Résultats : 27 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 237-238
POUR LE ROY. SONNET.
Début :
Chérir la Paix, les Arts, la Justice & la Gloire, [...]
Mots clefs :
Paix, Justice, Art, Gloire, Ennemis, Prince, Victoire, Histoire, Louis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POUR LE ROY. SONNET.
POUR LE ROY..
SONNET.
Hérir la Paix, les Arts , laJuſtice &
CHerir
la Gloire,
Eftre Pere du Peuple, eftre Arbitre , eftre
Roy,
A tousfes Ennemisfçavoir donner laloy,
Ffurfespaffions remporter la victoire.
238
Extraordinaire
*
Grand Prince, ce font-là les traits de ton
Hiftoire,
Ces merveilles un jour ſurpaſſeront lafoy,
Aufeul Nom de LOUIS l'Aigle trem»
ble d'effroy,
Et l'on voit le Lion en craindre la mémoire..
03
Tufais récompenfer le mérite achevé,.
Abatre le Duel & le Schifme élevé,
L'Heréfie à tes yeux n'a plus l'air intrépide..
Ce Culte qu'on rendoit à defaux Iinmor
rels ,
Au redoutable Mars à l'invincible Alcide,
Eft rendu par tesfoins au Dieu de nos
Autels..
L'ANONIMEL
SONNET.
Hérir la Paix, les Arts , laJuſtice &
CHerir
la Gloire,
Eftre Pere du Peuple, eftre Arbitre , eftre
Roy,
A tousfes Ennemisfçavoir donner laloy,
Ffurfespaffions remporter la victoire.
238
Extraordinaire
*
Grand Prince, ce font-là les traits de ton
Hiftoire,
Ces merveilles un jour ſurpaſſeront lafoy,
Aufeul Nom de LOUIS l'Aigle trem»
ble d'effroy,
Et l'on voit le Lion en craindre la mémoire..
03
Tufais récompenfer le mérite achevé,.
Abatre le Duel & le Schifme élevé,
L'Heréfie à tes yeux n'a plus l'air intrépide..
Ce Culte qu'on rendoit à defaux Iinmor
rels ,
Au redoutable Mars à l'invincible Alcide,
Eft rendu par tesfoins au Dieu de nos
Autels..
L'ANONIMEL
Fermer
Résumé : POUR LE ROY. SONNET.
Le sonnet célèbre Louis XIV, mettant en avant ses qualités et réalisations. Il souligne la paix, les arts, la justice et la gloire, ainsi que son rôle de père du peuple et de souverain. Le texte évoque ses victoires militaires, sa maîtrise des passions et sa loi imposée aux ennemis. Il prédit que ses exploits surpasseront la légende, le comparant à un aigle et un lion. Le sonnet mentionne la récompense du mérite, la suppression du duel et de l'hérésie, et le transfert du culte des héros païens aux dieux chrétiens. Il se termine par une référence à la dévotion religieuse et à la protection divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 1-6
Prélude, [titre d'après la table]
Début :
Le Roy qui n'est destiné qu'à de grandes choses, [...]
Mots clefs :
César, Chef-d'oeuvres, Magnificence, Art, Ouvrages, Louis le Grand, Versailles, Grandeur, Royaume de France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Prélude, [titre d'après la table]
E Roy qui n'eft def
tiné qu'à de grandes
chofes, vient de faire
uneEntrepriſe vrayment Romaine
, & je ne croy pas
qu'aucun des Céfars en ait
jamais réfolu une pareille..
Ce n'eft pas , Madame , que
Mars
1685.
A
2 MERCURE
1 parmy tant de Chef- d'oeuvres
qui ont rendu l'ancienne
Rome fi celebre , il n'y en
ait eu de trés -importans
, &
dans lefquels laMagnificence
.
a efte jointe à tout ce que
l'Art a de plus ingénieux
;
mais ces Ouvrages que l'on
avoit commencez fans avoir
examiné toute leur grandeur
, & fans en avoir prévû
la dépenfe , eftoient devenus
des Ouvrages de plufieurs
Régnés , au lieu que Louis
LE GRAND voit en mefme
temps , & tout ce qu'il entreprend
, & tout ce qu'il
GALANT.
faut qu'il luy en coufte . Ainfi
l'on peut affurer , que fi depuis
qu'il y a des Hommes
fur la terre , il s'eft fait une
dépenfe plus forte que celle
de conduire la Riviere d'Eure
à Verſailles , il ne s'eft jamais
conclu un Marché de tant
de millions tout à la fois, ny
mefme qui en ait approché.
Cette Riviere dont la fource
eft dans le Perche , paffe à
Chartres , à Nogent-le- Roy,
à Ivry , à Louviers , & va fe
joindre à la Seine au- deffus
du Pont de l'Arche , apres
avoir receu la Drouete , la
A ij
4 MERCURE
Blaie , l'Aure , la Vegre ,
I'Hon , l'Andelle , & divers
autres Ruiffeaux . On va commencer
à Maintenon le mer
veilleux Aqueduc qui luy
fera perdre fon cours ordinaire
, & comme la pente
qu'il faut qu'on luy donne
oblige à prendre un grand
tour, on peut juger combien
ce travail eft confidérable.
Vous ne devez point douter
qu'on ne m'envoye bientoft
la fin , puis que c'eft un
deffein du Roy, que l'on exécute.
L'utilité qu'en peut recevoir
Verfailles , & l'orne_
GALANT.
5
ment que fes fuperbes Jar
dins en tireront , n'eft pas ce
qui a le plus excité le Roy
à entreprendre un Ouvrage
fi digne de la grandeur Françoife,
telle qu'elle eft aujour
d'huy. Ce Prince a eu des
veuës plus dignes d'admiration
, & qui font connoiſtre
la bonté qu'il a pour fes Sujets.
Il a préveu que la plû
part de ceux à qui la Guerre
donnoit dequoy vivre , demeureroient
fans employ ; &
par cette grande entrepriſe il a
voulu leur fournir les moyens
de fubfifter, Il rend par là fon
A iij
6 MERCURE
Nom immortel , & la France
redoutable. Il fait connoiftre
aux Etrangers que fes Finances
ne font point épuiſées,
& que puis que fans rien diminuer
de fes autres dépen
fes , il en entreprend d'extraordinaires
prefque dans
F'instant qu'on voit la Guerre
finie , il feroit preft à la ſoûtenir
tout de nouveau , fren
troublant le repos qu'il vient .
de donner à l'Europe , on
le contraignoit de fe remettre
en Campagne .
tiné qu'à de grandes
chofes, vient de faire
uneEntrepriſe vrayment Romaine
, & je ne croy pas
qu'aucun des Céfars en ait
jamais réfolu une pareille..
Ce n'eft pas , Madame , que
Mars
1685.
A
2 MERCURE
1 parmy tant de Chef- d'oeuvres
qui ont rendu l'ancienne
Rome fi celebre , il n'y en
ait eu de trés -importans
, &
dans lefquels laMagnificence
.
a efte jointe à tout ce que
l'Art a de plus ingénieux
;
mais ces Ouvrages que l'on
avoit commencez fans avoir
examiné toute leur grandeur
, & fans en avoir prévû
la dépenfe , eftoient devenus
des Ouvrages de plufieurs
Régnés , au lieu que Louis
LE GRAND voit en mefme
temps , & tout ce qu'il entreprend
, & tout ce qu'il
GALANT.
faut qu'il luy en coufte . Ainfi
l'on peut affurer , que fi depuis
qu'il y a des Hommes
fur la terre , il s'eft fait une
dépenfe plus forte que celle
de conduire la Riviere d'Eure
à Verſailles , il ne s'eft jamais
conclu un Marché de tant
de millions tout à la fois, ny
mefme qui en ait approché.
Cette Riviere dont la fource
eft dans le Perche , paffe à
Chartres , à Nogent-le- Roy,
à Ivry , à Louviers , & va fe
joindre à la Seine au- deffus
du Pont de l'Arche , apres
avoir receu la Drouete , la
A ij
4 MERCURE
Blaie , l'Aure , la Vegre ,
I'Hon , l'Andelle , & divers
autres Ruiffeaux . On va commencer
à Maintenon le mer
veilleux Aqueduc qui luy
fera perdre fon cours ordinaire
, & comme la pente
qu'il faut qu'on luy donne
oblige à prendre un grand
tour, on peut juger combien
ce travail eft confidérable.
Vous ne devez point douter
qu'on ne m'envoye bientoft
la fin , puis que c'eft un
deffein du Roy, que l'on exécute.
L'utilité qu'en peut recevoir
Verfailles , & l'orne_
GALANT.
5
ment que fes fuperbes Jar
dins en tireront , n'eft pas ce
qui a le plus excité le Roy
à entreprendre un Ouvrage
fi digne de la grandeur Françoife,
telle qu'elle eft aujour
d'huy. Ce Prince a eu des
veuës plus dignes d'admiration
, & qui font connoiſtre
la bonté qu'il a pour fes Sujets.
Il a préveu que la plû
part de ceux à qui la Guerre
donnoit dequoy vivre , demeureroient
fans employ ; &
par cette grande entrepriſe il a
voulu leur fournir les moyens
de fubfifter, Il rend par là fon
A iij
6 MERCURE
Nom immortel , & la France
redoutable. Il fait connoiftre
aux Etrangers que fes Finances
ne font point épuiſées,
& que puis que fans rien diminuer
de fes autres dépen
fes , il en entreprend d'extraordinaires
prefque dans
F'instant qu'on voit la Guerre
finie , il feroit preft à la ſoûtenir
tout de nouveau , fren
troublant le repos qu'il vient .
de donner à l'Europe , on
le contraignoit de fe remettre
en Campagne .
Fermer
Résumé : Prélude, [titre d'après la table]
Louis XIV entreprend un projet ambitieux consistant à dévier la rivière Eure vers Versailles, comparable par son ampleur à des entreprises romaines. Contrairement aux projets antiques souvent réalisés sur plusieurs règnes, Louis XIV finance et voit immédiatement ses projets. La rivière Eure, prenant sa source dans le Perche, traverse plusieurs localités avant de se jeter dans la Seine. Un aqueduc sera construit à Maintenon pour modifier son cours, nécessitant un tracé complexe et coûteux. La principale motivation du roi n'est pas l'utilité de ce projet pour Versailles et ses jardins, mais de fournir du travail aux sujets affectés par la fin des guerres, démontrant ainsi sa bonté et sa prévision. Ce projet montre également la solidité des finances françaises, capables de soutenir de nouvelles dépenses extraordinaires malgré la fin récente des conflits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 54-63
De l'excellence de la musique, & son utilité.
Début :
On fait tort à la Musique en luy donnant le nom [...]
Mots clefs :
Musique, Art, Science, Excellence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De l'excellence de la musique, & son utilité.
De£excellentede la nzu- huey&fônutilité.
ON fait tort à la Musique
en luy donnant lenom, art ou de science. Le premier
est trop simple & trop
Borné, rx lesecond, quoyque
plus noble & plus estendu,
ne satisfait pas assez,
concevons une plus haute
idée de l'harmonie, qui
s'empare, pour ainsi dire,
de toutes les faculrez de
nostreamc~ qui suspend
tous ses autres sentiments
dans le moment que nous
en sommes charmez.
-
Examinonsenquoy chaque
scienceou chaque arc
pourroient disputerquelque
p éference
, ou aller
de pair avec elle, Si la Logique
nousfaitvaloirl'invention
de ses sillogismes;
la fuguedans la Musiqué
a'est-die pas aussi ingenieufe?
Etsil'art de trouver
la définition d'un problème
estrenfermé en ce l,,,
le-là, celle-cy ne définit'elle
pas, pour ainsidire,,
par desexpressions & des
modu lations d iflinâ,estot,.,,.,
tes lesdifférentes passions-
LaPhysique qui nous developpe
cous les secrets de
la nature ,
& qui les employe
si heureusement à 1a*
guerison denos maladies,
n'a point d'effet plus surprenant
que celuy de la
Musique
,
qui guérit le venin
de. la Tarentole
, cet
animal si dangereux.Cette
-
guerison n'est que le simple
effetd'un air gay qu'-
un Simphorniste aura joué
sur un violon; ce rteft point
un conte, une chose si extraordinaire
se voie tressouvent
au Royaume de
Naples. Passons à la Morale
par qui. les vertus&
les vices font si bien désinis.
Ellenousapprendl'art
de faire un portrait ou un
caractere ; mais elle n'a
pas la vertu d'émouvoir
ce degré de perfection
n'appartient qu'à la Mu!i:ú
-que: c'est elle qui nous émeut
,
qui nous adoucit
qui nous charme ,& qui
nous consoles la fable luy
a donné du pouvoir sur
toutes les Divinirez ; les
Parques,les Furies &Pluton
mesme ne luy resusent
rien. Voyons ce que les
autres sciencesont decomtnli'nave.
celle. L'Arithmetique
a des rapports tresconnus
avec les accords
harmoniques. Les Mathematiques
ont un objet
communavec elle,la grandeur,
& la quantité continuë&
discrette, les tems,.
lesproportions:les raisons
& les habitudes font également
de leur ressort. La
Peinture & l'Architecture,
ces arts si cheris & tant
estimez, vont de compagnie
avec la Musique. Le
premier nous la reprefenre
actuellement, & le second
luy est toujoursdans
une parfaite correspondance
, la Musique est res
profunda, & selon Theophile,
magnus etiamque the-:
saurus.Son pouvoir est divin
& le Demon estcontraint
de lui cederMusica
fugatur Diabalus, ~& qui
juxtasententiam jobfagittas
reputasquasi paleas ~& lapidessundevelutstipulas
spernitderidet
etiam yibrantsrrz
bjft<im, &: dur'ijftmos mahoz
pro nibilo pendit ad citharde
sonitum tremefactus reccdit}&
quem nulla its superat fuperatharmoni*.
Les Anciens,
selonPlutarque, mettoient
une lyre dans les mains de
l'amour , avec l'arc & le
carquois à ses pieds, pour
montrer le rang que
tientla Musiquesurtoutes
nos
nos passions ; & les Gentilsavoient
de coustume
de representer leurs Divinitez
dans une attitude
harmonieuse. Prisci musica
instrumenta, in manus Deorum
imagtnibusposuerunt, nonsanè
quód eo lyr<t, aut cytharæ ludere
putarent ,
sed quod nullum
Deo opus convenientius
effi judicaverant quam consonantiam
& harmoniam. Au
sentiment de saint Thomas,
elle esleve nostreesprit
à la contemplation des
choses celestes. Cantussalubriterfit
in Ecclesia ad devotionem
excitandam. AuiIi
Platon nous exhorte de
l'apprendrependant nostre
~jeueffe -par ces paroles:
Nonne Princeps,~primaria
illi* mdjicu tdacanb ,
mod&l&rumconcentuum
rktionibus vprfaJttr,efficrtijji*
trie in ipjkdrriwte interioratri*
jtüit, , vemjfatequadam
animumvebementissimum tan-
- git , dftmqnr adeo verinftath
decoreafficit si in ~ta accuratè
claboret ,XT à teneris annir
instituatur. Il ne faut pas
douter que ces grandshommes
payentcompris
parfaitement l'excellence
de la Musique, & par l'eflims
qu'ils en ontfait
nous devons conclure de
son utilité& de son avantage.
Onremarque que
Socrate s'en instruisit à soixante
& dix ans,& ce qui
arriva à Themistocle,doit
servir d'exemple à bien du
monde. Ce Capitaine,
pour avoir refusé une lyre
qui luy fut presentée à propos,
& dans une heure de
récréation
,
demeura exposé
le reste de sa vie à la
raillerie &aumépris.
ON fait tort à la Musique
en luy donnant lenom, art ou de science. Le premier
est trop simple & trop
Borné, rx lesecond, quoyque
plus noble & plus estendu,
ne satisfait pas assez,
concevons une plus haute
idée de l'harmonie, qui
s'empare, pour ainsi dire,
de toutes les faculrez de
nostreamc~ qui suspend
tous ses autres sentiments
dans le moment que nous
en sommes charmez.
-
Examinonsenquoy chaque
scienceou chaque arc
pourroient disputerquelque
p éference
, ou aller
de pair avec elle, Si la Logique
nousfaitvaloirl'invention
de ses sillogismes;
la fuguedans la Musiqué
a'est-die pas aussi ingenieufe?
Etsil'art de trouver
la définition d'un problème
estrenfermé en ce l,,,
le-là, celle-cy ne définit'elle
pas, pour ainsidire,,
par desexpressions & des
modu lations d iflinâ,estot,.,,.,
tes lesdifférentes passions-
LaPhysique qui nous developpe
cous les secrets de
la nature ,
& qui les employe
si heureusement à 1a*
guerison denos maladies,
n'a point d'effet plus surprenant
que celuy de la
Musique
,
qui guérit le venin
de. la Tarentole
, cet
animal si dangereux.Cette
-
guerison n'est que le simple
effetd'un air gay qu'-
un Simphorniste aura joué
sur un violon; ce rteft point
un conte, une chose si extraordinaire
se voie tressouvent
au Royaume de
Naples. Passons à la Morale
par qui. les vertus&
les vices font si bien désinis.
Ellenousapprendl'art
de faire un portrait ou un
caractere ; mais elle n'a
pas la vertu d'émouvoir
ce degré de perfection
n'appartient qu'à la Mu!i:ú
-que: c'est elle qui nous émeut
,
qui nous adoucit
qui nous charme ,& qui
nous consoles la fable luy
a donné du pouvoir sur
toutes les Divinirez ; les
Parques,les Furies &Pluton
mesme ne luy resusent
rien. Voyons ce que les
autres sciencesont decomtnli'nave.
celle. L'Arithmetique
a des rapports tresconnus
avec les accords
harmoniques. Les Mathematiques
ont un objet
communavec elle,la grandeur,
& la quantité continuë&
discrette, les tems,.
lesproportions:les raisons
& les habitudes font également
de leur ressort. La
Peinture & l'Architecture,
ces arts si cheris & tant
estimez, vont de compagnie
avec la Musique. Le
premier nous la reprefenre
actuellement, & le second
luy est toujoursdans
une parfaite correspondance
, la Musique est res
profunda, & selon Theophile,
magnus etiamque the-:
saurus.Son pouvoir est divin
& le Demon estcontraint
de lui cederMusica
fugatur Diabalus, ~& qui
juxtasententiam jobfagittas
reputasquasi paleas ~& lapidessundevelutstipulas
spernitderidet
etiam yibrantsrrz
bjft<im, &: dur'ijftmos mahoz
pro nibilo pendit ad citharde
sonitum tremefactus reccdit}&
quem nulla its superat fuperatharmoni*.
Les Anciens,
selonPlutarque, mettoient
une lyre dans les mains de
l'amour , avec l'arc & le
carquois à ses pieds, pour
montrer le rang que
tientla Musiquesurtoutes
nos
nos passions ; & les Gentilsavoient
de coustume
de representer leurs Divinitez
dans une attitude
harmonieuse. Prisci musica
instrumenta, in manus Deorum
imagtnibusposuerunt, nonsanè
quód eo lyr<t, aut cytharæ ludere
putarent ,
sed quod nullum
Deo opus convenientius
effi judicaverant quam consonantiam
& harmoniam. Au
sentiment de saint Thomas,
elle esleve nostreesprit
à la contemplation des
choses celestes. Cantussalubriterfit
in Ecclesia ad devotionem
excitandam. AuiIi
Platon nous exhorte de
l'apprendrependant nostre
~jeueffe -par ces paroles:
Nonne Princeps,~primaria
illi* mdjicu tdacanb ,
mod&l&rumconcentuum
rktionibus vprfaJttr,efficrtijji*
trie in ipjkdrriwte interioratri*
jtüit, , vemjfatequadam
animumvebementissimum tan-
- git , dftmqnr adeo verinftath
decoreafficit si in ~ta accuratè
claboret ,XT à teneris annir
instituatur. Il ne faut pas
douter que ces grandshommes
payentcompris
parfaitement l'excellence
de la Musique, & par l'eflims
qu'ils en ontfait
nous devons conclure de
son utilité& de son avantage.
Onremarque que
Socrate s'en instruisit à soixante
& dix ans,& ce qui
arriva à Themistocle,doit
servir d'exemple à bien du
monde. Ce Capitaine,
pour avoir refusé une lyre
qui luy fut presentée à propos,
& dans une heure de
récréation
,
demeura exposé
le reste de sa vie à la
raillerie &aumépris.
Fermer
Résumé : De l'excellence de la musique, & son utilité.
Le texte explore la supériorité de la musique par rapport aux autres arts et sciences. Il critique l'idée de réduire la musique à un simple art ou une science, affirmant qu'elle engage toutes les facultés de l'âme et suspend les autres sentiments lorsqu'elle charme. La musique est comparée à diverses disciplines telles que la logique, la physique, la morale, l'arithmétique, les mathématiques, la peinture et l'architecture. Elle possède des vertus uniques, comme la capacité de guérir le venin de la tarentule par un air gai joué au violon, et d'émouvoir les passions de manière supérieure à la morale. Les Anciens et les philosophes comme Platon et saint Thomas d'Aquin reconnaissaient l'excellence de la musique, la considérant comme une élévation de l'esprit vers les choses célestes. Le texte mentionne des exemples historiques, tels que Socrate qui s'instruisit de la musique à un âge avancé, et Themistocle qui fut raillé pour avoir refusé une lyre. Ces exemples illustrent l'importance accordée à la musique dans l'éducation et la vie des individus. En somme, la musique est présentée comme un art supérieur, capable de toucher l'âme de manière profonde et unique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 79-85
EPISTRE A M. DE S... sur la Peinture.
Début :
Art merveilleux, art enchanteur, [...]
Mots clefs :
Art, Peinture, Imposture, Nature, Mémoire, Vérité, Émouvoir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPISTRE A M. DE S... sur la Peinture.
EPISTRE A M. DE S.
sur la Peinture.
A Rt merveilleux, art
enchanteur,
Dont l'ingenieuseimpofturc
Charme les yeux, touche
le coeur,
Aimable & divine Peinture,
Qu'on peut justement appeller
La rivale de la nature,
C'est de toy que je vais parDes
Héros tu cheris la gloire,
Tu nous rends les siecles
passez, '¡
Tu fais revivre la mémoire
Des exploits que le temps
avoit presque effacez.
La verité, qui te- sert de
modele,
Se trouve dans tes fictions;
Par toy l'ame la plus rebelle
-
Sent émouvoir ses passions.
Peins
- tu le meurtre & le
carnage,
Traces-tu d'un combat les
sanglantes horreurs;
Du soldat animé je redoute
la rage,
Et mes yeux des vaincus
distinguent les vain- -
queurs.
Fais-tu voir un riant bocage
Trompé par cette vive image)
Je promene de toutes parts
Avecavidité mes curieux
regars; t) J' y vois de clairs ruisseaux
couler dans une plaine,
Ma main impatiente y veut
cueillir des fleurs,
De Flore & des zephirs j'y
crois sentir l'haleine,
Et mes sensenchantez goûtent
mille douceurs.
Tu sçais nous inspirer la
haine, la tendresse,
Tu nous transportes où tu
veux;
Par toy l'amant joüit sans
cesse
Du plus doux objet de [es
voeux.
Qui mieux que toy, S.
inimitable,
Dont les talens sont si vantez,
De cette science admirable
Sent & fait sentir les beautez?
Tu cannois des couleurs
l'agreable harmonie;
Lorsque tu veux faireun tableau,
Minerve guide ton genie,
Et l'Amour conduit ton pinceau.
A tes portraits tu donnes
l'ame,
L'audacieux fils de Japet,
Qui du ciel déroba la flâme,
T'apprit sans doute son secret.
Ta Sufanne m'inspire une
fage tendresse
; Etonné des attraits qu'elle
offre à mes regards,
Je n'ose condamner l'excufable
foiblesse
De tes impudiques vieillards.
Qu'un critique jaloux contre
toy se déchaîne,
Dans ta pieuse Madelaine
Je reproche trop de beau-
# ce, Il nous montre son ignorance,
Et tous ses murmures font
vains;
Tu fais aimer la penitence
Sous les couleurs donc tu
la peins.
,
Le vif portrait d'Adélaïde
Eli si naturel & si beau,
Qu'un jour on doutera s'il
n'est point du pinceau
Oudu Titien, ou du Guide.
En exprimant ces traits,
cet air noble & brillant,
Tu joignis tant d'appas,
tant de graces ensemble,
Que ce portrait est ressemblant
A qui personne ne ressemble.
sur la Peinture.
A Rt merveilleux, art
enchanteur,
Dont l'ingenieuseimpofturc
Charme les yeux, touche
le coeur,
Aimable & divine Peinture,
Qu'on peut justement appeller
La rivale de la nature,
C'est de toy que je vais parDes
Héros tu cheris la gloire,
Tu nous rends les siecles
passez, '¡
Tu fais revivre la mémoire
Des exploits que le temps
avoit presque effacez.
La verité, qui te- sert de
modele,
Se trouve dans tes fictions;
Par toy l'ame la plus rebelle
-
Sent émouvoir ses passions.
Peins
- tu le meurtre & le
carnage,
Traces-tu d'un combat les
sanglantes horreurs;
Du soldat animé je redoute
la rage,
Et mes yeux des vaincus
distinguent les vain- -
queurs.
Fais-tu voir un riant bocage
Trompé par cette vive image)
Je promene de toutes parts
Avecavidité mes curieux
regars; t) J' y vois de clairs ruisseaux
couler dans une plaine,
Ma main impatiente y veut
cueillir des fleurs,
De Flore & des zephirs j'y
crois sentir l'haleine,
Et mes sensenchantez goûtent
mille douceurs.
Tu sçais nous inspirer la
haine, la tendresse,
Tu nous transportes où tu
veux;
Par toy l'amant joüit sans
cesse
Du plus doux objet de [es
voeux.
Qui mieux que toy, S.
inimitable,
Dont les talens sont si vantez,
De cette science admirable
Sent & fait sentir les beautez?
Tu cannois des couleurs
l'agreable harmonie;
Lorsque tu veux faireun tableau,
Minerve guide ton genie,
Et l'Amour conduit ton pinceau.
A tes portraits tu donnes
l'ame,
L'audacieux fils de Japet,
Qui du ciel déroba la flâme,
T'apprit sans doute son secret.
Ta Sufanne m'inspire une
fage tendresse
; Etonné des attraits qu'elle
offre à mes regards,
Je n'ose condamner l'excufable
foiblesse
De tes impudiques vieillards.
Qu'un critique jaloux contre
toy se déchaîne,
Dans ta pieuse Madelaine
Je reproche trop de beau-
# ce, Il nous montre son ignorance,
Et tous ses murmures font
vains;
Tu fais aimer la penitence
Sous les couleurs donc tu
la peins.
,
Le vif portrait d'Adélaïde
Eli si naturel & si beau,
Qu'un jour on doutera s'il
n'est point du pinceau
Oudu Titien, ou du Guide.
En exprimant ces traits,
cet air noble & brillant,
Tu joignis tant d'appas,
tant de graces ensemble,
Que ce portrait est ressemblant
A qui personne ne ressemble.
Fermer
Résumé : EPISTRE A M. DE S... sur la Peinture.
L'épître à M. de S. sur la peinture célèbre cet art comme un moyen de captiver les yeux et toucher le cœur. La peinture est décrite comme la rivale de la nature, capable de raviver la mémoire des exploits passés et de faire revivre des événements presque oubliés. Elle utilise la vérité comme modèle et émeut même les âmes les plus rebelles. Que ce soit en représentant des scènes de violence ou des paysages idylliques, la peinture suscite des émotions intenses et transporte le spectateur dans des mondes variés. L'auteur admire particulièrement les talents de M. de S., soulignant son habileté à créer des œuvres où Minerve guide le génie et l'Amour conduit le pinceau. Les portraits de M. de S. sont si vivants qu'ils semblent dotés d'une âme. L'épître mentionne également des œuvres spécifiques, comme une Suzanne inspirant une douce tendresse et une Madeleine dont la beauté suscite des critiques jalouses mais vaines. Enfin, le portrait d'Adélaïde est loué pour sa noblesse et sa beauté, au point de rivaliser avec ceux des grands maîtres comme Titien ou Le Guide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 20-26
Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Début :
C'Est la Fête d'Isabelle, [...]
Mots clefs :
Fête, Bouquet, Beauté, Esprit, Amour, Éloge, Art, Nature, Confession, Ironie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Pour Mademoiselledc.
le jour de saFête.
C'E(llaFêteilfabellt]
l\4ufe>il me faut un bouquet
:
.9
TOY que rarement j'tlp:11
Afle-mo
pelle,
Afftle-moyle caquet.
DltU des Vers, je veux
pour elle Jftr comme un perroquel
Et, montésur ton criquet,
Galopera tire-dalle.
Soûliens-moy si je chancelle;
Sur-tout prends foin de
la [elle
Oufattache un plein pfa
quet
Des vertus de ma pueelle.
Si tu veux en racourci
Safigure, la voici.
Taille entre humaine &
dtine
Ni y trop grosse
,
ni trop
fini;
Lesjeux beaux,la hou
cheatilfî; cbe au
Four le necoufjl, coussi:
Mais je l'aime bienawfî.
Je dirai deson oreille
Qu'elle est & fraîche &
'Vermeille,
Sur-tout quand la belle
rit,
Ou bien quand elle 'O
git.c Sa gorge
efl
une mer~ (
vetlle
Et, sans la p,eindre en
détail,
Celi AlhÂtre, cess émail.
Tour le resteje m'en doute;
Car ma foy je riyvois
goûte,
Et si mon inftinft dit
"Ur",,
C)encorAil 9 yvoirt (j)
geai:
Mais il ejt certaines chofeS
Qnuifour moy font lettres
closes.
Poila pour le corps. J'ai
dit;
Voyons maintenant l'efprtt.
Moins qu'une autre elle
sen pique:
Vif & doux, /impIe &
sansfard,
Il n'emprunte rien de
l'art,
Comme nature il s'explique;
Quand elle parle il pa.
raiïl,
Et quand même ellese
taist.
Je wudrois
, comme du - telle,
De
Defin coeur dire du bien:
Pour ne point trahir le
mien,
UétogQ en fera mode(le.
3e fiai qu'il est genereux,
Il est tendre) je le veux;
Ce qu'on en dit je l'avoué,
'Et fendirai bienautant:
jMaisaregret je le loue,
Et je n'en fuis pas content.
Jai mes raisons pour le
dire,
Ellesçait ce qu'il eneff>
Elle n'en fera que rire>
Etc'efl ce qui men de- ,plaist.
Sus allons, bride Pegasèy
Et pprreennoonnsr tgraarrdde aux é- e é
-J cartss
£hton s'en moque, qu'on
en jase,
Me voila monté, jepars.
le jour de saFête.
C'E(llaFêteilfabellt]
l\4ufe>il me faut un bouquet
:
.9
TOY que rarement j'tlp:11
Afle-mo
pelle,
Afftle-moyle caquet.
DltU des Vers, je veux
pour elle Jftr comme un perroquel
Et, montésur ton criquet,
Galopera tire-dalle.
Soûliens-moy si je chancelle;
Sur-tout prends foin de
la [elle
Oufattache un plein pfa
quet
Des vertus de ma pueelle.
Si tu veux en racourci
Safigure, la voici.
Taille entre humaine &
dtine
Ni y trop grosse
,
ni trop
fini;
Lesjeux beaux,la hou
cheatilfî; cbe au
Four le necoufjl, coussi:
Mais je l'aime bienawfî.
Je dirai deson oreille
Qu'elle est & fraîche &
'Vermeille,
Sur-tout quand la belle
rit,
Ou bien quand elle 'O
git.c Sa gorge
efl
une mer~ (
vetlle
Et, sans la p,eindre en
détail,
Celi AlhÂtre, cess émail.
Tour le resteje m'en doute;
Car ma foy je riyvois
goûte,
Et si mon inftinft dit
"Ur",,
C)encorAil 9 yvoirt (j)
geai:
Mais il ejt certaines chofeS
Qnuifour moy font lettres
closes.
Poila pour le corps. J'ai
dit;
Voyons maintenant l'efprtt.
Moins qu'une autre elle
sen pique:
Vif & doux, /impIe &
sansfard,
Il n'emprunte rien de
l'art,
Comme nature il s'explique;
Quand elle parle il pa.
raiïl,
Et quand même ellese
taist.
Je wudrois
, comme du - telle,
De
Defin coeur dire du bien:
Pour ne point trahir le
mien,
UétogQ en fera mode(le.
3e fiai qu'il est genereux,
Il est tendre) je le veux;
Ce qu'on en dit je l'avoué,
'Et fendirai bienautant:
jMaisaregret je le loue,
Et je n'en fuis pas content.
Jai mes raisons pour le
dire,
Ellesçait ce qu'il eneff>
Elle n'en fera que rire>
Etc'efl ce qui men de- ,plaist.
Sus allons, bride Pegasèy
Et pprreennoonnsr tgraarrdde aux é- e é
-J cartss
£hton s'en moque, qu'on
en jase,
Me voila monté, jepars.
Fermer
Résumé : Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Le texte est une lettre poétique adressée à Mademoiselle de C. pour célébrer son anniversaire. L'auteur exprime son désir de lui offrir un bouquet et la décrit avec admiration. Il la compare à un perroquet monté sur un criquet, soulignant sa taille entre humaine et divine, ses beaux yeux et sa peau fraîche et vermeille. Il admire particulièrement son rire et sa gorge, qu'il compare à une mer d'émail. Bien qu'il ne voie pas tout en détail, il est sûr de son amour pour elle. L'auteur décrit l'esprit de la jeune femme comme moins vaniteux que celui des autres, avec un caractère vif, doux, simple et sans artifice. Il souhaite parler de son cœur avec sincérité, en prenant pour modèle l'honnêteté. Il reconnaît la générosité et la tendresse de son cœur, mais exprime un regret sans préciser la raison. Il conclut en se moquant des critiques et en se lançant dans une nouvelle entreprise poétique, monté sur Pégase.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 2762-2765
EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
Début :
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage, [...]
Mots clefs :
Médaille, Art, Miroir, Vertus, Génie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
EXPLICATION de la Médaille ( 1`)
frapée en l'honneur de S. E. Monsej
gneur le Cardinal DE FLEURY,
STANCE S.
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage
,
Peuples , qu'an sort privé retient loin de la
Cour ;
Un Art ingénieux vous en offre l'image :
Contentez vos regards, contentez votre amours
( 1 ) Il y en a d'Or , d'Argent et de Bronze ,
frapées par l'ordre de Monseigneur le Duc d'An-
1in. Cette Médaille porte le Buste de S. E. avec
cette Légende : Andrea Herculi de Fleury, S.R.E.
Cardinali , Primario Regina Elemosinario. Et au
revers les quatre Vertus Cardinales. La Prudence
tient un Miroir. La Justice , un Balance. La for-
1. Vel. Admirez
1
DECEMBRE . 1721. 2763
Admirez ce maintien doux , tranquile , me
deste ;
Contemplez de ce front la noble gravité ;
Ila je ne sçai-quoi d'aimable et de celeste ,
Qui tient l'oeil attentif , et le coeur enchant
Il consacre avec fruit ses veilles assidues
A la gloire du Prince , au bonheur des Sujets
L'Elite des Vertus icy - bas descenduës
L'accompagne , l'inspire , et guide ses projets.
Voïez-vous ce Miroir ? C'est - là que la PREZ
DENCE
Lui montre le chemin qui conduit au succès ,
Et THEMIS de concert lui montre sa Balance
Pour régler du Public les divers interêts,
*
La FORCE le soutient , par son secours fidelle
Cet HERCUL E nouveau du crime est la te£
reur ;
Il préserve nos Lys d'une Guerre cruelle ;
Du Démon des combats il calme la fureur,
ce , un Lyon sous ses pieds. La Tempérance , un
Mords de bride . Au milieu est un Globe , élevé
sur une Colonne , avec trois Fleurs de Lys , er
eette Légende : Virtutes Regni administra.Voicz
le Mercure d'Aoust 1731 .
1. Vol. Pra
2764 MERCURE DE FRANCE
Par sa voix chaque jour la douce TE-MIRANCE
Modere de LOUIS les sentimens guerriers ;
Et craignant de troubler le repos de la France ,
Szait préférer l'Olive à de sanglans Lauriers.
Sous les yeux de FLEURY , quel astre te
.peut nuire ?
François, que taGrandeur
est solide aujourd'hui
! L'Enfer voudroit envain ébranler un Empire
De qui la Vertu même est le Guide et l'appui.
Poursuis , heureux Génie ; ajoute à ce miracles
;
Jadis , Rome à ta gloire , eut dressé des Autels
Mais lorsque ta Vertu n'y mettra plus d'obstacles
,
La France te rendra des honneurs immortels.
Ce riche Monument , t'en est le doux présage.
A nos tendres désirs D'ANTIN s'est conformé ;
Fécond en grands desseins , il enfante l'ouvrage
Que mille voeux secrets avoient déja formé.
ΕΝΤΟΥ.
Ministre infatigable , et si cher à la France ,
Reçoi ce trait leger de ma Reconnoissance.
1. Vol.
Pardonne
DECEMBRE. 1731.
2763
Fardonne , si mon Chant , dont Toy scul
l'objet ,
Rabaisse la grandeur d'an si noble Sujet.
C'est payer foiblement les glorieux suffrages
Dont tu daignas trois fois honorer mes ou
vrages :
C'est payer foiblement ce Don trop généreux
Que m'adressa ta main , sans attendre mes voeux,
Oh ! si jamais le sort , au gré de mon envie
Tempére ses rigueurs , et prolonge ma vie!
Coulant mes heureux jours dans un docte loisir
[ Ciel tu m'en es témoin ) mon plus charmant
plaisir
Sera de célébrer aux yeux de la Province
Les Vertus du Ministre , et la Gloire du Prince
HEURTAULD , Prêtre , Pro
fesseur en l'Université de Caën.
frapée en l'honneur de S. E. Monsej
gneur le Cardinal DE FLEURY,
STANCE S.
Vos yeux ne pouvoient voir cet auguste visage
,
Peuples , qu'an sort privé retient loin de la
Cour ;
Un Art ingénieux vous en offre l'image :
Contentez vos regards, contentez votre amours
( 1 ) Il y en a d'Or , d'Argent et de Bronze ,
frapées par l'ordre de Monseigneur le Duc d'An-
1in. Cette Médaille porte le Buste de S. E. avec
cette Légende : Andrea Herculi de Fleury, S.R.E.
Cardinali , Primario Regina Elemosinario. Et au
revers les quatre Vertus Cardinales. La Prudence
tient un Miroir. La Justice , un Balance. La for-
1. Vel. Admirez
1
DECEMBRE . 1721. 2763
Admirez ce maintien doux , tranquile , me
deste ;
Contemplez de ce front la noble gravité ;
Ila je ne sçai-quoi d'aimable et de celeste ,
Qui tient l'oeil attentif , et le coeur enchant
Il consacre avec fruit ses veilles assidues
A la gloire du Prince , au bonheur des Sujets
L'Elite des Vertus icy - bas descenduës
L'accompagne , l'inspire , et guide ses projets.
Voïez-vous ce Miroir ? C'est - là que la PREZ
DENCE
Lui montre le chemin qui conduit au succès ,
Et THEMIS de concert lui montre sa Balance
Pour régler du Public les divers interêts,
*
La FORCE le soutient , par son secours fidelle
Cet HERCUL E nouveau du crime est la te£
reur ;
Il préserve nos Lys d'une Guerre cruelle ;
Du Démon des combats il calme la fureur,
ce , un Lyon sous ses pieds. La Tempérance , un
Mords de bride . Au milieu est un Globe , élevé
sur une Colonne , avec trois Fleurs de Lys , er
eette Légende : Virtutes Regni administra.Voicz
le Mercure d'Aoust 1731 .
1. Vol. Pra
2764 MERCURE DE FRANCE
Par sa voix chaque jour la douce TE-MIRANCE
Modere de LOUIS les sentimens guerriers ;
Et craignant de troubler le repos de la France ,
Szait préférer l'Olive à de sanglans Lauriers.
Sous les yeux de FLEURY , quel astre te
.peut nuire ?
François, que taGrandeur
est solide aujourd'hui
! L'Enfer voudroit envain ébranler un Empire
De qui la Vertu même est le Guide et l'appui.
Poursuis , heureux Génie ; ajoute à ce miracles
;
Jadis , Rome à ta gloire , eut dressé des Autels
Mais lorsque ta Vertu n'y mettra plus d'obstacles
,
La France te rendra des honneurs immortels.
Ce riche Monument , t'en est le doux présage.
A nos tendres désirs D'ANTIN s'est conformé ;
Fécond en grands desseins , il enfante l'ouvrage
Que mille voeux secrets avoient déja formé.
ΕΝΤΟΥ.
Ministre infatigable , et si cher à la France ,
Reçoi ce trait leger de ma Reconnoissance.
1. Vol.
Pardonne
DECEMBRE. 1731.
2763
Fardonne , si mon Chant , dont Toy scul
l'objet ,
Rabaisse la grandeur d'an si noble Sujet.
C'est payer foiblement les glorieux suffrages
Dont tu daignas trois fois honorer mes ou
vrages :
C'est payer foiblement ce Don trop généreux
Que m'adressa ta main , sans attendre mes voeux,
Oh ! si jamais le sort , au gré de mon envie
Tempére ses rigueurs , et prolonge ma vie!
Coulant mes heureux jours dans un docte loisir
[ Ciel tu m'en es témoin ) mon plus charmant
plaisir
Sera de célébrer aux yeux de la Province
Les Vertus du Ministre , et la Gloire du Prince
HEURTAULD , Prêtre , Pro
fesseur en l'Université de Caën.
Fermer
Résumé : EXPLICATION de la Médaille frapée en l'honneur de S. E. Monseigneur le Cardinal DE FLEURY, STANCES.
Le texte décrit une médaille frappée en l'honneur du Cardinal de Fleury, disponible en or, argent et bronze, commandée par le Duc d'Anjou. Au recto, elle présente le buste du Cardinal avec la légende 'Andrea Herculi de Fleury, S.R.E. Cardinali, Primario Regina Elemosinario'. Au verso, elle représente les quatre vertus cardinales : Prudence, Justice, Force et Tempérance, chacune symbolisée par un attribut spécifique. La légende au revers est 'Virtutes Regni administra'. Le texte met en avant les qualités du Cardinal, telles que son maintien doux et tranquille, sa noble gravité et son dévouement à la gloire du Prince et au bonheur des sujets. Les vertus guident ses projets et actions : la Prudence lui montre le chemin du succès, la Justice régule les intérêts publics, la Force le soutient contre le crime, et la Tempérance modère les sentiments guerriers du roi Louis. Enfin, le texte exprime reconnaissance et admiration envers le Duc d'Anjou pour la réalisation de cette médaille et envers les vertus et actions du Cardinal de Fleury.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 3066-3070
Fête à l'Hôtel de Condé, et Vers sur la Duchesse de Bourbon. [titre d'après la table]
Début :
Le 19. de ce mois, il y eut une Fête à l'Hôtel de Condé, où le cœur eut encore [...]
Mots clefs :
Petite vérole, Médecin, Art, Monarque, Duchesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Fête à l'Hôtel de Condé, et Vers sur la Duchesse de Bourbon. [titre d'après la table]
Le 19. de ce mois , il y eut une Fête
à l'Hôtel de Condé , où le coeur eut encore
plus de part que la pompe et la ma
gnificence que le sujet demandoit . Les
Officiers et domestiques de la jeune Du
chesse de Bourbon universellement secondez
des voeux de la Cour et de la
Ville , firent tirer un Feu d'artifice et
quantité de Fusées volantes , ce qui fuc
terminé par une grande Symphonie , en
réjouissance du rétablissement de la santé
de cette aimable et vertueuse Prin
Messe
DECEMBRE. 1737. 3067
•
EPITRE à M. Chirac, Premier Medecin
du Roy , sur la maniere de traiter la petite
Verole , à l'occasion de la Duchesse
de Bourbon.
Oi
Toi qu'on vit,jeune encor, renverser le Rem
part ,
Que l'usage opposoit aux progrès de ton Art,
Vainqueur des préjugez , pour qui de la Nature ,
Les plus profonds secrets n'ont point de nuie
obcure ,
Chirac , jette les yeux sur le juste tribut ,
Que la France te rend pour prix de son salut.
C'est peu que de veiller sur les jours du Monarque,,
Les Sujets par tes soins échappent à la Parque.
Trop heureux qui te suit dans le nouveau che
min ,
Par où tu fais tomber le ciseau de sa main !
Pour remporter sur elle une double victoire
Un Eleve chéri s'associe à ta gloire ;
De tes sages conseils empruntant le secours;
D'une grande Princesse il prolonge les jours :
Tu t'expliques par lui , c'est par toi qu'il opere ;
Même Laurier couronne et le fils et le pere,
Rival digne de toi , ferme à suivre tes pas ,
Combien à l'Univers il conserve d'appas ! !
Quel respect nous saisit , quel amour nous une
famine ,
1. Vol. Gavj Lors
3068 MERCURE DE FRANCE
Lorsque dans un beau corps habite une belle ame !
Que la vertu pour nous a des charmes puissans !
Elle dispute aux Dieux nos coeurs et notre encens,
Voi ces gerbes de feu s'élancer vers les nuës ;
De leur rapidité les causes sont connues ;
Elles vont à l'envi d'un vol audacieux ,
Du plus cher de feurs dons rendre graces aux
Cieux.
T
Oui , divine Duchesse , un Peuple qui t'adore ,
Şignale ainsi l'ardeur qui pour toi le devore,
Et donnant un champ libre aux transports de son
coeur ,
En celebre à la fois et l'objet et l'Auteur.
Nous l'avons déja vû , cet Eleve si sage ,
Sur ton auguste Epoux commencer son Ouvrage
Te donner par avance un gage de sa foy ,
Quand il sçauva des jours qui devoient être à toi.
Triomphe, heureux Chirac? à l'éclat qui te frapp
Tu ne peux méconnoître un vrai fils d'Esculape..
C'est ta parfaite image ; entre tes nourissons ,
Nul ne porta plus loin le fruit de tes leçons .
Son Ouvrage est le tien ; je vais donc pour ta
gloire ,
De ses nombreux succès consacrer la memoire ::
Muses , secondez- moi du haut du double Mont..
Je commence par vous , Charolois et Clermont.
11, sauva , digne Sang d'un vrai foudre du guerr
Des attraits que le Ciel envioit à la Terre ,
Combien II. Kola
DECEMBRE 1731. 3069.
Combien d'autres sans lui victimes de la mort ,
Auroient vû par sa faux trañcher leur triste sort
Approchez ; du vainqueur ornez le Char insigne,
Aiguillon , Rochechouart , Aumont , Lauraguais;
Ligne ,
Venez vous joindre encor à ce Char glorieux ,
Montauban et Choseuil , et Saint Just , et Puisieux
;
Qu'un soin reconnoissant sur leurs pas vous conduise
,
Vous , Langeac , vous , d'Autroy , vous , Saint
Aignan , vous , Guise ,
Tessé , Colándre , Avray , Blancmenil , Monts
mirel ;
Son Art vous secourut dans un péril mortel.
Dans la jeune saison ! dira l'aigre censure ,
L'honneur qu'on fait à l'Art , n'est dû qu'à la
Nature.
Eh bien , pour la confondre,, accours , et prends
ton rang ,
Toi , dont l'hyver de l'âge, avoit glacé le sang ,
Toi , Lassay , dont les ans rassemblent seize
lustres ;
Quel triomphe est fondé sur des noms plus illustres.
25
Cependant la victoire attachée à ses pas ,
Contre un fleau cruel ne nous rassureroit pas ;
En vain , sage Pilote , il bravoit les orages ,
L'écueil étoit fameux par cent et cent nauffrages,
En vain un jour sinistre entre tant d'heureux
jours
3070 MERCURE DE FRANCE
2
Avoit seul de sa gloire interrompu le cours
Le murmure et la crainte, enfans de l'ignorance,,
Venoient de ses succès affaiblir l'esperance ;
1
Mais quelle sureté n'entra point dans nos coeurs
Quand tu pris soin , Chirac , de calmer nos
frayeurs
Et d'un sage principe approuvant la conduite ,
Des succès de son Art , tu garantis la suite ?
Tu daignas publier devant milfe témoins ,*
Que , des jours précieux confiez à ses soins ,'
Ton coeur se reposoit sur sa prudence extrême ,
que le voir agir , c'étoit agir toi-même.
De ta décision le bruit se répandit ,
Des jours de la Princesse elle nous répondit
Le péril disparut , et ce nouveau Miracle
D'un vrai fils d'Apollon justifia l'Oracle..
à l'Hôtel de Condé , où le coeur eut encore
plus de part que la pompe et la ma
gnificence que le sujet demandoit . Les
Officiers et domestiques de la jeune Du
chesse de Bourbon universellement secondez
des voeux de la Cour et de la
Ville , firent tirer un Feu d'artifice et
quantité de Fusées volantes , ce qui fuc
terminé par une grande Symphonie , en
réjouissance du rétablissement de la santé
de cette aimable et vertueuse Prin
Messe
DECEMBRE. 1737. 3067
•
EPITRE à M. Chirac, Premier Medecin
du Roy , sur la maniere de traiter la petite
Verole , à l'occasion de la Duchesse
de Bourbon.
Oi
Toi qu'on vit,jeune encor, renverser le Rem
part ,
Que l'usage opposoit aux progrès de ton Art,
Vainqueur des préjugez , pour qui de la Nature ,
Les plus profonds secrets n'ont point de nuie
obcure ,
Chirac , jette les yeux sur le juste tribut ,
Que la France te rend pour prix de son salut.
C'est peu que de veiller sur les jours du Monarque,,
Les Sujets par tes soins échappent à la Parque.
Trop heureux qui te suit dans le nouveau che
min ,
Par où tu fais tomber le ciseau de sa main !
Pour remporter sur elle une double victoire
Un Eleve chéri s'associe à ta gloire ;
De tes sages conseils empruntant le secours;
D'une grande Princesse il prolonge les jours :
Tu t'expliques par lui , c'est par toi qu'il opere ;
Même Laurier couronne et le fils et le pere,
Rival digne de toi , ferme à suivre tes pas ,
Combien à l'Univers il conserve d'appas ! !
