnies connaissant le succès. Parmi elles, la société de l'Hôtel de Brancas, puis de l'Hôtel de Lauzun, se distingue particulièrement. Cette compagnie a été appréciée par des personnes de haut rang et des connaisseurs, et a souvent accueilli des princes et princesses, notamment la Duchesse du Maine. En février 1734, la compagnie a sollicité l'aide de la Duchesse du Maine pour obtenir une salle de représentation. Ils lui ont présenté un placet poétique, la suppliant de les aider à trouver un lieu approprié. La Duchesse du Maine a accepté et leur a fourni une salle dans l'Arsenal. La première représentation dans cette nouvelle salle a eu lieu le 21 février 1734, en présence de la Duchesse du Maine et d'une compagnie choisie. Ils ont joué la tragédie 'Manlius Capitolinus' de M. de la Fosse, suivie de la comédie 'Les trois Frères Rivaux' et d'un divertissement musical. Le prologue, écrit par M. de Morand, louait la princesse et était interprété par des personnages mythologiques tels qu'Apollon, Mercure, Momus, Melpomène et Thalie. Le prologue discutait des rôles de la tragédie et de la comédie, et de leur importance dans l'art. La compagnie prévoit de présenter une nouvelle tragédie du même auteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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47
p. 582-585
JUGEMENT du veritable Apollon sur le Prologue représenté le 21. Février devant S. A. S. Madame la Duchesse du Maine. A S. A. S. Mademoiselle du Maine.
Début :
Flatté de l'accueil favorable, [...]
Mots clefs :
Princesse, Apollon, Cour, Vers, Duchesse du Maine, Mademoiselle du Maine
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texteReconnaissance textuelle : JUGEMENT du veritable Apollon sur le Prologue représenté le 21. Février devant S. A. S. Madame la Duchesse du Maine. A S. A. S. Mademoiselle du Maine.
JUGEMENT du veritable Apollon
sur le Prologue représenté le 21. Février
devant S. A. S. Madame la Duchesse
du Maine.
A S. A. S. Mademoiselle du Maine .
FLatté de l'accueil favorable ,
Que l'autre jour mon Apollon
Reçut dans la Cour respectable ,
Dont le bon goût et la décision
Marque à chacun son rang dans le sacré Vallon ,
Même auprès du Dieu du Parnasse
Je croïois hardiment pouvoir prendre ma place ,
Et je courois m'y présenter.
Mais ce Dieu m'arrêtant , que prétend ton audace
?
Me dit - il , et par où penses - tu mériter
L'immortel avantage
D'habiter ce brillant séjour ?
D'une Minerve et de sa Cour ,
N'en viens-je pas d'obtenir le suffrage ?
Lui dis -je ; et voilà mon Ouvrage.
Il le prend , il le lit ; je suis assez content ,
Répond-il , du dessein , des tours et des pensées,
Qui ne sont point embarrassées ;
L'Allégorie est noble et le stile élegant.
Mais j'apperçois une bévuë ,
Qui
MARS .
583
1734.
Qui marque peu de jugement ,
Et qui de cette Cour aura frappé la vûë.
Tu parles assez dignement ,
J'en conviens , de la Mere ,
Et des Fils et du Pere ;
Mais quel est ton aveuglement !
Tu ne dis rien d'une Princesse >
Dont les appas , les vertus , la sagesse ,
Retracent si fidellement
Les hautes qualitez de sa Maison illustre ,
Et même en relevent le lustre.
Un oubli si grossier te chasse de ces Lieux ,
Et ne sçauroit trouver grace devant mes yeux.
Si par oubli , Seigneur , j'avois commis ce crime,
Répliquai- je en tremblant , confus , désesperé ,
Ton courroux seroit légitime.
Dès long- temps j'avois admiré
Tous les glorieux avantages ,
Qui pour cette Princesse exigent nos hommages ;
Même en secret je m'étois préparé
A demander bien-tôt ton assistance ,
Pour pouvoir mieux les exalter ;
Pour elle seule , un jour je prétendois chanter.
Je dois le dire encor , cet injuste silence
Ne vient ici que de mon ignorance ;
Je fus embarassé ; la Déesse des Arts
Nayant jamais eu de Famille ,
Je n'osai dans mes Vers lui donner une fille .
Hi
Le
584 MERCURE DE FRANCE
Le scrupule est plaisant ! reprend- il : le Dien
Mars
Eut - il jamais d'Epouse ?
Tu viens pourtant de parler de ses Fils.
Les Héros à ses Loix soumis ,
Dont la valeur , de gloire et de grandeur jalouse,
Asservit de fiers ennemis ,
De ce terrible Dieu n'ont - ils pas pris naissance ?
Lui dis - je ; oui , répond - il ; ainsi les grands
esprits
Qui chérissent les Arts , les Talents , la Science ,
Et par qui dans tous lieux on les voit triomphants
,
De Minerve sont les Enfants :
Et tes excuses sont frivoles.
Mais sans tant de détours , tu pouvois aisément,
Et même en très- peu de paroles ,
Tourner ton Compliment :
Dès l'abord Melpomene même
Auroit pû ... je t'entens ; tu viens de m'inspires
Par quel heureux moyen je pourrai réparer
Mon imprudence extrême ! .... *
Je crains pourtant,dit -il , que ce qu'en ces instants ,
Tu pourrois ajoûter à ton premier Ouvrage ,
Ne paroissant à contretemps ,
Ne te soit d'aucun avantage.
* C'est en consequence de cet ordre d'Apollon
que les trois Vers qui regardent cette Princesse ont
été ajoûtez à la premiere Scene du Prologue,
Mais
MAR S. 1734.
585
Mais n'importe , fais tes efforts ;
Que ton zele s'empresse
A fléchir la Princesse
Par de nouveaux accords ;
En un mot , obtiens- en ta grace ,
Ou ne parois jamais sur le Parnasse.
Ainsi , Princesse , dans tes mains ,
Tu tiens aujourd'hui mes destins ,
Prononce mon Arrêt ; mais prends soin de ma
gloire ;
Place-moi , tu le peux , au Temple de Menioire ,
Songe que désormais mes Chants harmonieux
Publieront tes bienfaits et ta gloire en tous lieux.
Que dis-je ? quelle erreur ! quel fol orgueil m'anime
!
Ma Lire est - elle assez sublime ,
Pour chanter un sujet et si noble et si grand !
Je m'allarmois à tort ; il t'est indifferent ,
Que j'ose de ton nom ou parler ou le taire :
Pour avoir pû , Princesse , te déplaire ,
Il faudroit que mes Vers fussent d'un autre prix;
Que l'immortalité devenant leur salaire ,
Fat assurée à mes Ecrits.
sur le Prologue représenté le 21. Février
devant S. A. S. Madame la Duchesse
du Maine.
