Résultats : 602 texte(s)
Détail
Liste
1
p. 40-46
LETTRE DE MADAME la Comtesse de Bregy, A Monsieur l'Abbé Bourdelot.
Début :
Si vous me regardez du costé de la capacité, je [...]
Mots clefs :
Vers, Colbert, Mérite, Écrire, Médecine, Redevable
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE MADAME la Comtesse de Bregy, A Monsieur l'Abbé Bourdelot.
LETTRE DE MADAME
la Comteſſe deBregy ,
Si
A Monfieur l'Abbé Bourdelot.
d'ac- I vous me regardez du coſtéde la capacité,je demcure cord que mon dro't n'est pas bien fondé à me plaindre de vous , de ne m'avoir point montré vos Ou- vrages: Mais s'il vous avoit plû,
Monsieur , de confiderer ceux qui vous aiment le mieux , par cette regle là j'aurois receu devous les Vers que vous avez faits pour MonsieurColbert , dont lefeulha- zard mefit hier prefcnt. Cela est beau que ce nefoitpas devous que jeles aye reçeus. Nesçavez-vous
GALANT. 27
E
de
en
de
pasbien que tout ce qui sert àvo- ſtregloire,fert aussiàma joye ,
que d'ailleurs bien de choses ne m'en donnent pas tant qu'il foit neceffaire de m'en retrancher ? Ce n'est pas là ce que les Amis doivent faire , au contraire il faut qu'ils fongent à procurer à ceux
qu'ils aiment tous les petits biens,
westant pas en estat deleur en faire avoir de grands ; mais vous estes dans un embarras d'amour propre,
qui vous tient de trop pres pour vous laiſſer le temps de penserà
ceux , dequi vous estes aimé, &il
vous fait fans ceffe courir apres ceux , que l'Envie empesche de
convenirdevostremerite. Necherchezplusà les enconvaincre.Eftes- vous àſçavoirque la Verité s'éta- blit par elle-mesme , & que c'est 0145 fonprivilege depercertousles nua
tte
les
A
Y
eft
que
ges pourse découvrir ? C'est une
Bij
28 LE MERCVRE
preuve du parfait merite , de vi- vrc avec nonchalancefans briguer l'approbation, il faut qu'elle vien- ne à la fin payer tribut fans que lon' en prenne foin. Regardez le Héros , aupres de qui vous eſtes attaché. Voyezcomme il semble estre de loisir , il ne fait plus rien parce qu'ila tout fait,car iln'est point d'esprit qu'il n'ait parfaite- mentafſujetty à croire qu'il est un des plus grands Hommes du monde,
& pour peu qu'il commençât à
s'ennuyer dans sa folitude , ilfe trouve un remede tout prest. Il n'a qu'à tourner les yeux du cofté defa gloire,pourvoir le plus beau pe- Etacle , que jamais Mortel ait pû donnerà l'Univers. Avec une telle Sauvegardeiln'estpointde chagrin qui le puiſſe attaquer. La mort mesme , qui ofe tout nepourra rien contre luy , car lors qu'elle croira
GALANT. 29
-
le
es
le
съ
ift
te141
de
sestre enrichie d'unefi noble proye,
elle n'aurafait que le débaraſſerde
ce qu'il avoit de commun avec le
refte des Hommes , pour le laiffer
pluspurement en estat d'aller pren- dre place entre les Demy-Dieux.
Mais s'il trouvoitſon compte à cela,nousn'y trouverions
ftre en
Le no pas be le perdant ; c'est pourquoy Monsieur l'Abbé , ne fongez pas tant àécrire *7771
en beau langage , que vous ne reſviez profondement àce
que l'Art de la Medecine peut
Se fournir de Secrets, pour prolonger fur la terreunesi belle vie ; &par là voſtre Siecle vous fera beaucoup
plus redevablé , que de toutes les
chofes que vouspourriez d'ailleurs faire pour fon ornement. En mon.
particulier je ne vous quittepoint à moins de me promettre pour ce Grand Homme encore une centaine
L'années; & pour vous en récompu
elle
yin
ort
-ien
1
Biij
30 LE MERCVRE penſer,jeſouhaiteque toutle mon- de convienne avec moy que Mon- fieur l'AbbéBourdelot est tout com- pté &rabattu , un desHommes du
monde de laplus agreable conuer- fation
la Comteſſe deBregy ,
Si
A Monfieur l'Abbé Bourdelot.
d'ac- I vous me regardez du coſtéde la capacité,je demcure cord que mon dro't n'est pas bien fondé à me plaindre de vous , de ne m'avoir point montré vos Ou- vrages: Mais s'il vous avoit plû,
Monsieur , de confiderer ceux qui vous aiment le mieux , par cette regle là j'aurois receu devous les Vers que vous avez faits pour MonsieurColbert , dont lefeulha- zard mefit hier prefcnt. Cela est beau que ce nefoitpas devous que jeles aye reçeus. Nesçavez-vous
GALANT. 27
E
de
en
de
pasbien que tout ce qui sert àvo- ſtregloire,fert aussiàma joye ,
que d'ailleurs bien de choses ne m'en donnent pas tant qu'il foit neceffaire de m'en retrancher ? Ce n'est pas là ce que les Amis doivent faire , au contraire il faut qu'ils fongent à procurer à ceux
qu'ils aiment tous les petits biens,
westant pas en estat deleur en faire avoir de grands ; mais vous estes dans un embarras d'amour propre,
qui vous tient de trop pres pour vous laiſſer le temps de penserà
ceux , dequi vous estes aimé, &il
vous fait fans ceffe courir apres ceux , que l'Envie empesche de
convenirdevostremerite. Necherchezplusà les enconvaincre.Eftes- vous àſçavoirque la Verité s'éta- blit par elle-mesme , & que c'est 0145 fonprivilege depercertousles nua
tte
les
A
Y
eft
que
ges pourse découvrir ? C'est une
Bij
28 LE MERCVRE
preuve du parfait merite , de vi- vrc avec nonchalancefans briguer l'approbation, il faut qu'elle vien- ne à la fin payer tribut fans que lon' en prenne foin. Regardez le Héros , aupres de qui vous eſtes attaché. Voyezcomme il semble estre de loisir , il ne fait plus rien parce qu'ila tout fait,car iln'est point d'esprit qu'il n'ait parfaite- mentafſujetty à croire qu'il est un des plus grands Hommes du monde,
& pour peu qu'il commençât à
s'ennuyer dans sa folitude , ilfe trouve un remede tout prest. Il n'a qu'à tourner les yeux du cofté defa gloire,pourvoir le plus beau pe- Etacle , que jamais Mortel ait pû donnerà l'Univers. Avec une telle Sauvegardeiln'estpointde chagrin qui le puiſſe attaquer. La mort mesme , qui ofe tout nepourra rien contre luy , car lors qu'elle croira
GALANT. 29
-
le
es
le
съ
ift
te141
de
sestre enrichie d'unefi noble proye,
elle n'aurafait que le débaraſſerde
ce qu'il avoit de commun avec le
refte des Hommes , pour le laiffer
pluspurement en estat d'aller pren- dre place entre les Demy-Dieux.
Mais s'il trouvoitſon compte à cela,nousn'y trouverions
ftre en
Le no pas be le perdant ; c'est pourquoy Monsieur l'Abbé , ne fongez pas tant àécrire *7771
en beau langage , que vous ne reſviez profondement àce
que l'Art de la Medecine peut
Se fournir de Secrets, pour prolonger fur la terreunesi belle vie ; &par là voſtre Siecle vous fera beaucoup
plus redevablé , que de toutes les
chofes que vouspourriez d'ailleurs faire pour fon ornement. En mon.
particulier je ne vous quittepoint à moins de me promettre pour ce Grand Homme encore une centaine
L'années; & pour vous en récompu
elle
yin
ort
-ien
1
Biij
30 LE MERCVRE penſer,jeſouhaiteque toutle mon- de convienne avec moy que Mon- fieur l'AbbéBourdelot est tout com- pté &rabattu , un desHommes du
monde de laplus agreable conuer- fation
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Résumé : LETTRE DE MADAME la Comtesse de Bregy, A Monsieur l'Abbé Bourdelot.
Dans sa lettre à l'Abbé Bourdelot, la Comtesse de Bregy exprime son admiration pour ses œuvres et son désir de recevoir les vers qu'il a écrits pour Monsieur Colbert. Elle souligne que la gloire de l'Abbé lui procure de la joie et critique son habitude de ne pas partager ses œuvres avec ses proches, préférant chercher l'approbation de ceux qui sont jaloux de son mérite. La Comtesse compare l'Abbé à un héros indifférent aux approbations extérieures et l'encourage à se concentrer sur la médecine pour prolonger sa vie. Elle souhaite qu'il vive encore longtemps et continue à contribuer à la médecine, estimant que cela serait plus bénéfique pour son siècle que ses écrits.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 65-80
LETTRE DE M. LE MARQUIS DE *** A MADAME DE ***
Début :
Si les Eaux de Barrége luy on esté salutaires, celles / Je suis à Bourbon l'Archambaut, Madame; & sans aucun [...]
Mots clefs :
Belles, Hommes de mérite, Bourbon l'Archambaut, Maladies, Guérir, Eaux , Remède, Maux, Boire
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE DE M. LE MARQUIS DE *** A MADAME DE ***
Si les Eauxde Barrége luy ont eſté ſalutaires , celles de Bourbon ne l'ont pas moins eſté -à quantité de Belles qu'on y a
veuës. Cette Lettre qui m'eſt -tombée entre les mains , vous en
-fera ſçavoir le merite. Je vous l'envoye tellequ'on vientdeme la donner.
LETTRE
DE M. LE MARQUIS DE ***
A MADAME DE ***
àBourbon l'Archambaut,Ma- JEfuis dame;&Sans aucun préambule,je
GALANT. 45 vay vous rendre compte de ce qui s'y paſſe,comme vous me l'avez ordonné.
Lapremiere chose que jefis en arrivant,
ce fut dem'informer du genre desMa- ladies qui avoient attirélebeauMonde
qu'ondit quis'y trouvoit , &l'on m'ap- prit qu'à l'exception dequelques Para- lifies mal formées , Hommes & Fem- mes s'y plaignoient presque tous de Vapeurs.
CeMal de tous les Maux, Mal le plus incommode,
Pour les Hommesjadis n'eſtoit point à
lamode;
Mais onſçait aujourd'huyce qu'il nous fait fouffrir,
Comme à toute heure il nous accable ,
Juſqu'à nous voir preſts d'en mourir,
Si voſtre Sexe eſtoit unpeu plus cha- ritable ,
Nous n'irions pas ſi loin eſſayer d'en guerir.
Je ne manquaypas ( & parvostre ordre , Madame , ) de demander d'a- bord des nouvelles de nostre Illustre
L
46 LE MERCVRE
Mareschal. Je ſçeus que les Eaux ne luy avoient fait que médiocrement du bien cetteannée, maisqu'en récompense M. Amiot Son Medecin , Homme
qu'unecapacitédepuis long temps éprou vée , rend digne de tout le bien qu'on en
dit, en avoitpris desſoinsſiparticuliers,
que ſes Amispouvoient espererdele re voiravectoute laſantéqu'ilsluy avoient Jouhaitée en partant : l'agreable vie qu'on mene icy , aura ſans doute contri- buéà la rétablir. Le Ieu , la Promenade, la Conversation, &tout ce qui peur lierune aimableſocieté,ſont des plaifirs
qui n'y manquent presque jamais , &la belle Compagniequi s'y trouve ordinai.
rement seroit seule capable de querir les Mauxlesplus obftinez. Tout cequi m'y paroist de fâcheux ,
C'eſt qu'on voit làde tres-ſainesMa- lades
Qui fieres de mille Beautez ,
Font de frequentes incartades Ad'innocentes Libertez.
Auplaifir de les voir le meilleur temps s'employe.
GALAN T... 47
Comme le charme eſt grand , on s'en
donne à cœur joye ,
On regarde , on admire , on demeure enchanté.
Alors aux Maux divers, dont boire eſt
le Remede
Se mefle un certain trouble àqui la
raiſon cede ,
Etmal ſur mal n'eſt pas ſanté.
Je m'en Sauve comme jepuis , &je vous avoue que cen'est passans peine,
car fi onéviteunquet-à pendd'un coſté,
on le rencontre de l'autre. Par exemple.
Avez- vous fuy les dangereux attraits
Qui coûtent tant à regarder de pres,
Lors qu'à vosyeux charmez de ſa rencontre,
L'aimable Fortia ſe montre;
Ailleurs où le hazard vous aura pû
mener,
LabelleMarcillac vous vient affaffiner.
Que de cœurs tous les jours ſes char- mes luy fontprendre ,
Sans que jamais elle fonge àles rendre!
ر
48 LE MERCVRE
Il n'eſtoit pas beſoin qu'elle quitât la
Cour
Pour leur faire un ſi méchant tour.
Ie n'oſe en dire rien , c'eſt ſur ſa conſcience ;
Mais qu'elle craigne enfin qu'on ne la pouſſe àbout
On peut prendre ſon temps , la trou- ver ſans defenſe ,
Et quiconque à voler comme elle ſe réfout,
Doit croire que malgré toute ſa refiſtance ,
Vn coup viendra qui payera tout.
,on ne
Vous auriez peine à vous imaginer
combien la belle Madame Dubal fait
envier le bonheur deſon Epoux qui est
venu aux Eaux avec elle. Ceſont deux moitiez tres- bien aſſorties,&fi la Fem- me aun merite extraordinaire
peut parler trop avantageusement du
Mary. Il estbienfait , agreable &fort conſideré dans la Maison de Monsieur
lePrince. Lepaſſe aux autres Beautez qu'onvoiticy; &pourm'empescher d'y penser trop en vous en parlant , vous
trouverez
GALANT. 49 trouverez bon , s'il vous plaiſt ,que je faſſe le Portrait qu'en ras ne vous en
courcy.
L'incomparable Bourdenois Dont la gorge toute charmante Surprend, ébloüit,touche, enchante,
De l'Amour à toute heure épuiſe le
Carquois.
Heureux qui vit ſous de ſi belles Loix,
Mais plus heureux qui s'en exempte.
De Vallecour & ſon aimable Sœur,
Des plus brillans attraits l'une & l'autre pourveuë,
Ontbien dequoyplaire à la veuë,
Mais ce n'eſt pas ſans qu'il encouſte
au cœur.
Beauregard & Beſſay par l'éclat de leurs charmes.
لوب
Font aux plus fiers rendre les armes,
Du Frétoy comme Riberpré Quand vous les regardez ſont fort à
voſtre gré ,
Tome IX. C
5o LE MERCVRE Mais mal en prendquoy qu'ony prenne garde,
Aqui trop ſouvent les regarde.
Morin , Phelipeaux & de Ris ,
Par leur propre merite à peu d'autres ſemblables ,
Ont toutesdes Filles aimables
Que ſuivent la Ieuneſſe & les Ieux &
les Ris.
On eſt charméde ſe voir avec elles ,
Mais comme de ſoy-meſme doit ſe
défier,
Ce n'eſt pas tout que de les trouver
Belles ,
L'importance eſt del'oublier.
Ioignez à ces Beautez deux Illuſtres
Amies ,
Dont il faut vous dire le nom.
L'une eſt Saint-Clair , l'autre Burgon ,
Ce ſont dans l'amitié deux ames affermies ,
Etqui fontconcevoir à qui veut s'enflamer,
Qu'iln'eſt riende ſi doux qu'aimer.
GALANT. 5
Pourla belle Damonqu'accompagnent
les Graces ,
Et dont en la voyant chacun demeure
épris.
Onnedoit point eſtre ſurpris
Si l'Amour marche ſurſes traces.
Quel affez ample, aſſez riche Marc d'or Apù payer ce prétieux Tréſor ?
Il faut encorerendre juſtice Aumerite des quatre Sœurs.
Marpon l'aînée eſt Veuve,& ( je croy)
peu novice
Dansl'art d'aſſujettir les cœurs Elle est bienfaite , aimable & fort ſpi- rituelle.
De Villedo ſa Sœur ſe fait aimer comme elle ;
Etdans l'agreable Becuau Onnevoitrien que de bon &de beau.
Mignon, la plus jeunedes quatre Ades attraits dangereux à combattre,
Etqui veut tenir contre , éprouve à ſes deſpens
Qu'il perd ſa franchiſe &ſon temps.
Cij
52 LE MERCVR E
Apres vous avoir parlé des Belles,
j'aurois un long article àvous faire , ſi je voulois vous entretenir de tous les
Hommes de merite qui boivent icy des Eaux. Nousy voyons M. le Marquis de Vardes , dont on croit que le plus grand mal foit le chagrin d'eſtre toû jours éloigné de la plus Auguste Per- Sonne duMonde. M. de Pomereüil, &
M. Pique , y sont auſſi avec M. le Comtede Bouligneux qui est un Homme tres- bien fait , &fort estimé. Mais ce qu'on peut appeller le Charme de nos plus belles Compagnies , c'eſt un jeune Milord petit-Fils du Duc d'Ormond Viceroyd'Irlande. Il donne la Comedie aux Dames , &on nepeutrien voir de plus galant àson âge. Ses belles qualitez ne surprennent point quand on les voit cultivées par M. de Montmiral Son Gouverneur. C'est un Gentilhomme tres- accomply , &fort dignedu choix qu'on a fait de luy pour la conduite du jeune Seigneur dont je vousparle. Vousferez peut- estre ſurpriſe de ceque je ne vous disriende Madame laComteffe_deDo- na, ny de quantité d'autres belles Da-
GALAN T. 53 mes qui sont venues cette année boire desEaux à Bourbon. Souvenez-vous,
je vous prie ,que je vous ayſeulement promis de vous rendre compte de celles que j'y trouverois. Je vous tiensparole,
&fuisvostre , &c.
veuës. Cette Lettre qui m'eſt -tombée entre les mains , vous en
-fera ſçavoir le merite. Je vous l'envoye tellequ'on vientdeme la donner.
LETTRE
DE M. LE MARQUIS DE ***
A MADAME DE ***
àBourbon l'Archambaut,Ma- JEfuis dame;&Sans aucun préambule,je
GALANT. 45 vay vous rendre compte de ce qui s'y paſſe,comme vous me l'avez ordonné.
Lapremiere chose que jefis en arrivant,
ce fut dem'informer du genre desMa- ladies qui avoient attirélebeauMonde
qu'ondit quis'y trouvoit , &l'on m'ap- prit qu'à l'exception dequelques Para- lifies mal formées , Hommes & Fem- mes s'y plaignoient presque tous de Vapeurs.
CeMal de tous les Maux, Mal le plus incommode,
Pour les Hommesjadis n'eſtoit point à
lamode;
Mais onſçait aujourd'huyce qu'il nous fait fouffrir,
Comme à toute heure il nous accable ,
Juſqu'à nous voir preſts d'en mourir,
Si voſtre Sexe eſtoit unpeu plus cha- ritable ,
Nous n'irions pas ſi loin eſſayer d'en guerir.
Je ne manquaypas ( & parvostre ordre , Madame , ) de demander d'a- bord des nouvelles de nostre Illustre
L
46 LE MERCVRE
Mareschal. Je ſçeus que les Eaux ne luy avoient fait que médiocrement du bien cetteannée, maisqu'en récompense M. Amiot Son Medecin , Homme
qu'unecapacitédepuis long temps éprou vée , rend digne de tout le bien qu'on en
dit, en avoitpris desſoinsſiparticuliers,
que ſes Amispouvoient espererdele re voiravectoute laſantéqu'ilsluy avoient Jouhaitée en partant : l'agreable vie qu'on mene icy , aura ſans doute contri- buéà la rétablir. Le Ieu , la Promenade, la Conversation, &tout ce qui peur lierune aimableſocieté,ſont des plaifirs
qui n'y manquent presque jamais , &la belle Compagniequi s'y trouve ordinai.
rement seroit seule capable de querir les Mauxlesplus obftinez. Tout cequi m'y paroist de fâcheux ,
C'eſt qu'on voit làde tres-ſainesMa- lades
Qui fieres de mille Beautez ,
Font de frequentes incartades Ad'innocentes Libertez.
Auplaifir de les voir le meilleur temps s'employe.
GALAN T... 47
Comme le charme eſt grand , on s'en
donne à cœur joye ,
On regarde , on admire , on demeure enchanté.
Alors aux Maux divers, dont boire eſt
le Remede
Se mefle un certain trouble àqui la
raiſon cede ,
Etmal ſur mal n'eſt pas ſanté.
Je m'en Sauve comme jepuis , &je vous avoue que cen'est passans peine,
car fi onéviteunquet-à pendd'un coſté,
on le rencontre de l'autre. Par exemple.
Avez- vous fuy les dangereux attraits
Qui coûtent tant à regarder de pres,
Lors qu'à vosyeux charmez de ſa rencontre,
L'aimable Fortia ſe montre;
Ailleurs où le hazard vous aura pû
mener,
LabelleMarcillac vous vient affaffiner.
Que de cœurs tous les jours ſes char- mes luy fontprendre ,
Sans que jamais elle fonge àles rendre!
ر
48 LE MERCVRE
Il n'eſtoit pas beſoin qu'elle quitât la
Cour
Pour leur faire un ſi méchant tour.
Ie n'oſe en dire rien , c'eſt ſur ſa conſcience ;
Mais qu'elle craigne enfin qu'on ne la pouſſe àbout
On peut prendre ſon temps , la trou- ver ſans defenſe ,
Et quiconque à voler comme elle ſe réfout,
Doit croire que malgré toute ſa refiſtance ,
Vn coup viendra qui payera tout.
,on ne
Vous auriez peine à vous imaginer
combien la belle Madame Dubal fait
envier le bonheur deſon Epoux qui est
venu aux Eaux avec elle. Ceſont deux moitiez tres- bien aſſorties,&fi la Fem- me aun merite extraordinaire
peut parler trop avantageusement du
Mary. Il estbienfait , agreable &fort conſideré dans la Maison de Monsieur
lePrince. Lepaſſe aux autres Beautez qu'onvoiticy; &pourm'empescher d'y penser trop en vous en parlant , vous
trouverez
GALANT. 49 trouverez bon , s'il vous plaiſt ,que je faſſe le Portrait qu'en ras ne vous en
courcy.
L'incomparable Bourdenois Dont la gorge toute charmante Surprend, ébloüit,touche, enchante,
De l'Amour à toute heure épuiſe le
Carquois.
Heureux qui vit ſous de ſi belles Loix,
Mais plus heureux qui s'en exempte.
De Vallecour & ſon aimable Sœur,
Des plus brillans attraits l'une & l'autre pourveuë,
Ontbien dequoyplaire à la veuë,
Mais ce n'eſt pas ſans qu'il encouſte
au cœur.
Beauregard & Beſſay par l'éclat de leurs charmes.
لوب
Font aux plus fiers rendre les armes,
Du Frétoy comme Riberpré Quand vous les regardez ſont fort à
voſtre gré ,
Tome IX. C
5o LE MERCVRE Mais mal en prendquoy qu'ony prenne garde,
Aqui trop ſouvent les regarde.
Morin , Phelipeaux & de Ris ,
Par leur propre merite à peu d'autres ſemblables ,
Ont toutesdes Filles aimables
Que ſuivent la Ieuneſſe & les Ieux &
les Ris.
On eſt charméde ſe voir avec elles ,
Mais comme de ſoy-meſme doit ſe
défier,
Ce n'eſt pas tout que de les trouver
Belles ,
L'importance eſt del'oublier.
Ioignez à ces Beautez deux Illuſtres
Amies ,
Dont il faut vous dire le nom.
L'une eſt Saint-Clair , l'autre Burgon ,
Ce ſont dans l'amitié deux ames affermies ,
Etqui fontconcevoir à qui veut s'enflamer,
Qu'iln'eſt riende ſi doux qu'aimer.
GALANT. 5
Pourla belle Damonqu'accompagnent
les Graces ,
Et dont en la voyant chacun demeure
épris.
Onnedoit point eſtre ſurpris
Si l'Amour marche ſurſes traces.
Quel affez ample, aſſez riche Marc d'or Apù payer ce prétieux Tréſor ?
Il faut encorerendre juſtice Aumerite des quatre Sœurs.
Marpon l'aînée eſt Veuve,& ( je croy)
peu novice
Dansl'art d'aſſujettir les cœurs Elle est bienfaite , aimable & fort ſpi- rituelle.
De Villedo ſa Sœur ſe fait aimer comme elle ;
Etdans l'agreable Becuau Onnevoitrien que de bon &de beau.
Mignon, la plus jeunedes quatre Ades attraits dangereux à combattre,
Etqui veut tenir contre , éprouve à ſes deſpens
Qu'il perd ſa franchiſe &ſon temps.
Cij
52 LE MERCVR E
Apres vous avoir parlé des Belles,
j'aurois un long article àvous faire , ſi je voulois vous entretenir de tous les
Hommes de merite qui boivent icy des Eaux. Nousy voyons M. le Marquis de Vardes , dont on croit que le plus grand mal foit le chagrin d'eſtre toû jours éloigné de la plus Auguste Per- Sonne duMonde. M. de Pomereüil, &
M. Pique , y sont auſſi avec M. le Comtede Bouligneux qui est un Homme tres- bien fait , &fort estimé. Mais ce qu'on peut appeller le Charme de nos plus belles Compagnies , c'eſt un jeune Milord petit-Fils du Duc d'Ormond Viceroyd'Irlande. Il donne la Comedie aux Dames , &on nepeutrien voir de plus galant àson âge. Ses belles qualitez ne surprennent point quand on les voit cultivées par M. de Montmiral Son Gouverneur. C'est un Gentilhomme tres- accomply , &fort dignedu choix qu'on a fait de luy pour la conduite du jeune Seigneur dont je vousparle. Vousferez peut- estre ſurpriſe de ceque je ne vous disriende Madame laComteffe_deDo- na, ny de quantité d'autres belles Da-
GALAN T. 53 mes qui sont venues cette année boire desEaux à Bourbon. Souvenez-vous,
je vous prie ,que je vous ayſeulement promis de vous rendre compte de celles que j'y trouverois. Je vous tiensparole,
&fuisvostre , &c.
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Résumé : LETTRE DE M. LE MARQUIS DE *** A MADAME DE ***
Dans une lettre adressée à Madame de ***, le marquis de *** décrit les événements et les personnes rencontrées à Bourbon-l'Archambault. Il souligne les bienfaits des eaux thermales de Bourbon, qui ont été bénéfiques à de nombreuses personnes, notamment à des femmes de qualité. Les maux dont souffrent les visiteurs sont principalement les vapeurs, un mal considéré comme incommode et courant. Le maréchal, bien que les eaux ne lui aient pas apporté beaucoup de soulagement, est soigné par son médecin, M. Amiot. Son rétablissement est espéré grâce à la vie agréable et aux plaisirs de la société locale. La lettre met également en lumière la présence de plusieurs personnalités distinguées, telles que Madame Dubal et Madame Bourdenois, ainsi que d'autres dames et gentlemen de haut rang. L'auteur décrit les charmes et les qualités de ces personnes, tout en évoquant les dangers et les plaisirs de la société mondaine. Parmi les jeunes hommes de mérite présents, on compte le marquis de Vardes, M. de Pomereuil, M. Pique, et un jeune milord, petit-fils du duc d'Ormond, accompagné de son gouverneur, M. de Montmiral. Le marquis précise qu'il ne mentionne que les personnes qu'il a effectivement rencontrées à Bourbon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 131-146
L'Amant vantousé, Histoire. [titre d'après la table]
Début :
Si ce dénombrement de Vaisseaux, d'Equipages & d'Armemens n'est [...]
Mots clefs :
Pédant, Connaissances, Amoureux, Exercices, Ventouses, Molière, Chirurgien, Rougeurs, Voiture, Opération
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'Amant vantousé, Histoire. [titre d'après la table]
Si ce dénombrement de
Vaiſſeaux ,d'Equipages &d'Ar- memens n'eſt pas du gouft de vos ſpirituelles Amies, l'Avan- ture quej'ay à vous conter aura peut- eftre pour elles quelque choſe de réjoüiffant. Ily a plus d'une Perſonne qui vous l'atteftera pour veritable , & je vous 12Conne fur la foy de Gens ſans reproche.
UnjeuneGentilhomme, ren- fermé juſqu'à vingt ans dans le
GALANT. 83
fonds de fa Province , ſous la dépendance d'un Pédant quiavoit tâché de luy apprendre beau- coup de chofes qu'il ne ſçavoit peut-eſtre pas trop bien luy- meſme, vint il y aquelquetemps à Paris pour y commencer ſes Exercices , & quand il y vint,
on peut dire qu'il eſtoit tout nouvellement débarqué.Il avoit des manieres embarraffées , &
ceux qui prenoient intereſt en luy , ne le virent pas longtemps fans s'appercevoir que l'Etude neluy avoit donné quedes Con- noiſſances maldigerées qui a- voient beſoin d'adouciſſement.
Comme il n'y a point d'Ecole plus propre àl'acquerirque cel- le des Femmes , fes Amis le menerent chez quelques Belles. II Les vit d'abordfans autredeſſein
que celuy de rendre ſesdevoirs
Dvj
84 LE MERCVRE
à d'aimables Perſonnes que fa naiffance engageoit à marquer de la confideration pour luy ;
mais infenfiblement il y prit goust , il eſtoit d'âge à aimer , il avoit un cœur; & une grande Brune dont les yeux eſtoient les plus dangereux du monde, eut tantde charmes pour luy , qu'il en devint éperduëment amou- reux. La Dame fut ſurpriſe de le voir plus ſouvent chez elle qu'elle ne l'auroit ſouhaité ! Elle eſtoit ſi bien faite , qu'elle n'eut pas de peine à deviner qui l'at- tiroit. Ses affiduitez ayant com- mencé à luy faire connoiſtre la.
paſſion qu'il avoit pour elle , fes regards &quelques foûpirs mat étouffez acheverent de l'en inftruire. Cette conqueſte lachagrina , elle n'eſtoit point d'un af fez grand poids pour luy faire
GALANT. 85
honneur, & l'expoſoit àdes im- portunitez fatiguantes pour une Perſonne qu'un cœur novice n'accommodoit pas. Elle feignit de n'entendre point ſes premie- res declarations , & pour s'en défaire en le rebutant , elle le
raitla fur quelques tlefauts dont il prenoit peine à ſe corriger , &
n'oublia pas fur tout à luyfaire connoiſtre ſon dégoutpour cer- taines rougeurs qu'il avoit fur le
viſage. Il aimoit la Dame , &
vouloit luy plaire à quelque prix que ce fuſt. Cedernier reproche luy donnoit de l'inquietude. II erut que ſes rougeurs eſtoient la feule choſe qui la choquoit , &
dans l'impatience d'y trouver
quelque remede , il fit confiden- ce de ſon ſecret àceluy qui l'a- voit mené chez elle , &qui ap- - prenoit ſes Exercices dans la
86 LE MERCVRE
meſme Académie que luy. Le Confident avoit veu le monde,
il aimoit à faire piece , & fans heſiter, il luy dit que ſi c'eſtoit là le ſeul obſtacle qui l'empef- chaſt d'avoir les bonnes graces de la Belle , il luy répondoitde fon bonheur. Il adjoûte que ces rougeurs venoient d'une abon- dance de fang qu'il eſtoitfacile dedétourner ,qu'il les avoit euës comme luy, & quepour éviterla guerre qu'on luy faifoit , il s'en eſtoit fait quite pardes Ventou- ſes appliquées ſur la partie que Moliere nous a fait ſi ſpirituelle- ment entendre , quanddans l'u- nedeſes Pieces il a fait dire pour infulter un Apotiquaire, qu'on voyoit bienqu'il n'eſtoit pas ac- couſtumé à parler àdes Viſages .
Le Gentil-homme auffi credule
que jeune , auroit voulu eftre
GALAN Τ. 87
ventousédans le meſme inſtant.
Il embraffe le Confident avec
une joye extraordinaire , & le conjure de ne point differer à
faire venir la meſme Perſonne
dont il s'eſt ſervy pourunepa- reille Opération. On prend jour au lendemain , un Chirurgien a le mot , & deux Amis com
muns font avertis de l'employ qu'ils doivent avoir dans la Pie- ce. LeConfidentamene le Chirurgien à l'heure marquée. Le Gentilhomme le prie den'épar- gner point ſon ſang , &fe cou- chant fur le ventre, il fouffre
l'application des Ventouſes qui fontunecopieuſe attraction.Les Scarifications ſuivent,on les fait
profondes , &apres que le Chi- rurgien en a recüeilly deux grandes paletes de ſang,il remet les Ventouſes, & feignant d'a
88 LE MERCVRE
voir oublié quelque choſe de neceffaire , il le quitte pour cou- rir juſques chez luy. Il eſt à pei- ne forty de la Chambre , qu'on entend du bruit dans l'Escalier.
C'eſtoient les deux Amis à qui on avoit appris le miftere. Ils entrent malgré le Patient qui veut qu'on ferme la porte , &
qui a bien de la peine à ſe tenir couché fur le coſté. Ils s'informent de ce qui peut l'arreſter au,
Lit , & apres une converſation generale d'un quart - d'heure l'un des deux paſſe dans une étroite ruelle ſous pretexte d'a-'
voir quelque ſecret à luy dire.
L'Amant Ventouse tourne la
teſte ſans ſe remier , &fon Amy le prie inutilement de s'appro- cher unpeudavantage. Il n'ofe luy dire en termes du galant Voiture , qu'il a pour ne le pas
7
३
He GALANT. 89
eier.
11
e
1
faire , une raiſon fondamentale fur laquelle il ne luy eſt pas permis d'apuyer. Il n'écoute que d'un peu loin cequ'on neluydi- roit pas fi on ne cherchoit à
l'embarraffer ; & enfin le Confident fait l'officieux en obligeant les nouveaux venus às'é- loigner. Le Chirurgien revient,
fil ofte les Ventouſes, &laiffe le Plaintif ſcarifié dansdes dou- Veurs dont il ne ſe conſole que par l'efperace de n'avoirplusles Tougeurs qui bleſſent les yeux de la Dame. Elle apprend du Confident le tour qu'il luy a
joué , & afin qu'il nejoüiffe pas ſeul du plaifirde cette Avantu- re, elle envoye prier le Gentil- homme de luy venir parler le lendemain. LeMeſſage luy étoit trop doux pour ne l'engager pas àſe faire une neceſſité de cette
१० LE MERCVRE
Viſite.Il ſe rend chez elle àpied,
car l'Opération eſtoit trop ré- cente , &ne laiſſoit aucune voiture commode pourluy. Onle mene dans leCabinetde la Belle , où il ne trouve que desEſca- beaux fort durs. Elle le fait affeoir malgré luy. Il fait centpo- ſtures qui l'inſtruiſent de ce
qu'il ſouffre , &jamais conver- ſation d'une Maîtreſſe ne parut ſi longue à un Amant. Il s'en tire le plutôt qui'l peut , & ce qui le chagrine, c'eſtqu'aubout de quelques jours , il s'apperçoit que ſes rougeurs augmentoient au lieu de diminuer. Il s'en
plaint à celuy qui est cauſedu Remede qu'il a eſſayé, & fa ré- ponſe eſt qu'il feroit bonde re- commencer , parce que les Ven- touſes n'ontpas efté affez long- temps appliquées. Il s'y ſeroit
GALANT. 91
refolu fans doute , s'il n'en euſt - demandé avis àquelqu'un qui - luy dit charitablement qu'on - luy faiſoit piece. Il avoit du coeur ,&ayant rencontré le ma- licieux Confident , il luy fait mettre l'épée à la main. Comme les diſgraces ſe ſuivent , il ne peut fi bien ſe ſervir de fon adreſſe , qu'il ne reçoive une fort large Bleſſure dontil eſt en- cor àpreſent au Lit.Il eſt certain qu'il en guérira , mais il ne l'eſt pas que ce nouveau ſangqu'ila
perdu faſſe ceſſer les rougeurs
Vaiſſeaux ,d'Equipages &d'Ar- memens n'eſt pas du gouft de vos ſpirituelles Amies, l'Avan- ture quej'ay à vous conter aura peut- eftre pour elles quelque choſe de réjoüiffant. Ily a plus d'une Perſonne qui vous l'atteftera pour veritable , & je vous 12Conne fur la foy de Gens ſans reproche.
UnjeuneGentilhomme, ren- fermé juſqu'à vingt ans dans le
GALANT. 83
fonds de fa Province , ſous la dépendance d'un Pédant quiavoit tâché de luy apprendre beau- coup de chofes qu'il ne ſçavoit peut-eſtre pas trop bien luy- meſme, vint il y aquelquetemps à Paris pour y commencer ſes Exercices , & quand il y vint,
on peut dire qu'il eſtoit tout nouvellement débarqué.Il avoit des manieres embarraffées , &
ceux qui prenoient intereſt en luy , ne le virent pas longtemps fans s'appercevoir que l'Etude neluy avoit donné quedes Con- noiſſances maldigerées qui a- voient beſoin d'adouciſſement.
Comme il n'y a point d'Ecole plus propre àl'acquerirque cel- le des Femmes , fes Amis le menerent chez quelques Belles. II Les vit d'abordfans autredeſſein
que celuy de rendre ſesdevoirs
Dvj
84 LE MERCVRE
à d'aimables Perſonnes que fa naiffance engageoit à marquer de la confideration pour luy ;
mais infenfiblement il y prit goust , il eſtoit d'âge à aimer , il avoit un cœur; & une grande Brune dont les yeux eſtoient les plus dangereux du monde, eut tantde charmes pour luy , qu'il en devint éperduëment amou- reux. La Dame fut ſurpriſe de le voir plus ſouvent chez elle qu'elle ne l'auroit ſouhaité ! Elle eſtoit ſi bien faite , qu'elle n'eut pas de peine à deviner qui l'at- tiroit. Ses affiduitez ayant com- mencé à luy faire connoiſtre la.
paſſion qu'il avoit pour elle , fes regards &quelques foûpirs mat étouffez acheverent de l'en inftruire. Cette conqueſte lachagrina , elle n'eſtoit point d'un af fez grand poids pour luy faire
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honneur, & l'expoſoit àdes im- portunitez fatiguantes pour une Perſonne qu'un cœur novice n'accommodoit pas. Elle feignit de n'entendre point ſes premie- res declarations , & pour s'en défaire en le rebutant , elle le
raitla fur quelques tlefauts dont il prenoit peine à ſe corriger , &
n'oublia pas fur tout à luyfaire connoiſtre ſon dégoutpour cer- taines rougeurs qu'il avoit fur le
viſage. Il aimoit la Dame , &
vouloit luy plaire à quelque prix que ce fuſt. Cedernier reproche luy donnoit de l'inquietude. II erut que ſes rougeurs eſtoient la feule choſe qui la choquoit , &
dans l'impatience d'y trouver
quelque remede , il fit confiden- ce de ſon ſecret àceluy qui l'a- voit mené chez elle , &qui ap- - prenoit ſes Exercices dans la
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meſme Académie que luy. Le Confident avoit veu le monde,
il aimoit à faire piece , & fans heſiter, il luy dit que ſi c'eſtoit là le ſeul obſtacle qui l'empef- chaſt d'avoir les bonnes graces de la Belle , il luy répondoitde fon bonheur. Il adjoûte que ces rougeurs venoient d'une abon- dance de fang qu'il eſtoitfacile dedétourner ,qu'il les avoit euës comme luy, & quepour éviterla guerre qu'on luy faifoit , il s'en eſtoit fait quite pardes Ventou- ſes appliquées ſur la partie que Moliere nous a fait ſi ſpirituelle- ment entendre , quanddans l'u- nedeſes Pieces il a fait dire pour infulter un Apotiquaire, qu'on voyoit bienqu'il n'eſtoit pas ac- couſtumé à parler àdes Viſages .
Le Gentil-homme auffi credule
que jeune , auroit voulu eftre
GALAN Τ. 87
ventousédans le meſme inſtant.
Il embraffe le Confident avec
une joye extraordinaire , & le conjure de ne point differer à
faire venir la meſme Perſonne
dont il s'eſt ſervy pourunepa- reille Opération. On prend jour au lendemain , un Chirurgien a le mot , & deux Amis com
muns font avertis de l'employ qu'ils doivent avoir dans la Pie- ce. LeConfidentamene le Chirurgien à l'heure marquée. Le Gentilhomme le prie den'épar- gner point ſon ſang , &fe cou- chant fur le ventre, il fouffre
l'application des Ventouſes qui fontunecopieuſe attraction.Les Scarifications ſuivent,on les fait
profondes , &apres que le Chi- rurgien en a recüeilly deux grandes paletes de ſang,il remet les Ventouſes, & feignant d'a
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voir oublié quelque choſe de neceffaire , il le quitte pour cou- rir juſques chez luy. Il eſt à pei- ne forty de la Chambre , qu'on entend du bruit dans l'Escalier.
C'eſtoient les deux Amis à qui on avoit appris le miftere. Ils entrent malgré le Patient qui veut qu'on ferme la porte , &
qui a bien de la peine à ſe tenir couché fur le coſté. Ils s'informent de ce qui peut l'arreſter au,
Lit , & apres une converſation generale d'un quart - d'heure l'un des deux paſſe dans une étroite ruelle ſous pretexte d'a-'
voir quelque ſecret à luy dire.
L'Amant Ventouse tourne la
teſte ſans ſe remier , &fon Amy le prie inutilement de s'appro- cher unpeudavantage. Il n'ofe luy dire en termes du galant Voiture , qu'il a pour ne le pas
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faire , une raiſon fondamentale fur laquelle il ne luy eſt pas permis d'apuyer. Il n'écoute que d'un peu loin cequ'on neluydi- roit pas fi on ne cherchoit à
l'embarraffer ; & enfin le Confident fait l'officieux en obligeant les nouveaux venus às'é- loigner. Le Chirurgien revient,
fil ofte les Ventouſes, &laiffe le Plaintif ſcarifié dansdes dou- Veurs dont il ne ſe conſole que par l'efperace de n'avoirplusles Tougeurs qui bleſſent les yeux de la Dame. Elle apprend du Confident le tour qu'il luy a
joué , & afin qu'il nejoüiffe pas ſeul du plaifirde cette Avantu- re, elle envoye prier le Gentil- homme de luy venir parler le lendemain. LeMeſſage luy étoit trop doux pour ne l'engager pas àſe faire une neceſſité de cette
१० LE MERCVRE
Viſite.Il ſe rend chez elle àpied,
car l'Opération eſtoit trop ré- cente , &ne laiſſoit aucune voiture commode pourluy. Onle mene dans leCabinetde la Belle , où il ne trouve que desEſca- beaux fort durs. Elle le fait affeoir malgré luy. Il fait centpo- ſtures qui l'inſtruiſent de ce
qu'il ſouffre , &jamais conver- ſation d'une Maîtreſſe ne parut ſi longue à un Amant. Il s'en tire le plutôt qui'l peut , & ce qui le chagrine, c'eſtqu'aubout de quelques jours , il s'apperçoit que ſes rougeurs augmentoient au lieu de diminuer. Il s'en
plaint à celuy qui est cauſedu Remede qu'il a eſſayé, & fa ré- ponſe eſt qu'il feroit bonde re- commencer , parce que les Ven- touſes n'ontpas efté affez long- temps appliquées. Il s'y ſeroit
GALANT. 91
refolu fans doute , s'il n'en euſt - demandé avis àquelqu'un qui - luy dit charitablement qu'on - luy faiſoit piece. Il avoit du coeur ,&ayant rencontré le ma- licieux Confident , il luy fait mettre l'épée à la main. Comme les diſgraces ſe ſuivent , il ne peut fi bien ſe ſervir de fon adreſſe , qu'il ne reçoive une fort large Bleſſure dontil eſt en- cor àpreſent au Lit.Il eſt certain qu'il en guérira , mais il ne l'eſt pas que ce nouveau ſangqu'ila
perdu faſſe ceſſer les rougeurs
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Résumé : L'Amant vantousé, Histoire. [titre d'après la table]
Le texte narre l'histoire d'un jeune gentilhomme élevé dans la province par un pédant. Arrivé à Paris pour ses études, il se montre d'abord maladroit et mal à l'aise. Ses amis l'introduisent dans la société parisienne, notamment auprès de femmes. Il s'éprend d'une grande brune qui, bien que flattée, est gênée par ses visites fréquentes et ses déclarations maladroites. Pour se débarrasser de lui, elle critique ses rougeurs au visage. Désireux de plaire à la dame, le jeune homme consulte un ami qui lui suggère d'utiliser des ventouses pour éliminer les rougeurs. Le gentilhomme accepte et subit l'opération, qui se révèle douloureuse et inefficace. Entre-temps, ses amis lui jouent un tour en lui révélant la vérité sur l'opération. La dame, informée de la plaisanterie, invite le gentilhomme pour en discuter. Il découvre ensuite que ses rougeurs ont empiré. Informé que l'opération doit être répétée, il décide de confronter son ami, ce qui aboutit à un duel où il est gravement blessé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 351-353
ENIGME.
Début :
Ie n'ay point de repos, ma vigueur est extréme. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
ENIGME
.
E n'ay point
de repos
, ma
vigueur
est extreme
.
Quand
jefors
de chez
moy, je cours
apres
moy- mefme
; Lors
quej'enfuis dehors
, je n'y rentre
jamaiss Mes
Voifins
tous
les jours
tâchent
de me détruire
,
352 MERCVRE
:
Jamais ces Ennemis qui troublent
mon Empire,
Ne veulent me laiffer enpaix.
S &
Pere & Fils des Humains, je fais
tout dans le monde
Sans moy l'on nefais vien fur la
terre & fur l'onde,
Je produis tous lesjours des ouvragës
nouveaux; \
Et bien queje fois dans les Ruës,
Et que je m'approche des Nuës,
Lefuis toûjours aufond des eaux.
es
Tenant tout mon pouvoir de la Divine
Effence,
Te regne das les coeurs, & l'on craint
mon abfence.
Prefque enfermé toujours , je me
trouve en tous licux,
Et me laiffant aller à l'ardeur qui me
proffe,
GALANT.
33
Le goufte les plaifirs , j'aime fort la
jeuneffe,
Etje
nuye avec les vieux
.
Sa
Sans moy le Grand LOVIS qui fit
trembler la Flandre, ****
Neferoitpas plus gradque le Grand
Alexandres 2.
Sans moy, tous fes Sujets, & Luy,
perdroient le jour
( toire,
Onpeut voirmon nom dans l'Hif
De fais de Mars toute la gloire,
Et tous lesplaifirs de l'Amour.
.
E n'ay point
de repos
, ma
vigueur
est extreme
.
Quand
jefors
de chez
moy, je cours
apres
moy- mefme
; Lors
quej'enfuis dehors
, je n'y rentre
jamaiss Mes
Voifins
tous
les jours
tâchent
de me détruire
,
352 MERCVRE
:
Jamais ces Ennemis qui troublent
mon Empire,
Ne veulent me laiffer enpaix.
S &
Pere & Fils des Humains, je fais
tout dans le monde
Sans moy l'on nefais vien fur la
terre & fur l'onde,
Je produis tous lesjours des ouvragës
nouveaux; \
Et bien queje fois dans les Ruës,
Et que je m'approche des Nuës,
Lefuis toûjours aufond des eaux.
es
Tenant tout mon pouvoir de la Divine
Effence,
Te regne das les coeurs, & l'on craint
mon abfence.
Prefque enfermé toujours , je me
trouve en tous licux,
Et me laiffant aller à l'ardeur qui me
proffe,
GALANT.
33
Le goufte les plaifirs , j'aime fort la
jeuneffe,
Etje
nuye avec les vieux
.
Sa
Sans moy le Grand LOVIS qui fit
trembler la Flandre, ****
Neferoitpas plus gradque le Grand
Alexandres 2.
Sans moy, tous fes Sujets, & Luy,
perdroient le jour
( toire,
Onpeut voirmon nom dans l'Hif
De fais de Mars toute la gloire,
Et tous lesplaifirs de l'Amour.
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6
p. 3-76
CONVERSATION ACADEMIQUE, Dans laquelle il est traité des bonnes, & des mauvaises qualitez de l'Air. A Madame la Comtesse de C. R. C.
Début :
Vous m'avez témoigné, Madame, que l'Entretien Académique, dont [...]
Mots clefs :
Air, Docteur, Corps, Vent, Chevalier, Abbé, Pays, Vents, Feu, Hommes, Marquis, Terre, Feu, Lieu, Lieux, Président, Temps, Dieu, Âme, Esprit, Maisons, Qualité, Conversation académique, Raison, Manière, Éléments, Eau, Couleur, Froid, Maladies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONVERSATION ACADEMIQUE, Dans laquelle il est traité des bonnes, & des mauvaises qualitez de l'Air. A Madame la Comtesse de C. R. C.
CONVERSATION
ACADEMIQUE,
Dans laquelle il eſt traité des ,
bonnes , & des mauvaiſes
litez de l'Air.
qua.
AMadame la Comteſſe de C. R. C.
V
Ous m'avez témoigné,
Madame , que l'Entretien
Académique , dont je vous fis
part au mois d'Avril de l'année
1680 , ne vous avoit point déplû,
& vous m'avez mefme demandé
tant de fois des nouvelles de cet
illuftre Abbé , chez qui l'on parla
du fommeil de l'aprefaînée, que
je crois encore vous faire plaifir
7
A ij
4
Extraordinaire
en vous apprenant fon retour,
& ce qui s'eft dit dans une autre
Converfation , où je me ſuis auffi
heureufement trouvé que la premiere
fois. Il y avoit longtemps
que nous n'avions veu cet Abbé
dans la Province ; mais quoy
qu'il foit infirme , il ne laiffe pas
d'entreprendre des Voyages pénibles
pour le fervice du Roy, &
de fes Amis , & d'agir comme s'il
fe partoit bien. Je vous avoue
que fa patience eft merveill‹ uſe;
mais en pratiquant cette excellente
vertu , il croit arriver à
toutes les autres. Pour vous,
Madame , qui ne pouvez foufrir
de retardement à tout ce que
vous fouhaitez , je m'imagine
déja que vous eftes impatiente
de fçavoir fur quoy a roulé noſtre
Entretien.
du Mercure Galant.
S
Je vous diray donc qu'eſtanc
alle voir cet illuftre Abbé , je le
trouvay avec la Troupe choisie,
qui ne l'abandonne pas quand il
eft en ce Païs , & un Confeiller
qui fortit quelque temps apres
que je fus arrivé. Comme ce
Confeiller eft d'une grande pref
tance , cet Homme , dit M' le
Marquis , a l'air d'un veritable
Magiftrat. Oüy , repliqua l'Abbé
, c'eft un Juge fort entendu
dans fa Charge , & plein de
courage pour la juftice , & pour
les intérefts de fa Compagnie. Il
porte cela fur fon vifage , dit le
Chevalier , il n'y a qu'à le voir.
On a quelquefois de la peine à
le retenir , tant il a de feu & de
vivacité , ajoûta le Préfident.
Cette chaleur , dit le Docteur,
7
A iij
6 Extraordinaire-
>
eft un effet de fon tempérament,
qui eftant fanguin le rend
violent & prompt. Il eft vray
que nous devons beaucoup à
noftre complexion , dit l'Abbé ;
& fi l'heureuſe naiffance fait les
bonnes moeurs , il est encore
vray , pour en revenir à l'air dont
nous parlions , qu'il contribuë
extrémement à la fortune des
Hommes. Ifabelle , Reyne d'Eſ
pagne , difoit ordinairement que
la bonne mine leur fervoit d'une
Lettre de recommandation affez
ample. En effet , quand une Perfonne
bien faite vient à nous , fon
air nous prévient d'abord en fa faveur
; & le Duc de Guife , parlant
dans fesMémoires de l'Action hé !
roïque qu'il fit à Naples, lors qu'il
appaifa tout feul une troupe de
du Mercure Galant. ブ
Séditieux , ce Prince dit que les
Gens de qualité ont un je ne.
fçay- quoy dans le vifage , qui fait
peur à la Canaille. Jules Céfar
paroiffant devant les Soldats mutinez
, les ärrefta d'une feule parole
; & Augufte étonna les Lé.
gions d'Antoine par fa préſence .
Dans le temps des Guerres deParis
, le Garde des Sceaux Molé,
en fe montrant fur les Degrez
du Palais , defarma & appaifa le
Peuple qui le cherchoit pour
s'en défaire . Ileft donc conſtant
qu'il y a un certain air dans les
Perfonnes , & un certain caractere
fur le vifage , qui nous infpire
de l'eftime , de la crainte , & de
la venération . Comme auffi il
y
a un certain air , & un certain caradere
qui nous cauſe de la dé-
A iiij
& Extraordinaire
fiance , de l'averfion , & du mé.
pris. De - là viennent ces viſages
favorables , ou malencontreux ,
dont la mine . feule femble nous
annoncer d'abord quelque bonheur
, ou quelque malheur à venir.
Tel eftoit Montagne , qui
fur le fimple crédit de fa préfen- .
ce , & de fon air , nous affure que
des Perfonnes qui ne le connoiffoient
pas , fe fioient en luy , foit
pour leurs propres affaires , ou
pour les fiennes , & que mefme
dans les Païs Etrangers , il en
avoit tiré des faveurs rares &
fingulieres. Il fait quelques petits
contes fur le fujet des chofes qui
luy estoient arrivées , qui font
affez remarquables .
L'Abbé ayant ceffé de parler;
ne peut- on pas ajouter à tous
du Mercure Galant .
9
ces Exemples , dit le Marquis ,
la bonne mine du Roy , fa taille,
fon grand air , & ce caractere
plein de majeſté , & de fageffe
qui l'accompagne toujours ?
C'eft par- là qu'il terraffe les Ennemis
, auffibien que par la force
de fes Armes , & qu'il s'attire
les refpects , & l'amour de tous
ceux qui l'envifagent . On a eu
bien raifon de mettre entre les
Fremieres maximes de regner,
qu'il falloit pour remplir dignement
la Royauté , le port , la
taille , & la bonne mine , qui ne
font autre chofe que le bon air
qui charme par des vertus fe.
crettes de l'ame. Car il ne faut
pas s'imaginer que le corps luy
tienne lieu d'une honteufe prifon
, c'eſt un Temple où cette
10 Extraordinaire
petite Divinité fe plaiſt davanta
ge, plus il eft pur & net au dedans,
& beau & magnifique au dehors.
Neantmoins Scaron a dit ,
Souvent un vilain corps loge un
noble courages
Et c'eft un grand menteur fouvent
que le vifage.
Oh, pour Scaron , interrompit
le
Chevalier qui n'avoit poinɛ
encore parlé , & dont j'admirois
le long filence , il n'avoit garde
de s'expliquer autrement. Il ef
toit trop intereffé à défendre le
party de la laideur , & de la di
formité , car il n'avoit pas le
viſage plus beau que le corps,
& chacun fçait comme il eftoit
fait ; mais M' de Corneille a dit
bien plus vray que M' Scaron ,
quand il affure que tout le mon
du Mercure Galant. 11
de veut eftre beau , & bien fait,
Et quefinous eftions artifans de nous
mefmes,
On ne verroitpar tout que des beautez
Suprémes.
Cela dépend de Dieu , & non
pas de nous , dit l'Abbé, Ipfefecit
nos, & non ipfi nos. Il s'eft réſervé à
luy feul , le fecret de la nailfance
des Hommes , & l'a rendu impénétrable
à leur curiofité . Nous
ne fçaurions donc connoiftre
pourquoy celuy.cy a un air qui
plaiſt , & celuy là un air qui rebute
& qui dégoufte ; mais M ' le
Docteur , dites - nous un peu à
le bien prendre , ce que c'eft que
l'air , car les Orateurs, les Poëtes,
& les Philofophes en parlent diverſement.
L'air , répondit ce Docteur,
12 Extraordinaire
peut eftre confideré en trois manieres,
comme Elément , comme
Température , & comme Mode
ou Maniere . Pour moy , je croy
que c'est l'expreffion des autres
Élémens , & du mouvement , de
to s les Corps , qui participe à
toutes leurs bonnes ou mauvaiſes
- qualitez. Ainfi l'on dit , l'air du
temps , l'airdu feu , prendre l'air,
pour dire recevoir cette tranfpiration
des corps dans fa fource,
& dans toute fon , étendue . On
donne ordinairement le nom
'd'air à toute cette Matiere li
quide & tranfparente dans la.
quelle nous vivons , & qui eft ré .
pandue de tous coftez à l'entour
du Globe , compofé de la terre
& de l'eau. En effet , quelques
Philofophes prétendent que les
du Mercure Galant.
13
Cieux font fluides , comme un
grand air vague & fpatieux,
dans lequel les Etoiles & les
Planetes fe promenent comme
les Poiffons dans la Mer , & les
Oifeaux dans les Nuës ; & le
Philofophe de Cour ( car enfin
il faut raifonner à la mode aujourd'huy
) cet Autheur , dis-je,
veut que les Cieux foient fluides,
& de la nature d'un air tres.fub
til , & tres- purifié . Les Anciens
ont auffi confondu les mots de
Ciel , & d'Air , en parlant de la
Partie que nous voyons ; & l'on
dit tous les jours , apres la Sainte
Ecriture , les Oiseaux du Ciel ,
ils volent dans le Ciel , pour dire,
les Oifeaux de l'air , ils volent
dans l'air. En effet , l'air entre
dans la compofition du Ciel , &
14
Extraordinaire
le Ciel femble eftre un air con
denfé. Un Moderne a eu raiſon
de dire , que l'air eft un étrange
& admirable compofé , & que
pour le bien connoiftre , il faudroit
connoiftre auparavant la
nature de tous les Corps qui entrent
dans fa compofition. Comment
donc le concevoir dans
cette fimplicité qui luy eſt neceffaire
pour eftre Elément ? Car
dans la compofition où il fe trouve
prefque toujours , par le mélange
des autres Elemens , & de
tous les Corps qui s'exhalent.
continuellement de la Terre , on
ne peut dire précisément ce que
c'eft . Le Philofophe de Cour,
dénie à l'air le nom & la qualité
d'Elément , & dit que par fa
fubtilité il eft feulement fembla
du Mercure Galant,
ble au premier Elément des Car
réfiens. Quelques autres difent
que c'est une portion de la
Matiere premiere , débrouillée
& purifiée par la Lumiere. La
penſée de cet Ancien eft jolie,
qui difoit que l'Air eftoit la vître.
rie de l'Univers , par où les Crea.
tures voyent tous les Objets
comme dans un Miroir , par la
refléxion de cetteLumiere. C'eft
luy qui conferve les couleurs invifibles
qui peignent tous les
Objets dans nos yeux , quoy qu'il
foit fans couleurs , puis que tous
les Objets tranfmetent leurs efpeces
en luy , ce qu'ils ne pour
roient pas faire s'il avoit quelque
couleur , comme nous voyons
tout rouge , ou tout jaune , dans
un verre qui eft peint de la fort,
16 Extraordinaire
›
Un Philofophe moderne dit que
l'air n'eft pas vifible , parce qu'il
eft trop délié ; mais qu'autant
qu'on le peut voir par la refpiration
, ou par les Arquebules à
vent , il eft de couleur grifatre,
A propos de la couleur de l'Air,
s'écria le Chevalier , en regar.
dant le Marquis , ne vous fouvient-
il point de ce prétendu Sor
cier , qui nous difoit un jour qu'il
avoit veu le Vent , & qu'il eftoit
rouge , jaune , & bleu ? Il eſt
beaucoup de femblables Viſionnaires
, répondit le Marquis , &
je croy qu'il s'en trouve auffi
parmy les Philofophes ; mais
laiffons parler M' le Docteur, car
il a fans doute de belles chofes à
nous dire . Apres un modefte
fous-rire , le Docteur reprit fon.
du Mercure Galant.
17
Difcours de la forte.
Les Philofophes donnent à
l'Air des figures bien diférentes,
& le mettent en tant de postures,
qu'il eft impoffible de le connoiftre
tel qu'il eft en effet. Quel
ques- uns difent
que les goutes
d'eau & de rolée, qui tombent de
l'air eftant rondes , cer Elément
eft de figure ronde , parce que
les parties doivent avoir l'inclination
du tout , mais en verité, je
trouve cette raifon badine , car
hors la Terre , les autres Elémens
qui font toujours dans l'agitation
, & dans le mouvement ,
n'ont point de figures certaines
& naturelles , Encore s'il eft vray
que la Terre tourne, il faut croire
qu'elle en change de temps en
temps puis qu'elle s'éboule , &
Q. d'Octobre 1683. B
18 Extraordinaire
s'écorne ſouvent , comme par
lent ceux qui fuivent cette opi- .
nion . Ainfi on diſpute fort inutilement
, fi la Terre eft ronde,
ou fphérique ; fi le Feu eft ovale,
ou pyramidal ; fi l'Eau eft plate,
ou fphérique , & fi l'Air eft
rond , ou triangulaire. Les Cartéfiens
difent que le fecond Elément
, auquel ils donnent le nom
d'Air , n'eft autre choſe que les
parties de leur Matiere fubtile,
qui pour eftre plus groffieres s'ar
rondiffent fans ceffe , que l'Air
le plus groffier a la proprieté de
fe dilater beaucoup , & qu'il fe
mefle aisément avec la Matiere
fubtile. Quelque autre affure
qu'il eft droit , quand il eft lenr,
c'eft à dire, dans fa gravité , mais
que lors qu'il eft furieux & turdu
Mercure Galant.
19
•
bulent , & fi vous voulez tourbillon
, il eft un peu courbé , &
d'une figure circulaire , mais je
croy qu'il n'a point d'autres figures
que celles du corps qui le
renferme. Quoy que fa couleur
foit inperceptible , comme nous
avons dit,il eft neantmoins tranf
parens , parce que les parties eftant
toûjours en action , laiffent
un grand vuide entre elles , & ce
vuide eft remply des rayons des
Corps lumineux. L'air que nous
refpirons eft vifible , parce que
ce font les fumées du coeur que
l'air extérieur codenſe & épaiffit,
quand il eft froid ; & plus la Perfoune
eft d'une complexion forte
& robufte , & plus elle pouffe
d'air quand elle eſt agirée ,
principalement en Hyver qu'il
Bij
20 Extraordinaire
·
fort de la bouche à gros flocons.
Pour fon odeur, les Philofophes
que j'ay déja citez , affurent
qu'elle eft fouvent mauvaiſe.
Enfin il eft chaud , humide , &
leger ; mais quelques Modernes
prétendent , qu'il eft froid , &
pelant ; & d'autres , qu'il n'eft
froid , ou chaud , que felon les
divers mouvemens qu'il foufre.
Ainsi, lors qu'on dit qu'il peut
devenir feu , on veut dire qu'il
peut s'échaufer jufqu'à ce fupré
me degré de chaleur, Quoy qu'il
nous paroiffe leger , il ne laiffe
pas d'eftre eftimé pefant , jufque.
là que Reid , docte Medecin , a
démontré qu'il ne l'eft pas moins
que la Terre , mais il eſt certain
qu'il eft médiocre en pefanteur,
plus pefant que le Feu , & plus
du Mercure Galant. 21
leger que l'eau . Pour ſa hauteur, -
finous en croyons M' Rohaut,
elle eft de plus de quatre mille
cinq cens quatre - vingts toifes ;
& il tient qu'il n'y a point de
Montagne affez haute
pour nous
élever au deffus de la plus haute
furface de l'Air, ou de la premiere
Région . Je me fouviens pourtant
, interrompit le Préfident,
que M' Bary raporte dans fa Phy
fique, qu'en Angleterre on monte
d'un certain Tertre jufqu'à
une certaine hauteur , où il n'y a
plus d'air , & qu'à moins d'y
porter des Eponges humectées,
on y meurt. Cela fe peut , reprit
le Docteur , & tout ce que
nous diſons icy , n'eſt pas fi pofitif
qu'on ne le puiffe contre.
dire ; mais pour continuer à vous
22 Extraordinaire
parler de cet Element , on ne
peut changer la veritable confiftence.
Il ne reçoit aucun mélange
, & comme tel , l'Air eft
appellé Elément , mais que celuy
que nous fouflons , que nous
refpirons , que nous voyons , &
qui nous environne , ne foit
qu'un mefme air , exempt d'aucun
mélange , cela ne le peut
foûtenir. L'air que nous refpirons
eſt un ſoufle vital , compofé
de noftre ame & du mouvement
de noftre corps . Celuy que
nous reſpirons , & qui nous en
vironne , eft compofé des vapeurs
, & du mouvement des
corps extérieurs qui nous approchent
; & celuy qui tient
lieu d'Elément , eſt une fubftance
extrémement deliée qui fe
du Mercure Galant.
23 1
fourre par tout , & qui remplit
tous les lieux , d'où les corps fe
def uniffent . Mais M' le Docteur
, dit le Marquis , quelle diférence
mettez- vous entre le
Vent , & l'Air pris comme Elément
? Car felon moy , le Vent
eft un Air agité , & l'Air eft un
Venten repos. Tous les Philofophes
modernes définiffent le
Vent une agitation fenfible de
l'Air , & felon M¹ Bary , le Vent
n'eft autre chofe qu'une agitation
d'air , plus ou moins notable.
L'Air eft encore toûjours
le fujet du Vent , & une de fes
caufes efficientes. Enfin il fert
de Théatre à ces merveilleux
Tourbillons . Ceux qui difpofent
des Vents ( car il y en a qui les
retiennent , & qui les lâchent
24
Extraordinaire
quand il leur plaift , ) ceux -là,
dis - je , obfervent les diférentes
qualitez de l'Air ; & je me ſouviens
d'avoir leu dans Théophrafte
, que les Brachmanes
avoient deux Tonneaux remplis
de Vent , qu'ils ne bouchoient
jamais que l'Air ne fuft fec , &.
tranquille , & qu'ils ne débouchoient
que lors qu'il eftoit hu
mide & tempeftueux . Je fçay,
continua le Marquis , qu'on dit
tous les jours , que les Vents
chaffent & purifient l'Air , mais
cela s'entend de ce que les parties
les plus groffieres de l'Air fe
fubtilifent , & fe raréfient par
cette agitation , & voila ces
Vents qu'il a pleu aux Pilotes
de nommer de noms barbares &
inconnus , felon les lieux où cet
Air
du Mercure Galant. 25
Air eft plus ou moins dans l'agitation
. En verité voſtre Philofophie
eft jolie , s'écria le Che
valier en riant , & elle feroit bien
reçeuë de l'Univerfité . Le Philofophe
de Cour ne raifonne pas
plus férieufement que vous fur
cette matiere , & j'aime autant
voftre Air agité , qui eft l'opinion
de Pline , que fon Météore
composé de deux fou
fres diférens & ennemis , que le
froid condenſe fi fort , que le
Météore creve par cette contrarieté
, & fait le grand fracas
que nous entendons .
Mais pourquoy , Mr le Che.
valier, reprit le Marquis, ne voulez
-vous pas que fous le bon plaifir
de M' le Docteur , je parle du
Vent à ua fantaiſie ? Ne fçavez-
Q. d'Octobre 1683. C
26 Extraordinaire
vous pas que c'eſt une des choſes
inconnues dans le monde ? Quelques-
uns en attribuent la pro.
duction au Soleil , les autres , au
combat que font les atomes ;
les autres , aux vapeurs , & aux
exalaifons ; & enfin il y en a d'autres
qui m'ont fait penfer , que
l'Air fe meut de foy - mefme ; car
je ne fuis fi vifionnaire
que
pas
vous le croyez , ny fi ridicule
fur le fujet des Vents , que celuy
qui difoit que c'eftoient les éter.
nuëmens de ce grand Animal
que nous appellons le Monde,
comme l'Air eftoit fon haleine &
fa refpiration . Cette imagination
eftoit bien digne de Rabelais
, qui dit que le Vent eft le
foufle de Gargantua . Dieu en
´eft l'Autheur , au fentiment d'un
du Mercure Galant.
27
Prophete, & il peut auffibien le
former de l'Air , que d'une autre
matiere. Quoy que Pline que
vous venez de citer , reconnoiffe
plufieurs fortes de Vents , comme
les Vents de Mer & de Terre,
tout cela n'est que l'Air , qquuiiaaggiitt
ou fur l'Eau , ou fur la Terre. Cer
Autheur veut encore que le Vent
foit un efprit vital , par lequel la
Nature produit toutes chofes .
Et ce Vent , ou cet Air dont nous
parlons , ne font- ils pas les mefmes
? Si cela eft , répondit le
Chevalier , je ne m'étonne plus
que les Cavales d'Andaloufie engendrent
par le Vent ; car l'Air
ou le Vent , eft un tréfor qui contient
toutes les femences , fi nous
en croyons Anaxagore . Et ne
croi t-ce point par cette raiſon
C ij
28 Extraordinaire
que nous appellons un Cheval
viſte, un Coureur , & que nous
difons , aller comme le vent ?
Car les Chevaux qui naiffent du
vent , & de telles Cavales , font
je m'imagine d'admirables Coureurs
pour leur legereté & leur
viteffe , & pareils aux Chevaux
volans , dont parle noftre Pline;
mais à l'endroit que vous avez
cité , il compare l'agitation du
Vent dans la nature , à une Femme
groffe , & dit que cet efprit
vital, remuë dans fes flancs com.
me un Enfant dans le ventre de
fa Mere . Ne voila- t-il pas une
belle origine des Vents ? Je ne
puis encore m'empeſcher derire,
qu nd il nous dit qu'ils font plus
mols que fermes. Quoy , les
Vents ont de la molete , eux
du Mercure Galant. 29
3
J.
J
1
1
qui font fi refolus qu'ils attaquent
les plus durs Rochers , &
les Baftimens les plus inėbranlables
, qui arrachent les Forefts ,
qui renverfent les Montagnes ?
Non , non. Je croy que leur tempérament
eft froid & fec , ce qui
marque leur force , & leur courage.
Vous badinez toujours ,
M le Chevalier , interrompit
l'Abbé . Il eft constant qu'il
y a des Vents chauds , & des
Vents humides . Ouy ; mais , reprit
le Chevalier , ce n'eft pas en
eux-mefies qu'ils font tels , mais
par accident , & felon les lieux
où ils fouflent , & la Saifon qu'ils
fe mettent en Campagne . Je
croy que M' le Chevalier a raifon
dit le Marquis , car
quand on dit, ce vent -là amenera
>
C iij
30 Extraordinaire
de la pluye , ce n'eft pas qu'il
foit pluvieux de fa nature , mais
c'cft qu'il amene , & fait tomber
les vapeurs qui fe réſolvent en
pluye. L'Air eft donc un veritable
Caméleon , capable de
toutes fortes d'impreffions . Tout
froid qu'il eft, il devient feu , felon
les divers mouvemens qu'il fou-
Ale ; mais ce qui eft admirable, eft
que ces vents ou ces impreffions
d'Air , comme nous les avons
appellez , ont leur révolution
jufte & périodique , de quatre
ans en quatre ans , vers le commencement
de la Canicule .
Quoy que je m'en tienne à
l'opinion de l'Ecole , dit le Do-
&teur , voyant que le Marquis
s'eftoit teú , qui eft que l'Air
n'eſt pas le Vent , il eſt neantdu
Mercure Galant. jr
moins le Pere des Vents , & le
crible de la Nature , comme
parle un Ancien , mais un Moderne
l'appelle avec plus de raifon
, le Compagnon du Soleil,
parce qu'il concourt avec luy à
la creation de toutes chofes , &
à la formation des plus merveil
Jeux Phénomenes de la Nature .
Il infpire ce que la Lumiere vivifie
, il purifie ce qu'elle dore , &
fert avec elle à éclairer tout l'Univers.
Anaximenés difoit que
Pair eftoit l'efprit du Monde , &
qu'il eftoit à l'Univers ce que
l'ame eft au corps ; que toutes
chofes eftoient engendrées de
l'air , & fe réfolvoient en air.
Enfin on peut dire de l'Air , ce
que S. Paul a dit de Dieu , In quo
vivimus , movemur, & fumus, I
C iiij
32
Extrardinaire
nous fait voir les objets , mais il
nous donne encore l'oüye , &
l'odorat, Par fon moyen nous
fentons , & nous entendons.
Tous nos Inftrumens , & toutes
nos Chanſons , ne font qu'un air
mefuré & harmonieux. Il anime
les uns , il infpire les autres . Une
Chanfon s'appelle un Air , parce
que c'est un Mode , ou une façon
de chanter , mais encore par
ce qu'il faut de l'air pour le chanter
, & que la Mufique rend cet
air harmonieux par les diférentes
notes qui le compofent. En effet,
l'air agité par la voix ,frape agreablement
nos oreilles , ce qui a fait
dire à un Ancien , qu'une belle
Ode , qui eft la mefme chofe
qu'une belle Chanſon , eftoit un
air qui voloit dans les oreilles. II
du Mercure Galant.
33
y a des Païs mefme où l'air fait
les belles Voix , & où tous les
Hommes chantent bien. Vous
demeurerez d'accord de cette
verité , puis que felon Ariftote,
la Voix & les Inftrumens ne font
qu'une répercuffion de l'air infpiré
.
L'air eft encore un excellent
médiateur entre l'eau & le feu.
Il corrige celuy - cy , & tempere
celle- là. Il eſt naturellement
Amy de la Terre , mais ce qui
releve davantage la nobleffe de
cet Elément , c'est que quelques
Philofophes ont crû que fe Dieu
unique & fouverain n'eftoit
autre que l'Air. Le Docteur
ayant ceffé de parler , comme
s'il n'euft eu plus rien à dire ; Oh
je me doutois bien que les An-
>
34
Extraordinaire
ciens en avoient fait un Dieu,
reprit le Chevalier ; mais moy,
je vous dis que c'eſt un Démon
en fubtilité , & en malice , qui
rend tous les corps agiles , & qui
penetre toutes chofes , fans les
rendre plus pefantes lors qu'il les
remplit. C'est un grand faifeur
de Fufées, & de Feux d'artifices,
qui forme les Méteores , & qui
les renferme dans fon fein ,
mais c'eſt auffi un grand tireur
de quinte effences , qui fçait
diftiler avec le feu élémentaire ,
les influences & les proprietez
occultes des Etoiles , & des Planetes
. Peu s'en faut que je ne
l'appelle Soufleur & Charlatan ;
mais enfin il eft le mieux logé de
tous les Elémens , puis qu'il ha.
bite dans trois regions diférentes,
·
du Mercure Galant.
33
& que le Feu , l'Eau & la Terre
demeurent toûjours où Dieu les
a placez . Il devoit ce me femble ,
avoir quatre Régions , afin de
partager les quatres Saifons de
l'année . Ileft chaud dans la haute
région proche du Feu élémentaire
. I eft plus fraichement dans
Ja moyenne , & d'une maniere
plus temperée dans la baffe , puis
que cette Région eft tantoft
chaude , & tantoft froide. Pline
qui connoiffoit cet Elément , &
qui peut eftre en avoit reçeu
quelque incommodité , dit qu'il
eft caufe de tous les malheurs qui
arrivent aux Hommes , & le
compare à un Sujet rebelle qui
fait fans ceffe la guerre à la Nature
. Les Vents qui font les
Soldats de l'Air , font tous les
36
Extraordinaire
ravages qu'il leur commande , &
ne fe retirent jamais de la meflée
fans eftre chargez de butin.
Toute la Compagnie ne pút
s'empefcher de rire de ce qu'avoir
dit le Chevalier ; mais l'Abbé
prit la parole , & s'adreffant au
Docteur d'un air plus férieux,
Mais noftre ame n'eft - elle point
de la nature de l'air , puis que
felon la penſée d'un Ancien , l'air
& l'efprit ne font qu'une mefine
chofe ? Pour moy je croy que
noftre ame eft un air tres fubtil,
& foit qu'elle anime nos corps,
ou qu'elle s'en fépare , elle en a
toute la reffemblance autant
qu'elle peut eftre viſible. Lors
que je la confidere comme fenfitive
ou animale , ou comme immortelle
, je n'en puis avoir naAu
Mercure Galant.
37
turellement d'autre idée . Diogenes
eftoit de voſtre ſentiment,
répondit le Docteur ; & Héraclite
& les Stoïciens eftoient en.
core de cette opinion. Ils vouloient
que noftre ame fuft une
évaporation d'humeurs inceffamment
coulantes , ou un vent.
L'efprit des Infectes , difent les
Chymiftes , eft la plus pure por
tion de l'air , & cette pure portion
de l'air eft le lien qui unit
l'ame avec le corps. L'ame des
Vegétaux eft auffi aërienne , &
c'est pourquoy le corps qu'elle
anime veut toujours s'élever en
l'air. La fainte Ecriture expri
mant de quelle maniere le pre
mier Homme fut animé , dit que
Dieu luy foufla dans le corps un
eſprit de vie. Or qu'eſt- ce qu'une
38
Extraordinaire
evaporation , qu'un vent , qu'un
foufle , finon l'air que nous ref
pirons , ou quelque chofe qui luy
reffemble ? Mais vous fçavez que
M'l'Evefque de Meaux , dans ce
beau Difcours qu'il a fait fur
l'Hiftoire Univerſelle , nous défend
de croire que noftre ame
foit un air fubtil , ny une vapeur
déliée ; parce que le foufle que
Dieu infpire , & qui porte en luymefme
fon image , n'eft ny air
ny vapeur. Je fçay cela , dit
l'Abbé , & d'autres Docteurs me
l'ont appris , mais nous ne parlerons
pas icy fur les Bancs . Quoy
qu'il en foit , reprit le Docteur,
l'air contribue non feulement à
toutes les belles qualitez du
corps & de l'efprit ; il infpire &
regle tous les mouvemens de l'adu
Mercure Galant.
39
me , ce qu'il eft facile de faire
voir , fi nous le confiderons.com.
me température .
L'éloquent Evefque que je
viens de citer , dit que les Elemens
furent alterez par le deluge,
& que l'air chargé d'une humi
dité exceffive , fortifia les principes
de cette corruption ; & ily a
bien de l'apparence que la Nature
fe fentit la premiere de la
corruption des Hommes , qu'elle
fut affoiblie , & qu'il demeura en
elle- mefme une impreffion éternelle
de la vangeance Divine.
Mais enfin , pour que l'air foit fa
lubre , il faut qu'il foit temperé,
ny trop groffier , ny trop fubtil.
Ainfi l'on dit une bonne température
d'air , une bonne contitution
d'air. Sa fubtilité ne
40 Extraordinaire
tait pas fa bonté , il eft auffi dana
gereux trop fubtil , que trop grof
Ler. C'est pourquoy dans la fupérieure
Region , où il eft dans
fa plus grande fubtilité , nous n'y
pourrions pas vivre. Cette fubti
lité rend fes parties trop aiguës,
& trop penétrantes ; & les lieux
trop élevez font contraires aux
poitrines foibles , & délicates. Un
Voyageur nous affure , qu'allant
voirun Hermite fur le Mont Ararath
, dans l'Arménie , il monta
jufques à la Region de l'air, où fe
forment les nuages ; que la plufpart
de ces nuages eftoient obfcurs
& épais , les autres extrémement
froids & pleins de neige,
& qu'il y fût mort , s'il y eût demeuré
encore un quart d'heure.
Lors que l'air eft trop groffier ,
du Mercure Galant.
fes parties trop épaiffes & trop
maſſives engraiſſent & tuënt la
poitrine , & les parties où elles
s'attachent par le moyen de la
refpiration. Il faut donc laiffer
l'air groffier aux Pituiteux , & le
fubtil aux Mélancoliques . Pour
moy , dit le Chevalier , j'aime à
reſpirer le grand air. Outre que
je m'en porte mieux , il me rend
F'efprit plus gay & plus agreable ;
il me donne mefme des penſées
plus nobles & plus relevées , & je
Vous affure que j'y trouve quel--
que chofe de divin & de ſurna.
turel , que je reifens viſiblement
en moy - mefme . Vous eftes du
naturel des Arbres , interrompir
le Préfident , qui aiment beau
coup l'air , ou plûtôt comme ces
Peuples de Siam qui l'adorent, &
2. d'Octobre 1683. D
•42
Extraordinaire
qui n'ont point d'autre tombeau
apres leur mort ,,
que
d'eftre
fuf
pendus
en l'air. Mais
je fuis bien
aife
que
vous
foyez
reconcilié
avec
cet Elément
, depuis
tantôt
.
Il ne s'agir
plus
de nôtre
querelle
,
reprit
le Chevalier
. Je l'aime
quand
il me fait
du bien
, mais
je ne fuis point
Aëriſte
, & je ne
Louhaite
pas que
mes
funérailles
fe faffent
en l'air . Je n'aime
pas
non
plus
ces airs voraces
, qui ren
dent
les Peuples
faméliques
, &
qui
tuënt
la poitrine
, comme
nous
a dit M' le Docteur
, mais
un air comme
celuy
de l'Egypte
,
qui infpire
la fobrieté
& l'abftinence
. Les
Hermites
de l'ancienne
Thebaide
eftoient
de vô.
tre gouft
, dit l'Abbé
, ils avoient
choify
exprés
ce lieu -là pour
leur
du Mercure Galant.
43
1
-
retraite ; auffi eſt- cè un vray païs
d'Hermites. Je vous avouë ma
foibleffe , reprit le Chevalier , ce
n'eft point par le meſme efprit
quej'aime le grand air ; mais c'eft
que je fuis tout différent de moymefme
dans les lieux bas ., obfcurs
&
defagreables ; au lieu que
les belles vûes , les belles Maifons
, les belles Perfonnes , me
charment , & me donnent une
nouvelle vie. Toutes ces chofes
nous infpirent je ne fçay quel air
doux & tendre , qui nous rend de
belle humeur , & de bonne compagnie.
Je ne puis refpirer l'air de ces riches
Plaines ,
Qu'échauffent les Zéphirs , de leurs
tiédes baleines ;
Je ne puis de ces Prez voir l'émail
précieux ,
44
Extraordinaire
Ou tant de vives fleurs éblouiffent
Les yeux i
Entendre de ces caux l'agreable mur.
mure ,
·Contempler de ces Bois la verte chevelure
,
Que je ne fois touché de quelque
fainte horreur,
Et ne fente les traits d'une fainte
furcur.
Cela m'arrive dans tous les
beaux Lieux dont parle ce Poëte,
& principalement en celuy - cy ,
où il me femble que ma vûë s'ë.
chauffe , où vôtre vûë , qui eft
proprement vôtre air , m'anime
& me donne plus d'efprit que je
n'en ay d'ordinaire. Qu'est - ce
qu'un beau jour , pourſuivit - il,
qu'une continuation d'air, que le
Soleil dore & purifie , qui fait
du Mercure Galant. 45
naître & anime toutes choſes ?
Qu'eft.ce auffi qu'une fale journée
, qu'une continuation d'air
corrompu , pareil à ce vilain
brouillard dont parle Ovide dans
fes Metamorphofes , qui eft l'origine
de la pefte , & des maladies
contagieufes ,
PrincipioCalum fpißä caligine terras
Preffit.
Qu'eft ce, dis-je, qu'unejournée
trifte & pluvieufe , finon un
air épais & fumeux , qui veut fuffoquer
toute la Nature , & qui la
rend afinatique , & fans refpiration
, fi j'ofe parler de la forte devant
un Docteur , qui veut qu'on
foit ferieux jufque dans les plus
petites chofes , quand il s'agit de
Philofophie Apres qu'on eut
applaudy d'une maniere un peu
46
Extraordinaire
railleufe à ce que le Chevalier ve
noit de dire , le Docteur repris
ainfi .
Chaque lieu a fon air , qui a
fes proprietez différentes , &
quelquefois merveilleufes. Juvenal
dit que dans une certaine
Contrée de l'Espagne , l'air y
teint naturellement la laine des
Brebis d'une tres belle couleur
, & qui eftoit fort estimée
chez les Romains . Les Peuples
qui habitent divers Climats , ont .
auffi diverfes qualitez . Icy l'air
rend les Hommes triftes & melancoliques
, là gays & éveillez ;
icy fobres , là gourmans , icy lâches
, & ' à genéreux ; icy chaftes,
là débanchez. On attribue le
long âge des Suédois à la pureté
de l'air qu'ils refpirent dans les
du Mercure Galant.
47
Montagnes dont ce Royaume eft
remply. Il y a auffi des Lieux ,
comme Aiguemorte en Languedoc
, où l'on ne vieillit guere , à
caufe de l'intempérie de l'air.
Mais bien plus , ceux qui en ref-
#pirent un autre que le natal,
prennent les moeurs & les complexions
desPeuples avec lesquels
ils habitent. Il eft vray , dit le
EMarquis, & Voiture écrit galamment
à Mademoiſelle Paulet , en
parlant de l'Affrique, où il eftoit,
Ne vous étonnez pas de m'ouir dire
des Galanteries fi ouvertement , l'air
de ce Pais m'a déja donné je ne
Seay quoy de felon , qui fait queje
Vous crains moins ; & quand je
traiteray deformais avec vous , fai-
Les état que c'est de Turc à More.
Vous fçavez , continüe- t- il , que
48
Extraordinaire
l'Afrique eft le Pais de l'Amour , des
emportemens & des violentes paffions
; ainfi il rend les Gensfélons,
amoureux & emportez.
Vous eftes toûjours galant,
M' le Marquis , reprit le Docteur,
mais l'Autheur de la Recherche
de la Verité eft affez de vôtre
fentiment. Il prétend que l'air
fait le mefme effet en nous , que
le fuc des viandes dont nous tirons
notre nourriture . Or chacunfçit
les incommoditez qu'on
reçoit des méchantes viandes que
l'on prend , & combien elles alté
rent le tempérament & la fanté.
Mais cet Autheur va encore plus
loin . Il dit que l'air penétre les
poulmons , & s'infinue dans le
fang , ce qui aporte un tres- grand
changement à nos humeurs & à
nos
du Mercure Galant.
49
de la difnos
inclinations , & que
férence de l'air qu'on refpire en
différens Climats , vient la diffé
rence des efprits . Là où il eft groffier,
gras & pefant, les Hommes y
font plus mous , plus ftupides , &
plus mélancoliques , là où il eſt
pur, fubtil & délié , les Hommes
y font plus enjoüez , plus fpirituels
, & plus agiles. Mais, interrompit
le Préfident , ne peut-on
pas dire que comme il y a quatre
Elémens , qui composent le tempérament
de tous les Hommes ,
il y a auffi quatre fortes d'Efprits , il-y
par raport à ces quatre Elémens ,
les Ignez , les Aériens , les Aquatiques
, & les Terreftres , qui font
encore divifez chacun en deux
ordres. Il y a ceux qui font animez
du feu qui fait briller les
2. d'Octobre 1683. E
So
Extraordinaire
Aftres , ils font courageux , harë
dis , habiles , aimables & bienfaifans
; & ceux qui brûlent du feu
qui embrafe les Cométes , font
malicieux , ambitieux , & cruels.
Il y a ceux qui reffemblent aux
caux pures & claires des Fontaines
, ils font nets , doux & paifi.
bles , les autres , comme ces eaux
croupiffantes & fangeufes des
Marais , font lents , pareffeux,
fales , malicieux & couverts . Les
Terreftres font quelquefois comme
ces belles Plaines fleuries &
tapiffées de verdure , ils font feconds
, agreables , fermes & folides
; les autres qui font plus fouterrains
, font avares , opiniâtres,
impudens , & brûlans. Et pour
1: s Aérins dont vous avez parlé,
les uns font affables , complaifans,
!
du Mercure Galant.
5%
inventifs , agiffans , & de belle
humeur , & de ce genre font les
Perfonnes de Cour, les honneftes
Gens , les jolies Femmes , enfin
les Gens de qualité , d'honneur,
& tous ceux qui compofent ce
qu'on appelle le beau Monde , &
qui font propres à la Converfa.
tion ; ceux- là avec raifon font du
grand air , & font tout de bon
air . Mais ceux qui dégenérent
font grands mangeurs , grands
rieurs , vains flatteurs & diffolus,
pour les autres ; femblables à Pair
agité , à cet air obfcur & nuageux
, qui produit les orages &
les tempeftes , ils font coléres,
ombrageux , impatiens , incon
ftans & brouillons . Ce que vous
venez de dire eft parfaitement
beau,répondit le Docteur, j'ay lu
E ij
32
Extraordinaire
quelque chofe de femblable ; mais
le tour que vous y avez donné
mele fait paroître tout nouveau.
Je fçay peu de Gens qui fe fervent
de leur lecture auffi bien que
vous. Mon Dieu , M` le Docteur,
reprit le Préfident , ne me loüez
pas tant d'un peu de memoire, qui
pour le petit fervice qu'elle me
rend aujourd'huy, me fait tous les
jours mille fupercheries . Le Doc.
teur, pour ne pas pouffer plus loin
le Compliment , reprit ainfi la
parole.
La diverfité de l'air fait la diverfité
des maladies , & on peut
voir là- deffus le Livre qu'Hyppocrate
en a fait. L'air eft quel
quefois fi corrompu , qu'il fait
mourir les Créatures qui le refpirent.
Il y a des Régions où les
du Mercure Galant.
$3
animaux mefme ne peuvent vivre
, & il n'arrive jamais de gran .
des peftes, qu'il n'en meure bean .
coup dans les lieux où eft la contagion.
Perfonne n'ignore fur ce
fujet la délicateffe des Aeurs , &
fur tout des Oeillets, qui meurent
au méchant air. Mais peut- cftre
ne fçavez- vous point , que les
Peuples du Japon font fi prévenus
que l'air eft mal fain , & contraire
à l'Homme , qu'ils ne fouf.
frent pas que leur Dairo ou Empereur
foir jamais découvert à
l'air. Mais bien plus , il y a des
Hommes fidélicats, qu'ils diftinguent
l'air d'une mefine rüe , &
qu'ils affurent que celuy de la
main droite eft plus pur que celuy
de la main gauche , & qui féparent
ainsi l'air en marchant , avec
E iij
34
Extraordinaire
une grande fubtilité . Cette re.
marque eftoit digne de moy , interrompit
le Chevalier ; mais je
veux vous dire quelque chofe de
plus veritable & de plus folide ,
touchant la corruption de l'air.
Vous avez lû les Mémoires de
Pontis , cependant je croy que
vous ne ferez pas fâchez que je
vous faffe reffouvenir d'un accident
fort remarquable
, que raporte
cet Autheur. Il dit qu'apres
qu'on eut levé le fiege de Louvain
, l'Armée cft : nt allée pour
fe rafraîchir vers Ruremonde , it
s'y éleva une fi furicufe tempefte,
avec de fi grands tourbillons, que
comme ce Païs eft extrémement
fablonneux , on n'y refpira pendant
plufieurs jours que du fable
au lieu d'air. Cinq ou fix mille
du Mercure Galant.
S$
Hommes en furent étouffez fubi.
tement , ou moururent -en trespeu
de temps , par I.s maladies
que leur caufoit cette grande corruption.
Non feulement l'air
qu'on refpiroit par le nez , mais
celuy qu'on avaloit avec les viandes
, qui en eftoient toûjours fort.
affaifonnées , formoit une espece
de contagion , qui gâtoit les par
-ties de ceux qui en eftoient attaquez
, il falut que l'air natal chaffât
cet air malin , & redonnât aux
Troupes la fanté qu'il leur avoit
fi étrangement alterée.
Le changement d'air fait de
grands effets , reprit le Docteur,
mais s'il a fes avantages , il a auffi
fes incommoditez . A moins
que
la maladie qu'on a contractée , ne
vienne principalement de l'air où
E iiij
56 Extraordinaire
l'on eft , le changement n'y fait
rien de bien , & fouvent du mal ,
lors qu'il eft une qualité oppoſée
ouà la maladie ou au tépérament
du Malade. Mais il eft admirable
que l'air , qui vivifie toutes les
Créatures , les empoifonne , ou
par fa qualité naturelle , ou par la
malice des Hommes , qui ont
trouvé l'invention de le corrompre,
auffi -bien que les autres Elemens.
Mais enfin , il eft toûjours
bon d'éviter le méchant air , puis
qu'on en attire beaucoup plus
qu'on n'en pouffe , & que prefque
tout l'air qu'on refpire , paffe
&fe convertit en nourriture . L'air
de la Campagne eft auffi plus
pur & plus fain que celuy des Villes
, car outre toutes les vapeurs
des ordures & des immondices,
du Mercure Galant .
59م و
I
5
les Morts qu'on y enterre , y rendent
l'air gras , épais & corrompu
; ce qui caufe de grandes & de
fâcheufes maladies ' , qui fait les
perfonnes languiflantes & de pâle
couleur . Platon qui en connoiffoit
les accidens , veut par fes
Loix que les Cimetieres feient
fituez en forte que les Vivans ne
puiffent eftre incommodez du
mauvais air des Morts . Les Grecs
& les Egyptiens eftoient fort délicats
en cela , ayant des Ifles
éloignées & defertes , où ils faifoient
porter les corps des défunts
. Pour moy , dit le Marquis ,
j'aurois voulu fur tout demeurer
dans l'ifle de Delos , où il eftoit
défendu d'accoucher, & d'enterrer
les Morts . Ce lieu eftoit fans
doute bien agreable & bien fain,
58
Extraordinaire
car l'un ne contribue pas moins
que l'autre à l'infection de l'air.
Vous avez raifon , dit le Docteur,
& ceux deDelos obfervérét cette
loy depuis une furieufe pefte dont
ils furent affligez , qui ne procédoit
que de la puanteur des tombeaux
Les Romains défendoient
de brûler les morts dansla ville , &
Augufte ordonna que ce fût pour
le moins deux milles loin des mu
railles . On remarque meſme dans
l'antiquité , qu'il n'y a eu que les
Tarentins qui ayent enterré les
Morts dans leur Ville , apres que
l'Oracle leur ayant promis beaucoup
d'heureux fuccés , s'ils de.
meuroient avec le plus grand
nombre , ils crûrent que cela devoit
s'entendre des Morts. Mais
la Religion Chrétienne , qui prêdu
Mercure Galant. 59
che la mort & les fouffrances , n'a
pas eu ces égards pour les Fidel .
les ; à joindre que les Prieres pour
les Morts , & la venération pour
leurs Reliques , ont authorifé
cette coutume. Les Corps des
Saints ne fçauroient eftre trop
e prés de nous ; & les autres , dont
les Ames ont besoin de nos fe.
cours fpirituels , feroient peuteftre
negligez , fi les tombeaux
ne nous faifoient reſſouvenir de
leurs neceffitez . Et de plus , dit
le Préfident , les Corps Saints
font tous de bonne odeur , & ils
exhalent quelquefois une douce
vapeur , qui furpaffe les parfums
les plus exquis . Ileft vray , dit le
Chevalier, plufieurs Autheurs en
ont raporté témoignage ; mais
le nombre de ces Corps eft petit,
60 Extraordinaire
& pour un Saint combien de....
Tout beau , dit le Docteur , retirons-
nous de là , cet air nous
feroit contraire , prenons - le autre
part. Vous avez raiſon , dit
l'Abbé , je n'aime pas volontiers
à m'entretenir de Religion , dans
des converfations un peu familieres
, & auffi libres que le font les
nôtres.
Le grand air eft perilleux pour
les convalefcens qui fortent d'un
petit air , ou d'un air renfermé ;
ce n'eft pas qu'un air trop tranquille
eft auffi mal fain , parce
qu'il peut plus aisément fe charger
& s'alterer , que celuy qui eft
agité. C'est pourquoy on dit
l'air pour eftre bon , doit eftre
tantôt mû par le Zéphir qui le
rafraîchit , & tantôt comprimé
que
du Mercure Galant.
par l'Aquilon , qui le purge . L'air
de la Mer guérit de plufieurs maladies
, mais il en donne plufieurs
autres à ceux mefme qui y font
naturalifez ; & on affure que cet
air eft fi corrofif, que les Oiſeaux
qui fréquentent la Mer , ont le
plumage prefque tout rouge.
Mais l'air temperé & purifié d'une
certaine maniere , conferve la
fanté , & la redonne à ceux qui
l'ont perdue. Il prolonge la vie,
& fert mefme de nouriture à quel.
ques Oifeaux ,dit le Préfident . Les
Aftchomes qui font une espéce
d'Hommes , qui n'ont point de
bouche , fe nourriffent de bonnes
odeurs , comme ils meurent s'ils
en fentent de mauvaiſes . Le Caméleon
& les Pluviers vivent
d'air , & il ne faut pas s'en éton62
Extraordinaire
ner , puis que la vie ne confifte
qu'en ces deux qualité de l'air,
qui font le chaud & l'humide.
Si le feu nourrit la Salamandre,
pourquoy l'air qui a des qualitez
bien plus nutritives , ne peut - il
pas nourrir des Oifeaux , à moins
qu'on ne veüille dégraiffer l'air,
& en féparer la rofee , qui n'eft
pas moins une fubftance de cet
Elément , que des vapeurs de la
terre. Ce que vous venez de dire
eft bien imaginé , repartit le Doc
teur ; mais puifque les Pluviers &
les oifeaux deParadis vivent d'air ,
c'est encore une des crédulitez de
Pline . L'air eft bien l'élément des
Oiſeaux, & le lieu qu'ils habitent,
mais il ne peut pas nourir un corps
folide d'une viande fi creufe .
Si on ne trouve point d'alimens
du Mercure Galant
C
E groffiers dans l'eftomac de ces
Qifeaux , c'eft qu'ils la digérent
promptement , qu'ils mangent
peu , & des chofes fort delicates.
Le Caméleon vit de vermine;
mais comme il aime extraordinai.
rement le grand jour , & qu'il devore
le bel air , comme l'on dit,
cela fait croire qu'il vit par la ver
tu de cet Elément . Mais vous fçavez
, reprit le Préfident , combien
l'air que les Enfans foufflent,
& les Perfonnes qui font bien
compofées , eft doux & falubre.
Il en fort un fi grand nombre d'ef
prits , qu'ils communiquent
une
nouvelle
e à ceux qui le refpirent
; & c'est la raifon pourquoy
on a dit que ceux qui enfeignent,
& qui paffent leur vie avec la Jeunede,
vivent plus long- temps que
64
Extraordinaire
les autres , & ont la couleur beaucoup
meilleure. Il en eft au contraire
de ceux qui fréquentent
des Perfonnes mal faines , & qui
ont les parties gâtées, parce qu'el
les communiquent leurs indifpofirions
& leurs maladies. On ne
trouva point de meilleur expédient
pour éloigner le Cardinal
Pancirole d'aupres le Pape Innocent
X. qu'en gagnant fon Medecin
, qui affura fa Sainteté que
ce Cardinal eftoit pulmonique,
& que fon haleine eftoit dange .
reufe & nuifible à fa fanté , par les
fréquens entretiens qu'ils avoient
enfemble .
Le Loup a l'haleine fi mauvaife
, qu'on a raifon d'appeller cet
animal un cloaque animé , mais
la malignité de fon haleine eſt ſi
du Mercure Galant.
65
1
fubtile & fi penétrante , qu'il n'y
a point de chair qu'elle ne corrompe.
Cette Fille dont parle
Galien, qui vivoit de napel , avoit
P'haleine bien pernicieufe , interrompit
le Chevalier , puis qu'elle
faifoit mourir ceux qui l'apro .
choient. Cette autre que cite Albert
le Grand , qui vivoit d'Aragnées
, ne l'avoit pas meilleure,
dit le Marquis ; mais que dirons.
nous de ces haleines excellentes,
dont l'air eft fi doux & agréable ,
continua- t-il? Je me fouviens toûjours
de cette délicate expreffion
du Comte de Buffy parlant d'une
Belle, L'air qu'elle fouffle eft plus
pur que celui qu'elle refpire . Quel
avantage , quel charme pour moy
qui n'aime rien tất, qu'on ne ſente
rien!Mais comme il y en a qui ont
Q. d Octobre 1683.
F
66 Extraordinaire
la fueur parfumée , pour ainfi dire,
' il y en a auffi qui ont la refpiration
admirable , & qui reſſem.
blent aux Abeilles , tout ce qu'el
les mangent & qu'elles prennent
fe convertit en miel , & enfucre,
Mixtura quadam & proprietate fpiritus
fui, & quafi conditura fui.
Elles forment de l'ambrofie &
du nectar dans leurs entrailles , &
de là vient la bonté & la douceur
de leur baleine . Tel eftoit Alexandre
le Grand , dit le Préfident
; mais comme il y a peu de
Perfonnes de cette nature, & qui
ayent toutes les qualitez du tempérament
adpondus , comme parlent
les Medecins , il n'y a point
de choſes au monde où l'on puiffe
s'apliquer plus utilement dans un
Etat , qu'à empêcher la corrup
du Mercure Galant. 67
tion de l'air , ſoit qu'elle vienne
par la méchante haleine des Malades
, par l'infection des immondices
& des ordures qu'on laiffe
amaſſer dans les Villes , ou par
l'inclémence des faifons . On a
donc eu raiſon autrefois de féparer
les Ladres d'avec les autres,
& encore aujourd'huy d'interdire
l'entrée des Villes à ceux qui
viennent des Lieux foupçonnez.
de la pefte , ou de quelque autre
maladie contagieufe , comme la
petite vérole , & tant d'autres
maladies qui fe communiquent
par la corruption de l'air.
Comme le Préfident fait bâtir
à la Campagne , il n'oublia pas à
demander plufieurs avispour rendre
une Maiſon auffi faine qu'agreable
, & là - deffus le Docteur
Fij
68 Extraordinaire
auquel la Compagnie avoit toû
jours deferé , parla de la forte.
Ce n'eft pas d'aujourd'huy
qu'on a de la peine à bien s'habi
tuer. Les Anciens avoient diffé
rentes opinions fur ce fujet . Ils difoient
qu'il ne falloit point choifir
les lieux trop gras , trop bas
& trop humides , parce qu'ils
eftoient mal fains . Ils ajoûtoient
qu'on ne connoiffoit pas toujours
la bonté de l'air d'un Païs , par la
couleur & la bonne difpofition
des Habitans , parce qu'il y en a
qui fe portent bien dans l'air mê .
me de la pefte. Il y a encore des
lieux qui ne font fains qu'en de
certaines faifons de l'année, & qui
font dangereux dans d'autres.
Mais afin qu'un lieu foit jugé
fain, il faut pour le moins en avoir
du Mercure Galant.
79
J
Pexpérience une année entiere.
Les Maifons expofées au Midy,
dans les Païs chauds , font mal
faines , on y devient bilicux &
languiflans , & fujets à des fiévres
tres aigües . Dans les Païs froids,
lesMailons qui font tournées vers
le Septentrion , rendent ceux qui
les habitent fujets aux fluxions &
paralifies. Les Maifons qui regardant
l'Occident , dans les Païs
humides , caufent des foiblefles
d'eftomac & des ulcéres. Les
Maifons qui font placées du côté
de l'Orient , dans les Païs fecs,
rendent les jointures débiles , con
denfent les humeurs , &
> engendrent
de grandes obftructions.
Et où bâtirons.nous donc , s'écria
le Chevalier , puis que dans tous
les cantons du Monde il n'y a que
"
70
Extraordinaire
と
maladies , & pas un lieu qui foit
fain La terre ? eft donc inhabitable.
Non pas , M' le Chevalier,
reprit le Docteur , chaque Païs a
fon terroir , fes eaux , fes afpects
& fes vents , qui luy font ou nui
fibles ou falutaires , il ne faut que
les bien choisir , & alors il n'y a
point de lieu qui ne puiffe eftre
fain , au moins pour les naturels
du Païs , & il n'y a que les Voyageurs
, qui en puiffent recevoir
quelques incommoditez.
Pline qui a écrit fort au long
fur la maniere de bâtir les Maifons
de Campagne , pour les rendrefaines
& logeables , dit que fi le
Climat eft chaud , l'ouverture
doit regarder le Nort ; s'il eft
froid, elle doit regarder le Midy,
& s'il eft temperé, elle doit regar
du Mercure Galant. 71
[
1
der le Levant. Cela eft bon , interrompit
l'Abbé , mais je vou .
drois fçavoir s'il eft neceffaire
pour avoir le bon air , de percer
un Bâtiment par quantité de hau
tes & pleines croifées , comme on
fait aujourdhuy , ou de l'ouvrir
feulement par des feneftres médiocres
, comme on faifoit autrefois.
Ileft aifé de remarquer par
tous les vieux Châteeux , tant dehors
que das le Royaume, que nos
Peres n'aimoient pas le grand air
pour leursMaifons . Tous les vieux
Bâtimens font placez de biais, ou
accompagnez aux coſtez de tourelles,
qui couvrent les jours, afin
de rompre le vent , & de fendre
l'air , qu'ils croyoient nuifible à
la fanté , ſe perfuadant de vivre
plus long -temps , en fe tenans
$2
Extraordinaire
ainfi renfermez ; eftant bien contraires
aux Poiffons , qui aiment
à changer d'air , & qui montrent
fouvent la tefte au deffus de l'eau ,
& meurent fous la glace , fi on n'a
foin de la fendre en Hyver , afin
de leur conferver la vie. Mais
nos Peres difoient que les Maifons
cftoient faites pour fe mettre à
couvert des injures de l'air , &
non pas pour le recevoir par de
grandes ouvertures , que nous
avons inventées pour fatisfaire au
plaifir , & à la vanité . J'ay vû un
Homme plus vieux que fon fiecle
, qui durant les trois mois fâcheux
de l'Hyver ne fort point,
neveut ny voir ny fentir l'air , qu'il
refpire feulement par un petit
jour qui eft au.deffus de la porte
de fa Chambre , foutenant que le
trop
du Mercure Galant.