Quel respect nous saisit , quel amour nous une
famine ,
1. Vol. Gavj Lors
3068 MERCURE DE FRANCE
Lorsque dans un beau corps habite une belle ame !
Que la vertu pour nous a des charmes puissans !
Elle dispute aux Dieux nos coeurs et notre encens,
Voi ces gerbes de feu s'élancer vers les nuës ;
De leur rapidité les causes sont connues ;
Elles vont à l'envi d'un vol audacieux ,
Du plus cher de feurs dons rendre graces aux
Cieux.
T
Oui , divine Duchesse , un Peuple qui t'adore ,
Şignale ainsi l'ardeur qui pour toi le devore,
Et donnant un champ libre aux transports de son
coeur ,
En celebre à la fois et l'objet et l'Auteur.
Nous l'avons déja vû , cet Eleve si sage ,
Sur ton auguste Epoux commencer son Ouvrage
Te donner par avance un gage de sa foy ,
Quand il sçauva des jours qui devoient être à toi.
Triomphe, heureux Chirac? à l'éclat qui te frapp
Tu ne peux méconnoître un vrai fils d'Esculape..
C'est ta parfaite image ; entre tes nourissons ,
Nul ne porta plus loin le fruit de tes leçons .
Son Ouvrage est le tien ; je vais donc pour ta
gloire ,
De ses nombreux succès consacrer la memoire ::
Muses , secondez- moi du haut du double Mont..
Je commence par vous , Charolois et Clermont.
11, sauva , digne Sang d'un vrai foudre du guerr
Des attraits que le Ciel envioit à la Terre ,
Combien II. Kola
DECEMBRE 1731. 3069.
Combien d'autres sans lui victimes de la mort ,
Auroient vû par sa faux trañcher leur triste sort
Approchez ; du vainqueur ornez le Char insigne,
Aiguillon , Rochechouart , Aumont , Lauraguais;
Ligne ,
Venez vous joindre encor à ce Char glorieux ,
Montauban et Choseuil , et Saint Just , et Puisieux
;
Qu'un soin reconnoissant sur leurs pas vous conduise
,
Vous , Langeac , vous , d'Autroy , vous , Saint
Aignan , vous , Guise ,
Tessé , Colándre , Avray , Blancmenil , Monts
mirel ;
Son Art vous secourut dans un péril mortel.
Dans la jeune saison ! dira l'aigre censure ,
L'honneur qu'on fait à l'Art , n'est dû qu'à la
Nature.
Eh bien , pour la confondre,, accours , et prends
ton rang ,
Toi , dont l'hyver de l'âge, avoit glacé le sang ,
Toi , Lassay , dont les ans rassemblent seize
lustres ;
Quel triomphe est fondé sur des noms plus illustres.
25
Cependant la victoire attachée à ses pas ,
Contre un fleau cruel ne nous rassureroit pas ;
En vain , sage Pilote , il bravoit les orages ,
L'écueil étoit fameux par cent et cent nauffrages,
En vain un jour sinistre entre tant d'heureux
jours
3070 MERCURE DE FRANCE
2
Avoit seul de sa gloire interrompu le cours
Le murmure et la crainte, enfans de l'ignorance,,
Venoient de ses succès affaiblir l'esperance ;
1
Mais quelle sureté n'entra point dans nos coeurs
Quand tu pris soin , Chirac , de calmer nos
frayeurs
Et d'un sage principe approuvant la conduite ,
Des succès de son Art , tu garantis la suite ?
Tu daignas publier devant milfe témoins ,*
Que , des jours précieux confiez à ses soins ,'
Ton coeur se reposoit sur sa prudence extrême ,
que le voir agir , c'étoit agir toi-même.
De ta décision le bruit se répandit ,
Des jours de la Princesse elle nous répondit
Le péril disparut , et ce nouveau Miracle
D'un vrai fils d'Apollon justifia l'Oracle..
Fermer
Résumé : Fête à l'Hôtel de Condé, et Vers sur la Duchesse de Bourbon. [titre d'après la table]
Le 19 décembre 1737, une fête fut organisée à l'Hôtel de Condé pour célébrer le rétablissement de la santé de la Duchesse de Bourbon. Cette célébration inclut un feu d'artifice, des fusées volantes et une grande symphonie. La Cour et la Ville exprimèrent leur soutien à la jeune Duchesse. Une épître fut dédiée à M. Chirac, Premier Médecin du Roi, pour son traitement de la petite vérole, notamment en faveur de la Duchesse de Bourbon. L'épître loue Chirac pour ses compétences médicales et son rôle dans le sauvetage de nombreux patients, y compris des membres de la noblesse. Le médecin est comparé à un fils d'Esculape, symbole de la médecine, et son élève est également célébré pour ses succès. L'épître énumère plusieurs nobles sauvés par les soins de Chirac et de son élève, soulignant ainsi l'impact de leur art médical. Le texte se termine par une réflexion sur la sécurité apportée par les compétences de Chirac, qui rassura la Cour et le public face à la maladie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 841-856
METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Début :
Notre siecle est fécond en nouvelles Méthodes pour toutes choses [...]
Mots clefs :
Musique, Harmonie, Méthode d'enseignement, Mémoire, Apprendre, Théorie, Zarlin, Maîtres, Écoliers, Art, Do, Ut, Diatonique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
METHODE pour apprendre la Musique
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
846 MERCURE DE FRANCE
repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
848 MERCURE DE FRANCE
le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
enpeu de temps. Par L. P. C. J.
Otre siecle est fécond en nouvelles
NMéthodes pour toutes choses . Rien
n'est mieux. Tôt ou tard on trouvera les
vrayes, avec cegout d'en essayer de toutes.
La Musique est donc aussi l'objet de plusieurs Méthodes nouvelles. Elle en vaut la
peine; et les Musiciens méritent bien qu'on
entre dans leur esprit et dans leurs vûës ,
et qu'on les seconde à faire mieux de jour
en jour.
La Musique n'a qu'un deffaut. Elle est
trop difficile à apprendre. Je ne parle
que du Chant : c'est peu de chose ; mais
ce peu de chose est absolument necessaire
pour aller plus loin, pour se former le goût,
pour se rendre l'oreille intelligente , pour
sentir l'harmonie , pour accompagner
pour composer.
Peu de gens vont jusques- là ; mais tout
A iiij le
842 MERCURE DE FRANCE
le monde voudroit y aller ; ceux au moins
qui apprennent la Musique. A quoi tientil donc qu'ils n'y arrivent ? Il tient à ce
peu de chose dont je parlois tout à l'heure,
lequel , tout peu qu'il est , vous arrête assez pour vous ôter le temps , le goût , ou le courage de passer au-delà.
Lire la Musique à livre ouvert , la lire
à mesure qu'on lit des paroles qui y répondent , c'est ce que j'appelle en verité
pru et très-peu de chose. C'est pourtant
l'affaire de cinq , de six , de dix , de dou.
P
ze , de quinze bonnes années pour les
trois quarts de ceux qui l'entreprennent.
Combien même y en a-t'il qui arrivent
à ce point ? il n'y a , dit- on , que les Enfans de Choeur , c'est-à-dire ceux qui
ayant commencé à l'âge de quatre ou
cinq ans , n'ont fait que cela jusqu'à 12.
15. 20. ans.
J'ai essayé de bien des sciences , et de
celles qui passent pour les plus difficiles ,
Géometrie , Algebre , Analyse , Physique,
&c. Mais je puis dire qu'il n'y a pas de
proportion entre le temps et le travail
qu'il faut pour apprendre ces sciences
fondes , je dis pour les apprendre même
toutes assez à fond , et le long temps et
le travail pénible et assidu qu'il faut pour
se rendre médiocrement possesseur d'upro-
MAY. 1732. 843
ne chose aussi médiocre que l'est la routine de la Musique et du simple Chint.
C'est , dit-on , cette routine qui fait
toute la difficulté ; je le sçais et c'est même
ce que je veux dire. On appelle la Rou
tine , l'habitude , une seconde Nature. Et
c'est par là qu'on l'estime. Mais c'est par
·là que j'en démontre le vice essentiel.
Il n'y a qu'une vraye et bonne nature ;
et je ne connois de seconde nature qu'une
contre- nature , ou une nature estropiće ,
entravée , étouffée, anéantie ; qu'on dresse
un Chien , un Cheval, qu'on siffle une Linoteou un Serin; qu'on mene un Aveugle
par la main , un Sourd par des signes ; mais
dans les Arts et dans les Sciences , je ne
voudrois pas qu'en faitd'Arts méchaniques
mêmes, on apprît rien aux enfans, parune
Méthode qui, sous prétexte de perfectionner l'humanité, commence par la dégrader.
La Musique n'est pas le seul Art , la
seule science où l'on donne trop à l'exercice et à la routine, aux dépens de l'intelligence et de la raison. Jusques à quand
traitera-t'on les enfans en machines , et
les hommes en enfans ? Jusques à quand
regardera- t'on la memoire comme la clef
des Sciences les plus abstraites et les plus
raisonnables ?
La memoire n'est la clefque de la scienA v ce
844 MERCURE DE FRANCE
ce des Perroquets ; bien définie elle même , elle n'est la science que des mots.
Encore même Horace m'apprend que l'invention , au moins celle des mots, est toute
du ressort du jugement. Verbaque provisam rem non invita sequentur. Parler de
mémoire , c'est reciter une leçon d'Ecolier. Parler après avoir pensé , c'est parler
en homme , c'est parler.
Je vais à mon but. La Musique n'est
difficile que parce qu'on l'apprend par
routine , par exercice , par habitude , par
memoire. Qu'on tourne un peu la chose
en théorie , en science , en principe , elle
va devenir tout ce qu'il y a au monde de
plus facile.
Je dis la pratique en va devenir facile.
Lorsque l'esprit est bien élairé , et qu'il
voitdistinctement de quoi il s'agit, la nature se développe , les facultez se manifestent , les talens se déploïent , la langue se délie , l'oreille devient sensible ,
les yeux clairvoyans, un air d'intelligence
se répand jusques dans les mains , dans
les doigts , dans les organes les plus méchaniques , les plus exterieurs.
Nous naissons avec un goût , une disposition , une semence de Musique qui
ne demande qu'à se developper. C'est ce
développement de la Nature qui devroit
être
M A Y. 1732. 845
être le but unique d'un Maître qui entreprend de la perfectionner. On ne perfectionne la Nature qu'en travaillant sur
le Plan même qu'elle a d'abord ébauché.
Nous autres François , sur tout , nous
entendons chanter, et bien tôt nous chantons aussi. Nous croyons donc qu'il n'y
a qu'à chanter , et que c'est- là la premiere
esquisse de la Nature. Mais ce chant pourroit bien n'être qu'une affaire d'habitude
et l'effet d'une seconde Nature.
Ceux qui sont un peu Philosophes , sçavent bien que le premier coup d'œil des
choses , est toujours imposteur ; que les
Phénomenes sensibles ont toujours des
raisons secrettes , des principes profonds ,
et qu'en un mot tout ce qui se présente
le premier dans l'ordre et dans la succession des effets , est le plus souvent le dernier dans l'ordre des generations et des
'causes.
Or ce n'est pas moi , c'est Zarlin , homme consommé dans la pratique et dans
la théorie de la Musique , qui cite Platon , pour nous dire que la mélodie , le
chant procede de l'harmonie. Et M. Rameau, qui ne le cede en rien à Zarlin,
et qui par un nombre de belles Décou-
-vertes nous a mis en état d'aller plus loin,
nous cite cet Auteur Italien pour nous
A vj repeter
846 MERCURE DE FRANCE
repeter que l'harmonie est le principe de
la mélodie. Il fait plus , il en donne des
preuves et dit tout ce qu'il faut pour l'établir solidement.
Ces grands Maîtres en parlent par rapport au grand de la Musique , à la composition , à l'accompagnement. Mais en
vain nous appellent-ils dans ce Sanctuaire,
si d'autres nous amusent au Vestibule , à
la porte, et nous ôtent l'envie , le gout, et
le temps de penetrer jusques dans cet interieur.
Ce sont ces grands Maîtres dont je
parlois à l'entrée de ce Discours , et que
je ne dédaignerai pas de seconder à perfectionner leur Art, du moins en m'efforçant d'en agrandir , d'en applanir les
avenues ; et c'est d'eux- mêmes que j'emprunterai les secours, les facilitez qui pourront m'aider , qui pourront aider au Public à allerjusqu'à eux.Un bon principe s'é- tend à tout , et celui de Platon atteint du
plus grand au plus petit, et depuis la com➡
position de l'harmonie jusqu'à la plus sim- ple execution machinale du Chant et de
la Gamme , qui est l'alphabet de la Musique.
Quoi ! dira t'on , faudra-t'il donc apprendre l'harmonie pour posseder la méIndie , et devenir Compositeur de plu- Sienn
MAY. 1732 847
sieurs Chants avant que de penser en
articuler un seul ? Quand je le dirois , je ne
croirois désesperer personne , puisque je
suis bien persuadé qu'on auroit encore
beaucoup meilleur marché de la routine
du Chant, qu'on ne prendroit ainsi qu'à
la suite d'une harmonie prise dans toute
son étendue et dans toute sa perfection.
Mais il n'en faut pas tant , et le principe seul de l'harmonie bien developpé ,
doit suffire pour cette routine de Chant
et de Mélodie ; il doit suffire et il suffit ,
bien entendu que rien ne suffit à sa place,
et que rien ne peut et ne doit le remplacer. Venons au fait.
Dans la Méthode ordinaire on chante
ou on croit chanter diatoniquement , de
proche en proche , par degrez conjoints ,
c'est- à-dire , comme on l'entend de Utà
Ré, de Ré à Mi, et tout de suite à Fa, Sol,
La, Si, Ut, Et moi, je dis que ce Systême
est faux , que cette Méthode n'a rien de
naturel , que ce chemin est scabreux , penible et long à l'infini , et que dès le
premier pas un Ecolier qu'on mene par
là , est un Ecolier manqué.
Personne ne doute , je crois , de la lon
gueur de ce chemin et de cette Méthode
Diatonique , puisque c'est l'experience de
tous les jours. Or cela seul fait assez voir
L
848 MERCURE DE FRANCE
le peu de naturel , le faux même de cette
maniere d'apprendre la Musique , n'étant pas naturel que si peu de chose coûte
tant à acquerir.
监
Suivons un Maître qui montre la Musiqué , mais sur tout rendons - nous attentif à l'Ecolier qui apprend , ou plutôt ,
pour ne révolter personne , concevons
tout ceci sous l'idée de l'Art personifié qui
à entrepris de perfectionner la nature.
L'Art décide donc que de Ut à Ré il
n'y a qu'un degré , de Ut à Mi , deux ,
de Uta Sol, cinq , et de Ut à Ut , huit
et là dessus il entonne Ut , Ré , et il exige que la Nature le repete à sa suite.
La Nature s'en mocque , son premier
degré est de Vt à Ut , le second de Ut
à Sol , le troisième , de Sol à Ut , seconde
réplique du premier , delà elle passe à
Mi, enfin ce n'est pourtant que la neuviéme marche qu'elle saisit le Ré. Jugez
d'abord de la bonté d'une Méthode dans
laquelle au lieu de multiplier les marches pour adoucir la montée , on vous
oblige du premier pas , d'enjamber le
neuvième dégré.
Je ne dis rien sans preuve , ni même
sans démonstration ; car chacun a sa Gamme, chacun son Echelle , chacun son Alphabet. Celui de l'Art est , روUt, Ré , Mì¸Fa,
MAY. .1732. 849
Fa, Sol, La , Si , Ut. Celui de la Nature est Vt, Vt , Sol , Ut, Mi , Sol , Ut,
Ré, &c. Je ne dirai rien que tous les Musiciens ne sçachent avant moi et mieux
que moi.
C'est d'eux que j'ai appris que lorsqu'on
a une corde qui sonne Ut , si on la coupe
en deux parties égales , chaque moitié
sonnera encore Vt ; si on la divise en
trois , chaque tiers sonnera Sol ; en 4 Ut,
en 5 Mi, en 6 Sol , en 8 Ut , en 9. en- fin Ré.
30
C'est un Axiome reçû des Musiciens
autant que des Physiciens et des Géométres , que les sons sont aux sons , comme
les cordes sont aux cordes , et par consequent comme les nombres sont aux
nombres.
,
Non- seulement les sons , mais là difficulté de les articuler , de les entonner ,
doit suivre le progrès des nombres. Car
non-seulement une corde mais tout
agent , tout organe sonore doit se subdiviser en 2. en 3. &c. parties pour exprimer Ut, Ut , Sol , Ut, &c. et en 9.
pour Ré.
Or il est plus naturel et plus facile ,
sans doute , de diviser en 2 qu'en 3 , en 3
qu'en 4, &c. Car pour la division en 2 , il
n'y a qu'un point à diviser; pour 3 ,
il en
faut
850 MERCURE DE FRANCE
faut 2 ; pour 4 , il en faut 3 ; et pour 9 ,
il en faut 8.
Qu'on ne dise pas que les nombres sont
quelque chose d'abstrait , qui n'influë
point dans la pratique , dans le physique
de la chose. Car je répons que tout ce
monde physique est fait avec nombre,poids
et mesure. Orla mesure et le poids sont
quelque chose de réel ; le nombre l'est
donc aussi.
Ignore- t- on d'ailleurs que le nombre
convient spécialement à l'harmonie , et
décide de tout ce qu'elle a de réel ? Enfin
la division des corps sonores, celle de l'air
même et de l'oreille , par des vibrations
ou des ondulations dont le nombre ne
peut - être que déterminé , est une chose
réelle et physique, qui ne permet pas qu'on
traite ici les nombres, ni les raisonnemens
qu'on en tire , de choses abstraites , ni de
spéculations purement géométriques ou
métaphysiques.
La Trompette n'est pas un être de rai→
son. Or lorsque dans une Trompette on
on a sonné l'Ut au plus bas, et qu'on veut
monter par dégrez , le premier dégré d'élevation donne l'octave prétenduë Vr; le
second dégré donne la quinte ou plutôt la
douzième Sol , et tout de suite , Ut , Ut ,
Sol, Ut, Mi, &c. n'arrivant et ne pouvant
MAY. 1732. 851
vant arriver au prétendu Diatonique Ré ,
qu'au neuviéme son.
Les premiers observateurs de ce Phénoméne , Mersenne , Kischer , Dechales, &c.
appelloient cela les Sautsde la Trompette,
prévenus que Ut , Ré, étoit l'échelle vraiment Diatonique. Elle l'est dans l'ordre
des effets , des Phénoménes, des apparencess
mais c'est le progrès Ut , Ut , Sol , &c.
qui l'est dans l'ordre des causes , des réa- litez de la nature.
Défions- nous , si l'on veut , de tout ce
qui est artificiel; la Trompette est un ouvrage de l'art , quoiqu'un des premiers ;
et par- là des moins suspects d'artifice et d'altération. Ne sortons pas du sujet que
nous avions d'abord proposé.
L'art , c'est-à-dire , le maître entonne
Ut, Ré; la nature , c'est-à-dire, l'enfant
le commençant, repete Ut, Ré; c'est-à- dire,
en répete les mots , car il sçait articuler
mais il n'en répete pas les sons, parce qu'il
ne sçait pas chanter , au moins sur le ton
de l'art , car il le sçait selon celui de
la nature, et en répetant Ut , Ré , il entonne Ut , Ut.
C'est un fait que la plupart des commençans , sur tout ceux que les Maîtres
disent qui ont l'oreille dure et la voix
fausse , et qui selon moi , n'ont souvent
que
852 MERCURE DE FRANCE
que trop de sensibilité et de justesse d'organes , commencent toujours par monter
à l'octave , comme la Trompette, vont de
là à la quinte , à la quarte , à la tierce, &c.
et n'arrivent au Diatonique Ut , Ré , qu'à➡
près tous ces intervalles consécutifs , et
encore même par grande déférence pour
un Maître qui l'exige du ton le plus impérieux.
Qu'un Ecolier est à plaindre , lorsque
l'art qui le dirige n'est pas sur le ton de
la nature l'art dit Ut, Ré 3 et la nature
Ut, Vt; quelle dissonance , quelle syncope , quelle convulsion pour une oreille tendre et délicate qui souffriroit à peine
dans un progrès d'harmonie une dissonance pareille , qui seroit préparée et
sauvée dans toutes les regles , et à qui
pour premier prélude , la Musique s'annonce par tout ce qu'elle a de plus dur ,
et cela fiérement et sans aucune sorte de
préparation.
Encore si cette dureté étoit sauvée,mais
l'art est impliable , et il exige son Ut,
Ré , jusqu'au dernier instant. La nature
peut se plier à force de crier Ut , Ré ; de
dire qu'on monte trop haut , de se fâcher,
de gronder, d'arracher des soupirs et des
pleurs; un pauvre enfant qui ne sçait pas
trop à qui s'en rapporter,se hazarde à monter
MA Y. 1732. 85$
ter encore plus haut , et après avoir longtems rédit , Ut , Ut , il se rapproche et
attrape Ut , Sol; mais il ne tient rien , il
revient à Ut, à Sol; mais le temps, etl'art
l'invitant toujours à descendre , il grimpe
à Mi, se balance à Sol , à Ut , à Mi , et
un beau jour , il va s'acrocher à Ré , qui
lui échape aussi- tôt , et auquel de 2 , de
3 , de 4ans , peut- être il ne pourra se fi
xer imperturbablement.
Car enfin c'est le vieux proverbe , que
de quelque fourche qu'on se serve pour
chasser la nature , elle revient toujours ,
et toujours sans fin et sans cesse , sans tréve ni quartier. Elle est toujours montée à
dire ut , après ut , comme la Trompete ;
sol après le second ut ; et à moins qu'on ne
lui alt appris en apprenant d'elle-même à
ré , sur le ton où elle est montée
pour le dire ; l'art à beau crier , il ne peut
qu'effleurer les oreilles , ou tout au plus
les déchirer , et en exiger un service forcé
qu'aucune longueur de temps ne rendra
dire ut,
naturel.
La nature est un Maître intérieur ; elle
parle tout bas, si l'on veut, mais elle est en
possession , et un enfant connoit sa voix ,
bien mieux encore que celle de sa nourde sa mere même. Les Musiciens
eux-mêmes conviennent qu'en entendant
rice ou
cer
854 MERCURE DE FRANCE
1
certains sons , l'oreille en sousentend tou
jours d'autres. Or je crois avoir prouvé ,
sans réplique , dans les Memoires de Trevoux , année 1722. Octobre , pag 1732. en
-dévelopant le systême de M. Rameau,que
cette sousentente étoit une entente réelle des
sons harmoniques ut , ut , sol , &c. dans l'ordre des nombres naturels 1 , 2 , 3 , 4.
&c.
Enfin , car il faut garder quelque chose
pour le lendemain , j'aboutis icy à conclure que pour déveloper la nature , ce qui
doit être l'unique but de tous les arts , il
faut la suivre au but qu'elle - même nous
indique icy d'une maniere qui n'a rien
d'équivoque.
Gardons la Méthode Diatonique pour
les Perroquets et pour les Serins, lesquels
pourroient peut être encore être mieux siflez, car la nature n'a qu'un systême. Mais
pour les hommes et même pour les enfans , il n'est pas question d'une aveugle
routine qui prend trop de temps , et plus
que si peu de chose n'en mérite , et qui
même n'apprend rien comme il faut.
La nature a fait icy tous les frais de ce
qu'il y a de méchanique dans la chose, les
cordes sont tendues dans l'oreille , les
tuyaux diapasones dans le gosier , la Tablature, les touches, tout l'instrument est
à
MAY. 17327 855
à son point, La nature n'a laissé à l'art ,
c'est-à- dire , à l'esprit , que la partie de
l'esprit , c'est-à- dire , l'intelligence des
sons , le rapport des tons , l'explication ,
en un mot, du systême general ut , ut ,
sol , ut , mi , sol , ut , re , mi , sol , si , ut ,
&c. qui contient tous les systêmes, diatonique , chromatique , &c. en commençant régulierement par l'harmonique qui
est la source féconde de tous les autres.
Voilà la méthode qui consiste à commencer par l'harmonique , qui est le fondement de tout, et qu'on doit bien posseder de la voix , de l'oreille , et sur tout de
l'esprit , avant que de passer au diatonique , lequel ne doit même venir que dépendamment et par voye de génération à
la suite de l'harmonique : le chromatique
venant aussi à son tour , suivi de l'enharmonique , et de tout ce que la Musique
a de plus profond.
Car pour le dire encore , une pareille
méthode mene tout de suite à la compo
sition et à
l'accompagnement , et y mene
avec une rapidité extrême; rien n'étant
plus rapide que les progrès d'une bonne
nature qu'on a laissée , comme dormir
dans une lenteur apparente , qu'elle semble affecter aux premiers , instans de sa
naissance ou de son développement.
Pour
856 MERCURE DE FRANCE
Pour ce qui est de la maniere d'exécuter ce Plan general, on va la voir dans un
petit ouvrage , où je la donne par leçons
consécutives à la portée des Maîtres et
des Ecoliers.
Fermer
Résumé : METHODE pour apprendre la Musique en peu de temps. Par L. P. C. J.
Le texte 'METHODE pour apprendre la Musique' aborde les défis liés à l'apprentissage de la musique, en particulier du chant. L'auteur observe que la musique est souvent considérée comme trop difficile à maîtriser, en raison de la routine et des exercices excessifs qui étouffent l'intelligence et la raison. Il critique les méthodes traditionnelles qui privilégient la mémoire et l'habitude au détriment de la compréhension théorique. L'auteur propose d'enseigner la musique comme une science et une théorie, plutôt que par la simple répétition. Il soutient que la nature humaine possède une disposition innée pour la musique, qui ne demande qu'à se développer. Il cite des maîtres tels que Zarlino et Rameau pour appuyer l'idée que la mélodie et le chant découlent de l'harmonie. Le texte critique la méthode diatonique courante, qui consiste à chanter de proche en proche par degrés conjoints (Ut à Ré, Ré à Mi, etc.), la jugeant peu naturelle et pénible. L'auteur suggère une approche basée sur les divisions naturelles des sons, en utilisant les nombres et les proportions pour faciliter l'apprentissage. Par ailleurs, le texte traite des difficultés rencontrées par un écolier lorsqu'il apprend la musique selon une méthode qui ne respecte pas les lois naturelles de l'harmonie. L'auteur critique l'enseignement traditionnel qui impose des notes (Ut, Ré) qui ne correspondent pas à la nature (Ut, Vt), causant ainsi des dissonances et des souffrances pour l'élève. La nature, décrite comme un maître intérieur, guide l'enfant de manière plus naturelle et harmonieuse. Les musiciens reconnaissent que l'oreille perçoit des sons harmoniques de manière intuitive. L'auteur conclut en affirmant que comprendre les principes de l'harmonie peut rendre l'apprentissage du chant plus facile et plus naturel. Il propose une méthode basée sur l'harmonique, qui est la source de tous les autres systèmes musicaux (diatonique, chromatique, etc.). Cette méthode permet de progresser rapidement vers la composition et l'accompagnement, en respectant les lois naturelles de la musique. L'auteur prévoit de détailler cette méthode dans un ouvrage destiné aux maîtres et aux écoliers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 1787-1798
Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
Début :
DISCOURS SUR LA PEINTURE. prononcé dans les Conferences de l'Académie [...]
Mots clefs :
Peinture, Conférences, Académie royale de peinture et de sculpture, Charles Coypel, Art, Dessein, Jugement, Coloris, Critique, Tableaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
DISCOURS SUR LA PEINTURE , pronondans les Conferences de l'Académie
Royale de Peinture et Sculpture. Par
2. Charles Coypel , Premier Peintre de V. le Duc d'Orleans. A Paris , chez
P. F. Mariette , rue S Jacques , 1732. Brochure in 4. de 34. pages.
Le sujet, du premier Discours est sur
necessité de recevoir des avis. La premiere chose dont le Lecteur s'apperçoit
dans la lecture agréable et utile de cet
Ouvrage , c'est que M. Coypel , outre ses
lens pour l'Art qu'il professe , a une
plume aussi sage et aussi élegante que
son Pinceau ; deux qualitez qu'on trouve assez rarement ensemble. On renarque dans ses Ecrits le même génie ,
le même tour et le même ordre qu'on
voir avec plaisir dans ses heureuses Ĉompositions , où l'on trouve tant d'expres
sions fines et délicates.
M. Coypel entre en matiere très-moaestement , en soumettant ces Refléxions
qu'il n'avoit faites , dit- il , que pour lui ,
au jugement de l'Académie , et ne pou
vant croire qu'elles puissent être utiles
à d'autres qu'à lui ; sur quoi nous- pensons
1788 MERCURE DE FRANCE
sons qu'il s'expose à un démenti de là
part de tous ses Lecteurs et peut être
de toute l'Académie.
-
Sur la necessité de recevoir des avis ,
M. Coypel s'exprime ainsi. La Peinture
est composée de tant de parties , que nous
ne devons presque jamais nous flater de
ne pas perdre de vûe les unes , en nous
attachant à chercher les autres.
Il n'est pas moins rare de trouver des
amis qui soient également touchez de
toutes ces Parties. L'un n'est sensible
qu'à la couleur , et n'est que peu flaté
de l'élegance du Dessein ; l'autre , au
contraire , prétend que sans le grand
goût, la délicatesse et la pureté du Dessein , la Peinture n'est qu'une affaire de
Mécanique. L'homme d'esprit et de sentiment ne s'attachera qu'à l'expression des
têtes et à l'ordonnance. L'homme d'érudition sera satisfait si le Costume est
scrupuleusement observé dans un Tableau , ainsi des autres.
Chacun ayant donc presque toûjours
son goût déterminé pour une partie de
la Peinture , et la préferant aux autres ,
rarement est-il possible que les avis d'un
seul ami soient suffisans ; nous devons
donc necessairement faire societé avec
des personnes de goûts differens ; l'un
apper-
AOUST. 1732. 1789
appercevra ce que l'autre avoit laissé
échapper.Nous verrons aujourd'hui notre
Ouvrage par les yeux de l'homme de
Lettres , demain il sera éclairé par les lu- mieres de l'Amateur du coloris ; une aure fois les regards du Partisan du Desçin donneront aux nôtres une nouvelle
éverité , &c.
Mais il arrive quelquefois , poursuit
Auteur sur la maniere d'avoir des avis,
que la façon dont nous les demandons
ne prouve autre chose que le desir que
nous avons de recevoir des loüanges. Souvent un Auteur trouve moyen de faire
Péloge de son Ouvrage, dans le temps mêrê qu'il semble implorer le secours de
de la Critique. Trouvez- vous , dira-t'il ,
que je me sois tiré heureusement de telle
difficulté ? Fe crains que la finesse de ces
expressions ne soit pas sentie du Public.
J'aurois moins de défiance si je n'avois
affaire qu'à des Connoisseurs tels que
vous dites moi votre sentiment. Le
moyen de dire des choses fâcheuses à
quelqu'un qui déclare que vous êtes seul
capable de connoître l'excellence de son
mérite. Ne prévenons nos Juges que sur
,
desir que nous avons de nous corriger
et sur l'obligation que nous aurions à
quelqu'un qui nous voudroit assez de
bien
1
pour nous faire part de sa critique , au
risque de nous affliger. D'ailleurs laissons
parler notre Ouvrage ; ce qu'il ne dira
pas, cest qu'il ne le peut dire, &c. Soyons
prompts à démêler sur le visage de celui
que nous consultons , l'impression qu'il
reçoit au premier coup d'œil , c'est le
sentiment que sa politesse même ne peur
nous cacher. Mais ne craignons pas de
manquer d'avis quand il sera bien établi
que nous les recevons avec plaisir.
Après avoir dit que c'est dans l'idée de
critiquer ses propres ouvrages , qu'il faut
consulter ceux des grands Maîtres anciens , il ajoute : Nous devrions faire la
même chose à la vûë de ceux des habiles
gens avec qui nous vivons. Malheureusement cela nous devient plus difficile :
nous avons peine àconvenir qu'il se trouve de notre temps des personnes qui possedent dans notre Art des perfections que
nous n'avons pû acquerir ; nous le pardonnons aux anciens; ils semblent avoir
expié cette offense en cessant de vivre.
D'ailleurs ceux de nos jours que nous
envions , sont obligés de leur rendre la
même justice ; c'est une consolation pour
notre amour propre ; mais qu'en arrive-,
t-il? Nous nous bornons à admirer ceux
qui sont venus avant nous , sans nous efforcer
AOUST. 1732 1791
forcer de les égaler ; nous renonçons à
ce noble désir , dans l'esperance que nos
contemporains ne parviendront pas plus
que nous à cet éminent dégré de perfec
tion ; et quant aux Ouvrages nouveaux
si nous y remarquons des parties qui
nous manquent, loin de tâcher de mettre
à profit le mouvement de jalousie qu'el
les nous inspirent , en les étudiant assez
pour les acquerir ; nous cherchons promtement de la consolation , en y faisant la
recherche de défauts que nous aurions
peut- être évitez. De là nous retournons
regarder nos productions avec autant de
complaisance pour nous mêmes, que nous
avons de sévérité pour les autres : Nous
y admirons la partie que nous croïons posséder ; nous ne manquons pas de lui donner la prééminence sur toutes les autres ;
nos ennemis ont la malice de nous fortifier dans cette ridicule opinion ; nos flateurs ont la fausseté de l'augmenter en
nous , et nos amis ont souvent la foiblesse de nous la laisser , et d'en prendre leur
part.
La seule comparaison de nos Ouvrages,
avec ceux des autres , peut nous rendre
nos deffauts sensibles. Lorsque nous passons notre temps vis- à-vis nos produc
tions , il est rare que nous persistions dans
1792 MERCURE DE FRANCE
dans le désir de leur chercher querelle.
Combien de femmes, dans l'arriere saison,
sont contentes de leur visage , après une
longue toilette ! La grande habitude dans
laquelle elles sont, d'y considerer toujours
le même objet , qu'elles pensent embellir
souvent par de ridicules ajustemens , leur
persuade aisément qu'il est même du remede aux Outrages du temps. Qu'une jeune et belle personne paroisse , cette vûë
leur fait sentir dans l'instant des veritez
que le Miroir leur avoit montrées vainement. Gardons-nous donc de croire que
nous puissions , sans aucun secours , parvenir à nous bien critiquer; nous sommes
trop échauffez de nos propres idées pour
conserver ce sang froid, si nécessaire pour
bien juger.
Avant le Dialogue sur la connoissance
-de la Peinture , M. Coypel rend compte
du motif qui le lui a fait composer , sur
ce principe , que la Peinture n'ayant pour
objet que la parfaite imitation de la nature ,
tout homme de bon sens et d'esprit, sans avoir
étudié les mysteres de cet art , est à portée de
sentir les grandes beautez d'un Tableau , et
defaire souvent même d'excellentes remarques
Il suppose un veritable connoisseur en
conversation , avec un homme d'esprit ,
qui
A OUST. 1732. 1793
qui n'ayant jamais eu de principes sur la
peinture , n'ose s'en rapporter à ses yeux;
ou , pour dire plus, dit- il , n'ose ceder au
plaisir qu'il ressent , en voyant des Tableaux , dans la crainte de n'être pas satisfait selon les regles , &c.
Seriez-vous dans l'erreur de croire , dit
Alcipeà Damon,comme beaucoup de gens,
que l'on ne sçauroit sentir les beautez
d'un Ouvrage que lorsque l'on sçait de
quelle main il est sorti ? ... Je conviens
que celui qui est au fait des principes de
Art, doit avoir encore plus de plaisir
qu'un autre ; mais je ne conviens pas que
cela soit absolument nécessaire. Selon
votre idée , on ne pourroit lire les Vers
avec plaisir , qu'autant qu'on seroit capable d'en faire soi-même ; et il ne seroit
plus permis qu'à ceux qui sçavent la Musique , d'écouter un Concert. Non , mon
cher Damon, les beaux Arts sont faits
pour toutes les personnes de bon sens et
d'esprit et sur tout la Peinture , qui
n'a d'autre objet que l'imitation du vrai.
Croyez qu'il y a tel homme d'esprit , qui
sera plus capable de sentir les grandes
beautez d'un Tableau , que quantité de
prétendus connoisseurs qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont
passé leur vie à étudier les differentes maF nicres
1794 MERCURE DE FRANCE
nieres de tels et tels , sans s'appliquer à
connoître quelle partie a rendu celui-cy
plus fameux que cet autre. Il leur suffit
de reconnoître la touche du Titien, ou du
Carache dans un Tableau, pour le déclarer merveilleux. Ne croyez pas même
qu'ils aillent chercher les preuves de l'originalité dans les grandes parties ;-non ,
c'est souvent un petit coin du Tableau
la touche d'une Plante , d'un Nuage, ou
le derriere de la Toile qui les déterminent. D'ailleurs ces gens - là n'ignorent
aucuns termes de l'Art , sçavent exactement la vie des Peintres , l'Histoire de
chaque Tableau , &c.
Ce que j'y trouve de pis , c'est que ces
diseurs de grands mots sont des Éleves.
Un homme qui voudra se jetter dans la
connoissance de la Peinture , s'addressera
plutôt à eux qu'à un Peintre ; car ces
Mr ont leur interêt pour publier que les
Peintres sont ceux qui s'y connoissent le
moins. C'est-là le premier préjugé sur lequel ils établissent les autres. Si - tôt que
Eleve en est rempli , il marche à grands
pas ; en peu de jours le voilà bien persuadé qu'il peut en toute sureté , mépriser
tous les Tableaux peints sur des toiles neu--
ves ; et admirer ceux qui menacent ruine.
Jugez alors si l'amour propre est satis- fait ?
AOUST. 17320 1795
it. Quel air de capacité ne se donne
int mon homme en se récriant devant
monde sur les beautez d'un vieux Taeau noirci , où les autres ne connoisnt plus rien , et où il ne découvre plus
n lui-même on le suit , on l'écoute
Sa décision est pitoyable , mais
e lui importe ; on le prend pour un
mme capable, il est content.Car il faut
convenir ; souvent nous avons des Taaux, des Livres ; nous courons les Conts , bien moins parce que nous aimons
Peinture , les Lettres ou la Musique
pour nous donner un air de capacité.
is se le donne - t - on en réfléchissant
g-temps avant que de hazarder son
timent ? Non, c'est en décidant promient , &c.
On blâme plus volontiers les Ouvranouveaux qui paroissent , qu'on ne les
3. Je ne sçai pourquoi , dit Alcipe, mais
utencore l'avouer,à notre honte; nous
ons une secrete et détestable joïe à reher un homme qui a fait ses efforts
nous plaire ; et vû cette malheureuclination , il devient bien plus diffid'approuver un Ouvrage nouveau ,
ue de leblâmer.Dites qu'il ne vaut rien;
on vous croît , sans que vous soyez obligé de vous expliquer davantage ; mais si
Fij Vous
1796 MERCURE DE FRANCE
vous en parlez avec éloge , ( au cas qu'on
veuille bien ne vous pas traiter d'imbécille ) on vous demande au moins raison.
de votre approbation ; c'est alors qu'il
faut véritablement s'y connoître pour
prouver sa capacité ; et peut - être même
faut-il plus de gout et d'esprit pour bien
sentir les grandes beautez , que pour découvrir les deffauts. D'ailleurs , que risquons- nous en blâmant? Si l'Ouvrage est
bon et reconnu pour tel dans la suite,nous
donnons à perser , en le regardant avec
froideur , que nous avons une idée du
beau bien supérieure à celle qu'en a le
vulgaire ; mais quand par malheur la critique l'emporte sur nos applaudissemens,
nous courons risque de passer pour des
esprits bornés. A l'égard des productions
des anciens , on ne peut que se faire honneur en les louant , parce que la posterité
les a consacrez. N'allez pas croire que je
prétende dire qu'ils ne sont pas dignes de
cette admiration ; personne ne leur rend
plus de justice que moi ; et c'est parce
que je les aime , que je suis outré de les
entendre loüer par des ignorans, qui n'en
démêlent que la rareté , et point du tout
l'excellence.
Mais, quoy ! dit Damon, jugeriez-vous
à propos que j'allasse me mêler de parler
de
A O UST. 1732. 1797
de la composition d'un Tableau : Eh
pourquoi pas ? répond Alcipe. Quelle
est , à votre avis , la premiere partie de la
composition ? N'est- ce pas de vous rendre , avec vérité , le sujet que l'on vous
annonce ? Si on veut vous representer ,
par exemple , la mort de Jules - César
n'êtes-vous pas à portée de juger si le
Peintre a rendu l'image de cette Scene ?
N'en jugeriez vous pas au Théatre ? Ne
verriez-vous pas bien si César et Brutus sont les principaux objets qui frappent votre vûë ? Si les autres personnages ont dans l'action , dans laquelle ils doivent être Enfin si le mouvement de
cètte Scene vous inspire la terreur qu'il
doit vous inspirer ? Si ces principales par
ties ne s'y trouvent point , dites en sûreté
que la composion de ce Tableau ne vous
plaît pas ; et vous aurez raison ; mais ne
vous pressez pas de dire que ce Tableau
ne vaut rien ; car il pourroit se trouver
d'excellentes choses dans le détail. La
Peinture est composée de tant de parties... Regardez donc , avant de condamner entierement , si , la composition
à part , vous ne serez point frappé de la
vérité de la couleur , de l'effet du clairobscur , du relief des figures , &c.
Sur la composition , sur le dessein , sur
Fiij le
1798 MERCURE DE FRANCE
le coloris , un homme d'esprit peut dire
son sentiment , dit Alcipe , puisqu'il ne
s'agit que de comparer le vrai, avec l'imitation. Quant à l'harmonie generale
poursuit-il,pourquoi nos yeux n'auroient- ils pas les mêmes facultez que nos oreilles ? Nous ne sommes touchez du son des
Instrumens , que lorsqu'ils sont parfaitement d'accord. Les couleurs d'un Tableau
doivent faire sur nous les mêmes impressions.Si une Musique harmonieuse et brillante nous frappe plus qu'une Musique
plate , quoique nous ne sçachions pas les
regles de la composition ; pourquoi un
Tableau brillant et suave ne nous plairat-il pas plus qu'un Tableau dur et sans
accord?
Royale de Peinture et Sculpture. Par
2. Charles Coypel , Premier Peintre de V. le Duc d'Orleans. A Paris , chez
P. F. Mariette , rue S Jacques , 1732. Brochure in 4. de 34. pages.
Le sujet, du premier Discours est sur
necessité de recevoir des avis. La premiere chose dont le Lecteur s'apperçoit
dans la lecture agréable et utile de cet
Ouvrage , c'est que M. Coypel , outre ses
lens pour l'Art qu'il professe , a une
plume aussi sage et aussi élegante que
son Pinceau ; deux qualitez qu'on trouve assez rarement ensemble. On renarque dans ses Ecrits le même génie ,
le même tour et le même ordre qu'on
voir avec plaisir dans ses heureuses Ĉompositions , où l'on trouve tant d'expres
sions fines et délicates.
M. Coypel entre en matiere très-moaestement , en soumettant ces Refléxions
qu'il n'avoit faites , dit- il , que pour lui ,
au jugement de l'Académie , et ne pou
vant croire qu'elles puissent être utiles
à d'autres qu'à lui ; sur quoi nous- pensons
1788 MERCURE DE FRANCE
sons qu'il s'expose à un démenti de là
part de tous ses Lecteurs et peut être
de toute l'Académie.
-
Sur la necessité de recevoir des avis ,
M. Coypel s'exprime ainsi. La Peinture
est composée de tant de parties , que nous
ne devons presque jamais nous flater de
ne pas perdre de vûe les unes , en nous
attachant à chercher les autres.
Il n'est pas moins rare de trouver des
amis qui soient également touchez de
toutes ces Parties. L'un n'est sensible
qu'à la couleur , et n'est que peu flaté
de l'élegance du Dessein ; l'autre , au
contraire , prétend que sans le grand
goût, la délicatesse et la pureté du Dessein , la Peinture n'est qu'une affaire de
Mécanique. L'homme d'esprit et de sentiment ne s'attachera qu'à l'expression des
têtes et à l'ordonnance. L'homme d'érudition sera satisfait si le Costume est
scrupuleusement observé dans un Tableau , ainsi des autres.
Chacun ayant donc presque toûjours
son goût déterminé pour une partie de
la Peinture , et la préferant aux autres ,
rarement est-il possible que les avis d'un
seul ami soient suffisans ; nous devons
donc necessairement faire societé avec
des personnes de goûts differens ; l'un
apper-
AOUST. 1732. 1789
appercevra ce que l'autre avoit laissé
échapper.Nous verrons aujourd'hui notre
Ouvrage par les yeux de l'homme de
Lettres , demain il sera éclairé par les lu- mieres de l'Amateur du coloris ; une aure fois les regards du Partisan du Desçin donneront aux nôtres une nouvelle
éverité , &c.
Mais il arrive quelquefois , poursuit
Auteur sur la maniere d'avoir des avis,
que la façon dont nous les demandons
ne prouve autre chose que le desir que
nous avons de recevoir des loüanges. Souvent un Auteur trouve moyen de faire
Péloge de son Ouvrage, dans le temps mêrê qu'il semble implorer le secours de
de la Critique. Trouvez- vous , dira-t'il ,
que je me sois tiré heureusement de telle
difficulté ? Fe crains que la finesse de ces
expressions ne soit pas sentie du Public.
J'aurois moins de défiance si je n'avois
affaire qu'à des Connoisseurs tels que
vous dites moi votre sentiment. Le
moyen de dire des choses fâcheuses à
quelqu'un qui déclare que vous êtes seul
capable de connoître l'excellence de son
mérite. Ne prévenons nos Juges que sur
,
desir que nous avons de nous corriger
et sur l'obligation que nous aurions à
quelqu'un qui nous voudroit assez de
bien
1
pour nous faire part de sa critique , au
risque de nous affliger. D'ailleurs laissons
parler notre Ouvrage ; ce qu'il ne dira
pas, cest qu'il ne le peut dire, &c. Soyons
prompts à démêler sur le visage de celui
que nous consultons , l'impression qu'il
reçoit au premier coup d'œil , c'est le
sentiment que sa politesse même ne peur
nous cacher. Mais ne craignons pas de
manquer d'avis quand il sera bien établi
que nous les recevons avec plaisir.
Après avoir dit que c'est dans l'idée de
critiquer ses propres ouvrages , qu'il faut
consulter ceux des grands Maîtres anciens , il ajoute : Nous devrions faire la
même chose à la vûë de ceux des habiles
gens avec qui nous vivons. Malheureusement cela nous devient plus difficile :
nous avons peine àconvenir qu'il se trouve de notre temps des personnes qui possedent dans notre Art des perfections que
nous n'avons pû acquerir ; nous le pardonnons aux anciens; ils semblent avoir
expié cette offense en cessant de vivre.
D'ailleurs ceux de nos jours que nous
envions , sont obligés de leur rendre la
même justice ; c'est une consolation pour
notre amour propre ; mais qu'en arrive-,
t-il? Nous nous bornons à admirer ceux
qui sont venus avant nous , sans nous efforcer
AOUST. 1732 1791
forcer de les égaler ; nous renonçons à
ce noble désir , dans l'esperance que nos
contemporains ne parviendront pas plus
que nous à cet éminent dégré de perfec
tion ; et quant aux Ouvrages nouveaux
si nous y remarquons des parties qui
nous manquent, loin de tâcher de mettre
à profit le mouvement de jalousie qu'el
les nous inspirent , en les étudiant assez
pour les acquerir ; nous cherchons promtement de la consolation , en y faisant la
recherche de défauts que nous aurions
peut- être évitez. De là nous retournons
regarder nos productions avec autant de
complaisance pour nous mêmes, que nous
avons de sévérité pour les autres : Nous
y admirons la partie que nous croïons posséder ; nous ne manquons pas de lui donner la prééminence sur toutes les autres ;
nos ennemis ont la malice de nous fortifier dans cette ridicule opinion ; nos flateurs ont la fausseté de l'augmenter en
nous , et nos amis ont souvent la foiblesse de nous la laisser , et d'en prendre leur
part.
La seule comparaison de nos Ouvrages,
avec ceux des autres , peut nous rendre
nos deffauts sensibles. Lorsque nous passons notre temps vis- à-vis nos produc
tions , il est rare que nous persistions dans
1792 MERCURE DE FRANCE
dans le désir de leur chercher querelle.
Combien de femmes, dans l'arriere saison,
sont contentes de leur visage , après une
longue toilette ! La grande habitude dans
laquelle elles sont, d'y considerer toujours
le même objet , qu'elles pensent embellir
souvent par de ridicules ajustemens , leur
persuade aisément qu'il est même du remede aux Outrages du temps. Qu'une jeune et belle personne paroisse , cette vûë
leur fait sentir dans l'instant des veritez
que le Miroir leur avoit montrées vainement. Gardons-nous donc de croire que
nous puissions , sans aucun secours , parvenir à nous bien critiquer; nous sommes
trop échauffez de nos propres idées pour
conserver ce sang froid, si nécessaire pour
bien juger.
Avant le Dialogue sur la connoissance
-de la Peinture , M. Coypel rend compte
du motif qui le lui a fait composer , sur
ce principe , que la Peinture n'ayant pour
objet que la parfaite imitation de la nature ,
tout homme de bon sens et d'esprit, sans avoir
étudié les mysteres de cet art , est à portée de
sentir les grandes beautez d'un Tableau , et
defaire souvent même d'excellentes remarques
Il suppose un veritable connoisseur en
conversation , avec un homme d'esprit ,
qui
A OUST. 1732. 1793
qui n'ayant jamais eu de principes sur la
peinture , n'ose s'en rapporter à ses yeux;
ou , pour dire plus, dit- il , n'ose ceder au
plaisir qu'il ressent , en voyant des Tableaux , dans la crainte de n'être pas satisfait selon les regles , &c.