A S. A. S. Mademoiselle du Maine .
FLatté de l'accueil favorable ,
Que l'autre jour mon Apollon
Reçut dans la Cour respectable ,
Dont le bon goût et la décision
Marque à chacun son rang dans le sacré Vallon ,
Même auprès du Dieu du Parnasse
Je croïois hardiment pouvoir prendre ma place ,
Et je courois m'y présenter.
Mais ce Dieu m'arrêtant , que prétend ton audace
?
Me dit - il , et par où penses - tu mériter
L'immortel avantage
D'habiter ce brillant séjour ?
D'une Minerve et de sa Cour ,
N'en viens-je pas d'obtenir le suffrage ?
Lui dis -je ; et voilà mon Ouvrage.
Il le prend , il le lit ; je suis assez content ,
Répond-il , du dessein , des tours et des pensées,
Qui ne sont point embarrassées ;
L'Allégorie est noble et le stile élegant.
Mais j'apperçois une bévuë ,
Qui
MARS .
583
1734.
Qui marque peu de jugement ,
Et qui de cette Cour aura frappé la vûë.
Tu parles assez dignement ,
J'en conviens , de la Mere ,
Et des Fils et du Pere ;
Mais quel est ton aveuglement !
Tu ne dis rien d'une Princesse >
Dont les appas , les vertus , la sagesse ,
Retracent si fidellement
Les hautes qualitez de sa Maison illustre ,
Et même en relevent le lustre.
Un oubli si grossier te chasse de ces Lieux ,
Et ne sçauroit trouver grace devant mes yeux.
Si par oubli , Seigneur , j'avois commis ce crime,
Répliquai- je en tremblant , confus , désesperé ,
Ton courroux seroit légitime.
Dès long- temps j'avois admiré
Tous les glorieux avantages ,
Qui pour cette Princesse exigent nos hommages ;
Même en secret je m'étois préparé
A demander bien-tôt ton assistance ,
Pour pouvoir mieux les exalter ;
Pour elle seule , un jour je prétendois chanter.
Je dois le dire encor , cet injuste silence
Ne vient ici que de mon ignorance ;
Je fus embarassé ; la Déesse des Arts
Nayant jamais eu de Famille ,
Je n'osai dans mes Vers lui donner une fille .
Hi
Le
584 MERCURE DE FRANCE
Le scrupule est plaisant ! reprend- il : le Dien
Mars
Eut - il jamais d'Epouse ?
Tu viens pourtant de parler de ses Fils.
Les Héros à ses Loix soumis ,
Dont la valeur , de gloire et de grandeur jalouse,
Asservit de fiers ennemis ,
De ce terrible Dieu n'ont - ils pas pris naissance ?
Lui dis - je ; oui , répond - il ; ainsi les grands
esprits
Qui chérissent les Arts , les Talents , la Science ,
Et par qui dans tous lieux on les voit triomphants
,
De Minerve sont les Enfants :
Et tes excuses sont frivoles.
Mais sans tant de détours , tu pouvois aisément,
Et même en très- peu de paroles ,
Tourner ton Compliment :
Dès l'abord Melpomene même
Auroit pû ... je t'entens ; tu viens de m'inspires
Par quel heureux moyen je pourrai réparer
Mon imprudence extrême ! .... *
Je crains pourtant,dit -il , que ce qu'en ces instants ,
Tu pourrois ajoûter à ton premier Ouvrage ,
Ne paroissant à contretemps ,
Ne te soit d'aucun avantage.
* C'est en consequence de cet ordre d'Apollon
que les trois Vers qui regardent cette Princesse ont
été ajoûtez à la premiere Scene du Prologue,
Mais
MAR S. 1734.
585
Mais n'importe , fais tes efforts ;
Que ton zele s'empresse
A fléchir la Princesse
Par de nouveaux accords ;
En un mot , obtiens- en ta grace ,
Ou ne parois jamais sur le Parnasse.
Ainsi , Princesse , dans tes mains ,
Tu tiens aujourd'hui mes destins ,
Prononce mon Arrêt ; mais prends soin de ma
gloire ;
Place-moi , tu le peux , au Temple de Menioire ,
Songe que désormais mes Chants harmonieux
Publieront tes bienfaits et ta gloire en tous lieux.
Que dis-je ? quelle erreur ! quel fol orgueil m'anime
!
Ma Lire est - elle assez sublime ,
Pour chanter un sujet et si noble et si grand !
Je m'allarmois à tort ; il t'est indifferent ,
Que j'ose de ton nom ou parler ou le taire :
Pour avoir pû , Princesse , te déplaire ,
Il faudroit que mes Vers fussent d'un autre prix;
Que l'immortalité devenant leur salaire ,
Fat assurée à mes Ecrits.
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Résumé : JUGEMENT du veritable Apollon sur le Prologue représenté le 21. Février devant S. A. S. Madame la Duchesse du Maine. A S. A. S. Mademoiselle du Maine.
Le texte relate un jugement d'Apollon concernant un prologue représenté le 21 février devant Madame la Duchesse du Maine et Mademoiselle du Maine. L'auteur du prologue, ayant reçu un accueil favorable, espérait obtenir une place auprès du Dieu du Parnasse. Apollon lui demande comment il mérite cet honneur. L'auteur mentionne avoir obtenu le suffrage d'une Minerve et de sa cour. Apollon examine l'ouvrage, le trouvant bien conçu mais notant une erreur grave : l'oubli de mentionner une princesse dont les vertus et la sagesse sont remarquables. L'auteur, confus, explique que cet oubli est dû à son ignorance. Apollon rétorque que même Mars, sans épouse, a des fils et des héros soumis à ses lois. Il conseille à l'auteur de réparer son erreur en ajoutant des vers en l'honneur de la princesse et menace de le bannir du Parnasse s'il ne parvient pas à obtenir la grâce de la princesse. L'auteur reconnaît son orgueil et affirme que ses vers ne peuvent déplaire à la princesse, sauf s'ils étaient dignes d'immortalité.
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48
p. 1246-1247
MORTS, NAISSANCES.
Début :
Le Roy ayant pris le deüil pour la mort de Mademoiselle de Beaujolois le 26 May, Sa [...]
Mots clefs :
Mademoiselle de Beaujolais, Princesse, Abbaye, Orléans, Deuil
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texteReconnaissance textuelle : MORTS, NAISSANCES.
MORTS , NAISSANCES.
L
E Roy ayant pris le deuil pour la mort de
Mademoiselle de Beaujolois le 26 May , Sa
Majesté le quitta le 6 de ce mois.
I. Vol. Од
JUI N.