73
C
trop grand jour tüe. Elifabeth
Reyne d'Angleterre , en allant
voir le Chancelier Bacon , dans
un Château qu'il avoit nouvellement
fait bâtir , & percer de toutes
parts par de belles & grandes
croifées, elle luy demanda où l'on
s'y mettroit l'Hyver , voulant
luy marquer par là , que le trop
d'air n'eft pas toûjours bon ny
commode , & que les feneftres
médiocres font meilleures. Cela
dépend des Climats, & de la coutume
des Peuples , dit le Docteur.
En Angleterre toutes les fenêtres
font fort petites , mefme dans les
Maiſons de plaifance des Princes ,
auffi bien que des Particuliers ,
qui n'ont que des ouvertures
quarrées , fans corniches ; & à
Douvres , il n'y a que quelques
Q. d'Octobre 1683. G
-
74
Extraordinaire
il
vires pourtoutes fenêtres, qu'on
ouvre pour donner de l'air. Les
Maifons de Picardie font prefque
fans feneftres , ou du moins elles
font fipetites, que ces Maifons ne
reffemblent proprement qu'à des
lafnieres. Mais comme les Maifons
fermées & ombragées font
plus froides & plus mal faines,
parce que le Soleil n'y entre pas ,
& quel'air y eft plus humide ,
fait plus froid dans les Villes qu'à
la Campagne. Enfin , outre le
bon air qu'il faut obferver pour
rendre les Maiſons faines & bien
fituées , il ya encore le bel air, &
la maniere de bien bâtir , qui les
rend agreables & commodes ; &
c'eft de ce bel air, priscommemo.
de ou maniere , dont il nous refte
parler , mais je croy que ce que
du Mercure Galant. 75
nousen avons déja dit à l'entrée
de cette Converfation, doit fuffire
, renvoyant les Curieux au
beau Difcours que Mr le Chevalier
a fait de l'air du monde , &
de la veritable policeffe . Cela
s'appelle , interrompit le Chevalier
, renvoyer les Curieux au
Dialogue de la Bonne - Grace d'un de
nos vieux Poëtes. Pardonnezmoy
, Mr le Chevalier , reprit le
Docteur, nous fçavons la différence
qu'il y a entre l'illuftre Autheur
du Mercure Galant , &
Autheur des Apprehenfions Spirituelles.
Le premier n'expoſe rien
au Public , qui ne foit digne de
fon approbation , & de l'eſtine
qu'il s'eft acquife . On ne peut
rien auffi ajoûter à ce que vous
avez dit fur cette matiere , mais
Gij
·75 Extraordinaire
il me femble que c'eit affez battre
l'air, & fi M' l'Abbé le trouve
bon , nous irons prendre l'air de
cette foirée, qui eft fort agreable.
L'Abbé eftant dans le mefme
fentiment , toute la Compagnie
fe leva , & fortit pour aller à la
promenade .
Je croy auffi , Madame , qu'il
eft temps de finir , & de vous retirer
d'une fi longue lecture , pour
Jaquelle j'aurois mille excufes à
vous faire , fi je ne fçavois que
tout ce que je vous écris de cette
illuftre Compagnie, ne vous peut
eftre ennuyeux. C'eft donc avec
cette affurance , & en qualité de
leur fidelle Secretaire , que je
prens la qualité de vôtre , &c.
DE LA FEVRERIE.
ACADEMIQUE,
Dans laquelle il eſt traité des ,
bonnes , & des mauvaiſes
litez de l'Air.
qua.
AMadame la Comteſſe de C. R. C.
V
Ous m'avez témoigné,
Madame , que l'Entretien
Académique , dont je vous fis
part au mois d'Avril de l'année
1680 , ne vous avoit point déplû,
& vous m'avez mefme demandé
tant de fois des nouvelles de cet
illuftre Abbé , chez qui l'on parla
du fommeil de l'aprefaînée, que
je crois encore vous faire plaifir
7
A ij
4
Extraordinaire
en vous apprenant fon retour,
& ce qui s'eft dit dans une autre
Converfation , où je me ſuis auffi
heureufement trouvé que la premiere
fois. Il y avoit longtemps
que nous n'avions veu cet Abbé
dans la Province ; mais quoy
qu'il foit infirme , il ne laiffe pas
d'entreprendre des Voyages pénibles
pour le fervice du Roy, &
de fes Amis , & d'agir comme s'il
fe partoit bien. Je vous avoue
que fa patience eft merveill‹ uſe;
mais en pratiquant cette excellente
vertu , il croit arriver à
toutes les autres. Pour vous,
Madame , qui ne pouvez foufrir
de retardement à tout ce que
vous fouhaitez , je m'imagine
déja que vous eftes impatiente
de fçavoir fur quoy a roulé noſtre
Entretien.
du Mercure Galant.
S
Je vous diray donc qu'eſtanc
alle voir cet illuftre Abbé , je le
trouvay avec la Troupe choisie,
qui ne l'abandonne pas quand il
eft en ce Païs , & un Confeiller
qui fortit quelque temps apres
que je fus arrivé. Comme ce
Confeiller eft d'une grande pref
tance , cet Homme , dit M' le
Marquis , a l'air d'un veritable
Magiftrat. Oüy , repliqua l'Abbé
, c'eft un Juge fort entendu
dans fa Charge , & plein de
courage pour la juftice , & pour
les intérefts de fa Compagnie. Il
porte cela fur fon vifage , dit le
Chevalier , il n'y a qu'à le voir.
On a quelquefois de la peine à
le retenir , tant il a de feu & de
vivacité , ajoûta le Préfident.
Cette chaleur , dit le Docteur,
7
A iij
6 Extraordinaire-
>
eft un effet de fon tempérament,
qui eftant fanguin le rend
violent & prompt. Il eft vray
que nous devons beaucoup à
noftre complexion , dit l'Abbé ;
& fi l'heureuſe naiffance fait les
bonnes moeurs , il est encore
vray , pour en revenir à l'air dont
nous parlions , qu'il contribuë
extrémement à la fortune des
Hommes. Ifabelle , Reyne d'Eſ
pagne , difoit ordinairement que
la bonne mine leur fervoit d'une
Lettre de recommandation affez
ample. En effet , quand une Perfonne
bien faite vient à nous , fon
air nous prévient d'abord en fa faveur
; & le Duc de Guife , parlant
dans fesMémoires de l'Action hé !
roïque qu'il fit à Naples, lors qu'il
appaifa tout feul une troupe de
du Mercure Galant. ブ
Séditieux , ce Prince dit que les
Gens de qualité ont un je ne.
fçay- quoy dans le vifage , qui fait
peur à la Canaille. Jules Céfar
paroiffant devant les Soldats mutinez
, les ärrefta d'une feule parole
; & Augufte étonna les Lé.
gions d'Antoine par fa préſence .
Dans le temps des Guerres deParis
, le Garde des Sceaux Molé,
en fe montrant fur les Degrez
du Palais , defarma & appaifa le
Peuple qui le cherchoit pour
s'en défaire . Ileft donc conſtant
qu'il y a un certain air dans les
Perfonnes , & un certain caractere
fur le vifage , qui nous infpire
de l'eftime , de la crainte , & de
la venération . Comme auffi il
y
a un certain air , & un certain caradere
qui nous cauſe de la dé-
A iiij
& Extraordinaire
fiance , de l'averfion , & du mé.
pris. De - là viennent ces viſages
favorables , ou malencontreux ,
dont la mine . feule femble nous
annoncer d'abord quelque bonheur
, ou quelque malheur à venir.
Tel eftoit Montagne , qui
fur le fimple crédit de fa préfen- .
ce , & de fon air , nous affure que
des Perfonnes qui ne le connoiffoient
pas , fe fioient en luy , foit
pour leurs propres affaires , ou
pour les fiennes , & que mefme
dans les Païs Etrangers , il en
avoit tiré des faveurs rares &
fingulieres. Il fait quelques petits
contes fur le fujet des chofes qui
luy estoient arrivées , qui font
affez remarquables .
L'Abbé ayant ceffé de parler;
ne peut- on pas ajouter à tous
du Mercure Galant .
9
ces Exemples , dit le Marquis ,
la bonne mine du Roy , fa taille,
fon grand air , & ce caractere
plein de majeſté , & de fageffe
qui l'accompagne toujours ?
C'eft par- là qu'il terraffe les Ennemis
, auffibien que par la force
de fes Armes , & qu'il s'attire
les refpects , & l'amour de tous
ceux qui l'envifagent . On a eu
bien raifon de mettre entre les
Fremieres maximes de regner,
qu'il falloit pour remplir dignement
la Royauté , le port , la
taille , & la bonne mine , qui ne
font autre chofe que le bon air
qui charme par des vertus fe.
crettes de l'ame. Car il ne faut
pas s'imaginer que le corps luy
tienne lieu d'une honteufe prifon
, c'eſt un Temple où cette
10 Extraordinaire
petite Divinité fe plaiſt davanta
ge, plus il eft pur & net au dedans,
& beau & magnifique au dehors.
Neantmoins Scaron a dit ,
Souvent un vilain corps loge un
noble courages
Et c'eft un grand menteur fouvent
que le vifage.
Oh, pour Scaron , interrompit
le
Chevalier qui n'avoit poinɛ
encore parlé , & dont j'admirois
le long filence , il n'avoit garde
de s'expliquer autrement. Il ef
toit trop intereffé à défendre le
party de la laideur , & de la di
formité , car il n'avoit pas le
viſage plus beau que le corps,
& chacun fçait comme il eftoit
fait ; mais M' de Corneille a dit
bien plus vray que M' Scaron ,
quand il affure que tout le mon
du Mercure Galant. 11
de veut eftre beau , & bien fait,
Et quefinous eftions artifans de nous
mefmes,
On ne verroitpar tout que des beautez
Suprémes.
Cela dépend de Dieu , & non
pas de nous , dit l'Abbé, Ipfefecit
nos, & non ipfi nos. Il s'eft réſervé à
luy feul , le fecret de la nailfance
des Hommes , & l'a rendu impénétrable
à leur curiofité . Nous
ne fçaurions donc connoiftre
pourquoy celuy.cy a un air qui
plaiſt , & celuy là un air qui rebute
& qui dégoufte ; mais M ' le
Docteur , dites - nous un peu à
le bien prendre , ce que c'eft que
l'air , car les Orateurs, les Poëtes,
& les Philofophes en parlent diverſement.
L'air , répondit ce Docteur,
12 Extraordinaire
peut eftre confideré en trois manieres,
comme Elément , comme
Température , & comme Mode
ou Maniere . Pour moy , je croy
que c'est l'expreffion des autres
Élémens , & du mouvement , de
to s les Corps , qui participe à
toutes leurs bonnes ou mauvaiſes
- qualitez. Ainfi l'on dit , l'air du
temps , l'airdu feu , prendre l'air,
pour dire recevoir cette tranfpiration
des corps dans fa fource,
& dans toute fon , étendue . On
donne ordinairement le nom
'd'air à toute cette Matiere li
quide & tranfparente dans la.
quelle nous vivons , & qui eft ré .
pandue de tous coftez à l'entour
du Globe , compofé de la terre
& de l'eau. En effet , quelques
Philofophes prétendent que les
du Mercure Galant.
13
Cieux font fluides , comme un
grand air vague & fpatieux,
dans lequel les Etoiles & les
Planetes fe promenent comme
les Poiffons dans la Mer , & les
Oifeaux dans les Nuës ; & le
Philofophe de Cour ( car enfin
il faut raifonner à la mode aujourd'huy
) cet Autheur , dis-je,
veut que les Cieux foient fluides,
& de la nature d'un air tres.fub
til , & tres- purifié . Les Anciens
ont auffi confondu les mots de
Ciel , & d'Air , en parlant de la
Partie que nous voyons ; & l'on
dit tous les jours , apres la Sainte
Ecriture , les Oiseaux du Ciel ,
ils volent dans le Ciel , pour dire,
les Oifeaux de l'air , ils volent
dans l'air. En effet , l'air entre
dans la compofition du Ciel , &
14
Extraordinaire
le Ciel femble eftre un air con
denfé. Un Moderne a eu raiſon
de dire , que l'air eft un étrange
& admirable compofé , & que
pour le bien connoiftre , il faudroit
connoiftre auparavant la
nature de tous les Corps qui entrent
dans fa compofition. Comment
donc le concevoir dans
cette fimplicité qui luy eſt neceffaire
pour eftre Elément ? Car
dans la compofition où il fe trouve
prefque toujours , par le mélange
des autres Elemens , & de
tous les Corps qui s'exhalent.
continuellement de la Terre , on
ne peut dire précisément ce que
c'eft . Le Philofophe de Cour,
dénie à l'air le nom & la qualité
d'Elément , & dit que par fa
fubtilité il eft feulement fembla
du Mercure Galant,
ble au premier Elément des Car
réfiens. Quelques autres difent
que c'est une portion de la
Matiere premiere , débrouillée
& purifiée par la Lumiere. La
penſée de cet Ancien eft jolie,
qui difoit que l'Air eftoit la vître.
rie de l'Univers , par où les Crea.
tures voyent tous les Objets
comme dans un Miroir , par la
refléxion de cetteLumiere. C'eft
luy qui conferve les couleurs invifibles
qui peignent tous les
Objets dans nos yeux , quoy qu'il
foit fans couleurs , puis que tous
les Objets tranfmetent leurs efpeces
en luy , ce qu'ils ne pour
roient pas faire s'il avoit quelque
couleur , comme nous voyons
tout rouge , ou tout jaune , dans
un verre qui eft peint de la fort,
16 Extraordinaire
›
Un Philofophe moderne dit que
l'air n'eft pas vifible , parce qu'il
eft trop délié ; mais qu'autant
qu'on le peut voir par la refpiration
, ou par les Arquebules à
vent , il eft de couleur grifatre,
A propos de la couleur de l'Air,
s'écria le Chevalier , en regar.
dant le Marquis , ne vous fouvient-
il point de ce prétendu Sor
cier , qui nous difoit un jour qu'il
avoit veu le Vent , & qu'il eftoit
rouge , jaune , & bleu ? Il eſt
beaucoup de femblables Viſionnaires
, répondit le Marquis , &
je croy qu'il s'en trouve auffi
parmy les Philofophes ; mais
laiffons parler M' le Docteur, car
il a fans doute de belles chofes à
nous dire . Apres un modefte
fous-rire , le Docteur reprit fon.
du Mercure Galant.
17
Difcours de la forte.
Les Philofophes donnent à
l'Air des figures bien diférentes,
& le mettent en tant de postures,
qu'il eft impoffible de le connoiftre
tel qu'il eft en effet. Quel
ques- uns difent
que les goutes
d'eau & de rolée, qui tombent de
l'air eftant rondes , cer Elément
eft de figure ronde , parce que
les parties doivent avoir l'inclination
du tout , mais en verité, je
trouve cette raifon badine , car
hors la Terre , les autres Elémens
qui font toujours dans l'agitation
, & dans le mouvement ,
n'ont point de figures certaines
& naturelles , Encore s'il eft vray
que la Terre tourne, il faut croire
qu'elle en change de temps en
temps puis qu'elle s'éboule , &
Q. d'Octobre 1683. B
18 Extraordinaire
s'écorne ſouvent , comme par
lent ceux qui fuivent cette opi- .
nion . Ainfi on diſpute fort inutilement
, fi la Terre eft ronde,
ou fphérique ; fi le Feu eft ovale,
ou pyramidal ; fi l'Eau eft plate,
ou fphérique , & fi l'Air eft
rond , ou triangulaire. Les Cartéfiens
difent que le fecond Elément
, auquel ils donnent le nom
d'Air , n'eft autre choſe que les
parties de leur Matiere fubtile,
qui pour eftre plus groffieres s'ar
rondiffent fans ceffe , que l'Air
le plus groffier a la proprieté de
fe dilater beaucoup , & qu'il fe
mefle aisément avec la Matiere
fubtile. Quelque autre affure
qu'il eft droit , quand il eft lenr,
c'eft à dire, dans fa gravité , mais
que lors qu'il eft furieux & turdu
Mercure Galant.
19
•
bulent , & fi vous voulez tourbillon
, il eft un peu courbé , &
d'une figure circulaire , mais je
croy qu'il n'a point d'autres figures
que celles du corps qui le
renferme. Quoy que fa couleur
foit inperceptible , comme nous
avons dit,il eft neantmoins tranf
parens , parce que les parties eftant
toûjours en action , laiffent
un grand vuide entre elles , & ce
vuide eft remply des rayons des
Corps lumineux. L'air que nous
refpirons eft vifible , parce que
ce font les fumées du coeur que
l'air extérieur codenſe & épaiffit,
quand il eft froid ; & plus la Perfoune
eft d'une complexion forte
& robufte , & plus elle pouffe
d'air quand elle eſt agirée ,
principalement en Hyver qu'il
Bij
20 Extraordinaire
·
fort de la bouche à gros flocons.
Pour fon odeur, les Philofophes
que j'ay déja citez , affurent
qu'elle eft fouvent mauvaiſe.
Enfin il eft chaud , humide , &
leger ; mais quelques Modernes
prétendent , qu'il eft froid , &
pelant ; & d'autres , qu'il n'eft
froid , ou chaud , que felon les
divers mouvemens qu'il foufre.
Ainsi, lors qu'on dit qu'il peut
devenir feu , on veut dire qu'il
peut s'échaufer jufqu'à ce fupré
me degré de chaleur, Quoy qu'il
nous paroiffe leger , il ne laiffe
pas d'eftre eftimé pefant , jufque.
là que Reid , docte Medecin , a
démontré qu'il ne l'eft pas moins
que la Terre , mais il eſt certain
qu'il eft médiocre en pefanteur,
plus pefant que le Feu , & plus
du Mercure Galant. 21
leger que l'eau . Pour ſa hauteur, -
finous en croyons M' Rohaut,
elle eft de plus de quatre mille
cinq cens quatre - vingts toifes ;
& il tient qu'il n'y a point de
Montagne affez haute
pour nous
élever au deffus de la plus haute
furface de l'Air, ou de la premiere
Région . Je me fouviens pourtant
, interrompit le Préfident,
que M' Bary raporte dans fa Phy
fique, qu'en Angleterre on monte
d'un certain Tertre jufqu'à
une certaine hauteur , où il n'y a
plus d'air , & qu'à moins d'y
porter des Eponges humectées,
on y meurt. Cela fe peut , reprit
le Docteur , & tout ce que
nous diſons icy , n'eſt pas fi pofitif
qu'on ne le puiffe contre.
dire ; mais pour continuer à vous
22 Extraordinaire
parler de cet Element , on ne
peut changer la veritable confiftence.
Il ne reçoit aucun mélange
, & comme tel , l'Air eft
appellé Elément , mais que celuy
que nous fouflons , que nous
refpirons , que nous voyons , &
qui nous environne , ne foit
qu'un mefme air , exempt d'aucun
mélange , cela ne le peut
foûtenir. L'air que nous refpirons
eſt un ſoufle vital , compofé
de noftre ame & du mouvement
de noftre corps . Celuy que
nous reſpirons , & qui nous en
vironne , eft compofé des vapeurs
, & du mouvement des
corps extérieurs qui nous approchent
; & celuy qui tient
lieu d'Elément , eſt une fubftance
extrémement deliée qui fe
du Mercure Galant.
23 1
fourre par tout , & qui remplit
tous les lieux , d'où les corps fe
def uniffent . Mais M' le Docteur
, dit le Marquis , quelle diférence
mettez- vous entre le
Vent , & l'Air pris comme Elément
? Car felon moy , le Vent
eft un Air agité , & l'Air eft un
Venten repos. Tous les Philofophes
modernes définiffent le
Vent une agitation fenfible de
l'Air , & felon M¹ Bary , le Vent
n'eft autre chofe qu'une agitation
d'air , plus ou moins notable.
L'Air eft encore toûjours
le fujet du Vent , & une de fes
caufes efficientes. Enfin il fert
de Théatre à ces merveilleux
Tourbillons . Ceux qui difpofent
des Vents ( car il y en a qui les
retiennent , & qui les lâchent
24
Extraordinaire
quand il leur plaift , ) ceux -là,
dis - je , obfervent les diférentes
qualitez de l'Air ; & je me ſouviens
d'avoir leu dans Théophrafte
, que les Brachmanes
avoient deux Tonneaux remplis
de Vent , qu'ils ne bouchoient
jamais que l'Air ne fuft fec , &.
tranquille , & qu'ils ne débouchoient
que lors qu'il eftoit hu
mide & tempeftueux . Je fçay,
continua le Marquis , qu'on dit
tous les jours , que les Vents
chaffent & purifient l'Air , mais
cela s'entend de ce que les parties
les plus groffieres de l'Air fe
fubtilifent , & fe raréfient par
cette agitation , & voila ces
Vents qu'il a pleu aux Pilotes
de nommer de noms barbares &
inconnus , felon les lieux où cet
Air
du Mercure Galant. 25
Air eft plus ou moins dans l'agitation
. En verité voſtre Philofophie
eft jolie , s'écria le Che
valier en riant , & elle feroit bien
reçeuë de l'Univerfité . Le Philofophe
de Cour ne raifonne pas
plus férieufement que vous fur
cette matiere , & j'aime autant
voftre Air agité , qui eft l'opinion
de Pline , que fon Météore
composé de deux fou
fres diférens & ennemis , que le
froid condenſe fi fort , que le
Météore creve par cette contrarieté
, & fait le grand fracas
que nous entendons .
Mais pourquoy , Mr le Che.
valier, reprit le Marquis, ne voulez
-vous pas que fous le bon plaifir
de M' le Docteur , je parle du
Vent à ua fantaiſie ? Ne fçavez-
Q. d'Octobre 1683. C
26 Extraordinaire
vous pas que c'eſt une des choſes
inconnues dans le monde ? Quelques-
uns en attribuent la pro.
duction au Soleil , les autres , au
combat que font les atomes ;
les autres , aux vapeurs , & aux
exalaifons ; & enfin il y en a d'autres
qui m'ont fait penfer , que
l'Air fe meut de foy - mefme ; car
je ne fuis fi vifionnaire
que
pas
vous le croyez , ny fi ridicule
fur le fujet des Vents , que celuy
qui difoit que c'eftoient les éter.
nuëmens de ce grand Animal
que nous appellons le Monde,
comme l'Air eftoit fon haleine &
fa refpiration . Cette imagination
eftoit bien digne de Rabelais
, qui dit que le Vent eft le
foufle de Gargantua . Dieu en
´eft l'Autheur , au fentiment d'un
du Mercure Galant.
27
Prophete, & il peut auffibien le
former de l'Air , que d'une autre
matiere. Quoy que Pline que
vous venez de citer , reconnoiffe
plufieurs fortes de Vents , comme
les Vents de Mer & de Terre,
tout cela n'est que l'Air , qquuiiaaggiitt
ou fur l'Eau , ou fur la Terre. Cer
Autheur veut encore que le Vent
foit un efprit vital , par lequel la
Nature produit toutes chofes .
Et ce Vent , ou cet Air dont nous
parlons , ne font- ils pas les mefmes
? Si cela eft , répondit le
Chevalier , je ne m'étonne plus
que les Cavales d'Andaloufie engendrent
par le Vent ; car l'Air
ou le Vent , eft un tréfor qui contient
toutes les femences , fi nous
en croyons Anaxagore . Et ne
croi t-ce point par cette raiſon
C ij
28 Extraordinaire
que nous appellons un Cheval
viſte, un Coureur , & que nous
difons , aller comme le vent ?
Car les Chevaux qui naiffent du
vent , & de telles Cavales , font
je m'imagine d'admirables Coureurs
pour leur legereté & leur
viteffe , & pareils aux Chevaux
volans , dont parle noftre Pline;
mais à l'endroit que vous avez
cité , il compare l'agitation du
Vent dans la nature , à une Femme
groffe , & dit que cet efprit
vital, remuë dans fes flancs com.
me un Enfant dans le ventre de
fa Mere . Ne voila- t-il pas une
belle origine des Vents ? Je ne
puis encore m'empeſcher derire,
qu nd il nous dit qu'ils font plus
mols que fermes. Quoy , les
Vents ont de la molete , eux
du Mercure Galant. 29
3
J.
J
1
1
qui font fi refolus qu'ils attaquent
les plus durs Rochers , &
les Baftimens les plus inėbranlables
, qui arrachent les Forefts ,
qui renverfent les Montagnes ?
Non , non. Je croy que leur tempérament
eft froid & fec , ce qui
marque leur force , & leur courage.
Vous badinez toujours ,
M le Chevalier , interrompit
l'Abbé . Il eft constant qu'il
y a des Vents chauds , & des
Vents humides . Ouy ; mais , reprit
le Chevalier , ce n'eft pas en
eux-mefies qu'ils font tels , mais
par accident , & felon les lieux
où ils fouflent , & la Saifon qu'ils
fe mettent en Campagne . Je
croy que M' le Chevalier a raifon
dit le Marquis , car
quand on dit, ce vent -là amenera
>
C iij
30 Extraordinaire
de la pluye , ce n'eft pas qu'il
foit pluvieux de fa nature , mais
c'cft qu'il amene , & fait tomber
les vapeurs qui fe réſolvent en
pluye. L'Air eft donc un veritable
Caméleon , capable de
toutes fortes d'impreffions . Tout
froid qu'il eft, il devient feu , felon
les divers mouvemens qu'il fou-
Ale ; mais ce qui eft admirable, eft
que ces vents ou ces impreffions
d'Air , comme nous les avons
appellez , ont leur révolution
jufte & périodique , de quatre
ans en quatre ans , vers le commencement
de la Canicule .
Quoy que je m'en tienne à
l'opinion de l'Ecole , dit le Do-
&teur , voyant que le Marquis
s'eftoit teú , qui eft que l'Air
n'eſt pas le Vent , il eſt neantdu
Mercure Galant. jr
moins le Pere des Vents , & le
crible de la Nature , comme
parle un Ancien , mais un Moderne
l'appelle avec plus de raifon
, le Compagnon du Soleil,
parce qu'il concourt avec luy à
la creation de toutes chofes , &
à la formation des plus merveil
Jeux Phénomenes de la Nature .
Il infpire ce que la Lumiere vivifie
, il purifie ce qu'elle dore , &
fert avec elle à éclairer tout l'Univers.
Anaximenés difoit que
Pair eftoit l'efprit du Monde , &
qu'il eftoit à l'Univers ce que
l'ame eft au corps ; que toutes
chofes eftoient engendrées de
l'air , & fe réfolvoient en air.
Enfin on peut dire de l'Air , ce
que S. Paul a dit de Dieu , In quo
vivimus , movemur, & fumus, I
C iiij
32
Extrardinaire
nous fait voir les objets , mais il
nous donne encore l'oüye , &
l'odorat, Par fon moyen nous
fentons , & nous entendons.
Tous nos Inftrumens , & toutes
nos Chanſons , ne font qu'un air
mefuré & harmonieux. Il anime
les uns , il infpire les autres . Une
Chanfon s'appelle un Air , parce
que c'est un Mode , ou une façon
de chanter , mais encore par
ce qu'il faut de l'air pour le chanter
, & que la Mufique rend cet
air harmonieux par les diférentes
notes qui le compofent. En effet,
l'air agité par la voix ,frape agreablement
nos oreilles , ce qui a fait
dire à un Ancien , qu'une belle
Ode , qui eft la mefme chofe
qu'une belle Chanſon , eftoit un
air qui voloit dans les oreilles. II
du Mercure Galant.
33
y a des Païs mefme où l'air fait
les belles Voix , & où tous les
Hommes chantent bien. Vous
demeurerez d'accord de cette
verité , puis que felon Ariftote,
la Voix & les Inftrumens ne font
qu'une répercuffion de l'air infpiré
.
L'air eft encore un excellent
médiateur entre l'eau & le feu.
Il corrige celuy - cy , & tempere
celle- là. Il eſt naturellement
Amy de la Terre , mais ce qui
releve davantage la nobleffe de
cet Elément , c'est que quelques
Philofophes ont crû que fe Dieu
unique & fouverain n'eftoit
autre que l'Air. Le Docteur
ayant ceffé de parler , comme
s'il n'euft eu plus rien à dire ; Oh
je me doutois bien que les An-
>
34
Extraordinaire
ciens en avoient fait un Dieu,
reprit le Chevalier ; mais moy,
je vous dis que c'eſt un Démon
en fubtilité , & en malice , qui
rend tous les corps agiles , & qui
penetre toutes chofes , fans les
rendre plus pefantes lors qu'il les
remplit. C'est un grand faifeur
de Fufées, & de Feux d'artifices,
qui forme les Méteores , & qui
les renferme dans fon fein ,
mais c'eſt auffi un grand tireur
de quinte effences , qui fçait
diftiler avec le feu élémentaire ,
les influences & les proprietez
occultes des Etoiles , & des Planetes
. Peu s'en faut que je ne
l'appelle Soufleur & Charlatan ;
mais enfin il eft le mieux logé de
tous les Elémens , puis qu'il ha.
bite dans trois regions diférentes,
·
du Mercure Galant.
33
& que le Feu , l'Eau & la Terre
demeurent toûjours où Dieu les
a placez . Il devoit ce me femble ,
avoir quatre Régions , afin de
partager les quatres Saifons de
l'année . Ileft chaud dans la haute
région proche du Feu élémentaire
. I eft plus fraichement dans
Ja moyenne , & d'une maniere
plus temperée dans la baffe , puis
que cette Région eft tantoft
chaude , & tantoft froide. Pline
qui connoiffoit cet Elément , &
qui peut eftre en avoit reçeu
quelque incommodité , dit qu'il
eft caufe de tous les malheurs qui
arrivent aux Hommes , & le
compare à un Sujet rebelle qui
fait fans ceffe la guerre à la Nature
. Les Vents qui font les
Soldats de l'Air , font tous les
36
Extraordinaire
ravages qu'il leur commande , &
ne fe retirent jamais de la meflée
fans eftre chargez de butin.
Toute la Compagnie ne pút
s'empefcher de rire de ce qu'avoir
dit le Chevalier ; mais l'Abbé
prit la parole , & s'adreffant au
Docteur d'un air plus férieux,
Mais noftre ame n'eft - elle point
de la nature de l'air , puis que
felon la penſée d'un Ancien , l'air
& l'efprit ne font qu'une mefine
chofe ? Pour moy je croy que
noftre ame eft un air tres fubtil,
& foit qu'elle anime nos corps,
ou qu'elle s'en fépare , elle en a
toute la reffemblance autant
qu'elle peut eftre viſible. Lors
que je la confidere comme fenfitive
ou animale , ou comme immortelle
, je n'en puis avoir naAu
Mercure Galant.
37
turellement d'autre idée . Diogenes
eftoit de voſtre ſentiment,
répondit le Docteur ; & Héraclite
& les Stoïciens eftoient en.
core de cette opinion. Ils vouloient
que noftre ame fuft une
évaporation d'humeurs inceffamment
coulantes , ou un vent.
L'efprit des Infectes , difent les
Chymiftes , eft la plus pure por
tion de l'air , & cette pure portion
de l'air eft le lien qui unit
l'ame avec le corps. L'ame des
Vegétaux eft auffi aërienne , &
c'est pourquoy le corps qu'elle
anime veut toujours s'élever en
l'air. La fainte Ecriture expri
mant de quelle maniere le pre
mier Homme fut animé , dit que
Dieu luy foufla dans le corps un
eſprit de vie. Or qu'eſt- ce qu'une
38
Extraordinaire
evaporation , qu'un vent , qu'un
foufle , finon l'air que nous ref
pirons , ou quelque chofe qui luy
reffemble ? Mais vous fçavez que
M'l'Evefque de Meaux , dans ce
beau Difcours qu'il a fait fur
l'Hiftoire Univerſelle , nous défend
de croire que noftre ame
foit un air fubtil , ny une vapeur
déliée ; parce que le foufle que
Dieu infpire , & qui porte en luymefme
fon image , n'eft ny air
ny vapeur. Je fçay cela , dit
l'Abbé , & d'autres Docteurs me
l'ont appris , mais nous ne parlerons
pas icy fur les Bancs . Quoy
qu'il en foit , reprit le Docteur,
l'air contribue non feulement à
toutes les belles qualitez du
corps & de l'efprit ; il infpire &
regle tous les mouvemens de l'adu
Mercure Galant.
39
me , ce qu'il eft facile de faire
voir , fi nous le confiderons.com.
me température .
L'éloquent Evefque que je
viens de citer , dit que les Elemens
furent alterez par le deluge,
& que l'air chargé d'une humi
dité exceffive , fortifia les principes
de cette corruption ; & ily a
bien de l'apparence que la Nature
fe fentit la premiere de la
corruption des Hommes , qu'elle
fut affoiblie , & qu'il demeura en
elle- mefme une impreffion éternelle
de la vangeance Divine.
Mais enfin , pour que l'air foit fa
lubre , il faut qu'il foit temperé,
ny trop groffier , ny trop fubtil.
Ainfi l'on dit une bonne température
d'air , une bonne contitution
d'air. Sa fubtilité ne
40 Extraordinaire
tait pas fa bonté , il eft auffi dana
gereux trop fubtil , que trop grof
Ler. C'est pourquoy dans la fupérieure
Region , où il eft dans
fa plus grande fubtilité , nous n'y
pourrions pas vivre. Cette fubti
lité rend fes parties trop aiguës,
& trop penétrantes ; & les lieux
trop élevez font contraires aux
poitrines foibles , & délicates. Un
Voyageur nous affure , qu'allant
voirun Hermite fur le Mont Ararath
, dans l'Arménie , il monta
jufques à la Region de l'air, où fe
forment les nuages ; que la plufpart
de ces nuages eftoient obfcurs
& épais , les autres extrémement
froids & pleins de neige,
& qu'il y fût mort , s'il y eût demeuré
encore un quart d'heure.
Lors que l'air eft trop groffier ,
du Mercure Galant.
fes parties trop épaiffes & trop
maſſives engraiſſent & tuënt la
poitrine , & les parties où elles
s'attachent par le moyen de la
refpiration. Il faut donc laiffer
l'air groffier aux Pituiteux , & le
fubtil aux Mélancoliques . Pour
moy , dit le Chevalier , j'aime à
reſpirer le grand air. Outre que
je m'en porte mieux , il me rend
F'efprit plus gay & plus agreable ;
il me donne mefme des penſées
plus nobles & plus relevées , & je
Vous affure que j'y trouve quel--
que chofe de divin & de ſurna.
turel , que je reifens viſiblement
en moy - mefme . Vous eftes du
naturel des Arbres , interrompir
le Préfident , qui aiment beau
coup l'air , ou plûtôt comme ces
Peuples de Siam qui l'adorent, &
2. d'Octobre 1683. D
•42
Extraordinaire
qui n'ont point d'autre tombeau
apres leur mort ,,
que
d'eftre
fuf
pendus
en l'air. Mais
je fuis bien
aife
que
vous
foyez
reconcilié
avec
cet Elément
, depuis
tantôt
.
Il ne s'agir
plus
de nôtre
querelle
,
reprit
le Chevalier
. Je l'aime
quand
il me fait
du bien
, mais
je ne fuis point
Aëriſte
, & je ne
Louhaite
pas que
mes
funérailles
fe faffent
en l'air . Je n'aime
pas
non
plus
ces airs voraces
, qui ren
dent
les Peuples
faméliques
, &
qui
tuënt
la poitrine
, comme
nous
a dit M' le Docteur
, mais
un air comme
celuy
de l'Egypte
,
qui infpire
la fobrieté
& l'abftinence
. Les
Hermites
de l'ancienne
Thebaide
eftoient
de vô.
tre gouft
, dit l'Abbé
, ils avoient
choify
exprés
ce lieu -là pour
leur
du Mercure Galant.
43
1
-
retraite ; auffi eſt- cè un vray païs
d'Hermites. Je vous avouë ma
foibleffe , reprit le Chevalier , ce
n'eft point par le meſme efprit
quej'aime le grand air ; mais c'eft
que je fuis tout différent de moymefme
dans les lieux bas ., obfcurs
&
defagreables ; au lieu que
les belles vûes , les belles Maifons
, les belles Perfonnes , me
charment , & me donnent une
nouvelle vie. Toutes ces chofes
nous infpirent je ne fçay quel air
doux & tendre , qui nous rend de
belle humeur , & de bonne compagnie.
Je ne puis refpirer l'air de ces riches
Plaines ,
Qu'échauffent les Zéphirs , de leurs
tiédes baleines ;
Je ne puis de ces Prez voir l'émail
précieux ,
44
Extraordinaire
Ou tant de vives fleurs éblouiffent
Les yeux i
Entendre de ces caux l'agreable mur.
mure ,
·Contempler de ces Bois la verte chevelure
,
Que je ne fois touché de quelque
fainte horreur,
Et ne fente les traits d'une fainte
furcur.
Cela m'arrive dans tous les
beaux Lieux dont parle ce Poëte,
& principalement en celuy - cy ,
où il me femble que ma vûë s'ë.
chauffe , où vôtre vûë , qui eft
proprement vôtre air , m'anime
& me donne plus d'efprit que je
n'en ay d'ordinaire. Qu'est - ce
qu'un beau jour , pourſuivit - il,
qu'une continuation d'air, que le
Soleil dore & purifie , qui fait
du Mercure Galant. 45
naître & anime toutes choſes ?
Qu'eft.ce auffi qu'une fale journée
, qu'une continuation d'air
corrompu , pareil à ce vilain
brouillard dont parle Ovide dans
fes Metamorphofes , qui eft l'origine
de la pefte , & des maladies
contagieufes ,
PrincipioCalum fpißä caligine terras
Preffit.
Qu'eft ce, dis-je, qu'unejournée
trifte & pluvieufe , finon un
air épais & fumeux , qui veut fuffoquer
toute la Nature , & qui la
rend afinatique , & fans refpiration
, fi j'ofe parler de la forte devant
un Docteur , qui veut qu'on
foit ferieux jufque dans les plus
petites chofes , quand il s'agit de
Philofophie Apres qu'on eut
applaudy d'une maniere un peu
46
Extraordinaire
railleufe à ce que le Chevalier ve
noit de dire , le Docteur repris
ainfi .
Chaque lieu a fon air , qui a
fes proprietez différentes , &
quelquefois merveilleufes. Juvenal
dit que dans une certaine
Contrée de l'Espagne , l'air y
teint naturellement la laine des
Brebis d'une tres belle couleur
, & qui eftoit fort estimée
chez les Romains . Les Peuples
qui habitent divers Climats , ont .
auffi diverfes qualitez . Icy l'air
rend les Hommes triftes & melancoliques
, là gays & éveillez ;
icy fobres , là gourmans , icy lâches
, & ' à genéreux ; icy chaftes,
là débanchez. On attribue le
long âge des Suédois à la pureté
de l'air qu'ils refpirent dans les
du Mercure Galant.
47
Montagnes dont ce Royaume eft
remply. Il y a auffi des Lieux ,
comme Aiguemorte en Languedoc
, où l'on ne vieillit guere , à
caufe de l'intempérie de l'air.
Mais bien plus , ceux qui en ref-
#pirent un autre que le natal,
prennent les moeurs & les complexions
desPeuples avec lesquels
ils habitent. Il eft vray , dit le
EMarquis, & Voiture écrit galamment
à Mademoiſelle Paulet , en
parlant de l'Affrique, où il eftoit,
Ne vous étonnez pas de m'ouir dire
des Galanteries fi ouvertement , l'air
de ce Pais m'a déja donné je ne
Seay quoy de felon , qui fait queje
Vous crains moins ; & quand je
traiteray deformais avec vous , fai-
Les état que c'est de Turc à More.
Vous fçavez , continüe- t- il , que
48
Extraordinaire
l'Afrique eft le Pais de l'Amour , des
emportemens & des violentes paffions
; ainfi il rend les Gensfélons,
amoureux & emportez.
Vous eftes toûjours galant,
M' le Marquis , reprit le Docteur,
mais l'Autheur de la Recherche
de la Verité eft affez de vôtre
fentiment. Il prétend que l'air
fait le mefme effet en nous , que
le fuc des viandes dont nous tirons
notre nourriture . Or chacunfçit
les incommoditez qu'on
reçoit des méchantes viandes que
l'on prend , & combien elles alté
rent le tempérament & la fanté.
Mais cet Autheur va encore plus
loin . Il dit que l'air penétre les
poulmons , & s'infinue dans le
fang , ce qui aporte un tres- grand
changement à nos humeurs & à
nos
du Mercure Galant.
49
de la difnos
inclinations , & que
férence de l'air qu'on refpire en
différens Climats , vient la diffé
rence des efprits . Là où il eft groffier,
gras & pefant, les Hommes y
font plus mous , plus ftupides , &
plus mélancoliques , là où il eſt
pur, fubtil & délié , les Hommes
y font plus enjoüez , plus fpirituels
, & plus agiles. Mais, interrompit
le Préfident , ne peut-on
pas dire que comme il y a quatre
Elémens , qui composent le tempérament
de tous les Hommes ,
il y a auffi quatre fortes d'Efprits , il-y
par raport à ces quatre Elémens ,
les Ignez , les Aériens , les Aquatiques
, & les Terreftres , qui font
encore divifez chacun en deux
ordres. Il y a ceux qui font animez
du feu qui fait briller les
2. d'Octobre 1683. E
So
Extraordinaire
Aftres , ils font courageux , harë
dis , habiles , aimables & bienfaifans
; & ceux qui brûlent du feu
qui embrafe les Cométes , font
malicieux , ambitieux , & cruels.
Il y a ceux qui reffemblent aux
caux pures & claires des Fontaines
, ils font nets , doux & paifi.
bles , les autres , comme ces eaux
croupiffantes & fangeufes des
Marais , font lents , pareffeux,
fales , malicieux & couverts . Les
Terreftres font quelquefois comme
ces belles Plaines fleuries &
tapiffées de verdure , ils font feconds
, agreables , fermes & folides
; les autres qui font plus fouterrains
, font avares , opiniâtres,
impudens , & brûlans. Et pour
1: s Aérins dont vous avez parlé,
les uns font affables , complaifans,
!
du Mercure Galant.
5%
inventifs , agiffans , & de belle
humeur , & de ce genre font les
Perfonnes de Cour, les honneftes
Gens , les jolies Femmes , enfin
les Gens de qualité , d'honneur,
& tous ceux qui compofent ce
qu'on appelle le beau Monde , &
qui font propres à la Converfa.
tion ; ceux- là avec raifon font du
grand air , & font tout de bon
air . Mais ceux qui dégenérent
font grands mangeurs , grands
rieurs , vains flatteurs & diffolus,
pour les autres ; femblables à Pair
agité , à cet air obfcur & nuageux
, qui produit les orages &
les tempeftes , ils font coléres,
ombrageux , impatiens , incon
ftans & brouillons . Ce que vous
venez de dire eft parfaitement
beau,répondit le Docteur, j'ay lu
E ij
32
Extraordinaire
quelque chofe de femblable ; mais
le tour que vous y avez donné
mele fait paroître tout nouveau.
Je fçay peu de Gens qui fe fervent
de leur lecture auffi bien que
vous. Mon Dieu , M` le Docteur,
reprit le Préfident , ne me loüez
pas tant d'un peu de memoire, qui
pour le petit fervice qu'elle me
rend aujourd'huy, me fait tous les
jours mille fupercheries . Le Doc.
teur, pour ne pas pouffer plus loin
le Compliment , reprit ainfi la
parole.
La diverfité de l'air fait la diverfité
des maladies , & on peut
voir là- deffus le Livre qu'Hyppocrate
en a fait. L'air eft quel
quefois fi corrompu , qu'il fait
mourir les Créatures qui le refpirent.
Il y a des Régions où les
du Mercure Galant.
$3
animaux mefme ne peuvent vivre
, & il n'arrive jamais de gran .
des peftes, qu'il n'en meure bean .
coup dans les lieux où eft la contagion.
Perfonne n'ignore fur ce
fujet la délicateffe des Aeurs , &
fur tout des Oeillets, qui meurent
au méchant air. Mais peut- cftre
ne fçavez- vous point , que les
Peuples du Japon font fi prévenus
que l'air eft mal fain , & contraire
à l'Homme , qu'ils ne fouf.
frent pas que leur Dairo ou Empereur
foir jamais découvert à
l'air. Mais bien plus , il y a des
Hommes fidélicats, qu'ils diftinguent
l'air d'une mefine rüe , &
qu'ils affurent que celuy de la
main droite eft plus pur que celuy
de la main gauche , & qui féparent
ainsi l'air en marchant , avec
E iij
34
Extraordinaire
une grande fubtilité . Cette re.
marque eftoit digne de moy , interrompit
le Chevalier ; mais je
veux vous dire quelque chofe de
plus veritable & de plus folide ,
touchant la corruption de l'air.
Vous avez lû les Mémoires de
Pontis , cependant je croy que
vous ne ferez pas fâchez que je
vous faffe reffouvenir d'un accident
fort remarquable
, que raporte
cet Autheur. Il dit qu'apres
qu'on eut levé le fiege de Louvain
, l'Armée cft : nt allée pour
fe rafraîchir vers Ruremonde , it
s'y éleva une fi furicufe tempefte,
avec de fi grands tourbillons, que
comme ce Païs eft extrémement
fablonneux , on n'y refpira pendant
plufieurs jours que du fable
au lieu d'air. Cinq ou fix mille
du Mercure Galant.
S$
Hommes en furent étouffez fubi.
tement , ou moururent -en trespeu
de temps , par I.s maladies
que leur caufoit cette grande corruption.
Non feulement l'air
qu'on refpiroit par le nez , mais
celuy qu'on avaloit avec les viandes
, qui en eftoient toûjours fort.
affaifonnées , formoit une espece
de contagion , qui gâtoit les par
-ties de ceux qui en eftoient attaquez
, il falut que l'air natal chaffât
cet air malin , & redonnât aux
Troupes la fanté qu'il leur avoit
fi étrangement alterée.
Le changement d'air fait de
grands effets , reprit le Docteur,
mais s'il a fes avantages , il a auffi
fes incommoditez . A moins
que
la maladie qu'on a contractée , ne
vienne principalement de l'air où
E iiij
56 Extraordinaire
l'on eft , le changement n'y fait
rien de bien , & fouvent du mal ,
lors qu'il eft une qualité oppoſée
ouà la maladie ou au tépérament
du Malade. Mais il eft admirable
que l'air , qui vivifie toutes les
Créatures , les empoifonne , ou
par fa qualité naturelle , ou par la
malice des Hommes , qui ont
trouvé l'invention de le corrompre,
auffi -bien que les autres Elemens.
Mais enfin , il eft toûjours
bon d'éviter le méchant air , puis
qu'on en attire beaucoup plus
qu'on n'en pouffe , & que prefque
tout l'air qu'on refpire , paffe
&fe convertit en nourriture . L'air
de la Campagne eft auffi plus
pur & plus fain que celuy des Villes
, car outre toutes les vapeurs
des ordures & des immondices,
du Mercure Galant .
59م و
I
5
les Morts qu'on y enterre , y rendent
l'air gras , épais & corrompu
; ce qui caufe de grandes & de
fâcheufes maladies ' , qui fait les
perfonnes languiflantes & de pâle
couleur . Platon qui en connoiffoit
les accidens , veut par fes
Loix que les Cimetieres feient
fituez en forte que les Vivans ne
puiffent eftre incommodez du
mauvais air des Morts . Les Grecs
& les Egyptiens eftoient fort délicats
en cela , ayant des Ifles
éloignées & defertes , où ils faifoient
porter les corps des défunts
. Pour moy , dit le Marquis ,
j'aurois voulu fur tout demeurer
dans l'ifle de Delos , où il eftoit
défendu d'accoucher, & d'enterrer
les Morts . Ce lieu eftoit fans
doute bien agreable & bien fain,
58
Extraordinaire
car l'un ne contribue pas moins
que l'autre à l'infection de l'air.
Vous avez raifon , dit le Docteur,
& ceux deDelos obfervérét cette
loy depuis une furieufe pefte dont
ils furent affligez , qui ne procédoit
que de la puanteur des tombeaux
Les Romains défendoient
de brûler les morts dansla ville , &
Augufte ordonna que ce fût pour
le moins deux milles loin des mu
railles . On remarque meſme dans
l'antiquité , qu'il n'y a eu que les
Tarentins qui ayent enterré les
Morts dans leur Ville , apres que
l'Oracle leur ayant promis beaucoup
d'heureux fuccés , s'ils de.
meuroient avec le plus grand
nombre , ils crûrent que cela devoit
s'entendre des Morts. Mais
la Religion Chrétienne , qui prêdu
Mercure Galant. 59
che la mort & les fouffrances , n'a
pas eu ces égards pour les Fidel .
les ; à joindre que les Prieres pour
les Morts , & la venération pour
leurs Reliques , ont authorifé
cette coutume. Les Corps des
Saints ne fçauroient eftre trop
e prés de nous ; & les autres , dont
les Ames ont besoin de nos fe.
cours fpirituels , feroient peuteftre
negligez , fi les tombeaux
ne nous faifoient reſſouvenir de
leurs neceffitez . Et de plus , dit
le Préfident , les Corps Saints
font tous de bonne odeur , & ils
exhalent quelquefois une douce
vapeur , qui furpaffe les parfums
les plus exquis . Ileft vray , dit le
Chevalier, plufieurs Autheurs en
ont raporté témoignage ; mais
le nombre de ces Corps eft petit,
60 Extraordinaire
& pour un Saint combien de....
Tout beau , dit le Docteur , retirons-
nous de là , cet air nous
feroit contraire , prenons - le autre
part. Vous avez raiſon , dit
l'Abbé , je n'aime pas volontiers
à m'entretenir de Religion , dans
des converfations un peu familieres
, & auffi libres que le font les
nôtres.
Le grand air eft perilleux pour
les convalefcens qui fortent d'un
petit air , ou d'un air renfermé ;
ce n'eft pas qu'un air trop tranquille
eft auffi mal fain , parce
qu'il peut plus aisément fe charger
& s'alterer , que celuy qui eft
agité. C'est pourquoy on dit
l'air pour eftre bon , doit eftre
tantôt mû par le Zéphir qui le
rafraîchit , & tantôt comprimé
que
du Mercure Galant.
par l'Aquilon , qui le purge . L'air
de la Mer guérit de plufieurs maladies
, mais il en donne plufieurs
autres à ceux mefme qui y font
naturalifez ; & on affure que cet
air eft fi corrofif, que les Oiſeaux
qui fréquentent la Mer , ont le
plumage prefque tout rouge.
Mais l'air temperé & purifié d'une
certaine maniere , conferve la
fanté , & la redonne à ceux qui
l'ont perdue. Il prolonge la vie,
& fert mefme de nouriture à quel.
ques Oifeaux ,dit le Préfident . Les
Aftchomes qui font une espéce
d'Hommes , qui n'ont point de
bouche , fe nourriffent de bonnes
odeurs , comme ils meurent s'ils
en fentent de mauvaiſes . Le Caméleon
& les Pluviers vivent
d'air , & il ne faut pas s'en éton62
Extraordinaire
ner , puis que la vie ne confifte
qu'en ces deux qualité de l'air,
qui font le chaud & l'humide.
Si le feu nourrit la Salamandre,
pourquoy l'air qui a des qualitez
bien plus nutritives , ne peut - il
pas nourrir des Oifeaux , à moins
qu'on ne veüille dégraiffer l'air,
& en féparer la rofee , qui n'eft
pas moins une fubftance de cet
Elément , que des vapeurs de la
terre. Ce que vous venez de dire
eft bien imaginé , repartit le Doc
teur ; mais puifque les Pluviers &
les oifeaux deParadis vivent d'air ,
c'est encore une des crédulitez de
Pline . L'air eft bien l'élément des
Oiſeaux, & le lieu qu'ils habitent,
mais il ne peut pas nourir un corps
folide d'une viande fi creufe .
Si on ne trouve point d'alimens
du Mercure Galant
C
E groffiers dans l'eftomac de ces
Qifeaux , c'eft qu'ils la digérent
promptement , qu'ils mangent
peu , & des chofes fort delicates.
Le Caméleon vit de vermine;
mais comme il aime extraordinai.
rement le grand jour , & qu'il devore
le bel air , comme l'on dit,
cela fait croire qu'il vit par la ver
tu de cet Elément . Mais vous fçavez
, reprit le Préfident , combien
l'air que les Enfans foufflent,
& les Perfonnes qui font bien
compofées , eft doux & falubre.
Il en fort un fi grand nombre d'ef
prits , qu'ils communiquent
une
nouvelle
e à ceux qui le refpirent
; & c'est la raifon pourquoy
on a dit que ceux qui enfeignent,
& qui paffent leur vie avec la Jeunede,
vivent plus long- temps que
64
Extraordinaire
les autres , & ont la couleur beaucoup
meilleure. Il en eft au contraire
de ceux qui fréquentent
des Perfonnes mal faines , & qui
ont les parties gâtées, parce qu'el
les communiquent leurs indifpofirions
& leurs maladies. On ne
trouva point de meilleur expédient
pour éloigner le Cardinal
Pancirole d'aupres le Pape Innocent
X. qu'en gagnant fon Medecin
, qui affura fa Sainteté que
ce Cardinal eftoit pulmonique,
& que fon haleine eftoit dange .
reufe & nuifible à fa fanté , par les
fréquens entretiens qu'ils avoient
enfemble .
Le Loup a l'haleine fi mauvaife
, qu'on a raifon d'appeller cet
animal un cloaque animé , mais
la malignité de fon haleine eſt ſi
du Mercure Galant.
65
1
fubtile & fi penétrante , qu'il n'y
a point de chair qu'elle ne corrompe.
Cette Fille dont parle
Galien, qui vivoit de napel , avoit
P'haleine bien pernicieufe , interrompit
le Chevalier , puis qu'elle
faifoit mourir ceux qui l'apro .
choient. Cette autre que cite Albert
le Grand , qui vivoit d'Aragnées
, ne l'avoit pas meilleure,
dit le Marquis ; mais que dirons.
nous de ces haleines excellentes,
dont l'air eft fi doux & agréable ,
continua- t-il? Je me fouviens toûjours
de cette délicate expreffion
du Comte de Buffy parlant d'une
Belle, L'air qu'elle fouffle eft plus
pur que celui qu'elle refpire . Quel
avantage , quel charme pour moy
qui n'aime rien tất, qu'on ne ſente
rien!Mais comme il y en a qui ont
Q. d Octobre 1683.
F
66 Extraordinaire
la fueur parfumée , pour ainfi dire,
' il y en a auffi qui ont la refpiration
admirable , & qui reſſem.
blent aux Abeilles , tout ce qu'el
les mangent & qu'elles prennent
fe convertit en miel , & enfucre,
Mixtura quadam & proprietate fpiritus
fui, & quafi conditura fui.
Elles forment de l'ambrofie &
du nectar dans leurs entrailles , &
de là vient la bonté & la douceur
de leur baleine . Tel eftoit Alexandre
le Grand , dit le Préfident
; mais comme il y a peu de
Perfonnes de cette nature, & qui
ayent toutes les qualitez du tempérament
adpondus , comme parlent
les Medecins , il n'y a point
de choſes au monde où l'on puiffe
s'apliquer plus utilement dans un
Etat , qu'à empêcher la corrup
du Mercure Galant. 67
tion de l'air , ſoit qu'elle vienne
par la méchante haleine des Malades
, par l'infection des immondices
& des ordures qu'on laiffe
amaſſer dans les Villes , ou par
l'inclémence des faifons . On a
donc eu raiſon autrefois de féparer
les Ladres d'avec les autres,
& encore aujourd'huy d'interdire
l'entrée des Villes à ceux qui
viennent des Lieux foupçonnez.
de la pefte , ou de quelque autre
maladie contagieufe , comme la
petite vérole , & tant d'autres
maladies qui fe communiquent
par la corruption de l'air.
Comme le Préfident fait bâtir
à la Campagne , il n'oublia pas à
demander plufieurs avispour rendre
une Maiſon auffi faine qu'agreable
, & là - deffus le Docteur
Fij
68 Extraordinaire
auquel la Compagnie avoit toû
jours deferé , parla de la forte.
Ce n'eft pas d'aujourd'huy
qu'on a de la peine à bien s'habi
tuer. Les Anciens avoient diffé
rentes opinions fur ce fujet . Ils difoient
qu'il ne falloit point choifir
les lieux trop gras , trop bas
& trop humides , parce qu'ils
eftoient mal fains . Ils ajoûtoient
qu'on ne connoiffoit pas toujours
la bonté de l'air d'un Païs , par la
couleur & la bonne difpofition
des Habitans , parce qu'il y en a
qui fe portent bien dans l'air mê .
me de la pefte. Il y a encore des
lieux qui ne font fains qu'en de
certaines faifons de l'année, & qui
font dangereux dans d'autres.
Mais afin qu'un lieu foit jugé
fain, il faut pour le moins en avoir
du Mercure Galant.
79
J
Pexpérience une année entiere.
Les Maifons expofées au Midy,
dans les Païs chauds , font mal
faines , on y devient bilicux &
languiflans , & fujets à des fiévres
tres aigües . Dans les Païs froids,
lesMailons qui font tournées vers
le Septentrion , rendent ceux qui
les habitent fujets aux fluxions &
paralifies. Les Maifons qui regardant
l'Occident , dans les Païs
humides , caufent des foiblefles
d'eftomac & des ulcéres. Les
Maifons qui font placées du côté
de l'Orient , dans les Païs fecs,
rendent les jointures débiles , con
denfent les humeurs , &
> engendrent
de grandes obftructions.
Et où bâtirons.nous donc , s'écria
le Chevalier , puis que dans tous
les cantons du Monde il n'y a que
"
70
Extraordinaire
と
maladies , & pas un lieu qui foit
fain La terre ? eft donc inhabitable.
Non pas , M' le Chevalier,
reprit le Docteur , chaque Païs a
fon terroir , fes eaux , fes afpects
& fes vents , qui luy font ou nui
fibles ou falutaires , il ne faut que
les bien choisir , & alors il n'y a
point de lieu qui ne puiffe eftre
fain , au moins pour les naturels
du Païs , & il n'y a que les Voyageurs
, qui en puiffent recevoir
quelques incommoditez.
Pline qui a écrit fort au long
fur la maniere de bâtir les Maifons
de Campagne , pour les rendrefaines
& logeables , dit que fi le
Climat eft chaud , l'ouverture
doit regarder le Nort ; s'il eft
froid, elle doit regarder le Midy,
& s'il eft temperé, elle doit regar
du Mercure Galant. 71
[
1
der le Levant. Cela eft bon , interrompit
l'Abbé , mais je vou .
drois fçavoir s'il eft neceffaire
pour avoir le bon air , de percer
un Bâtiment par quantité de hau
tes & pleines croifées , comme on
fait aujourdhuy , ou de l'ouvrir
feulement par des feneftres médiocres
, comme on faifoit autrefois.
Ileft aifé de remarquer par
tous les vieux Châteeux , tant dehors
que das le Royaume, que nos
Peres n'aimoient pas le grand air
pour leursMaifons . Tous les vieux
Bâtimens font placez de biais, ou
accompagnez aux coſtez de tourelles,
qui couvrent les jours, afin
de rompre le vent , & de fendre
l'air , qu'ils croyoient nuifible à
la fanté , ſe perfuadant de vivre
plus long -temps , en fe tenans
$2
Extraordinaire
ainfi renfermez ; eftant bien contraires
aux Poiffons , qui aiment
à changer d'air , & qui montrent
fouvent la tefte au deffus de l'eau ,
& meurent fous la glace , fi on n'a
foin de la fendre en Hyver , afin
de leur conferver la vie. Mais
nos Peres difoient que les Maifons
cftoient faites pour fe mettre à
couvert des injures de l'air , &
non pas pour le recevoir par de
grandes ouvertures , que nous
avons inventées pour fatisfaire au
plaifir , & à la vanité . J'ay vû un
Homme plus vieux que fon fiecle
, qui durant les trois mois fâcheux
de l'Hyver ne fort point,
neveut ny voir ny fentir l'air , qu'il
refpire feulement par un petit
jour qui eft au.deffus de la porte
de fa Chambre , foutenant que le
trop
du Mercure Galant.
73
C
trop grand jour tüe. Elifabeth
Reyne d'Angleterre , en allant
voir le Chancelier Bacon , dans
un Château qu'il avoit nouvellement
fait bâtir , & percer de toutes
parts par de belles & grandes
croifées, elle luy demanda où l'on
s'y mettroit l'Hyver , voulant
luy marquer par là , que le trop
d'air n'eft pas toûjours bon ny
commode , & que les feneftres
médiocres font meilleures. Cela
dépend des Climats, & de la coutume
des Peuples , dit le Docteur.
En Angleterre toutes les fenêtres
font fort petites , mefme dans les
Maiſons de plaifance des Princes ,
auffi bien que des Particuliers ,
qui n'ont que des ouvertures
quarrées , fans corniches ; & à
Douvres , il n'y a que quelques
Q. d'Octobre 1683. G
-
74
Extraordinaire
il
vires pourtoutes fenêtres, qu'on
ouvre pour donner de l'air. Les
Maifons de Picardie font prefque
fans feneftres , ou du moins elles
font fipetites, que ces Maifons ne
reffemblent proprement qu'à des
lafnieres. Mais comme les Maifons
fermées & ombragées font
plus froides & plus mal faines,
parce que le Soleil n'y entre pas ,
& quel'air y eft plus humide ,
fait plus froid dans les Villes qu'à
la Campagne. Enfin , outre le
bon air qu'il faut obferver pour
rendre les Maiſons faines & bien
fituées , il ya encore le bel air, &
la maniere de bien bâtir , qui les
rend agreables & commodes ; &
c'eft de ce bel air, priscommemo.
de ou maniere , dont il nous refte
parler , mais je croy que ce que
du Mercure Galant. 75
nousen avons déja dit à l'entrée
de cette Converfation, doit fuffire
, renvoyant les Curieux au
beau Difcours que Mr le Chevalier
a fait de l'air du monde , &
de la veritable policeffe . Cela
s'appelle , interrompit le Chevalier
, renvoyer les Curieux au
Dialogue de la Bonne - Grace d'un de
nos vieux Poëtes. Pardonnezmoy
, Mr le Chevalier , reprit le
Docteur, nous fçavons la différence
qu'il y a entre l'illuftre Autheur
du Mercure Galant , &
Autheur des Apprehenfions Spirituelles.
Le premier n'expoſe rien
au Public , qui ne foit digne de
fon approbation , & de l'eſtine
qu'il s'eft acquife . On ne peut
rien auffi ajoûter à ce que vous
avez dit fur cette matiere , mais
Gij
·75 Extraordinaire
il me femble que c'eit affez battre
l'air, & fi M' l'Abbé le trouve
bon , nous irons prendre l'air de
cette foirée, qui eft fort agreable.
L'Abbé eftant dans le mefme
fentiment , toute la Compagnie
fe leva , & fortit pour aller à la
promenade .
Je croy auffi , Madame , qu'il
eft temps de finir , & de vous retirer
d'une fi longue lecture , pour
Jaquelle j'aurois mille excufes à
vous faire , fi je ne fçavois que
tout ce que je vous écris de cette
illuftre Compagnie, ne vous peut
eftre ennuyeux. C'eft donc avec
cette affurance , & en qualité de
leur fidelle Secretaire , que je
prens la qualité de vôtre , &c.
DE LA FEVRERIE.
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Résumé : CONVERSATION ACADEMIQUE, Dans laquelle il est traité des bonnes, & des mauvaises qualitez de l'Air. A Madame la Comtesse de C. R. C.
En 1680, une lettre adressée à Madame la Comtesse de C. R. C. relate une conversation académique impliquant un illustre abbé et plusieurs personnalités. La discussion porte sur les qualités et les défauts des individus en fonction de leur apparence et de leur 'air'. Des exemples historiques, comme Isabelle d'Espagne et le duc de Guise, illustrent comment l'apparence peut inspirer l'estime, la crainte ou le mépris. La conversation aborde également l'importance de la bonne mine et du port royal pour un souverain. Les participants débattent ensuite de la nature de l'air, considéré sous trois aspects : élément, température et manière. Ils explorent les propriétés de l'air, sa composition et ses interactions avec d'autres éléments. Le docteur présente diverses théories philosophiques sur l'air, incluant ses figures, sa couleur, son odeur et sa pesanteur. La discussion se termine par des réflexions sur la hauteur de l'air et les effets de son absence. Le texte distingue l'air élémentaire, pur et exempt de tout mélange, de l'air que nous respirons, composé de vapeurs et du mouvement des corps extérieurs. L'air est décrit comme un souffle vital, lié à l'âme et au mouvement du corps. Le vent est défini comme une agitation de l'air, avec des philosophes modernes le décrivant comme une agitation sensible de l'air. Les vents sont décrits comme ayant des qualités variées, pouvant être chauds, froids ou humides, et leur nature dépend des lieux et des saisons. L'air est comparé à un caméléon, capable de diverses impressions, et joue un rôle crucial dans la création et la formation des phénomènes naturels. Un voyageur partage son expérience sur le mont Ararat, où il a rencontré des nuages épais et froids. Le Chevalier exprime son amour pour le grand air, affirmant qu'il le rend plus gai et inspiré. Le Président compare le Chevalier à des arbres ou à des peuples adorant l'air, comme ceux de Siam. Le Chevalier précise qu'il apprécie l'air lorsqu'il lui fait du bien, mais ne souhaite pas des funérailles en l'air. Il préfère un air comme celui d'Égypte, qui inspire la sobriété et l'abstinence. Le texte mentionne également les ermites de l'ancienne Thébaïde, connus pour leur retraite en Égypte. Le Chevalier explique que les beaux lieux et les belles personnes lui inspirent un air doux et tendre, contrairement aux riches plaines qui lui provoquent une horreur subite. Il compare un beau jour à une continuation d'air purifié par le soleil, et une journée triste à un air corrompu causant des maladies. Le Docteur ajoute que chaque lieu a un air avec des propriétés spécifiques, influençant les qualités des habitants. Par exemple, l'air en Espagne teint naturellement la laine des brebis, et en Suède, il contribue à la longévité. Le Marquis cite Voiture, notant que l'air d'Afrique rend les gens audacieux et amoureux. Le Docteur conclut que l'air pénètre les poumons et altère les humeurs et les inclinations, influençant ainsi les esprits des personnes selon la pureté ou la corruption de l'air. Les interlocuteurs évoquent les prières pour les morts et la vénération des reliques dans la religion chrétienne, soulignant que les corps des saints sont considérés comme bénéfiques et exhalant une douce vapeur. Ils abordent les qualités de l'air, notant que l'air pur et tempéré conserve la santé et prolonge la vie, tandis que l'air corrompu peut transmettre des maladies. Le texte mentionne également des animaux comme les caméléons et les pluviers, qui se nourrissent d'air, et discute des effets de l'haleine des personnes sur leur environnement. Les interlocuteurs débattent des meilleures pratiques pour construire des maisons saines, en tenant compte de l'exposition aux vents et des saisons. Ils concluent que chaque région a ses particularités climatiques et que les maisons doivent être adaptées en conséquence pour assurer la santé des habitants. Le texte se termine par une promenade de la compagnie, appréciant l'air agréable de la soirée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 356-357
AUTRE ENIGME.
Début :
Je tire ma vertu de Climats diférens, [...]
Mots clefs :
Médecine
8
p. 242-282
Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir satisfait vostre curiosité dans une de mes Lettres, [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Roi de France, Envoyés, Monarque, Présents, Prince, Vaisseau, Bâtiment, Londres, Royaume, Majesté, Remèdes, Argent, Sujets, Missionnaires, Nations, Europe, Gloire, Banten, Amitié, Angleterre, Voyage, États, Religion, Hommes, Peuples, Siam
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texteReconnaissance textuelle : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Aprés avoir satisfait vostre
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
curiosité dans une de mes
Lettres, touchant la Religion
& les Coûtumes des
Habitans du Royaume de
Siam
,
& vous avoir parlé
dans la suivante de l'Audience
donnée par Mrle Marquis
de Seignelay aux Envoyez
du Prince qui le gouverne,
je dois vous apprendre tout
ce qui s'est passé à l'égard de
ces mesmes Envoyez, depuis
qu'ils sont à Paris. Mais
avant que d'entrerdans ce
détail
,
j'en ay un autre fort
curieux à vous faire, qui
vous plaira d'autant plus,
qu'il vous fera connoistre
de quelle maniéré a pris
naissance la hauteestime
que le Roy de Siam a
conceuë pour Sa Majesté.
Les Millionnaires qui n'ont
que le seul Salut des Ames
pour but dans toutes les peines
qu'ils se donnent, s'étant
établisàSiam,ilsygagnerent
en peu de temps
l'affection de tous les Peuples.
L'employ de ces Ames
toutes charitables
,
n'étoit,
& n'est encore aujourd'huy,
que de faire du bien.
Comme en partant de France
ils s'estoient munis de
quantité de Remedes, &
qu'ils avoient avec eux Medecins,
Chirurgiens & Apoticaires
,ils soulageoient les
Malades, jusque-là mesmes
qu'ils avoient des Hommes
qui avec des Paniers pleins
de ces Remedes
,
alloient
dans toutes les Ruës de
Siam
,
criant que tous ceux
qui avoient quelques maux,
de quelque nature qu'ilspus-
fent estre
,
n'avoient qu'à les
faire entrer chez eux, &:
qu'ilslessoulageroient sans
prendre d'argent.En effet,
bienloind'en exiger des Mab
lades,ils en donnoient fort
souventà ceux qui leur paroissoient
en avoir besoin, &
tâchoient de les consoler
dans leurs misères. Des
maniérés siobligeantes,&si
desintéresséesgarnerens
bien-tostl'esprit des Peuples,
& servirent beaucoup à l'accroissement
de la Religion
Catholique.Le Roy deSiam
en ayant elleinftruit,8c ne
pouvant qu'àpeine lecroire
, voulut sçavoir à fonds
quiestoientceux dont ses
Sujets recevoient de si
grandssoulagemens.Ce Mo*
nàaarqrugeu. eaaccoommmmeennccee aa rree..¡-"
gner dés l'âge de huit ans,&
en a presèntementenviron
cinquante. C'estun Prince
qui voit, & quientend tout,
& quiexamine long-temps,
&meurementles choses,
avant quede porterson jugementcomme
vous le
connoirtre z par la fuice de
cet Article. Il ditauxMisfionnaires,
Qu'ilestoitsurprisde
voir quede tant de Gens de déférentes."
Nations qu'il 'PO)'oÍt
dans ses Etats, ils estoientles
seuls qui ne cherchaient point à
trafiquer. Il leur demanda 0
ils prenaient l'argent qu'ilfalloit
qu'ils dépensassent pour leursubsistance
, & pour leurs remedes.
Ils luy répondirent que cet
argent leur venoit des Missions
de France, & des charitez
que plusieurs Particuliers
faisoient pour leur estre
envoyées. Ce Monarque fut
extrêmement surpris de voir
que des Peuples éloignez de
six milleliües,contribuoient
par leurs largesses au soulagement
de ses Sujets, & que
ceux du plusgrãdMonarque
de l'Europe, venoiét de si loin
par un pur motifde pietié, ôc
qu'au lieu que les Peuples
des autres Nations, se donnoient
de la peine pour gagner
par leur trafic, les Fran- tio çois en prenoient pour dépenser,
dans le seul dessein
de travailler à la gloire du
<D Dieu qu'ils adoroient Aprés
cesréflexions,il voulue faire
ouvrir ses Tresors aux Missionnaires
,
mais ils n'accepterent
rien, ce qui tourna
tout à fait à l'avantage de la
Religion, & fut cause que
ce Roy leur fit, bâtir des Eglises,&
qu'après leur avoir.
demandé des desseins) U
voulut qu'ils en donnassent
d'autres, n'ayant pas trouvé
les premiers assez beaux.Il
avoit en ce temps-làunPremier
Ministre qui n'aimoit
pas les Millionnaires mais j
comme ç'eust este mal faire
sa Cour, que de montrer de j
l'aversion pour ceux que son
Í
Maistre honoroitde son estime,
cet adroit Politique leur.
faisoitfort bon accueil, quoy «
qu'il rechcrchast fous main,
toutes les occasions de leur
nuire. Il apprehendoit que
-
quand les Françoisparle- rf
roient parfaitement la Lan-
gue des Siamois,ils ne gouvernaient
l'esprit du Roy
,
ôc
que leur credit ne fist peu à
peu diminuer son autorité.
Ce Ministre n'estoit pas seulement
ambitieux
,
mais il
estoit fort zelé; pour la Religion
du Pays. Ainsiil est aisé
de juger qu'il avoitplus d'une
raison de haïr les Millionnaires.,
Il estmort depuis deux
aîiSjôc si celuy qui luy a succedén'a
pas hérité de ses mesmes
sentimens à l'égard des
François, on ne laisse pas de
connoistre qu'il a des raisons
politiquesquil'obligent à les
*
craindre. Cependant les bontez
du Roy pour les Missionnaires,&
lesEglises&le Seminaire
qu'illeur a fait bâtir,
ont tellement contribué à
l'augmentation de la FoyCatholique,
qu'on a parlé dans;
ce Séminaire,jusques à vingt
trois sortes de Langues dans
un mesme temps, c'est à dire
qu'il y avoit des Personnes
converties d'autat de Nations
disérentes, car il n'y a point
de lieu dans tout l'Orient.,
où il vienne un si grand nombre
d'Etrangers, qu'à Siam.
La Compagnie des Indes 0-
ientalcs voyant les grands
progrés que les Missionnaires
saisoient dans ce Royaume
,
résolu d'y établir un
Comptoir
,
sans le proposer
d'autre avantage de cét établissement,
que celuy de les
assister,& comme on fit
connoitre à nostrepieux
Monarque les bontez du
Roy deSiampourlesSujets,
& que la protectionqu'il
leur donnoit
,
estoit cause
qu'ils faisoienttous les jours
beaucoup deConversions,Sa
Majesté qui n'a point de plus
grand plaisir que de travailler
au salut des ames,voulut.
bien luy en écrire une Lettro
de remerciement; dont M
Deslandes
-
Bourreau, qu
partit dans un Navire de la
Compagnie pour l'établisse.
ment du Comptoir, fut chargé
pour la remettre entre
les mains de Mr l'Evesque
de Beryte
,
VicaireApostolique
de la Cochinchine
qui estoit pour lors à Siam
L'arrivée de cette Lettre fini
du bruit, & le Roy apprit
avec joye que le Grand Roj{
luy écrivoit. C'est le non
qu'il donc au Roy de France
,iu il 0
Cependant cette Lettre demeura
plus de deux mois entre
les mains deMrl'Evesque
deBéryte, sans estre renduë
fau Roy de Siam, & il y eut
de grandes contestations sur
la maniere de la présenter.
Le Premier Ministre vouloit
-que Mr de Béryte parust devant
ce Monarque les pieds
nus,personne ne se mon- trant chauffé devant luy
,
si
¡ ce n'est dans les Ambassades
solemnelles; ce que Mr de
Béryte ayant refusé de faire,
iel garda la Lettre. Le Roy Siam surpris de ce qu'on
diséroit si longtemps à la luy
rendre, en demanda la raiion.
Il l'apprit, & dit, que les
François pouvoientparoistre devant
luy de telle maniere qu'ils
voudraient. Ainsi une simple
Lettre du Roy portée par des
Gens qui n'estoient ny Ambassadeurs,
ny mesme Envoyez,
fut renduë comme
elle lauroit esté dans laplus.
celebre Ambassade. Cette j
Lettrefit augmenter l'estime
que le Roy de Siam avoit
déjà conçûë pour le Roy de:
France, & il résolut de iuvT
envoyer des Ambassadeurs;
avec des Présens tirez de
tour ce qu'onpourroit trouver
de plus riche dans ion
Trésor. J'ay oublié de vous
dire que ce Monarque avoit
ordonné à tous les Européans
de luy donner de
temps en temps des Relations
de tout ce qui se passoit
dans les- Lieuxdépendans
de l'obeïssance de leurs
Souverains,ou de leurs Supérieurs.
Ces Relations estant
faites par divers Particuliers,
chacan tâchoit d'obscurcir
la gloire du Roy de France,
en envelopant la vérité. Le
Roy de Siam n'en témoignoit
rien, & par une prudencemerveilleuse
, lisant
tout, & examinant les choses
, il estoit des années sans
se déclarer là- dessus. Ilvouloit
voir si ce qu'on luy donnoitainsi
de temps en temps
avoit des fuites, & si l'on ne
se contredisoit point. Enfin
il dévelopa les mauvaises intentions
de plusieurs, & connut
que les seuls Missionnaires
luy disoient vray, parce
que les nouvelles qu'ils luy
donnoient d'une année, ê.
toient confirmées par celles
,r ,1"- 1\, J
de l'autre. Leschosesétoienten
cetétat, lors qu'on demanda
au, Roy de Siam la
permissionde tirer duCanon,
& de faire des Feux de joye
pour Mastric repris par le
Prince d'Orange,& pour ladéfaite
de tousles François.
Ce prudent Monarque envoya
chercher les Missionnaires,
&leur demanda quellesnouvelles
ils avoientde Fran,
ce, duSiegedeMastric. On
luy dit qu'onavoirappris par -
une Lettre qui -,. venoit de
Perse, que Mrde Schomberg
avoit forcéle Prince- d'©—
range à lever le Siege; mais
-
que comme cette nouvelle avoit
esté mandée en quatre li- -
gnes feulementau bas d'une
Lettre,il n'avoitpas crûdevoir
la publier avant qu'elle
:
eust esté confirmée. Le Roy
répondit, que c'estoit assez; qu'il
;
estoitseûr de l'avantage que les
Françoisavoientremperté; mais i
que loin d'en vouloirrien temoigner,
sondessein estoitde permeta,
tre les Feuxde joye qu'on luy
avoit demandez.Il avoit sons
but, que vousallez voir. 'ci"
Quelque temps après,
la
nouvelle de la levée du Siege :1
de Mastric ayant esté confirméed'une
maniersqui empeschoit
d'en douter, le Roy
voulut mortifier ceux qui
s'estoient si bien réjoüis., &
leur dit, qu'ils'étonnoit qu'ils
n'eussent pas fait plus souvent
des Feux de jC!JeJ puis que les
derniers qu'ils avoientfaits marquoient,
que leur coûtume efloit
de se réjoüirapres leur défaite;
au lieu que les autres Nations
ne donnoientdepareilles marques
d'allégresse,qu'après leurs viSloL
res. Un pareil discours les
couvrit de confusion, & les
obligead'avoüer qu'ils avoient
reçeu de fausses nouvelles.
Toutes ces choses, ôii
beaucoup d'autres qu'on si~
pour oblcurcir la répatation
&lagloire des armes du Roy,
de France, & dont le temps
decouvrit la vérité, mirent ce~
grandPrince dans une si hau-~
te estime aupres du Roy de:
Siam
,
qu'il fit paroistre une
extrême impatience de luy,
envoyer des Ambassadeurs.
Il vouloit mesme luy envoyer
quelques-uns de ses Vaisseaux,
maison luy fit cOIT--
noistre le risque qu'il y avoit
à craindre pour eux dans riollgi
Mers. Enfin le Vaisseau
nomme le Vautour, a ppartenant
à la CompagnieRoyale
de France,estant arrivé à
Siam, fut choisy pour porter
jusques à Bantam les Ambassadeursque
cepuissantPrince
vouloit envoyer en France.
Il nomma en 1680. pour Chef
de cette Ambassade l'Homme
le plus intelligent de son
Royaume, & qui en cette
qualité avoit esté à la Chine
& au Japon. Il choisit aussi
pour l'accompagner, vingtcinq
Hommes des plus considérables
de ses Etats, avec
de riches Présens pour le
Roy, la Reyne, Monseigneur
le Dauphin, Madame la DauphineMonsieur,&
Madame.
Le Public n'eue aucune connoissance
de laqualité de ces
Présens, parce que c'est une
incivilité inexcusable chez;
les Orientaux de les faire voir:
à qui que ce soit, celuy à quii
on les envoye devant les voir
le premier.On embarquacesa
Présèns trois semaines avant
le depart du Vaisseau qui devoit
les porter; & les Lettresa
que le Roy de Siam écrivoit
au Roy de France, furent enfermées
ferméesdans un Bambu, ou
petit Coffre d'or. Ce Bambu
fut mis au haut de la Poupe,
avec des Flambeaux qui 1eclairerent
toutes les nuits
pendant ces trois semaines;
&. tant que ce Navire demeura
à l'ancre avant [OR
depart, tous les Vaisseaux
quipasserent furentobligez
de plier leurs Voiles, & de
salüer ces Lettres; & les Rameurs
des Galeres, de ramer
debout, & inclinez. Comme
le Papeavoit aussi écrit au
Roy de Siam pour le remercier
de la protection qu'il
donnoit aux Catholiques,&
de la libertédecosciencequ'il
laissoit dans ses Etats,ce Monarque
luy faisoit réponse par
le mesmeVaisseau, & avoic
mis les Lettres qu'il écrivvooiitt
àà Sa SSaaiinntetetétéd, adnanss
un Bambu de Calamba. C'est
un Bois que les Siamois estiment
autant. que l'or
; mais l
le Roy deSiam avoit dit qu'il
le choisissoit
, parce qu'il
faloit de la simplicité dans
toutce qui regardoit les Personnes
quise meslent
dela
Religion. Apres ces éclatantesCérémonies,
& si glorieuses
pour nostre Monarque
,l'Ambassadeur s'et-iï
barquaavec une suite nombreuse,
~&?>int jusques à
Bantan,oùilquita le Vaisseau
qui l'avoit amené,& lemit;
dans le Navire nommé
l- e Soleild'Orienta,appppaarrtetennaann'tt
à la mesme Compagnie des,
Indes, & portant pour son
compte pour plus d'un million
d'Effets
;
de sorte que
cela joint aux Présens que
le Roy de Siam envoyoit en
France,faisoit une tres-riche
charge.Le Vaisseau eftoic
d'ailleurs fort beau, & l'on
peut compter sa pertepour
une perte fort considérable..
Vous lasçavez Se je vous;
en ay souvent parlé. Ce n'est
pas qu'on en ait de nouvelles
assurées; mais depuis quatre
ans qu'il est sorty de Bantan,
il a esté impossible d'enr
rien découvrir, quelques perquisitions
qu'onen ait faites.
Quand cette nouvelle sut
portée à Siam, elle fut longtemps
ignorée du Roy, personne
n'osant luy apprendre
une chose dont on sçavoit
qu'ilauroit untres-sensibles
chagrin,non seulementparco
qu'il voyoit reculer par là
ce qu'iltémoignoit souhaiter
leplus,quiestoit de faire
demander l'amitié du Roy
de France, & qu'ilperdoit
de riches Présens, & des
Hommes d'un grand mérite
; mais encore parce qu'il
avoir fait tirer des choses trcscurieuses
de son Trésor
,
où
il n'en trouveroit plus de semblablcs
pour envoyer une seconde
fois. Tout cela frapa
ce, Prince; mais comme il
sçait prendre beaucoup d'empire
sur luy ,ilrépondit de
fangfroid à ceux qui luy
apprirent cette nouvvcllc><
qu'il faloit envoyer d'autresi
Ambassadeurs,&donna ot--
dre qu'on luypréparast de:
nouveaux Présens. Les choses
demeurèrent quelque
qu'iln'y avoit point de Vaisseau
qui vinst enEurepe,pour
porter. Le desirquele
Roy de Siam avoir d'envoyer •
de les Sujets en France, etoit:
si grand, qu'il résolut d'en,
faire partir sur un petit Bâtiment
Anglais, du port de
quatrevingt tonneaux, nommé
Bâtiment ~inteï!oof. Ces
Bâtimens ne sont point de
la Compagnie d'Angleterre,
& la plupart appartiennent à
des Bourgeois de Londres,,
qui croyent qu'il, leur est
permis de les charger pour
leur compte particulier. Le
peu d'étendüe de ce Batiment
ne fut pas seulement
cause que le Roy de Siam ne
fit partir que des Envoyez,
maislesremontrances de
son premier Ministre y contribuérent
beaucou p. Il luy
représenta qu'on n'avoit pas
encore de nouvelles certaines
de la perte du Vaisseau
iur lequel son Ambassadeur
estoit party de Bantan
, &
que ce seroit une chose embarassante,
si le dernier rencontroit
le premier enFrance.
Ainsi il sur resolu de ne faire
partir que desEnvoyez, qui.
ne seroient chargez que de
trois choses
;
la premiere, de
s'informer de ce qu'estait
devenu le premier Ambassadeur.
la secondé, de prier Mrs
Colbert, de faire connoistre
au Roy deSiamleur Maistre
les moyens les plus courts, &ç
les plus solidespourunir les
deux Couronnes d'une amitié
inviolable; &enfin,pour fe-*
liciter nostre Monarque sur
l'heureuse naissance de Monseigneur
le Duc de Bourgogne.
Le Roy de Siam voulut
que ces deux Envoyez fussent
choisisparmy les Officiers
de sa Maison, & qu'ils fussent
du nombre de ceux qui
ne payent point de Taille;
car il y a de laNoblesse dans
le Royaume de Siam, comme
en Europe, & cette Noblesse
est exempte de certains
Droits qu'on y paye au
Roy. Ce Prince voulut aussi
que les deux Envoyez qu'il
choisiroit, n'eussent point
esté châtiez, parce que le
Roy les fait tous punir pour
la moindrefaute qu'ils commettent
, ce qui n'est pas un
obstacle pour les empescher
de rentrer au service comme
auparavant. Ces deux Envoyez
ayantesté nommez
par le Roy, & ce Prince prenant
grande confiance aux
Millionnaires qui sont dans
ses Etats,ilpria Mrl'Evesque
de Metellopolis, de joindre
à ces deuxOfficiers un
Missionnaire, pour les accompagner
dans ce Voyage;
1
& comme il faloit un Homme
intelligent, actif, & propre
à souffrir les fatigues d'un
si long Voyage ,M de Metellopolis
choisitMrVachet,
ancien Millionnaire de la Cochinchine
, & cui depuis
- quatorze ans travaille au salut
desAmes en cesPaïs-là.
Le Roy de Siam ayant sçû
qu'il avoit esténommé,demanda
à l'entretenir, & le
retint huit jours à Lavau,
MaisondeCampagne où il
va souvent. Il lefit traiter
pendant ces huit jours, &
on luy servit à chaque Repas
quarante ou cinquante
Plats, chargez de tout ce
qu'il y avoit de plus exquis
dans le Païs. Mr Vachet eut
une fort longue audiencede
ce Prince, qui luy recommanda
d'avoir foin de ses
Envoyez, & de raporter en
France la verité de ce qu'il
voyoit de sa Cour, & de ses
Etats, sans exiger de luyaucune
autre chosesur cet Article.
Ensuite il luy fitune
prière, qui marque l'esprit
de ce Monarque, &: avec
combien de gloire il soûtient
sa. dignité. Illuy dit, Que
ittmrmses Envoyéz emportoient
des Présens pour les Ministres
de France, &qu'ils partoient
dans un BâtimentAnglais,ils
iroientdroit à Londres
, onapparemment
la Doüanne voudroit
voir ce que contenoient les Balots,
&se fairepayerses droits;
&c'estoit ce que ce Monarque
appréhendoit, non seulement
parce qu'il croyoit
qu'illuy estoit honteux que
ce qui luy appartenoit payast
quelques droits, mais encore
parce qu'il vouloit que
ceux à qui il envoyoit des
Présens, les vissent les premiers.
Pour remédier àcet
embarras, il chargea MrVachet
de prier de sa part l'A mbassadeur
de France ,qu'il
trouveroit à Londres, defaire
en sorteque ce qu'il envoyoic
aux Ministres de Sa Majesté,
ne payast point de Doüanne
en Angleterre,ce quifut ponctuellement
exécuté, Sa Majesté
Britannique ayant obligeamment
donnésesordres
pour empescher qu'on
; ne
prist rien à ses Doüannes des
Balots de ces Envoyez. Le
Roy de Siam dit, encore a"
MrVachet,lors queceMisfionnaire
le quita, Qu'ilprioit
le Dieu du Ciel de luy fairefaire
bon Voyage,& qu'illuyapprendroit
des choses à son retour,
dont il feroit surpris & ravy.
Il luy fit ensuite donner un
Habit longdeSatin;&c'est
celuy que ce Missionnaire a
porté dans les Audiences que
ces Envoyez onteües. Iln'y
a point de ressorts, que les
Nations établies à Siam, &
qui ne sçauroient cacher le
chagrin & la jalousie que
leur donne la grandeur du
Roy, n'ayent fait joüer,
pourempescher ces Envoyez
devenir en France. Commes
ilsfontchargez d'achetericy
beaucoup dechoses, ces Jaloux
ont offert au Roy des
Siam, de luy porter jusqu'en
son Royaume tout ce qu'il
pouvoit desirer d'Europe, ôcz
mesme de luyen faire présent;
mais vous jugez biem
que ce Monarque, du caractere
dont je vous l'ay peint,
n'étoit pas assezintéresse pour
accepter de telles propositions.
Aussi les a-t'il rejettées
y
tout ce qu'il cherches
n'estant que l'amitié du Roy
dont il se faitune gloire, uni
bonheur, & un plaisir. Ces
Envoyez partirent de Londres
,
dans un Bâtiment du
Roy d'Angleterre nommé
laCharlote, que ce Prince
leur donna pour passer à Calais,
oùje les laisse afin de
vous donnerlemois prochain
un Journal qui ne regardequela
France,&que
je commenceray par leur débarquement
à Calais. J'ay
sceu tout ce que je vous mande
,
de si bonne part,que je
-puis vous assurer que je ne
dis rien qui ne soit entierement
conforme à la verité;
Ii.
& si cette Relation a quelquechosededéfectueux
, ce
ne peut estre que pourquelques
endroits transposez,
dont jen'aypas assezbienretenu
l'ordre.
Fermer
Résumé : Suite de l'Article de Siam, [titre d'après la table]
Le texte décrit les interactions entre les missionnaires français, appelés Millionnaires, et le roi de Siam. Ces missionnaires, établis au Siam, ont gagné la faveur des habitants en distribuant des remèdes et en soignant les malades sans demander de paiement, ce qui a favorisé l'expansion de la religion catholique dans le royaume. Le roi de Siam, intrigué par ces missionnaires, a découvert qu'ils étaient financés par des missions en France et des donations de particuliers. Impressionné par cette générosité, il a développé une haute estime pour le roi de France. Cependant, la perte d'un vaisseau chargé de présents pour le roi de France a contrarié le roi de Siam. Malgré cet incident, il a décidé d'envoyer de nouveaux envoyés à Paris à bord d'un petit bâtiment anglais. Ces envoyés, choisis parmi les officiers de la maison royale et exempts de certaines taxes, avaient pour missions de s'informer du sort du premier ambassadeur, de solliciter des moyens pour renforcer l'amitié entre les deux couronnes, et de féliciter le roi de France pour la naissance du Duc de Bourgogne. Le roi de Siam a également demandé à un missionnaire, M. Vachet, de les accompagner et de rapporter fidèlement ses observations sur la cour et les États français. Pour éviter que les présents destinés aux ministres français ne soient taxés en Angleterre, le roi de Siam a pris des mesures appropriées et a fourni à M. Vachet un habit de satin pour les audiences. Malgré les tentatives de sabotage par des nations jalouses, les envoyés ont finalement quitté Londres à bord d'un vaisseau anglais pour se rendre à Calais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 76-77
Place de Monsieur Collot remplie par Monsieur Tolet, [titre d'après la table]
Début :
Au commencement de ce mois, Monsieur Daquin, Premier Medecin, presenta [...]
Mots clefs :
Médecin, Maitre Chirurgien, Hôpital, Chirurgien du roi, Accession à des charges, Antoine d'Aquin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Place de Monsieur Collot remplie par Monsieur Tolet, [titre d'après la table]
Au commencement de ce
mois , Monfieur Daquin , Premier
Medecin , prefenta à fa мajefté
Monfieur Tolet , Maiftre
Chirurgien Juré à Paris , & l'un
de ceux du grand Hôpital de la
Charité , pour eftre reçû à la
Charge de Chirurgien. Seul
Operateur du Roy pour l'extraGALANT.
77
"
ction de la Pierre . Cette Charge
eftoit poffedée , auparavant
par feu Monfieur Jerôme Collor,
l'un des plus habiles Operateurs
de fon temps pour cette maladie .
On eft perfuadé du bon choix
que Monfieur le Premier Medecin
a fait de Monfieur Tolet , qui
a déja donné des marques de fon
fçavoir & de fon expérience ,
eftant un des Eleves de Monfieur
Jonnot , & luy ayant fuccedé dés
l'année 1674. ayant même compofé
fur cette Operation un Livre
enrichy de plufieurs Tailles
douces , par le moyen desquelles
il eft aifé de comprendre tout ce
qu'il faut faire pour foulager ceux
qui font incommodez de ce mal.
Sa Majefté fit l'honneur à Monfieur
Talet de recevoir un de fes
Livres , ainfi que Monſeigneur,
& Monfieur.
mois , Monfieur Daquin , Premier
Medecin , prefenta à fa мajefté
Monfieur Tolet , Maiftre
Chirurgien Juré à Paris , & l'un
de ceux du grand Hôpital de la
Charité , pour eftre reçû à la
Charge de Chirurgien. Seul
Operateur du Roy pour l'extraGALANT.
77
"
ction de la Pierre . Cette Charge
eftoit poffedée , auparavant
par feu Monfieur Jerôme Collor,
l'un des plus habiles Operateurs
de fon temps pour cette maladie .
On eft perfuadé du bon choix
que Monfieur le Premier Medecin
a fait de Monfieur Tolet , qui
a déja donné des marques de fon
fçavoir & de fon expérience ,
eftant un des Eleves de Monfieur
Jonnot , & luy ayant fuccedé dés
l'année 1674. ayant même compofé
fur cette Operation un Livre
enrichy de plufieurs Tailles
douces , par le moyen desquelles
il eft aifé de comprendre tout ce
qu'il faut faire pour foulager ceux
qui font incommodez de ce mal.
Sa Majefté fit l'honneur à Monfieur
Talet de recevoir un de fes
Livres , ainfi que Monſeigneur,
& Monfieur.
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Résumé : Place de Monsieur Collot remplie par Monsieur Tolet, [titre d'après la table]
Au début du mois, Monsieur Daquin, Premier Médecin, a présenté à Sa Majesté Monsieur Tolet, Maître Chirurgien Juré à Paris et chirurgien de l'Hôpital de la Charité, pour le poste de Chirurgien du Roi spécialisé dans l'extraction de la pierre. Ce poste était précédemment occupé par Monsieur Jérôme Collot, connu pour son expertise. La nomination de Monsieur Tolet est considérée comme judicieuse en raison de ses compétences et de son expérience. Élève de Monsieur Jonnot, il lui a succédé en 1674 et a rédigé un livre sur cette opération, illustré de tailles douces pour clarifier les procédures destinées à soulager les patients atteints de cette maladie. Sa Majesté, ainsi que Monseigneur et Monsieur, ont accepté un exemplaire de ce livre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 126-137
Composition de la Thériaque, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay souvent parlé des Arts, que les soins, [...]
Mots clefs :
Soins, Médecine, Remèdes, Apothicaire, Thériaque, Composition, Hôpitaux, Abeilles, Boeuf, Excréments, Peuple, Monarque, Animal solaire, Âme, Planètes, Astres, Morsure, Mort
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texteReconnaissance textuelle : Composition de la Thériaque, [titre d'après la table]
Je vous ay fouvent
parlé
des Arts , que les foins ,
bien faits , & la magnificence
du Roy font fleurir en
France avec tant d'eclat, mais
je ne vous ay rien dit de la
Medecine
. Vous ne devez
pas vous en étonner
; c'eft
un Art long , difficile , & inGALANT.
127
certain . Elle eft , enfin , for
tie de l'affoupiffement , où
elle étoit depuis plufieurs
Siécles , à l'égard de la pré--
paration des Remedes Specifiques
, & celuy qui eſt le
plus néceffaire , paroift maintenant
dans fa perfection.
C'eft la Theriaque. Ms Jof.
froy, Jauffon, & Bolduc, tous
trois Maiftres Apotiquaires
Paris , en ont fait publiquement
devant la Faculté de
Medecine . M' le Lieutenant
General de Police , & M' le
Procureur du Roy y ont af
fifté , felon ce qui fe pratique
Liiij .
128 MERCURE
dans tous les lieux où cette
compofition fe fait. M' de
Rouviere Apotiquaire du
Roy , & Major des Camps &
Armées de Sa Majefté , & de
fes Hôpitaux , a entrepris luy
feul la mefme compofition .
On a déja veu deux Theſes
de luy fur ce fujet , & fi l'on
juge de la fin par ces commencemens
, on n'en peut
rien attendre que de fort extraordinaire
. Je vous envoye
FEftampe de l'Emblême Enigmatique
, mife au haut de la
derniere de ces Thefes . On
y voit fortir un grand nom.
GALANT. 129
les
pre de Mouches à Miel , des
entrailles d'un Boeuf mort,
pour faire connoiftre ce que
nous apprennent les Natura-
¡ liftes , qui veulent que
Abeilles foient engendrées
d'un Boeuf, ou d'un Taureau.
Cet Animal eft mis dans un
lieu bas , & plein de fange,
afin de marquer la baffeffe & -*
l'origine de ces Mouches . Ce
qui a fait mefme dire à quel
ques Autheurs , qu'elles n'étoient
produites que des excremens
d'un Boeuf, comme
plufieurs autres Infectes de
pareille nature le font d'ex130
MERCURE
crémens d'autres Animaux
Les plus curieux d'entre les-
Naturaliftes , qui fe font attachez
à connoiftre la nature ,,
les moeurs , & le gouvernement
des Abeilles , ont remarqué
qu'elles conſtituoient
un Etat Monarchique fous un
Roy , & ont prétendu qu'il
n'étoit pas vray femblable
que ce Roy fuft tiré de la lie
du Peuple. Apres avoir recherché
fon origine, avec une
exacte application , ils ont re
connu qu'il étoit choify ordinairement
d'entre les Abeil.
les qui font engendrées du
GALANT. 131
f
Lyon , qui comme l'on fçait
eft un Animal Solaire , & par
conſequent qui marque la
Royauté , de mefme que le
Taureau eft un Animal Lunaire
qui marque la Populace
; & comme le Soleil fur
paffe infiniment la Lune , &
toutes les Planettes en force,
en vertu , & en lumiere , ainfi
le Lyon doit l'emporter fur
les autres Animaux , comme
Animal Solaire , & dont les
productions font plus nobles .
C'est pour cela qu'on l'a mis
dans une fituation plus éle
vée. Il est l'Ame de l'Em
132 MERCURE
blême , & a cette Infcription
pour marquer la Nobleffe des
Abeilles qui en fortent, Phabi
ab origine præftant. L'autre Infcription
fait voir le bon- heur
des Abeilles , qui font gouvernées
& conduites par um
Roy. En effet , l'Etat Monarchique
étant le meilleur
de tous les Etars , ceux qui
font les plus foûmis à leur
Roy , doivent s'eftimer les
plus heureux , &fe vanter que
Uno fub Rege beantur. Je ne
m'arrefteray point à vous faire
le détail de toutes les parties
du Tableau. Le deffein n'a
GALANT. 133
rien d'obfcur pour ceux qui
1 font éclairez . On fçait que le
Belier eft un Animal Solaire,
ainfi qu'entre les Plantes,
l'Heliotrope
ou le Tournefol
, qui eft toûjours tourné
vers le Soleil ; que fi l'Heliotrope
eft oppofé à cet Aſtre,
on en doit attribuer la faute
au Graveur. Ce n'eſt pas non
plus fans deffein , que l'on a
repreſenté
un Lezard , qui
s'attache & s'éleve au Piedeftal
, fur lequel font pofées les
Armes du Roy , puifque fa
couleur & fa nature , montrent
affez qu'il s'attache
134 MERCURE
toûjours aux bonnes chofes,
& aux plus folides, & qu'il n'a
point de plus grand plaifir
que celuy de regarder le Soleil
, ou d'en eſtre regardé.
Quant à la Vipere qui paroift
rampante au bas , on peut dire
que comme elle entre dans
la compofition de la Theriaque
, elle fournit le plus falutaire
, & le plus univerſel de
tous les Remedes, & qui ne fe
faifoit autrefois que pour les
Empereurs , les Roys & les
Princes , dont la vie doit toû
jours eftre tres-chere à leurs
Sujets. La morfure de la Vi
GALANT. 135
•
5
pere eft mortelle , lors quelle
eft en colere , & la mort eft
le remede au mal qu'elle a
fait. Ainfi ce qui eft écrit au
deffous cft tres vray , Ut dat
viva necem , fic mortua vitam.
Sur le Piedeſtal eft un Brazier
où brûlent des parfums , pour
rendre hommage au Soleil.
Les Abeilles s'en approchent
afin de marquer qu'elles luy
rendent cet hommage comme
au principe, d'où leur Roy
tire fon origine. Pour ce qui
regarde la Devife de Sa Majefté
qui eft autour du Soleil,
& fes Armes gravées fur un
136 MERCURE
Monde au Piedeſtal ; il eft
aiſé de connoiſtre que le principal
deffein de cette Emblême
Enigmatique , eft de
faire entendre que tous les
Peuples de la Terre feroiest
heureux , s'ils étoient fous la
domination de noftre Augufte
Monarque. A l'égard
du Serpent ou Dragon , qui
eft dans un Ecu foûtenu par
un Ange au coin de la Planche
, il n'y a perfonne qui ne
connoiffe qu'il repreſente ELculape,
Dieu de la Medecine,
qui parut fous la figure d'un
Serpent , dans le Vaiffeau des
GALANT. 137
Romains , au retour d'Epi--
daure , où ils allerent demander
ce Dieu qu'on y adoroit,,
pour les delivrer de la Pefte
qui dépeuploit la Ville de
Rome. Il a la Tefte environ--
née de rayons pour montrer
qu'il étoit Fils du Soleil . Ses
Âîles marquent non fèulement
fa vieilleffe , mais auffi
la qualité des Dragons aiflez
qui font fans venin....
parlé
des Arts , que les foins ,
bien faits , & la magnificence
du Roy font fleurir en
France avec tant d'eclat, mais
je ne vous ay rien dit de la
Medecine
. Vous ne devez
pas vous en étonner
; c'eft
un Art long , difficile , & inGALANT.
127
certain . Elle eft , enfin , for
tie de l'affoupiffement , où
elle étoit depuis plufieurs
Siécles , à l'égard de la pré--
paration des Remedes Specifiques
, & celuy qui eſt le
plus néceffaire , paroift maintenant
dans fa perfection.
C'eft la Theriaque. Ms Jof.
froy, Jauffon, & Bolduc, tous
trois Maiftres Apotiquaires
Paris , en ont fait publiquement
devant la Faculté de
Medecine . M' le Lieutenant
General de Police , & M' le
Procureur du Roy y ont af
fifté , felon ce qui fe pratique
Liiij .
128 MERCURE
dans tous les lieux où cette
compofition fe fait. M' de
Rouviere Apotiquaire du
Roy , & Major des Camps &
Armées de Sa Majefté , & de
fes Hôpitaux , a entrepris luy
feul la mefme compofition .
On a déja veu deux Theſes
de luy fur ce fujet , & fi l'on
juge de la fin par ces commencemens
, on n'en peut
rien attendre que de fort extraordinaire
. Je vous envoye
FEftampe de l'Emblême Enigmatique
, mife au haut de la
derniere de ces Thefes . On
y voit fortir un grand nom.
GALANT. 129
les
pre de Mouches à Miel , des
entrailles d'un Boeuf mort,
pour faire connoiftre ce que
nous apprennent les Natura-
¡ liftes , qui veulent que
Abeilles foient engendrées
d'un Boeuf, ou d'un Taureau.
Cet Animal eft mis dans un
lieu bas , & plein de fange,
afin de marquer la baffeffe & -*
l'origine de ces Mouches . Ce
qui a fait mefme dire à quel
ques Autheurs , qu'elles n'étoient
produites que des excremens
d'un Boeuf, comme
plufieurs autres Infectes de
pareille nature le font d'ex130
MERCURE
crémens d'autres Animaux
Les plus curieux d'entre les-
Naturaliftes , qui fe font attachez
à connoiftre la nature ,,
les moeurs , & le gouvernement
des Abeilles , ont remarqué
qu'elles conſtituoient
un Etat Monarchique fous un
Roy , & ont prétendu qu'il
n'étoit pas vray femblable
que ce Roy fuft tiré de la lie
du Peuple. Apres avoir recherché
fon origine, avec une
exacte application , ils ont re
connu qu'il étoit choify ordinairement
d'entre les Abeil.
les qui font engendrées du
GALANT. 131
f
Lyon , qui comme l'on fçait
eft un Animal Solaire , & par
conſequent qui marque la
Royauté , de mefme que le
Taureau eft un Animal Lunaire
qui marque la Populace
; & comme le Soleil fur
paffe infiniment la Lune , &
toutes les Planettes en force,
en vertu , & en lumiere , ainfi
le Lyon doit l'emporter fur
les autres Animaux , comme
Animal Solaire , & dont les
productions font plus nobles .