Seriez-vous dans l'erreur de croire , dit
Alcipeà Damon,comme beaucoup de gens,
que l'on ne sçauroit sentir les beautez
d'un Ouvrage que lorsque l'on sçait de
quelle main il est sorti ? ... Je conviens
que celui qui est au fait des principes de
Art, doit avoir encore plus de plaisir
qu'un autre ; mais je ne conviens pas que
cela soit absolument nécessaire. Selon
votre idée , on ne pourroit lire les Vers
avec plaisir , qu'autant qu'on seroit capable d'en faire soi-même ; et il ne seroit
plus permis qu'à ceux qui sçavent la Musique , d'écouter un Concert. Non , mon
cher Damon, les beaux Arts sont faits
pour toutes les personnes de bon sens et
d'esprit et sur tout la Peinture , qui
n'a d'autre objet que l'imitation du vrai.
Croyez qu'il y a tel homme d'esprit , qui
sera plus capable de sentir les grandes
beautez d'un Tableau , que quantité de
prétendus connoisseurs qui vous imposent par leur jargon ; de ces gens qui ont
passé leur vie à étudier les differentes maF nicres
1794 MERCURE DE FRANCE
nieres de tels et tels , sans s'appliquer à
connoître quelle partie a rendu celui-cy
plus fameux que cet autre. Il leur suffit
de reconnoître la touche du Titien, ou du
Carache dans un Tableau, pour le déclarer merveilleux. Ne croyez pas même
qu'ils aillent chercher les preuves de l'originalité dans les grandes parties ;-non ,
c'est souvent un petit coin du Tableau
la touche d'une Plante , d'un Nuage, ou
le derriere de la Toile qui les déterminent. D'ailleurs ces gens - là n'ignorent
aucuns termes de l'Art , sçavent exactement la vie des Peintres , l'Histoire de
chaque Tableau , &c.
Ce que j'y trouve de pis , c'est que ces
diseurs de grands mots sont des Éleves.
Un homme qui voudra se jetter dans la
connoissance de la Peinture , s'addressera
plutôt à eux qu'à un Peintre ; car ces
Mr ont leur interêt pour publier que les
Peintres sont ceux qui s'y connoissent le
moins. C'est-là le premier préjugé sur lequel ils établissent les autres. Si - tôt que
Eleve en est rempli , il marche à grands
pas ; en peu de jours le voilà bien persuadé qu'il peut en toute sureté , mépriser
tous les Tableaux peints sur des toiles neu--
ves ; et admirer ceux qui menacent ruine.
Jugez alors si l'amour propre est satis- fait ?
AOUST. 17320 1795
it. Quel air de capacité ne se donne
int mon homme en se récriant devant
monde sur les beautez d'un vieux Taeau noirci , où les autres ne connoisnt plus rien , et où il ne découvre plus
n lui-même on le suit , on l'écoute
Sa décision est pitoyable , mais
e lui importe ; on le prend pour un
mme capable, il est content.Car il faut
convenir ; souvent nous avons des Taaux, des Livres ; nous courons les Conts , bien moins parce que nous aimons
Peinture , les Lettres ou la Musique
pour nous donner un air de capacité.
is se le donne - t - on en réfléchissant
g-temps avant que de hazarder son
timent ? Non, c'est en décidant promient , &c.
On blâme plus volontiers les Ouvranouveaux qui paroissent , qu'on ne les
3. Je ne sçai pourquoi , dit Alcipe, mais
utencore l'avouer,à notre honte; nous
ons une secrete et détestable joïe à reher un homme qui a fait ses efforts
nous plaire ; et vû cette malheureuclination , il devient bien plus diffid'approuver un Ouvrage nouveau ,
ue de leblâmer.Dites qu'il ne vaut rien;
on vous croît , sans que vous soyez obligé de vous expliquer davantage ; mais si
Fij Vous
1796 MERCURE DE FRANCE
vous en parlez avec éloge , ( au cas qu'on
veuille bien ne vous pas traiter d'imbécille ) on vous demande au moins raison.
de votre approbation ; c'est alors qu'il
faut véritablement s'y connoître pour
prouver sa capacité ; et peut - être même
faut-il plus de gout et d'esprit pour bien
sentir les grandes beautez , que pour découvrir les deffauts. D'ailleurs , que risquons- nous en blâmant? Si l'Ouvrage est
bon et reconnu pour tel dans la suite,nous
donnons à perser , en le regardant avec
froideur , que nous avons une idée du
beau bien supérieure à celle qu'en a le
vulgaire ; mais quand par malheur la critique l'emporte sur nos applaudissemens,
nous courons risque de passer pour des
esprits bornés. A l'égard des productions
des anciens , on ne peut que se faire honneur en les louant , parce que la posterité
les a consacrez. N'allez pas croire que je
prétende dire qu'ils ne sont pas dignes de
cette admiration ; personne ne leur rend
plus de justice que moi ; et c'est parce
que je les aime , que je suis outré de les
entendre loüer par des ignorans, qui n'en
démêlent que la rareté , et point du tout
l'excellence.
Mais, quoy ! dit Damon, jugeriez-vous
à propos que j'allasse me mêler de parler
de
A O UST. 1732. 1797
de la composition d'un Tableau : Eh
pourquoi pas ? répond Alcipe. Quelle
est , à votre avis , la premiere partie de la
composition ? N'est- ce pas de vous rendre , avec vérité , le sujet que l'on vous
annonce ? Si on veut vous representer ,
par exemple , la mort de Jules - César
n'êtes-vous pas à portée de juger si le
Peintre a rendu l'image de cette Scene ?
N'en jugeriez vous pas au Théatre ? Ne
verriez-vous pas bien si César et Brutus sont les principaux objets qui frappent votre vûë ? Si les autres personnages ont dans l'action , dans laquelle ils doivent être Enfin si le mouvement de
cètte Scene vous inspire la terreur qu'il
doit vous inspirer ? Si ces principales par
ties ne s'y trouvent point , dites en sûreté
que la composion de ce Tableau ne vous
plaît pas ; et vous aurez raison ; mais ne
vous pressez pas de dire que ce Tableau
ne vaut rien ; car il pourroit se trouver
d'excellentes choses dans le détail. La
Peinture est composée de tant de parties... Regardez donc , avant de condamner entierement , si , la composition
à part , vous ne serez point frappé de la
vérité de la couleur , de l'effet du clairobscur , du relief des figures , &c.
Sur la composition , sur le dessein , sur
Fiij le
1798 MERCURE DE FRANCE
le coloris , un homme d'esprit peut dire
son sentiment , dit Alcipe , puisqu'il ne
s'agit que de comparer le vrai, avec l'imitation. Quant à l'harmonie generale
poursuit-il,pourquoi nos yeux n'auroient- ils pas les mêmes facultez que nos oreilles ? Nous ne sommes touchez du son des
Instrumens , que lorsqu'ils sont parfaitement d'accord. Les couleurs d'un Tableau
doivent faire sur nous les mêmes impressions.Si une Musique harmonieuse et brillante nous frappe plus qu'une Musique
plate , quoique nous ne sçachions pas les
regles de la composition ; pourquoi un
Tableau brillant et suave ne nous plairat-il pas plus qu'un Tableau dur et sans
accord?
Fermer
Résumé : Discours sur la Peinture, &c. [titre d'après la table]
En 1732, Charles Coypel, Premier Peintre du Duc d'Orléans, prononce un discours lors des conférences de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture. Il y souligne la nécessité pour les artistes de recevoir des avis pour améliorer leur travail. La peinture, composée de nombreuses parties, peut être critiquée sous différents aspects tels que la couleur, le dessin, l'expression ou le costume. Coypel insiste sur l'importance de demander des avis de manière sincère et ouverte, sans chercher uniquement des louanges. Il critique ceux qui se contentent d'admirer les œuvres des anciens maîtres sans essayer de les égaler ou d'apprendre des contemporains. Il met également en garde contre l'habitude de trouver des défauts dans les œuvres nouvelles pour se consoler de ses propres insuffisances. Coypel aborde ensuite la capacité de chacun à apprécier les beautés d'un tableau, indépendamment des connaissances techniques. Il critique les prétendus connaisseurs qui se basent sur des détails superficiels pour juger une œuvre. Il encourage à juger les tableaux en fonction de leur composition et de leur capacité à représenter fidèlement le sujet. Le texte discute également de la perception des éléments artistiques par l'observateur, tels que la vérité de la couleur, l'effet du clair-obscur et le relief des figures. Alcipe, un personnage mentionné, affirme qu'un homme d'esprit peut exprimer son avis sur la composition, le dessin et le coloris en comparant le vrai avec l'imitation. Il compare l'harmonie générale d'un tableau à celle de la musique, suggérant que les yeux devraient avoir les mêmes facultés que les oreilles. Les couleurs d'un tableau doivent produire les mêmes impressions que les sons des instruments lorsqu'ils sont en accord parfait. De même que la musique harmonieuse et brillante est plus frappante que la musique plate, un tableau brillant et suave devrait plaire davantage qu'un tableau dur et sans accord.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 2172-2173
A M. Nericault Destouches.
Début :
De nos jours, aimable Terence, [...]
Mots clefs :
Coeur, Art, Plaisir, Scène, Traits, Orgueil
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. Nericault Destouches.
A M. Nericault Destouches.
E nos jours,aimable Terence ,
Jouis des applaudissemens ,
Dont le bon goût qui reste en France ,
Et que tu fais revivre, honore tes talens.
Ton Art , ami de la Nature ,
Donne de l'ame à ses portraits ,
Et par une heureuse imposture
De la réalité la feinte a tous les traits.
J'admire dans chaque partie
Ce qui me charme dans le tout ;
La Scene à la Scene assortie
De plaisirs en plaisirs me conduit jusqu'au bout.
Le Philosophe m'interesse ,
La Coquette me divertit ,
Mélite surprend ma tendresse ,
Et je pleure et je ris quand l'Oncle s'attendrit.
La noblesse des caracteres
Me charme dans le Glorieux ;
Com
OCTOBRE. 1732 2173
Combien de mouvemens contraires
Agitent tour à tour son cœur impérieux.
L'orgueil , ce vice détestable ,
Malgré lui se voit confondu ,
9
Que la sœur du Comte est aimable !
Son cœur répare bien tout ce qu'elle a perdu
Par tout, d'ingénieux contrastes
Naissent sous ta féconde main ;
Tu sçais mieux que les Teophrastes ,
Déployer avec art le fond du cœur humain.
Tu découvres de nos caprices
Jusques aux traits les moins connus ;
Ton esprit sçait peindre les vices ,
Et ton cœur sans effort exprime les vertus.
En vain l'envieuse Critique
Maigrit et séche de dépit ,
Lors
Laisse gronder ce monstre étique
que pour te venger tout Paris t'aplaudit.
G. D. V.
E nos jours,aimable Terence ,
Jouis des applaudissemens ,
Dont le bon goût qui reste en France ,
Et que tu fais revivre, honore tes talens.
Ton Art , ami de la Nature ,
Donne de l'ame à ses portraits ,
Et par une heureuse imposture
De la réalité la feinte a tous les traits.
J'admire dans chaque partie
Ce qui me charme dans le tout ;
La Scene à la Scene assortie
De plaisirs en plaisirs me conduit jusqu'au bout.
Le Philosophe m'interesse ,
La Coquette me divertit ,
Mélite surprend ma tendresse ,
Et je pleure et je ris quand l'Oncle s'attendrit.
La noblesse des caracteres
Me charme dans le Glorieux ;
Com
OCTOBRE. 1732 2173
Combien de mouvemens contraires
Agitent tour à tour son cœur impérieux.
L'orgueil , ce vice détestable ,
Malgré lui se voit confondu ,
9
Que la sœur du Comte est aimable !
Son cœur répare bien tout ce qu'elle a perdu
Par tout, d'ingénieux contrastes
Naissent sous ta féconde main ;
Tu sçais mieux que les Teophrastes ,
Déployer avec art le fond du cœur humain.
Tu découvres de nos caprices
Jusques aux traits les moins connus ;
Ton esprit sçait peindre les vices ,
Et ton cœur sans effort exprime les vertus.
En vain l'envieuse Critique
Maigrit et séche de dépit ,
Lors
Laisse gronder ce monstre étique
que pour te venger tout Paris t'aplaudit.
G. D. V.
Fermer
Résumé : A M. Nericault Destouches.
L'auteur adresse une lettre à M. Nericault Destouches, le comparant à Terence, un dramaturge célèbre. Il exprime son admiration pour les œuvres de Destouches, soulignant leur fidélité à la nature et leur capacité à donner de l'âme aux portraits. Chaque scène suscite divers sentiments, allant de l'intérêt philosophique au divertissement, en passant par la tendresse et la joie. Les personnages, tels que le Philosophe, la Coquette, Mélite et l'Oncle, sont appréciés pour leur authenticité et leur capacité à émouvoir. Le texte loue également la noblesse des caractères et les contrastes ingénieux présents dans les œuvres de Destouches. L'auteur admire la capacité de Destouches à révéler les caprices humains et à peindre les vices tout en exprimant les vertus. Enfin, il mentionne que la critique envieuse ne peut nuire à la popularité de Destouches, car tout Paris l'applaudit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 2339-2342
LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Début :
La Mode et la Nature un jour, [...]
Mots clefs :
Fard, Amour, Art, Nature, Masque, Attraits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
LE PROCEZ DU FARD,
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
Allégorie à Mad....
LAMode et la Nature un jour ,
Vinrent au Tribunal d'Amour :
La mode y vint enluminée ,
En long étalage et grand train ,
D'amples fatras environnée ,
Le Masque et la Marotte en main ;
Nature simplement ornée ,
En Robe ondoyante , en Patin ,
Un Bouquet de fleurs sur son sein ,
Et de ses Cheveux couronnée ;
Amour , dit-elle , entends ma voix ,
B iiij Et
340 MERCURE DE FRANCE
It qu'elle éveille ta justice.
Tuvois la fille du caprice ;
Je suis le jouet de ses loix.
Mon fils , prends part à mes outrages,
Aton Empire , à mes attraits ,
Ils portent de communs dommages ;
Corrompre , alterer mes ouvrages,
N'est- ce pas émousser tes traits ?
Sans tant discourir , dit la Mode ,
Montrons aux yeux notre pouvoir ;
"Amour est un Dieu qui veut voir ,
Et qui gouta cette méthode.
Nature appuya ce dessein ,
Et choisit G... pour modelle.
L'Amour essuya de sa main,
Cette couche artificielle ,
Enfant de l'art et du matin ,
Et G..... n'enfut que plus belle.
C'étoit l'Aurore au front serein
Lorsqu'elle ne fait que d'éclore ,
Et que
Par les couleurs
dont
il l'a peint
Seiché
la fraîcheur
de son teint
.
LaMode
sur d'autres
modeles
Fait
son chef
-d'œuvre
concerté
,
Dresse
ses Tables
solemnelles
Phœbus n'a pas encore
9
Et de cent Machines nouvelles ,
Cons
NOVEMBRE. 1732. 2341
Construit l'Autel de la Beauté.
Sont art , ses ruses furent telles ,
Si bien sa Magie opéra ,
Qu'enfin elle défigura
Une Héroïne d'Opéra.
On rit de cette œuvre postiche :
Aupetit Monstre enjolivé ,
L'Amour fait construire une Niche ;
A l'autre , un Temple est élevé ;
Toy, dit l'Amour à la Nature,
Viens rendre une couleur plus pure ,
Aux Beautez qui suivent mes pas ;
Mes traits ont formé leurs appas ,
Pour les yeux , non pour la parure,
Tout s'embellira sous ta loi ;
Ta Rivale n'a pour te nuire,
Que l'art passager de séduire ,
L'Art constant de plaire est à toi.-
Belle G ... c'est ton partage ;
Si tu vois couvrir d'un nuage ,
Tes beaux jours de sérénité ,
C'est l'art jaloux de la nature ,
Et contr'elle encor révolté ,
Qui sous le nom de faculté ,
Fait à tes attraits cette injure
Et te punit de ta beauté ;
Eloigne un secours redoutéBy D'un
2342 MERCURE DE FRANCE
D'un souris rappelle et rassure ,
Les Ris , enfans de la santé ;
Et dans le sein de la gayeté ,
Cherche une guérison plus sûre.
Fermer
Résumé : LE PROCEZ DU FARD. Allégorie à Mad....
Le texte 'Le Procez du Fard' met en scène une allégorie où la Mode et la Nature sont jugées par le Tribunal d'Amour. La Mode, vêtue de manière ostentatoire, se présente comme le jouet du caprice, tandis que la Nature, simplement ornée, accuse la Mode de corrompre ses œuvres et d'altérer les traits de l'Amour. La Mode choisit G... comme modèle pour démontrer son pouvoir, mais l'Amour révèle la beauté naturelle de G..., comparée à l'aube. La Mode crée ensuite des œuvres postiches, défigurant une héroïne d'opéra, tandis que l'Amour construit un temple pour la beauté naturelle. L'Amour critique l'art passager de la Mode, qui séduit mais ne plaît pas durablement, et affirme que l'art constant de plaire appartient à la Nature. La Nature est comparée à une belle femme, G..., dont les jours de sérénité peuvent être couverts par l'art jaloux de la Mode. L'Amour encourage la Nature à purifier les beautés et à chercher une guérison dans la gaieté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 2594-2597
A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
Début :
D'un maritime Port l'ornement et la gloire, [...]
Mots clefs :
Gloire, Tribunaux, Travaux, Art, Débats, Verve poétique, Voltaire, Houdard
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
'A MADILE de Malcrais de la Vigne
du Croisic en Bretagne.
D'Unmaritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un œil de complaisance
Alieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis-je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
Entendit I, Vol.
DECEMBRE. 1732. 2599
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ,
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur,
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton cœur j
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse
Yos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis; désabuse la Seine,
Quidans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne,
I. Vol.
Diij Dé-
2596 MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Sœurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle , à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque ,
En vantant à la fois et ta Prose et tes Versi
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui,
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi, que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens!
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
du Croisic en Bretagne.
D'Unmaritime Port l'ornement et la gloire ,
Aimable et sçavante Malcrais ,
Souffre qu'un Habitant des Rives de la Loire
Te témoigne la part qu'il prend à tes succès.
Nantes d'un œil de complaisance
Alieu de regarder le fruit de tes travaux ;
Le séjour où tu pris naissance ,
Est soumis à ses Tribunaux.
Que dis-je , il t'en souvient , vingt fois notre
Rivage,
Entendit I, Vol.
DECEMBRE. 1732. 2599
Entendit de tes Vers les sons harmonieux ,
Et tu fis dans nos Murs le noble apprentissage ,
De cet Art si cheri des hommes et des Dieux.
O que j'aime à te voir , en Bergere affligée ,
Du départ d'un Amant en bute aux flots amers
Confier la douleur où ton ame est plongée ,
Aux rapides Oiseaux qui traversent les Mers !
Que des constantes Tourterelles ,
Tu peins bien les tendres amours ,
Et que par ce portrait de leurs ardeurs fidelles ,
Tu dois faire rougir les Amans de nos jours !
Qui peut sans répandre des larmes ,
Qui peut sans frissonner d'horreur,
Ecouter le récit des cruelles allarmes ,
Dont la mort de ton Pere avoit saisi ton cœur j
Corisque , Ménalis , quelle délicatesse ,
Respirent vos jaloux débats !
Oui , d'une paisible tendresse
Yos soupçons , vos dépits surpassent les appas,
Poursuis, Malcrais, poursuis; désabuse la Seine,
Quidans son préjugé contre certains Cantons ,
S'imagine que l'Hipocrêne,
I. Vol.
Diij Dé-
2596 MERCURE DE FRANCE
Dédaigne d'arroser ceux que nous habitons.
Force-la d'avouer que la terre Armorique.
Connoît Phébus et les neuf Sœurs ,
Et que la Verve Poëtique ,
fait sentir aussi ses divines fureurs.
Mais quoi ! sans être si tardive ,
Elle a déja rendu justice à tes accords ,
Et la Marne, comme elle , à tes sons attentive ,
En a fait éclater ses éloquents transports.
Houdart tout prêt d'entrer dans la fatale Barque
Charmé de tes talens divers ,
Voulut t'en donner une marque ,
En vantant à la fois et ta Prose et tes Versi
Voltaire, le fameux Voltaire ,
Enchanté comme lui de tes doctes Ecrits ,
Vient d'apprendre à toute la Terre,
Combien il en sent tout le prix.
C'est donc & honte extrême ! à ta seule Patrie ,
Qu'on peut à juste droit reprocher aujourdhui ,
De ne sçavoir pas rendre à ton rare génie ,
L'honneur qu'elle reçoit de lui,
1. Vol
DECEMBRE. 1732. 2597
Et moi, que ta belle ame honore ,
Du précieux dépôt de tous tes sentimens ,
Je suis bien plus coupable encore ,
D'avoir tant balancé pour t'offrir mon encens!
Pardonne , illustre Amie , Apollon m'est avare ,
Des faveurs que sans cesse il verse dans ton sein :
Heureux que ma verve bizarre ,
Ait du moins en ce jour secondé mon dessein.
Chevaye , Auditeur à la Chambre des
Comptes de Bretagne.
Fermer
Résumé : A MADLLE de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne.
Le poème est dédié à Madame de Malcrais de la Vigne du Croisic en Bretagne. L'auteur, habitant des rives de la Loire, exprime son admiration pour les succès littéraires de Madame de Malcrais. Bien que Nantes ne puisse revendiquer sa naissance, la ville a entendu ses vers harmonieux et a vu son apprentissage de la poésie. Le poème mentionne des œuvres spécifiques de Madame de Malcrais, telles que des poèmes sur la douleur d'une bergère affligée par le départ d'un amant et sur la mort de son père. L'auteur loue sa délicatesse et son talent poétique, comparant ses écrits à ceux inspirés par les Muses. Voltaire a également reconnu la valeur de ses écrits. Le poème critique la patrie de Madame de Malcrais, qui ne lui rend pas justice, et l'auteur s'excuse pour avoir tardé à lui rendre hommage. L'auteur se présente comme Chevaye, Auditeur à la Chambre des Comptes de Bretagne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 929-934
LES MUSES. ODE.
Début :
Quel agréable délire, [...]
Mots clefs :
Art, Éloquence, Muses, Comédie, Tragédie, Danse, Poésie amoureuse, Musique, Histoire, Astronomie, Poème épique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES MUSES. ODE.
LES MUSES,
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
O'D E.
Uel agréable délire ,
Vient s'emparer de mes sens !
J'entens resonnersma Lyre ;
Ma voix forme des accens.
Et déja , nouveau Pindare .
Je n'ai pour guide et pour Pharé ,
Que l'imagination .
Dans le transport qui m'anime
Rien ne semble illégitime
A ma folle ambition .
M
TA
Chastes Nymphes du Përmesse
Je vais chanter vos talens ;
Secondez ma noble yvresse
A:
2.
E ij
Et
930 MERCURE DE FRANCE
Et rendez mes Vers coulans.
Vous , Mortels , faites silence ,
Vous,qu'on voit dans l'indolence
Ennemis de leurs travaux >
Pour apprendre qu'à leur suite
Je trouve le seul mérite ,
Qui peut nous rendre inégaux.
Quelle naïve peinture ! (a)
Reconnoissez -vous, Humains ;
L'Art bien moins que la Nature ,
A fait ces Portraits malins.
Par ce charmant artifice ,
On peut détruire le vice ,
Sans qu'il en tremble d'effroi.
Quiconque veut se connoître ,
Est bien - tôt ce qu'il doit être ,
En suivant sa douce Loi.
*
Qui vient embellir la Scene ;
Par les attraits de l'Amour ?
C'est la fiere Melpomene , (b)
Avec sa brillante Cour.
Je cains , j'espere sans cesse.
Tout me plaît , tout m'interesse
(a) La Comédie.
(b) La Tragédie,
C
PA
MAY. 1733. 938
Par divers objets émů.
Mais mon coeur toujours frissonas ,
Jusqu'à ce qu'elle couronne ,
La justice ou la vertu.
Une Peinture mouvante,
M'offre les vents en fureur ;
Et l'Amant avec l'Amante ,
Se marquant leur tendre ardeur.
Ici , cet Art (a) à ma vûë ,
Peint Alecton éperdue ,
Du sang qu'elle a répandu.
Là , mille Beautez Champêtres ,
Expriment dessous des Hêtres ,
Ce qu'Amour a d'ingenu.
Jusqu'à la Voûte étoilée ,
Mille Concerts (b) amoureux
Portent à la Troupe aîlée ,
Le triomphe de ses feux ..
Tout retentit à Cythere
Des louanges de la Mere ,
De ces aimables Vainqueurs.
Tandis qu'un Essain de Belles ,
(a) La Danse.
(b) Les Poësies amoureuses .
E- iij Par
932 MERCURE DE FRANCE +1
Par ces doux Chants moins rebelles ,
Accordent leurs tendres coeurs.
Sur un Trône d'harmonie ,
Euterpe (a) s'offre à mes yeux ;
Les Mortels par son génie ,
Sont vaincus comme les Dieux.
Rien ne lui fait résistance;
Elle établit sa puissance ,
Par l'appas de ses accords ;
Et va porter ses conquêtes ,
Jusques aux sombres retraites ,
Du cruel Tyran des Morts.
M
Aux charmes de l'Eloquence , (6)
Tout cede dans l'Univers.
Thémis avec sa balance
Gémit souvent dans ses fers.
De la cime des Montagnes ,
Un Torrent dans les Campagnes ,
Vient regner moins aisément
Qu'elle ne prend un Empire ,
Sur tout Etre qui respiré ,
Doué de raisonnement.
a
(a) Là Musique.
(b) L'Eloquence,
MAY.
1733 933
En vain le Temps sur ses aîles ,
Emporte tout ce qu'il fait.
Une des neuf Immortelles , (a)
Nous révele son secret .
Des Favoris de Bellone ,
Sa main sans cesse crayonne ,
Tous les belliqueux exploits :
Sans elle , en vain Alexandre ,
Eût prétendu que sa cendre ,
Fût le modele des Rois.
Quelle est la main ( 6) qui nous ouvre ,
Le séjour des Immortels ?
Tout l'Olimpe se découvre
A nos regards criminels .
Cette vaine connoissance ,
Enflamme notre esperance ,
Qui fait des efforts , des voeux ;
Pour jouir de l'avantage ,
De bien connoître un Ouvrage
Qu'ils ne firent que pour eux.
M
Héros , dont la récompense ,
N'est que l'immortalité ;
(a) L'Histoire.
(b) L'Astronomie.
E iiij De
934
MERCURE DE FRANCE
De la voix (a) qui la dispense`,
Connoissez l'autorité.
Comment sçauroit- on que Troye,
Devint la celebre proye ,
D'Achille et d'Agamennon ,
Sans cet Art que tout admire ,
Qui peut seul par son Empire ,
De l'oubli sauver un nom ?
Filles du Dieu du Tonnerre ;
Ce n'est qu'en vous imitant ,
Qu'on peut briller sur la Terre ,
Par un mérite éclatant.
Pour quiconque vous ignore
L'Astre qu'annonce l'Aurore ,
Triomphe en vain de la nuit ;
Aussi puni que Tantale ,
Ce qu'à ses yeux il étale ,
En le séduisant le fuit.
(a) Le Poëme Epique.
Fermer
Résumé : LES MUSES. ODE.
Le poème est une ode aux Muses, où l'auteur exprime son enthousiasme et son inspiration poétique. Il décrit l'influence des Muses sur ses sens et son ambition créative, guidée par l'imagination. L'auteur s'adresse aux nymphes du Permesse, les implorant de l'aider à chanter leurs talents et à rendre ses vers fluides. Il invite les mortels à faire silence pour apprendre de leurs travaux. Le poème met en avant l'art qui imite la nature pour peindre les portraits humains et détruire le vice sans effroi. Il décrit diverses Muses et leurs domaines : Melpomène pour la tragédie, Thalie pour la comédie, Terpsichore pour la danse, Ératos pour la poésie amoureuse, et Euterpe pour la musique. Chacune exerce une influence puissante sur les mortels. L'auteur mentionne également l'éloquence et l'histoire, soulignant leur capacité à immortaliser les exploits et à révéler des secrets. Enfin, il loue l'astronomie et le poème épique pour leur rôle dans la connaissance et la mémoire des grands événements, comme la guerre de Troie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 879-881
LA NATURE ET L'ART. FABLE. A Mlle de N***.
Début :
Enflé de ses progrès et fier de ses appas, [...]
Mots clefs :
Nature, Art
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA NATURE ET L'ART. FABLE. A Mlle de N***.
LA NATURE ET L'ART .
FABLE.
A Mile de N **
ENAé de ses progrès et fier de sés appas ;
On dit qu'un jour à la Nature ,
L'Art voulut disputer le pas ;
Qui de nous deux ( dit- il ) a de l'Architecture , ]
De l'ingénieuse Peinture
Et de l'agreable Sculpture ,
Reglé les operations.
C'est l'Art , sa science féconde
Do
380 MERCURE DE FRANCE
De nouvelles productions ,
Chaque jour enrichit le Monde.
Au corps le plus matériel ,
L'Art donne un air leger et d'agréables formes
Qu'on s'en tienne au contraire au simple naturel !
Que de confusion et que d'objets informes,
Que l'Art les mette en oeuvre : à peine ils son
polis
Que nous les trouvons embellis.
En un mot , sans cet Art en Beautez si fertile
Tout ce que parmi vous la Nature produit ,
Mortels , deviendroit inutile.
Ton amour propre te séduit ,
Dit la Nature ; ch ! quelle est ta folic,
De vouloir me donner la Loy ?
Mais , là , parlons de bonne foi ,
Ces chef- d'oeuvres fameux que ton orgueil public
Sçais -tu bien qu'ils ne sont jamais de bon alloi
Qu'autant qu'ils approchent de moi
Cette simplicite que ton affecterie ,
Contre moi tourne en raillerie ,
Mon cher , ne va pas t'y tromper ,
Il te faut du travail pour pouvoir l'attraper
Et souvent ta main l'estropie .
Je ris quand je vois l'Art me traiter en Rival ,
Il me semble voir la Copie ,
Se mocquer de l'Original .
ENMAY:
888 1734
ENVO r.
Vous, qui par un noble partage ,
Faites éclater à nos yeux
Le rare et brillant assemblage ,,
Des talens les plus précieux ;
Daignez , charmante Iris , en lisant cette Fable ,
L'honorer d'un regard affable ,
Jadis par ses naïvetez , }
Pleines de graces nouvelles ,
D'instructions et de beautez ,
La Fontaine auprès des Belles
S'ouvrit un favorable accès ;
Je travaille pour vous , comme il rimoit pour
elles ,
Peut-être , je l'avoue , avec moins de succès ,
Vous avez bien reçû des dons de la Nature ;
Mais il n'en est aucun ( tout en vous m'en assure)
Que l'Art n'ait aussi cultivé ;
Un petit differend entre eux s'est élevé ,
La Nature vous fit ce qui dépendit d'elle,
Et l'Art , de son côté , vous favorisa fort ;
Je vous fais aujourd'hui Juge de leur querelle ,
C'est le moyen, je croi , qu'ils soient bien- tôt
d'accord .
Pesselier, de la Ferté sous-Foüars .
FABLE.
A Mile de N **
ENAé de ses progrès et fier de sés appas ;
On dit qu'un jour à la Nature ,
L'Art voulut disputer le pas ;
Qui de nous deux ( dit- il ) a de l'Architecture , ]
De l'ingénieuse Peinture
Et de l'agreable Sculpture ,
Reglé les operations.
C'est l'Art , sa science féconde
Do
380 MERCURE DE FRANCE
De nouvelles productions ,
Chaque jour enrichit le Monde.
Au corps le plus matériel ,
L'Art donne un air leger et d'agréables formes
Qu'on s'en tienne au contraire au simple naturel !
Que de confusion et que d'objets informes,
Que l'Art les mette en oeuvre : à peine ils son
polis
Que nous les trouvons embellis.
En un mot , sans cet Art en Beautez si fertile
Tout ce que parmi vous la Nature produit ,
Mortels , deviendroit inutile.
Ton amour propre te séduit ,
Dit la Nature ; ch ! quelle est ta folic,
De vouloir me donner la Loy ?
Mais , là , parlons de bonne foi ,
Ces chef- d'oeuvres fameux que ton orgueil public
Sçais -tu bien qu'ils ne sont jamais de bon alloi
Qu'autant qu'ils approchent de moi
Cette simplicite que ton affecterie ,
Contre moi tourne en raillerie ,
Mon cher , ne va pas t'y tromper ,
Il te faut du travail pour pouvoir l'attraper
Et souvent ta main l'estropie .
Je ris quand je vois l'Art me traiter en Rival ,
Il me semble voir la Copie ,
Se mocquer de l'Original .
ENMAY:
888 1734
ENVO r.
Vous, qui par un noble partage ,
Faites éclater à nos yeux
Le rare et brillant assemblage ,,
Des talens les plus précieux ;
Daignez , charmante Iris , en lisant cette Fable ,
L'honorer d'un regard affable ,
Jadis par ses naïvetez , }
Pleines de graces nouvelles ,
D'instructions et de beautez ,
La Fontaine auprès des Belles
S'ouvrit un favorable accès ;
Je travaille pour vous , comme il rimoit pour
elles ,
Peut-être , je l'avoue , avec moins de succès ,
Vous avez bien reçû des dons de la Nature ;
Mais il n'en est aucun ( tout en vous m'en assure)
Que l'Art n'ait aussi cultivé ;
Un petit differend entre eux s'est élevé ,
La Nature vous fit ce qui dépendit d'elle,
Et l'Art , de son côté , vous favorisa fort ;
Je vous fais aujourd'hui Juge de leur querelle ,
C'est le moyen, je croi , qu'ils soient bien- tôt
d'accord .
Pesselier, de la Ferté sous-Foüars .
Fermer
Résumé : LA NATURE ET L'ART. FABLE. A Mlle de N***.
Le texte présente une fable intitulée 'La Nature et l'Art'. Dans cette fable, l'Art et la Nature discutent de leurs mérites respectifs. L'Art se vante de ses contributions à l'architecture, la peinture et la sculpture, affirmant qu'il enrichit le monde de nouvelles productions et embellit les formes naturelles. La Nature critique l'orgueil de l'Art et souligne que ses chefs-d'œuvre ne valent que s'ils se rapprochent d'elle. Elle ajoute que l'Art nécessite beaucoup de travail et peut souvent déformer ses créations. La Nature se moque de l'Art, le comparant à une copie de l'original. Le texte se conclut par une dédicace à une personne nommée Iris, comparant l'auteur à La Fontaine et soulignant que tant la Nature que l'Art ont contribué aux talents de cette personne. L'auteur invite Iris à juger la querelle entre la Nature et l'Art pour qu'ils puissent s'accorder.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 3-6
ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
Début :
Soubeyran, de tous vos ouvrages [...]
Mots clefs :
Art, Coeur, Dessinateur, Peinture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
ELOGE DE LA PEINTURE ;
A M. Soubeyran , très- habile Deffinateur
&fameux Peintre à Geneve ; par un de
fes éleves.
Soubeyran , de tous vos ouvrages
J'admire les traits , la beauté ;
Permettez - vous à mon coeur enchanté ,
De vous rendre ici les hommages
Que confacre la vérité ?
Peignez -vous fous un verd ombrage
1.Vel. A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Des oiſeaux enrichis des plus belles couleurs ?
Mon oreille entend leur ramage ;
Et fi vous nous tracez des fleurs ,
J'admire leur éclat , leur port , leur affemblage ,
Et je crois fentir leurs odeurs .
Je vois du papillon les volages ardeurs ;
Et je ris de fon badinage.
Par quel art , de votre pinceau
Ce vallon éloigné vient -il frapper ma vûe ?
Et malgré fa vafte étendue
Se place- t-il dans un tableau ?
Ici l'objet fort de la toile ,
Et femble s'offrir à ma main ;
Là fe dérobant fous un voile ,
Un autre fuit dans le lointain.
A ton art , aimable Peinture ,
Tu foumets toute la nature ,
Tu rapproches de nous , & les lieux & les tems ;
Et par ton adroite impofture ,
De l'hiftoire la plus obfcure
Nous voyons les événemens.
Aux fineffes de l'art i je pouvois atteindre ,
Que mes voeux feroient fatisfaits !
Mufe , tu me verrois au gré de mes fouhaits ,
Faifant des vers , ainfi que tu fçais peindre ,
Chanter tes dons & dire tes bienfaits.
Votre art , cher Soubeyran , donne à tout un langage
,
2
DECEMBRE . 1754 .
S
De la vie & des fentimens.
Sans prodiguer les ornemens ,
Tout plaît & touche en votre ouvrage.
D'un pere , d'un époux exprimez - vous l'image ?
Malgré l'éloignement des lieux ,
Malgré les rigueurs de l'abſence ,
Une parfaite reffemblance
Les fait reparoître à nos yeux,
Et nous rend encor leur préfence.
Des plus infortunés vous calmez les regrets.
Sous vos doigts la toile refpire ;
D'un ami , que la mort retient dans ſon empire ,
Mon oeil peut contempler les traits ,
Et mon trifte coeur qui foupire ,
Erre encore avec lui fous de fombres cyprès.
Mais , dites-nous , par quels preftiges
Vous marquez de nos corps & l'âge & les progrès ?
Apprenez - nous par quels prodiges
Vous peignez de l'efprit les mouvemens fecrets ,
Vous nous montrez les replis de notre ame ,
Ses craintes , fes defirs & l'efprit qui l'enflamme.
Mais que ne pouvez - vous pénétrer dans mon
coeur ?
Vous verriez pour votre art le zéle qui m'anime ,
Vous y liriez pour vous mon reſpect , mon eſtime,
Et mes voeux pour votre bonheur.
Que je me trouve heureux d'avoir pú vous connoître
,
De profiter de vos dons excellens !
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Moi , difciple d'un fi grand maître ,
Que ne fuis- je digne de l'être ,
Par mon goût & par mes talens !
A M. Soubeyran , très- habile Deffinateur
&fameux Peintre à Geneve ; par un de
fes éleves.
Soubeyran , de tous vos ouvrages
J'admire les traits , la beauté ;
Permettez - vous à mon coeur enchanté ,
De vous rendre ici les hommages
Que confacre la vérité ?
Peignez -vous fous un verd ombrage
1.Vel. A ij
4 MERCURE DE FRANCE.
Des oiſeaux enrichis des plus belles couleurs ?
Mon oreille entend leur ramage ;
Et fi vous nous tracez des fleurs ,
J'admire leur éclat , leur port , leur affemblage ,
Et je crois fentir leurs odeurs .
Je vois du papillon les volages ardeurs ;
Et je ris de fon badinage.
Par quel art , de votre pinceau
Ce vallon éloigné vient -il frapper ma vûe ?
Et malgré fa vafte étendue
Se place- t-il dans un tableau ?
Ici l'objet fort de la toile ,
Et femble s'offrir à ma main ;
Là fe dérobant fous un voile ,
Un autre fuit dans le lointain.
A ton art , aimable Peinture ,
Tu foumets toute la nature ,
Tu rapproches de nous , & les lieux & les tems ;
Et par ton adroite impofture ,
De l'hiftoire la plus obfcure
Nous voyons les événemens.
Aux fineffes de l'art i je pouvois atteindre ,
Que mes voeux feroient fatisfaits !
Mufe , tu me verrois au gré de mes fouhaits ,
Faifant des vers , ainfi que tu fçais peindre ,
Chanter tes dons & dire tes bienfaits.
Votre art , cher Soubeyran , donne à tout un langage
,
2
DECEMBRE . 1754 .
S
De la vie & des fentimens.
Sans prodiguer les ornemens ,
Tout plaît & touche en votre ouvrage.
D'un pere , d'un époux exprimez - vous l'image ?
Malgré l'éloignement des lieux ,
Malgré les rigueurs de l'abſence ,
Une parfaite reffemblance
Les fait reparoître à nos yeux,
Et nous rend encor leur préfence.
Des plus infortunés vous calmez les regrets.
Sous vos doigts la toile refpire ;
D'un ami , que la mort retient dans ſon empire ,
Mon oeil peut contempler les traits ,
Et mon trifte coeur qui foupire ,
Erre encore avec lui fous de fombres cyprès.
Mais , dites-nous , par quels preftiges
Vous marquez de nos corps & l'âge & les progrès ?
Apprenez - nous par quels prodiges
Vous peignez de l'efprit les mouvemens fecrets ,
Vous nous montrez les replis de notre ame ,
Ses craintes , fes defirs & l'efprit qui l'enflamme.
Mais que ne pouvez - vous pénétrer dans mon
coeur ?
Vous verriez pour votre art le zéle qui m'anime ,
Vous y liriez pour vous mon reſpect , mon eſtime,
Et mes voeux pour votre bonheur.
Que je me trouve heureux d'avoir pú vous connoître
,
De profiter de vos dons excellens !
A iij
MERCURE DE FRANCE.
Moi , difciple d'un fi grand maître ,
Que ne fuis- je digne de l'être ,
Par mon goût & par mes talens !
Fermer
Résumé : ELOGE DE LA PEINTURE, A M. Soubeyran, très-habile Dessinateur, & fameux Peintre à Geneve ; par un de ses éleves.
Le texte est un éloge de la peinture adressé à M. Soubeyran, un peintre renommé de Genève. L'auteur admire les œuvres de Soubeyran, soulignant la beauté et la précision des traits. Les peintures de Soubeyran capturent la nature avec une telle vivacité que l'on peut presque entendre le chant des oiseaux, sentir l'odeur des fleurs et observer les mouvements des papillons. Il s'émerveille de la capacité de Soubeyran à représenter des paysages éloignés et à donner une impression de profondeur dans ses tableaux. La peinture est louée pour sa capacité à rapprocher les lieux et les temps, permettant de voir des événements historiques obscurs. L'auteur exprime son désir de maîtriser l'art de la peinture pour chanter les bienfaits de cet art. Il souligne que l'art de Soubeyran donne vie aux émotions et aux sentiments, rendant présents des êtres chers malgré la distance ou la mort. L'auteur admire également la capacité de Soubeyran à représenter l'âge et les progrès des personnes, ainsi que les mouvements secrets de l'esprit et de l'âme. Il exprime son zèle pour l'art de Soubeyran et son respect pour le peintre, se réjouissant d'avoir pu profiter de ses enseignements. Enfin, il souhaite être digne de son maître par son goût et ses talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 148-174
ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
Début :
Nous sommes surpris, Monsieur, qu'un homme d'esprit & un aussi bon citoyen [...]
Mots clefs :
Société d'architectes, Architecture, Architecture antique, Architectes, Génie, Public, Paris, Manière, Genre, Goût, Art, Vérité, Réputation, Mérite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
LETTRE A M. L'ABBE' R ***
fur une très - mauvaise plaifanterie qu'il a
laiffe imprimer dans le Mercure du mois
de Décembre 17 54 › par une société d'Architectes
, qui pourroient bien auffi prétendre
être du premier mérite & de la premiere
réputation , quoiqu'ils ne foient pas
de l'Académie.
N
Ousfommes furpris, Monfieur, qu'un
homme d'efprit & un auffi bon citoyen
que vous , ait autorifé un écrit fatyrique
, dont le but eft fi évidemment de
renverser l'Architecture moderne , & de
détruire la confiance que l'on accorde aux
Architectes , en mettant le public à portée
de juger par lui-même du bien ou du mal
des ouvrages que nous faifons pour lui
FEVRIER. 1755. 149
Pouvons-nous croire que vous n'ayez pas
apperçu cette conféquence ? ou que l'ayant
vue vous n'ayez pas eu quelque fcrupule
de vous prêter à décrier des inventions
qui depuis tant de tems font les délices de
Paris , & qu'enfin les étrangers commencent
à goûter avec une avidité finguliere
Il eft aifé de deviner d'où partent ces
plaintes , & nous ne croirons pas auffi
facilement que vous que ce foient fimplement
les idées d'un feul artiſte. C'eſt
un complot formé par plufieurs qui , à la
vérité , ont da mérite dans leur genre ,
mais qui feroient mieux de s'y attacher
que de fe mêler d'un art qui eft fi fort
au- deffus de la fphere de leurs conoiffances.
Nous foupçonnons avec raifon quelques
Peintres célebres de tremper dans
cette conjuration ; malheur à eux fi nous
le découvrons. Ils ont déja pû remarquer
que pour nous avoir fâché , nous avons
fupprimé de tous les édifices modernes
la grande peinture d'hiftoire. Nous leur
avions laiffé par grace quelque deffus de
porte; mais nous les forcerons dans ce dernier
retranchement , & nous les réduirons
à ne plus faire que dé petits tableaux de
modes , & encore en camaïeux . Qu'ils faffent
attention que nous avons l'invention
des vernis : le public a beau fe plaindre de
G iij
So MERCURE DE FRANCE!
leur peu de durée , il fera verni & rever
ni. Cependant nous voulons bien ne pas
attribuer ces critiques à mauvaife volonté,
mais plutôt au malheur qu'ils ont de s'être
formé le goût en Italie. Ils y ont vû ces
reftes d'architecture antique , que tout le
monde eft convenu d'admirer , fans que
nous puiffions deviner pourquoi. C'eft ,
dit-on , un air de grandeur & de fimpli
cité qui en fait le caractere. On y trouve
une régularité fymmétrique , des richeffes
répandues avec économie & entremêlées
de grandes parties qui y donnent du repos
. Ils s'en laiffent éblouir , & reviennent
ici remplis de prétendus , principes , qui ne
font dans le fond que des préjugés , &
qui , grace à la mode agréable que nous
avons amenée , ne peuvent leur être d'aucun
ufage. Nous nous fommes bien gardés
de faire pareille folie ; & tandis que nos
camarades font allés perdre leur tems à
admirer & à étudier avec bien des fatigues
cette trifte architecture , nous nous fommes
appliqués à faire ici des connoiffan
ces & à répandre de toutes parts nos gentilles
productions.
4
On nous a des obligations infinies :
nous avons affaire à une nation gaie qu'il
faut amufer ; nous avons répandu l'agré
ment & la gaieté par tout . Au bon vieux
FEVRIER. 1755 151
4
"
tems on croyoit que les Eglifes devoient
préfenter uunn aaffppeecctt ggrraavvee & même fevere ;
les perfonnes les plus diffipées pouvoient
à peine y entrer, fans s'y trouver pénétrées
d'idées férieufes. Nous avons bien changé
tout cela ; il n'y a pas maintenant de
cabinet de toilette plus joli que les chapelles
que nous y décorons. Si l'on y met
encore quelques tombeaux , nous les contournons
gentiment , nous les dorons par
tout , enfin nous leur ôtons tout ce qu'ils
pourroient avoir de lugubre : il n'y a pas
jufquà nos confeffionaux qui ont un air
de galanterie.
Si l'on a égard à l'avancement de l'art ,
quelle extenfion ne lui avons - nous pas
procuré nous avons multiplié le nombre
des Architectes excellens à tel point que
la quantité en eft prefque innombrable.
Ce talent qui , dans le fyftême de l'architecture
antique , eft hériffé de difficultés ,
devient dans le nôtre la chofe du monde
la plus aifée ; & l'expérience fait voir que
le maître Maçon le plus borné du côté du
deffein & du goût , dès qu'il a travaillé
quelque tems fous nos ordres , fe trouve
en état de fe déclarer architecte , & à bien
peu de chofe près auffi bon que nous .
Nous ajoûterons à la gloire de la France
& à fon avantage , que les étrangers com-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE .
mencent à adopter notre goût , & qu'il y
a apparence qu'ils viendront en foule l'apprendre
chez nous. Les Anglois même , fi
jaloux de notre fupériorité dans tous les
arts , en font devenus fi foux qu'ils en
ont abandonné leur Inigo Jones , & leur
habitude de copier exactement les ouvrages
de Palladio. Ce qui pourra peut- être
nuire à cet avantage , c'eft l'imprudence
qu'on a eu de laiffer graver quelques- unes
de nos décorations de portes & de cheminées
, qui d'abord ont apprêté à rire aux
autres nations , parce qu'ils n'en fentoient
pas toute la beauté ; mais qu'enfuite ils
n'ont pu fe refufer d'imiter. Malheureuſement
ces eftampes dévoilent notre fecret ,
qui d'ailleurs n'eft pas difficile à appren
dre , & l'on peut trouver en tout pays un
grand nombre de génies propres à faifir
ces graces légeres. Au refte , fi cela arrive ,
nous nous en confolerons en citoyens de
l'univers , & nous nous féliciterons d'avoir
rendu tous les hommes architectes à
peu
de frais. Ces grands avantages nous
ont coûté quelques peines ; on ne détruit
pas facilement les idées du beau , reçues
dans une nation éclairée & dans un fiécle
qu'on fe figuroit devoir fervir de modele à
tous ceux qui le fuivroient . Il étoit appuyé
fur les plus grands noms ; il falloit
FEVRIER . 1755 153
trouver auffi quelques noms célebres qui
puffent nous fervir d'appui. On avoit découvert
prefque tout ce qui pouvoit fe
faire de beau dans ce genre , & les génies
ordinaires ne pouvoient prétendre qu'à être
imitateurs ; deux ou trois perfonnes auroient
paru avec éclat , & les autres feroient
demeurées dans l'oubli Il falloit
donc trouver un nouveau genre d'architecture
où chacun pût fe diftinguer , &
faire goûter au public des moyens d'être
habile homme qui fuffent à la portée de
tout le monde : cependant il ne falloit pas
'choquer groffierement les préjugés reçus ,
en mettant tout d'un coup au jour des nouveautés
trop éloignées du goût 1egnant ,
& rifquer de fe faire fifler fans retour.
Le fameux Oppenor nous fervit dans ces
commencemens avec beaucoup de zéle ;
il s'étoit fait une grande réputation par fes
deffeins ; la touche hardie qu'il y donnoit ,
féduifit prefque tout le monde , & on fut
long - tems à s'appercevoir qu'ils ne faifoient
pas le même effet en exécution . Il
fe fervit abondamment de nos ornemens
favoris , & les mit en crédit. Il nous eft
même encore d'une grande utilité , & nous
pouvons compter au nombre des nôtres
ceux qui le prennent pour modele . Cependant
ce n'étoit pas encore l'homme
Gv
154 MERCURE DE FRANCE:
qu'il nous falloit ; il ne pouvoit s'empê
cher de retomber fouvent dans l'architecture
ancienne , qu'il avoit étudiée dans fa
jeuneffe. Nous trouvâmes un appui plus .
folide dans les talens du grand Meiffonnier.