1247
1734
le
On a fait à Paris differens Services Solemnels
de l'ame de cette Princesse. Le
pour repos
premier fut celebré le 7 de ce mois à l'Abbaye
de Tresnel, et les jours suivans au Val - de- Grace,
à la Paroisse de S. Eustache , à l'Abbaye de Sainte
Geneviève , à S. Honoré , à l'Eglise des Quinze
Vingt , et en dernier lieu à l'Abbaye de Chelles,
dont une Princesse d'Orleans est Abbesse . Tou
tes les Eglises ou ces Services ont été célébrés
ont été tendues en blanc et illuminées extraor
dinairement. Tous les Officiers de S. A. R. ceux
de M. le Duc d'Orleans , et de la Princesse deffunte
y ont assisté, avec quantité de personnes de
distinction de la Cour et de la Ville.
L
E Roy ayant pris le deuil pour la mort de
Mademoiselle de Beaujolois le 26 May , Sa
Majesté le quitta le 6 de ce mois.
I. Vol. Од
JUI N.
1247
1734
le
On a fait à Paris differens Services Solemnels
de l'ame de cette Princesse. Le
pour repos
premier fut celebré le 7 de ce mois à l'Abbaye
de Tresnel, et les jours suivans au Val - de- Grace,
à la Paroisse de S. Eustache , à l'Abbaye de Sainte
Geneviève , à S. Honoré , à l'Eglise des Quinze
Vingt , et en dernier lieu à l'Abbaye de Chelles,
dont une Princesse d'Orleans est Abbesse . Tou
tes les Eglises ou ces Services ont été célébrés
ont été tendues en blanc et illuminées extraor
dinairement. Tous les Officiers de S. A. R. ceux
de M. le Duc d'Orleans , et de la Princesse deffunte
y ont assisté, avec quantité de personnes de
distinction de la Cour et de la Ville.
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Résumé : MORTS, NAISSANCES.
Le 26 mai, Mademoiselle de Beaujolois est décédée. Le roi a observé un deuil jusqu'au 6 juin. En juin 1734, plusieurs services religieux ont été organisés à Paris. Les cérémonies ont eu lieu dans diverses églises décorées de blanc et illuminées. De nombreuses personnalités ont assisté à ces services.
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49
p. 180-193
EXTRAIT du Caprice amoureux, ou Ninette à la Cour.
Début :
Le théatre représente au premier acte une campagne agréable, coupée d'arbres [...]
Mots clefs :
Prince, Princesse, Coeur, Théâtre, Cour, Amour, Nature, Plaisir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT du Caprice amoureux, ou Ninette à la Cour.
EXTRAIT du Caprice amoureux ,
Ninette àla Cour.
on
. Le théatre repréfente au premier acte
une campagne agréable , coupée d'arbres
fruitiers , avec des cabannes de païfans
fur les aîles. On les voit travailler à différens
ouvrages.
Ninette , en filant au rouer , ouvre la
premiere fcene avec Colas , & débute par
cette ariette .
Travaillons de bon courage ;
· La fraîcheur
De cet ombrage,.
La douceur
De ce ramage
Nous donne coeur
A l'ouvrage.
Près de l'objet, qui m'attendrit ,,
Je file à merveille ;
Quand la fatigue m'afſoupit ,.
L'amour me réveille.
Elle prie en même tems Colas d'aller
cueillir du fruit pour elle : il monte fur
un arbre , & voit la plaine couverte de
chiens & de piqueurs ; il defcend alors.
tour allarmé , & dit à Ninette :
Rentrez , rentsez morgué ces malins drilles ,,
AVRIL 1755. 181
Comme au gibier fefont la guerre aux filles.
Aftolphe , Roi de Lombardie , paroît
avec Fabrice , fon confident , & lui fait
l'aveu de fa paffion pour Ninette , par cette
jolie ariette ::
Oui , je l'aime pour jamais ;
Rien n'égale fes attraits.
De fon teint , la fleur naïve ,
Toujours fraîche , toujours vive ,
Confond les efforts de l'art.
C'eft la nature
Simple & pure ,
Elle enchante d'un regard.
Dans fon coeur eft l'innocence ';;
Dans les yeux eft la candeur ;
Sa parure eft la décence ,,
Et fon fard eft la pudeur.
Fabrice:fort , & Ninette revient em
chantant. Aftolphe lui témoigne fa furprife
de la voir fi contente dans un état fi
borné , & lui offre une fortune éclatante ,
en lui déclarant qu'il l'adore. Ninette qui
le prend pour un Officier de fa Cour , lui
répond naïvement que cette déclaration lui
fait grand plaifir gardez , lui dit-elle
Gardez tous vos tréfors ;je ne veux qu'une grace ;
• Vous fçavez que lpn chaffe
182 MERCURE DE FRANCE.
Tous les jours en ces lieux , du matin juſqu'au
foir.
Si vous avez quelque pouvoir ,
Parlez au Prince , afin que l'on nous débarraffe
De tout le train font fes gens.
que
Je ne comprens point quelle fievre
Peut faire ainfi courir les champs ;
Pour le plaifir de prendre un lievre
On ravage quarante arpens.
1 Elle le prie en conféquence de ne plus
revenir , en lui avouant franchement qu ' elle
aime Colas . Le Prince lui dit de mieux
placer fon ardeur , ajoutant qu'un fort
brillant l'attend à la Cour , & que les
charmes d'une toilette la rendront encore
plus belle. Qu'est- ce qu'une toilette , lui
demande Ninette ? Il lui en fait cette ingénieufe
defcription,
C'est un trône où triomphe Part :;
C'eft un autel que l'on érige aux graces;
C'est là qu'on peut , des tems rapprocher les ef
paces
Par l'heureux preftige d'un fard ,
Qui des ans applanit les traces.
Des couleurs du plaifir on ranime fon teint ;
Et le pinceau , rival de la nature ,
Par une agréable impofture , vrsti so'nd
Fait éclore la fleur d'un vilage enfantin.
AVRIL
$755. 183
Chaque jour on eft auf belle ;
D'un air plus triomphant la jeuneffe y fourit ,
La beauté même s'embellit
Se fixe , & devient immortelle .
Un tableau fi flateur pique la vanité curieufe
de Ninette ; mais elle craint de fâcher
Colas : il furvient dans cette irréfolution
, & fait éclater fa jalousie. Elle
l'avertit tout bas de la cacher , de
peur
d'irriter Aftolphe . Le Prince qui s'en apperçoit
, la raffure , en lui difant :
Si Colas vous eft cher , je deviens fon ami
Colas lui réplique : >
On n'eft guere ami du mari
Quand on yeut l'être de la femme.
Le Prince fort après avoir dit à Ni
-nette :
L'heureux Colas vous intéreſſe.
Paiffe-t-il mieux que moi faire votre bonheur !