C'est pour cela qu'on l'a mis
dans une fituation plus éle
vée. Il est l'Ame de l'Em
132 MERCURE
blême , & a cette Infcription
pour marquer la Nobleffe des
Abeilles qui en fortent, Phabi
ab origine præftant. L'autre Infcription
fait voir le bon- heur
des Abeilles , qui font gouvernées
& conduites par um
Roy. En effet , l'Etat Monarchique
étant le meilleur
de tous les Etars , ceux qui
font les plus foûmis à leur
Roy , doivent s'eftimer les
plus heureux , &fe vanter que
Uno fub Rege beantur. Je ne
m'arrefteray point à vous faire
le détail de toutes les parties
du Tableau. Le deffein n'a
GALANT. 133
rien d'obfcur pour ceux qui
1 font éclairez . On fçait que le
Belier eft un Animal Solaire,
ainfi qu'entre les Plantes,
l'Heliotrope
ou le Tournefol
, qui eft toûjours tourné
vers le Soleil ; que fi l'Heliotrope
eft oppofé à cet Aſtre,
on en doit attribuer la faute
au Graveur. Ce n'eſt pas non
plus fans deffein , que l'on a
repreſenté
un Lezard , qui
s'attache & s'éleve au Piedeftal
, fur lequel font pofées les
Armes du Roy , puifque fa
couleur & fa nature , montrent
affez qu'il s'attache
134 MERCURE
toûjours aux bonnes chofes,
& aux plus folides, & qu'il n'a
point de plus grand plaifir
que celuy de regarder le Soleil
, ou d'en eſtre regardé.
Quant à la Vipere qui paroift
rampante au bas , on peut dire
que comme elle entre dans
la compofition de la Theriaque
, elle fournit le plus falutaire
, & le plus univerſel de
tous les Remedes, & qui ne fe
faifoit autrefois que pour les
Empereurs , les Roys & les
Princes , dont la vie doit toû
jours eftre tres-chere à leurs
Sujets. La morfure de la Vi
GALANT. 135
•
5
pere eft mortelle , lors quelle
eft en colere , & la mort eft
le remede au mal qu'elle a
fait. Ainfi ce qui eft écrit au
deffous cft tres vray , Ut dat
viva necem , fic mortua vitam.
Sur le Piedeſtal eft un Brazier
où brûlent des parfums , pour
rendre hommage au Soleil.
Les Abeilles s'en approchent
afin de marquer qu'elles luy
rendent cet hommage comme
au principe, d'où leur Roy
tire fon origine. Pour ce qui
regarde la Devife de Sa Majefté
qui eft autour du Soleil,
& fes Armes gravées fur un
136 MERCURE
Monde au Piedeſtal ; il eft
aiſé de connoiſtre que le principal
deffein de cette Emblême
Enigmatique , eft de
faire entendre que tous les
Peuples de la Terre feroiest
heureux , s'ils étoient fous la
domination de noftre Augufte
Monarque. A l'égard
du Serpent ou Dragon , qui
eft dans un Ecu foûtenu par
un Ange au coin de la Planche
, il n'y a perfonne qui ne
connoiffe qu'il repreſente ELculape,
Dieu de la Medecine,
qui parut fous la figure d'un
Serpent , dans le Vaiffeau des
GALANT. 137
Romains , au retour d'Epi--
daure , où ils allerent demander
ce Dieu qu'on y adoroit,,
pour les delivrer de la Pefte
qui dépeuploit la Ville de
Rome. Il a la Tefte environ--
née de rayons pour montrer
qu'il étoit Fils du Soleil . Ses
Âîles marquent non fèulement
fa vieilleffe , mais auffi
la qualité des Dragons aiflez
qui font fans venin....
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Résumé : Composition de la Thériaque, [titre d'après la table]
Le texte aborde la médecine et la thériaque, un remède spécifique. La médecine est décrite comme un art long, difficile et inélégant, mais elle émerge d'une période d'oubli grâce à la préparation de remèdes spécifiques, notamment la thériaque. À Paris, des apothicaires tels que Jos. Froy, Jauffon et Bolduc ont préparé publiquement cette composition devant la Faculté de Médecine, en présence de M. le Lieutenant Général de Police et de M. le Procureur du Roy. M. de Rouvière, apothicaire du Roy, a également entrepris cette composition et a publié des thèses à ce sujet. Le texte inclut une description d'un emblème énigmatique lié à la thériaque. Cet emblème représente des abeilles sortant des entrailles d'un bœuf mort, symbolisant la royauté et le gouvernement monarchique des abeilles. L'emblème utilise des symboles astronomiques et animaux pour illustrer la noblesse et le bonheur sous un roi. Parmi les éléments mentionnés figurent le bélier, le lézard, la vipère et le serpent, chacun ayant une signification spécifique dans le contexte de la médecine et de la royauté. L'emblème vise à montrer que les peuples seraient heureux sous la domination du monarque français.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 137-151
Discours prononcé sur ce sujet, [titre d'après la table]
Début :
A l'ouverture de cette These, Mr de Rouviere fit le / MESSIEURS, J'enreprens aujourd'huy une Composition, qui depuis plus de [...]
Mots clefs :
Thèse, Thériaque, Remède, Docteurs, Composition, Réputation, Galien, Peste, Guérison, Mérite, Efficacité, Empereurs, Baume, Louis le Grand, Honneur, Applaudissements, Approbation, Médecins, Doyens, Apothicaires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours prononcé sur ce sujet, [titre d'après la table]
A l'ouverture de cette The .
fe , M' de Rouviere fit le Dif
cours que vous allez lire , en :
prefence de M les Doyen
& Profeffeurs de la Faculté,,
Mars 1685 M
138 MERCURE
tous en Robes & en Chape--
rons , qui font les marques .
qui les diftinguent des autres
Docteurs Regens . M' de la .
Reynie , & M le Procureur
du Roy y affifterent auffi .
MESS
ESSIEURS,
F'entreprens aujourd'huy une
Compofition , qui depuis plus defeize
fiecles tient un rang honorable
dans la Medecine. Onpeut
Mithridate * en a eftéle
dire
que
premier Inventeur , puifque les
augmentations qu'on y a faites
* Roy de Pont .
GALANT. 139
fous le Regne de Neron n'empéchent
pas qu'on n'y remarque
beaucoup de conformité ; Andromachus
le Pere ajoûtant les Viperes
à cette Compofition , luy a
donné le nom qu'elle porte : Les
Romains en admiroient les proprietez.
Jamais Remede n'eut une
fi belle deftinée ; il trouva des 5
Partifans parmy les Vainquents•
de la Terre , malgré les red
volutions qui font arrivées dans
l'Univers fa reputation s'eft
confervée, entiere ,pure , inalterée,
jufques au Regne de notre Invincible
Monarque. Marc Au- .
7
Il eftoit premier Medecin de Neron , -
Meij
140 MERCURE
rele Antonin , furnommé le Philofophe
, qui eftoit affis fur le
Trône des Cefars , avec Lucius
Verus fonfrere , charmé des Ecrits
de Galien * , qui apres plufeurs
Voyages s'eftoit retiré à
Pergame , lieu de fa naiſſance,
le fit folliciter de paffer en Italie,
crût qu'il ne pouvoit mieux
témoigner l'eftime qu'il avoit pour
luy , qu'en luy confiant la prépa
ration de la Theriaque . Sa prévoyance
ne fut pas "inutile. La
prefence de Galien luy fut neceffairepourfe
garantir de la Pefte* ,
* Galien fe rendit à Rome l'An de Noftre
Seigneur 164. âgé de 34. ans .
* Cette Pefte arriva en 166, & dura- prés
de quatre années .
GALANT: 140
que Capitolinus & d'autres Hiftoriens
décrivent dans la Vie de
Lucius. La Theriaque fut for
antidote; poffedant deux grands.
biens enfemble , un Remede excellent
pour la confervation de fa
Perfonne Augufte , & un Medecin
tres-babile pour en ordonner
l'ufage , il connut que l'eftime
qu'ilfaifoit de tous les deux;
eftoit infiniment au deffous de leur
merite. Apresfa mort la Theria .
que fut negligée fous trois de fes
Succeffeurs , dont l'un * fut auffi
méprisé pour ses débauches , que
* Commode Succeffeur d'Antonin mourut
1831. jour de Decembre l'An 182..
142 MERCURE
fon Pere avoit efté recommanda_ -
ble pourfes vertus. Et les autres
regnerent fi peu de temps * , qu'ils
n'eurent pas le loifir de fuivre les
traces de l'incomparable Antonins
mais enfin aprés tant de changemens
de difgraces , l'Empereur
Severe rendit à Rome fon
premier éclat. Il fit des honneurs
extraordinaires à Galien ; &
pour le retenir à la Cour , il rétablit
les Laboratoires ,
Theriaque devint en ufage plus
qu'elle n'avoit jamais efté. Galien
rentra dans fon employ ; & quoy
la
* Helvius Pertinax ne regna qu'environ trois -
mois aprés Commode . Et Didie Julien deux
mois & cinq jours aprés Pertinax..
GALANT. 143
quefon genie l'appellat à des chofes
plus difficiles , il continua de
préparer la Theriaque jusques à
L'an de Notre Seigneur 200, qui
fut le dernier de fa vie. Veritablement
ceux qui aprés luy en
eurent la commiffion , luy cederent
en reputation & en merite;
mais le deftin de la Theriaque ne
dépendoit
pas d'un feul homme.
Dans tous les Temps , dans tous
les Regnes , chez toutes les Nations
qui ont eu du difcernement
,
la Theriaque a efté célébrée . Il
feroir aife de le prouver , fi quelqu'un
en pouvoit douter ; mais
laiffant à ceux qui fçavent mieux
..
144 MERCURE
faire valoir les chofes , à repre
fenter l'empreffement qu'ont tou
jours eu les Princes & les Re
publiques pour l'exate compofi
tion de ce Remede . Je me contente
de n'avoir rien oublié pour mon
deffein , d'avoir affemblé avec·
desfoins particuliers tous les Medicamens
neceffaires pour y réuf
fir , & d'eftre en estat de renou
veller l'ancienne Préparation
d'Andromachus , fans eftre affer
vy aux Remedes que l'on fubfti
tuë ordinairement en la place des
originaux. F'efpere de les avoir,
je les foumets à toutes les
épreuves ; j'ay difpenfè les uns é
less
GALANT. 145
les autres pour les employer felon
que la Faculté en voudra déterminer.
On a vûdes Empereurs*
enfermer dans leurs Trefors un
peu de Cinnamome , par la difficulté
qu'ils avoient d'en recouvrer.
On a crú le Baume de Judée
perdu ; le Chalcitis a fait de
L'embaras à des perfonnes d'ailleurs
fort éclairées. Nousfommes
délivrez de toutes ces peines : il
femble que les Regions les plus
éloignées rendent hommage à la
France de ce qu'elles ont de meilleure
de plus rare, Nylefroyable
* Cela eft rapporté par Galien au Livre I.
das Contrepoifons.
Mars 1685.
N
146 MERCURE
étendue des Mers , ny les folitus
des affreufes , ny les deferts inha
bitez , ny les perils où l'on s'expoſe
pour les traverſer , ne font
capables de nous arrêter. Louis
LE GRAND étend fes rayons
jufques aux Climats les plus barbares
, plus brillant encore parfes
vertus , qu'il n'eft redoutable par
fa puiffance. Il fe fait voir an
prés des autres Souverains ce que
le Soleil paroît au milieu des Etoiles
; & de méme que rien dans
le Monde n'approche de la gloire
qu'il s'eft acquiſe , rien n'approche
auffi du bonheur qu'il procure à
ceux qui font foumis àfa DomiGALANT.
147
د
nation. Les Sujets dont il fait
choix pour maintenir l'autorité
des Loix & de la Justice , font
autant de Vaiffeaux précieux qui
partent d'une fource toute pure
qui répandent l'ordre & l'abondance
parmy les Peuples.
L'Illuftre Magiftrat qui préfide à
la Police dans la premiere Ville
du Royaume , balance les mouve
mens de ce grand Corps , & entre
dans tous fes befoins. Il dirige par
fon exemple , auffi bien que par
fes Ordonnances. Il punit fans
paſſion , & recompenfe fans prévention.
Il adoucit la rigueur des
Saifons; il repare lafterilité des
Nij
148 MERCURE
Campagnes ; & fe donnant tout
entier aufervice du Roy, an
bien du Public , il trouve Dien
dans tout ce qu'il fait , & n'en
peur eftre détourné par aucune
confidération. Il nefaut pas s'étonner
aprés cela , Meffieur Meffieurs , que
Paris foit le centre où toutes les
merveilles fe réuniffent. Mais
comme je nefuis pas icypour vous
fatiguer par mes difcours , j'abuferois
de l'honneur que je reçois
de votre préfence , fi je differois
davantage d'entrer en matiere.
Quoy que je n'aye rien à craindre
fur l'élection , préparation , &
mixtion des Medicamens, en me
GALANT. 149
conformant aux décifions de la
Faculté , je ne laiſſe pas d'avoir
befoin de vos complaisancesfur la
maniere de m'expliquer : & je
vous les demande avec d'autant
plus de confiance , que m'attachant
uniquement à ce qui regarde
ma Profeffion , j'efpere que mes
operations meriteront vos attentions,
fi mesparoles n'ont pas affez
de force pour vous engager.
M ' de Rouviere a eu tous
les applaudiffemens qu'il
pouvoit fouhaiter de fon travail
, & l'on voit plufieurs-
Approbations au bas de la
N iij ,
150 MERCURE
Thefe , dont je vous ay donné
lá Figure Emblematique.
La premiere eft fignée de M
Dieuxivoye , Doyen de la Faculté
de Paris ; de M' Pouret ,
ancien Profeffeur , & Medecin
Ordinaire de Monfieur ;
de M' Bonnet , Profeffeur &
Medecin Ordinaire de la Reyne
, de M de Sainction , Medecin
Ordinaire de Sa Majefté,
& de M ' Boudin , Docteur
en Medecine . M' Boudin,l'un
des premiers Apoticaires du
Roy , & premier Apoticaire
de la Reyne , ayant eu ordre
d'affifter à la compoſition de
GALANT. 151
ce Remede , y a auffi donné
fon Approbation , auſſi - bien
que M's Maillard , & de Colmes
, Apoticaires de la Maifon
Royale
.
fe , M' de Rouviere fit le Dif
cours que vous allez lire , en :
prefence de M les Doyen
& Profeffeurs de la Faculté,,
Mars 1685 M
138 MERCURE
tous en Robes & en Chape--
rons , qui font les marques .
qui les diftinguent des autres
Docteurs Regens . M' de la .
Reynie , & M le Procureur
du Roy y affifterent auffi .
MESS
ESSIEURS,
F'entreprens aujourd'huy une
Compofition , qui depuis plus defeize
fiecles tient un rang honorable
dans la Medecine. Onpeut
Mithridate * en a eftéle
dire
que
premier Inventeur , puifque les
augmentations qu'on y a faites
* Roy de Pont .
GALANT. 139
fous le Regne de Neron n'empéchent
pas qu'on n'y remarque
beaucoup de conformité ; Andromachus
le Pere ajoûtant les Viperes
à cette Compofition , luy a
donné le nom qu'elle porte : Les
Romains en admiroient les proprietez.
Jamais Remede n'eut une
fi belle deftinée ; il trouva des 5
Partifans parmy les Vainquents•
de la Terre , malgré les red
volutions qui font arrivées dans
l'Univers fa reputation s'eft
confervée, entiere ,pure , inalterée,
jufques au Regne de notre Invincible
Monarque. Marc Au- .
7
Il eftoit premier Medecin de Neron , -
Meij
140 MERCURE
rele Antonin , furnommé le Philofophe
, qui eftoit affis fur le
Trône des Cefars , avec Lucius
Verus fonfrere , charmé des Ecrits
de Galien * , qui apres plufeurs
Voyages s'eftoit retiré à
Pergame , lieu de fa naiſſance,
le fit folliciter de paffer en Italie,
crût qu'il ne pouvoit mieux
témoigner l'eftime qu'il avoit pour
luy , qu'en luy confiant la prépa
ration de la Theriaque . Sa prévoyance
ne fut pas "inutile. La
prefence de Galien luy fut neceffairepourfe
garantir de la Pefte* ,
* Galien fe rendit à Rome l'An de Noftre
Seigneur 164. âgé de 34. ans .
* Cette Pefte arriva en 166, & dura- prés
de quatre années .
GALANT: 140
que Capitolinus & d'autres Hiftoriens
décrivent dans la Vie de
Lucius. La Theriaque fut for
antidote; poffedant deux grands.
biens enfemble , un Remede excellent
pour la confervation de fa
Perfonne Augufte , & un Medecin
tres-babile pour en ordonner
l'ufage , il connut que l'eftime
qu'ilfaifoit de tous les deux;
eftoit infiniment au deffous de leur
merite. Apresfa mort la Theria .
que fut negligée fous trois de fes
Succeffeurs , dont l'un * fut auffi
méprisé pour ses débauches , que
* Commode Succeffeur d'Antonin mourut
1831. jour de Decembre l'An 182..
142 MERCURE
fon Pere avoit efté recommanda_ -
ble pourfes vertus. Et les autres
regnerent fi peu de temps * , qu'ils
n'eurent pas le loifir de fuivre les
traces de l'incomparable Antonins
mais enfin aprés tant de changemens
de difgraces , l'Empereur
Severe rendit à Rome fon
premier éclat. Il fit des honneurs
extraordinaires à Galien ; &
pour le retenir à la Cour , il rétablit
les Laboratoires ,
Theriaque devint en ufage plus
qu'elle n'avoit jamais efté. Galien
rentra dans fon employ ; & quoy
la
* Helvius Pertinax ne regna qu'environ trois -
mois aprés Commode . Et Didie Julien deux
mois & cinq jours aprés Pertinax..
GALANT. 143
quefon genie l'appellat à des chofes
plus difficiles , il continua de
préparer la Theriaque jusques à
L'an de Notre Seigneur 200, qui
fut le dernier de fa vie. Veritablement
ceux qui aprés luy en
eurent la commiffion , luy cederent
en reputation & en merite;
mais le deftin de la Theriaque ne
dépendoit
pas d'un feul homme.
Dans tous les Temps , dans tous
les Regnes , chez toutes les Nations
qui ont eu du difcernement
,
la Theriaque a efté célébrée . Il
feroir aife de le prouver , fi quelqu'un
en pouvoit douter ; mais
laiffant à ceux qui fçavent mieux
..
144 MERCURE
faire valoir les chofes , à repre
fenter l'empreffement qu'ont tou
jours eu les Princes & les Re
publiques pour l'exate compofi
tion de ce Remede . Je me contente
de n'avoir rien oublié pour mon
deffein , d'avoir affemblé avec·
desfoins particuliers tous les Medicamens
neceffaires pour y réuf
fir , & d'eftre en estat de renou
veller l'ancienne Préparation
d'Andromachus , fans eftre affer
vy aux Remedes que l'on fubfti
tuë ordinairement en la place des
originaux. F'efpere de les avoir,
je les foumets à toutes les
épreuves ; j'ay difpenfè les uns é
less
GALANT. 145
les autres pour les employer felon
que la Faculté en voudra déterminer.
On a vûdes Empereurs*
enfermer dans leurs Trefors un
peu de Cinnamome , par la difficulté
qu'ils avoient d'en recouvrer.
On a crú le Baume de Judée
perdu ; le Chalcitis a fait de
L'embaras à des perfonnes d'ailleurs
fort éclairées. Nousfommes
délivrez de toutes ces peines : il
femble que les Regions les plus
éloignées rendent hommage à la
France de ce qu'elles ont de meilleure
de plus rare, Nylefroyable
* Cela eft rapporté par Galien au Livre I.
das Contrepoifons.
Mars 1685.
N
146 MERCURE
étendue des Mers , ny les folitus
des affreufes , ny les deferts inha
bitez , ny les perils où l'on s'expoſe
pour les traverſer , ne font
capables de nous arrêter. Louis
LE GRAND étend fes rayons
jufques aux Climats les plus barbares
, plus brillant encore parfes
vertus , qu'il n'eft redoutable par
fa puiffance. Il fe fait voir an
prés des autres Souverains ce que
le Soleil paroît au milieu des Etoiles
; & de méme que rien dans
le Monde n'approche de la gloire
qu'il s'eft acquiſe , rien n'approche
auffi du bonheur qu'il procure à
ceux qui font foumis àfa DomiGALANT.
147
د
nation. Les Sujets dont il fait
choix pour maintenir l'autorité
des Loix & de la Justice , font
autant de Vaiffeaux précieux qui
partent d'une fource toute pure
qui répandent l'ordre & l'abondance
parmy les Peuples.
L'Illuftre Magiftrat qui préfide à
la Police dans la premiere Ville
du Royaume , balance les mouve
mens de ce grand Corps , & entre
dans tous fes befoins. Il dirige par
fon exemple , auffi bien que par
fes Ordonnances. Il punit fans
paſſion , & recompenfe fans prévention.
Il adoucit la rigueur des
Saifons; il repare lafterilité des
Nij
148 MERCURE
Campagnes ; & fe donnant tout
entier aufervice du Roy, an
bien du Public , il trouve Dien
dans tout ce qu'il fait , & n'en
peur eftre détourné par aucune
confidération. Il nefaut pas s'étonner
aprés cela , Meffieur Meffieurs , que
Paris foit le centre où toutes les
merveilles fe réuniffent. Mais
comme je nefuis pas icypour vous
fatiguer par mes difcours , j'abuferois
de l'honneur que je reçois
de votre préfence , fi je differois
davantage d'entrer en matiere.
Quoy que je n'aye rien à craindre
fur l'élection , préparation , &
mixtion des Medicamens, en me
GALANT. 149
conformant aux décifions de la
Faculté , je ne laiſſe pas d'avoir
befoin de vos complaisancesfur la
maniere de m'expliquer : & je
vous les demande avec d'autant
plus de confiance , que m'attachant
uniquement à ce qui regarde
ma Profeffion , j'efpere que mes
operations meriteront vos attentions,
fi mesparoles n'ont pas affez
de force pour vous engager.
M ' de Rouviere a eu tous
les applaudiffemens qu'il
pouvoit fouhaiter de fon travail
, & l'on voit plufieurs-
Approbations au bas de la
N iij ,
150 MERCURE
Thefe , dont je vous ay donné
lá Figure Emblematique.
La premiere eft fignée de M
Dieuxivoye , Doyen de la Faculté
de Paris ; de M' Pouret ,
ancien Profeffeur , & Medecin
Ordinaire de Monfieur ;
de M' Bonnet , Profeffeur &
Medecin Ordinaire de la Reyne
, de M de Sainction , Medecin
Ordinaire de Sa Majefté,
& de M ' Boudin , Docteur
en Medecine . M' Boudin,l'un
des premiers Apoticaires du
Roy , & premier Apoticaire
de la Reyne , ayant eu ordre
d'affifter à la compoſition de
GALANT. 151
ce Remede , y a auffi donné
fon Approbation , auſſi - bien
que M's Maillard , & de Colmes
, Apoticaires de la Maifon
Royale
.
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Résumé : Discours prononcé sur ce sujet, [titre d'après la table]
En mars 1685, M. de Rouvière a prononcé un discours devant les docteurs régents, le doyen, les professeurs de la Faculté de Médecine, ainsi que M. de La Reynie et le procureur du roi. Ce discours portait sur la composition de la thériaque, un remède célèbre en médecine depuis des siècles. La thériaque, initialement attribuée à Mithridate, roi du Pont, a été améliorée par Andromachus, qui y a ajouté des vipères. Les Romains admiraient ses propriétés, et elle a conservé sa réputation jusqu'au règne de Louis XIV. Sous les empereurs Néron, Marc Aurèle et Lucius Verus, Galien, un médecin célèbre, a été chargé de préparer la thériaque. Sa préparation a été cruciale pour lutter contre une peste qui a frappé Rome en 166. Après la mort de Marc Aurèle, la thériaque a été négligée, mais l'empereur Septime Sévère l'a rétablie, rendant à Galien les honneurs et les responsabilités qu'il méritait. Galien a continué à préparer la thériaque jusqu'à sa mort en l'an 200. Le discours met en avant l'importance de la thériaque à travers les époques et les nations. L'orateur exprime son désir de renouveler la préparation ancienne d'Andromachus en utilisant des médicaments authentiques. Il mentionne les efforts de Louis XIV pour obtenir des ingrédients rares et précieux, soulignant la grandeur et la générosité du roi. Le discours se conclut par des remerciements aux autorités médicales et royales pour leur approbation et leur soutien.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 151-152
Autre Remède Spécifique, [titre d'après la table]
Début :
Cet Article de la Theriaque, m'oblige à vous dire icy un [...]
Mots clefs :
Thériaque, Remède, Journal des savants, Guérison, Douleurs, Eau, Secret, Inventeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autre Remède Spécifique, [titre d'après la table]
Cet Article de laTheriaque ,
m'oblige à vous dire icy un
mot d'un autre Remede Specifique
, dont l'Illuftre M
l'Abbé de la Rocque , a par
lé dans fon Journal des Sçavans
; ſans cela , j'aurois eu de
la peine à me refoudre à vous
en entretenir , puis qu'il s'agit
de la Goute , que perfonne
n'a encore trouvé le fecret
de guérir. Cependant on
N iiij.
152 MERCURE
prétend qu'en étuvant feulement
la partie malade , d'une
Eau que donne le fieur Bouton
, qui loge Ruë - Aubry-
Boucher , la douleur ceffe , &
que la Goute mefme eft emportée
pour toûjours ; fi apres
que les douleurs ont ceffé on
continuë de fe fervir de cette
Eau pendant quelque temps .
Suivant les chofes que j'en ay
entendu dire , on en pourroit
faire une Hiftoire à peu pres
comme de l'Eau de la Reyne.
de Hongrie , le Secret en
ayant efté donné par un vieil
Hermite , fans fçavoir qui en
eft l'Inventeur.
m'oblige à vous dire icy un
mot d'un autre Remede Specifique
, dont l'Illuftre M
l'Abbé de la Rocque , a par
lé dans fon Journal des Sçavans
; ſans cela , j'aurois eu de
la peine à me refoudre à vous
en entretenir , puis qu'il s'agit
de la Goute , que perfonne
n'a encore trouvé le fecret
de guérir. Cependant on
N iiij.
152 MERCURE
prétend qu'en étuvant feulement
la partie malade , d'une
Eau que donne le fieur Bouton
, qui loge Ruë - Aubry-
Boucher , la douleur ceffe , &
que la Goute mefme eft emportée
pour toûjours ; fi apres
que les douleurs ont ceffé on
continuë de fe fervir de cette
Eau pendant quelque temps .
Suivant les chofes que j'en ay
entendu dire , on en pourroit
faire une Hiftoire à peu pres
comme de l'Eau de la Reyne.
de Hongrie , le Secret en
ayant efté donné par un vieil
Hermite , fans fçavoir qui en
eft l'Inventeur.
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Résumé : Autre Remède Spécifique, [titre d'après la table]
L'Abbé de la Rocque a décrit dans le 'Journal des Sçavans' un remède contre la goutte, une eau préparée par le sieur Bouton. L'application de cette eau sur la partie malade soulage la douleur et guérit la goutte. L'auteur recommande de continuer l'utilisation de l'eau même après la disparition des douleurs. Cette histoire rappelle celle de l'Eau de la Reine de Hongrie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 162-181
Suite de ce qui s'est fait à Paris touchant la Thériaque ; avec les discours qui ont esté prononcez sur ce sujet, [titre d'après la table]
Début :
Comme tout ce qui regarde la santé est toûjours fort bien receu, [...]
Mots clefs :
Santé, Thériaque, Avantages, Mr Rouvière, Discours, Médecins, Faculté de médecine de Paris, Galien, Admiration, Ouvrages, Magistrats, Monarques, Traité, Antidote, Sciences, Remède, Pharmacie, Charlatans, Gloire, Professeurs, Critiques, Drogues, Doyen, Assemblée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de ce qui s'est fait à Paris touchant la Thériaque ; avec les discours qui ont esté prononcez sur ce sujet, [titre d'après la table]
Comme tout ce quiregarde
la ſanté eſt toûjours fort
bien receu , & qu'il n'y a rien
qui ſoit écouté plus volontiers
je ne m'étonne pas fi
د
ce que je vous
ay mandé
dans ma derniere Lettre touchant
la Theriaque , vous a
donné autant de plaifir qu'à
GALANT. 163
quantité de Perſonnes qui
l'ont leu , puis qu'outre la fatisfaction
d'apprendre ce qui
peut contribuer à la choſe du
monde qui nous doit eſtre la
plus prétieuſe , on a encore
eu l'avantage de ſe voir inſtruit
de pluſieurs circonſtances
curieuſes , dont on
n'avoit peut- eſtre jamais en
tendu parler ,& qu'on n'aappriſes
qu'avec des morceaux
d'Hiſtoire qui les rendent remarquables
, & qui font connoiftre
, non ſeuleme les.
grandes merveilles de la
S Theriaque , mais encore l'e-
Oij
164 MERCURE
flime que l'on en doit faire
Le ſuccez qu'elle aleti ,
parmy le Public, & dans ma
derniere Lettre a eſté cauſe
que je me ſuis informé avec
plus de ſoin de tout ce qui
s'eſt paffé à Paris , à l'égard
de cétancien & grand reme
de. J'ay trouvé que le dif
cours deM' de Rouviere quia
une approbasion fi genérale,
& que je vous ay envoyé,
n'avoit pas eſté le ſeul que
l'on euft fait fur cette matie
re,& qu'un autre avoit efte
auſſi prononcé en préſence
de M'de la Reynie &deM
GALANT 165
Robert Procureur du Roy,
par Mi Lienard Medecin or
dinaire deSaMajesté,Docteur
&ancien Doyen de laFaculté
de Medecine de Paris , à pré
fent Profeffeuren Pharmacie
de lameſme Faculté Com
me il manqueroit quelque
choſe à l'Histoire de la The
riaque faire en cette grande
Ville , fi ce Diſcours qui en
quisen
eft une des plus confidéras
bles parties ne tenoit ſa placa
dans ma Lettre de ce mois,
je vous l'envoye,parce que je
fçais qu'il vous plaira , & que
je le vois d'ailleurs, fouhaité
166 MERCURE
par tout ce qu'il y a icy deCurieux.
En voicy les termes.
MESSIEURS,
Si Galien dans le Traité de
La Thériaque qu'il adreſſe à Pi-
Son , eſtime cét Illustre Romain fi
digne de toute fon admiration
des grands éloges qquu''iill lluuyy donne
Taddee ce que se relâchant un peu des
grandes occupations dont il eſtoit
chargé pour le ſalut de la Republique,
il lisoit avec tant d'atrention
le petit Ouvrage qu'Andromachus
fort celebre Medecin,
en avait fait autrefois , & s'ilfe
1
GALANT. 167
Louë endes termes fi pompeux
fi magnifiques de la bonnefortune
de fon fiecle de ce qu'il voyoit
ce grand Homme fi attaché aux
chofes qui regardoientparticulierement
la santé de fes Concitoyens
, avec combien plus de jaſtice
de raison devons-nous
aujourd'huy honorer de nos. éloges
less plus forts , les deux grands
Magiftrats que nous voyons pour
quatrième fois en moins de fix
moisse dérober aux emplois les plus
augustes les plus honorables où
Les Conſeils importans de noftre
incomparable Monarque les appel-
Jem ordinairement auprès de lays
La
T
168 MERCURE
ς
pour vacquer , non pas comme ce
Romain àla lecture moins utile
que curieuse d'un fimple Traité
de la Thériaque , mais à l'affaire
laplus ſerieuse&la plus digre
de la Police qu'ils exercent dans
leRoyaume , qui est la composttion
exacte & fidelle de ce Remede
de cét Antidote par excellense
, puis qu'elle regarde le
falut general particulier de
tous les Sujets du Roy. Disos donc,
&nous écrions avec Galien au
fujer de ces deux vigilans Magi-
Strats , comme il faisoit autrefois
àRome àl'égard de Pifon. Satisne
magnas poffumus ha
bere
GALANT. 169
bere noſtri temporis fortunæ
gratias , quòd vos , ô ſummi
Magiftratus, ufque adeo Medicinæ
ac Theriacæ ſtudioſos
confpiciamus ? En effet , Meffieurs
,quel plus grand bonheur
que celuy de nostre fiecle de vi
vre fous un Prince , dont l'application
incroyable aux plus petits
comme aux plus confiderables be.
foins de fes Sujets , réveille dans
tous les Arts & dans toutes les
-Sciences l'étude l'industrie de
ceux qui les profeſſent , pour les
- pouffer à leur souveraine perfection.
C'est donc l'exemple mefme
du Roy , le plus laborieux
Avril 1685. P
170 MERCURE
Prince qui fut jamais , qui porte
aujourd ' buy les Profeffeurs de la
Medecine de la Pharmacie de
Paris, àfaire fous LOUISle
Grand, plus grandque les Antoi
nes,que les Antonins, &que tous
les Cefars ensemble, pourqui l'on
faisoit fifolemnellement ce Remede
à Rome, dans la Capitale du
Royaume auffi celebre que cette
Superbe Ville lefut autrefois , à la
veuë &en la présence de l'IlluftreM
Daquin premier Medecin
de Sa Majesté , qui ne cede
en rien aux Andromachus premiers
Medecins de ces Princes
de ces Empereurs , avec lesecours
1
GALANT. 171
des meilleurs &des plus experi
mentez Artistes de la France,
les Geoffroy , * les fofon , les
Bolduc,les Rouviere , auffiéclai
rez que l'estoient anciennement
les Critons & les Damocrate,
premiers Pharmaciens de leurfiecle
; àfaire, dis-je,fous LOUIS
le Grand, une Thériaque dont on
n'entreprenoit jamais la compofition
à Rome , que ſous les aufpices
de ſes Empereurs , ſans la
leur voüer & consacrer comme
la choſe du monde la plus im
portante la plus falutaire à
** Ce font les quatre Apoticaires qui depuis
fix mois ont fait à leurs frais la Thériaque à
Paris.
Pij
172 MERCURE
1
leurs Etats. Prenons donc,Mes
fieurs , pour noftre Devise , celle
qui devroit l'eftre aujourd'huy de
toute la France. Ludovico Magno
felicitas parta. Réjoüif
fons- nous de ce que nous voyons,
pour ainſi dire , guerir dans Paris
la letargie des fiecles paſſez , qui
par une indolence ou une indiffe
rence condamnable , pour ne pas
dire quelque chose de pis, ontjuf
ques icy presque toûjours deu , ou
àdes Nations étrangeres , comme
à Rome & à Venise , ou à des
Provinces éloignées د
comme à
Montpellier , la composition d'un
Remededontils ne devoient avoir
تم
GALANT. 173
obligation qu'à eux- mesmes , &
àleur propre Patrie , & qui ont
presque toûjours emprunté d'au.
truy ce qu'ils ne devoient avoir
ny tenir que de leur riche fonds,
de leur induſtrieuse capacité ,
de leurhabileté laborieuse.
Loñons nous , Meffieurs , de
noſtre bonheur , de ce que le
Royaume joüira doreſnavant
par la vigilance de nos Magiſtrats
de Police , appliquez
attentifs à toutes choses , d'une
Panacée veritable ,fans fraude,
Sans alteration , &fans le rifque
d'en voir deformais debiter
enFrance aucune ny vicieuse ny
Piij
174 MERCURE
falfifiée,telle queGalien ſe plai
gnoit dés le temps qu'il estoit à
Rome , que plusieurs Impoſteurs ,
Charlatans, Monteurs de Thea
tre
د Vendeurs de Mithridat,
Cr
veritables Triacleurs en di
ſtribuoient contre l'intention des
Magistrats publics à grand prix
d'argent er fort cherement , auffi
bien qu'à la ruine e au détriment
de la fantédes Peuples ignorants
& crédules pour l'ordinai
en ces fortes de matieres qui
regardent la Medecine , & les
Remedes qu'on voile ſouvent de
nomsſpécieux de Secrets , afin de
les mieuxtromper. Multæ quipre
GALANT: 175
pe fiunt , écrit- il , ab Impoftoribus
hac etiam in re frau
des , vulgufque ſolaTheriace
famâ deceptum, abiftis, qui,
bus ars eft Mercenaria , non
recte compofitam Antido
tum multâ pecuniâ redimit
Loüons-nous encore unefois
Meffieurs , de ce que par lesfoins
bienfaiſans de ces meſmes Magi
ftrats, nous joüiffons aujourd'huy,
à la faveur de nostre veritable
Thériaque , ſous l'empire de
LOUIS le Grand , du mesme.
bien & du mesme avantage dont
les Empereurs gratifioient autre
fois leursſujets à Rome. Qui l
Piij
176 MERCURE
benter, ditle mefme Galien,in
univerfos omnia bona , deos
imitati , conferunt , tantum
que gaudium concipiunt,
quantò populi majorem fuerint
incolumitatem ab ipfis
confecuti , maximam impe
ran di partem arbitrantes,
communis falutis procurationem
; quæ res me magis
in ipforum admirationem traxit.
Ce ſontſes propres termes .
C'est lesujet , Meſſieurs , qui
m'a aujourd'huy engagé, en qualitéde
Profeſſeur en Pharmacie
de la Faculté de Medecine de
Paris , à vous faire ce petitDifGALANT.
177
rs
cours ,pour un témoignage affuré
de reconnoiſſance publique &
particuliere envers Ms nosMagiftrats
, pour une marqueſenſible
de l'obligation que nous avons à
M le premier Medecin , de vou
loir bien honorerdeſa préſence la
compoſition d'un Remede qui en tirera
afſurément beaucoup de gloire
, de credit &d'authorité , &
pour un préjugéſouhaitable de ta
confervation en ſon entier de la
bonne Medecine de Paris , & du
parfait rétabliſſementde la meil
leure Pharmacieà l'avenir, con
tre les vains efforts & les tentatives
inutiles des envieux ou des
2
178 MERCURE
ennemis de l'une de l'autre,
& de tous ceux qui voudroient
temérairement dans lafuite s'yopposer
, & les troubler dans leur
exercice dans leur ancienne
poffeffion.
Ce Diſcours fut prononcé
le 12. de Mars , & le Lundy
prononce
ſuivant , M² de Rouviere s'attacha
particulierement au 1 .
poids des Drogues dont il
avoit fait auparavant un juſte
choix pour la compoſition
de ſon Ouvrage, & qu'ilavoit
expoſées au Public , feur que
leur beauté& leur bonne qualité
le défendroient contre les
GALANT. 179
Critiques & les Envieux. Il fit
ce jour là un fort beau Dif
cours ſur la Vipere , & fur la
nature de la Theriaque , & il
expliqua fi bien la maniere
dont les fermentations ſe
font, qu'il fut genéralement
applaudy. Il peſa enſuite ſes
ر
Drogues en préſence de M
le Doyen de la Faculté , de
Mrs les Profeffeurs en Pharmacie
, & de M'Boudin , l'un
des premiers Apoticaires
du Roy. Toutes ces Dro
gues furent brifées , & mêlées
enſemble confufément
devant toute l'Aſſemblée qui
180 MERCURE
n'eſtoit pas moins nombreuſe
qu'elle avoit eſté les autres
jours. Il en falut huit entiers
pour les pulverifer , aprés
quoy les Curieux revinrent
au meſme lieu , pour
eſtre témoins du mélange
qu'on appelle Mixtion , ce
qui fit donner de nouvelles
loüanges à M' de Rouviere.
Ce fut alors que M² Pilon,
Doyen de la Faculté , & qui
dés ſa plus grande jeuneſſe a
ſceu s'acquerir le nom d'Orateur
, fit un Diſcours tresdigne
de luv, pour fermer ce
grand Ouvrage. La crainte
r
GALANT. 181
de vous entretenir trop longtemps
ſur vne meſme matiere,
m'oblige à ne vous enrien
dire de plus aujourd'huy.
Vous voudrez bien cepen.
dant que j'ajoûte , en faveur
de la Theriaque , que lors
que l'on en fait à Veniſe , le
Senaty aſſiſte en Corps , &
que dans tous les lieux où l'on
ſe donne la peine de rechercher
tout ce qu'il faut pour
cette fameuse compoſition,
elle ſe fait avec le meſme
eclat , &en préſence des Souverains
Magiſtrats .
la ſanté eſt toûjours fort
bien receu , & qu'il n'y a rien
qui ſoit écouté plus volontiers
je ne m'étonne pas fi
د
ce que je vous
ay mandé
dans ma derniere Lettre touchant
la Theriaque , vous a
donné autant de plaifir qu'à
GALANT. 163
quantité de Perſonnes qui
l'ont leu , puis qu'outre la fatisfaction
d'apprendre ce qui
peut contribuer à la choſe du
monde qui nous doit eſtre la
plus prétieuſe , on a encore
eu l'avantage de ſe voir inſtruit
de pluſieurs circonſtances
curieuſes , dont on
n'avoit peut- eſtre jamais en
tendu parler ,& qu'on n'aappriſes
qu'avec des morceaux
d'Hiſtoire qui les rendent remarquables
, & qui font connoiftre
, non ſeuleme les.
grandes merveilles de la
S Theriaque , mais encore l'e-
Oij
164 MERCURE
flime que l'on en doit faire
Le ſuccez qu'elle aleti ,
parmy le Public, & dans ma
derniere Lettre a eſté cauſe
que je me ſuis informé avec
plus de ſoin de tout ce qui
s'eſt paffé à Paris , à l'égard
de cétancien & grand reme
de. J'ay trouvé que le dif
cours deM' de Rouviere quia
une approbasion fi genérale,
& que je vous ay envoyé,
n'avoit pas eſté le ſeul que
l'on euft fait fur cette matie
re,& qu'un autre avoit efte
auſſi prononcé en préſence
de M'de la Reynie &deM
GALANT 165
Robert Procureur du Roy,
par Mi Lienard Medecin or
dinaire deSaMajesté,Docteur
&ancien Doyen de laFaculté
de Medecine de Paris , à pré
fent Profeffeuren Pharmacie
de lameſme Faculté Com
me il manqueroit quelque
choſe à l'Histoire de la The
riaque faire en cette grande
Ville , fi ce Diſcours qui en
quisen
eft une des plus confidéras
bles parties ne tenoit ſa placa
dans ma Lettre de ce mois,
je vous l'envoye,parce que je
fçais qu'il vous plaira , & que
je le vois d'ailleurs, fouhaité
166 MERCURE
par tout ce qu'il y a icy deCurieux.
En voicy les termes.
MESSIEURS,
Si Galien dans le Traité de
La Thériaque qu'il adreſſe à Pi-
Son , eſtime cét Illustre Romain fi
digne de toute fon admiration
des grands éloges qquu''iill lluuyy donne
Taddee ce que se relâchant un peu des
grandes occupations dont il eſtoit
chargé pour le ſalut de la Republique,
il lisoit avec tant d'atrention
le petit Ouvrage qu'Andromachus
fort celebre Medecin,
en avait fait autrefois , & s'ilfe
1
GALANT. 167
Louë endes termes fi pompeux
fi magnifiques de la bonnefortune
de fon fiecle de ce qu'il voyoit
ce grand Homme fi attaché aux
chofes qui regardoientparticulierement
la santé de fes Concitoyens
, avec combien plus de jaſtice
de raison devons-nous
aujourd'huy honorer de nos. éloges
less plus forts , les deux grands
Magiftrats que nous voyons pour
quatrième fois en moins de fix
moisse dérober aux emplois les plus
augustes les plus honorables où
Les Conſeils importans de noftre
incomparable Monarque les appel-
Jem ordinairement auprès de lays
La
T
168 MERCURE
ς
pour vacquer , non pas comme ce
Romain àla lecture moins utile
que curieuse d'un fimple Traité
de la Thériaque , mais à l'affaire
laplus ſerieuse&la plus digre
de la Police qu'ils exercent dans
leRoyaume , qui est la composttion
exacte & fidelle de ce Remede
de cét Antidote par excellense
, puis qu'elle regarde le
falut general particulier de
tous les Sujets du Roy. Disos donc,
&nous écrions avec Galien au
fujer de ces deux vigilans Magi-
Strats , comme il faisoit autrefois
àRome àl'égard de Pifon. Satisne
magnas poffumus ha
bere
GALANT. 169
bere noſtri temporis fortunæ
gratias , quòd vos , ô ſummi
Magiftratus, ufque adeo Medicinæ
ac Theriacæ ſtudioſos
confpiciamus ? En effet , Meffieurs
,quel plus grand bonheur
que celuy de nostre fiecle de vi
vre fous un Prince , dont l'application
incroyable aux plus petits
comme aux plus confiderables be.
foins de fes Sujets , réveille dans
tous les Arts & dans toutes les
-Sciences l'étude l'industrie de
ceux qui les profeſſent , pour les
- pouffer à leur souveraine perfection.
C'est donc l'exemple mefme
du Roy , le plus laborieux
Avril 1685. P
170 MERCURE
Prince qui fut jamais , qui porte
aujourd ' buy les Profeffeurs de la
Medecine de la Pharmacie de
Paris, àfaire fous LOUISle
Grand, plus grandque les Antoi
nes,que les Antonins, &que tous
les Cefars ensemble, pourqui l'on
faisoit fifolemnellement ce Remede
à Rome, dans la Capitale du
Royaume auffi celebre que cette
Superbe Ville lefut autrefois , à la
veuë &en la présence de l'IlluftreM
Daquin premier Medecin
de Sa Majesté , qui ne cede
en rien aux Andromachus premiers
Medecins de ces Princes
de ces Empereurs , avec lesecours
1
GALANT. 171
des meilleurs &des plus experi
mentez Artistes de la France,
les Geoffroy , * les fofon , les
Bolduc,les Rouviere , auffiéclai
rez que l'estoient anciennement
les Critons & les Damocrate,
premiers Pharmaciens de leurfiecle
; àfaire, dis-je,fous LOUIS
le Grand, une Thériaque dont on
n'entreprenoit jamais la compofition
à Rome , que ſous les aufpices
de ſes Empereurs , ſans la
leur voüer & consacrer comme
la choſe du monde la plus im
portante la plus falutaire à
** Ce font les quatre Apoticaires qui depuis
fix mois ont fait à leurs frais la Thériaque à
Paris.
Pij
172 MERCURE
1
leurs Etats. Prenons donc,Mes
fieurs , pour noftre Devise , celle
qui devroit l'eftre aujourd'huy de
toute la France. Ludovico Magno
felicitas parta. Réjoüif
fons- nous de ce que nous voyons,
pour ainſi dire , guerir dans Paris
la letargie des fiecles paſſez , qui
par une indolence ou une indiffe
rence condamnable , pour ne pas
dire quelque chose de pis, ontjuf
ques icy presque toûjours deu , ou
àdes Nations étrangeres , comme
à Rome & à Venise , ou à des
Provinces éloignées د
comme à
Montpellier , la composition d'un
Remededontils ne devoient avoir
تم
GALANT. 173
obligation qu'à eux- mesmes , &
àleur propre Patrie , & qui ont
presque toûjours emprunté d'au.
truy ce qu'ils ne devoient avoir
ny tenir que de leur riche fonds,
de leur induſtrieuse capacité ,
de leurhabileté laborieuse.
Loñons nous , Meffieurs , de
noſtre bonheur , de ce que le
Royaume joüira doreſnavant
par la vigilance de nos Magiſtrats
de Police , appliquez
attentifs à toutes choses , d'une
Panacée veritable ,fans fraude,
Sans alteration , &fans le rifque
d'en voir deformais debiter
enFrance aucune ny vicieuse ny
Piij
174 MERCURE
falfifiée,telle queGalien ſe plai
gnoit dés le temps qu'il estoit à
Rome , que plusieurs Impoſteurs ,
Charlatans, Monteurs de Thea
tre
د Vendeurs de Mithridat,
Cr
veritables Triacleurs en di
ſtribuoient contre l'intention des
Magistrats publics à grand prix
d'argent er fort cherement , auffi
bien qu'à la ruine e au détriment
de la fantédes Peuples ignorants
& crédules pour l'ordinai
en ces fortes de matieres qui
regardent la Medecine , & les
Remedes qu'on voile ſouvent de
nomsſpécieux de Secrets , afin de
les mieuxtromper. Multæ quipre
GALANT: 175
pe fiunt , écrit- il , ab Impoftoribus
hac etiam in re frau
des , vulgufque ſolaTheriace
famâ deceptum, abiftis, qui,
bus ars eft Mercenaria , non
recte compofitam Antido
tum multâ pecuniâ redimit
Loüons-nous encore unefois
Meffieurs , de ce que par lesfoins
bienfaiſans de ces meſmes Magi
ftrats, nous joüiffons aujourd'huy,
à la faveur de nostre veritable
Thériaque , ſous l'empire de
LOUIS le Grand , du mesme.
bien & du mesme avantage dont
les Empereurs gratifioient autre
fois leursſujets à Rome. Qui l
Piij
176 MERCURE
benter, ditle mefme Galien,in
univerfos omnia bona , deos
imitati , conferunt , tantum
que gaudium concipiunt,
quantò populi majorem fuerint
incolumitatem ab ipfis
confecuti , maximam impe
ran di partem arbitrantes,
communis falutis procurationem
; quæ res me magis
in ipforum admirationem traxit.
Ce ſontſes propres termes .
C'est lesujet , Meſſieurs , qui
m'a aujourd'huy engagé, en qualitéde
Profeſſeur en Pharmacie
de la Faculté de Medecine de
Paris , à vous faire ce petitDifGALANT.
177
rs
cours ,pour un témoignage affuré
de reconnoiſſance publique &
particuliere envers Ms nosMagiftrats
, pour une marqueſenſible
de l'obligation que nous avons à
M le premier Medecin , de vou
loir bien honorerdeſa préſence la
compoſition d'un Remede qui en tirera
afſurément beaucoup de gloire
, de credit &d'authorité , &
pour un préjugéſouhaitable de ta
confervation en ſon entier de la
bonne Medecine de Paris , & du
parfait rétabliſſementde la meil
leure Pharmacieà l'avenir, con
tre les vains efforts & les tentatives
inutiles des envieux ou des
2
178 MERCURE
ennemis de l'une de l'autre,
& de tous ceux qui voudroient
temérairement dans lafuite s'yopposer
, & les troubler dans leur
exercice dans leur ancienne
poffeffion.
Ce Diſcours fut prononcé
le 12. de Mars , & le Lundy
prononce
ſuivant , M² de Rouviere s'attacha
particulierement au 1 .
poids des Drogues dont il
avoit fait auparavant un juſte
choix pour la compoſition
de ſon Ouvrage, & qu'ilavoit
expoſées au Public , feur que
leur beauté& leur bonne qualité
le défendroient contre les
GALANT. 179
Critiques & les Envieux. Il fit
ce jour là un fort beau Dif
cours ſur la Vipere , & fur la
nature de la Theriaque , & il
expliqua fi bien la maniere
dont les fermentations ſe
font, qu'il fut genéralement
applaudy. Il peſa enſuite ſes
ر
Drogues en préſence de M
le Doyen de la Faculté , de
Mrs les Profeffeurs en Pharmacie
, & de M'Boudin , l'un
des premiers Apoticaires
du Roy. Toutes ces Dro
gues furent brifées , & mêlées
enſemble confufément
devant toute l'Aſſemblée qui
180 MERCURE
n'eſtoit pas moins nombreuſe
qu'elle avoit eſté les autres
jours. Il en falut huit entiers
pour les pulverifer , aprés
quoy les Curieux revinrent
au meſme lieu , pour
eſtre témoins du mélange
qu'on appelle Mixtion , ce
qui fit donner de nouvelles
loüanges à M' de Rouviere.
Ce fut alors que M² Pilon,
Doyen de la Faculté , & qui
dés ſa plus grande jeuneſſe a
ſceu s'acquerir le nom d'Orateur
, fit un Diſcours tresdigne
de luv, pour fermer ce
grand Ouvrage. La crainte
r
GALANT. 181
de vous entretenir trop longtemps
ſur vne meſme matiere,
m'oblige à ne vous enrien
dire de plus aujourd'huy.
Vous voudrez bien cepen.
dant que j'ajoûte , en faveur
de la Theriaque , que lors
que l'on en fait à Veniſe , le
Senaty aſſiſte en Corps , &
que dans tous les lieux où l'on
ſe donne la peine de rechercher
tout ce qu'il faut pour
cette fameuse compoſition,
elle ſe fait avec le meſme
eclat , &en préſence des Souverains
Magiſtrats .
Fermer
15
p. 185-325
Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Début :
Je viens au détail du Voyage de Mr le Chevalier [...]
Mots clefs :
Roi, Chevalier de Chaumont, Siam, Ambassadeur, Hollandais, Mandarins, Eau, Roi de Siam, Terre, Vaisseau, Pays, Banten, Bord, Canon, Tigre, Mer, Rivière, Batavia, Maisons, Côte, Royaume, Constance, Abbé, Vaisseaux, Cap, Général, Gouverneur, Loge, France, Pagode, Frégate, Malades, Europe, Indes, Siamois, Ballon, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Journal du Voyage de M. le Chevalier de Chaumont. [titre d'après la table]
Je viensau détail du VoyaJ.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
ge de Mr le Chevalier
de Chaumont. Sa Majesté
l'ayant nommé son Ambasfadeur
vers leRoy de Siam.
Il se rendit à Brest avec Mr
l'Abbé de Choisy, sur la fin
de Fevrier de l'année der-
,
niere, & ils s'embarquerent
dans un des Vaisseaux du
Roy,appellél'Oiseau. Mrde
Vaudricourt qui le commandoit
fit mettreà la Voile
le3. de Mars & partit de
Brest avec la Fregate la Maligne,
commandéepar Mr de v
Joyeux. Le vent leur fut toû-
« jours assez favorable, ôc :
comme il y avoit dans le !
Vaisseaudes Millionnaires&
six Jesuites, ce n'estoit tous
les jours qu'Exercices de
pieté, & l'on y vivoitavec
la mesme regularité que
dans unConvent.Ilss'appliquoient
tour à tour à faire
des Exhortations à tout
Equipage. On disoit lar
Messe, on chantoitVespres,
& on passa fort heureufenent
la Ligne le 6. d'Aril
sans souffrir beaucoup
le lachaleur. Ce fut alors
su'il fut question de faire ce
u'on appelle la Ceremonie
u Bàptesme. Ceux qui n'ont
mais passé la Ligne, sont obligez
de souffrir qu'on leur
jette sur le corps certain
nombre de seaux d'eau, à
moins qu'ils ne donnent
quelque argent pour racheter
cette peine. Il n'y a personne
qui puisse s'en exempter
, de quelque condition
quel'on puisse estre, & on
fait jurer tout le monde sur
le Livre des Evangiles, pour
sçavoir si on a fait ce passage.
Mr le Chevalier de Chaumont
ne voulut point endurer
que l'on jurast sur les Evangiles.
Il fit faire ce Serment
sur une Mapemonde,
& mit de l'argent dans un
bassin
, ce que firent après
luy toutes les personnes considerables
du Vaisseau, pour
s'épargner la Ceremonie. La
somme montaà soixanteescus
quifurent distribuezaux
Matelots. Le reste de la traversée
fut tres heureux jusquesau
Cap de bonne Esperance.
On y arriva le 31. de
May,&l'on y receut les Saluts
ordinaires de quatre
Vaisseaux Hollandoisqu'on
y trouva. Ils portoient a Batavia
le Commissaire Generalde
laCompagnie des IiW
des
, avec Mr de S. Martin
François, Major Général.
M. le Chevalier de Chaumonts'arresta
sept jours à
ce Cap afin d'yfaire de l'eau,
& de prendre desrafraichisfemens.
Le Gouverneur qui
eA Hollandois
,
luy en envoya
de toutes fortes, aprés
l'avoir fait complimenter
par le Neveu&par le Secretaire
du Commissaire. Tous:
ceux du Vaisseau mirent pied
a, ~erre lIes urns a,près 1lesautres.
Ils'en trouva quelquesuns
qui estoient malades d&
Scorbut, & ils furent gueris
en quatre jours. La Forteresse
que les Hollandais ont.
fait bastir en ce lieu là
,
est
toute revestuë de pierres,
&a quatre bastions. Elle n'a.
point de fossez, mais elleest
Ilterès- bien garnie de Canon, Havre est fort seur
,
ôc
peut contenirungrand nom- bre de Vaisseaux. Il y a déja
quantité de Maisons qui forment
une espece de Ville.
^Cequ'ilya de plus remar-
,
quable est un Jardin fort
grand & fort spacieux avec
des allées à perte de veuë.
On y a planté tout cequ'il
ya de bons fruits en Europe
& dans les Indes. Les uns
sont d'un costé,les autres de
l'autre
,
& tous y viennent
fort bien. Celuy qui a foin
de ce beau Jardinest unFrançoisqui
est grand Seigneur
en ce Pays-là. Il reconnut
Mr le Chevalier de Chaumont,
qu'il avoit veu chez
Monsieur
, ou il avoit esté
Jardinier.
La terre que les Hollandoisoccupenr,
a esté achetée
d'un petit Roy du Pays, pour
des bagatelles de l'Europe.
Plus on avance en s'éloignant
gnant de la Mer, plus elle
est bonne & fertile, &sur
tout la Chasse y en merveilleuse
; mais on y doit craindre
les Bestes farouches,
comme Lyons,Tygres,Elephans,
& autres. Ces belles
s'écartent à mesure que le
Pays se découvre, & qu'on
y fair de nouvelles habitations.
Les Hollandoisont
déjàcommencé d'en faire
en plusieurs endroits. Pendant
le séjour de Mr l'Ambassadeurau
Cap, deux d'enreeuxestantallezàla
Chase
furent rencontrez & attaquez
par un Tigre. Il le
jetta sur l'un de ces Hollandois,
l'autrele tira & le blessa.
Le Tigre tout en fureur
vint à celuy qui l'avoir blessé,
& il l'auroit devoré sans
doute, si son Camarade qu'il
avoit jetté par terre, ne Ce
fust promptement relevé
pour tirer aussi son coup. Il
le tira si heureusement qu'il
cassa la teste au Tigre. On
l'apporta pour le faire voir.
Il estoit d'une grandeur effroyable.
On mit le Blessé à
un Hospital, qui est là tresbien
fondé, & oùl'on est
rtraité avec tous les soins imaginables.
Tous les Vaisseaux
Hollandois qui viennent
d'Europe, & ceux qui s'yen
retournent, laissent leurs
Malades en ce lieu là
,
& ils
y recouvrent incontinent
leur santé
,
l'air & les eaux
estant admirables.
Les Habitans y sont doux,
assez bien faisans, & il n'est
pas difficile de s'accommoier
de leurs manieres, mais
Ils sont laids, mal-faits, de
petite taille,& ont plus de
rapport à la façon de vivre
les bestes qu'à celle des hommes.
Leurvisageest tout ridé,
ils ont les cheveux remplis
de graisse
;
& comme ils
se frottent le corps d'huile
de Baleine,& qu'ilsne mangent
que de lachaircruë,ils
sont si puans qu'on les sent
de loin. Ils ne mangentleur
Betail que lorsqu'il est mort
de maladie
,
& ce leur est
un fort grand ragoust qu'une
Baleine morte ,
jettée par la
Mer sur le rivage, ou les
tri pes chaudes d'une Bê-
-
te. Ils les secoüent fort legerement
,
& les mangent
avec les ordures
,
aprés en
avoir osté les excremens,
dont quelques-uns se servent
pour se froter le visage. On
leur - a donné le nom de Cafres,&
les hommes &les femmes
n'ont qu'une peau coupée
en triangle pour se couvrir
ce que la nature apprend
à cacher. Ils se l'attachent
avec une ceintire de cuir au
milieu du corps. Quelquesuns
se couvrent les hanches
d'une peau de Boeuf ou de
Lyon. D'autres portent une
peau qui leur descend depuis
les épaules jusque sur les
hanches,& plusieurs se dé-
coupent le visage3 les bras:
& lescuisses
, & achevent
de se défigurer parlescaracteres
étranges qu'ilsy font.
LesFemmes portent aux bras
& aux jambes des Cercles de
fer ou de cuivre, que les Etrangers
troquent avec elles
toujours à leur avantage. Ils
demeurentende petites hûtes
où ils vivent avec leur
bétail fous un mesme couvert.
Ils n'ont ny lit,nysieges,
ny meubles, & s'asseient
sur leurs talons pous se reposer.
Ils nevont vers la Mer
,
que lors qu'ils sçaventqu'il
est arrivé quelque Navire,
& qu'ils peuvent troquer
leur betail. Ils ont aussides
peaux de Lyon, de Boeuf, de
Leopard, & de Tigre, qu'ils
donnent pour des Miroirs,
des Couteaux
,
des Cloux,
des Marteaux,des Haches,
& autres vieilles ferrailles..
Il est malaisé de découvrir
l'estat du Païs au dedans, ôc
les richesses qu'on y peut
trouver,àcause que les GouverneurHollandoisont
fait
faire ferment à tous ceux
qu'ils ont menez avant dans
les Terres, de n'en reveleraucune
chose,On a sçeud'un
Homme quia demeurelongtemps
dans la Forteresse que
depuis quelques années le
Gouverneur avoir esté avec
bonne escorte à plus de deux
cens cinquante lieuës pour
faire la découverte du Pays;
qu'ilavoir trouvé par tout
des Peu ples traitables, ôc
assezbienfaits, les Terres
fort bonnes & ca pables de
-
toute sorte de cu lture, ôc
qu'il y avoit ~desMi d'or,
de fer, & d'une espece de
cuivre où il entroit une septiéme
partie d'or. Onles
trouva chantans & dançans
& ilsavoient des manieres
de Flustes qui estoient sans
trous. Elles estoient creuses,
& une espece de coulisse
-
qu'ils haussoient ou baissoient
avec leurs doigts, faisoit
la diference des tons.
Ce Gouverneur avoit esté
conduit par un Cafre, & ce
Cafre ayant aperçeu deux
hommes de grande taille fqouri.s ven.oien,t à eux, s écria
alarmé
y
qu'ils estoient
perdus, & qu'il voyoit les
deux plus grands Magiciens
du Pays. Le Gouverneur
4
répondit qu'il estoit encore
plus grand Magicien qu'eux,
& qu'il ne s'étonnait point.
Les pretendus Magiciens s'étant
avancez, il sir aporter
un verre remply d'eau de
vie.On y mit le feu,& il lavala.
Ces Malheureux furent si
épouvantez d'un pareil prodige,
qu'ils prirent le Gouverneur
pour un Dieu, & Ce
mirent à genoux pour luy
demander la vie. Les Hollandois
ont fait un nouvel
établissèment au Cap. Il est
au bord de la Mer; mais ils.
le tiennent secret, ne vouIant
pas que les autres Nations
quiviennent s'y rafraischir,
en ayent connoissance.
Ce Cap est l'extremité de la
terre ferme d'Afrique, qui
avance dans la Mer vers le
Sud, à trente-six degrez au
delà de la Ligne.Cette extremité
de terre fut nommée
Cabo de Boa Speranza
, par
Jean II. Roy de Portugal,
fous lequel Barthélémy Dias
la découvriten1493 Ce Prince
la fit appeller ainsi à cause
qu'il esperoit découvrir
en fuite les richesses des Indes
Orientales, & les autres
Nations luy ont confirmé,
ce nom, parce qu a près que
l'ona doubléle Cap, quiest,
presque en distance égale de
deux mille cinq cens lieuës,
entre l'Europe & la Coste la
plus Orientale desIndes,on
a toute forte d'esperance de
pouvoirachever ce grand
Voyage.
Les Malades estant guéris
-' on fit du bois& de l'eau, on
acheta toutes les provisions
que l'onjugea necessaires
- pour aller à Batavia,& l'on
remit à laVoile le 7. de Juin,
après les Saluts donnez &
rendus de part & d'autre
comme onavaitfait en arrivant.
Cette seconde traver- senefut pas si douce que
la premiere. Les vents furent
violens,& la tempeste separa
la Fregate la Maligne du
Vaisseau de Mr l'Ambassadeur
,sans quelle pust le rejoindre
qu'auprés de Batavia.
Le 5. de Juilleton découvrit
l'Isle de Java,
-
& le 16. on
moüilla prés de Bantam. La
longueur del'Isle de Java est
de cent cinquante lieuës,
mais on n'a pas encore bien
sceu quelle est sa largeur.
C'est ce qui a fait croire à
quelques uns quecen'estoit
pas une Ble; mais qu'elle faisoit
partie du Continent que
l'on connoist fous le nom de
terre Australe au près du Détroit
de Magellanes. Les Habitans
pretendent que leurs
Predecesseurs estoient Chinois,&
que ne pouvant sousfrir
la trop severe domination
du Roy de la Chine, ils
passerent dans l'Isle de Java.
Ontrouveeneffet que les Ja- 1
vansontle front& les. machoires
larges,& les yeux pe- l
tits comme lesChinois. Il n'y t
àpresquepoint de Ville dans
Java qui n'ait son Roy, &
tous ces Rois obeissoient autrefoisà
un Empereur mais
depuis environ quatre-vingt
ans,ils ont aboly cette Souveraineté
,
& chacun d'eux
est indépendant. Celuy de
Bantam est le plus puissant.
de tous. La Ville qui porte ce
nom, estau pied d'une Montagne
de laquelle sortent
trois Rivieres,dont l'une traverse
Bantam
,
& les deux
autres lavent ses murailles y
mais elles ont si peu d'eau.
qu'aucune des trois n'est lia.
vigable.LesHollandois sont
maistres de cette Place depuis
peu d'années. Le Roy
de Bantam ayant cedé le
Royaume à son Fils, ce Fils
maltraita d'abord tous ceux
qui avoient esté considerez
de son Pere. Le vieux Roy
l'ayant appris luy en fit faire
des reprimandes, & le Fils
pour s'en vanger, fit massacrer
tous ces malheureux. Ce
différentalluma la guerre
entre le Pere & le Fils, & ce
dernier fut chassé. Dans cette
disgrace
,
il demanda du
secours aux Hollandois qui
le rétablirent & mirent le
vieux Roy dans une Prison
où ils le tiennent encore.
Tout se faitaunom du jeune
Roy
,
qui ay ant une grosse
GardeHollandoisetoujours
avec luy pour l'observer, n'a
pc pouvoirqu'autant que les
Hollandoisluy en laissent.
Le Vaisseau de Mrl'Ambassadeurn'entra
point dans le
Havre de Bantam, mais on
le laissa pas de prendre tous
es rafraichissemens. dont on
ut besoin
,
& ils furent apportez
à bord par ceux du
Pays. - -¡"., -,,-'-'f.
Le 18. on arriva devant Batavia
,
où l'on demeura sept
jours pour soulager les Malades
que l'on mit à terre.
Cette Ville est située à douze
lieuës de Bantam
, vers le
Levant dans une Baye
,
qui
estant couverte de quelques
petites Isles du costé de la
Mer, fait une des plus belles
rades de toutes les Indes.
Ce n'estoit d'abord qu'une
Loge que les Hollandois avoient
à Jacatra
,
& que le
Roy de ce nom leur avoir:
permis de bastir à causedes
avantages qu'il tiroit du de j
bit des Epiceries qu'ils y venoient
acheter. Le Roy de
Bantam leur avoit aussi permis
de bastir une Maison ou
Loge dans son Royaume,
pour y laisser les Facteurs qui
devoient veiller à la conservation
des Marchandises
dont ils trafiquoient. La
mesme permission avoit esté :
donnée aux Anglois, malgré
la repugnance qu'avoient les
Javans de souffrir aucun établissement
aux Estrangers
dans leur Isle, par lacrainte:
où ils estoient qu'ils ne les
traitassentavecla mesme rugueur
que les Portugais avoient
exercée contre les
Rois Indiens qui les avoient
receus chez eux. Les Traitez
que les Hollandois avoient
faits avec ceux de Jacatra &
de Bantam
,
regloient les
Droits d'Entrée &de Sorcier
mais comme ils haussoient
ces Droits àmesurequ'ils
voyoient que le Commerce
devenoit necessaire aux Etrangers,
la mauvaise foy
qu'ils eurent
5
obligea les
Hollandois à fortifier peu à
peu leur Loge de
-
Jacatra,
pour se mettre à couvert de I
la violence que leur pourroient
faire les Barbares
quand ils voudroient se
mettre à couvert de ces injustices.
LesIndiensnes'en
apperçeurent que lors que
la Loge futen estar de desense,
& ne pouvant plus se
décharger des Hollandois
par laforcey ils se servirent
de l'occasion de la mauvaise
ntelligence où ils les virent
Lvec les Anglois, & quiéclaa
principalement batNaval au Com- qui se donna entre
ux le 2. Janvier 1619. entre
acatra & Bantam. LaFlote
Angloise qui estoit d'onze
Ramberges
,
maltraita la
Hollandonise j , qui n'estoit,
composée que de sept Navires.
LesHollandoiss'étantretirez,
le Roy de Jacatra assiegea
leur Fort, auquel ils avoientdonné
le nom de Batavia.
Il se servit des Troupes
Angloises,qui après un Siege
de sixmois,furent contraintes
de l'ab andonnerles Hollandois
ayant renforce leur Flote,
des Navires qu'ils avoient
dans les Moluques. Le Roy
de Jacatrarejetta inutilement
sur lesAnglois la cause de ces
desordres, Le General Hollandois
se paya point de ces
excuses; Il fit débarquer ses
gens au nombre d'onze cens
hommes, attaqua la Ville de
Jacatray la prit de force, &
y fit mettre le feu. Aprés ce
succez,les Hollandoisacheverent
les Fortifications de
leur Loge, & en firent une
Place reguliere, à quatre Bâstionsrevestus
de pierre,bien
fossoyée&palissadée avec
ses demy-lunes, redoutes, ôc
autres Ouvrages. Le Royde
Matran
,
quiestoitcomme
l'Empereur de toute rIfle..
assiegea le Fort en 1628.& s'étant
logé fous le Canon, fit
donner plusieurs assauts à la
Place, mais il fut enfin contraint
de lever le Siege, aussibien
que l'année suivante,
& depuiscetemps là les Hollandois
y akr- étably leur
-
commerceavec lesChinois,
Japonois, Siamois, & autres
Peuples Voisins
,
se failanc
payer dix pour cent pour les
droits de laTraite-Foraine,
de toutes les Marchandises
qui s'y débitent. Ils sont
maistres de toute la Canelle
&du Clou deGirofle quiest
dans I
dans le monde,&envoyent
tous les deux ans un Vaisseau.
au Japon; mais ils n'ont presque
point de liberté en ce
lieu là. Si-tost queleurs Vaiffeaux
y sont arrivez, on 1.
prend leurs Voiles, leurs Agrés,
& tous lesMasts qu'on
met ians unMagasin &
quelque
tempsqu'il
puisse
Faire,on les oblige à partir au
OUI; qui leur est marqué.
Le Directeur du Comptoir
l'y peut estre que trois ans. 1
^.infi il y en a toujours trois,
'un quiva,l'autre qui revient,
( le dernier qui demeure.
On ne souffre point qu'ils
aillent dans le Pays, mais Us?
en rapportent tantde riches
ses, qu'ilssesoûmettent sans
peine à ce qu'on exige d'eux.
Le General Hollandois qui ij
està Batavia,n'est pas moins
puissant qu'un Roy. Quoy
qu'on ne l'élise General que 3
pour trois ans, l'élection se 5
confirme
,
& il est toujours 2
continué. Il a une Garde à i
pied & à cheval. Ses apoin- -
temens sont de quarre mille
francs par mois, & il prend h
tout ce qu'il veut dans les
Magasins sans rendre comp- -
se de rien. Il y a six Conseillers
ordinaires qui font toules
choses
,
& quand il en
meurt quelqu'un,c'est luy
qui luy nomme un Succes-
,- seur fous le bon plaisir de la
Compagnie.Son choix en elt
toujoursapprouve. Il yaaussi
des Conseillers extraordinaires
,mais quand on prend
leurs avis, on ne compte
point leurs voix, si ce n'est
sqeuil'lielrms anque un des six Conordinaires.
Ils sont
tous logez dans la Forteresse.
La Compagnie a dans ce
Pays-là plus de deux cens
Vaisseaux qui font tout le tra- 1 fie de l'Orient.Ondit que
les Hollandois y peuvent l
faireune armée de plus, de
cinquanteVaisseauxdeGuer- '-
re. Ils ont six Gouyernemens
Généraux, desquels dépendent
tous les Gouvernemens
particuliers de leurs Places,
& par consequent tous les
Comptoirs & Loges qu'ils
ont la en tresgrand nombre,
& dans tous les lieux où ils
croyent pouvoir trafiquer.
Mr l'Ambassadeur receut
toutes les honnestetez possibles
de ce General des Hbllandois,
quil'envoya visiter
à bord 7 j , &luy -Et porter toutes
fortes de rafraichissemens.
Quoy qu'il se fust excusé
de sortir de sonVaisseau,
comme il l'en, avoir fait
prier, il ne laissa pas de defcendre
à terre Incognito, ôc
d'aller voir les beaurez de
Batavia. Après avoir donné
quelques jours aux Malades
que l'air de la terre guerit en
fort peu de tem ps, il resolut
de poursuivre son Voyage;
mais comme aucun des Pilotes
n'avoit esté à Siam, il en
prit un du Payspour passer
le Détroit de Banca qui est
dangereux. Ce fut là que la
Fregate la Maligne le rejoignit
, ce qui fut à tous un
fort grand sujet de joye. Peu
de jours aprés, Mr d'Arbouville
Gentilhomme de Normandie
,mourut dans cette
Fregate, & il fut jetté à la.
Mer avec les ceremonies ordinaires
dans ces-tristes occa
fions. Les deux Mandarins
que l'on remenoit de France
à Siam
,
n'avoient sorty que
deux fois du trou où ils s'etoient
mis dans le Vaisseau
pendant tout y ce long Voyage
,
mais lors que l'on commença
a voirdeshommes
noirs vers ce Détroitde Banca,
ils monterentsur letillac,
& donnerent de grandes
marques de joye.
Le 3. de Septembre on repassa
la Ligne, & enfin le 14.
du mesme mois on moüilla
à la Barre de la Riviere de
Siam, qui est une des plus
grandes de toutes les Indes.
On l'appelle Menam, c'est à
dire, Mere des Eaux Elle
n'est pas bien. large , mais
elle est si longue, qu'on dit
qu'on n'a pû encore monter
jusqu'a sa source. Son cours
est du Nord au Sud.Elle f
passe par les Royaumes de
Pegu & d'Auva, & en suite
parceluy de Siam. Elle a
cela de commun avec le Nil,
qu'elle se déborde tous les
ans, & couvre la terre pen
dant quatremois. En s'en
retirant, elle y laisse un limonquiluy
donne lagraisse
& l'humidité dont elle a be.
foin pour la production du
Ris. Elle se dégorge dans le
Golse de Siam par trois grandes
embouchures, dont la
plus commode pour les Navires
& pour les Barques est
la plus orientale, mais ce qui
la rend presque inutile,c'est
uu Banc de sable d'une lieuë
d'étenduë, qui est vis-à-vis
de laRiviere,& qui n'a que
cinq ou six pieds d'eau avec
la basse Marée.Lahaute y
en amene jusqu'à quinze ou
seize; maiscen'e st pasassez
pour les grandsNavires qui
demeurent ordinairement à
la rade à deux lieuës de ce
Banc. Ils y sont en seureté,
& ont en tout temps six
brasses d'eau.Ainsi le Vaisseau
de Mrl'Ambassideur
demeura à cette rade, & la
Fregate qui prenoit moins
d'eau, passa sur le Banc avec
la Marée. Quand on l'apafsé
on peut entrer dans la Riviere
jusques à BancoK, qui
est une Ville éloignée dela
Mer de six lieuës. Celle de
Siam en cil: à vingt-quatre,
Si-tost qu'on eut mouillé à
cette embouchure, Mr le
Chevalier de Chaumont envoya
Mr Vachet, Miffionnaire
Apostolique, qui estoit
venu en France avec les
Mandarins de Siam
,
donner
avisdeson arrivéeàMr l'Evêque
de Metellopolis. Cette
nouvelle causa une extrême
joye au Roy de Siam. Il ordonna
aussi-tost qu'on prearast
toutes choses pour saie
une magnifiquereception
L Mr l'Ambassadeur, & nomna
deux Mandarins du prenier
Ordre pour luy venir
aire com pliment à bord.
C'est ce qu'apprit MrleChevalier
de Chaumont par Mr
Evesque de Metellopolis,
qui vint à bord le 29. avec
Mrl'Abbé de Lyonne. Cét
Abbé estoit passé à Siam en
581. avec Mr l'Evesque d'Heliopolis,
dont il y a quelques 1
mois que je vous appris la
mort. Son zeleestconnue,&
l'on peut juger par là dufruit
qu'il a fait en travaillant à la
Conversion desInfidelles.Le
lendemain les deux Mandarins
vinrentsaluer Mr l'Ambassadeur.
Il les receut dans
sa Chambre
,
assis dans un
Fauteüil
,
&ils s'assirent à la
mode du Pays sur des Carreaux
qui étoiét surle Tapis
de pied. Ilsluy marquerent
1 la joy e que le Roy leur Maîtreavoit
de sonarrivée,& dirent
qu'on luy avoir donné
une agréable Nouvelle,en
luy apprenant quele Roy de
France avoit vaincu tous ses
Ennemis, & donné ensuite
la Paix à l'Europe. Cette Audience
finie, on apporta du
Thé& des Confitures,& l'on
tira neufcoups de Canon à
leur sortie du Vaisseau.
Le I. d'Octobre,MrConstanceFavory
duRoy,envoya
son Secretaire avec des rafraichissemens
en si grand
nombre, qu'il y en eut pour
nourrir tout l'Equipage pendant
quatre jours. Mr Constance
est un homme d'un
fort grand merite, qui s'est
élevé par sa vertu au porte
où il est. Il est Grec,de Mie
de Cefalonie
,
& fut pris petit
Garçon par un Vaisseau,
où il fut fait Mousse. C'est
le nom qu'on donne à de
jeunes Matelots qui fervent
les gens de l'Equipage. On
le mena en Angleterre,&
il continua le service dans
les Vaisseaux. Il passa aux Indes,&
de degré en degré, il
devint enfin Capitaine de
Vaisseau. Il alloit à la Chine,
& au Japon, où il trafiquoit
pour le compte des Marchands.
La tempesteluy
ayant fait faire naufrage à la
Coste de Siam
,
il fut contraint
de semettreau service
du Barcalon, qui est un des
six grands Officiers de ce
Royaume. Son employ consiste
dans l'administration
des Finances. Le Roy de
Siam avoit alors un grand
démeslé avec ses voisins,
touchant un compte par lequel
on pretendoit qu'il demeuroit
redevable de fort
grosses sommes Les Siamois
n'entendent pas bien l'Arithmetique.
Mr Constance de-
-
manda à examiner tous les
Papiers que le Barcalon a-
, voit entre ses mains
,
& il
rendit le compte sinet, qu'il
fit connoistre non seulement
que le Roy de
-
Siam ne devoit
rien
,
mais que l'autre
Roy luy devoit des sommes
tres -
considera bles. Vous
pouvez juger dans quellefaveur
il se mit par là. Le Barcalon
estant mort peu de
temps aprés, le Roy le prit
JL son service ,&il est presentement
tout puissant dans
cet Estat. Il n'a voulu accepter
aucune des six grandes
Charges
,
mais il est sort diffusde au
tous ceux qui les
exercent
,
& il seroit dangereux
dene luy pas obeïr. Il
parle au Roy quand il veut, -
c'est un privilege qui luyest
particulier. Laprincipalede
ces grandes Charges rend
celuy qui la possede comme
Viceroy de tout le Rovau--»
me.elleest presentement
exercée par un Vieillard pour
cjm le Roy mesme a grand
:*e{peâ.-Il est son Oncle & a"
ïsté son Tuteur. Ce Vieilard
estsourd
,
& on luy par- eparile moyen d'uniennp
homme que l'on sait entrer,
& quien criantfort haut,
luy fait entendre ce qu'il faut
qu'il sçache. C'est un homme
de tres-bon sens, & on
s'est toûjours bien trouvé de
ses avis.
Le 8. Mr l'Evesque de Metellopolis
revint à bord avec
deux Mandarins plus qualifiez
que les premiers, qui furent
receus & saluez de la
>•
mesme forte. Ils venoient j
s'informer au nom du Roy
de la santé deMrl'Ambassadeur,
& l'inviter de descendre
à terre. Aprèsqu'ils furent
sortis du Vaisseau, cet
A mbassadeur se mit dans son
Canot, & sur le soir il entra
dans la Riviere avec les per-
»
sonnes de sa fuite, qui avoient
trouvédes Bateaux du
Roy pour les amener. A l'entrée
de cette Riviere estoient
cinqBalons sortmagnifiques
que le Roy avoit envoyez
pour le conduire à Siam. Ce
sont des Bastimens faits d'un
seul arbre. Il y ena qui ont.
cent pieds de longueur, &,
qui n'en ont que huit on
neufpar le milieu,quiest
l'endroit le plus large,& dans
lequel il y auneespece de
Trône couvert. Mrl'Ambassadeur
coucha ce soirlaà
bord de la Maligne, qui étoit
entrée dansla Riviere quelques
jours auparavant.
-
Le 9. deux nouveaux Mandarins
vinrent recevoir ses
ordres. Ils estoienthabillez
comme les autres, avec une
maniere d'écharpe fort large
depuis la peinture jusqu'aux
genoux, sans estre plissée.
Elle estoit de toile peinte,
& tomboitcomme une culote
Il y avoit au bas une
bordure fort bien travaillée,
!& des deux bouts de l'écharpe,
l'un passoit entre leurs
jambes, l'autre par derriere.
- Depuislaceinturejusqu'en
haut,ilsavoient une maniere
de chemise deMousseline
assez ample, tombant par
dessus l'écharpe, & toute ouverte
par le devant. Les
manches venoient un peu
au dessous du cou de
,
& étoient
passablement larges.
~ls avoient la teste nuë
,
ôc
~stoient sans bas & sans souiers.
La plus part de leurs
~alets n'avoient que l'éharpe
& point de chemise.
Onze Bateaux arriverent dej
Siam chargez de toutes sor- ni
tes de vivres. Mr Constance j
les envoyoit de la part du j
Roy,qui luy avoit ordonné t
de faire fournir aux Equipagestoutes
leschoses dontils
auroietbesoin pour leur sub- fl
sistance,pendant leur séjour.
Mr l'Ambassadeur s'étant "a
i < -
mis dans un Balon partità *'j
sept heures du marin, & apres
avoir fait cinqlieuës,
il arriva dans une Maison
bastie de Bambous, qui est
un Bois fort leger, & couverte
de Nates assez propresm
Il y avoir plusieurs Chambres
toutes tapissées de toiles.
peintes. Les Meubles en estoient
fort riches, & tous les
Planchers estoient couverts
de tres-beauxTapis. La
Chambre deMrl'Ambassadeur
estoit meublée plus
magnifiquement que les autres.
Il y avoir un Dais de
toile d'or, un Fauteüil doré,
&un tres- beau Lit. Deux
Mandarins, & les Gouververneurs
de BancoK& de
Pipely le receurent en cette
Maison, qui avoir esté bâtie
expres, ainsique toutes les
autres-où il logea jusqu'àson
arrivée à Siam. Il fautaussi
remarquer que les Meubles 1
de toutes ces Maisons estoient
neufs, & n'avoient
jamais servy. Il y eut un
grand Repas, aussi abondant
en viandes qu'en fruits.
Apres que l'on eut disné, Mr
l'Ambassadeur se remit dans
sonBalon, & arriva le soir à
BancoK, qui est la premiere
Place du Royaume de Siam
sur la Riviere. Un Navire~
Anglois qui se trouva à la
rade, le falüa de 21. coups de
Canon, & les deux Forteresses
ses qui sont des deux costez
de cette Riviere, tirerent
l'une 31. coups de Canon &
l'autre29. Il logea dans l'une
de ces Forteresses, en unf
Maison fort bien bastie, &",
que l'on avoit richement
meublée. Il y fut traité avec
la mefime magnificence.
Il partit le 10. à huitheures
du marin, & receut des Forteresses
le mesme salut qu'à
on arrivée. Il fut complimenté
avant son départ, par
eux nouveaux Mandarins
ui l'accompagnerent avec
~us les autres,auffi- bien que
le Gouverneur de Bancok.
Il trouva de cinq lieuës enn
cinq lieuës de nouvelles
Maisons toujours tres-commodes
,& fort richement
meublées
,
& arriva le 12. à"É
deux lieues de la Ville de
Siam. Il avoit plus de cinquante
Balons à sa suite, de i
cinquante jusqu'à cent pieds
de longueur, & depuis trente
jusqu'à six-vingt Rameurs..
Ilssontassis deux sur chaque *
banc,l'un d'un costé, & l'au-
-
tre de l'autre, le visage vers 2
le lieu où ilsveulent arriver..
Leurs rames sont longues de *
quatre pieds, lapluspart dorées,&
ils fatiguét beaucou p
enramant de cette forte. Il
- faut cependant fort peu de
chose pour les contenter.On
leur donne du ris qu'ils font
cuire avecde l'eau, &quand
on y ajoûte un peu de poisson,
on leur fait grand' chere.
Dans tout ce passageon rendit
à Mr l'Ambassadeur les
mesmes honneurs que l'on
rend au Roy. Il ne demeura
pei sonne dans les Maisons,
& comme toute la Campagne
estoit a lors inondée,tout
le monde estoit prosterné
dans desBalons, ou ssir<
des monceaux de terre élevez
à fleur d'eau,& chacun
avoir les mains jointes proche
le front. Devant toutes
les Maisons & Villages, il y
avoir une espece de parapet,
élevé de sept ou huit pieds
hors de l'eau avec des nates.
C'est ce qu'ils observent lors
que leRoy passe. Ils se jettent
le ventre contre terre, & par
respect ils n' osentjetter les
yeux sur luy. J'ayoublié de
vous dire que toutes les
Maisons où Mr l'Ambassadeur
logea, estoient peintes
derouge,ce qui est particu
lier aux Maisons du Roy.
On y faisoitgarde pendant
lanuit, & ilyavoit des feux
tout autour.
Le 13. Mr m'Ambassadeur
fit prier le Roy de luy vouloir
envoyer quelque personne
de confiance avec
qui il pust s'expliquer, parce
que les manieres de recevoir
les Ambassadeurs des Roys
d'Orient
,
estoient differentes
des Ceremonies que l'on
devoit observer en recevant
un Ambassadeur du Roy de
France. Mr Constance vint
à bord le lendemain
,
& ils
convinrent ensemble de
toutes choses.
Le 15 tout le Seminaire
de Siam vint saluer Mr le
Cheualier de Chaumont. Il
y avoit plusieurs Prestres venerables
par leur grande
barbe, & quantitéde jeunes
Chinois, Japonois, Cochinchinois,
Siamois & autres,
tous en long habit, & avec
une modestietres-édisiante.
Les uns sont dans les Ordres
Sacrez,&les autres aspirent
a y entrer.
Le 16. les Deputez de toutes
les Nations établies à
Siam au nombre de quarante
deux, le vinrentcomplimenter.
Ilsestoient tous habillez
à leur maniere, ce qui
faisoit un effet tres. agréable.
Lesunsavoient desTurbans,
les autres des Bonnetsàl'Arménienne,
ceux-cy des Calotes,&
quelques-uns des Babouches
comme les Turcs,
Il y en avoit qui estoient
teste nuë ainsi que les Siamois,
parmy lesquels ceux
qui font d'une qualité distingllée,
ont un Bonnetcomme
celuy d'un Dragon. Ilest
faitde Mousseline blanche,
& se tient toutdroit. Ils l'arrestent
avec un ruban qu'ils
passent tous leur menton.
Le 17. Mr Constance vint
voirles Presens que Sa Majesté
envoyait nu Roy son
Maistre
,
&il amena quatre
Ballons magnifiques pour
les porteràSiam.
Le 18. Feste de S. Luc,
M l'Ambassadeur sedisposa
à son entrée dés le matin, &
il commença par offrir à
Dieu son Ambassade
,
puisqu'elle
n'avoit esté resoluë
que pour sa gloire. Il fit ses
Dévorions avec sa pieté ordinaire
,
& ensuite il alla
:rouver deuxOyas& quaante
Mandarins qui l'attenloienc
dans la Salie. Les
Dyas sont comme les Ducs -
n France. Il prit la Lettre
lu Roy, & la mit dans une
Boëte d'or, cette Boëte dans
ne Coupe d'or, la Coupe
~DUS une sous-Coupe d'or, &
exposa ainsi sur la table, ou
stoitun richeDais. LesOyas
les Mandarins se profernerent
les mains jointes
11* lefront, levisage contre
rre, & salüerent trois fois
la Lettre en cette posture-
C'est un honneur qui n'avait
jamais esté rendu dans
ces fortes de Ceremonies.
Cela estant fait, Mr l'Ambassadeur
prit la Lettre avec
le Vase, le porta septouhuit
pas & l'ayant donné
à Mrl'Abbé de Choisyqui
marchoit un peu derriere.à
sa gauche,
il alla jusqu'a la
Riviere, où il trouva un Ba-
Ion très-doré
,
dans lequel
estoient deux grands Mandarins.
Alors il reprit la Lettre
du Roy, des mains de M
l'AbbédeChoisy,laportajusue
dans ce Balon & l'ayant
onnée à l'un desdeux Man-
~arins, ce Mandarin la mit
iixs un Dais fort élevé en
pince & tout brillant d'or.
* Balon où cette Lettre tmise
,
suivit ceux qui
~rtoient les Presens du Royeux
autres estoient de cha-
~e cofté
, & il y avoit.
~ux Mandarins dans chaa
pour garder la Lettre.
~tit autres Balons de l'Estat
Siam, tous fort magnifies
,
suivoient ceuxcy ,
Ôc
cedoient un tres -
super-
Balon où Mr l'Ambassadeurestoit
seul. Mrl'Abbé
de Choisy estoit aussi feullli,
dans un autre, & il y en avoit
de vuides qui servoient
d'escorte à droit& à gauche.
-
En suite parurenr quatreautres
Balons, où estoient les
Gentilshommes & les Officiers
de Mr l'Ambassadeur.
Dans d'autres estoientles
Gens de saisuite, tous fort
propres, & accompagnez de 3)
Trompettes & de dix-huit
hommJ.es de livrée. Elle cftoit
fort magnifique,&frap- -<j
pa les Siamois plus que l'or n
des Juste-au-corps. LesNations
étrangeres furent du
Cortege, & l'on ne voyoit
que Balons sur la Riviere.
Les grands Mandarins marchoient
à la teste en deux
colomnes. Le Balon oùef-
~oit la Lettre du Roy & les
leux Balons qui la garloient
avec celuy de Mr
»Ambassadeur
,
tenoient le
milieu. Si tostqu'il fut arrivé
terre, la Ville le salüa
, ce
qui ne s'estoit jamais fait
pour aucun Ambassadeur. Il
~ortit de son Balon,& ayant
~epris laLettre du Roy, illa
pic sur un Char de Triomphe
qui l'attendoit, & quiu
estoit encore plus magnifï--que
que que le Balon. On le ~fiéd
monter dans une Chaise ~déJj
couverte, toute d'or, & ~quoi,
dix hommes porterent. M"i\
l'Abbé de Choisy fut ~portôr
dans uneautre. Les~Gentils-?
hommes & les ~Mandainen
suivoient à cheval, & les/j
Trompettes, & tous les ~Genen
de laMaison de Mr~l'Am-rr
bassadeur alloient à ~piecVj
en fort bon ordre. Les Na~x,l
tions suivirent aussi à ~piedhz
On marcha de cette ~fortor;
dans une ruë assez longue, &&
largeà peu pres comme la
ruëdeS Honoré.Elleestoit
bordée d'arbres, & dune
double file deSoldats, le Pot
enrested'un metaldoré, leBouclier & ferentes au bras avec dif- armes, Sabres, Piques,
Dards, Mousquets,
Arcs & Lances. Ils estoient
nuds pieds., & avoient une Chemise rouge, avec une Echarpe de toile peinte qui leur servoit de culote, com-
~me j'ay déja marqué. Des Tambours sonnant comme des Timbales, des Musettes,
des manieres de petites Cloches,&
des Trompettes qui
nerendoient qu'un son des
Cornet,formoient une har- -
monieaussibizarre qu'extraordinaire.
Apres avoir passé
-
u
par cette ruë, on arriva dans 21
une assez grande Place. C'es- -
toit celle du Palais. On ~n
voy oit des deux costez plumesieurs
Elefans de guerre, & :),
des hommes à cheval habil- - lez à la moresque avec la
-
Lance à la main. Les Na- ~-
tions avec tout le restedu Il
Cortege,quitterent M'l'Am- -e
bassadeur en ce lieu là , à la Li
reserve de ses Gentilshom- -1
mes. Avant que d'entrer ij
dans lePalais, il prit la Lettre
du Roy qu'il remit entre les
mains de Mrl'Abbé de Choi-
(y. En suite on marcha à
pied fort gravement. Les
Gentilshommes & les Ovas
alloient devant en bon ordre.
On traversa plusieurs
Courts. Dans la premiereil
y avoit deux mille Soldats le
Pot en reste, & le Bouclier
lOfé) ayant devant eux leurs
Mousquetsfichez en terre;
ls estoient assis sur leurs taons.
Dans la seconde par~
uurreenntt tcrrooiiss cens CChheevvaauuxx-.
~en Escadron, avec plus de
quatre-vingts Elefans, & :
dans la derniere estoient : quantité de Mandarins le
visage en terre, & soute-
-
nu sur leurs coudes. Il y >
avoit six Chevaux dont 3
tout le harnois estoit d'une e
richesse que l'on auroit peine
à exprimer. Brides,Poitrails,
( Crou pieres,Courroyes
, tout 3
estoit garny d'or,& par des- -
sus il y avoit un nombre infiny
de Perles,de Rubis&de 3
Diamans, en sorte qu'on ne s
pouvoit voir le cuir. Les 2:
Estriers estoient d'or,& les v
Selles d'or ou d'argent. Ils EJ
avoient des anneaux d'or
aux pieds de devant
, &
estoient tenus chacun pardeux
Mandarins.On y voioit
aussi plusieurs Elephans richement
enharnachez,comme
des Chevaux de Carrosse.
Leur harnois estoit de velours
cramoisy avec des boucles
doréesLorsquel'on fut
arri vé auxdegrez de la Salle
destinée pour l' Audience,
Mr l'Ambassadeur s'arresta
avec Mr Constance qui l'cf---
toit venu trouver, pour donner
le tem ps à ses Gentilshommes
d'entrer avant luy
dans cette Salle. Ils y entrerent
à la Françoise, & s'assirent
sur de superbes Tapis,
dont tout le plancher estoit
couvert. Les Mandarins &
tous les Gens de la Garde se
placerent de l'autre costé, &
pendant ce temps le Barca-
Ion dont on n'avoit point
encore entendu parler, entretenoit
Mr l'Ambassadeur
au bas du degré. Il luy dit
qu'a la nouvelle de son arrivée
ala Barre de Siam, il avoit
eu envie de l'aller trouver,
mais que les Affaires de
l'Estat ne luy en avoient
point laissé le temps. Ce
compliment estoit à peine
~Un y
>
qu'on entendit les
Tronl pettes&les Tambours
~lu dedans. Les Trompettes
lu dehors répondirent à ~niit,quifaisoitconnoistcree
~ue le Roy montoit à son
~trône. En effetil parut dans
e moment, & à mesme
~nips tous les Mandarins se
~ofternerent" pat terre les
ains jointes, suivant leur
~»ultumé.' Les François le
~üerenr, mais sans se le.
~r de leurs places. Alors
~Confiance&leBarcalpn.
entrerent dans la Salle les
pieds nuds
,
& en rampant
sur les mains & sur les genoux.
Mr l'Ambassadeur les
suivit
, ayant à sa droite Mr
l'Evesque de Merellopolis,
&à (a gauche M l'Abbé de
Choisy
,
qui portoit le Vase
où estoit la Lettre du Roy.
On tient qu'il pesoit du
moins cent livres, & il l'avoit,
toûjours eu entre les.
mains depuis qu'on l'avoir
tiré du Char de Triomphe.
Il estoit en habit longavec
un Rochet, & son ~manteaux
par dessus.Mrl'Ambassadeurs
osta son chapeau sur le dernier
degré dela Salle, & appercevant
le Roy dés qu'il
fut entré,il fit une profonde
\- reverence. Mr l'Abbé de
Choisynefalüa pas , parce
qu'il portoit la Lettre du
Roy.Ilsmarcherent jusqu'au
milieu de la Salle
, entre les
François assis sur les ta pis dit
Plancher & deux rangs de
grands Mandarins prosternez,
parmy lesquels il y avoit
deux Fils du Roy de
Chiampa
,
& un Frere du
Roy de Camboie, Mr l'Ambassadeur
fit une seconde reverence
,& s'avançant toujours
vers le Trône; lors
qu'il fut proche du lieu où
estoituneChaise à bras
qu'on luy avoir preparée, il
en fit une troisième, & commença
sa Harangue,ne s'asseiant
Ôc ne mettant ion chapeau
qu'aprés en avoir prononcéle
premier mot. Il dit
au Roy de Siam
,
£hte le Roy
son Maistre, fameux par tant de
Victoires, & par la paix qu'il
avoit accordée tant de fois à jes
Ennemis, luy avoit commandé
de venir trouver Sa Majesté aux
extremitez de l'Univers
, pour
luyi
w
wy pfeflnter des marques de jon
ejftme, er l'afj-rcr de son amitié
; mais que rien nefloit plus ca..
fable d'unir deux sigrands Princes
t que de vivre dam les fntinjem
dune mtfrne croyance; que cestoitparticulièremint ce que le
Roy son Maiflreluyavot recommandé
de rrpYl/ enter à Sa
Al.siesté
;
Quele Royleconjuroit
Par l'interef}quilpi non: à ra
véritable gloire
)
de co?1.fidrer
tjue cettesuprême A/fcjefit dont il
ijloit revcjîu sur Li Tcrre
, ne
wàuvoit venirque 'u vr yT)iru dire, du Di u Tout puiss
ant ,
Eternel Infiny
,
tel que
Ses Cbreftiens le reconnoijfent*
qui seulfait regner les Roys,&
réglé lafortune de tous les Peuples
; Que c'efloit à ce Dieu du
Ciel & de la Terre qu'ilfalloit
soumettre toutessesgrandeurs,
non a ces 'Vi'Vinitez qu'on adore
dins l'Orient,rItr dont Sa Maje/
lequi avoittantde lumierese
de pénétration
, ne pouvoit manquer
de voir l'impmjfance. Il finieen
disant,quelaplus agreableNouvelle
quil pourroit porter
au Roy [on Maigre
y
feroit que
Sa Majeftéperfuadée dela veri.
té,sifaisoitinstruire dms la ReligionCbrejhenne
; que cela cimenterott
a jamais iejnme &
iamitié entre les deux Rays ; que
iesFrançoisviendraient dans fort
Royaume avec plus d'empreffimentg)
de confiance,&quâinfi
ea Majefié s'attireroit un honheur
eternel dans le Ciel, après a.
suoit régnéavec rant de prosperité
surla Terre.
- Mr TAmbassadeurprononça
cette Harangue toûjours
assis,& sans oster son Chapeau
, que lors qu'il nommoit
quelqu'un des deux
Roys. Mr Confiance en fut
l'Interprete, & se prosterna
trois fois avant que de corn»
mencer. Aprés quoy M41le
Chevalier deChaumont prit
la Lettre de Sa Majesté des
mainsde Mrl'AbbédeChoisy.
Le Vase où onl'avoitenfermée,
estoit soustenu d'un
grand manche d'or de plus
de trois pieds de long. Ils'avança
jusqu'au Trône, qui
estoitune manieredeTribune
assez élevée dans une fenestre
de la Salle,& il presenta
le Vase sans hausser la
main. Mr Constance luy dit
qu'il prist la Coupe par le
baston, mais il n'en voulut
rien faire. Le Roy se mit à
rire
,
& s'estant levé pour
prendre le Vase, il se baissade
maniere qu'on luy vit
plus de la moitiédu corps. Il
regarda la Lettre qui estoit
dans une autre Boëte d'or
que ce Princeouvrit. Il avoir
une Couronne toute brillante
de gros Diamans, avec un
Bonnet comme celuy d'un
Dragon, qui se tenoit droit,
artaché à la Couronne. Son
Habit estoit une maniere de
Juste-au-corps d'un Brocart
d'or, dont le fond estoit UEP
rouge enfoncé. Ce Juste-aucorps
luy serroit le col & les
poignets, & aux bords il y avoitde
l'or&desDiamans,qui
faisoient comme un collier
& des bracelets.. Il avoit aux
doigts quantitéde Diamans.
LaSalle de l'Audience étoit
elevée de douze ou quinze
degrez.Elle estoit quarrée &
assez grande, avec des fenestres
fort baffes de chaque
coste. Les murs estoient
peints, & il y avoit de grandes
Fleurs d'or depuis le
haut jusqu'au bas. Le platfond
estoit orné de quantité
de Festonsdorez, Deux
Escaliers conduisoient dans,
une Chambre ouestoit le
Roy, & au milieu de ces Escaliers
estoit une fenestre
brisée, devant laquelle on
voyoit troisgrands Parasols
par étages qui alloient jusqu'auPlat
fond,l'étoffe estoit
d'or,& une feüille d'or couvroit
le baston. L'un de ces
trois Parasols estoit au milieu
de la fenestre, & les deux:
autres aux costez. Ce fut par
cette fenêtreque leRoyparla,
Mr le Chevalier de Chaumont
estant retourné en [a'v
place, apres avoir donné la
Lettre de SaMajesté, ce qui:
futune grande marque de
distinction pour l'Ambassadeur
du Roy de France, les
Roisd'Orient ne prenant
aucune Lettre desmains des
Ambassadeurs, Sa Majesté
Siamoiseluyditqu'Elle recevoit
avec grande joye desmarques
de l'estime&del'amitié
du Roy & qu'il luy
seroit fort agréable de luy
faire voir en sa personne
combien elles luy estoient
cheres. Apres celaMrl'Am-
-
bassadeur luy montra quelques
Presens du nombre de
ceux que le Roy luy enroyoit,
& luy- presenta Mr
'AbbédeCkoify5&lesGen-
- iishommes. Ce Prince luy
larIa des Ambassadeurs qu'il
voit envoyez dans le Soleil
Orient, & demanda des
ouTelles de la Maison
.oyale, & ce qui se passoit
n Europe. Mr FAmbanaeur
répondit que Sa Mailsatcée,
apresavoir pris la forte
de Luxembourg avoit
oligél'Empereur,, les Espanols,
les Hollandois, & tous
s Princes d'Allemagne à
gner avec luy une Tréve
3 *
: vingtans. Il fit encore
d'autres Questions sur lesquelles
Mr l'Evesque de Metellopolis
servit d'Interprete,
& apres que M l'Ambassadeur
y eut répondu, on tiraun
Rideau devant la Fenestre
de la Tribune. Ce fut par
là que l' Audience finit. Elle
dura plus d'une heure, &
les Mandarins demeurerent.
prosternez pendant tout cor
temps. Ils avoient tous un.
Bonnet,mais sansCouronne,
& chacun d'eux tenoit une
Boëte, pleine de Betel &
d'Areque, dont ils usentencore
plus que nous ne faions
icy de Tabac, C'estpar
diference de ces Boëtes.
u'on peut distinguer leurs
ualitez.
Au sortir de l'Au dience,
Mr l'Ambassadeur fut conuit
dans le Palais, où il vit,
Elefant blanc. On luy rend
e grands honneurs, & on.
regarde comme une Diviité.
Quatre Mandarins sont
ûjours aupresde luy. Deux
ennent un Eventail pour
nasser les Mouches, & les
eux autres un Parasol, afin,
empescherqu'il ne soit inommodé
du Soleil.Ilest
servyen Vaisselle d'or.
-
One
en éleve un petit qui sert
son Successeur.. Lors qu'il 1
besoin de se laver, on le .me-si
ne à la Riviere, & alors les
Tambours &les Trompetes
marchentdevantluy. Dans
l'endroit où on le lave, il )(
a une espece deSale couverte,
destinée pour cet usage
Il y a eu autrefois de grandesGuerres
pour l'Eléphant
bbllanc '1 f1. 1 1 ,v,
,
& il a cousté la vie iî i
plus de six cens mille personnes.
Le Roy de Pegu
ayant appris que cet,Animal
estoit possedé par le Roy
e Siam,luy envoya une
mbassade des plus solembiles
pour le prier de le
lettre à prix, s'offrant d'en
lyer ce qu'il voudroit. Ce
t en 1568. Le Roy de Siam
rant refusédes'en défaire
luydePegu leva une Arée
d'unmillion d'hommes
en aguerris
,
dans laquelle
y avoit deux cens mille
hevaux
,
nans cinq mille Ele- ,
& trois mille Chaeaux.
Quoy que Pegu soit
Digne de Siam de soixante
cinqjournées de Chaeau
,
il ne laissa pas avec
cetteredoutable Armée, de
venir amener son Ennemi
dans laVille Capitale. Il
prit& laruinaentierement
s'estant rendu Maistre de se
Trésors, de sa Femme & db
ses Enfans, qu'il emmena i
Peguavecl'Eléphant blancs
Le Roy de Siam se défen
dit jusques à l'extremité, &
voyant sa Ville prise
,
il fl
jetta du haut de son Palais
en bas, d'où il fut tiré crû
pieces. Quelques-uns écrin
vent que le Siege dura vingt
deuxmois,&que cette guerre
re couta plus de cinq cen
mille hommes au Roy de
Pegu. Jugezcombien il en
dût perir ducosté des Siamois.