Il avoit à la vérité étudié en
Italie ,
& par conféquent n'étoit pas entierement
des nôtres ; mais comme il y avoit fagement
préféré le goût de Borromini au goût
ennuyeux de l'antique , il s'étoit par là
rapproché de nous ; car le Borromini a rendu
à l'Italie le même fervice que nous
avons rendu à la France , en y introduifant
une architecture gaie & indépendante
de toutes les régles de ce que l'on appelloit
anciennement le bon goût . Les Italiens ont
depuis bien perfectionné cette premiere
tentative , & du côté de l'architecture plai
fante ils ne nous le cédent en rien . Leur
goût n'eft pas le nôtre dans ce nouveau
genre , il est beaucoup plus lourd ; mais
nous avons cela de commun , que nous
avons également abandonné toutes les
vieilles modes pour lefquelles on avoit un
refpect fuperftitieux . Meiffonnier commen-
са à détruire toutes les lignes droites qui
étoient du vieil ufage ; il tourna & fit
bomber les corniches de toutes façons , il
les ceintra en haut & en bas , en devant ,
en arriere , donna des formes à tout , mêFEVRIER.
1755 155
me aux moulures qui en paroiffoient les
moins fufceptibles ; il inventa les contraftes
, c'est-à- dire qu'il bannit la fymmétrie
& qu'il ne fit plus les deux côtés des panneaux
femblables l'un à l'autre ; au contraire
, ces côtés fembloient fe défier à qui
s'éloigneroit le plus , & de la maniere la
plus finguliere , de la ligne droite à laquelle
ils avoient jufqu'alors été affervis .
Rien n'eſt fi admirable que de voir de
-quelle maniere il engageoit les corniches
des marbres les plus durs à fe prêter avec
complaifance aux bizarreries ingénieufes
des formes de cartels ou autres chofes qui
-devoient porter deffus. Les balcons ou les
-rampes d'efcalier n'eurent plus la permiffion
de paffer droit leur chemin ; il leur
fallut ferpenter à fa volonté , & les matieres
les plus roides devinrent fouples fous
fa main triomphante. Ce fut lui qui mic
-en vogue ces charmans contours en S , que
votre auteur croit rendre ridicules , en difant
que leur origine vient des maîtres
Ecrivains ; comme fi les arts ne devoient
pas le prêter des fecours mutuels il les
employa par tout , & à proprement parler
fes deffeins , même pour des plans de bâtimens
, ne furent qu'une combinaifon de
cette forme dans tous les fens poffibles . Il
nous apprit à terminer nos moulures en
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
rouleau , lorfque nous ne fçaurions com
ment les lier les unes aux autres , & mille
autres chofes non moins admirables qu'il
feroit trop long de vous citer : enfin l'on
peut dire que nous n'avons rien produit
depuis dont on ne trouve les femences
dans fes ouvrages. Quels fervices n'a-t- il
pas rendus à l'orfevrerie ? il rejetta bien
loin toutes les formes quarrées , rondes ou
ovales , & toutes ces moulures dont les
ornemens repérés avec exactitude donnent
tant de fujétion ; avec fes chers contours
en S , il remplaça tout. Ce qu'il y a
de particulier , c'eft qu'en moins de rien
l'orfevrerie & les bijoux devinrent trèsaifés
à traiter avec génie. En vain le célebré
Germain voulut s'opposer au torrent
& foutenir le vieux goût dont il avoit été
bercé dans fon enfance , fa réputation même
en fut quelque peu éclipfée , & il fe
vit fouvent préférer Meiffonnier , par l'appui
que nous lui donnions fous main ; cependant
, le croiriez-vous ! ce grand Meiffonnier
n'étoit pas encore notre homme ,
il tenoit trop à ce qu'ils appellent grande.
maniere. De plus il eut l'imprudence de
laiffer graver plufieurs ouvrages de lui , &
mit par là le public à portée de voir que
ce génie immenfe qu'on lui croyoit , n'étoit
qu'une répétition ennuyeufe des mê
FEVRIER. 1755 157
mes formes. Il fe décrédita , & nous l'abandonnâmes
d'autant plus facilement ,
que malgré les fecours que nous lui avions
prêtés pour l'établiſſement de fa réputation
, il ne vouloit point faire corps avec
& nous traitoit hautement d'igno- nous ,
rans : quelle ingratitude !
Nous fimes enfin la découverte du héros
dont nous avions befoin. Ce fut un
Sculpteur , qui n'avoit point pû fe gâter à
Rome , car il n'y avoit point été , bien
qu'il eût vû beaucoup de pays. Il s'étoit
formé avec nous , & avoit fi bien goûté
notre maniere , & fi peu ces prétendues
régles anciennes , que rien ne pouvoit reftreindre
l'abondance de fon génie . Il fçavoit
affez d'architecture ancienne pour ne
pas contrecarrer directement ceux qui y
tenoient avec trop d'obftination ; mais il
la déguifoit avec tant d'adreffe qu'il avoit
le mérite de l'invention , & qu'on ne la
reconnoiffoit qu'à peine. Il allégea toutes
ces moulures & tous ces profils où Oppenor
& Meiffonnier avoient voulu conferver
un caractere qu'ils appelloient mâle ; il
les traita d'une délicateffe qui les fait prefque
échapper à la vûe ; il trouva dans les
mêmes efpaces le moyen d'en mettre fix
fois davantage ; il s'affranchit tout d'un
coup de la loi qu'ils s'étoient follement
18 MERCURE DE FRANCE.
impofée de lier toujours leurs ornemens les
uns aux autres ; il les divifa , les coupa
en mille pieces , toujours terminées par ce
-rouleau qui eft notre principale reffource ;
& afin que ceux qui aimoient la liaiſon
ne s'apperçuffent pas trop de ces interruptions
, il fit paroître des liaiſons apparen
tes , par le fecours d'une fleur , qui ellemême
ne tenoit à rien , ou par quelque légereté
également ingénieufe ; il renonça
pour jamais à la régle & au compas : on
avoit déja banni la fymmetrie , il rencherit
encore là-deffus . S'il lui échappa quelquefois
de faire des panneaux femblables
l'un à l'autre , il mit ces objets fymmétriques
fi loin l'un de l'autre , qu'il auroit
fallu une attention bien fuivie pour s'appercevoir
de leur reffemblance. Aux agra
fes du ceintre des croifées qui ci-devant
ne repréfentoient que la clef de l'arc décorée
, il fubftitua de petits cartels enrichis
de mille gentilleffes & pofés de travers
, dont le pendant fe trouvoit à l'au
tre extrêmité du bâtiment . C'eſt à lui qu'on
doit l'emploi abondant des palmiers , qui
à la vérité avoient été trouvés avant lui ,
& que votre auteur blâme fi ridiculement.
Il établit folidement l'ufage de fupprimer
tous les plafonds , en faifant faire à des
Sculpteurs , à bon marché , de jolies petites
FEVRIER.
1755 159
dentelles en bas- relief , qui réuffirent fi
bien , qu'on prit le fage parti de fupprimer
les corniches des appartemens pour les enrichir
de ces charmantes dentelles . C'eft
notre triomphe que cette profcription des
corniches ; rien ne nous donnoit plus de
fujétion que ces miferes antiques dont on
les ornoit , & aufquelles votre écrivain
paroît fi attaché. Il y falloit une exactitude
& une jufteffe , qui pour peu qu'on y
manquât , fe déceloit d'abord à des yeux
un peu feveres. Nous regrettons encore
ce grand homme , quoique fes merveilleux
talens ayent été remplacés fur le champ
par quantité de Sculpteurs , non moins
abondans que lui dans cette forte de génie.
C'eft à lui que nous avons l'obligation
de cette fupériorité que nous avons acqui
fe , & que nous fçaurons conferver ; & on
peut dire à fa gloire que tout ce qui s'éloigne
du goût antique lui doit fon inven
tion , ou fa perfection.
}
En fuivant fes principes , nous avons
abfolument rejetté tous ces anciens plafonds
chargés de fculptures & de dorures ,
qui à la vérité avoient de la magnificence ,
& contre lefquels nous n'avons rien à dire
, fi ce n'eft qu'ils ne font plus de mode.
En dépit des cris de toute l'Académie de
Peinture , nous avons fçu perfuader à tous
160
MERCURE DE
FRANCE.
tes les
perſonnes chez qui nous avons
quelque crédit , que les plafonds peints
obfcurciffent les
appartemens & les rendent
triftes.
Inutilement veut- on nous repréfenter
que nous avons
juſtement dans
notre fiécle des Peintres , dont la couleur
eft très-agréable , & qui aiment à rendre
leurs tableaux
lumineux ; qu'en traitant
les plafonds d'une couleur claire ils n'auroient
point le
defagrément qu'on reproche
aux anciens , & qu'ils auroient de plus
le mérite de
repréfenter quelque chofe
d'amufant par le fujet , &
d'agréable par
la variété des couleurs. Les Peintres n'y
gagneront rien , ils nous ont irrité en méprifant
nos premieres
productions ; & nous
voulons d'autant plus les perdre que nous
n'efperons pas de pouvoir les gagner ; ils
ne fe rendroient qu'avec des
reftrictions
qui ne font pas de notre goût. Les Sculp
seurs de figures feront auffi compris dans
cette
profcription ; ils feroient encore plus
à portée de nous faire de mauvaiſes chicanes.
Notre
Sculpteur favori nous a don
né mille moyens de nous paffer d'eux : aù
lieu de tout cela il a imaginé une rofette
charmante , qu'à peine on
apperçoit , &
qu'il met au milieu du plancher , à l'endroit
où
s'attache le luftre : voilà ce qu'on
préfère avec raiſon aux plus belles produce
FEVRIER. 1755
161
tions de leur art. Il y a encore un petit
nombre de criards qui répandent par-tour
que le bon goût eft perdu , & qu'il y a
très- peu d'Architectes qui entendent la
décoration ; que c'eft le grand goût de la
décoration qui fait le caractere effentiel
de l'Architecte . Nous détruifons tous ces
argumens , en foutenant hautement que
ce qui diftingue l'Architecte , eft l'art de
la diftribution. Ils ont beau dire qu'elle
n'eft pas auffi difficile que nous voulons
le faire croire , & qu'il eft évident qu'avec
un peu d'intelligence chaque particulier
peut arranger fa maifon d'une maniere
qui lui foit commode , relativement aux
befoins de fon état ; que la difficulté que
le particulier ne fçauroit lever , ni nous
non plus , & qui demande toutes les lumieres
d'un grand architecte , eft d'ajuſter
cette diftribution commode avec une décoration
exacte , fymmétrique , & dans ce
qu'ils appellent le bon goût , foit dans les
dehors , foit dans les dedans voilà juſtement
ce qui nous rendra toujours victorieux.
Comme notre architecture n'a aucunes
régles qui l'aftreignent , qu'elle eſt
commode , & qu'en quelque façon elle
prête , nous nous fommes faits un grand
nombre de partifans qui fatisfaits de notre
facilité à remplir toutes leurs fantaisies ,
162 MERCURE DE FRANCE.
›
nous foutiendront toujours. Nous voudrions
bien voir ces Meffieurs de l'antique
entreprendre de décorer l'extérieur d'un
bâtiment avec toutes les fujétions que
nous leur avons impofées. Comme les plus
grands cris avoient d'abord été contre nos
décorations extérieures , parce qu'elles
étoient expofées à la vûe de tout le monde ;
que d'ailleurs le vuide ne coûte rien à décorer
, & ne donne point de prife à la critique
, nous avons amené la multitude des
fenêtres, qui a parfaitement bien réuffi ; car
il eft infiniment agréable d'avoir trois fenê
tres dans une chambre , qui jadis en auroit
eu à peine deux. Cela donne à la vérité
plus de froid dans l'hiver & plus de chaleur
dans l'été mais que nous importe ? il n'en
-eſt
: pas moins fûr qu'à préſent chacun veut
que fa maifon foit toute percée , & que
-nos Meffieurs du goût ancien , qui ne fçavent
décorer que du plein , n'y trouvent
plus de place. Qu'ils y mettent , s'ils le peutvent
, de leurs fenêtres décorées , qu'ils
tâchent d'y placer leurs frontons à l'antique
, qui , difent - ils , décorent la fenêtre
, & mettent à couvert ceux qui y
font nous y avons remédié en élevant
les fenêtres jufques au haut du plancher.
Rien n'eft fi amufant que de voir un
pauvre architecte revenant d'Italie , à qui
:
FEVRIER. 1755 163
(
"
Ton donne une pareille cage à décorer , ſe
tordre l'imagination pour y appliquer ces
chers principes , qu'il s'eft donné tant de
peine à apprendre ; & s'il lui arrive d'y
réuffir , ce qu'il ne peut fans diminuer les
croifées , c'eſt alors que nous faifons voir
clairement combien fa production eft trifte
& mauffade . Vous ne verrez pas clair chez
vous , leur difons- nous , vous n'aurez pas
d'air pour refpirer , à peine verrez- vous le
foleil dans les beaux jours : ces nouveaux artiftes
fe retirent confus,& font enfin obligés
de fe joindre à nous , pour trouver jour à
percer dans le monde. Nous n'avons pas encore
entierement abandonné les frontons
dont les anciens fe fervoient pour terminer
le haut de leurs bâtimens , & qui repréfentoient
le toît , quoique nous aimions bien
mieux employer certaines terminaiſons en
façon d'orfevrerie , qui font de notre crû.
A l'égard des frontons , nous avons du
moins trouvé le moyen de les placer ou
on ne s'attendoit pas à les voir ; nous les
mettons au premier étage , & plus heureufement
encore au fecond ; & nous ne manquons
gueres d'élever un étage au -deffus
, afin qu'ils ayent le moins de rapport
qu'il eft poffible avec ceux des anciens.
Nous avons ou peu s'en faut , banni les
colonnes , uniquement parce que c'eft un
164 MERCURE DE FRANCE
→
des plus beaux ornemens de ce trifte goût
ancien , & nous ne les rétablirons que
lorfque nous aurons trouvé le moyen de
les rendre fi nouvelles qu'elles n'ayent plus
aucune reffemblance avec toutes ces antiquailles.
D'ailleurs elles ne fçauroient s'accommoder
avec nos gentilleffes légeres ,
elles font paroître mefquin tout ce qui
les accompagne. Beaucoup de gens tenoient
encore à cette forte d'ornement , qui leur
paroiffoit avoir une grande beauté mais
nous avons fçu perfuader aux uns , que
cela coûtoit beaucoup plus que toutes les
chofes que nous leur faifions , quoique
peut-être en économifant bien , cela pût
ne revenir qu'à la même dépenſe ; aux
autres , que cette décoration ne convenoit
point à leur état , & qu'elle étoit reſervée
pour les temples de Dieu & les palais des
Rois ; que quelques énormes dépenfes que
nous leur fiffions faire chez eux , perfonne
n'en fçauroit rien , quoiqu'ils le fiffent
voir à tout le monde ; au lieu qu'une petite
colonnade , qui ne coûteroit peut-être
gueres , feroit un bruit épouventable dans
Paris. Nous avons accepté les pilaftres jufqu'à
un certain point , c'eft- à- dire forfque
nous avons pû les dépayfer par des
chapiteaux divertiffans. Les piédeftaux font
auffi reçus chez nous , mais nous avons
FEVRIER. 1755. 165
·
trouvé l'art de les contourner , en élargiffant
par le bas , comme s'ils crevoient fous
le fardeau , ou plus gaiement encore , en
les faifant enfler du haut , & toujours en
S, comme s'ils réuniffoient leur force en
cę lieu
ce pour mieux porter. Mais où notre
génie triomphe , c'eſt dans les bordures
des deffus de porte , que nous pouvons
nous vanter d'avoir varié prefque à l'infini.
Les Peintres nous en maudiffent , parce
qu'ils ne fçavent comment compofer leurs
fujets avec les incurfions que nos ornemens
font fur leur toile ; mais tant pis
pour eux : lorfque nous faifons une fi grande
dépenfe de génie , ils peuvent bien auffi
s'évertuer ; ce font des efpéces de bouts
rimés que nous leur donnons à remplir.
Il auroit pû refter quelque reffource à la
vieille architecture pour fe produire à Paris
; mais nous avons coupé l'arbre dans fa
racine , en annonçant la mode des petits
appartemens , & nous avons fappé l'ancien
préjugé , qui vouloit que les perfonnes
diftinguées par leur état caffent un appar !
tement de répréfentation grand & magnifique.
Nous efperons que dorénavant la
regle fera que plus la perfonne fera élevée
en dignité , plus fon appartement fera
patit : vous voyez qu'alors il fera difficile
de nous faire defemparer, Ceux qui poure
GG MERCURE DE FRANCE.
ront faire de la dépenfe , ne la feront qu'en
petit , & s'adrefferont à nous. Il ne reſtera
pour occuper ces Meffieurs , que ceux qui
n'ont pas le moyen de rien faire.
Voyez , je vous prie , l'impertinence de
votre auteur critique ; il s'ennuye , dit- il ,
de voir par-tout des croifées ceintrées ,
mais il n'ofe pas difconvenir que cette forte
de croifée ne foit bonne . Peut-on avoir
trop d'une bonne chofe ? & pourquoi veutil
qu'on aille fe fatiguer l'imagination pour
trouver des variétés , lorfqu'une chofe eft
de mode , & qu'on eft fûr du fuccès ? Ne
voit-il pas que toutes nos portes , nos cheminées
, nos fenêtres , avec leur plat-bandeau
, font à peu près la même choſe :
puifqu'on en eft content , pourquoi fe tuer
à en chercher d'autres ? Il blâme nos portes
oùles moulures fe tournent circulairement ;
invention heureuſe que nous appliquons à
tout avec le plus grand fuccès. Il faut :
qu'il foit bien étranger lui-même dans
Paris , pour ne pas fçavoir de qui nous
la - tenons. C'est d'un Architecte à qui les
amateurs de l'antique donnent le nom de
grand. Le célébre François Manſard la
employée dans fon portail des Filles de :
Sainte Marie , rue Saint Antoine ; voilà
une autorité qu'il ne peut recufer.Pour vous
faire voir combien cette forte de fronton
FEVRIER. 1755 . 1671
7
réuffit quand elle eft traitée à notre façon ,
& combien elle l'emporte fur l'architecture
ancienne ; comparez le portail des Capucines
de la place de Louis le Grand ,
morceau fi admirable qu'on vient de le
reftaurer , de peur que la poſtérité n'en fût
privée ; comparez- le avec le portail à colonnes
de l'Affomption , qui n'en eft pas
loin , & vous toucherez au doigt la différence
qui eft entre nous & les Architectes:
du fiécle paffé.
Mais laiffons là ce critique ; ce feroitperdre
le tems que de s'amufer à lui démontrer
en détail l'abfurdité de fes jugemens.
Nous ne vous diffimulerons pas que
nous fommes actuellement dans une pofi-:
tion un peu critique , & qu'une révolu-.
tion dans le goût de l'architecture nous
paroîtroit prochaine fi nous la croyions
poffible. Il fe rencontre actuellement plufeurs
obftacles à nos progrès ; maudite
foit cette architecture antique , fa féduction
, dont on a bien de la peine à revenir
lorfqu'une fois on s'y eft laiffé prendre
nous a enlevé un protecteur qui auroit
peut- être été pour nous l'appui le plus fo
lide , fi nous avions été chargés du foin
de l'endocriner. Pourquoi aller chercher
bien loin ce qu'on peut trouver chez foi
nous amufons en inftruifant ; ne peut-on
168 MERCURE DE FRANCE.
pas ſe former le goût en voyant nos deffeins
de boudoirs , de garde-robes , de
pavillons à la Turque , de cabinets à la
Chinoife ? Est- ce quelque chofe de fort
agréable que cette Eglife demefurée de S.
Pierre , ou que cette rotonde antique , dont
le portail n'a qu'un ordre dans une hauteur
où nous , qui avons du génie , aurions
trouvé de la place pour en mettre au moins
trois il n'eft pas concevable qu'on puiffe
balancer. Cependant cette perte eft irrépa
rable : cela eft defolant ; car tous les projets
que nous préfentons paroiffent comiques
à des yeux ainfi prévenus . Nous avons
même tenté de mêler quelque chofe d'antique
dans nos deffeins , voyez quel facrifice
! pour faire paffer avec notre marchandife
, tout cela fans fuccès : on nous
devine d'abord.
Autre obſtacle qui eft une fuite du premier.
Les bâtimens du Roi nous ont donné
une exclufion totale ; tout ce qui s'y
fait fent la vieille architecture , & ce même
public , que nous comptions avoir ſubjugué
, s'écrie : voilà qui eft beau. Il y a
une fatalité attachée à cette vieille mode ,.
par-tout où elle fe montre elle nous dépare
; l'Académie même a peine à fe défendre
de cette contagion , il femble qu'elle
ne veuille plus donner de prix qu'à ceux
qui
FEVRIER. 1755. 169'
I
qui s'approchent le plus du goût de l'antique.
Cela nous expofe à des avanies , de
la part même de ces jeunes étourdis , qui fe
donnent les airs de rire de notre goût moderne.
Cette confpiration eft bien foutenue
; car , à ne vous rien céler , il y a encore
plufieurs Architectes de réputation
& même qui n'ont pas vû l'Italie , mais
qui par choix en ont adopté le goût , que
nous n'avons jamais pû attirer dans notre
parti . Il y a plus ; quelques - uns que nous
avons crû long tems des nôtres , à la
miere occafion qu'ils ont eu de faire quelque
chofe de remarquable , nous ont laiffés
là , & fe font jettés dans l'ancien
goût.
pre-
Vous êtes , fans doute , pénétré de compaffion
à la vûe du danger où nous nous
trouvons , & nous vous faifons pitié ; mais
confolez- vous , nous avons dés reffources
; nous fçaurons bien arrêter ces nouveaux
débarqués d'Italie . Nous leur oppoferons
tant d'obftacles que nous les empêcherons
de rien faire , & peut- être les'
forcerons-nous d'aller chez l'étranger exercer
des talens qui nous déplaifent. Ils aiment
à employer des colonnades avec des
architraves en plate - bande ; nous en déclarerons
la bâtiffe impoffible. Ils auront
beau citer la colonnade du Louvre , la
H
170 MERCURE DE FRANCE.
chapelle de Verſailles , & autres bâtimens
dont on ne peut contefter la folidité ; qui
eft - ce qui les en croira ? leur voix fera- telle
d'un plus grand poids que celle de
gens qui ont bâti des petites maifons par
milliers dans Paris ? mais voici l'argument
invincible que nous leur gardons pour le
dernier. Nous leur demanderons ce qu'ils
ont bâti : il faudra bien qu'ils conviennent
qu'ils n'en ont point encore eu l'occafion .
C'est là où nous les attendons : comment ,
dirons- nous , quelle imprudence ! confier
un bâtiment à un jeune homme fans expérience
? Cette objection eft fans réplique.
On ne s'avifera pas de faire réflexion
qu'un jeune homme de mérite , & d'un
caractere docile , peut facilement s'affocier
un homme qui , fans prétendre à la décoration
, ait une longue pratique du bâtiment
, & lui donneroit les confeils néceffaires
, en cas qu'il hazardât quelque chofe
de trop hardi ; que d'ailleurs il Y auroit
dans Paris bien des maifons en ruines , fi
le premier bâtiment de chaque Architecte
manquoit de folidité.
Au refte , ne croyez point que ce foit
dans le deffein de nuire à ces jeunes gens
que nous leur ferons ces difficultés : c'eft
uniquement pour leur bien , & pour leur
donner le tems , pendant quelques années ,
FEVRIER.
1755.171.
d'apprendre le bon goût que nous avons
établi , & de quitter leurs préjugés ultramontains
nous avons l'expérience que
cela a rarement manqué de nous réuffic .
: Si donc vous connoiffez cette fociété .
d'Artiſtes qui prend la liberté de nous blâmer
, avertiffez-les d'être plus retenus à
l'avenir ; leurs critiques font fuperflues.
Le public nous aime , nous l'avons accoutumé
à nous d'ailleurs chacun de ceux
qui font bâtir , même des édifices publics
, eft perfuadé que quiconque a les
fonds pour bâtir , a de droit les connoiffances
néceffaires pour le bien faire. Peuton
manquer de goût quand on a de l'argent
? Nous fommes déja fûrs des Procureurs
de la plupart des Communautés ,
des Marguilliers de prefque toutes les
Paroiffes , & de tant d'autres qui font
à la tête des entrepriſes. Enfin foyez certains
que nous & nos amis nous ferons
toujours le plus grand nombre. Nous fommes
, &c.
On voit que le faux bel efprit gagne les
beaux arts , ainfi que les belles- lettres . On
force la nature dans tous les genres , on
contourne les figures , on met tout en S :
qu'il y a de Meiffonniers en poëfie & en
éloquence , comme en architecture !
レン
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
ARC DE TRIOMPHE à la gloire du Roi ,
qui a été élevé, fur les deffeins du Chevalier
Servandoni , le jour que M. le Duc de Gefvres
a pofé , au nom de Sa Majefté , la premiere
pierre de la place commencée devant
l'Eglife de S. Sulpice le 2 Octobre 1754 :
dédié à M. Dulau d'Allemans , Curé de S.
Sulpice , gravé par P. Patte , & fe vend
chez lui rue des Noyers , la fixieme porte .
cochere à droite en entrant par la rue Saint·
Jacques , grandeur de la feuille du nom de
Jefus. Prix 1 liv. 10 fols. I
L'eftampe que nous annonçons eft gravée
à l'aide d'une feule taille , ou ligne , à
peu près dans la maniere dont le célébre
Piranefi s'eft fervi pour rendre fes compofitions
d'architecture , dont les connoiffeurs
font tant de cas. Il feroit peut- être à fouhaiter
que cette manoeuvre de gravûre fut
ufitée en France ; elle pourroit donner à
nos eftampes d'architecture une perfection
qu'elles n'ont point eu jufqu'à préfent. En
effet , la pratique d'exprimer les ombres
dans les gravûres ordinaires de nos édifices
par deux tailles , c'eft-à- dire par deux ;
lignes qui s'entrecoupent quarrément ou
ea lofange , rend à la vérité ce genre de
gravûre aifé & expéditif ; mais elle lui ,
donne un air froid , commun , & une dureté
qui femble faire une efpéce d'injure
FEVRIER. 1755. 173
aux yeux ; c'eſt le jugement qu'ont tou-
-jours porté nos artiftes fur ces fortes d'ef
tampes. Auffi peut-on remarquer qu'on
n'a pas crû. devoir accorder à leurs Graveurs
aucune place dans nos Académies ,
foit de peinture , foit d'architecture ; ce
que l'on eût fait affurément , fi leurs talens
euffent paru aux connoiffeurs devoir
mériter quelque diftinction . On a effayé ,
dans la planche que nous propofons , de
mettre ce genre de gravûre dans quelque
eftime , par une nouvelle manoeuvre qui
fente l'art , & qui remédie aux défauts de
l'ancienne. Chaque ombre y eft énoncée
par une feule ligne , plus ou moins groffe
ou ferrée , dont la direction exprime continuellement
la perſpective du corps d'architecture
fur lequel elle eft portée. Afin d'ôter
toute dureté , on a affecté de ne point terminer
les extrêmités de chaque ombre par
aucune ligne , mais feulement par la fin de
toutes les lignes , qui forme l'ombre , ce qui
femble affez bien imiter les arrêtes de la pierre,
lefquelles confervent toujours une efpéce
de rondeur. Toutes les teintes générales ,
quelles qu'elles foient , y font exprimées
à la pointe féche , ce qui eft propre à donner
à cette gravûre un ton fuave , qui
femble participer de cette couleur aërienne
répandue fur la furface de nos bâtimens ;
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
ton auquel on ne peut atteindre avec le
fecours de l'eau forte , comme on le pratique
ordinairement. Au refte , c'eft à la
-vue de cette planche à parler en faveur des
avantages de fa nouvelle manoeuvre , & on
fe flatte qu'elle convaincra fans peine que
cette maniere de faire eft bien plus favora
ble que l'autre pour les effets de la perf
pective ; qu'elle eft analogue à la maniere
dont on deffine l'architecture à la plume ,
:& que la parfaite égalité qu'elle demande
doit fatisfaire agréablement la vue des fçavans
comme des ignorans ; quelques lignes
plus ou moins ferrées dans les ombres
étant capables d'y faire une difcordance
de ton irrémédiable , & qui faute aux yeux
de chacun . Cette maniere de traiter l'architecture
eft ; il eft vrai , très-laborieufe
& difficile à bien exécuter ; mais elle
pour-
.roit donner un prix à nos eftampes d'architecture
, & les élever à décorer avec diftinction
les cabinets des curieux.
F
C'eft aux artistes à apprécier ces réflexions,
par la comparaifon de l'eftampe qu'on leur
offre , avec celles que nous avons dans le
genre oppofé. Le feul but que l'on fe propofe
en les faifant , eft de contribuer à la
perfection d'un genre de gravure que l'on
n'a peut- être pas affez cherché jufqu'ici à
rendre recommendable,
fur une très - mauvaise plaifanterie qu'il a
laiffe imprimer dans le Mercure du mois
de Décembre 17 54 › par une société d'Architectes
, qui pourroient bien auffi prétendre
être du premier mérite & de la premiere
réputation , quoiqu'ils ne foient pas
de l'Académie.
N
Ousfommes furpris, Monfieur, qu'un
homme d'efprit & un auffi bon citoyen
que vous , ait autorifé un écrit fatyrique
, dont le but eft fi évidemment de
renverser l'Architecture moderne , & de
détruire la confiance que l'on accorde aux
Architectes , en mettant le public à portée
de juger par lui-même du bien ou du mal
des ouvrages que nous faifons pour lui
FEVRIER. 1755. 149
Pouvons-nous croire que vous n'ayez pas
apperçu cette conféquence ? ou que l'ayant
vue vous n'ayez pas eu quelque fcrupule
de vous prêter à décrier des inventions
qui depuis tant de tems font les délices de
Paris , & qu'enfin les étrangers commencent
à goûter avec une avidité finguliere
Il eft aifé de deviner d'où partent ces
plaintes , & nous ne croirons pas auffi
facilement que vous que ce foient fimplement
les idées d'un feul artiſte. C'eſt
un complot formé par plufieurs qui , à la
vérité , ont da mérite dans leur genre ,
mais qui feroient mieux de s'y attacher
que de fe mêler d'un art qui eft fi fort
au- deffus de la fphere de leurs conoiffances.
Nous foupçonnons avec raifon quelques
Peintres célebres de tremper dans
cette conjuration ; malheur à eux fi nous
le découvrons. Ils ont déja pû remarquer
que pour nous avoir fâché , nous avons
fupprimé de tous les édifices modernes
la grande peinture d'hiftoire. Nous leur
avions laiffé par grace quelque deffus de
porte; mais nous les forcerons dans ce dernier
retranchement , & nous les réduirons
à ne plus faire que dé petits tableaux de
modes , & encore en camaïeux . Qu'ils faffent
attention que nous avons l'invention
des vernis : le public a beau fe plaindre de
G iij
So MERCURE DE FRANCE!
leur peu de durée , il fera verni & rever
ni. Cependant nous voulons bien ne pas
attribuer ces critiques à mauvaife volonté,
mais plutôt au malheur qu'ils ont de s'être
formé le goût en Italie. Ils y ont vû ces
reftes d'architecture antique , que tout le
monde eft convenu d'admirer , fans que
nous puiffions deviner pourquoi. C'eft ,
dit-on , un air de grandeur & de fimpli
cité qui en fait le caractere. On y trouve
une régularité fymmétrique , des richeffes
répandues avec économie & entremêlées
de grandes parties qui y donnent du repos
. Ils s'en laiffent éblouir , & reviennent
ici remplis de prétendus , principes , qui ne
font dans le fond que des préjugés , &
qui , grace à la mode agréable que nous
avons amenée , ne peuvent leur être d'aucun
ufage. Nous nous fommes bien gardés
de faire pareille folie ; & tandis que nos
camarades font allés perdre leur tems à
admirer & à étudier avec bien des fatigues
cette trifte architecture , nous nous fommes
appliqués à faire ici des connoiffan
ces & à répandre de toutes parts nos gentilles
productions.
4
On nous a des obligations infinies :
nous avons affaire à une nation gaie qu'il
faut amufer ; nous avons répandu l'agré
ment & la gaieté par tout . Au bon vieux
FEVRIER. 1755 151
4
"
tems on croyoit que les Eglifes devoient
préfenter uunn aaffppeecctt ggrraavvee & même fevere ;
les perfonnes les plus diffipées pouvoient
à peine y entrer, fans s'y trouver pénétrées
d'idées férieufes. Nous avons bien changé
tout cela ; il n'y a pas maintenant de
cabinet de toilette plus joli que les chapelles
que nous y décorons. Si l'on y met
encore quelques tombeaux , nous les contournons
gentiment , nous les dorons par
tout , enfin nous leur ôtons tout ce qu'ils
pourroient avoir de lugubre : il n'y a pas
jufquà nos confeffionaux qui ont un air
de galanterie.
Si l'on a égard à l'avancement de l'art ,
quelle extenfion ne lui avons - nous pas
procuré nous avons multiplié le nombre
des Architectes excellens à tel point que
la quantité en eft prefque innombrable.
Ce talent qui , dans le fyftême de l'architecture
antique , eft hériffé de difficultés ,
devient dans le nôtre la chofe du monde
la plus aifée ; & l'expérience fait voir que
le maître Maçon le plus borné du côté du
deffein & du goût , dès qu'il a travaillé
quelque tems fous nos ordres , fe trouve
en état de fe déclarer architecte , & à bien
peu de chofe près auffi bon que nous .
Nous ajoûterons à la gloire de la France
& à fon avantage , que les étrangers com-
Giv
152 MERCURE DE FRANCE .
mencent à adopter notre goût , & qu'il y
a apparence qu'ils viendront en foule l'apprendre
chez nous. Les Anglois même , fi
jaloux de notre fupériorité dans tous les
arts , en font devenus fi foux qu'ils en
ont abandonné leur Inigo Jones , & leur
habitude de copier exactement les ouvrages
de Palladio. Ce qui pourra peut- être
nuire à cet avantage , c'eft l'imprudence
qu'on a eu de laiffer graver quelques- unes
de nos décorations de portes & de cheminées
, qui d'abord ont apprêté à rire aux
autres nations , parce qu'ils n'en fentoient
pas toute la beauté ; mais qu'enfuite ils
n'ont pu fe refufer d'imiter. Malheureuſement
ces eftampes dévoilent notre fecret ,
qui d'ailleurs n'eft pas difficile à appren
dre , & l'on peut trouver en tout pays un
grand nombre de génies propres à faifir
ces graces légeres. Au refte , fi cela arrive ,
nous nous en confolerons en citoyens de
l'univers , & nous nous féliciterons d'avoir
rendu tous les hommes architectes à
peu
de frais. Ces grands avantages nous
ont coûté quelques peines ; on ne détruit
pas facilement les idées du beau , reçues
dans une nation éclairée & dans un fiécle
qu'on fe figuroit devoir fervir de modele à
tous ceux qui le fuivroient . Il étoit appuyé
fur les plus grands noms ; il falloit
FEVRIER . 1755 153
trouver auffi quelques noms célebres qui
puffent nous fervir d'appui. On avoit découvert
prefque tout ce qui pouvoit fe
faire de beau dans ce genre , & les génies
ordinaires ne pouvoient prétendre qu'à être
imitateurs ; deux ou trois perfonnes auroient
paru avec éclat , & les autres feroient
demeurées dans l'oubli Il falloit
donc trouver un nouveau genre d'architecture
où chacun pût fe diftinguer , &
faire goûter au public des moyens d'être
habile homme qui fuffent à la portée de
tout le monde : cependant il ne falloit pas
'choquer groffierement les préjugés reçus ,
en mettant tout d'un coup au jour des nouveautés
trop éloignées du goût 1egnant ,
& rifquer de fe faire fifler fans retour.
Le fameux Oppenor nous fervit dans ces
commencemens avec beaucoup de zéle ;
il s'étoit fait une grande réputation par fes
deffeins ; la touche hardie qu'il y donnoit ,
féduifit prefque tout le monde , & on fut
long - tems à s'appercevoir qu'ils ne faifoient
pas le même effet en exécution . Il
fe fervit abondamment de nos ornemens
favoris , & les mit en crédit. Il nous eft
même encore d'une grande utilité , & nous
pouvons compter au nombre des nôtres
ceux qui le prennent pour modele . Cependant
ce n'étoit pas encore l'homme
Gv
154 MERCURE DE FRANCE:
qu'il nous falloit ; il ne pouvoit s'empê
cher de retomber fouvent dans l'architecture
ancienne , qu'il avoit étudiée dans fa
jeuneffe. Nous trouvâmes un appui plus .
folide dans les talens du grand Meiffonnier.
Il avoit à la vérité étudié en
Italie ,
& par conféquent n'étoit pas entierement
des nôtres ; mais comme il y avoit fagement
préféré le goût de Borromini au goût
ennuyeux de l'antique , il s'étoit par là
rapproché de nous ; car le Borromini a rendu
à l'Italie le même fervice que nous
avons rendu à la France , en y introduifant
une architecture gaie & indépendante
de toutes les régles de ce que l'on appelloit
anciennement le bon goût . Les Italiens ont
depuis bien perfectionné cette premiere
tentative , & du côté de l'architecture plai
fante ils ne nous le cédent en rien . Leur
goût n'eft pas le nôtre dans ce nouveau
genre , il est beaucoup plus lourd ; mais
nous avons cela de commun , que nous
avons également abandonné toutes les
vieilles modes pour lefquelles on avoit un
refpect fuperftitieux . Meiffonnier commen-
са à détruire toutes les lignes droites qui
étoient du vieil ufage ; il tourna & fit
bomber les corniches de toutes façons , il
les ceintra en haut & en bas , en devant ,
en arriere , donna des formes à tout , mêFEVRIER.
1755 155
me aux moulures qui en paroiffoient les
moins fufceptibles ; il inventa les contraftes
, c'est-à- dire qu'il bannit la fymmétrie
& qu'il ne fit plus les deux côtés des panneaux
femblables l'un à l'autre ; au contraire
, ces côtés fembloient fe défier à qui
s'éloigneroit le plus , & de la maniere la
plus finguliere , de la ligne droite à laquelle
ils avoient jufqu'alors été affervis .
Rien n'eſt fi admirable que de voir de
-quelle maniere il engageoit les corniches
des marbres les plus durs à fe prêter avec
complaifance aux bizarreries ingénieufes
des formes de cartels ou autres chofes qui
-devoient porter deffus. Les balcons ou les
-rampes d'efcalier n'eurent plus la permiffion
de paffer droit leur chemin ; il leur
fallut ferpenter à fa volonté , & les matieres
les plus roides devinrent fouples fous
fa main triomphante. Ce fut lui qui mic
-en vogue ces charmans contours en S , que
votre auteur croit rendre ridicules , en difant
que leur origine vient des maîtres
Ecrivains ; comme fi les arts ne devoient
pas le prêter des fecours mutuels il les
employa par tout , & à proprement parler
fes deffeins , même pour des plans de bâtimens
, ne furent qu'une combinaifon de
cette forme dans tous les fens poffibles . Il
nous apprit à terminer nos moulures en
G vj
156 MERCURE DE FRANCE.
rouleau , lorfque nous ne fçaurions com
ment les lier les unes aux autres , & mille
autres chofes non moins admirables qu'il
feroit trop long de vous citer : enfin l'on
peut dire que nous n'avons rien produit
depuis dont on ne trouve les femences
dans fes ouvrages. Quels fervices n'a-t- il
pas rendus à l'orfevrerie ? il rejetta bien
loin toutes les formes quarrées , rondes ou
ovales , & toutes ces moulures dont les
ornemens repérés avec exactitude donnent
tant de fujétion ; avec fes chers contours
en S , il remplaça tout. Ce qu'il y a
de particulier , c'eft qu'en moins de rien
l'orfevrerie & les bijoux devinrent trèsaifés
à traiter avec génie. En vain le célebré
Germain voulut s'opposer au torrent
& foutenir le vieux goût dont il avoit été
bercé dans fon enfance , fa réputation même
en fut quelque peu éclipfée , & il fe
vit fouvent préférer Meiffonnier , par l'appui
que nous lui donnions fous main ; cependant
, le croiriez-vous ! ce grand Meiffonnier
n'étoit pas encore notre homme ,
il tenoit trop à ce qu'ils appellent grande.
maniere. De plus il eut l'imprudence de
laiffer graver plufieurs ouvrages de lui , &
mit par là le public à portée de voir que
ce génie immenfe qu'on lui croyoit , n'étoit
qu'une répétition ennuyeufe des mê
FEVRIER. 1755 157
mes formes. Il fe décrédita , & nous l'abandonnâmes
d'autant plus facilement ,
que malgré les fecours que nous lui avions
prêtés pour l'établiſſement de fa réputation
, il ne vouloit point faire corps avec
& nous traitoit hautement d'igno- nous ,
rans : quelle ingratitude !
Nous fimes enfin la découverte du héros
dont nous avions befoin. Ce fut un
Sculpteur , qui n'avoit point pû fe gâter à
Rome , car il n'y avoit point été , bien
qu'il eût vû beaucoup de pays. Il s'étoit
formé avec nous , & avoit fi bien goûté
notre maniere , & fi peu ces prétendues
régles anciennes , que rien ne pouvoit reftreindre
l'abondance de fon génie . Il fçavoit
affez d'architecture ancienne pour ne
pas contrecarrer directement ceux qui y
tenoient avec trop d'obftination ; mais il
la déguifoit avec tant d'adreffe qu'il avoit
le mérite de l'invention , & qu'on ne la
reconnoiffoit qu'à peine. Il allégea toutes
ces moulures & tous ces profils où Oppenor
& Meiffonnier avoient voulu conferver
un caractere qu'ils appelloient mâle ; il
les traita d'une délicateffe qui les fait prefque
échapper à la vûe ; il trouva dans les
mêmes efpaces le moyen d'en mettre fix
fois davantage ; il s'affranchit tout d'un
coup de la loi qu'ils s'étoient follement
18 MERCURE DE FRANCE.
impofée de lier toujours leurs ornemens les
uns aux autres ; il les divifa , les coupa
en mille pieces , toujours terminées par ce
-rouleau qui eft notre principale reffource ;
& afin que ceux qui aimoient la liaiſon
ne s'apperçuffent pas trop de ces interruptions
, il fit paroître des liaiſons apparen
tes , par le fecours d'une fleur , qui ellemême
ne tenoit à rien , ou par quelque légereté
également ingénieufe ; il renonça
pour jamais à la régle & au compas : on
avoit déja banni la fymmetrie , il rencherit
encore là-deffus . S'il lui échappa quelquefois
de faire des panneaux femblables
l'un à l'autre , il mit ces objets fymmétriques
fi loin l'un de l'autre , qu'il auroit
fallu une attention bien fuivie pour s'appercevoir
de leur reffemblance. Aux agra
fes du ceintre des croifées qui ci-devant
ne repréfentoient que la clef de l'arc décorée
, il fubftitua de petits cartels enrichis
de mille gentilleffes & pofés de travers
, dont le pendant fe trouvoit à l'au
tre extrêmité du bâtiment . C'eſt à lui qu'on
doit l'emploi abondant des palmiers , qui
à la vérité avoient été trouvés avant lui ,
& que votre auteur blâme fi ridiculement.
Il établit folidement l'ufage de fupprimer
tous les plafonds , en faifant faire à des
Sculpteurs , à bon marché , de jolies petites
FEVRIER.
1755 159
dentelles en bas- relief , qui réuffirent fi
bien , qu'on prit le fage parti de fupprimer
les corniches des appartemens pour les enrichir
de ces charmantes dentelles . C'eft
notre triomphe que cette profcription des
corniches ; rien ne nous donnoit plus de
fujétion que ces miferes antiques dont on
les ornoit , & aufquelles votre écrivain
paroît fi attaché. Il y falloit une exactitude
& une jufteffe , qui pour peu qu'on y
manquât , fe déceloit d'abord à des yeux
un peu feveres. Nous regrettons encore
ce grand homme , quoique fes merveilleux
talens ayent été remplacés fur le champ
par quantité de Sculpteurs , non moins
abondans que lui dans cette forte de génie.
C'eft à lui que nous avons l'obligation
de cette fupériorité que nous avons acqui
fe , & que nous fçaurons conferver ; & on
peut dire à fa gloire que tout ce qui s'éloigne
du goût antique lui doit fon inven
tion , ou fa perfection.
}
En fuivant fes principes , nous avons
abfolument rejetté tous ces anciens plafonds
chargés de fculptures & de dorures ,
qui à la vérité avoient de la magnificence ,
& contre lefquels nous n'avons rien à dire
, fi ce n'eft qu'ils ne font plus de mode.
En dépit des cris de toute l'Académie de
Peinture , nous avons fçu perfuader à tous
160
MERCURE DE
FRANCE.
tes les
perſonnes chez qui nous avons
quelque crédit , que les plafonds peints
obfcurciffent les
appartemens & les rendent
triftes.
Inutilement veut- on nous repréfenter
que nous avons
juſtement dans
notre fiécle des Peintres , dont la couleur
eft très-agréable , & qui aiment à rendre
leurs tableaux
lumineux ; qu'en traitant
les plafonds d'une couleur claire ils n'auroient
point le
defagrément qu'on reproche
aux anciens , & qu'ils auroient de plus
le mérite de
repréfenter quelque chofe
d'amufant par le fujet , &
d'agréable par
la variété des couleurs. Les Peintres n'y
gagneront rien , ils nous ont irrité en méprifant
nos premieres
productions ; & nous
voulons d'autant plus les perdre que nous
n'efperons pas de pouvoir les gagner ; ils
ne fe rendroient qu'avec des
reftrictions
qui ne font pas de notre goût. Les Sculp
seurs de figures feront auffi compris dans
cette
profcription ; ils feroient encore plus
à portée de nous faire de mauvaiſes chicanes.
Notre
Sculpteur favori nous a don
né mille moyens de nous paffer d'eux : aù
lieu de tout cela il a imaginé une rofette
charmante , qu'à peine on
apperçoit , &
qu'il met au milieu du plancher , à l'endroit
où
s'attache le luftre : voilà ce qu'on
préfère avec raiſon aux plus belles produce
FEVRIER. 1755
161
tions de leur art. Il y a encore un petit
nombre de criards qui répandent par-tour
que le bon goût eft perdu , & qu'il y a
très- peu d'Architectes qui entendent la
décoration ; que c'eft le grand goût de la
décoration qui fait le caractere effentiel
de l'Architecte . Nous détruifons tous ces
argumens , en foutenant hautement que
ce qui diftingue l'Architecte , eft l'art de
la diftribution. Ils ont beau dire qu'elle
n'eft pas auffi difficile que nous voulons
le faire croire , & qu'il eft évident qu'avec
un peu d'intelligence chaque particulier
peut arranger fa maifon d'une maniere
qui lui foit commode , relativement aux
befoins de fon état ; que la difficulté que
le particulier ne fçauroit lever , ni nous
non plus , & qui demande toutes les lumieres
d'un grand architecte , eft d'ajuſter
cette diftribution commode avec une décoration
exacte , fymmétrique , & dans ce
qu'ils appellent le bon goût , foit dans les
dehors , foit dans les dedans voilà juſtement
ce qui nous rendra toujours victorieux.
Comme notre architecture n'a aucunes
régles qui l'aftreignent , qu'elle eſt
commode , & qu'en quelque façon elle
prête , nous nous fommes faits un grand
nombre de partifans qui fatisfaits de notre
facilité à remplir toutes leurs fantaisies ,
162 MERCURE DE FRANCE.
›
nous foutiendront toujours. Nous voudrions
bien voir ces Meffieurs de l'antique
entreprendre de décorer l'extérieur d'un
bâtiment avec toutes les fujétions que
nous leur avons impofées. Comme les plus
grands cris avoient d'abord été contre nos
décorations extérieures , parce qu'elles
étoient expofées à la vûe de tout le monde ;
que d'ailleurs le vuide ne coûte rien à décorer
, & ne donne point de prife à la critique
, nous avons amené la multitude des
fenêtres, qui a parfaitement bien réuffi ; car
il eft infiniment agréable d'avoir trois fenê
tres dans une chambre , qui jadis en auroit
eu à peine deux. Cela donne à la vérité
plus de froid dans l'hiver & plus de chaleur
dans l'été mais que nous importe ? il n'en
-eſt
: pas moins fûr qu'à préſent chacun veut
que fa maifon foit toute percée , & que
-nos Meffieurs du goût ancien , qui ne fçavent
décorer que du plein , n'y trouvent
plus de place. Qu'ils y mettent , s'ils le peutvent
, de leurs fenêtres décorées , qu'ils
tâchent d'y placer leurs frontons à l'antique
, qui , difent - ils , décorent la fenêtre
, & mettent à couvert ceux qui y
font nous y avons remédié en élevant
les fenêtres jufques au haut du plancher.
Rien n'eft fi amufant que de voir un
pauvre architecte revenant d'Italie , à qui
:
FEVRIER. 1755 163
(
"
Ton donne une pareille cage à décorer , ſe
tordre l'imagination pour y appliquer ces
chers principes , qu'il s'eft donné tant de
peine à apprendre ; & s'il lui arrive d'y
réuffir , ce qu'il ne peut fans diminuer les
croifées , c'eſt alors que nous faifons voir
clairement combien fa production eft trifte
& mauffade . Vous ne verrez pas clair chez
vous , leur difons- nous , vous n'aurez pas
d'air pour refpirer , à peine verrez- vous le
foleil dans les beaux jours : ces nouveaux artiftes
fe retirent confus,& font enfin obligés
de fe joindre à nous , pour trouver jour à
percer dans le monde. Nous n'avons pas encore
entierement abandonné les frontons
dont les anciens fe fervoient pour terminer
le haut de leurs bâtimens , & qui repréfentoient
le toît , quoique nous aimions bien
mieux employer certaines terminaiſons en
façon d'orfevrerie , qui font de notre crû.