Ninette reproche à Colas fa groffiereté ,
vis-à-vis d'un Seigneur fi poli , qui la veut
mener à la Cour : il lui répond qu'Aftolphe
lui parloit d'amour , & que cela ne
convient pas. Elle lui répart avec une ingénuité
rare aujourd'hui , même dans une
jeune païfanne.
184 MERCURE DE FRANCE .
Les Meffieurs de la Cour font trop bien élevés
Pour entreprendre rien contre la bienféance.
Colas qui apperçoit dans ce moment le
Prince qui revient , & qui la regarde de
loin , veut obliger Ninette à rentrer malgré
elle : elle refifte ; il la tire par le bras :
elle crie - alors , & chante avec toutes les
graces d'une jolie enfant qui pleure , cette
ariette fi , heureufement parodiée de Ber--
tholde à la Cour.
Ahi ahi ! il me fait grand mal ;:
Le brutal le brutal !
COLAS
Oui , je vous ai fait grand mal.
NINETTE.
Le Seigneur viant_ici ,
Ahi ! ahi ! puifqu'on me traite ainfi
Je vais me plaindre de ce pas..
COLAS.
Ninon..
NINETTENon
, non.
COLAS.
1
Morgué , quel embarras !
Ninon ,
A V.R IL
1.851 1755
Jte d'mande pardon. ,
NINETTE.
८
Non , non Y
Point de pardon.
Ahi ahi ! il m'a fait grand mal.
ASTOLPHE s'approchant , à Ninette.
Qu'avez -vous ?
NINETTE .
): Le brutal !
Ah ! qu'il m'a fait grand mal !
Ahi ! Ahi
NINETTE.
Ah ! j'ai bien du guignon . I'
ASTOLPH E.
O Dieux ! qu'avez-vous donc
NINETTE, ! |
Monfeigneur , c'eff Colas
Qui m'a , m'a , m'a demis le bras .
Hélas ! hélas !
à Colas.
Tu t'en repentiras.
Hélas ! hélas !
Oui , tu me le paîras.
KIM » Alii? ahiuvabi, le brash 10 4 alo
186 MERCURE DE FRANCE.
Aftolphe témoigne fa furprife en s'écriant
:
Eft-ce là ce tendre Colas ?
Colas veut s'emporter ; mais Fabrice lui
apprend qu'Aftolphe eft le Prince . Ninette
& Colas font furpris à leur tour . Le Prince
preffe Ninette de venir embellir fa Cour.
Elle y confent , en difant tout bas qu'elle
veut punir Colas fans lui manquer de foi .
Elle le quitte en lui adreffant cette Ariette
boufonne , qui commence par ces vers
Colas , je renonce au village ;
La cour me convient davantage.
& qui finit ainfi : JA
Quelque jour tu viendras
Tu verras. (bis.).
Sans ceffe
La preffe
Arrêtera tes pas ;
Et de loin , tu diras ,
Ah, Princeffe , Princeffe !
En t'inclinant bien bas
Protegez Colas ,
Ne l'oubliez pas.
Adieu , pauvre Colas,
1.
Colas fe defefpere , & veut fuivre NiAVRIL.
1755. 187
nette , mais il eft arrêté par une troupe de
chaffeurs . Ils le forcent à s'éloigner , &
forment une danfe qui termine le premier
acte. Il eſt brillant par le jeu & par le choix
des ariettes qui font parfaitement rendues
par Mme Favart & M. Rochart .
Le théatre change au fecond acte , & repréfente
un appartement du palais d'Aftolphe.
Ninette paroît en habit de Cour ; elle
eft fuivie de plufieurs femmes de chambre ,
qui portent chacune différentes parures ;
fan pannier l'embarraffe , & lui donne un
air gauche. Elle refufe le rouge dont on
veur l'embellir , & laiffe tomber les diamans
qu'on lui préfente, pour prendre des
fleurs artificielles , qu'elle jette un inſtant
après , en difant :
Elles ne fentent rien
Içi l'on ne doit rien qu'à l'arts
La beauté n'eft qu'une peinture ,
Jufqu'aux fleurs tout eſt impoſture.
Fabrice veut lui donner des leçons de
politeffe , mais elle le rebute , & prie le
Prince qui entre , de la débarrafler de cet
homme qui l'ennuie , ajoûtant qu'elle aimeroit
mieux voir Colas. Aftolphe lui répond
:
188 MERCURE DE FRANCE.
#
Vous allez voir Colas ; j'efpere qu'en ce jour
Vous mettrez entre nous un peu de différence ;
Je ne veux qu'à force d'amour
Lui difputer la préférence.
Il donne enfuite des ordres pour qu'on
montre à Ninette toute la magnificence
de fa Cour ; & voyant paroître la Princeffe
il fort pour l'éviter . Emilie ( c'eft le nom
de la Princeffe qui lui eft deftinée , ) tế-
moigne fes craintes à Clarice , fa confidente
, & la charge d'examiner les pas du Prince
& de Ninette. Elle exprime enfuite fes
fentimens par une ariette.
Viens , efpoir enchanteur ,
Viens confoler mon coeur , &c.
Voyant revenir Aftolphe avec fa petite
payfane , elle s'éloigne pour les obferver.
Le Prince demande à Ninette ce qu'elle
penfe de la Cour ; Ninette lui répond avec
une franchiſe fpirituelle.
J'ai vu de toute part de beaux petits objets
A talons rouges , en plumets ;
Ne font-ce pas des femmes en épées ?
J'ai vu trotter auffi de gentilles poupées ,
Qui portent des petits colets...
Ah ! que de plaifans perfonnages ,
AVRIL. 1755. 189
Crainte de déranger l'ordre de leurs vifages ,
Ils parlent tous comme des flageolets.
Tu , tu , tu tu. Dans nos villages -
2
Nous n'avons jamais vu de tels colifichets ,
Et puis j'ai vu de graves fréluquets ,
Qui prenoient un air d'importance.
Et de jolis vieillards coquets ,
Qui fembloient marcher en cadence ;
L'un d'eux , pour me voir de plus près ,
Jufques fous mon menton s'approche ,
En tirant un oeil de fa poche ;
C'eft un bijou , c'eft un Ange. Eh ! mais , mais..
Emilie s'avance , & fait un compliment
ironique à Ninette fur fes charmes , & la
félicite d'avoir fait la conquête d'Aſtolphe ,
qui s'en défend devant la Princeffe. Ninet
te répond qu'elle aime Colas . Le Prince
pour appuyer ce difcours , dit qu'il a donné
des ordres pour le faire venir. Ninette
réplique qu'elle aime mieux retourner au
village , & fort en chantant
ARI ETT E.
Dans nos prairies
Toujours fleuries ,
On voit fourire
Un doux zéphire , &c.