Les Indiens trouventquelque
chose de Divindans l'Elesant
blanc. Ils disent que
ce n'est pas feulement à
cause de sa couleur qu'ils le
respectent, mais que sa fierté
leur fait connoistre qu'il veut
qu'on le traite en Prince,
Sr. qu'ils ont remarqué plurieurs
fois qu'il se fâche,
quand les autres Elefans
nanquent à luy rendre
'honneur qu'ils luy doivent.
Apres que l'on eut fait
voir cet Elefant à M l'Am—r
bassadeur, il fut conduit àssi
l'Hostel qu'on luy avoitpreparé.
Par toutoù il passa, illi
trouva des Elefans avec les
Soldats qui bordoient les
chemins en tres-bel ordre,s
Quelques Troupes,& plusieurs
Mandarins montez sur
des Chevaux ou sur des Elesans
magnifiquementenharnachez,
marchoient devant
luy, & grand nombres
d'autres suivoient par hon- -c
neur, Ainsi il ne manqua &r
rien à cette Entrée pour la d
rendre très superbe. Tous
Siam joüit de ce grand Spectacle,&
ce qu'il y eut de surprenant,
c'est que tout le
monde estoit prosterné,comime
si le Roy eust passé luymesme,&
cela sefitavecun
si grand respect, que l'onnentendoit
personne cracher,
tousser, ny parler. Les
ordres du Roy avoient elle
donnez pour cela, ce qu'il
n'avoit jamais fait pour d'autres
Ambassadeurs. Il est remarquable
que les Siamois,
Rapportent aucun desous en
laissant, & qu'on ne voir
parmy eux, ny Boiteux, ny
Bossus, ny Borgnes. S'il y a
quelques Aveugles, ils ne le 1
font que pour avoir estécon- j damnez à cette peine pour
quelque crime commis.
La Ville de Siam, que î
quelques uns apellentIndia J
d'autres Iudia, est la Capitale
du Royaume, & l'une des j
plus grandes & des plus peuplées
de toutes les Indes. Ses 1
Remparts sont environ de z
trois toises de hauteur,&elle
a des Bastions de toutes les aj
sortesde plats, de coupez & al
desolides. La Riviere deMenam
qui y coule enhuit enadroits,
y forme deux Isles,
Elle a plusieurs belles Ruës,
& des Canaux qui sont assez
regulierement tirez. La plus
belle est celledesMores. Ce - qu'ils a ppellent le Quartier
de la Chine est aussi tresbeau.
LesMaisons ne sont
pas laides, & il y en a sort
peu où l'on ne puissealler
enBatcau. Surtout les Temples
& les Monasteres sont
tres-bienbattis. Ils ont tous
les Pyramides dorées qui
ontun très bel effet de loin
;zs, Faux-bourgs, des deux
costez de la Riviere sont
pour le moins aussi grands
& aussi ornez de Morquées
& de Palais que la Ville mesme.
Celuy du Roy est d'une
si grande estenglue, qu'on
le pourroit prendre pour une
seconde Ville. Il ases Remparts
separez ,& les Tours
qui l'environnent en grand
nombre sontfort élevées,
& très-magnifiques..
Mr le Chevalier de Chaumont
trouva au lieu où il sur
conduit,des Mandarins qui
estoient degarde
,
& que
l'on avoit chargez defaire
fournir tout ce qui luy seroit
necessaire pour sa dépense.
Le 19. Mr Confiance fit assembler
tous les Mandarins
Etrangers
,
& leur declara
que le Roy son Maistre vouloit
qu'ils se rendissent tous àl'Hostel de Mrl'Ambassadeur
,
afin qu'ils fussenttémoins
de la distinction avec
laquelle il traitoit le Roy de
France, comme estant un
Monarque tout- puissant, &
qui sçavoit reconnoistre les.
donneurs qu'on luy faifoir.
Ces Mandarins répondirent
qu'ilsn'avoient jamais veu
d'Ambassadeur de France;
mais qu'ils estoient fort persuadez
que cette distinction
estoit deuë à un Prince aussi
grand, aussi puissant, &
aussi victorieux que celuy
qui regnoit sur les François,
puisqu'il y avoit long-temps
que ses Victoires estoient
connuës par tout l'Orient.
Ils allerent aussi-tost salüer
Mr l'Ambassadeur, & le mesme
jour Mr l'Evesque de
Metellopolis se rendit au
Palais où le Roy l'avoit mandé
pour interpreter la Lettreque
Mr le Chevalier de
Chaumont luy avoir donnée
e jour precedent. Envoicy
es termes.
LETTRE
DU ROY
TAU ROY DE SIAM. RES HAFT, TRES PVISSANT,
TRES. EXCELLENT,
ET TRESMAGNANIMEPRINCE,
ET NOSTRE
;H'ER ET BON AMr, DIEV
rEVIllEAUGMENTER VOS-
-RE GRANDEVR AVEC YNE.
rIN HEVREYSE.
Nous 4ious appris avec déplaisir
la perte des mbfadeurSI
que :~ nous envoyajîa en1681. -
&Nous avons cflé informe^par
ItiPreflres Mijjionnaires quifont 1
njen;$ deSian
, C. par les Letj
très nueno?Adimlhts ont reteuës j
de h p.irt de celiiya qui vous 1
confia VO) pnncipules affaires e>rijffpm-nr 3, avec leCjnA vous
Joubair.'XnojhramneRoyale.
Ccflpouryfartsfa'rcque nous
avons choisy le Sieur Chevalier'
de Chaumontpouy nolire Ambaf-
Jadeur,quivous apprendra plusparticulièrement
nos intentions9
sur tout ce qui peut contribuer àK
ejldlirpout toujours cette amitié
fi/ide
fllidr entre nous.CependantAlc,
ferons tres-ais de trouver les
occûfons de tous témoigner la
reconnoijjance avec laqui lie nous
avons appris que vous conrznuez
a donner voflre protcfhon aux E-
'Vesques, cm euxautres ÀdiJJionnaires^
potfohcj'ei, quitravaillenta
linflrufliondetosSujets
ians laRetio-ion Cbjeflien,,,e,
lotreefiimep meulièreincurvons
Wus fait desirer ardernn em que
}OKS 'Vur¡fluZ bien vous-mfmc
k écouter) Çj7 apprendre d\u,x ïvéritables À^aximas @r les
fistres f^cre-^dune si fat.te
9y, dans laquelle un a la LulMijfance
du vray Dieu,qui Jîufa
peutJaprés TOUS avoirfait rtgnem
long temps & glorieusement (un
vos Sujets ,
101.$combler d'u
bon heur eternel. Nous avenui
chargénoflreAmb^Qaieur dese
choses les plus curreujes de noftrt
Royaume, qu'il vous prejenter
comme unemarque de noflre ePi_j
me
y
& il vous expliquera aussi
ce que nous pouvons Jfjinr dt
voui pour l'avantage du Com-A
merce de nos Sujets.Sur ce,Afousm
prions Dieu qu'ilvueilleaugmentas
tervoftre Grandeur avec toute fin^\
heureuse. Ecrit en Noflre Cha.X
(eaU Royal le u. Janvier168
Vostre tres cher & bon Amy,
LO VIS, & plus bas COLBERT.
Quelques jours a pres,
le Roy envoya des Presens
à Mr l'Ambassadeur,
sçavoir plusieurs pieces de
Brocart, des Robes du Japon,
une garniture de Boutons
d'or, & diverses curiositez
du Pays. Il y en eut
aussi pour Mr l'Abbé de
Choisy
,
& pour les Gentilshommes
François.
Le 2,5. il fut mené à une seconde
Audience dans une
Salle à costéd'uneautre où
,eHoir l-e Roy. Le disçours étant
tombé sur la Famille
Royale, Mr l' Ambassadeur *>
dit au Roy de Stam que lu-
- nion y estoit sigrande, que
Monsieur,Frere unique de Sa
Majesté,avoitgagné une
grande Bataille pour le Roy v
sonFrere, contre les Ennemis
liguez,& commandez s
par le General des Hollandois
, qui avoient le plus de s
Troupes danscette Armée;à
quoy le Roy de Siam répondità
peu prés en ces termes.
Je ne m'étonne point que le Roy \(
de France ait réüssidanstoutesses
r entreprises,puis qu'ilaun Frere
l
si bien uny avec luy.La desunion
ejb ce qui renverse les Etats. lec"
sçay les malheurs qu'elle a causez
dans la Famille Royale de Matran
, & dans celle de Bantam,
&sçache le Grand Dieu du Ciel
ce qui arrivera de la mienne.Ce-
Roy a deux Freres ,dont lais-
Xïéfiir tout est tres-remuant.
Il a trente-sept ans, & est
fort incommodé de sa Perfodne.
Peut-estre l'a t'on mis
en cétestat afin de tenir (on.
ambition dans l'impuissance
d'agir. Le plus jeune est
moins âgé de dixans. Il est
muet , ou il fait semblant de
l'estre. Ils ont chacun leur
Palais,& leurs Domestiques,
& ne voyent le Roy leur
Frere que deux fois l'année.
Le Roy peut avoir cinquante
cinq ans. Il est bazanné
de , moyenne taille, & a les
yeux noirs, petits
,
& fort
vifs. Outre deux Oncles qui
sont fort vieux, & dont l'un
luy a servy de Tuteur, il a
des Tantes qui n'ont jamais
esté mariées. Cette seconde
Audience dont j'ay déja
commencé à vous parl er , finit par une matiere de Religion
qui n'eut point de suite.
Mr l'Ambassadeur dit au
Roy, que le Roy son Maître
ne souhaitoit rienavec
plus d'ardeur que d'apprendre
qu'il consentist à se faire
instruire par les Evesques &
Missionnaires qui estoient
dans ses Etats. Il se leva, ôc
ne fit point de réponse. Lors
qu'il se fut retiré, Mr Constance
mena Mrle Chevalier
de Chaumont dans le Jardin
du Palais, où le disner
estoit preparé, Son Couvert.
estoit en Vaisselle d'or; tous
les autres furent servis en
Vaisselle d'argent. Le Grand-
Trésorier, le Capitaine des
Gardes, & d'autres grands
Mandarins servirent à table.
Lerepas dura trois heures,
& l'on allavoir delà l'Estang
du Jardin
,
où il se trouve
plusieurs poissons curieux.
Ilsenvirentun entre autres
avec un virage d'homme.
Le 26. Mr Constancerenditvisite
à Mr l'Ambassadeur.
La Conversion du Roy
fut le sujet de leur entretien.
Mr Constance yfit paroistre
de grandes difficultez
,
sur
ce qu'il seroit tresdangereux
de donner pretexte à
une revolte, en voulant
changer une Religion establie
& professéedepuis tant
de Siecles. Illuy fit connoîue
que leRoyavoit un Frere
quine cherchoitqu'à broüiller;
que c'estoit toûjours
beaucoup que Sa Majesté
permist qu'on enseignast la
Religion Chrestienne dans
son Royaume; qu'illafalloit
laisser embrasser aux Peuples
&aux Mandarins mesme,
si quelqu'un d'entr'eux
vouloit se faireChrestien,
8c qu'avec le temps les choses
pourroient prendre une
autre face.
Le29. Mr le Chevalier de
Chaumont alla visiter le Barcalon,
qui dans les honneurs.
qu'il luy Et rendre le distingua
desautresAmbassadeurs,
ainsi qu'avoit fait le Roy. Mr
l'Evesque de Metellopolis
l'accompagna dans cette visite
, & leur servit dInterprete.
Le 30. on alla au Palais
pour voir ta grande Pagode.
C'est ainsi que les Siamois
appellent leurs Temples
mais ils ne laissent pas de
donner aussi le nom de Paggooddeess
àà leurs Idoles. En pas- Isant
par la premiere Court,
Mr l'Ambassadeur eut le divertissement
d'un combat de
deux Elephans On les avoit
attachez ensemble par les
jambes de derriere
,
& deux
hommes estoient sur chacun,
de ces Animaux, l'un sur le
col
,
l'autre sur la crou pe. Ils
esanimoientavec un croc, lui leur servant d'aiguillon,
es faisoit tourner comme ils
ouloient. Ce Combat ne
onsista qu'en des coups de
ent & de trom pe. On dit
ue le Roy y estoit present
mais il ne se laissa pointvoir.
Les Elephans ont beaucoup
d'intelligence& onleur fait
comprendre aisément tout
ce qu'on leur dit. De cette
Court on passa dans plusieurs.
autres avant que de trouver
la Pagode. Le Portail en est
antique, de assez bien travail.
lé.C'estuntres-beau bastimens
, dont l'Architécture
est presque semblable à celle
de nos Eglises. Les yeux
furent fra ppez enentrant,de
plu sieurs Statuës - de cuivre
doré, qui semblent offrirun
Sacrifice à une grande Idole
qui est touted'or.Elle a quarante
pieds de longueur,
douze de largeur
,
& trois
pouces d'épaisseur. Son poids
est de plus de douze millions
d'or Dans-une guerre où
ceux de Pegu conquirent
presque tout leRoyaume de
Siam, ils couperent une
main à cette Idole. Elle a
icihe remplacée depuis. Aux
deux costezdecette Pagode,
il y a plusieurs autres petites
Idoles dont la plus grande
partie est d'or. Des Lampes
Allumées depuis le haut jusqu'au
bas, font voir dans
quelleveneration elles sont Au fond est une autre Idole
en forme de Mausolée. Elle
est d'un prix extraordinaire.
Parmy ce grand nombre on
en voit une qui bien qu'assise
les jambes en croix,asoixante
pieds de haut. De cette
Pagode M"1"Ambassadeur
alla dans une autre qui en
dépend, & pour y aller, il
passasous une voûte qui est
en forme de Cloistre. D'un
costé de cette voûte,il y avoit
de deux pieds en deux
pieds des Idoles toutes dorées
,& devant chacune bruloituneLampe
queles Talapoins
ont soin d'allulller
0,«Zous les soirs. Dans cette seconde
Pagode Mr l'Ambasfadeur
vit le Mausolée de la
Reyne dccedée depuis quatre
ans, & celuy d'un Roy
de Siam, representé par une
grande Statuü couchée sur
le costé. Il est habillé comme
le sont les Roys de ce
Pays là aux jours de Ceremonies.
Cette Statuë qui est de
cuivre doré
, .a vingtcinq
piedsde longueur. En d'autres
endroits font quantité
de Statuesd'or & d'argent,
avec des Rubis & des Diamans
aux doigts, La princi- pale - beau ré de toutcelaconsiste
dans les richesses,la-plus
grande partiede cequ'il y a s
de plus precieux dans le
Royaume, estantrenfermée
dans les Pagodes. Au sortir
de là, Mr l'Ambassadeur vit i
les ElephansduRoy qu'il fait i
nourrir au nombre de plus 2
de dix mille. Il vit aussi une i
piece de Canon de fonte q
fonduë à Siam qui est de s
vingt-quatre pieds, & qui a j
quatorze pouces de diamet-
-
tre par l'embouchure.
-
Le 3I. - on fit de fort grandies
réjoüissance pourle coueiincirient.
du. Roy de Portugal.
On tira quantitéde
f J
coups de Canon,&il y eut le
f*ir un feu d' Artifice.Cesréiouiflincesfurentcontinue'es
»
u lendemain,premierjour.
[^Novembre
, par Mr Con- rance qui donna un grand
'dhrT, où MrAmbassadeur
.le invité. Il s'y trouva avec
put ce qu'il y avoit d'Euroéens
dans la Ville. On n'enfndit
que coups de Canon
ifqua la nuit,& on tira
ujourssans discontinuer.
Tous les Bastimens qui é- -
toient sur la Rivierre
,
tirerent
aussi après le repas,
qui fut suivye d'uneComedie
de Chinois,&: d'un autre
Divertissement,façon de -j
Marionnettes. Il y eut quelque
chose d'assez surprenant
& de singulier dans cette
Feste. î
Le 4. de Novembre Mr
Constanceavertit Mr l'Ambassadeurque
leRoy devoit
sortir pour se rendre àune
Pagode,où il a accoûtumé
d'aller tous les ans. Comme
ce jour estoit un de ceux Otli
il se montre à ses Peuples,la
mSeremonie meritoit qu,'on
empressa pour la voir. On
e conduisit dans une Salle
ue l'on-avoir pre parée sur
eau pour luy donner ce
laisir. D'abord il passaun
rand Balontout doré,dans
quel estoit un Mandarin
si venoit voir si toutestoit
en dans l'ordre. Il fut suisde
plusieurs Balons rem- des plus qualifiez des
andarins, tous habillez de
ap rouge. Ils doiventestre
tus de mesme couleuren
pareils jours, & c'estle
y qui choisit cette couleur.
Ils avoient des bonnets <
blancs dont la pointe estoit j
fort élevée.Les Oyas étoient
distinguez par un bord d'or
qu'ils avoient a leurs Bon- J
nets. Je ne parle point de a
leur écharpe;elleestoit telle b
- que je l'ay déjàdécrite. On 11
vit paroistre aprés eux quan- titédeMandarins du second J]
ordre, des Gardes du Corps,
&piusieurs Soldatsqui oc<~
cuperent les ailles. Le Roy
estoit dansun Balonmagnisique,
à chaque collé duque
il yen avoit un autre qui nC.
-
toit pas moins brillant. Ce
trois Balons estoient plis rem- de Sculpture,& dorez
jusque sous l'eau. Je
1
vous
en a y déja tant parlé que
vous ne ferez pas fachéed'en
voir quelques uns dans cette
Planche, où j'en ay fait graver
quatre. Vous vous fou.
viendrez que je vous ay dit
qu'ils estoient fort longs, &
aits d'un seul arbre. Leur
ongueur est cause qu'il y a
n grand nombre de Raleurs
,
& qu'ils vont fort
ste. Quand les Rameurs
nantent , ce qu'ils fontsouet,
ilsemble que leurs rames
s'accordentavecleurs voix, JI
& qu'ils battent la mesure *
dans l'eau. Le Balon que
vousvoyez gravé le premier,
est celuy dans lequel estoit la
Lertre de Sa Majesté. Il eitJ
ce qu'ils appellent à trois
T'oirs, & ceux-là sont les
plus considerables. Je croy
mesme qu'ils sont particuliers
pour le Roy, & qu'il
n'est permis à personned'en
avoir. Vosyeux vous feront
voir aisément la diference
des autres, qui n'est
que dans le plus ou moins 1
d'élevation de l'espece de. I
petite Loge qui est au miieu.
Quand il pleut, on (e
netdans cet endroit qui approche
beaucoup des Bans
avec quoy l'on jouë iCYh
les Rameurs du Balon où
stoit le Roy, & des deux
utres qui luyservoientd'act)
i-n-pacrniement,efloienthaillez
comme les Soldats, h
reserve qu'ils avoient une.
aniere de Cuirasse, &de
asque enteste,quel'ondiit
estre d'or. Ils estoient
t nombre de cent quatrengt
sur chacun de cestrois
lons, a,yec-- des Rames.
toutes dorées, & sur ceux
des Mandarins il y en avoit
cent ou six-vingts. D'autres
Gardes du Corps suivoient
dans d'autres Balons, & alloient
devant d'autres Mandarins
qui faisoient l' Arriere
garde, de forte que le Cortege
estoit du moins de deux
cens Balôns. Toute la
Riviere enestoitcouverte,
& il y avoit plusde cent
mille personnesprosternées
& dans un profond silence,
pour joüir de la permission
qu'on avoit de voir le Roy
ce jourla; car en d'autres
temps
temps il faut qu'on s'éloigne
par respect, & ceux qui se
trouveroient à son passage
seroientpunis fort severement.
Ilavoit un Habit tressomptueux,
& tout parsemé
de pierreries, avec un Bonnet
rouge un peu élevé, &
une Aigrette enrichie aussi
de Pierreries. Mr l'Ambassadeur
entra sur le soir dans
ses Balons pour voir revenir
le Roy. Ilavoit changé de
Balon, & promis un Prix à
celuy qui arriveroit au Palais
avant les autres. Ce fut
le sien qui arriva le premier.
Il récompensa ses Rameurs
en Roy, en leur donnant à
chacun la valeur de cinquante
escus. Ce mesme soir
il y eut un Feu d'artifice, &
l'on tira quantité de cou ps
de Canon pour le Couronnement
du Roy d'Angeterre.
Cette Feste fut continuée
le lendemain. Mr Constance
donna encore à disner
à Mr l'Ambassadeur avec
beaucoup de magnisicence,
& tous les Européens 2
furent invitez à ce Repas.
Le Roy qui se montre au
Peuple deux ou trois fois
cous les ans, va aussi quelquefois
par terre faire ses
Offrandes à quelque Mosquée.
Deux cens Elefans, ou
environ, commencent la
marche, portant chacun
trois Hommes armez Apres
eeuuxxvvieienntltala MM-usique. Elle
est composée de Timbales,
de Tambours, & de Hautbois.
Millehommes de pied
armez paroissent ensuite,distribuez
en diverses Compagnies,
qui ont leurs Drapeaux
& leurs Bannieres.
Tout cela precede les grands
Mandarins qui sont à cheval.
Il y en a qui ont une j
Couronne d'or sur la teste, i
ôc une fuite de soixante, ! j
quatre-vingts ôc cent per- 1
sonnes à pied. Entre lesGar- -|
des du Corps & ces Manda-
-
rins marchent deux cens
Soldats Japonois, en équipage
fort leste. Apres eux on f\
voit les Chevaux & les Ele- -j
sans qui ne fervent que pour aPersonne du RtÜY: Leurs zi
Harnois sont magnifiques.
Ils sont chargez de boucles 21
8c de lames d' or, & les dia- -4
mans & les pierreries y brillent
de toutes parts. Ceux
qui portent les Presenschoisis
pourl'Offrande,marchent
devant les plus qualifiez du
Royaume, parmy lesquels
il y en a deux, dont l'untient
l'Etendart du Roy,& l'autre
le Sceptre de Justice. Ils marchent
tous deux à pied immediatement
devant leRoy,
qui est monté sur un Elefant
magnifiquement enharnaché.
Il est porté sur son dos,
assis dans une Chaise d'or.
Cet Elefant marche gravement
tout fier de sa charge.
Il semble connoistre l'honneur
qu'il reçoit,puis qu'il
le met à genoux quand le
Roy s'appreste à monter sur
luy, & qu'il ne soufriroit pas
qu'un autre y montast.Lors
quele Roy a un Fils,ce Prince
le fuit, & apres luy la
Reyne & sesautres Femmes.
Elles sont aussi sur des Elefans
, mais enfermées dans
des manieres de Guerites de
bois doré, en forte qu'il est
impossible de les voir. La
marche tH: fermée par d'autres
Gardes, environ au nombre
de six cens, & tout le
Cortege est composé de
quinze ou seize mille personnes.
La vie du Rov est allez
réglée.
(
Il Ce leve à quatre
heures tous les jours, & la
premiere chose qu'il fait
c'est de donner l'aumosne à
des Talapoins, quine manquent
pas de se montrer devant
luy si tostqu'il paroist.
Ces Talapoins sont comme
nos Religieux Mendians.
Apres celail donne Audience,
dans l'intérieur de [on:
Palais,à. ses Concubines, aux.
Esclaves & aux Eunuques,
& ensuite à un Magistrat
qui luy vient montrer tous
les Procez que l'on a jugez.
Il les approuve ou infirme
comme il luy plaist. Lors
que ce Magistratest forty,
1 Audience est ouverte à
tout le monde jusqu'à l'heure
du Disner. Il disne avec
la Princesse sa Fille, que l'en.L
appelle la Princesse Reyne.,
& dontje vous parleray dans
unautre endroit. La Reyne -
qui est morte depuis peu
d'annees ne'luy a la~ aue
cette Fille. Le Medecin qui
està la porte, visite toutes
les Viandes, & renvoye celles
qu'illuy croit nuisibles.
Pendant ce Repas,qui estle
seul qu'il sait chaque jour,
on luy lit les Procez criminels,&
il ordonne du fort -
de chacun. Apres le Disné,
il entre dans une Salle, oùil
se met sur quelque Lit de
Repos. Il est suivy d'un
Lecteur qui luy lit ordinairement
la Vie de quelqu'un
des Rois qui ont
regné avant luy
,
& lors
qu'il s'endort
,
le Lecteur
paisse la voix, & peu a prés se
etire. Ce mesme Lecteur
entre dans la Salle sur les
quatre heures, & il recomnence
à lire d'un ton si aigu,
qu'il faut neceffiirciiie-ilt
que le Roy s'éveille. Alors il
donne Audience à chacun,
de ses six grands Officiers,
& sur les dix heures le Conseil
s'a ssemble. Il dure ordi-;
nairement jusques à minuit.
MrConfianceaussison Au-j
dience particuliere
,
& si l
toutcela va tropavant dans
la nuit,le Medecin luy vient
dire qu'il faut qu'il se couche.
Ce Medecin est receu
dans le Conseil, mais il ne
fait qu'écouter, & l'on n'y
prend jamais son avis.
Je m'apperçois de la longueur
de ma Lettre ; mais
comment songer à la finir,
ayant encore tant de choses
curieuses à vous a pprendre
touchant le Royaume de
Siam? Je n'ay pas encore
conduit M le Chevalier de
Chaumont à Louvo
,
qui est
une Maison de Plaisance du
Roy, où il alla prendre son
Audience de Congé, & ce
qui s'y est passé pendant le
séjourqu'ily a fait, fournit
la matiere d'un tres-long
Article. Ainsi, Madame,en
vous envoyant cette prernle.
re - Partie de ma Lettre ,je
vous en promets une seconde
quevous aurez dans fort peu
dejours. Je joindray à ce qui |
me reste à vous dire du }
Royaume deSiam les autres V
Nouvelles que vous atten- ;.
dez de moy. Ce sont celles;
quiregardent les Venitiens |
& la Hongrie. Cette seconde j
Partie finira par deuxEnigmes
nouvelles, & par les
noms de ceux qui ont expliqué
les deux dernieres. i
Onvient de m'apprendre ;
que ce que je vous ay dit au
commencement de cette
Rèlation, touchant des Ambassadeurs
que le Roy J de
Slam avoit envoyez à Sa
Majesté par le Portugal,
n'est point véritable. Cesont
des Envoyez de Siam qui
rie vont qu'en Portugal
,
8c
que l'on a chargez des Presens
, dont vous avez trouvé
une Lifte dans ma Lettre
de May. Ainsi cette Liste
est vraye ,
& ils ont ordre
d'envoyer en France les Presens
qu'elle contient.
Fermer
16
p. 1-70
ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
Début :
TOUS les jours les Mandarins qui sont destinez pour rendre [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Royaume, Ambassadeur, Siamois, Argent, Commerce, Nation, Chine, Manière, Marchandises, Officiers, Femmes, Fille, Pays, Étrangers, Terre, Talpoins, Corps, Ville, Fruit, Mandarins, Palais, Éléphants, Pagodes, Ministres, Alexandre de Chaumont
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETAT Du Gouvernement, des Moeurs, de la Religion, & du Commerce du Royaume de Siam, dans les pays voisins, & plusieurs autres particularités.
ETAT
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
Du Gouvernement , des
Moeurs, de la Religion ,
& du Commerce du
Royaume de Siam, dans
les pays voisins , &plufieurs
autres particularités.
OUS les jours les
Mandarins qui font
deſtinez pour rendre
la juſtice s'aſſemblent
dans une falle où ils
donnent audiance , c'eſt comme
1a Cour du Palais à Paris ,& elle
2 RELATION
eſt dans le Palais du Roy , où
ceux qui ont quelque requête à
preſenter ſe tiennent à la porte
juſqu'à ce qu'on les appellé , &
quand on le fait ils entrent leur
requête à la main & la prefentent.
Les Etrangers qui intentent
procés au ſujet des marchandiſes,
la preſentent au Barcalon , c'eſt
le premier Miniſtre du Roy ,
qui juge toutes les affaires concernant
les Marchands & les
Etrangers ; en ſon abſence , c'eſt
ſon Lieutenant , & en l'absence
des deux , une maniere d'Eſche
wins. Il y a un Officier prépoſé
pour les tailles & tributs auquel
on s'adreſſe , & ainſi des autres
Officiers. Aprés que les affaires
font difcutées on les fait ſçavoir
aux Officiers du dedans du Palais
, qui en avertiſſent le Roy
eſtant lors ſur un Trône élevé
DU VOYAGE DE SIAM . 3
de trois braffes , tous les Mandarins
ſe proſternent la face contre
terre , & le Barcalon ou autres
des premiers Oyas , rapportent
au Roy les affaires & leurs jugemens
, il les confirme , ou il les
change ſuivant ſa volonté , c'eſt
à l'égard des principaux procés ,
& tres- ſouvent il ſe fait apporter
les procés au dedans du Palais
, & leur envoye ſon jugementpar
écrit.
Le Roy eſt tres- abſolu , on diroit
quaſi qu'il eſt le Dieu des
Siamois , ils n'ofent pas l'appeller
de ſon nom. Il châtie tres-feverement
le moindre crime ; car
ſes Sujets veulent eſtre gouvernez
la verge à la main , il ſeſert même
quelquefois des Soldats de ſa
garde pour punir les coupables
quand leur crime eſt extraordinaire
& fuffisamment prouvé.
Ceux qui font ordinairement ema
ij
4 RELATION
ployez ces fortes d'executions
font 150. Soldats ou environ qui
ont les bras peints depuis l'épaule
juſqu'au poignet ; les châtimens
ordinaires ſont des coups
de rottes , trente, quarante , cinquante
& plus , ſur les épaules des
criminels , felon la grandeur du
crime , aux autres il fait piquer
la tête avec un fer pointu : à l'égard
des complices d'un crime
digne de mort , aprés avoir fait
couper la tête au veritable criminel
, il la fait attacher au col
du complice , & on la laiſſe pourir
expoſée au Soleil fans couvrir
la tête pendant trois jours
&trois nuits , ce qui cauſe à celui
qui la porteune grande puantour,
Dans ce Royaume , la peine
du talion eſt fort en uſage , le
dernier des fupplices eſtoit , il n'y
a pas long-temps, de les condamDU
VOYAGE DE SIAM. یک
ner à la Riviere , qui eſt proprement
comme nos Forçats de Galere
, & encorepis ; mais maintenant
on les punit de mort. Le
Roy fait travailler plus qu'aucun
Roy de ſes predeceffeurs, en bâ
timens , à reparer les murs des
Villes , à édifier des Pagodes , à
embellir fon Palais , à bâtir des
Maiſons pour les Etrangers , & à
conſtruire des Navires à l'Euro .
peane , il eſt fort favorable aux
Etrangers , il en a beaucoup à
fon ſervice,& en prend quand il
en trouve .
Les Roys de Siam n'avoient'
pas accoûtumé de ſe faire voir
auſſi ſouvent que celui-cy. Ils
vivoient preſque ſeuls , celuy
d'apreſent vivoit comme les autres
: mais Monfieur de Berithe
Vicaire Apoftolique , s'eſtant ſer
vi d'un certain Brame , qui faifant
le plaiſant avoit beaucoup
1
a iij
6 RELATION
de liberté de parler à ce Monarque
, trouva le moyen de faire
connoître à ce Prince , la puif
fance & la maniere de gouverner
de nôtre grand Roy , & en même
temps les coûtumes de tous
les Roys d'Europe , de ſe faire
voir à leurs Sujets & aux Etrangers
; de maniere qu'ayant un
auffi grand ſens que je l'ay déja
remarqué , il jugea à propos de
voir Monfieur de Berithe , & enfuite
pluſieurs autres ; depuis ce
temps- là il s'eſt rendu affable &
acceſſible à tous les Etrangers.
On appelle ceux qui rendent la
justice ſuivant leurs differentes
fonctions , Oyas Obrat , Oyas
Momrat , Oyas Campheng, Oyas
Ricchou , Oyas Shaynan , Opran,
Oluan ; Oeun , Omun .
Comme autrefois les Roys ne
ſe faisoient point voir , les Miniftres
faifoient ce qu'ils vouloient,
DU VOYAGE DE SIAM. 7
mais le Roy d'apreſent qui a un
tres-grand jugement , & eſt un
grand Politique,veut ſçavoir tout;
il a attaché auprés de luy le Sei
gneur Conftans dont j'ay déja
parlé diverſes fois , il eſt Grec
de nation , d'une grande penetration
, & vivacité d'eſprit
&d'une prudence toute extraordinaire
, il peut & fait tout
fous l'autorité du Roy dans le
Royaume , mais ce Miniſtre n'a
jamais voulu accepter aucune des
premieres Charges que leRoyluy
a fait offrir pluſieurs fois. Le Barcalon
qui mourut ily a deux ans ,&
qui par le droit de ſa Charge
avoit le gouvernement de toutes
les affaires del'Etat , eſtoit homme
d'un tres-grand eſprit , qui
gouvernoit fort bien , & fe faifoit
fort aimer , celuy quiluy fucce
da eſtoit Malais de nation, qui eft
un pays voiſin de Siam , il ſe fera
iiij
8 RELATION
vit de Monfieur Baron , Anglois.
de nation , pour mettre mal Monſieur
Conftans dans l'eſprit du
Roy , & le luy rendre ſuſpect ,
mais le Roy reconnut ſa malice ,
il le fit battre juſqu'à le laiſſer
pour mort , & le dépoſſeda de ſa
Charge , celui qui l'occupe preſentement
vit dans une grande
intelligence avec Monfieur Conſtans
.
Comme par les loix introduites
par les Sacrificateurs des Idoles
qu'on nomme Talapoins , il
n'eſt pas permis de tuer , on condamnoit
autrefois les grands criminels
ou à la chaîne pour leur
vie , ou à les jetter dans quelques
deferts pout y mourir de faim ;
mais le Roy d'apreſent leur fait
maintenant trancher la teſte &
les livre aux Elephans .
Le Roy a des Eſpions pour
ſcavoir ſi on luy cache quelque
DU VOYAGE DE SIAM .
choſe d'importance , il fait châtier
tres - rigoureuſement ceux qui
abuſent de leur autorité . Chaque
Nation étrangere établie dans le
Royaume de Siam a ſes Officiers
particuliers , & le Roy prend de
toutes ces Nations- là des gens
qu'il fait Officiers generaux pour
tout ſon Royaume. Il y a dans
fon Etat beaucoup de Chinois ,
& il y avoit autrefois beaucoup
de Maures ; mais les années pafſées
il découvrit de ſi noires trahiſons
, des concuffions & des
tromperies ſi grandes dans ceux
de cette nation , qu'il en a obligé
un fort grand nombre à déferter
, & à s'en aller en d'autres.
Royaumes.
Le commerce des Marchands
Etrangers y eſtoit autrefois tresbon
, on y en trouvoit de toutes
parts ; mais depuis quelques années
,les diverſes revolutions qui
ΟΙ RELATION
font arrivées à la Chine , au Japon
& dans les Indes , ont empeſché
les Marchands Etrangers
de venir en ſi grand nombre.
On eſpere neanmoins, que puif
que tousces troubles font appaiſez
, le commerce recommencera
comme auparavant , & que le
Roy de Siam par le moyen de fon
Miniſtre envoyera fes Vaiſſeaux
pour aller prendre les Marchandi
ſes les plus precieuſes , & les
plus rares de tous les Royaumes
d'Orient,&remettra toutes chofes
en leur premier & fleuriſſant état.
Ils font la guerre d'une maniere
bien differente de celle de la plûpart
des autres nations , c'eſt à
dire à pouſſer leurs ennemis hors
de leurs places ſans pourtant
leur faire d'autre mal que de les
rendre eſclaves , & s'ils portent
des armes , c'eſt ce ſemble plûtôt
pour leur faire peur en les tirant
,
DU VOYAGE DE SIAM. II
contre terre , ou en l'air, que pour
les tuër , & s'ils le font c'eſt tout
au plus pour ſe deffendre dans la
neceſſité ; mais cette neceſſité
de tuër arrive rarement parce
que prefque tous leurs ennenemis
qui en uſent comme eux,ne
tendent qu'aux mêmes fins . Il ya
des Compagnies & des Regimens
qui ſe détachentde l'arméependát
la nuit,&vont enlever tous leshabitans
des Villages ennemis , &
font marcher hommes, femmes &
enfans que l'on fait eſclaves , &
le Roy leur donne des terres&
des bufles pour les labourer , &
quand le Roy en a beſoin il s'en
fert. Ces dernieres années , le
Roi a fait la guerre contre les
Cambogiens revoltez , aidez des
Chinois & Cochinchinois , où il
a fallu ſe battre tout de bon , & il
y a eu pluſieurs Soldats tuez de
part &d'autre ; il a eu pluſieurs
21 RELATION
Chefs d'Europeans qui les inſtrui
fent àcombattre en nôtre maniere .
Ils ont une continuelle guerre
contre ceux du Royaume de
Laos , qui eſt venuë , de ce qu'un
Maure tres-riche allant en ce
Royaume- là pour le compte du
Royde Siam,y reſta avec de grandes
ſommes , le Roy de Siam , le
demanda auRoy de Laos , mais
celui-cile luy refuſa, ce qui a obligé
le Roy de Siam de luydeclarer
la guerre.
Avant cette guerre ily avoit un
grand commerce entre leurs Etats,
& celuy de Siam en tiroit de
grands profits par l'extrême
quantité d'or , de muſc , de benjoüin
, de dents d'Elephant &
autres marchandiſes qui lui venoient
de Laos , en échange des
toiles & autres marchandiſes .
Le Roy de Siam a encore guerre
contre celui de Pegu ; il y a quanDU
VOYAGE DE SIAM . 13
tité d'Eſclaves de cette Nation .
Il y a pluſieurs Nations Etrangeres
dans ſon Royaume , les
Maures y estoient , comme j'ay
dit , en tres-grand nombre , mais
maintenant il y en a pluſieurs qui
font refugiez dans le Royaume
de Colconde, ils eſtoient au ſervice
du Roy , & ils luy ont emporté
plus de vingt mille catis , chaque
catis vallant cinquante écus , le
Roy de Siam écrivit au Roy de
Colconde de luy rendre ces perſonnes
ou de les obliger à luy
payer cette ſomme , mais le Roy
de Colconden'en voulutrien faire
, ny même écouter les Ambafſadeurs
qu'il luy envoya ; ce quia
fait que le Roy de Siam luy a
declaré la guerre & luy a pris
dans le tems que j'étois à Siam ,
un Navire dont la charge valloit
plus de centmille écus . Il y a fix
Fregates commandées par des
14
RELATION
François & des Anglois qui
croiſent ſur ſes côtes .
Depuis quelque temps l'Empereur
de la Chine a donné liberté
à tous les Etrangers de venir
negocier en ſon Royaume ;
cette liberté n'eſt donnée que
pour cinq ans , mais on efpere
qu'elle durera , puiſque c'eſt un
grand avatage pour ſon Royaume .
Ce Prince a grand nombre de
Malais dans ſon Royaume , ils
font Mahometans , & bons Soldats
, mais il y a quelque difference
de leur Religion à celle
des Maures. Les Pegovans font
dans ſon Etat preſque en auſſi
grande quantité queles Siamois
originaires du pays .
Les Laos y font en tres-grande
quantité , principalement vers
le Nort.
Il y a dans cet Etat huit ou neuf
familles de Portugais veritables ,
DU VOYAGE DE SIAM.
mais de ceux que l'on nomme
Meſties , plus de mille , c'eſt à dire
de ceux qui naiſſent d'un Portugais
& d'une Siamoiſe .
Les Hollandois n'y ont qu'une
facturie.
Les Anglois de même.
Les François de même.
Les Cochinchinois ſont environ
cent familles , la plupart
Chreftiens.
Parmy les Tonquinois ily en a
ſeptou huit familles Chrétiennes .
Les Malais y font en afſez grand
nombre,qui font la plupart eſclaves,&
qui par conſequent ne font
pointde corps .
Les Macaſſars & pluſieurs des
peuples de l'Iſle de Java y font
établis, de meſme que les Maures:
ſous le nom de ces derniers ſont
compris en ce pays- là, les Turcs,
les Perfans les Mogols les
Colcondois & ceux de Bengala .
, د
16 RELATION
Les Armeniens font un corps
à part , ils font quinze ou ſeize
familles toutes Chrétiennes , Catholiques
, la plupart ſont Cavaliers
de la garde du Roy.
A l'égard des moeurs des Siamois
ils font d'une grande docilité
qui procede plûtoſt de leur
naturel amoureux du repos que
de toute autre cauſe , c'eſt pourquoi
les Talapoins qui fontprofeffion
de cette apparente vertu ,
defendentpour cela de tuër toutes
fortes d'animaux ; cependant lorfque
tout autre qu'eux tuë des
poules & des canards , ils en mangentla
chair ſans s'informer qui
les a tués , ou pourquoi on les a
tués , & ainſi des autres animaux .
Les Siamois font ordinairement
chaſtes , ils n'ont qu'une femme ,
mais les riches comme les Mandarins
ont des Concubines , qui
demeurent enfermées toute leur
vie
DU VOYAGE DE SIAM. 17
vie. Le peuple eſt aſſez fidele &
ne volle point ; mais il n'en eft
pas de même de quelques-uns des
Mandarins , les Malais qui font
en tres-grand nombre dans ce
Royaume- là font tres- méchants
&grands voleurs .
Dans ce grand Royaume il y
a beaucoup de Pegovans qui
ont eſté pris en guerre , ils font
plus remuants que les Siamois
& font d'ordinaire plus vigoureux
, il y a parmy les femmes du
libertinage , leur converſation eft
perilleuſe.
Les Laos peuplent la quatriéme
partie du Royaume de Siam",
comme ils font à demy Chinois ,
ils tiennent de leur humeur , de
leur adreſſe& de l'inclination a
voller par fineſſe; leurs femmes
font blanches & belles , tres - familieres
& par confequent dangereuſes.
Dans le Royaume de
b
18 RELATION
Laos , un homme qui rencontre
une femme pour la falüer avec
la civilité accoûtumée , la baife
publiquement ; & s'il ne le faiſoit
pas il l'offenferoit .
Les Siamois tant Officiers que
Mandarins ſont ordinairement
riches , parce qu'ils ne dépenfent
preſque rien , le Roy leur
donnant des valets pour les fervir
, ces valets font obligez de ſe
nourir à leurs dépens, eſtant com--
me efclaves,ils font en obligation
de les ſervir pour rien pendant:
la moitié de l'année : & comme
cesMeſſieurs-làen ontbeaucoup,
ils ſe ſervent d'une partie pendant
que l'autre ſe repoſe ; mais
ceux qui ne les ſervent point:
leur payent une fomme tous les
ans , leurs vivres font à bon marché
, car ce n'eſt que duris , du
poiffon , & tres -peu de viande, &
tout cela eft en abondance dans
DU VOYAGE DE SIAM . 19
leur pays ; leurs vêtemens leur
fervent long- temps , ce ne font
que des pieces d'étoffes toutes
entieres qui ne s'uſent pas fi faci
lement que nos habits &ne coutent
que tres-peu : la plupart des
Siamois font Maſſons ou Charpentiers
, & il y en a de tres habiles,
imitant parfaitement bien les
beaux ouvrages de l'Europe en
Sculpture& en dorure. Pour ce
qui eſt de la peinture ils ne ſçavent
point s'en ſervir , il y a des
ouvrages en Sculpture dans leurs
Pagodes , & dans leurs Mauſolées
fort polis & tres-beaux.
Ils en font auſſi de tres -beaux
avec de la chaux , qu'ils détrempent
dans de l'eau qu'ils tirent de
l'écorce d'un arbre qu'on trouve
dans les Forefts , quilarend ſi forte,
qu'elle dure des cent& deux
cens ans , quoi qu'ils foient expoſés
aux injures du temps ..
bij
20 RELATION
1
i
1.
i
Leur Religion n'eſt à parler proprement
qu'un grand ramas
d'Hiſtoires fabuleuſes , qui ne
tend qu'à faire rendre des hommages
& deshonneurs auxTalapoins,
qui ne recommandent tant:
aucune vertu que celle de leur
faire l'aumône , ils ont des loix
qu'ils obfervent exactement au
moins dans l'exterieur ; leur fin
dans toutes leurs bonnes oeuvres
eſt l'eſperance d'une heureuſe
tranfmigration aprés leur mort ,
dans le corps d'un homme riche ,..
d'un Roy , d'un grand Seigneur
ou d'un animal docile , comme
font les Vaches & les Moutons :
car ces peuples-là croyent la Metempſicoſe
; ils eſtiment pour cette
raiſonbeaucoup ces animaux ,
&n'ofent, comme je l'ai déja dit,
en tuër aucun , craignant de donner
la mort à leur Pere ou à leur
Mere , ou à quelqu'un de leurs
DU VOYAGE DE SIAM . 2
parens . Ils croyent un enfer où les
énormes pechez ſont ſeverement .
punis , ſeulement pour quelque
temps , ainſi qu'un Paradis , dans
lequel les vertus fublimes ſont
recompenſées dans le Ciel , où aprés
eſtre devenus des Anges
pour quelque temps , ils retournent
dans quelque corps d'hom--
me ou d'animal .
L'occupation des Talapoins .
eſt de lire , dormir, manger, chan--
ter , & demander l'aumône ; de
cette forte , ils vont tous les matins
ſe preſenter devant la porte
ou balon des perſonnes qu'ils connoiffent
,&ſe tiennent-là unmométavecunegrande
modeſtie ſans
rien dire, tenant leur évantail , de
maniere qu'il leur couvre la moitié
du viſage , s'ils voyent qu'on ſe
diſpoſe àleur donner quelque choſe
, ils attendent juſqu'à ce qu'ils
l'ayent receuë ; ils mangent de
biij
22 RELATION
د
3
tout ce qu'on leur donne même
des poulles & autres viandes
mais ils ne boiventjamais de vin ,
au moins en prefence des gens du
monde; ils ne font point d'office
ny de prieres à aucune Divinité.
Les Siamois croyent qu'il y a eu
trois grands Talapoins , qui par
leurs merites tres-fublimes acquis
dans pluſieurs milliers de tranſmigrations
ſont devenus des Dieux ,
&aprés avoir eſté faits Dieux ,
ils ont encore acquis de ſi grands
merites qu'ils ont eſté tous aneantis
, ce qui eſt le terme du plus .
grand merite & la plus grande recompenſe
qu'on puiffe acquerir ,
pour n'eſtre plus fatigué en changeant
ſi ſouventde corps dans un
autre; le dernier de ces trois Ta--
lapoins eſt le plus grand Dieu appellé
Nacodon , parce qu'il a eſté
dans cinq mille corps , dans l'une
de ces tranfmigrations , de Talapoin
il devint vache , fon frere le
DU VOYAGE DE SIAM .
23
voulut tuër pluſieurs fois ; mais il
faudroit un gros livre pour décrire
les grands miracles qu'ils difent
que la nature& non pasDieu,
fit pour le proteger : enfin ce frere
fut precipité en Enfer pour ſes
grands pechez , où Nacodon le
fit crucifier ; c'eſt pour cette raifon
qu'ils ont en horreur l'Image
de Jeſus-Chriſt crucifié , diſant
que nous adorons l'Image de ce
frere de leur grand Dieu , qui
avoit eſté crucifié pour ſes crimes ..
CeNacodon eſtant doncaneanti,
il ne leur reſte plus de Dieu à
preſent , ſaloy ſubſiſte pourtant ;
mais ſeulement parmi les Talapoins
qui diſent qu'aprés quelques
fiecles il y aura un Ange qui
viendra ſe faire Talapoin ,& enfuite
Dieu Souverain , qui par ſes
grands merites pourra être anean
ti : voilà le fondement de leur
creance ; car il ne faut pas s'imaginer
qu'ils adorent les Idoles
24 RELATION
"
1
qui font dans leurs Pagodes comme
des Divinitez , mais ils leur
rendent ſeulement des honneurs'
comme à des hommes d'un grand
merite , dont l'ame eſt à preſent
en quelque Roy , vache ou Talapoin
: voilà en quoi conſiſte leur
Religion , qui à proprement parler
ne reconnoît aucun Dieu , &
qui n'attribuë toute la recompenſede
la vertu qu'à la vertumême ,
qui a par elle le pouvoir de rendre
heureux celuy dont elle fair
paſſer l'ame dans le corps de quelque
puiſſant & riche Seigneur
ou dans celuy de quelque vache ,
levice ,diſent-ils, porte avec ſoy
ſon châtiment , en faiſant paffer
l'ame dans le corps de quelque
méchant homme , de quelque
Pourceau , de quelque Corbeau ,
Tigre ou autre animal. Ils admetrent
des Anges , qu'ils croyent
eſtre les ames des juſtes & des
bons
2
L
L
DUVOYAGE DE SIAM. 25
bons Talapoins; pour ce qui eſt des
Demons , ils eſtiment qu'ils font
les ames des méchans .
Les Talapoins font tres-refpe-
Etés de tout le peuple , & même
du Roy, ils ne ſe profternent point
lorſqu'ils luy parlent comme le
font les plusgrands du Royaume ,
& le Roy & les grands Seigneurs
les ſaluënt les premiers ; lorſque
ces Talapoins remercient quelqu'un,
ils mettentla main proche
leur front , mais pour ce qui eſt du
petit peuple, ils ne le ſalüent point ;
leurs vêtemens ſont ſemblables à
ceux des Siamois ,àla referve que
la toile eſt jaune , ils font nuds
jambes & nuds pieds fans chapeau
, ils portent ſur leur tête un
évantail fait d'une fcüille de palme
fort grande pour ſe garantir
du Soleil , qui eſt fort brûlant ;
ils ne font qu'un veritable repas
par jour, à ſçavoir le matin , & ils
G
26 RELATION
ne mangent le ſoir que quelques
bananes ou quelques figues ou
d'autres fruits ; ils peuvent quitter
quand ils veulent l'habit de
Talapoin pour ſe marier , n'ayant
aucun engagement que celuy de
porter l'habit jaune , & quand ils
le quittentils deviennent libres ;
cela fait qu'ils font en ſi grand
nombre qu'ils font preſque le tiers
du Royaume de Siam . Ce qu'ils
chantent dans les Pagodes font
quelques Hiſtoires fabuleuſes.,
entremêlées de quelques Sentences;
celles qu'ils chantent pendant
les funerailles des Morts font ,
nous devons tous mourir , nous
ſommes tous mortels ; on brûle les
corps morts au ſon des muſettes
& autres Inſtrumens , on dépenſe
beaucoup à ces funerailles , &
aprés qu'on a brûlé les corps de
ceux qui font morts , l'on met
leurs cendres ſous de grandes piramides
toutes dorées , élevées à
DU VOYAGE DE SIAM. 27
l'entour de leur Pagodes. Les
Talapoins pratiquent une eſpece
de Confeſſion ; car les Novices
vont au Soleil levantſe proſterner
ou s'affeoir fur leurs talons & marmottent
quelques paroles , aprés
quoy le vieux Talapoin leve la
main à côté deſa joie & lui donne
une forte de benediction , aprés
laquelle le Novice ſe retire.
Quand ils prêchent, ils exhortent
de donner l'aumône au Talapoin ,
& ſe creyent fort ſçavants , lorfqu'ils
citent quelques paſſages
de leurs Livres anciens en Langue
Baly , qui eft comme le Latin
chez nous; cette Langue eſt tresbelle
& emphatique , elle a ſes
conjuguaiſons comme la Latine.
Lorſqueles Siamois veulent ſe
marier , les parens de l'homme
vont premierement ſonder la volontéde
ceux de la fille, & quand
ils ont fait leur accord entr'eux
cij
28 RELATION
les parens du garçon vont preſenter
ſept boſſettes ou boiſtes de
betel & d'arest à ceux de la fille ,
& quoy qu'ils les acceptent &
qu'on les regarde déja comme
mariez le mariage ſe peut rompre
, & on ne peut encore асси-
fer devant le Juge , ny les uns ny
les autres , s'ils le ſeparent aprés
cette ceremonie .
Quelques jours aprés les parens
de l'homme le vont preſenter , &
il offre luy-même plus de boſſettes
qu'auparavant ; l'ordinaire eft
qu'il y en ait dix ou quatorze ,
& lors celuy qui ſe marie demeure
dans la maiſon de ſon beaupere,
ſans pourtant qu'il y ait conſommation
, & ce n'eſt que pour
voir la fille & pour s'accoûtumer
peu à peu à vivre avec elle durant
un ou deux mois ; aprés cela
tous les parens s'aſſemblent
avec les plus anciens de la caſte
ou nation ; ils mettent dans une
DU VOYAGE DE SIAM. 2.9
bourſe, l'un un anneau & l'autre
des bracelets , l'autre de l'argent ,
il y en a d'autres qui mettentdes
pieces d'étoffes au milieu de la table
: enſuite le plus ancien prend
une bougie allumée & la paffe
ſept fois au tour de ces prefens,
pendant que toute l'aſſemblée
crie en ſouhaitant aux Epoux un
heureux mariage , une parfaite
ſanté &une longue vie , ils mangent
& boivent enfuite , & voilà
le mariage achevé. Pour le dot
c'eſt comme en France , finon
que les parens du garçon portent
ſon argent aux parens de la fille ,
mais tout cela revient à un ; car
le dot de la fille eſt auſſi mis à
part , & tout eſt donné aux nouveaux
mariez pour le faire valoir.
Si le mary repudie ſa femme ſans
forme de Juſtice , it perd l'argent
qu'onluy a donné, s'illarepudie
par Sentence de Juge , qui
č iij
30
RELATION
ne la refuſe jamais, les parensde
la fille luy rendent ſon bien ; s'il
y a des enfans , ſi c'eſt un garçon
ou une fille , le garçon fuit la mere
, & la fille le pere , s'il y a deux
garçons & deux filles , un garçon
&une fille vont avec le pere, &
un garçon & une fille vont avec
lamere.
,
Al'égarddes monnoyes ilsn'en
ontpoint d'or , la plus groſſe d'argent
s'appelle tical , & vaut environ
quarante ſols , la ſeconde
mayon qui péſe la quatriéme partie
d'un tical , & vaux dix fols
la troiſieme eſt un foüen , qui
vaut cinq ſols , la quatriéme eſt
un fontpaye qui vaut deux fols
&demy, enfin les plus baſſes monnoyes
font les coris qui font des
coquillages que les Hollandois
leur portent des Maldives , ouυ
qui leur viennent des Malais &
des Cochinchinois ou d'autres
DU VOYAGE DE SIAM. 31
côtez , donthuit cens valent un
fouën qui eſt cinq fols .
le
Al'égard des Places fortes dur
Royaume , il ya Bancoc qui eft
environ dix lieuës dans la Riviere
de Siam , où il y a deux Forterefſes
, comme j'ay déja dit. Il y a la
Ville Capitale nommée Juthia ,
autrement nommée Siam , qu'on
fortifie de nouveau par une enceinte
de murailles de bricque ;
Corfuma frontiere contre
Royaume de Camboye eſt peu
forte; Tanaferin à l'oppoſite de la
côte de Malabar eft peu fortifiée .
Merequi n'eſt pas fortifiée, mais
ſe pouroit fortifier , & on y pouroit
faire un bon Port. Porcelut
frontiere de Laos eſt auſſi peu
fortifiée . Chenat n'a que le nom
de Ville , & il reſte quelque apparence
de barrieres , qui autrefois
faifoient fon mur. Louvo où
le Roy demeure neuf mois de
c iiij
32 RELATION
l'année , pour prendre le plaiſir
de la chaſſe del'Elephant & du
Tygre , étoit autrefois un aſſem-
Blage de Pagodes entouré de
terraffes , mais à preſent le Roy
l'arendu incomparablement plus
beau par les Edifices qu'il y fait
faire , & quant au Palais qu'il ya
it l'a extrêmement embelli par les
caux qu'il y fait venir des Montagnes.
Patang eſt un Port des plus
beaux du côté des Malais , où
l'on peut faire grand commerce.
LeRoy de Siam a refuſé aux Compagnies
Angloiſes & Hollandoiſes
de s'y établir : l'on y pourroit
faire un grand établiſſement qui
feroit plus avantageux que Siam
àcausede la ſituation du lieu ; les
Chinois y vont& pluſieurs autres
Nations , on peut s'y fortifier aifément
fur le bord de la Riviere .
CettePlace appartient àune Rey
DU VOYAGE DE SIAM. 33
nequi eſt tributaire du Roy de
Siam , qui à parler proprement en
eſt quaſi le maître .
Quant à leurs Soldats ce n'étoit
point lacoûtume de les payer;
le Roy d'apreſent ayant ouy dire
que les Roys d'Europe payoient
leurs troupes , voulut faire la ſupputationà
combien monteroit la
paye d'un foüen par jour , qui eſt
cinq fols ; mais les Controlleurs
luy firent voir qu'il falloit des
ſommes immenfes , à cauſe de la
multitude de ſes Soldats , de forte
qu'il changea cette paye en ris
qu'il leur fait diſtribuer , du depuis
, il y en a ſuffisamment pour
Ieurs nourritures, &cela lesrend
tres- contens ; car autrefois il falloit
que chaque Soldat ſe fournit
de ris , & qu'il le portât avec ſes
armes, ce qui leur peſoitbeaucoup .
A l'égard de leurs Bâteaux &
Vaiſſeaux , leurs Balons d'Etat ou
34
RELATION
Bâteaux que nous appellons font
les plus beauxdu monde; ils font
d'un ſeul arbre , &d'une longueur
prodigieuſe , il y ena qui tiennent
cinquante juſqu'à cent & cent
quatre-vingt rameurs ; les deux
pointes font tres- relevées , & celuy
qui les gouverne donnant du
pied ſur lapoupefait branler tout
le Balon , & l'on diroit que c'eſt
un Cheval qui ſaute,touty eft doré
avec des Sculptures tres- belles
, & au milieu il y a un Siege
fait en forme de Trône en piramide
, d'une Sculpture tres- belle
& toute dorée , & il y en a de
plus de cent ornemens differents,
mais tous bien dorez &tres-beaux.
Autrefois ils n'avoient que des
Navires faits comme ceux de la
Chine , qu'on nomme Somme ; il
y ena encore pour aller auJapon,
à la Chine , à Tonquin ; mais le
Roy a fait faire pluſieurs Vaif-
1
DU VOYAGE DE SIAM. 35
feaux à l'Europeenne , & en a
acheté des Anglois quelques-uns,
tous agréés & appareillés . Il y a
environ cinquante Galeres pour
garder la Riviere & la côte ; ſes
Galeres ne font pas comme ceux
de France , il n'y a qu'un homme
àchâque Rame , & font environ
quarante ou cinquante au plus fur
chacune ; les Rameurs fervent de
Soldats , le Royne ſe ſert que des
Mores , des Chinois&des Malabars
pour naviger , & s'il y met
quelque Siamois pour Matelots,
cen'eſt qu'en petit nombre,& afin
qu'ils apprennent la navigation.
LesCommandants de ſes Navires
font Anglois ou François , parce
que les autres Nations font tresméchants
navigateurs .
Il envoye tous les ans cinq ou
fix de ces Vaiſſeaux appellez
Sommes à la Chine , dont il y en
a de mille juſqu'à quinze cens
36 RELATION
Tonneaux chargés de quelques
draps , corail , de diverſes marchandiſes
de la côte de Coromandel
& de Suratte , du ſalpêtre , de
l'étain &de l'argent; il en tire des
ſoyes cruës , des étoffes de ſoye ,
des ſatin's de Thé , dumufc , de la
rubarbe , des poureelines , des
ouvrages vernis , du bois de la
Chine , de l'or , & des rubis . Ils
ſe ſervent de pluſieurs racines
pour la Medecine , entr'autres de
la couproſe , ce qui leur apporte
de grands profits .
Le Roy envoye au Japon deux
ou trois Sommes , mais plus petites
que les autres , chargées des
mêmes marchandises , & il n'eſt
pas neceſſaire d'y envoyer de
l'argent ; les marchandiſes que
L'ony porte ſont des moindres ,
&au meilleur marché , les cuirs
de toutes fortes d'animaux y font
bons , & c'eſt la meilleure marDU
VOYAGE DE SIAM. 37
chandiſe que l'on y peut porter ;
on en tire de l'or , de l'argent en
barre , du cuivre rouge , toutes
fortes d'ouvrages d'Orphevrerie ,
des paravants , des Cabinets vernis
,des porcelines , du Thé &
autres choſes ; il en envoye quelquefois
un , deux & trois au
Tonquin de deux à trois cent tonneaux
au plus , avec des draps ,
de corail , de l'Etain , de l'Ivoire ,
du poivre , du ſalpêtre , du bois
de ſapin, & quelques autres marchandiſes
des Indes & de l'argent
au moins le tiers du capital,
on en tire du muſc , des étoffes
de ſoye , de la ſoye crüe , & jaune,
des Camelots , de pluſieurs fortes
de ſatins , du velours , toutes fortes
de bois vernis , des porcelines
propres pour les Indes , & de l'ar
-en barre , à Macao , le Roy envoye
un Navire au plus chargé
de pareilles Marchandiſes qu'à la
38
RELATION
•
Chine. On y peut encore envoyer
quelque mercerie , des dentelles
d'or , d'argent & de foye & des
armes , on en tire des mêmes
marchandiſes que de la Chine ,
mais pas à ſi bon compte.
A Labs le commerce ſe fait par
terre ou par la Riviere , ayant des
bâteaux plats , on y envoye des
draps & des toiles de Surate , &
de la côte , & on en tire des rubis
, du muſc , de la gomme ,
des dents d'Elephans, du Canfre ,
des cornes de Rinocerot , des
peaux de Buffes & d'Elans , à
tres-bon marché , & il y a grand
profit à ce commerce que l'on
fait ſans riſque.
ACamboye on envoye des petites
barques avec quelques draps,
des toiles de Surate & de la côte,
des uſtenciles de cuiſine qui viennent
de la Chine , on en tire des
dents d'Elephans , du benjoüin ,
DU VOYAGE DE SIAM. 39
trois fortes de gomes gutte , des
peaux de Buffes , & d'Elans , des
nids d'oiſeaux pour la Chine dont
je parleray bien- toft & des nerfs
de Cerfs .
On envoye auſſi à la Cochinchine
, mais rarement : car de peuple
n'eſt pas bien traitable , parce
qu'ils font la plupart de méchante
foy , ce qui empéche le commerce
, on y porte de l'argent
du Japon où l'on profite confiderablement
, du laurier rouge ,
de la cire jaune, duris , du plomb,
du ſalpêtre , quelques draps rouges&
noirs , quelques toiles blanches
, de la terre rouge , du vermillon
& vif argent.
On en tire de la ſoye cruë , du
fucre candy , & de la cafſonnade
, peu de poivre , des nids
d'oiſeaux qui ſont faits comme
ceux des Irondelles qu'on trouve
fur des Rochers au bord de
J
40 RELATION
la mer , ils font de tres-bon commerce
pour la Chine & pour pluſieurs
autres endroits ; car aprés
avoir bien lavé ces nids & les
avoir bien feichés ils deviennent
durs comme de la corne , & on
les met dans des boüillons ; ils
font admirables pour les maladies
de langueur &pour les maux d'eftomach
, j'en ay apporté quelques-
uns en France , du bois d'aigle
&de Calamba , du cuivre &
autres marchandises qu'on y apporte
du Japon , de l'or de plufieurs
touches , & du bois de fapan.
Lorſqu'on ne trouve pas de
Navire à Fret , on en envoye un
à Surate , chargé avec du cuivre ,
de l'étain , du ſalpêtre , de l'alun ,
des dents d'Elephants , du bois
de ſapan , &pluſieurs autres marchandiſes
qui viennent des autres
parts des Indes , on en tire des
toiles
DU VOYAGE DE- SIAM. 41
& autres marchandifes d'Europe,
quand il n'en vient point à Siam .
On envoye à la côte de Coromandel
, Malabar , & Bengala
&de Tanaferin , des Elephans
de l'étein , du ſalpêtre , du, cuivre
du plomb , & l'on en tire des toiles
de toutes fortes ,
,
On envoye à Borneo rarement ;
c'eſt une Iſle qui eſt proche de
celle de Java , d'où l'on tire du
poivre . du ſangde Dragon , camphre
blanc , cire jaune ,bois d'aigle
, du bray , de l'or , des perles,
&desdiamans les plus beaux du
monde ; on y envoye des marchandiſes
de Surate , c'eſt à dire
des toiles , quelques pieces de
drap rouge & vert , & de l'argent
d'Eſpagne..
Le Prince qui poffede cette Ifle
ne fouffre qu'avec peine le commerce
, & il craint toûjours d'êtte
ſurpris ; il ne veut pas permetd
42
RELATION
tre à aucune Nation Europeenne
de s'établir chez luy. Il y a cu
des François qui y ont commercé
, il ſe fie plus à eux qu'à aucune
autre Nation .
On envoye encore à Timor
Ifle proche des Molucques , d'où
l'on tire de la cire jaune & blanche
, de l'or de trois touches , des
eſclaves, du gamouty noir , dont
on ſe ſett pour faire des cordages
, & on y envoye des toiles de
Surate , du plomb, des dents d'Elephans,
de la poudre, de l'eau-devie
, quelques armes , peu de drap
rouge & noir , & de l'argent. Le
peuple y eſt paiſible , & negocie
fort bien . Il y a grand nombre
de Portugais.
Al'égard des Marchandiſes du
crû de Siam , il n'y a que de l'étain
, du plomb , du bois de fapan,
de l'Ivoire , des cuirs d'Elans.
& d'Elephans ; il y aura quantité
1
1
!
DU VOYAGE DE SIAM. 43
de poivre en peu de temps , c'eſt
à dire l'année prochaine ,de larrek
, du fer en petits morceaux ,
du ris en quantité , mais l'on y
trouve des marchandises de tous
les lieux ſpecifiés ci-deſfus , & à
affez bon compte. On y apporte
quelques draps & ferges d'Angleterre,
peu de corail &d'ambre,
des toiles de la côte de Coromandel
& de Surate , de l'argent en
piaſtre que l'on trocque ; mais
comme je l'ai dit maintenant ,
que la plupart des Marchands ont
quitté depuis que le Roi a voulu
faire le commerce , les Etrangers
n'y apportent que tres-peu de
choſes ,que les Navires qui ont
accoûtumé d'yvenir n'y font pas
venus l'année derniere , &on n'y
trouve rien , & fi peu qu'il y en
a , il eſt entre les mains du Roi ,
& ſes Miniſtres les vendent au
prix qu'ils veulent.
dij
44
RELATION
Le Roïaume de Siam a prés de
trois cens lieuës de long , fans y
comprendre les Roïaumes tributaires
, à ſçavoir Camboges ,
Gelior , Patavi , Queda , &c . du
Septentrion au Midi , il eſt plus
étroit de l'Orient à l'Occident. Il
eſt borné du côté du Septentrion
par le Roïaume de Pegu & parla
Mer du Gange du côté du Couchant,
du Midi par le petit détroit
de Maláca , qui fut enlevé au Roi
de Siam par les Portugais ils l'ont
poſſedé plus de foixante ans . Les
Hollandois le leur ont pris , &
le poffedent encore ; du côté
d'Orient , il eſt borné par la Mer
& par les Montagnes qui le ſeparent
de. Camboges & de Laos ..
La fituation de ce Roïaume eſt
avantageuſe à cauſe de la grande
étenduë de ſes côtes , ſe trouvant
comme entre deux Mers qui
lui ouvrent le paſſage à tant de.
DU VOYAGE DE SIAM. 45
vaſtes Regions , ſes côtes ont
cinq cens lieuës de tour ; on y
aborde de toutes parts , du Japon
, de la Chine , des Iſles Philippines
, du Tonquin , de la Cochinchine
, de Siampa , de Camboge
, des Ifles de Java , de Sumatra
, de Colconde , de Bengala
, de toute la côte de Coromandel
, de Perſe , de Surate , de Lameque,
de l'Arabie ,& d'Europe
c'eſtpourquoi l'on y peut faire un
grand commerce , ſuppoſé que le
Roi permette à tous les MarchandsEtrangers
d'y revenir comme
ils le faifoient autrefois .
Le Roïaume ſe diviſe en onze
Provinces , ſçavoir celle de Siam ,
de Mitavin , de Tanaferin , de
Jonſalam, de Reda, de Pra, d'Ior,
de Paam, de Parana , de Ligor ,
de Siama . Ces Provinces - là
avoient autrefois la qualité de
Roïaume ; mais elles ſont aujour
46 RELATION
d'hui ſous ladomination du Roide
Siam qui leur donne des Gouverneurs
. Il y en a telles qui peuvent
retenir le nomde Principauté;mais
les Gouverneurs dépendent du
Roy& lui payent tribut. Siam eft
la principale Province de ce
Royaume , la Ville Capitale eſt ſituée
à quatorze degrez & demy
de latitude du Nort , fur le bord
d'une tres-grande & belle riviere ,
& les Vaiſſeaux tous chargés la
paſſent juſqu'aux portes de la Ville,
qui eſt éloignée de la Mer de
plus de quarante lieuës , & s'étend
àplus de deux cens lieuës dans le
pays , & parce moyen elle conduit
dans une partie des Provinces,
dontj'ai parlé ci- deſſus.Cette
Riviere eſt fort poiſſonneuſe &
fes rivages font affez bien peuplez
, quoiqu'ils demeurentinondésune
partie de l'année. Le terroir
y eſt paſſablement fertile 3
DU VOYAGE DE SIAM . 47
mais tres-mal cultivé , l'inondation
provient des grandes pluyes
qu'il y tombe durant trois ou quatre
mois de l'année ; ce qui fait
beaucoup croître leur ris ; en forte
que plus l'inondation dure ,
plus les recoltes du ris ſont en
abondance , & loin des'en plaindre
ils ne craignent que la trop
grande ſeichereſſe. Il y a beaucoup
de terre en friche ,& faute
d'habitans elles ont eſté dépeu--
plées par les guerres precedentes,
& comme ils font ennemis du
travail , ils n'aiment à faire que
les choſes aiſées. Ces plaines abandonnées
& ces épaiſſes Fo--
rets qu'on voit ſur les Montagnes
ſervent de retraite aux Elephans,
aux Tygres , aux Boeufs & Vaches
ſauvages , aux Cerfs , aux Biches,
Rinoceros & autres animaux
que l'ony trouve en quantité.
Al'égard des plantes & des
د
48 RELATION
fruits , il y en a pluſieurs dans le
païs ; mais qui ne font pas rares.
& qui ne ſe peuvent porter que,
difficilement en France , à cauſe
de lalongueur de la navigation .
Il n'y a point d'oiſeaux particuliers
qui ne foient en France , à
la referve d'un oiſeau fait comme
un merle ,qui contrefa it l'homme
à l'égard du rire , du chanter &
du fiffler , les fruits les plus eſtimés
y font les durions ;ils ont
une odeur tres- forte qui n'agrée
pas à pluſieurs, mais à l'égard du
goût il eſt tres- excellent. Ce fruit
eſt tres chaud & tres -dangereux
pour lafanté , quand on en mange
beaucoup; il ya un gros noyau,
à l'entour duquel eſt une eſpece
de creme renfermée dans une écorce
environnée de pluſieurs piquants
, & qui eft faite en pointe
de diamant ; mon goût n'a ja
mais pu s'y accommoder. La mangue
:
DU VOYAGE DE SIAM . 49
gue en ce pays-là eſt en prodigieuſe
quantité , & c'eſt le meil
leur fruit des Indes , d'un goût
exquis , n'incommodant aucunement,
àmoins que d'en manger en
trop grande quantité , alors elle
pouroit bien cauſer la fiévre ; elle
a la figure d'une amande , mais
auffi groſſe qu'une poire de Mef
fire-Jean; ſa peau eſt aſſés mince
& a la chair jaune ; le mangoûstan
eſt un fruit reſſemblant à
une noix verte , qui a dedans un
fruit blanc d'un goût aigret &
agreable , & qui approche fort
deceluide la pêche &de la prune,
il est tres- froid & reſtraintif.
LeJacques eſtun gros fruit qui
eſt bon , mais tres- chaud & indigefte
, & cauſe le flus de ventre
quand on en mange avec excés .
La nana eft preſque comme le
durion , c'eſt à dire à l'égard de
la peau ; il a au bout une courone
50
RELATION
ne de feüilles comme celle de
l'artichaud ; la chair en eſt tresbonne
& a le goût de la pêche
& de l'abricot tout enſemble ; il
eft tres-chaud & furieux ; ce qui
fait que l'on le mange ordinairement
trempé dans le vin.
La figue eſtun fruit tres -doux,
fuave&bien faiſant ; cependant
un peu flegmatique , il y en a pendant
toute l'année .
L'ate eſt un fruit doux & tresbon
, & ne fait point de mal ; il
y en a qui l'eſtiment plus que
tous les fruits des Indes. Il y a
des oranges en tres - grande
quantité de pluſieurs fortes tresbonnes
& fort douces .
La pataïe eſt un fruit tres-bon,
mais l'arbre qui le porte ne dure
que deux ans.
Il y a de toute forte d'oranges
en quantité & de tres - bon goût .
La penplemouſe eſt un fruit
tres-bon pour la ſanté à peu prés
DU VOYAGE DE SIAM . SI
comme l'orange,mais qui a un petit
goût aigret. Il y a pluſieurs
autres fruits qui ne font pas fort
bons.
On a commencé il y a quelques
années à ſemer beaucoup
de bleds dans le pays haut proche
des montagnes qui y vient
bien & eft tres - bon .
On y a planté pluſieurs fois
des vignes qui y viennent bien ,
mais qui ne peuventdurer, à cauſe
d'une eſpece de fourmy blanc
qui la mange juſqu'à la racine.
Il y a beaucoup de canes de
fucre qui rapportent extrémement
; il y a auſſi du tabac en
quantité que les Siamois mangent
avec l'arrek & la chaud .
A l'égard de l'arrek, les Siamois
eſliment ce fruit plus que tout
autre , & c'eſt leur manger ordi
naire ; il y en a une ſi grande
quantité que les marchés en
e ij
52 RELATION
font pleins , & un Siamois croiroit
faire une grande incivilité
s'il parloit à quelqu'un ſans avoir
la bouche pleine de darek , de
betel , de chaud ou de tabac .
,
Il y a grande quantité de ris
dans tout le Roïaume & à tresbon
compte ,& comme ce païs
eſt toûjours inondé , cela fait
qu'il eſt plus abondant , car le ris
ſe nourrit dans l'eau & à meſure
que l'eau croît , le ris croît pareillement
,& fil'eau croît d'un pied
en vingt-quatre heures ce qui
arrive quelquefois , le ris croît
aufli àproportion &a toûjours fa
tige au deſſus de l'eau , il ne reſte
que cinq ou fix mois au plus en
terre , il vient comme l'avoine,
Il n'y a point de ville dans l'Orient
où l'on voye plus de Nations
differentes , que dans la Ville
Capitale de Siam , & où l'on
parle de tant de langues differentes
, elle a deux lieuës de
DU VOYAGE DE SIAM .
53
tour & une demie lieuë de large,
elle eſt tres- peuplée , quoi qu'elle
ſoit preſque toûjours inondée ,
enfortequ'elle reſſemble plûtoſtà
une Ifle , il n'y a que des Maures
, des Chinois , des François
& des Anglois , qui demeurent
dans la Ville , toutes les autres
Nations eſtant logées aux environspar
camps ; c'eſt à dire chaque
nation enſemble , ſi elles estoient
affemblées elles occuperoient
autant d'eſpace que la Ville qui
eſtoit autrefois tres- marchande ,
mais les raiſons que j'ay dites cydevant
empêchent la plupartdes
Nations Etrangeres d'y venir &
d'y rien porter.
Le peuple eſt obligé de ſervir
le Roy quatre mois de l'année
regulierement , & durant toute
l'année , s'il en a beſoin ; il ne leur
donne pas un fol de paye, eſtant
obligez de ſe nourir eux-mêmes
e iij
54 RELATION
& de s'entretenir ; c'eſt ce qui
a faitque les femmes travaillent
afin de nourir leurs maris .
A l'égard des Officiers depuis
les plus grands Seigneurs de la
Cour juſqu'au plus petit du
Royaume, le Roy neleur donne
que de tres- petits appointemens,
ils font auſſi eſclaves que les autres
, & c'eſt ce qui luy épargne
beaucoup d'argent. Les Provinces
éloignées dont les habitans
ne le ſervent point actuellement,
luy payent un certain tribut par
teſte. J'arrivay dans le temps que
le pays eſtoit tout-à-fait inondé
, la Ville en paroît plus agreable,
les ruës en ſont extremement
longues , larges & fort droites,
il y a aux deux côtez des
maiſons bâties ſur des pilotis &
des arbres plantés tout à l'entour
, ce qui fait une verdeur
admirable , & on n'y peut aller
DU VOYAGE DE SIAM. 55
qu'en ballon ; en la regardant l'on
croiroit voir d'un coup d'oeil ,
une ville , une mer & une vaſte
foreſt , où l'on trouve quantité
de Pagodes qui font leurs Eglifes
, & la plupart font fort dorées,
à l'entour de ces Pagodes', il ya
comme des Cemetieres plantés
d'arbres la plupart fruitiers , les
maiſons des Talapoins font les
plus grandes& les plus belles&
font en tres-grand nombre .
Ce païs-là eſt plus ſain que les
autres des Indes ,les Siamois ſont
communément affez bien-faits ,
quoi qu'ils ayent tous le viſage
bazanné , leur taille eſt affez
grande , leurs cheveux font
noirs , ils les portent aſſez courts
àcauſe de la chaleur , ils ſe baignent
ſouvent , ce qui contribuë
àla conſervation de leur ſanté
les Europeans qui y demeurent
en font de même pour éviter les
a
e iiij
56 RELATION
maladies ; ils tiennent leurs marchés
ſur des places inondées dans
leurs balons pendant fix ou ſept
mois de l'année que l'inondation
dure.
Le Roy ſe leve du matin &
tient un grand Conſeil vers les
dix heures ,où l'on parle de toutes
fortes d'affaires, qui dure juſqu'à
midy , aprés qu'il eſt fini ſes Medecins
s'aſſemblent pour ſçavoir
l'état de ſa ſanté , & enſuite il
va dîner ; il ne fait qu'un repas
par jour , l'aprés-dînée il ſe retire
dans ſon appartement où il dort
deux ou trois heures , & l'on ne
ſçait pas à quoyil employe le reſte
dujour, n'étant permis pas même
à ſes Officiers d'entrer dans ſa
chambre . Sur les dix heures du
foir, il tient un autre Conſeil ſecret
, où il y a ſept ou huit Mandarins
de ceux qu'il favoriſe le
plus , ce Conſeil dure juſqu'à
DU VOYAGE DE SIAM . 57
minuit . Enſuite on luy lit des
hiſtoires ou des vers qui ſont faits
à leurs manieres , pour le divertir
& d'ordinaire après ce Conſeil ,
Monfieur Conſtans demeure ſeul
aveclui , auquel il parle à coeur
ouvert , comme le Roy luy trouve
un eſprit tout-à- fait vaſte , ſa
converſation luy plaît , & il luy
communique toutes ſes plus fecrettes
penſées ; il ne ſe retire
d'ordinaire qu'à trois heures aprés
minuit pour s'aller coucher , voilà
la maniere dontle Roy vît toûjours
, & de cette forte toutes les
affaires de ſon Royaume paſſent
devant luy ; dans de certains
tempsil prend plaiſir à la chaſſe ,
comme j'ay dit ; il aime fort les
bijoux même ceux d'émail & de
verre , il eſt toûjours fort proprement
vêtu , il n'a d'enfans qu'une
fille , que l'on appelle la Princef
ſeReyne , âgée d'environ vingt58
RELATION
fept ou vingt-huit ans le Roi
l'aime beaucoup , on m'a dit qu'elle
étoit bien faite ; mais jamais les
hommes ne la voyent, elle mange
dans le même lieu & à même
tems que le Roy,mais à une table
feparée ; & ce ſont des femmes
qui les ſervent qui ſont toûjours
proſternées.
Cette Princeſſe a ſa Cour compoſéedes
femmes des Mandarins
qui la voyent tous les jours , &
elletientConſeil avec ſes femmes
de toutes ſes affaires , elle rend
juſticeà ceux qui luy appartiennent
, &leRoy luy ayant donné
desProvinces dont elle tire le revenu&
en entretient fa Maiſon ,
elle a ſes châtimens & exerce la
juſtice. Il y eſt arrivé quelquefois
que lorſque quelques femmes de
ſamaiſon ont eſté convaincuës de
mediſances d'extrême confideration
, ou d'avoir revelé des ſecrets
DU VOYAGE DE SIAM. 59
de tres-grende importance , elle
leur a fait coudre la bouche .
Avant la mort de la Reyne ſa
mere, elle avoit à ce que l'on dit
du penchant à faire punir avec
plus de ſeverité , mais du depuis
qu'elle l'a perduë elle en uſe avec
beaucoup plus de douceur ; elle
va quelquefois àla chaſſe avec le
Roy , mais c'eſt dans une fort
belle chaiſe placée ſur un Elephant
& où quoy qu'on ne la
voye point elle voit neanmoins
tout ce qui s'y paſſe. Il y a des Cavaliers
qui marchent devant elle
pour faire retirer le monde , & fi
par hazard il ſe trouvoit quelque
homme ſur ſon chemin qui ne pût
pas ſe retirer,il ſe proſterne en terre
& luy tourne le dos. Elle eſt
tout le jour enfermée avec ſes
femmes ne ſe divertiſſantà faire
aucun ouvrage , ſon habillement
eſt affez ſimple & fort leger , elle
60 RELATION'
eſt nuë jambe , elle a à ſes pieds
des petites mulles ſans talons
d'un autre façon que celles de
France ; ce qui lui fertdejuppe eſt
une piece d'étoffe de ſoye ou de
coton qu'on appelle paigne , qui
l'enveloppe depuis la ceinture
en bas & s'atrache par les deux
bouts, qui n'eſt point plicée , de
la ſceinture en haut elle n'a rien
qu'une chemiſe de mouſſeline
qui luy tombe deſſus cette maniere
de juppe , & qui eſt faite
de meſme que celle des hommes,
elle a une écharpe fur la gorge
qui luy couvre le col & qui paffe
par deſſous les bras , elle eſt toûjours
nuë teſte , & n'a pas les
cheveux plus longs que de quatre
ou cinq doigts , ils lui font comme
une tête naiſſante ; elle aime
fort les odeurs , elle fe met de
P'huileà la teſte ; car il faut en ces
lieux-là que les cheveux foient
DU VOYAGE DE SIAM . 61
luifans , pour eſtre beaux , elle
ſe baigne tous les jours meſme
plus d'une fois qui eſt la coûtume
de toutes les Indes , tant à l'égard
deshommes quedes femmes ;j'ay
apris tout ceci de Madame Conſtans
qui va ſouvent luy faire ſa
Cour. Toutes les femmes qui
font dans ſa Chambre ſont toûjours
proſternées & par rang ,
c'eſt à dire les plus vieilles ſont
les plus proches d'elle , & elles
ont la liberté de regarder la Princeffe
, ce que les hommes n'ont
point avec le Roy de quelque
qualité qu'ils foient , car tant
qu'ils font devant luy , ils ſont
profternez & meſme en luy parlant.
Le Roy a deux freres , les freres
du Roy heritent de la Couronne
de Siam preferablement à
fes enfans . Quand le Roy fort
pour aller à la Chaſſe ou à la
62 RELATION
promenade, on fait avertir tous
les Européens de ne ſe point trouver
ſur ſon chemin , à moins qu'ils
ne veulent ſe profterner un moment:
avant qu'il forte de fon Palais
on entend des trompettes &
des tambours qui avertiſſent &
qui marchent devant le Roy , à
ce bruit les Soldats qui font en
haye ſe proſternent le front contre
terre & tiennent leurs moufquets
ſous eux ; ils font en cette
poſture autant de temps que
le Roy les peut voirde deſſus ſon
Elephant , où il eſt aſſis dans une
chaiſe d'or couverte , la garde à
cheval qui l'accompagne & qui
eſt compoſée de Maures eſt environ
quarante Maiſtres marchant
fur les aîles ; toute la Maiſon du
Roy eſt à pied devant , derriere
&à côté , tenant les mains jointes,&
elle le ſuit de cette maniere.
Il y a quelques Mandarins des
DUVOYAGE DE SIAM. 63
principaux qui le fuivent ſur des
Elephans , dix ou douze Officiers
qui portent de grands paraſſols
tout à l'entour du Roy , & il n'y
a que ceux- là qui ne ſe proſternent
point ; car dés le moment
que le Roy s'arreſte tous les autres
ſe proſternent , & mefme
ceux qui ſont ſur les Elephans.
Quant à la maniere que le Roy
de Siam obſerve à la reception
des Ambaſſadeurs , comme ceux
de la Cochinchine , de Tonquin,
de Colconda , des Malais , de
Java & des autres Roys , il les
reçoit dans une Salle couverte de
tapis , les grands & principaux
du Roïaume font dans une autre
ſalleun peu plus baffe , & les autres
Officiers de moindre qualité
dans une autre ſalle encore plus
baſſe, tous proſternés ſur des tapis
en attendant que le Roy pa
64 RELATION
roiſſe par une feneſtre qui eſt visà-
vis; la ſalle où doivent eſtre les
Ambaſſadeurs eſt élevée d'environ
dix ou douze pieds & diſtante
de cette falle de trente pieds ;
l'on ſçait que le Roy va paroître
par le bruit des trompettes , des
tambours & des autres Inſtrumens
; les Ambaſſadeurs font derriere
une muraille qui renferme
cette ſalle qui attendent la fortie
du Roy , & ordre des Miniſtres
que le Roy envoye appeller par
un des Officiers de ſa Chambre,
ſuivant la qualité des Ambaſſadeurs
, & fes Officiers fervent en
telles occaſions; aprés queles Miniſtres
ont la permiffion du Roy
on ouvre la porte de la ſalle &
auſſi- tôt les Ambaſſadeurs paroifſent
avec leur Interprete , &
l'Officier de la Chambre du Roi
qui ſert de Maiſtre de Ceremonies&
marchent devant eux profternez
DU VOYAGE DE SIAM. 65
ternez ſur des tapis qui ſont ſur
la terre , faiſant trois reverences
la teſte en bas à leur maniere
aprés quoy le Maiſtre des Ceremonie
marche à genoux les mains
jointes , l'Ambaſſadeur avec fes
Interprettes le ſuit en la même
poſture avec beaucoup de modeſtie
juſques au milieu de la
diſtance d'où il doit aller , & fait
trois reverences en la meſme forme
; il continue à marcher jufqu'au
coin le plus proche des falles
où les Grands font , & il recommence
à faire des reverences
où il s'arrête ; il y a une table
entre le Roy & l'Ambaſſadeur ,
diſtante de huit pieds , où ſont
les preſens que l'Ambaſſadeur apporte
au Roy , & entre cette table
& les Ambaſſadeurs il ya un
Mandarin qui reçoit les paroles
de ſa Majesté , & dans cette Salle
ſont les Miniſtres du Roy diff
66 RELATION
tants de l'Ambaſſadeur d'environ
trois pas , & le Capitaine qui
gouverne la Nation d'où eſt l'Ambaffadeur
eft entre luy & les Miniſtres
; le Roy commence à parler
le premier & non l'Ambaffadeur
, ordonnant à ſes Miniſtres
de s'informer de l'Ambaffadeur
quand il eſt party de la preſence
duRoy ſon Maiſtre , file Roy
& toute la famille Royale eſtoit
en ſanté , auquel l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt par fon Interprete
, l'Interprete le dit au
Capitaine de la Nation d'où eſt
l'Ambaſſadeur , le Capitaine au
Barcalon & leBarcalon au Roy.
Aprés cela le Roy fait quelque
demande fur deux ou trois points
concernant l'Ambaſſadeur ; enfuitele
Roy ordonne à l'Officier
qui eſt proche la table de donner
du betel àl'Ambaſſadeur , ce
qui ſert de ſignal pour que l'on
DU VOYAGE DE SIAM. 67
luy preſente une veſte , & incontinent
le Roy ſe retire au bruit
des tambours, des trompettes&
des autres inſtrumens. La premiereAudiencede
l'Ambaſſadeur
ſe paſſe entreluy & le Ministre ,
qui examine la Lettre &les prefens
du Prince qui l'a envoyés
l'Ambaſſadeur ne preſente point
la Lettre au Roy , mais au Miniſtre
, aprés quelques jours du
Conſeil tenu ſur ce ſujet.
Quand ce font des Ambaſſadeurs
des Roys indépendans de
quelque Couronne , que ce ſoit
de ſes pays , commePerſe , grand
Mogol , l'Empereur de la Chine ,
de Japon , on les reçoit enlamaniere
ſuivanre.
Les Grands du premier & du
ſecond Ordre vont aupied de la
feneſtre où eſt le Roy ſe proſter-:
ner ſuivant leurs qualitez ſur des
tapis , & ceux du troiſieme , quafij
68 RELATION
triéme & cinquiéme , ſont dans
une ſalle plus baffe & attendent
la fortie du Roy qui paroiſt par
une feneſtre qui eſt enfoncée
dans la muraille , & élevée de
dix pieds ; les Ambaſſadeurs font
dans un lieuhors du Palais , en
attendant le Maiſtre des Ceremonies
qui les vient recevoir , &
l'on fait les meſmes ceremonies
dont j'ay parlé cy -deſſus : l'Ambaſſadeur
entrant dans le Palais
leve les mains ſur ſa teſte & marche
entre deux Salles qu'il ya &
monte des degrez qui font visà-
vis la feneſtre où eſtle Roy , &
quand il eſtau haut il poſe un genou
en terre , & auffi-tôt on
ouvre une porte pour qu'il puiſſe
paroître devant le Roy ; enſuite
on pratique les mêmes ceremonies
qui viennent d'eſtre marquées
cy-devant. Ily a un bandege
ou plat d'or ſur la table où
DU VOYAGE DE SIAM. 69
eſt la Lettre traduite & ouverte ,
ayant été receuë par les Miniſtres
quelques jours auparavant dans
une ſalle deſtinée à cet uſage ;
quand l'Ambaſſadeur eſt dans ſa
place le Lieutenant du Miniſtre
prend laLettre& la lit tout haut;
aprés qu'il l'a leuë , le Roy fait
faire quelque demande à l'Ambaſſadeur
par ſon Miniſtre , fon
Miniſtre par le Capitaine de la
Nation , & le Capitaine par l'Interprete
, & l'Interprete enfin
parle à l'Ambaſſadeur. Ces demandes
ſont ſile Roy ſon Maître
& la famille Royale font en ſanté
, & s'il la chargé de quelqu'au
tre choſe qui ne fût pas dans la
Lettre , à quoy l'Ambaſſadeur
répond ce qui en eſt ; leRoy luy
fait encore troisou quatre deman.
des , & donne ordre qu'on luy
donne une veſte & du betel : aprés
quoy le Roy ſe retire au bruit des
70 RELATION
tambours & des trompettes ,&
l'Ambaſſadeur reſte un peu de
temps , & ceux qui l'ont reccu
le reconduiſent juſqu'à fon logis
fans autre accompagnement ; &
comme j'appris cette manierede
recevoir les Ambaſſadeurs qui ne
me parût pas répondre à la grandeur
du Monarque de la part
de qui je venois , j'envoyay au
Roy de Siam deux Mandarins
qui estoientavec moy de ſa part ,
pour ſçavoir ce que je ſouhaitterois
, pour le prier de me faire la
mefme reception que l'on a accoûtumé
de faire en France , ce
qu'il m'accorda de la maniere
queje l'ay raconté cy-devant.
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17
p. 39-46
IDYLE DE MADAME DES HOULIERES, Sur le retour de la Santé du Roy.
Début :
Les Vers que vous allez lire ne sont pas nouveaux, / Peuples, qui gemissez au pied de nos Autels, [...]
Mots clefs :
Santé, Roi, Louis, Soins, Héros, Amour
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texteReconnaissance textuelle : IDYLE DE MADAME DES HOULIERES, Sur le retour de la Santé du Roy.
es Vers que vous allez
lire ne font pas nouveaux,
40 MERCURE
mais ils le feront pour vous,
puis que vous me dites qu'on
ne vous les a point encore
envoyez. D'ailleurs ils font
de Madame des Houlieres ,
& tout ce qu'elle fait eft fi
beau , qu'en tout temps on
le voit avec plaifir , Ils ont
efté faits fur le rétabliffement de la Santé du Roy ,
aprés le mal dont Sa Majeſté
a efté guerie avant les accés
qu'Elle a eus de Fiévre
quarte.
GALANT. 41.
S
11
-e
ב
1
I
IDTLE
DE MADAME
DES HOULIERESS
Sur le retour de la Santé
Paple
du
Roy.
Euples , qui gemiffez au pied -
de nos Autels,
Qui par des vœux ardens, des foùpirs & des larmes, ·
Demandez la fantédu plus grand?
des Mortels ,
Enplaifirs changez vos alarmes; ;
Couronnez vos teftes defleurs,.
LOVIS n'eft plus en proye à de
vives douleurs,
Septembre 1686.. D.
42 MERCURE
D'unefanté parfaite il goûte tous
les carmes.
Dés fes plusjeunes ans à vaincre
accoûtumé ,
Il a dompté les maux qui luỷfaifoient la guerre,
Ils n'ont fervy qu'à montrer à
la Terre
Combien LOVIS cft grand, com
lien left aimé.
ရ
Tand's que devorez par des crain
tes mortelles
Nous cherchions en tremblant d'agreabl s nouvelles ,
Tandis qu'il nous coutoit tant de
pleus , tant de cris ,
Lay, dont rien ne fçauroit ébranler
le courage ,
Regardoitfes douleurs avec unfier
mépris,
GALANT.
43
Elles ne paroiffoient que fur noftre
vifage.
Au milieu des plaifirs qu'enfante
un dux repos ,
- Eut-iljamaisl'esprit plus libre?
Vous le fçavez, Tamife , Elbe
Rin, Tage , Tibre;
Vous le fçavcz auffi , Mers, dons
iljoint les flots.
Ces foins qu'on voit toûjours
renaiftre,
Et dont , hors le.
Heros que nous
avons pour Maistre,
MulRay n'a porté Jeul le penible
fardeau ,
Les a-t-on veu ceffer dans fes douAdeurs cruelles
• Quoy qu'en des mains fages, fi
delles
Dij
44 MERCURE
Il eut pù confier le timon da
Vaiffeau?
Mais pourquoy dans des jours de
ftinez à lajoye
Rappeller des jours douloureux?
Iouiffons du bonheur que le Ciel
nous envoye,
LOVIS ne fouffre plus , nous
fommes trop beureux.
T
Que dans nos murs le travail
ceffe,
Que le vin coule, qu'ons'empreffe
D'allumer d'innombrablesfeux;
Qu'on lance dans les airs defi vi
ves eftoiles ,
Que leur éclat falſe pûlir v
Celles de qui pour s'embellir
La nuitfemefes fombres voiles,
E
GALANT.
45
Et vous,qui parun fage choix
Preferez vos ruftiques toits
Aces lambris dorez , fous qui la:
temperance,
La tranquillité , l'innocence,
Logent rarement avec nous ;
Bergers, pour qui la vie a fi peu
de dégoûs ; [penfe
Bergers, plus heureux qu'on ne
Quittez le foin de vos troupeaux,
De guirlandes parez vos teftes ,
Foulez l'herbe naiffante aufon des chalumeaux;
Que desjeux innocens, que d'agrea
bles feftes
-Ramenent les plaifirs que vous
aviezbannis ,
LOVIS ne fouffre plus ,nos malbeurs font finis.
Les Bergeres jeunes & belles,
46 MERCURE
Qui font regner l'amour, & qui
regnent par luy,
Sont feules à plaindre aujour
d'buyi
Ie fremis des malheurs queje prévay pour elles.
Ils font plus grands cent ¢
fuis ,
Quefi dans les plus fombres bois,
Sans chiens leurs m utens alloient
priftre,
Que fur leurs foibles cœurs elles
vellent touj urs ,
S'il eft vray que la joye eft mere
des Amours,
Lafanté de LOVIS en va plus
faire naiftre
Que le doux retour des beaux
jours.
lire ne font pas nouveaux,
40 MERCURE
mais ils le feront pour vous,
puis que vous me dites qu'on
ne vous les a point encore
envoyez. D'ailleurs ils font
de Madame des Houlieres ,
& tout ce qu'elle fait eft fi
beau , qu'en tout temps on
le voit avec plaifir , Ils ont
efté faits fur le rétabliffement de la Santé du Roy ,
aprés le mal dont Sa Majeſté
a efté guerie avant les accés
qu'Elle a eus de Fiévre
quarte.
GALANT. 41.
S
11
-e
ב
1
I
IDTLE
DE MADAME
DES HOULIERESS
Sur le retour de la Santé
Paple
du
Roy.
Euples , qui gemiffez au pied -
de nos Autels,
Qui par des vœux ardens, des foùpirs & des larmes, ·
Demandez la fantédu plus grand?
des Mortels ,
Enplaifirs changez vos alarmes; ;
Couronnez vos teftes defleurs,.
LOVIS n'eft plus en proye à de
vives douleurs,
Septembre 1686.. D.
42 MERCURE
D'unefanté parfaite il goûte tous
les carmes.
Dés fes plusjeunes ans à vaincre
accoûtumé ,
Il a dompté les maux qui luỷfaifoient la guerre,
Ils n'ont fervy qu'à montrer à
la Terre
Combien LOVIS cft grand, com
lien left aimé.
ရ
Tand's que devorez par des crain
tes mortelles
Nous cherchions en tremblant d'agreabl s nouvelles ,
Tandis qu'il nous coutoit tant de
pleus , tant de cris ,
Lay, dont rien ne fçauroit ébranler
le courage ,
Regardoitfes douleurs avec unfier
mépris,
GALANT.
43
Elles ne paroiffoient que fur noftre
vifage.
Au milieu des plaifirs qu'enfante
un dux repos ,
- Eut-iljamaisl'esprit plus libre?
Vous le fçavez, Tamife , Elbe
Rin, Tage , Tibre;
Vous le fçavcz auffi , Mers, dons
iljoint les flots.
Ces foins qu'on voit toûjours
renaiftre,
Et dont , hors le.
Heros que nous
avons pour Maistre,
MulRay n'a porté Jeul le penible
fardeau ,
Les a-t-on veu ceffer dans fes douAdeurs cruelles
• Quoy qu'en des mains fages, fi
delles
Dij
44 MERCURE
Il eut pù confier le timon da
Vaiffeau?
Mais pourquoy dans des jours de
ftinez à lajoye
Rappeller des jours douloureux?
Iouiffons du bonheur que le Ciel
nous envoye,
LOVIS ne fouffre plus , nous
fommes trop beureux.
T
Que dans nos murs le travail
ceffe,
Que le vin coule, qu'ons'empreffe
D'allumer d'innombrablesfeux;
Qu'on lance dans les airs defi vi
ves eftoiles ,
Que leur éclat falſe pûlir v
Celles de qui pour s'embellir
La nuitfemefes fombres voiles,
E
GALANT.
45
Et vous,qui parun fage choix
Preferez vos ruftiques toits
Aces lambris dorez , fous qui la:
temperance,
La tranquillité , l'innocence,
Logent rarement avec nous ;
Bergers, pour qui la vie a fi peu
de dégoûs ; [penfe
Bergers, plus heureux qu'on ne
Quittez le foin de vos troupeaux,
De guirlandes parez vos teftes ,
Foulez l'herbe naiffante aufon des chalumeaux;
Que desjeux innocens, que d'agrea
bles feftes
-Ramenent les plaifirs que vous
aviezbannis ,
LOVIS ne fouffre plus ,nos malbeurs font finis.
Les Bergeres jeunes & belles,
46 MERCURE
Qui font regner l'amour, & qui
regnent par luy,
Sont feules à plaindre aujour
d'buyi
Ie fremis des malheurs queje prévay pour elles.
Ils font plus grands cent ¢
fuis ,
Quefi dans les plus fombres bois,
Sans chiens leurs m utens alloient
priftre,
Que fur leurs foibles cœurs elles
vellent touj urs ,
S'il eft vray que la joye eft mere
des Amours,
Lafanté de LOVIS en va plus
faire naiftre
Que le doux retour des beaux
jours.
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Résumé : IDYLE DE MADAME DES HOULIERES, Sur le retour de la Santé du Roy.
En septembre 1686, le Mercure Galant célèbre le rétablissement de la santé du roi Louis XIV, après une fièvre quarte. Les auteurs expriment leur joie et leur soulagement, soulignant la grandeur et l'amour du roi, comparés à la résistance des grands fleuves et des héros. Le texte invite à des réjouissances publiques et privées, incluant les bergers et les bergères. Ces dernières sont décrites comme les plus à plaindre en raison des malheurs qu'elles prévoient. Le texte se conclut par l'annonce de la santé parfaite du roi et une invitation générale à se réjouir de ce bonheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 310-312
ENIGME.
Début :
Sans contredit les Enfers m'ont fait naistre [...]
Mots clefs :
Petite vérole
20
p. 74-76
Autres visites. [titre d'après la table]
Début :
Mr Aubert, Introducteur des Ambassadeurs auprés de Monsieur, qu'ils [...]
Mots clefs :
Monsieur Aubert, Visites, Estomac, Oiseaux, Nids, Fortifier
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Autres visites. [titre d'après la table]
M Aubert , Introducteur
des Ambaſſadeurs auprés de
Monfieur , qu'ils avoient invité
à venir dîner avec eux ,
lors qu'ils pafferent àS. Cloud,
eſtant venu leur rendre viſite,
ils ne cefferent point de parler
de ce Prince & de ſes
desAmb. de Siam. 75
manieres obligeantes. Ils dirent
qu'ils avoient apporté
quantité de choſes de leur Pays,
qui par beaucoup d'experiences
avoient eſté reconnües fort propres
à conferver la fanté,&fur tout
'à fortifier l'estomach , &qu'ils
en offriroient àfon AlreſſeRoyale
, s'ils ofoient prendre cette
liberté, non pas à cause de lava
leur de ces chofes , mais à caufe
de leur utilité.
Parmy ce qu'ils ont apporté
il y a des Nids d'Oiseaux qui
ne font formez que de filets
de Poiffon ; que les Oiseaux
en tirent dans le temps qu'ils
Gij
76 III. P. du Voyage
veulent faire leurs Nids ; ils
pretendent que rien n'eſt
meilleur que ces Nids pour
fortifier l'eſtomach.
des Ambaſſadeurs auprés de
Monfieur , qu'ils avoient invité
à venir dîner avec eux ,
lors qu'ils pafferent àS. Cloud,
eſtant venu leur rendre viſite,
ils ne cefferent point de parler
de ce Prince & de ſes
desAmb. de Siam. 75
manieres obligeantes. Ils dirent
qu'ils avoient apporté
quantité de choſes de leur Pays,
qui par beaucoup d'experiences
avoient eſté reconnües fort propres
à conferver la fanté,&fur tout
'à fortifier l'estomach , &qu'ils
en offriroient àfon AlreſſeRoyale
, s'ils ofoient prendre cette
liberté, non pas à cause de lava
leur de ces chofes , mais à caufe
de leur utilité.
Parmy ce qu'ils ont apporté
il y a des Nids d'Oiseaux qui
ne font formez que de filets
de Poiffon ; que les Oiseaux
en tirent dans le temps qu'ils
Gij
76 III. P. du Voyage
veulent faire leurs Nids ; ils
pretendent que rien n'eſt
meilleur que ces Nids pour
fortifier l'eſtomach.
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Résumé : Autres visites. [titre d'après la table]
M. Aubert, introducteur des ambassadeurs, a été invité à dîner par ces derniers à Saint-Cloud. Les ambassadeurs ont loué les manières du prince et proposé d'offrir à Sa Majesté Royale des articles bénéfiques pour la santé, notamment des nids d'oiseaux formés de filets de poisson, reconnus pour fortifier l'estomac.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 1-8
Prelude. [titre d'après la table]
Début :
Quand les Souverains ont gagné quelques Batailles, ou forcé des [...]
Mots clefs :
Grâces, Dieu, Peuples, Corps, Actions, Santé du roi, Églises, Guérison, Manufactures royales, Rétablissement de la santé
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texteReconnaissance textuelle : Prelude. [titre d'après la table]
j^"^ ÌJ A n d les Sou-
S P verains ont gagné
quelques Batailles,
f ou forcé des Places à se ren
dre , les Peuples en rendent
ordinairement graces à Dieu
I" avec des démonstrations de
Janvier 1687. A
* MERCURE,,
joye, mais ces actions de grâ
ces ne se font que dans une
feule Eglife,&au nom de tou
te une Ville,au lieu que celles
que l'on vient de faire pour
remercier Dieu du retour de
la Santé du Roy, beaucoup
plus considérable à les Peupics
, que s'il avoit gagné des
Royaumes entiers , ont esté
faites dans toufes'les Eglises
de Paris. Cdux 'quí lcsMeíservent
ont prié deux fois ; d'a
bord pour dérnahder la gué
rison de Sá Majtttë j & en
suite pour en rendre graces
à Dieu. Les premiers d'entre
GALANT. ?
les Corps des Bourgeois qui
ont fait taire ces Prieres, ont
commencé comme a fait l'Eglise,
& ils ont eníìiite finy
par des actions de graces.