A l'égard des frontons , nous avons du
moins trouvé le moyen de les placer ou
on ne s'attendoit pas à les voir ; nous les
mettons au premier étage , & plus heureufement
encore au fecond ; & nous ne manquons
gueres d'élever un étage au -deffus
, afin qu'ils ayent le moins de rapport
qu'il eft poffible avec ceux des anciens.
Nous avons ou peu s'en faut , banni les
colonnes , uniquement parce que c'eft un
164 MERCURE DE FRANCE
→
des plus beaux ornemens de ce trifte goût
ancien , & nous ne les rétablirons que
lorfque nous aurons trouvé le moyen de
les rendre fi nouvelles qu'elles n'ayent plus
aucune reffemblance avec toutes ces antiquailles.
D'ailleurs elles ne fçauroient s'accommoder
avec nos gentilleffes légeres ,
elles font paroître mefquin tout ce qui
les accompagne. Beaucoup de gens tenoient
encore à cette forte d'ornement , qui leur
paroiffoit avoir une grande beauté mais
nous avons fçu perfuader aux uns , que
cela coûtoit beaucoup plus que toutes les
chofes que nous leur faifions , quoique
peut-être en économifant bien , cela pût
ne revenir qu'à la même dépenſe ; aux
autres , que cette décoration ne convenoit
point à leur état , & qu'elle étoit reſervée
pour les temples de Dieu & les palais des
Rois ; que quelques énormes dépenfes que
nous leur fiffions faire chez eux , perfonne
n'en fçauroit rien , quoiqu'ils le fiffent
voir à tout le monde ; au lieu qu'une petite
colonnade , qui ne coûteroit peut-être
gueres , feroit un bruit épouventable dans
Paris. Nous avons accepté les pilaftres jufqu'à
un certain point , c'eft- à- dire forfque
nous avons pû les dépayfer par des
chapiteaux divertiffans. Les piédeftaux font
auffi reçus chez nous , mais nous avons
FEVRIER. 1755. 165
·
trouvé l'art de les contourner , en élargiffant
par le bas , comme s'ils crevoient fous
le fardeau , ou plus gaiement encore , en
les faifant enfler du haut , & toujours en
S, comme s'ils réuniffoient leur force en
cę lieu
ce pour mieux porter. Mais où notre
génie triomphe , c'eſt dans les bordures
des deffus de porte , que nous pouvons
nous vanter d'avoir varié prefque à l'infini.
Les Peintres nous en maudiffent , parce
qu'ils ne fçavent comment compofer leurs
fujets avec les incurfions que nos ornemens
font fur leur toile ; mais tant pis
pour eux : lorfque nous faifons une fi grande
dépenfe de génie , ils peuvent bien auffi
s'évertuer ; ce font des efpéces de bouts
rimés que nous leur donnons à remplir.
Il auroit pû refter quelque reffource à la
vieille architecture pour fe produire à Paris
; mais nous avons coupé l'arbre dans fa
racine , en annonçant la mode des petits
appartemens , & nous avons fappé l'ancien
préjugé , qui vouloit que les perfonnes
diftinguées par leur état caffent un appar !
tement de répréfentation grand & magnifique.
Nous efperons que dorénavant la
regle fera que plus la perfonne fera élevée
en dignité , plus fon appartement fera
patit : vous voyez qu'alors il fera difficile
de nous faire defemparer, Ceux qui poure
GG MERCURE DE FRANCE.
ront faire de la dépenfe , ne la feront qu'en
petit , & s'adrefferont à nous. Il ne reſtera
pour occuper ces Meffieurs , que ceux qui
n'ont pas le moyen de rien faire.
Voyez , je vous prie , l'impertinence de
votre auteur critique ; il s'ennuye , dit- il ,
de voir par-tout des croifées ceintrées ,
mais il n'ofe pas difconvenir que cette forte
de croifée ne foit bonne . Peut-on avoir
trop d'une bonne chofe ? & pourquoi veutil
qu'on aille fe fatiguer l'imagination pour
trouver des variétés , lorfqu'une chofe eft
de mode , & qu'on eft fûr du fuccès ? Ne
voit-il pas que toutes nos portes , nos cheminées
, nos fenêtres , avec leur plat-bandeau
, font à peu près la même choſe :
puifqu'on en eft content , pourquoi fe tuer
à en chercher d'autres ? Il blâme nos portes
oùles moulures fe tournent circulairement ;
invention heureuſe que nous appliquons à
tout avec le plus grand fuccès. Il faut :
qu'il foit bien étranger lui-même dans
Paris , pour ne pas fçavoir de qui nous
la - tenons. C'est d'un Architecte à qui les
amateurs de l'antique donnent le nom de
grand. Le célébre François Manſard la
employée dans fon portail des Filles de :
Sainte Marie , rue Saint Antoine ; voilà
une autorité qu'il ne peut recufer.Pour vous
faire voir combien cette forte de fronton
FEVRIER. 1755 . 1671
7
réuffit quand elle eft traitée à notre façon ,
& combien elle l'emporte fur l'architecture
ancienne ; comparez le portail des Capucines
de la place de Louis le Grand ,
morceau fi admirable qu'on vient de le
reftaurer , de peur que la poſtérité n'en fût
privée ; comparez- le avec le portail à colonnes
de l'Affomption , qui n'en eft pas
loin , & vous toucherez au doigt la différence
qui eft entre nous & les Architectes:
du fiécle paffé.
Mais laiffons là ce critique ; ce feroitperdre
le tems que de s'amufer à lui démontrer
en détail l'abfurdité de fes jugemens.
Nous ne vous diffimulerons pas que
nous fommes actuellement dans une pofi-:
tion un peu critique , & qu'une révolu-.
tion dans le goût de l'architecture nous
paroîtroit prochaine fi nous la croyions
poffible. Il fe rencontre actuellement plufeurs
obftacles à nos progrès ; maudite
foit cette architecture antique , fa féduction
, dont on a bien de la peine à revenir
lorfqu'une fois on s'y eft laiffé prendre
nous a enlevé un protecteur qui auroit
peut- être été pour nous l'appui le plus fo
lide , fi nous avions été chargés du foin
de l'endocriner. Pourquoi aller chercher
bien loin ce qu'on peut trouver chez foi
nous amufons en inftruifant ; ne peut-on
168 MERCURE DE FRANCE.
pas ſe former le goût en voyant nos deffeins
de boudoirs , de garde-robes , de
pavillons à la Turque , de cabinets à la
Chinoife ? Est- ce quelque chofe de fort
agréable que cette Eglife demefurée de S.
Pierre , ou que cette rotonde antique , dont
le portail n'a qu'un ordre dans une hauteur
où nous , qui avons du génie , aurions
trouvé de la place pour en mettre au moins
trois il n'eft pas concevable qu'on puiffe
balancer. Cependant cette perte eft irrépa
rable : cela eft defolant ; car tous les projets
que nous préfentons paroiffent comiques
à des yeux ainfi prévenus . Nous avons
même tenté de mêler quelque chofe d'antique
dans nos deffeins , voyez quel facrifice
! pour faire paffer avec notre marchandife
, tout cela fans fuccès : on nous
devine d'abord.
Autre obſtacle qui eft une fuite du premier.
Les bâtimens du Roi nous ont donné
une exclufion totale ; tout ce qui s'y
fait fent la vieille architecture , & ce même
public , que nous comptions avoir ſubjugué
, s'écrie : voilà qui eft beau. Il y a
une fatalité attachée à cette vieille mode ,.
par-tout où elle fe montre elle nous dépare
; l'Académie même a peine à fe défendre
de cette contagion , il femble qu'elle
ne veuille plus donner de prix qu'à ceux
qui
FEVRIER. 1755. 169'
I
qui s'approchent le plus du goût de l'antique.
Cela nous expofe à des avanies , de
la part même de ces jeunes étourdis , qui fe
donnent les airs de rire de notre goût moderne.
Cette confpiration eft bien foutenue
; car , à ne vous rien céler , il y a encore
plufieurs Architectes de réputation
& même qui n'ont pas vû l'Italie , mais
qui par choix en ont adopté le goût , que
nous n'avons jamais pû attirer dans notre
parti . Il y a plus ; quelques - uns que nous
avons crû long tems des nôtres , à la
miere occafion qu'ils ont eu de faire quelque
chofe de remarquable , nous ont laiffés
là , & fe font jettés dans l'ancien
goût.
pre-
Vous êtes , fans doute , pénétré de compaffion
à la vûe du danger où nous nous
trouvons , & nous vous faifons pitié ; mais
confolez- vous , nous avons dés reffources
; nous fçaurons bien arrêter ces nouveaux
débarqués d'Italie . Nous leur oppoferons
tant d'obftacles que nous les empêcherons
de rien faire , & peut- être les'
forcerons-nous d'aller chez l'étranger exercer
des talens qui nous déplaifent. Ils aiment
à employer des colonnades avec des
architraves en plate - bande ; nous en déclarerons
la bâtiffe impoffible. Ils auront
beau citer la colonnade du Louvre , la
H
170 MERCURE DE FRANCE.
chapelle de Verſailles , & autres bâtimens
dont on ne peut contefter la folidité ; qui
eft - ce qui les en croira ? leur voix fera- telle
d'un plus grand poids que celle de
gens qui ont bâti des petites maifons par
milliers dans Paris ? mais voici l'argument
invincible que nous leur gardons pour le
dernier. Nous leur demanderons ce qu'ils
ont bâti : il faudra bien qu'ils conviennent
qu'ils n'en ont point encore eu l'occafion .
C'est là où nous les attendons : comment ,
dirons- nous , quelle imprudence ! confier
un bâtiment à un jeune homme fans expérience
? Cette objection eft fans réplique.
On ne s'avifera pas de faire réflexion
qu'un jeune homme de mérite , & d'un
caractere docile , peut facilement s'affocier
un homme qui , fans prétendre à la décoration
, ait une longue pratique du bâtiment
, & lui donneroit les confeils néceffaires
, en cas qu'il hazardât quelque chofe
de trop hardi ; que d'ailleurs il Y auroit
dans Paris bien des maifons en ruines , fi
le premier bâtiment de chaque Architecte
manquoit de folidité.
Au refte , ne croyez point que ce foit
dans le deffein de nuire à ces jeunes gens
que nous leur ferons ces difficultés : c'eft
uniquement pour leur bien , & pour leur
donner le tems , pendant quelques années ,
FEVRIER.
1755.171.
d'apprendre le bon goût que nous avons
établi , & de quitter leurs préjugés ultramontains
nous avons l'expérience que
cela a rarement manqué de nous réuffic .
: Si donc vous connoiffez cette fociété .
d'Artiſtes qui prend la liberté de nous blâmer
, avertiffez-les d'être plus retenus à
l'avenir ; leurs critiques font fuperflues.
Le public nous aime , nous l'avons accoutumé
à nous d'ailleurs chacun de ceux
qui font bâtir , même des édifices publics
, eft perfuadé que quiconque a les
fonds pour bâtir , a de droit les connoiffances
néceffaires pour le bien faire. Peuton
manquer de goût quand on a de l'argent
? Nous fommes déja fûrs des Procureurs
de la plupart des Communautés ,
des Marguilliers de prefque toutes les
Paroiffes , & de tant d'autres qui font
à la tête des entrepriſes. Enfin foyez certains
que nous & nos amis nous ferons
toujours le plus grand nombre. Nous fommes
, &c.
On voit que le faux bel efprit gagne les
beaux arts , ainfi que les belles- lettres . On
force la nature dans tous les genres , on
contourne les figures , on met tout en S :
qu'il y a de Meiffonniers en poëfie & en
éloquence , comme en architecture !
レン
Hij
172 MERCURE DE FRANCE.
ARC DE TRIOMPHE à la gloire du Roi ,
qui a été élevé, fur les deffeins du Chevalier
Servandoni , le jour que M. le Duc de Gefvres
a pofé , au nom de Sa Majefté , la premiere
pierre de la place commencée devant
l'Eglife de S. Sulpice le 2 Octobre 1754 :
dédié à M. Dulau d'Allemans , Curé de S.
Sulpice , gravé par P. Patte , & fe vend
chez lui rue des Noyers , la fixieme porte .
cochere à droite en entrant par la rue Saint·
Jacques , grandeur de la feuille du nom de
Jefus. Prix 1 liv. 10 fols. I
L'eftampe que nous annonçons eft gravée
à l'aide d'une feule taille , ou ligne , à
peu près dans la maniere dont le célébre
Piranefi s'eft fervi pour rendre fes compofitions
d'architecture , dont les connoiffeurs
font tant de cas. Il feroit peut- être à fouhaiter
que cette manoeuvre de gravûre fut
ufitée en France ; elle pourroit donner à
nos eftampes d'architecture une perfection
qu'elles n'ont point eu jufqu'à préfent. En
effet , la pratique d'exprimer les ombres
dans les gravûres ordinaires de nos édifices
par deux tailles , c'eft-à- dire par deux ;
lignes qui s'entrecoupent quarrément ou
ea lofange , rend à la vérité ce genre de
gravûre aifé & expéditif ; mais elle lui ,
donne un air froid , commun , & une dureté
qui femble faire une efpéce d'injure
FEVRIER. 1755. 173
aux yeux ; c'eſt le jugement qu'ont tou-
-jours porté nos artiftes fur ces fortes d'ef
tampes. Auffi peut-on remarquer qu'on
n'a pas crû. devoir accorder à leurs Graveurs
aucune place dans nos Académies ,
foit de peinture , foit d'architecture ; ce
que l'on eût fait affurément , fi leurs talens
euffent paru aux connoiffeurs devoir
mériter quelque diftinction . On a effayé ,
dans la planche que nous propofons , de
mettre ce genre de gravûre dans quelque
eftime , par une nouvelle manoeuvre qui
fente l'art , & qui remédie aux défauts de
l'ancienne. Chaque ombre y eft énoncée
par une feule ligne , plus ou moins groffe
ou ferrée , dont la direction exprime continuellement
la perſpective du corps d'architecture
fur lequel elle eft portée. Afin d'ôter
toute dureté , on a affecté de ne point terminer
les extrêmités de chaque ombre par
aucune ligne , mais feulement par la fin de
toutes les lignes , qui forme l'ombre , ce qui
femble affez bien imiter les arrêtes de la pierre,
lefquelles confervent toujours une efpéce
de rondeur. Toutes les teintes générales ,
quelles qu'elles foient , y font exprimées
à la pointe féche , ce qui eft propre à donner
à cette gravûre un ton fuave , qui
femble participer de cette couleur aërienne
répandue fur la furface de nos bâtimens ;
Hiij
174 MERCURE DE FRANCE.
ton auquel on ne peut atteindre avec le
fecours de l'eau forte , comme on le pratique
ordinairement. Au refte , c'eft à la
-vue de cette planche à parler en faveur des
avantages de fa nouvelle manoeuvre , & on
fe flatte qu'elle convaincra fans peine que
cette maniere de faire eft bien plus favora
ble que l'autre pour les effets de la perf
pective ; qu'elle eft analogue à la maniere
dont on deffine l'architecture à la plume ,
:& que la parfaite égalité qu'elle demande
doit fatisfaire agréablement la vue des fçavans
comme des ignorans ; quelques lignes
plus ou moins ferrées dans les ombres
étant capables d'y faire une difcordance
de ton irrémédiable , & qui faute aux yeux
de chacun . Cette maniere de traiter l'architecture
eft ; il eft vrai , très-laborieufe
& difficile à bien exécuter ; mais elle
pour-
.roit donner un prix à nos eftampes d'architecture
, & les élever à décorer avec diftinction
les cabinets des curieux.
F
C'eft aux artistes à apprécier ces réflexions,
par la comparaifon de l'eftampe qu'on leur
offre , avec celles que nous avons dans le
genre oppofé. Le feul but que l'on fe propofe
en les faifant , eft de contribuer à la
perfection d'un genre de gravure que l'on
n'a peut- être pas affez cherché jufqu'ici à
rendre recommendable,
Fermer
Résumé : ARCHITECTURE. LETTRE A M. L'ABBÉ R*** fur une très-mauvaise plaisanterie qu'il a laissé imprimer dans le Mercure du mois de Décembre 1754, par une société d'Architectes, qui pourroient bien aussi prétendre être du premier mérite & de la premiere réputation, quoiqu'ils ne soient pas de l'Académie.
En décembre 1754, une lettre critique une plaisanterie publiée dans le Mercure, visant les architectes modernes. L'auteur s'étonne que M. l'Abbé R, homme d'esprit, ait autorisé cette satire, qui cherche à discréditer l'architecture moderne et à détruire la confiance du public. La lettre suggère un complot impliquant des peintres jaloux, influencés par l'architecture antique italienne, cherchant à imposer des préjugés obsolètes. Les architectes modernes se défendent en soulignant leur contribution à l'agrément de Paris et à l'extension de l'art architectural, adoptée même par les étrangers, comme les Anglais. Les architectes modernes critiquent l'imprudence de graver des décorations révélant leurs secrets. Ils ont trouvé des moyens pour que chacun puisse apprécier l'architecture, s'opposant aux idées du beau reçues dans une nation éclairée. Ils citent des figures comme Oppenord et Meissonnier, innovateurs en architecture. Ils célèbrent également un sculpteur formé en France, rompant avec les règles anciennes et les symétries rigides. Un architecte influent a popularisé l'utilisation abondante de palmiers et supprimé les plafonds traditionnels, les remplaçant par des dentelles en bas-relief sculptées. Cette approche a conduit à l'abandon des corniches ornées dans les appartements. L'auteur regrette la perte de cet architecte, bien que ses talents aient été rapidement remplacés par d'autres sculpteurs. Le texte critique les plafonds anciens, jugés démodés, et préfère les plafonds peints. Les sculpteurs de figures sont exclus en faveur de rosettes discrètes. L'auteur souligne la commodité et la flexibilité de leur architecture, permettant de satisfaire toutes les fantaisies des clients. Les fenêtres multiples sont préférées, malgré les inconvénients climatiques, et les frontons antiques sont modifiés pour éviter toute ressemblance avec les styles anciens. Les colonnes sont bannies en raison de leur association avec le goût ancien, et les pilastres sont acceptés seulement s'ils sont modifiés par des chapiteaux divertissants. La mode des petits appartements est promue, rendant les grands appartements de représentation obsolètes. Le texte critique un auteur s'ennuyant des croisées cintrées mais reconnaît leur qualité. Il défend l'utilisation des moulures circulaires, inspirées par François Mansart. En février 1755, une controverse architecturale en France oppose les architectes modernes à ceux influencés par le goût antique, souvent revenus d'Italie. Les auteurs expriment leur intention de contrer ces nouveaux architectes en remettant en question leur expérience et leur capacité à construire des bâtiments solides. Ils mentionnent une nouvelle technique de gravure architecturale, inspirée par Piranesi, visant à améliorer la qualité des estampes en France. Cette technique utilise une seule ligne pour exprimer les ombres, offrant une perspective plus douce et plus réaliste. Les auteurs espèrent que cette innovation sera reconnue et valorisée par les connaisseurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
17
p. 198-207
ARCHITECTURE.
Début :
Nous avons eu plusieurs fois occasion de parler de l'utilité & du progrès de [...]
Mots clefs :
Jacques-François Blondel, Émulation, Leçon, Dessin, Architecture, Progrès, Goût, Art, Cours d'architecture, Élèves
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARCHITECTURE.
ARCHITECTURE.
N de parler de Futilité & du progrès de
Ous avons eu plufieurs fois occafion
l'Ecole des Arts , établie à Paris par M."
Blondel, Profeffeur d'Architecture , rue de
ta Harpe ; mais les foins continuels que
fe donne cet Artifte pour le bien public &
la gloire de fon art , nous fourniffent fouvent
de nouveaux fujets de renouveller les
éloges que nous avons donnés au chef &
aux éleves. Les cours publics d'architecture
que M. Blondel donne chez lui gratuitement
les Jeudis , Samedis & DimanJUI
N. 1755
THELLE
J
ches , divifés
en Cours élémentaires
, de
YON
93
*
tique & de théorie , & que nous avons
annoncés dans les Mercures de Juin 17
& Juillet 1754 , n'ont point diminué fes
attentions pour les élèves qui lui font
confiés ; mais pour rendre fes contemporains
témoins des espérances que
l'on
peut
concevoir des talens naiffans de fes difciples
, M. Blondel a diftribué le 26 du mois
d'Octobre dernier , en préfence d'une affemblée
nombreufe & choifie , les prix
qu'il avoit propofés par divers programmes.
>
Les projets admis au concours furent
jugés par les Académiciens & les Artiſtes
les plus célebres , par les amateurs & les
connoiffeurs les plus éclairés , que le Profeffeur
avoit invités chez lui , & qui fe
font fait un plaifir de feconder par leur
préfence l'émulation des éleves & le zéle de
l'auteur. Douze de ces éleves ont concouru
dans quatre différens genres de talens
dont plufieurs d'entr'eux avoient déja remporté
des prix les années précédentes,
Par le premier programme pour les prix
d'architecture , on demandoit un édifice
public contenant diverfes galeries au
premier étage qui devoit être élevé fur
» un foubaſſement ; quelques -unes de ces
y galeries devoient être deftinées en parti,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE .
ور
» culier à contenir une bibliothéque , ainfi
» que la collection des eftampes & des
» deffeins des grands maîtres ; les autres
» devoient fervir de dépôt pour les antiques
; les médailles , &c. Il falloit auffi
» dans cet édifice deux magnifiques fal
» lons ; l'un pour contenir les tableaux des
» différentes écoles de l'Europe ; l'autre
" pour raffenibler les diverfes curiofités
» concernant l'hiftoire naturelle ; enforte
que ce temple des fciences , des arts &
» du goût , diftribué avec fymmétrie , &
compofé de formes régulieres & graves (
» devoit fuppofer pouvoir contenir dans
» un même lieu les livres , les manuf
crits , les eftampes , les médailles & les
bronzes qui fe voient à la Bibliothéque
du Roi , rue de Richelieu ; les antiques
» du Louvre , les tableaux du Luxem
bourg , & les cabinets d'hiftoire naturelle
du Jardin royal. Toutes ces diffé
rentes piéces devoient avoir chacune les
dépendances de leur reffort , & fe communiquer
par de grands efcaliers , auf
quels il falloit arriver à couvert dès la
principale entrée de l'édifice .
3
On diftribua pour ce projet trois prix ,
qui confiftoient en trois médailles d'argent
, la premiere d'un marc , &c. Celleci
fut adjugée à Samuel- Bernard Perron s
JUIN. 1755. 201
le cadet , de Poiffi ; la feconde à Jacques
Dumont , de Limoges , & la troiſieme â
Jean-Baptifte Daubenton de Paris .
ខ
"
Par le fecond programme , on exigebit
le projet d'une fontaine propre à être
R érigée au milieu d'une grande place ,
» telle que l'efplanade du pont tournant.
» Cette fontaine devoit être dans le goût:
de celle de la Place Navonne , à Rome ;
le bas pouvoit être compofé d'une archi
» tecture ferme & ruftique , élevée au mi-
» lieu d'un grand baffin de forme variée ;
» ou bien , au lieu d'architecture , on pouvoit
faire ufage de rochers , dont la plus
grande partie percée à jour laifferoit voirt
» des nappes , ou torrens d'eau d'un aſſez ,
gros volume. Au deffus de cette archi-
» tecture ou rocher pouvoient être pla-
» cées plufieurs figures , telles que celles dé
la ville de Paris , celles du commerce ,
» l'abondance , la Seine , la Marne , des
» Nymphes , des Tritons , &c. au milieu
» defquelles devoit s'élever une grande.
"pyramide ou colonne.coloffale enrichie.
» de fculptures relatives au fujet , & termi-,
» née ( en fuppofant qu'on préférât la co-
» lonne à la pyramide ) de la ftatue pé-
» deftre du Prince , ou autrement de fes
armes & fupports . Biogr
Ce prixa été remporté par Jean Raphaël
1
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Servandoni , fils du célebre Peintre &
Architecte de ce nom ; il avoit préferé l'o
bélifque à la colonne.
Le troifieme prix étoit deftiné à celui
des douze concourans qui auroit le mieux
imité un fort beau deffein en encre de
la Chine de Gilles Oppenor , repréſentant
un morceau d'architecture mêlé de figures
& de payfages , du cabinet de M. Perronet.
Il fut adjugé à Bernard Jofeph Perron ;
Paîné , de Poiffi .
·
Le quatrieme enfin étoit un Deffein fur
papier bleu, du cabinet de M. d'Argenville,
original de Noël Coypel , repréfentant un
fujet d'hiftoire romaine : il fut décerné à
Jacques Dumont , de Limoges.
Dans les compofitions qui n'ont point
remporté de prix , on en a remarqué plu
fieurs dignes d'applaudiffemens ; ce qui fir
fouhaiter aux amateurs d'avoir une plus
grande quantité de médailles à diftribuer.
De ce nombre étoient les projets de René
Lamboth ; de Paris ; de Charles Gontard
de Bareith , & de Jacques Heumann ,
d'Hanovre , & c .
A propos de la diftribution de ces prix ,
nous allons donner une idée du plan de
cette école des arts : nous croyons qu'on
verra avec plaifir l'ordre & l'enchaînement
des leçons publiques & particulieres qui
JUIN. 1755. 203
4
teur en a dic s'y donnent. Voici à peu près ce que l'au
lui - même dans divers programmes
qu'il a fait imprimer,
Après plufieurs années d'études , dit- il ,
& après avoir formé plufieurs éleves , dont
quelques- uns font penfionnaires de Sa
Majesté à Rome , & d'autres font de retour
en France , il avoit fenti que fon travail
feroit infuffifant s'il ne le portoit plus
loin , parce qu'il entendoit continuellement
ces élèves même s'écrier , que l'étude que
le Profeffeur leur propofoit , ainfi que
la
connoiffance directe de tous les arts, étoient
ignorées de la plupart des perfonnes de la
profeffion ; que Meffieurs tels & tels ne
fçavoient rien ou très - peu de chofe ; que
la plupart de ceux - même qui ont le plus
de réputation , n'avoient aucune teinture
des mathématiques , & qu'ils deffinoient
médiocrement ; que celui - ci ne poffedoir
bien que la diftribution ; que celui - là n'entendoit
que la partie de la décoration intérieure
, l'un la conftruction , l'autre la
partie du jardinage , &c. que d'ailleurs
la plus grande partie des hommes en place
méconnoiffoient les talens , eftimoient peu
les arts , & regardoient avec indifférence
les Artiftes. Ce langage , qui n'eft que trop
commun & qui n'eft pas fans fondement
eft presque toujours celui de la multitude
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
il contribue infenfiblement à déterminer
moins d'excellens fujets ; il amene au relâ
chement de l'étude , & ne nous fournit
que des hommes fuperficiels.
Pour remédier à un abus auffi préjudiciable
au progrès des arts , pour arrêter le
cours d'un propos fi funefte , & exciter une
véritable émulation chez nos citoyens , M.
Blondel a ouvert gratuitement des leçons
publiques mais pour que ces leçons puffent
tourner au profit de la fociété en
général , il les a préfentées fous différentes
faces , fuivant qu'il a reconnu la néceffité
de parler à chacun le langage qui lui convenoit
. Ce moyen lui a réuffi , ainfi que
l'on devoit s'y attendre . En effet , fon cours
élémentaire conduit néceffairement les
hommes bien nés aux connoiffances dur
beau , leur fraye une route sûre pour juger
pertinemment de nos édifices , les accoutume
à fe dépouiller de tout préjugé natio
nal , & leur fait connoître les auteurs &
les Artiftes les plus célebres : ces lumieres
acquifes de la part des amateurs , devien
nent fans doute une faveur de plus pour
l'Artifte qui veut devenir habile , parce
qu'il conçoit par- là que fes talens feront
préconisés par des hommes éclairés , &
que ce fera autant d'obftacles pour les
hommes médiocres qui oferont moins fe
JUIN. 1755. 205-
: montrer au grand jour. D'ailleurs le
nombre des honnêtes gens qui font attirés
à ce cours élémentaire , contribue à l'ému-}
lation qui regne dans cette école : il infpire
aux éleves qui font confiés au Profeffeur
le defir de s'inftruire , les engage à la dé->
cence , & excite en eux l'amour du bien ;
autant de motifs infaillibles pour former à
l'avenir des chefs intelligens..
Son cours de théorie eft deſtiné , non
feulement aux jeunes Architectes , mais
aux Peintres , Sculpteurs , Décorateurs ,
Graveurs , qui fe trouvant ainfi raffemblés , 1
& conférant enfemble à certains jours !
nommés , s'entrecommuniquent leurs dis
verfes connoiffances , leurs découvertes ,
leurs productions , & s'entretiennent utilement
des fciences & des arts. Le Géomé-:
tre acquiert du goût ; l'Artifte regle fes :
idées par le fecours du Mathématicien :>
tous fe réuniffent avec le Profeffeur. pour
vifiter avec fuccès les édifices du fiecle
paffé , & fe procurent une entrée libre
dans les atteliers de nos célebres Artiftes.i
Les bibliothèques , les édifices facrés , les
maifons royales , les cabinets des curieux ,
s'offrent à leurs regards ; en un mot , tout
devient commun entr'eux ; de là la route
des arts plus facile , l'étude plus agréable ,
& les progrès plus sûts.
206 MERCURE DE FRANCE.
Son cours de pratique deſtiné aux ouvriers
du bâtiment , met le comble à l'entrepriſe.
Quatre - vingt hommes tous les
Dimanches & Fêtes occupent pendant la
matinée leur loifir à puifer dans cette,
école les différentes connoiffances dont ils
ont befoin. Le Maçon , le Charpentier , le
Menuifier , le Serrurier , y viennent ap-;.
prendre la géométrie pratique , & les prin- i
cipes relatifs à leur profeffion ; tout l'après-
midi ces mêmes hommes font occupés
à l'exercice du deffein dans différens gen-:
res. Mais pour porter plus loin la perfection
du goût , M. Blondel reçoit auffi dans
fes leçons l'Orfevre , le Bijoutier , le Cifeleur
, & c. on leur communique d'excel
lens originaux , & ils font corrigés exac
tement par des Profeffeurs & par les plus!
anciens éleves reconnus capables ; enforte
que le praticien , le théoricien , l'homme
de goût , font un tout qui encourage le
débutant , affermit l'homme déja capable ,
& donne lieu d'efpérer qu'avant peu d'années
la beauté des formes , l'élégance des
contours , la fymmétrie , reprendront le
deffus & la place des ornemens chiméri- .
ques & hazardés , dont tous les arts de
goût fe font reffentis depuis près de vingt
années *.
* J'ai eu la curiofité d'aller un Dimanche
JUIN. 175.5. 207
En un mot , cette école renouvellant
dans Paris celle d'Athènes , réunit les arts
utiles & les arts agréables : l'architecture ,
les mathématiques , la figure & le deffein
en général , la ſculpture , les fortifications,
la coupe des pierres , font autant de parties
qu'on y enfeigne avec émulation & fuccès.
Quels éloges ne mérite donc pas le fondateur
d'un établiffement fi avantageux à la
fociété ! peut-il être trop préconifé , foutenu
& autorifé ? Le zele infatigable & les
talens décidés de l'Auteur ne font-ils pas
dignes des plus hautes récompenfes & de
la reconnoiffance du public ?
matin fur les dix heures , pour juger par moimême
de l'utilité de ce cours dont on m'avoit
parlé fi avantageufement , & je dois avouer que
j'ai été frappé de l'ordre , de l'exactitude , de l'ardeur
& de l'émulation que j'ai remarquées , tant de
la part des artifans , que de celle des Profeffeurs &
du Chef, dent la capacité , la politeffe & le zele
ne fçauroient être trop applaudis,
N de parler de Futilité & du progrès de
Ous avons eu plufieurs fois occafion
l'Ecole des Arts , établie à Paris par M."
Blondel, Profeffeur d'Architecture , rue de
ta Harpe ; mais les foins continuels que
fe donne cet Artifte pour le bien public &
la gloire de fon art , nous fourniffent fouvent
de nouveaux fujets de renouveller les
éloges que nous avons donnés au chef &
aux éleves. Les cours publics d'architecture
que M. Blondel donne chez lui gratuitement
les Jeudis , Samedis & DimanJUI
N. 1755
THELLE
J
ches , divifés
en Cours élémentaires
, de
YON
93
*
tique & de théorie , & que nous avons
annoncés dans les Mercures de Juin 17
& Juillet 1754 , n'ont point diminué fes
attentions pour les élèves qui lui font
confiés ; mais pour rendre fes contemporains
témoins des espérances que
l'on
peut
concevoir des talens naiffans de fes difciples
, M. Blondel a diftribué le 26 du mois
d'Octobre dernier , en préfence d'une affemblée
nombreufe & choifie , les prix
qu'il avoit propofés par divers programmes.
>
Les projets admis au concours furent
jugés par les Académiciens & les Artiſtes
les plus célebres , par les amateurs & les
connoiffeurs les plus éclairés , que le Profeffeur
avoit invités chez lui , & qui fe
font fait un plaifir de feconder par leur
préfence l'émulation des éleves & le zéle de
l'auteur. Douze de ces éleves ont concouru
dans quatre différens genres de talens
dont plufieurs d'entr'eux avoient déja remporté
des prix les années précédentes,
Par le premier programme pour les prix
d'architecture , on demandoit un édifice
public contenant diverfes galeries au
premier étage qui devoit être élevé fur
» un foubaſſement ; quelques -unes de ces
y galeries devoient être deftinées en parti,
I iiij
200 MERCURE DE FRANCE .
ور
» culier à contenir une bibliothéque , ainfi
» que la collection des eftampes & des
» deffeins des grands maîtres ; les autres
» devoient fervir de dépôt pour les antiques
; les médailles , &c. Il falloit auffi
» dans cet édifice deux magnifiques fal
» lons ; l'un pour contenir les tableaux des
» différentes écoles de l'Europe ; l'autre
" pour raffenibler les diverfes curiofités
» concernant l'hiftoire naturelle ; enforte
que ce temple des fciences , des arts &
» du goût , diftribué avec fymmétrie , &
compofé de formes régulieres & graves (
» devoit fuppofer pouvoir contenir dans
» un même lieu les livres , les manuf
crits , les eftampes , les médailles & les
bronzes qui fe voient à la Bibliothéque
du Roi , rue de Richelieu ; les antiques
» du Louvre , les tableaux du Luxem
bourg , & les cabinets d'hiftoire naturelle
du Jardin royal. Toutes ces diffé
rentes piéces devoient avoir chacune les
dépendances de leur reffort , & fe communiquer
par de grands efcaliers , auf
quels il falloit arriver à couvert dès la
principale entrée de l'édifice .
3
On diftribua pour ce projet trois prix ,
qui confiftoient en trois médailles d'argent
, la premiere d'un marc , &c. Celleci
fut adjugée à Samuel- Bernard Perron s
JUIN. 1755. 201
le cadet , de Poiffi ; la feconde à Jacques
Dumont , de Limoges , & la troiſieme â
Jean-Baptifte Daubenton de Paris .
ខ
"
Par le fecond programme , on exigebit
le projet d'une fontaine propre à être
R érigée au milieu d'une grande place ,
» telle que l'efplanade du pont tournant.
» Cette fontaine devoit être dans le goût:
de celle de la Place Navonne , à Rome ;
le bas pouvoit être compofé d'une archi
» tecture ferme & ruftique , élevée au mi-
» lieu d'un grand baffin de forme variée ;
» ou bien , au lieu d'architecture , on pouvoit
faire ufage de rochers , dont la plus
grande partie percée à jour laifferoit voirt
» des nappes , ou torrens d'eau d'un aſſez ,
gros volume. Au deffus de cette archi-
» tecture ou rocher pouvoient être pla-
» cées plufieurs figures , telles que celles dé
la ville de Paris , celles du commerce ,
» l'abondance , la Seine , la Marne , des
» Nymphes , des Tritons , &c. au milieu
» defquelles devoit s'élever une grande.
"pyramide ou colonne.coloffale enrichie.
» de fculptures relatives au fujet , & termi-,
» née ( en fuppofant qu'on préférât la co-
» lonne à la pyramide ) de la ftatue pé-
» deftre du Prince , ou autrement de fes
armes & fupports . Biogr
Ce prixa été remporté par Jean Raphaël
1
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Servandoni , fils du célebre Peintre &
Architecte de ce nom ; il avoit préferé l'o
bélifque à la colonne.
Le troifieme prix étoit deftiné à celui
des douze concourans qui auroit le mieux
imité un fort beau deffein en encre de
la Chine de Gilles Oppenor , repréſentant
un morceau d'architecture mêlé de figures
& de payfages , du cabinet de M. Perronet.
Il fut adjugé à Bernard Jofeph Perron ;
Paîné , de Poiffi .
·
Le quatrieme enfin étoit un Deffein fur
papier bleu, du cabinet de M. d'Argenville,
original de Noël Coypel , repréfentant un
fujet d'hiftoire romaine : il fut décerné à
Jacques Dumont , de Limoges.
Dans les compofitions qui n'ont point
remporté de prix , on en a remarqué plu
fieurs dignes d'applaudiffemens ; ce qui fir
fouhaiter aux amateurs d'avoir une plus
grande quantité de médailles à diftribuer.
De ce nombre étoient les projets de René
Lamboth ; de Paris ; de Charles Gontard
de Bareith , & de Jacques Heumann ,
d'Hanovre , & c .
A propos de la diftribution de ces prix ,
nous allons donner une idée du plan de
cette école des arts : nous croyons qu'on
verra avec plaifir l'ordre & l'enchaînement
des leçons publiques & particulieres qui
JUIN. 1755. 203
4
teur en a dic s'y donnent. Voici à peu près ce que l'au
lui - même dans divers programmes
qu'il a fait imprimer,
Après plufieurs années d'études , dit- il ,
& après avoir formé plufieurs éleves , dont
quelques- uns font penfionnaires de Sa
Majesté à Rome , & d'autres font de retour
en France , il avoit fenti que fon travail
feroit infuffifant s'il ne le portoit plus
loin , parce qu'il entendoit continuellement
ces élèves même s'écrier , que l'étude que
le Profeffeur leur propofoit , ainfi que
la
connoiffance directe de tous les arts, étoient
ignorées de la plupart des perfonnes de la
profeffion ; que Meffieurs tels & tels ne
fçavoient rien ou très - peu de chofe ; que
la plupart de ceux - même qui ont le plus
de réputation , n'avoient aucune teinture
des mathématiques , & qu'ils deffinoient
médiocrement ; que celui - ci ne poffedoir
bien que la diftribution ; que celui - là n'entendoit
que la partie de la décoration intérieure
, l'un la conftruction , l'autre la
partie du jardinage , &c. que d'ailleurs
la plus grande partie des hommes en place
méconnoiffoient les talens , eftimoient peu
les arts , & regardoient avec indifférence
les Artiftes. Ce langage , qui n'eft que trop
commun & qui n'eft pas fans fondement
eft presque toujours celui de la multitude
I vj
204 MERCURE DE FRANCE.
il contribue infenfiblement à déterminer
moins d'excellens fujets ; il amene au relâ
chement de l'étude , & ne nous fournit
que des hommes fuperficiels.
Pour remédier à un abus auffi préjudiciable
au progrès des arts , pour arrêter le
cours d'un propos fi funefte , & exciter une
véritable émulation chez nos citoyens , M.
Blondel a ouvert gratuitement des leçons
publiques mais pour que ces leçons puffent
tourner au profit de la fociété en
général , il les a préfentées fous différentes
faces , fuivant qu'il a reconnu la néceffité
de parler à chacun le langage qui lui convenoit
. Ce moyen lui a réuffi , ainfi que
l'on devoit s'y attendre . En effet , fon cours
élémentaire conduit néceffairement les
hommes bien nés aux connoiffances dur
beau , leur fraye une route sûre pour juger
pertinemment de nos édifices , les accoutume
à fe dépouiller de tout préjugé natio
nal , & leur fait connoître les auteurs &
les Artiftes les plus célebres : ces lumieres
acquifes de la part des amateurs , devien
nent fans doute une faveur de plus pour
l'Artifte qui veut devenir habile , parce
qu'il conçoit par- là que fes talens feront
préconisés par des hommes éclairés , &
que ce fera autant d'obftacles pour les
hommes médiocres qui oferont moins fe
JUIN. 1755. 205-
: montrer au grand jour. D'ailleurs le
nombre des honnêtes gens qui font attirés
à ce cours élémentaire , contribue à l'ému-}
lation qui regne dans cette école : il infpire
aux éleves qui font confiés au Profeffeur
le defir de s'inftruire , les engage à la dé->
cence , & excite en eux l'amour du bien ;
autant de motifs infaillibles pour former à
l'avenir des chefs intelligens..
Son cours de théorie eft deſtiné , non
feulement aux jeunes Architectes , mais
aux Peintres , Sculpteurs , Décorateurs ,
Graveurs , qui fe trouvant ainfi raffemblés , 1
& conférant enfemble à certains jours !
nommés , s'entrecommuniquent leurs dis
verfes connoiffances , leurs découvertes ,
leurs productions , & s'entretiennent utilement
des fciences & des arts. Le Géomé-:
tre acquiert du goût ; l'Artifte regle fes :
idées par le fecours du Mathématicien :>
tous fe réuniffent avec le Profeffeur. pour
vifiter avec fuccès les édifices du fiecle
paffé , & fe procurent une entrée libre
dans les atteliers de nos célebres Artiftes.i
Les bibliothèques , les édifices facrés , les
maifons royales , les cabinets des curieux ,
s'offrent à leurs regards ; en un mot , tout
devient commun entr'eux ; de là la route
des arts plus facile , l'étude plus agréable ,
& les progrès plus sûts.
206 MERCURE DE FRANCE.
Son cours de pratique deſtiné aux ouvriers
du bâtiment , met le comble à l'entrepriſe.
Quatre - vingt hommes tous les
Dimanches & Fêtes occupent pendant la
matinée leur loifir à puifer dans cette,
école les différentes connoiffances dont ils
ont befoin. Le Maçon , le Charpentier , le
Menuifier , le Serrurier , y viennent ap-;.
prendre la géométrie pratique , & les prin- i
cipes relatifs à leur profeffion ; tout l'après-
midi ces mêmes hommes font occupés
à l'exercice du deffein dans différens gen-:
res. Mais pour porter plus loin la perfection
du goût , M. Blondel reçoit auffi dans
fes leçons l'Orfevre , le Bijoutier , le Cifeleur
, & c. on leur communique d'excel
lens originaux , & ils font corrigés exac
tement par des Profeffeurs & par les plus!
anciens éleves reconnus capables ; enforte
que le praticien , le théoricien , l'homme
de goût , font un tout qui encourage le
débutant , affermit l'homme déja capable ,
& donne lieu d'efpérer qu'avant peu d'années
la beauté des formes , l'élégance des
contours , la fymmétrie , reprendront le
deffus & la place des ornemens chiméri- .
ques & hazardés , dont tous les arts de
goût fe font reffentis depuis près de vingt
années *.
* J'ai eu la curiofité d'aller un Dimanche
JUIN. 175.5. 207
En un mot , cette école renouvellant
dans Paris celle d'Athènes , réunit les arts
utiles & les arts agréables : l'architecture ,
les mathématiques , la figure & le deffein
en général , la ſculpture , les fortifications,
la coupe des pierres , font autant de parties
qu'on y enfeigne avec émulation & fuccès.
Quels éloges ne mérite donc pas le fondateur
d'un établiffement fi avantageux à la
fociété ! peut-il être trop préconifé , foutenu
& autorifé ? Le zele infatigable & les
talens décidés de l'Auteur ne font-ils pas
dignes des plus hautes récompenfes & de
la reconnoiffance du public ?
matin fur les dix heures , pour juger par moimême
de l'utilité de ce cours dont on m'avoit
parlé fi avantageufement , & je dois avouer que
j'ai été frappé de l'ordre , de l'exactitude , de l'ardeur
& de l'émulation que j'ai remarquées , tant de
la part des artifans , que de celle des Profeffeurs &
du Chef, dent la capacité , la politeffe & le zele
ne fçauroient être trop applaudis,
Fermer
Résumé : ARCHITECTURE.
Jacques-François Blondel a fondé à Paris une École des Arts, où il dispensait des cours publics gratuits les jeudis, samedis et dimanches. Ces cours étaient divisés en trois catégories : élémentaires, de pratique et de théorie. Leur objectif principal était de former des élèves talentueux et de favoriser le progrès des arts. En octobre 1755, Blondel a organisé une assemblée pour distribuer des prix. Douze élèves ont participé à cette compétition, qui était structurée en quatre genres différents. Les projets des élèves ont été évalués par des académiciens, des artistes renommés, des amateurs et des connaisseurs éclairés. Les prix ont été attribués pour divers programmes, incluant la conception d'un édifice public avec des galeries, une fontaine, et des imitations de dessins. L'École des Arts de Blondel visait à combler les lacunes dans la connaissance des arts parmi les professionnels. Elle offrait des leçons publiques et privées, réunissant architectes, peintres, sculpteurs, décorateurs, graveurs et ouvriers du bâtiment. Les cours couvraient divers domaines tels que l'architecture, les mathématiques, la sculpture et les fortifications. L'objectif était de former des artisans compétents et de promouvoir l'excellence dans les arts.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 56-67
Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
Début :
Plus l'Italie a sçu apprécier & goûter la saine morale que vous avez répandue [...]
Mots clefs :
Italie, Abbé Prévost, Mérite, Journal étranger, Poésie, Littérature, Art, Peintres, Architecture
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
Lettre apologétique d'un Gentilhomme
Italien à M. l'Abbé Prevot.
Sur l'article du Journal étranger de Janvier
1755 , qui a pour titre Introduction à
la partie hiftorique.
Plaine morale que vous avez répandue
Lus l'Italie a fçu apprécier & goûter la
dans vos Romans , chefs - d'oeuvre d'une
imagination vive & féconde , & d'un coeur
qui fans effort a adopté la vertu & réprouvé
le vice , plus elle a dû être fenfible aux
idées defavantageufes que vous donneriez
de fes habitans à qui n'en jugeroit que
d'après vos fuffrages. Mere des fciences &
des arts elle fe voit à regret accufée par
un juge auffi intégre qu'éclairé , d'en être
devenue la marâtre , & de n'avoir pas vou
lu conferver chez elle ce goût même qui y
avoit pris naiſſance.
Affez malheureux pour être né dans un
pays qui nefe reffemble plus , je le ne fuis pas
au point de négliger entierement fa réputation
. L'amour de la patrie, peut- être le
defir d'être éclairé par vos lumieres , m'ont
fait entreprendre fa juftification. Ces deux
principes qui me guident , méritent l'inJUILLET.
1755. 57
dulgence d'un auteur vertueux : daignez
en leur faveur pardonner à un étranger
des fautes de ſtyle ou de langage.
vous ,
Tous les étrangers conviennent , dites-
Monfieur , que cette belle partie de
Europe n'est plus que la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres ; les écoles n'y
font plus des corps fubfiftans de peinture ...
L'art refte encore ; mais les ouvriers manquent
à lart .
Sans entrer dans une difcuffion , qui n'eſt
point de ma compétence , fur la derniere
de ces phrafes , qui pourroit être regardée
même par un François comme peu intellible
, permettez que j'en examine ce qui
fait mon objet : La vérité.
Pour que l'Italie fut la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres , il faudroit
néceffairement , de deux chofes l'une , ou
qu'on n'y travaillât plus du tout dans les
mêmes genres , ou qu'on trouvât ( .chez
fes voisins qui fe font élevés , tandis qu'elle
s'eft mal foutenue ) des Artiſtes fort fupérieurs.
Quant à la premiere de ces propofitions
il faudroit , Monfieur , que vous cuffiez
paffé vos jours dans le trifte tombeau de
Selima , pour ignorer avec quelle ardeur
on cultive encore en Italie la peinture , la
fculpture & l'architecture .
Cv
58 MERCURE DE FRANCE..
La feconde propofition mérite un peut
plus d'être difcutée.
Quoiqu'il foit peut- être vrai que nous
ne fuivions
pas d'affez près les grands modeles
du fiécle de Léon X , il faut voir fi
les arts de l'Italie font fi fort dégénérés
dans le nôtre , qu'on ne puiffe les comparer
à ceux de fes voifins.
Peut-être , Monfieur , avec l'étendue
de connoiffances que vous poffedez , découvrirez-
vous parmi eux des Peintres fupérieurs
à l'Espagnolet , au Tréviſan , à Sebaftien
Coucha , à Solimene , à Carle Maratte
, au Tripolo , au Piazzetta , au Panini
tous de ces derniers tems , & dont quelques-
uns jouiffent encore de leur réputation.
La France qui a fur ce point le tort
de ne pas penfer comme vous , tache en
attendant d'enrichir fes galeries des ouvrages
de ces Artiſtes médiocres , guidés uniquement
par leur instinct mêlé de goût &
de raifon , tandis que notre pauvre Italie
n'a pas encore décoré les fiennes des morceaux
rares & précieux de vos Peintres
modernes non qu'elle leur refufât le génie
& le talent , mais parce qu'elle les croiroit
un peu moins approchant des grands
modeles de Raphaël , du Titien , des Carraches
dont elle eft l'oifive dépofutaire. Les
noms fameux de leurs fucceffeurs que je
JUILLET. 1755. 59
viens de vous indiquer , vous prouveront
du moins les ouvriers ne manquent
point à l'art , au moins dans ce genre.
que
L'architecture & la fculpture s'y fou
tiennent de même avec un vif empreffement
d'atteindre à la perfection des grands
modeles . Un homme de condition qui s'eft
adonné en homme de génie * au premier
de ces arts , ne nous laifferoit point regretter
le fiécle de Vitruve , s'il ne falloit
que du talent pour exécuter de grandes
chofes. Tout ce qui nous refte de la belle
antiquité , eft devenu inimitable ; non
pas faute de goût ni de lumieres dans nos
artiftes , mais faute de moyens dans ceux
qui les emploient . Où prendroient nos
Architectes les fonds néceffaires à la conftruction
de ces thermes , ces amphithéatres
, ces cirques , ces arcs de triomphe ,
ces temples , ces palais , ornemens de l'ancienne
Rome ? Maîtreffe de l'univers elle
pouvoit fournir à ces dépenfes prodigieufes
. Des Etats dont les bornes font refferrées
, les revenus médiocres , les citoyens
peu riches , ne peuvent fans donner dans le
ridicule , envifager de fi grands objets.