190 MERCURE DE FRANCE .
Le Prince raffare Emilie , & lui promet
de renvoyer Ninette ; mais dès qu'il eft
feul il peint fon irréfolution par une ariette.
Lé Nocher , loin du rivage
Lutte en vain contre l'orage , &c.
& fe retire fans fçavoir ce qu'il doit fai-
're.
Colas entre paré à peu - près comme Taler
dans Démocrite , & fe plaint comme
lui de la réception ridicule qu'on lui a
faite à la Cour . Ninette qui furvient , &
qui apperçoit Colas , baiffe fa coëffe , ſe
couvre le vifage de fon éventail , & contrefait
fa voix en grafféyant , pour éprou
ver Colas , & n'en être point reconnue .
Cette fcene a beſoin du jeu des acteurs
pour être fentie. Ninette en jouant les
vapeurs , déclare à Colas qu'elle eft épriſe
de fes charmes , & lui propofe de répondre
à fon ardeur , en l'affûrant que fa fortune
fera faite. Colas' qui la prend pour
une Dame de la Cour , répond qu'il y confent
, en difant tout bas :
Je ne veux qu'alarmer Ninette ,
Et le dépit me la ramenera.
Ninette alors fe dévoile , & fait éclater
fa colere contre Colas ; il a beau vouAVRIL
1755. 191
loir fe juſtifier , elle ne veut plus l'entendte.
Ce qui occafionne un duo dialogué
à l'Italienne , dont le contrafte toujours
foutenu , finit vivement le fecond acte.
20 Ninette ouvre feule le troifieme dans
le même appartement , où l'on voit des
lumieres fur une table. Elle fait entendre
dans une ariette qu'elle tirera bien-
-tôt vengeance d'un ingrat qui l'a trahie.
Fabrice vient l'avertir que le Prince doir
arriver dans un moment ; elle lui demande
fi Colas eft prévenu qu'elle doit parler
au Prince tête à tête ; Fabrice lui répond
qu'oui , & qu'il fait de gros foupirs . Emilie
entre , & paroit furpriſe de retrouver
encore Ninette , qui lui protefte qu'elle
eft à la Cour contre fon gré , & lui avoue
en riant qu'Aftolphe lui a demandé un
rendez - vous , qu'elle s'y trouvera , par la
raifon qu'une fille de bien ne craint rien.
Cette maxime n'eft pas toujours fure.
Comme on entend du bruit , Ninette en-
-gage la Princeffe à s'éloigner avec elle ,
ajoutant qu'elle a fur ce point un fecret
? à lui dire.
Colas arrive , guidé par fa jaloufie , & fe
cache fous la table pour entendre , › fans
cêtre vu l'entretien nocturne du Prince
avec Ninette , qui revient & qui éteint
les bougies en voyant entrer Aftolphe. Le
192 MERCURE DE FRANCE.
Prince lui en demande la raifon , & mon
tre une pudeur qu'elle paroît oublier. Elle
répond que fon coeur eft bien gardé la nuit
comme le jour , & le prie de lui apprendre
ce qu'il fouhaite d'elle. Il replique que fes
foupirs lui expliquent fes voeux : elle lui
repart qu'elle veut faire fon bonheur , &
qu'il attende un moment. Elle va chercher
la Princeffe ; & la met à fa place : le Prince
dit à Emilie , qu'il prend pour Ninette ,
J'ai defiré long-tems un coeur fans impofture ,
Un coeur fimple , ingenu , formé par la nature.
)
Ninette , en apportant des lumieres , répond
au Prince qu'il a trouvé ce thréfor
dans Emilie qui eft devant lui. Aftolphe ,
honteux de fon inconftance , rend fon
coeur à la Princeffe , qui lui pardonne. Colas
forti de deffous la table , paffe des plus
vives alarmes à la plus grande joie. Af-
-tolphe s'unit à la Princeffe , & Colas à Ninette.
Un bal dont nous avons rendu compte
, couronne agréablement ce troifieme
acte , dont le dénouement a paru moins
heureux que le refte de la piece : on peut
dire qu'elle eft pleine d'ingénieux détails ,
& qu'elle forme un recueil choisi d'ariettes
: italiennes en jolis vers françois.
Sila Servante Maîtrefle a fait des amans
paffionnés ,
AVRIL. 17558 193
paffionnés , Ninette à la Cour a trouvé
de zélés partifans ; chacune a fon mérite
particulier ; l'aînée eft peut - être mieux
faite , & la cadette eft plus fpirituelle.
Ninette àla Cour.
on
. Le théatre repréfente au premier acte
une campagne agréable , coupée d'arbres
fruitiers , avec des cabannes de païfans
fur les aîles. On les voit travailler à différens
ouvrages.
Ninette , en filant au rouer , ouvre la
premiere fcene avec Colas , & débute par
cette ariette .
Travaillons de bon courage ;
· La fraîcheur
De cet ombrage,.
La douceur
De ce ramage
Nous donne coeur
A l'ouvrage.
Près de l'objet, qui m'attendrit ,,
Je file à merveille ;
Quand la fatigue m'afſoupit ,.
L'amour me réveille.
Elle prie en même tems Colas d'aller
cueillir du fruit pour elle : il monte fur
un arbre , & voit la plaine couverte de
chiens & de piqueurs ; il defcend alors.
tour allarmé , & dit à Ninette :
Rentrez , rentsez morgué ces malins drilles ,,
AVRIL 1755. 181
Comme au gibier fefont la guerre aux filles.
Aftolphe , Roi de Lombardie , paroît
avec Fabrice , fon confident , & lui fait
l'aveu de fa paffion pour Ninette , par cette
jolie ariette ::
Oui , je l'aime pour jamais ;
Rien n'égale fes attraits.
De fon teint , la fleur naïve ,
Toujours fraîche , toujours vive ,
Confond les efforts de l'art.
C'eft la nature
Simple & pure ,
Elle enchante d'un regard.
Dans fon coeur eft l'innocence ';;
Dans les yeux eft la candeur ;
Sa parure eft la décence ,,
Et fon fard eft la pudeur.
Fabrice:fort , & Ninette revient em
chantant. Aftolphe lui témoigne fa furprife
de la voir fi contente dans un état fi
borné , & lui offre une fortune éclatante ,
en lui déclarant qu'il l'adore. Ninette qui
le prend pour un Officier de fa Cour , lui
répond naïvement que cette déclaration lui
fait grand plaifir gardez , lui dit-elle
Gardez tous vos tréfors ;je ne veux qu'une grace ;
• Vous fçavez que lpn chaffe
182 MERCURE DE FRANCE.
Tous les jours en ces lieux , du matin juſqu'au
foir.
Si vous avez quelque pouvoir ,
Parlez au Prince , afin que l'on nous débarraffe
De tout le train font fes gens.
que
Je ne comprens point quelle fievre
Peut faire ainfi courir les champs ;
Pour le plaifir de prendre un lievre
On ravage quarante arpens.
1 Elle le prie en conféquence de ne plus
revenir , en lui avouant franchement qu ' elle
aime Colas . Le Prince lui dit de mieux
placer fon ardeur , ajoutant qu'un fort
brillant l'attend à la Cour , & que les
charmes d'une toilette la rendront encore
plus belle. Qu'est- ce qu'une toilette , lui
demande Ninette ? Il lui en fait cette ingénieufe
defcription,
C'est un trône où triomphe Part :;
C'eft un autel que l'on érige aux graces;
C'est là qu'on peut , des tems rapprocher les ef
paces
Par l'heureux preftige d'un fard ,
Qui des ans applanit les traces.
Des couleurs du plaifir on ranime fon teint ;
Et le pinceau , rival de la nature ,
Par une agréable impofture , vrsti so'nd
Fait éclore la fleur d'un vilage enfantin.
AVRIL
$755. 183
Chaque jour on eft auf belle ;
D'un air plus triomphant la jeuneffe y fourit ,
La beauté même s'embellit
Se fixe , & devient immortelle .
Un tableau fi flateur pique la vanité curieufe
de Ninette ; mais elle craint de fâcher
Colas : il furvient dans cette irréfolution
, & fait éclater fa jalousie. Elle
l'avertit tout bas de la cacher , de
peur
d'irriter Aftolphe . Le Prince qui s'en apperçoit
, la raffure , en lui difant :
Si Colas vous eft cher , je deviens fon ami
Colas lui réplique : >
On n'eft guere ami du mari
Quand on yeut l'être de la femme.
Le Prince fort après avoir dit à Ni
-nette :
L'heureux Colas vous intéreſſe.
Paiffe-t-il mieux que moi faire votre bonheur !
Ninette reproche à Colas fa groffiereté ,
vis-à-vis d'un Seigneur fi poli , qui la veut
mener à la Cour : il lui répond qu'Aftolphe
lui parloit d'amour , & que cela ne
convient pas. Elle lui répart avec une ingénuité
rare aujourd'hui , même dans une
jeune païfanne.
184 MERCURE DE FRANCE .
Les Meffieurs de la Cour font trop bien élevés
Pour entreprendre rien contre la bienféance.
Colas qui apperçoit dans ce moment le
Prince qui revient , & qui la regarde de
loin , veut obliger Ninette à rentrer malgré
elle : elle refifte ; il la tire par le bras :
elle crie - alors , & chante avec toutes les
graces d'une jolie enfant qui pleure , cette
ariette fi , heureufement parodiée de Ber--
tholde à la Cour.
Ahi ahi ! il me fait grand mal ;:
Le brutal le brutal !
COLAS
Oui , je vous ai fait grand mal.
NINETTE.
Le Seigneur viant_ici ,
Ahi ! ahi ! puifqu'on me traite ainfi
Je vais me plaindre de ce pas..
COLAS.
Ninon..
NINETTENon
, non.
COLAS.
1
Morgué , quel embarras !
Ninon ,
A V.R IL
1.851 1755
Jte d'mande pardon. ,
NINETTE.
८
Non , non Y
Point de pardon.
Ahi ahi ! il m'a fait grand mal.
ASTOLPHE s'approchant , à Ninette.
Qu'avez -vous ?
NINETTE .
): Le brutal !
Ah ! qu'il m'a fait grand mal !
Ahi ! Ahi
NINETTE.
Ah ! j'ai bien du guignon . I'
ASTOLPH E.
O Dieux ! qu'avez-vous donc
NINETTE, ! |
Monfeigneur , c'eff Colas
Qui m'a , m'a , m'a demis le bras .
Hélas ! hélas !
à Colas.
Tu t'en repentiras.
Hélas ! hélas !
Oui , tu me le paîras.
KIM » Alii? ahiuvabi, le brash 10 4 alo
186 MERCURE DE FRANCE.
Aftolphe témoigne fa furprife en s'écriant
:
Eft-ce là ce tendre Colas ?
Colas veut s'emporter ; mais Fabrice lui
apprend qu'Aftolphe eft le Prince . Ninette
& Colas font furpris à leur tour . Le Prince
preffe Ninette de venir embellir fa Cour.
Elle y confent , en difant tout bas qu'elle
veut punir Colas fans lui manquer de foi .
Elle le quitte en lui adreffant cette Ariette
boufonne , qui commence par ces vers
Colas , je renonce au village ;
La cour me convient davantage.
& qui finit ainfi : JA
Quelque jour tu viendras
Tu verras. (bis.).
Sans ceffe
La preffe
Arrêtera tes pas ;
Et de loin , tu diras ,
Ah, Princeffe , Princeffe !
En t'inclinant bien bas
Protegez Colas ,
Ne l'oubliez pas.
Adieu , pauvre Colas,
1.
Colas fe defefpere , & veut fuivre NiAVRIL.
1755. 187
nette , mais il eft arrêté par une troupe de
chaffeurs . Ils le forcent à s'éloigner , &
forment une danfe qui termine le premier
acte. Il eſt brillant par le jeu & par le choix
des ariettes qui font parfaitement rendues
par Mme Favart & M. Rochart .
Le théatre change au fecond acte , & repréfente
un appartement du palais d'Aftolphe.
Ninette paroît en habit de Cour ; elle
eft fuivie de plufieurs femmes de chambre ,
qui portent chacune différentes parures ;
fan pannier l'embarraffe , & lui donne un
air gauche. Elle refufe le rouge dont on
veur l'embellir , & laiffe tomber les diamans
qu'on lui préfente, pour prendre des
fleurs artificielles , qu'elle jette un inſtant
après , en difant :
Elles ne fentent rien
Içi l'on ne doit rien qu'à l'arts
La beauté n'eft qu'une peinture ,
Jufqu'aux fleurs tout eſt impoſture.
Fabrice veut lui donner des leçons de
politeffe , mais elle le rebute , & prie le
Prince qui entre , de la débarrafler de cet
homme qui l'ennuie , ajoûtant qu'elle aimeroit
mieux voir Colas. Aftolphe lui répond
:
188 MERCURE DE FRANCE.
#
Vous allez voir Colas ; j'efpere qu'en ce jour
Vous mettrez entre nous un peu de différence ;
Je ne veux qu'à force d'amour
Lui difputer la préférence.
Il donne enfuite des ordres pour qu'on
montre à Ninette toute la magnificence
de fa Cour ; & voyant paroître la Princeffe
il fort pour l'éviter . Emilie ( c'eft le nom
de la Princeffe qui lui eft deftinée , ) tế-
moigne fes craintes à Clarice , fa confidente
, & la charge d'examiner les pas du Prince
& de Ninette. Elle exprime enfuite fes
fentimens par une ariette.
Viens , efpoir enchanteur ,
Viens confoler mon coeur , &c.
Voyant revenir Aftolphe avec fa petite
payfane , elle s'éloigne pour les obferver.
Le Prince demande à Ninette ce qu'elle
penfe de la Cour ; Ninette lui répond avec
une franchiſe fpirituelle.
J'ai vu de toute part de beaux petits objets
A talons rouges , en plumets ;
Ne font-ce pas des femmes en épées ?
J'ai vu trotter auffi de gentilles poupées ,
Qui portent des petits colets...
Ah ! que de plaifans perfonnages ,
AVRIL. 1755. 189
Crainte de déranger l'ordre de leurs vifages ,
Ils parlent tous comme des flageolets.
Tu , tu , tu tu. Dans nos villages -
2
Nous n'avons jamais vu de tels colifichets ,
Et puis j'ai vu de graves fréluquets ,
Qui prenoient un air d'importance.
Et de jolis vieillards coquets ,
Qui fembloient marcher en cadence ;
L'un d'eux , pour me voir de plus près ,
Jufques fous mon menton s'approche ,
En tirant un oeil de fa poche ;
C'eft un bijou , c'eft un Ange. Eh ! mais , mais..
Emilie s'avance , & fait un compliment
ironique à Ninette fur fes charmes , & la
félicite d'avoir fait la conquête d'Aſtolphe ,
qui s'en défend devant la Princeffe. Ninet
te répond qu'elle aime Colas . Le Prince
pour appuyer ce difcours , dit qu'il a donné
des ordres pour le faire venir. Ninette
réplique qu'elle aime mieux retourner au
village , & fort en chantant
ARI ETT E.
Dans nos prairies
Toujours fleuries ,
On voit fourire
Un doux zéphire , &c.
190 MERCURE DE FRANCE .
Le Prince raffare Emilie , & lui promet
de renvoyer Ninette ; mais dès qu'il eft
feul il peint fon irréfolution par une ariette.
Lé Nocher , loin du rivage
Lutte en vain contre l'orage , &c.
& fe retire fans fçavoir ce qu'il doit fai-
're.
Colas entre paré à peu - près comme Taler
dans Démocrite , & fe plaint comme
lui de la réception ridicule qu'on lui a
faite à la Cour . Ninette qui furvient , &
qui apperçoit Colas , baiffe fa coëffe , ſe
couvre le vifage de fon éventail , & contrefait
fa voix en grafféyant , pour éprou
ver Colas , & n'en être point reconnue .
Cette fcene a beſoin du jeu des acteurs
pour être fentie. Ninette en jouant les
vapeurs , déclare à Colas qu'elle eft épriſe
de fes charmes , & lui propofe de répondre
à fon ardeur , en l'affûrant que fa fortune
fera faite. Colas' qui la prend pour
une Dame de la Cour , répond qu'il y confent
, en difant tout bas :
Je ne veux qu'alarmer Ninette ,
Et le dépit me la ramenera.
Ninette alors fe dévoile , & fait éclater
fa colere contre Colas ; il a beau vouAVRIL
1755. 191
loir fe juſtifier , elle ne veut plus l'entendte.
Ce qui occafionne un duo dialogué
à l'Italienne , dont le contrafte toujours
foutenu , finit vivement le fecond acte.
20 Ninette ouvre feule le troifieme dans
le même appartement , où l'on voit des
lumieres fur une table. Elle fait entendre
dans une ariette qu'elle tirera bien-
-tôt vengeance d'un ingrat qui l'a trahie.
Fabrice vient l'avertir que le Prince doir
arriver dans un moment ; elle lui demande
fi Colas eft prévenu qu'elle doit parler
au Prince tête à tête ; Fabrice lui répond
qu'oui , & qu'il fait de gros foupirs . Emilie
entre , & paroit furpriſe de retrouver
encore Ninette , qui lui protefte qu'elle
eft à la Cour contre fon gré , & lui avoue
en riant qu'Aftolphe lui a demandé un
rendez - vous , qu'elle s'y trouvera , par la
raifon qu'une fille de bien ne craint rien.
Cette maxime n'eft pas toujours fure.
Comme on entend du bruit , Ninette en-
-gage la Princeffe à s'éloigner avec elle ,
ajoutant qu'elle a fur ce point un fecret
? à lui dire.
Colas arrive , guidé par fa jaloufie , & fe
cache fous la table pour entendre , › fans
cêtre vu l'entretien nocturne du Prince
avec Ninette , qui revient & qui éteint
les bougies en voyant entrer Aftolphe. Le
192 MERCURE DE FRANCE.
Prince lui en demande la raifon , & mon
tre une pudeur qu'elle paroît oublier. Elle
répond que fon coeur eft bien gardé la nuit
comme le jour , & le prie de lui apprendre
ce qu'il fouhaite d'elle. Il replique que fes
foupirs lui expliquent fes voeux : elle lui
repart qu'elle veut faire fon bonheur , &
qu'il attende un moment. Elle va chercher
la Princeffe ; & la met à fa place : le Prince
dit à Emilie , qu'il prend pour Ninette ,
J'ai defiré long-tems un coeur fans impofture ,
Un coeur fimple , ingenu , formé par la nature.
)
Ninette , en apportant des lumieres , répond
au Prince qu'il a trouvé ce thréfor
dans Emilie qui eft devant lui. Aftolphe ,
honteux de fon inconftance , rend fon
coeur à la Princeffe , qui lui pardonne. Colas
forti de deffous la table , paffe des plus
vives alarmes à la plus grande joie. Af-
-tolphe s'unit à la Princeffe , & Colas à Ninette.
Un bal dont nous avons rendu compte
, couronne agréablement ce troifieme
acte , dont le dénouement a paru moins
heureux que le refte de la piece : on peut
dire qu'elle eft pleine d'ingénieux détails ,
& qu'elle forme un recueil choisi d'ariettes
: italiennes en jolis vers françois.
Sila Servante Maîtrefle a fait des amans
paffionnés ,
AVRIL. 17558 193
paffionnés , Ninette à la Cour a trouvé
de zélés partifans ; chacune a fon mérite
particulier ; l'aînée eft peut - être mieux
faite , & la cadette eft plus fpirituelle.
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Résumé : EXTRAIT du Caprice amoureux, ou Ninette à la Cour.
L'extrait du 'Caprice amoureux' intitulé 'Ninette à la Cour' se compose de trois actes. Dans le premier acte, Ninette, une jeune fille vivant dans une campagne agréable, chante son amour pour Colas. Astolphe, roi de Lombardie, apparaît et avoue sa passion pour Ninette. Il lui propose une fortune et une vie à la cour, mais Ninette, fidèle à Colas, refuse et demande seulement que les chasseurs cessent de perturber leur village. Colas, jaloux, intervient et est rassuré par Astolphe. Ninette accepte finalement d'aller à la cour pour punir Colas, mais elle est arrêtée par des chasseurs et forcée de partir. Dans le deuxième acte, Ninette se trouve dans un appartement du palais d'Astolphe. Elle refuse les parures et les leçons de politesse, préférant la simplicité. Emilie, la princesse destinée à Astolphe, observe la situation et exprime ses craintes. Ninette décrit avec franchise et humour les personnages de la cour. Colas, déguisé, tente de séduire Ninette pour la tester, ce qui conduit à une dispute entre eux. Le troisième acte voit Ninette préparer sa vengeance contre Colas. Emilie et Astolphe se réconcilient après une méprise. Colas, caché, assiste à la scène et finit par se réjouir. Astolphe et Emilie se marient, et Colas se réconcilie avec Ninette. La pièce se termine par un bal. 'Ninette à la Cour' est décrite comme une pièce pleine d'ingéniosité et de détails, avec des ariettes italiennes en vers français.
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50
p. 220-221
ALLEMAGNE.
Début :
L'Impératrice-Reine vient d'établir pour la noblesse une Académie, dans laquelle [...]
Mots clefs :
Vienne, Berlin, Hanovre, Impératrice-Reine, Académie, Exécution, Magistrats, Académie royale des sciences et belles-lettres, Princesse, Prince du Landgraviat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEMAGNE.
ALLEMAGNE,
DE VIENNE , le 19 Avril.
L'Impératrice - Reine vient d'établir pour la
nobleffe une Académie , dans laquelle on enfeighera
non feulement à monter à cheval , à faire
des armes & à danfer , mais encore l'hiſtoire , le
droit , la politique , la géométrie , & les langues
françoife & italienne . Chaque penfionnaire payera
fept cens florins par an. Le Comte de Solms ,
Confeiller privé , aura la direction de cet établiſ
fement.
Les anciennes extravagances au fujet des Vampires
venant de fe renouveller dans la haute Si
lefie , l'Impératrice- Reine a adreffé à la Régence
de cette province un refcrit , portant » qu'elle a
appris avec peine que le peuple pût le laiffér
>> féduire par des idées fi ridicules ; qu'elle exhorte
les Magiftrats à ne rien négliger pour le
convaincre de la fauffeté de femblables préven-
» tions ; qu'elle regarde l'exécution qui s'eft faite
» à l'égard de plufieurs cadavres , comme une action
qui répugne au bon ordre & à l'humanité ;
» que comme cette exécution a été faite à Pin-
» fçu des Magiftrats , Sa Majeſté veut qu'on en
» recherche les auteurs , & qu'on procéde contre
eux fuivant la rigueur des loix . »
DE BERLIN , le 18 Avril.
Hier , l'Académie royale des Sciences & Belles-
Lettres élut pour Académicien le feur pinus ,
& pour Affocié étranger le Sr de Secondar, Préfi
dent du Parlement de Guyenne , fils du célebre
Président de Montesquieu .
JUIN." 1755. 221
DE HANOV RE , le 2 Mai.
Ce matin , le Roi de la Grande - Bretagne eft
arrivé de Londres : on a dépêché des couriers
pour annoncer Gette nouvelle à plufieurs Cours
de l'Empire. Le Landgrave de Heffe- Caffel , & la
Princeffe , époufe du Prince héréditaire du Landgraviat
de ce nom , font attendus ici dans quelques
jours.
DE VIENNE , le 19 Avril.
L'Impératrice - Reine vient d'établir pour la
nobleffe une Académie , dans laquelle on enfeighera
non feulement à monter à cheval , à faire
des armes & à danfer , mais encore l'hiſtoire , le
droit , la politique , la géométrie , & les langues
françoife & italienne . Chaque penfionnaire payera
fept cens florins par an. Le Comte de Solms ,
Confeiller privé , aura la direction de cet établiſ
fement.
Les anciennes extravagances au fujet des Vampires
venant de fe renouveller dans la haute Si
lefie , l'Impératrice- Reine a adreffé à la Régence
de cette province un refcrit , portant » qu'elle a
appris avec peine que le peuple pût le laiffér
>> féduire par des idées fi ridicules ; qu'elle exhorte
les Magiftrats à ne rien négliger pour le
convaincre de la fauffeté de femblables préven-
» tions ; qu'elle regarde l'exécution qui s'eft faite
» à l'égard de plufieurs cadavres , comme une action
qui répugne au bon ordre & à l'humanité ;
» que comme cette exécution a été faite à Pin-
» fçu des Magiftrats , Sa Majeſté veut qu'on en
» recherche les auteurs , & qu'on procéde contre
eux fuivant la rigueur des loix . »
DE BERLIN , le 18 Avril.
Hier , l'Académie royale des Sciences & Belles-
Lettres élut pour Académicien le feur pinus ,
& pour Affocié étranger le Sr de Secondar, Préfi
dent du Parlement de Guyenne , fils du célebre
Président de Montesquieu .
JUIN." 1755. 221
DE HANOV RE , le 2 Mai.
Ce matin , le Roi de la Grande - Bretagne eft
arrivé de Londres : on a dépêché des couriers
pour annoncer Gette nouvelle à plufieurs Cours
de l'Empire. Le Landgrave de Heffe- Caffel , & la
Princeffe , époufe du Prince héréditaire du Landgraviat
de ce nom , font attendus ici dans quelques
jours.
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Résumé : ALLEMAGNE.
L'Impératrice-Reine d'Allemagne a fondé une Académie pour la noblesse à Vienne, où les élèves étudieront l'équitation, les armes, la danse, l'histoire, le droit, la politique, la géométrie, ainsi que les langues française et italienne. Le coût annuel est de sept cents florins par pensionnaire, et le Comte de Solms en assurera la direction. Parallèlement, des superstitions sur les vampires ayant resurgi, l'Impératrice-Reine a adressé un rescrit à la Régence de la province, condamnant les exécutions de cadavres et ordonnant de poursuivre les responsables. À Berlin, l'Académie royale des Sciences et Belles-Lettres a élu Pinius comme Académicien et de Secondat, fils de Montesquieu, comme Associé étranger. À Hanovre, le Roi de Grande-Bretagne est arrivé de Londres, et des courriers ont annoncé cette nouvelle à plusieurs cours de l'Empire. Le Landgrave de Hesse-Cassel et la Princesse, épouse du Prince héréditaire du Landgraviat, sont attendus prochainement.
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