Ainsi l'Eglife & les Peuples
ont prié chacun fur deux sii,
jets , & ces deux sortes de
Prieres s'estant faites à qua
tre fois differentes, ont esté' à
Tinsiny. J'ay tâché, Madame,
de vous en faire une peinture
au commencement & dans
la fin de ma Lettre de Décembre.
Cépendant il ie trou
ve que je n'ay pû exprimer
qu'imparfaitement le zelc
Aij
r4 MERCURE
des Peuples , & à dire vray ,
c'est une chose impossible.
Toutes les Eglises íùfEsoient
à peine pour ceux qui vottloient
faire faire des Prieres,
& Ton a esté souvent obligé
d'attendre que ceux qui s'estoient
mis en estat d'en faire
faire les premiers , eussent achevé
, pour satisfaire au zele
des autres. Les uns ont fait
prier pendant un jour entier,
les autres pendant trois jours,
& les autres pendant neufj
& enfin, pour rendre ces Priè
res plus celebres , on y a ajou
té la Musique, & 1a décora.
GALANT, s
tion des Eglises où tout ce
que Paris à de plus riche &
de plus íùperbe a paru , avec
les décharges des Boètes &:
de la Mqusqucterie. Enfin
tout estoit en mouvement ,
tout estoit en joye, tout retentiflbit
d'actions de graces,
& il sest mefme trouve des
Corps & des Communautez ,
& des Societez qui ont fait
recommencer plusieurs fois.
M"s des Manufactures Roya
les des Meubles de la Cou
ronne établies aux Gobelins,
ont esté de cc nombre ,, les
Corps, & les Communautez
6 MFRCUR1
n'ont pas feulement fait prier,,
mais plusieurs personnes qui
n'entrent dans aucun Corps y
se sont associées pour faire
prier , & des particuliers qui
n'ont pointvoulu fe faire connoître,&
même des Artisans,,
ont trouvé moyen de faire
tenir dans des Convents des.
sommes considerables , pour
rendre graces, à Dieu d'une
Santé, qui ne doit pas feule
ment estxe prétieufe à toute
i'Europe puis que le Roy y
maintient la Paix , mais en
core à toure la terre , ce Mo
narque faisant des Alliances
GALANT. 7
dans les . Païs les plus recu
lez, & de'peníant des sommes
immenses pour attirer des
Ames à Dieu, en., les faisant
renoncer a l'ídolatrie. Ainsi
ce n'est pas sans íùjet qu'il est
Ies>delicesde ses Peuples , &c
de tous les Etrangers qui
rendent justice au vray mé
rite , &. qui seront ravis d'ap
prendre, ce que l'on a fàit en
France pour le rétabl/'flèmenc
de sa Sante, puis que toute la
terre connoiítra par là lardeur
du zele dont tous les
coeurs des François font pe
netrez pour un Prince fi çjí*
A iiij,
8 MERCURE . :
gne de l 'amour qu'ils ont pour
luy. Si l'on ignoroit par quels
endroits il merite que cet a~
mourait esté jusqu'à 1 excésoà
il est monté,on n'en douteroit
pas en lisant l'Ouvrage que
je vous envoyeí
S P verains ont gagné
quelques Batailles,
f ou forcé des Places à se ren
dre , les Peuples en rendent
ordinairement graces à Dieu
I" avec des démonstrations de
Janvier 1687. A
* MERCURE,,
joye, mais ces actions de grâ
ces ne se font que dans une
feule Eglife,&au nom de tou
te une Ville,au lieu que celles
que l'on vient de faire pour
remercier Dieu du retour de
la Santé du Roy, beaucoup
plus considérable à les Peupics
, que s'il avoit gagné des
Royaumes entiers , ont esté
faites dans toufes'les Eglises
de Paris. Cdux 'quí lcsMeíservent
ont prié deux fois ; d'a
bord pour dérnahder la gué
rison de Sá Majtttë j & en
suite pour en rendre graces
à Dieu. Les premiers d'entre
GALANT. ?
les Corps des Bourgeois qui
ont fait taire ces Prieres, ont
commencé comme a fait l'Eglise,
& ils ont eníìiite finy
par des actions de graces.
Ainsi l'Eglife & les Peuples
ont prié chacun fur deux sii,
jets , & ces deux sortes de
Prieres s'estant faites à qua
tre fois differentes, ont esté' à
Tinsiny. J'ay tâché, Madame,
de vous en faire une peinture
au commencement & dans
la fin de ma Lettre de Décembre.
Cépendant il ie trou
ve que je n'ay pû exprimer
qu'imparfaitement le zelc
Aij
r4 MERCURE
des Peuples , & à dire vray ,
c'est une chose impossible.
Toutes les Eglises íùfEsoient
à peine pour ceux qui vottloient
faire faire des Prieres,
& Ton a esté souvent obligé
d'attendre que ceux qui s'estoient
mis en estat d'en faire
faire les premiers , eussent achevé
, pour satisfaire au zele
des autres. Les uns ont fait
prier pendant un jour entier,
les autres pendant trois jours,
& les autres pendant neufj
& enfin, pour rendre ces Priè
res plus celebres , on y a ajou
té la Musique, & 1a décora.
GALANT, s
tion des Eglises où tout ce
que Paris à de plus riche &
de plus íùperbe a paru , avec
les décharges des Boètes &:
de la Mqusqucterie. Enfin
tout estoit en mouvement ,
tout estoit en joye, tout retentiflbit
d'actions de graces,
& il sest mefme trouve des
Corps & des Communautez ,
& des Societez qui ont fait
recommencer plusieurs fois.
M"s des Manufactures Roya
les des Meubles de la Cou
ronne établies aux Gobelins,
ont esté de cc nombre ,, les
Corps, & les Communautez
6 MFRCUR1
n'ont pas feulement fait prier,,
mais plusieurs personnes qui
n'entrent dans aucun Corps y
se sont associées pour faire
prier , & des particuliers qui
n'ont pointvoulu fe faire connoître,&
même des Artisans,,
ont trouvé moyen de faire
tenir dans des Convents des.
sommes considerables , pour
rendre graces, à Dieu d'une
Santé, qui ne doit pas feule
ment estxe prétieufe à toute
i'Europe puis que le Roy y
maintient la Paix , mais en
core à toure la terre , ce Mo
narque faisant des Alliances
GALANT. 7
dans les . Païs les plus recu
lez, & de'peníant des sommes
immenses pour attirer des
Ames à Dieu, en., les faisant
renoncer a l'ídolatrie. Ainsi
ce n'est pas sans íùjet qu'il est
Ies>delicesde ses Peuples , &c
de tous les Etrangers qui
rendent justice au vray mé
rite , &. qui seront ravis d'ap
prendre, ce que l'on a fàit en
France pour le rétabl/'flèmenc
de sa Sante, puis que toute la
terre connoiítra par là lardeur
du zele dont tous les
coeurs des François font pe
netrez pour un Prince fi çjí*
A iiij,
8 MERCURE . :
gne de l 'amour qu'ils ont pour
luy. Si l'on ignoroit par quels
endroits il merite que cet a~
mourait esté jusqu'à 1 excésoà
il est monté,on n'en douteroit
pas en lisant l'Ouvrage que
je vous envoyeí
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22
p. 277-279
Present fait par Monsieur au Premier Ambassadeur. [titre d'après la table]
Début :
L'Ambassadeur ayant envoyé à Monsieur plusieurs choses utiles pour [...]
Mots clefs :
Présent, Monsieur, Portrait, Prince, Boîte, Diamants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Present fait par Monsieur au Premier Ambassadeur. [titre d'après la table]
L'Ambaſſadeut ayant envoyé
à Monfieur pluſieurs
choſes utiles pour ſa ſanté ,
ainſi que je vous l'ay appris
dans ma lettre precedente, ce
Prince genereux luy envoya
quelques jours aprés par M
AubertIntroducteur des Ambaffadeurs
auprés de ſa Perſonne',
un preſent auſſi galant
que riche. C'eſtoit ung
;
r
278 IV. P. du Voyage
boëtte de chagrin toute gar
nie d'or ,& d'une tres-grande
beauté. On crût d'abord que
le preſent conſiſtoit en cette
feule boëtte. Cependant elle
en renfermoit trois autres
d'or, dans leſquelles on trouva
trois fort belles bagues. Il
y en avoit une de diamans ,
&une autre d'emeraudes : elles
eſtoient accompagnées
d'un Portrait de Monfieur ,
entouré de diamans. Ce preſent
n'eſtoit que pour le premier
Ambaſſadeur. Il dit à
M' Aubert , que quoy que tout
ce que Monsieur luy envoyoit
des Amb. de Siam. 279
ast tres-riche , & tres-bean , il
ſtimoit beaucoup plusfon Portrait
que tout le reſte , & que
rien neluy devoit estre plus precieux
que le Portrait d'un grand
Prince , Frere d'un grand Roy,
d'un Conquerant ; qu'on auroit
à Siam la mesme veneration
pour ce Portrait , qu'on avoit icy
pour l'Original , qu'il le porteroit
toute sa vie àson bras , &
que toute sa pofterité le conferveroit
éternellement , comme une
marque de l'honneur qu'un fi
grand Prince luy avoit fait,
des bontés qu'il avoit euës pour
luy.
à Monfieur pluſieurs
choſes utiles pour ſa ſanté ,
ainſi que je vous l'ay appris
dans ma lettre precedente, ce
Prince genereux luy envoya
quelques jours aprés par M
AubertIntroducteur des Ambaffadeurs
auprés de ſa Perſonne',
un preſent auſſi galant
que riche. C'eſtoit ung
;
r
278 IV. P. du Voyage
boëtte de chagrin toute gar
nie d'or ,& d'une tres-grande
beauté. On crût d'abord que
le preſent conſiſtoit en cette
feule boëtte. Cependant elle
en renfermoit trois autres
d'or, dans leſquelles on trouva
trois fort belles bagues. Il
y en avoit une de diamans ,
&une autre d'emeraudes : elles
eſtoient accompagnées
d'un Portrait de Monfieur ,
entouré de diamans. Ce preſent
n'eſtoit que pour le premier
Ambaſſadeur. Il dit à
M' Aubert , que quoy que tout
ce que Monsieur luy envoyoit
des Amb. de Siam. 279
ast tres-riche , & tres-bean , il
ſtimoit beaucoup plusfon Portrait
que tout le reſte , & que
rien neluy devoit estre plus precieux
que le Portrait d'un grand
Prince , Frere d'un grand Roy,
d'un Conquerant ; qu'on auroit
à Siam la mesme veneration
pour ce Portrait , qu'on avoit icy
pour l'Original , qu'il le porteroit
toute sa vie àson bras , &
que toute sa pofterité le conferveroit
éternellement , comme une
marque de l'honneur qu'un fi
grand Prince luy avoit fait,
des bontés qu'il avoit euës pour
luy.
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Résumé : Present fait par Monsieur au Premier Ambassadeur. [titre d'après la table]
L'Ambassadeur a reçu de Monsieur plusieurs objets pour sa santé, comme indiqué dans une lettre précédente. En retour, Monsieur a envoyé à l'Ambassadeur un présent via M. Aubert, l'Introducteur des Ambassadeurs. Ce présent comprenait une boîte en chagrin garnie d'or, contenant trois boîtes en or avec trois belles bagues (dont une en diamants et une en émeraudes) et un portrait de Monsieur orné de diamants. L'Ambassadeur a exprimé à M. Aubert que, bien que les présents fussent très riches et beaux, il estimait davantage le portrait de Monsieur. Il a souligné que rien ne lui était plus précieux que le portrait d'un grand Prince, frère d'un grand Roi et conquérant. Il a ajouté que ce portrait serait vénéré à Siam comme l'original l'était en France, et qu'il le porterait toute sa vie à son bras, ainsi que sa postérité le conserverait éternellement comme marque de l'honneur et des bontés de Monsieur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 1-337
JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
Début :
Je vous l'ay promis, Madame. Il faut vous satisfaire [...]
Mots clefs :
Roi, Luxembourg, Sa Majesté, Prince, Place, Voyage, Ville, Cour, Gardes, Église, Verdun, François-Henri de Montmorency-Bouteville, Maison, Duc de Luxembourg, Honneur, Bonté, Paris, Comte, Fortifications, Troupes, Officiers, Évêché, Abbé, Versailles, France, Médailles, Corps, Personnes, Messe, Châlons-en-Champagne, Évêque, Marquis, Lieux, Régiment, Champagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JOURNAL DU VOYAGE DE SA MAJESTÉ A LUXEMBOURG.
JOURNAL
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
1 DV VOYAGE
DE
SA MAJESTÉl
A LUXEMBOURG.
E vous l'aypromis
,
Madame. Il faut
vous satisfaire sur le
grand Article du Voyage
de Sa Majesté à Luxembourg,
Pc. comme vous m'avez ordonné
de n'enoublier aucune
des circonstances, elles
feront le sujet d'une Lettre
entière. Un pareil Journal
doit estre agréable aux Curieux
Tout le monde scait
que le Roy ne peut faire un
pas hors le lieu de sa résidence
ordinaire, que toute
l'Europe ne soit aussi-tost
en mouvement. Le bruit de
ce Voyage n'eut pas plûtost
Commencé à se répandre,
qu'elle fit paroistre de grandes
alarmes. Mais que pouvoit-
elle avoir à craindre?
Elle devoitestre persuadée,
que le Monarque qui luy a
donné la Paix? n'avoir aucun
dessein de la rompre.
C'est son ouvrage, & loin
de songer à le détruire,Sa
Majesté fera toûjours preste
à faire repentir ceux qui travailleront
à troubler le calme
qu'il a étably. Un pareil
dessein ne sçauroitestre
conceu que par des Ambitieux
opiniâtres, & trop constamment
jaloux de la grandeur
de ce Prince;mais c'est
àeux seuls à craindre, dans
letemps qu'ils veulent rendresuspectes
toutes ses démarches,
& jetter dans les
cfprits des frayeurs seditieuses,
afin d'exciter dans la
plus grande partie des Etats
voisinsle desordre & la confusion,
sans quoyils demeurent
dans une fâcheuse obsçuiipé?
qui leur est beaucoup
moins supportable que la
douleur que les Victoires du
Roy ont dû leur causer
, pour
ne pas dire, leurs continuelles
défaites. Comme il y a
peu de Regnes qui ne plaisent
,
a quelques chagrins
que l'on puisse estre exposé
en regnant ,ils voudroient
toûjours jouir de la tristesatisfaction
qu'ils ont de com*.
mander aux dépens de la
tranquillité de l'Europey
mais le Roy quien est leBienfai£
teur> & le Pere, voulant
luy conserver le repos qu'il
luy a si genereusement procuré,&
dontil lafait jodir.,
malgré lescontinuels obstacles
qu'on oppose inutilement
à sabonté, renverse
tous leurs desseins par sa prudente
conduite &: par sa perseverance.
Les défiances que
l'on a voulu donner de son
Voyage) donton pretendoit
que de secrets desseins estoient
les motifs, ont esté
une occasion au Roy de confondre
les Ennemis de sa
gloire. Il n'a pu soffrir qu'on
crustqu'il déguisast ses intentions
,8z pour empescher
que leur sincerité ne fust
foupçonnée
9
il a bien voulu
donner un éclaircissement,
quien faisant voir la bonté
qu'il a de'ne point chercher
à troubler l' Europe qu'il a
l, pris foin de pacifier, a servy
encore, par des assurances
publiques,& dont aucun
Prince ne pouvoir douter, à,
dissiper les frayeurs que les
.1n.1.1 intentionnez avoient
jettées dans les coeurs timides,
afin de parvenir à leur but.
Non seulement ils n'y sont
point parvenus ?
mais tout ce
qu'ils ont pû dire, n'a fait que
fairemieux voir combien le
pouvoir du Royest redoutable,
puisqu'ilsontété obligez
de faire connoistre eux-mêmes
par toutes les chosesqu'ils
ont avancées, qu'il suffitque
ce Monarque fasse une entreprise
pour y réiiflir
, & que
s'il veut vaincre, il n'a qu'à
combattre. On a sujet de les
croire. Ils n'ont pas eu desfein
de flater
,
&sur ce qui se
publie de cette nature ,
les
Ennemis sont plus croyables
que d'autres, puis que leur
sincerité ne peut estresoupçonnée.
Mais comme vous
pourriez douter de la mienne
lors que je vous parleai
& croire que je me suis formé
exprés des monstres pour
les combattre, en faisant paffer
mes conjectures pour des
veritez,à l'égard de tout ce
que je viens de vous dire dt.
l'inquietude que l'on a voulu
donner à la plus grande
partie de l'Europe, pour luy
faire prendre de l'ombrage
des desseins du Roy
?
voicy
une piece justificative.
Sa Majesté
,
à qui rien n'est
inconnu, tant à cause de sa
vive penetration
, que des
foins qu'elle prend sans cesse
pour bien s'acquiterde ce que
son rang demande,sçachant
ce qui se disoit du dessein
qu'Elle avoit pris de faire un
VoyageàLuxembourg, voulut
faire voir la mauvaise intention
de ceux qui en répandant
des bruits contraires
au repos public, pretcndoient
venir à bout de leurs entreprises.
Dans cette pensée, Elle
ordonna à Mrle Marquis de
Croissy Colbert
,
Ministre &
Secretaire d'Estat
, ayant le
département des affaires étrangeres,
d'écrire une Lettre
à Mrle Cardinal Ranuzzi,
Nonce de Sa Sainteté enFrance.
Voicy à peu prés le sujet
de cette Lettre. Ive de Croisfy
marquoit à ce Cardinal
que le Roy luy avoit commandé
d'informer son Eminence de la
resolution qu'ilavoit priscel'al.,
lerdans le mois de May à Luxembourg
, CJTouencore que Sa
Majcflr n'eustpas accoûtumé de
rendre raison de Jes actions,
comme Elle ne vouloit pas
néanmoins renouveller l'alarme
qu'on dvùitprise sans fondement
de l'ouverture qui a esté
faite du convertissement de la
Tréve en un TraitédePaix ; Elle
luy avoit ordonné de /'assurer de
sa part ,
qu'Elle ne faisoit ce
Voyage que pour satisfaire la
curiosité qu'Elle avoit de voir
Elle-mesme en quel estat estoit
otlors cette place;, d'oùelleseroit
de retour,troissemaines, ou tout
A-U plus tard un mois aprésqu'Elle
seroit partie de Versailles;
qu'Elle se promettoit que son
Eminence empescheroit par Je$
Lettres tant à Sa Sainteté que
par tout ailleurs où ellel'estimeroit
à propos , que ce Voyage ne
donnast de l'inquietude aux
Etats Voisins
, 0* qu'aucun
Prince ne pustprendre le pretexte
de la marche de Sa Majestéspour
refuseràl'Empereur lessecours
ausquels ilsseseroientengagez,
Sa Majesté n'ayantpas d'autre
dessein que celuy dontElle l'avoit
chargéde l'instruire.
Cette Lettre qui fut écrite
à Marly,estoitdattée du quatrièmed'Avril.
MrleNonce
qui s'apliqueavec tout le foin
imaginable à tout ce qui peut
maintenir la paix, la reçût
avec une extrêmejoye.Il en
envoya des copiesdans tous
les lieux, où ille crut necessaire
pour remettre les esprits,
& n'en refusa point aux Ministres
Etrangers qui sont à
Paris, ny mesme à tous ceux
qui prirent la libertédeluy
en demander ; de forte que
cesCopies s'estant multipliées
en fort peu de temps , cette
Lettre devint aussi-tost commune.
Chacun l'envoya à ses
Amis, &. elle courut incontinent
, non feulement dans
les Provinces de France;mais
encore dans les Pays Etrangers.
Comme le Roy na
jamais manqué à sa parole,
&que tout le monde en est
fortement persuadé
,
les esprits
qu'on avoit voulu inquicter
en leur faisant entendre
que le Voyage de Sa
Majestécouvroit des desseins,
€jui devoient troubler la tranqnilité
de l'Europe, furent
rassurez> & les ambitieux qui
ire cherchoient qu'à renouseller
la guerre en proposant
<de faire une Ligue pour l'éiriter
, demeurerent dans une
Extrême confusion par l'impossibilitéqu'il
y avoit de
venir à bout de leurs desseins.
On ne parla plus que du
Voyage, mais on en parla
d'une autre maniere qu'on
n'avoit fait jusque-là, & ceux
quiavoientvéritablement apprehendé
devoir le Roy à la
teste d'une Armée par les
soupçons qu'on avoit tâché
de jetter dans leurs esprits, se
proposerent de le venir admirer
lors qu'il feroit sur leurs
frontières
?
& ce fut pour eux
un fort grand sujet de joye
s d'esperer de voir de prés, &
de considerer avec toute l'attention
que demandoit leur
curiosité? un Prince qui remplit
tout l'Univers du bruit
de son naIn, & de ses vertus.
Pendant que la Noblessedes
Pays voisîns de Luxembourg:
goûtoit par avance le plaisir
qu'elle attendoit en voyant
le Koy & qu'elle en avoit
l'idée remplie,comme on l'a
ordinairement de toutes les
choses.guc l'onsouhaiteavec
passion, ceux qui estoient du
Voyage s'y preparoient; d'autres
en parloient & d'autres
écrivoient sur ce sujet.Voicy
une Devise deM Magnin de
l'Academie Royale d'Arles,
surceVoyage.Le Soleil estoit
alors au figne du Belier. Cette
Devise a pour mot
CURSUM INCHOAT
OMINE MITI.
Il renouvelle son cours
Sous de fortunezpresages;
Loin d'icy
)
sombres nuages,
Nous n'aurons que de beaux
jours.
Ces Vers convenoient a£-
sez à ce qu'on venoit de publier
touchant les desseins
cachez fous le Voyage du
Roy.
Voicy une autre Devise
de Mr Rault de Roüen, sur
ce mesme Voyage daSa Majesté,
allant visiter ses Conquestes
,&voir ses nouveaux
X Sujets. Cette Devise a pour
corps le Soleil en son midy
sansnuages & sans ombreJ
&jettant de benignes influences
sur les Regions par
où il passe. Ces mots en sontl'ame.
FELICI BEAT
ASPECTU.
Tel que paroist le Dieu du
jour
Porté dans son char de lu
miere
,
Quand par chaque Climat il
faitsonvaste tour
Pourvisiter la terre entiere
J
k
Et que parsesbrillansrayons
Il produit en tous lieux les biens
quenous voyons;
Tel l'Augure LOUIS ruifitant
ses Conquestes,
Quelque part qu'il porte les
yeux,
SurJes Sujets nouveaux qui s'offrent
en ces lieux,
Répandsesfaveurs toutesprefies,
Et quoy qu'il fajfe voir la fierté
du Dieu Mars
,
( Sesyeux nont que de doux
re7g,ardsoLe
temps du Voyage s'avançoit,
& l'on estoit presque
sur le point de partir,
lors que le Roy fut attaqué
d'un grand Rhume. Mais
loin que cet accident sist
prendre aucune résolution
contraire à ce qui avoit esté
arresté, Sa Majesté ne retrancha
pas mesme un quartd'heure
des Conseils qu'Elle
avoit accoûtumé de tenir-
Mr de Louvoispartit quelques
jours auparavant , pour
unVoyage de prés décrois-
-- - .-- - - - --
cens lieues,& Mr de Seignelay
partit de son costé pour
aller voir les Fortifications de
Dunkerque. Comme il faut
donner quelque ordre à cette
Relation, je ne parleray de
leur Voyage que quand je
vous marqueray leur retour
auprès du Roy, Je vous diray
cependant qu'en s'éloignant
de Sa Majesté,ils avoient
toujours la mesme
part aux affaires. Rien n'est
aujourd'huy épargné en
France pour le bien de l'Etat,
&.
& le Roy, par le moyen des
Courriers
> peut conferer tous
les jours avec ceux qui sont
éloignez de luy.MrdeCroissy
fut le seulMinistre qui
devoit accompagner Sa Majesté.
Le Controleur GeneraI,
dont la presence & les
foins font toûjours neccffaires
icy,ne fait jamais aucun
Voyageavec Elle. Mais comme
je viens de vous le marquer,
ceux qui ont affaire au
Roy,parlent, pour ainsi dire
i tous les jours à Sa Majesté
?
quelque longue distance
qui les en feparc ,rien n'estans
épargné pour cela, & les
Postes du Royaume n'ayant
jamais esté en si bon estat
qu'elles sont presentement.
Des raisons avantageuses à
la France empescherentMadame
la Dauphine de se préparer
à estre de ce Voyage.
Monsieur
, qui relevoit de
maladie resolut de prendre
l'air à Saint Cloud pendant
l'absence du Roy, & Madame
voulut tenir compagnie
à ce Prince, malgré le plaisir
qu'elle prend aux Voyages
& à la Chasse, cette Princesse
estantinfatigable dans
des exercices qui lassent quelquefois
les hommes les plus
robustes.
Le Roy ne voulant pas
fatiguer sa Cour pour un
Voyage qui ne devoit passer
que pour une promenade,
resolut d'aller à petites journées,&
de mener Monsieur le
Duc du Maine,&Monsieur
le Comte de Toulouse.Onne
peut trop tost leur faire voir
des. Fortifications; des Troupes,&
des Reveues,& l'on
peut dire que leur en faire
voir de cette maniere, c'est
commencer à leur apprendre
en les divertissant, tout ce
qu'ilsdoivent sçavoir? ce qui
cft cause souvent qu'ils y
prennent plus de plaisir, &
qu'ils s'y attachent davantage
dans la fuite. Ces jeunes
Princes estant du Voya,
ge )
il fut.arresté que les Dagacs
en seroient aussi;celles
qui furentnommées font
Madame la Duchesse, Madame
la Princesse de Conty,
Madame la Princesse d'Harcour)
Madame la Duchesse
de Chevreuse, Madame de
Maintenon, & Madame de
Croissy? avec les Dames, &
Filles d'honneur des Princesses.
Elles devoient toutes
aller, ou dans le Carosse
duCorps du Roy, ou dans
d'autres Carosses de Sa Majesté,
& avoir l'avantage de
manger avec ce Prince. C'est
un honneur qu'elles ont u
pendant tout le Voyage.
Il fut aussi arresté que le Regiment
desGardes ne marcheroit
point, & que suivant ce
qui s'est souvent pratiqué, le
Roy seroit gardé par l'Infanteriequi
se trouveroit dans
les Places, où Sa Majesté
passeroit, & que dans les lieux
où il n'y auroit point d'Infanterie
en garnison les
Mousquetaires mettroient
pied à terre,& feroient garde
autour
l.
du logis du Roy.
Comme les Gendarmes & les
Chevaux-Legers ne servent
que par quartier, de mesme
que les Officiers de sa Maison
, du nombre desquelsils
* sont, & que ces Corps ne
marchent entiers qu'en temps
de Guerre, & lors que Sa
Majestéfait quelque Camp
Elle ne voulut estre accompagnée
dans ce Voyage
) que
de ceux de ces Corps qui esroient
alors en quartier. A
l'égard des Gardes duCorps,
le Roy resolut de mener seulement
leGuet. Comme vous
pourriez ne pas sçavoir ce
que c'est que ce Guet, il fera
bon de vous l'expliquer. Les
Gardes du Corps font toûjours
dans le service, sans
estre néanmoins toûjoursauprés
du Roy. Ils ne fervent
point par quartier comme
les Gendarmes & les Chevaux-
Legers; mais comme
ils font en fort grand nombre,
on les fait loger en plusieurs
Villes? ce qui pourtant
ne s'appelle pas estre en garnsson
, puis qu'ils y font
moins pour garder ces Places,
que pour y attendre
qu'ils fervent auprèsduRoy,
ce qu'ils font alternativement.
On dit en parlant de
ceux qui ne font pas auprès
de Sa Majesté
,
qu'ils font
dans leurs quartiers, & l'on
appelle relever le Guet? lors
qu'il fort un nombre de Gardes
de ces quartiers
, pour
venir prendre la place de
ceux qui font auprésduRoy?
&: que ces derniers retournent
dans les quartiers où ils
estoient auparavant, Il y a
prés de dix-sept cens Gardes
du Corps, qui font divisez
en quatre Compagnies,& ces
CompagniesensixBrigades
chacune,qui font commandées
par six Officiers ; sçavoir
trois Lieutcnans & trois
Enseignes, Chaque Compagnie
elt reconnuë par les
Bandoulieres des Gardes,qui
font de couleurs differentes,
On reconnoist les Gardes de
la premiere Compagnie , au-"
trement>la Colonelle, commandée
par Mr le Duc de
Noailles, aux Bandoulieres
blanches, & aux Housses
rouges; les Gardes de la
Compagnie de Mr le Maréchal
Duc de Duras, aux Baudoulieres
- & aux Housses
bleuës; les Gardes de la Compagnie
de Mr le Duc de Luxembourg,
aux Bandoulieres
&aux Houssesvertes, 8c les
Gardes de la Compagnie de
Mr le Maréchal de Lorges,
aux Bandoulieres& aux
Housses jaunes. Cette derniere
Compagnie portoit
orangé dans son institution,
mais depuis, elle a changé
l'orangé en jaune. La Colonelle
seule a des Housses d'une
couleur différente de celle
desBandoulieres,& cela vient
de ce que le blanc n'etf pas
une couleur à estre employée
en Housses. Il est à remarquer
que le Guet des Gardes du
Corps qui sert auprès de Sa
Majesté, à pied,& à cheval,
est toûjours de deux cens
Gardes, dont une partie est
de Salle, & l'autre se repose
tour à tour. Ce Guet n'est
jamais d'une seule Compagnie
,
mais de plusieurs ensemble.
ainsi que les Officiers
qui les commandent;
de forte que le Capitaine des
Gardes qui est de quartier,
n'a jamais sousluy aucun Ofsicier
desa Compagnie quand
il est de serviceauprésduRoy.
Vousremarquerezencore que
le Guet ne sert qu'un mois
auprès du Roy> à moins qu'ij
n'y ait quelque force raison
pour le faire servir plus longtemps,
comme dans l'occasion
de quelque Voyage tel
que ccluy que l'on vient de
faire. Ce n'est pas que dans
un Voyage plus long le Guet
ne changeast de la mesme
fortequ'à Versailles
, parce
qu'alors on feroit suivre tous
les Gardes. Rien ne marque
tant la grandeur du Roy que
ce changement de deux cens
Gardes tous les mois. J'ar,
crû vous devoiraprendretoutes
ces choses , & que ce ne
feroit pas sortir de la matiere
que je me fuis proposée dans
cette Lettre? parce qu'autrement
vous n'auriez pas bien
compris ce que c'eil: que le
Guet, dont j'ay este oblige
de vous parler,pour vous faire
une Relation du Voyage
du Roy aussi exacte que celle
que j'ay entrepris de vous
envoyer.
Touteschoses estantainsi
arrestées
)
personne ne douta
du Voyage, parce qu'ontient
toûjours pour certain tout ce
que le Roy resout, &le jour
deson départ aprochant,ceux
qui ne devoient pas l'accompagner
redoublerent leurs
empressemens auprès de ce
Prince. Jamais on ne vit de
Cour si grosse. Les Ministres
Etrangers allerenr prendre
congé de Sa Majesté
,
ainsi
que les Chefs des Compagnies
superieures,& plusieurs
autres personnes distinguées
dans la Robe par leurs emplois,&
par leur mérite. Plusieurs
Etrangers se renditent
aussi à Versailles pendant les
derniers jours que le Roy y
devoit demeurer, & quantité
de Peuple de Paris y courut
pour avoir le plaisir de joüir
feulement quelques momens
de la veuë de ce Monarque'
lors qu'il iroità laMesse, ou
à la promenade, ou pendant
qu'il disneroit. Sa Majesté
devant partir un Samedy pour
aller coucher à Clayes, où la
Cour estoit obligéed'entendre
la Messe le lendemain.
parce qu'ilestoit Dimanche,
Elle eut la précaution de recommander
quelques jours
avant qu'Elle partist, qu'il s'y
rencontrait beaucoup de
Prestres pour en celebrer un
assez grand nombre, & fit
paroistre sa pieté par cet
ordre.
Le Voyage avoit esté arJ
resté d'abord pour le deuxiémede
May,mais la rougeole
quisurvinta Madame la
Duchese,fut cause que le
Roy le Temii au dixiéme dta
mesme mois. Ce jour estant
arrive, Sa Majesté
>
après avoir
entendu la Messe dans le
Chasteau de Versailles
, en
partit avec toutes les personnes
de distinction,&les
Troupes que jeviens de vous
nommer. Le nombre de celles
qui devoient faire le Voyage
estoit grand;cependant, celane
faisoit qu'une tres-petite
partie des Troupes de sa Maison
,puisque le Regimentdes
Gardes ne marchoit pas, &
qu'il n'y avoit qu'un quart des
Gendarmes
, & des Chevaux
Legers, avec la neufou dixiéme
partie des Gardes du
Corps ou environ. Il y avoit
outre cela, tous les Officiers
de sa Maison en quartier dont
je ne vous diray rien, tout ce
qui regarde cette Maison
n'estant inconnu à personne.
Comme le Roy devoit
passer à Paris, le Peuple impatient
de le voir occupa dés
le matin tous les lieux de son
passage, aimant mieux l'attendre
pendantplusieurs heul'es,
que de manquer à luy
souhaiter par ses acclamations
une longuevie, & un
heureux Voyage. Les Religieux
sortirentaussi de leurs
Convents, &: la pluspart des
Fenestres furent remplies de
personnesdistinguées.LeRoy
quis'est toûjours moins attiré
les coeurs par la grandeur
de son rang que par ses manieres
toutes engageantes, salüa presque toutes les Dames
qu'il vit aux fenestres.
Sa Majesté passa par la Place
des Victoires, où Mrle Duc
de la Feüillade & Mle Prevost
des Marchands l'attendoient
avec un grand nombre
de personnes de la premiere
qualité. Vous sçavez
sans doute qu'on n'a fait encore
qu'une partie duBastiment
qui doit embellir cette
Place. Cela fut cause qu'on
pria le Roy d'avoir la bonté
de dire de quelle maniere il
souhaitoit qu'on l'achevaft ,
& si on continueroit ce qu'on
avoit commencé , sur les
desseins de Mr Mansard son
premier Archirecte , c'est à
dire à l'égard de la figure de
la place, car les Bastimens onc
toûjours esté trouvez fort
beaux. Sa Majesté en parut
fort satisfaite, & jugea à proposque
l'on fuivift le dessein
qui avoit esté commencé.Mr
de laFeüilladeayant fait entierement
dorer la Figure du
Roy depuis que Sa Majesté
ne l'a veuë ,
Elle s'attacha à
la considerer attentivement.
Quelques-uns dirent qu'ils
l'auroient mieux aimée de
bronzerd'autresfurent d'un
sentiment contraire, &alleguerent
que la Statuë de
Marc Aurele que l'Antiquité
a tant vantée,& qui a esté
si estimée des Romains,avoit
esté dorée.Onrépondit que
ce n'estoit pas ce qui l'avoit
fait admirer,&quel'Empereur
Neron avoit fait dédorer
uneFigure d'Alexandre.Ceux
qui font profession d'estre
curieux ne prirent pas le party
île l'or, parce qu'il y a plus
de
<fcbronze que d'or dans leurs
Cabinets. Le Roy qui neparle
point sans se distinguer
,
dit
beaucoup en ne disant rien.
Il nevoulut chagriner personne,
& dit obligeamment
pourMrdela Feüillade,qu'il
nefalloitpas s'estonner qu'il eust
fait dorersa Figure
,
puisque si
l'onavoitpû la faire d'une matiere
plus precieuse
iI- & qu'il
-eujl eslé en estat d'en soûtenir ltt
dépense , il estoitpersuade qu'il
n'auraitrien épargnépourcela.
-
Je n'interprété gMnr ca.
paroles qui font voir tout le
bon sens & toute la delicatesse
d'esprit impaginable, &
dont la finesse consiste plus
en ce qu'elles font entendre,
qu'en ce qu'elles expliquent
àl'égard de la dorure.
Rienn'estant égal auzele
de Mrle Duc de la Foüillade,
qui tâche sans ccue de le faire
paroistre
,
par des augmentations
qu'il fait à tout ce qui
regarde la fiegure de la Place
es Victoires, & qui font autant
d'embellissemens nouveaux,
&: de témoins éclatans
delavive ardeur qu'il a pour
Sa Majesté
, on trouva huit
Inscriptions nouvelles écrites
en lettres dorées au feu, &
dans huit Cartouches de
bronze doré, attachezautour
du Piedestal
, qui porte cette
Figure couronnée par la Victoire.
Cette augmentation
de beautez
>
après l'estat où
Mr de la Feüillade a mis la
Figure, fait voir que lors qu'il
s'agit de faire quelque chose
qui regardelagloire du Roy
,
il n' y a rien d'assez grand
pour le pouvoir satisfaire,
Voicy ce qui remplit les huit
Cartouches.Les deux qui font
au dessous du Roy & entre les
deux Esclaves qui regardent
l'Hostel de laFeüillade
, contiennent
les paroles suivantes.
I. CARTOUCHE.
Il avoit sur pied deux cens
quarantemille hommes d'Infanterie
,
vsoixantemille chevaux
pins les Troupes de ses .drmées.
AItvalesjors qu'ildonna laPaix
à l¡''EEuropeen 1678(").
II. CARTOUCHE.
Sa fermetédans "/:,), douleurs
rassura les Peuples desolez au
mois de Novembre 1686.
Voicy ce qu'on lit dans
les deux Cartouches de la
face droite du Piedestal ,qui
est du costé de la ruë des Petits-
Champs.
III. CARTOUCHE.
Aprés avoir fait d'utiles Reglemenspour
le Commerce, (')
reformé les abus de laj'ijlicc> l
donna un grandexcnpled'équité
enjugeantcontresespropres ,jntfrests
en faveur des Habitans de
Paris dans une affaire de! sieurs millions.
IV. CARTOUCHE.
Six mille jeunes Gentilshommes
Jepa^e^ par Compagnies,
gardentsesCitadelles,ven remplacentdes
Ofifciersdeses Troupes
; & leur éducation rft dignt
de leur naissance.
Les deux Cartouches qui
font du costé de l'Eglise des
Religieux appellez les Petits-
Peres,fontvoir ce qui suit.
V.CARTOUCHE.
Deuxcens dix Places,Forts,
Citadelles
, Ports, v Ha'1-'(c5
fortifiez gjf revestusdepuis 1661»
jusques à 1086; cent quarante
mille hommesdepied, vtrentemilleChevaux
p.'ye^ par mois ;, assurent Jes Frontieres.
VI.CARTOUCHE.
Il a bastyplus de cinq cens Esqu'il a dottt'Sde riZ'c/itiy
considerables
, & il a estably
l'entretien dequatre censjeunes
Demoiselles dans la magnifique
Maison de S. Cir.
Voicy ce que renferment
les Cartouches du derriere du
piedestal qui regarde la ruë.
VII.CARTOUCHE.
Il a basty un superbe
j &*'
'Va/le édifice pour les Ofifciers &
Soldats que l'âge er les bltfju•*
res rendentincapablesdejervir^
mille livres de rente.
VIII. CARTOUCHE.
L? nombre desoixante mille.
Matelots enrolez,
,
dont vingt
miÜe fontemployer*sonservice
, (èj les quarante mille
Autres au commerce de ses Sujets,
marque la grandeur, dr le
bonordre delaMarine.
Vousvoyez Madame, que
ce qui est contenu dans ces
huit Cartouches donne uuç
haute idée de la vie du Roy,
&qu'onne peut dire plus de
choses en moins de paroles,
nyen faire concevoir davantage.
Chacun s'attacha à lire
ces Eloges,& l'on y prit beaucoup
de plaisir. Le Roy eut
ensuite la bonté d'aller voir
un des Fanaux qui font aux
quatre coins de la Place. Celuyoù
Sa Majefié alla, est le
seul qui soit achevé. Le nom
de Fanaux a estédonné à ces
ouvrages à cause des Fanaux
quifont au dessus. A chaque
endroit où ils ont esté placez,
il y a un groupe de trois colomnes
de Marbre sur un piedestal
de mesme matiere. Au
dessus de chaque groupe est
un Fanal composé de plusieurs
lampes, qui brulent
pendant toutes les nuits, &
pour l'entretien desquelles,
M le Duc de la Feüillade a
estably un fond. Enrre les
colomnes de chaque Fanal,
pendent six Médailles de
bronze
?
dans chacune desquelles
font representées
quelques actions du Roy, ce
JlUi fait vingt quatre Médailles
pour les quatre Fanaux.
Il y a dans le piedestal de chaque
groupe de colomnes , six.
Vers Latins; de maniéré que
le sujet de chaque Medaille.
cftexpliqué par deux de ces
Vers. Les lettres en font de
bronze doré au feu, ainsi que
les bordures & les autres ornemens
des Médailles.Voicy
lesavions deSaMajesté qui
font representées dans chacune
des six Médailles fonduës
en bronze. - - -
La premiere Médaille marque
la paix que le Roy a donné
à l'Europe en 1677. Elle est
expliquée par les Vers fuivans.
»
Teduce,te Domino, LODOIX,
prona omnia Gatio>
Urbesvicapere dociliquoqueparcere
captis.
La secondé represente le
passage du Raab, où les François
qui sauverent l'Allemagne
acquirent une gloire immortelle,
&: Mr de la Feüillade
une réputation
,
qui fera
vivre éternellement son n0111
dans l'Histoire, Les Vers qui
font connoistre cette grande
action, [one,
Et Traces sensere queat quid
Gallicavirtus,
Arrabo cæde tumens , &servata
Austria testis.
Onvoit dans la troisième
Medaille la grandeur, & la
magnificence des Baftimcns
duRoy, ce qui Ce reconuqi#
par les Vers suivans.
Quanta operum moles, &
-
-
quanto surgit ad auras
Vertice!sic positis LOVOIX
agit otia bellis.
Ces trois Medailles font
du costé de la Rue des Pc..
tirs-Champs, & font une
chute les unes sur les autres. ,Les trois autres font plus en
dedans de la Place
,- & en
regardent leBastiment. Elles
sontplacées de la me[mc
raani^te que celles dont jçL
viens de vous parler, c'est à
dire,qu'elles font entre deux
colomnes,&forment un rang
les unes sur les autres. La plus
élevée represente le Roy qui
ordonne qu'on rende les Places
qui ont estéprises à ses
Alliez. On n'a qu'à lire les
deux Vers suivanspourconnoistre
ce qu'elle contient.
Reddere Germanos LODOIX
regnataSueco
C> Arva jubet , Danosque
,
ladcr
~pe~ ~fflftupet Albis.
La Medaille qui suit fait
voir la jonction des deux
Mers
_j
ce que ces deux Vers
expliquent tres-bien.
Misceri tentata prius,Jeniferque
negata
Æquora,perpetuo LO D01Ji
dat foedere jungi.
On n'a qu'àjetter la veuë
sur la derniere de ces six Medailles,
pour y reconnoistre
d'abord l'Audience donnée
par le Roy aux Abassadeurs
xic Siam, & l'on n'a qu'à lire
les Vers suivans pour apprendre
que la renommée ayant
publié dans les Païs les plus
reculez, tout ce qui rend U
Roy l'admiration de l'Univers,
les Souverains de toutes
les Parties du monde, ont
envoyé des Ambassadeurs
pour estre témoins de sa
grandeur.
Ingentem Lodoicum armis,
ma^ne ,
fidemque
EgrejpimScitbia&Libit vt
nerentur~& Indi.
LLeeRoyaprès avoir consideré
avec une attention dignede
sa bonté, les changemens
qu'on avoit faits à la
Place des Victoires depuis le
jour que Sa Majesté y estoit
venuëj&:avoir fait à Mr de
la Feiiilladc»&àMr le Prévost
des Marchands tout
l'accueil qu'ils en pouvoient
cfpercr, partit aux cris de
Vive leRoy,mille&mille
foisréïterez
, car quoy que
la Place fust déjà fort remplie
de Peuple lors que Sa
Majesté y arriva, la foule
augmenta de telle forte sitost
qu'Elle y fut entrée,
qu'on auroit dit que tout
Paris y estoit,si sa grandeur
& le nombre prodigieux de
ses Habitans estoient moins
connus.
La pluspart des Officiers
qui ont accoutumé d'aller à
cheval, s'estant jointsensemble
pour prendre des Carosses,
afind'éviter la poudre qui iri1
commode beaucoup en cette
saison
)
& pour estre plus en
estat de servir le Roy, il y
tn avoit un nombre infiny
à la suite de la Cour, la dén
pense ne leur coutant rien
lors qu'il s'agit du service
d'un Monarque aussî agreable
à ceuxqui ont l'honneur
de l'approcher souvent, qu'il
est redoutable à ses Ennemis
& admiré de toute la Terre.
Je puis en parler ainsi sans
flaterie; & il merite tous M
jours de nouvelles loüanges.
par desendroits qui n'en ont
jamais attiré à aucun Prince.
Aussi peut-on dire que non
feulement il ne laisse jamais
échaper aucune occasion de
faire du bien, mais qu'il cherche
mesme de nouveaux
moyens d'en faire
, & qu'il
tft ingenieux à les trouver;
Ne croyez pas que cecy soit
avancé comme une loüange
vague. Je ne le dis que parce
que j'ay à parler d'un fait
sur ce sujet, qui découvre le
caractere de bonté du Roy,
autant que ses avions d'éclat
font connoistre sa puissance,
& la grandeur de son ame,
C'est icy le lieu demettreen
ion jour le fait qu'il faut que
Je
vous explique, puis qu'il
regarde la fuite de sonVoyage.
Je vous diray donc que
pendant toute la route? Sa
Majesté a presque toujours
dînédansdesVillages. Vous
allez sans doute vous imaginer
(& vostre sentiment fera
generalemeut suivy) que les
Villages
Villages les plus forts & lc^
plus riches ne leftoient pas
trop, pour avoir l'honneur
de recevoir un si grand Monarque.
C'estoit cependant
tout le contraire; le plus pauvre
avoit l'avantage d'estre
préferé, & l'on a veu cela
observé dans toute la route
avec une exactitude que je ,,'
ne sçaurois assez marquer.
Vous n'en pourrez douter,
lors que je vous auray dit
que Sa Majesté, qui ne fait
., point de Voyages sans avoir
la Carte des Païs où Elle va
examinoit tous les jours sur
celle qu'on luy avoit fournie,
les lieux par lesquels il falloit
qu'Elle passast. Elleyvoyoit
tous les Villages, Elle s'informoit
de leur estat, Ôc
nommoit ensuite le moins
accommodé, parce que la
Cour ne s'arreste en aucun
lieu sans y répandre beaucoup
d'argent. C'est ce qui
s'est fait dans tous les Villages
où l'on a este obligé de
s'arrester pendant ce dernier
Voyage. Le Roy dînoit
fous une Feüillée,&
l'onen dressoit aussi pour
les principales Tables de la
Cour. Ainsi tous lesPaïsans
estoientpayez pour couper
des branches de verdure, &
pour travailler à la construction
de ces Feüillées.Ils tiroient
ausside l'argent de
tout ce qu'il y avoit dans leur
Village qui pouvoit servir
aux Tables, & de tout ce
qu'ils avoient d'utile aux
é,quip- ages de la Cour, a.1insi
que de leur foin & de leur
avoine ; & le Roy ne laissoit
pas outre cela de leur faire
encore sentir ses liberalitez;
en forte que ces heureux Villages
le souviendront longtemps
d'avoir veu un Prince
qu'on vient tous les jours admirer
du fond des Climats
les plus reculez.
LeRoy estant sorty de la
Place des Victoires
, trouva
encore une infinité de peuple
dans les autres ruës de Paris.
qu'ilavoitàtraverser, Les dC4
monstrations d'allègresse ne
cesserent point, non plus que
les cris de Vive le Roy, de maniere
que cous les Peuples étant
animez duineline zelcon
eust dit que ces cris dejoye
n'estoient qu'un concert des
mesmes personnes, quoy qu'à
mesure que Saavançoit,
il fust formé par diverses
voix. Le Roydîna ce jour-là.
au Vllage de Bondy, (^ rencontra
sur le cheminM leBaron
deBeauvaisavec tous les
Gardes & les Officiers des
Chasses de sa Capitainerie,
dans toute l'étendue de laquelle
ce Prince luy permit de
l'entretenir à la portiere de
son Carosse. Les Plaines de
S. Denis dépendent de cette
Capitainerie. Mr le Prévost
des Bandes parut sur la même
route, & posta diverses
Brigadesauxenvirons des
Bois. Les Dames que je vous
ay marqué qui estoient du
Voyage, avoient l'honneur
de dîner avec Sa Majesté,
ainsi que Madame la Comtesse
de Gramont, & Madame
de Mornay, que je ne
vous ay pas nommées. Madame
de Moreüil, & Madame
de Bury? Dames d'honneur
de Madame la Duchesse,
& de Madame la Princesse
de Conty, eurent le mesme
avantage. Les Filles d'honneur
ne dînerent point avec
Sa Majesté,mais elles y souperent.
Il fut réglé ce jour-là
qu'il n'y auroit à l'avenir que
deux Filles d'honneur des
deux Princesses qui auroient
ce privilège. Le nombre des
Princesses auroit esté encore
plus grand dans ce Voyage,si
lors que le Roy partit, Mademoiselle
d'Orléans ne s'estoit
point trouvée àEu, &Madame
la Duchesse de Guise
,
aux Eaux de Bourbon. Madame
de Montespan auroit
aafli esté duVoyage, mais
le foin de sa santé l'avoit
obligée d'aller prendre de
ces mesmes Eaux. Monsieur
le Prince,Monsieur le Duc ,
lx, Monsieur le Prince de
Conty n'ont point quitté le
Roy.
Monseigneur leDauphin.
qui après avoir GÜy la Mette*
estoit party de Versailles des
le grand matin pour aller
chasser dans la Forcit de Livry
, yprit un loup des plus
vieux,&congédia Mr le Chevalier
d'Eudicour, Frere du
Grand Louvetier de France,
&toutl'équipage de la Louveterie;
à la teste duquel il
estoit.Le mesme jour,le Roy
aprèsavoirdîné alla chasser
dans les Plaines& sur les coteaux.
Sa Majesté
, a pris le
mesme divertissement pendant
toute la route, comme
je vous le diray dans la fuite
de cette Relation.
Monseigneur le Dauphin
arriva à Claye avant six heures
du soir, parce qu'ilsçavoit
que c'estoit à peu prés
l heure où le Roy devoit s'y
rendre. Il changea d'habit&
alla au devant de Sa Majesté,
On connoist par là combien
ce Prince est infatigable,qu'il
tn galant, & qu'il a beaucoup
de tendresse pour le Roy.
Sa Majestéarriva à Claye
à l'heure que je viens de vous
marquer, & fut commodementlogée
dans lamaison de7
M Enjorant, Avocat general
duGrand Conseil
>
& Seigneur
en partie de ce Village.
Il eut l'honneur de ialuer
leRoy, qui le receut avec
cet air engageant qui est
si naturel à ce grand Mo*
narque. Comme toute sa
maison estoit marquéepour
le. Roy, les Maréchaux des
Logis en marquerent une
pour luy dans le Village, lors
qu'ilsmirent la craye pour
le logement des Officiers qui
estoient du Voyage; de forte
qu'il fut regardé ce jour-là
comme estant de la Maison
de Sa Majesté. La qualité
d'Hofie duRoy futcelle que
les Maréchaux des Logisécrivirent
en mettant la craye
sur le logis qu'ils luy destinerent.
Monseigneur,& Madame
la Duchesse eurent des
[Appârtemens vers le Château
où le Roy logea.Madame la
Princesse de Conty,&Monsieur
le Duc du Maine loge- 1
rent dans la Ferme de Mr
d'Herouville, Maistred'Hostel
deSaMajesté. Messieurs
les Princes du Sang eurent
ensuite les logis les plus commodes,
&: ceux qui voulurent
estre plus au large,allerent
à Meaux.
} M de laSourdiere, Ecuyer
de Madame la Dauphine, qui
cil le mesme qu'elle envoya
cnBavicrc? pour porter à M*
l'Electeur de cc nom) la nouvelle
de la naissance de Monseigneur
le Duc de Berry,
vint à Claye de la part de
cette Princesse
, pour ravoir
si Sa Majesté y estoit arrivée
en bonne santé.
Il y aicy à remarquer une
choseque personne n'a peutestre
jamais observée.C'est
que lors que les Princes de la
Maison Royale font separez,
sans estreéloignez les uns
des autres -que d'une journée>
ilss'envoyent tous les
jours un Gentilhomme pour
s'informer de l'estat de leur
santé,maisaussi-tost qu'ils
commencent à s'éloigner davantage
,
ils ne se donnent
plus de leurs nouvelles que
par des Courriers, qui leur
en apportent tous les jours.
Dés qu'ils reviennent à une
journée de distance
,
ils recommencent
à se dépescher
un Gentilhomme,& c estpar
cette raison que Madame la
Dauphine n'en renvoya plus
qu'après que le Roy commença
d'approcher de Versailles.
Ce Prince estant arrivé à
Claye entre six & sept heures
du [oir) y receut un Gentilhomme
de Madame, &: dépescha
aussi-tost à leurs AItérés
Royales Mdu Boulay,
Gentilhomme ordinaire de
sa Maion, pour apprendre
des nouvelles de la santé de
Monsieur, qui s'estoit trouvé
mal le matin à la Messe de
Sa Majesté à Versailles.
La Cour fut tres- bien logée
à Claye,parce qu'on étendit
les logemens jusques à un
lieu voisin
)
qui est un Hameau
contigu à ce Village,
dont il n'est separé que par
un petit ruisseau? qui fait
trouver aux portes des maifons
des Païsans,desPrairiestres
agréables,plantées avec
soin &avec compartiment.
Je ne vous marque point
les lieux & les heures où le
Roy a tenu Conseil. Ce Prince
ne manque jamais de temps
pour ce qui regarde les affairesde
l'Etat.Illeur sacrifie son
repos & ses plaisirs
}
il tient
Conseil en tous lieux? & à
toute heure ,quand ille juge
important pour le bien de
son Royaume,& il a travaille
dans le Voyage de Luxembourg,
avec la mesme
application qu'il fait à Versailles.
Il est vray que ce n'a
pas esté avec tous ses Ministres
,Mrde Croissy estant le
seul qui soit party de Paris
avec ce Monarque, mais
tomme il est luy-mesme son
premier Ministre,on peut dire
qu'il travaille souvent seul
autant que dans le Conseil,
Sa Majesté donnant aux
affaires pendant ce Voyage
autant d'application qu'à
l'ordinaire
,
voulut que sa
Cour trouvast par tout les
mesmes plaisirs, pendant
qu'Elle ne vouloit se retrancher
ny les peines,ny les soins
qu'on luy a toûjours veu
prendre depuis qu'Elle gouverne
par Elle-mesme ; &
pourcet effet Elle resolutde
tenirpartout Appartement.,
Ainsi dés lapremiere couchée
,qui estoit à Claye, on
trouva plusieurs chambres
préparées pour divers Jeux.
& chacun joüa avec lamesme
tranquillité? & aussi peu
d'embaras que si l'on eust
citéencoreà Versailles, tant
les ordres avoient esté bien
donnez pour les logemens,
:& pourtoutce qui pouvoit
contribuer à la commodité
desPersonnesde clualt"lui
suivoient la Cour.Les Appartteemmeennssoonntt
pprreeslqquuee ccoonnttIinnuueétous
les jours pendant tout
le restedu Voyage.
Monseigneur le Dauphin,
partit de Claye le lendemainonzièmeàsept
heures du.
matin. Ce Princechassatout
le jour dans la Forest deMonceaux
; &commeSa Majesté
devoir coucher ce jour-là à
laFerté sur Joüare, il prit le
party d'y arriver enchaOanCp
;,&de courre le Cerf dansles
:b.uiflx>ns ; ce qu'il fîtavecles
chiens de Mr le Chevalierde
Lorraine. Il prit plusieurs
Cerfs; entre lesquels il y en
avoit un qui se fit courre
long-temps, & qui passa dixhuit
étangs à la nâge.
Le Roy, après avoir entendu
la Messe à Claye, alla
à Monceaux. Toute la Cour
passa dans Meaux, pour se
rendre à cette Maison Royale
, & lors que Sa Majesté
l'eut traversée au bruit des
acclamations du Peuple,Elle
trouva le Regiment de Vivans
qui l'attendoit en ba.
taille. C'est un Regiment de
Cavalerie
>
auquel on ne peut
rien ajoûter,tant pour la
bonté des Cavaliers, que pour
la beauté des chevaux. Ce
Regiment alloit au Camp de
laSaone,& avoit un sejourâ
Meaux?ce qui fut causequ'il
eut l'honneur d'estre veu du
Roy. Sa Majesté en fut trescontente,
de le trouva beau.
Elle eut mesme labonté de
vouloir bien recevoir un
Chien couchant de Mr Li:"
grades qui le commande. Le
Roy dîna à Monceaux. C'est
un vieux Chasteauqui a fait
le plaisir de plusieurs Rois,.
& qui appartient à Sa Majesté.
Ce lieu qui est fortriant,
a une tres-belle veuë, & le
Bastiment enest magnifique..
Le Roy voulant honorer l'ouvrage
de ses Ayeux? le fait
reparer? & bien-tost on ne
verra plusrien en France qui
ne porte des marques de sa
magnificence&de sabonté.
Toutes les Maisons Royales
ayant
ayant pour Capitaine une
personne d'une qualité distinguée,
MrleDuc deGesvres,
premier Gentilhomme
de la Chambre, & Gouverneur
de Paris,joüit de la Capitainerie
de Monceaux?que
possedoitMrle Duc de Trêmes
son Pere. Il vint recevoir
SaMajesté
,
accompagné du
Lieutenant, & de tous les
Officiers & Gardes des Chasses
qni dépendent de luy, à
l'endroit où la Capitainerie
duit jusqu'au mesme endroit
par Mr le Marquis de Livry ,
aussi Capitaine des Chasses de
Livry &c qui avoir esté recevoir
ce Prince jusques à
Bondy avec tous ses OSiciers.
Le Roy? qui avoit dépesché
le foir précedent Mr du
Pouhy
, pour sçavoir l'estat
de la fanté de Monsieur, en
apprit des nouvellesà Monceaux
parce mesme Gentilhomme
, qui arriva pendant
<qjuuee SSaa Maaj*ecsttlé' estoit à table,
êc luy rapporta que Son Altesse
Royale avoit pris du
Quinquina , & dormy assez,
tranquillement depuis quatre
heures du matin jusques
a dix. Ce Prince monta à
cheval à l'issuë de son dîné.
avec Madame la Princesse de
Conty, & deux des Filles
d'honneur decette Princesse,
& alla à la Chasse de l'Oiseau.
Tant que l'on a demeuré
dans l'étenduë de la Generalité
de Paris,Mde Menars
qui en a l'Intendance
, n'a
point quité le Roy afin d'être
toûjours en estat de recevoir
ses ordres, & luy a
rendu un compte exact de
toutes les choses qui regardent
son Employ.Cela fait
voir que Sa Majestés'applique
sans cesse,puis quemesme
dans le temps de ses plaisirs,
Elles'entretient plûtost de ce.
qui se passe dans son Royau-.
!De, que de ce qui peut avoit
rapport à son divertissement
Ce Prince ayant l'esprit ex-r
'- - -.. - -
tremement pénétrant,unmot
luy fait aprofondir bien des
choses, de forte que ce qu'il
aprend lors qu'ilsemble ne
s'informer que par converfation
de ce qui se passe
,
luy
donne lieu de remedier à
quantité de desordres, & fait
que souvent il en prévient
d'autres. Pendant toute sa
marche il a toûjours esté
prest à écouter & à satisfaire
par ses réponses, ceux à qui
sa bonté a permis de luy parler
; & quelquefois lors qu'il
avoit commencé à jouer)aiffn
<J..e la Cour se divertist, il
quittoit le jeu, & travailloit,
ou s'occupoit à faire du
bien.
Mr l'Evesque de Meaux s'est
prouvé par tout où le Roy
a passé dans son Diocese, &
sçachant que le principal
foin de ce Prince estoit que
toute sa Suite entendist la
Messe, &: particulièrement les
Dimanches, ce Prelat envoya
plusieursReligieux à Claye,
& en envoya aussi dans les
Quartiers desGardes duCorps
& dans ceux des Mousquetaires)
des Gendarmes,&des
Chevaux-Légers.LaCour ne
Cf manquoit pas d'Ecclesiastiques
pour la Maison du Roy,
-& Mr l'Evesque d'Orléans -a--
Voit ,in de regler les tempsauGjaeÊs
chacund'eux devoit
C,elcb,-e"la Messe.
Toute la Cour arriva de
bonne heure àla Ferté sur
Joüare. C'est un lieu situé
dans une gorge enchantée,
au fond d'une plaine. LaRiviere
de Marne contribuë
beaucoup à la beauté du païsage,
& à la fertilité du Terroir.
Le petit Morin vient la
grossir auprés & au dessus
de l'Abbaye, & y forme mille
Prairies abondantes en pâturages.
Ce Bourg est dans la
Brie Champenoise,entre Chasteau-
Thierry & Meaux. Les
Prétendus Reformez le prirent
vers l'an 1562. pendant
les Guerres Civiles du der-
-
nier Siecle. La Chasse y fut
tres-divertissante. Le Roy y
vola des Corneilles. Mr de
Terrameni, Capitaine du Vol
des Oiseaux du Cabinet du
Roy ,a eu beaucoup d'honneur
dans ce Voyage. Les Equipages
y ont fort paru, &
il s'en: attiré beaucoup de
louanges pour tout ce qui
regarde sa Charge.
On admira à Joüare un
Pont qui joint le Chasteau
au Fauxbourg. Ce Pont a
cousté beaucoup. Il effc fait
de bois sans appuy ) tout suspendu,
& soutenu feulement
par l'épaisseur des pieces qui
le composent Il est de soixante
& quatre pieds de
long, & depuis qu'il est construit
>
il n'a rien perd u ny de
sa beauté,ny de saforce. On
coucha dans le Chtsteau, qui
appartient à Mrle Comte de
Roye. - Il est situé dans une
petite Isle fortagreable.Monseigneur
prit place dans le
Carosse du Roy. Une des
Dames luy ceda la sienne, &
se mit dans le second Caloife)-
ce que quelques-unes
ont fait alternativement.
Monseigneur n'y estoit que
pendant une partie du jour,
parce que la Chasse
,
dont on
trouve l'exercice utile à sa
santé
)
l'occupoit souvent.
Madame la Princesse d'Harcour
eut ce jour-là un accés
de Fiévrequil'obligea de
partir plus tard. Il fut suivy
d'un second accès de Fièvre
double-tierce. Elle prit du
Quinquina, &la Fiévre ne
luy revint pas. Toute la Cour
en marqua beaucoup de LOYc..
On dîna le it. à liffct
éloignée de quelques Villages
qui sont aux environs,
&qui appartiennent aux Celestins.
On allasouper à
Monmircl
,
qui appartient à
Mr de Louvois. Toutes les
Dames,& plusieurs Seigneurs
de la Cour eurent l'honneur
de souper ce soir-là avec le
Roy. La Table estoitde seize
couverts, On apprit en ce
lieu-là la mort de Madcmoiselle
de Simiane, dont
je vousaydéjà parlé dans ma
Lettre precedente. On y apporta
aussi la nouvelle de la
mort subite de Mr l'Evesque
d'Amiens, qui surpritd'autant
plus, que M de Breteuïl
assura que depuis deux jours
il avoit soupé avec ce Prélat.
Ces deux morts firent parler
de celle d'un descent Suisses
de la Garde de Sa Majesté,
qui estoit mort le matin en
s'habillant. Il y a une tresgrande
quantité de Lievrts
>
& de Perdrix à Monmirel,
Le Roy y pritle divertissement
de la Chasse, & alla voler.
Ony sejourna le 13 & toute
la Cour y demeura avec
joye, parce que le vent estoit
violent à la campagne, &
qu'il y avoit beaucoup de
poussiere. On se promena
dans les Jardins, & le Roy
au retour de la Chasse prit
le divertissement de la promenade
avec les Dames sur
les Terrasses, qu'il trouva fort
belles. Monmirel efl dans un
territoire tres-fertile.
Mr de Louvois qui ne s'applique
pas moins à tout ce
qui peut faire fleurir les beau::
Arts dans le Royaume,qu'à
ce qui est de la Guerre , va
faire establir une Verrerie à
Montmirel
, & la Cour en vit
tous les apprêts.
Le Roy y tint deux fois
Conseil avec Mr de Ci-oiffy ;
c'est ce que Sa Majesté a fait
chaque soir
>
après estre arrivée
dans tous les lieux où
Elle a esté coucher. Elle prit
! aussiàMontmirel le divertissement
du vol du Milan. Le
sejour que l'on y fît, & qui
n'avoit pas esté marqué dans
1i route, fut cause que
l'on retrancha celuy qu'ondevoit
faire à Châlons
)
afin
que le Roy qui ne manque
jamais à executer les desseins
qu'il prend, puft se rendre à
Luxembourg le jour qu'il y
estoit attendu.
Toute la Cour partit de
Montmirelle 14. & alla dîner
à Fromentiercs. A cinq heures
on avoit paffé le défile
d'Etoges. Sa Majesté prit
congé des Dames, & monta
à cheval pour aller chasset
dans les belles plaines de
Champagne. On alla coucher
à Vertus. Ce lieu a este
autrefois considerable, & étoit
l'apanage des Cadets des
Comtes qui portoient le nom
de la Province. Du temps de
Sigebert Roy de Mets, qui
vivoit en 570. il y avoit un
Duc de Champagne nommé
Loup, qui témoigna beaucoup
de fidélité, à conserver
les Etats du jeune Roy Childebert
, contre ceux qui les
vouloient envahir. Il y eut
ensuite plusieurs Ducs de
Champagne
,
mais ce titre de
Ducqui n'estoitpas alors une
dignité perpetuelle, ne faisoit
que marquerune forte de
gouvernement. Le premier
Comtehereditaire de Champagne,
fut Robert de Vermandois
,
Fils d'Herbert IL
&d'Hildebrante, qui se ren-
,
dit maistre de la Ville de
Troye en 253.Je ne vous dfe
rien de ses Successeurs. Ils
continuerent la poiterité jusqu'à
Thibaud IV. surnommé
le Posthume ou le Faiseur de
Chansonsqui succeda à son
Oncle maternel
,
Sanche le
Fort,au Royaumede Navarre.
Il mourut à Troye en 1254.
estant de retour du Voyage
d'Outremer. ThibautV. fou
Fils qui avoit épousé Isabelle,
Fille du Roy Saint Loüis,
estant mort sans Enfans après
avoir fait lemesme Voyage.
laissà ses Estats à Henry ~HI
son Frere. Ce dernier n'avoit
qu'une Fille nommée Jeanne,
qui en 1184. épousa Philippes
le Bel pendant la vie de
Philippes le Hardy son Pere ,
&. depuis ce temps ,la Champagne
a esté inseparablement
unie à la Couronne de France.
Les Comtes de Champagne
faisoient tenir ks Etats de
leur Pays par sept Comtes
leurs Vassaux
,
qu'ils appelloient
Pairs de Champagne.
C'estoient les Comtes de
Joïgny, de Retel >de Bricnîic>
de Roucy
?
de Braine , de
Grand-Pré, &deBar-fur-
SIelinye.
a trois Eglises à Vertu,
avec deux Abbayes hors les
portes. Les Guerres yont laifsédes
marques de leur fureur,
quine peuvent estreeffacées
que par le regne deLoüisLE
GRAND. Le Roy y fut 1-ogc
fort étroitement, & comme
cestoit sur la rue
?
il fut exposé
au bruit du passage des
équipages de la Cour. Ce
Prince auroit pu estremoinsmal
;mais ne pouvant renoncer
à ses manières honnestes,
qu'il conserve mesme aux dépens
de son repos ,
il aima
mieux que celuy des Princesses,
re fust point troublé ,
fk voulue qu'elles fussent logées
plus commodementque
luy.
Le JJ: toute laCour dlfnx.
àBierge
, ôc alla coucher
à a Bierge >-,
& Châlons. Cette Ville est en
Champagne, ôcson Evesché
est Suiffragant del'Archevesché
de Rheims. Elle est ancienne
,
& dés le temps de
Julien l'Apostat, elle tenoit
rang entre les premieres Villes
de la Gaule Belgique, Il y
a de belles rues avec des
maisonsassez bienbasties. La
Place où l'on voit la Maison
de Ville, & celle où est l'Eglise
Collegiale de Nostre-
Dame,font les plus considerables.
La Cathedrale de Saint
Estienne est dans une Isle que
forme la Riviere de Marne,
dont une partie entre dans la
:Ville, &y fert beaucoup pour
la commodité des Habitans.
Elle a de ce cofté-là d'assez
bonnes Fortificarionsquele
Roy François I y a fait faire,
& elle est entouréedemurailles
avec des Fossez presque
toûjours remplis d'eau. Il y
a encore douzeParoisses,entre
lesquelles plusieurs font Collegiales
Les avenues de Châ-
Ions font tres-agreables >& il
y a autour de la Ville plufleurs
lieux de promenade,
entre lesquels celuy du Jare
cil fort renoffilné. La Riviere
,-' der
de Marne qu'on passe sur divers
Ponts, la rend une Ville
de negoce. Elle a eu des Comtes
qui ont cedé leur droit
aux Evesques. C'est par là
qu'ils font Comtes Pairs de
France.
Le Roy entra à cheval à
Châlons
) & fut receu par
le Maire & les Echevins. On
ne luy fit aucune harangue,
parce qu'il avoit fait donner
lordre dans tous les lieux par
IOÙ il devoit passer
)
qu'on ne
le haranguast point ; mais il
eut la bonté de vouloir bicri
recevoir les Presens de Ville,
Le Chapitre de la Cathédrale
eut aussi l'honneur de le famlücr,
ayant à sa teftcM l'Evê.
que deChâlons. Les Chanoines
se recrierent ensuite sur lai
douceur, & sur l'affabilité det
ce Monarque, dont ilsnecesfent
point de parler, Madame:
la DuchessedeNoailles lai
Douairière, qui a esté Dame
d'Atour de la feuë Reyne:
Mere du Roy, & dont la vertu
exemplaire a toûjours çftç:
applaudie,caril en - cft de
faussesqui n'imposent pas a
tout le monde, eut le mesme
honneur. Sa Majesté luy fit
d'autant plus d'honneftetez,
qu'il y along-temps que son
merite luy est particulierement
connu. Le Roy se retira
ensuite -pour tenir Conseil.
Mr le Duc de Noailles
> &
M l'Evesque de Châlonsfon
Frere ,
firent servir plusieurs
Tables magnifiques, pour
toutes les personnes de la
Cour qui voulurent y manger.
Le Jarc leur servit de promenade
pendant quelques
heures. Je ne m'étens point
icy sur la beauté de ce lieu,
parce que j'en ay fait une
description dans le Volume
que j'ay donné, qui ne contient
que ce qui s'est passé au
Mariage de Monseigneur le
Dauphin. Il y eut au Jare une
prodigieusequantité de personnes
de toutes conditions,
que l'impatient dehr de voir
le Roy avoit fait venir de
toute la Champagne. Les
principaux Officiers de la
Ville de Troyes se rendirent
à Châlons? & firent vingt
lieuës pour avoir l'honneur
de salüer ce Monarque. Les
Dames de la Province eurent
beaucoup de chagrin de l'ordre
qui fut donné, de n'en
laisser entre,r faulc.unIela.u1so1u- per , qui n'eust ellenommée
par Sa MLijefté.C:lles qui
crurent n'estre pas assez connuës
pour pouvoir estre du
nombre, ne se presenterent
point, dans la crainte d'estre
refusées,ce qu'on ne trouva
pas ordinaire, & qui fut fort
remarqué. Le Roy eut la bonté
de permettre qu'on les laissast
toutes entrer le lendemain
dans le Choeur de FIL
g-I.Ife>o-t'i elles eurent le temps
de considerer SaMajesté &.
Jtoute la Cour pendant que
l'on dit la Messe.La Musique
de cette Cathedrale chanta
un Motet, dont il parut que
l'on fut assez content. Mr
Evesque Comte de Châlons,
,& Mr le Ducde Noailles accompagnerent
toûjours le
Roy tant qu'il demeura dans
cette Ville. On auroit bien
voulu sejourner dans un lieu
aussi
-
beau & aussispacieux
que celuy là, où les logemens
estoient fort commodes;mais
les mesuresestant prises pour
se rendre à Luxembourg au
jour marqué, on partit le 16.
à dix heures précises du matimpour
aller coucher à Sainre-
Menehout.MdeChâlons
accompagna le Roy jusques
aux confins de son Evesché,
& Mr l'Evesque de Verdun
le reçût à l'entrée du fien.
La journée de Chalons à
Sainte-Menehout se trouva
fort longue pour les Equipages.
On dîna à Bellay, qui
n'est qu'une Ferme sans aucune
autremaison aumilieu
de la camp.-,gnc,& on rendit le
lieu agreable pour y recevoir
le Roy. Sa Majesté y chassa
pendant une partie Je l'aprésdînée,
& alla coucher à
Sainte-Menhout. Cette Place
qui avoit estéprise sur
nous pendant les temps difsiciles,
fut reprise en 1653. par
Mr le Maréchal du Plessis-
Pralin; & ce Siege que le
Roy voulut presser en per,
sonne
,
obligea Sa Majesté
d'aller en Champagne en ce
temps-là. Le Roy ne trouvant
pas la Cour assez commodement
logéedansSainte-
Menehout, resolut de n'y
passer pas la Feste du S. Sacrement
à son retour, &
nomma Chalons pour y faire
la ceremonie de cette FesteCela
obligea de retrancher
un des jours du sejour, de Luxembourg.
Le Roy conti-
Ilua de donner par là des
marques de sa bonté à toute
la Cour,& Mr l'Evesque de
Châlons montra tantdejoye
de ce qu'il auroit l'honneur
de recevoir encore ce Monarque
,que plufieufs luyen
firent compliment.
Le 17. le Roy entendit la
Messe aux Capucins, & fit
de grandes libéralités a leur
Convent. On alla ensuite dV;
ner à Vricourt ,
prés de Clermont
en Argonne. Les chemins
se trouvèrent fort rudes
,dans des bois, dans des
montagnes, & dans des valées
d'un terroir remply de
pierres. On arriva d'assez
bonne heure à Verdun?où
l'on fut si bien logé) que ce
fut avec plaisir
que l'on y
passa la Feste de la Penteccste.
Verdun est une Ville
forte sur la Meuse, & il en
est peu de mieux situées dans
la Lorraine. L'Evesché est
Suffragant de l'Archevesché
de Reims. Cette Eglise a eu
d'illustres Prelats. Ils se disent
Comtes de Verdun,&
Princes du Saint Empire. La
Riviere de Meuse rend cette
Ville agreable par diverses
Isles qu'elle y formé. Le
Roy HenryII. la prit en
IJJI. Le Chapitre de l'Eglise
Cathedrale de Nostre-Dame
est fort considerable.M l'Evesque
de Verdun receut le
Roy dans son Palais Episcopal.
Il est tres-beau, & l'on
y voit jusques à dix pieces de
plein-pied L'air y est admirable.
Ce Palaisest élevé sur un
Roc d'où toute la baffe-Ville
se découvre. Des Prairiesarrofées
par la Meuse
>
& des
vallons assez éloignez, &
tres-fertiles en tout ce qui
est necessaire pour la vie, en
rendent l'aspect des plus
riants. Les ameublemens de
ce Palais sont fort somptueux,
& fervent beaucoup
à faire voir la magnificence
de Mrde Bethune, qui joüit.
en sa retraite de quarante
mille livres de rente, que
luy rapporte son seul Evesché.
Les Anis qu'on appelle
de Verdun, autrement Dragées
de toutes manieres, se
trouvant meilleurs en cette
Ville-là qu'en aucune autre
du monde, elle ne fuit point
l'exemple des autres Villes
dans les Presens qu'elle fait
aux Souverains? & au lieu
d'offrir du Vin, elle donne
de ses Anis. Ainsi elle en sir
present de cent boëtes au
<
Roy. M l'Evesque de Verdun
est Fils d'Happolite de
Bethune? Comte de Selles,
Marquis de Chabris
>
dit le
Comte de Bcthune
, mort en
1665. aprësavoir esté honoré
du Collier desOrdres du Roy
en 16Cu & fait Chevalier
d'honneur de la Reyne Marie-
Therese d'Austriche. Il
avoit épousé en 1629.Anne-
Marie de Beauvilliers, Soeur
de M le Duc de S. Aignan,
qui tant que la feuë Reync
aYcfçuj a eu l'honneur de
la servir en qualité de Dame
d'Atour. Ce Prelat avoit avec
luy Madame de Rouville sa
Soeur,Veuve de M le Marquis
de Rouville, Gouverneur
d'Ardres.Elle eut l'honneur
de manger avec le Roy
dans les trois Repas que Sa
Majestéfit à Verdun.
Le jour de laPentecoste,pres.
que toute la Cour sir ses devotions,
à l'exemple du Roy.
C'estune choseassez extraor.
dinaire pendant le coursd'une
marche. mais quene voiton
point de nouveau fous le
Regne de Loüis XIV. sur
tout pour leschoses qui regardent
la Religion & la
pièce1 Monseigneur le Dauphin
se rendit dans l'Eglise
Cathedrale dés sept heures
du matin;&: après avoir entendu
la Messede M l'Abbé
Fleury, Aumônier du Roy,
ce Prince communia par les
mains de cet Abbé.
Sur les dix heures, le Roy
passa à travers ses Mousquetaires
rangez en haye des
deux costez de la court de
l'Evesché
, &: au milieu des
cent Suisses dela Garde, postez
dans la mesme Eglise.
SaMajestéestoitenvironnée
de ses Gardes du Corps &de
toute sa Cour. Elle se rendit
dans leChoeur, où Elle fut
suiviede Mr l'Evesque de
Verdun,&de tous les Chanoines
de cetteCathedrale.
LeRoyestoit en Habit de
cérémoniec'eit à dire
> en
Manteau,revestu de son Col-
Jjjcr de l'Ordre. Il entendit
là Méfie de Mr l'Evesque
d'Orléans, son premier Aumônier
,
dont il receut la
Communion La seconde
Messeque Sa Majesté entendit,
fut dite par l'un de ses
Chapelains. Au sortir de
l'Eglise, Sa Majesté toucha
prés de cent Malades, dont
Mr leDuc deNoailles avoit
fait amener une partie de
Chalons. Ils estoientrangez
sous les arbres de la premiere
court de l'Evesché. Ce Prince
quitta ensuite son Habit de
ceremonie, & revint avec
Monseigneur le Dauphin, &
toute la Cour, entendre la
grand' Messe, qui fut pontifïcalemenr
celebrée par Mr
l'Evesque de Verdun, &
chantée par la Musique de
la Cathedrale.Cette Musique
plut assez à toute la Cour,
& on trouva la voix d'un des
Enfans de Choeur tres-agreable.
Plusieurs mesme la jugerent
digne de la Chapelle
du Roy. Il y a quatre de ces
Enfans de Choeur qui joüent
du Violon, qui sont, une
Taille, une Haute-contre, &
deux Baffes.
Le Roy eut la bonté de
toucher encore soixante &
dix Malades en sortant de la
grand' Messe. C'estoit beaucoup
après en avoir entendu
trois,&touché d'autres Malades.
Sa Majesté vint l'aprésdînéeentendre
Vespres dans
la mesme Eglise, &: Mr de
Verdun officiaencore en Habits
pontificaux. Le Roy étoit
dans les hautes Chaises à
droite.& aprèsluy,Monseigneur,
Madame la Duchesse,
& Madame la Phnccffe de
Conty. Aprés ces Princesses
estoient Monsieur le Prince-
Monsieur le Duc , Monsieur
le Duc du Maine, & Monsieur
le Comte de Toulouse.
Les Dames occuperent le reste
des places. Jamais les peuples
de Verdun n'avoient vû
ny tant de magnificencesny
une si augusteAssemblée ; &
l'on peut mesme dire qu'ils
n'avoient jamais vû dans leur
Eglise de si grands ny de si
édifians exemples depieté.
Le Roy s'enferma après
Vespres avec le Pere de la
Chaise pour travailler à remplir
les Beneficesqui vacquoient
depuis le jour de
Pasques, qu'il avoit fait une
nomination. On fut quelque
remps sans sçavoir cette derniere
, parce que lePere de
la Chaise n'en dit rien après
qu'il fut forty du Conseil.
Enfinonappritque Mr rAb..
bé de Saint Georges,Comte
de Saint Jean de Lion vnommé
depuis quelque temps à
l'Evesché de Clermont,avoit
esté fait Archevesque de
Tours, & que l'Evesché de
Clermont avoit esté donné
à M l'Abbé de Champigny
Sarron, Chanoine del'Eglise
de Paris. Je vous parlay amplement
de M l'Abbé de S.
Georges
,
lors que le Roy le
pourveut de l'Evesché de
Clermont. M l'Abbé de
Champigny qui vient d'y
estre nommé, est Fils de François
çoisBochartdeChampigny,
Seigneur de Saron, qui après
avoir esté Maistre des Requestes,
Conseiller d'Etat, &
Intendant pendant trente années?
tant dans la Généralité
de Lyon qu'en Provence &
en Dauphiné,se noya malheureusement
en 1665. C'étoit
un homme d'un rare merite,
dont le nom se trouve
souvent dans les Ecrits des
Grands hommes de ce Siecle.
111 avoit épousé Madeleine
Luillier, Soeur de Madame la
Chanceliere d'Aligre, &
estoit Fils de JeanBochart,
Seigneur de Champigny,
Noroy & Saron, Controlleur
General, Sur Intendant des
Finances, & premier President
au Parlement de Paris,
mort en 1630. Cet illustre
Magistrat descendoit de Jean
Bochart Seigneur de Norcy,
Conseillerau Parlement, qui
fut éleu les Chambres assemblées,
pour remplir la Charge
de premier President en 1447.
Celuy-cy eut pour Fils Jean
Bochart II. du Nom, auquel
Jean Silnon, Evesque de Paris,
donna saTerre deChampigny
en luyfaisant époufer sa Niece.
On iceut aussi que l'Evesché
d' Amiens avoit esté donné
à Mr l'Abbé Feydeau de
Brou, l'un des Aumôniers du
Roy, & que M l'Abbé
d'Hantecour, Aumosnier de
la feuëReyne, avoit eu l'Abbaye
de Longuay, Ordre de
Premontré,DiocesedeReims
vacante par le deceds de M,
l'Abbé du Four. Mr l'Abbé
d'Hantecourt est Frerc du
Pere d'Hantecourt, Religieux
de Sainte Geneviéve,
&Chancelier de l'Université.
Cet Abbé estant de quartier
lorsque la Reyne mourut,
eut le triste honneur de
remplir plusieurs fonctions
qui regardoient sa Charge.
Il a esté employé depuis la
mort de cette Princesse aux
conversions des Protestans
dans plusieursVilles de
Françe. L'AbbayedeBalerme
fut donnée le mesmejourau
Frere de Mde la Chetardie,
Commandant de Brifac
?
&
l'Abbaye de Noyers au Fils
de MPinçomAvocat au Parlement,
qui entend parfaitement
les matieres Beneficiates&
Ecclesiastiques, & qui
a écrit là-dessus touchant les
droitsde SaMajesté.Il-y eut
aussi ce jour-là plusieurs Benefices
de moindre consideration
donnez à des Officiers
d'Armée & de laMaison du
Roy, pour leurs enfans otj
pour leurs parens; mais le
Roy ne les accorda qu'après
que le Pere de la Chaise l'eut
asseuré que leurs vies &
moeurs luy estoient connuës.
Les choses qui ne demandent
pas de secret estant
bien-toit répanduës,on ne
fut pas long-temps sans apprendre
les noms de ceux à
qui les Benefices avoient esté
distribuez,& toute la Courfit
paroistre tant de joye de la
nomination de M l'Abbé de
Brou à l'Evesche d' Amiens,
qu'il m'est impossible de vous
la bien exprimer.
Je ne sçaurois m'empescher
de vous marquer icy
qu'un homme qui possede
une des premieres Charges de
la Cour, ayant prié le Roy
de luy donner un Benefice
pour un de ses Fils quiest
tres-jeune) Sa Majesté luy
demanda quel âge il avoit,
& l'ayant sceu
,
Elle luy dit;
quEHe estoit bien lâchée qu'il
eust encore tant de temps à at.
tendre. Celuy qui demandoit
cettegrace voulut donner des
raisons, & rapporta mesme
quelques endroits de l'Ecrisure;
mais le Roy sit connoistre
qu'il la sçavoit beaucoup
mieux que luy, & dit
qu'il ne donneroitjamais de Benefices
qu'à despersonnes capdbles
de sçarvoir à quevelles s'engageoient,
en prenant le party
d'entrer dans l'Eglise. Ce Prince
ajoüta ,on croyait peuteftrr
qu'on emportait quelquefois
des Benefices par faveury
mmaaisisqquueessiicceeuuxxqquuiiavonrv
cette pensée , pouvaient erre témoins
de ce qui se passe dans le
Conseil
,
lors qu'ils'agit de lA
distributiondesBenefice,ils verroientpar
toutes les précautions
qu'on prend pour ne les donner
qu'a des personnesdignes de les
posseder, la peine où ilse trouve
souvent avant que d'oserfixer
son choix. Sa Majesté fit
enfin connoistre
, que ny faveur,
ny brigue) ny recommandation
,ny naissance,ny
services
, ne pouvoient rien
obtenir, à moins qu'Elle ne
fust persuadée que ceux qu'il
- A
-
luy plaisoit d'en gratifier
n'eussent toutes les qualitez
necessaires pour en remplir
les devoirs. Ce n'est pas à
dire pour cela que tous ceux
qui en possedent,s'en acquits
tent dignement. La possession
du bien, & le peu d'occupation
corrompent fouvent
les moeurs. On s'aveugle
quelquefois dans le temps
où l'on devroit avoir le plus
de fageue?&:on ne conferve
pas toûjours les bonnes incli-,
nations qu'on a fait paroistre
dans ses premieres années. Le
Roy peut donner un Benesiceà
l'homme du monde
qui le meritéle mieux dans
le tcmps qu'il l'en pourvoir,
& qui dans la fuite en deviendra
tres-indigne.
- Je pourrois ajoûter- icy
beaucoup de choses sur ce que
le Roy voulut bien dire en
public touchant la nomination
des Benefices; mais ayant.
accoûtumé de vous rapporterles
faits sans aucun taisonnement
,je vous laisse faire làdessus
toutes les reflexion
que le Roy merite qu'on flÍI.
à sa gloire.
Ce Prince après avoir efii*
ployé la plus grande partie
du jour de la Pentecoste à
des avions de devotion &
de pieté
, & tenu un long
Conseil pour la distribution
des Bencfices qui vaquoient
alors, ne crut pas avoir encore
assez fait; il alla faire
le tour de la Place pour en
viliter les Fortifications, &
vit un Bataillon du Régiment
Soissonnois? qui estoit
en bataille sur le Glacis. Ce
Bataillon luy parut fort lestes
& il futtres-content.Il estoit
commandé par M le Duc de
Valentinois, Fils de M le
Prince de Monaco. Sa Majesté
vit aussi le Regiment
des Vaisseaux dans la Citadelle)
commandé pat Mr le
Marquis de Gandelus
?
Fils
de Mle Duc de Gefvrcs, qui
cnetf Colonel, & elle en fut
fort fatisfaitc. M le Marquis
fie Vaubecour, Gouverneur
de Châlons,&Lieutenant de
Roy du Verdunois
, & du
Pays Messin
, accompagna
toujours le Roy, & tint à
Verdun, tant que Sa Majcftc
y demeura,deuxTabks fort
magnifiqueSj ainsi qu'ilavoit
fait à Châlons, pour toutes
les personnes de la Cour qui
voulurent y aller manger. Le
Roy fut fort content de ce
Marquiseluy donna inefme
des marques de la fatisfadion
qu'il avoit de sa conduite.
Enarrivantà Verdun
» on
voit appris la mort de Madmoiselle
de Jarnac Fille
d'honneur de Madame la
Dauphine.dontje vousay déja
parlé.Elle fut fort regretée
à cause de son humeurdouce,
& complaisante,
Quoy que la Ville de Verdun
soit couverte par Longvvy,
Luxembourg, Sar-Loüis,
Strasbourg &autres, on ne
laisse pas de travailler tous
les jours aux fortifications de
cette Place. Le Roy ordonna
'lu)on y preparait les Ecluses,
afin qu'il puft voir à son retour
l'espace du terrain qu'elles
pourroient occuper.
Lors que Sa Majesté visita
la Citadelle qui est de cinq
Bastions fort reguliers , on
luy fit remarquer le Bastion
nommé le Marillac, qui donna
lieu au Procès qui fut fait
au Mareschal de ce mesme
nom> pour le crime de Peculat
, dont il avoit esté accufé.
L'histoirerapporte que
le Ministre qui nomma les tgommiflàiresquile condamnerent
,
leur dit après avoir
apprissacondamnation, qu'il
falloir que les Jugesenflent des
lumieres que le reste des hommes
n'avoitpas &queplus il avoit
fait de reflexionsur l'affaire dît
Maréchal de Marillac, &sur
toutes les choses dont on l'accusoit
,
moins ill'avoit juge digne
de mort; maisquenfin ilfalloit
croire qu'il estoit coupable
j
puis
qu'ilsïanjoient condamne. Il
n'eut dans la fuite que de la
froideur & de l'indifférence
poureux.
Le19.on ne fit que quatre
lieuës & l'on alla dîner
*
& coucher à Estain ; la journéeauroitesté
trop longue si
on avoit estéjusquesàLongvvy.
Mr Mathieu de Castelus
qui y commande vint à
Estain saluer le Roy,& tecevoir
les ordres de Sa Majesté.
Estain est un gros Bourg
muré, du Diocese de Verdun.
C'est le dernier de sa Jurisditèion
du costé de Luxembourg.
Quoy que ce Diocese
foit fort petit & borné de
toutes parts, sonpeu d'étendue
ne diminue pas néanmoins,
son revenu.MrdeVerdun
accompagna le Roy jusques
à Essain. La Cour eut un
tres-beau temps pour traverser
des ruisseaux, & desPlaines
grasses
?
& fertiles. Les
pluyes l'auroient fort incommodée,
mais le Royqui fait
les beaux jours de tous ceux
qu'il regarde favorablement)
devoit estreanez heureux
pour n'en pas manquer luymesme.
Sa Majesté prit ra:
presdinée le divertissement
de la Chasse. Ertain cft un
Païs de Bois accompagné de
belles plaines) & de Vallons
bien culrivez; les Maisons y
sontgrandes, & logeables
presque toutes bastiesà l'Allemande,&
il n'yen a pas une
qui n'ait quatre Chambres
hautes où l'on peut loger.
Le Roy,Monseigneur?& les.
Princesses eurent leursAppartemens
dans la plus grande,
& chaque Corps d'Officiers
logea dans d'autres. Le lieu.
paroist avoir esté autrefois
considerable;les Guerres l'ont
ruiné , parce qu'il n'estoit pas
assez fort pour se deffendre
des courses. La Paroisse est
unassezbeauVaisseau,surtou
dans l'étendue du Choeur,qui
est tres-beau &: fort élevé
Cette Paroissea esté bastie
par les soins de Guillaume de
Huyen, lequel ayantesté in,
struit à Verdun? passa en Italie
; ou la beauté de son génie
luy acquit la bien-veillance
de la Cour de ROIne. Il fut
d'abord Chanoine de Verdun,
& par degrez elevé à la
pourpre, ayant esté fait Cardinal
au titre de Sainte Sa-;
bine. Il employa ks biens a*
l'embellissementde sa Patrie
mais la mort qui le (urpnd
dans l'exécution de ses. def-i
seins
, en rompit le cours
Les Entrepreneurs volerent
l'argenr & lainerenrnglife
imparfaite.Il avait resolude
fonder douze Prebandes,un
College-, &un Hôpital ;.lnaiscil
ne voit qu'un Choeur de-;
licatement construit
, & la
Barete de ce Cardinal suspendue
à la voûte, pour monument
de sa pieté
, & de sa dignité.
Il vivoit en 1406. Un
Curé, & un Vicaire ont foin
de cette Eglise, & du Peuple.
Les Capucins ont en ce lieu
une Maison habitée par huit
ou neuf Religieux. Ils ont
quelque peine à subsister;
mais ils en auroient encore
davantage s'ils n'estoient prés
de Verdun où on leur fait
de grandes charitez»Ces bons
Peres se sont establis en ce
lieu pour aider le Cure., à
causequ'il n'a qu'un, seul
Vicaire avec luy,
Le lendemain 20. la Cour
partit, d'Estain? &alla dîner
à Pierre-Pont qui n'en est éloigné
que de trois lieuës. La
plulpart des Officiers mangerent
surune verdure arrosée
d'un ruisseau fort agreable.
On traversa ensuite plusieurs
petits torrens;on parcourut
des Valées:on monta
des hauteurs?&on gagnaen
&~
finla cime d'une Montagne
où lenouveau Longvvy entièrement
construit par le
Roy) pour faciliter la prise de
Luxembourg. Le Vallon est
arrosé d'une très- belle eau
vive, qui roule toujours, &
qui rend la Plaine fort fertile
; laveue se promene agréablement
sans estre bornée
que des deux costez par deux
Montagnes, mais elles n'offrent
rien qui ne doive plaire.
L'une est remplie d'arbres;
l'autre est occupée par te
vieille) & par la nouvelle
Ville. On découvre dans le
milieu de la Prairie deux mai.
fons de Religieux) l'une de
Recolets. & l'autre de Carmes
) qui y sont établis, &
qui ont foin des anciens Habitans
de ce Pays-là. Ils ne
font logez que dans des hutes
sur la Colline
, & ils avoient
au dessusun Château antique
qui les mettoit à couvert
des Coureurs; mais presentement
il est ruiné) &
l'on n'y trouve que des cabancs
& des masures. Longvvy
est situé sur une hauteur
bordée d'un précipice à IJEfi:f
& au Sud, s'estendans vers le
Nord,& l'Ouest dans une
Plaine fort fertile. La Place
n'est commandée d'aucun
endroit. On y voit une grande
ruë ,
à l'extrémité de laquelle
font deux portes accompagnées
d'un double fossé
, &: défenduës de bons
Battions. Dans cette ruë principale,
sont les maisons des
Bourgeois qui font environ
deux a trois cens feux. La
Place d'Armes est au milieu.
On y voit un beau puits
) &
à gauche une Eglise une fois
aussi grande que les Recolets
de Versailles
, mais ily a
moins de Chapelles. Cette
Eglise est accompagnée d'uaeTour,
de la hauteur de celle
le Saint Jacques du Hautes
à Paris
, qui sert de Beffroy
>
& de laquelle on dé-*
couvre jusques à six lieuës
dans le Pays. La Maison du
Gouverneur est à droite , &
fait face à l'Eglise. Le reste
des Maisons est basty par fimetrie.
Le long desRamparts,
font des Cazernes pour les
Troupes,-& l'on voit d'espace
en espace des Magazins de
différentes grandeurs.Tous
ces Magasins sont soigneusement
gardez. Le Roy logea
dans la Maison du Gouverneur.
Mrle Marquis de Bouflers
, qui a le Gouvernement
de Luxembourg, vint au de.
vantdeSaMajestéàLongvvy.
Il estoit accompagné de quel..
ques-uns de fcs Gardes qui ne
parurent point avec leurs Ca.
rabines. Le Regiment d'Angoumois
commandé par Mr
de Thouy,estoit dans la Place.
Le Royen fit la Reveue>
êcille trouva tres- bon, tous
les hommes estant bien faits,
&audessus de trente ans. Ce
Regiment eut l'honneur de
garder le Roy. Il fautremarquer
que ce Prince ne fut pas
plûtost arrivé) qu'il donna
des marques de son activité
ordinaire. Pendant que cluCun
alla? ou le reposer? ou fc
divertir dans fcs Appartemens,
où il avoitdonné ordre
qu'il y eust toûjours rou.
tes fortes de Jeux preparez,ce
Prince courut? s'ilm'est permis
de m'expliquer ainsi pour
mieux marquerfonardcur.)11
courut?dis-je où la passion
digne d'un grand Capitaines
&: le devoir d'un grand Roy
rappelloient,&sedonna tout
entier le reste de la journée à
voir des Troupes? & des Fortifications.
Il y a dans Longvvy
quatre cens cinquante
Cadets. Sa Majesté leur vit
faire l'exercice, &dit hautement;,
qu'il rijyanjoitpoint de
Troupes qui s'en acquittent
mieux. Elle resolut mcfrnc
d'en prendresoixante ou quatre-
vingt , pour en faire des
Sous-Lieutenans dans tous
les Corps, excepté dans sois
Régiment ,où l'on ne reçoit
point d'Officier qui n'ait esté
Mousquetaire.Toutes les
places qui y vacquent estant
reservées à la Noblesse qui
tort de ce Corps,ils se perfectionnent
encore dans ce Regiment
en ce qui regarde le
métier de la Guerre? avant
que d'estre élevez à de plus
hauts Emplois. L'exercice
que firent les Cadets? fut à la
voix & au commandement
de leur Capitaine, ensuite au
coup de Tambour, câpres
dans le silence, par une habitude
qui est en tous également
naturelle; ce qui se fait
avec tant de justesse, qu'il
semble que ce soit un feut-
J.
homme qui remuë également
toutes les parties de
son corps. Ceux qui prirent
ce divertissement avec le
Roy eurent un tres-grand
plaisîrde voir un mouvement
uniforme dans quatre cens
cinquante personnes de différentesgrandeurs.
Le Royvisita à cheval les
dehors de la Place, & fit à
pied le tour des Remparts.
-
Ce Prince marqua luy-même
ce qui en pouvoit encore
embellir les Travaux, & ce
qu'ils avoient de plus beau
& deplus seur. Cela fait voir
la parfaite intelligence qu'il
a de l'Art de la Guerre.
Il ne faut que voir Longvvy
pour concevoir une haute
idée de la puissance du Roy,
& l'on ne pourra qu'à peine
sepersuader qu'il ait entièrement
fait bâtirune Ville,
élevée sur une cime inaccessible
r & dont les remparts
font d'une prodigieuse hauteur.
Il est impossible de s'imaginer
la dépensequ'où
a faite à couper le Roc, à
rendre le terrain uny, & à
bâtir tant de beaux logemens.
Cette Place est de figure éxagone
r ayant un Baition
coupé ducodedesprécipices
feulement. Ilestsoûtenu par
deux Delny-Iunes, & deux
Ravclins. On amis trois Cavaliers
aux endroirs foibles,
qui découvrent fort loin,&
qui feront montez de vingt
pieces de Canon. Toutes les-
Fortifications de cette Placc
fontd'une ties-grande regularité
; & ce qu'il ya de surprenantec'est
que le Roy en
aitfait entierement conftruireungrand
nombre d'autres
qui ne sont pas moins fortes,
qu'il y fasse encore tra-*
vailler tous les jours, & qu'il
commence à en faire éleyer
denouvelle.Iln'est pas moins
étonnant que SaMajesté voulant
mettre ses Sujets à couvert
des courses de la Garnison
de Luxemboutg., en la
mettant au rang de ses Conquelles,
Elle ait fait bâtu
Longvvy pour faciliter ses
desseins, cette Place ayant
servy de Magasin pour tou,
tes les provisions neceflaircs
à un Siege aulli important
qu'a esté celuy de Luxembourg.
Comme rien n'altère davantage
la fanté qu'une forte
&continuelle app licationau
travail, M de Croissy , qui
par une longue fuite d'Emplois
&par l'occupation que
luy donne celuy qui l'attache
entièrementaujourd'huy,
s'etf attiré des douleurs de
goute depuis quelques années,
en ressentit de violentes
à Longvvy. Cependant
elles ne l'empefcherent point
de servir le Roy, en quoy
il fut parfaitement bien secondé
par M le Marquis de
Torcy son Fils, qui dans un
âge fort peu avancé, a déja
veu toutes les Cours de l'Europe
> en a étudié les maniéres,
& n'ignore rien de ce
qui regarde la Charge dont
Sa Majesté luy a accordé 1:4
survivance.
La Maison du Roy eftanr
si grande) qu'à peine il se
passe une semaine
>
sans qu'on
apprenne la mort de quelque
Officier) on sceut à
Longvvy celle de M Villacienne,
Gentilhomme servant
du Roy? & celle de Mr
de la Planche ,Valet de
Chambre de SiMajesté
,
la
premiere dépendant de Monsieur
le Prince,comme Grand
Maistre delaMaisonduRoy,
& l'autre deSaMajesté parce
que le défunt xi'çftant poirr
marié
,
n'avoit point d'ensans
à qui ce Prince en eust
pû donner la survivance.
Mrde Seignelay, qui avoit
fait le Voyage de Dunkerque
avec une diligence furprenante,
depuis que le Roy
estoit party pour Luxembour,
joignit Sa Majesté à
Longvvy , & luy fit le rapport
de l'estat des Fortifications
de cette premiere Place.
Je vous en ferois icy le
détail, si je n'estois obligé de
le remettreà unautre ÀrcmS)
a cause de la quantité de choses
curieuses que j'ay encore
à vous apprendre touchant
le voyage de Sa Majesté. Je
vous diray cependant que le
Risban, lesJetrées,lesEcluses,&
le Bassin pour les Vaif-
[caux, sont des choses si extraordinaires
à Dunkerque »
<juà moins de vous en faire
la defeription, quelques paroles
dont je pusse me servir,
pour vous marquer la beauté
deces Ouvages* il me seroit
impossiblede vous rien faire
Concevoir qui en approchait,
& vous auriez mesme encore
beaucoup de peine à vous les
representer tels qu'ils [ont) si
vous ne les aviez vûs.
Le Roy estant party de
Longvvy le 21. entra dans le
Luxembourg, &: dîna à Cherasse,
premier Village de la
Province ducosté de France;
Le Païs par où l'on entra, n'a
pas tant de Bois ny de Mon.,
cagnes que les autres Cantons
de cette Province. Ce font
des Plaines grasses & fertiles?
remplies de tres-bons grains.
Les Villages y sont en affcz
grand nombre,mais les maifons
n'en font pas entièrement
rétablies. En approchantdela
Ville de Luxembourgeonvoitde
toutes parts
destrous, desquels on a tiré
de la brique,& de la chaux,
& d'autres materiaux, pour
les nouvelles Fortifications
<i'un Ouvrage qui va au delà
de tout ce que l'on en peut
concevoir.L'aspect delaVilleestbeauducostédeFrancc.
Le plan paroist égal par.
tout,&lesédifices sontgrands
8c magnifiques. On découvre
plusieursEglises couvertes
d'ardoises, descazernes, des
Magasins, des maisons considerables,
Celles des particuliers
semblent estre bâties
desimetrie; mais lors qu'on
est dans la Ville, on est furpris
de ce qu'on n'a découvertqu'une
partie des Fortifications.
Elles sont toutes irregulieres,
& continuées suivant
l'étduë du terrain, dont
la situationpeut étonner des
Assiegeans qui oseroientl'attaquer.
•*
Je devrois vous parler icy
de l'origine de cette Place,
vous entretenir des Ducs qui
en ont porté le nom, & vous
en faire comme un abregé
d Histoire; mais j'ayamplement
parlé de toutes ces choses
dans le Volume que je
vous ay envoyé du seul Journal
du Siege que le Roy fit
)
lors qu'il joignit la Ville de
Luxembourg à ses premieres
Poiiujrfedr
Conquestes. Ainsi jeme COfitenteray
de vous envoyer le
revers de la Medaille qui sur
¿;'faite en ce temps-là, & que
j'ay pris foin de faire graver.
Le Portrait du Roy [e voit
sur laface droite. Jene vous
dis rien du revers, vous le
pouvez voir.
Ce Prince fut receu à la
Porte parleMajor de la Place,
&,' traversa la Ville au milieu
de six rangs de ceux de
la Garnison qui estoient soue,
lesarmes, & en hâye>j[ufque^
au lieuoùSaMajesté alladescendre.
Ils firent trois salves,
mais on ne tira le Canon qu'aprés
l'arrivée du Roy, parce
que cela auroit marqué une
Entrée, & qu'il avoit déclaré
qu'il ne souhaitoit point
qu'on luyen fist.LesBourgeois
vinrent luy offrir leurs hommages.
oLes ruës étoient toutes
tapissèesde branches d'arbres,
suivant la coutume du Pai's.
Pendant le Soupe du Roy
qui dura deux heures, ils aL
lumcrent unfcudejoyc dans
-- .--' -,. --, -' 1er
té —*
--_.
le Pâté qui eH: entre le Paffendal
& le Grompt, vis-à-vis
les fenestres du Palais du
Gouverneur, prés de la Riviere.
Toutes les ruës furent
illuminées, &ces illuminations
continuerent pendant
tout le temps que Sa Majesté
demeura àLuxembourg. La
façade de l'Hostel de Ville parut
éclairée par plus de deux
cens Lanternes, remplies de
Devises à la gloire de ce Prince.
Les Clochers estoient en
feu, & quantité de flambeaux
de cire blanche brûlerent
toute la nuit devant la maison
du Maire. Toutes ces illuminations
furent accompagnées
de cris de Vive le
Roy. Sa Majestéfutgardée
par un Bataillon de Champagne,
commandé par Mr le
Baron de la Coste, La Ville
estoit plus remplie d'Etrangers
que de gens de la fuite
de la Cour, sans compter les
Gouverneurs, les Lieutenans
de Roy, les Officiers des Garnisons
d'Alsace, de Lorraine,
&de Flandre, qui avoient
eu permission de venir. Mr
l'Evesque
)
& Mr le premier
President du Parlement de
Mets, y estoient aussi venus,
avec tout ce qu'il y a de plus
distingué dans la mesme Ville,
suivy d'un grand peuple,
que la curiosité de voir le
Roy y avoit attiré. Il yestoit
passé plus de dix mille hommes
deTreves,deCologne,
de Mayence. de Juliers, de
Hollande, & de la Flandre
Espagnole;& l'on eust dit
que toute la Champagne s'y
estoit renduë, pour remercier
le Roy d'avoir pris cette
Place, afin deladélivrer des
courses de sa Garnison. M1 de
Louvois y estoit arrivé le
jour precedent
,
après avoir
faitun Voyage de deux cens
cinquante lieues depuis que
Sa Majesté estoit partie de
Versailles pour aller à Luxembourg.
Cette diligence
ne paroiftroit pas croyable,
si ce n'estoit une de ces choses
de fait dont on ne [sa?=-:
roit douter. Ce Ministre
rendit compte au Roy de
son Voyage pendant que Sa
Majesté demeura à Luxembourg
& je vous en feray le
détail
, avec celuy de ce qui
s'est paffé dans le temps de
ce sejour,mais il faut auparavant
vous faire la description
de cette Place.
Tous ceux qui l'ont veuë
avant le Siege ,la regardent
avac un etonnement qu'il seroit
difficile d'exprimer, &
sont fort surpris d'avoir à
chercher Luxembourg dans
Luxembourg mesme. On ne
reconnoift: plus cette Place
que par quelques Edifices publics,
presque tous ruinez
dans la Journée des Carcasses
& dans la fuite duSiège, &."
rétablis dans une plus grande
perfection
, par les soins Ôc
par la pieté duRoy. On m'a
assuré que la Ville est grande
deux fois comme Saint Germain
en Laye, &j'ay vû deux
Relations qui le marquent.-
Je ne vous garantis pas
tjue cette grandeur soit juste
On peut s'abuser dans les
choses qu'on écrit sur lerapport
de sa veuë ; cependant
on peut concevoirpar
là une idée approchante de
la grandeur d'un lieu dont
on fouhaitc avoir connoissance.
La Place d'armes de Luxembourg
peut contenir environ
deux mille hommes
rangez en bataille. Les rues
sont larges,&il yen a douze
ou quinze considerables. Les
Bâtimens y sont de deux éta.:=
ges au moins. Ils sont assez
étroits
) mais presque tous
d'une--nlefme, simetrie. La
Cour y estoit assezbien 1&--
gée. Le Commerce n'y est
pas grand, mais la Garnison
y fait rouler beaucoup d'argent
par ses dépenses. On a
esté obligé de prendre des
Domaines, & des Jardinsà
quelques Bourgeois,& à quelques
Païsans, maisils en ont
esté largement indemnisez.
L'Hostel de Ville e£tpetit?
û façade n'est pas large. La
Paroisse est étroite, & il n'y
a qu'un Doyen,&dixEcclesiastiques;
un plus grand
nombre n'en: pasnecessaire,
puis que les Religieux qui
font dans le mesme lieu, les
déchargent presque de tous
les soins qui regardent les
Pasteurs. Il y a quarante-cinq
Religieux dans le Convent
des Recolets, dont la moitié
font François
, & les autres.
Allemands. Ils vivent
des questes delaVille, & dc:
la Province, & preschent
dans l'une & dans l'autre
Langue. Ils sont commis
pour auministrer les Sacremens
à la Garnison. Les Bourgeois
quisontfort devots, &
Flamans en ce point-la?vont
souvent faire leurs dévotions
chez ces Peres, qui sont en
très-grande reputation en
cette Ville-là?&fort estimez
& aimez de tout le Peuple,
Ils ne le font pas moins de la
Garnison qui les respect
beaucoup. Je pourrois ajouter
qu'ils s'en attirent la crainte
aussi-bien que le respect,
puis que ces Peres font toutes
les fonctions Curiales en ce
qui touche cette Garnison.
LePereOlivier Javenayaprés
avoir esté Gardien, & s'estre
acquis une grande réputation
par ses Sermons, a esté éleu
Custode de douze Maisons
.dependantes de celle-là, dont
celle de Luxembourg est la
principale. Les Jesuitesyont
une tres-grande Eglise, fort
propre, & fort riche. Elle est
plusgrande que celle des
Carmes de la Place - Maubert
, & a deux aillés, &
trois beaux Autels. Ils tiennent
leCollege
, & ces Peres
font ordinairement au nombre
de vingt-cinq dans cette
Maison. Encore qu'ils soient
tous François, il yen a quelques-
unsqui sçavent fort bien
l'Allemande & qui ontesti
élever en Allemagne. Leu.
Jardin est beau & spacieux
îc leur maison toute neuve
êc bien ordonnée. Ilsontune
Musique Allemande, que la
Cour alla entendre le jour de
la Trinité. Les Capucins y
ont aussi unConvent
>
dans
lequel on ne trouve que des
Religieux François ,
dont
le nombre peut égaler celuy
des Jesuites. Il y a
deux Refuges dans la Ville,
& une Eglise, appellée le
Saint Esprit, dansunBastion,
Celle desDominicains?qui a
esté fort endommagée par le
Canon, n'est pas encore rctablieIlsdonnerent
ieui
Tour pendant le Siege, pour
placer une Batterie qui incommoda
fort nostre Camp.
On fut obligé de s'en défendre?
& cela* pensa causerla
ruine entiere de leur Eglise.
J'oubliais à vous dire que
les Recolets ont le Cimetiere
de la Garnison. Leur Eglise
est aussi grande que celle des
Cordeliers du Grand Convent
de Paris. Ils ont d'assez
beaux Ornemens, & tout est
chez eux d'une grande propreté.
Leur Jardin est aiTçz
beau pour une Ville de Guerre
Il tomba pendant le Siege
cinq cens Bombes dans leur
enclos, dont trois tomberént
dans une Chapelle,
qui fert de Mausolee auComte
de Mansfeld, l'un des plus
grands Capitaines de son
temps, & fameux par ses Exploits
fous Charles IX. Il
mourut Gouverneur de Luxembourg
âgé dequatrevingt-
six ans. Son tombeau
estde Marbre blanc; safigure
->
& celles de ses deux Fern;
mes ,
font en bronze au desfus
de ce Tombeau,chacune
de six pieds de haut. L'une
des trois Bombes qui tomberent
dans cette Chapelle,
perça une grosse voûte, fit
tin trou fort large à l'extremitédu
Tombeau duComte..,
tourna à demy une pièce
de marbre qui le couvre, &
4jui a huit pieds en quarré
ôc la rompit environ de la
largeur d'un pied. Les Jefuites&
les Recolets ne font
sjparezquepar une rue* &
ïes Capucins sont dans un autre
quartier de la Ville, proche
la Porte-neuve. Il y a
aussi trois Convents de Filles.
Le Comte de Mansfeld dont
je viensde vous parler, a fait
bastir le Palais des Gouverneurs.
Il a esté tout ruiné par
nos attaques, & si bien reparé
par les soins de Mrle Marquis
de Bouslers
, que le Roy
y logea avec Monseigneur;
& les Princesses,Ilest sur un
Bastion. qui donne sur un
Fauxbourg arrosé par la Riviere?
dont la Prairie dans laquelle
elle se répand estun
objet agreable pour la veuë,
& dans une gorge entre deux
Montagnes. Il a pour point
de veuë un reste de petit bois
de haute Futaye. Pour pouvoir
insulter ce Bastion, il
fauts'estre rendu maistre de
sesdeffenses. Le Roy y avoit
une grande Salle, une
grande Chambre pour les
Jeux, sa Chambre,&trois Cabinets.
Les Gouverneurs de
Luxembourg avoient autrefois
une Maison de plaisance
située sur la Riviere qui sert
de point de veue lieur Palais;
mais les guerres les ont
privez de ce lieu de divertis
sement. Luxembourg est fituésur
une hauteur àl'extremité
d'un grand terrain du
costé de l'Ouest & du Sud
fondé sur un roc qui a este
coupé plus de quatre pieds
en terre dans les endroits ou.
l'Esplanade duGlacis n'est pas
sélon les Réglés? & commandé
par le chemin couvert. A
son Est, & à son Nord, ct
sont des Vallées prodigieuses.
qui semblent inaccessibles à
toutes les Nations; & cependant
c'est par ces abismes
qu'on a pris la Place. L'une de
ces Vallées entre le Nord k
l'Est, estarrosée par TEfle*,
petite Riviere sans commerce
qui vient du cofté du Sud
d'Erfche Bourgade„& qui va
se rendre dans la Moselle aprés
s'estre jointe au Sours
&. àSclbourgversVasbilingrr
L'autre est remplie vers le
Sud-Est de quelques petits
Ruisseaux de Ravines. Il se
trouve pourtant entre l'Esse
une langue de terre où cft la
Porte dé Trêves
,
& une autre
langue plus spacieuse occu\.
pée parunFort nommé du
Saint Espritque l'on a fortifié
depuis que le Roy a coiv
quisla Place. Elle estdiviséce
en haute, & en basse Ville,
La haute cft l'ancien Luxembourg
,reparé,&fortifié dt
nouveau. On afaitune Porter
neuve qu'on appelle de France
vers Nostre-Dame de
Consolation, & l'on a pouse
le Bastion de Chimay,jus
ques au delà de l'Insulte. La
baffe-Ville est composée de
deux Fauxbourgs, rendus c-e*
lebres par le dernier Siege.
L'un est nommé le Passendal.,
arrosé par le principal Canal
del'Effe. L'autre est le Minstier
ou le Grompt mouille
aussi par un bras de l'Effe. Entre
ces deux Fauxbourgs
?
est
la Porte de Treves
?
& une.
Plate-forme au dessousquon
appelloit le Pasté. A l'extremité
du Minfter vers la droite
est le nouveau fort du Saint
Esprit. Mr de Montaigu a
levé avec du carton le Plan
de cette formidable Place,
où Ion en remarque aisément
toutes les beautez, avec toutes
les augmentations que le
Roy y a faites. Toute l'Allemagnea
esté surprise de voir
avec quelle promptitude on
en a reparé les brèches &
avec quelle facilite sans avoir
égard à la dépense on a aug.;
mente cette Ville de plus de
deux tiers, afin d'occuper
tout le terrain qui sembloit
estre favorable pour en approcher.
Aprés vous avoir fait voir
la situation de It Place, il faut
que je vous trace icy le Plan
de ses Fottifications. L'entreprise
est hardie, & un terme
mis au lieu d'un autre, peut
répandre de l'obscurité dans
ce que je vous diray les descriptionsde
cette nature,quelques
ques claires quelles soient,
n'eitant qu'à peine intelligibles
pour ceux qui ne sont pas
dumestier.Joignez à cela que
je puis expliquer mal des cho-
[es, dont je n'ay pas toutes
les lumieres necessaires? pour
estreafleuré que je ne me
trompe point. Cependant je
fuis persuadé que quelques
fautes que je puissefaire
, &:
que j'aye peutestre mcfme
déjà faites depuis que j'ay
commencé à vous parler de
Fortifications dans cette Ler
tre, ce que je vous en ay dit,l
& ce qui me reste à vous expliquer
) ne laissera pas de
donner de hautes idées de la
puissance du Roy? & de la
force de Luxembourg.
L'ancienne Ville qui est
toute sur un terrain élevé
cil: un Heptagone ayant un
Bastion coupé par le deffaut
duterrain de Paffendal. Elle
a trois portes ; l'une vers le
Couchant) c'est celle de France;
l'autre au Nord? c'est celle
de Passendal; la troisiéme;
vers l'Orient, c'est celle de
Trêves, & une quatrième
pour les sorties regardant le
Midy. La premiere & la derniere
sont dans la haute Ville
bien flanquées de bons basions?
& de dix Redoutes,
soutenuës de bons Cavaliers,
où l'on mettra quarante pièces
de Canon. On peut voir
dans la premiere porte quelle
supercherie peuvent faire
ceux qui se desfendent dans
leurs maisons. La premiere
entrée prise , il ne faut aller
que pied à pied à la seconde;
& la troisiéme est encore
mieux gardée que les prémieres.
Les Redoutes sont
portées aux endroits les plus
soibles des Courtines pour
deffendre le chemin couvert,
& pour commander sur toute
l'Esplanade;elles font élevées
jusques au cordon pour répondre
au rez de chauffée, &
pour raser l'Esplanade. Au
dc!fij.S est une Plate-forme
avec un Parapet dont on se
sert jusqu'à ce que le Ganofll
l'ait renversé ; on se retire au
dessous où sont des Sarbacanes
pour tirer sur le chemin
couvert & dans le glacis. Dela
on a encore un étage en
- terre d'où l'on se peut desfendre
long- temps , &quand
on est poursuivy par les Galeries,
on a clei portes avec
du Canon de Campagne. Si
les Ennemis vouloient establir
un logement autour de
ces Redoutes, il y a des Mines
& des contre-mines toutes
disposées pour empescher les
Travailleurs d'avancer leurs
ouvtages. Les Fourneaux sont
si bien menagez qu'ils ne
peuvent manquer leur coup.
On a fait deux demy
-
Lunes
dans cette ancienne enceinte..
Le Bastion de Chimay? qui
est à l'extremité du Roc, &
qui commande sur la Porte
de Paffendal, est soûtenu par
deux autres Bastions avancez
le long de cette cime,qu'on
peut appeller une Demy-lune
1-
& une autre Contre-garde,
ce qui semble estre hors.
d'insulte> parce qu'on a fait
la dépense de railler dans le
roc,&qu'on s'est attache à
le rendre inaccessible; &
comme la Riviere qui passe
au dessous de la Porte, a une
hauteur dans son bord opposé
qui commande la Ville
>
car ce fut là qu'an mit une
Batterie pendant le dernier
Siege, pour ruiner jePalais
du Gouverneur; son Badion,
& la Porte,lePvoy a fait faire
sur la cime de cette hauteur
deux Ouvrages à o cornes
qui renferment tout l'espace
par où l'on avoit à craindra
Une Ligne de communication
prend de l'extrémité de
la Contre-garde du Bastion
de Chimay, descend par la
Porte de Passendal dans la
Riviere, & va joindre ces Ouvrages
, qui sont faits avec
toute l'industrie de l'At[,.
pour batere la Plaine d'audelà,
pour commander sur le
vallon où coule l'Effe,& pour
désendre le Chemin couvert
de la Contre-garde du Baftion
de Chimay;&afin qu'on
ne prenne pas ces O1uvrages par le vallon., Sa Majesté qui
voit tout avec des liimieres
qui necedenten rien àcelle5
de les Ineenieurs? a ordonné
deux Reodoutes au dessous,
prés de la Rivière. Ainsi le
Fauxbourg du Paffendal qui
est sur l'eau, fera défendu 8c
couvert de toutes parts. On
y fait un Hôpital, & il y aura
des Cazernes, & des Magasins
comme dans la Ville.
Il est fermé à la droite par
une autre Ligne de communication
semblable à la premiere,
qui joint le sécond
Ouvrage à la Porte de Trêves,
qui se trouve à l'extremité
d'une languete prise
dans le roc qu'on a percé en
deux endroîts, pour faire
passèr les chariots, & les
Troupes du Paffendal au
Minfier, sans monter dans
la. Ville. Le Minsterest aufll
défendu par cette Porte, ôc.
par le Fort du Saint Esprit,
qui a quatre Bastions coustruits
sur une petite éminence
qui commandoit dans
le Fauxbourg. Ces quatreBastions
sont soutenus de Demy-
lunes) de Contre-gardes,
& de Redoutes, qui battent
toute une campagne qui regne
au delà. Voilà les Ouvrages
qui se trouvent dans
les Dehors de Luxembourg,
&: qui font environ onze Bastions,
quinze Redoutes, deux
Ouvrages à corne,un troisiéme
qu'on y ajoûte prés de la.
Porte des Sorties, quatre:
Demy-lunes, trois Contregardes,&
cinq ou six Cavaliers.
Tous ces Travaux n'ont
pas moins surpris la Cour,
qu'ils ont étonné tous les
Etrangers qui les ont vûs.)
car cette Place qui tiroit de
la France deux millions de
contributions
, pourroit en
temps de Guerre en tirer bien
davanrage, & faire contribuer
juseqz ues à Mayence? à
Cologne, à Rez, au Fort de
Skin,à Namur& à beaucoup
d'autres endroits, ce qui ne
seroit pas difficile à une Garnson
de sept ou huit mille
hommes. Je ne vous diray
point à combien de millions
a monté la dépense des Fortifications
de cette Place,
chacun en parle diversement
&met le prix aux Ouvrages
de cette nature, suivant Tétonnement
qu'ils luy eaufent.
Ainfiil n'est pas facile
de parler d'une dépense?
quand elle se monte à plusieurs
millions. Tout ce que
je puisvous dire, c'est que le
Roy ne cherchant que l'entiere
perfection dans tout ce
qu'il fait faire, il y a encore
de nouveaux fonds destinez
pour travailler à cette Place,
quoy qu'il paroisse qu'on ne
puisse rien ajoûter à ces Fortifications
;mais le Roy a des
yeux& deslumieres dont on
ne sçauroit trop admirer la
pénétration. Je ne dois pas
oublier que la petite Chapelle
de Nostre - Dame des
Consolation dont je vous ay
déjà parlé dans ma Relation
duSiege, est restée en son
entier, les Assiegez, & les
Assiegeans l'ayant épargnée.
Toute
-
la Province y court
avec la mesme devotion
qu'on va à Nostre-Dame de
Liesse en France.
Il faudrait pour se bien representerl'aspect
de cette
Place, avoir vû les deux Tableaux
que Mr de Vandermeulen
enafaits pour le Roy.
Ils sont à Marly, & ont chacun
onze pieds de longueur.
Ils representent deux faces dô
laPlaec, de sesFortifications,
& de ses avenuës; mais avec
une telle regularité, que ceux
qui ont veu ces Tableaux ne
sçauroient se souvenir de la
moindre chose,qu'ils ne lareconnoissentaussi-
tost dans
l'unou dans l'autre. Ces Tableaux
sont gravez avec les
Estampes de Mrde Vandermeulen
dont je vous ay déjà
parlé, qui represententtoutes
les Conquestes du Roy de la
mesme maniere. Ainsi si la
description que je viens de
faire de cette Place, excite en
vous ou en vos Amis, la curiosité
de la voir d'un coup
d'ecil, vous pouvez avoir recours
à ces Estampes, qui sont
recherchées dans toutes les
parties du monde.
Le Roy ayant resolu de ne
demeurer que deux jours àLuxembourg
; monta à cheval
aussitost qu'il y fut arrivé, &
en allavisiter les Dehors. Mr
de Louvois qui estoit de retour
depuis un jour de son
Voyage d'Alsace,&MdeVauban
, qui sont les deux personnes
qui pouvoient rendre
un compte exact à Sa Majesté
des Fortifications de cette
Place, & sur tout de celles
qui ont esté faites nouvellement
par son ordre, l'accompagnerentpar
tout. Elle vit
les attaques de ses Troupes
pendant le Siege, &: trouva
de nouveaux sujets de loüanges,
pour tous ceux qui avoientcontribué
à cette conqueste,
M le Comte de Blanchefort
s'eilant trouvé auprés
du Roy, ce Prince toûjours
plein de reconnoissance
& de bonté pour toutes les
personnes qui ont du merite,
témoigna le regret qu'il avoir
de la mort de Mr le Maréchal
de Crequi son Pere,
qui avoit fait le Siegede Luxembourg;
ce qui parut toucher
fort sensiblemenr Mr
le Comte de Blanchcfort,
& renouveller dans son
coeur le dcfir qu'il a de sui
vre ses traces, &- d'imiter sur
tout sa prudence? & sa fidelité
pour le Roy.
, Le 22. Sa Majesté donna
audience à Mrle Baron d'Ingelheim,
Envoyé
-
extraordinaire
de Mrl'Electeur de
Mayence; à Mr le Baron
d'Elts, Envoyé extraordinaire
de M l'Electeur de Tréves,
& à Mrle Comte de
Chellart, Envoyé extraordinaire
de Mr le Prince Electoral
Palatin, Duc de Juliers.
Ils estoienr venus faire compliment
à Sa Majesté de la
part des Princes leurs MaiRreS)
sur son heureuse arrivée
àLuxembourg. Ces Envoyez
eurent aussi audience
de Monseigneur, où ils furent
conduits par MrdeBonneüil
,
Introducteur des Ambassadeurs,
qui les avoit menez
chez le Roy? & les avoir
esté prendre dans les Carosses
de Sa Majesté. Ils firent
present au Roy dela part des
Princes leurs Maistres
,
de
plusieurs tonneaux de vin
du Rhin, & de vin de Moselle>
que Sa Majestéreceutavec
les manieres honnestes
qui luy sont si ordinaires, &.
pour marquer que ces Presens
luyestoient agreables
de la part dont ils venoient,
Sa Majesté voulut qu'ils fussent
conduits à Versailles par
les mesmesVoituriers qui les
avoient amenez; & les Envoyez,
suivant les ordres qu'iL
luy avoir pieu d'en donner,
furent regalez splendidement,
avec toute leur suite,par
lessoins de Mr Delrieu, Contrôleur
ordinaire dela Maifondu
Roy, qui n'oublia rien
en cette rencontre de tout
ce qu'il crut devoir faire
pour leur satisfaction, &qui
entra parfaitement bien dans
leurs manieres,
Quoy que le Palais où logeoit
le Roy sust fort spacieux,
il estoit neanmoins
impossible que tous ceux qui
estoientpressez de l'impatience
de le voir? y pussent
entrer; ainsi ce Prince eut la
bonté de sortir plusieurs fois
à cheval? & d'aller mesme
doucement, afin de satisfaire
ceux qui ne respiroient qu'aprés
sa veuë. Il alla à la Metre
aux Jesuites;& plusieurs personnes
qui jusques alors ne l'avoient
admiré que par la quantité
surprenante des grandes
choses qu'il a faites,& qui n'avoient
jamais eu le plaisir de
levoir,l'admirerent ce jour-là
par sa bonne mine, & par un
air qui perfuaderoit à ceux qui
ne sçauroient pas tout ce qu'il
a fait de grand, que tout ce
qu'on leur en diroit feroit - veritable,
véritable. Le Roy estant forty
dela Messe,vit le plan de
Luxembourg, qui estoit dans
une maisonproche de l'Eglise
des Jesuites, Il monta à
cheval l'aprésdînée, & descendit
dansles Mines;il voulutvoiraussi
les Contre-mines.
Il visita les Fossez, & se
promena sur les Ramparts.
Pendant tout ce temps il s'entretint
des beautez de cette
Place avec Monsieur le Printce,
qui fit voir la parfaite
connoissance qu'il a de tout
ce qui regarde la Guerre, &
quelle est telle qu'onladoit
attendre du Fils d'un Prince
qui auroit pu apprendre ce
grand Art à toute la terre ,
si on l'avoit ignoré. Monsieur
le Duc, Monsieur le
Prince de Conty
,
& Monsieur
le Duc du Maine su.
rent aussi de la conversation,
& firent voir qu'il est des
sciences pour lesquelles les
Princes ne sont jamais jeunes
&qu'ils semblent avoir aj>„
prises en naissant.
Le mal de Mrle Comte de
Toulouse, qui avoit esté attaqué
le jour precedent d'un
mal de teste
)
& d'un mal de
gorge, continua,& la Rougeole
s'estant declarée, le
Roy resolut de sejourner
deux jours de plus à Luxembourg
, non pas pour y attendre
la parfaite guerison dô
ce Prince, laquelle ne pourvoit
arriver si-tost, mais afin
de voir quel pourroit estre le
cours de son mal. On mir:
auprés de luyMrduChesne
Medecin?MrduTertre, Chirurgien
de Monsieur le Prince,
avec un Apoticaire de Sa
Majesté. Le bruit s'estant répanduque
le retour delaCour
estoit reculé, quelques Etrangers
en parurentinquiets,mais
ils furent rassurez si-tostqu'ils
firent reflexion que le Roy
avoit toujours gardé inviolablement
sa parole;qu'il aimait
Monsieur le Comte de
Toulouseavec tendresse; que
ce jeune Prince estoit chery
<dc toute la Cour, & quainsî
l'incertitude du mal qui luy
pouvoit arriver, estoit la
vraye cause qui portoit le
Roy à retarder son depart.
La Rougeole deMonsieur le
Comte de Toulouse, ne fut
pas la premiere qui parut
à la Cour. Une des Filles
d'honneur de Madame la
Princesse de Conty en avoit
déja esté attaquée. Il yavoit
euaussi d'autres Malades; &
la Gouvernante des Filles
d'honneur de Madame Il
Duchesseavoit eu la Fiévre.
La maladie de ce Prince contribua
à l'indisposition d'une
Dame d'un tres-grand meri-
&
re. Elle fut saignée, & son
mal se passa.
Le 13. Mrle Comte Ferdinand
de Furstemberg, & Mr
Ducker, Envoyez extraordinaires
de Cologne
, eurent
aussi Audience du Roy, &
de Monseigneur le Dauphin.
Ils y furent conduits par Mr
de Boneüil avec les mesmes
ceremonies que l'avoientesté
les autres Envoyez,& traitez
demesme.Mr le Cardinal
LangravedeEurftcmberg
faluaaussileRoyavecdeux
de ses Neveux.M le Comte
d'Avaux, Ambassadeur dfe
France auprès des EtatsGéneraux
dès- Provinces unies
s'estant rendu de la Haye à
Luxembourg, y salüa Sa Majesté,
& receut d'Elle de nouvelles
instructions touchant
les negociations ordinaires de
son Ambassade.Lorsqu'il prit
congé du Roy,ce Prince luy
dit qu'ilcontinuastàle servir
de la mesme sorte,& qu'il seroit
content. Cela fit assez
connoistre que Sa Majesté
estoit satisfaite de ses services
passez. Mr Foucher, Envoyé
extraordinaire des Etats Géneraux
auprèsdel'Electeur
de Mayence , eut aussi l'honneur
de salüer ce Monarque.
LeRoy entendit ce jour là la
Messeaux Recolets. & vit enfuite
dans ure Chambre du
Convent le Plan de Trarback
levé par Mr de Montaigu.Je
vous parleray de ce Plan dans
la fuite de ma Lettre. SaMajesté
alla l'apresdinée à la
teste des Tranchées, & des
Lignes, & en examinant la
Place, Elle previt tout ce qui
pourvoit arriver, si on osoit
un jour entreprendre de l'assieger.
Elle fit le mesme jour
la Reveuë des Troupes de la
Garnison, quiconsistoient en
cinq gros Bataillons, & en
plusieurs Escadrons.
Le 14. le Roy entendit la
Messe à la Paroisse, & tint
Conseil le matin & l'apresdînée,
ayant pendanttoutle
temps qu'il a demeuré à Luxembourg
,donné cinq à six
heures par jour, pour tousles
Conseils qu'il y a tenus; de
forte, que le temps qu'il employoit
à voir des Fortifications
& à faire des
-
Reveuës,
estoit celuy qu'il prenoit
pour donner relâche à fan
esprit. Ainsi l'on peut dire
que l'esprit ne commençait
à se reposer que pour donner
lieu au corps d'agir. Pendant
que le Roy n'eliok occupé
que des soins de son
Etat sans se donner un seul
moment de relache
,
la Cour
se partageoit, pour se divertir
selon son goust. Les uns
se
-
promenoient ,
les autres
joüoient , & quelques autres
se rafraîchissoient chez Mrde
Bouflers.Je ne vous diray
point que durant tout le sejour
- que Sa Majesté a fait
dans cette Place, ce Marquis
a tenu plusieurs Tables chaque
jour, tant le soirquele
matin,à un fart grand nombre
de couverts; ce seroitdire
trop peu,puisque non seulement,
tousceux qui ont voulu
manger chez luy y ont
trouvé a toute heure tout ce
qu'ils ont souhaité, mais
qu'on n'a mesme rien refusé
f aucun de ceux qui en ont
envoyé chercher. Commejamais
homme ne fut plus genereux
> jamais dépense n'a
esté faite de meilleure grace.
Mr deBouslers apprehendoit
si fort de n'estre pas à Luxembourgpour
la faire
a.
qu'ilfol^
licita pour n'aller au Camp
qu'ildevoitcommander,qu'aprés
que Sa Majesté seroit
partie. Le Roy qui sçait distinguerladépense
qui n'est
pas interessée,luy a fait un
Present de trois mille Loüis.
Le z5. SaMajesté entendit
encore la Messe aux Jesuites.
Elle se promena de nouveau
à cheval dans les Fossez
) & à
pied sur les Ramparts. Plus
Elle a regardé la Place avec
application,&enaexaminé
les nouvelles Fortifications,
plus Elle en a esté satisfaite ;
8c comme on ne luy rend
point de grands services sans
recevoir des marques de sa libéralité,
par dessus les recompenses
ordinaires, Elle donna
douze mille écus à Mr de
Vauba n.Toutes les Relations
conviennent qu'Elle luy fit
ce Present d'une maniere si
obligeante, que plusieurs
souhaiteroient enavoir acheté
un semblable de beaucoup
plus, & l'avoir receu
Qvec le mesme agrément. JLf
Royafait aussi des Presens
dans toutes les Eglises où il a
esté. Il donnoit une somme
pour les Ornemens. Cette
somme estoit suivie d'une autre
pour les Pauvres, & ces
deux d'une troisiéme, ou de
quelques graces dont il de":
voit revenir de l'argent pour
l'embellissement des lieux. Sa
Majesté n'ayant point mené
de Musique auVoyage )l'un
de ses Musiçiens nommé Mr
de Ville, qui est Chanoine
de Mets> y prit quelques lastrumens,
& quelques voix ,
& fit chanter dans les Eglises
où le Roy entendit la Messe
à Luxembourg, les Motets de
Mrs du Mont, Robert, &
Minoret. Sa Majesté le recompensa
de ses soins, de son
zele, & de sa dépense. Comme
l'argent n'est pas toûjours
ce qui touche davantage,quelques
charmes qu'il ait pour
tout le monde, par l'indispensable
necessité où chacun
cil d'en avoir, le Roy fïr
ouvrir les Prisons à soixante
&dix Malheureux, qui aimerent
encore mieux la liberté
que toute forte de biens;mais
ce Prince ne leur accorda des
graces que selon le genre des
crimes,ne voulant pas que sa
clemence servist à en faire
commettre de nouveaux, à
ceux qui en avoient fait d'enormes,
& que l'on jugeoit
capables d'y retomber,ce que
Mr l'Evesque d'Orléans, Mr
l'Abbé de Brou
,
nommé à
l'Evesché d'Amiens, Mes,
les Abbez de la Salle «
Fleury,& Mrde Noyon Lieu-»
tenant de Mr le Grand Prevost,
ont examiné par l'ordre
du Roy.
Le26.les uns ne songerent
qu'à partir, & les autres s'affligerent
du départ. LaCour
en voyant les Fortifications
de la place, avoir pris un
grand plaisir à se mettre devant
les yeux tout ce qui s'estoit
passé pendant le Siege-
Elle avoit examiné les Attaques&
les Tranchées) admiré
la conduite du General
)
l'intrepidité
des Soldats, le ge.
nie & l'adresse de M'de Vauban
à conserver les Aillegeans;
car le Roy sçachant
l'humeur boüillante des François
, & leur zele pour son
service
, avoit expressément
ordonné à feu Mr le Maréchal
de Crequi, & à Mrde
Vauban,d'épargner les Troupes,
& de prolonger la durée
du Siege,plûtost que de
hazarder le sang des Soldats.
Ce Prince avoit pris ses mesures
pour cela, Il estoit à la
teste d'une Armée pour em-"
pêcher lesecours,&prest à
donner bataille à ceux qui
auroient voulu le tenter.
Lors que la Cour partoit
satisfaite, & toute pleine de
ce qu'elle avoit veu, elle partoit
avec son Prince, & le
devoit toûjours voir; mais
ceuxàqui il ne s'stoit montre
que pour gagner leur
amour,& ensuite les priver
de sa presence,avoient beaucoup
de cbagrin de son départ.
Ce Prince avoit paru
à Luxembourg plûtost enPere
qu'en Roy. Sa douceur & sa
bonté s'estoient fait connoître.
Il s'estoitmontré familier
sans descendre de son
rang; on avoir eu un libre
accés auprés de luy ; ceux qui
luy avoient presenté des Requestes
avoient esté écoutez,
& la pluspart avoient obtenu
les graces qu'ils avoient demandées
;les Prisons avoient
esté ouvertes;laNoblesseavoit
eu un libre accès jusque dans
saChambre ;il avoit permis
plusieurs fois au Peuple de le
voir dîner , ce qu'il avoit
refusé dans les autres Villes,
à cause de la chaleur; ils
avoient admiré la devotion
de Sa Majesté, & la pieté que
son exemple inspire à toute
sa Cour; il avoit fait de
grands dons dans la Ville;
les dépenses ordinaires de là
Cpur y avoient répandu
beaucoup d'argent,ainsi que
le Etrangers que l'envie de
voir ce Prince avoit fait venir
en fort grandnombre; L*
Noblesse avoit esté receuë
aux Tables de la Maison du
Roy,&les Etrangers de distinctionqui
n'estoient pas
venus avec les Envoyez des
Princes Souverains des environs
, y avoient aussimangé;
enfin tout concouroit à faire
aimer, & regreter ce Grand
Prince. Il partit le 26. aprés
avoir entendu la Méfie aux
Capucins,& alla dîner à un
lieu nommé Cherasse.
J'aurois pu vous parler plûtost
du Voyage dont Mr de
Louvois rendit compte ait
Roy à Luxembourg
, mais je
n'ay pas voulu interrompre
la fuite de la Relation que
j'avois à vous faire de ce qui
s'y est passé.CezeléMinistre
partit de Versaillesle30. d'Avril,
passa à Tonnerre & à
Ancy-le-franc,&après avoir
vû les Fortifications de Besançon
, les Troupes, & les
Cadets, il se rendit le 5. de
May après midy à Befort.
C'est la Capitale du Comté
de Ferrette, située dans le
Sunggovv bb 1
Sunggovv,écheuë au Roy
avec l'Alsace par le Traité
de Munster. Mr le Marquis
dela Suze en a esté longtemps
possesseur, par engagement,
ou autrement. Mrle
<C? ardinalMazarinpossedaenfuite
ce Comté, & Mrle Duc
Mazarin, qui luy a succedé,
en jouitpresentement. La
Ville estassez belle. Il y a
un Chasteau, où l'on a fait
quatre Bastions. Mr de Saint
Justest Gouverneur de cette
Ville
>
où Mr de Dampierre,
Lieutenant de Roy, commande
c-iifôn absence. M" de
Louvois visita la Place, les
Troupes, & les nouveaux
Travaux, qu'il trouva en bon
'estât. Ce Ministre coucha
le 6. à Dainm-arie Village
d'Alsace. Il se rendit le 7. à
Huningue. C'est une Place
quiestfort proche de BaDe,
ÔZ qu'on a nouvellement
fortifiée de six Bastions sur
le Rhin ; on y a aussi fait
- des Dehors? & un Pont
ik bois fut le Rhin avec
quelques Ouvrages au bout
pour en fortifierla teste.
Cette Place rend la France
fort puissante sur le Rhin.
Elle est dans l'Alsace. Mrle
Marquis de Puisieux en est
Gouverneur, & Mr de la Sabliere
, Lieutenant de Roy-
Mrde Louvois en examina les
Fortifications,& fit faire reveuë
aux Troupes qui y et;
toient e& Garnison. Le 8. il
coucha à Fribourg, Capitale
c- duBrifgaw
,
située sur la petite
Rivière deTreiseim,i
bout d'une Plaine fertile, &
sous une hauteur qui cft le
commencement de laForest
loire. Elle est grande, bien
)euprlee.&: a diverfcsEcrllfcs,
&: plusieursMaisons Rcligieuses.
Le Chapitre de Basle
y fait sa residence, quoy que
l'Evesque ne l'y faire pas. Il la
fait à' Potentru, depuis que
les Protestans ont esté Maistres
de Basle. Il y a une Chambre
Souveraine à Fribourg,
& une celebre Université,
qu'Albert VI. dit le Debonnaire
,y fonda en 1450. Les
Ducs de Zeringuen ont possedé
autrefois cette Ville; qui
passa dans la Maisonde FULstemberg,
par le mariage d'Agnes
avec le Comte Hugue
ou Egon, dont les Descendans
l'ont gardée jusque
vers l'an 1386. après quoy les
Bourgeois s'estant mutinez,
se donnerent aux Ducs d'Austriche.
Elle fut prise trois
fois en six ans par les Suédois;
sçavoir en 1632.. en 1634. ôc
en 1638. Son nom s'est rendu
fameux dans toute leuropc,
par la celebre Victoire que
feu Monsieur le Prince, qui
n'estoit alors que Duc d'Anguien,
remporta en 1644. sur
les Troupes Bavaroises, aprés
un Combat sanglant & opïniastré
qui dura trois jours,
pour les postes difputcz de
la Montagne-noire., à une
lieuë de Fribourg. Ces trois
jours furent le 3. le 4. & le 5.
du mois d'Aoust. Feu M le
Maréchal de CrequLqui commandoit
une des Armées,du
Ro.yj.piMt cette Villele17.
Noyen).bre1677.aprèsun Sijer
gaevdoeisteapltorosuckhuuxitmjouurrasi.llIelsy»
uneCitadelle
à quatre Ri-
(rions, dç bons FolLz? o~
quelques autres Ouvrages.
Depuis ce temps-làles François
l'ont fortifiée plus regulierement.
La Rivière- du.
Trcifeim, qui n'est jamais
glacée? nettoye toutes les
rues. On a ajoutéquelques
Bastions aux anciennes muraillesde,
laVille,& les Fortifications
du Chasteau ont
este augmentées. On les a
étendues sur toute la hauteur.
C'est un chef-d'oeuvre de Mr
de Vauban. On yaaussi bâty
d'autres Forts qui commandent
à deux vallées. Les
Archiducs d'Autriche y avoient
étably une Chancelleric.
Il y a quatorze Mona.
stercs à Fribourg, & des Maisons
de trois Ordres de Chevalerie.
Mr du Fay en est
Gouverneur, Mr Barrege.
Lieutenant de Roy, & Mr
Roais commande dans leChasteau,
Mr de Louvois dîna le
,. à Brissac,&vit la Place
&les Troupes.Cest une Ville
d'Alsacedans le Brisgavv qui
donne un passage sur le
Rhin. Elle fut prise en 1638-
par Bernard de Saxe, Duc de
Vveimar, General de l'Armée
de Suede? avec le secours des
Troupes Françoises que conduisoit
le Maréchal de Guebriant.
On y trouva plus de
deux censpieces de Canon)
avec degrandesrichesse -y,
l'annéesuivante le Duc at
Vveimar estant malade à.
Nevvembourg prés de Irifac?
le mesme Maréchal de Guebriànts'aflxiraaumoia.
deJ all--
kx de cetteimportante- rl -
ce-,ôc des autres qui fuienc re-r
mises au Roy j&r TwtÇ du
9.Octobre de lamesme aPT
née.Elles surent cedées à Sll
Majesté en 1648. par leTraité
de Vvestphalie
, ce qui, fJu;
confirmé en 1^59<parcehijfr
des Pyrénées,Brisaa,que
quelques-uns juçmmenp la
Citadelle de l'Alsace, &d'autres,
laClef de l' Allemagne,
passè aujourd huy pour une
des plus fortes Places del Eu-
-
rape, soit qu'onregarde sa
situation sur un Mont,soit
qu'on examine ce eue l'arta
ccoonnctrriibbuuééaà la rreennddrree rrce~guu--
liere. Elle est sur le bord du
Rhin qu'elle commande,
C'estoit autrefois la Capitale
duBrisgavv, qui areceuson
nom d'elle, mais Fribourg
l'a emportédepuis quelque
temps. Il y a aujourd'hui
double Ville,car outre cellequi
estoit audelà du Rhin,
onafortifié une lac, qui est
presentement habitée, avec
grand nombre de Bastions.
Ilya aussi des Fortifications
en deçà du Rhin? & toutes
ensemble elles peuvent faire
environ trente Bastions. On
travaille incessamment à cette
Place, que l'on peut dire
imprenable. Il y a dans Brisac
une Compagnie de jeunes
Gentilshommes. Mr le Duc
Mazarin en est Gouverneur
Mr de la Chetardie y commande
en sa place,& Mr de
Farges y est Lieurcnant de
Roy. (
Mr deLouvois vit lemesme
jour p. d'Avril, les Fortifications
de Schleftadt. &
les Troupes qui y font en
Garnison.C'est une Place située
dans l'Alsace sur la Riviere
d'Ill qui porte Bateaux.
Elle estoit autrefois fortifiée
de bonnes murailles & de
fortes Tours, avec un Rempart,
& des Fossez très-larges
&fort profonds. On y a fait
des Battions depuis ce temps,
là. C'est une Place fort considerable
,
où l'on fait un
grand trafic. CetteVilles''est
toujours maintenue Catholique
au milreu de i'Heresie,
& il y a un College de Jesuites.
Mrde Gondreville en,est
Gouverneur, & Mrde la Provenchere,
Lieutenantde Roy.
Le 10. Mr de Louvois allacoucher
à Benfeld,petite "-il.
le de la baffe Alsace
,
assezforte,
&: des mieux entenduës..
Elle, dépend de Strasbourg-
,
dont elle n'estéloignée que
de trois lieues. Elle est sur
la Riviere d'Ill. Mr de Louvois
dîna le 10. à Strasbourg
)
ôc y sejourna le n. vit la Ville,
la Citadelle, les Forts, &
les Troupes. Mr de Chamil-
.Iy) si célébré par la défense
de Grave. en est Gouverneur.
Mr de Louvois logea chez Mr
de Monclar, qui commande
-
en Alsace. Je ne vous dis rien
de Strasbourg, comme je ne
Vous ay rien dit de Besançon,
parce que ces Places sont entièrement
connues. Ainsi je
ne vous ay parlé que de cellies
dont j'ay cru pouvoir
vous apprendre quelques particularitez
quine se trouvent
dans aucun Ouvrage imprimé.
Le 12. Mrde Louvois dîna
au Fort Louis du Rhin.
C'est un Fort qui a este construit
dans une Isle du haut
Rhin, huit licuës au dessous
de Strasboug, & autant,au
dessus de Philisbourg. Ce poste
estoit presque inconnu.
Toute l'Isle qui est au Roy,
estant dans l'Alsace qui ap.
partient à Sa Majesté
,
doit
estre fortifiée. Il doit y avoir
plusieursBastions, & des
Ponts avec des Fortifications
à la teste. Mr de Bregy est
Gouverneur de cette Place.
Mr de Louvois aprèsavoirs
examiné l'estat de ce Fort
allalemême jour coucher à
Haguenau. C'est une Ville
fort marchande en A lsace,située
entre les rivieres de Meter
& de Sorn.On gardoit autrefois
dans cette Ville-là,
la Couronne,le Sceptre, la
Pomme d'Or, & l'Epée de
Charlemagne avec les autres
ornemens Impériaux. C'est le
Siege du Bailly du Langraviat
d'Alsace. Mr de Louvois
coucha le 13. à Britche, où il
visita les troupes & la Place.
Cette Ville qui a un Châteauassez
considerable, est
dans la nouvelle Province
de la Sare. Mr de Morton
en est Gouverneur, & Mr de
laGuierleLieutenant deRoy. |
3MVT de LLoouuvvooiiss, aapprrèèss aavvooiirr
Nifité lesFortifications & les
groupes> alla dînerle14. à goù il-ne la même.
choseavec unepareille
activité.Hombourgeft assez
considerab- eoniiderable>&:estauasusmi dans la Provence de laSarre. M1
lç Marquisde laBretesche
qui commande dans cette
Province,en est Gouverneur,
& ^lr de la Gardette y
commande
en son ablençe,
M de Louvois alla ce jourlacouch
r à.jatrpctip Village
de la Province de la Sare qui
se nomme Cucelle &le1/
il passaàKirnoù il difha
en visita le Chasteau. Il cb.,.-
chaleITlefmejourlTraDeri
proche Trarback, & visita
la Presque-Isle de Traben, oi|
l'on va bastir une Placequi
s'appellera Mont-Royal. Cette
Place dont on n'a oiïy parler
qu'en apprenant qu'on y
travailloit
)
fait aujourd'huy
l'entretiende toute l'Europe,
le Roy n'entreprenant
rien qui ne soitassez grand
pour servir de conversation
au monde entier.Quoyqu'on
parle beaucoup d'une chose
ce n'est pas à dire qu'on en
partetoujours jùftc
) & il est
mesme presqueimpossible
:quton puissefejavoir au vray
toutes les pârticularitez d'une
entreprise
?
dont a peine,
at-on appris qu'on a forme,
le dessein. Tout ce que je
puis vous dire de celle-cy,
c'est que j'ay ramassé avec
grand foin* beaucoup de circonstances
qui la regardent*
&: que quandil y en aur,Qi,t;
quelques-unes qui ne feroient
pas toux à fjut vrayes;
je ne laiffer4 pas, 4c ycxuj
apprendre plusieurrs çbofcî
qu'on ne peut encore vous avoir
dites. Le Roy voulant
couvrir Luxembourg en 3
J - s cherché -lps tnoyeps ?
& lesa
trouvez danssesterresen.déT
couvrant un lieu. propre à
fairebastiruneVille. Ce lien,
se nomme Traben, & pour
parler à lamaniéré du Païs,
il eit à trente heures dç-Liirxembourg,
à douze de Tre"
ves, &à six de Coblens. Je
ne me puis tromper de beaucoup
sur le plus ou sur le
moins) & l'espace que je vous
marque) vous doit donner à
peu prés l'idée de l'éloignément
où ces Places peuvent
cftre les unes des autres. Tra.
ben est à la teste de Luxembourg.
On dit que Cesar y a
Autrefois campé, & qu'il y a
des vestiges d'une espece de
Fossé que l'on pretend avoir
autrefois fermé son Camp,
La Nature semble avoir faifre
ce lieu-là afin que le Roy le
fin: servir à sa gloire. Il n'a
que huit toises de largeur à
son entrée, que l'on dit estre
une escarpe& un rocher inaccessible.
La Moselle, qui n'eâ
point guéable en ces quartiers-
là ,envelope lereste de
son enceinte. L'entrée du
terrein elt occupée par un
plan deSapinsqu'onfaitjetter
à bas pour servir à cette
entreprise. La terre qui rcftc
lontient un des meilleurs
plans
plans de vignes de tout lePaïs,
& quelques champs qui rapportent
de tres-beaux grains,
&l'on trouve outre celaassez
de vin &de grain dans l'étendue
de cette presqu'Isle pour
nourrir une Garnison de trois
ou quatre mille hommes, Les
costes qui regnent vis-à-vis
le long dela Riviere,ne commanderont
point la Place, &
comme on ne pourra l'attaquer
que par le terrain que je
viens de vous marquer, il est
aise delarendre imprenable.
Il ya quatre Villagessur Iesr
crestes de ces costes dont on
pourra tirer de grands secours
pour les premiers Travaux,
L'extremité du plan de lapins
est une grosse source, qui se
trouvera dans lesFossez de la
Place, & qui fournira de
l'eau à la Ville. Elle aura
plusieurs Bastions
>
& fera
touteirreguliere, & tracée
sur la longueur, & la largeur
du terrain. Il y aura autour
de lapresqu'IsledesRedoutes
d'espace en espace
) pour dé-«-
fendre le passage de la Riviere.
Cequ'ilyade surprenant,
]
c'est qu'on peut dire que ce
que le Roy rcfout,est à demy
fait presqu'au moment
qu'il est resolu, au lieu que
pour l'ordinaire les grands
desseins demeurent au seul
projet. A peine eut-on plante
les piquets) que les Baraques
pour leslogemens des Soldats
le trouvèrent faites. Sept Bataillons
travaillèrent. Ils furent
bientost fortifiez d'autres
Troupest & l'onregarda
cette entr^prife avec unétonnement
donton n'cft pas encore
rovenu? sur tout pendant
que le Roy fait travail1er
dans le mcfmc temps àun
fort grand nombre de Places.
Quelque Souverainqui aitjamais
entrepris d'en faire, elles
ont estel'ouvrage du temps
plûtofi que de ceux dont elles
ont pris le nom; puis que la
pluspart nont presquerien
fait de plus, que d'en avoir
mis la première pierre. Voilà
la France à couvertdes infultes
deTAllemagne, & le Roy
fait plus à son égard
? que les
Chinoisn'ont jamais fait par
leur muraille de cinq cens
lieuës de long à l'égard des
Tarures.Le Royaume de la
Chine n'est à couvert que par
une feule muraille, & la Fran-*
ce l'est aujourdhuy par deux
rangs de Places forces, qui
doivent au Roy tour ce qui
les rend redoutables. tvir de
Louvoisaprès avoir sejourne
le 16.a Traben, & avoir,
pour ainsi dire, donnéle mouvement
à tous les bras devoient qui agir pour la gloire
du Roy,& pour la tranquillité
de l'Europe, alla coucher
le 17- a Sare-Loiiis, où il fit
la reveuë des Troupes, &vifita
les Fortifications de la Place
Elle est Capitale de laPro,
Vince de la Sare. Ce n'estoit
cjiTun Village, dont le Roy
a fait une Place tres-reguliere.
On luy a donné le nom de
-,ç,arc-Loüls, qui est un composé
deceluy duRoy,&de
celuy de la Province. Cette
Ville a six Bastions Royaux
avec quelques Demy-lunes,
& d'autres Ouvrages, M de
Choisyen est Gouverneur éc
Mr le Comtede Perin Lieutenant
de Roy. M deLouvois
y sejourna le 18. &le lendemain
il alla àThionville,
où il se donna les mesmes
soins, &pritles mesmes fatigues
que dans les autresVilles
où il avoit passé. Thionville
n'appartient à la France
que du regne du feu Roy.
C'est une Ville du Luxembourg
assise sur la Moselle.
C'estoit une des clefs du
Royaume avant les nouvelles
Conquestes de Sa Majesté.
On a razé Domvilliers, &
quelques autres petitesPlaces
voisines
>
afin de rendre celle-
là plus considerable. Mr
d'Espagne enest Gouverneur;
Mrd'Argelé,Lieutenant de
Roy, & Mr de Bouflers,Gouverneur
de Luxembourg,&:
Lieutenant general de la Pto-T
vince.Mr deLouvois a trouvé
dans toutes les places qu'il
avisitées,les Troupes & les
Fortifications fort belles. Le
Canton de Basle luyenvoya
faire compliment à Huningue,
& Mrl'Electeur de Treves
fit la mesme chose pendant
que ce Ministre estoit à
Trarbach, Les Magistrats de
tous les lieux qu'il avisitez,
l'ontaussi complimenté, &
les Gouverneurs des Provinces
&des Places que je viens
de vous nommer,& M les
Jntendans la Grange ôc la
Goupiliere ont fait tout ce
qu'ils ont pu pour le bien reé
galer; mais ce Ministre toûjours
agissant n'avoîtqu'à
peine le temps de voir les Repas
qu'on luy preparoit par
tout. Jamais on n'a fait tant
de chemin) ny vu tant de
Villes
,
de Remparts, & de
Troupes, en si peu de temps
Lors qu'on sert ainsi fou
Prince,on le fait servirde
mesme
; & quand les desseins
du Souverain font grands, on
ne voit rien qui ne sente le
prodige. Mr de Louvois dîna
le 20. à Luxembourg,où Sa
Majesté arriva l'aprésdinée.
Je vous ay fait un détail de
tout ce qui s'y est passé,&
vous ay dit que le Roy alla
le 26. dîner à Cheranc. Ce
Prince coucha à Longvvy,cù
• aprésavoir vu faire l'exercice
aux Cadets dans la Place d'armes
, il en choisit quatrevingt,
pour les mettre en diversCorpsenqualitéde
Sousl^
ieurenans, comme jevons
l'aydéja marqué. La Cour
alla dîüer le 27.à Pierre- Pànt.
Sa Majesté montaà cheval
l'apresdinée
, & arriva te soir
àEtain -en prenant le diver-^
tissement de la Chasse. Sa Ma>-
jesté y fut receuë par Mr de
Verdun. Elle entendit la
Messe le 1$. à la ParoiiTe,Se
fit de grandes liberalitez au
Curé5 & aux Capucins qui
sont établis en ce lieu-là,quoy
qu'Elleleur en eust déja fait
en y passant la premiere fois.
Elle dîna le mesme jour à
Verdun chez M" 1tveique,
à quiElleavoit donnéordre'
le jourprécedent pour 'lC{
âaiur qui fut chanté en
Musique sur les six heures dtV
soir. Toute la Cour y am,
ffcaravec une devotion qvd
répondoit à la pieté du Roy.
Le lendémain 29jour du,
S. Sacrement ,
la pluspart dM
Dames qui avoient accompagné
ce Prince , firent leurs
devotions, ce qui parut fort
édifiant. Le temps estant extremement
pluvieux, on ordonna
que la Procession se
seroit feulement jusques à
l'EglisedesJesuites, & qu'elle
reviendroitaussi-tost dans Ii
Cathedrale. La Procession
commença par les Paroisses
de la Ville, suivies des Mandians,
& autres Religieux.Le
Clergé estoit en fort grand
Nombre, accompagne des
Gardes de la Prevosté
,
des
Cent-Suisses de la Garde, ôc
des Gardes du Corps,qui marchoient
sur deux lignesa coté
de la Procession. Messieurs
les Princes du Sang estoient
immédiatement après leDais.
Monseigneur le Dauphin pa..
roissoit ensuite ; deux Huisfiers
portantdesMasses precedoient
le Roy, qui avoit auprésde
luy lePere de laChaise,
& fesAumôniers.Les Princesses
marchoient aprés, suivies
des Dames les plus distinguées,&
ces Dames l'estoient
d'ungrande nombre de Seigneurs
, & d'Officiers de la
Maison du Roy. Le Presidial
deVerdun marchoitenCorps,
Se MP de Ville suivoient le
Presidial.Aprés cette longue
file quiétoiten fort bonordre,
venoit une foule de peuple
innombrable, sans compter
ce qui se trouvoit encore dans
la Ville. Presque toute laLorraine
s'y estoit renduë,&on
en voyoit jusque sur les toits.
On s'arresta à deux Reposoirs,&
la grande Messe fut cclebrée
par Mr l'Evesque de
Verdun. Le Roy, & toute la
Cour occupoient la droite
des hautes Chaises. LesChanoines
estoient à la gauche,
& la Musique au milieu du
-Choeur; elle s'acquita assez
bien de tout ce qu'elle chanta.
Sa Majesté alla à l'Offrande,
& aprés la Messe Elle eut
à peine le temps de dîner *
pour retourner au mesme
lieu, oùla Cour entendit Vespres.
MdeVerdunofficia encore.
Au sortir de cette Eglise,
le Roy se promena autour
de la Citadelle
)
&: alla
voir les Ecluses, qui sont presentement
achevées, & dont
on se doit servit pour empêi
cher qu'on n'approche de la
Ville du costé où elles sont.
Mr deLouvois alla jufclu-aa
lieu où les eaux remontent.
Plusieurs Particuliers ayant
eu leurs beritages endommagez,
ont esté remboursez par
la bonté de Sa Majesté
, quoy
que cet ouvrage foit pour la
défense de leur Patrie.
Le 30.le Roy entendit encore
laMessedans la Cathedrale,&
Mrde Verdun luy
presenta de l'Eau-benite.Ce
Prince eut la bonté de faire
une remontrance au Chapi
tre,) pour l'exhorter de bien
vivre avec son Eve[quc) &
comme il sçavoit que les Chanoines
estoient en possession
depuis un fort grand nombre
d'années
?
d'estre debout pendant
l'Elevation, il leur deT
manda qu'en sa consideration
ilssissent une Ordonnance
pour abolir cetusage, à quoy
ils ne s'opposerent pas. La
Musique chanta un Motet sur
le rétablissement de la santé
de ce Prince, & receut en
mesme temps des marques de
sa libéralité, Toute la Cour
alla ce mesme jour dîner à.
Brabant, & arriva un peu
tard à Sainte-Menehout. M1
l'Evesque de Châlons s'y
trouva avec quelques Ecclesiastiques
qu'il y avoit ame.
nez. Mr le Duc de Noailles
ayant de son costé amené de
LuxembourgMr de Ville, &
prisà Verdun des Musicièns,
qui se joignirent à d'autres
qu'il avoit fait venir de Châlons,
le Salut fut chanté en
Musique aux Capucins sur
les septheures du soir. M de
Châlonsy donna la benediction
du S. Sacrement. Les
Capucins furent extrêmement
édifiez de voir que la
Cour, à l'exemple de son Souverain
faisoit paroistre une
grande pieté. Ils connurent
encore celle de ce Prince, par
les presens qu'il leur fit le
lendemain en partant, quoy
qu'ils en eussent déja receu
lors qu'il estoit paffé à Sainte-
Menehout, pour se rendre à
Luxembourg.
Le 31. le Cour dîna à Cense
de Bellay & allaà Châlons,
où elle trouva un nombre mfïny
depeuple qui s'y eftoic
assemblé
; croyant qu'elle y
passeroitla Feste de Dieu, cqui
seroit arrivé, si la maladie
de Monsieurle Comte de
Toulouse n'eust point rompu
les mesures que l'onavoit prises.
Le Salut fut chanté par
la Musique avec beaucoup de
iolemnité?M1deChâlonsef-
-tantà lateste desonChapi-
"tre. L'Eglise,& les ruës es-
Iaient si remplies
, qu'on
croyoit estre au milieu du
Peuple de Paris. Un nombre
infiny de routes sortes de gens
qui cherchoient à voir le
Roy, occupoit le Jare , &
Tonassure -qu'il n'y en avoit
jamais tanteu.
Ii
Le premier Juin, le Roy
dîna à Bierge, & coucha à
Vertus. Il y entendit le Salut
à la Paroisse, où il y eut une
Musique tres-agreable
,
soutenue
desHautbois des Mousquetaires.
M de Châlons y
officia,assistiéde M de Luzanfy
& de Lerry? qui ont des
Abbayes en ce lieu.
Lei. on partit de Vertus
à dix heures
du
matin, après
avoir entendu la Messe, pendant
laquelle la Musique continua
de chanter des Motets
de M1r du Mont. On ne sçauroit
trop admirer le zele&
l'activitéde Mrde Noailles,
pour le service de Dieu & du
Roy.M deChâlons aofficié
pendant l'Octave du S. Sacrement
, par tout où Sa Majesté
a esté dans son Diocese,
& il s'est par tout trouvé de
la Musique, par les soins de
M le Duc de Noailles son
frere. La Cour alla de Vertus
dîner à Etoge. C'estunlieu
toutremply d'agrémt.Lebastimentenest
beau,les Jardins
en sont charmans
, & l'abondance
des eaux y donne tous
les plaisirs que l'on en peut
recevoir. Ce lieu appartient
à Mr le Marquis d'Anglure,
& sert de retraite à deux freres
& à une soeur, qui par
leur mérité sefont fait une reputation
qui s'estrepandüe
bien avant dans le Monde. La
vertuest leur passion, la charité
fait leur employ, & leur
pieté est exemplaire. Le Roy
leuravoit fait dire qu'il difneroit
chez eux sans les embarasser,&
quoy qu'il n'euisent
pas l'avantage de donner
à mangeràSa Majesté,ny par
consequent l'honneur de la
servir,leur magnificence ne
JailTa pas de paroistre i la maniere
dont ils traiterent toute
la Cour. L'abondance fut
si grande aux tables qu'ils
firent servir
, que celle du
Chambellan ne tint point,
Monsieur le Prince qui mange
ordinairement à cette table
, ayant fait l'honneur à
cesillultres Solitaires de manger
àcelle qu'ils luyavoient
fait préparer. Le Roy inftruit
de leur vertu voulut sçavoir
le détail de leur vie dans
une solitude si peu commune
à des personnes de cette
qualité. Ce Prince apprit que
lesFreres faisoient le plaisir
- - de
de la Soeur, & la Soeur celuy
des Freres? que leurs heures
font reglées pour leurs exercices
ordinaires qui estoient
toujours égaux, sur tout la
Messe
,
les prieres frequentes,
& la visite des Pauvres. Un
fils de l'aisné qui n'a pas encore
cinq ans, eut l'honneur
de manger avec le Roy. Pendant
queSa Majestéfaisoit
son plaifirde s'entretenir de la
pieté de ses hostes,onluy apprit
que Madame la Princesse
deConty avoit un malde teste
& unedouleur de gorgequi
faisoient craindre que cette
Princesse ne fût bientost attaquée
du mesmemal qûeTilc
le Comte de Thoulouze avoit
essuyé à Luxembourg.
Le Roy ordonna qu'on
fïftauffitoft partir pourMo zmirel,
& se prepara a quitter
1-oge pour ta suivre.Il ne faut
pas que j'oublie à dire qu'il ya
une galerie dans ce Chasteau
qui plut beaucoup à Sa Majesté,
& qui auroit fait plus
long-temps le plaisir de toute
la Cour? si elle n'avoit point
esté pressée de partir. Elle
contient les Portraits- de tous
les grands hommes qui ont
paru en Europe depuis environun
Siècle, &; les Portraits
de ceux qui ont vescu
çlaAs, lemesme temps,-sont
pppofez les uns aux autres,
comme pour en faire des
paralelles; leurs principales
actions& leurs alliances font
marquées au bas. Cette Galerie
est plus curieuseque
magnifique, & l'on y voit
regner une simplicité debon
goust
, qui attire plus de
loüanges à ceux à qui appartient
cette maison, qu'une
magnificence mal entendüe..
-
Le Roy ayant quitté un lieu
jS delicieux
,
arriva de bonne
heure à Montmirel. Mr de
Louvois, comme Seigneur du
lieu, receut Sa Majesté à la
descente de son carosse. Ce
qu'on avoit soupçonné du
mal de Madame la Princesse
de Conty? arriva.Les rougeurs
parurent?&elle fut faignée
le lendemain au matin.
Sarougeolle estoit tres forse?
mais les Medecins dirent
qu'ellen'estoit pas dangereuse.
On Iaifïa aupres de
cette Princesse MrPetit,Pr-emier
Medecin de Monseigneur,&
Mr DodartsonMedecin,
avec MrPoisson, Apotiquaire
du Roy. Comme
ce Voyage approchoit de sa
-fin, la
-
Cour commença à défiler,
& M[ le Prince de
Conty partit pour Paris. On
dit ce jour-là des Messes
tout le matin, & à sept
heures du soir il y eut Salut.
LePrieur Curé, qui est un
Religieux de S. Jean de Soissons
,
fit la céremonie.Le
- 4. Monseigneurle Dauphin
ayant
beaucoup d'impatience
de - revoir Madame la
Dauphine, receut de Sa Majesté
la liberté de partir. Ce
Prince
-
arriva le soir mesme
à Versailles. Plusieurs personnes
quitterent la Cour cC;
jour-là. Les Prieres se firent
comme le jour precedent;on
fut fort en doute si on partÍroÍr,
on reeeut des ordres
pour le depart, & ces ordres
furenr révoquez. Le jour de
FOccave du S. Sacrement,le
Roy ayant sceu à quatreheures
& demie du matin l'estac
--de la maladie de Madame la
Princesse de Conty
?
Ordonna
à Mr de Louvois de faire
partir les Officiers, & cependant
cc Prince , quine songe
pas moins a
-
remplir les aevoirsdeChrestien,
que ceux
de Roy, demanda au Pere de
la Chaise
,
s'il estoit Feste dar s
le Diocese de Soissons,& s'il y
avoit obligation pour ses Officiers
d'entendre la Messe, &
pour luy
3
d'assister à la Procession.
Le Pere de la Chaise
luy repondit, qu'il estoit obligé
d'entendre la Messe
) &
non d'aller à la Procession
mais que cependant il feroit
mieux que Sa Majesté rendist
ce devoir aux ordres de l'Egli[
e,quia étably la Procession
de l'Octave. Il n'en falut
pas davantage pour faire
ordonner qu'on cLft coniti-*
nuellement des Messes, ôc
quoy que les Cloches qui
font fort grosses, fussent
près de la Chambre du Roy,
parce que l'Eglise est dans
le Chasteau, ce PrinceVOUrllut
qu'on les sonnast toutes.
Il entendità huit heures
& demie une Messe,dite par
un Chapelain de quartier.
Cependant le Prieur accom*
pagné d'un Diacre,d'un Sous-
Diacre
,
de trois Enfans de
Choeur, dehuit choristes, &
de huit Chapiers tirez de la
Chapelle du Roy, se preparoit
dans la Sacristie. La Procession
commençasur les neuf
heures; on dit ensuite la
grand' Messe,& le Roy partit
pour aller dîner à Vieu-
Maison,quiappartient à Mr
Jacquier. Monsieur le Prince
quitta la Cour, pour se rendre
à Paris. On coucha ce jourlà
à la Ferté sur Joüare dans
le Diocese de Meaux.M l'Evesque
de Meaux s'y trouva
avec quelques Abbez, & ses
Aumôniers.Onchanta le Salut
en plein Chant à la Paroisse
, & la bénédiction y fut
donnée parcePrelat. Sa Majesté,
qu'une marche continuelle
n'a détournéed'aucune
des fonctions de piet
» dont Elle s'acquite avec in
zele si édifiant, termina ce
cette forte tOétave du S.
Sacrement. On dîna à Monceaux.
Mr de Gesvres, comme
Gouverneur du lieu >^vo-t
fait au Roy pendantledîner
un present defruits,de fleurs
& de Gibier, d'une rh-iiierç
tout-à-fait galante. On traversa
Meaux iar,fulr, , &
on alla coucher à Caye. Le
lendemain, Monseigneur entendit
la Messeà Versaillesà
six heuresdumatin,&priten
suite la Poste pour se rendre
à Livry
3
où l'on attendoit le
Roy. Il estoit accompagne
de Monsieur le Prince de
Conty, de Monsieur de
Vendosme 5Se.de plusieurs
Seigneurs de la Cour. Ils
y arriverent sur les dix
heures & demie. Monseigneur
changea d'habit, & aprés
avoir pris quelques
- rafraifchissemens,
ilalla au devant
de Sa Majesté, quiarriva
sur les onze heures & demie.
Le Chasteau de Livry est
depuis long - temps dans la
Maison de MrSanguin, Sa
situation est charmante
, &
dans le voisinage d'une Forest
tres-agreable,& tres- propre
pour la Chasse. On voit un
beau Jet d'eau dans le milieu
de la court. Le grand corps
de Logisest terminé de chaque
costé par un Pavillon,
dont l'un fait face au Jardin,
& à l'Orangerie. Le Parc qui
est au bout, répond sur le
grand chemin. Le Roy descendit
de Carosse à la grille
de ce Parc. Monseigneur l'y
receut accompagné des Princes
qui l'avoient suivy. Madame
Sanguin) Mcre de Mr
le Marquis de Livry. Mr l'Evesque
de Senlis Madame de
Livry, & quelques autres personnes
de la Famille, reeeurent
Sa Majesté à la porte du
Jard in. Elle les faliiaj& leur
parla avec cet air doux &majestueux
qui luygagne tous
les coeurs. On servit le dîné à
midydansl'anti-chambre du
Roy. Elleestoit richement
meublée, & tenduë. des belles
Tapisseries
,
dont le feu
Roy d'Angleterre fit present
à M de Bordeaux, Pere de
Madame Sanguin, lors qu'il
estoit AmbaOEadeurauprés de
ce Prince. Le Buffct estoit
dressé dans une Salle qui joint
l'antichambre. On ne peut
rien ajoutera la propreté,&
au bon ordre que Madame
Sanguin avoit mis par tout.
Les Appartenons estoientornezavecun
agrément admirable,
& que l'on remarque
dans tout ce qu'elle fait. Mr
l'Evesque-de Sentis &M de
Livry sirent les honneurs;
mais ce dernier ne laissa pas
d'exercer sa Charge de premier
Maistred'Hostel. On
servitenpoisson avec autant
d'ordre qu'il yeut de delicaft{
fe & d'abondance. Monseigneurmangea
avec le Roy.
Les Dames qui eurent l'honneur
d'estre àla Table de Sa
Majcfté> furent, Madame la
Duchesse, Madame d' Armar.
gnac, Madame de Maintenon,
Madame de GramoRÇ*
Madame Sanguin, Madame
de Livry, &: Mademoiselle
de Sourdis,qui ayant esté
élevée chez Madame Sanguin,
ne la quitte point de-
-
puis long-temps. Les Princes
quiavoient suivy Monseigneur,
furent servis à une
autre Table. Celle du Grand
Maistre fut servie après le
dîné du Roy. Sa Majesté se
retira dens sa chambre au
sortir de Table. Elle y demeura
quelque temps,& partit
ensuite
,
après avoir fait
de grandes honnestetez à Madame
Sanguin,à M deSenlis,
& à Madame de Livry
)
& leur avoir dit, qu'Elle
n'avoit point esté si bien traitée
dans tout le Voyage.
Quoy que toute la Famille ait
part à l'honneur de cette Feste,
on peut dire que Madame
Sanguin s'est attiré beaucoup
de louanges , & d'estime,&
qu'elle a réussi dans
:.tour ce que la Cour attendoit
d'elle. Ce n'est pas d'aujourd'huy
que la Famille de Bordeaux
s'estdistinguée dans
toutes les choies qui ont regardé
leRoyCePrince donna
ce jour-là à Mr deMassigny,
l'un de ses Ecuyers,cinq cens
écus de pension. Cette grace qui n'avoit point esté demandée,
tomba sur un Sujet
d'autant plus estimé de toute
la Cour, qu'on luy a toûjours
remarqué un grand attachement
pour la personne
de son Prince. Le Roypassa
l'aprésdînée dé fort bbnéfe
heure par Paris, au bruit des
acclamations du Peuple, &
se rendit à Versailles
)'
ou
Monsieur & Madamel'attendoient.
Sa Majesté trouva
en y arrivant un nombre
infiny de personnes de la première
qualite, qui s' y étoient
rendues pour la salüer à la
descente deson Carosse. Plufleurs
Conseillersd'Estat?
ôc Maistres des Requestes,
eurent aussi cet honneur.
Elle montaaussi-tost à 1Appartement
de Madame la
Dauphine, pour voir certç
Princesse, & se promena
ensuite à pied pendant quatre
heures dans les Jardins
deVerailles.Ellevisita tous
les Ouvrages nouveaux qu'on
y avoit faits pendant sen
absence
,
&vitunfort grand
nombre d'Orangersquc'?Elle
avoit donné ordre de placer
dans l'Orangerie, du nom- bre desquels estoit l'Oranger
nomméleBourbon
,
qu'on dit
avoirenviron cinq cens ans.
Une si longue promenade à
pied au-retour d'un Voyage,
donna beaucoup de joye à
toutela Cour, parcequ'elle
estoit une marque de la parfaite
santé du Roy. Le 8. M"
le Cardinal Nonce, les Ambassadeurs
, les Ministres des
Princes Souverains qui sont
icy , & la pluspart des Chefs
des Compagnies superieures,
se trouvèrent au lever de Sa
Majesté, & luy firent compliment
sur son heureux retour.
Jamais ce Prince nes'étoit
mieux porte, & n'avoit
paru de meilleuremine, quoy
que pendant le cours du
Voyage, il se fust toujours
exposé à la poussieres dont il
auroit pû se garantir, si sa
bonté ne l'eust porté à vouloir
satisfaire à l'empressement
que les Peuples de la
Campagne avoient de le voir,
sur tout après une maladie
quiavoit fait paroistre l'excès
de leur amour pour ce Prince.
Le jour iuivancJa foule
continua à son lever &: cc
Prince voyant sa santé parfaitement
rétablie) puifquc
les fatigues d'un long Voyage
ne l'avoient pu alterer ) recompensa
en grand Roy,ceux
à qui, après Dieu & les voeux
de ses Sujets, il en estoit redevable.
Il donna cent mille
francs à Mr Daquin son
premier Medecin
3 quatrevingt-
mille à M Fagon, premier
Medecin de la seuë
Reyne, en qui il a beaucoup
de confiance, & dont la reputation
est solidement établie,
&: cinquante mille écus
à MrFélix, son premier Chirurgien.
Quelque temps auparavant
, Sa Majesté avoit
donné une somme considerable
à M Bessiere, qui pane
pour le plus fameux Chirurgien
de Paris, & qui avoit
esté consulté dans le temps
du mej du Roy. Voilà de
grandes recompenses , mais
qu'auroiton pu moins. faire
pour des personnes ÎL qui la
francs estsi redevable) &- à
quil'Europedoitlafuite de
1a tranquillité dont elle
jouit ?
Le Roy après son retour
donna un magnifique repas
atou-tes-lesDamesquiavoient
esté du Voyage
Jpendant
lequel
les soins de Sa Majesté
leur ont épargné beaucoup
de fatigue, les divertissemens
s'esxant mesme trouvez par
coût ainsi qu'à Versailles;
mais quandily auroit eu des
peines à essuyer pour cc qui
s'appelle la Cour,leplaisir de
voir quelquefois le Itoy sans
estreaccomrpagoné de la foule qui l'environne toûjours à
Versailles
)
& d'avoir le bonheur
de luy parler plus facilement
lour des choses qu'on
ne pourroit trop payer,Jamais
Prince n'ayant paru si
charmant que ce Monarque,
lors qu'il veut bien avoir la
bonté de se dépoüiller de sa
grandeur, il ne se montre
point dans ces momens,qu'il
ne gagne autant de coeurs
qu'il s'attire d'admirateurs
par
~par les grandes actions. Mr
e Comte de Tolouse arriva
e 8. à Versailles
, & Madame
a Princesse de Conty le 11.
'un & l'autre dans une par-
:11tc faute
> ce qui donna
beaucoup de joye à toute la
Cour,dont ils font lecharme
, & deux des principaux
ornemens.
FI N.
Fermer
24
p. 329-330
AUTRE ENIGME.
Début :
De l'esprit & du corps j'entretiens l'embonpoint. [...]
Mots clefs :
Santé
25
p. 315-318
ENIGME
Début :
Je vous envoye une Enigme nouvelle dont l'Auteur cache / Il ne m'est point honteux d'estre petite, [...]
Mots clefs :
Petite vérole
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENIGME
Je vous envoye une Enigme
nouvelle dont l'Auteur cache
fon nom . Elle eft affez étendue
pour faciliter à vos Amies
la connoiffance du mot qu'elle
cache.
Dd ij
316 MERCURE
12.
ENIGME
L ne m'eft point honteux d'eftre
petite ,
Fen fuis plus innocente , & moins
Suspecte ; auffi
De mejuftifier on prend peu defoucy.
Quoy qu'ordinairement on craigne
ma vifite ,
e ne fais jamais rien qui bieffe la
pudeur.
Pourtant ma compagnie eft de manvaife
odeur,
Puis qu'elle fait rougir la plus honnefte
Fille.
Jay foulagé bien plus d'une Famille
;
Et l'on ne dira pas que je ne fers de
rien,
Car,fi les uns cedent àma puiffance
GALANT.
317
Par leur trop foible refiftance ,
A d'autres bien fouventje procure du
bien.
Ma puiffance en effet est bien grande
& bien forte.
Fe feme en bien des lieux, & ce n'eft
point en vain ;
Mais l'abondance de mon grain
Defole le champ qui le porte.
Dés la premiere impreffion
Que je fais fur un coeur , on voit
que la plus Belle
Se rend à ma difcretion
Et me met au lit avec elle,
Toujours avec émotion.
Elle me dorlote & mitonne ,
Pour me faire au plûtoft fortir,
Parce queje la fais pâtir
Par la peine que je luy donne.
L'air me porte, & partant fi je fuis
un fardeau ,
Dd iij
318 MERCURE
Ileft leger, puis que l'air le voiture
Je n'ay jamais appris ny Deffein , ny
Peinture >
Et ne fais vanité de crayon ny pinceau
,
Je me diftingue affez par la Graveure.
nouvelle dont l'Auteur cache
fon nom . Elle eft affez étendue
pour faciliter à vos Amies
la connoiffance du mot qu'elle
cache.
Dd ij
316 MERCURE
12.
ENIGME
L ne m'eft point honteux d'eftre
petite ,
Fen fuis plus innocente , & moins
Suspecte ; auffi
De mejuftifier on prend peu defoucy.
Quoy qu'ordinairement on craigne
ma vifite ,
e ne fais jamais rien qui bieffe la
pudeur.
Pourtant ma compagnie eft de manvaife
odeur,
Puis qu'elle fait rougir la plus honnefte
Fille.
Jay foulagé bien plus d'une Famille
;
Et l'on ne dira pas que je ne fers de
rien,
Car,fi les uns cedent àma puiffance
GALANT.
317
Par leur trop foible refiftance ,
A d'autres bien fouventje procure du
bien.
Ma puiffance en effet est bien grande
& bien forte.
Fe feme en bien des lieux, & ce n'eft
point en vain ;
Mais l'abondance de mon grain
Defole le champ qui le porte.
Dés la premiere impreffion
Que je fais fur un coeur , on voit
que la plus Belle
Se rend à ma difcretion
Et me met au lit avec elle,
Toujours avec émotion.
Elle me dorlote & mitonne ,
Pour me faire au plûtoft fortir,
Parce queje la fais pâtir
Par la peine que je luy donne.
L'air me porte, & partant fi je fuis
un fardeau ,
Dd iij
318 MERCURE
Ileft leger, puis que l'air le voiture
Je n'ay jamais appris ny Deffein , ny
Peinture >
Et ne fais vanité de crayon ny pinceau
,
Je me diftingue affez par la Graveure.
Fermer
28
p. 25-35
EPITRE DE MADAME DES HOULIERES, A LA GOUTTE.
Début :
L'Illustre Madame des Houlieres qui ne suit jamais / Fille des plaisirs, triste Goutte, [...]
Mots clefs :
Goutte, Santé, Louis, Guerriers, Héros, Camp de Namur, Ennemis, Plaisir, Victorieux, Espérance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE DE MADAME DES HOULIERES, A LA GOUTTE.
L'Illuftre Madame
S
des
Houlieres qui ne fuit jamais
la route commune & qui
donne toujours fujet d'admirer le furprenant & rare talent qu'elle a pour les Vers,
a trouvé un tour ingenieux
pour peindre les alarmes que
nous caufe l'intrepidité qui
porte le Roy à méprifer le
peril. Vous en conviendrez
quand vous aurez leu l'Ouvrage qui fuit.
Aoust 1692.
26 MERCURE
222252555222 22252
E PITRE
DE MADAME
DES HOULIERES,
A LA GOUTTE.
FIlle des plaifirs , trifte Goutte,
Qu'ondit que la Richeſſe accompagne
toujours,
Vous que jamais on ne redoute
Quandfous un toit ruftiqueon voit
couler fesjours ;
Je ne viens pas icy pleine d'impa- tience ,
Effayerpar des vœux d'ordinaire impuiffans,
GALANT. 27
D'adoucir voftre violence.
Goutte, le croirez- vous ? C'est par
reconnoiffance
Queje vous offre de l'encens
2
De cette nouveauté vous paroissez
charmée.
Faite pour n'infpirer que de durs
fentimens,
A de tendres remercimens .
Vous n'eftespas accoutumée.
Commencez à goûter cequ'ils ont de
douceurs.
Qu'on vous rende par tout defu
prêmes honneurs;
Qu'en bronze, qu'en marbre on
vous voye
Triomphante de la Santé
Rétablir dans nos cœurs le repos
la
joye.
شیخ
Acombien deperils LOVIS feroit em
(proye
Cij
28 MERCURE
Si vous n'aviez pas mis fesjours en
feureté !
2
Toutce qu'affrontoitfon courage
Enforçant deNamur les orgueilleux
Rampars ,
Peignoit l'effroy fur le vifage
Desgenereux Guerriers dont ce Heros
partage
Les penibles travaux , les glorieux
hazards.
Dans la crainte de luy déplaire
On n'ofoit condamnerfon ardeur témeraire,
Bien qu'elle puft nous mettre au comble du malheur.
Aforce de refpect on devenoit coupable.
Vous feule, Goutte fecourable,
Avez ofé donner un frein à favaleur.
GALANT. 29
2
Helas ! qui l'auroit dit , à voir
couler nos larmes
Dans ce temps que la paix confacroit
au repos ,
Où de vivesdouleurs attaquoient ce
Heros ,
Quefes maux quelque jourauroient'
pour nous des charmes?
Mais quel bruit quelle voix fe répard
dans les airs?
Quoy done , Meffagere inviſible
De tout ce qui fe fait dans ce vafte
Univers,
Auprés du grand Roy que tu fers
On voit couler le fang ! Evenement
terrible !
Quelle idée offrez- vous à mon cœur
agité?
Sur l'excés de valeur &d'intrepidité,
Plufieurs perfonnes bleffées auprés du Roy.
Cij
30 MERCURE
Ce Heros fera-t-il toujours incorrigi
ble?
28
Vousn'avez pas affez duré,
Goutte , dont j'eftois fi contente,,
Vous trompez ma plus douce attente ,
Vous en quij'efperois , &quej'avois
juré
De celebrer un jour par quelquegrandefefte ( Tefte ,
Si pour nous conferver une fi chere
Dansle Campde Namur vous aviez
mesuré
Vostre durée à fa conquefte.
S
Ab! que ne laiffe-t-il à son augufte
Fils
Dompterde mortels Ennemis
Fameuxpar leur rang, par leur.
nombre
GALANT. 31
Mais qu'à fuivre fon char le Ciel a
condamnez!
Qu'ilne nous quitte plus , qu'ilje
repose à l'ombre
Des Lauriers qu'il a moiffonnez.
N'eft-ilpoint las de wainore ? & ne
doit- il pas croire
Quefon nompour durertoujours
N'a plus affaire dufecours
De quelque nouvelle Victoire ?
Ces Grecs & ces Romains fi vantez
dans l'Hiftoire
Ont fauvé leurs noms du trépas
Par des faits moins brillans , moins
dignes de memoire.
Affreuse avidité degloire !
La fienne efface tout, & ne luyfuffit
pas.
S
De tant de Nations la chere & vaine
Idole
Cilj
32 MERCURE
Naffau , par plus d'un crime en Mo
narque érigé,
Dés qu'il fçait Namur affiegés
Fremit , raffemble tout, & vers la
Sambre vole ,
A voir fi prés de nous floter fes Etendars..
A quelque noble effort qui n'auroit
du s'attendre?
Mais toutfçavant qu'il eft dans le
Métier de Mars ,
Ilfemble n'eftre enfin venu que pour
apprendre
Le grand Art de forcer une Place à
Se rendresses
E1 pour fes Alliez toujours remply
d'égards ,
Lancerfur noftre Camp de menaçans.
regards ,
Eft tout ce qu'il ofe entreprendre.
GALANT.
33
2
Tout ce qui justifie &nourrit les terreurs ,
་
L'Art , la Nature, cent mille hommes ,
Et ce que l'byver a d'horreurs ;
Malgré lafaifon où nous fommess
Auront vainement entrepris
De rendre Namur imprenable,
Quand Louis l'attaque, il eftpris,
Etces amas de Rois que fa puiſſance
accable ,
Eft la Montagne de la Fable,
Quide l'attention fait passer au mépris.
2
Non, je ne mefuis point trompée,
Je voy courirle Peuple , & je lis dans
fesyeux
Que LOVIS eft victorieux.
Macrainte pourfa vie est enfindiffi
pée,
34 MERCURE
Etje n'afpire plus qu'à revoir dans
ces lieux
Ce Heros dont mon ame est toujours
occupée.
Goutte , qu'on vit trop toft finir ,
Et dontje viens d'avoir l'audace de
me plaindre
Puis que pour ce Vainqueur on n'a
plus rien à craindre,
Gardez-vous bien de revenir.
2.
Ne le dérobez point à noftre impatience.
Lors qu'il eft éloigné de nous
Tout est enfevely dans un morne fi- lence ,
Et le foible plaifir que donne l'efpe
rance,
Eft le feul plaifir qnifoit doux.
Mais , Goutte, s'il eft vray ce qu'on
nous ditfans ceffe ,
GALANT: 35
Que jusqu'à l'extrême vieillefe
Fous conduisez les jours lors que
vous ne venez
Qu'aprésqu'on apaßéhuitLuftres,
Pour des jours précieux , &toujours´
fortunez
Fours quifont tous marquezpar quelquesfaits illuftres ,
Quelle esperance vous donnez !
S
des
Houlieres qui ne fuit jamais
la route commune & qui
donne toujours fujet d'admirer le furprenant & rare talent qu'elle a pour les Vers,
a trouvé un tour ingenieux
pour peindre les alarmes que
nous caufe l'intrepidité qui
porte le Roy à méprifer le
peril. Vous en conviendrez
quand vous aurez leu l'Ouvrage qui fuit.
Aoust 1692.
26 MERCURE
222252555222 22252
E PITRE
DE MADAME
DES HOULIERES,
A LA GOUTTE.
FIlle des plaifirs , trifte Goutte,
Qu'ondit que la Richeſſe accompagne
toujours,
Vous que jamais on ne redoute
Quandfous un toit ruftiqueon voit
couler fesjours ;
Je ne viens pas icy pleine d'impa- tience ,
Effayerpar des vœux d'ordinaire impuiffans,
GALANT. 27
D'adoucir voftre violence.
Goutte, le croirez- vous ? C'est par
reconnoiffance
Queje vous offre de l'encens
2
De cette nouveauté vous paroissez
charmée.
Faite pour n'infpirer que de durs
fentimens,
A de tendres remercimens .
Vous n'eftespas accoutumée.
Commencez à goûter cequ'ils ont de
douceurs.
Qu'on vous rende par tout defu
prêmes honneurs;
Qu'en bronze, qu'en marbre on
vous voye
Triomphante de la Santé
Rétablir dans nos cœurs le repos
la
joye.
شیخ
Acombien deperils LOVIS feroit em
(proye
Cij
28 MERCURE
Si vous n'aviez pas mis fesjours en
feureté !
2
Toutce qu'affrontoitfon courage
Enforçant deNamur les orgueilleux
Rampars ,
Peignoit l'effroy fur le vifage
Desgenereux Guerriers dont ce Heros
partage
Les penibles travaux , les glorieux
hazards.
Dans la crainte de luy déplaire
On n'ofoit condamnerfon ardeur témeraire,
Bien qu'elle puft nous mettre au comble du malheur.
Aforce de refpect on devenoit coupable.
Vous feule, Goutte fecourable,
Avez ofé donner un frein à favaleur.
GALANT. 29
2
Helas ! qui l'auroit dit , à voir
couler nos larmes
Dans ce temps que la paix confacroit
au repos ,
Où de vivesdouleurs attaquoient ce
Heros ,
Quefes maux quelque jourauroient'
pour nous des charmes?
Mais quel bruit quelle voix fe répard
dans les airs?
Quoy done , Meffagere inviſible
De tout ce qui fe fait dans ce vafte
Univers,
Auprés du grand Roy que tu fers
On voit couler le fang ! Evenement
terrible !
Quelle idée offrez- vous à mon cœur
agité?
Sur l'excés de valeur &d'intrepidité,
Plufieurs perfonnes bleffées auprés du Roy.
Cij
30 MERCURE
Ce Heros fera-t-il toujours incorrigi
ble?
28
Vousn'avez pas affez duré,
Goutte , dont j'eftois fi contente,,
Vous trompez ma plus douce attente ,
Vous en quij'efperois , &quej'avois
juré
De celebrer un jour par quelquegrandefefte ( Tefte ,
Si pour nous conferver une fi chere
Dansle Campde Namur vous aviez
mesuré
Vostre durée à fa conquefte.
S
Ab! que ne laiffe-t-il à son augufte
Fils
Dompterde mortels Ennemis
Fameuxpar leur rang, par leur.
nombre
GALANT. 31
Mais qu'à fuivre fon char le Ciel a
condamnez!
Qu'ilne nous quitte plus , qu'ilje
repose à l'ombre
Des Lauriers qu'il a moiffonnez.
N'eft-ilpoint las de wainore ? & ne
doit- il pas croire
Quefon nompour durertoujours
N'a plus affaire dufecours
De quelque nouvelle Victoire ?
Ces Grecs & ces Romains fi vantez
dans l'Hiftoire
Ont fauvé leurs noms du trépas
Par des faits moins brillans , moins
dignes de memoire.
Affreuse avidité degloire !
La fienne efface tout, & ne luyfuffit
pas.
S
De tant de Nations la chere & vaine
Idole
Cilj
32 MERCURE
Naffau , par plus d'un crime en Mo
narque érigé,
Dés qu'il fçait Namur affiegés
Fremit , raffemble tout, & vers la
Sambre vole ,
A voir fi prés de nous floter fes Etendars..
A quelque noble effort qui n'auroit
du s'attendre?
Mais toutfçavant qu'il eft dans le
Métier de Mars ,
Ilfemble n'eftre enfin venu que pour
apprendre
Le grand Art de forcer une Place à
Se rendresses
E1 pour fes Alliez toujours remply
d'égards ,
Lancerfur noftre Camp de menaçans.
regards ,
Eft tout ce qu'il ofe entreprendre.
GALANT.
33
2
Tout ce qui justifie &nourrit les terreurs ,
་
L'Art , la Nature, cent mille hommes ,
Et ce que l'byver a d'horreurs ;
Malgré lafaifon où nous fommess
Auront vainement entrepris
De rendre Namur imprenable,
Quand Louis l'attaque, il eftpris,
Etces amas de Rois que fa puiſſance
accable ,
Eft la Montagne de la Fable,
Quide l'attention fait passer au mépris.
2
Non, je ne mefuis point trompée,
Je voy courirle Peuple , & je lis dans
fesyeux
Que LOVIS eft victorieux.
Macrainte pourfa vie est enfindiffi
pée,
34 MERCURE
Etje n'afpire plus qu'à revoir dans
ces lieux
Ce Heros dont mon ame est toujours
occupée.
Goutte , qu'on vit trop toft finir ,
Et dontje viens d'avoir l'audace de
me plaindre
Puis que pour ce Vainqueur on n'a
plus rien à craindre,
Gardez-vous bien de revenir.
2.
Ne le dérobez point à noftre impatience.
Lors qu'il eft éloigné de nous
Tout est enfevely dans un morne fi- lence ,
Et le foible plaifir que donne l'efpe
rance,
Eft le feul plaifir qnifoit doux.
Mais , Goutte, s'il eft vray ce qu'on
nous ditfans ceffe ,
GALANT: 35
Que jusqu'à l'extrême vieillefe
Fous conduisez les jours lors que
vous ne venez
Qu'aprésqu'on apaßéhuitLuftres,
Pour des jours précieux , &toujours´
fortunez
Fours quifont tous marquezpar quelquesfaits illuftres ,
Quelle esperance vous donnez !
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Résumé : EPITRE DE MADAME DES HOULIERES, A LA GOUTTE.
Le poème est dédié à Madame des Houlières et célèbre son talent poétique ainsi que son courage face aux dangers auxquels le roi Louis XIV est confronté. Il commence par louer Madame des Houlières pour son génie et sa bravoure, soulignant les périls que le roi affronte, notamment lors du siège de Namur. Le texte exprime une admiration profonde pour l'intrépidité du roi malgré les risques qu'il encourt. Le poème aborde également la maladie du roi, la 'Goutte', et exprime le souhait qu'elle ne revienne pas afin de permettre au roi de poursuivre ses exploits militaires. La 'Goutte' est personnifiée et implorée de ne pas revenir, afin que le roi puisse rester en bonne santé et continuer à triompher sur le champ de bataille. Le texte se termine par une expression d'espoir que la 'Goutte' ne revienne jamais, permettant ainsi au roi de rester victorieux et d'inspirer admiration et respect.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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33
p. 153-175
DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Début :
Les hommes sont attaquez de tant de differentes maladiesqui leur font quitter ce monde [...]
Mots clefs :
Goutte, Dissertation, Rhumatisme, Sang, Jointures, Corps, Esprit, Chaleur, Douleurs, Tendons
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Les hommes font attaquez
de tant de differentes maladies
qui leur font quitter ce monde
avant que d'atteindre à l'âge
où ils pourroient parvenir fans
leurs infirmitez , il ne faut. pas
s'eftonner s'il fe trouve tant
de perfonnes qui travaillent à
chercher des remedes pour la
guerifon des differentes maladies dont les hommes font attaquez. L'Auteur de la Piece
que vous allez lire eft de ce
nombre.
15 4 MERCURE
DISSERTATION SUR
la Goutte &le Rhumatiſme,
faite par Mr Dumont, Chi
rurgien Juré d'Auch.
>
*
Il y a des Auteurs fameux,
qui pretendent que la pituite e
les ferofitez acres , qui fe feparent
des humeurs par le tiffu des
parties membraneufes & glandu
leufes , font la caufe de la Gouite
& du Rhumatifme , lesquelles
s'épanchant fur l'habitude di
corps , deviennent la fource feconde des douleurs arthritiques &
rhumatiques , procedant du vice
CALANT 155
des filtrations , ordinairement
de celles qui fe font dans la tefte,
appellée pour ce fujet , la ſource
des maladies.
Cependant lefentiment le plus
fuivi eft , que le fang chargédes
fels acides , & des fels acres , épanchez hors des routes de la circulation , par les extrémitez , ou
par les pores de plus petites arteres dans les jointures ; auquel lieu,
ils ne peuventplus eftre repris par
les veines, ou diffipez , il forme
la matiere de la goutre par le dérangement es le mélange difproportionné de fes principes , & par
te relâchement des parties. C'eft
156 MERCURE
donc uniquement dans le vice, &
dans la conftitution dépravée du
fang, qu'ilfaut chercher lafource le levain de la goutte &
du rhumatisme de forte qu'on
n'en peut attendre la guerifon
`vant qu'on n'ait reftablyſa tiffure , & redonné de l'élasticité aux
parties , en renouvellant tout le
fiftême dufang, & en lefaiſant
changer de nature.
*
aSur ce principe , il eft aifé de
s'imaginer que ces fels acides
acres , extravafez par voye d'épanchement , fe gliffent entre les
membranes , qui enveloppent les
mufcles , jufques à ce qu'ilsfoient
GALANT 157
onduits par la circulation dans
les parties membraneufes , vers
les tendons ligamens des jointures , où ils trouvent des cavitez
qui les arreftent , dont il refte
tres-fouvent au fonds une espece
de marc ou de vafe , en forme de
plâtre, ou defel , qui forme des
concretions des nœuds prefque
indiffolubles , par la coagulation
de leur fynovie , jusques ày con- tracter avec le temps la fermeté
de la pierre ; c'eſt- là le levain
qui occafionne la rechûte & le
retour periodique de la goutte
nouée , dans le temps que ces fels.
viennent à fe fermenter.
158 MERCURE
estes Il eft vray de dire , que
felsacides & acres s'arreſtent fuivant leur determination dans les
jointures , &dans les parties qui
les touchent , & qu'ils y caufent
des irritations des divulfions
douloureufes ; ils piquent &
ébranlent les filers membraneux
nerveuxqui en derivent ; ils
compriment & preffent les tendons , les ligamens , les aiffeaux
fanguins , les vaiffeaux lympha
tiques, & les tuyaux excreteurs ;
parce moyen troublent &empêchent la circulation dufang, &
confequemment le cours des efprits
animaux; &par là ils entretien
GALANT 159
de
ment une fenfation douloureuse
pendant tout le cours de la maladienab sonnets
Le rhumatiſme eſt une espece
goutte vague , par diftinction
de la gouttefixe , qui a fon fiege
precifement dans les jointures &
articulations des parties , au lieu
que la vague afflige tout le corps;
c'est à-dire les espaces entre les articles , les mufcles , leurs membranes , toute l'habitude , avec
une douleur cruelle , faifant fentir des élancemens indifferemment
le long des parties , tantoft dans
l'un des bras , tantoft dans l'autre,
commefi ces douleurs eftoienc er
160 MERCURE
rantes , la caufe de cette goutte
vague eftant uneferofité empreinte d'un nîtrefulfureux, qui abonde dans la maffe du fang, qui eft
d'une grande acrimonie , fouvent
accompagnée de vents ; il faut que
cette ferofitéfoit telle , puiſqu'elle
fe faitfentir par des chaleurs
par des piqueures douloureufes
"dans les parties , les chaleurs venant du fouffre , & les piqueures
procedant dufel.
la
Le rhumatifme nediffere d'avec
goutte que par fon eſtenduë ;
car la goutte s'infinue dans les
parties des articles , où les os emboitezlaiffentquelque eſpace vui-
GALANT 161
de , au lieu que le rhumatisme eft
comme un débordement qui fe répandfurtoute l'habitude du corps,
oufur quelque partie en particulier ; de maniere que cette ferofité
demeure quelquefois engagée entre
lesparties membranenfes & mufculeufes , vers le milieu des membres; mais lorsqu'elle coule le long
des tendons des ligamens, elle
fe jette dans les jointures, & par
fon explosion caufe , ou le rhumatifme qui fe termine fouvent
par la goutte , ou la goutte qui fe
change fouvent en rhumatifme..
Il n'y a point de doute que
l'acide ne foit l'ennemy juré du
Janvier 1710.
162 MERCURE
de toutes les genre nerveux , &
parties du corps , excepté l'eſtomac,
felon Vanhelmont, en digriffant
trop la male du fang, & luy
donnant trop de confiftance & de
groffiereté ; de forte que la circulation devenant plus difficile &
plus lente , le fang imprime aux
parties folides un caractere qui
affoiblit toutes leurs actions ; de
maniere que les efprits animaux
ทุกขอ
font comme engourdis noyez
dans les humeurs , dont les couloirs fontfarcis ; de forte que les
recremens du fang nagent & cir
culent avec luy dans les parties,
&deviennent les femences fecon-
GALANT 153
des de la goutte & du rhumatifme, par la feparation des parties
fereufes du fang, d'avec les fibrenfes & par la vapidité er
appan vriffement des liqueurs, e
des parties balfamiques &Spiri
tueuses du fang
Cela eftant fuppose & fondé,
je fuisfürdes experiences conftantesaverées ; &jofe dire, que
le plus für moyende combattre la
matiere de la goutte , eſt la voye
des urines de la tranfpiration,
procuréepar l'Or Diaphoretique
horizontal ( que j'ay composé:)
car enfin , fi dans la tranſpiration
naturelle , les épanchemens des
&
Ŏ ij
164 MERCUDE
eſt
il
fels acides & acres dans les jointures, fe confument d'eux memes
par leur ardeur propre , &parle
nouveau degré de chaleur qu'ils
reçoivent de l'obſtruction , en s'évaporant à travers les pores ,
eft à prefumer raifonnablement,
que la tranfpiration artificielle ferad'un tres-puiffantfecours ; &
comme la chaleur naturelle de ceux
quifont avancez en âge, qui va
toûjours en s'affaibliſſant, ne peut
pas faire entierement tranfpirer
la matiere qui s'amaffe dans les
jointures , les nerfs, les tendons
les ligamens continuellement
imbiber fe relâchent , & con-
GALANT 165
tractant une foibleffe qui augmen
res
fure
que la
douleur
diminues Enfin , lorsque les atteinres de la gouttefefont multipliées,
les vaiffeaux tant de fois décolez , obeiffent à la moindre effufion ; deforte que ces ferofitezfe
forment un paffage libre, jufques
aux articles , qui s'élargit toûjours , nefe bouchejamais ; ce
quifait que lagoutte devient plus
cruelle , à mesure qu'elle vieillit,
prend toutefaforce de la va
l'appauvriffement du مریم pidité de
fang, & de la foibleffe des levains digeftifs, & durelâchement
des partiesfibreufes ; ce qui donne
166 MERCURE
occasion à une espece de crudité
dans les humeurs. Les perfonnes
neanmoins avancées en age , ne
doivent pas defefperer de voirfou
vent foulager , quelquefois
guerir à fonds lears maux, comme je l'ay experimenté fur un
homme feptuagenaire , travaillé
de la goutte, & furplufieurs autres de tous ages , dont les uns
eftoient attaquezde lagoutte , &
les autres d'un rhumatisme chronique e inveteré.
L'experience en effet , prouve
sous les jours , qu'il eft des perfonnesfexagenaires, qui ont leurs
fermens vigoureux , le tonus des
GALANT 167
parties ferme la riffure du
9.
fangrobufte. Cependantj'avouë,
que la goutte nouée ne cedera pas
toujours à ce remede , mais elle
deviendra moins frequente
moins cruelle c'est toujours un
grand bien d'eftre foulagé d'un
mal, dont on ne peut entierement
guerir , qu'en tacbant de corriger
de rectifier la crudité outrée
des humeurs, & deprimerl'exal
tation de l'acide , de lalymphe, du
fuc pancreatique & de la bile,
qui prend toutefa force de l'aigre
avec lequel elle fermente ; car
l'exaltation de ces liqueurs ne
vient quepar un trop long fe-
168 MERCURE
jour qu'elles ont fait dans les filtres , fou par le relâchement des
fibres deſtinées à en faire l'expreffion , foit enfin par le vice des
fermens qui fixent le fang ; c'eft
de cette crudité que naiffent dans
les premieres voyes , &dans le
fang mefme, tous les fels étrangers , qui occafionnent des attaques fi frequentes de la goutte &
du rhumatisme.
Nous voyons au contraire, que
les jeunes gens , &fur tout les
enfans , trouvent une heureuſe
exemption dans lajufteffe de leur
temperament, qui n'a fouffert encore aucune attaque , parce que
leurs
GALANT 169
leurs vaiffeaux toujours également remplis , eftant étroitement
inferez les uns dans les autres , la
ferofité ne trouve aucune iffuë.
pour s'extravafer, ou s'il s'en
échape quelques gouttes , les muf
cles joints & ferrez entr'eux
leur refuſent le paſſage ; ellesfont
plutoft diffipées par la tranſpiration , qu'elles ne font arrivées aux
jointures ; car dans le bel âge , le
fang eft riche en efprits , les fermens font vigoureux , & dans
lequel les Parties ont tout leur
tonus ; enfin s'il arrive alors quelque defordre dans le Systême du
Jang, & qu'il faffe quelque im
Janvier 1710.
P
170 MERCURE
la
preffion mauvaife fur les Parties,
la nature fe fert heureufement de
fes efprits qui rayonnent dans les
liqueurs , pour en chaffer ce qu'il
y a de fucsfalins étrangers dans
la maffe , qui en troublent l'aco
nomie , &déconcertent pour ainfi
dire la machine; c'est pourquoy
fuppreffion de l'infenfible tranfpiration , produit une infinité de maladies , tant aigues que chroniques ; car ce quife diffipe ordinairement de nos corps , foit par le
paffage de la matierefubtile , qui
en détache continuellement quelques parties , ou par les filtrations
des glandes cutanées , & tuyaux
GALANT 171
excreteurs , eft bienfenfible, puifque Sanctorius prétend qu'ilfurpaffe quinze fois le volume des
autres excretions.
Il faut donc fuivant mon ſyſftême de pratique , pour guerir la
goutte & le rhumatisme , fefervir de la voye d'attenuer les humeurs afin qu'en leur donnant
plus defluidité, elles puiffent ai
fementfe débaraffer, ou pour entrer dans la maffe dufang& fuivrefon cours ; ou enfin pour fe
perdre par l'infenfible tranfpiration ; ce qui s'obtiendra par des remedes fondans , diuretiques , dépurans abforbans , diaphorePij
172 MERCURE
tiques , pour combattre la goutte
&lerbumatisme ; enfin l'or dia
phoretique horisontal renferme
enfoy ces cinq qualitez , &par
confequent c'est un remede fpecifi
que a ces maux.
la
Onpeut dont conclurrefuivant
les Anciens &les Modernes , que
a goutte vient par le vice de l'eftomac , d'où s'enfuit une digeftion
aigrie & alterée , le chile devient
groffier , & acide en forte que
d'un chile aigri , il ne peut eftre
produit qu'un fang empreint de
particules acides , lesquelles eftant
portées aux articles , &ne pou
vant eftre digerées & évacuées
ر
GALANT 173
par les efprits fixes de ces parties ,
deviennent plus acides par le fejour qu'elles y font , & caufent
les douleurs de la goutte : ainfi la
veritable indication , pourla guerifonde cette maladie , eft de fortifier l'eftomach , d'en abforber l'acide , & diffiper l'humeur qui eft
dans lapartie; l'or diaphoretique,
horifontal, corrige repare ce défaut, ranime e rectifie leferment
digeftif de l'eftomach , affaifonne
le chile , proportionne les coctions
donne de lafluidité auxfucs , rend
·les couloirs libres , refout les craf
fes du fyftême des nerfs & des
Piij
174 MERCURE
glandes , fournit aufang des
parties huileufes , balfamiques &
Spirituenfes , afin qu'il reprenne
fa premierepureté, &fapremiere
-force.
Il est certain que j'aydonné de
ce remede à un grand nombre de
perfonnes de tous âges dans laplus
grande rigueur de l'Hiver, &
dans la plus grande chaleur
l'Efté , fans que l'ufage de ce remede ait caufeplus d'émotion , ny
de chaleur , quefi l'on n'avoit rien
pris. L'or diaphoretique horizontal n'eftpasfeulement un fpecifique pour la goutte , mais encorepour les maladies chroniques
GALANT 175
rebelles , dont la miffe du fang
eft tout à fait dérangée fuivant
les experiences que j'en ay faites
tant à Paris qu'en Province.
M³ Dumont , donnera à ceux
qui l'iront voir , des preuves
convaincantes , des heureufes
experiences qu'il a faites . Je
vous ay déja envoyé plufieurs
de fes Ouvrages dont les Journaux des Sçavans ont avantageufement parlé. Il loge au
Grand Turc , rue de la Huchette.
de tant de differentes maladies
qui leur font quitter ce monde
avant que d'atteindre à l'âge
où ils pourroient parvenir fans
leurs infirmitez , il ne faut. pas
s'eftonner s'il fe trouve tant
de perfonnes qui travaillent à
chercher des remedes pour la
guerifon des differentes maladies dont les hommes font attaquez. L'Auteur de la Piece
que vous allez lire eft de ce
nombre.
15 4 MERCURE
DISSERTATION SUR
la Goutte &le Rhumatiſme,
faite par Mr Dumont, Chi
rurgien Juré d'Auch.
>
*
Il y a des Auteurs fameux,
qui pretendent que la pituite e
les ferofitez acres , qui fe feparent
des humeurs par le tiffu des
parties membraneufes & glandu
leufes , font la caufe de la Gouite
& du Rhumatifme , lesquelles
s'épanchant fur l'habitude di
corps , deviennent la fource feconde des douleurs arthritiques &
rhumatiques , procedant du vice
CALANT 155
des filtrations , ordinairement
de celles qui fe font dans la tefte,
appellée pour ce fujet , la ſource
des maladies.
Cependant lefentiment le plus
fuivi eft , que le fang chargédes
fels acides , & des fels acres , épanchez hors des routes de la circulation , par les extrémitez , ou
par les pores de plus petites arteres dans les jointures ; auquel lieu,
ils ne peuventplus eftre repris par
les veines, ou diffipez , il forme
la matiere de la goutre par le dérangement es le mélange difproportionné de fes principes , & par
te relâchement des parties. C'eft
156 MERCURE
donc uniquement dans le vice, &
dans la conftitution dépravée du
fang, qu'ilfaut chercher lafource le levain de la goutte &
du rhumatisme de forte qu'on
n'en peut attendre la guerifon
`vant qu'on n'ait reftablyſa tiffure , & redonné de l'élasticité aux
parties , en renouvellant tout le
fiftême dufang, & en lefaiſant
changer de nature.
*
aSur ce principe , il eft aifé de
s'imaginer que ces fels acides
acres , extravafez par voye d'épanchement , fe gliffent entre les
membranes , qui enveloppent les
mufcles , jufques à ce qu'ilsfoient
GALANT 157
onduits par la circulation dans
les parties membraneufes , vers
les tendons ligamens des jointures , où ils trouvent des cavitez
qui les arreftent , dont il refte
tres-fouvent au fonds une espece
de marc ou de vafe , en forme de
plâtre, ou defel , qui forme des
concretions des nœuds prefque
indiffolubles , par la coagulation
de leur fynovie , jusques ày con- tracter avec le temps la fermeté
de la pierre ; c'eſt- là le levain
qui occafionne la rechûte & le
retour periodique de la goutte
nouée , dans le temps que ces fels.
viennent à fe fermenter.
158 MERCURE
estes Il eft vray de dire , que
felsacides & acres s'arreſtent fuivant leur determination dans les
jointures , &dans les parties qui
les touchent , & qu'ils y caufent
des irritations des divulfions
douloureufes ; ils piquent &
ébranlent les filers membraneux
nerveuxqui en derivent ; ils
compriment & preffent les tendons , les ligamens , les aiffeaux
fanguins , les vaiffeaux lympha
tiques, & les tuyaux excreteurs ;
parce moyen troublent &empêchent la circulation dufang, &
confequemment le cours des efprits
animaux; &par là ils entretien
GALANT 159
de
ment une fenfation douloureuse
pendant tout le cours de la maladienab sonnets
Le rhumatiſme eſt une espece
goutte vague , par diftinction
de la gouttefixe , qui a fon fiege
precifement dans les jointures &
articulations des parties , au lieu
que la vague afflige tout le corps;
c'est à-dire les espaces entre les articles , les mufcles , leurs membranes , toute l'habitude , avec
une douleur cruelle , faifant fentir des élancemens indifferemment
le long des parties , tantoft dans
l'un des bras , tantoft dans l'autre,
commefi ces douleurs eftoienc er
160 MERCURE
rantes , la caufe de cette goutte
vague eftant uneferofité empreinte d'un nîtrefulfureux, qui abonde dans la maffe du fang, qui eft
d'une grande acrimonie , fouvent
accompagnée de vents ; il faut que
cette ferofitéfoit telle , puiſqu'elle
fe faitfentir par des chaleurs
par des piqueures douloureufes
"dans les parties , les chaleurs venant du fouffre , & les piqueures
procedant dufel.
la
Le rhumatifme nediffere d'avec
goutte que par fon eſtenduë ;
car la goutte s'infinue dans les
parties des articles , où les os emboitezlaiffentquelque eſpace vui-
GALANT 161
de , au lieu que le rhumatisme eft
comme un débordement qui fe répandfurtoute l'habitude du corps,
oufur quelque partie en particulier ; de maniere que cette ferofité
demeure quelquefois engagée entre
lesparties membranenfes & mufculeufes , vers le milieu des membres; mais lorsqu'elle coule le long
des tendons des ligamens, elle
fe jette dans les jointures, & par
fon explosion caufe , ou le rhumatifme qui fe termine fouvent
par la goutte , ou la goutte qui fe
change fouvent en rhumatifme..
Il n'y a point de doute que
l'acide ne foit l'ennemy juré du
Janvier 1710.
162 MERCURE
de toutes les genre nerveux , &
parties du corps , excepté l'eſtomac,
felon Vanhelmont, en digriffant
trop la male du fang, & luy
donnant trop de confiftance & de
groffiereté ; de forte que la circulation devenant plus difficile &
plus lente , le fang imprime aux
parties folides un caractere qui
affoiblit toutes leurs actions ; de
maniere que les efprits animaux
ทุกขอ
font comme engourdis noyez
dans les humeurs , dont les couloirs fontfarcis ; de forte que les
recremens du fang nagent & cir
culent avec luy dans les parties,
&deviennent les femences fecon-
GALANT 153
des de la goutte & du rhumatifme, par la feparation des parties
fereufes du fang, d'avec les fibrenfes & par la vapidité er
appan vriffement des liqueurs, e
des parties balfamiques &Spiri
tueuses du fang
Cela eftant fuppose & fondé,
je fuisfürdes experiences conftantesaverées ; &jofe dire, que
le plus für moyende combattre la
matiere de la goutte , eſt la voye
des urines de la tranfpiration,
procuréepar l'Or Diaphoretique
horizontal ( que j'ay composé:)
car enfin , fi dans la tranſpiration
naturelle , les épanchemens des
&
Ŏ ij
164 MERCUDE
eſt
il
fels acides & acres dans les jointures, fe confument d'eux memes
par leur ardeur propre , &parle
nouveau degré de chaleur qu'ils
reçoivent de l'obſtruction , en s'évaporant à travers les pores ,
eft à prefumer raifonnablement,
que la tranfpiration artificielle ferad'un tres-puiffantfecours ; &
comme la chaleur naturelle de ceux
quifont avancez en âge, qui va
toûjours en s'affaibliſſant, ne peut
pas faire entierement tranfpirer
la matiere qui s'amaffe dans les
jointures , les nerfs, les tendons
les ligamens continuellement
imbiber fe relâchent , & con-
GALANT 165
tractant une foibleffe qui augmen
res
fure
que la
douleur
diminues Enfin , lorsque les atteinres de la gouttefefont multipliées,
les vaiffeaux tant de fois décolez , obeiffent à la moindre effufion ; deforte que ces ferofitezfe
forment un paffage libre, jufques
aux articles , qui s'élargit toûjours , nefe bouchejamais ; ce
quifait que lagoutte devient plus
cruelle , à mesure qu'elle vieillit,
prend toutefaforce de la va
l'appauvriffement du مریم pidité de
fang, & de la foibleffe des levains digeftifs, & durelâchement
des partiesfibreufes ; ce qui donne
166 MERCURE
occasion à une espece de crudité
dans les humeurs. Les perfonnes
neanmoins avancées en age , ne
doivent pas defefperer de voirfou
vent foulager , quelquefois
guerir à fonds lears maux, comme je l'ay experimenté fur un
homme feptuagenaire , travaillé
de la goutte, & furplufieurs autres de tous ages , dont les uns
eftoient attaquezde lagoutte , &
les autres d'un rhumatisme chronique e inveteré.
L'experience en effet , prouve
sous les jours , qu'il eft des perfonnesfexagenaires, qui ont leurs
fermens vigoureux , le tonus des
GALANT 167
parties ferme la riffure du
9.
fangrobufte. Cependantj'avouë,
que la goutte nouée ne cedera pas
toujours à ce remede , mais elle
deviendra moins frequente
moins cruelle c'est toujours un
grand bien d'eftre foulagé d'un
mal, dont on ne peut entierement
guerir , qu'en tacbant de corriger
de rectifier la crudité outrée
des humeurs, & deprimerl'exal
tation de l'acide , de lalymphe, du
fuc pancreatique & de la bile,
qui prend toutefa force de l'aigre
avec lequel elle fermente ; car
l'exaltation de ces liqueurs ne
vient quepar un trop long fe-
168 MERCURE
jour qu'elles ont fait dans les filtres , fou par le relâchement des
fibres deſtinées à en faire l'expreffion , foit enfin par le vice des
fermens qui fixent le fang ; c'eft
de cette crudité que naiffent dans
les premieres voyes , &dans le
fang mefme, tous les fels étrangers , qui occafionnent des attaques fi frequentes de la goutte &
du rhumatisme.
Nous voyons au contraire, que
les jeunes gens , &fur tout les
enfans , trouvent une heureuſe
exemption dans lajufteffe de leur
temperament, qui n'a fouffert encore aucune attaque , parce que
leurs
GALANT 169
leurs vaiffeaux toujours également remplis , eftant étroitement
inferez les uns dans les autres , la
ferofité ne trouve aucune iffuë.
pour s'extravafer, ou s'il s'en
échape quelques gouttes , les muf
cles joints & ferrez entr'eux
leur refuſent le paſſage ; ellesfont
plutoft diffipées par la tranſpiration , qu'elles ne font arrivées aux
jointures ; car dans le bel âge , le
fang eft riche en efprits , les fermens font vigoureux , & dans
lequel les Parties ont tout leur
tonus ; enfin s'il arrive alors quelque defordre dans le Systême du
Jang, & qu'il faffe quelque im
Janvier 1710.
P
170 MERCURE
la
preffion mauvaife fur les Parties,
la nature fe fert heureufement de
fes efprits qui rayonnent dans les
liqueurs , pour en chaffer ce qu'il
y a de fucsfalins étrangers dans
la maffe , qui en troublent l'aco
nomie , &déconcertent pour ainfi
dire la machine; c'est pourquoy
fuppreffion de l'infenfible tranfpiration , produit une infinité de maladies , tant aigues que chroniques ; car ce quife diffipe ordinairement de nos corps , foit par le
paffage de la matierefubtile , qui
en détache continuellement quelques parties , ou par les filtrations
des glandes cutanées , & tuyaux
GALANT 171
excreteurs , eft bienfenfible, puifque Sanctorius prétend qu'ilfurpaffe quinze fois le volume des
autres excretions.
Il faut donc fuivant mon ſyſftême de pratique , pour guerir la
goutte & le rhumatisme , fefervir de la voye d'attenuer les humeurs afin qu'en leur donnant
plus defluidité, elles puiffent ai
fementfe débaraffer, ou pour entrer dans la maffe dufang& fuivrefon cours ; ou enfin pour fe
perdre par l'infenfible tranfpiration ; ce qui s'obtiendra par des remedes fondans , diuretiques , dépurans abforbans , diaphorePij
172 MERCURE
tiques , pour combattre la goutte
&lerbumatisme ; enfin l'or dia
phoretique horisontal renferme
enfoy ces cinq qualitez , &par
confequent c'est un remede fpecifi
que a ces maux.
la
Onpeut dont conclurrefuivant
les Anciens &les Modernes , que
a goutte vient par le vice de l'eftomac , d'où s'enfuit une digeftion
aigrie & alterée , le chile devient
groffier , & acide en forte que
d'un chile aigri , il ne peut eftre
produit qu'un fang empreint de
particules acides , lesquelles eftant
portées aux articles , &ne pou
vant eftre digerées & évacuées
ر
GALANT 173
par les efprits fixes de ces parties ,
deviennent plus acides par le fejour qu'elles y font , & caufent
les douleurs de la goutte : ainfi la
veritable indication , pourla guerifonde cette maladie , eft de fortifier l'eftomach , d'en abforber l'acide , & diffiper l'humeur qui eft
dans lapartie; l'or diaphoretique,
horifontal, corrige repare ce défaut, ranime e rectifie leferment
digeftif de l'eftomach , affaifonne
le chile , proportionne les coctions
donne de lafluidité auxfucs , rend
·les couloirs libres , refout les craf
fes du fyftême des nerfs & des
Piij
174 MERCURE
glandes , fournit aufang des
parties huileufes , balfamiques &
Spirituenfes , afin qu'il reprenne
fa premierepureté, &fapremiere
-force.
Il est certain que j'aydonné de
ce remede à un grand nombre de
perfonnes de tous âges dans laplus
grande rigueur de l'Hiver, &
dans la plus grande chaleur
l'Efté , fans que l'ufage de ce remede ait caufeplus d'émotion , ny
de chaleur , quefi l'on n'avoit rien
pris. L'or diaphoretique horizontal n'eftpasfeulement un fpecifique pour la goutte , mais encorepour les maladies chroniques
GALANT 175
rebelles , dont la miffe du fang
eft tout à fait dérangée fuivant
les experiences que j'en ay faites
tant à Paris qu'en Province.
M³ Dumont , donnera à ceux
qui l'iront voir , des preuves
convaincantes , des heureufes
experiences qu'il a faites . Je
vous ay déja envoyé plufieurs
de fes Ouvrages dont les Journaux des Sçavans ont avantageufement parlé. Il loge au
Grand Turc , rue de la Huchette.
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Résumé : DISSERTATION SUR la Goutte & le Rhumatisme, faite par Mr Dumont, Chirurgien Juré d'Auch.
Le texte aborde les maladies de la goutte et du rhumatisme, fréquentes chez les personnes de tous âges. Ces affections sont causées par des humeurs acides et des substances irritantes qui se déposent dans les articulations, provoquant des douleurs arthritiques et rhumatismales. Une fois déposées, ces substances forment des concretions difficiles à dissoudre, entraînant des rechutes périodiques. Le rhumatisme est décrit comme une forme plus diffuse de goutte, affectant l'ensemble du corps plutôt que des articulations spécifiques. Les acides et les substances irritantes irritent les nerfs et compriment les tendons, perturbant la circulation sanguine et lymphatique, ce qui entraîne des douleurs persistantes. Le traitement proposé par M. Dumont, chirurgien juré d'Auch, consiste en un remède appelé 'Or Diaphorétique Horizontal'. Ce remède favorise la transpiration et l'élimination des substances acides par les urines, permettant ainsi de purifier le sang et de soulager les symptômes. L'auteur affirme avoir guéri plusieurs personnes, y compris des septuagénaires, grâce à ce remède. Il insiste sur l'importance de corriger la crudité des humeurs et de renforcer l'estomac pour prévenir les attaques de goutte et de rhumatisme. Le texte conclut en soulignant l'efficacité de ce remède pour traiter non seulement la goutte, mais aussi d'autres maladies chroniques.
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34
p. 300-305
Mort d'un homme âgé de cent dix-neufs ans, avec des particularités singulieres. [titre d'après la table]
Début :
Quoique l'on se soit récrié sur le grand nombre d'années [...]
Mots clefs :
Mort, Âge, François Maille, Vivre longtemps
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texteReconnaissance textuelle : Mort d'un homme âgé de cent dix-neufs ans, avec des particularités singulieres. [titre d'après la table]
Quoique l'on se soit récrié sur le grand nombre d'années de
Mr de Corneille mort âgé de
84 ans, on peut dire neapmoins
qu'il eft mort jeune , puifqu'il
avoit trente cinq ans moins
qu'un homme qui vient de
mourir à Chateau- neuf, àune
lieuë de Graffe , qui avoit 1 19.
ans. Il fe nommoit François
Maille , & il eftoit né à Pontevez , petit Village de Provence. Ila efté impoffible de trouver fon Baptiftaire, parce qu'en
ce temps-là on ne gardoit pas.
foigneufement, les Regiftres
des Paroiffes ; mais on a des
preuves certaines de cet âge. Il
cftoit en 1607. Aide de Cuift-
302 MERCURE
ne chez Mr le Duc de Lefdiguieres , & il en eut fon Congé en 1610. Ce Congé a efté
vû dans le Pays par un grand
nombre de perfonnes . M' le
Baron de Chasteau- neufa trouvé dans un Regiftre de ſa Maifon , que fongrand- pere avoit
pris Maille pour fon Cuifinier
le 16. de Mars 16 22. Il fe maria à Chafteau - neuf, où il a
toûjours efté au fervice du
Seigneur du même lieu. A
l'âge de centans il eut unegalanterie avec une fille du même Village , & il en eut un
enfant. A cent dix ans eftant
GALANT 303
à la chaffe il tomba d'une muraille & fe caffa une jambe. Il
guerit , & il vécut encore neuf
années aprés cet accident, étant
frais & vigoureux , &joüiffant
de fon bon fens & de fa memoire. Il n'a commencé à garder le lit qu'environ deux
moistsavant fa mort fans avoir
d'autre incommodité que fon
grand âge , mangeant bien &
buvant pour le moins un pot
de vin à chaque repas. Il n'avoit jamais efté malade , & il
n'eft mort que parce qu'il faut
mourir.
On avoit crû jufqu'à pre-
304 MERCURE
fent que la diette contribuoit
beaucoup à faire vivre longtemps , & l'on foûtenoit que
les gens de qualité accoûtumez à manger beaucoup , &
ſur tout une grande quantité
de viandes differentes , & beaucoup de ragoufts mouroient
beaucoup plutoft que les Payfans ou autres gens que la neceffité obligeoit à vivre fobrement & à boire de même : mais
la mort de François Maille ,
qui pouvoit paffer pour le
Doyen du Genre humainprouve bien le contraire , puifque
non-feulement il buvoit un
a
Sela
GALANT 305
pot de vin à chacun de fes repas ; mais qu'il eftoit impoffible qu'eftant attaché à la cuifine , l'alteration que cauſe le
feu ne l'obligeaft pas à boire
fouvent , & à tâter aux differens ragoufts aufquels il travailloit , & ainfi il n'eftoit occupé qu'à tout ce qui pouvoit
abreger fes jours , ce qui confond les raifonnemens des
hommes
Mr de Corneille mort âgé de
84 ans, on peut dire neapmoins
qu'il eft mort jeune , puifqu'il
avoit trente cinq ans moins
qu'un homme qui vient de
mourir à Chateau- neuf, àune
lieuë de Graffe , qui avoit 1 19.
ans. Il fe nommoit François
Maille , & il eftoit né à Pontevez , petit Village de Provence. Ila efté impoffible de trouver fon Baptiftaire, parce qu'en
ce temps-là on ne gardoit pas.
foigneufement, les Regiftres
des Paroiffes ; mais on a des
preuves certaines de cet âge. Il
cftoit en 1607. Aide de Cuift-
302 MERCURE
ne chez Mr le Duc de Lefdiguieres , & il en eut fon Congé en 1610. Ce Congé a efté
vû dans le Pays par un grand
nombre de perfonnes . M' le
Baron de Chasteau- neufa trouvé dans un Regiftre de ſa Maifon , que fongrand- pere avoit
pris Maille pour fon Cuifinier
le 16. de Mars 16 22. Il fe maria à Chafteau - neuf, où il a
toûjours efté au fervice du
Seigneur du même lieu. A
l'âge de centans il eut unegalanterie avec une fille du même Village , & il en eut un
enfant. A cent dix ans eftant
GALANT 303
à la chaffe il tomba d'une muraille & fe caffa une jambe. Il
guerit , & il vécut encore neuf
années aprés cet accident, étant
frais & vigoureux , &joüiffant
de fon bon fens & de fa memoire. Il n'a commencé à garder le lit qu'environ deux
moistsavant fa mort fans avoir
d'autre incommodité que fon
grand âge , mangeant bien &
buvant pour le moins un pot
de vin à chaque repas. Il n'avoit jamais efté malade , & il
n'eft mort que parce qu'il faut
mourir.
On avoit crû jufqu'à pre-
304 MERCURE
fent que la diette contribuoit
beaucoup à faire vivre longtemps , & l'on foûtenoit que
les gens de qualité accoûtumez à manger beaucoup , &
ſur tout une grande quantité
de viandes differentes , & beaucoup de ragoufts mouroient
beaucoup plutoft que les Payfans ou autres gens que la neceffité obligeoit à vivre fobrement & à boire de même : mais
la mort de François Maille ,
qui pouvoit paffer pour le
Doyen du Genre humainprouve bien le contraire , puifque
non-feulement il buvoit un
a
Sela
GALANT 305
pot de vin à chacun de fes repas ; mais qu'il eftoit impoffible qu'eftant attaché à la cuifine , l'alteration que cauſe le
feu ne l'obligeaft pas à boire
fouvent , & à tâter aux differens ragoufts aufquels il travailloit , & ainfi il n'eftoit occupé qu'à tout ce qui pouvoit
abreger fes jours , ce qui confond les raifonnemens des
hommes
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Résumé : Mort d'un homme âgé de cent dix-neufs ans, avec des particularités singulieres. [titre d'après la table]
François Maille, né à Pontevez en Provence, est décédé à Château-Neuf à l'âge de 119 ans, devenant ainsi le doyen de l'humanité. Son âge a été confirmé par divers documents et témoignages, notamment son service auprès du Duc de Lesdiguières et son embauche comme cuisinier en 1622. Maille s'est marié à Château-Neuf et a servi le seigneur local. À 100 ans, il a eu un enfant avec une jeune femme du village. À 110 ans, il a survécu à une chute et a continué à vivre en bonne santé pendant neuf années supplémentaires. Il est décédé à 119 ans sans autre inconvénient que son grand âge. Maille avait une alimentation variée et buvait du vin à chaque repas, contredisant les croyances de l'époque sur la sobriété nécessaire pour une longue vie.
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35
p. 136-141
EXTRAIT Des Registres de l'Academie Royale des Sciences.
Début :
Tout ce qui regarde les choses necessaires à la vie & à la / Le Pere Sebastien, Mrs Homberg, Varignon, & des Billetes [...]
Mots clefs :
Surdité, Machines, Académie royale des sciences, Son
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT Des Registres de l'Academie Royale des Sciences.
Tout ce qui regarde les chofes neceffaires à la vie & à la
fanté , ne pouvant eftre trop
connuës ; je dois vous entretenir encore de deux Articles
dont je vous ay déja parlé , afin
de vous faire voir le progrés
des chofes dont ces Articles
traitent ; le premier regarde la
furdité.
GALANT 137
EXTRAIT
Des Regiſtres de l'Academic
Royale des Sciences.
Le PereSebaftien , Mrs Homberg, Varignon , &des Billetes
qui avoient efté nomméz pour
examiner des Machines de Mr
du Guet qui augmente le fon qui
s'apliquent fous la Perruque des
Hommes , fous la Coiffure
des Femmes , à des Sieges , &
dont l'effet augmente à proportion de leur volume en ayant
fait leur raport , la Compagnie à
jugé qu'elles eftoient nouvelles
Février 1710. M
138 MERCURE
ingenieufes & utiles à ceux qui
entendent difficilement ou pour
entendrede plusloin. Fait à Paris
ce 6 ° May 1709.fignéFontenelle
Secretaire perpetuel de l'Academie Royale des Sciences.
Le Roy , eh confideration
de l'invention particuliere de
ces Machines qui fervent tresutilement à ceux qui ont l'ouye
dure , & intereffent ceux qui
font obligez de leur parler , le
Roy a accordé un Privilege
exclufifà Mr du Guet , &pour
vous marquer le progrés de
fes Machines , je vous envoye
GALANT 139
une Lettre qui a cfté adreffée
audit Sieur du Guet.
COPIE DE LA LETTRE
du Pere Damien , Capucin ,
Confeffeur des Capucines ,
écrite à M' du Guet,
Novembre 1709.
Le 10.
Il eft jufte Monfieur , que
pour vostre fatisfaction & pour
procurer au Public l'utilité du
Secret que vous avez pour foulager aux perfonnes fourdes la
difficulté qu'elles ont d'entendre ,
je vous rende compte du fuccés
que vous avez eu dans le MoMij
140 MERCURE
naftere de nos Meres Capucines
enlaperfonne de Sœur Marie de
Saint Louis de Boulainvilliers
qui fe trouve parfaitementfoulagée de fa Surdité par l'ufage de voftre Machine. Toute
la Communauté qui s'aperçoit
bien de ce fuccés fe loüe fort de ce
fecret & Madame de Boulainvilliers mere de cette Religieufe , fut furprife de ce que fa
fille entendoit beaucoup mieux
depuis quelques mois qu'elle ne
l'avoit veuë , elle approuva fort
cette Machine dont fa fille fe
trouvoitfibien; fi ce temoignage
que je rends à la verité vous
GALANT 141
peut eftre utile , fervez vous- en
j'en auray autant de plaifir
que vous à quije voudrois de tout
moncœurrendre d'autresfervices
eftant , Monfieur, voftre , & c
fanté , ne pouvant eftre trop
connuës ; je dois vous entretenir encore de deux Articles
dont je vous ay déja parlé , afin
de vous faire voir le progrés
des chofes dont ces Articles
traitent ; le premier regarde la
furdité.
GALANT 137
EXTRAIT
Des Regiſtres de l'Academic
Royale des Sciences.
Le PereSebaftien , Mrs Homberg, Varignon , &des Billetes
qui avoient efté nomméz pour
examiner des Machines de Mr
du Guet qui augmente le fon qui
s'apliquent fous la Perruque des
Hommes , fous la Coiffure
des Femmes , à des Sieges , &
dont l'effet augmente à proportion de leur volume en ayant
fait leur raport , la Compagnie à
jugé qu'elles eftoient nouvelles
Février 1710. M
138 MERCURE
ingenieufes & utiles à ceux qui
entendent difficilement ou pour
entendrede plusloin. Fait à Paris
ce 6 ° May 1709.fignéFontenelle
Secretaire perpetuel de l'Academie Royale des Sciences.
Le Roy , eh confideration
de l'invention particuliere de
ces Machines qui fervent tresutilement à ceux qui ont l'ouye
dure , & intereffent ceux qui
font obligez de leur parler , le
Roy a accordé un Privilege
exclufifà Mr du Guet , &pour
vous marquer le progrés de
fes Machines , je vous envoye
GALANT 139
une Lettre qui a cfté adreffée
audit Sieur du Guet.
COPIE DE LA LETTRE
du Pere Damien , Capucin ,
Confeffeur des Capucines ,
écrite à M' du Guet,
Novembre 1709.
Le 10.
Il eft jufte Monfieur , que
pour vostre fatisfaction & pour
procurer au Public l'utilité du
Secret que vous avez pour foulager aux perfonnes fourdes la
difficulté qu'elles ont d'entendre ,
je vous rende compte du fuccés
que vous avez eu dans le MoMij
140 MERCURE
naftere de nos Meres Capucines
enlaperfonne de Sœur Marie de
Saint Louis de Boulainvilliers
qui fe trouve parfaitementfoulagée de fa Surdité par l'ufage de voftre Machine. Toute
la Communauté qui s'aperçoit
bien de ce fuccés fe loüe fort de ce
fecret & Madame de Boulainvilliers mere de cette Religieufe , fut furprife de ce que fa
fille entendoit beaucoup mieux
depuis quelques mois qu'elle ne
l'avoit veuë , elle approuva fort
cette Machine dont fa fille fe
trouvoitfibien; fi ce temoignage
que je rends à la verité vous
GALANT 141
peut eftre utile , fervez vous- en
j'en auray autant de plaifir
que vous à quije voudrois de tout
moncœurrendre d'autresfervices
eftant , Monfieur, voftre , & c
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Résumé : EXTRAIT Des Registres de l'Academie Royale des Sciences.
En février 1710, l'Académie Royale des Sciences a examiné des inventions de Monsieur du Guet visant à améliorer l'audition. Ces machines étaient conçues pour amplifier le son sous les perruques masculines et les coiffures féminines, ainsi que sur les sièges. Elles ont été jugées nouvelles, ingénieuses et utiles pour les personnes ayant des difficultés auditives. Le roi a accordé à Monsieur du Guet un privilège exclusif pour ces inventions. Une lettre du Père Damien, datée de novembre 1709, atteste du succès de ces machines, notamment auprès de la sœur Marie de Saint Louis de Boulainvilliers, dont la surdité a été soulagée. La communauté des Capucines et la mère de la religieuse ont également approuvé cette invention.
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36
p. 141-143
Article touchant les Gouttes Aromatiques d'Angleterre, [titre d'après la table]
Début :
Je passe à l'Article qui regarde la santé. Je [...]
Mots clefs :
Santé, Gouttes aromatiques, Angleterre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article touchant les Gouttes Aromatiques d'Angleterre, [titre d'après la table]
e paffe à l'Article qui regarde la fanté.
•
Je vous ay parlé dans ma
Lettre du mois de Juillet , des
Gouttes Aromatiques d'Angleterre, & je vous ay même
envoyé une Traduction de
l'Anglois qui vous a fait connoiftre toutes les vertus & toutes les qualitez de ce remede ,
&à quelles maladies il eft pro-
142 MERCURE
dir que ces
pre. Et comme l'Apoplexie eft
plus en regne qu'elle n'a efté
depuis longtemps , l'ufage en
eft prefentement plus neceffaire qu'il n'a jamais efté. J'ay ou
blié , lorfque je vous en ay par
lé , & que je vous ay
Gouttes fe vendoient au Palais
Royal chez M Dumont Chirurgien orninaire de S. A. R.
Monfieur le Duc d'Orleans ;
de vous dire que ce Prince.
dont l'efprit eft penetrant &
univerfel , & qui fçait à fond
tout ce qui regarde les beaux
Arts & la Medecine , n'a donné
à Mr Dumont la permiſſion
>
GALANT 143
d'afficher qu'il vend ces Gouttes Aromatiques d'Angleterre.
au Palais Royal , qu'après avoir
efté convaincu par des Experiences bien avérées , & avoir
mêine fçu par ce qui s'eft paffé
fous fes yeux , l'excellence de
ce Remede , & les bons effets
qu'il produit. Ainfi vous ne
fçauriez trop faire voir à vos
Amis tout ce que je vous ay
envoyé là- deffus.
•
Je vous ay parlé dans ma
Lettre du mois de Juillet , des
Gouttes Aromatiques d'Angleterre, & je vous ay même
envoyé une Traduction de
l'Anglois qui vous a fait connoiftre toutes les vertus & toutes les qualitez de ce remede ,
&à quelles maladies il eft pro-
142 MERCURE
dir que ces
pre. Et comme l'Apoplexie eft
plus en regne qu'elle n'a efté
depuis longtemps , l'ufage en
eft prefentement plus neceffaire qu'il n'a jamais efté. J'ay ou
blié , lorfque je vous en ay par
lé , & que je vous ay
Gouttes fe vendoient au Palais
Royal chez M Dumont Chirurgien orninaire de S. A. R.
Monfieur le Duc d'Orleans ;
de vous dire que ce Prince.
dont l'efprit eft penetrant &
univerfel , & qui fçait à fond
tout ce qui regarde les beaux
Arts & la Medecine , n'a donné
à Mr Dumont la permiſſion
>
GALANT 143
d'afficher qu'il vend ces Gouttes Aromatiques d'Angleterre.
au Palais Royal , qu'après avoir
efté convaincu par des Experiences bien avérées , & avoir
mêine fçu par ce qui s'eft paffé
fous fes yeux , l'excellence de
ce Remede , & les bons effets
qu'il produit. Ainfi vous ne
fçauriez trop faire voir à vos
Amis tout ce que je vous ay
envoyé là- deffus.
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Résumé : Article touchant les Gouttes Aromatiques d'Angleterre, [titre d'après la table]
Le texte présente les Gouttes Aromatiques d'Angleterre, un remède dont les bienfaits ont été décrits dans une lettre de juillet. L'auteur souligne leur importance croissante face à la prévalence accrue de l'apoplexie. Ces gouttes sont disponibles au Palais Royal, vendues par M. Dumont, chirurgien du Duc d'Orléans. Le Duc, reconnu pour son esprit pénétrant et ses connaissances en beaux-arts et en médecine, a autorisé leur vente après avoir été convaincu de leur efficacité par des expériences et des observations personnelles. L'auteur invite à diffuser ces informations parmi les amis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 57-95
Lettre d'Argentan, qui contient des faits fort singuliers, [titre d'après la table]
Début :
Le nombre des personnes dont je vous apprens tous les [...]
Mots clefs :
Argentan, Médecin, Enfant, Femme, Grossesse, Corps, Animaux, Mamelles, Aliments, Ventricule
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texteReconnaissance textuelle : Lettre d'Argentan, qui contient des faits fort singuliers, [titre d'après la table]
Le nombre des perfonnes.
dont je vous apprens tous les
mois la mort eft fi grand
quoyque je ne vous parle que
> des perfonnes diftinguées par
leur naiffances , par leur fçavoir , par leur emplois , ou par
quelque autres qualitez remarquables , qu'on a lieu de croite
que je devrois vous parler
encore d'un plus grand nombre. Eneffet plus on confidere
la conftruction du corps des
58 MERCURE
hommes , plus on voit qu'il
n'y a point de moment où le
dérangement de l'une du
grand nombre des parties
dont il eft compofé , les peut
faire mourir fubitement , ce
qui arrive tous les jours même
aux perfonnes qui paroiffent
fe porter le mieux. Voila ce
qui regarde leur mort qui eft
toujours certaine puifque
leur vietient à fi peu de chofe
fans compter les differentes
maladies qui triomphent avec
plus ou moins de temps des
plus robuftes , & de ceux dont
là fanté paroît la mieux établie.
>
GALANT 59
A l'égard de leur entrée
dans le monde , elle paroiſt
plus certaine. Les femmes
portent generalement neuf
mois leur enfant dans leur
fein ; c'eſt le terme fixé , à
moins qu'il n'arrive quelques
accidens avant la fin de ces
neuf mois qui faffent mourir
ces enfans dans le corps de leur
mere , & quelques fois même
la mere & l'enfant ; mais il
arrive fouvent des chofes qui
femblent changer l'ordre de
ce qui a efté réfolu de toute
éternité ; & l'on voit des enfans
venir avec autant de peine au
60 MERCURE
monde que les hommes en
fortent facilement , & aprés
avoir demeuré dans le fein de
leur mere même pendant plufieurs années , comme vous
verrez dans un fort grand
nombre d'exemples tres curieux , & qui font raportez
dans la fin de la Lettre que
vous allez lire ; elle eft de Mr
de Forges Medecin , à Argen.
tan en Normandie , dattée
du 17 Decembre dernier.
Cette Lettre à laquelle je ne
changerayrien ,vous paroiftra
remplie de faits curieux &
finguliers.
,
с
GALANT 61
a
Tous les Etres vivans fouhaitent naturellement la confervation de leur efpece ; ily en apeu
qui n'aiment à accomplir le Commandement que Dieu leur fit
aprés les avoircréez , Crefcite &
multiplicamini. ( Genef. ch. 1.)
l'homme comme leplus parfait
des animaux , ajoute au penchant
naturel qui luy eft commun avec
сих la raifon dont Dieu le
favorifa , pour conferver la plus
noble creature , & l'Ouvrage le
plus parfait qui foit forti des
des mainsdu Createur.
Ilfaut en effet que cette raison ,
ce penchant donné par la
62 MERCURE
nature , ayent un grand empire
fur luy , & fpecialementfur la
femme , pour leur faire preferer
le plaifir de fe conferver dans
leurs defcendans , à la peine que
Dienattacha à cette confervation
aprés que leur défobéiffance eut
meritéfa haine , multiplicabo
crumnas tuas...in dolore paries filios ( Genef. Ch. 3. )
nous voyons cependant que malgré les douleurs & les incommoditez quiaccompagnent infeparablement la multiplication de
l'efpece ; laplusgrande partie des
femmes méprife genereusement
les perils qui la fuivent , pour
GALANT 63
transmetre avec une heroïque
affeurance à leurs defcendans , la
vie qu'elles doivent à l'intrepi
dité de leurs meres ; plus malheureufes que les femelles des autres
animaux elles font fujetes àmille
incommoditez dont les autres
font exemptes ; expiant par là
les fuites funeftes du peché de
leur premiere ayeule. La feule
nature délivre celles - là du pefant
fardeau qu'elles portent dans
leurs flancs , celles- cy ont besoin
dufecours de l'Art du miniftere empruntédes Sages-femmes:
auffi-toft que les brutes ont produit leur fruit , le lieu qui les
64 MERCURE
contenoit retourne en fon premier
eftat ; les femmes s'apperçoivent
aprés leur accouchement qu'elles
fontplus infirmes que les brutes ,
& qu'elles ont befoin des purgations qui purifient leurfang , &
qui les déchargent de toutes les
impuretez qu'elles ont amaffées
pendant leur groffeffe.
Lefruit des brutes eft à peine
forti de la prifon où il eftoit enfermépendant le temps deftiné à la
perfection de fes organes , que
fon inftinct luy fait trouver le
lieu où eft l'aliment destiné àfa
confervation & à fon accroiffement ; le fruit des femmes refte
GALANY 65
dans l'inaction & dépourveu des
connoiffances & des forces necefJaires pour trouver luy - même la
nourriture dont il a befoin , attend
qu'une main étrangere luy préte
fon fecours , pour luy faciliter les
moyens de fuccer le lait qui doit
que la naluyfervir d'aliment.
Vous diriez même
ture plus foigneufe de conferver le
foetus des brutes qué celuy des
femmes, apris un foin particuiler
de leur fournir ce qui eft neceſſaire pour les deffendre des injures des
corps étrangers ; elle envelope le
fruit des premieresdans trois membranes , n'en a donnéque deux
Mars 1710. F
66 MERCURE
pour couvrir lefruit desfecondes;
maispour faire mieux voir la
preference que la nature a donnée
femelles des brutes , examinons le temps qu'elle a mesurépour
la portée de leursfruits , &pour
la groffeffe desfemmes.
Elle a établi un terme fixepour
celles - là , en forte qu'elles fe délivrent neceffairement de leurs petits dans le moment qu'elle leur
limité, & qu'on neles voitjamais
paffer les bornes qu'elle leur aprefcrites ; ainfi on voit que la Colombe employe vignt jours & la
femelle du Lapin vingt - cinq
avant que de donner lejourà leurs.
GALANT 67
petits; la Fumentproduitfon Pou
lain aprés onze mois , & l'Elephant aprés deux ans ; on ne voit
point de changement dans cesproductions , une regle conftante &
invariable les conduit ; une main
exempte de déreglement les gouverne ; les femmes dans un eſtat
plus fâcheux que les brutes , ignorent le terme qui doit finir leur
groffeffe ; e vivant dans une affligeante incertitude , ne connoiffent point le temps de leur délivrance ; les unes agréablement
furprifes le trouvent au bout de
Sept mois , ordinairement de neuf:
les autres attendant plus longFij
68 MERCURE
temps le momentperilleux , paſſent
quelquefois le dixième , l'onzième
& quelquefois le quatorziéme
mois , avant que de donner lejour
à la creature qu'elles portent.
Qu'on ne m'oppofepoint la ridicule objection que quelques- uns
font , que les femmes ignorant le
moment de leur conception , fe
trompent dans le calcul qu'elles
font du temps de leur groffeffe
qu'ainfi elles croyent quelquefois
eftre groffes de huit mois , lorfqu'-
elles ne le font que de quatre , que
l'on ne doit donc point s'étonnerfi
elles affurentquelquefois eftregroffes de treize on quatorze mois
MERCURE 69.
quoy qu'elles ne le foient que
neuf.
de
On voit desfemmes d'une vertu auftere qui eftant demeurées
groffes lors du decés de leurs époux,
ont resté quatorze ou quinze mois
aprésfans accoucher; les Autheurs
font pleins d'exemplesfemblables ,
mais fans allerfeuilleter leurs livres pour les trouver ; en voicy
un arrivé depuis quinze jours ,
c'est ce qui donne occafion aux reflexions prefentes.
Au mois d'Aoust 1708. la
femmed'un Artifande cetteVille ,
qui avoiteu déjaplufieurs enfans,
s'apperçut des accidens qui avoient
70 MERCURE
accompagné fes premieres groffef
fes , les dégoufts , les nauzées , la
fuppreffion des incommoditez ordinaires aufexe; maisfur tout l'enAlure & la douleur des mamelles
ne luy laifferent aucunement douter qu'elle nefût groffe , mais elle
enfut certainement affurée quelques mois aprés , puifqu'elle fentit remuerfon enfant : elle atten.
dit donc avec la patience requife
dans le cas le temps dans lequel
elle devoit accoucher ; ce devoit
eftre vers la fin du mois d'Avril
1709. Ce terme eftant venu elle
avoit preparé tout ce qui eftoit
neceffairepaurrecevoirfon enfant
GALANT 71..
maisfonheure n'eftoit pas venues.
elle foupira inutilement aprésfaz
liberation un mois fe paffa ,
trois mois , cinq mois s'ecoulerent fans qu'elle pût élargir fon:
prifonnier ; elle en fut extremement inquiéte , & cela d'autant
plus que fon ventre n'eftoit pas
plus enflé au bout des quinze·
mois , qu'il avoit efté aufeptiéme. Au milieu des triftes réflexions qu'elle faifoitfur le déplorable eftat dans lequel elle fe trouvoit , elle fut furprise d'une
fiévreputride continue au commencement de Novembre ; elle manda
Monfieur ... ancien Medecin
72 MERCURE
de cette Ville , homme auffi recom
mandable parſa vertu que parfa
doctrine ; elle fit venir une Sagefemme avec ce Medecin ; deux
jours aprés j'y fus appellé , ou
ayant conferé avec noftre Ancien
Sur l'eftat prefent de la maladie ,
nous la trouvâmes tresfâcheufe :
elle nous dit que depuis deuxjours
elle ne fentoit plus les mouvemens
dont elle s'eftoit apperçuë depuis fi
longtemps ; les remedes dont nous
nous fervimes n'ayant point empêchéque les accidens defa maladie n'augmentaffent , elle mourut
aprés avoir fouffert des conv ul -
fions épou ventables.
Preffez
GALANT 73
•
Preffez d'une loüable curiofité
Monfieur moy, nousla
fines ouvrir le jour d'aprés ; nous
trouvâmes un enfant mort tout
entier , qui n'eftoit pas plus grand
que s'il n'euft eu que cinq mois ;
il avoitla tefte extraordinairement
groffe par rapport aux autresparties defon corps; le cordon n'avoit
dix poulces de long que buit ои
mais il en avoit plus d'un de groffeur , le placenta eftoit beaucoup
plus petit qu'il n'auroit dû eſtre ;
cet enfant avoit la tefte en haut
&le visage tourné vers le dos
de fa mere. Nous fimes encore ouvrir quelques autres parMars 1710.
G
74 MERCURE
1
ties , nous trouvâmes dans lecœur
de la mere un polype long comme la main , qui avoit un de
fes bouts dans la veine cave ,
l'autredans le ventricule droit
du cœur; fatisfaits de cece que nous
venions de voir , nous n'en viſitâmes point davantage , & nous
nous retirâmes.
&
Voilafans doute un événement
qui n'eft pas inoui , mais qui ne
Taiffe pas d'eftre rare ; quelquesuns élevez dans les principes de la
bonne phyfique , n'ont point depeine à le croire ; d'autres moins inftruits des bizarres fantaifies de la
nature , nesçauroientfe perfuader
GALANT 75
d'un fait dont ils ne peuvent penetrer la raison pour confirmer
les premiers pourdétromper les
feconds , voici commeje raiſonne.
Pendant que le foetus demeure
dans le fein defa mere, il y a un
commerce reciproque entre elle
luy ; le chyle qu'elle fait circulant
avecfonfang, une partie de cette
liqueur laiteufe fe filtre par les
glandes de la M………dans le placenta , y eft reçuepar les orifices
despetites branches de la veine umbilicale qui s'y diſtribuë ; de là elle
eft portée par cette même veine
dans le foye du fœtus , où ellefe
jette dans la veine cave afcendanGij
76 MERCURE
te qui luy fert de canal pour eftre
porté dans le ventricule droit du
cœur , d'où elle paße par le trou
botal dans le gauche pour eſtre
enfuite diftribuée par les arteres
mammaires dans les glandes des
mammelles; trouvant là des pores
proportionnez à fon diametre , elle
s'y filtre , tombe dans le baffin de
la mamelle ; & eft enfuite verfée
par le mamelon dans cette mem
brane que l'on appelle Amnios qui eft fon envelope immediate : c'est c'eft alors
Succe & l'avale ,pour eftre enfuite
que
propre nourriture du fœtus il la
diftribuée par les veines lactées les
devenue la
GALANT 77
glandes d'Azellius , le receptacle
de Peket , les canaux thorachiques ,la veinefouclavieregauche ,
la veine cave defcendante & le
ventricule droit du cœur, & circuler tout de nouveau pour devenir alors le fang & la nourriture
de l'embryon , le refidu eft reporté
auplacenta par les arteres umbilicales.
I
C'eft icy une opinion qai fans
doute va foulever contre moy un
grand nombre de Medecins & de
Phyficiens , qui ne manqueront
pas de rejetter cefentiment comme
une nouveautécondamnable ; mais
qu'ilsfe détrompent, ces Meffieurs;
G iij
78 MERCURE
plufieurs Medecins d'une authorité confiderable , croyent que c'eſt
là le mechanifme de la naturepour
la nourriture & l'accroiffement du
fœtus ; en effet de quel ufageferoient les mamelles des malesfielles
n'eftoient destinées àceluy- ci ? il eft
für que Dieu n'afabriqué aucune
partie du corps qui nefoit propre
quelque fonction particuliere ; il
faut donc que les mamelles des
malesfoientfaites pour celle - cy
puifqu'elles nefontpoint propres à
d'autres ; j'ajoûte à cette preuve
icy une autre qui n'eft pas moins
convainquante , c'est que l'on trouve dans les mamelles des petits en-
GALANT 79
fans qui naiffent, une liqueur toutefemblable àcelle de l'amnios; on
en trouve dans la bouche & dans
l'eftomach de ceux qui meurent qui
a la même odeur , la même couleur la même confiftance ; on
doit donc conclure que c'est la même ; orfi cela est ainfi il faut neceffairement que les mamelles foient
l'organe de cette filtration , puifqu'il n'y en apoint d'autre par
ce fuc nourricier puiffe fe couler
°outter enfuite dans l'Amnios.
où
Fay cru qu'il eftoit neceſſaire
d'entrer dans ce détail pour expliquer avecplus de netteté &faire
f
G
iiij
80 MERCURE
comprendre avec plus de facilité
les raifons par lesquelles cet enfant eft refte fi longtemps
dans le fein defa mere..
enfermé
La nutrition & l'augmentation fe font de la même maniere
dans les animaux , dans les vegetaux dans les mineraux.
Dans ceux- cy uneportion de la
terre fe trouvant fixée par quelques acides , unematiere àpeuprés
de même nature conduite par
ou par l'eau fefiche dans lespores ,
les écarte , les étend , s'y incorpore
augmentefon volume ; de là
font formezfelon les differens degrez de la fermentation , les mél'air
GALANT 81
taux, les mineraux , les pierres
precieuſes , &c.
Dans les vegetaux une humidité onctueufe chargée de quelques
fels ,penetrant l'écorce de la racine
de la plante , fe diftribuë dans fes
fibres , s'y rarefie & fert à l'augmentation defes parties , celles qui
font les plus fubtiles eftant volatilifees par la chaleur du Soleil
de la terre , montent avec rapidité jufqu'au baut de la plante,
où eftant enfuite fixées par le nitre de l'air ellesproduisent lesfleurs
les fruits ; celles qui ont moins
de fubtilité nourriffent les branches , les feuilles & les racines .
82 MERCURE
&les plus groffieresfont deflinées
pour former l'écorce & produire
les mouffes.
Dans les animaux les parties
les plus déliées de ce fue que l'on
appelle Chyle , formédes alimens
qu'ils ont avalez , paffant dans
la maffe du fang circulent avec
luy ,jufqu'àce qu'elles ayent trouvé des pares proportionnez à leur
volume ; c'eft alors que s'y enga
geant elles écartent les fibres du
corps &augmentent fon diametre. Comme les alimens font com
pofez de parties differentes & que
pores ducorps ont auffides configurations diverfes , chacune de
les
GALANT 83
ces petites molecules trouve oùfe
placer , & ainfi toutes les parties
du corps eftant également partagées , doivent croître dans le même temps avec la même proportion.
Les anciens Medecins ont cru
que le fœtus nefe nourriffoit pas
de la même maniere , dans les entrailles defa mere que lorsqu'il a
briſe ſa priſon ; quelques- uns le
croyent encore aujourd'huy ; ils s'imaginent quela mereprepare affez
les alimens qu'elle doit partager
avec fon enfant , pour que cette
tendre creature puiffe s'en accommoder , fans qu'ils ayent befoin
84 MERCURE
d'une digeftion nouvelle ; mais
nous avons fait voir qu'il digere
encore lefucquefa mere luy tranf
met par la veine umbilicale , puifqu'on luy en trouve prefque tou.
jours la bouche & l'estomach
pleins.
que
Quand une mere eftbien nourrie , qu'elle vit d'alimens fucculens , qu'ellejouit d'unefantéproportionnée à l'estat defa groffiffe ,
rien ne trouble le repos de fa
vie , que la tranquilité regne dans
fon ame , qu'elle eft unie à un
épouxjeune & plein defanté, on
voit ordinairement naître fon
fantdansle terme accoûtumé, c'eften
GALANT 85
à dire dans neufmois ; comme la
digeftion eftparfaite , que le chyle
eft abondante loüable, il estporté
au foetus dans une quantitéfuffifante, tousfes membresfont abreu༧༩ར de ce fuc , la fermentationy
eft grande , par confequentfes parties reçoivent unegrande étenduë,
comme un arbre planté dans
une terre graffe & fertile croît
avecpromptitude & facilité , de
même un enfant qui eft dans le
fein de fa mere, telle que je viens
de la décrire doit dans le terme de
neufmois ou auparavant attein.
dre la perfection neceſſaire pour
fortir de foncachot.
86 MERCURE
Au contraire une femme qui
compte fes jours par fes peines ,
qu'une affreuse multitude de douleurs accable , qui eft jointe à un
maryfoible languiffant , qui
eft dans une difette universelle des
chofes même neceffaires à la vie ,
ne digere qu'avecpeine le peu d'alimens qu'elle avale ; fon chyle
crud & vifqueux paſſe dans la
maffe dufang , y excite unefermentation dereglée , eft quelquefois même trop groffierpourpaffer
pores étroits du placenta ;
devons- nous donc nous étonnerfi
lefruit qui eft attaché à cet arbre
nemeuritpoint ? devons-nous eftre
par
les
GALANT 87
furprisfi les membres de cette petite creature infortunée dés les premiers inftans de fa vie , ne croif- .
fentpoint & neparviennentpoint
à la force neceffaire pour rompre
leurs liens ? comme le fuc qui doit
les nourrir pêche parfa quantité
mediocre & parfa mauvaiſe qualité , pourquoy admirer le retardement qui enprovient ? pourquoy
douter qu'un tel fœtus ne puiffe
démeurer douze , quinze , vingt
mois &mêmeplus longtemps dans
les entrailles de fa mere ?
N'eft pas ce qui eft arrivé à
i la femme dont il s'agit , reduite
depuis plus de deux ans dans une
83 MERCURE
pour les gapauvreté honteuse , elle n'a vécu
que pourfouffrir ; les alimens les
plus neceffairespour la confervation defa vie luy ont manqué ;
il a fallu travailler
gner , à peine avoit elle un lit
pourfe délaffer des fatigues du
travail , fujette en mefme temps
à la peine que Dieu impofa à
l'homme pour le punir de la
plaifance qu'il eut pour(afemme,
in fudore vultus tui vefceris
pane, (Genef. ch. 3. ) &fujette
en mefme temps à la douleur
Dieu attacha à la groffeffe pour
punir la femme de fa con lefcendance auxfourberies du ferpent ,
comque
CALANT 89
Cum dolore paries filios
( Genef. ch. 3. ) elle réuniffoit
en elle feule les peines deües aux
deuxfexes , & paffoit ainſifes
jours dans la mifere & dans
Pafliction ; qu'elle difficultéy at-il donc à comprendre , pourquoy
cette femme ne mettoit point au
monde le fruit qu'elle portoit depuis quinze mois ; ne voit on pas
que la mere ayant à peine dequoy
Je foutenir ne pouvoit pas communiquer àfon enfant unegrande
quantité de nouriture ; ne voit on
pas que les efprits de la mere
eftant débiles & fans forces ,
ceux de l'enfant cftoient incapaMars 1710.
H
90 MERCURE
bles d'étendrefesfibres & defaire
fermenterfes liqueurs ? ne voit- on
pas que le peu defuc nourricier que
cet embryon recevoit de fa mere ,
eftantcraffe & groffier , nepouvoit
paspenetrerjufqu'aux extremitez
de fes parties ? le polype que la
mere avoit dans le cœur , eft une
preuve que fes liqueurs eftoient
tres- es- épaiffes , celles de l'enfant ne
pouvoient donc eftre bien animez ?
Les efprits qui en eftoient formez
ne pouvoient donc eftre quefoibles
& énervez ? il ne pouvoit donc
pas avoir affez de force pour brifer fes chaines , pour déchirer les
membranes qui l'enveloppoient ,
GALANT gr
ny pour ouvrir la barriere qui
s'oppofoit àfafortie ?
Voilà ce mefemble des raifons
capables de détromper ceux qui
font dans l'erreur , & de leurfaire
voir qu'une femme peut eftre
groffe plusde neufmois , &qu'il
n'y a pas tant lieu de s'eftonner
quand elle paffe le quinziéme ;
mais afin que rien ne manque aux
preuves que j'ay apportées icy j'y
ajoute l'authorité& l'experience.
Hippocrate dans for livre
de feptimeftri partu , dit qu'il
faut en croire les femmes fur leur
parole ; & qu'il faut ajouter
foy à ce qu'elles difent touchant
Hij
92 MERCURE
l'estat de leurgroffeffe ,parce que
dit cet Auteur , on à beau raifonner fur l'eftat où elles fontalors , ce qu'ellesfententles perfuade bien mieux que tout ce qu'on
pourroit leur dire.
Ariftote au liv. 7. del'Hiftoire
des Animaux , chap. 4. dit que.
tous les animaux ont un terme
certain pour leur naiſſance , que
l'homme feul n'en à point..
Pline dit la même choſe.
Harvée dans la page 3.58° de
Jon Ouvrage , de exercitatione
de partu ,
dit qu'une femme de
fon Pays fut groffe pendant plus
defeize mois. Maynard lib. 4.
GALANT 93
decifionum , dit que lafemme
du fieur Tardet accoucha d'un
fils à lafin du douzième mois
&d'une fille à lafin du feiziéme;
le même Auteur dans le même.
livre , dit que lafemme de Tibere
fille de Scipion , accoucha defon
premier enfant aprés douze mois.
Thionneau , Medecin de Tours,
raporte l'Hiftoire d'un enfant que
fa mere porta vingt trois mois.
Aventinus dit que lafemmed'un
3
Ducdes Vandales qui fut groffe
pendant deux ans accoucha
d'un enfantqui marchoit & qui
parloit ;je doute de cecy , car quel
langage auroit parlé un enfant
94 MERCURI
qui n'en avoit jamais entendu
aucuns. Mercurial dit qu'une
femme qui avoit efté mariée deux
foispendantfeize ans ,fans avoir
eu d'enfants époufa un troifiéme
mary dont elle en eut un qu'elle
porta quatre ans &qui vêcut.
Jepourrois encore ajouter
autoritez celles de plufieurs
Auteurs comme de Skenkius ,
>
de Deufingajus , &c.
à ces
Nous avons dans noftre Pays
affez d'exemples femblables , entr'autres celuy d'une femme de
qualité proche de Faleze , d'une
de Caën , d'une d'Auney , ainfi la
Taifon ,l'autorité, l'experience
GALANT 95
confirmant lefait dont il s'agit
on nepeut nier qu'il ne foitpoffible, &par confequent c'estfans
fondementque plufieurs ont revoqué en doute celuy dont il s'agit
aujourd'huy
dont je vous apprens tous les
mois la mort eft fi grand
quoyque je ne vous parle que
> des perfonnes diftinguées par
leur naiffances , par leur fçavoir , par leur emplois , ou par
quelque autres qualitez remarquables , qu'on a lieu de croite
que je devrois vous parler
encore d'un plus grand nombre. Eneffet plus on confidere
la conftruction du corps des
58 MERCURE
hommes , plus on voit qu'il
n'y a point de moment où le
dérangement de l'une du
grand nombre des parties
dont il eft compofé , les peut
faire mourir fubitement , ce
qui arrive tous les jours même
aux perfonnes qui paroiffent
fe porter le mieux. Voila ce
qui regarde leur mort qui eft
toujours certaine puifque
leur vietient à fi peu de chofe
fans compter les differentes
maladies qui triomphent avec
plus ou moins de temps des
plus robuftes , & de ceux dont
là fanté paroît la mieux établie.
>
GALANT 59
A l'égard de leur entrée
dans le monde , elle paroiſt
plus certaine. Les femmes
portent generalement neuf
mois leur enfant dans leur
fein ; c'eſt le terme fixé , à
moins qu'il n'arrive quelques
accidens avant la fin de ces
neuf mois qui faffent mourir
ces enfans dans le corps de leur
mere , & quelques fois même
la mere & l'enfant ; mais il
arrive fouvent des chofes qui
femblent changer l'ordre de
ce qui a efté réfolu de toute
éternité ; & l'on voit des enfans
venir avec autant de peine au
60 MERCURE
monde que les hommes en
fortent facilement , & aprés
avoir demeuré dans le fein de
leur mere même pendant plufieurs années , comme vous
verrez dans un fort grand
nombre d'exemples tres curieux , & qui font raportez
dans la fin de la Lettre que
vous allez lire ; elle eft de Mr
de Forges Medecin , à Argen.
tan en Normandie , dattée
du 17 Decembre dernier.
Cette Lettre à laquelle je ne
changerayrien ,vous paroiftra
remplie de faits curieux &
finguliers.
,
с
GALANT 61
a
Tous les Etres vivans fouhaitent naturellement la confervation de leur efpece ; ily en apeu
qui n'aiment à accomplir le Commandement que Dieu leur fit
aprés les avoircréez , Crefcite &
multiplicamini. ( Genef. ch. 1.)
l'homme comme leplus parfait
des animaux , ajoute au penchant
naturel qui luy eft commun avec
сих la raifon dont Dieu le
favorifa , pour conferver la plus
noble creature , & l'Ouvrage le
plus parfait qui foit forti des
des mainsdu Createur.
Ilfaut en effet que cette raison ,
ce penchant donné par la
62 MERCURE
nature , ayent un grand empire
fur luy , & fpecialementfur la
femme , pour leur faire preferer
le plaifir de fe conferver dans
leurs defcendans , à la peine que
Dienattacha à cette confervation
aprés que leur défobéiffance eut
meritéfa haine , multiplicabo
crumnas tuas...in dolore paries filios ( Genef. Ch. 3. )
nous voyons cependant que malgré les douleurs & les incommoditez quiaccompagnent infeparablement la multiplication de
l'efpece ; laplusgrande partie des
femmes méprife genereusement
les perils qui la fuivent , pour
GALANT 63
transmetre avec une heroïque
affeurance à leurs defcendans , la
vie qu'elles doivent à l'intrepi
dité de leurs meres ; plus malheureufes que les femelles des autres
animaux elles font fujetes àmille
incommoditez dont les autres
font exemptes ; expiant par là
les fuites funeftes du peché de
leur premiere ayeule. La feule
nature délivre celles - là du pefant
fardeau qu'elles portent dans
leurs flancs , celles- cy ont besoin
dufecours de l'Art du miniftere empruntédes Sages-femmes:
auffi-toft que les brutes ont produit leur fruit , le lieu qui les
64 MERCURE
contenoit retourne en fon premier
eftat ; les femmes s'apperçoivent
aprés leur accouchement qu'elles
fontplus infirmes que les brutes ,
& qu'elles ont befoin des purgations qui purifient leurfang , &
qui les déchargent de toutes les
impuretez qu'elles ont amaffées
pendant leur groffeffe.
Lefruit des brutes eft à peine
forti de la prifon où il eftoit enfermépendant le temps deftiné à la
perfection de fes organes , que
fon inftinct luy fait trouver le
lieu où eft l'aliment destiné àfa
confervation & à fon accroiffement ; le fruit des femmes refte
GALANY 65
dans l'inaction & dépourveu des
connoiffances & des forces necefJaires pour trouver luy - même la
nourriture dont il a befoin , attend
qu'une main étrangere luy préte
fon fecours , pour luy faciliter les
moyens de fuccer le lait qui doit
que la naluyfervir d'aliment.
Vous diriez même
ture plus foigneufe de conferver le
foetus des brutes qué celuy des
femmes, apris un foin particuiler
de leur fournir ce qui eft neceſſaire pour les deffendre des injures des
corps étrangers ; elle envelope le
fruit des premieresdans trois membranes , n'en a donnéque deux
Mars 1710. F
66 MERCURE
pour couvrir lefruit desfecondes;
maispour faire mieux voir la
preference que la nature a donnée
femelles des brutes , examinons le temps qu'elle a mesurépour
la portée de leursfruits , &pour
la groffeffe desfemmes.
Elle a établi un terme fixepour
celles - là , en forte qu'elles fe délivrent neceffairement de leurs petits dans le moment qu'elle leur
limité, & qu'on neles voitjamais
paffer les bornes qu'elle leur aprefcrites ; ainfi on voit que la Colombe employe vignt jours & la
femelle du Lapin vingt - cinq
avant que de donner lejourà leurs.
GALANT 67
petits; la Fumentproduitfon Pou
lain aprés onze mois , & l'Elephant aprés deux ans ; on ne voit
point de changement dans cesproductions , une regle conftante &
invariable les conduit ; une main
exempte de déreglement les gouverne ; les femmes dans un eſtat
plus fâcheux que les brutes , ignorent le terme qui doit finir leur
groffeffe ; e vivant dans une affligeante incertitude , ne connoiffent point le temps de leur délivrance ; les unes agréablement
furprifes le trouvent au bout de
Sept mois , ordinairement de neuf:
les autres attendant plus longFij
68 MERCURE
temps le momentperilleux , paſſent
quelquefois le dixième , l'onzième
& quelquefois le quatorziéme
mois , avant que de donner lejour
à la creature qu'elles portent.
Qu'on ne m'oppofepoint la ridicule objection que quelques- uns
font , que les femmes ignorant le
moment de leur conception , fe
trompent dans le calcul qu'elles
font du temps de leur groffeffe
qu'ainfi elles croyent quelquefois
eftre groffes de huit mois , lorfqu'-
elles ne le font que de quatre , que
l'on ne doit donc point s'étonnerfi
elles affurentquelquefois eftregroffes de treize on quatorze mois
MERCURE 69.
quoy qu'elles ne le foient que
neuf.
de
On voit desfemmes d'une vertu auftere qui eftant demeurées
groffes lors du decés de leurs époux,
ont resté quatorze ou quinze mois
aprésfans accoucher; les Autheurs
font pleins d'exemplesfemblables ,
mais fans allerfeuilleter leurs livres pour les trouver ; en voicy
un arrivé depuis quinze jours ,
c'est ce qui donne occafion aux reflexions prefentes.
Au mois d'Aoust 1708. la
femmed'un Artifande cetteVille ,
qui avoiteu déjaplufieurs enfans,
s'apperçut des accidens qui avoient
70 MERCURE
accompagné fes premieres groffef
fes , les dégoufts , les nauzées , la
fuppreffion des incommoditez ordinaires aufexe; maisfur tout l'enAlure & la douleur des mamelles
ne luy laifferent aucunement douter qu'elle nefût groffe , mais elle
enfut certainement affurée quelques mois aprés , puifqu'elle fentit remuerfon enfant : elle atten.
dit donc avec la patience requife
dans le cas le temps dans lequel
elle devoit accoucher ; ce devoit
eftre vers la fin du mois d'Avril
1709. Ce terme eftant venu elle
avoit preparé tout ce qui eftoit
neceffairepaurrecevoirfon enfant
GALANT 71..
maisfonheure n'eftoit pas venues.
elle foupira inutilement aprésfaz
liberation un mois fe paffa ,
trois mois , cinq mois s'ecoulerent fans qu'elle pût élargir fon:
prifonnier ; elle en fut extremement inquiéte , & cela d'autant
plus que fon ventre n'eftoit pas
plus enflé au bout des quinze·
mois , qu'il avoit efté aufeptiéme. Au milieu des triftes réflexions qu'elle faifoitfur le déplorable eftat dans lequel elle fe trouvoit , elle fut furprise d'une
fiévreputride continue au commencement de Novembre ; elle manda
Monfieur ... ancien Medecin
72 MERCURE
de cette Ville , homme auffi recom
mandable parſa vertu que parfa
doctrine ; elle fit venir une Sagefemme avec ce Medecin ; deux
jours aprés j'y fus appellé , ou
ayant conferé avec noftre Ancien
Sur l'eftat prefent de la maladie ,
nous la trouvâmes tresfâcheufe :
elle nous dit que depuis deuxjours
elle ne fentoit plus les mouvemens
dont elle s'eftoit apperçuë depuis fi
longtemps ; les remedes dont nous
nous fervimes n'ayant point empêchéque les accidens defa maladie n'augmentaffent , elle mourut
aprés avoir fouffert des conv ul -
fions épou ventables.
Preffez
GALANT 73
•
Preffez d'une loüable curiofité
Monfieur moy, nousla
fines ouvrir le jour d'aprés ; nous
trouvâmes un enfant mort tout
entier , qui n'eftoit pas plus grand
que s'il n'euft eu que cinq mois ;
il avoitla tefte extraordinairement
groffe par rapport aux autresparties defon corps; le cordon n'avoit
dix poulces de long que buit ои
mais il en avoit plus d'un de groffeur , le placenta eftoit beaucoup
plus petit qu'il n'auroit dû eſtre ;
cet enfant avoit la tefte en haut
&le visage tourné vers le dos
de fa mere. Nous fimes encore ouvrir quelques autres parMars 1710.
G
74 MERCURE
1
ties , nous trouvâmes dans lecœur
de la mere un polype long comme la main , qui avoit un de
fes bouts dans la veine cave ,
l'autredans le ventricule droit
du cœur; fatisfaits de cece que nous
venions de voir , nous n'en viſitâmes point davantage , & nous
nous retirâmes.
&
Voilafans doute un événement
qui n'eft pas inoui , mais qui ne
Taiffe pas d'eftre rare ; quelquesuns élevez dans les principes de la
bonne phyfique , n'ont point depeine à le croire ; d'autres moins inftruits des bizarres fantaifies de la
nature , nesçauroientfe perfuader
GALANT 75
d'un fait dont ils ne peuvent penetrer la raison pour confirmer
les premiers pourdétromper les
feconds , voici commeje raiſonne.
Pendant que le foetus demeure
dans le fein defa mere, il y a un
commerce reciproque entre elle
luy ; le chyle qu'elle fait circulant
avecfonfang, une partie de cette
liqueur laiteufe fe filtre par les
glandes de la M………dans le placenta , y eft reçuepar les orifices
despetites branches de la veine umbilicale qui s'y diſtribuë ; de là elle
eft portée par cette même veine
dans le foye du fœtus , où ellefe
jette dans la veine cave afcendanGij
76 MERCURE
te qui luy fert de canal pour eftre
porté dans le ventricule droit du
cœur , d'où elle paße par le trou
botal dans le gauche pour eſtre
enfuite diftribuée par les arteres
mammaires dans les glandes des
mammelles; trouvant là des pores
proportionnez à fon diametre , elle
s'y filtre , tombe dans le baffin de
la mamelle ; & eft enfuite verfée
par le mamelon dans cette mem
brane que l'on appelle Amnios qui eft fon envelope immediate : c'est c'eft alors
Succe & l'avale ,pour eftre enfuite
que
propre nourriture du fœtus il la
diftribuée par les veines lactées les
devenue la
GALANT 77
glandes d'Azellius , le receptacle
de Peket , les canaux thorachiques ,la veinefouclavieregauche ,
la veine cave defcendante & le
ventricule droit du cœur, & circuler tout de nouveau pour devenir alors le fang & la nourriture
de l'embryon , le refidu eft reporté
auplacenta par les arteres umbilicales.
I
C'eft icy une opinion qai fans
doute va foulever contre moy un
grand nombre de Medecins & de
Phyficiens , qui ne manqueront
pas de rejetter cefentiment comme
une nouveautécondamnable ; mais
qu'ilsfe détrompent, ces Meffieurs;
G iij
78 MERCURE
plufieurs Medecins d'une authorité confiderable , croyent que c'eſt
là le mechanifme de la naturepour
la nourriture & l'accroiffement du
fœtus ; en effet de quel ufageferoient les mamelles des malesfielles
n'eftoient destinées àceluy- ci ? il eft
für que Dieu n'afabriqué aucune
partie du corps qui nefoit propre
quelque fonction particuliere ; il
faut donc que les mamelles des
malesfoientfaites pour celle - cy
puifqu'elles nefontpoint propres à
d'autres ; j'ajoûte à cette preuve
icy une autre qui n'eft pas moins
convainquante , c'est que l'on trouve dans les mamelles des petits en-
GALANT 79
fans qui naiffent, une liqueur toutefemblable àcelle de l'amnios; on
en trouve dans la bouche & dans
l'eftomach de ceux qui meurent qui
a la même odeur , la même couleur la même confiftance ; on
doit donc conclure que c'est la même ; orfi cela est ainfi il faut neceffairement que les mamelles foient
l'organe de cette filtration , puifqu'il n'y en apoint d'autre par
ce fuc nourricier puiffe fe couler
°outter enfuite dans l'Amnios.
où
Fay cru qu'il eftoit neceſſaire
d'entrer dans ce détail pour expliquer avecplus de netteté &faire
f
G
iiij
80 MERCURE
comprendre avec plus de facilité
les raifons par lesquelles cet enfant eft refte fi longtemps
dans le fein defa mere..
enfermé
La nutrition & l'augmentation fe font de la même maniere
dans les animaux , dans les vegetaux dans les mineraux.
Dans ceux- cy uneportion de la
terre fe trouvant fixée par quelques acides , unematiere àpeuprés
de même nature conduite par
ou par l'eau fefiche dans lespores ,
les écarte , les étend , s'y incorpore
augmentefon volume ; de là
font formezfelon les differens degrez de la fermentation , les mél'air
GALANT 81
taux, les mineraux , les pierres
precieuſes , &c.
Dans les vegetaux une humidité onctueufe chargée de quelques
fels ,penetrant l'écorce de la racine
de la plante , fe diftribuë dans fes
fibres , s'y rarefie & fert à l'augmentation defes parties , celles qui
font les plus fubtiles eftant volatilifees par la chaleur du Soleil
de la terre , montent avec rapidité jufqu'au baut de la plante,
où eftant enfuite fixées par le nitre de l'air ellesproduisent lesfleurs
les fruits ; celles qui ont moins
de fubtilité nourriffent les branches , les feuilles & les racines .
82 MERCURE
&les plus groffieresfont deflinées
pour former l'écorce & produire
les mouffes.
Dans les animaux les parties
les plus déliées de ce fue que l'on
appelle Chyle , formédes alimens
qu'ils ont avalez , paffant dans
la maffe du fang circulent avec
luy ,jufqu'àce qu'elles ayent trouvé des pares proportionnez à leur
volume ; c'eft alors que s'y enga
geant elles écartent les fibres du
corps &augmentent fon diametre. Comme les alimens font com
pofez de parties differentes & que
pores ducorps ont auffides configurations diverfes , chacune de
les
GALANT 83
ces petites molecules trouve oùfe
placer , & ainfi toutes les parties
du corps eftant également partagées , doivent croître dans le même temps avec la même proportion.
Les anciens Medecins ont cru
que le fœtus nefe nourriffoit pas
de la même maniere , dans les entrailles defa mere que lorsqu'il a
briſe ſa priſon ; quelques- uns le
croyent encore aujourd'huy ; ils s'imaginent quela mereprepare affez
les alimens qu'elle doit partager
avec fon enfant , pour que cette
tendre creature puiffe s'en accommoder , fans qu'ils ayent befoin
84 MERCURE
d'une digeftion nouvelle ; mais
nous avons fait voir qu'il digere
encore lefucquefa mere luy tranf
met par la veine umbilicale , puifqu'on luy en trouve prefque tou.
jours la bouche & l'estomach
pleins.
que
Quand une mere eftbien nourrie , qu'elle vit d'alimens fucculens , qu'ellejouit d'unefantéproportionnée à l'estat defa groffiffe ,
rien ne trouble le repos de fa
vie , que la tranquilité regne dans
fon ame , qu'elle eft unie à un
épouxjeune & plein defanté, on
voit ordinairement naître fon
fantdansle terme accoûtumé, c'eften
GALANT 85
à dire dans neufmois ; comme la
digeftion eftparfaite , que le chyle
eft abondante loüable, il estporté
au foetus dans une quantitéfuffifante, tousfes membresfont abreu༧༩ར de ce fuc , la fermentationy
eft grande , par confequentfes parties reçoivent unegrande étenduë,
comme un arbre planté dans
une terre graffe & fertile croît
avecpromptitude & facilité , de
même un enfant qui eft dans le
fein de fa mere, telle que je viens
de la décrire doit dans le terme de
neufmois ou auparavant attein.
dre la perfection neceſſaire pour
fortir de foncachot.
86 MERCURE
Au contraire une femme qui
compte fes jours par fes peines ,
qu'une affreuse multitude de douleurs accable , qui eft jointe à un
maryfoible languiffant , qui
eft dans une difette universelle des
chofes même neceffaires à la vie ,
ne digere qu'avecpeine le peu d'alimens qu'elle avale ; fon chyle
crud & vifqueux paſſe dans la
maffe dufang , y excite unefermentation dereglée , eft quelquefois même trop groffierpourpaffer
pores étroits du placenta ;
devons- nous donc nous étonnerfi
lefruit qui eft attaché à cet arbre
nemeuritpoint ? devons-nous eftre
par
les
GALANT 87
furprisfi les membres de cette petite creature infortunée dés les premiers inftans de fa vie , ne croif- .
fentpoint & neparviennentpoint
à la force neceffaire pour rompre
leurs liens ? comme le fuc qui doit
les nourrir pêche parfa quantité
mediocre & parfa mauvaiſe qualité , pourquoy admirer le retardement qui enprovient ? pourquoy
douter qu'un tel fœtus ne puiffe
démeurer douze , quinze , vingt
mois &mêmeplus longtemps dans
les entrailles de fa mere ?
N'eft pas ce qui eft arrivé à
i la femme dont il s'agit , reduite
depuis plus de deux ans dans une
83 MERCURE
pour les gapauvreté honteuse , elle n'a vécu
que pourfouffrir ; les alimens les
plus neceffairespour la confervation defa vie luy ont manqué ;
il a fallu travailler
gner , à peine avoit elle un lit
pourfe délaffer des fatigues du
travail , fujette en mefme temps
à la peine que Dieu impofa à
l'homme pour le punir de la
plaifance qu'il eut pour(afemme,
in fudore vultus tui vefceris
pane, (Genef. ch. 3. ) &fujette
en mefme temps à la douleur
Dieu attacha à la groffeffe pour
punir la femme de fa con lefcendance auxfourberies du ferpent ,
comque
CALANT 89
Cum dolore paries filios
( Genef. ch. 3. ) elle réuniffoit
en elle feule les peines deües aux
deuxfexes , & paffoit ainſifes
jours dans la mifere & dans
Pafliction ; qu'elle difficultéy at-il donc à comprendre , pourquoy
cette femme ne mettoit point au
monde le fruit qu'elle portoit depuis quinze mois ; ne voit on pas
que la mere ayant à peine dequoy
Je foutenir ne pouvoit pas communiquer àfon enfant unegrande
quantité de nouriture ; ne voit on
pas que les efprits de la mere
eftant débiles & fans forces ,
ceux de l'enfant cftoient incapaMars 1710.
H
90 MERCURE
bles d'étendrefesfibres & defaire
fermenterfes liqueurs ? ne voit- on
pas que le peu defuc nourricier que
cet embryon recevoit de fa mere ,
eftantcraffe & groffier , nepouvoit
paspenetrerjufqu'aux extremitez
de fes parties ? le polype que la
mere avoit dans le cœur , eft une
preuve que fes liqueurs eftoient
tres- es- épaiffes , celles de l'enfant ne
pouvoient donc eftre bien animez ?
Les efprits qui en eftoient formez
ne pouvoient donc eftre quefoibles
& énervez ? il ne pouvoit donc
pas avoir affez de force pour brifer fes chaines , pour déchirer les
membranes qui l'enveloppoient ,
GALANT gr
ny pour ouvrir la barriere qui
s'oppofoit àfafortie ?
Voilà ce mefemble des raifons
capables de détromper ceux qui
font dans l'erreur , & de leurfaire
voir qu'une femme peut eftre
groffe plusde neufmois , &qu'il
n'y a pas tant lieu de s'eftonner
quand elle paffe le quinziéme ;
mais afin que rien ne manque aux
preuves que j'ay apportées icy j'y
ajoute l'authorité& l'experience.
Hippocrate dans for livre
de feptimeftri partu , dit qu'il
faut en croire les femmes fur leur
parole ; & qu'il faut ajouter
foy à ce qu'elles difent touchant
Hij
92 MERCURE
l'estat de leurgroffeffe ,parce que
dit cet Auteur , on à beau raifonner fur l'eftat où elles fontalors , ce qu'ellesfententles perfuade bien mieux que tout ce qu'on
pourroit leur dire.
Ariftote au liv. 7. del'Hiftoire
des Animaux , chap. 4. dit que.
tous les animaux ont un terme
certain pour leur naiſſance , que
l'homme feul n'en à point..
Pline dit la même choſe.
Harvée dans la page 3.58° de
Jon Ouvrage , de exercitatione
de partu ,
dit qu'une femme de
fon Pays fut groffe pendant plus
defeize mois. Maynard lib. 4.
GALANT 93
decifionum , dit que lafemme
du fieur Tardet accoucha d'un
fils à lafin du douzième mois
&d'une fille à lafin du feiziéme;
le même Auteur dans le même.
livre , dit que lafemme de Tibere
fille de Scipion , accoucha defon
premier enfant aprés douze mois.
Thionneau , Medecin de Tours,
raporte l'Hiftoire d'un enfant que
fa mere porta vingt trois mois.
Aventinus dit que lafemmed'un
3
Ducdes Vandales qui fut groffe
pendant deux ans accoucha
d'un enfantqui marchoit & qui
parloit ;je doute de cecy , car quel
langage auroit parlé un enfant
94 MERCURI
qui n'en avoit jamais entendu
aucuns. Mercurial dit qu'une
femme qui avoit efté mariée deux
foispendantfeize ans ,fans avoir
eu d'enfants époufa un troifiéme
mary dont elle en eut un qu'elle
porta quatre ans &qui vêcut.
Jepourrois encore ajouter
autoritez celles de plufieurs
Auteurs comme de Skenkius ,
>
de Deufingajus , &c.
à ces
Nous avons dans noftre Pays
affez d'exemples femblables , entr'autres celuy d'une femme de
qualité proche de Faleze , d'une
de Caën , d'une d'Auney , ainfi la
Taifon ,l'autorité, l'experience
GALANT 95
confirmant lefait dont il s'agit
on nepeut nier qu'il ne foitpoffible, &par confequent c'estfans
fondementque plufieurs ont revoqué en doute celuy dont il s'agit
aujourd'huy
Fermer
Résumé : Lettre d'Argentan, qui contient des faits fort singuliers, [titre d'après la table]
Le texte aborde la mortalité et la naissance des êtres humains, en mettant l'accent sur les individus distingués par leur naissance, leur savoir, leurs emplois ou d'autres qualités remarquables. La mort est présentée comme certaine et imprévisible, pouvant survenir subitement en raison du dérèglement d'une partie du corps. La naissance, bien que généralement certaine après neuf mois de grossesse, peut être sujette à des accidents. Des cas exceptionnels sont mentionnés, où des enfants restent dans le sein de leur mère pendant plusieurs années. Tous les êtres vivants souhaitent naturellement la conservation de leur espèce. L'homme, en tant qu'animal parfait, est doté de raison pour accomplir ce commandement divin. Malgré les douleurs et les inconvénients accompagnant la multiplication de l'espèce, la plupart des femmes préfèrent transmettre la vie à leurs descendants. Les femmes sont soumises à diverses incommodités dont les animaux sont exempts et nécessitent l'aide des sages-femmes pour accoucher. Le texte compare la gestation des animaux à celle des femmes. Les animaux ont un terme fixe pour leur portée, tandis que les femmes ignorent le moment exact de leur délivrance, pouvant accoucher entre sept et quatorze mois. Un exemple est donné d'une femme restée enceinte pendant quinze mois avant de décéder, révélant un enfant mort dans son sein. Le mécanisme de la nutrition du fœtus est également expliqué. Les mamelles des femmes jouent un rôle crucial dans ce processus, bien que cette opinion soit controversée. Cette explication permet de comprendre pourquoi un enfant peut rester longtemps dans le sein de sa mère. Le texte traite également des processus de nutrition et de croissance chez les animaux, les végétaux et les minéraux. Chez les végétaux, une humidité chargée de sels pénètre les racines, se distribue dans les fibres et, sous l'effet de la chaleur du Soleil et du nitre de l'air, produit des fleurs et des fruits. Les parties les plus subtiles montent vers le haut de la plante, tandis que les plus grossières forment l'écorce et les mousses. Chez les animaux, les parties les plus déliées du chyle, formé des aliments avalés, circulent dans le sang jusqu'à ce qu'elles trouvent des pores proportionnés à leur volume. Elles s'y engagent, écartent les fibres du corps et augmentent leur diamètre, permettant ainsi une croissance proportionnée de toutes les parties du corps. Les anciens médecins croyaient que le fœtus ne se nourrissait pas de la même manière avant et après la naissance. Cependant, il a été démontré que le fœtus digère le suc transmis par la veine ombilicale, comme en témoignent la bouche et l'estomac pleins du fœtus. Le texte décrit également les conditions favorisant une grossesse normale : une mère bien nourrie, en bonne santé, et vivant dans la tranquillité, voit généralement son enfant naître au terme de neuf mois. En revanche, une mère souffrant de malnutrition, de douleurs et de misère peut voir sa grossesse se prolonger bien au-delà de neuf mois. Plusieurs cas historiques et contemporains de grossesses prolongées sont mentionnés, citant des auteurs comme Hippocrate, Aristote, Pline, et d'autres médecins. Ces exemples montrent que des grossesses de douze, quinze, vingt mois, voire plus, sont possibles en raison de conditions défavorables affectant la digestion et la nutrition du fœtus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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38
p. 36-55
Diverses Theses curieuses soûtenuës à Stragbourg qui apprendront plusieurs faits historiques aussi sçavans que curieux. [titre d'après la table]
Début :
Avant que de quitter l'Allemagne, je dois vous parler de [...]
Mots clefs :
Thèses, Strasbourg, Université, Soutenance de thèse, Ecole de Médecine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Diverses Theses curieuses soûtenuës à Stragbourg qui apprendront plusieurs faits historiques aussi sçavans que curieux. [titre d'après la table]
Avant que de quitter l'Allemagne , je dois vous parlerde
plufieurs Thefes qui ont elté
GALANT 37
foutenues à Strasbourg en divers temps. Vous en verrez les
fujets en les lifant , & vous y
apprendrez beaucoup de chofes qui regardent voſtre fexe ,
& plufieurs autres qui regardant la Medecine , peuvent
eftre utiles à tout le monde.
Mr Abraham Stadet foûtint il y a quelque temps une
Thefe dans l'Univerfité de
Strasbourg fur un fujet affez
fingulier , puifque c'eſt fur le
droit que peuvent avoir les
femmes de fucceder aux Fiefs :
De jure fucced endi mulierum in
feodis. Il fit d'abord voir qu'au-›
38 MERCURE
trefois il leur eftoit deffendu
d'y prétendre , parce que c'étoit le partage des mâles , qui
feuls font capables du fervice
militaire , en récompenfe duquel on donnoit ces terres . Mr
Stadet fe declara dans la difpure publique de l'opinion de
ceux qui excluënt la femme
fans retour , de la fucceffion
des Fiefs. Il s'agiffoit dans une
difficulté que propofa un Ecclefiaftique nommé Auxi , de
fçavoir fi une femme qui par
l'exiſtence d'un mâle a perdu
legitimement le droit de fuccéder à unFiefdoit en eftre pri-
GALANT 39
vée pour toûjours. Mr Stadẹt
fonda fon fentiment fur cé
paffage du Livre des Fiefs : Relicto mafculo ulteriusfœminæ non
admittuntur : & il foutine quê
le mot alteriùs emporte une exclufion perpetuelle quelque
changement qui puiffe arriver
dans la fuite. La feconde queftion & qui fut long- temps &
vivement agitée , fur tout parMr Mordat , fut de fçavoir fi
les femmes fuccedent & peuvent fucceder aux Fiefs qu'on
appelle Féminins , quelque favorable que foit aux femmes
la dénomination de ces fortes
40 MERCURE
de Fiefs , plufieurs Docteurs
penfent qu'aprés la mort de
ceile qui a eu originairement
un droit acquis par l'infcodation , le Fief retombe dans le
droit commun, &ne peut plus
appartenir qu'aux mâles. Mr
Stader ne fut pas de ce ſentiment , & il declara que la deftination primitive du titre d'infeodation decide de la qualité
des perfonnes qui font appelées
dans la fuite à la fucceffion du
fief. Ondifputa enfuite fur une
autre queftion fçavoir fi les
femmes doivent fucceder aux
Franc- Fiefs ; on entend par le
GALANT 41
mot de Franc. Fiefs , ceux qui
ne font chargez d'aucuns fervices. Ce Jurifconfulte foû- .
tint qu'il falloit en cela fuivre
la loy generale qui exclut les
femmes des Fiefs , tant qu'il y
a des mâles , à moins qu'elles
n'y foient appellées d'une maniere expreffe par l'inveftiture.
Il y eutune quatrième queſtion
qui fut vivement debattuë ,
une femmeau defaut de mâles,
a efté admife à la fucceffion
d'un Fief, un mâle qui malheureuſement furvient dans le
temps qu'on ne l'attendoit pas,
la prive- t- il de fon droit ? non
Avril 1710.
D
42 MERCURE
répond Mr Stadet , quelques
fois contraire, quelquefois auffi
favorable aux Dames; la femme en ce cas là , dit-il , conferve le droit qui luy a efté legi
timement acquis , parce que la
durée d'une proprieté jufte
dans fon principe , ne doit pas
dépendre du hazard & de l'incertitude des fuites. Decifion
qui fut applaudie par toute
l'affemblée. Un Fief eft acquis
pour un mâle ou pour une
fille feulement; toutes les filles
d'une même famille y ont elles
également part ? le choix , répondit Mr Stadet , appartient
4
GALANT 43
au Seigneur , il a droit de don,
ner l'inveftiture fur les Cenft
ves. Get Auteur diftingue les
heritages purement Cenfiers,
& ceux qui outre, le cons exigent encorela foy &hommage. Les femmes, felon luy, peuvent fucceder aux premiers ,
où il ne s'agit que d'un fimple
payement , mais elles ne peu
vent fucceder aux,feconds, qui
oblige au Service militaire. Les
femmes font elles capables
des Fiefs Ecclefiaftiques & doiron le demander , répondit Mr
Stadet : ici peu courtois , mais
on luy répondit que les TerDij
44 MERCURE
res Ecclefiaftiques fe défendent plus par les prieres & par
les larmes , que par les armes ;
& qu'ainfi ce moyen eft plus
propre aux femmes qu'aux
hommes. Il repliqua qu'il falloit s'en tenir au droit commun, qui n'admet les femmes
aux Fiefs que lorfque la conceffion eft en faveur de ce fexe,
ou que les deux fexes y font
également appellez.
MrPhilippe Frederic de Berckheim ſoutint auffi il y a quel
que temps dans l'Univerfité de
la mefme Ville, des Thefes pu
bliques fur les Affemblées de
GALANT 45
Nobleffe. Les titres de ces Thefes font tournez en Allemagne
d'une autre maniere qu'on ne
les tourne en France. Cet Auteur avoit déja traité de la
Nobleffe en general dans une
• autre Thefe ; & il traita en particulier dans celle- ci des Diettes qui fe tiennent parmi la
Nobleffe Allemande. Il exami
na d'abord fi les Nobles de
l'Empire peuvent s'affembler
fans le confentement de l'Empereur; il conclut pour l'affirmative ; mais il n'étendit pas
cerre liberté aux Affemblées
des Electeurs & des Princes de
1
46 MERCURE
I Empire. Il foutint qu'il n'y a
point de diftinction ny de fuperiorité entre eux , & il cita
à ce fujer ce qu'avoit dit Hen
ry IV. Roy de France : De ma.
brave & genereufe Nobleffe , je
ne diftinguepoint mes Princes pour
eftre notre plus beau titre , for de
Gentilhomme. Mr. Berckheim
parla enfuite de la convocation
des Nobles , les qualitez qu'il
faut avoir pour eftre convoqué , & les raifons qui peuvent
difpenfer de fe rendre au lieu
de la convocation. Qu'il faut
eftre Noble de race pour eftre
convoqué ; qu'il ne fuffit pas
GALANT 47
A
"
sd'eftre ennobly , & qu'il ne
fuffit pas auffi d'acheter & de
poffeder une Terre noble;l'Autour convine cependant qu'il y
Ja certains Ficfs qui ont le privilege d'ennoblir ceux qui les
poffedent , & qu'il n'y a que la
maladie ou d'autres raiſons indifpenfables qui les exemprent
de fe rendre eux- mêmes dans
-les Affemblées convoquées , &
-il dit que le temps & le lieu de
l'Affemblée des Nobles dépendent de l'ufage & des occa
hons , & que les matieres que
Pontraite dans ces Affemblées,
font generalement toutes col-
$14
48 MERCURE
les qui regardent le public, foit
pour la Religion , foit pour la
Police , & foit pour les contributions aux charges de l'Etat. Ces propofitions furent
attaquées par plufieurs perfonnes qui donnerent lieu à
Mr de Berckeim de faire briller fon érudition ; un jeune
Jurifconfulte , prétendit dans
Ja difpute qu'un Noble, chargé de la procuration d'un autre Noble pour la Diette, perd
fa qualité de Noble ; fondant
fon opinion fur la prevention
trop outrée contre la fonction
de Procureur.
Mr
GALANT 49
Mr Jean Martin Aulber a
foutenu dans le même lieu des
Thefes de Medecine fur l'épilepfie vermineufe , ayant pour
prefident Mr Jean - Valentin
Scheidius Docteur & Profeffeur en Medecine , & un des
Medecins de toute l'Allemagne le plus confulté. Mr Aul
ber un des plus doctes Candidats de l'Ecole de Strasbourg,
fit d'abord voir que les vers
font la caufe la plus ordinaire
de l'épilepfic des enfans ; fentiment dont il a pour garants
le celebre Mr Baglivi & l'Auteur du traité de la generation
Avril 1710. E
50 MERCURE
des vers ( Mr Andri. ) Il prouva d'ailleurs ce fentiment par
la femence des inteftins dont
les vers peuvent eftre aisément
picotés par une humeur vermincufe & par les vers. De là
il paffa au détail des fymptomes particuliers à l'épilepfic
vermineuſe , comme la démangeaifon du nez , la toux feche , les dejections de couleur
de cendres , le hocquet , l'haleine aigre, les terreurs fubites
pendant le fommeil , la dou- .
leur de ventre &c. Mr.Aulber
attribua la production des
vers dans les corps des enfans,
A
GALANT SI
à des mouches qui fe pofent ,
tantôt fur la boüillie des enfans , tantôt fur leur bouche,
qu elles laiffent quantité d'œufs
que les enfans avallent , & d'ou
naiffent des vers. Mr Redi , Mr
Raderus & le fçavant Auteur
du Livre de la generation des
Vers dans le corps humain,
ont traité avec étendue le mêmefajer, & Mr Aulber les cita tous avec éloge. Ce qu'il dit
enfuite du prognoftic qu'on
faire dans l'épilepfic verincufe fur écouté avec plaifir Ilremarqua qu'elle eft rarement dangereuse , hors qu'elle
peut
E ij
52 MERCURF
ne foit inveterée. Les moyens
qu'il indiqua pour la guerir fu
rent autant de preuves de l'érudition du Soutenant , & du
progrés qu'il a fait en Mede
cine.
Mr Gabriel Daniel Bartenf
tein a foutenu dans l'Ecole de
Medecine de Strasbourg des
Thefes publiques , dans lefquelles il y avoit cent pofitions
fur toutes fortes de ſujets qui
peuvent regarderla Medecine.
Mr. Jean Sigifmond Henninger Docteur & Profeffeur en
Medecine dans la même Univerfité , & fous lequel Mr Bar-
GALANT 53
tenftein a fait fon Cours , prefidoit à cet Acte. Mr Bartenftein commença d'abord par
découvrir l'origine de la Medecine ; il parla enfuite de l'ame
& du corps , de la nature des
temperamens, & il parcourut
enfuite toute la Phifiologie. De
là il paffa à la Pathologie , &
expliqua les caufes des fiévres,
& en difant quelque chofe de
la pratique , il donna des preuyes éclatantes du progrés qu'il a
fait dans fes études , parce que
Mr Bartenftein dit dans la cinquante-fixième pofition fur les
fiévres malignes en particulier
E iij
54 MERCURE
il fit voir que les émulfions
&les acides font fouvent plus
les cordiaux & les
с
efficaces que
alexiteres. Dans la 57 il avan
ce que l'abus des remedes volatils peut fouvent changer les
petites veroles en fiévre pourpreufe & maligne. Il fe declara
en quelque maniere dans la 66*
contre la racine de l'Hipecacuana , &il prétend que quoiqu'elle foit fpecifique dans les dyffenteries , il eft pourtant quelquefois dangereux de s'en fervir à caufe des ravages & du
defordre que fa vertu émetique peut caufer. Mrd'Obrecht
* GALANT 55
le fils , fils du celebre Preteur de
Strafbourg de ce nom , argumenta avec force contre cette derniere pofition. Mr l'Evêque de Strasbourg atlilta à ces
Thefes avec un grand concours de Nobleſſe.
plufieurs Thefes qui ont elté
GALANT 37
foutenues à Strasbourg en divers temps. Vous en verrez les
fujets en les lifant , & vous y
apprendrez beaucoup de chofes qui regardent voſtre fexe ,
& plufieurs autres qui regardant la Medecine , peuvent
eftre utiles à tout le monde.
Mr Abraham Stadet foûtint il y a quelque temps une
Thefe dans l'Univerfité de
Strasbourg fur un fujet affez
fingulier , puifque c'eſt fur le
droit que peuvent avoir les
femmes de fucceder aux Fiefs :
De jure fucced endi mulierum in
feodis. Il fit d'abord voir qu'au-›
38 MERCURE
trefois il leur eftoit deffendu
d'y prétendre , parce que c'étoit le partage des mâles , qui
feuls font capables du fervice
militaire , en récompenfe duquel on donnoit ces terres . Mr
Stadet fe declara dans la difpure publique de l'opinion de
ceux qui excluënt la femme
fans retour , de la fucceffion
des Fiefs. Il s'agiffoit dans une
difficulté que propofa un Ecclefiaftique nommé Auxi , de
fçavoir fi une femme qui par
l'exiſtence d'un mâle a perdu
legitimement le droit de fuccéder à unFiefdoit en eftre pri-
GALANT 39
vée pour toûjours. Mr Stadẹt
fonda fon fentiment fur cé
paffage du Livre des Fiefs : Relicto mafculo ulteriusfœminæ non
admittuntur : & il foutine quê
le mot alteriùs emporte une exclufion perpetuelle quelque
changement qui puiffe arriver
dans la fuite. La feconde queftion & qui fut long- temps &
vivement agitée , fur tout parMr Mordat , fut de fçavoir fi
les femmes fuccedent & peuvent fucceder aux Fiefs qu'on
appelle Féminins , quelque favorable que foit aux femmes
la dénomination de ces fortes
40 MERCURE
de Fiefs , plufieurs Docteurs
penfent qu'aprés la mort de
ceile qui a eu originairement
un droit acquis par l'infcodation , le Fief retombe dans le
droit commun, &ne peut plus
appartenir qu'aux mâles. Mr
Stader ne fut pas de ce ſentiment , & il declara que la deftination primitive du titre d'infeodation decide de la qualité
des perfonnes qui font appelées
dans la fuite à la fucceffion du
fief. Ondifputa enfuite fur une
autre queftion fçavoir fi les
femmes doivent fucceder aux
Franc- Fiefs ; on entend par le
GALANT 41
mot de Franc. Fiefs , ceux qui
ne font chargez d'aucuns fervices. Ce Jurifconfulte foû- .
tint qu'il falloit en cela fuivre
la loy generale qui exclut les
femmes des Fiefs , tant qu'il y
a des mâles , à moins qu'elles
n'y foient appellées d'une maniere expreffe par l'inveftiture.
Il y eutune quatrième queſtion
qui fut vivement debattuë ,
une femmeau defaut de mâles,
a efté admife à la fucceffion
d'un Fief, un mâle qui malheureuſement furvient dans le
temps qu'on ne l'attendoit pas,
la prive- t- il de fon droit ? non
Avril 1710.
D
42 MERCURE
répond Mr Stadet , quelques
fois contraire, quelquefois auffi
favorable aux Dames; la femme en ce cas là , dit-il , conferve le droit qui luy a efté legi
timement acquis , parce que la
durée d'une proprieté jufte
dans fon principe , ne doit pas
dépendre du hazard & de l'incertitude des fuites. Decifion
qui fut applaudie par toute
l'affemblée. Un Fief eft acquis
pour un mâle ou pour une
fille feulement; toutes les filles
d'une même famille y ont elles
également part ? le choix , répondit Mr Stadet , appartient
4
GALANT 43
au Seigneur , il a droit de don,
ner l'inveftiture fur les Cenft
ves. Get Auteur diftingue les
heritages purement Cenfiers,
& ceux qui outre, le cons exigent encorela foy &hommage. Les femmes, felon luy, peuvent fucceder aux premiers ,
où il ne s'agit que d'un fimple
payement , mais elles ne peu
vent fucceder aux,feconds, qui
oblige au Service militaire. Les
femmes font elles capables
des Fiefs Ecclefiaftiques & doiron le demander , répondit Mr
Stadet : ici peu courtois , mais
on luy répondit que les TerDij
44 MERCURE
res Ecclefiaftiques fe défendent plus par les prieres & par
les larmes , que par les armes ;
& qu'ainfi ce moyen eft plus
propre aux femmes qu'aux
hommes. Il repliqua qu'il falloit s'en tenir au droit commun, qui n'admet les femmes
aux Fiefs que lorfque la conceffion eft en faveur de ce fexe,
ou que les deux fexes y font
également appellez.
MrPhilippe Frederic de Berckheim ſoutint auffi il y a quel
que temps dans l'Univerfité de
la mefme Ville, des Thefes pu
bliques fur les Affemblées de
GALANT 45
Nobleffe. Les titres de ces Thefes font tournez en Allemagne
d'une autre maniere qu'on ne
les tourne en France. Cet Auteur avoit déja traité de la
Nobleffe en general dans une
• autre Thefe ; & il traita en particulier dans celle- ci des Diettes qui fe tiennent parmi la
Nobleffe Allemande. Il exami
na d'abord fi les Nobles de
l'Empire peuvent s'affembler
fans le confentement de l'Empereur; il conclut pour l'affirmative ; mais il n'étendit pas
cerre liberté aux Affemblées
des Electeurs & des Princes de
1
46 MERCURE
I Empire. Il foutint qu'il n'y a
point de diftinction ny de fuperiorité entre eux , & il cita
à ce fujer ce qu'avoit dit Hen
ry IV. Roy de France : De ma.
brave & genereufe Nobleffe , je
ne diftinguepoint mes Princes pour
eftre notre plus beau titre , for de
Gentilhomme. Mr. Berckheim
parla enfuite de la convocation
des Nobles , les qualitez qu'il
faut avoir pour eftre convoqué , & les raifons qui peuvent
difpenfer de fe rendre au lieu
de la convocation. Qu'il faut
eftre Noble de race pour eftre
convoqué ; qu'il ne fuffit pas
GALANT 47
A
"
sd'eftre ennobly , & qu'il ne
fuffit pas auffi d'acheter & de
poffeder une Terre noble;l'Autour convine cependant qu'il y
Ja certains Ficfs qui ont le privilege d'ennoblir ceux qui les
poffedent , & qu'il n'y a que la
maladie ou d'autres raiſons indifpenfables qui les exemprent
de fe rendre eux- mêmes dans
-les Affemblées convoquées , &
-il dit que le temps & le lieu de
l'Affemblée des Nobles dépendent de l'ufage & des occa
hons , & que les matieres que
Pontraite dans ces Affemblées,
font generalement toutes col-
$14
48 MERCURE
les qui regardent le public, foit
pour la Religion , foit pour la
Police , & foit pour les contributions aux charges de l'Etat. Ces propofitions furent
attaquées par plufieurs perfonnes qui donnerent lieu à
Mr de Berckeim de faire briller fon érudition ; un jeune
Jurifconfulte , prétendit dans
Ja difpute qu'un Noble, chargé de la procuration d'un autre Noble pour la Diette, perd
fa qualité de Noble ; fondant
fon opinion fur la prevention
trop outrée contre la fonction
de Procureur.
Mr
GALANT 49
Mr Jean Martin Aulber a
foutenu dans le même lieu des
Thefes de Medecine fur l'épilepfie vermineufe , ayant pour
prefident Mr Jean - Valentin
Scheidius Docteur & Profeffeur en Medecine , & un des
Medecins de toute l'Allemagne le plus confulté. Mr Aul
ber un des plus doctes Candidats de l'Ecole de Strasbourg,
fit d'abord voir que les vers
font la caufe la plus ordinaire
de l'épilepfic des enfans ; fentiment dont il a pour garants
le celebre Mr Baglivi & l'Auteur du traité de la generation
Avril 1710. E
50 MERCURE
des vers ( Mr Andri. ) Il prouva d'ailleurs ce fentiment par
la femence des inteftins dont
les vers peuvent eftre aisément
picotés par une humeur vermincufe & par les vers. De là
il paffa au détail des fymptomes particuliers à l'épilepfic
vermineuſe , comme la démangeaifon du nez , la toux feche , les dejections de couleur
de cendres , le hocquet , l'haleine aigre, les terreurs fubites
pendant le fommeil , la dou- .
leur de ventre &c. Mr.Aulber
attribua la production des
vers dans les corps des enfans,
A
GALANT SI
à des mouches qui fe pofent ,
tantôt fur la boüillie des enfans , tantôt fur leur bouche,
qu elles laiffent quantité d'œufs
que les enfans avallent , & d'ou
naiffent des vers. Mr Redi , Mr
Raderus & le fçavant Auteur
du Livre de la generation des
Vers dans le corps humain,
ont traité avec étendue le mêmefajer, & Mr Aulber les cita tous avec éloge. Ce qu'il dit
enfuite du prognoftic qu'on
faire dans l'épilepfic verincufe fur écouté avec plaifir Ilremarqua qu'elle eft rarement dangereuse , hors qu'elle
peut
E ij
52 MERCURF
ne foit inveterée. Les moyens
qu'il indiqua pour la guerir fu
rent autant de preuves de l'érudition du Soutenant , & du
progrés qu'il a fait en Mede
cine.
Mr Gabriel Daniel Bartenf
tein a foutenu dans l'Ecole de
Medecine de Strasbourg des
Thefes publiques , dans lefquelles il y avoit cent pofitions
fur toutes fortes de ſujets qui
peuvent regarderla Medecine.
Mr. Jean Sigifmond Henninger Docteur & Profeffeur en
Medecine dans la même Univerfité , & fous lequel Mr Bar-
GALANT 53
tenftein a fait fon Cours , prefidoit à cet Acte. Mr Bartenftein commença d'abord par
découvrir l'origine de la Medecine ; il parla enfuite de l'ame
& du corps , de la nature des
temperamens, & il parcourut
enfuite toute la Phifiologie. De
là il paffa à la Pathologie , &
expliqua les caufes des fiévres,
& en difant quelque chofe de
la pratique , il donna des preuyes éclatantes du progrés qu'il a
fait dans fes études , parce que
Mr Bartenftein dit dans la cinquante-fixième pofition fur les
fiévres malignes en particulier
E iij
54 MERCURE
il fit voir que les émulfions
&les acides font fouvent plus
les cordiaux & les
с
efficaces que
alexiteres. Dans la 57 il avan
ce que l'abus des remedes volatils peut fouvent changer les
petites veroles en fiévre pourpreufe & maligne. Il fe declara
en quelque maniere dans la 66*
contre la racine de l'Hipecacuana , &il prétend que quoiqu'elle foit fpecifique dans les dyffenteries , il eft pourtant quelquefois dangereux de s'en fervir à caufe des ravages & du
defordre que fa vertu émetique peut caufer. Mrd'Obrecht
* GALANT 55
le fils , fils du celebre Preteur de
Strafbourg de ce nom , argumenta avec force contre cette derniere pofition. Mr l'Evêque de Strasbourg atlilta à ces
Thefes avec un grand concours de Nobleſſe.
Fermer
Résumé : Diverses Theses curieuses soûtenuës à Stragbourg qui apprendront plusieurs faits historiques aussi sçavans que curieux. [titre d'après la table]
Le texte présente plusieurs thèses soutenues à l'Université de Strasbourg. Abraham Stadet a exploré le droit des femmes à succéder aux fiefs. Il a souligné que les femmes étaient historiquement exclues en raison de leur incapacité à servir militairement. Stadet a distingué entre les fiefs féminins et les francs-fiefs, concluant que les femmes peuvent succéder aux premiers mais pas aux seconds, qui nécessitent un service militaire. Il a également abordé la succession aux fiefs ecclésiastiques, suggérant que les femmes peuvent y succéder si la concession le permet. Philippe Frédéric de Berckheim a soutenu des thèses sur les assemblées de noblesse. Il a conclu que les nobles de l'Empire peuvent s'assembler sans le consentement de l'Empereur, contrairement aux électeurs et aux princes. Il a également discuté des qualifications nécessaires pour être convoqué et des raisons valables pour ne pas se rendre à une convocation. Jean Martin Aulber a soutenu une thèse sur l'épilepsie vermineuse, affirmant que les vers sont la cause principale de cette maladie chez les enfants. Il a détaillé les symptômes et les moyens de traitement, citant des auteurs célèbres comme Baglivi et Andri. Gabriel Daniel Bartenstein a présenté des thèses sur divers sujets médicaux, couvrant l'origine de la médecine, la physiologie, la pathologie, et les traitements des fièvres. Il a discuté de l'efficacité des émulsions et des acides, ainsi que des dangers de l'abus des remèdes volatils et de la racine de l'Ipecacuana.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 103-130
LETTRE De Mr l'Abbé Vere sur les Eaux de Balaruc, à Me de Camus, Religieuse de Saint Pierre de Lyon.
Début :
Vous me demandez de mettre toûjours beaucoup de varieté / Les Eaux de Balaruc en Languedoc, où vous accompagnâtes [...]
Mots clefs :
Eaux de Balaruc, Abbaye de Saint Pierre de Lyon, Sel fixe, Esprit acide, Couleur, Teinture, Purger, Sensible, Vitriol, Asthme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE De Mr l'Abbé Vere sur les Eaux de Balaruc, à Me de Camus, Religieuse de Saint Pierre de Lyon.
Vous me demandez de mettre toûjours beaucoup de vaI iiij
104 MERCURE
rieté dans mes Lettres , ce qui
donne , dites - vous , la facilité
d'en quitter & d'en reprendre
fouvent la lecture , fans que la
memoire foit obligée de fe
charger du commencement
d'un Article qu'on n'aura pas
lû entier.
Vous fouhaitez auffi d'y
trouver toûjours des Articles
qui regardent la fanté , à caufe
de l'utilité que l'on peut tirer
de ces fortes d'Articles , & je
crois ne pouvoir mieux vous
fatisfaire qu'en vous envoyant
la Lettre fuivante, je vous prie
de vous fouvenir que ce n'eſt
pas moy qui parle.
GALANT 105
LETTRE
De Mr l'Abbé Vere fur les
Eaux de Balaruc , à Me de
Camus , Religieufe de Saint
Pierre de Lyon.
Les Eaux de Balaruc en Languedoc , où vous accompagnates
autrefois feuë Me l' Abbeſſe de
Saint Pierre, & dont vous m'avez demandé l'analyse , fontfort
chaudes & fumeufes. Quand on
en verfe quelques gouttes fur la
teinture defleurs de Mauve , la
couleur violette en eft d'abord
106 MERCURE
•
Ce changée en une couleur rouge.
qui prouve que ces Eaux font
impregnées d'un fel acide , tresvolatil. D'ailleurs , une pinte mefure de Montpellier, de cet eau ,
c'est- à- dire , trois livres & quatre onces , fourniffent deux dragmes d'un fel fori raboteux , fort
poreux, & fort blanc qui dés
qu'on l'a exposé à un air froid ,
commence de prendre une couleur
grife cendrée , & qui devient d'un
gris affezfoncé, tirant unpeufur
le roux , quand on le conferve
long- temps dans des phioles de
verres, quoy qu'elles foient bien
bouchées. Ce fel appliquéfur la
GALANT 107
langue y excite une acreté qui
tient de l'acidité ; ainfi on peut le
régarder comme un felfalé acres
dont l'acreté n'eftpas violente , ou
comme unfelfalé acre- doux , qui
ne fouffre aucune fermentation
quand on l'arrose d'huile de Tartre, ilfefermente tres-aifément
ఆ d'une manierefenfible lorsque
fon tiffu eft penetré par quelques
efprits acides. Il agace agace un peu les
dents , lorsqu'il a eſté mêlé
avec la teinture defleurs de Mauil luy donne une couleur verte fort approchante de celle d'une
émeraude; maispeu d'heures aprés
cette couleur fe change en une
ve,
108 MERCURE
autre rouffatre femblable , ou peu
s'en faut , à celle du vin mufcat
de Frontignan.
à
Lorfqu'on les a fait diftiller au
Bain Marie, elles paroiffent tout
fait infipides & ne changent
point la couleur du papier bleu ,
& elles ne font qu'éclaircir la
couleur de la teinture de fleurs de
Mauve , on en infere qu'elles
laiffent , lorfqu'on les fait diftiller
tout leurfel dans le fond de l'alembic ; & ce fel aa unun tiffu plus
ferré que celuy du fel qu'on avoit
tiré auparavant des mêmes eaux,
lorfqu'on les avoit fait évaporer.
Il eftoitformé par cubes plus irre-
GALANT 109
&
guliersque ceux du fel marin. Il
tiroit fur le roux, & le fut entierement aprés avoir efté exposé
à l'air , devint tres -humide.
Lorfqu'on le deffeche , iljette une
odeur fulphurée douce , affez
agreable , qui approche de
celle qui fort de la pomme de Renette , lorsqu'on la met fur des
charbons ardens ; le fel qu'on tire
aprés la diftillation ayant le tiffu
plusferré,fefermenteplus difficiLement que celui qu'on tire aprés
l'évaporation de ces eaux. Mêlé
avec la teinture defleurs de Mauve, il luy donne une couleur bleüe,
qui devenant de moment à autre
110 MERCURE
plus foncée : enfin , en prend une
aprés une heure ou deux, qui tire
fur un vert clair, & enfuite fur
un vert unpeu foncé; & au bout
4. heures une couleur rouſſâcelle du muſcat ſefait
de
tretelle
que
remarquer.
On découvre que le fel fixe de
ces eaux eft un fel acre ou alkali
pur; en en faifant évaporer une
quantité confiderable par un feu
moderé, en mêlant demy once
de ce fel avec une once demie
de tête morte de bol , on en tire
durant cinq oufix heures d'un feu
de reverbere affez violent , un
efprit acide , & cet efprit excite
GALANT III
unefermentation tres-fenfible toutes les fois qu'on en verfe quelques gouttes fur du fel de Tartre
&de fang humain , &fur des
corps terreftres qui ont une configuration depores , à peu prés femblables à celles des pores des fels
appellez alkalis. Cet efprit agace
les dents , rougit le papier bleu,
la teinture du Tournefal , le Sirop
violat la teinture de fleurs de
Mauve.
Mais lorsqu'onfait une leffive
de la matiere contenuë dans la
cornuë où a efté ce fel , on en tire
un autrefel d'un tiſſu fi ouvert que
les efprits de nitre , de vitriol &
712 MERCURE
•
ces
defouffre, le penetrentfans exciter aucune fermentation fenfible ,
quoique l'huile de vitriol , mais
impregnée de parties falines , acides , plus groffieres que celles de
efprits , le fermente un peu. Ce
fel tout relaché quefûtfon tiſſu ,
donna dans une experience faite
depuis peu , une couleur bleuë à la
teinture de fleurs de Mauve qui
prit d'abord une couleur verte ,
enfuite une rouffâtre.
Vingt-unjours aprés qu'on a tiré
un efprit acide du fel de ces eauxe
mêlé avec dela tête morte de Bol,
en mettant dans un vafe une once
du mêmefelfans mélange, on tire
GALANT 113
quelques heures aprés &par un
feu peu violent une dragme &
trente-fix grains d'un efprit acide
qui a une force égale à celle de
l'efprit dontje viens de parler, &
qui produit les mêmes effets . Le
fel contenu dans la cornuë où eftoit
cet efprit feramaffe par grains de
figure à peuprés ronde , quiforme
depetits pelotons entaffez les uns
fur les autres. Le poids de ce fel
eft de fix dragmes vingt- qua
tre grains ; ainfi on voit que la diftillation fe faitfans perte fenfible.
de lafubftance du corps diftillé.
Enfin on tire aprés deux heures
d'un feu reverbere fort moderé ,
Avril 1710.
K
114 MERCURE
d'une demi- once du fel tiré de ces
eauxdiftillées dans le Bain- marie ,
fans mélange d'aucun autre corps ,
un efprit acide qui paroift avoir
unpeu plus de pointe que celuy
qui est tiré du fel de ces mêmes
eaux , mêlé avec une once &demie de la même tefte morte deBol.
Cequiperfuadeque le Bolpreparé
d'une certaine maniere ne donne
jamais rien du fien à l'esprit acide
tiré du fel falé acre fixe du fang
humain. Car s'ilpouvoit luy communiquer quelque acidite' , felon
le fentiment de quelques Medecins , il en communiqueroit fans
doute au premier efprit qu'on tire
GALANT 115
du fel des eaux de Balaruc , &
en ce cas cet efprit auroit dû avoir
plus de force que celuy qu'on tire
des mêmes eauxfans le fecours de
la tefte morte de Bol.
Au reste lorsqu'on afiny la diftillation du fel tiré au Bainmarie
de ces eaux , on voit que ce fel
s'y fond , & qu'il s'y vitrifie en
partie , puifqu'il s'attache fi fort
àlafurface interne de la cavité
du vaſe , qu'il en eft comme infeparable ; & cefelquoy qu'en partie vitrifié , ne laiſſepas de fefermenter un peu lorsqu'on l'arrofe
de quelques goutres d'huile de Vitriol ; mais fon tiffu eft trop ouKij
116 MERCURE
vert pourpouvoir eftre fermenté
par l'efprit du Vitriol , &par
autres acides.
les
On voit doncpar tout ce que je
viens de dire , que ces eaux font
impregnées d'unfel acide volatil ,
&d'unfel falé acre , tres -fufceptible de fermentation ; ainfi il
leur faut reconnoître deux fortes
de principes fermentatifs , l'un
actif, l'autre paffif, & ces deux
principes operent unefermentation
continuelle , & par confequent les
rendent chaleureufes & fumeufes; leur chaleur cependant eftfuportable , quelque violente qu'elle
paroiffe d'abord , puifqu'elle ne
GALANT 117
change point la confiftence & la
couleur verte des feuilles de l'OZeille , quoy qu'on les y faffe
tremper long-temps. On y peut
mettre un auf dont on ouvrira
la coque , & l'y laiffer une heure,
aprés laquelle on ne reconnoîtra
pasplus d'alteration dansfon blanc
dansfonjaune , que s'il avoit
toujours eftédans l'eaufroide. La
fumée qui fort de ces eaux fem
ble un peu fulphurée , fur tout
prés de lafource , qu'on appelle le
Bain des Pauvres , parce que
c'eſt-là où ils fe baignent: il en
faut donc conclure que ces cause
contiennent quelques parties ful
118 MERCURE
phurées , puifqu'onéprouve qu'el
les rendent la peau douce & un
péu onctueuse, & que le felfixe
qu'on en tire lorsqu'on les diftille.
au Bainmarie, jette lorſqu'il eft:
détaché une odeur douce & agreable , qui ne peut eftre l'effet que
d'un fouffre tres fin.
On n'a plus lieu de douter aprés
tout ce queje viens de dire
ces eaux ne foient déterfives,
propres à diffondre toutes fortes
d'humeurs vifqucufes. En voicy
la preuve. Rempliffez une grande cuiliere de fer de ces eaux, &
mettez-yle jaune &le blanc d'un
œuffrais , vous y verrez que
que
GALANT 119
dans demy heure, & lorfque vous
aurezplongé cette cuiliere juſqu'à
fon bord dans la fource de ces
eaux, que le blanc de l'œuffera
entierement diffout , fans que l'eau
contenue dans la cuiliere paroiffe
le moins du monde vifquenfe.
Pour le jaune il eft vray que fa
furface exterieure pâlit un peu ;
mais fa confiftance naturelle ne
s'altere point. Vouspouvezfaire
une feconde experience ; c'eft de
remplir une cuiliere de fer auffi
grande que la premiere d'eau de
la mer un peu chaude , & d'y
mettre le blanc & le jaune d'un
euffrais , er de plonger enfuite
120 MERCURE
cette cuiliere prefque jufqu'à fon
bord dans la fource des eaux de
Balaruc , & vous verrez qu'aprés l'y avoir laiffée une heure, le
blanc de l'œuf ne paroîtra qu'un
peu diffout , parce que l'eau de la
mer en avoit détaché quelques
parties feulement , qui l'avoient
renduë tantfoit peugluante. Mettez enfin les deux cuilieres fur
deuxfourneaux également chauds
&vous verrez que le blanc de
l'œufqui s'eſtoir diſſout dans les
caux de Balaruc fe coagulera en
fe rarefiant en prenant la forme d'une crème fouettée , au lieu
que le blanc de l'œuf qui avoit
efté
GALANT 121
efté mis dans l'eau de la mer, &
qui n'avoit pas efté diffout , devint dur &
compacte comme
le blanc des œufs cuits au miroir.
Ainficeux qui ont regardé le fel
des eaux de Balaruc comme une
efpece de fel marin , fe détromperont aisément , pour peu qu'ils
veuillent faire quelque attention
à ce que j'ay dit de l'un &
de
l'autre de ces deux fels.
Mais ilfaut vous parler àprefent des effets falutaires de ces
eaux. Elles fontpurgatives, mais
fans violence & fans excés à cause
des fels dont elles font impreignées.
Elles gueriffent les maux d'efto
Avril 1710. L
122 MERCURE
machqui viennent durelâchement
des differens vaiffeaux qui le compofent , ou de la trop grande aigreur , ou de la foibleffe de fon levain , ou des humeurs visqueuses
collées à fa furface interne , ои
d'une lymphe trop épaiffe qui coule lentement dans les vaiffeaux
lymphatiques arteriels reneux; &
cela parce que fi les vaisseaux de
ce vifcerefe trouvent relâchez&
commeparalytiques , elles diffipent
par leurchaleur les humiditez qui
en produisent le relâchement , &
elles rétabliffent le reffortpar leurs
parties falines : fi le levain eft
trop aigre , elles l'amortiſſent &
GALANT 123
l'adouciſſent par leurfelfixe. S'il
eft trop aqueux & par confequent
foible , elles l'aninent par leurfel
acide volatil , le débaraffent
par leurfelfalé : s'ily a des humeurs gluantes dans l'eftomach
qui en empêchent les fonctions ,
elles le nettoyent en divifant les
fucs collez àfafurface interieure.
Lorfqu'il y a trop d'épaififfement
dans la lymphe , que fes conduits
lymphatiques arteriels nerveux
reçoivent de fes arteres pour la
porter dans les vines , elles fondent par leur chaleur cette épaiffeur& la font par leurs parties
falines acres couler librement , de
Lij
124 MERCURE
mêmeque lefuc lymphatique trop
épais qui laproduit. Ainfices eaux
procurent une facile digeftion en
rétabliffant le ferment de l'eftomach. Elles gueriffent auffi les
maux qui dépendent du relâchement ou des fermentations vicieufes qui s'excitent dans les caviteż
des boyaux.
Vous jugez par là , Madame
que ces eaux font tres bonnes
l'afthme humide , & qu'elles ne
conviennent point aux maux de
poitrine & du bas ventre.
Elles mordifient , defféchent ,
incarnent cicatrifent les ulceres , fur tout ceux qui viennent
GALANT 125
des playes fimples ; elles font admirables pour les maux de tefte exterieurs , lefroidque l'onfent quelquefoisfur lefommet de cette partie , & pour lesfluxions desyeux
pourvû qu'on obferve de s'enfaire
arrofer le derriere de la tefte & la
nuque du col cinq oufixfois , fçavoir le matin & le foir durant
deux ou troisjours. Elles gueriffent lorsqu'on s'y baigne trois ou
quatre fois les douleurs de rhumatifme ; elles excitent d'abord une
fueur difficile à foutenir , il faut
faire enfuite fuer le malade une
beure ou deux dans un lit. Comme on en rend laplus grande parLiij
126 MERCURE
tie par les felles & qu'elles font
fort chaudes fondantes , elles
divifent, adouciffent & mêmedifSipent par les fueurs qu'elles caufent les humeurs qui caufent les
maux que je vous ay détaillez.
Ellesfont auffimerveillenfespour
lesparalyfies quifuivent les apoplexies , diffipant & diffolvant
par leur chaleur & leurfel fixe ,
T'humeur qui bouche les nerfs , &
animantpar leur fel acide volatil
l'efprit animal à qui elles ouvrent
les routes naturelles en augmentant la vigueur , & par là elles
rendent le mouvement auxparties.
paralytiques. Elles gueriffent les
GALANT 127
dévoyemens , les pâles couleurs ,
les maladies melancoliques ,
de même que les fiévres intermittentes croniques.
On les prend fur les lieux en
Automne au Printemps. Il
faut prendre garde fur tout que
l'airn'entredans les bouteilles dans
lesquelles on les puife ; on les peut
transporter avec cette précaution ,
en boire en tout temps ; on les
boit même à Paris avecfuccés ,
ce qui leve toutesfortes de doutes
fur le transport.
de commencer à en Avant
que
boire
lorfqu'on
afini
, il faut
fe
le
lendemain
de la
purgapurger;
L iiij .
128 MERCURI
tion on en peutprendre àjeun & à
diverfes reprifes treize à quatorze
verres ou gobelets d'environ demi
feptier chacun dans le cours tout
au plus d'une heure & un quart.
Le premier coup eft de chopine ou
de deux verres de fuite. Il faut
prendre aprés les avoir prifes une
demie écuellée de bouillon de poulet.
La meilleure partie s'en va ordinairement par lesfelles , & on continuë d'en boire plus fouvent pendant trois jours & quelquefois
pendant quatre. Lorsqu'on ne les
boit pas fur les lieux , ilfaut obferver de les mettre au degré de
chaleur qu'elles ont à leurfource,
GALANY 129
qui est une chaleur approchante
de celle d'un bouillon tres- chaud ;
pour cela ilfaut déboucher la bouteille , laiffer tomber legerement le
bouchon dans le gouleau , enforte
qu'elle foit entre ouverte , mettre
du foin dans le fond d'un chaudron enforte que le verre ne touche point le chaudron & enfuite
remplir le chaudron d'eau , à qui
on donne le degré neceffaire de chaleur. Jefuis , Madame , &c.
Cette Lettre a paru d'autant
plus curieufe à tous ceux qui
Font luë qu'elle fait connoître
que la matiere a efté bien ap-
130 MERCURE
profondie par le grand nombre d'experiences que l'on a
faites , ce qui donne lieu d'efperer un falutaire effet de l'ufage des Eaux dont il y eſt parlé, & il feroit à fouhaiter que
les remedes dont on nous parle
tous les jours cuffent un effet
auffi fenfible.
104 MERCURE
rieté dans mes Lettres , ce qui
donne , dites - vous , la facilité
d'en quitter & d'en reprendre
fouvent la lecture , fans que la
memoire foit obligée de fe
charger du commencement
d'un Article qu'on n'aura pas
lû entier.
Vous fouhaitez auffi d'y
trouver toûjours des Articles
qui regardent la fanté , à caufe
de l'utilité que l'on peut tirer
de ces fortes d'Articles , & je
crois ne pouvoir mieux vous
fatisfaire qu'en vous envoyant
la Lettre fuivante, je vous prie
de vous fouvenir que ce n'eſt
pas moy qui parle.
GALANT 105
LETTRE
De Mr l'Abbé Vere fur les
Eaux de Balaruc , à Me de
Camus , Religieufe de Saint
Pierre de Lyon.
Les Eaux de Balaruc en Languedoc , où vous accompagnates
autrefois feuë Me l' Abbeſſe de
Saint Pierre, & dont vous m'avez demandé l'analyse , fontfort
chaudes & fumeufes. Quand on
en verfe quelques gouttes fur la
teinture defleurs de Mauve , la
couleur violette en eft d'abord
106 MERCURE
•
Ce changée en une couleur rouge.
qui prouve que ces Eaux font
impregnées d'un fel acide , tresvolatil. D'ailleurs , une pinte mefure de Montpellier, de cet eau ,
c'est- à- dire , trois livres & quatre onces , fourniffent deux dragmes d'un fel fori raboteux , fort
poreux, & fort blanc qui dés
qu'on l'a exposé à un air froid ,
commence de prendre une couleur
grife cendrée , & qui devient d'un
gris affezfoncé, tirant unpeufur
le roux , quand on le conferve
long- temps dans des phioles de
verres, quoy qu'elles foient bien
bouchées. Ce fel appliquéfur la
GALANT 107
langue y excite une acreté qui
tient de l'acidité ; ainfi on peut le
régarder comme un felfalé acres
dont l'acreté n'eftpas violente , ou
comme unfelfalé acre- doux , qui
ne fouffre aucune fermentation
quand on l'arrose d'huile de Tartre, ilfefermente tres-aifément
ఆ d'une manierefenfible lorsque
fon tiffu eft penetré par quelques
efprits acides. Il agace agace un peu les
dents , lorsqu'il a eſté mêlé
avec la teinture defleurs de Mauil luy donne une couleur verte fort approchante de celle d'une
émeraude; maispeu d'heures aprés
cette couleur fe change en une
ve,
108 MERCURE
autre rouffatre femblable , ou peu
s'en faut , à celle du vin mufcat
de Frontignan.
à
Lorfqu'on les a fait diftiller au
Bain Marie, elles paroiffent tout
fait infipides & ne changent
point la couleur du papier bleu ,
& elles ne font qu'éclaircir la
couleur de la teinture de fleurs de
Mauve , on en infere qu'elles
laiffent , lorfqu'on les fait diftiller
tout leurfel dans le fond de l'alembic ; & ce fel aa unun tiffu plus
ferré que celuy du fel qu'on avoit
tiré auparavant des mêmes eaux,
lorfqu'on les avoit fait évaporer.
Il eftoitformé par cubes plus irre-
GALANT 109
&
guliersque ceux du fel marin. Il
tiroit fur le roux, & le fut entierement aprés avoir efté exposé
à l'air , devint tres -humide.
Lorfqu'on le deffeche , iljette une
odeur fulphurée douce , affez
agreable , qui approche de
celle qui fort de la pomme de Renette , lorsqu'on la met fur des
charbons ardens ; le fel qu'on tire
aprés la diftillation ayant le tiffu
plusferré,fefermenteplus difficiLement que celui qu'on tire aprés
l'évaporation de ces eaux. Mêlé
avec la teinture defleurs de Mauve, il luy donne une couleur bleüe,
qui devenant de moment à autre
110 MERCURE
plus foncée : enfin , en prend une
aprés une heure ou deux, qui tire
fur un vert clair, & enfuite fur
un vert unpeu foncé; & au bout
4. heures une couleur rouſſâcelle du muſcat ſefait
de
tretelle
que
remarquer.
On découvre que le fel fixe de
ces eaux eft un fel acre ou alkali
pur; en en faifant évaporer une
quantité confiderable par un feu
moderé, en mêlant demy once
de ce fel avec une once demie
de tête morte de bol , on en tire
durant cinq oufix heures d'un feu
de reverbere affez violent , un
efprit acide , & cet efprit excite
GALANT III
unefermentation tres-fenfible toutes les fois qu'on en verfe quelques gouttes fur du fel de Tartre
&de fang humain , &fur des
corps terreftres qui ont une configuration depores , à peu prés femblables à celles des pores des fels
appellez alkalis. Cet efprit agace
les dents , rougit le papier bleu,
la teinture du Tournefal , le Sirop
violat la teinture de fleurs de
Mauve.
Mais lorsqu'onfait une leffive
de la matiere contenuë dans la
cornuë où a efté ce fel , on en tire
un autrefel d'un tiſſu fi ouvert que
les efprits de nitre , de vitriol &
712 MERCURE
•
ces
defouffre, le penetrentfans exciter aucune fermentation fenfible ,
quoique l'huile de vitriol , mais
impregnée de parties falines , acides , plus groffieres que celles de
efprits , le fermente un peu. Ce
fel tout relaché quefûtfon tiſſu ,
donna dans une experience faite
depuis peu , une couleur bleuë à la
teinture de fleurs de Mauve qui
prit d'abord une couleur verte ,
enfuite une rouffâtre.
Vingt-unjours aprés qu'on a tiré
un efprit acide du fel de ces eauxe
mêlé avec dela tête morte de Bol,
en mettant dans un vafe une once
du mêmefelfans mélange, on tire
GALANT 113
quelques heures aprés &par un
feu peu violent une dragme &
trente-fix grains d'un efprit acide
qui a une force égale à celle de
l'efprit dontje viens de parler, &
qui produit les mêmes effets . Le
fel contenu dans la cornuë où eftoit
cet efprit feramaffe par grains de
figure à peuprés ronde , quiforme
depetits pelotons entaffez les uns
fur les autres. Le poids de ce fel
eft de fix dragmes vingt- qua
tre grains ; ainfi on voit que la diftillation fe faitfans perte fenfible.
de lafubftance du corps diftillé.
Enfin on tire aprés deux heures
d'un feu reverbere fort moderé ,
Avril 1710.
K
114 MERCURE
d'une demi- once du fel tiré de ces
eauxdiftillées dans le Bain- marie ,
fans mélange d'aucun autre corps ,
un efprit acide qui paroift avoir
unpeu plus de pointe que celuy
qui est tiré du fel de ces mêmes
eaux , mêlé avec une once &demie de la même tefte morte deBol.
Cequiperfuadeque le Bolpreparé
d'une certaine maniere ne donne
jamais rien du fien à l'esprit acide
tiré du fel falé acre fixe du fang
humain. Car s'ilpouvoit luy communiquer quelque acidite' , felon
le fentiment de quelques Medecins , il en communiqueroit fans
doute au premier efprit qu'on tire
GALANT 115
du fel des eaux de Balaruc , &
en ce cas cet efprit auroit dû avoir
plus de force que celuy qu'on tire
des mêmes eauxfans le fecours de
la tefte morte de Bol.
Au reste lorsqu'on afiny la diftillation du fel tiré au Bainmarie
de ces eaux , on voit que ce fel
s'y fond , & qu'il s'y vitrifie en
partie , puifqu'il s'attache fi fort
àlafurface interne de la cavité
du vaſe , qu'il en eft comme infeparable ; & cefelquoy qu'en partie vitrifié , ne laiſſepas de fefermenter un peu lorsqu'on l'arrofe
de quelques goutres d'huile de Vitriol ; mais fon tiffu eft trop ouKij
116 MERCURE
vert pourpouvoir eftre fermenté
par l'efprit du Vitriol , &par
autres acides.
les
On voit doncpar tout ce que je
viens de dire , que ces eaux font
impregnées d'unfel acide volatil ,
&d'unfel falé acre , tres -fufceptible de fermentation ; ainfi il
leur faut reconnoître deux fortes
de principes fermentatifs , l'un
actif, l'autre paffif, & ces deux
principes operent unefermentation
continuelle , & par confequent les
rendent chaleureufes & fumeufes; leur chaleur cependant eftfuportable , quelque violente qu'elle
paroiffe d'abord , puifqu'elle ne
GALANT 117
change point la confiftence & la
couleur verte des feuilles de l'OZeille , quoy qu'on les y faffe
tremper long-temps. On y peut
mettre un auf dont on ouvrira
la coque , & l'y laiffer une heure,
aprés laquelle on ne reconnoîtra
pasplus d'alteration dansfon blanc
dansfonjaune , que s'il avoit
toujours eftédans l'eaufroide. La
fumée qui fort de ces eaux fem
ble un peu fulphurée , fur tout
prés de lafource , qu'on appelle le
Bain des Pauvres , parce que
c'eſt-là où ils fe baignent: il en
faut donc conclure que ces cause
contiennent quelques parties ful
118 MERCURE
phurées , puifqu'onéprouve qu'el
les rendent la peau douce & un
péu onctueuse, & que le felfixe
qu'on en tire lorsqu'on les diftille.
au Bainmarie, jette lorſqu'il eft:
détaché une odeur douce & agreable , qui ne peut eftre l'effet que
d'un fouffre tres fin.
On n'a plus lieu de douter aprés
tout ce queje viens de dire
ces eaux ne foient déterfives,
propres à diffondre toutes fortes
d'humeurs vifqucufes. En voicy
la preuve. Rempliffez une grande cuiliere de fer de ces eaux, &
mettez-yle jaune &le blanc d'un
œuffrais , vous y verrez que
que
GALANT 119
dans demy heure, & lorfque vous
aurezplongé cette cuiliere juſqu'à
fon bord dans la fource de ces
eaux, que le blanc de l'œuffera
entierement diffout , fans que l'eau
contenue dans la cuiliere paroiffe
le moins du monde vifquenfe.
Pour le jaune il eft vray que fa
furface exterieure pâlit un peu ;
mais fa confiftance naturelle ne
s'altere point. Vouspouvezfaire
une feconde experience ; c'eft de
remplir une cuiliere de fer auffi
grande que la premiere d'eau de
la mer un peu chaude , & d'y
mettre le blanc & le jaune d'un
euffrais , er de plonger enfuite
120 MERCURE
cette cuiliere prefque jufqu'à fon
bord dans la fource des eaux de
Balaruc , & vous verrez qu'aprés l'y avoir laiffée une heure, le
blanc de l'œuf ne paroîtra qu'un
peu diffout , parce que l'eau de la
mer en avoit détaché quelques
parties feulement , qui l'avoient
renduë tantfoit peugluante. Mettez enfin les deux cuilieres fur
deuxfourneaux également chauds
&vous verrez que le blanc de
l'œufqui s'eſtoir diſſout dans les
caux de Balaruc fe coagulera en
fe rarefiant en prenant la forme d'une crème fouettée , au lieu
que le blanc de l'œuf qui avoit
efté
GALANT 121
efté mis dans l'eau de la mer, &
qui n'avoit pas efté diffout , devint dur &
compacte comme
le blanc des œufs cuits au miroir.
Ainficeux qui ont regardé le fel
des eaux de Balaruc comme une
efpece de fel marin , fe détromperont aisément , pour peu qu'ils
veuillent faire quelque attention
à ce que j'ay dit de l'un &
de
l'autre de ces deux fels.
Mais ilfaut vous parler àprefent des effets falutaires de ces
eaux. Elles fontpurgatives, mais
fans violence & fans excés à cause
des fels dont elles font impreignées.
Elles gueriffent les maux d'efto
Avril 1710. L
122 MERCURE
machqui viennent durelâchement
des differens vaiffeaux qui le compofent , ou de la trop grande aigreur , ou de la foibleffe de fon levain , ou des humeurs visqueuses
collées à fa furface interne , ои
d'une lymphe trop épaiffe qui coule lentement dans les vaiffeaux
lymphatiques arteriels reneux; &
cela parce que fi les vaisseaux de
ce vifcerefe trouvent relâchez&
commeparalytiques , elles diffipent
par leurchaleur les humiditez qui
en produisent le relâchement , &
elles rétabliffent le reffortpar leurs
parties falines : fi le levain eft
trop aigre , elles l'amortiſſent &
GALANT 123
l'adouciſſent par leurfelfixe. S'il
eft trop aqueux & par confequent
foible , elles l'aninent par leurfel
acide volatil , le débaraffent
par leurfelfalé : s'ily a des humeurs gluantes dans l'eftomach
qui en empêchent les fonctions ,
elles le nettoyent en divifant les
fucs collez àfafurface interieure.
Lorfqu'il y a trop d'épaififfement
dans la lymphe , que fes conduits
lymphatiques arteriels nerveux
reçoivent de fes arteres pour la
porter dans les vines , elles fondent par leur chaleur cette épaiffeur& la font par leurs parties
falines acres couler librement , de
Lij
124 MERCURE
mêmeque lefuc lymphatique trop
épais qui laproduit. Ainfices eaux
procurent une facile digeftion en
rétabliffant le ferment de l'eftomach. Elles gueriffent auffi les
maux qui dépendent du relâchement ou des fermentations vicieufes qui s'excitent dans les caviteż
des boyaux.
Vous jugez par là , Madame
que ces eaux font tres bonnes
l'afthme humide , & qu'elles ne
conviennent point aux maux de
poitrine & du bas ventre.
Elles mordifient , defféchent ,
incarnent cicatrifent les ulceres , fur tout ceux qui viennent
GALANT 125
des playes fimples ; elles font admirables pour les maux de tefte exterieurs , lefroidque l'onfent quelquefoisfur lefommet de cette partie , & pour lesfluxions desyeux
pourvû qu'on obferve de s'enfaire
arrofer le derriere de la tefte & la
nuque du col cinq oufixfois , fçavoir le matin & le foir durant
deux ou troisjours. Elles gueriffent lorsqu'on s'y baigne trois ou
quatre fois les douleurs de rhumatifme ; elles excitent d'abord une
fueur difficile à foutenir , il faut
faire enfuite fuer le malade une
beure ou deux dans un lit. Comme on en rend laplus grande parLiij
126 MERCURE
tie par les felles & qu'elles font
fort chaudes fondantes , elles
divifent, adouciffent & mêmedifSipent par les fueurs qu'elles caufent les humeurs qui caufent les
maux que je vous ay détaillez.
Ellesfont auffimerveillenfespour
lesparalyfies quifuivent les apoplexies , diffipant & diffolvant
par leur chaleur & leurfel fixe ,
T'humeur qui bouche les nerfs , &
animantpar leur fel acide volatil
l'efprit animal à qui elles ouvrent
les routes naturelles en augmentant la vigueur , & par là elles
rendent le mouvement auxparties.
paralytiques. Elles gueriffent les
GALANT 127
dévoyemens , les pâles couleurs ,
les maladies melancoliques ,
de même que les fiévres intermittentes croniques.
On les prend fur les lieux en
Automne au Printemps. Il
faut prendre garde fur tout que
l'airn'entredans les bouteilles dans
lesquelles on les puife ; on les peut
transporter avec cette précaution ,
en boire en tout temps ; on les
boit même à Paris avecfuccés ,
ce qui leve toutesfortes de doutes
fur le transport.
de commencer à en Avant
que
boire
lorfqu'on
afini
, il faut
fe
le
lendemain
de la
purgapurger;
L iiij .
128 MERCURI
tion on en peutprendre àjeun & à
diverfes reprifes treize à quatorze
verres ou gobelets d'environ demi
feptier chacun dans le cours tout
au plus d'une heure & un quart.
Le premier coup eft de chopine ou
de deux verres de fuite. Il faut
prendre aprés les avoir prifes une
demie écuellée de bouillon de poulet.
La meilleure partie s'en va ordinairement par lesfelles , & on continuë d'en boire plus fouvent pendant trois jours & quelquefois
pendant quatre. Lorsqu'on ne les
boit pas fur les lieux , ilfaut obferver de les mettre au degré de
chaleur qu'elles ont à leurfource,
GALANY 129
qui est une chaleur approchante
de celle d'un bouillon tres- chaud ;
pour cela ilfaut déboucher la bouteille , laiffer tomber legerement le
bouchon dans le gouleau , enforte
qu'elle foit entre ouverte , mettre
du foin dans le fond d'un chaudron enforte que le verre ne touche point le chaudron & enfuite
remplir le chaudron d'eau , à qui
on donne le degré neceffaire de chaleur. Jefuis , Madame , &c.
Cette Lettre a paru d'autant
plus curieufe à tous ceux qui
Font luë qu'elle fait connoître
que la matiere a efté bien ap-
130 MERCURE
profondie par le grand nombre d'experiences que l'on a
faites , ce qui donne lieu d'efperer un falutaire effet de l'ufage des Eaux dont il y eſt parlé, & il feroit à fouhaiter que
les remedes dont on nous parle
tous les jours cuffent un effet
auffi fenfible.
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Résumé : LETTRE De Mr l'Abbé Vere sur les Eaux de Balaruc, à Me de Camus, Religieuse de Saint Pierre de Lyon.
La lettre de l'Abbé Vere fournit des informations détaillées sur les propriétés et les usages des eaux de Balaruc en Languedoc. Ces eaux, chaudes et fumantes, contiennent un sel acide volatil et un sel fixe acide. Lorsqu'on les verse sur la teinture de fleurs de mauve, la couleur violette devient rouge, indiquant la présence d'un acide. Une mesure de ces eaux produit un sel blanc, poreux et raboteux, qui change de couleur à l'air froid. Ce sel a une acidité modérée et ne fermente pas facilement. Distillées, les eaux de Balaruc apparaissent insipides et ne changent pas la couleur du papier bleu. Elles éclaircissent la teinture de fleurs de mauve, laissant leur sel dans l'alambic. Le sel obtenu par distillation est plus compact et se fermente moins facilement. Mélangé avec la teinture de mauve, il donne une couleur bleue qui devient verte puis roussâtre. Les eaux contiennent un sel acide ou alcalin pur. En évaporant ces eaux, on obtient un esprit acide qui fermente facilement avec le sel de tartre et le sang humain. Cet esprit agace les dents et rougit le papier bleu. Les eaux de Balaruc sont détergentes et dissolvent les humeurs visqueuses. Elles sont purgatives sans violence et guérissent les maux d'estomac en dissolvant les humeurs gluantes et en fondant les épaississements lymphatiques. Elles sont efficaces contre l'asthme humide, les ulcères, les maux de tête, les fluxions des yeux et les douleurs rhumatismales. Elles sont également utiles pour les paralysies suivant les apoplexies, en dissolvant l'humeur qui bloque les nerfs. Les eaux augmentent la vigueur et restaurent le mouvement des parties paralytiques. Elles traitent divers maux tels que les déviations, les pâles couleurs, les maladies mélancoliques et les fièvres intermittentes chroniques. Les eaux sont collectées en automne et au printemps et doivent être conservées dans des bouteilles hermétiques pour éviter l'entrée de l'air. Elles peuvent être transportées et consommées à tout moment, même à Paris. La méthode de consommation consiste à boire treize à quatorze verres d'environ demi-septier chacun sur une période d'une heure et un quart. Le premier verre est de chopine ou de deux verres de suite. Après la prise, il est recommandé de boire une demi-écuelle de bouillon de poulet. La meilleure partie des eaux est souvent éliminée par les selles, et la consommation peut se poursuivre pendant trois à quatre jours. Lorsqu'elles ne sont pas consommées sur place, les eaux doivent être maintenues à une température proche de celle d'un bouillon très chaud.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 130-135
Observations Anatomiques, qui regardent la santé, & qui font connoistre le mal que cause ordinairement l'excès du Vin. [titre d'après la table]
Début :
Voicy encore un Article qui regarde la santé. Il n'y [...]
Mots clefs :
Vin, Liqueur, Maladie, Opium
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texteReconnaissance textuelle : Observations Anatomiques, qui regardent la santé, & qui font connoistre le mal que cause ordinairement l'excès du Vin. [titre d'après la table]
Voicy encore un Article
qui regarde la fanté.
Il n'y a que des Beuveurs
déterminez qui puiffent lire
fans eftre effrayez les Obfervations Aftronomiques qui viennent d'eftre faites dans une des
plus grandes Villes du Royau-
GALANT 131
me, fur le corps d'un homme
mort , &qui avoit fait pendant
fa vie un ufage immoderé du
vin & des liqueurs fpiritueules.
Aprés avoir efté attaqué pendant deux années d'accés de
phrenefie tres-violens , il moufut d'un abcés au foye. On
l'ouvrit , & on trouva dans fa
tête &dans fonfoye de grands
defordres dont la caufe fut attribuée par les Medecins & les
Chirurgiens prefens à cette
operation , à l'uſage exceffifdu
vin & des liqueurs. Ceux qui
avoient eu foin de luy pendant fa maladie rapporterent
132 MERCURE
à cette occafion une circonf
tance qui ne doit pas eftre oubliée. Pendant fa maladie on
luy donnoit quelques teintures d'opium pour calmer les
infomnies fâcheufes qui accompagnoient fes accés de
phrenefic , & on obfervoit que
toutes les fois qu'on luy donnoit ces teintures avec de l'efprit de vin , loin d'eftre calmé,
il retomboit dans des accés encore plus violens , au lieu que
les teintures avec l'eau le calmoient & luy donnoient quelques heures de fommeil. Un
habile Medecin qui ſe trouva
GALANT 133
prefent à cette experience remarqua qu'on n'eſt pas affez
perfuadé du mauvais effet des
liqueurs fpiritueufes & même
de l'uſage immoderé du vin.
Prévenu en faveur de ces liqueurs qui flattent le gouft
oncroit prendre des forces &
de la vie en les prenant , & on
ne remarque pas qu'elles ne
paroiffent fortifier qu'en augmentant le reffort des fibres ,
& qu'elles l'augmentent quelquefois au point qu'elles les
rendent trop roides & même
quelquesfois offeufes ; qu'elles
épaiffiffent tous les fucs du
134 MERCURE
la
corps ; qu'elles les coagulent.
quelquefois jufqu'à les convertir en pierres , & que c'eſt par
là que ces liqueurs engendrent
goutte , la gravelle , la pierre , & qu'elles cauſent des vapeurs , des affections convulfives , des rhumatiſmes, des apoplexies & des paralyfies. Cela
fe prouve par experience. On
verfe de l'efprit de vin bien
rectifié fur la ferofité du fang ,
cette ferofité qui eft claire fe
grumelle auffi toft & fe caille
en une maſſe blanche , & elle
fe durcit peu à peu comme du
blanc d'œuf cuit , fi on la tient
GALANT 135
à une moyenne chaleur de digeftion. L'efprit de vin caille
la bile de la même maniere.
qui regarde la fanté.
Il n'y a que des Beuveurs
déterminez qui puiffent lire
fans eftre effrayez les Obfervations Aftronomiques qui viennent d'eftre faites dans une des
plus grandes Villes du Royau-
GALANT 131
me, fur le corps d'un homme
mort , &qui avoit fait pendant
fa vie un ufage immoderé du
vin & des liqueurs fpiritueules.
Aprés avoir efté attaqué pendant deux années d'accés de
phrenefie tres-violens , il moufut d'un abcés au foye. On
l'ouvrit , & on trouva dans fa
tête &dans fonfoye de grands
defordres dont la caufe fut attribuée par les Medecins & les
Chirurgiens prefens à cette
operation , à l'uſage exceffifdu
vin & des liqueurs. Ceux qui
avoient eu foin de luy pendant fa maladie rapporterent
132 MERCURE
à cette occafion une circonf
tance qui ne doit pas eftre oubliée. Pendant fa maladie on
luy donnoit quelques teintures d'opium pour calmer les
infomnies fâcheufes qui accompagnoient fes accés de
phrenefic , & on obfervoit que
toutes les fois qu'on luy donnoit ces teintures avec de l'efprit de vin , loin d'eftre calmé,
il retomboit dans des accés encore plus violens , au lieu que
les teintures avec l'eau le calmoient & luy donnoient quelques heures de fommeil. Un
habile Medecin qui ſe trouva
GALANT 133
prefent à cette experience remarqua qu'on n'eſt pas affez
perfuadé du mauvais effet des
liqueurs fpiritueufes & même
de l'uſage immoderé du vin.
Prévenu en faveur de ces liqueurs qui flattent le gouft
oncroit prendre des forces &
de la vie en les prenant , & on
ne remarque pas qu'elles ne
paroiffent fortifier qu'en augmentant le reffort des fibres ,
& qu'elles l'augmentent quelquefois au point qu'elles les
rendent trop roides & même
quelquesfois offeufes ; qu'elles
épaiffiffent tous les fucs du
134 MERCURE
la
corps ; qu'elles les coagulent.
quelquefois jufqu'à les convertir en pierres , & que c'eſt par
là que ces liqueurs engendrent
goutte , la gravelle , la pierre , & qu'elles cauſent des vapeurs , des affections convulfives , des rhumatiſmes, des apoplexies & des paralyfies. Cela
fe prouve par experience. On
verfe de l'efprit de vin bien
rectifié fur la ferofité du fang ,
cette ferofité qui eft claire fe
grumelle auffi toft & fe caille
en une maſſe blanche , & elle
fe durcit peu à peu comme du
blanc d'œuf cuit , fi on la tient
GALANT 135
à une moyenne chaleur de digeftion. L'efprit de vin caille
la bile de la même maniere.
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Résumé : Observations Anatomiques, qui regardent la santé, & qui font connoistre le mal que cause ordinairement l'excès du Vin. [titre d'après la table]
L'article examine les conséquences de l'abus d'alcool à travers le cas d'un homme décédé après des années de consommation excessive de vin et de liqueurs spiritueuses. Cet homme avait souffert de phrénésie violente et était mort d'un abcès au foie. Les médecins ont attribué ses troubles à l'alcoolisme et à une opération chirurgicale. Pendant sa maladie, l'administration d'opium avec de l'esprit de vin aggravait ses accès, tandis que l'opium dilué dans l'eau le calmait. Un médecin présent a souligné les dangers des liqueurs spiritueuses, souvent perçues à tort comme fortifiantes. Ces substances augmentent la rigidité des fibres corporelles, épaississent et coagulent les sucs, causant diverses maladies comme la goutte, la gravelle, les apoplexies et les paralysies. Une expérience a montré que l'esprit de vin rectifié solidifie le sang et la bile, confirmant ses effets délétères.
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41
p. 73-74
SPECIFIQUE infaillible qui allonge la vie de l'homme en abregeant les Maladies.
Début :
De tous les Manuscrits qu'on m'a envoyez, voicy [...]
Mots clefs :
Spécifique
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texteReconnaissance textuelle : SPECIFIQUE infaillible qui allonge la vie de l'homme en abregeant les Maladies.
SPECIFIQUE
infaillible qui allonge
la ruie de l'homme en
abrégéantlesMaladies.
De tous les Manuscrits
qu'onm'aenvoyez,
voicyceluy donc le Titre
est le plus interessant.
Faire vivre long-temps
&en bonne santé! Oliy,,
la promesse de cet homme-
là est tres-interessante.
Voyons ses preuves.
C'est une Listede Cure
étonnantes, miraculeu
ses Il a gueri non-seu
lement des hydropisie
formées; mais des ago
nies formées,
Je le crois sur sa pa
role; car je vois que c'est
un Empirique bas-Normand.
Plaçons vîte dan
mon Livre un Spécifique
si salutaire au genre humain,
mais non, j'aime
mieux vous donner une
Chanson,
infaillible qui allonge
la ruie de l'homme en
abrégéantlesMaladies.
De tous les Manuscrits
qu'onm'aenvoyez,
voicyceluy donc le Titre
est le plus interessant.
Faire vivre long-temps
&en bonne santé! Oliy,,
la promesse de cet homme-
là est tres-interessante.
Voyons ses preuves.
C'est une Listede Cure
étonnantes, miraculeu
ses Il a gueri non-seu
lement des hydropisie
formées; mais des ago
nies formées,
Je le crois sur sa pa
role; car je vois que c'est
un Empirique bas-Normand.
Plaçons vîte dan
mon Livre un Spécifique
si salutaire au genre humain,
mais non, j'aime
mieux vous donner une
Chanson,
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Résumé : SPECIFIQUE infaillible qui allonge la vie de l'homme en abregeant les Maladies.
Le manuscrit 'infaillible qui allonge la ruie de l'homme en abrégeant les Maladies' propose des guérisons miraculeuses, comme l'hydropisie. Son auteur, un Empirique bas-Normand, assure l'efficacité du remède. Cependant, l'auteur du texte hésite à l'inclure dans son livre, préférant offrir une chanson.
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42
p. 153-154
SUR LES MEDECINS.
Début :
Les noirs Ministres d'Hypocrate [...]
Mots clefs :
Médecins, Sirops
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texteReconnaissance textuelle : SUR LES MEDECINS.
SUR
LES MEDECINS.
Les noirsMiniJlres
cTHjpocroete
De deux Sjropsqu'ilsinfujent
dans l'eau,
Envoyent l'un chercher
laratey
Dépècenttautre aupaïs
du cerveau 0 Cefi grand hasard
quand unefeulegoutte
Peut bien juivre ja route,
Alais cette liqueur
Suremeritfarsa douceur,
Fortedroitaucoeur.
LES MEDECINS.
Les noirsMiniJlres
cTHjpocroete
De deux Sjropsqu'ilsinfujent
dans l'eau,
Envoyent l'un chercher
laratey
Dépècenttautre aupaïs
du cerveau 0 Cefi grand hasard
quand unefeulegoutte
Peut bien juivre ja route,
Alais cette liqueur
Suremeritfarsa douceur,
Fortedroitaucoeur.
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43
p. 113-116
ARTICLE Burlesque.
Début :
Le sçavant Hipocrates a dit, dit-on, car ce n'est [...]
Mots clefs :
Hippocrate, Burlesque, Raison
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texteReconnaissance textuelle : ARTICLE Burlesque.
ARTICLE
Burlefque»
Le sçavant Hipocrates
a dit,dit-on,car-ce n'est
que par oüi-dire que je
sçai ce qu'Hipocrates a
dit, suposez donc qu'Hipocrates
ait dit qu'on
doit une fois le mois s'enyvrer
pour la santédu
corps; un sage Philosophe
ne pourroit-il point
dire aussi, que pour la
santé de l'esprit il faut
extravaguer une fois par
mois. Non,l'on ne doit
jamais perdre la raison de
vue; maisonpeutlalaisfer
reposer. Elle a besoin
derepos, & chez les Sa--
ges sur tout; plus l'on cft
fage
,
plus la raison travaille,
plus elle fatigue.
Je crois que rien n'est
meilleur pour procurer
du repos à la raison que
le Burlesque,car elle ne
se mesle point de cette
façon de penser.Tâchons
donc de rire un peu pendant
que la raison repose;
mais rions innocemment
, la se peut. Il y
a des plaisanteries qui ne
blessent point les moeurs
quoi qu'elles blessent le
bon sens. Je voudrois
bien en pouvoir écrire
de celles-là
, car j'en ay
promis un Chapitre tous
les mois; mais contentez
vous d'une chanson
dans ce genre là, car je
n'ay eu que huitjours de
temps pour remplir ma
tâche.
Burlefque»
Le sçavant Hipocrates
a dit,dit-on,car-ce n'est
que par oüi-dire que je
sçai ce qu'Hipocrates a
dit, suposez donc qu'Hipocrates
ait dit qu'on
doit une fois le mois s'enyvrer
pour la santédu
corps; un sage Philosophe
ne pourroit-il point
dire aussi, que pour la
santé de l'esprit il faut
extravaguer une fois par
mois. Non,l'on ne doit
jamais perdre la raison de
vue; maisonpeutlalaisfer
reposer. Elle a besoin
derepos, & chez les Sa--
ges sur tout; plus l'on cft
fage
,
plus la raison travaille,
plus elle fatigue.
Je crois que rien n'est
meilleur pour procurer
du repos à la raison que
le Burlesque,car elle ne
se mesle point de cette
façon de penser.Tâchons
donc de rire un peu pendant
que la raison repose;
mais rions innocemment
, la se peut. Il y
a des plaisanteries qui ne
blessent point les moeurs
quoi qu'elles blessent le
bon sens. Je voudrois
bien en pouvoir écrire
de celles-là
, car j'en ay
promis un Chapitre tous
les mois; mais contentez
vous d'une chanson
dans ce genre là, car je
n'ay eu que huitjours de
temps pour remplir ma
tâche.
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Résumé : ARTICLE Burlesque.
Le texte aborde la nécessité de repos pour l'esprit, similaire au repos physique recommandé par Hippocrate. L'auteur souligne que, bien que la raison ne doive jamais être perdue, elle a besoin de repos, particulièrement chez les sages. Il propose que le burlesque, une forme de divertissement, puisse offrir ce repos à la raison sans la compromettre. L'auteur souhaite écrire des plaisanteries innocentes qui ne blessent pas les mœurs. Cependant, n'ayant eu que huit jours pour accomplir sa tâche, il se contente de présenter une chanson dans ce style.
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44
p. 25-44
Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Début :
Le 22. de Fevrier il y eut aux Ecoles de Medecine [...]
Mots clefs :
Mère et enfant, Membrane, Sang, Grossesse, Foetus, Nourriture, Corps
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texteReconnaissance textuelle : Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Leuza de Ferrier il y
eut aux Ecoles de Medecine
de Paris une nouvelle The-
Se fur la nourriture du Foetus.
Mr Falconet le fils Medecin
ordinaire du Roy &
de Mr le Chancelier , qui eft
auteur de la Thefe , en eftoit
le Prefident , & Mr deFuf
fieu Bachelier de la Faculté :
Profeffeur Royal de Botanique
au Jardin du Roy en
eftoit le Soutenant inco
: De tout ce qui fe paffe
dans le corps humain il
n'y a rien de plus merveilleux
que la maniere
C Fevrier.
26 MERCURE
dont l'Enfant fe nourrit
dans le Sein de la Mere
Il femble d'abord qu'il n'y
ait d'autre liqueur que les
fang de la Mere , qui puif
fe fervir de nourriture ab
l'Enfant, Ge fentiment quih
fe prefente naturellement
à l'efprit , a efté celuy desi
la plufpair des Anciens.)
quelques Modernes l'ont
fuivi , & ont cru pouvoir
le confirmer par des obfervations
particulieres ) :
Mais la meilleure partiet,
des Phyficiens d'aujour
d'huy , ayant découvertv
GALANT. 27
qu'une liqueur laiteufe fe
féparoit du fang de la
Mere dans le lieu où
l'Enfant fe nourrit , ont
jugé qué cette liqueur ne
pouvoit eftre deſtinée qu'à
la nourriture de l'Enfant.
Une partie de ceux qui ont
embraffé ce dernier fentiment
, croient pourtant
encore qu'il y a entre le
fang de la Mere & celuy
de l'Enfant , quelque commerce
de circulation
tant il eft vray qu'il refter
toujours quelque chofe
des anciens préjugés, bang
Cij
28 MERCURE
Dans la Thefe dont- il
s'agit , on foutient non
feulement , que le fang de
la Mere ne fert pas d'aliment
à l'Enfant , mais encore
qu'il n'y a aucune
communication de l'un à
l'autre par les vaiſſeaux du
fang Voicy les principes
fur lefquels ce fentiment
cft appuyé.
On ne peut reconnoif
tre de liqueur pour veri
table nourriture de l'Enfant
que celle dont le
pallage de la Merc à l'Enfant
eft manifefte : il faut
1
GALANT. 29
*
de plus que cette liqueur
convienne au corps qui doit
en eſtre nourri ; & cette
convenance doit fe trou .
ver dans la qualité , dins la
quantité & dans le mouvement
.
Toutes ces conditions
fe trouvent dans la liqueur
laiteufe dont- il a etté parlé
, & ne fe trouvent point
dans le fang de la Mere.
Premiere ment , on eft affuré
de l'existence de cette
liqueur , & dans certains
Animaux , comme
ceux qui ruminent
OR
Ciij
30 MERCURE
C
l'exprime en abondance
lorfqu'on preffe les Cotyledons
on appelle ainfi
dans ces Animaux les petits
refervoirs où cette liqueur
samaffe . ) D'abord
les membranes
qui envelopent
l'infant s'imbibent
par des pores imperceptibles
de cette liqueur à mefure
qu'elle s'echape ; dans
la fuite la nourriture
que
les membranes ont ainfi
requë fert à leur faire pouffer
de petites racines , qui
- s'infiuuent dans les bouches
de ces refervoirs
, pour
CALANT . 31
immediatement y puifer
ile fuc nourricier : & c'cft
que
les
de cette maniere
membranes
de L'Enfant
s'attachent
à la Mere , par
le cofté qui regarde
le dedans
: dans ce costé qui eſt
plus charnu que le refte
des membranes
& qu'on
appelle
Placenta
, les vaiffeaux
du fang de l'Enfant
qui compofent
le cordon ,
fe divifenten
une infinité
de rameaux
: c'eſt dans les
rameaux
d'un de ces vaiffeaux
nommé
la vaine
umbilicale
qu'une
partie
Cij
13.2
MERCURE
•
· le
de la liqueur laiteufe eft
portée par les petites racines
qui l'ont fucée , pour
eftre diftribuée de là dans
corps de l'Enfant
, pendant
que l'autre partie eft
portée immediatement
dans la cavité des membranes
où l'Enfant eft contenu
, qui fe nourrit parla
bouche de cette liqueur
dans laquelle il nage , dés
qu'il a affez de force pour
fucer.
Venons au fang de la
Mere ; les routes par où
lon veut le conduire dans
GALANT .
33
•
le corps de l'Enfant font
abfolument inconnues
; car
du cofté de l'Enfant on ne
fcauroit reconnoiftre aucun
vaifléau ouvert dans la
furface du Placenta , & quelque
fortement qu'onpreffe
cette partie on ne peut en
faire fortir une goutte de
fang : du cofté de la Mere,
fi les vaiffeaux du fang
s'ouvroient pour fournir
- cette prétendue nourriture
, il y auroit toûjours des
pertes continuelles au commencement
des groffeffes ;
puifque dans le tems où les
34 MERCURE
Membranes ne font point
attachées , le fang devroit
s'épancher avant que de les
pénétrer , & cet epanchement
feroit marqué par
une perte encore plus confiderable
dans ces Animaux
qui portent leurs
Petits jufqu'au terme , fans
que les membranes foient
jamais attachées : mais bien
loin que les vaiffeaux du
fang foient difpofés à s'ouvrir
au commencement des
groffetles , il paroit au contraire
par la fuppreflion
qui arrive alors des eva-
49
GALANT. 35
cuations
periodiques , que
ces vaiffeaux font plus fermez
que jamais
& c'eft
par cette raifon que ces evacuations
manquent prefque
toujours
aux Nourrices.
En fecond lieu la convenance
du fuc laiteux avec
le corps qu'il doit nourrir
, eft parfaite dans les
trois chefs qu'on a propofés
; & il en eft tout le contraire
à l'égard du fang. Ce
fuc laiteux eft doux & balfamique:
le fang de la Mere
eft chargé de principes
36
MERCURE
trop
bouillans & trop actifs
; & feroit il raifonableque
l'Enfant fuft nourri de
ce lang , dans un tems où
il cft plus tendre & plus
delicat , que lorfque la nature
ne luy donen que du
lait pour aliment ? Ce fuc
abonde en fuffifante quantité
, parceque pendant la
groffeffe tout ce qu'il y a
de laiteux dans le fang de
la Mere eft déterminé vers
l'endroit où l'Enfant fe
nourrit , & il faut bien que
cette liqueur foit l'extrait
le plus pur de tout ce qu'il
GALANT. 37
ya . de nourricier dans le
fang de la Mere , puifque
l'Enfant depuis fon premier
point jufqu'à fa naiffance
croift dans le fein de
fa Mere dix mille fois plus,
qu'il ne croift depuis qu'il
elt né jufqu'à ce qu'il parviene
à fa jufte grandeur :
le fang au contraire , en
quelque quantité qu'il foir,
ne fçauroit fournir une
nourriture qui fuffife à un
accroiffement f prodigieux
, parce qu'à peine ſur
cent de parties s'en
trouve t-il une de nouiriciere.
es
38 MERCURE
Enfin le mouvement du
fuc laiteux eft tres lent &
de forte que cettres
doux ; de forte
te liqueur
s'infinue
dans
les vaiffeaux
delicats
de
l'Enfant fans les endomma--
ger : le fang au contraire
eft porté d'un mouvement
rapide qui forceroit
aifément
tous les refforts d'une
fi foible machine
; & par
cette mefme raifon le batement
du coeur de la Mere
prendroit
bien - toſt le
deffus fur celuy du coeur de
L'Enfant
.
Un ſcavant Anatomiſte
P
GALANT . 39
ayant trouvé un Enfant
fans aucune goutte de fang
dans une Femme groffe
morre d'hemorragie
, a cru
que le fang de l'Enfant s'é
toit écoulé avec celuy de
la Mere , & que cette obfervation
démontroit le
commerce de la Circulation
entre la Mere & l'Enfant
: mais on fait voir que
cet accident peut eftre rapporté
à d'autres cauſes qu'à
cette prétendue communication
par les vaiffeaux
du fang ; & pour mettre
la choſe hors de rout équi .
7
40. MERCURE
voque , on oppofe à cette
obfervation
une experience
qui décide fans laiffer
d'ambiguité . L'experience
confifte à tirer tout le fang
d'une Chienne pleine, dans
laquelle on trouve enfuite
les petits Chiens encore
en vielavec tout leur fang :
cette experience eſtant ai
fée à faire , on invite les
incredules à la réiterer , autant
de fois qu'il fera neneflaire
pour leur convi
aticn .
La caufe qui produit
l'accouchement & les accidents
GALANT . 41
dents qui le fuivent , fourniffent
encore de nouvelles
preuves contre l'opinion
de la communication du
fang de la Mere. On met
le comble à toutes ces preuves
par la comparaiſon que
l'on fait des Animaux qui
en produifent d'autres par
le moyen des oeufs , avec
les Animaux qui produifent
des Animaux vivants.
( on appelle les premiers
Ovipares & les feconds
Vivipares ) & comme dans
les Ovipares on voit manifeftement
que le fang de
Fevrier 1711,
D
42 MERCURE
;
la Mere n'a aucune part à
la
nourriture du
petitanimal
renfermé dans l'oeuf
' il eft tres raifonnable
de
penfer qu'il en eft de meſme
dans les Vivipares . ↓
Cette
comparaison qu'on
appelle Analogic , eftant
fondée fur uniformité
que la nature obferve dans
prefque tous les ouvrages
de la mefme efpece , for-
2 me toûjours un préjugé
qui ne peut eftre detruit
que par une demonſtration
du contraire. Au- refte detbte
analogie fert à lever une
GALANT 43
ne
du fien ;
90
difficulté qui fe préfente
fur l'origine du lang de
'Enfant ; cat on peut demander
d'où vient le fang
de l'Enfant , fi la Mere
communique à l'Enfant
aucune portion
qu
mais puiſque le lang de
l'Animal renfermé dans
l'oeuf fe forme fans le fe-
Cours de celuy de la Mere
pourquoy ne fe formeroit
il pas de mefme dans
les Vivipares ? Ce qui fait
voir que dans tous les Animaux
foit Vivipares , foit
Ovipares il faus neceflai
Dij
44 MERCURE
rement qu'il y ait une goutte
de fang primordiale ,
pour ainfi dire , qui ferve
comme de levain à tout le
fang qui fe forme dans la
fuite.
C'eſt ainfi
que l'on conl'exclut
par la raiſon, par
perience & par l'analogje
que le fang de la Mere ne
fert point de nourriture à
l'Enfant.
eut aux Ecoles de Medecine
de Paris une nouvelle The-
Se fur la nourriture du Foetus.
Mr Falconet le fils Medecin
ordinaire du Roy &
de Mr le Chancelier , qui eft
auteur de la Thefe , en eftoit
le Prefident , & Mr deFuf
fieu Bachelier de la Faculté :
Profeffeur Royal de Botanique
au Jardin du Roy en
eftoit le Soutenant inco
: De tout ce qui fe paffe
dans le corps humain il
n'y a rien de plus merveilleux
que la maniere
C Fevrier.
26 MERCURE
dont l'Enfant fe nourrit
dans le Sein de la Mere
Il femble d'abord qu'il n'y
ait d'autre liqueur que les
fang de la Mere , qui puif
fe fervir de nourriture ab
l'Enfant, Ge fentiment quih
fe prefente naturellement
à l'efprit , a efté celuy desi
la plufpair des Anciens.)
quelques Modernes l'ont
fuivi , & ont cru pouvoir
le confirmer par des obfervations
particulieres ) :
Mais la meilleure partiet,
des Phyficiens d'aujour
d'huy , ayant découvertv
GALANT. 27
qu'une liqueur laiteufe fe
féparoit du fang de la
Mere dans le lieu où
l'Enfant fe nourrit , ont
jugé qué cette liqueur ne
pouvoit eftre deſtinée qu'à
la nourriture de l'Enfant.
Une partie de ceux qui ont
embraffé ce dernier fentiment
, croient pourtant
encore qu'il y a entre le
fang de la Mere & celuy
de l'Enfant , quelque commerce
de circulation
tant il eft vray qu'il refter
toujours quelque chofe
des anciens préjugés, bang
Cij
28 MERCURE
Dans la Thefe dont- il
s'agit , on foutient non
feulement , que le fang de
la Mere ne fert pas d'aliment
à l'Enfant , mais encore
qu'il n'y a aucune
communication de l'un à
l'autre par les vaiſſeaux du
fang Voicy les principes
fur lefquels ce fentiment
cft appuyé.
On ne peut reconnoif
tre de liqueur pour veri
table nourriture de l'Enfant
que celle dont le
pallage de la Merc à l'Enfant
eft manifefte : il faut
1
GALANT. 29
*
de plus que cette liqueur
convienne au corps qui doit
en eſtre nourri ; & cette
convenance doit fe trou .
ver dans la qualité , dins la
quantité & dans le mouvement
.
Toutes ces conditions
fe trouvent dans la liqueur
laiteufe dont- il a etté parlé
, & ne fe trouvent point
dans le fang de la Mere.
Premiere ment , on eft affuré
de l'existence de cette
liqueur , & dans certains
Animaux , comme
ceux qui ruminent
OR
Ciij
30 MERCURE
C
l'exprime en abondance
lorfqu'on preffe les Cotyledons
on appelle ainfi
dans ces Animaux les petits
refervoirs où cette liqueur
samaffe . ) D'abord
les membranes
qui envelopent
l'infant s'imbibent
par des pores imperceptibles
de cette liqueur à mefure
qu'elle s'echape ; dans
la fuite la nourriture
que
les membranes ont ainfi
requë fert à leur faire pouffer
de petites racines , qui
- s'infiuuent dans les bouches
de ces refervoirs
, pour
CALANT . 31
immediatement y puifer
ile fuc nourricier : & c'cft
que
les
de cette maniere
membranes
de L'Enfant
s'attachent
à la Mere , par
le cofté qui regarde
le dedans
: dans ce costé qui eſt
plus charnu que le refte
des membranes
& qu'on
appelle
Placenta
, les vaiffeaux
du fang de l'Enfant
qui compofent
le cordon ,
fe divifenten
une infinité
de rameaux
: c'eſt dans les
rameaux
d'un de ces vaiffeaux
nommé
la vaine
umbilicale
qu'une
partie
Cij
13.2
MERCURE
•
· le
de la liqueur laiteufe eft
portée par les petites racines
qui l'ont fucée , pour
eftre diftribuée de là dans
corps de l'Enfant
, pendant
que l'autre partie eft
portée immediatement
dans la cavité des membranes
où l'Enfant eft contenu
, qui fe nourrit parla
bouche de cette liqueur
dans laquelle il nage , dés
qu'il a affez de force pour
fucer.
Venons au fang de la
Mere ; les routes par où
lon veut le conduire dans
GALANT .
33
•
le corps de l'Enfant font
abfolument inconnues
; car
du cofté de l'Enfant on ne
fcauroit reconnoiftre aucun
vaifléau ouvert dans la
furface du Placenta , & quelque
fortement qu'onpreffe
cette partie on ne peut en
faire fortir une goutte de
fang : du cofté de la Mere,
fi les vaiffeaux du fang
s'ouvroient pour fournir
- cette prétendue nourriture
, il y auroit toûjours des
pertes continuelles au commencement
des groffeffes ;
puifque dans le tems où les
34 MERCURE
Membranes ne font point
attachées , le fang devroit
s'épancher avant que de les
pénétrer , & cet epanchement
feroit marqué par
une perte encore plus confiderable
dans ces Animaux
qui portent leurs
Petits jufqu'au terme , fans
que les membranes foient
jamais attachées : mais bien
loin que les vaiffeaux du
fang foient difpofés à s'ouvrir
au commencement des
groffetles , il paroit au contraire
par la fuppreflion
qui arrive alors des eva-
49
GALANT. 35
cuations
periodiques , que
ces vaiffeaux font plus fermez
que jamais
& c'eft
par cette raifon que ces evacuations
manquent prefque
toujours
aux Nourrices.
En fecond lieu la convenance
du fuc laiteux avec
le corps qu'il doit nourrir
, eft parfaite dans les
trois chefs qu'on a propofés
; & il en eft tout le contraire
à l'égard du fang. Ce
fuc laiteux eft doux & balfamique:
le fang de la Mere
eft chargé de principes
36
MERCURE
trop
bouillans & trop actifs
; & feroit il raifonableque
l'Enfant fuft nourri de
ce lang , dans un tems où
il cft plus tendre & plus
delicat , que lorfque la nature
ne luy donen que du
lait pour aliment ? Ce fuc
abonde en fuffifante quantité
, parceque pendant la
groffeffe tout ce qu'il y a
de laiteux dans le fang de
la Mere eft déterminé vers
l'endroit où l'Enfant fe
nourrit , & il faut bien que
cette liqueur foit l'extrait
le plus pur de tout ce qu'il
GALANT. 37
ya . de nourricier dans le
fang de la Mere , puifque
l'Enfant depuis fon premier
point jufqu'à fa naiffance
croift dans le fein de
fa Mere dix mille fois plus,
qu'il ne croift depuis qu'il
elt né jufqu'à ce qu'il parviene
à fa jufte grandeur :
le fang au contraire , en
quelque quantité qu'il foir,
ne fçauroit fournir une
nourriture qui fuffife à un
accroiffement f prodigieux
, parce qu'à peine ſur
cent de parties s'en
trouve t-il une de nouiriciere.
es
38 MERCURE
Enfin le mouvement du
fuc laiteux eft tres lent &
de forte que cettres
doux ; de forte
te liqueur
s'infinue
dans
les vaiffeaux
delicats
de
l'Enfant fans les endomma--
ger : le fang au contraire
eft porté d'un mouvement
rapide qui forceroit
aifément
tous les refforts d'une
fi foible machine
; & par
cette mefme raifon le batement
du coeur de la Mere
prendroit
bien - toſt le
deffus fur celuy du coeur de
L'Enfant
.
Un ſcavant Anatomiſte
P
GALANT . 39
ayant trouvé un Enfant
fans aucune goutte de fang
dans une Femme groffe
morre d'hemorragie
, a cru
que le fang de l'Enfant s'é
toit écoulé avec celuy de
la Mere , & que cette obfervation
démontroit le
commerce de la Circulation
entre la Mere & l'Enfant
: mais on fait voir que
cet accident peut eftre rapporté
à d'autres cauſes qu'à
cette prétendue communication
par les vaiffeaux
du fang ; & pour mettre
la choſe hors de rout équi .
7
40. MERCURE
voque , on oppofe à cette
obfervation
une experience
qui décide fans laiffer
d'ambiguité . L'experience
confifte à tirer tout le fang
d'une Chienne pleine, dans
laquelle on trouve enfuite
les petits Chiens encore
en vielavec tout leur fang :
cette experience eſtant ai
fée à faire , on invite les
incredules à la réiterer , autant
de fois qu'il fera neneflaire
pour leur convi
aticn .
La caufe qui produit
l'accouchement & les accidents
GALANT . 41
dents qui le fuivent , fourniffent
encore de nouvelles
preuves contre l'opinion
de la communication du
fang de la Mere. On met
le comble à toutes ces preuves
par la comparaiſon que
l'on fait des Animaux qui
en produifent d'autres par
le moyen des oeufs , avec
les Animaux qui produifent
des Animaux vivants.
( on appelle les premiers
Ovipares & les feconds
Vivipares ) & comme dans
les Ovipares on voit manifeftement
que le fang de
Fevrier 1711,
D
42 MERCURE
;
la Mere n'a aucune part à
la
nourriture du
petitanimal
renfermé dans l'oeuf
' il eft tres raifonnable
de
penfer qu'il en eft de meſme
dans les Vivipares . ↓
Cette
comparaison qu'on
appelle Analogic , eftant
fondée fur uniformité
que la nature obferve dans
prefque tous les ouvrages
de la mefme efpece , for-
2 me toûjours un préjugé
qui ne peut eftre detruit
que par une demonſtration
du contraire. Au- refte detbte
analogie fert à lever une
GALANT 43
ne
du fien ;
90
difficulté qui fe préfente
fur l'origine du lang de
'Enfant ; cat on peut demander
d'où vient le fang
de l'Enfant , fi la Mere
communique à l'Enfant
aucune portion
qu
mais puiſque le lang de
l'Animal renfermé dans
l'oeuf fe forme fans le fe-
Cours de celuy de la Mere
pourquoy ne fe formeroit
il pas de mefme dans
les Vivipares ? Ce qui fait
voir que dans tous les Animaux
foit Vivipares , foit
Ovipares il faus neceflai
Dij
44 MERCURE
rement qu'il y ait une goutte
de fang primordiale ,
pour ainfi dire , qui ferve
comme de levain à tout le
fang qui fe forme dans la
fuite.
C'eſt ainfi
que l'on conl'exclut
par la raiſon, par
perience & par l'analogje
que le fang de la Mere ne
fert point de nourriture à
l'Enfant.
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Résumé : Nouvelle These soutenuë en l'Ecole de Medecine, [titre d'après la table]
Le texte présente une thèse soutenue par Leuza de Ferrier, avec le soutien de Mr Falconet et Mr de Fussieu, aux Écoles de Médecine de Paris. Cette thèse conteste l'idée que le fœtus se nourrit du sang de la mère. Les auteurs avancent que la véritable nourriture du fœtus est une liqueur laiteuse, distincte du sang maternel. Cette liqueur est décrite comme douce, abondante et se distribuant lentement, adaptée à la délicatesse du corps fœtal. En revanche, le sang maternel est jugé trop actif et bouillant pour convenir à la nutrition du fœtus. La thèse exclut toute communication vasculaire directe entre le sang maternel et le sang fœtal. Cette affirmation est appuyée par des observations et des expériences, notamment celle consistant à retirer tout le sang d'une chienne pleine sans affecter ses petits. De plus, la comparaison avec les animaux ovipares (qui pondent des œufs) renforce l'idée que le sang maternel n'alimente pas directement le fœtus. Ces éléments soutiennent la théorie selon laquelle le fœtus se nourrit par une liqueur spécifique et non par le sang maternel.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 214-215
ENIGMES du mois.
Début :
Au mot de cette énigme on peut parler ainsi. [...]
Mots clefs :
Sang
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texteReconnaissance textuelle : ENIGMES du mois.
ENIGMES
du mois.
Au mot de cette
énigme
on peut parler
ainfi
Impetueux
torrent
, qui
ccurs apres toy -mefme ,
GALANT . arg
.Et qui te fuis toy-mefine
auffi ,
Que tu me caufe de foucy.
C'eft ton rapide cours qui
fait l'amour extrême .
D'un Berger fidele €5
charmant :
Mais ton rapide cours
peut le rendre incon- ·
ftant.
du mois.
Au mot de cette
énigme
on peut parler
ainfi
Impetueux
torrent
, qui
ccurs apres toy -mefme ,
GALANT . arg
.Et qui te fuis toy-mefine
auffi ,
Que tu me caufe de foucy.
C'eft ton rapide cours qui
fait l'amour extrême .
D'un Berger fidele €5
charmant :
Mais ton rapide cours
peut le rendre incon- ·
ftant.
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46
p. 215-216
AUTRE ENIGME.
Début :
J'agite les Vaisseaux & sur mer & sur terre. [...]
Mots clefs :
Sang
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ENIGME.
agite les Vaiffeaux 5
jur mer & jur terre,
216 MERGURE
Je fuis trouble par le tonnerre
.
Jefais voler un Aigle a
vec rapidite ,
Et marcher la Tortue avec
tranquillité.
agite les Vaiffeaux 5
jur mer & jur terre,
216 MERGURE
Je fuis trouble par le tonnerre
.
Jefais voler un Aigle a
vec rapidite ,
Et marcher la Tortue avec
tranquillité.
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47
p. 216
AUTRE ENIGME.
Début :
Sçachez que pour me faire on petrit nuit & jour. [...]
Mots clefs :
Sang
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ENIGME .
Scachez que pour mefai
re on petrit nuit & jour.
Fagis avec efprit ,jefais
pourtant la befte ,
Et fijenefuispast amour
Ceft moyqui le mets dans
la tefte.
Scachez que pour mefai
re on petrit nuit & jour.
Fagis avec efprit ,jefais
pourtant la befte ,
Et fijenefuispast amour
Ceft moyqui le mets dans
la tefte.
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48
p. 295-298
SUR le recouvrement de la santé du Roy.
Début :
Nous n'avons qu'à nous réjoüir, [...]
Mots clefs :
Roi, Santé, Louis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR le recouvrement de la santé du Roy.
SVR le recouvrement
delasantédu Roy.
Nous n'avons qu'à nous
réjouir,
La fanté de Louis cfi: enfin
rétablie;
Nous pouvons seurement
jouir
Des plaisirs innocents d'une
tranquile vie.
C<ontre nostre repos on a beau conspirer,
Observer la paix ou l'enfraindre,
Lui vivant, que pouvons
nous craindre?
Ou que nos Ennemis peu-
- vent ils esperer.
Malgré leurpolitique &
malgré leurpuissance
Nousverrons leurs desseins
sansdanger & sans peur,
Ou ipréllcnusr par sa
; prui- dence, Ou confondus par sa valeur.
En vainiçontre Louis l'Aigle
se fera suivre;
De tous les Partisans armez,
pour l'insulter,
Nous n'avons rien à rcdouter
Que le malheur de lui furvivre.
Aujourd'hui que le Ciel a
voulu nous cüir
Et délivrer nos jours d'une
telle disgrace;
C'est à tort que l'on s'embarasse
De cous ces vains projets qui
vontsévanoüir,
Quoi que toute l'Europe
fafle,
Nous n'avons qu'à nous rc*
joüir.
delasantédu Roy.
Nous n'avons qu'à nous
réjouir,
La fanté de Louis cfi: enfin
rétablie;
Nous pouvons seurement
jouir
Des plaisirs innocents d'une
tranquile vie.
C<ontre nostre repos on a beau conspirer,
Observer la paix ou l'enfraindre,
Lui vivant, que pouvons
nous craindre?
Ou que nos Ennemis peu-
- vent ils esperer.
Malgré leurpolitique &
malgré leurpuissance
Nousverrons leurs desseins
sansdanger & sans peur,
Ou ipréllcnusr par sa
; prui- dence, Ou confondus par sa valeur.
En vainiçontre Louis l'Aigle
se fera suivre;
De tous les Partisans armez,
pour l'insulter,
Nous n'avons rien à rcdouter
Que le malheur de lui furvivre.
Aujourd'hui que le Ciel a
voulu nous cüir
Et délivrer nos jours d'une
telle disgrace;
C'est à tort que l'on s'embarasse
De cous ces vains projets qui
vontsévanoüir,
Quoi que toute l'Europe
fafle,
Nous n'avons qu'à nous rc*
joüir.
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Résumé : SUR le recouvrement de la santé du Roy.
Le texte célèbre la guérison du roi Louis, exprimant joie et soulagement. Il affirme que la prudence et la valeur du roi protègent contre les ennemis et les conspirations. Malgré les menaces, la présence du roi garantit la sécurité. Le texte invite à se réjouir de cette délivrance divine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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49
p. 40-48
Sur le Delire melancolique.
Début :
Monsieur Vieussens le fils a expliqué le délire mélancolique par [...]
Mots clefs :
Mélancolie, Délire, Centre ovale, Esprit, Esprits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Sur le Delire melancolique.
SurleDelire mélancolique.
riMonfieur VieufTcnsle
fils
fils a expliqué le délire
mélancolique par une
supposït ion nouvelle
assez curieuse.Ilétablit
le siege des fonctions de
l'esprit dans le centre ovale,&
non pas dans la
glande pineale, comme
l'a imaginé Mr Descartes.
Je ne sçaurois. mieux
faire que de trauscrire
icy les proprestermes de
Mrde Fontenelle,l'Hypothesede
Mr Vieussens
ne sçauroit-estre expliquéed'unemaniéré
plus
nette & plus abrégée.
„ Selon les découvertes &
„ le sistéme de Mr Vieussens
3,
le pere qui a pousse fort
,,
loin les recherches anato-
„ miques
,
le centre ovale
„ est un tiilù de petits Vais-
„ feaux très deilez.qui com-
„ muniquent tous les uns
„ avecles autres par une „infinité d'autres petits
y>
Vaisseaux encore infini- *
_„menc plus dcHez) que
,, produisenttous lespoints
de leur surface extérieure,
C'cll dans les premiers de .(C
ces petits Vaisseaux que le cc
fang arteriel se subtilise»
au point de deveniresprit“
animal
, & il coule dans »
les séconds fous la forme cc
l'esprit. Au dedans dece cr
nombre prodigieux decc
tuyaux presqueabsolu- »
ment imperceptibles, se <c
sont tous les mouvemens“
aufqucls répondent des»
idées, & les impressions«
queces mouvemens y lais- «
sent, font les traces cjuicc
l'apellent lesidéesque l'on «
a déjà eues. fÇ
Il ne faut pas oublier
„ que le centre ovale se
trouveplacé à l'origine
„ des nerfs; ce qui favorise
„ beaucoup la fonction
yy
qu'on lui donne icy.
„ Si cette méchanique est
3J une foisadmise,il estaisé
„ d'imaginer que la fanté
"de l'esprit ( en ce qu'elle a de mareriel) dépend de
„ la regularité,del'égalité.
J,
de la liberté du cours des
„ cfprits dans ces petits ca..
”naux. S'ilyenalaplupart
,,
d'affaissez,comme pen-
1)
dant le sommeil, les es.
pries qui coulentdans V*
ceux quirelient fortuitement
ouverts revei1illcnt."
au hasard des idées, en-cc
tre lesquelles il n'yale le'
plus souvent aucune liai- c,
son, & que l'ame ne laisse cc
pas d'assembler faute d'en Ct
avoir en même temps<e
d'autres qui lui en fassent
voir l'incompatibilité. Si ce
au contraire tous les pe- cc
tits tuyaux sont ouverts,
& que les esprits s'y por- cC
tenten trop grande abon- Cf
dance & avec une" trop ”
grande rapidité, il fc re:
#)
veille à la fois une foui*
J)
d'idées très-vives, que
„ l'ame n'a pas le temps de
J'
distinguer nyde compa-
9y
rer,&c'estlà la frenesie.
”S'il ya feulement dans
J)
quelques petits tuyaux “uneobstruction telle que
„ lesespritscessent d'ycou-
„ 1er, les idées qui yétoientf
”attachées sont absolu-
„ment perduës pour l'ame,
y, &ellen'en peut plusfaire
„aucune usage dans ses
,, operations,de forte qu'eU
vle portera un jugemen t
„iafenfé toutes les fois
que ces idées lui auront cc
esté necessaires pouren se
former un raisonnable.”
Hors de là tous ses jugc-.cc
mens feront fains. CVftl*
là le delire melancolique. t€
MrVieussens a fait voir”
combien sa supposition Cr'
saccorde avec tout ce qui”
s'observe dans cette ma- <e
ladie. Puisquellevient”
d'une obstruction ; elle cr
ca produite par un fang <f
trop épais & trop lent, ”
aussi n'd- t on point de t€
fiévre. Ceux qui habitent c,
les Pays chauds, &dont cC
„ le sang èst dépouillée de
- „ ses parties lesplus subti-
„ les par unetrop grande
» transpiration ; ceux qui
9)
usentd'alimenstropgros-
,,
siers ; ceux qui ontesté
>Y
frapez de quelque grande
„ crainte, &c. doivent eftrc
plus sujetsaudelire me- „,lancoliqueNousn'entre-
,y rons point dans unplus
„grand dénombrement»,
„iliroit peut-estre trop
loin ; il n'y a guerrede
>y
teste si saine, où il n'y ait
quelque petit tuyau du
„,centre Ovale bien bou-
„ché.
riMonfieur VieufTcnsle
fils
fils a expliqué le délire
mélancolique par une
supposït ion nouvelle
assez curieuse.Ilétablit
le siege des fonctions de
l'esprit dans le centre ovale,&
non pas dans la
glande pineale, comme
l'a imaginé Mr Descartes.
Je ne sçaurois. mieux
faire que de trauscrire
icy les proprestermes de
Mrde Fontenelle,l'Hypothesede
Mr Vieussens
ne sçauroit-estre expliquéed'unemaniéré
plus
nette & plus abrégée.
„ Selon les découvertes &
„ le sistéme de Mr Vieussens
3,
le pere qui a pousse fort
,,
loin les recherches anato-
„ miques
,
le centre ovale
„ est un tiilù de petits Vais-
„ feaux très deilez.qui com-
„ muniquent tous les uns
„ avecles autres par une „infinité d'autres petits
y>
Vaisseaux encore infini- *
_„menc plus dcHez) que
,, produisenttous lespoints
de leur surface extérieure,
C'cll dans les premiers de .(C
ces petits Vaisseaux que le cc
fang arteriel se subtilise»
au point de deveniresprit“
animal
, & il coule dans »
les séconds fous la forme cc
l'esprit. Au dedans dece cr
nombre prodigieux decc
tuyaux presqueabsolu- »
ment imperceptibles, se <c
sont tous les mouvemens“
aufqucls répondent des»
idées, & les impressions«
queces mouvemens y lais- «
sent, font les traces cjuicc
l'apellent lesidéesque l'on «
a déjà eues. fÇ
Il ne faut pas oublier
„ que le centre ovale se
trouveplacé à l'origine
„ des nerfs; ce qui favorise
„ beaucoup la fonction
yy
qu'on lui donne icy.
„ Si cette méchanique est
3J une foisadmise,il estaisé
„ d'imaginer que la fanté
"de l'esprit ( en ce qu'elle a de mareriel) dépend de
„ la regularité,del'égalité.
J,
de la liberté du cours des
„ cfprits dans ces petits ca..
”naux. S'ilyenalaplupart
,,
d'affaissez,comme pen-
1)
dant le sommeil, les es.
pries qui coulentdans V*
ceux quirelient fortuitement
ouverts revei1illcnt."
au hasard des idées, en-cc
tre lesquelles il n'yale le'
plus souvent aucune liai- c,
son, & que l'ame ne laisse cc
pas d'assembler faute d'en Ct
avoir en même temps<e
d'autres qui lui en fassent
voir l'incompatibilité. Si ce
au contraire tous les pe- cc
tits tuyaux sont ouverts,
& que les esprits s'y por- cC
tenten trop grande abon- Cf
dance & avec une" trop ”
grande rapidité, il fc re:
#)
veille à la fois une foui*
J)
d'idées très-vives, que
„ l'ame n'a pas le temps de
J'
distinguer nyde compa-
9y
rer,&c'estlà la frenesie.
”S'il ya feulement dans
J)
quelques petits tuyaux “uneobstruction telle que
„ lesespritscessent d'ycou-
„ 1er, les idées qui yétoientf
”attachées sont absolu-
„ment perduës pour l'ame,
y, &ellen'en peut plusfaire
„aucune usage dans ses
,, operations,de forte qu'eU
vle portera un jugemen t
„iafenfé toutes les fois
que ces idées lui auront cc
esté necessaires pouren se
former un raisonnable.”
Hors de là tous ses jugc-.cc
mens feront fains. CVftl*
là le delire melancolique. t€
MrVieussens a fait voir”
combien sa supposition Cr'
saccorde avec tout ce qui”
s'observe dans cette ma- <e
ladie. Puisquellevient”
d'une obstruction ; elle cr
ca produite par un fang <f
trop épais & trop lent, ”
aussi n'd- t on point de t€
fiévre. Ceux qui habitent c,
les Pays chauds, &dont cC
„ le sang èst dépouillée de
- „ ses parties lesplus subti-
„ les par unetrop grande
» transpiration ; ceux qui
9)
usentd'alimenstropgros-
,,
siers ; ceux qui ontesté
>Y
frapez de quelque grande
„ crainte, &c. doivent eftrc
plus sujetsaudelire me- „,lancoliqueNousn'entre-
,y rons point dans unplus
„grand dénombrement»,
„iliroit peut-estre trop
loin ; il n'y a guerrede
>y
teste si saine, où il n'y ait
quelque petit tuyau du
„,centre Ovale bien bou-
„ché.
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Résumé : Sur le Delire melancolique.
Le texte aborde le délire mélancolique et la théorie de Raymond Vieussens, un anatomiste. Contrairement à René Descartes, qui situait les fonctions de l'esprit dans la glande pinéale, Vieussens les localise dans le centre ovale du cerveau. Ce centre est composé de petits vaisseaux délicats interconnectés par des vaisseaux encore plus minuscules. Le sang artériel se transforme en esprit animal dans ces vaisseaux et circule sous cette forme. Les émotions intenses, telles que la peur, peuvent obstruer ces vaisseaux, augmentant ainsi la susceptibilité au délire mélancolique. Le texte précise que presque toutes les personnes présentent au moins un petit vaisseau du centre ovale obstrué.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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50
p. 39-52
« L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
Début :
L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...]
Mots clefs :
Huile, Sang, Liqueurs, Vaisseaux, Sécrétion, Corps, Médecine, Animaux, Académie royale des sciences
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texteReconnaissance textuelle : « L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
L'Assemblée publique de
l'Academie Royale des
Sciencesqui se devoit tenir
le Mercredy i;c Avril, ne
se tint point & fut remise au
Mercredy 22e. Elle sur ouverte
par l'Eloge que Mr de
Fontenellefit deMr Guilelmini
Associé étranger de
cette Academie, & mort
depuis peu.
MrMarchand lut ensuite
quelques observations qu'il
avoit faites sur la nature des
Plantes & sur quelques unes
de leurs parties cachées.
Mr de Reaumur traita
ensuite des différentes manieres
dont plusieurs animaux
de mer s'attachent
au sable, aux pierres, ou les
uns aux autres.
Enfin Mr Vinflon Medecin
de la Faculté de Paris
,
reçu depuis peu à l'Academieen
qualitéd'Anatomiste
, satisfità l'obligation où
sont les nouveaux Academiciens
de payer leur bienvenuë
dans une Assemblée
publique, par un Discours
qu'illut touchant la maniere
dont se fait la secretion
dans les glandes des animaux.
Il ex posad'abord ce qu'il
entendoit par fecrction
,
il dit, que le corps humain
estoit arrosé par un grand
nombrede différentes liqueurs
outre le fang, que
la pluspart de ces liqueurs
prenoient leur origine du
sang, quelle s'en separoient
dans des organes particuliers
qu'on nommoit Glandes;
& que cette separation ou
cribration des liqueurs d'avec
le fang se nommoic
Secretion.
Il exposa les differents
sentiments des Philosophes
touchant la maniere donc
se faisoit cette secretion ;
& aprés avoir rejetté les
Facul rez des Anciens les,
ferments,& la configuration
des pores des modernes
,
il dit, que ceux ,
qui
avoient le mieux raisonné
sur cela, estoient quelques
uns des modernes, qui
avoient comparé les secretions
dans les glandes, aux
philtrations des Chymistes,
il rapporta sur cela deux
experiences des Chymistes,
La premiere qu'ayant une
fois imbibé un papier broüillard
d'eau ou d'huile, si
l'on ver se sur ce papier un
mélange d'huile & d'eau
,
il ne pane au travers du papier
que celle des deux liqueurs
dont il a estéimbibé,
l'autre demeurant dessus.
La seconde que si on met
dans un vase de l'huile & de
l'eau meslées ensemble
,
si
l'on trempe des méches de
cotton, ou des languetres
de drap les unes dans l'huile
& les autres dans l'eau
que l'on place ces méches
ou languettes sur le bord'
du vaisseau en maniere de
siphon
,
ensorte qu'un de
leurs bouts trempe dans la
liqueur & l'autre pende
dehors, celles qui seront
imbibées d'huile distilleront
de l'hüile,& celles qui seront
imbibées d'eau ne disstilleront
que de l'eau.
Fondésur ces ex periences
il établit avec les nouveaux
Philosophes uneimbibition
pour catife de la secretion.
Ce sentiment n'avoit esté
jusquesicy qu'une fuppofirion
donc on s'estoit conten.
té faute de mieux; mais
comme un Philosophe &
surtout un Philosophe Medecin
ne doit pas se contenter
de simples con jectures
dans une affaire aussi importante
que celles des [cerc.
tions pour toute l'oeconomie
animale &pour les
consequences que l'on en
peut tirer dans la pratique
de la Medecine, Mr
Vinslon a cherché dans la
nature même la verité, il
a parcouru toutes les glandes
du corps humain, &
celles du corps de differents
animaux, & enfin après une
longue recherche il a reconnu
que les glandes estoient
des pelotons de vaisseaux,
qu'il nomme Secretoires
,
à
cause de leur usage
, que
ces vaisseaux sont remplis
d'une espece de velouté
ou duvet,- capable defaire
le même effet que le
tissu filamenteux du drap,
du cotton, ou du papier,
&ila promis dele faire voir
dans toutes les glandes du
corps de l'homme ou des
animaux.
Il dit que le sang est porté
par les arteres dans les glandes
, que l'artere se divise
en une infinité de petits
rameaux d'une extrême si..
nesse qui se recourbent en.
fuite & se reünissent pour
sortir des glandes fous le
nom de veines, que c'est
dans cescourbures que s'abouchent
ces vaisseaux fccretoires,
qui le reünissent
aussi en un seul canal qu'il
nomme Excretoire
, parce
qu'il porte hors de la glande
le suc qui s'y est philtré. Ces
glandes ou vaisseaux secretoiresont,
dit-il,esté imbibez
dés la premicre conformation
du foetus, des liqueursqu'elles
devoientphiltrer,
en sorte que le fang qui
arrive par l'artere se divifc
infiniment dans tous ces
petits rameaux;de maniere
que ses molecules font obligées
en quel ques maniere
de défiler une à une dans
leur
leurscourbures
,
où les
molecules qui sont de la
nature de celles des canaux
secretoires sont imbibez,
entrent dans ces canaux.
pendant que les autres pasfant
par dessus sans sy mesler,
roulent jufqucs dans les
veines.
Mr Vinslon dit qu'illaissoitaux
Physiciens à rendre
raison de ce fait,aussibien
que de la philtration des
Chymistes,& qu'il secontentoit
d'avoir reconnu la
verité sans en chercher la
raison.
Le temps ne luy permit
pas d'expliquerbeaucoup de
choses par rapport aux secretions,
par exemple, quel
est l'usage des nerfs&des
vaisseauxlymphatiques des
glandes, qu'elle doit estre
la disposition du sangpour
les differentes secretions , &c. ce qu'il doit donner
dans des Mémoires particu-,
liers.
Mr Vinslonest originairement
Danois. & parent- dvi;
fameux Mr Renon
,
il,
avoit esté élevé dansla Religion
de son Pays. Le Roy
de Dannemarck l'avoit envoyé
en France pour s'y
induire dans toutes les
parties de la Medecine; Il
luy payoit icy ses pensions,
1" & luy avoit promis de luy
donner ensuite une Chaire
de Professeur à Copenhague
Le hazardl'ayant fait connoisstre
de feu Mr l'Evêque
[de Meaux qui reconnut dans ce jeune homme un grand
» fonds de bonnes moeurs &
de Religion,cePrelatentreprit
de le convertir ; ce
jeune homme aprésavoit
long. temps combattu (e
rendit enfin aux solides raisons
du Prélat & sitoiti.
qu'il fut convaincu, il oubIia,
pour se convertir lax*
fortune qui l'attendoit enri
Dannemarck
,
& les biens
que sa famille & luy y pof-.-
sedoient atruellement ; enn
effet le Roy de Dannemarck
supprima aussi-tost ses pen--J
sions, l'interdit de tous ses
biens & le proserivit de sonn
pays; tout cela n'a fait que
l'affermir davantagedans
la veritableReligion, dans
laquelle on peut le regardera
comme un modele de pieté
l'Academie Royale des
Sciencesqui se devoit tenir
le Mercredy i;c Avril, ne
se tint point & fut remise au
Mercredy 22e. Elle sur ouverte
par l'Eloge que Mr de
Fontenellefit deMr Guilelmini
Associé étranger de
cette Academie, & mort
depuis peu.
MrMarchand lut ensuite
quelques observations qu'il
avoit faites sur la nature des
Plantes & sur quelques unes
de leurs parties cachées.
Mr de Reaumur traita
ensuite des différentes manieres
dont plusieurs animaux
de mer s'attachent
au sable, aux pierres, ou les
uns aux autres.
Enfin Mr Vinflon Medecin
de la Faculté de Paris
,
reçu depuis peu à l'Academieen
qualitéd'Anatomiste
, satisfità l'obligation où
sont les nouveaux Academiciens
de payer leur bienvenuë
dans une Assemblée
publique, par un Discours
qu'illut touchant la maniere
dont se fait la secretion
dans les glandes des animaux.
Il ex posad'abord ce qu'il
entendoit par fecrction
,
il dit, que le corps humain
estoit arrosé par un grand
nombrede différentes liqueurs
outre le fang, que
la pluspart de ces liqueurs
prenoient leur origine du
sang, quelle s'en separoient
dans des organes particuliers
qu'on nommoit Glandes;
& que cette separation ou
cribration des liqueurs d'avec
le fang se nommoic
Secretion.
Il exposa les differents
sentiments des Philosophes
touchant la maniere donc
se faisoit cette secretion ;
& aprés avoir rejetté les
Facul rez des Anciens les,
ferments,& la configuration
des pores des modernes
,
il dit, que ceux ,
qui
avoient le mieux raisonné
sur cela, estoient quelques
uns des modernes, qui
avoient comparé les secretions
dans les glandes, aux
philtrations des Chymistes,
il rapporta sur cela deux
experiences des Chymistes,
La premiere qu'ayant une
fois imbibé un papier broüillard
d'eau ou d'huile, si
l'on ver se sur ce papier un
mélange d'huile & d'eau
,
il ne pane au travers du papier
que celle des deux liqueurs
dont il a estéimbibé,
l'autre demeurant dessus.
La seconde que si on met
dans un vase de l'huile & de
l'eau meslées ensemble
,
si
l'on trempe des méches de
cotton, ou des languetres
de drap les unes dans l'huile
& les autres dans l'eau
que l'on place ces méches
ou languettes sur le bord'
du vaisseau en maniere de
siphon
,
ensorte qu'un de
leurs bouts trempe dans la
liqueur & l'autre pende
dehors, celles qui seront
imbibées d'huile distilleront
de l'hüile,& celles qui seront
imbibées d'eau ne disstilleront
que de l'eau.
Fondésur ces ex periences
il établit avec les nouveaux
Philosophes uneimbibition
pour catife de la secretion.
Ce sentiment n'avoit esté
jusquesicy qu'une fuppofirion
donc on s'estoit conten.
té faute de mieux; mais
comme un Philosophe &
surtout un Philosophe Medecin
ne doit pas se contenter
de simples con jectures
dans une affaire aussi importante
que celles des [cerc.
tions pour toute l'oeconomie
animale &pour les
consequences que l'on en
peut tirer dans la pratique
de la Medecine, Mr
Vinslon a cherché dans la
nature même la verité, il
a parcouru toutes les glandes
du corps humain, &
celles du corps de differents
animaux, & enfin après une
longue recherche il a reconnu
que les glandes estoient
des pelotons de vaisseaux,
qu'il nomme Secretoires
,
à
cause de leur usage
, que
ces vaisseaux sont remplis
d'une espece de velouté
ou duvet,- capable defaire
le même effet que le
tissu filamenteux du drap,
du cotton, ou du papier,
&ila promis dele faire voir
dans toutes les glandes du
corps de l'homme ou des
animaux.
Il dit que le sang est porté
par les arteres dans les glandes
, que l'artere se divise
en une infinité de petits
rameaux d'une extrême si..
nesse qui se recourbent en.
fuite & se reünissent pour
sortir des glandes fous le
nom de veines, que c'est
dans cescourbures que s'abouchent
ces vaisseaux fccretoires,
qui le reünissent
aussi en un seul canal qu'il
nomme Excretoire
, parce
qu'il porte hors de la glande
le suc qui s'y est philtré. Ces
glandes ou vaisseaux secretoiresont,
dit-il,esté imbibez
dés la premicre conformation
du foetus, des liqueursqu'elles
devoientphiltrer,
en sorte que le fang qui
arrive par l'artere se divifc
infiniment dans tous ces
petits rameaux;de maniere
que ses molecules font obligées
en quel ques maniere
de défiler une à une dans
leur
leurscourbures
,
où les
molecules qui sont de la
nature de celles des canaux
secretoires sont imbibez,
entrent dans ces canaux.
pendant que les autres pasfant
par dessus sans sy mesler,
roulent jufqucs dans les
veines.
Mr Vinslon dit qu'illaissoitaux
Physiciens à rendre
raison de ce fait,aussibien
que de la philtration des
Chymistes,& qu'il secontentoit
d'avoir reconnu la
verité sans en chercher la
raison.
Le temps ne luy permit
pas d'expliquerbeaucoup de
choses par rapport aux secretions,
par exemple, quel
est l'usage des nerfs&des
vaisseauxlymphatiques des
glandes, qu'elle doit estre
la disposition du sangpour
les differentes secretions , &c. ce qu'il doit donner
dans des Mémoires particu-,
liers.
Mr Vinslonest originairement
Danois. & parent- dvi;
fameux Mr Renon
,
il,
avoit esté élevé dansla Religion
de son Pays. Le Roy
de Dannemarck l'avoit envoyé
en France pour s'y
induire dans toutes les
parties de la Medecine; Il
luy payoit icy ses pensions,
1" & luy avoit promis de luy
donner ensuite une Chaire
de Professeur à Copenhague
Le hazardl'ayant fait connoisstre
de feu Mr l'Evêque
[de Meaux qui reconnut dans ce jeune homme un grand
» fonds de bonnes moeurs &
de Religion,cePrelatentreprit
de le convertir ; ce
jeune homme aprésavoit
long. temps combattu (e
rendit enfin aux solides raisons
du Prélat & sitoiti.
qu'il fut convaincu, il oubIia,
pour se convertir lax*
fortune qui l'attendoit enri
Dannemarck
,
& les biens
que sa famille & luy y pof-.-
sedoient atruellement ; enn
effet le Roy de Dannemarck
supprima aussi-tost ses pen--J
sions, l'interdit de tous ses
biens & le proserivit de sonn
pays; tout cela n'a fait que
l'affermir davantagedans
la veritableReligion, dans
laquelle on peut le regardera
comme un modele de pieté
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Résumé : « L'Assemblée publique de l'Academie Royale des Sciences qui [...] »
L'Assemblée publique de l'Académie Royale des Sciences, initialement prévue le 11 avril, a été reportée au 22 avril. La séance a commencé par l'éloge de Monsieur Guillelmini, un associé étranger récemment décédé, prononcé par Monsieur de Fontenelle. Monsieur Marchand a ensuite présenté des observations sur la nature des plantes et certaines de leurs parties cachées. Monsieur de Reaumur a traité des différentes manières dont certains animaux marins s'attachent au sable, aux pierres ou les uns aux autres. Monsieur Vinflon, médecin de la Faculté de Paris et nouvellement reçu à l'Académie en qualité d'anatomiste, a prononcé un discours sur la sécrétion dans les glandes des animaux. Il a défini la sécrétion comme la séparation des liquides du sang dans des organes particuliers appelés glandes. Après avoir rejeté les explications des Anciens et des modernes, il a comparé les sécrétions glandulaires aux filtrations des chimistes, illustrant cela par deux expériences. Fondé sur ces expériences, il a proposé l'imbibition comme mécanisme de la sécrétion, une hypothèse jusqu'alors non vérifiée. Monsieur Vinflon a exploré les glandes du corps humain et de différents animaux, découvrant que les glandes sont des pelotons de vaisseaux sécrétoires remplis d'une substance similaire au duvet. Le sang, apporté par les artères, se divise en petits rameaux qui se recourbent et se réunissent pour sortir des glandes sous forme de veines. Les molécules du sang, en passant par ces courbures, sont imbibées par les vaisseaux sécrétoires, tandis que les autres molécules continuent leur chemin vers les veines. Originaire du Danemark et parent de Monsieur Renon, Monsieur Vinflon avait été envoyé en France par le roi de Danemark pour étudier la médecine. Converti au christianisme grâce à l'évêque de Meaux, il a renoncé à sa fortune et aux biens qu'il possédait dans son pays natal. Le roi de Danemark a supprimé ses pensions et l'a proscrit, mais cela n'a fait que renforcer sa foi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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