Pour juger fainement du talent des Ar-
M. le Comte Alfieri , Architecte de S. M. le
Roi de Sardaigne.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
tiſtes, il faut examiner fi dans la proportion
des moyens , leurs ouvrages ont atteint le
vrai beau. Sans remonter plus haut que le
Pontife regnant , je ne vous citerai de Rome
que la feule fontaine de Trevi : oppofez-
lui , Monfieur , la plus belle des vôtres.
Ecoutez vos Artiſtes même les plus diftingués
, vos Académiciens jufqu'au Mécene *
qui dirige , qui éclaire , qui anime leurs
travaux , tous éleves de l'Italie , ils lui doivent
trop pour ne pas prendre fa défenfe .
Ce feroit entrer dans une difcuffion dont
on eft déja fatigué , que de m'étendre ici
fur notre Mufique ; il fuffit qu'en général
on lui accorde la fupériorité.
J'aime fi fort , Monfieur , à m'en rapporter
à vos décifions , que je ne vous
difputerai point l'origine de la langue
italienne . Je crois avec vous qu'elle tire
fa fource du Grec & du Latin ; mais je ne
fçaurois vous paffer , Monfieur , cette application
que vous nous fuppofez à décliner
de notre fource : nous y puifons.
journellement , non feulement les termes ,
mais les phraſes entieres ; & nos Académiciens
della Crufca en adoptent entierement
la fyntaxe. Ce n'eft , décidez -vous , qu'à
Rome & à Florence qu'elle fe conferve dans
toute fa pureté. Mais que diriez - vous de
quelqu'un qui affureroit qu'on ne parle
JUILLET. 1755. 61.
François qu'à Blois , & Allemand qu'à
Leipfick ? Vous avez confondu avec la
langue même les différens idiômes du même
peuple que vous appellés en France
patois. Penfez-y , Monfieur , & lifez nos
écrits modernes , vous verrez que les gens
de lettres parlent ou du moins écrivent
auffi-bien à Naples qu'à Rome , à Padoue
qu'à Florence , & ainfi de toutes les langues
de l'univers.
Pardonnez , fi j'appelle auffi de l'arrêt
que vous prononcez fur le mérite de cette
langue : Vous avez la bonté de lui accorder
la moleffe & la douce harmonie, mais
vous lui refuſez la force & l'énergie :
Souffrez , Monfieur , une queftion qui ne
doit jamais offenfer un homme de lettres
lorfqu'il cherche la vérité. La connoiffezvous
affez cette langue & les morceaux de
force qu'elle a produits , pour donner un
certain dégré d'autenticité à l'oracle que
vous prononcez ? Lifez , s'il vous plaît ,
ces huit ou dix vers que je cite au hazard ,
de quelqu'un qui n'eft pas auteur de profeffion
* , ( c'eft le defefpoir d'un amant ; )
vous me direz de bonne foi fi vous connoiffez
un crayon plus noir & plus énergique.
* M. le Comte Pietro Scoți de Sarmato.
62 MERCURE DE FRANCE.
Tra balge & rupi inpenetrabile fia
Latro ritiro ; urli di lupi ogn'ora ,
Turbino i fonni , e la nafcente aurora »
Tarda ritorni a ricondurre il giorno.
Forbida luce de Digiuno fuoco .
Qual ne i fepolcri la pietá racchiude
O poco fcemi , o crefca orrore al loco,
Qui federommi al mio dolor Vicino ,
Stanco d'effer materia all ' atra incude
Del fiero amore del crudel deftino.
Je me flate , Monfieur , que vous ne
refuferez pas plus à ces vers la force &
l'énergie que le fon & l'harmonie : La
peinture y eft affreufe , mais d'une vérité
frappante ; & ne diroit- on pas que l'ima
gination qui en a broyé les couleurs , avoit
pris fes nuances dans Cleveland , ou l'Homme
de qualité ?
λ
Mais laiffons enfin les arts agréables
pour nous élever jufqu'aux fciences fublimes.
Je fuis trop preffé de vous remercier
au nom de toute ma nation de ce que
vous lui permettez d'avoir fes Hiftoriens ,
fes Philofophes & fes Poëtes , pour m'ar
rêter plus long-tems à des objets fur lef
quels je crois l'avoir fuffisamment juftifiée.
Je crois voir cependant que ce petit éloge
n'eft qu'un buiffon de fleurs deftiné à cacher
un ferpent : J'apperçois trop que vous
JUILLE T. 1755. 03
.
nous refufez la folidité néceffaire pour
les recherches profondes , la jufteffe d'efprit
fans laquelle on ne peut imaginer ,
fuivre & détailler un fyftême , la longue
& patiente méditation par laquelle on parvient
à la connoiffance des vérités philofophiques.
MM. d'Alembert & Clairault ,
Mathématiciens françois , que l'Italie fait
gloire d'honorer & de refpecter , vous diront
cependant qu'ils eftiment un Marquis
Poleni , un Zachieri , & beaucoup d'autres
dont les noms peut- être vous font inconnus
des études différentes détournoient
votre attention ) ; mais ils n'ont
point échappé aux autres Mathématiciens
de l'Europe. M. Morand , que les étrangers
n'en eftiment pas moins , parce que
la France l'admire , daigne avouer Morgagni
& Molinelli . Vous n'avez point de
Botanifte qui ne faffe le plus grand cas de
Pontedera , & la Tofcane feule fournit
plufieurs Naturaliftes dont les Buffon &
les Réaumur n'ignorent dès long-tems ni
l'existence ni le mérite . Ajoutons à ces
noms célebres deux femmes illuftres dignes
rivales de votre Emilie , Mefdames Baffi &
Agnefi que les Italiens & les étrangers admirent
également , & dans leurs profonds
écrits & dans les chaires de Profeffeurs ,
que la premiere remplit à Bologne.
64 MERCURE DE FRANCE.
Si vous aviez connu , Monfieur , tous
ces noms déja confacrés dans les faftes
du fçavoir , auriez vous foupçonné nos
Philofophes de ne pouvoir fe garantir des
préjugés de la Magie & de l'Aftrologie 2 à
ce foupçon ma réponſe eft bien fimple
Long - tems avant les procès fameux de
Gauffredi , d'Urbain Grandier , de la Maréchale
d'Ancre & d'autres affaires d'éclat
qui plus récemment ont occupé la France ,
nos Philofophes & nos fçavans ne parloient
déja plus de Magie. A l'égard de
l'Aftrologie lifez vos hiftoriens , ils vous
diront que la France commença de s'en
entêter lorfque l'Italie achevoit de s'en
defabufer ; mais avouons de bonne foi
qu'on s'en moque aujourd'hui autant d'un
côté que de l'autre.
,
J
» Il s'en faut beaucoup que l'Italie mo-
» derne ait des modeles à nous offrir , ni
» qu'elle approche de ceux qu'elle a reçus
» comme nous de l'Italie latine . Tel eft ,
Monfieur votre jugement au fujet de
l'hiftoire ; il eft vrai que nous n'avons plus
les Tites Live , les Salufte , les Tacite
& c , mais nous refuferez - vous Guicciardin
, Macchiaveli , Bembo , Davila , Frapaolo;
& de nos jours les Gianoni , les
Muratori & les Burnamici . Vous avez
affurement lû ces hiftoriens , convenez
JUILLET. 175 5 :
qu'ils auroient mérité votre approbation .
Sur l'éloquence de la chaire , vous êtes
encore en défaut ; vous nous accufez ,
Monfieur , d'un vice que nous condamnons
dans le mauvais fiécle du Seicento
où les Bifchicci , les Allegories , & mille
autres puérilités de même nature remplaçoient
fouvent la morale , l'onction & let
raifonnement . Revenus nous - mêmes de
notre erreur paffée nous déplorons les fautes
de nos ancêtres , & nous blâmons autant
les modernes qui y retombent que
ceux qui nous condamnent fans nous connoître.
Que répondriez-vous à un critique
qui jugeroit vos prédicateurs fur les fermons
de Coiffereau , ou fur les capucinades
de vos Miffionaires.
Je ne vous fuivrai point à la piſte dans
le labyrinthe des phrafes un peu entortillées
, où vous déclamez contre notre genre
dramatique : Je ne vous faifirai qu'au paffage
, où vous imaginez ne pas bleffer la
vraiſemblance en ofant avancer qu'en Italie
c'est l'imperfection de la fociété , le peu de
commerce entre les deux fexes qui a retardé
les progrès du théatre comique . Je reſpecte
trop les gens
de lettres , & vous particu-:
lierement , Monfieur , pour vous paffer
les propofitions que vous hazardez à ce
fujet.
,
66 MERCURE DE FRANCE.
A
Vous , Monfieur , qui fçavez , & qui
nous apprenez fi bien les moeurs de tant
de peuples dont on connoit à peine les
noms , comment avez - vous pu imaginer
les deux fexes auíli féparés que vous les
fuppofez en Italie ? fi moins attaché à vos
Penates vous aviez daigné employer quel
ques mois feulement à la connoiffance de
nos climats , vous auriez vû avec plaifir
que les deux fexes y font bien plus réunis
qu'à Paris. Là au lieu de fe raffembler a
T'heure d'un fouper on fe voit toute la
journée , toutes les maifons font ouvertes
à la bonne compagnie depuis le matin juſ
qu'affez avant dans la nuit , coutumé qui
rend inutile chez nous l'établiffement de
ces petites maiſons où chacun à Paris fem
ble chercher plutôt un afyle pour la liberté
& pour le plaifir qu'un théatre du fentiment
& des grandes paffions.
Je ferai , fi vous voulez , un peu plus
d'accord avec vous fur la rareté que vous
croyez voir en Italie de certains ouvrages
de pur agrément , tel que les pieces fugiti
ves , les effais , les mêlanges de littérature &
de poësie , & tant d'autres productions lé
geres dont la France abonde , & qui peuvent
recevoir le nom de liberiinage d'esprit.
Mais hélas ! Monfieur , croiriez- vous de
bonne foi que nous duffions tant vous en
JUILLET. 1753. 207
vier cette abondance , & vous fembler fi
fort à plaindre de n'écrire guères que pour
notre raiſon ?
Telles font , Monfieur , les obfervations
que j'ai crû devoir faire fur votre introduction
à la partie hiftorique. Avec moins
d'envie de mériter vos éloges , j'aurois
peut-être négligé la défenſe de ma patrie.
Je vous crois trop d'efprit , de modération
& d'impartialité pour ne pas m'en fçavoir
quelque gré. Un Journal étranger eft fait
pour plaire à toute l'Europe ; il ne faut
donc point qu'il prenne trop le goût du
terroir qui l'a produit ; & fi jamais il étoit
permis de s'écarter du vrai , du moins il
feroit plus fûr de flater que de cenfurer
trop légerement des nations entieres : celles-
ci pourroient à leur tour apprécier trop
vite l'auteur fur l'étiquete de l'ouvrage.
Italien à M. l'Abbé Prevot.
Sur l'article du Journal étranger de Janvier
1755 , qui a pour titre Introduction à
la partie hiftorique.
Plaine morale que vous avez répandue
Lus l'Italie a fçu apprécier & goûter la
dans vos Romans , chefs - d'oeuvre d'une
imagination vive & féconde , & d'un coeur
qui fans effort a adopté la vertu & réprouvé
le vice , plus elle a dû être fenfible aux
idées defavantageufes que vous donneriez
de fes habitans à qui n'en jugeroit que
d'après vos fuffrages. Mere des fciences &
des arts elle fe voit à regret accufée par
un juge auffi intégre qu'éclairé , d'en être
devenue la marâtre , & de n'avoir pas vou
lu conferver chez elle ce goût même qui y
avoit pris naiſſance.
Affez malheureux pour être né dans un
pays qui nefe reffemble plus , je le ne fuis pas
au point de négliger entierement fa réputation
. L'amour de la patrie, peut- être le
defir d'être éclairé par vos lumieres , m'ont
fait entreprendre fa juftification. Ces deux
principes qui me guident , méritent l'inJUILLET.
1755. 57
dulgence d'un auteur vertueux : daignez
en leur faveur pardonner à un étranger
des fautes de ſtyle ou de langage.
vous ,
Tous les étrangers conviennent , dites-
Monfieur , que cette belle partie de
Europe n'est plus que la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres ; les écoles n'y
font plus des corps fubfiftans de peinture ...
L'art refte encore ; mais les ouvriers manquent
à lart .
Sans entrer dans une difcuffion , qui n'eſt
point de ma compétence , fur la derniere
de ces phrafes , qui pourroit être regardée
même par un François comme peu intellible
, permettez que j'en examine ce qui
fait mon objet : La vérité.
Pour que l'Italie fut la dépofitaire oifive
des travaux de fes ancêtres , il faudroit
néceffairement , de deux chofes l'une , ou
qu'on n'y travaillât plus du tout dans les
mêmes genres , ou qu'on trouvât ( .chez
fes voisins qui fe font élevés , tandis qu'elle
s'eft mal foutenue ) des Artiſtes fort fupérieurs.
Quant à la premiere de ces propofitions
il faudroit , Monfieur , que vous cuffiez
paffé vos jours dans le trifte tombeau de
Selima , pour ignorer avec quelle ardeur
on cultive encore en Italie la peinture , la
fculpture & l'architecture .
Cv
58 MERCURE DE FRANCE..
La feconde propofition mérite un peut
plus d'être difcutée.
Quoiqu'il foit peut- être vrai que nous
ne fuivions
pas d'affez près les grands modeles
du fiécle de Léon X , il faut voir fi
les arts de l'Italie font fi fort dégénérés
dans le nôtre , qu'on ne puiffe les comparer
à ceux de fes voifins.
Peut-être , Monfieur , avec l'étendue
de connoiffances que vous poffedez , découvrirez-
vous parmi eux des Peintres fupérieurs
à l'Espagnolet , au Tréviſan , à Sebaftien
Coucha , à Solimene , à Carle Maratte
, au Tripolo , au Piazzetta , au Panini
tous de ces derniers tems , & dont quelques-
uns jouiffent encore de leur réputation.
La France qui a fur ce point le tort
de ne pas penfer comme vous , tache en
attendant d'enrichir fes galeries des ouvrages
de ces Artiſtes médiocres , guidés uniquement
par leur instinct mêlé de goût &
de raifon , tandis que notre pauvre Italie
n'a pas encore décoré les fiennes des morceaux
rares & précieux de vos Peintres
modernes non qu'elle leur refufât le génie
& le talent , mais parce qu'elle les croiroit
un peu moins approchant des grands
modeles de Raphaël , du Titien , des Carraches
dont elle eft l'oifive dépofutaire. Les
noms fameux de leurs fucceffeurs que je
JUILLET. 1755. 59
viens de vous indiquer , vous prouveront
du moins les ouvriers ne manquent
point à l'art , au moins dans ce genre.
que
L'architecture & la fculpture s'y fou
tiennent de même avec un vif empreffement
d'atteindre à la perfection des grands
modeles . Un homme de condition qui s'eft
adonné en homme de génie * au premier
de ces arts , ne nous laifferoit point regretter
le fiécle de Vitruve , s'il ne falloit
que du talent pour exécuter de grandes
chofes. Tout ce qui nous refte de la belle
antiquité , eft devenu inimitable ; non
pas faute de goût ni de lumieres dans nos
artiftes , mais faute de moyens dans ceux
qui les emploient . Où prendroient nos
Architectes les fonds néceffaires à la conftruction
de ces thermes , ces amphithéatres
, ces cirques , ces arcs de triomphe ,
ces temples , ces palais , ornemens de l'ancienne
Rome ? Maîtreffe de l'univers elle
pouvoit fournir à ces dépenfes prodigieufes
. Des Etats dont les bornes font refferrées
, les revenus médiocres , les citoyens
peu riches , ne peuvent fans donner dans le
ridicule , envifager de fi grands objets.
Pour juger fainement du talent des Ar-
M. le Comte Alfieri , Architecte de S. M. le
Roi de Sardaigne.
C vj
60 MERCURE DE FRANCE.
tiſtes, il faut examiner fi dans la proportion
des moyens , leurs ouvrages ont atteint le
vrai beau. Sans remonter plus haut que le
Pontife regnant , je ne vous citerai de Rome
que la feule fontaine de Trevi : oppofez-
lui , Monfieur , la plus belle des vôtres.
Ecoutez vos Artiſtes même les plus diftingués
, vos Académiciens jufqu'au Mécene *
qui dirige , qui éclaire , qui anime leurs
travaux , tous éleves de l'Italie , ils lui doivent
trop pour ne pas prendre fa défenfe .
Ce feroit entrer dans une difcuffion dont
on eft déja fatigué , que de m'étendre ici
fur notre Mufique ; il fuffit qu'en général
on lui accorde la fupériorité.
J'aime fi fort , Monfieur , à m'en rapporter
à vos décifions , que je ne vous
difputerai point l'origine de la langue
italienne . Je crois avec vous qu'elle tire
fa fource du Grec & du Latin ; mais je ne
fçaurois vous paffer , Monfieur , cette application
que vous nous fuppofez à décliner
de notre fource : nous y puifons.
journellement , non feulement les termes ,
mais les phraſes entieres ; & nos Académiciens
della Crufca en adoptent entierement
la fyntaxe. Ce n'eft , décidez -vous , qu'à
Rome & à Florence qu'elle fe conferve dans
toute fa pureté. Mais que diriez - vous de
quelqu'un qui affureroit qu'on ne parle
JUILLET. 1755. 61.
François qu'à Blois , & Allemand qu'à
Leipfick ? Vous avez confondu avec la
langue même les différens idiômes du même
peuple que vous appellés en France
patois. Penfez-y , Monfieur , & lifez nos
écrits modernes , vous verrez que les gens
de lettres parlent ou du moins écrivent
auffi-bien à Naples qu'à Rome , à Padoue
qu'à Florence , & ainfi de toutes les langues
de l'univers.
Pardonnez , fi j'appelle auffi de l'arrêt
que vous prononcez fur le mérite de cette
langue : Vous avez la bonté de lui accorder
la moleffe & la douce harmonie, mais
vous lui refuſez la force & l'énergie :
Souffrez , Monfieur , une queftion qui ne
doit jamais offenfer un homme de lettres
lorfqu'il cherche la vérité. La connoiffezvous
affez cette langue & les morceaux de
force qu'elle a produits , pour donner un
certain dégré d'autenticité à l'oracle que
vous prononcez ? Lifez , s'il vous plaît ,
ces huit ou dix vers que je cite au hazard ,
de quelqu'un qui n'eft pas auteur de profeffion
* , ( c'eft le defefpoir d'un amant ; )
vous me direz de bonne foi fi vous connoiffez
un crayon plus noir & plus énergique.
* M. le Comte Pietro Scoți de Sarmato.
62 MERCURE DE FRANCE.
Tra balge & rupi inpenetrabile fia
Latro ritiro ; urli di lupi ogn'ora ,
Turbino i fonni , e la nafcente aurora »
Tarda ritorni a ricondurre il giorno.
Forbida luce de Digiuno fuoco .
Qual ne i fepolcri la pietá racchiude
O poco fcemi , o crefca orrore al loco,
Qui federommi al mio dolor Vicino ,
Stanco d'effer materia all ' atra incude
Del fiero amore del crudel deftino.
Je me flate , Monfieur , que vous ne
refuferez pas plus à ces vers la force &
l'énergie que le fon & l'harmonie : La
peinture y eft affreufe , mais d'une vérité
frappante ; & ne diroit- on pas que l'ima
gination qui en a broyé les couleurs , avoit
pris fes nuances dans Cleveland , ou l'Homme
de qualité ?
λ
Mais laiffons enfin les arts agréables
pour nous élever jufqu'aux fciences fublimes.
Je fuis trop preffé de vous remercier
au nom de toute ma nation de ce que
vous lui permettez d'avoir fes Hiftoriens ,
fes Philofophes & fes Poëtes , pour m'ar
rêter plus long-tems à des objets fur lef
quels je crois l'avoir fuffisamment juftifiée.
Je crois voir cependant que ce petit éloge
n'eft qu'un buiffon de fleurs deftiné à cacher
un ferpent : J'apperçois trop que vous
JUILLE T. 1755. 03
.
nous refufez la folidité néceffaire pour
les recherches profondes , la jufteffe d'efprit
fans laquelle on ne peut imaginer ,
fuivre & détailler un fyftême , la longue
& patiente méditation par laquelle on parvient
à la connoiffance des vérités philofophiques.
MM. d'Alembert & Clairault ,
Mathématiciens françois , que l'Italie fait
gloire d'honorer & de refpecter , vous diront
cependant qu'ils eftiment un Marquis
Poleni , un Zachieri , & beaucoup d'autres
dont les noms peut- être vous font inconnus
des études différentes détournoient
votre attention ) ; mais ils n'ont
point échappé aux autres Mathématiciens
de l'Europe. M. Morand , que les étrangers
n'en eftiment pas moins , parce que
la France l'admire , daigne avouer Morgagni
& Molinelli . Vous n'avez point de
Botanifte qui ne faffe le plus grand cas de
Pontedera , & la Tofcane feule fournit
plufieurs Naturaliftes dont les Buffon &
les Réaumur n'ignorent dès long-tems ni
l'existence ni le mérite . Ajoutons à ces
noms célebres deux femmes illuftres dignes
rivales de votre Emilie , Mefdames Baffi &
Agnefi que les Italiens & les étrangers admirent
également , & dans leurs profonds
écrits & dans les chaires de Profeffeurs ,
que la premiere remplit à Bologne.
64 MERCURE DE FRANCE.
Si vous aviez connu , Monfieur , tous
ces noms déja confacrés dans les faftes
du fçavoir , auriez vous foupçonné nos
Philofophes de ne pouvoir fe garantir des
préjugés de la Magie & de l'Aftrologie 2 à
ce foupçon ma réponſe eft bien fimple
Long - tems avant les procès fameux de
Gauffredi , d'Urbain Grandier , de la Maréchale
d'Ancre & d'autres affaires d'éclat
qui plus récemment ont occupé la France ,
nos Philofophes & nos fçavans ne parloient
déja plus de Magie. A l'égard de
l'Aftrologie lifez vos hiftoriens , ils vous
diront que la France commença de s'en
entêter lorfque l'Italie achevoit de s'en
defabufer ; mais avouons de bonne foi
qu'on s'en moque aujourd'hui autant d'un
côté que de l'autre.
,
J
» Il s'en faut beaucoup que l'Italie mo-
» derne ait des modeles à nous offrir , ni
» qu'elle approche de ceux qu'elle a reçus
» comme nous de l'Italie latine . Tel eft ,
Monfieur votre jugement au fujet de
l'hiftoire ; il eft vrai que nous n'avons plus
les Tites Live , les Salufte , les Tacite
& c , mais nous refuferez - vous Guicciardin
, Macchiaveli , Bembo , Davila , Frapaolo;
& de nos jours les Gianoni , les
Muratori & les Burnamici . Vous avez
affurement lû ces hiftoriens , convenez
JUILLET. 175 5 :
qu'ils auroient mérité votre approbation .
Sur l'éloquence de la chaire , vous êtes
encore en défaut ; vous nous accufez ,
Monfieur , d'un vice que nous condamnons
dans le mauvais fiécle du Seicento
où les Bifchicci , les Allegories , & mille
autres puérilités de même nature remplaçoient
fouvent la morale , l'onction & let
raifonnement . Revenus nous - mêmes de
notre erreur paffée nous déplorons les fautes
de nos ancêtres , & nous blâmons autant
les modernes qui y retombent que
ceux qui nous condamnent fans nous connoître.
Que répondriez-vous à un critique
qui jugeroit vos prédicateurs fur les fermons
de Coiffereau , ou fur les capucinades
de vos Miffionaires.
Je ne vous fuivrai point à la piſte dans
le labyrinthe des phrafes un peu entortillées
, où vous déclamez contre notre genre
dramatique : Je ne vous faifirai qu'au paffage
, où vous imaginez ne pas bleffer la
vraiſemblance en ofant avancer qu'en Italie
c'est l'imperfection de la fociété , le peu de
commerce entre les deux fexes qui a retardé
les progrès du théatre comique . Je reſpecte
trop les gens
de lettres , & vous particu-:
lierement , Monfieur , pour vous paffer
les propofitions que vous hazardez à ce
fujet.
,
66 MERCURE DE FRANCE.
A
Vous , Monfieur , qui fçavez , & qui
nous apprenez fi bien les moeurs de tant
de peuples dont on connoit à peine les
noms , comment avez - vous pu imaginer
les deux fexes auíli féparés que vous les
fuppofez en Italie ? fi moins attaché à vos
Penates vous aviez daigné employer quel
ques mois feulement à la connoiffance de
nos climats , vous auriez vû avec plaifir
que les deux fexes y font bien plus réunis
qu'à Paris. Là au lieu de fe raffembler a
T'heure d'un fouper on fe voit toute la
journée , toutes les maifons font ouvertes
à la bonne compagnie depuis le matin juſ
qu'affez avant dans la nuit , coutumé qui
rend inutile chez nous l'établiffement de
ces petites maiſons où chacun à Paris fem
ble chercher plutôt un afyle pour la liberté
& pour le plaifir qu'un théatre du fentiment
& des grandes paffions.
Je ferai , fi vous voulez , un peu plus
d'accord avec vous fur la rareté que vous
croyez voir en Italie de certains ouvrages
de pur agrément , tel que les pieces fugiti
ves , les effais , les mêlanges de littérature &
de poësie , & tant d'autres productions lé
geres dont la France abonde , & qui peuvent
recevoir le nom de liberiinage d'esprit.
Mais hélas ! Monfieur , croiriez- vous de
bonne foi que nous duffions tant vous en
JUILLET. 1753. 207
vier cette abondance , & vous fembler fi
fort à plaindre de n'écrire guères que pour
notre raiſon ?
Telles font , Monfieur , les obfervations
que j'ai crû devoir faire fur votre introduction
à la partie hiftorique. Avec moins
d'envie de mériter vos éloges , j'aurois
peut-être négligé la défenſe de ma patrie.
Je vous crois trop d'efprit , de modération
& d'impartialité pour ne pas m'en fçavoir
quelque gré. Un Journal étranger eft fait
pour plaire à toute l'Europe ; il ne faut
donc point qu'il prenne trop le goût du
terroir qui l'a produit ; & fi jamais il étoit
permis de s'écarter du vrai , du moins il
feroit plus fûr de flater que de cenfurer
trop légerement des nations entieres : celles-
ci pourroient à leur tour apprécier trop
vite l'auteur fur l'étiquete de l'ouvrage.
Fermer
Résumé : Lettre apologétique d'un Gentilhomme Italien à M. l'Abbé Prevot. Sur l'article du Journal étranger de Janvier 1755, qui a pour titre Introduction à la partie historique.
La lettre apologétique d'un gentilhomme italien adressée à l'abbé Prévost répond à un article du *Journal étranger* de janvier 1755, qui critiquait l'Italie en la qualifiant de 'marâtre' des sciences et des arts. L'auteur reconnaît les mérites de Prévost mais défend l'Italie contre ces accusations. Il souligne que l'Italie reste un berceau des arts et des sciences, malgré les difficultés économiques actuelles qui empêchent la réalisation de grands projets architecturaux. Pour prouver que les arts y sont toujours cultivés, il cite plusieurs artistes italiens contemporains. Il aborde également la musique, la langue italienne et les sciences, mentionnant des savants et des écrivains italiens respectés en Europe. La lettre critique les préjugés de Prévost sur l'Italie moderne, notamment sur la séparation des sexes et le théâtre comique. L'auteur conclut en invitant Prévost à mieux connaître les mœurs italiennes pour éviter les malentendus. Un autre texte, daté de juillet 1753, discute de la profusion de productions légères en France, telles que les essais et les mélanges de littérature et de poésie, qualifiées de 'libertinage d'esprit'. L'auteur exprime son regret de devoir critiquer cette abondance et déplore que ses écrits soient principalement destinés à la raison. Il justifie ses observations en introduisant une partie historique, soulignant qu'il a agi par amour pour sa patrie. L'auteur reconnaît l'esprit, la modération et l'impartialité de son interlocuteur et espère que celui-ci appréciera ses efforts. Il souligne que, bien qu'un journal étranger doive plaire à toute l'Europe, il ne doit pas trop refléter le goût local. L'auteur conseille de flatter plutôt que de censurer trop légèrement des nations entières, afin d'éviter que celles-ci ne jugent l'auteur sur la base de son ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 185-202
Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
Début :
MESSIEURS, la Peinture, dont je dois avoir l'honneur de vous entretenir [...]
Mots clefs :
Peintre du roi, Académie royale de peinture et de sculpture, Société royale de Lyon, Peinture, Dessin, Nature, Corps humain, Parties du corps, Goût, Peintre, Muscles, Art, Femme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
Difcours fur la Peinture par M. Nonnotte ;
Peintre du Roi , de l'Académie Royale de
Peinture & Sculpture , & de la Société
! Royale de Lyon.
MESS
ESSIEURS , la Peinture , dont je dois
avoir l'honneur de vous entretenir
aujourd'hui pour mon premier tribut académique
, elt connue pour être au rang
des Arts qui , dans tous les tems éclairés ,
ont mérité les empreffemens des perfonnes
d'efprit & de goût,
Difpenfez-moi , je vous prie , de remonter
à la fombre recherche de fon origine
, de même que de vous informer du
tems précis où elle a pris naiffance ; cette
découverte me paroît être auffi inutile
qu'incertaine. En effet , qu'importe à cette
Académie dans le but qu'elle fe propofe ,
que ce foit les Egyptiens ou les Grecs qui
en foient les premiers inventeurs , ou que
l'amour , plutôt qu'une curiofité raifonnable
, y ait donné lieu . J'aime à m'entrete
nir des connoiffances & des faits certains
& quoique l'Ecriture Sainte foit celle qui
répand le plus de clarté fur l'ancienneté
de la Peinture & de la Sculpture , je crois
i86 MERCURE DE FRANCE.
en trouver encore d'avantage dans le goût
naturel de l'homme pour les Beaux Arts .
Leur utilité , leurs agrémens ne pouvoient
que nous engager à les cultiver le dégré
de leur perfection , eft ce qui doit attirer
toute notre attention & notre eſtime.
Je ne m'arrêterai donc point , Meffieurs,
à une ennuyeuſe chronologie des progrès
de la Peinture , encore moins à vous en
faire l'éloge ; jufqu'ici on en a dit affez à
ce fujet , & ce qu'on en a dit vous eft connu.
Je ne rappellerai point non plus la préférence
qu'elle a pu recevoir fur plufieurs
des autres Arts , j'agirois contre l'efprit qui
m'anime & qui eft la bafe de cette illuftre
fociété , dont l'établiffement en réuniffant
les Arts & les Sciences , ne doit pas moins
réunir les fentimens & les coeurs .
J'examinerai fimplement , ce que la
Peinture eft en elle- même , les parties
qu'elle renferme , & le goût qui en fait le
beau & l'agréable . Je chercherai à me retracer
les entretiens que j'ai eus à ce fujet ,
avec feu M. le Moine , premier Peintre du
Roi , fous lequel j'ai été affez heureux
pour étudier les fix dernieres années de fa
vie ; c'eft le tems , où ce grand . Artiste a
mis au jour les ouvrages les plus dignes de
l'immortalifer , & les plus propres à inftruire
un Eleve. La coupole de la chapelle de
OCTOBRE. 1755. 187
la Vierge de S. Sulpice , & le plafond du
fallon d'Hercule à Verfailles, font actuellement
l'admiration des connoiffeurs , &
feront furement celle de la poftérité. C'eſt
à ces ouvrages , & à l'emploi que M. le
Moine daigna m'y donner , que je dois le
peu de connoiffance que j'ai de la Peinture .
Pour mettre quelque ordre à ce Difcours
, je diviferai la Peinture en trois
parties principales ; le deffein , la compofition
, & le coloris. La premiere qui eft le
deffein , fera le fujet de cet entretien.
c'eft On me demandera peut- être ce que
que le deffein ? Dans ce cas , Meffieurs , je
dois répondre que c'eft un compofé de différentes
lignes , qui étant réunies , doivent
nous préfenter au premier coup d'oeil , l'objet
que nous nous fommes propofé de rendre.
Tout ce que nous voyons porte par la
forme , au quarré , au rond , ou à un mêlange
agréable de l'un & de l'autre ; il faut
donc , lorfque nous avons l'une de ces formes
à jetter fur le papier ou fur la toile , la
faifir par le contour ; & fi du quarré plus
ou moins fenfible , elle porte enfuite à quelques
rondeurs , faire fléchir fon trait , pour
parvenir à la jufteffe & à la vérité du mêlange
des formes .
L'imitation de tout ce qui eft créé fut
réfervé à l'homme feul ; auffi l'homme y
188 MERCURE DE FRANCE.
eft-il porté naturellement ; & quand il le
fait avec choix , il féduit , it enchante.
Nulle imitation ne fut plus digne de lui
que celle du corps humain ; c'eft celle qu'il
devoit étudier par préférence , & qui fait
notre principal fujet. Paffons à l'examen.
J'ai dit que tout ce que nous voyons ,
porte par la forme au quarré , au rond , ou
à un mêlange agréable de l'un & de l'autre.
C'est dans l'extérieur du corps humain ,
qu'on peut mieux remarquer les effets de
ce mêlange ; c'eft - là qu'il fe montre avec
plus de grace. Les formes qui tendent au
quarré , font fenfibles partout où les os
font plus près de la peau , ainfi que dans
l'étendue des muſcles plats . Les rondes paroiffent
aux parties charnues ou chargées
par la graiffe. En forte que quand on prend
des enfembles , toujours par les contours
foit généraux , foit particuliers , il faut
d'abord les faifir quarrément pour la diftribution
, & les arrondir enfuite imperceptiblement
felon leur befoin.
Les formes quarrées plus ou moins fenfibles
, dont je parle au fujet du corps humain
, je ne prétens point , Meffieurs , leur
donner aucun angle vif , les angles y ont
toujours quelques arrondiffemens. Le terme
de quarré eft expreffif pour l'ufage des
Peintres : il eft connu dans toutes les écoles,
OCTOBRE. 1755 . 189
Faut-il en prenant le trait d'une figure ,
le rendre également fenfible ? Comme le
Peintre doit donner de l'intelligence à ce
qu'il fait , & qu'elle ne peut trop- tôt paroître
, il doit procurer au premier trait ,
plus de fermeté partout où paroiffent les
os , qui font d'une nature plus dure ; &
paffer légerement fur les parties rondes qui
font les plus tendres. Excepté les côtés deftinés
pour les ombres , ainfi que les infertions
des muſcles qui s'approchant les
uns des autres , pour former leurs liaiſons,
demandent alors une plus forte expreffion .
Mais il faut remarquer , que cette expreffion
ne doit être plus vive , que dans ce
qui caractériſe l'enſemble des grandes parties
; celles qui font plus petites voulant
être moins fenfibles à mesure qu'elles diminuent
de volume ; fi ce n'eft dans le cas ,
où ces petites parties auront auffi des os ;
car alors elles demandent la premiere fermeté
, fans vouloir rien perdre de leur détail.
C'eft de cette façon qu'il faut traiter
les pieds , les mains , & les têtes .
Je laiffe quant-à - préfent les réflexions
à faire fur les maffes d'ombres & fur le
clair -obfcur. Ces parties dépendent de la
compofition , qui eft la feconde de mon
plan général.
Le deffein eft le point principal de la
190 MERCURE DE FRANCE.
癜
Peinture , & l'écueil où il eft le plus dangereux
d'échouer. C'est lui qui fépare les
maffes informes , qui diftribue les parties
des différens corps que l'on veut repréfenter
, qui les lie , & forme le tout de chaque
chofe dans ce qu'elle doit être . Sans
lui point d'enſemble & point de forme ;
fans forme point de grace , point de nobleffe
& nulle expreffion ; fans expreffion
point d'ame ; & fans ame , que devient le
Prométhée de la Peinture & fes illufions.
C'eſt le deffein qui fait diftinguer dans le
corps humain , les différens âges & les différentes
conditions , les différens fexes , &
ce que leurs faifons peuvent y donner de
variété. Il défigne les caracteres en tous genres
, ainfi que toutes les paffions. Enfin fans
lui , un tableau ne feroit , à proprement
parler , qu'une palette chargée de couleurs ,
qui ne dit mot , par conféquent ne reffemble
à rien.
Voyons , Meffieurs , ce que le deffein
doit être par rapport aux âges ; tâchons à
en développer les différens caracteres :
commençons par l'âge le plus tendre .
Les enfans naiffent avec la diftribution
complette de toutes les parties , qui dans
un autre âge forment un grand corps , foit
par les os , foit par les muſcles. Mais comme
les os & les muſcles , n'ont point enOCTOBRE.
1755. 191
L
core dans celui- ci , leur force , ni leur
étendue , & que d'ailleurs les chairs font
d'ordinaire , plus enveloppées par la graiffe
; les formes extérieures fe trouvent être
différentes , dans le plus grand nombre
des parties , & dans d'autres abfolument
oppofées à ce qu'elles font dans un âge
plus avancé.
pour
Dans tous les âges , les attaches des diverſes
parties du corps humain , ne font
point , ou font peu fufceptibles d'être
chargées par la graiffe . Elles ne le font que
par ce qui eft décidément néceffaire
lier les chairs ; en forte que la peau qui
les couvre , fe trouve alors beaucoup plus
près des os , qu'elle ne peut l'être dans
les parties charnues , & nourries par la
graiffe . Il en résulte pour les enfans , que
telle attache qui fait une élévation dans un
corps entierement formé , ainfi que nous
l'appercevons , aux épaules , aux coudes
aux poignets , aux falanges des doigts &
toutes autres attaches , ne font point aux
enfans des élévations , mais des creux ; la
peau , comme nous l'avons dit , demeurant
près des os , pour faire à cet âge , la
distinction de s'élever enfuite avec complaifance,
& le prêter aux mufcles encore
tendres & à la graiffe qui y eft adhérente. Le
Peintre doit donc obferver toutes ces cho192
MERCURE DE FRANCE.
de
fes , & fans outrer la matiere , comme la
nature l'eft elle- même quelquefois , il doit
ménager la molleffe & la rondeur , par
légers méplars , & laiffer paroître imperceptiblement
les maffes générales des principaux
muſcles ; c'eft ainfi que l'ont pratiqué
admirablement bien tous ceux qui
ont excellés dans ce genre , comme l'Albane
, Paul -Véronefe , Rubens , Pietre-
Tefte , & en fculpture , François Flamand
& Puget.
Le terme de méplat , que j'ai employé
il y a un moment , Meffieurs , eft un terme
de l'Art , ufité , pour exprimer des parties
rondes un peu applaties ; nous admettons
pour principe , qu'il n'y a rien de parfaitement
rond dans l'extérieur du corps humain
, comme rien de parfaitement quarré.
L'office des mufcles & leurs liaifons mutuelles
empêchent cette régularité de forme.
Venons au fecond âge.
La diverfité des contours dépend de la
diverfité des formes , & c'eft peut- être
dans cet âge qu'elles different davantage .
Toutes les parties du corps
dans le premier
âge , font raccourcies , & comme foufflées
par les fucs & le lait qui doivent
leur fervir de nourriture : Dans le fecond ,
toutes les parties fe développent , & femblent
ne travailler que pour fe procurer
les
OCTOBRE . 1755 195
les longueurs proportionnées , auxquelles
elles doivent naturellement arriver . C'eft
pourquoi nous voyons les jeunes gens de
l'âge de douze à quatorze ans , être d'une
proportion fvelte & légere. Les os dans
leur attache ne montrent point encore toute
leur groffeur , & les muſcles dans leur
largeur montrent encore moins leur nourriture.
Ceci doit attirer toute l'attention
du Peintre , & c'eft auffi ce qui produit
en cette rencontre de fi grandes difficutés
à bien rendre la vérité. Tout y eft fin &
délicat dans l'expreffion , on ne peut s'y
fauver par rien de bien ſenſible. Les attaches
n'y forment point de creux comme à
celles des enfans , ni des élévations marquées
comme dans l'âge fait . Les contours
par cette raifon y font coulans , gracieux ,
étendus ; & comme ils font peu chargés ,
ils exigent d'être peu reffentis , c'est- à -dire
peu marqués dans leur infertion . Semblable
d'ailleurs à des jeunes plantes , la nature
à cet âge , fans avoir rien de dur dans
le caractere , doit fe foutenir ; & comme
elle n'eft point encore affujettie à la violence
des paffions , elle doit conferver une
aimable tranquillité. Les figures antiques
de Caftor & de Pollux peuvent fervir de regles
pour celles dont je parle , & la maniere
de deffiner de Raphaël me paroît être
I
194 MERCURE DE FRANCE .
celle qui y convient le mieux. Ceux de
nos modernes qui ont fuivi de plus près
nos premiers Maîtres dans cette route ,font
à mon gré le Sueur , & le Moine premier
Peintre du Roi.
Toutes les perfections du corps humain ,
fa beauté , & toute fa vigueur fe montre
dans le troifiéme âge auquel je paffe maintenant.
L'ame qui foutient & anime ce
corps , y commande en fouveraine , &
toutes fes facultés y agiffent avec d'autant
plus de force & de liberté , que les refforts
qui le font mouvoir en font plus déliés .
Jufqu'ici la nature n'a rien fait voir de
refolu , ni rien de décidé dans les formes
extérieures ; mais arrivée à fon but , elle
s'exprime avec netteté , & avec la nobleffe
dont fon auteur a daigné la décorer . Examinons
, Meffieurs , comment on peut réduire
en pratique toutes ces chofes & les
repréfenter fur la toile. La vraie théorie
de l'art doit accompagner le peintre dans
toutes fes opérations , & une étude conftante
de l'anatomie doit être fon guide. Il
jugera alors que les attaches de toutes les
parties du corps humain arrivé à fa perfection
, doivent être expliquées avec fermeté
fans féchereffe , & que les os qui s'y
font fentir , quoique quarrément, doivent
donner l'idée de leur forme fans aucune
OCTOBRE. 1755. 195
dureté de travail. Les mufcles principaux
ne peuvent laiffer aucun doute fur leur
caractere & leur office , & ceux d'une
moindre étendue paroîtront rélativement
aux fonctions des premiers. C'eft pour ces
raifons que dans cet âge les contours font
moins coulans , ou pour mieux dire plus
chargés & plus caracterifés que dans le
précédent , & que les infertions des mufcles
, ainfi que toutes les jointures , font
plus reffenties . Comme l'ame commande
abfolument au corps , de même les principales
parties du corps commandent par
leur groffeur & leur élévation à celles qui
font moindres. Les extrêmités de chaque
membre doivent donc être légeres & dénouées
, afin de montrer par là qu'ils n'en
font que plus difpofés à obéir promptement
à la volonté. La fûreté de ces principes
peut fe voir bien expliquée dans la
figure du Gladiateur qui eft regardée
comme la plus parfaite de l'antiquité dans
le genre que je viens de rapporter. Le
goût de deffein du Carrache , & de prefque
toute fon école , eft auffi celui qui le
rend mieux : on le préfere pour cette étude
à la plupart des autres maîtres .
›
Le dernier âge , Meffieurs , nous préfente
la nature dans fon déclin : ce n'eſt
>
plus cette fraîcheur ce foutien , cette
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fermeté , & cette vigueur de ceux qui ont
précédés. Les efprits fe diffipent dans celui
- ci , les chairs s'amolliffent , la peau fe
vuide & fe féche , & le corps ne préfente
plus que des formes & des contours incertains.
Les os, premier fondement de toute
la machine , femblent fuccomber par l'affaiffement
des parties qui les lient , &
nous ne voyons plus que tremblement &
crainte dans tous les mouvemens de ce
corps fi foutenu dans fa jeuneffe. L'intelligence
du Peintre , en remontant toujours
aux principes , lui fera fentir aifément la
conduite qu'il doit tenir en pareille rencontre
; & qu'avec la variété des formes
qui fuivent les âges , il doit varier les caracteres
du deffein autant que la nature
le lui indique. Ici les formes du corps humain
ayant dégéneré , on ne doit plus
leur donner cette prononciation ni ce développement
actif du troifieme âge. Les
os font plus découverts ; mais les muſcles
refroidis & defféchés ne préfentent plus
que beaucoup d'égalité dans les contours.
La peau moins foutenue qu'auparavant ,
augmente par fes plis le travail extérieur ,
& montre en tout , de concert avec les os ,
une espece d'aridité générale à laquelle
l'artifte doit porter attention. Il fautdone ,
lorfqu'on aime la vérité , donner moins
OCTOBRE . 1755 197
de moëlleux & moins d'arrondiffement à
ces fortes de parties , & cependant ne pas
outrer la matiere . La peinture doit plaire
aux yeux , comme la mufique doit plaire
aux oreilles ; & tel fujet qu'on puiffe avoir
à traiter , il en faut bannir le défectueux
& le répugnant. Il n'eft rien que l'art ne
puiffe embellir , & c'eft la feule délicateffe
dans le choix , & le goût agréable à rendre
les chofes , qui peut acquerir , à juſte
titre , de la diftinction à un Peintre , quelque
fçavant qu'il foit d'ailleurs. Ici la nature
fuffit pour prouver ce que j'ai dit du
dernier âge.
Ce que je viens d'avancer fur les âges ,
par rapport aux deffeins , Meffieurs , n'eft
qu'un précis , ainfi que je l'ai promis au
commencement de ce difcours , des entretiens
que j'ai eus à ce fujet avec feu M. le
Moine je l'ai appuyé de l'exemple de
quelques antiques , de celui de plufieurs
de nos meilleurs maîtres , & j'ai cru y devoir
joindre les lumieres que la nature m'a
pu fournir. Perfonne ne doute que nous
ne devions recevoir d'un habile homme
les premieres leçons dont nous avons befoin
pour l'étude de la peinture. Le bel
antique doit être notre fecond guide , &
nous inftruire fur les belles formes qu'il
réunit . Mais l'ame & la vie font le pre
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
.
mier mérite d'un tableau , & nous ne pou
vons les tenir que de ce feu divin qui
caracterife la nature vivante . Le froid des
marbres antiques a paffé dans les veines
de quelques-uns de fes adorateurs . Il n'y
a que ceux qui par leur capacité à en faire
un bon choix , ont feu y joindre le fentiment
que la feule vérité infpire , qui en
ayent tiré un parti avantageux. On peut
voir à ce fujet dans M. de Piles , le jugement
que Rubens en a porté , où il dit
qu'il y a des Peintres à qui l'imitation
des ftatues antiques eft très- utile , & à
d'autres dangereufe , même jufqu'à la deftruction
de leur art. De Piles ajoute qu'on
doit convenir que l'antique n'a de vraies
beautés qu'autant qu'elles font d'accord
avec la belle nature , dans la convenance
de chaque objet . On ne peut donc raifonnablement
difputer que ce font les
feules beautés réunies de la nature , qui
ont fait mettre au jour ce que nous admirons
avec juftice dans les plus fameux
chefs-d'oeuvres de la Gréce . Ces mêmes
beautés feules ont auffi formé des Peintres
du premier ordre ; mais l'étude des
plus belles ftatues antiques , fans celle de
la nature , n'a jamais fait ce miracle. Je
conclus delà , avec un très bon écrivain
de nos jours , que le vrai eft la fource
OCTOBRE. 1755. 199
où l'art doit aller puifer : c'eft-là qu'il
peut s'enrichir . La multitude des objets
créés & leurs perfections y font à l'infini ;
chacun d'eux ont leurs graces particulieres
; aucun n'en renferme comme celui
duquel il me reste à vous entretenir .
C'eſt par le deffein , Meffieurs , que fe
trouve marquée dans la peinture la diftinction
des âges ; c'eft également par lui
qu'on y fait celle des fexes. Toutes les
créatures font ornées des dons de la nature
, la femme l'eft fupérieurement. Née
pour fixer l'attention & le goût de l'homme
, fon empire fur lui ne pouvoit être
mieux foutenu que par les graces. Ce
font ces graces charmantes qui doivent
entierement diriger le Peintre dans la repréſentation
du corps d'une femme , &
P'aider à tranfmettte fur la toile les impreffions
du beau naturel. Je conviens
que la chofe n'eft point aifée pour l'artifte
, quelque habile qu'il foit ; mais s'il
y a des moyens d'y réuffir , ce ne peut
être encore qu'avec le concours du deſſein .
Ce que j'ai avancé ci- devant au fujet des
âges , a eu prefque tout fon rapport au
corps de l'homme. Examinons les diftinctions
qu'on peut faire pour celui dont
j'entreprens de donner une idée.
Un travail tendre & arrondi , des con-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE:
tours aifés & fimples , une touche naïve
font ici des articles très - effentiels . Les attaches
, quoique délicates , ne peuvent annoncer
que très- peu , ou prefque point les
os ; les parties dominantes , fans être trop
chargées , feront foutenues & nourries ,
afin de montrer une fermeté convenable
aux chairs de la femme ; le repos qui lui
eft naturel , & les paffions douces s'exprimeront
par des mouvemens gracieux &
tranquiles , & par des contours peu refſentis.
Sa vivacité fera feulement dans les
yeux , ils font les miroirs de l'ame ; &
comme elle n'eft point affujettie à aucun
travail pénible , les pieds , les mains , &
plus encore les bouts des doigts , feront
délicats & menus. Les principaux mufcles ,
ou les parties dominantes dans le corps
d'une femme formée , doivent être plus
fenfibles en expreffion que dans le corps
du fecond âge ; mais cette expreffion ne
doit point atteindre à la fermeté de travail
dont j'ai parlé touchant les hommes faits.
Enfin , plus le Peintre pourra réduire en
pratique ces obfervations fur le caractere
du deffein rélativement à la femme , plus
il donnera de nobleffe & de graces à celle
qui naturellement les réunit . On trouvera
dans la Vénus de Médicis , & dans tous les
ouvrages de Raphaël qui font de ce genOCTOBRE
. 1755. 201
re , les preuves certaines de ceux que je
viens de dire.
Dans le foible effai que je viens d'avoir
l'honneur de vous expofer , Meffieurs , fur
les principales parties du deffein ; j'ai cru ,
après en avoir retranché les recherches
inutiles & rebattues de fon origine , devoir
le préfenter par la variété de fes caracteres .
J'ai tâché de montrer d'abord ce qu'il eft
en lui-même , & je l'ai fuivi dans fes différences
par rapport aux âges , & par rapport
aux fexes. Cette route m'a paru ,
quoique moins frayée , plus fimple & plus
propre à lier intimément la théorie avec la
pratique, que l'on a fouvent trop féparées,
en fe livrant par préférence prefqu'entierement
à l'une ou à l'autre. La feule théorie
ne formera pas un bon Peintre , mais
fans elle les ouvrages du meilleur praticien
toucheront peu l'homme de goût.
Eloigné de toute prévention , j'ai dit ce
que je penfe de l'étude de l'antique , mife
en comparaison avec celle qu'on doit
faire de la nature. En prenant la premiere
pour guide ne doit - on pas regarder
l'autre comme le but principal ? Ce fentiment
, Meffieurs , me paroîtroit d'autant
plus jufte qu'il eft appuyé de celui de plufieurs
de nos plus grands Maîtres ; néanmoins
, comme je trouverai toujours un
>
I y
202 MERCURE DE FRANCE.
avantage certain à être aidé de vos lumieres
, j'y défére , & foumets le tout à votre
jugement.
Lu à la fociété royale de Lyon , le 29 Novembre
1754 , & à l'Académie royale de
Peinture & Sculpture , les Avril fuivant.
Peintre du Roi , de l'Académie Royale de
Peinture & Sculpture , & de la Société
! Royale de Lyon.
MESS
ESSIEURS , la Peinture , dont je dois
avoir l'honneur de vous entretenir
aujourd'hui pour mon premier tribut académique
, elt connue pour être au rang
des Arts qui , dans tous les tems éclairés ,
ont mérité les empreffemens des perfonnes
d'efprit & de goût,
Difpenfez-moi , je vous prie , de remonter
à la fombre recherche de fon origine
, de même que de vous informer du
tems précis où elle a pris naiffance ; cette
découverte me paroît être auffi inutile
qu'incertaine. En effet , qu'importe à cette
Académie dans le but qu'elle fe propofe ,
que ce foit les Egyptiens ou les Grecs qui
en foient les premiers inventeurs , ou que
l'amour , plutôt qu'une curiofité raifonnable
, y ait donné lieu . J'aime à m'entrete
nir des connoiffances & des faits certains
& quoique l'Ecriture Sainte foit celle qui
répand le plus de clarté fur l'ancienneté
de la Peinture & de la Sculpture , je crois
i86 MERCURE DE FRANCE.
en trouver encore d'avantage dans le goût
naturel de l'homme pour les Beaux Arts .
Leur utilité , leurs agrémens ne pouvoient
que nous engager à les cultiver le dégré
de leur perfection , eft ce qui doit attirer
toute notre attention & notre eſtime.
Je ne m'arrêterai donc point , Meffieurs,
à une ennuyeuſe chronologie des progrès
de la Peinture , encore moins à vous en
faire l'éloge ; jufqu'ici on en a dit affez à
ce fujet , & ce qu'on en a dit vous eft connu.
Je ne rappellerai point non plus la préférence
qu'elle a pu recevoir fur plufieurs
des autres Arts , j'agirois contre l'efprit qui
m'anime & qui eft la bafe de cette illuftre
fociété , dont l'établiffement en réuniffant
les Arts & les Sciences , ne doit pas moins
réunir les fentimens & les coeurs .
J'examinerai fimplement , ce que la
Peinture eft en elle- même , les parties
qu'elle renferme , & le goût qui en fait le
beau & l'agréable . Je chercherai à me retracer
les entretiens que j'ai eus à ce fujet ,
avec feu M. le Moine , premier Peintre du
Roi , fous lequel j'ai été affez heureux
pour étudier les fix dernieres années de fa
vie ; c'eft le tems , où ce grand . Artiste a
mis au jour les ouvrages les plus dignes de
l'immortalifer , & les plus propres à inftruire
un Eleve. La coupole de la chapelle de
OCTOBRE. 1755. 187
la Vierge de S. Sulpice , & le plafond du
fallon d'Hercule à Verfailles, font actuellement
l'admiration des connoiffeurs , &
feront furement celle de la poftérité. C'eſt
à ces ouvrages , & à l'emploi que M. le
Moine daigna m'y donner , que je dois le
peu de connoiffance que j'ai de la Peinture .
Pour mettre quelque ordre à ce Difcours
, je diviferai la Peinture en trois
parties principales ; le deffein , la compofition
, & le coloris. La premiere qui eft le
deffein , fera le fujet de cet entretien.
c'eft On me demandera peut- être ce que
que le deffein ? Dans ce cas , Meffieurs , je
dois répondre que c'eft un compofé de différentes
lignes , qui étant réunies , doivent
nous préfenter au premier coup d'oeil , l'objet
que nous nous fommes propofé de rendre.
Tout ce que nous voyons porte par la
forme , au quarré , au rond , ou à un mêlange
agréable de l'un & de l'autre ; il faut
donc , lorfque nous avons l'une de ces formes
à jetter fur le papier ou fur la toile , la
faifir par le contour ; & fi du quarré plus
ou moins fenfible , elle porte enfuite à quelques
rondeurs , faire fléchir fon trait , pour
parvenir à la jufteffe & à la vérité du mêlange
des formes .
L'imitation de tout ce qui eft créé fut
réfervé à l'homme feul ; auffi l'homme y
188 MERCURE DE FRANCE.
eft-il porté naturellement ; & quand il le
fait avec choix , il féduit , it enchante.
Nulle imitation ne fut plus digne de lui
que celle du corps humain ; c'eft celle qu'il
devoit étudier par préférence , & qui fait
notre principal fujet. Paffons à l'examen.
J'ai dit que tout ce que nous voyons ,
porte par la forme au quarré , au rond , ou
à un mêlange agréable de l'un & de l'autre.
C'est dans l'extérieur du corps humain ,
qu'on peut mieux remarquer les effets de
ce mêlange ; c'eft - là qu'il fe montre avec
plus de grace. Les formes qui tendent au
quarré , font fenfibles partout où les os
font plus près de la peau , ainfi que dans
l'étendue des muſcles plats . Les rondes paroiffent
aux parties charnues ou chargées
par la graiffe. En forte que quand on prend
des enfembles , toujours par les contours
foit généraux , foit particuliers , il faut
d'abord les faifir quarrément pour la diftribution
, & les arrondir enfuite imperceptiblement
felon leur befoin.
Les formes quarrées plus ou moins fenfibles
, dont je parle au fujet du corps humain
, je ne prétens point , Meffieurs , leur
donner aucun angle vif , les angles y ont
toujours quelques arrondiffemens. Le terme
de quarré eft expreffif pour l'ufage des
Peintres : il eft connu dans toutes les écoles,
OCTOBRE. 1755 . 189
Faut-il en prenant le trait d'une figure ,
le rendre également fenfible ? Comme le
Peintre doit donner de l'intelligence à ce
qu'il fait , & qu'elle ne peut trop- tôt paroître
, il doit procurer au premier trait ,
plus de fermeté partout où paroiffent les
os , qui font d'une nature plus dure ; &
paffer légerement fur les parties rondes qui
font les plus tendres. Excepté les côtés deftinés
pour les ombres , ainfi que les infertions
des muſcles qui s'approchant les
uns des autres , pour former leurs liaiſons,
demandent alors une plus forte expreffion .
Mais il faut remarquer , que cette expreffion
ne doit être plus vive , que dans ce
qui caractériſe l'enſemble des grandes parties
; celles qui font plus petites voulant
être moins fenfibles à mesure qu'elles diminuent
de volume ; fi ce n'eft dans le cas ,
où ces petites parties auront auffi des os ;
car alors elles demandent la premiere fermeté
, fans vouloir rien perdre de leur détail.
C'eft de cette façon qu'il faut traiter
les pieds , les mains , & les têtes .
Je laiffe quant-à - préfent les réflexions
à faire fur les maffes d'ombres & fur le
clair -obfcur. Ces parties dépendent de la
compofition , qui eft la feconde de mon
plan général.
Le deffein eft le point principal de la
190 MERCURE DE FRANCE.
癜
Peinture , & l'écueil où il eft le plus dangereux
d'échouer. C'est lui qui fépare les
maffes informes , qui diftribue les parties
des différens corps que l'on veut repréfenter
, qui les lie , & forme le tout de chaque
chofe dans ce qu'elle doit être . Sans
lui point d'enſemble & point de forme ;
fans forme point de grace , point de nobleffe
& nulle expreffion ; fans expreffion
point d'ame ; & fans ame , que devient le
Prométhée de la Peinture & fes illufions.
C'eſt le deffein qui fait diftinguer dans le
corps humain , les différens âges & les différentes
conditions , les différens fexes , &
ce que leurs faifons peuvent y donner de
variété. Il défigne les caracteres en tous genres
, ainfi que toutes les paffions. Enfin fans
lui , un tableau ne feroit , à proprement
parler , qu'une palette chargée de couleurs ,
qui ne dit mot , par conféquent ne reffemble
à rien.
Voyons , Meffieurs , ce que le deffein
doit être par rapport aux âges ; tâchons à
en développer les différens caracteres :
commençons par l'âge le plus tendre .
Les enfans naiffent avec la diftribution
complette de toutes les parties , qui dans
un autre âge forment un grand corps , foit
par les os , foit par les muſcles. Mais comme
les os & les muſcles , n'ont point enOCTOBRE.
1755. 191
L
core dans celui- ci , leur force , ni leur
étendue , & que d'ailleurs les chairs font
d'ordinaire , plus enveloppées par la graiffe
; les formes extérieures fe trouvent être
différentes , dans le plus grand nombre
des parties , & dans d'autres abfolument
oppofées à ce qu'elles font dans un âge
plus avancé.
pour
Dans tous les âges , les attaches des diverſes
parties du corps humain , ne font
point , ou font peu fufceptibles d'être
chargées par la graiffe . Elles ne le font que
par ce qui eft décidément néceffaire
lier les chairs ; en forte que la peau qui
les couvre , fe trouve alors beaucoup plus
près des os , qu'elle ne peut l'être dans
les parties charnues , & nourries par la
graiffe . Il en résulte pour les enfans , que
telle attache qui fait une élévation dans un
corps entierement formé , ainfi que nous
l'appercevons , aux épaules , aux coudes
aux poignets , aux falanges des doigts &
toutes autres attaches , ne font point aux
enfans des élévations , mais des creux ; la
peau , comme nous l'avons dit , demeurant
près des os , pour faire à cet âge , la
distinction de s'élever enfuite avec complaifance,
& le prêter aux mufcles encore
tendres & à la graiffe qui y eft adhérente. Le
Peintre doit donc obferver toutes ces cho192
MERCURE DE FRANCE.
de
fes , & fans outrer la matiere , comme la
nature l'eft elle- même quelquefois , il doit
ménager la molleffe & la rondeur , par
légers méplars , & laiffer paroître imperceptiblement
les maffes générales des principaux
muſcles ; c'eft ainfi que l'ont pratiqué
admirablement bien tous ceux qui
ont excellés dans ce genre , comme l'Albane
, Paul -Véronefe , Rubens , Pietre-
Tefte , & en fculpture , François Flamand
& Puget.
Le terme de méplat , que j'ai employé
il y a un moment , Meffieurs , eft un terme
de l'Art , ufité , pour exprimer des parties
rondes un peu applaties ; nous admettons
pour principe , qu'il n'y a rien de parfaitement
rond dans l'extérieur du corps humain
, comme rien de parfaitement quarré.
L'office des mufcles & leurs liaifons mutuelles
empêchent cette régularité de forme.
Venons au fecond âge.
La diverfité des contours dépend de la
diverfité des formes , & c'eft peut- être
dans cet âge qu'elles different davantage .
Toutes les parties du corps
dans le premier
âge , font raccourcies , & comme foufflées
par les fucs & le lait qui doivent
leur fervir de nourriture : Dans le fecond ,
toutes les parties fe développent , & femblent
ne travailler que pour fe procurer
les
OCTOBRE . 1755 195
les longueurs proportionnées , auxquelles
elles doivent naturellement arriver . C'eft
pourquoi nous voyons les jeunes gens de
l'âge de douze à quatorze ans , être d'une
proportion fvelte & légere. Les os dans
leur attache ne montrent point encore toute
leur groffeur , & les muſcles dans leur
largeur montrent encore moins leur nourriture.
Ceci doit attirer toute l'attention
du Peintre , & c'eft auffi ce qui produit
en cette rencontre de fi grandes difficutés
à bien rendre la vérité. Tout y eft fin &
délicat dans l'expreffion , on ne peut s'y
fauver par rien de bien ſenſible. Les attaches
n'y forment point de creux comme à
celles des enfans , ni des élévations marquées
comme dans l'âge fait . Les contours
par cette raifon y font coulans , gracieux ,
étendus ; & comme ils font peu chargés ,
ils exigent d'être peu reffentis , c'est- à -dire
peu marqués dans leur infertion . Semblable
d'ailleurs à des jeunes plantes , la nature
à cet âge , fans avoir rien de dur dans
le caractere , doit fe foutenir ; & comme
elle n'eft point encore affujettie à la violence
des paffions , elle doit conferver une
aimable tranquillité. Les figures antiques
de Caftor & de Pollux peuvent fervir de regles
pour celles dont je parle , & la maniere
de deffiner de Raphaël me paroît être
I
194 MERCURE DE FRANCE .
celle qui y convient le mieux. Ceux de
nos modernes qui ont fuivi de plus près
nos premiers Maîtres dans cette route ,font
à mon gré le Sueur , & le Moine premier
Peintre du Roi.
Toutes les perfections du corps humain ,
fa beauté , & toute fa vigueur fe montre
dans le troifiéme âge auquel je paffe maintenant.
L'ame qui foutient & anime ce
corps , y commande en fouveraine , &
toutes fes facultés y agiffent avec d'autant
plus de force & de liberté , que les refforts
qui le font mouvoir en font plus déliés .
Jufqu'ici la nature n'a rien fait voir de
refolu , ni rien de décidé dans les formes
extérieures ; mais arrivée à fon but , elle
s'exprime avec netteté , & avec la nobleffe
dont fon auteur a daigné la décorer . Examinons
, Meffieurs , comment on peut réduire
en pratique toutes ces chofes & les
repréfenter fur la toile. La vraie théorie
de l'art doit accompagner le peintre dans
toutes fes opérations , & une étude conftante
de l'anatomie doit être fon guide. Il
jugera alors que les attaches de toutes les
parties du corps humain arrivé à fa perfection
, doivent être expliquées avec fermeté
fans féchereffe , & que les os qui s'y
font fentir , quoique quarrément, doivent
donner l'idée de leur forme fans aucune
OCTOBRE. 1755. 195
dureté de travail. Les mufcles principaux
ne peuvent laiffer aucun doute fur leur
caractere & leur office , & ceux d'une
moindre étendue paroîtront rélativement
aux fonctions des premiers. C'eft pour ces
raifons que dans cet âge les contours font
moins coulans , ou pour mieux dire plus
chargés & plus caracterifés que dans le
précédent , & que les infertions des mufcles
, ainfi que toutes les jointures , font
plus reffenties . Comme l'ame commande
abfolument au corps , de même les principales
parties du corps commandent par
leur groffeur & leur élévation à celles qui
font moindres. Les extrêmités de chaque
membre doivent donc être légeres & dénouées
, afin de montrer par là qu'ils n'en
font que plus difpofés à obéir promptement
à la volonté. La fûreté de ces principes
peut fe voir bien expliquée dans la
figure du Gladiateur qui eft regardée
comme la plus parfaite de l'antiquité dans
le genre que je viens de rapporter. Le
goût de deffein du Carrache , & de prefque
toute fon école , eft auffi celui qui le
rend mieux : on le préfere pour cette étude
à la plupart des autres maîtres .
›
Le dernier âge , Meffieurs , nous préfente
la nature dans fon déclin : ce n'eſt
>
plus cette fraîcheur ce foutien , cette
I ij
196 MERCURE DE FRANCE.
fermeté , & cette vigueur de ceux qui ont
précédés. Les efprits fe diffipent dans celui
- ci , les chairs s'amolliffent , la peau fe
vuide & fe féche , & le corps ne préfente
plus que des formes & des contours incertains.
Les os, premier fondement de toute
la machine , femblent fuccomber par l'affaiffement
des parties qui les lient , &
nous ne voyons plus que tremblement &
crainte dans tous les mouvemens de ce
corps fi foutenu dans fa jeuneffe. L'intelligence
du Peintre , en remontant toujours
aux principes , lui fera fentir aifément la
conduite qu'il doit tenir en pareille rencontre
; & qu'avec la variété des formes
qui fuivent les âges , il doit varier les caracteres
du deffein autant que la nature
le lui indique. Ici les formes du corps humain
ayant dégéneré , on ne doit plus
leur donner cette prononciation ni ce développement
actif du troifieme âge. Les
os font plus découverts ; mais les muſcles
refroidis & defféchés ne préfentent plus
que beaucoup d'égalité dans les contours.
La peau moins foutenue qu'auparavant ,
augmente par fes plis le travail extérieur ,
& montre en tout , de concert avec les os ,
une espece d'aridité générale à laquelle
l'artifte doit porter attention. Il fautdone ,
lorfqu'on aime la vérité , donner moins
OCTOBRE . 1755 197
de moëlleux & moins d'arrondiffement à
ces fortes de parties , & cependant ne pas
outrer la matiere . La peinture doit plaire
aux yeux , comme la mufique doit plaire
aux oreilles ; & tel fujet qu'on puiffe avoir
à traiter , il en faut bannir le défectueux
& le répugnant. Il n'eft rien que l'art ne
puiffe embellir , & c'eft la feule délicateffe
dans le choix , & le goût agréable à rendre
les chofes , qui peut acquerir , à juſte
titre , de la diftinction à un Peintre , quelque
fçavant qu'il foit d'ailleurs. Ici la nature
fuffit pour prouver ce que j'ai dit du
dernier âge.
Ce que je viens d'avancer fur les âges ,
par rapport aux deffeins , Meffieurs , n'eft
qu'un précis , ainfi que je l'ai promis au
commencement de ce difcours , des entretiens
que j'ai eus à ce fujet avec feu M. le
Moine je l'ai appuyé de l'exemple de
quelques antiques , de celui de plufieurs
de nos meilleurs maîtres , & j'ai cru y devoir
joindre les lumieres que la nature m'a
pu fournir. Perfonne ne doute que nous
ne devions recevoir d'un habile homme
les premieres leçons dont nous avons befoin
pour l'étude de la peinture. Le bel
antique doit être notre fecond guide , &
nous inftruire fur les belles formes qu'il
réunit . Mais l'ame & la vie font le pre
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
.
mier mérite d'un tableau , & nous ne pou
vons les tenir que de ce feu divin qui
caracterife la nature vivante . Le froid des
marbres antiques a paffé dans les veines
de quelques-uns de fes adorateurs . Il n'y
a que ceux qui par leur capacité à en faire
un bon choix , ont feu y joindre le fentiment
que la feule vérité infpire , qui en
ayent tiré un parti avantageux. On peut
voir à ce fujet dans M. de Piles , le jugement
que Rubens en a porté , où il dit
qu'il y a des Peintres à qui l'imitation
des ftatues antiques eft très- utile , & à
d'autres dangereufe , même jufqu'à la deftruction
de leur art. De Piles ajoute qu'on
doit convenir que l'antique n'a de vraies
beautés qu'autant qu'elles font d'accord
avec la belle nature , dans la convenance
de chaque objet . On ne peut donc raifonnablement
difputer que ce font les
feules beautés réunies de la nature , qui
ont fait mettre au jour ce que nous admirons
avec juftice dans les plus fameux
chefs-d'oeuvres de la Gréce . Ces mêmes
beautés feules ont auffi formé des Peintres
du premier ordre ; mais l'étude des
plus belles ftatues antiques , fans celle de
la nature , n'a jamais fait ce miracle. Je
conclus delà , avec un très bon écrivain
de nos jours , que le vrai eft la fource
OCTOBRE. 1755. 199
où l'art doit aller puifer : c'eft-là qu'il
peut s'enrichir . La multitude des objets
créés & leurs perfections y font à l'infini ;
chacun d'eux ont leurs graces particulieres
; aucun n'en renferme comme celui
duquel il me reste à vous entretenir .
C'eſt par le deffein , Meffieurs , que fe
trouve marquée dans la peinture la diftinction
des âges ; c'eft également par lui
qu'on y fait celle des fexes. Toutes les
créatures font ornées des dons de la nature
, la femme l'eft fupérieurement. Née
pour fixer l'attention & le goût de l'homme
, fon empire fur lui ne pouvoit être
mieux foutenu que par les graces. Ce
font ces graces charmantes qui doivent
entierement diriger le Peintre dans la repréſentation
du corps d'une femme , &
P'aider à tranfmettte fur la toile les impreffions
du beau naturel. Je conviens
que la chofe n'eft point aifée pour l'artifte
, quelque habile qu'il foit ; mais s'il
y a des moyens d'y réuffir , ce ne peut
être encore qu'avec le concours du deſſein .
Ce que j'ai avancé ci- devant au fujet des
âges , a eu prefque tout fon rapport au
corps de l'homme. Examinons les diftinctions
qu'on peut faire pour celui dont
j'entreprens de donner une idée.
Un travail tendre & arrondi , des con-
I iv
200 MERCURE DE FRANCE:
tours aifés & fimples , une touche naïve
font ici des articles très - effentiels . Les attaches
, quoique délicates , ne peuvent annoncer
que très- peu , ou prefque point les
os ; les parties dominantes , fans être trop
chargées , feront foutenues & nourries ,
afin de montrer une fermeté convenable
aux chairs de la femme ; le repos qui lui
eft naturel , & les paffions douces s'exprimeront
par des mouvemens gracieux &
tranquiles , & par des contours peu refſentis.
Sa vivacité fera feulement dans les
yeux , ils font les miroirs de l'ame ; &
comme elle n'eft point affujettie à aucun
travail pénible , les pieds , les mains , &
plus encore les bouts des doigts , feront
délicats & menus. Les principaux mufcles ,
ou les parties dominantes dans le corps
d'une femme formée , doivent être plus
fenfibles en expreffion que dans le corps
du fecond âge ; mais cette expreffion ne
doit point atteindre à la fermeté de travail
dont j'ai parlé touchant les hommes faits.
Enfin , plus le Peintre pourra réduire en
pratique ces obfervations fur le caractere
du deffein rélativement à la femme , plus
il donnera de nobleffe & de graces à celle
qui naturellement les réunit . On trouvera
dans la Vénus de Médicis , & dans tous les
ouvrages de Raphaël qui font de ce genOCTOBRE
. 1755. 201
re , les preuves certaines de ceux que je
viens de dire.
Dans le foible effai que je viens d'avoir
l'honneur de vous expofer , Meffieurs , fur
les principales parties du deffein ; j'ai cru ,
après en avoir retranché les recherches
inutiles & rebattues de fon origine , devoir
le préfenter par la variété de fes caracteres .
J'ai tâché de montrer d'abord ce qu'il eft
en lui-même , & je l'ai fuivi dans fes différences
par rapport aux âges , & par rapport
aux fexes. Cette route m'a paru ,
quoique moins frayée , plus fimple & plus
propre à lier intimément la théorie avec la
pratique, que l'on a fouvent trop féparées,
en fe livrant par préférence prefqu'entierement
à l'une ou à l'autre. La feule théorie
ne formera pas un bon Peintre , mais
fans elle les ouvrages du meilleur praticien
toucheront peu l'homme de goût.
Eloigné de toute prévention , j'ai dit ce
que je penfe de l'étude de l'antique , mife
en comparaison avec celle qu'on doit
faire de la nature. En prenant la premiere
pour guide ne doit - on pas regarder
l'autre comme le but principal ? Ce fentiment
, Meffieurs , me paroîtroit d'autant
plus jufte qu'il eft appuyé de celui de plufieurs
de nos plus grands Maîtres ; néanmoins
, comme je trouverai toujours un
>
I y
202 MERCURE DE FRANCE.
avantage certain à être aidé de vos lumieres
, j'y défére , & foumets le tout à votre
jugement.
Lu à la fociété royale de Lyon , le 29 Novembre
1754 , & à l'Académie royale de
Peinture & Sculpture , les Avril fuivant.
Fermer
Résumé : Discours sur la Peinture par M. Nonnotte, Peintre du Roi, de l'Académie Royale de Peinture & Sculpture, & de la Société Royale de Lyon.
M. Nonnotte, peintre du Roi et membre de l'Académie Royale de Peinture et Sculpture, prononce un discours sur la peinture. Il évite de remonter à l'origine de la peinture, préférant se concentrer sur les connaissances et les faits certains, ainsi que sur l'utilité et les agréments des Beaux-Arts. Il divise son discours en trois parties principales : le dessin, la composition et le coloris. Nonnotte commence par le dessin, qu'il définit comme un composé de différentes lignes réunies pour représenter un objet au premier coup d'œil. Le dessin est crucial car il sépare les masses informes, distribue les parties des corps, les lie et forme l'ensemble de chaque chose. Il détaille ensuite les caractéristiques du dessin selon les âges de la vie. Pour les enfants, les formes extérieures diffèrent en raison de la faible force des os et des muscles, ce qui donne des creux plutôt que des élévations. Le peintre doit observer ces particularités et ménager la mollesse et la rondeur par légers méplats. Pour le second âge, les contours sont coulants, gracieux et étendus, nécessitant peu de rehauts. Les figures antiques de Castor et Pollux servent de règles pour cet âge, et la manière de dessiner de Raphaël est appropriée. Dans le troisième âge, toutes les perfections du corps humain se montrent. Les attaches des parties du corps doivent être expliquées avec fermeté sans sécheresse, et les muscles principaux doivent être clairement définis. Les contours sont plus chargés et caractérisés, et les insertions des muscles sont plus rehaussées. Le texte traite également des différences entre les âges et les sexes. Pour les jeunes, les extrémités des membres doivent être légères et dénouées, prêtes à obéir promptement à la volonté. Le goût du Carrache et de son école est préféré pour cette étude. Le dernier âge montre la nature en déclin, avec des esprits dispersés, des chairs amollies, et des contours incertains. Le peintre doit adapter son dessin en fonction de ces changements, évitant les formes trop prononcées et développées. Pour les femmes, un travail tendre et arrondi, des contours aisés et simples, et une touche naïve sont essentiels. Les attaches délicates ne doivent pas révéler les os, et les parties dominantes doivent être soutenues et nourries. Les mouvements doivent être gracieux et tranquilles, avec une vivacité exprimée uniquement dans les yeux. Le texte conclut en soulignant l'importance de l'étude de la nature en complément de l'antique pour enrichir l'art. Il met en avant la nécessité de lier théorie et pratique pour former un bon peintre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 234-236
A M. KEYSER, EPITRE.
Début :
A mes voeux, à mes pleurs, tu rends enfin Sylvie : [...]
Mots clefs :
Art, Morts, Succès, Humanité, Keyser
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. KEYSER, EPITRE.
A M. KEYSER ,
EPITRE.
mes voeux, à mes pleurs , tu rends enfin Sylvie:
Sçavant Keyfer ; enfin ton art vainqueur ,
Et de la mort , & de l'envie ,
SEPTEMBRE . 1757 . 235
Rétablit à jamais l'amoureufe harmonie
Des appas qui charment mon coeur .
Le calme par tes foins fuccede à la douleur.
Dans le fein de la mort , ton art porte la vie ,
Et déja tes travaux ont éclairé Perreur.
En vain tes ennemis qui te fervent peut - être ,
Combattent tes fuccès dont ils font envieux.
Mépriſe des méchans les complots ténébreux :
En confervant nos jours fais- leur toujours connoître
Que les brillants lauriers que les talens font naître
Sont immortels comme eux.
Qu'un nouveau jour s'éleve au ſein de ma patrie ,
Que le plaifir y renaiffe à ta voix !
Et vous , qui de Cypris fuivez les tendres loix ,
Que la crainte du blâme ou l'amour de la vie ,
Ne trouble plus le cours de vos galans exploits !
De ce mal effrayant , & qui fut incurable,
Des vices des humains monument douloureux ,
Keyſer vient arrêter le torrent furieux :
Il éteint dans nos flancs fon venin redoutable.
O mere des plaifirs ! Vénus , reine des coeurs ,
La honte , les remords & l'horrible fouffrance ,
Ne fuivront plus vos aimables ardeurs.
Comme aux jours fortunés de l'antique innocence,
Nous pourrons goûter tes faveurs.
Et toi , Keyſer , pourfuis ta brillante carriere :
Souviens-toi qu'un Héros , que la raiſon éclaire *,
M. le Duc de Biron.
236 MERCURE DE FRANCE .
Daigne y guider tes pas.
Pour impoſer filence aux cris de l'impofture ,
Que ne t'eft- il permis de nommer aux François
Tous ceux qui , par tes foins , rendus à la nature
Doivent le jour à tes fuccès !
De ces heureux humains le catalogue immenſe ,
Ajouteroit encore à ta célébrité.
Pourquoi faut- il que le filence
Soit le fceau de ta probité !
Mais n'importe , que rien n'altere ton courage ;
Sers ton pays , fais plus , fers la Divinité ,
En confervant en nous fon plus parfait ouvrage.
Bientôt de tes jaloux l'infructueuſe rage
S'éteindra comme un feu par la terre enfanté :
Va : qui fçait , comme toi , fervir l'humanité ,
Eft certain , tôt ou tard , d'en obtenir l'hommage.
EPITRE.
mes voeux, à mes pleurs , tu rends enfin Sylvie:
Sçavant Keyfer ; enfin ton art vainqueur ,
Et de la mort , & de l'envie ,
SEPTEMBRE . 1757 . 235
Rétablit à jamais l'amoureufe harmonie
Des appas qui charment mon coeur .
Le calme par tes foins fuccede à la douleur.
Dans le fein de la mort , ton art porte la vie ,
Et déja tes travaux ont éclairé Perreur.
En vain tes ennemis qui te fervent peut - être ,
Combattent tes fuccès dont ils font envieux.
Mépriſe des méchans les complots ténébreux :
En confervant nos jours fais- leur toujours connoître
Que les brillants lauriers que les talens font naître
Sont immortels comme eux.
Qu'un nouveau jour s'éleve au ſein de ma patrie ,
Que le plaifir y renaiffe à ta voix !
Et vous , qui de Cypris fuivez les tendres loix ,
Que la crainte du blâme ou l'amour de la vie ,
Ne trouble plus le cours de vos galans exploits !
De ce mal effrayant , & qui fut incurable,
Des vices des humains monument douloureux ,
Keyſer vient arrêter le torrent furieux :
Il éteint dans nos flancs fon venin redoutable.
O mere des plaifirs ! Vénus , reine des coeurs ,
La honte , les remords & l'horrible fouffrance ,
Ne fuivront plus vos aimables ardeurs.
Comme aux jours fortunés de l'antique innocence,
Nous pourrons goûter tes faveurs.
Et toi , Keyſer , pourfuis ta brillante carriere :
Souviens-toi qu'un Héros , que la raiſon éclaire *,
M. le Duc de Biron.
236 MERCURE DE FRANCE .
Daigne y guider tes pas.
Pour impoſer filence aux cris de l'impofture ,
Que ne t'eft- il permis de nommer aux François
Tous ceux qui , par tes foins , rendus à la nature
Doivent le jour à tes fuccès !
De ces heureux humains le catalogue immenſe ,
Ajouteroit encore à ta célébrité.
Pourquoi faut- il que le filence
Soit le fceau de ta probité !
Mais n'importe , que rien n'altere ton courage ;
Sers ton pays , fais plus , fers la Divinité ,
En confervant en nous fon plus parfait ouvrage.
Bientôt de tes jaloux l'infructueuſe rage
S'éteindra comme un feu par la terre enfanté :
Va : qui fçait , comme toi , fervir l'humanité ,
Eft certain , tôt ou tard , d'en obtenir l'hommage.
Fermer
Résumé : A M. KEYSER, EPITRE.
En septembre 1757, l'auteur adresse une épître à M. Keyser pour exprimer sa gratitude. Keyser est loué pour son art qui triomphe de la mort et de l'envie, et pour ses succès médicaux qui apportent la vie et éclairent l'erreur, malgré les complots de ses ennemis. L'auteur célèbre les talents immortels de Keyser et souhaite que ses travaux continuent de bénéficier à la patrie. Keyser est également salué pour avoir arrêté un mal incurable, permettant de goûter aux plaisirs de l'amour sans honte ni remords. L'épître se conclut par un appel à Keyser pour qu'il poursuive sa brillante carrière, guidé par la raison, et qu'il serve l'humanité, certain d'obtenir un jour son hommage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 224
« Le sieur André Behaque, Marchand, demeurant au coin des Halles sur la petite place à Lille, [...] »
Début :
Le sieur André Behaque, Marchand, demeurant au coin des Halles sur la petite place à Lille, [...]
Mots clefs :
Marchand, Voyages, Cabinet, Rareté, Visite, Merveilles, Art, Nature
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le sieur André Behaque, Marchand, demeurant au coin des Halles sur la petite place à Lille, [...] »
Le fieur André Behaque , Marchand , demeurant
au coin des Halles fur la petite Place à Lille ,
à l'Enfeigne de l'Acteur Romain , étant parvenu
après de longues années de voyage & recherches
pénibles qu'il a faites & fait faire dans différentes
Parties de l'Europe , à former un Cabinet , & à
mettre en ordre toutes les raretés fans nombre
& de tout genre qu'il a pu recueillir ; & les complimens
flatteurs qu'il a reçus de tous les Connoiffeurs
qui lui ont fait la grace de l'aller voir ,
ayant enfin rempli fes vues , il a l'honneur d'annoncer
aux Sçavans , Curieux & Artiſtes que
ledit
Cabinet fera vifible tous les jours de la femaine
à raifon de 14 fols par perfonne lorſque le nombre
fera au moins cinq , & la valeur , c'eſt- àdire
fix livres , lorfqu'on fera feul .
Comme il n'eft pas poffible d'inférer ici le dénombrement
de Piéces rares que ce Cabinet contient
, le fieur André Behaque dira ſeulement que
fon cabinet occupe quatre grandes Places richement
ornées , & qui renferment dans leur fein
tout ce que l'Art & la Nature ont produit en tous
genres de curieux & de merveilleux,
au coin des Halles fur la petite Place à Lille ,
à l'Enfeigne de l'Acteur Romain , étant parvenu
après de longues années de voyage & recherches
pénibles qu'il a faites & fait faire dans différentes
Parties de l'Europe , à former un Cabinet , & à
mettre en ordre toutes les raretés fans nombre
& de tout genre qu'il a pu recueillir ; & les complimens
flatteurs qu'il a reçus de tous les Connoiffeurs
qui lui ont fait la grace de l'aller voir ,
ayant enfin rempli fes vues , il a l'honneur d'annoncer
aux Sçavans , Curieux & Artiſtes que
ledit
Cabinet fera vifible tous les jours de la femaine
à raifon de 14 fols par perfonne lorſque le nombre
fera au moins cinq , & la valeur , c'eſt- àdire
fix livres , lorfqu'on fera feul .
Comme il n'eft pas poffible d'inférer ici le dénombrement
de Piéces rares que ce Cabinet contient
, le fieur André Behaque dira ſeulement que
fon cabinet occupe quatre grandes Places richement
ornées , & qui renferment dans leur fein
tout ce que l'Art & la Nature ont produit en tous
genres de curieux & de merveilleux,
Fermer
Résumé : « Le sieur André Behaque, Marchand, demeurant au coin des Halles sur la petite place à Lille, [...] »
André Behaque, marchand résidant à Lille, ouvre un cabinet de curiosités au coin des Halles sur la petite Place, sous l'enseigne de l'Acteur Romain. Après des années de voyages et de recherches en Europe, Behaque a rassemblé de nombreuses raretés. Son cabinet a été salué par des connaisseurs. Il est accessible tous les jours de la semaine à un tarif de 14 sols par personne, à condition qu'il y ait au moins cinq visiteurs, ou pour six livres pour une visite individuelle. Le cabinet occupe quatre grandes salles richement ornées et expose des pièces rares représentant les curiosités de l'art et de la nature.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 199-202
DE PARIS, le 16 Février.
Début :
Le Samedi 9, le Sieur Vattelet, Receveur général des Finances, présenta à [...]
Mots clefs :
Académie de peinture, Art, Poème, Duc, Gouverneur de Paris, Prince, Service religieux, Princesse, Madame, Oraison funèbre, Chambre des comptes, Décorations, Choeur, Sarcophage, Lumières, Pompe funèbre, Vaisseaux, Tremblement de terre, Compagnie des Indes, Marchandises
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE PARIS, le 16 Février.
De PARIS , le 16 Février.
2
Le Samedi 9 , le Sieur Vattelet , Receveur général
des Finances préfenta à l'Académie de
Peinture , fon Poëme Didactique , fur l'art de
peindre. On attendoit avec empreffement l'impreffion
d'un ouvrage fi utile , & fi bien annoncé
au Public , par le bon goût & par le talent de
l'Auteur.
Le , le Duc de Luynes , Gouverneur de Paris ,
fut reçu & prit féance au Parlement , en qualité
' de Pair de France. Le Prince de Condé , le Comte
de Clermont , le Prince de Conti , le Comte de
la Marche , Princes du Sang , l'Evêque Duc de
Langres, & les Ducs d'Uzès , de Briffac , de Richelieu
, de Rohan - Chabot , de Luxembourg , de
Saint- Aignan , de Trefmes , d'Harcourt , de Filtz
James , de Villars - Brancas , de Chaulnes , de
Rohan - Rohan , Prince de Soubiſe , de la Valliere
de Fleury , de Duras & de Choiſeul , aſſiſtèrent
à fa réception.
On célébra le 12 , dans l'Eglife Métropolitaine
de cette Ville , un fervice folemnel , que le Roi
avoit ordonné,pour le repos del'âme de feueMadame
Louiſe-Elifabeth de France , Infante d'Espagne,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
Duchelle de Parme , de Plaifance & de Guaſtalla ,
Fille ainée de Sa Majesté . Le Roi avoit nommé ,
pour faire le grand deuil à cette cérémonie , Madame
la Dauphine , Madame , & Madame Victoire ;
& pour conduire les Princes & les Princeffes ,
Monfeigneur le Dauphin , le Duc d'Orléans , &
le Prince de Condé . Ces Princes & Princeffes ,
qui s'étoient d'abord rendus à l'Archevêché , le
mirent en marche pour aller à l'Eglife , lorfque
tout fut en état . Ils y furent conduits par le
Marquis de Dieux , Grand- Maître , & par le fieur
de Nantouillet , Maître des Cérémonies . Madame
la Dauphine , Madame , & Madame Victoire ,
menées par les Princes , pafferent par le dehors
de l'Eglife , & entrerent par la grande porte ; ils
furent placés dans les hautes ftalles , à droite & à
gauche. Un grand nombre d'Archevêques & Evêques
, affiftèrent à cette cérémonie , ainfi que le
Parlement , la Chambre des Comptes , la Cour
des Aydes, l'Univerfité , & le Corps de Ville. L'Archevêque
de Paris officia pontificalement ; &
l'ancien Evêque de Troyes , prononça l'Oraiſon
funèbre. Toutes les perfonnes qui compofoient
la maifon de Madame Intante , affiftèrent , en
grand deuil , à cette cérémonie , ainfi qu'aux Vêpres
des Morts , qui s'étoient dites la veille .
Le Portail de l'Eglife, étoit tendu de noir ; deux
lez de velours , femés de larmes & d'écuffons ,
& trois grands cartels , chargés des armes & des
chiffres de Madame Infante , ornoient cette tenzure
funèbre.
La décoration de l'intérieur du Choeur , étoit
une ordonnance ionique de pilaftres & d'arcades,
furmontée d'un attique. La frife de l'entablement
étoit femée de fleurs -de - lys , de lions , de tours
d'aigles , & de larmes , de même que la plattebande
qui couronnoit les ſtalles.
MARS. 1760. 201
1
Le Catafalque , placé à l'entrée du Choeur ,
repréfentoit un tombeau , élevé fur un piédeftal.
Quatre marches conduifoient à ce piédeſtal , qui
étoit de marbre verd d'Egypte . Il étoit décoré de
huit colonnes doriques , de porphyre , dont les
bafes & les chapiteaux étoient en or . L'entablement
étoit pareillement de porphyre ; & la frife
étoit ornée de fleurs- de- lys , dans les métopes.
Le farcophage , placé fur le piédeſtal , étoit de
marbre verd antique , & couvert du manteau
ducal. Il étoit accompagné de quatre figures
affiles , emblêmes des vertus de la Princeffe . Tout
le monument étoit couronné d'un vaſte pavillon ,
à rideaux doublés d'hermine , femés de larmes ,
& retrouffés.
La quantité de lumières , diftribuées avec art
dans toutes les parties de cette décoration ; l'éclat
des dorures & des bronzes ; la variété des
couleurs des marbres, alliées avec harmonie , formoient
un enfemble également magnifique , &
bien entendu .
Cette pompe funèbre , ordonnée de la part de
Sa Majefté , par le Duc de Fleury , Pair de France ,
& premier Gentilhomme de la Chambre , a été
conduite par le fieur de Fontpertuis , Intendant des
Menus - plaifirs du Roi , fur les deffeins du fieur
Michel - Ange Slodtz , Deffinateur ordinaire du
Cabinet de Sa Majesté.
Un Vailleau , arrivé du Levant à Marseille , a
apporté la nouvelle , que la ville de Saphet , en
Paleftine , a été renversée & abîmée par un tremblement
de terre ; de même que quantité de villages
des environs. Cette Ville , que l'on croit être
l'ancienne Béthulie , étoit fituée fur une haute
de diftance montagne , à peu de la mer , entre
Sey de , ou l'ancienne Sidon , & Saint Jean d'Acre.
Elle étoit fort révérée des Juifs , dont plufieurs s'y
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
rendoient de toutes les parties du monde , pour
finir leurs jours dans la terre de leurs peres.
La Compagnie des Indes , a reçu avis que les
quatre Vailleaux qu'elle attendoit des Indes , font
arrivés heureuſement , le Maffiac à l'Orient , deux
autres a Rochefort , & le quatriéme à la Corogne.
Tous ces Vaiffeaux font richement chargés .
2
Le Samedi 9 , le Sieur Vattelet , Receveur général
des Finances préfenta à l'Académie de
Peinture , fon Poëme Didactique , fur l'art de
peindre. On attendoit avec empreffement l'impreffion
d'un ouvrage fi utile , & fi bien annoncé
au Public , par le bon goût & par le talent de
l'Auteur.
Le , le Duc de Luynes , Gouverneur de Paris ,
fut reçu & prit féance au Parlement , en qualité
' de Pair de France. Le Prince de Condé , le Comte
de Clermont , le Prince de Conti , le Comte de
la Marche , Princes du Sang , l'Evêque Duc de
Langres, & les Ducs d'Uzès , de Briffac , de Richelieu
, de Rohan - Chabot , de Luxembourg , de
Saint- Aignan , de Trefmes , d'Harcourt , de Filtz
James , de Villars - Brancas , de Chaulnes , de
Rohan - Rohan , Prince de Soubiſe , de la Valliere
de Fleury , de Duras & de Choiſeul , aſſiſtèrent
à fa réception.
On célébra le 12 , dans l'Eglife Métropolitaine
de cette Ville , un fervice folemnel , que le Roi
avoit ordonné,pour le repos del'âme de feueMadame
Louiſe-Elifabeth de France , Infante d'Espagne,
I iv
200 MERCURE DE FRANCE .
Duchelle de Parme , de Plaifance & de Guaſtalla ,
Fille ainée de Sa Majesté . Le Roi avoit nommé ,
pour faire le grand deuil à cette cérémonie , Madame
la Dauphine , Madame , & Madame Victoire ;
& pour conduire les Princes & les Princeffes ,
Monfeigneur le Dauphin , le Duc d'Orléans , &
le Prince de Condé . Ces Princes & Princeffes ,
qui s'étoient d'abord rendus à l'Archevêché , le
mirent en marche pour aller à l'Eglife , lorfque
tout fut en état . Ils y furent conduits par le
Marquis de Dieux , Grand- Maître , & par le fieur
de Nantouillet , Maître des Cérémonies . Madame
la Dauphine , Madame , & Madame Victoire ,
menées par les Princes , pafferent par le dehors
de l'Eglife , & entrerent par la grande porte ; ils
furent placés dans les hautes ftalles , à droite & à
gauche. Un grand nombre d'Archevêques & Evêques
, affiftèrent à cette cérémonie , ainfi que le
Parlement , la Chambre des Comptes , la Cour
des Aydes, l'Univerfité , & le Corps de Ville. L'Archevêque
de Paris officia pontificalement ; &
l'ancien Evêque de Troyes , prononça l'Oraiſon
funèbre. Toutes les perfonnes qui compofoient
la maifon de Madame Intante , affiftèrent , en
grand deuil , à cette cérémonie , ainfi qu'aux Vêpres
des Morts , qui s'étoient dites la veille .
Le Portail de l'Eglife, étoit tendu de noir ; deux
lez de velours , femés de larmes & d'écuffons ,
& trois grands cartels , chargés des armes & des
chiffres de Madame Infante , ornoient cette tenzure
funèbre.
La décoration de l'intérieur du Choeur , étoit
une ordonnance ionique de pilaftres & d'arcades,
furmontée d'un attique. La frife de l'entablement
étoit femée de fleurs -de - lys , de lions , de tours
d'aigles , & de larmes , de même que la plattebande
qui couronnoit les ſtalles.
MARS. 1760. 201
1
Le Catafalque , placé à l'entrée du Choeur ,
repréfentoit un tombeau , élevé fur un piédeftal.
Quatre marches conduifoient à ce piédeſtal , qui
étoit de marbre verd d'Egypte . Il étoit décoré de
huit colonnes doriques , de porphyre , dont les
bafes & les chapiteaux étoient en or . L'entablement
étoit pareillement de porphyre ; & la frife
étoit ornée de fleurs- de- lys , dans les métopes.
Le farcophage , placé fur le piédeſtal , étoit de
marbre verd antique , & couvert du manteau
ducal. Il étoit accompagné de quatre figures
affiles , emblêmes des vertus de la Princeffe . Tout
le monument étoit couronné d'un vaſte pavillon ,
à rideaux doublés d'hermine , femés de larmes ,
& retrouffés.
La quantité de lumières , diftribuées avec art
dans toutes les parties de cette décoration ; l'éclat
des dorures & des bronzes ; la variété des
couleurs des marbres, alliées avec harmonie , formoient
un enfemble également magnifique , &
bien entendu .
Cette pompe funèbre , ordonnée de la part de
Sa Majefté , par le Duc de Fleury , Pair de France ,
& premier Gentilhomme de la Chambre , a été
conduite par le fieur de Fontpertuis , Intendant des
Menus - plaifirs du Roi , fur les deffeins du fieur
Michel - Ange Slodtz , Deffinateur ordinaire du
Cabinet de Sa Majesté.
Un Vailleau , arrivé du Levant à Marseille , a
apporté la nouvelle , que la ville de Saphet , en
Paleftine , a été renversée & abîmée par un tremblement
de terre ; de même que quantité de villages
des environs. Cette Ville , que l'on croit être
l'ancienne Béthulie , étoit fituée fur une haute
de diftance montagne , à peu de la mer , entre
Sey de , ou l'ancienne Sidon , & Saint Jean d'Acre.
Elle étoit fort révérée des Juifs , dont plufieurs s'y
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
rendoient de toutes les parties du monde , pour
finir leurs jours dans la terre de leurs peres.
La Compagnie des Indes , a reçu avis que les
quatre Vailleaux qu'elle attendoit des Indes , font
arrivés heureuſement , le Maffiac à l'Orient , deux
autres a Rochefort , & le quatriéme à la Corogne.
Tous ces Vaiffeaux font richement chargés .
Fermer
Résumé : DE PARIS, le 16 Février.
Le 9 février, le Sieur Vattelet, Receveur général des Finances, présenta à l'Académie de Peinture un poème didactique sur l'art de peindre, suscitant une grande attente du public. Le même jour, le Duc de Luynes, Gouverneur de Paris, fut reçu au Parlement en qualité de Pair de France, en présence de plusieurs princes du sang et ducs, dont le Prince de Condé, le Comte de Clermont et le Prince de Conti. Le 12 février, un service solennel fut célébré dans l'église métropolitaine de Paris pour le repos de l'âme de la défunte Madame Louise-Élisabeth de France, Infante d'Espagne et Duchesse de Parme, de Plaisance et de Guastalla, fille aînée du roi. Le roi avait désigné Madame la Dauphine, Madame, et Madame Victoire pour faire le grand deuil, et Monseigneur le Dauphin, le Duc d'Orléans, et le Prince de Condé pour conduire les princes et princesses. La cérémonie fut marquée par la présence de nombreux archevêques, évêques, et représentants des institutions parisiennes. L'Archevêque de Paris officia, et l'ancien Évêque de Troyes prononça l'oraison funèbre. La décoration de l'église était somptueuse, avec un portail tendu de noir, des rideaux de velours ornés de larmes et d'écussons, et des cartels chargés des armes et des chiffres de Madame Infante. L'intérieur du chœur était décoré d'une ordonnance ionique de pilastres et d'arcades, surmontée d'un attique. Le catafalque, placé à l'entrée du chœur, représentait un tombeau élevé sur un piédestal de marbre verd d'Égypte, décoré de colonnes doriques en porphyre et d'or. Le sarcophage était couvert du manteau ducal et accompagné de figures symbolisant les vertus de la princesse. La quantité de lumières, les dorures, et la variété des couleurs des marbres contribuaient à la magnificence de la décoration. Par ailleurs, un vaisseau arrivé à Marseille rapporta qu'un tremblement de terre avait détruit la ville de Saphet en Palestine, ainsi que plusieurs villages environnants. La Compagnie des Indes reçut la nouvelle de l'arrivée de quatre vaisseaux chargés de riches marchandises à l'Orient, Rochefort, et La Corogne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
23
p. 147
VERS pour accompagner un Tableau de M. Amédée Vanloo, représentant différentes vertus, lesquelles vues par optique, forment le portrait ressemblant du ROI.
Début :
Des Rois & des Héros, tous les Peintres fameux, [...]
Mots clefs :
Rois, Héros, Peintres, Art
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VERS pour accompagner un Tableau de M. Amédée Vanloo, représentant différentes vertus, lesquelles vues par optique, forment le portrait ressemblant du ROI.
VERS pour accompagner un Tableau
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
de M. Amédée Vanloo , repréfentant
différentes vertus , lefquelles vues par
optique , forment le portrait reffemblant
du ROI.
Dis Rois & des Héros , tous les Peintres fa- DES
meux ,
Sur la toile ont tranfmis l'image reflemblante.
Vanloo feul a peint l'âme , & fon art merveilleux
Animant les vertus , en elles nous préfente
Et les traits de Louis , & fon coeur généreux.
Par REGNAUDIN DE NASSY , fils.
Fermer
24
p. 58
Pour le Portrait de Mlle ....
Début :
Tour céde au naturel, l'Art ne peut l'égaler : [...]
Mots clefs :
Art, Naturel, Muette
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pour le Portrait de Mlle ....
Pour le Portrait de Mlle ....
Tour céde au naturel , l'Art ne peut l'égaler :
Cette reffemblance eſt parfaite.
Mais l'aimable.... n'eſt ici que muette ,
Et j'aime à l'entendre parler.
ParM. PASCAL , C. de G, au R. de Piémont.
Tour céde au naturel , l'Art ne peut l'égaler :
Cette reffemblance eſt parfaite.
Mais l'aimable.... n'eſt ici que muette ,
Et j'aime à l'entendre parler.
ParM. PASCAL , C. de G, au R. de Piémont.
Fermer
25
s. p.
ODE SUR LA STATUE ÉQUESTRE DU ROI.
Début :
CIEL ! quel Colosse admirable [...]
Mots clefs :
Amour, déité, Lyre, Immortalité, Art, Éloquence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE SUR LA STATUE ÉQUESTRE DU ROI.
ODE
SUR LA STATUE ÉQUESTRE
CIBLI
DU ROI.
L ! quel Coloffe admirable
S'offre aux yeux des Citoyens ?
Une Déité femblable
Au Soleil des Rhodiens.
D'amour , de reconnoiffance
?
I. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Je fens mon coeur enflammé ;
Je vois l'Aftre de la France :
C'eft LOUIS LE BIEN - AI MÉ.
Erato , daigne paroître !
Viens !J'implore ton fecours !
Je veux célébrer mon Maître
Sur la Lyre dès Amours.
Paris ! jufques dans les nues ,
Éléve ce Grand BOURBON ;
Tu lui dois plus de Statues
Que Cecropie à Solon.
( a ) Fils célébre de Philippe !
Ton fuffrage fi vanté ,
A Praxitelle , à Lifippe
Donna l'Immortalité.
Sur les traces de leur gloire
S'avancent d'un pas égal ,
Vers le Temple de Mémoire ,
( b ) Goor , Bouchardon & Pigal.
15
(a ) Alexandre le Grand ordonna que fes Portraits
feroient peints par le feul Apelle ; les Statues
fculptées par Praxitelle , & jettées en fonte
par Lifippe , à caufe de l'excellence de ces deux
Artiſtes.
( b ) La Statue du Roi eft du travail du fieur
Goor, fur les deffeins du fieur Bouchardon , qui
dans fon Teſtament , fait fix mois avant la mort,
defira que le fieur Pigal fût fon Succeffeur dans
cet Ouvrage
.
1
AVRIL. 1763. 7
(c ) Une charmante, Bergère ,
Que le Dieu des coeurs guidoit ,
Defina d'une main chère ,
Un Amant qu'elle adoroit;
Ainfije te vois , France !
Retracer dans ce grand jour ,
La parfaite reflemblance
De l'objet de ton amour.
Des Arts , l'Amour eft le maître ,
Par eux il peut nous charmer ;
Si l'efprit leur donna l'être
L'Amour fçut les animer .
Nous lui devons la Sculpture ,
L'Eloquence , les Concerts ,
Le Pinceau , l'Architecture ,
l'Art d'Uranie & les Vers.
Louis ! leur troupe timide
Vole autour de ta Grandeur ;
Sois leur afyle , leur guide ,
Leur ami , leur défenfeur.
Les Rois qui les protégerent
Sont encor chers aux mortels ;
C'eſt par là qu'ils mériterent
Des Monumens éternels.
( c ) Une Bergère , dit Pline , inventa le Def
feing en traçant fur un mur , avec du charbon ,
les contours de l'ombre de fon amant
A iv
& MERCURE DE FRANCE.
Clio , ta plume Içavántės do on ( 0)
A confacré leurs exploits !
La jeune Erato nous vante
L'aménité de leurs Loit. pusma f
Sur les Bronzes d'Italie, dov sebua
Les Céfars nous font préfens. DISK
C'est ainsi que le Génies lion sticking ol
Brave l'injure des temps. blad
( d ) HENRY ! fur ta Face augufte
Je contemple ta Bonté.
I
A tes traits , LouÍS LE JUSTE
Je reconnois l'Équité.
LOUIS LE GRAND , ta nobleffe
21192
Nous annonce tes hauts faits .
ROI BIEN- AIME ! la Sageffe
Sur ton Front grava fés traits .
Vous , dont la Mufe fertile
Fait revivre les Heros !
Chantres du terrible Achille ,
Sans vos pénibles travaux ,
Aux bords de la Mer Égée ,
Son nom voilé par l'oubli ,
Dans les tombeaux de Sigée
Refteroit enſeveli.
1
(d ) Cette Strophe eft adreffé e aux quatre Sta
Lues Equeftres des Rois BOURBON <STRONG
AVRIL. 1763.¨¨
Troupe aveugle de Barbares !
Dont les flambeaux deftructeurs
Confumoient les OEuvres rares
De tant d'efprits créateurs :
Les Préjugés , l'Ignorance ,
L'Esclavage , le Mépris ,
Sont la jufte récompenſe
De vos forfaits inouis.
Nations ! Villes célèbres !
Les Ouvrages de vos mains
Ont diffipé les ténébres ,
Si fatales aux humains.
Memphis , Athènes , Palmire ,
Rome , Florence , Paris !
Vos noms illuftrent l'Empire
Que Pallas vous a remis.
( e) Grand Préfet ! (f) Sages Édiles ,
D'un Roi , Père des Français ,
Dans la Reine de nos Villes ,
Eternifez les bienfaits.
g) Marigni ! que de merveilles
Vont éclore fous tes yeux !
Tu protéges , tu réveilles
Les mortels ingénieux .
( c ) M. le Prévôt des Marchands.
(f MM. les Echevins.
(g M. le Marquis de Marigni , Surintendant
des Bâtimens , &c. A. v
10 MERCURE DE FRANCE .
Dieu des rives du Méandre ,
Sur mon coeur régle ma. voir !
Jeune encor , daigne m'apprendre
A chanter nos dignes Rois !
L'amour feul de la Patrie
Soutient mon foible talent :
Prête-moi ton harmonie ,
Pour l'unir au Sentiment .
Par le Chevalier DE VIGUIER , Mousquetair
du Roi dans la premiere Compagnie .
SUR LA STATUE ÉQUESTRE
CIBLI
DU ROI.
L ! quel Coloffe admirable
S'offre aux yeux des Citoyens ?
Une Déité femblable
Au Soleil des Rhodiens.
D'amour , de reconnoiffance
?
I. Vol. A iij
6 MERCURE DE FRANCE.
Je fens mon coeur enflammé ;
Je vois l'Aftre de la France :
C'eft LOUIS LE BIEN - AI MÉ.
Erato , daigne paroître !
Viens !J'implore ton fecours !
Je veux célébrer mon Maître
Sur la Lyre dès Amours.
Paris ! jufques dans les nues ,
Éléve ce Grand BOURBON ;
Tu lui dois plus de Statues
Que Cecropie à Solon.
( a ) Fils célébre de Philippe !
Ton fuffrage fi vanté ,
A Praxitelle , à Lifippe
Donna l'Immortalité.
Sur les traces de leur gloire
S'avancent d'un pas égal ,
Vers le Temple de Mémoire ,
( b ) Goor , Bouchardon & Pigal.
15
(a ) Alexandre le Grand ordonna que fes Portraits
feroient peints par le feul Apelle ; les Statues
fculptées par Praxitelle , & jettées en fonte
par Lifippe , à caufe de l'excellence de ces deux
Artiſtes.
( b ) La Statue du Roi eft du travail du fieur
Goor, fur les deffeins du fieur Bouchardon , qui
dans fon Teſtament , fait fix mois avant la mort,
defira que le fieur Pigal fût fon Succeffeur dans
cet Ouvrage
.
1
AVRIL. 1763. 7
(c ) Une charmante, Bergère ,
Que le Dieu des coeurs guidoit ,
Defina d'une main chère ,
Un Amant qu'elle adoroit;
Ainfije te vois , France !
Retracer dans ce grand jour ,
La parfaite reflemblance
De l'objet de ton amour.
Des Arts , l'Amour eft le maître ,
Par eux il peut nous charmer ;
Si l'efprit leur donna l'être
L'Amour fçut les animer .
Nous lui devons la Sculpture ,
L'Eloquence , les Concerts ,
Le Pinceau , l'Architecture ,
l'Art d'Uranie & les Vers.
Louis ! leur troupe timide
Vole autour de ta Grandeur ;
Sois leur afyle , leur guide ,
Leur ami , leur défenfeur.
Les Rois qui les protégerent
Sont encor chers aux mortels ;
C'eſt par là qu'ils mériterent
Des Monumens éternels.
( c ) Une Bergère , dit Pline , inventa le Def
feing en traçant fur un mur , avec du charbon ,
les contours de l'ombre de fon amant
A iv
& MERCURE DE FRANCE.
Clio , ta plume Içavántės do on ( 0)
A confacré leurs exploits !
La jeune Erato nous vante
L'aménité de leurs Loit. pusma f
Sur les Bronzes d'Italie, dov sebua
Les Céfars nous font préfens. DISK
C'est ainsi que le Génies lion sticking ol
Brave l'injure des temps. blad
( d ) HENRY ! fur ta Face augufte
Je contemple ta Bonté.
I
A tes traits , LouÍS LE JUSTE
Je reconnois l'Équité.
LOUIS LE GRAND , ta nobleffe
21192
Nous annonce tes hauts faits .
ROI BIEN- AIME ! la Sageffe
Sur ton Front grava fés traits .
Vous , dont la Mufe fertile
Fait revivre les Heros !
Chantres du terrible Achille ,
Sans vos pénibles travaux ,
Aux bords de la Mer Égée ,
Son nom voilé par l'oubli ,
Dans les tombeaux de Sigée
Refteroit enſeveli.
1
(d ) Cette Strophe eft adreffé e aux quatre Sta
Lues Equeftres des Rois BOURBON <STRONG
AVRIL. 1763.¨¨
Troupe aveugle de Barbares !
Dont les flambeaux deftructeurs
Confumoient les OEuvres rares
De tant d'efprits créateurs :
Les Préjugés , l'Ignorance ,
L'Esclavage , le Mépris ,
Sont la jufte récompenſe
De vos forfaits inouis.
Nations ! Villes célèbres !
Les Ouvrages de vos mains
Ont diffipé les ténébres ,
Si fatales aux humains.
Memphis , Athènes , Palmire ,
Rome , Florence , Paris !
Vos noms illuftrent l'Empire
Que Pallas vous a remis.
( e) Grand Préfet ! (f) Sages Édiles ,
D'un Roi , Père des Français ,
Dans la Reine de nos Villes ,
Eternifez les bienfaits.
g) Marigni ! que de merveilles
Vont éclore fous tes yeux !
Tu protéges , tu réveilles
Les mortels ingénieux .
( c ) M. le Prévôt des Marchands.
(f MM. les Echevins.
(g M. le Marquis de Marigni , Surintendant
des Bâtimens , &c. A. v
10 MERCURE DE FRANCE .
Dieu des rives du Méandre ,
Sur mon coeur régle ma. voir !
Jeune encor , daigne m'apprendre
A chanter nos dignes Rois !
L'amour feul de la Patrie
Soutient mon foible talent :
Prête-moi ton harmonie ,
Pour l'unir au Sentiment .
Par le Chevalier DE VIGUIER , Mousquetair
du Roi dans la premiere Compagnie .
Fermer
Résumé : ODE SUR LA STATUE ÉQUESTRE DU ROI.
Le poème 'ODE SUR LA STATUE ÉQUESTRE DU ROI' a été publié en avril 1763. Il célèbre la statue équestre du roi Louis XV, comparée à une divinité et au soleil des Rhodiens. L'auteur exprime son admiration et sa reconnaissance envers le roi, qu'il nomme 'LOUIS LE BIEN-AIMÉ'. Le poème met en avant les artistes Goor, Bouchardon et Pigalle, impliqués dans la création de la statue. Il souligne l'importance des arts, inspirés par l'amour, et leur rôle dans la célébration des rois protecteurs des arts. Des figures historiques comme Alexandre le Grand et Pline sont mentionnées, soulignant l'impact durable des œuvres d'art. Le texte critique les barbares destructeurs et loue les villes célèbres pour leurs contributions culturelles. Le poème est dédié aux autorités de Paris, notamment le Prévôt des Marchands, les Échevins et le Marquis de Marigni, et exprime le désir de célébrer dignement les rois de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
26
p. 133-142
OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
Début :
PLUSIEURS Sçavans se sont fait une réputation distinguée, en écrivant historiquement [...]
Mots clefs :
Chirurgie, Médecine, Art, Temps, Livre, Recherches, Collège, Réputation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
OBSERVATIONS fur l'Hiftoire de la
MÉDECINE.
PLUSIEURS Sçavans fe font fait une
réputation diftinguée , en écrivant hiftoriquement
fur la Médecine : Daniel le
Clerc & le Docteur Freind ont travaillé
d'une manière digne de la poſtérité.
Les éffais de Bernier , tout fatyriques
qu'ils font , ou peut-être auffi
parce qu'ils font fatyriques , fe font lire
avec pláifir , & joignent l'agrément
à l'inftruction. Nous ne citons pas le
livre de la Métrie , qui n'eft qu'une
invective raiſonnée. Ces Ouvrages fourniroient
à peine quelques matériaux
pour l'hiſtoire de la Médecine en
France. Pour la faire utilement , il
faudroit bien connoître les Auteurs &
leurs travaux ; rappeller quels ont ét
les fyftêmes fuivant lefquels les Prati
ciens ont éxércé dans les différens temps
expofer les progrès fucceffifs de l'art
134 MERCURE DE FRANCE .
les viciffitudes qu'il a éffuyées , le ca
price des différentes opinions d'où la
vie des hommes a dépendu ; marquer ,
fi l'on pouvoit , le fatal enchaînement
des circonftances qui ont donné de la
vogue aux Charlatans , & fait préférer
des affronteurs , à ceux qui méritoient
l'eftime du Public & qui pouvoient fe
rendre dignes de fa reconnoiffance ;
dire enfin quelles fuites malheureuſes a
eues cette confiance mal placée, & faire
voir que la protection qu'on accorde
aux uns aux dépens des autres , eft une
vraie confpiration contre l'humanité
dont les fiécles même qu'on accufe de
barbarie , n'ont pas eu à rougir.
Mais quelles connoiffances , quelles
recherches , quelle fagacité & quel
temps ne demanderoit pas un pareil
travail ! Nous n'en fommes pas dédommagés
par une brochure nouvelle qui
à pour titre Effai hiftorique fur la Médecine
en France. Ce que ce livre contient
de relatif à fon titre , ſe borne
à une lifte des noms & furnoms , des
premiers Médecins de nos Rois ; à celle
des noms & furnoms des Doyens de
la Faculté de Médecine de Paris , depuis
1395 , jufques & compris 1761 ,
élus chaque année le premier Samedi
AVRIL. 1763. 135
après la Touffaint ; ce qui n'eft pas
plus intéreffant , que les loix , les ftatuts
& les ufages de cette Faculté, qu'on
donne en entier , fans obmettre l'article
des fonctions des Bedeaux . On parle
plus au long d'Hippocrate , d'Afclepiade
, & de Galien , que de Fernel , de
Baillou & de Riolan. Eh ! qu'importe
à la Médecine Françoife ce qu'on dit
de S. Charles Borromée , qui dans la
deuxième partie des Actes du premier
Concile de Milan , a défendu aux Moines,
aux Chanoines réguliers & aux Clercs
de faire la Médecine ? L'Auteur de cet
éffai eft fans doute un jeune homme, nou
vellement forti des Ecoles , & qui aime à
tranfcrire du Latin. Il a pourtant bien
fenti que fes Lecteurs pourroient en être
fatigués: on n'approuvera peur-être pas ,
dit-il dans fa préface , plufieurs paffages
Latins dans un ouvrage François : j'écris
furtout pour mes Confrères & pour les
jeunes Médecins qui ne font pas fâchés
de rencontrer du Latin. C'eft ce qui fait
qu'on ne s'eft pas gêné là - deffus , & il
n'y a peut-être pas un grand inconvénient.
Mais ce que l'on auroit dû éviter , c'eſt
une fatyre perfonnelle contre le célébre
Tronchin,Médecin de Genêve , & avoir
un peu plus de modération fur les
136 MERCURE DE FRANCE .
à
Chirurgiens en général , parmi lesquels
il y en a qui font honneur à leur art ,
leur nation & à leur fiécle . C'eſt un
zéle de novice , que la maturité de l'ârendra
quelque jour plus difcret. ge
J'éffayerai de faire connoître l'eſprit
de recherches néceffaires pour écrire
l'hiftoire d'un art , par la difcuffion de
deux points dont il eft queftion dans
la brochure que je viens de citer. L'un
regarde la perfonne de Lanfranc , &
l'autre l'origine de la maladie honteufe
qui eft le fruit de la débauche .
Suivant l'Auteur de l'Effai hiftorique ,
on apprend par les écrits de Lanfranc de
Milan , qui arriva à Paris en 1295 ,
que cette Ville,dont pour lors l'enceinte
étoit peu étendue , avoit néanmoins
un affez grand nombre de Médecins qui
formoit un Collége ou Société qui étoit en
grande réputation. Il ajoute qu'il ignore
fur quel fondement les Auteurs anonymes
d'une efpéce de Factum , fans fignature,
qu'on diftribuoit il y a quelques années
furtivement avec un grand nombre de
cartons , & qu'on avoit décoré du titre
impofant de Recherches fur l'origine &
les progrès de la Chirurgie en Franont
fait Lanfranc de Milan
Membre du foi-difant Collége de Saint
ce >
AVRIL 1763. 137
els
>
Louis ; tandis que cette efpéce de Livre
avance dans un autre endroit que
Jean Pitard qui vivoit vers 1320 , en
étoit le Fondateur. On fe feroit bien
donné de garde , ajoute- t-on , de faire
de Lanfranc un Chirurgien , & furtout
un Chirurgien François , fi l'on avoit
pris la peine de lire fa Chirurgie , trèsbeau
Manufcrit de la Bibliothéque
Royale . En effet , continue l'Auteur
après avoir donné les plus grands éloges
aux Médecins de Paris , Lanfranc
gémit dans plus d'un endroit de l'état
miférable où étoit réduite de fon temps
Ja Chirurgie en France. Il. dit que les
Chirurgiens y étoient prèfque tous
idiots (fçachant à peine leur langue
tous laïques , vrais manoeuvres & fi
ignorans qu'à peine trouvoit- on un Chirurgien
rationel ; qu'ils ne fçavoient
point mettre de différence entre le cautère
actuel & le cautère potentiel , ce
qui étoit caufe qu'en France on ne fe
fervoit plus de cautère .
Dans toute cette injurieufe tirade , il
y a plus de fautes que de mots ; c'eſt ce
qu'il eft facile de prouver. L'Auteur qui
paroît ne connoître que le manufcrit de
la Chirurgie de Lanfranc à la Bibliothéque
Royale , ne fçait pas que cet
138 MERCURE DE FRANCE .
Ouvrage eft public par diverfes éditions
imprimées à Venife & ailleurs en
1490 , 1519 , 1544 & 1553 ; qu'il y en
a même une Traduction Françoife,trèsbien
imprimée en caractères femblables
à ceux d'un Livret qui a pour titre la
Civilité puérile & honnête . Or nous trouvons
dans la lecture même de Lanfranc
où l'on nous renvoye , le contraire de
tout ce qu'on allégue fur cet ancien Auteur
dans l'Effai hiftorique.
Il étoit Chirurgien. Il vint en France
forcément , comme plufieurs autres Italiens
que le malheur des temps chaffa de
leur pays pendant les factions des Guelphes
& des Gibelins. Il s'arrêta à Lyon
où il a exercé la Chirurgie ; il eft venu
à Paris où il a pratiqué & enfeigné cet
art avec la plus grande diftinction : donc
il étoit Chirurgien. La fource de l'erreur
qui a fait croire qu'il étoit ce que
nous appellons préfentement un Médecin
, vient de ce que ce terme étoit employé
alors dans fa vraie fignification .
Medicus , qui medetur. Tout homme
appliqué à la guérifon des maladies.
étoit Médecin ; c'eft pourquoi le Chirurgien
Lanfranc en prend le nom . On
diftinguoit par l'épithète de Phyficien
celui qui donnoit fon application à la
AVRIL. 1763 . 139
Médecine ſpéculativement,qui ne voyoit
ད །། point de malades , ou qui en les voyant
bornoit fes foins à des confeils & à
des avis ; tels font encore aujourd'hui
nos Médecins . Leurs Prédéceffeurs étoient
Eccléfiaftiques , & la plupart Chanoines
de Notre- Dame. Le mot de Chirurgien
étoit auffi une épithéte qui fervoir à défigner
fpécialement le Médecin qui opéroit
de la main , & Lanfranc même ne
fe fervoit pas fubftantivement du terme
Chirurgus , mais de l'Adjectif Cyrurgicus.
De même le mot Phyficus fuppofoit
toujours le fubftantif générique
medicus ; fans quoi le terme auroit
manqué la fignification dans laquelle
on l'employoit ; car la Phyfique a bien
d'autres parties que la Médecine ; &
ceux qui s'y appliquoient étoient certainement
des Phyficiens.
Les Médecins qui formoient à Paris
du temps de Lanfranc un Collége ou
Société en grande réputation étoient les
Pères du Collége de Chirurgie , pour
lequel Jean Pitard , premier Chirurgien
de S. Louis & de Philippe- le- Bel a obtenu
des Statuts & des Loix . Dans le
Chapitre fecond de fa grande Chirurgie
, Lanfranc traite des qualités néceffaires
à un Chirurgien , de qualitate,
140 MERCURE DE FRANCE.
formá , moribus & fcientiâ Cyrurgici . II
éxige de lui beaucoup plus qu'on ne
requiert aujourd'hui du Médecin. Il
établit des régles morales qui montrent
combien on étoit attentif à vouloir que
les Chirurgiens fuffent des Perfonnages
auffi refpectables par leur probité que
par le fçavoir. Au Chapitre XV , du
fpafme qui furvient à une playe , il
parle d'une bleffure à la tête qui avoit
été traitée à Milan par un de fes écoliers
Chirurgien , nommé Oliverius de monte
orphano : il le reprend d'avoir confoli- >
dé cette playe à l'extérieur , avant que
d'en avoir détergé le fond ; & pour ne
pas repéter fon nom , après l'avoir défigné
par le mot fcholaris Cyrurgicus ;
il l'appelle un peu plus bas , ille Medicus.
Que pourroit oppofer à des preuves
auffi convaincantes l'Auteur de l'Ef
fai hiftorique ?
Lanfranc , donne à fon ami Bernard,
les motifs qui l'ont engagé à écrire fur
la Chirurgie : pour l'amour de lui ; propter
amorem tuum , Bernarde cariffime.
Il s'y est déterminé par les prières &
par les ordres des Médecins ; propter
preces præceptaque venerabilium Phyfi
ca Magiftrorum. Il ne faut pas perdre
de vue les termes refpectueux dont il
*
AVRIL. 1763. 141
fe fert dans l'expreffion de ce motif ,
præcepta venerabilium ; & il faut les
comparer à ceux du motif fuivant , qui
eft l'amitié fraternelle qu'il portoit aux
-Eléves en Chirurgie qui le fuivoient
dans l'exercice de cet art pour en apprendre
la pratique fous un auffi grand
Maître : propter fraternum amorem valentium
Medicinae fcolarium , mihi tam
honorabilem facientium comitivam, On
ne voit nulle-part qu'il ait parlé injurieufement
des Chirurgiens , comme on
l'avance ; il dit au contraire formellement
qu'il n'a jamais offenfé perfonne
& qu'il a prié Dieu pour fes perfécuteurs.
Les recherches fur l'origine de la
Chirurgie qu'on appelle une espéce de
Livre , ne font pas de Lanfranc un Chirurgien
François . Elles difent qu'il étoit
de Milan , & qu'il a enfeigné & pratiqué
la Chirurgie à Paris. M. Winflow étoit
Danois & Médecin de Paris. Lanfranc
étoit contemporain de Jean Pitard, que
l'Auteur de l'Effai hiſtorique donne
pour vivant vers 1320. Il eſt mort fort
âgé en 1315. C'est dans la force de l'âge
& au retour de fon voyage de la Terre-
Sainte où il avoit accompagné S. Louis,
qu'il réunit les Chirurgiens en Corps.
1
142 MERCURE DE FRANCE.
Ils formoient une Société dès l'an 1260.
& Lanfranc n'eft venu à Paris qu'en
1295 ; où eft donc la contradiction de
le mettre au nombre des Chirurgiens de
Paris , c'est -à - dire de ceux qui éxerçoient
la Chirurgie dans cette Capitale ?
La fuite au Mercure prochain.
MÉDECINE.
PLUSIEURS Sçavans fe font fait une
réputation diftinguée , en écrivant hiftoriquement
fur la Médecine : Daniel le
Clerc & le Docteur Freind ont travaillé
d'une manière digne de la poſtérité.
Les éffais de Bernier , tout fatyriques
qu'ils font , ou peut-être auffi
parce qu'ils font fatyriques , fe font lire
avec pláifir , & joignent l'agrément
à l'inftruction. Nous ne citons pas le
livre de la Métrie , qui n'eft qu'une
invective raiſonnée. Ces Ouvrages fourniroient
à peine quelques matériaux
pour l'hiſtoire de la Médecine en
France. Pour la faire utilement , il
faudroit bien connoître les Auteurs &
leurs travaux ; rappeller quels ont ét
les fyftêmes fuivant lefquels les Prati
ciens ont éxércé dans les différens temps
expofer les progrès fucceffifs de l'art
134 MERCURE DE FRANCE .
les viciffitudes qu'il a éffuyées , le ca
price des différentes opinions d'où la
vie des hommes a dépendu ; marquer ,
fi l'on pouvoit , le fatal enchaînement
des circonftances qui ont donné de la
vogue aux Charlatans , & fait préférer
des affronteurs , à ceux qui méritoient
l'eftime du Public & qui pouvoient fe
rendre dignes de fa reconnoiffance ;
dire enfin quelles fuites malheureuſes a
eues cette confiance mal placée, & faire
voir que la protection qu'on accorde
aux uns aux dépens des autres , eft une
vraie confpiration contre l'humanité
dont les fiécles même qu'on accufe de
barbarie , n'ont pas eu à rougir.
Mais quelles connoiffances , quelles
recherches , quelle fagacité & quel
temps ne demanderoit pas un pareil
travail ! Nous n'en fommes pas dédommagés
par une brochure nouvelle qui
à pour titre Effai hiftorique fur la Médecine
en France. Ce que ce livre contient
de relatif à fon titre , ſe borne
à une lifte des noms & furnoms , des
premiers Médecins de nos Rois ; à celle
des noms & furnoms des Doyens de
la Faculté de Médecine de Paris , depuis
1395 , jufques & compris 1761 ,
élus chaque année le premier Samedi
AVRIL. 1763. 135
après la Touffaint ; ce qui n'eft pas
plus intéreffant , que les loix , les ftatuts
& les ufages de cette Faculté, qu'on
donne en entier , fans obmettre l'article
des fonctions des Bedeaux . On parle
plus au long d'Hippocrate , d'Afclepiade
, & de Galien , que de Fernel , de
Baillou & de Riolan. Eh ! qu'importe
à la Médecine Françoife ce qu'on dit
de S. Charles Borromée , qui dans la
deuxième partie des Actes du premier
Concile de Milan , a défendu aux Moines,
aux Chanoines réguliers & aux Clercs
de faire la Médecine ? L'Auteur de cet
éffai eft fans doute un jeune homme, nou
vellement forti des Ecoles , & qui aime à
tranfcrire du Latin. Il a pourtant bien
fenti que fes Lecteurs pourroient en être
fatigués: on n'approuvera peur-être pas ,
dit-il dans fa préface , plufieurs paffages
Latins dans un ouvrage François : j'écris
furtout pour mes Confrères & pour les
jeunes Médecins qui ne font pas fâchés
de rencontrer du Latin. C'eft ce qui fait
qu'on ne s'eft pas gêné là - deffus , & il
n'y a peut-être pas un grand inconvénient.
Mais ce que l'on auroit dû éviter , c'eſt
une fatyre perfonnelle contre le célébre
Tronchin,Médecin de Genêve , & avoir
un peu plus de modération fur les
136 MERCURE DE FRANCE .
à
Chirurgiens en général , parmi lesquels
il y en a qui font honneur à leur art ,
leur nation & à leur fiécle . C'eſt un
zéle de novice , que la maturité de l'ârendra
quelque jour plus difcret. ge
J'éffayerai de faire connoître l'eſprit
de recherches néceffaires pour écrire
l'hiftoire d'un art , par la difcuffion de
deux points dont il eft queftion dans
la brochure que je viens de citer. L'un
regarde la perfonne de Lanfranc , &
l'autre l'origine de la maladie honteufe
qui eft le fruit de la débauche .
Suivant l'Auteur de l'Effai hiftorique ,
on apprend par les écrits de Lanfranc de
Milan , qui arriva à Paris en 1295 ,
que cette Ville,dont pour lors l'enceinte
étoit peu étendue , avoit néanmoins
un affez grand nombre de Médecins qui
formoit un Collége ou Société qui étoit en
grande réputation. Il ajoute qu'il ignore
fur quel fondement les Auteurs anonymes
d'une efpéce de Factum , fans fignature,
qu'on diftribuoit il y a quelques années
furtivement avec un grand nombre de
cartons , & qu'on avoit décoré du titre
impofant de Recherches fur l'origine &
les progrès de la Chirurgie en Franont
fait Lanfranc de Milan
Membre du foi-difant Collége de Saint
ce >
AVRIL 1763. 137
els
>
Louis ; tandis que cette efpéce de Livre
avance dans un autre endroit que
Jean Pitard qui vivoit vers 1320 , en
étoit le Fondateur. On fe feroit bien
donné de garde , ajoute- t-on , de faire
de Lanfranc un Chirurgien , & furtout
un Chirurgien François , fi l'on avoit
pris la peine de lire fa Chirurgie , trèsbeau
Manufcrit de la Bibliothéque
Royale . En effet , continue l'Auteur
après avoir donné les plus grands éloges
aux Médecins de Paris , Lanfranc
gémit dans plus d'un endroit de l'état
miférable où étoit réduite de fon temps
Ja Chirurgie en France. Il. dit que les
Chirurgiens y étoient prèfque tous
idiots (fçachant à peine leur langue
tous laïques , vrais manoeuvres & fi
ignorans qu'à peine trouvoit- on un Chirurgien
rationel ; qu'ils ne fçavoient
point mettre de différence entre le cautère
actuel & le cautère potentiel , ce
qui étoit caufe qu'en France on ne fe
fervoit plus de cautère .
Dans toute cette injurieufe tirade , il
y a plus de fautes que de mots ; c'eſt ce
qu'il eft facile de prouver. L'Auteur qui
paroît ne connoître que le manufcrit de
la Chirurgie de Lanfranc à la Bibliothéque
Royale , ne fçait pas que cet
138 MERCURE DE FRANCE .
Ouvrage eft public par diverfes éditions
imprimées à Venife & ailleurs en
1490 , 1519 , 1544 & 1553 ; qu'il y en
a même une Traduction Françoife,trèsbien
imprimée en caractères femblables
à ceux d'un Livret qui a pour titre la
Civilité puérile & honnête . Or nous trouvons
dans la lecture même de Lanfranc
où l'on nous renvoye , le contraire de
tout ce qu'on allégue fur cet ancien Auteur
dans l'Effai hiftorique.
Il étoit Chirurgien. Il vint en France
forcément , comme plufieurs autres Italiens
que le malheur des temps chaffa de
leur pays pendant les factions des Guelphes
& des Gibelins. Il s'arrêta à Lyon
où il a exercé la Chirurgie ; il eft venu
à Paris où il a pratiqué & enfeigné cet
art avec la plus grande diftinction : donc
il étoit Chirurgien. La fource de l'erreur
qui a fait croire qu'il étoit ce que
nous appellons préfentement un Médecin
, vient de ce que ce terme étoit employé
alors dans fa vraie fignification .
Medicus , qui medetur. Tout homme
appliqué à la guérifon des maladies.
étoit Médecin ; c'eft pourquoi le Chirurgien
Lanfranc en prend le nom . On
diftinguoit par l'épithète de Phyficien
celui qui donnoit fon application à la
AVRIL. 1763 . 139
Médecine ſpéculativement,qui ne voyoit
ད །། point de malades , ou qui en les voyant
bornoit fes foins à des confeils & à
des avis ; tels font encore aujourd'hui
nos Médecins . Leurs Prédéceffeurs étoient
Eccléfiaftiques , & la plupart Chanoines
de Notre- Dame. Le mot de Chirurgien
étoit auffi une épithéte qui fervoir à défigner
fpécialement le Médecin qui opéroit
de la main , & Lanfranc même ne
fe fervoit pas fubftantivement du terme
Chirurgus , mais de l'Adjectif Cyrurgicus.
De même le mot Phyficus fuppofoit
toujours le fubftantif générique
medicus ; fans quoi le terme auroit
manqué la fignification dans laquelle
on l'employoit ; car la Phyfique a bien
d'autres parties que la Médecine ; &
ceux qui s'y appliquoient étoient certainement
des Phyficiens.
Les Médecins qui formoient à Paris
du temps de Lanfranc un Collége ou
Société en grande réputation étoient les
Pères du Collége de Chirurgie , pour
lequel Jean Pitard , premier Chirurgien
de S. Louis & de Philippe- le- Bel a obtenu
des Statuts & des Loix . Dans le
Chapitre fecond de fa grande Chirurgie
, Lanfranc traite des qualités néceffaires
à un Chirurgien , de qualitate,
140 MERCURE DE FRANCE.
formá , moribus & fcientiâ Cyrurgici . II
éxige de lui beaucoup plus qu'on ne
requiert aujourd'hui du Médecin. Il
établit des régles morales qui montrent
combien on étoit attentif à vouloir que
les Chirurgiens fuffent des Perfonnages
auffi refpectables par leur probité que
par le fçavoir. Au Chapitre XV , du
fpafme qui furvient à une playe , il
parle d'une bleffure à la tête qui avoit
été traitée à Milan par un de fes écoliers
Chirurgien , nommé Oliverius de monte
orphano : il le reprend d'avoir confoli- >
dé cette playe à l'extérieur , avant que
d'en avoir détergé le fond ; & pour ne
pas repéter fon nom , après l'avoir défigné
par le mot fcholaris Cyrurgicus ;
il l'appelle un peu plus bas , ille Medicus.
Que pourroit oppofer à des preuves
auffi convaincantes l'Auteur de l'Ef
fai hiftorique ?
Lanfranc , donne à fon ami Bernard,
les motifs qui l'ont engagé à écrire fur
la Chirurgie : pour l'amour de lui ; propter
amorem tuum , Bernarde cariffime.
Il s'y est déterminé par les prières &
par les ordres des Médecins ; propter
preces præceptaque venerabilium Phyfi
ca Magiftrorum. Il ne faut pas perdre
de vue les termes refpectueux dont il
*
AVRIL. 1763. 141
fe fert dans l'expreffion de ce motif ,
præcepta venerabilium ; & il faut les
comparer à ceux du motif fuivant , qui
eft l'amitié fraternelle qu'il portoit aux
-Eléves en Chirurgie qui le fuivoient
dans l'exercice de cet art pour en apprendre
la pratique fous un auffi grand
Maître : propter fraternum amorem valentium
Medicinae fcolarium , mihi tam
honorabilem facientium comitivam, On
ne voit nulle-part qu'il ait parlé injurieufement
des Chirurgiens , comme on
l'avance ; il dit au contraire formellement
qu'il n'a jamais offenfé perfonne
& qu'il a prié Dieu pour fes perfécuteurs.
Les recherches fur l'origine de la
Chirurgie qu'on appelle une espéce de
Livre , ne font pas de Lanfranc un Chirurgien
François . Elles difent qu'il étoit
de Milan , & qu'il a enfeigné & pratiqué
la Chirurgie à Paris. M. Winflow étoit
Danois & Médecin de Paris. Lanfranc
étoit contemporain de Jean Pitard, que
l'Auteur de l'Effai hiſtorique donne
pour vivant vers 1320. Il eſt mort fort
âgé en 1315. C'est dans la force de l'âge
& au retour de fon voyage de la Terre-
Sainte où il avoit accompagné S. Louis,
qu'il réunit les Chirurgiens en Corps.
1
142 MERCURE DE FRANCE.
Ils formoient une Société dès l'an 1260.
& Lanfranc n'eft venu à Paris qu'en
1295 ; où eft donc la contradiction de
le mettre au nombre des Chirurgiens de
Paris , c'est -à - dire de ceux qui éxerçoient
la Chirurgie dans cette Capitale ?
La fuite au Mercure prochain.
Fermer
Résumé : OBSERVATIONS sur l'Histoire de la MÉDECINE.
Le texte examine l'histoire de la médecine en France, mettant en lumière les contributions de savants tels que Daniel le Clerc et le Docteur Freind. Les œuvres de Bernier, bien que satiriques, sont reconnues pour leur agrément et leur valeur instructive. Le texte critique un ouvrage récent intitulé 'Essai historique sur la Médecine en France', le jugeant insuffisant pour une histoire complète de la médecine. Cet essai se limite à des listes de noms et de lois, manquant de profondeur sur les systèmes médicaux, les progrès et les vicissitudes de l'art médical. Il mentionne des figures historiques comme Hippocrate, Asclépiade et Galien, mais néglige des médecins français importants tels que Fernel, Baillou et Riolan. L'auteur de l'essai est décrit comme un jeune homme récemment sorti des écoles, appréciant la transcription du latin. Le texte critique également une satire personnelle contre le célèbre médecin Tronchin et manque de modération envers les chirurgiens. Il discute ensuite de la figure de Lanfranc de Milan, clarifiant son rôle en tant que chirurgien et son influence sur la chirurgie à Paris. Le texte rectifie les erreurs de l'essai historique concernant Lanfranc, affirmant qu'il était un chirurgien respecté et non un médecin au sens moderne. Il conclut en soulignant l'importance de recherches approfondies pour écrire l'histoire de la médecine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 169-173
COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
Début :
MESESSIEURS LA fonction aussi flateuse qu'honorable que j'ai à remplir, met celui qui [...]
Mots clefs :
Acteurs, Comédie, Actrice, Art, Regretter , Théâtre français
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
COMPLIMENT prononcé par
M. DAUBERVAL , à l'ouverture du
Théatre François , le 11 Avril 1763 .
MESESSIEURS , JRS ,
" LA fonction auffi flateufe qu'hono-
» rable
que j'ai à remplir , met celui qui
» en eft chargé à portée d'ofer vous ren-
» dre compte de fon zèle , de fes efforts
» pour mériter vos bontés , & de folliciter
» votre indulgence dont perfonne n'a plus
II. Vol.
"
H
170 MERCURE DE FRANCE.
» befoin que moi. C'eft en connoiffant &
» en fentant tout le prix de ce précieux
» avantage , que je ne puis cependant
» me diffimuler qu'aujourd'hui il de-
» voit regarder un des Acteurs le plus
» en poffeffion de vous plaire ; vous
» feriez moins affectés des pertes qu'il
» vous apprendroit , fi vous aviez fous
» les yeux une des reffources qui vous
reftent. Vous préffentez aifément ,
» Meffieurs , que je vais parler de Ma-
» demoiſelle GAUSSIN & de Made-
» moiſelle DANGEVILLE.
"
» On a l'obligation à la premiere d'un
» genre nouveau de Comédie ; fa figure
» charmante , les graces ingénues de fon
» jeu , le fon intéreffant de fa voix ont
» fait imaginer de mettre en action des
» tableaux anacréontiques : fes yeux
parloient à l'âme ; & l'amour fembloit
l'avoir fait naître pour prouver
» que la volupté n'a pas de parure plus
piquante que la naïveté . Cette perte
» étoit affez grande ; celle de Mademoi-
» felle DANGEVILLE achève de nous
accabler.
"3
»
» Cette Actrice fi pleine de fineffe
» & de vérité , qui renfermoit en elle
» feule de quoi faire la réputation de
» cinq ou fix A&trices , cette favorite
AVRIL. 1763 . 171
des grâces à laquelle perfonne ne
» peut reffembler , puifque dans tous
» les rôles elle ne fe reffembloit pas elle-
» même : Mademoiſelle DANGEVILLE
» fe dérobe à fa propre gloire , & fair
» fuccéder vos regrets à vos acclama-
» tions .
» Vous n'avez rien épargné , Mef-
» fieurs , pour la retenir ; vos applau-
» diffemens réitérés exprimoient ce que
»vous paroiffiez en droit d'en éxiger ,
» & fembloient lui dire , vous faites nos
" plaifirs ; Thalie vous a ouvert tous
» fes tréfors ; elle vous a difpenfé les
» richeffes de tous les âges ; vos per-
» fections toujours nouvelles triomphe-
» ront dutemps . Pourquoi nous quittez-
» vous ?
»
» Les Auteurs lui répétoient fans
» ceffe : nous trouvons fi rarement un
» Acteur pour chaque caractère , vous
» les faififfez tous ; nous avons tant de
» peine à vaincre les cabales , votre
préfence les enchaîne . Notre art eft fi
» difficile , vous applaniffiez nos obſta-
» cles , vous n'en rencontrez point pour
» atteindre l'excellence du vôtre ; &c
vous fçavez fi bien le ménager , qu'il
» femble que ce foit la nature même
» qui vous en épargne les frais. Pour
"
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
"" chère
» quoi nous abandonnez - vous ? Enfin
» Meffieurs , vous regrettez un Actrice
» qui vous enchantoit , & nous ne nous
» confolons pas de nous voir privés
» d'une Camarade qui nous étoit auffi
que précieufe. Au lieu d'avoir
» le fafte trop ordinaire au grand ta-
» lent , elle ignoroit fa fupériorité &
» doutoit d'elle - même quand nous la
prenions pour modèle . Elle fçavoit
» par le liant de fon caractère fe con-
» cilier tous les efprits ; & fans fe don-
» ner aucun foin pour ſe faire un parti ,
» elle n'en avoit que plus de partiſans :
» nous l'admirions & nous l'aimions .
" Sa famille eft depuis long-temps ,
Meffieurs , en poffeflion de vous plaire;
», & fon frère , qui fe retire auffi , vous
a tracé fouvent le fouvenir d'un oncle
fon modèlé. L'un & l'autre ont
39
"
prouvé par leurs fuccès, dans ces rôles
» peu brillans par eux- mêmes, qu'aucun
» genre comique n'eft ftérile , que lorf-
», que l'on manque de talens .
Ces pertes multipliées , au lieu de
nous décourager , Meffieurs , vont-ré-
» doubler notre application pour avoit
droit à vos fuffrages : ce n'eft qu'en
» vous offrant des progrès dans nos ta
lens , ce n'eft qu'en en découvrait
AVRIL. 1763. 173
de naiffans , que l'on peut vous con- .
» foler , Meffieurs , de ceux que vous
» aurez peut-être trop long-temps fujet
» de regretter. »
M. DAUBERVAL , à l'ouverture du
Théatre François , le 11 Avril 1763 .
MESESSIEURS , JRS ,
" LA fonction auffi flateufe qu'hono-
» rable
que j'ai à remplir , met celui qui
» en eft chargé à portée d'ofer vous ren-
» dre compte de fon zèle , de fes efforts
» pour mériter vos bontés , & de folliciter
» votre indulgence dont perfonne n'a plus
II. Vol.
"
H
170 MERCURE DE FRANCE.
» befoin que moi. C'eft en connoiffant &
» en fentant tout le prix de ce précieux
» avantage , que je ne puis cependant
» me diffimuler qu'aujourd'hui il de-
» voit regarder un des Acteurs le plus
» en poffeffion de vous plaire ; vous
» feriez moins affectés des pertes qu'il
» vous apprendroit , fi vous aviez fous
» les yeux une des reffources qui vous
reftent. Vous préffentez aifément ,
» Meffieurs , que je vais parler de Ma-
» demoiſelle GAUSSIN & de Made-
» moiſelle DANGEVILLE.
"
» On a l'obligation à la premiere d'un
» genre nouveau de Comédie ; fa figure
» charmante , les graces ingénues de fon
» jeu , le fon intéreffant de fa voix ont
» fait imaginer de mettre en action des
» tableaux anacréontiques : fes yeux
parloient à l'âme ; & l'amour fembloit
l'avoir fait naître pour prouver
» que la volupté n'a pas de parure plus
piquante que la naïveté . Cette perte
» étoit affez grande ; celle de Mademoi-
» felle DANGEVILLE achève de nous
accabler.
"3
»
» Cette Actrice fi pleine de fineffe
» & de vérité , qui renfermoit en elle
» feule de quoi faire la réputation de
» cinq ou fix A&trices , cette favorite
AVRIL. 1763 . 171
des grâces à laquelle perfonne ne
» peut reffembler , puifque dans tous
» les rôles elle ne fe reffembloit pas elle-
» même : Mademoiſelle DANGEVILLE
» fe dérobe à fa propre gloire , & fair
» fuccéder vos regrets à vos acclama-
» tions .
» Vous n'avez rien épargné , Mef-
» fieurs , pour la retenir ; vos applau-
» diffemens réitérés exprimoient ce que
»vous paroiffiez en droit d'en éxiger ,
» & fembloient lui dire , vous faites nos
" plaifirs ; Thalie vous a ouvert tous
» fes tréfors ; elle vous a difpenfé les
» richeffes de tous les âges ; vos per-
» fections toujours nouvelles triomphe-
» ront dutemps . Pourquoi nous quittez-
» vous ?
»
» Les Auteurs lui répétoient fans
» ceffe : nous trouvons fi rarement un
» Acteur pour chaque caractère , vous
» les faififfez tous ; nous avons tant de
» peine à vaincre les cabales , votre
préfence les enchaîne . Notre art eft fi
» difficile , vous applaniffiez nos obſta-
» cles , vous n'en rencontrez point pour
» atteindre l'excellence du vôtre ; &c
vous fçavez fi bien le ménager , qu'il
» femble que ce foit la nature même
» qui vous en épargne les frais. Pour
"
Hij
172 MERCURE DE FRANCE .
"" chère
» quoi nous abandonnez - vous ? Enfin
» Meffieurs , vous regrettez un Actrice
» qui vous enchantoit , & nous ne nous
» confolons pas de nous voir privés
» d'une Camarade qui nous étoit auffi
que précieufe. Au lieu d'avoir
» le fafte trop ordinaire au grand ta-
» lent , elle ignoroit fa fupériorité &
» doutoit d'elle - même quand nous la
prenions pour modèle . Elle fçavoit
» par le liant de fon caractère fe con-
» cilier tous les efprits ; & fans fe don-
» ner aucun foin pour ſe faire un parti ,
» elle n'en avoit que plus de partiſans :
» nous l'admirions & nous l'aimions .
" Sa famille eft depuis long-temps ,
Meffieurs , en poffeflion de vous plaire;
», & fon frère , qui fe retire auffi , vous
a tracé fouvent le fouvenir d'un oncle
fon modèlé. L'un & l'autre ont
39
"
prouvé par leurs fuccès, dans ces rôles
» peu brillans par eux- mêmes, qu'aucun
» genre comique n'eft ftérile , que lorf-
», que l'on manque de talens .
Ces pertes multipliées , au lieu de
nous décourager , Meffieurs , vont-ré-
» doubler notre application pour avoit
droit à vos fuffrages : ce n'eft qu'en
» vous offrant des progrès dans nos ta
lens , ce n'eft qu'en en découvrait
AVRIL. 1763. 173
de naiffans , que l'on peut vous con- .
» foler , Meffieurs , de ceux que vous
» aurez peut-être trop long-temps fujet
» de regretter. »
Fermer
Résumé : COMPLIMENT prononcé par M. DAUBERVAL, à l'ouverture du Théatre François, le 11 Avril 1763.
Le 11 avril 1763, M. Dauberval prononce un discours à l'ouverture du Théâtre François. Il exprime son honneur et son zèle à remplir sa fonction et sollicite l'indulgence du public. Dauberval évoque la perte récente de deux actrices, Mademoiselle Gaussin et Mademoiselle Dangeville, dont les talents sont grandement regrettés. Mademoiselle Gaussin est louée pour son rôle dans un nouveau genre de comédie, ses charmes et sa voix intéressante. Sa disparition est comparée à celle de Mademoiselle Dangeville, actrice reconnue pour sa finesse et sa vérité, capable de briller dans tous les rôles. Le public et les auteurs regrettent son départ, soulignant son talent unique et sa capacité à surmonter les obstacles. La famille de Mademoiselle Dangeville, notamment son frère, est également reconnue pour ses succès. Malgré ces pertes, Dauberval encourage ses collègues à redoubler d'efforts pour mériter les suffrages du public, en offrant des progrès et en découvrant de nouveaux talents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer