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1
p. 2535-2551
ARRESTS, ORDONNANCES, &c.
Début :
ARREST du 22. Août, qui proroge pendant trois ans, à compter du premier Octobre [...]
Mots clefs :
Ordonnances, Arrêts, Avocats, Autorité, Conseil, Déclarations, Avocats, Mémoires, Parlement
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texteReconnaissance textuelle : ARRESTS, ORDONNANCES, &c.
ARRESTS,
ORDONNANCES , &c.
A&
RREST du 22. Août , qui proroge pen
dant trois ans , à compter du premier Oc
tobre prochain , la moderation des Droits cidevant
accordée fur les Beurres & Fromages vemant
de l'Etranger, & fur ceux du crû du Royaumc
.
7
à
AUTRE du même jour , qui proroge pen
dant trois ans , compter du 23. Octobre prochain
, la permiffion ci- devant accordée aux Ne--
gocians François qui font le Commerce des Iſles .
& Colonies Françoifes de l'Amerique , de faire
venir des Pays étrangers des Lards , Beurres
Suifs , Chandeles & Saumons falez , fans payer
aucuns Droits.
AUTRE du même jour, qui ordonne que
le Franc-falé fera délivré aux Officiers veteranshonoraires
, & Veuves , en juftifiant du payement
de la Capitation de l'année qui aura précedé celle
dans laquelle le Franc- falé fera delivré.
ORDONNANCE du Roy , du 26. Août,
concernant le Regiment Royal d'Artillerie , par
laquelle il eft dit que Sa Majefté jugeant qu'il eft.
du bien de fon fervice , de maintenir dans les
Compagniers de Sapeurs , Bombardiers & Canoniers
, les Charges de Capitaines en ſecond , &
d'augmenter dans les Compagnies de Mineurs la
folde
2536 MERCURE DE FRANCE
földe des Apprentifs qui ne font actuellement .
payez que fur le pied de cinq fols fix deniers
Elle a ordonné & ordonne qu'à l'avenir les Charges
de Capitaines en fecond des Compagnies de
Sapeurs , Bombardiers & Canoniers , continueront
d'être remplies , & que ceux qui en feront
pourvás , feront payez des appointemens qui leur
font attribuez par fes Ordonnances ; Et qu'à
commencer au premier Octobre prochain les
vingt-deux Apprentifs , dans chacune des Compagnies
de Mineurs , feront payez fur le pied de
fept fols par jour indiftinctement , & c.
ARREST du 27. Août , portant qu'il fera
établi en l'Hôtel de la Compagnie des Indes un
nouveau Dépoft , libre & volontaire , pour tous
ceux des Actionnaires qui voudront librement &
volontairement y dépofer leurs Actions.
AUTRE du 29. Août , qui exempre des Droits.
dûs au Roy ou à fes Fermiers , & des Droits de
Peage, les Grains qui feront tranfportez des Pro--
vinces , du Royaume dans celle de Provence
pendant un an , à compter du 15. Septembre :
1730.
AUTRE du 5 : Septembre , qui revoque les
Lettres Patentes du 19. Août 1727. portant Privilege
exclufif pour l'établiſſement des Manufactures
de Cuivre...
ORDONNANCE du Roy , du 6. Septembre
, concernant la Patente de Santé que doivent
prendre les Capitaines & Patrons des Bâtimens
qui commercent dans les Echelles de Lewant
& de Barbaric.
AR
NOVEMBRE. 1730.2537
ARREST du 12. Septembre , qui ordonne
qu'il fera procedé par Mrsrs les Intendans des Provinces
& Generalitez du Royaume , à l'adjudication
de la fourniture de l'Etape aux Troupes ' ,
pendant l'année prochaine 1731.
ARREST de la Cour des Aydes , du 22. Septembre
, e ,,pour faire jouir Pierre Carlier de la Ferme
generale du Privilege exclufif de la vente du
Tabac , en attendant l'Enregistrement de ſon Bait..
-
ARREST du 26. Septembre , qui ordonne
que les nouveaux Sous Baux des Aydes &
droits y joints des Generalitez y mentionnées ,
faits par Carlier pour les deux dernieres années de
fon Bail , qui commenceront au premier Octobre
1730. feront fans frais.
AUTRE du même jour , qui révoque pour
un an, à compter du 15. Octobre prochain, celuidu
13. Avril 1728. qui exemte de tous droits des
Fermes & autres , les Bleds , Froments , Méteils ,
Seigles, Orges , Baillarges & autres grains , farines
& legumes , qui pafferont des Provinces des
cinq groffes Fermes dans les Provinces réputées
étrangeres & des Provinces réputées étrangeres
dans celle des cinq groffes Fermes ; & deffend la
fortie defdits grains hors du Royaume.
AUTRE du même jour , en interprétation .
de celui du 14 Août 1727. & qui regle les formalitez
à obferver par les Marchands & Négocians
qui acheteront à Nantes des Marchandifes .
permifes venant des Indes , & qui proviendront
des ventes de la Compagnie.
ORDONNANCE du Roi , du 8. Octobre
1730. par laquelle il eft ordonné que les
deuils
2538 MERCURE DE FRANCE
deuils que Sa Májeſté a coûtume de porter à la
mort des Têtes Couronnées , des Princes & Princeffes
du Sang , & des autres Princes & Princeffes
de l'Europe , ainfi que ceux qui fe portent dans
les familles des Sujets de S. M. feront réduits à
l'avenir à la moitié du tems prefcrit par l'Ord.du
23. Juin 1716. N'entend neanmoins S. M. comprendre
dans cette réduction , les deuils que les
femmes portent à la mort de leurs maris , & ceux
qui fe portent à la mort des femmes , peres , meres
, beaux peres & belles-meres , ayeuls & ayeules
, & des autres perfonnes de qui on eft heritier
ou légataire univerfel , lefquels demeureront fixez
au tems prefcrit par ladite Ordonnance du 23 .
Juin 1716. renouvellant S. M. en tant que befoin
feroit , les deffenfes faites par ladite Ordonnance
de draper , fi ce n'eft pour les maris & femmes ,
peres & meres , beau-peres & belles - meres , ayeuls
& ayeules , & des perfonnes de qui on eft héritier
ou légataire univerfel.
ORDONNANCE du Roi , pour le licenciement
& le remplacement de la moitié de la Mis
lice. Du 12. Octobre 1730.
Sa Majefté ayant par fes Ordonnances des 31 .
Juillet 1728. & 25. Janvier 1729. pourvû au
licenciement & remplacement de la moitié des
Soldats de Milice qui ont été levez en 1726. &
1727. & voulant congedier l'autre moitié defdits
Soldats , & qu'il en foit levé d'autres àleur place ;
S. M. a ordonné & ordonne ce qui ſuit.
ARTICLE PREMIER..
Les Miliciens qui reftent du nombre de ceux
levez en execution des Ordonnances des 25. Février
& 16. Décembre 1726. demeureront abfo-
Jument libres , à compter du jour de la publication
de la prefente Ordonnance ; à l'effet de quoi
il
NOVEMBRE. 1730. 2539
fera délivré à ceux qui en demanderont, des Cer
tificats fignez des Intendans ou de leurs Subdéleguez
, portant qu'après avoir accompli les quatre
années de fervice dont ils étoient tenus , ils ont
été congediez, & en conféquence lefdits Miliciens,
foit Sergens ou Soldats , cefferont , à commencer
du premier Novembre prochain , de recevoir les.
deux fols ou le fol de folde qui leur a été reglé.
II. Veut néanmoins SM. que ceux defd . Miliciens
de 1726.& 1727. qui après s'être abſenté
ont obtenu leur grace , à condition de continuer
fervir pendant plufieurs années, reſtent Miliciens
, jouiffent de la folde jufqu'à- ce que leur
tems foit accompli.
III . Ordonne S. M. que dans les mois de Février
& deMars prochain lesIntendans feront faire
par les Paroiffes de leurs départemens , le rem
placement des Milicicns congediez au nombre de
300. par Bataillon , le tout dans la forme prefpar
l'Ordonnance du 2 5. Janvier 1729. dont
S.M. en tant que de befoin, renouvelle les difpofitions.
crite
I V. Permet aux Miliciens congediez , de continuer
leur fervice , fi bon leur femble; à l'effet de
quoi ceux qui s'y porteront volontairement , en
feront leur déclaration devant l'Intendant ou fon
Subdelegué, avant qu'on ait tiré au fort : & cet engagement
fera pour 1731. & 1732. au moyen
de quoi ils continueront de jouir de leur folde
fans interruption.
V. Les. Miliciens continueront de jouir , tant
pour eux que pour leurs peres & meres , des
exemptions accordées par l'Article XXIX . de
l'Ordonnance du 25. Janvier 1729.
V I. S. M. ordonne de nouveau , que la gratification
que les garçons font en coûtume de donnerà
celui ou ceux fur qui le fort eft tombé pour
la
Milice
2540 MERCURE DE FRANCE
Milice , ne pourra exceder pour chacun la fomme
de 30. livres , fur laquelle il leur fera acheté deux
chemiſes & deux cravates ou cols de groffe toile ,
un habrefac & une paire de fouliers ; & le furplus
fera remis au Milicien fans aucune déduction,
VII . Entend Sa Majefté que les Collecteurs ne
puiffent en aucune maniere que ce foit être employés
au détail de la Milice , & leur défend de
délivrer aucuns deniers de leur Recette pour
prétendus frais de Milice .
VIII. Les Miliciens levés en execution de
POrdonnance du 25. Janvier 1729. continueront
de fervir pendant l'année prochaine 1731
& la fuivante 1732. & recevront la folde ordon,
née , bien entendu que ceux qui manqueront par
maladie ou défertion feront remplacés
mort ,
par les Paroiffes.
IX. Deffend Sa Majefté de recevoir à la Milice
des garçons étrangers , à moins qu'ils ne
foient habitans dans la Paroiffe depuis fix mois,
& nés de parens domiciliés dans le Reffort de
la Jurifdiction Royale dont la Paroiffe eft dépendante.
X. Deffend Sa Majefté aux Officiers de fes
Troupes fous les peines portées par l'Article
XXVIII. de l'Ordonnance du 25. Janvier 1729 .
d'engager aucun de ceux fur qui le fort fera
tombé pour la Milice.
>
XI . Deffend pareillement aux Ecclefiaftiques ,
Gentilshommes Communautés , Séculieres ou
Régulieres , de donner retraite à aucun garçon
fujet à la Milice , fous les peines portées par
Article XVIII . de la même Ordonnance.
XII. Veut Sa Majeſté qu'à l'égard des Déferteurs
de la Milice , il en foit ufé comme il eft
preferit par l'Article IV. de l'Ordonnance du
as, Fevrier 1730.
XIII.
NOVEMBRE. 1730. 2541
XIII. Chaque Bataillon continuera d'être
compofé de fix Compagnies de cent hommes
chacune , & du nombre d'Officiers mentionnés
dans l'Article XXII . de l'Ordonnance du 25.#
Janvier 1729.
XIV. Veut Sa Majefté que tous lesdits Bataillons
foient complets , & en état de marcher ou
fon fervice les appellera , au premier Avril 1731 .
XV. Les Ordonnances ci-devant renduës fur
ke fait de la Milice , & notamment celles des
25. Fevrier 1726. 25. Janvier 1729. & 25. Fevrier
1730. feront executées fuivant leur forme
& teneur en ce qui n'eft point contraire à la
prefente &c.
DECLARATION du Roy,portant qu'il ne fera
laiffé aucun Mouffe dans les Echelles de Levant &
de Barbarie. Donnée à Verſailles le 12 Octobre
1730. Registrée en Parlement , à Aix , le 3. No
vembre fuivant , dont voici l'Extrait :
LOUIS , par la grace de Dieu , &c. Nous aurions
été informez que plufieurs Mouffes femployez
au commerce dans la Méditerranée , font
reftez en Levant & en Barbarie, à caufe des mauvais
traitemens qu'ils ont reçûs à bord des Bâtimens
, fur lefquels ils étoient embarquez , & que
les Mufulmans ayant trouvé beaucoup de facilité
= à les féduire , attendu la foibleffe de leur âge , les
ont induits à embraffer la Religion du País : Et
voulant remedier à un abus que notre zéle pour la
Religion , & notre affection pour nos Sujets , ne
Nous permettent pas de tolerer , Nous avons fait
& faifons par ces Préfentes,fignées de notre main,
très - exprefles inhibitions & deffenſes à tous Capitaines
, Maîtres ou Patrons, de maltraiter & laiffer
maltraiter par les gens de leurs Equipages,les
Mouffes qui feront embarquez fur les Bâtimens
qu'ils
2542 MERCURE
DE FRANCE
qu'ils commanderont ; à peine d'être punis fuivant
l'exigence des cas ; leur permettons feulement
de faire fubir à ces Mouffes les punitions
ordinaires & accoutumées : Deffendons auffi auf-
-dits Capitaines , Maîtres ou Patrons , lorfqu'ils
feront dans les Echelles du Levant & de Barbarie,
de laiffer deſcendre à terre aucuns defdits Mouffes,
fans les mettre fous la garde d'un Officier ou
d'un Matelot de confiance , à peine de 300 livres
d'amende pour chaque Mouffe , qui faute de cette
précaution , fera refté dans lefdites Echelles. En .
joignons aux Confuls , Vice- Confuls , & autres
perfonnes chargées de nos affaires dans lefdites
Echelles du Levant & de Barbarie , de faire mention
fur les Rolles d'équipages . des Mouffes qui
feront reftez dans lefdites Echelles , & de ce qui
pourra y avoir donné lieu , de quoi ils feront requis
par lefdits Capitaines , Maîtres ou Patrons ;
& faute par lefdits Capitaines , Maîtres ou Pa.
trons de rapporter ladite mention fur lefdits Rôles
d'équipages , voulons qu'ils foient cenfez &
réputez avoir laiffé defcendre lefdits Mouffes à
terre fans un homme de confiance , que
tels ils foient condamné à lad.amande de 300 liv.
I
& comme
ARREST du 22 Octobre , qui ordonne que
dans le 1 Avril 1731 , pour toute préfixion & dernier
délay , les proprietaires d'Offices & Droits
fupprimez , feront tenus de faire proceder aux li--
quidations de leur finance , & d'en recevoir les
rembourfemens ; paffé lequel temps ils en demeureront
déchûs , leurs Liquidations & Titres annuldez
, les quittances de finance déchargées du controlle
, & le tout porté aux Archivès du Confeil,
Sa Majesté quitte & déchargée de tous rembour
femens à l'avenir.
AR
NOVEMBRE. 1730. 2543
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , da
30. Octobre 1730.
9
Le Roi eft informé de la publication d'un
Ecrit qui a pour titre : Memoire pour les Sieurs
Samfon , Curé d'Oliver , Couës , Curé de Darvoi
Gaucher , Chanoine de Fargeau , Diocée d'Or
leans &c. fur l'effet des Arrêts des Parlements ,
tant provisoires que définitifs , en matiere d'Appel
comme d'abus des Cenfures Ecclefiaftiques
dans lequel Ecrit on a inferré la fübftance d'une
Confultation donnée par quatorze Avocats au
Parlement de Paris , le 10. Juillet 1718. &
qui n'avoit point paru alors dans le public , avec
une nouvelle Confultation des 27. Juillet & 7.
Septembre 1730. par laquelle quarante Avocats
au même Parlement déclarent qu'ils perfiftent
dans la premiere , que quelques - uns d'entr'eux
avoient figné en 1718. ou qu'ils y adhérent. Sa
Majefté auroit jugé à propos de faire examiner
ces Confultations en fon Confeil ; & il n'a pas
été difficile d'y reconnoître , que l'efprit en general
de cet ouvrage eft d'attaquer les premiers principes
du gouvernement de la France , & de diminuer
le refpect des Peuples pour cette autorité
fuprême , qui refidant tout entier dans la feule
perfonne du Souverain , forme le caractere effentiel
de la Monarchie , & en maintient depuis tant
de fiecles la grandeur & la felicité .
Que pour altérer , s'il étoit paffible , cette uniaé
du Gouvernement , qu'on ne peut partager
fans la détruire , les Auteurs des Confultations
ne craignent point d'avancer , que , fuivant les
Conftitutions du Royaume , les Parlements font
le Senat de la Nation , titre, que ces Compagnies,
inftruites de la nature de leur pouvoir , & deles
à celui qui en eft l'auteur , feroient faus doute
bien éloignées d'adopter ; & quand même on en
réduiroir
2544 MERCURE DE FRANCE
duirait l'effet à ce qui regarde l'adminiſtration
de la Justice , ce feroit toûjours une entrepriſe
criminelle , de vouloir faire entendre que le vain
titre de Senat de la Nation , eft le fondement de
cette autorité , que les Parlemens ont fi fouvent
reconnu eux -mêmes ne tenir que du Roi feul.
› Que par une temerité encore plus inexcufable
on a affecté de ne donner au Roi que la qualité de
Chefde la Nation , dont les Parlemens font le Senat.
On voit en effet dans les Confultations , que
tout ce qui concerne l'adminiſtration de la Juſtice ,
y eft rapporté à la Nation , à ce qu'on appelle fon
Tribunal fouverain ,aux Ordonnances qui ont été
formées par fon vau, dans l'affemblee desEtats,
& dont on éleve l'autorité bien au - deffus de celles
qui ont été faites , fans l'avoir entenduë : On y
reprefenre les Magiftrats des Parlemens , & ceux
qui ont droit d'y avoir féance , comme étant fouverainement
dépofitaires des Loix de l'Etat ; on
accumule en leur faveur , les qualitez de Senateurs
, de Patrices , d'affeffeurs du Trône dans
l'administration de la Justice ; & après avoir fuppofé
que tout ce qu'ils ont fait , eft une preuve
fuffifante qu'ils avoient droit de le faire , on ajoute
que perfonne n'eft Juge au - deffus de leurs Ar
rêts , fans excepter Sa Majefté d'une propofition
fi generale.
trent trop
Qu'independamment de ces traifs , qui monclairement
le caractere feditieux de cet
ouvrage , on y remarque une affectation perpetuelle
, à ne parler en general que de Puiffance
publique , de Jurifdiction exercée fouverainement
par les Parlemens fur tous les membres
de l'Etat , comme ayant le caractere repreſentatifde
l'autorité publique , fans y adjouter aucune
expreffion qui faffe fentir que cette autorité
refide dans le Prince , comme dans fa fource : Et
cette
NOVEMBRE. 1730. 2545
Cette affectation eft portée fi loin , que dans un
Ecrit , où il femble qu'on fe foit propofé de don→
'ner une idée generale de la conftitution fonda-
'mentale de l'Etat , on évite avec une attention
marquée de parler du Roi , qui n'y eſt nommé
fur ce fujet que lorsqu'il s'agit de l'appeller le
Chefde la Nation, ou de foutenir , que les Arrêts
des Parlemens ne peuvent jamáis être reformés
parce qu'ds font rendus au nom de Sa Majesté.s
Qu'on ofe même y avancer cette propofition
generale , que les Loix font de veritables conventions
entre ceux qui gouvernent , ceux
qui font gouvernez ; propofition qui ne feroit
pas approuvée dans les Republiques mêmes , mais
qui eft abfolument intolerable dans une Monarchie
; puifqu'en dépouillant le Souverain de la
plus augufte de fes qualitez , qui eft celle de Legiflateur
, elle le réduit à ne pouvoir traiter que
d'égal à égal , par forme de contract , avec les
Sujets , & l'expofe par confequent à recevoir la
loi de ceux mêmes à qui il doit la donner.
Enfin , que par une fuite du même efprit qui
regne dans tout le corps de l'ouvrage , le pouvoir
de l'Eglife n'y eft pas plus refpecte que celui du
Roi , & que les principes qui y font répandus ,
tendent également à revolter les Peuples contre
foute autorité.
Sa Majefté , qui doit à Elle- même & à l'Etat
la confervation des droits Sacrés & inviolables de
fa Couronne , ne sçauroit faire éclater trop prom
ptement fa feverité contre un Ecrit où ils font
Ouvertement attaqués ; & fi Elle ne la porte pas
d'abord auffi loin que l'importance de la matiere
peut l'exiger , c'eft parce qu'elle ne fçauroit dou
rer , que ceux qui paroiffent avoir figné cet Ecrit,
reconnoiffent eux-mêmes , avec indignation , là
farprife qu'on leur a faite , ne fe hâtent de la reparer
par un defaveu formel , ou par une prome
K pta
2546, MERCURE DE FRANCE
pre & parfaite retractation , qu'ils devoient regarder
comme le feul moyen qui leur refte pour.
flechir S. M. & defarmer la rigueur de ſa Juſtice:
A quoi étant neceffaire de pourvoir , pour repri
mer tout ce qui peut être une occafion de trous
ble & de confufion dans le Royaume , Sa Majefté
étant en fon Confeil , a ordonné & ordonne
que l'Imprimé quia pour titre , Memoire pour
les Sieurs Samfon , Curé d'Olivet , Couët , Curé
de Darvoi , Gaucher , Chanoine de Fargeau ,
Diocéfe d'Orleans , autres Ecclefiaftiques de &
differens Diocéfes , appellans comme d'abus ,
contre M. l'Evêque d'Orleans , & autres Arshevêques
& Evêques de differens Diocéfes , intimez
, fur l'effet des Arrêts des Parlemens ,
tant provifoires que définitifs , en matiere d'ap
pel comme d'abus des Cenfures Ecclefiaftiques.
A Paris , de l'Imprimerie de Philippe Nicolas
Lottin , fera & demeurera fuprimée , comme con
tenant des propofitions contraires à l'autorité du
Roi , feditieufes & tendantes à troubler la tranquilité
publique ; & en confequence , ordonne
que tous les exemplaires dudit Memoire , qui ont
été répandus dans le public , feront inceffamment
rapportez au Greffe du Sieur Herault , Confeiller
d'Etat , Lieutenant General de Police , pour
y être lacerés. Fait Sa Majefté très - expreffes inhibitions
& deffenfes à tous les ſujets , de quelque
état & condition qu'ils foient , d'en vendre , dea
biter , ou autrement diftribuer , même d'en retenir
aucun , à peine de punition exemplaire contre
ceux qui s'en trouveront faifis. Ordonne en
outre Sa Majefté , que la minute dudit Memoire,
fur laquelle il a été imprimé, ſera remife dans le
jour, par ledit Lottin , Imprimeur , au Greffe dudit
Sieur Herault ; & que les quarante Avocats
dont les noms ont été imprimés au bas de la
Confultation , des 27. Juillet & 7. Septembre
6
1730.
NOVEMBRE. 1730. 2547-
730. inferée dans le Memoire , feront tenus
dans un mois , à compter du jour de la fignification
qui fera faite à chacun d'eux du prefent Arrêt
, de defavouer ou de retracter ladite Confultation
, par Acte figné d'eux , qu'ils, remettront
au Greffe du Confeil ; finon & faute par eux d'y
avoir fatisfait dans ledit délai , ils demeureront
par provifion interdits de toutes leurs fonctions
en vertu du prefent Arrêt , Sa Majefté fe refervant
au furplus d'ordonner ,
audit cas , ce qu'il
appartiendra . Et fera le prefent Arrêt lû , publié
& affiché par tout où befoin fera : Enjoint audit
Sieur Herault d'y tenir la main,& à l'execution de
ce qui le concenrae dans les difpofitions dudit Arrêt.
Fait au Confeil d'Etat du Roi,S.M.y étant, &c .
AUTRE du 31. Octobre , qui ordonne que
conformément au Tarif arrêté au Confeil le 13 .
Juin 1730. il fera payé aux Jurez Vendeurs ,
Controlleurs & Compteurs de Poiffons d'eau dousce
, deux fols fix deniers pour chaque livre du
prix du Poiffon d'eau douce , qui fera vendu ou
confommé dans la Ville, Fauxbourgs & Banlieues
de Paris, au lieu de deux fols fix deniers employez
par erreur dans l'expedition & dans les imprimez
dudit Tarif,
AUTRE du 21. Novembre , qui ordonne
qu'en remettant au Garde du Tréfor Royal en
exercice , tant par les proprietaires des Finances
des anciens Offices fuprimez fur les Quais , Ports ,
Halles , &c. de Paris , que par les proprietaires
des Rentes fur les Aydes & Gabelles , fur les Tailles
, ou interêts au denier cinquante , provenant
des rembourfemens cy- deyant faits des Finances
de pareils Offices , les Titres & Pieces y mentionnez
, il leur fera délivré pour valeur de leur rembourfement
des Recepiffez à la décharge du Tréforier
des Revenus cafuels , pour être employer
2548 MERCURE DE FRANCE
en acquifition des nouveaux Offices créez par Edit
du mois de Juin dernier.
AUTRE dy 25. Novembre 1730. rendu
au fujet d'une déclaration donnée , fuivant l'Arrêt
du 30. Octobre dernier , par quarante Avo
cats au Paement de Paris , &c.
Vu par le Roi , étant en fon Confeil , la Décla
ration donnée fuivant l'Arrêt du 30. Octobre
dernier , par les quarante Avocats , dont les noms
ont été imprimez au bas de la Confultation , au
fujet de laquelle ledit Arrêt a été rendu , ladite
Déclaration conçue en ces termes :
Les quarante Avocats dont les noms font imprimez
au bas de la Confultation qui a donné
lieu à l'Arrêt du 30. Òâobre dernier., ne pourroient
fe confoler du soupçon qui paroît avoir .
frappé Votre Majesté fur leur fidelité , s'il ne
leur procuroit l'occafion de faire à V. M. une
proteftation authentique de leurs fentimens fur
fon autorité.
Nous avons toujours été intimement convaincus
, & nous ferons toujours gloire de le
profeffer hautement , que le Royaume de Françe
eft un Etat purement Monarchiques que l'autorité
fuprême réfide dans la feule perfonne du
Souverain; que V. M. tient dans fon Royaume
la place de Dieu même , dont elle est l'image
vivantes que la foumiffion qui lui eft dûë , eſt
un devoir de Religion , auquel on doit fatisfaire
non par la terreur des peines , mais par le mouvement
de fa confcience ; qu'il n'y a aucune
Puiffance fur la terre qui ait le pouvoir de dé
gager les Peuples de cette fidelité inviolable
qu'ils doivent à leur Souverain , que l'excommunication
même , fi redoutable quand elle eft
prononcée pour des caufes légitimes , ne peut
jamais rompre le noeud facré qui lie les Sujets
"
NOVEMBRE. 1730. 2540
leurRoi; que pour quelque caufe que ce puiffe
etre ; on ne peut porter la plus legere atteinte à
fon autorité ; qu'il eft le feul Souverain Legifla
teur dans fes Etats ; que les Parlemens & autres
Cours du Royaume ne tiennent que de V.M.
feule l'autorité qu'ils exercent ; que le respect &
la foumiffion qu'on rend à leurs Arrêts , remontent
à V. M. comme à leur fource , & que par
cette raiſon la Juftice s'y rend au nom de Votre
Majefté , que c'eft V M. qui parle dans les
Arrêts, & qu'ils ne font executoires , qu'au
tant qu'ilsfont munis du Sceau de V. M.
Voilà , Sire , les veritez dans lesquelles nous
affermit chaque jour l'exercice de notre minif
tere , fous les yeux du Parlement fi attentifà
conferver toutes les prérogatives , de votre autorité
facrée Notre coeur ne nous reprochers
jamais de nous en être écartez nous ne les abandonnerons
jamais ; & pour le maintien de ces
mêmes veritez , nous ferons prêts en tout tems.
& en toute occafion , de facrifier nos biens &
nos perfonnes.
Nous regardons encore , Sire, comme un principe.
immuable, que les Miniftres de l'Eglife, membres
de l'Etat & Sujets de V. M. font , comme tous.
les autres Ordres du Royaume , foumis à toutes
les loix qui portent le caractere de l'autorité
Royale ; qu'ils tiennent uniquement de J. C. &
de fon Eglife le pouvoir fpirituel dont le falut
des ames eft l'objet , & qui fe fait obéir parla
crainte des peines fpirituelles ; mais que c'est à
V.M.feule, qu'ils doivent la juriſdiction exterieur
re qu'ils exercent dans vos Etats , de l'ufage de
laquelle ils font neceffairement comptables à
V.M. par confequent au Parlement qui rend la
Juftice en votre nom & à qui il appartient, fous
votre autorité , de réprimer par la voye de l'ap
pel comme d'abus , tout ce qui pourroit bleffer
de
2550 MERCURE DE FRANCE
de leur part les loix les maximes duRoyaume.
Tel eft le point effentiel ſur lequel nous avons
ufé dela liberté que nous avons de répondre aux
questions fur lesquelles nous sommes confulter
par les Parties qui ont recours à nous ,
to que
nous nous flattons , Sire , que V. M. voudra
bien nous conferver.
Nous prenons enfin la liberté de protester à
V. M. que nous n'avons entendu les expreffions.
dont on s'eft fervi dans le Mémoire , que conformement
aux veritez que nous venons d'expofer
à V. M. & dans le méme efprit que plu
fieurs ont été employées dans quelques Orionnances
des Rois Prédereffeurs de V. M. & dans
les Auteurs les plus, approuvez; tout autre sens,
toute autre interpretation eft encore plus éloignée
de notre coeur que de notre efprit ; nous defavoüons,
Sire,& nous déteftons tout ce qui pour
roit tendre à donner la moindre atteinte à votre
autorités fi nous connoiffions,des termes encore
plusforts nous nous en fervirions pour exprimer
à V.M. la droiture & la fidelité de nos fentimens.
Ladite déclaration fignée le Roy , Berroyer ...
& autres Avocats , au nombre de quarante , dontles
noms ont été imprimez à la fin de la Confultation
, au bas de laquelle déclaration font écrits
ces mors : Je fouffigné Avocat au Parlement , ·
Baftonnier des Avocats , déclare au nom de
TOrdre defdits Avocats , que les fentimens .
les principes contenus dans la déclaration cydeffus
, fur l'autorité du Roi , non feulement
ceux des Avocats qui ont figné la prefente declaration,
mais encore de l'Ordre entier , &
qu'il y adhers pleinement, Signé , Tartarin. Sa
Majesté étant fatisfaite de ladite déclaration , on
lefdits Avocats reconnoiffent d'une maniere fi
claire & fi formelle , ce qu'ils doivent à fon au
torité & aux droits inviolables de la Couronne
&
NOVEMBRE. 1730. 255T
2
& en conſequence , voulant faire voir qu'Elle les
regarde comme de bons & fideles Sujets , & rendre
public le témoignage folemnel qu'ils lui ent
donnent , Sa Majesté étant en fon Confeil , a ordonné
& ordonne que ladite déclaration demeurera
attachée à la minute du preſent Arrêt , lequel
fera lú , publié & affiché par tout où beſoin fera
Fait au Confeil , &c,
On donnera deux Volumes le mois prochain
pour pouvoir employer les Pieces qui n'ont pu
trouver place pendant le cours de la prefente
anne & qui nous paroiffent dignes de la cui
riofité du Public.
ORDONNANCES , &c.
A&
RREST du 22. Août , qui proroge pen
dant trois ans , à compter du premier Oc
tobre prochain , la moderation des Droits cidevant
accordée fur les Beurres & Fromages vemant
de l'Etranger, & fur ceux du crû du Royaumc
.
7
à
AUTRE du même jour , qui proroge pen
dant trois ans , compter du 23. Octobre prochain
, la permiffion ci- devant accordée aux Ne--
gocians François qui font le Commerce des Iſles .
& Colonies Françoifes de l'Amerique , de faire
venir des Pays étrangers des Lards , Beurres
Suifs , Chandeles & Saumons falez , fans payer
aucuns Droits.
AUTRE du même jour, qui ordonne que
le Franc-falé fera délivré aux Officiers veteranshonoraires
, & Veuves , en juftifiant du payement
de la Capitation de l'année qui aura précedé celle
dans laquelle le Franc- falé fera delivré.
ORDONNANCE du Roy , du 26. Août,
concernant le Regiment Royal d'Artillerie , par
laquelle il eft dit que Sa Majefté jugeant qu'il eft.
du bien de fon fervice , de maintenir dans les
Compagniers de Sapeurs , Bombardiers & Canoniers
, les Charges de Capitaines en ſecond , &
d'augmenter dans les Compagnies de Mineurs la
folde
2536 MERCURE DE FRANCE
földe des Apprentifs qui ne font actuellement .
payez que fur le pied de cinq fols fix deniers
Elle a ordonné & ordonne qu'à l'avenir les Charges
de Capitaines en fecond des Compagnies de
Sapeurs , Bombardiers & Canoniers , continueront
d'être remplies , & que ceux qui en feront
pourvás , feront payez des appointemens qui leur
font attribuez par fes Ordonnances ; Et qu'à
commencer au premier Octobre prochain les
vingt-deux Apprentifs , dans chacune des Compagnies
de Mineurs , feront payez fur le pied de
fept fols par jour indiftinctement , & c.
ARREST du 27. Août , portant qu'il fera
établi en l'Hôtel de la Compagnie des Indes un
nouveau Dépoft , libre & volontaire , pour tous
ceux des Actionnaires qui voudront librement &
volontairement y dépofer leurs Actions.
AUTRE du 29. Août , qui exempre des Droits.
dûs au Roy ou à fes Fermiers , & des Droits de
Peage, les Grains qui feront tranfportez des Pro--
vinces , du Royaume dans celle de Provence
pendant un an , à compter du 15. Septembre :
1730.
AUTRE du 5 : Septembre , qui revoque les
Lettres Patentes du 19. Août 1727. portant Privilege
exclufif pour l'établiſſement des Manufactures
de Cuivre...
ORDONNANCE du Roy , du 6. Septembre
, concernant la Patente de Santé que doivent
prendre les Capitaines & Patrons des Bâtimens
qui commercent dans les Echelles de Lewant
& de Barbaric.
AR
NOVEMBRE. 1730.2537
ARREST du 12. Septembre , qui ordonne
qu'il fera procedé par Mrsrs les Intendans des Provinces
& Generalitez du Royaume , à l'adjudication
de la fourniture de l'Etape aux Troupes ' ,
pendant l'année prochaine 1731.
ARREST de la Cour des Aydes , du 22. Septembre
, e ,,pour faire jouir Pierre Carlier de la Ferme
generale du Privilege exclufif de la vente du
Tabac , en attendant l'Enregistrement de ſon Bait..
-
ARREST du 26. Septembre , qui ordonne
que les nouveaux Sous Baux des Aydes &
droits y joints des Generalitez y mentionnées ,
faits par Carlier pour les deux dernieres années de
fon Bail , qui commenceront au premier Octobre
1730. feront fans frais.
AUTRE du même jour , qui révoque pour
un an, à compter du 15. Octobre prochain, celuidu
13. Avril 1728. qui exemte de tous droits des
Fermes & autres , les Bleds , Froments , Méteils ,
Seigles, Orges , Baillarges & autres grains , farines
& legumes , qui pafferont des Provinces des
cinq groffes Fermes dans les Provinces réputées
étrangeres & des Provinces réputées étrangeres
dans celle des cinq groffes Fermes ; & deffend la
fortie defdits grains hors du Royaume.
AUTRE du même jour , en interprétation .
de celui du 14 Août 1727. & qui regle les formalitez
à obferver par les Marchands & Négocians
qui acheteront à Nantes des Marchandifes .
permifes venant des Indes , & qui proviendront
des ventes de la Compagnie.
ORDONNANCE du Roi , du 8. Octobre
1730. par laquelle il eft ordonné que les
deuils
2538 MERCURE DE FRANCE
deuils que Sa Májeſté a coûtume de porter à la
mort des Têtes Couronnées , des Princes & Princeffes
du Sang , & des autres Princes & Princeffes
de l'Europe , ainfi que ceux qui fe portent dans
les familles des Sujets de S. M. feront réduits à
l'avenir à la moitié du tems prefcrit par l'Ord.du
23. Juin 1716. N'entend neanmoins S. M. comprendre
dans cette réduction , les deuils que les
femmes portent à la mort de leurs maris , & ceux
qui fe portent à la mort des femmes , peres , meres
, beaux peres & belles-meres , ayeuls & ayeules
, & des autres perfonnes de qui on eft heritier
ou légataire univerfel , lefquels demeureront fixez
au tems prefcrit par ladite Ordonnance du 23 .
Juin 1716. renouvellant S. M. en tant que befoin
feroit , les deffenfes faites par ladite Ordonnance
de draper , fi ce n'eft pour les maris & femmes ,
peres & meres , beau-peres & belles - meres , ayeuls
& ayeules , & des perfonnes de qui on eft héritier
ou légataire univerfel.
ORDONNANCE du Roi , pour le licenciement
& le remplacement de la moitié de la Mis
lice. Du 12. Octobre 1730.
Sa Majefté ayant par fes Ordonnances des 31 .
Juillet 1728. & 25. Janvier 1729. pourvû au
licenciement & remplacement de la moitié des
Soldats de Milice qui ont été levez en 1726. &
1727. & voulant congedier l'autre moitié defdits
Soldats , & qu'il en foit levé d'autres àleur place ;
S. M. a ordonné & ordonne ce qui ſuit.
ARTICLE PREMIER..
Les Miliciens qui reftent du nombre de ceux
levez en execution des Ordonnances des 25. Février
& 16. Décembre 1726. demeureront abfo-
Jument libres , à compter du jour de la publication
de la prefente Ordonnance ; à l'effet de quoi
il
NOVEMBRE. 1730. 2539
fera délivré à ceux qui en demanderont, des Cer
tificats fignez des Intendans ou de leurs Subdéleguez
, portant qu'après avoir accompli les quatre
années de fervice dont ils étoient tenus , ils ont
été congediez, & en conféquence lefdits Miliciens,
foit Sergens ou Soldats , cefferont , à commencer
du premier Novembre prochain , de recevoir les.
deux fols ou le fol de folde qui leur a été reglé.
II. Veut néanmoins SM. que ceux defd . Miliciens
de 1726.& 1727. qui après s'être abſenté
ont obtenu leur grace , à condition de continuer
fervir pendant plufieurs années, reſtent Miliciens
, jouiffent de la folde jufqu'à- ce que leur
tems foit accompli.
III . Ordonne S. M. que dans les mois de Février
& deMars prochain lesIntendans feront faire
par les Paroiffes de leurs départemens , le rem
placement des Milicicns congediez au nombre de
300. par Bataillon , le tout dans la forme prefpar
l'Ordonnance du 2 5. Janvier 1729. dont
S.M. en tant que de befoin, renouvelle les difpofitions.
crite
I V. Permet aux Miliciens congediez , de continuer
leur fervice , fi bon leur femble; à l'effet de
quoi ceux qui s'y porteront volontairement , en
feront leur déclaration devant l'Intendant ou fon
Subdelegué, avant qu'on ait tiré au fort : & cet engagement
fera pour 1731. & 1732. au moyen
de quoi ils continueront de jouir de leur folde
fans interruption.
V. Les. Miliciens continueront de jouir , tant
pour eux que pour leurs peres & meres , des
exemptions accordées par l'Article XXIX . de
l'Ordonnance du 25. Janvier 1729.
V I. S. M. ordonne de nouveau , que la gratification
que les garçons font en coûtume de donnerà
celui ou ceux fur qui le fort eft tombé pour
la
Milice
2540 MERCURE DE FRANCE
Milice , ne pourra exceder pour chacun la fomme
de 30. livres , fur laquelle il leur fera acheté deux
chemiſes & deux cravates ou cols de groffe toile ,
un habrefac & une paire de fouliers ; & le furplus
fera remis au Milicien fans aucune déduction,
VII . Entend Sa Majefté que les Collecteurs ne
puiffent en aucune maniere que ce foit être employés
au détail de la Milice , & leur défend de
délivrer aucuns deniers de leur Recette pour
prétendus frais de Milice .
VIII. Les Miliciens levés en execution de
POrdonnance du 25. Janvier 1729. continueront
de fervir pendant l'année prochaine 1731
& la fuivante 1732. & recevront la folde ordon,
née , bien entendu que ceux qui manqueront par
maladie ou défertion feront remplacés
mort ,
par les Paroiffes.
IX. Deffend Sa Majefté de recevoir à la Milice
des garçons étrangers , à moins qu'ils ne
foient habitans dans la Paroiffe depuis fix mois,
& nés de parens domiciliés dans le Reffort de
la Jurifdiction Royale dont la Paroiffe eft dépendante.
X. Deffend Sa Majefté aux Officiers de fes
Troupes fous les peines portées par l'Article
XXVIII. de l'Ordonnance du 25. Janvier 1729 .
d'engager aucun de ceux fur qui le fort fera
tombé pour la Milice.
>
XI . Deffend pareillement aux Ecclefiaftiques ,
Gentilshommes Communautés , Séculieres ou
Régulieres , de donner retraite à aucun garçon
fujet à la Milice , fous les peines portées par
Article XVIII . de la même Ordonnance.
XII. Veut Sa Majeſté qu'à l'égard des Déferteurs
de la Milice , il en foit ufé comme il eft
preferit par l'Article IV. de l'Ordonnance du
as, Fevrier 1730.
XIII.
NOVEMBRE. 1730. 2541
XIII. Chaque Bataillon continuera d'être
compofé de fix Compagnies de cent hommes
chacune , & du nombre d'Officiers mentionnés
dans l'Article XXII . de l'Ordonnance du 25.#
Janvier 1729.
XIV. Veut Sa Majefté que tous lesdits Bataillons
foient complets , & en état de marcher ou
fon fervice les appellera , au premier Avril 1731 .
XV. Les Ordonnances ci-devant renduës fur
ke fait de la Milice , & notamment celles des
25. Fevrier 1726. 25. Janvier 1729. & 25. Fevrier
1730. feront executées fuivant leur forme
& teneur en ce qui n'eft point contraire à la
prefente &c.
DECLARATION du Roy,portant qu'il ne fera
laiffé aucun Mouffe dans les Echelles de Levant &
de Barbarie. Donnée à Verſailles le 12 Octobre
1730. Registrée en Parlement , à Aix , le 3. No
vembre fuivant , dont voici l'Extrait :
LOUIS , par la grace de Dieu , &c. Nous aurions
été informez que plufieurs Mouffes femployez
au commerce dans la Méditerranée , font
reftez en Levant & en Barbarie, à caufe des mauvais
traitemens qu'ils ont reçûs à bord des Bâtimens
, fur lefquels ils étoient embarquez , & que
les Mufulmans ayant trouvé beaucoup de facilité
= à les féduire , attendu la foibleffe de leur âge , les
ont induits à embraffer la Religion du País : Et
voulant remedier à un abus que notre zéle pour la
Religion , & notre affection pour nos Sujets , ne
Nous permettent pas de tolerer , Nous avons fait
& faifons par ces Préfentes,fignées de notre main,
très - exprefles inhibitions & deffenſes à tous Capitaines
, Maîtres ou Patrons, de maltraiter & laiffer
maltraiter par les gens de leurs Equipages,les
Mouffes qui feront embarquez fur les Bâtimens
qu'ils
2542 MERCURE
DE FRANCE
qu'ils commanderont ; à peine d'être punis fuivant
l'exigence des cas ; leur permettons feulement
de faire fubir à ces Mouffes les punitions
ordinaires & accoutumées : Deffendons auffi auf-
-dits Capitaines , Maîtres ou Patrons , lorfqu'ils
feront dans les Echelles du Levant & de Barbarie,
de laiffer deſcendre à terre aucuns defdits Mouffes,
fans les mettre fous la garde d'un Officier ou
d'un Matelot de confiance , à peine de 300 livres
d'amende pour chaque Mouffe , qui faute de cette
précaution , fera refté dans lefdites Echelles. En .
joignons aux Confuls , Vice- Confuls , & autres
perfonnes chargées de nos affaires dans lefdites
Echelles du Levant & de Barbarie , de faire mention
fur les Rolles d'équipages . des Mouffes qui
feront reftez dans lefdites Echelles , & de ce qui
pourra y avoir donné lieu , de quoi ils feront requis
par lefdits Capitaines , Maîtres ou Patrons ;
& faute par lefdits Capitaines , Maîtres ou Pa.
trons de rapporter ladite mention fur lefdits Rôles
d'équipages , voulons qu'ils foient cenfez &
réputez avoir laiffé defcendre lefdits Mouffes à
terre fans un homme de confiance , que
tels ils foient condamné à lad.amande de 300 liv.
I
& comme
ARREST du 22 Octobre , qui ordonne que
dans le 1 Avril 1731 , pour toute préfixion & dernier
délay , les proprietaires d'Offices & Droits
fupprimez , feront tenus de faire proceder aux li--
quidations de leur finance , & d'en recevoir les
rembourfemens ; paffé lequel temps ils en demeureront
déchûs , leurs Liquidations & Titres annuldez
, les quittances de finance déchargées du controlle
, & le tout porté aux Archivès du Confeil,
Sa Majesté quitte & déchargée de tous rembour
femens à l'avenir.
AR
NOVEMBRE. 1730. 2543
ARREST du Confeil d'Etat du Roi , da
30. Octobre 1730.
9
Le Roi eft informé de la publication d'un
Ecrit qui a pour titre : Memoire pour les Sieurs
Samfon , Curé d'Oliver , Couës , Curé de Darvoi
Gaucher , Chanoine de Fargeau , Diocée d'Or
leans &c. fur l'effet des Arrêts des Parlements ,
tant provisoires que définitifs , en matiere d'Appel
comme d'abus des Cenfures Ecclefiaftiques
dans lequel Ecrit on a inferré la fübftance d'une
Confultation donnée par quatorze Avocats au
Parlement de Paris , le 10. Juillet 1718. &
qui n'avoit point paru alors dans le public , avec
une nouvelle Confultation des 27. Juillet & 7.
Septembre 1730. par laquelle quarante Avocats
au même Parlement déclarent qu'ils perfiftent
dans la premiere , que quelques - uns d'entr'eux
avoient figné en 1718. ou qu'ils y adhérent. Sa
Majefté auroit jugé à propos de faire examiner
ces Confultations en fon Confeil ; & il n'a pas
été difficile d'y reconnoître , que l'efprit en general
de cet ouvrage eft d'attaquer les premiers principes
du gouvernement de la France , & de diminuer
le refpect des Peuples pour cette autorité
fuprême , qui refidant tout entier dans la feule
perfonne du Souverain , forme le caractere effentiel
de la Monarchie , & en maintient depuis tant
de fiecles la grandeur & la felicité .
Que pour altérer , s'il étoit paffible , cette uniaé
du Gouvernement , qu'on ne peut partager
fans la détruire , les Auteurs des Confultations
ne craignent point d'avancer , que , fuivant les
Conftitutions du Royaume , les Parlements font
le Senat de la Nation , titre, que ces Compagnies,
inftruites de la nature de leur pouvoir , & deles
à celui qui en eft l'auteur , feroient faus doute
bien éloignées d'adopter ; & quand même on en
réduiroir
2544 MERCURE DE FRANCE
duirait l'effet à ce qui regarde l'adminiſtration
de la Justice , ce feroit toûjours une entrepriſe
criminelle , de vouloir faire entendre que le vain
titre de Senat de la Nation , eft le fondement de
cette autorité , que les Parlemens ont fi fouvent
reconnu eux -mêmes ne tenir que du Roi feul.
› Que par une temerité encore plus inexcufable
on a affecté de ne donner au Roi que la qualité de
Chefde la Nation , dont les Parlemens font le Senat.
On voit en effet dans les Confultations , que
tout ce qui concerne l'adminiſtration de la Juſtice ,
y eft rapporté à la Nation , à ce qu'on appelle fon
Tribunal fouverain ,aux Ordonnances qui ont été
formées par fon vau, dans l'affemblee desEtats,
& dont on éleve l'autorité bien au - deffus de celles
qui ont été faites , fans l'avoir entenduë : On y
reprefenre les Magiftrats des Parlemens , & ceux
qui ont droit d'y avoir féance , comme étant fouverainement
dépofitaires des Loix de l'Etat ; on
accumule en leur faveur , les qualitez de Senateurs
, de Patrices , d'affeffeurs du Trône dans
l'administration de la Justice ; & après avoir fuppofé
que tout ce qu'ils ont fait , eft une preuve
fuffifante qu'ils avoient droit de le faire , on ajoute
que perfonne n'eft Juge au - deffus de leurs Ar
rêts , fans excepter Sa Majefté d'une propofition
fi generale.
trent trop
Qu'independamment de ces traifs , qui monclairement
le caractere feditieux de cet
ouvrage , on y remarque une affectation perpetuelle
, à ne parler en general que de Puiffance
publique , de Jurifdiction exercée fouverainement
par les Parlemens fur tous les membres
de l'Etat , comme ayant le caractere repreſentatifde
l'autorité publique , fans y adjouter aucune
expreffion qui faffe fentir que cette autorité
refide dans le Prince , comme dans fa fource : Et
cette
NOVEMBRE. 1730. 2545
Cette affectation eft portée fi loin , que dans un
Ecrit , où il femble qu'on fe foit propofé de don→
'ner une idée generale de la conftitution fonda-
'mentale de l'Etat , on évite avec une attention
marquée de parler du Roi , qui n'y eſt nommé
fur ce fujet que lorsqu'il s'agit de l'appeller le
Chefde la Nation, ou de foutenir , que les Arrêts
des Parlemens ne peuvent jamáis être reformés
parce qu'ds font rendus au nom de Sa Majesté.s
Qu'on ofe même y avancer cette propofition
generale , que les Loix font de veritables conventions
entre ceux qui gouvernent , ceux
qui font gouvernez ; propofition qui ne feroit
pas approuvée dans les Republiques mêmes , mais
qui eft abfolument intolerable dans une Monarchie
; puifqu'en dépouillant le Souverain de la
plus augufte de fes qualitez , qui eft celle de Legiflateur
, elle le réduit à ne pouvoir traiter que
d'égal à égal , par forme de contract , avec les
Sujets , & l'expofe par confequent à recevoir la
loi de ceux mêmes à qui il doit la donner.
Enfin , que par une fuite du même efprit qui
regne dans tout le corps de l'ouvrage , le pouvoir
de l'Eglife n'y eft pas plus refpecte que celui du
Roi , & que les principes qui y font répandus ,
tendent également à revolter les Peuples contre
foute autorité.
Sa Majefté , qui doit à Elle- même & à l'Etat
la confervation des droits Sacrés & inviolables de
fa Couronne , ne sçauroit faire éclater trop prom
ptement fa feverité contre un Ecrit où ils font
Ouvertement attaqués ; & fi Elle ne la porte pas
d'abord auffi loin que l'importance de la matiere
peut l'exiger , c'eft parce qu'elle ne fçauroit dou
rer , que ceux qui paroiffent avoir figné cet Ecrit,
reconnoiffent eux-mêmes , avec indignation , là
farprife qu'on leur a faite , ne fe hâtent de la reparer
par un defaveu formel , ou par une prome
K pta
2546, MERCURE DE FRANCE
pre & parfaite retractation , qu'ils devoient regarder
comme le feul moyen qui leur refte pour.
flechir S. M. & defarmer la rigueur de ſa Juſtice:
A quoi étant neceffaire de pourvoir , pour repri
mer tout ce qui peut être une occafion de trous
ble & de confufion dans le Royaume , Sa Majefté
étant en fon Confeil , a ordonné & ordonne
que l'Imprimé quia pour titre , Memoire pour
les Sieurs Samfon , Curé d'Olivet , Couët , Curé
de Darvoi , Gaucher , Chanoine de Fargeau ,
Diocéfe d'Orleans , autres Ecclefiaftiques de &
differens Diocéfes , appellans comme d'abus ,
contre M. l'Evêque d'Orleans , & autres Arshevêques
& Evêques de differens Diocéfes , intimez
, fur l'effet des Arrêts des Parlemens ,
tant provifoires que définitifs , en matiere d'ap
pel comme d'abus des Cenfures Ecclefiaftiques.
A Paris , de l'Imprimerie de Philippe Nicolas
Lottin , fera & demeurera fuprimée , comme con
tenant des propofitions contraires à l'autorité du
Roi , feditieufes & tendantes à troubler la tranquilité
publique ; & en confequence , ordonne
que tous les exemplaires dudit Memoire , qui ont
été répandus dans le public , feront inceffamment
rapportez au Greffe du Sieur Herault , Confeiller
d'Etat , Lieutenant General de Police , pour
y être lacerés. Fait Sa Majefté très - expreffes inhibitions
& deffenfes à tous les ſujets , de quelque
état & condition qu'ils foient , d'en vendre , dea
biter , ou autrement diftribuer , même d'en retenir
aucun , à peine de punition exemplaire contre
ceux qui s'en trouveront faifis. Ordonne en
outre Sa Majefté , que la minute dudit Memoire,
fur laquelle il a été imprimé, ſera remife dans le
jour, par ledit Lottin , Imprimeur , au Greffe dudit
Sieur Herault ; & que les quarante Avocats
dont les noms ont été imprimés au bas de la
Confultation , des 27. Juillet & 7. Septembre
6
1730.
NOVEMBRE. 1730. 2547-
730. inferée dans le Memoire , feront tenus
dans un mois , à compter du jour de la fignification
qui fera faite à chacun d'eux du prefent Arrêt
, de defavouer ou de retracter ladite Confultation
, par Acte figné d'eux , qu'ils, remettront
au Greffe du Confeil ; finon & faute par eux d'y
avoir fatisfait dans ledit délai , ils demeureront
par provifion interdits de toutes leurs fonctions
en vertu du prefent Arrêt , Sa Majefté fe refervant
au furplus d'ordonner ,
audit cas , ce qu'il
appartiendra . Et fera le prefent Arrêt lû , publié
& affiché par tout où befoin fera : Enjoint audit
Sieur Herault d'y tenir la main,& à l'execution de
ce qui le concenrae dans les difpofitions dudit Arrêt.
Fait au Confeil d'Etat du Roi,S.M.y étant, &c .
AUTRE du 31. Octobre , qui ordonne que
conformément au Tarif arrêté au Confeil le 13 .
Juin 1730. il fera payé aux Jurez Vendeurs ,
Controlleurs & Compteurs de Poiffons d'eau dousce
, deux fols fix deniers pour chaque livre du
prix du Poiffon d'eau douce , qui fera vendu ou
confommé dans la Ville, Fauxbourgs & Banlieues
de Paris, au lieu de deux fols fix deniers employez
par erreur dans l'expedition & dans les imprimez
dudit Tarif,
AUTRE du 21. Novembre , qui ordonne
qu'en remettant au Garde du Tréfor Royal en
exercice , tant par les proprietaires des Finances
des anciens Offices fuprimez fur les Quais , Ports ,
Halles , &c. de Paris , que par les proprietaires
des Rentes fur les Aydes & Gabelles , fur les Tailles
, ou interêts au denier cinquante , provenant
des rembourfemens cy- deyant faits des Finances
de pareils Offices , les Titres & Pieces y mentionnez
, il leur fera délivré pour valeur de leur rembourfement
des Recepiffez à la décharge du Tréforier
des Revenus cafuels , pour être employer
2548 MERCURE DE FRANCE
en acquifition des nouveaux Offices créez par Edit
du mois de Juin dernier.
AUTRE dy 25. Novembre 1730. rendu
au fujet d'une déclaration donnée , fuivant l'Arrêt
du 30. Octobre dernier , par quarante Avo
cats au Paement de Paris , &c.
Vu par le Roi , étant en fon Confeil , la Décla
ration donnée fuivant l'Arrêt du 30. Octobre
dernier , par les quarante Avocats , dont les noms
ont été imprimez au bas de la Confultation , au
fujet de laquelle ledit Arrêt a été rendu , ladite
Déclaration conçue en ces termes :
Les quarante Avocats dont les noms font imprimez
au bas de la Confultation qui a donné
lieu à l'Arrêt du 30. Òâobre dernier., ne pourroient
fe confoler du soupçon qui paroît avoir .
frappé Votre Majesté fur leur fidelité , s'il ne
leur procuroit l'occafion de faire à V. M. une
proteftation authentique de leurs fentimens fur
fon autorité.
Nous avons toujours été intimement convaincus
, & nous ferons toujours gloire de le
profeffer hautement , que le Royaume de Françe
eft un Etat purement Monarchiques que l'autorité
fuprême réfide dans la feule perfonne du
Souverain; que V. M. tient dans fon Royaume
la place de Dieu même , dont elle est l'image
vivantes que la foumiffion qui lui eft dûë , eſt
un devoir de Religion , auquel on doit fatisfaire
non par la terreur des peines , mais par le mouvement
de fa confcience ; qu'il n'y a aucune
Puiffance fur la terre qui ait le pouvoir de dé
gager les Peuples de cette fidelité inviolable
qu'ils doivent à leur Souverain , que l'excommunication
même , fi redoutable quand elle eft
prononcée pour des caufes légitimes , ne peut
jamais rompre le noeud facré qui lie les Sujets
"
NOVEMBRE. 1730. 2540
leurRoi; que pour quelque caufe que ce puiffe
etre ; on ne peut porter la plus legere atteinte à
fon autorité ; qu'il eft le feul Souverain Legifla
teur dans fes Etats ; que les Parlemens & autres
Cours du Royaume ne tiennent que de V.M.
feule l'autorité qu'ils exercent ; que le respect &
la foumiffion qu'on rend à leurs Arrêts , remontent
à V. M. comme à leur fource , & que par
cette raiſon la Juftice s'y rend au nom de Votre
Majefté , que c'eft V M. qui parle dans les
Arrêts, & qu'ils ne font executoires , qu'au
tant qu'ilsfont munis du Sceau de V. M.
Voilà , Sire , les veritez dans lesquelles nous
affermit chaque jour l'exercice de notre minif
tere , fous les yeux du Parlement fi attentifà
conferver toutes les prérogatives , de votre autorité
facrée Notre coeur ne nous reprochers
jamais de nous en être écartez nous ne les abandonnerons
jamais ; & pour le maintien de ces
mêmes veritez , nous ferons prêts en tout tems.
& en toute occafion , de facrifier nos biens &
nos perfonnes.
Nous regardons encore , Sire, comme un principe.
immuable, que les Miniftres de l'Eglife, membres
de l'Etat & Sujets de V. M. font , comme tous.
les autres Ordres du Royaume , foumis à toutes
les loix qui portent le caractere de l'autorité
Royale ; qu'ils tiennent uniquement de J. C. &
de fon Eglife le pouvoir fpirituel dont le falut
des ames eft l'objet , & qui fe fait obéir parla
crainte des peines fpirituelles ; mais que c'est à
V.M.feule, qu'ils doivent la juriſdiction exterieur
re qu'ils exercent dans vos Etats , de l'ufage de
laquelle ils font neceffairement comptables à
V.M. par confequent au Parlement qui rend la
Juftice en votre nom & à qui il appartient, fous
votre autorité , de réprimer par la voye de l'ap
pel comme d'abus , tout ce qui pourroit bleffer
de
2550 MERCURE DE FRANCE
de leur part les loix les maximes duRoyaume.
Tel eft le point effentiel ſur lequel nous avons
ufé dela liberté que nous avons de répondre aux
questions fur lesquelles nous sommes confulter
par les Parties qui ont recours à nous ,
to que
nous nous flattons , Sire , que V. M. voudra
bien nous conferver.
Nous prenons enfin la liberté de protester à
V. M. que nous n'avons entendu les expreffions.
dont on s'eft fervi dans le Mémoire , que conformement
aux veritez que nous venons d'expofer
à V. M. & dans le méme efprit que plu
fieurs ont été employées dans quelques Orionnances
des Rois Prédereffeurs de V. M. & dans
les Auteurs les plus, approuvez; tout autre sens,
toute autre interpretation eft encore plus éloignée
de notre coeur que de notre efprit ; nous defavoüons,
Sire,& nous déteftons tout ce qui pour
roit tendre à donner la moindre atteinte à votre
autorités fi nous connoiffions,des termes encore
plusforts nous nous en fervirions pour exprimer
à V.M. la droiture & la fidelité de nos fentimens.
Ladite déclaration fignée le Roy , Berroyer ...
& autres Avocats , au nombre de quarante , dontles
noms ont été imprimez à la fin de la Confultation
, au bas de laquelle déclaration font écrits
ces mors : Je fouffigné Avocat au Parlement , ·
Baftonnier des Avocats , déclare au nom de
TOrdre defdits Avocats , que les fentimens .
les principes contenus dans la déclaration cydeffus
, fur l'autorité du Roi , non feulement
ceux des Avocats qui ont figné la prefente declaration,
mais encore de l'Ordre entier , &
qu'il y adhers pleinement, Signé , Tartarin. Sa
Majesté étant fatisfaite de ladite déclaration , on
lefdits Avocats reconnoiffent d'une maniere fi
claire & fi formelle , ce qu'ils doivent à fon au
torité & aux droits inviolables de la Couronne
&
NOVEMBRE. 1730. 255T
2
& en conſequence , voulant faire voir qu'Elle les
regarde comme de bons & fideles Sujets , & rendre
public le témoignage folemnel qu'ils lui ent
donnent , Sa Majesté étant en fon Confeil , a ordonné
& ordonne que ladite déclaration demeurera
attachée à la minute du preſent Arrêt , lequel
fera lú , publié & affiché par tout où beſoin fera
Fait au Confeil , &c,
On donnera deux Volumes le mois prochain
pour pouvoir employer les Pieces qui n'ont pu
trouver place pendant le cours de la prefente
anne & qui nous paroiffent dignes de la cui
riofité du Public.
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Résumé : ARRESTS, ORDONNANCES, &c.
En 1730, plusieurs ordonnances et arrêts royaux ont été émis. Le 22 août, trois ordonnances ont prolongé des mesures économiques : la première a étendu pour trois ans la modération des droits sur les beurres et fromages étrangers et nationaux ; la deuxième a prolongé pour trois ans la permission accordée aux négociants français de commercer avec les îles et colonies françaises en Amérique ; la troisième a permis aux officiers vétérans et veuves de recevoir le franc-salé après justification du paiement de la capitation. Le 26 août, une ordonnance royale a concerné le régiment royal d'artillerie, maintenant les charges de capitaines en second et augmentant la solde des apprentis dans les compagnies de mineurs. Le 27 août, un arrêt a établi un nouveau dépôt pour les actionnaires de la Compagnie des Indes. Le 29 août, une ordonnance a exonéré de droits les grains transportés vers la Provence. Le 5 septembre, une ordonnance a révoqué les lettres patentes accordant un privilège exclusif pour les manufactures de cuivre. Le 6 septembre, une ordonnance a concerné la patente de santé pour les capitaines et patrons des bâtiments commerçant dans les échelles de Levant et de Barbarie. Le 12 septembre, un arrêt a ordonné l'adjudication de la fourniture de l'étape aux troupes pour l'année 1731. Le 22 septembre, un arrêt de la Cour des Aydes a permis à Pierre Carlier de gérer la vente du tabac. Le 26 septembre, plusieurs arrêts ont révoqué des exemptions de droits sur les grains et régit les formalités pour les marchands achetant des marchandises à Nantes. Le 8 octobre, une ordonnance royale a réduit la durée des deuils pour les têtes couronnées et les princes. Le 12 octobre, une ordonnance royale a licencié et remplacé la moitié de la milice. Le même jour, une déclaration royale a interdit le mauvais traitement des mousses à bord des bâtiments. Le 22 octobre, un arrêt a ordonné la liquidation des finances des propriétaires d'offices supprimés. Le 30 octobre, un arrêt du Conseil d'État du Roi a mentionné la publication d'un écrit controversé concernant les arrêts des parlements. Par ailleurs, en 1730, quarante avocats au Parlement de Paris ont signé ou adhéré à des consultations de 1718, examinées par le roi. Ces consultations attaquaient les principes fondamentaux du gouvernement français et cherchaient à diminuer le respect des peuples pour l'autorité suprême résidant dans la personne du souverain. Les auteurs affirmaient que les Parlements étaient le Sénat de la Nation et tentaient de modifier l'administration de la justice en attribuant une autorité souveraine aux Parlements, au détriment du roi. Les consultations réduisaient le roi au rôle de chef de la Nation, tandis que les Parlements étaient présentés comme le Sénat. Elles attribuaient aux magistrats des Parlements des titres tels que 'Senateurs' et 'Patrices', et affirmaient que leurs arrêts ne pouvaient être réformés, même par le roi. Elles évoquaient également les lois comme des conventions entre gouvernants et gouvernés, une proposition inacceptable dans une monarchie. Le roi a ordonné la suppression d'un mémoire intitulé 'Mémoire pour les Sieurs Samson, Curé d'Olivet, Couët, Curé de Darvoi, Gaucher, Chanoine de Fargeau, Diocèse d'Orléans, autres Ecclésiastiques de & différents Diocèses, appelants comme d'abus', car il contenait des propositions contraires à son autorité. Les avocats ont ensuite déclaré leur fidélité à l'autorité royale et leur rejet des idées contenues dans les consultations. Ils ont affirmé que l'autorité suprême résidait dans la personne du souverain et que les Parlements tenaient leur autorité du roi. Ils ont également protesté contre toute interprétation des expressions utilisées dans le mémoire qui pourrait nuire à l'autorité royale. En novembre 1730, une déclaration a été imprimée à la fin d'une consultation, signée par des avocats. Le Bâtonnier des Avocats, déclarant au nom de l'Ordre, a affirmé que les sentiments et principes contenus dans cette déclaration reflétaient l'autorité du Roi et étaient partagés par tous les avocats. Le Roi, satisfait de cette déclaration, a reconnu formellement la loyauté des avocats envers la Couronne et ses droits inviolables.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 609-627
ARRESTS , DECLARATIONS , ORDONNANCES , &c.
Début :
ARREST du 12. Décembre, portant Reglement pour la Manufacture des [...]
Mots clefs :
Arrêts, Déclarations, Ordonnances, Jurisdiction, Église, Tribunal , Pouvoir, Autorité, Contestations , Droits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ARRESTS , DECLARATIONS , ORDONNANCES , &c.
ARRESTS , DECLARATIONS ,
ORDONNANCES , &c.
RREST du 12. Décembre , portant Rela
Ville et Comté de Laval.
AUTRE du même jour , portant Regle
ment pour la Fabrique des Papiers de la Province
du Limousin.
› AUTRE du 26. Décembre qui ordonne
Pexecution de l'Arrêt du Conseil du 23. Fevrier
1723. En conséquence défend à tous Carriers
Paveurs et autres Ouvriers de fabriquer du pavé
de grès dans l'étendue de la Généralité de Paris,
pour quelques Particuliers que ce soit , autres que
les Entrepreneurs des Ponts et Chaussées &c.
AUTRE du 21. Janvier , concernant les Déclarations
à fournir pour le Café qui entre et sort
de la Ville de Marseille , par lequel S. M. ordon-
I iij he
F
610 MERCURE DE FRANCE
ne que les Capitaines , Maîtres de Navires et Pa →
trons de Barques , seront tenus de fournir dans
les vingt- quatre heures de leur arrivée , et avant
leur départ du Port de Marseille , au Bureau du
poids et casse établi dans ladite Ville , des manifestes
ou déclarations des Cafés chargés sur
leur bord , et de leur destination , sous peine de
mille liv, d'amende. Ordonne en outre S. M. que
les Marchands et Négocians de Marseille , proprietaires
desdits Cafés,seront obligés de faire leur soumission
sur le Registre du Receveur audit Bureau
du poids et casse
de rapporter dans un délai
préfix des Certificats en bonne forme des personnes
qui seront indiquées par ledit Receveur et désignées
par leur soumission , que lesdits Cafés
sortis par Mer auront été déchargés dans le lieu
de leur destination , en telles et pareilles especes
et quantités qu'ils auront été déclarés ; faute de
quoi lesdits Cafés seront réputés être entrés en
fraude dans le Royaume , et en ce cas lesdits
Propriétaires seront condamnés de payer à la
Compagnie des Indes la valeur defdits Caféz pour
tenir lieu de la confifcation d'iceux , et en trois
mille livres d'amende.
AUTRE du 23. Janvier , qui subroge le
sieur Pierre Vacquier au sieur Pierre le Sueur ,
pour faire la regie et exploitation du Privilege de
la vente exclusive du Café dans l'étendue du
Royaume.
AUTRE du même jour , concernant la rétrocession
faite à Sa Majesté par la Compagnie
des Indes , de la concession de la Louisianne et
du pais des Illinois ; par lequel le Roi accepte la
retrocession à elle faite par les Syndics et Directeurs
de la Compagnie des Indes , pour et au nom
de
MARS. 1731. 611
›
de ladite Compagnie, de la proprieté, Seigneurie
et Justice de la Province de la Lottisianne , et de
toutes ses dépendances, ensemble du Païs desSauvages
Illinois, laquelle concession lui avoit été accordée
à temns ou à perpetuité,par lesEdits et Arrêts des
mois d'Août et Septembre 1717.May 1719.Juillet
1720. et Juin 1725. pour être ladité Province réiinie
au Domaine de S. M. ensemble de toutes les
Places , Forts , Batimens , Artillerié , Armemèns
et Troupes qui y sont actuellement. Accepte pareillement
la retrocession du Privilege du commerce
exclusif que ladite Compagne faisoit dans
cette concession ; au moyen de quoi S. M. déclare
le commerce de la Louisiané libre à tous ses Sujets
, sans que la Compagnie en puisse être chatgée
à l'avenir , sous quelque prétexte que ce soit:
Maintient, S.M. ladite Compagnie dans les droits
qu'elle a contre ses débiteurs de ladite Province ,
qu'elle lui permet d'exercer quand et comme elle
jugera à propos.
les
AUTRE du 30. Janvier , qui ordonne que
gages attribuez aux Officiers créez dans l'année
1672. dans les Chancelleries établies près les
Cours de Parlement de Toulouse , Rouen , Bordeaux
, Dij on Rennes , Aix, Grenoble et Metz , et
près les Cours des Aydes d'Aix , Montauban ,
Montpellier , Bordeaux et Clermont- Ferrand
continueront d'être employez dans les Etats du
Roi , comme ils l'ont été jusqu'à present , immédiatement
à la suite du chapitre concernant les
gages et augmentations de gages des Officiers des
Parlemens et Cours Superieures , nonobstant ce
qui est porté par l'Arrêt du Conseil du 3. Septembre
1729 .
ORDONNANCE DU ROY , donnée
I iiij à Ver612
MERCURE DE FRANCE
à Versailles au mois de Février 1731. pour fixer
la Jurisprudence sur la nature , la forme , les
charges ou les conditions des Donations. Regis
trée en Parlement le 9. Mars .
ARREST DU PARLE MENT , sur l'Appel
comme d'abus d'un Mandement de M. l'Evêque
de Laon.
Ce jour les Gens du Roi sont entrez ,
et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roi , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Un nouvel objet nous rappelle dans ce Sanctuaire
auguste , pour y porter nos justes plaintes ,
et pour y chercher le secours que le ministere
public ose se promettre de l'autorité de la Cour.
Il est triste pour lui d'avoir à se plaindre , de
ce qui porte en même temps l'impression du caractere
d'un Evêque et de la main d'un Pair de
France. Mais il est encore plus triste de trouver
dans le Mandement de M. l'Evêque de Laon , que
nous remettons à la Cour , ce qu'on devroit le
moins attendre d'un Prélat , qui réunit en sa personne
ces deux qualitez éminentes.
Que n'aurions- nous point à vous dire de cette
peinture odieuse qu'on y voit d'abord de l'état
de la Religion dans le Royaume ? De ce reproche
injurieux fait gratuitement à la France , d'une extinction
presque totale de la Foi . Mais laissons
les divers reproches répandus au hazard dans cet
Ouvrage , et dans lesquels il semble que l'Auteur
ait oublié jusqu'aux bienséances de sa dignité :
aujourd'hui notre attention se doit toute entiere
aux interêts de nos maximes , et aux atteintes
que ce Mandement paroît y porter.
Dans la vue qu'on s'y proposoit de convaincre
et de persuader ceux qui résistent à la Constitu-
'tion
MARS. 1731. 613
on Unigenitus , il semble qu'on devoit surtout
e conformer exactement à ces mêmes maximes ,
et entrer dans tout leur esprit sur les caracteres
d'autorité réunis en faveur de ce Decret.
On louëra toujours en France un Evêque de
marquer son profond respect pour le saint Siege ,
de rendre hommage à ses prérogatives éminentes ,
et d'en relever la grandeur par la dignité de ses
cxpressions. On ne lui enviera jamais d'employer.
à ce sujet les paroles d'un Prélat des derniers
temps , comparable aux grandes lumieres des premiers
siecles , et qui n'a jamais séparé l'attachement
le plus fidele au saint Siege , du zele le plus
sage et le plus pur pour nos libertez.
Mais en même tems on attendra de cet Evêquequ'il
évite de favoriser des prétentions , que la
France si zelée d'ailleurs pour la Chaire de saint
Pierre n'a point appris à reconnoître , et qu'il se
montre inébranlable dans les vrais principes dont
elle ne sçauroit se départir.
En parlant d'un côté de l'autorité du saint
Siege et de l'Eglise Romaine , d'un autre côté de
celle de l'Eglise universelle , devoit-on s'expliquer
sur la premiere , comme si elle ne laissoit rien à
desirer , et ne placer l'autre à la suite , que comme
un accessoire qu'on employe , pour ainsi dire par
surabondance , et pour satisfaire les esprits les
plus difficiles ?
Sous prétexte de faire valoir cette autorité de
PEglise Romaine en faveur de la Constitution , on
tente d'introduire en France un Concile particulier
tenu à Rome , dont nous ne pouvons reconnoître
l'autorité , et dont les expressions telles'
qu'on les rapporte , auroient des conséquences
sur lesquelles nous nous sommes assez expliquez
en dernier lieu.
M. l'Evêque de Laon insere dans son Mande-
I v ment
614 MERCURE DE FRANCE
ment le Decret de ce Concile. Il l'adopte , et il
en parle comme d'une Loi précise , à laquelle inutilement
on essaye d'échaper par des vains détours.
Rien de plus opposé à nos maximes , que
cette publication indirecte de ce qui n'est revêtu
d'aucune forme parmi nous. La Constitution
aura eu besoin de toutes les solemnitez qu'elles
prescrivent , et sans s'embarrasser d'aucune , on
s'autorisera de ce Concile , pour ralumer un nouveau
feu dans une Affaire où le calme des esprits
est surtout à desirer .
Ce n'est pas à cette seule marque qu'on peut
reconnoître l'esprit du Mandement sur les maximès
et sur les libertez de l'Eglise Gallicane. Il le
témoigne ailleurs assez ouvertement. On voit que
l'Auteur les regarde , plutôt comme des précautions
de politiques utiles à opposer à quelque entreprise
de la Cour Romaine contre nos usages ,
et contre les droits de la Couronne , que comme
le précieux reste de la discipline des premiers
siecles et de l'ordre des anciens Canons. Selon lut
elles n'ont rien de commun avec les Decrets que
la Cour de Rome nous envoye , soit pour éclaircirle
dogme soit pour réprimer a témerité des
Novateurs. Que ce principe soit admis , elles se
verront exposées au danger d'être anéanties. A la
faveur d'un tel prétexte , on fera passer jusqu'à
nous ce qui portera l'impression de la Doctrine
et des prétentions Ultramontaines : et quel.es barrieres
nous restera- t'il àleur opposer ?
C'est ainsi que cet Ouvrage s'explique sur ce
qui paroissoit entrer dans son objet. Mais on
cherche exprès une digression , sur une matiere
éloignée , peut- être encore plus capable d'être
une occasion dangereuse de disputes et de dissentions
. C'est , Messieurs , sur ce qu'on appelle la
Jurisdiction Ecclesiastique , objet sur lequel à la
A..
MARS. 1731 . 615
vue de ce Mandement il ne nous est plus permis
de nous taire , et dont en même temps nous ne
sçaurions parler avec trop d'exactitude et de précaution
. Aujourd'hui plus que jamais nous devons
rappeller à ce sujet les maximes si pures de
nos peres , et nous retracer à nous mêmes les
principes dont ils ont transmis le dépôt jusqu'entre
nos mains .
Nous reconnoîtrons toujours la distinction et
l'indépendance , des deux Puissances établies sur
la terre pour la conduite des hommes ; le Sacerdoce
et l'Empire , la Puissance de la Religion , et
celle du Gouvernement temporel . Toutes deux ·
immédiatement émanées de Dieu , elles trouvent ,
chacune en elles - mêmes , le pouvoir qui convient
à leur institution et à leur fin : et s'il est vrai ,
comme on ne sçauroit en douter , qu'elles se
doivent une assistance mutuelle , c'est par voye
de correspondance et de concert , et non pas de
subordination et de dépendance .
La Religion destinée à soumettre les esprits , à
changer les coeurs , est d'un ordre surnaturel , et
conduit les hommes par un pouvoir , qui agissant
sur les ames , est appellé spirituel . En même
temps , suivant l'institution de JESUS- CHRIST
elle forme la Societé visible de l'Eglise Eglise
qui , sur la foi des Oracles Divins , doit subsister
visiblement jusqu'à la fin des siecles , et dont par
conséquent l'economie et la conduite doivent
aussi être visibles dans toute la suite des tems.
Le gouvernement temporel fondé sur l'institution
de Dieu , mais conduit par des voyes hu
maines , a pour objet l'ordre exterieur de la societé
, qui seul est au pouvoir des hommes ; et
employe les moyens humains , de l'autorité publique
, de la force coactive , de la severité des
peines temporelles ; enfin de tout ce qui compose
I vj Pap616
MERCURE DE FRANCE.
l'appareil d'une puissance vraiement exterieure."
Tandis qu'il défend par les armes le Corps de
l'Etat contre les ennemis qui peuvent l'attaquer
au-dehors , il maintient ce même Corps au- dedans
, par l'empire légitime qu'il exerce sur les
Citoïens. Il joint à l'autorité de la Loi , l'execution
forcée indépendamment de la volonté des
Sujets , et soumet par une contrainte effective
ceux qui résistent à son autorité.
L'exercice de cet empire exterieur des Loix ,
l'application de leur puissance aux Sujets , par le
Magistrat armé des moyens necessaires pour les
forcer à obéir , est ce qu'on appelle en termes de
Droit la Jurisdiction . C'est l'idée exacte que nous
en donnent les Jurisconsultes et les Loix. La Jurisdiction
est pleine et entiere , lorsque le pouvoir
de juger est revêtu de toute la force de la
puissance publique. Mais du moins sans quelque
participation de cette force coactive à l'exterieur ,
il n'est point de veritable Jurisdiction. Jurisdictio
sine modicâ coercitione nulla est , dit la Loy
se au Digeste de officio ejus cui mandata est
Jurisdictio, Et les interprêtes nous donnent pour
exemples de cette coercition dont parle la Loy
des châtimens qui affectent le corps , la prison ,
l'imposition de quelques peines pécuniaires.
Ainsi suivant les Loix et les Jurisconsultes ,'
on peut dire que la Jurisdiction prise dans son
sens propre et naturel , est un attribut du Gouvernement
temporel , parce qu'elle emporte une
contrainte au- dehors et une force qu'il est seul
en droit d'employer.
Il n'en est pas moins vrai que l'Eglise a d'ellemême
un autre genre de puissance et d'autorité
réelle , pour connoître et pour décider des matieres
spirituelles qu'elle a droit d'imposer des
peines de même nature , et d'exclute de son Corps
ceu
MARS. 1731. 617
ceux qui refuseroient de s'y soumettre : qu'il lui
appartient d'exercer ce pouvoir non seulement
sous le sceau de la Confession dans le Tribunal
secret de la Penitence , mais encore ouvertement
er d'une maniere visible , sur la connoissance
qu'elle peut avoir des faits. Mais lors même
qu'elle fait connoître et craindre ainsi ses Jugemens
, c'est sans entreprendre sur l'ordre public ,
et sans agir à l'exterieur avec l'empire réservé à
l'autre Puissance. Elle a reçu de JESUS CHRIST
le pouvoir spirituel de lier et de délier , de condamner
et d'absoudre , d'établir des regles et d'en
dispenser ; mais non pas de dominer comme les
Rois.
De-là vient ce qu'observent les Auteurs les
plus exacts que dans les Loix des premiers Empe→
reurs Chrétiens , le titre qui traite des Jugemens
Ecclesiastiques est intitulé , non pas de la Jurisdiction
Episcopale , de Episcopali Jurisdictione ;
mais de Episcopali audientiâ , dans le Code de
Justinien ; de Episcopali Judicio , dans celui de
Theodose : expressions dont le sens est bien different
de celui du terme propre de Jurisdiction
dans le Droit Romain.
Dès - lors cependant la confiance religieuse de
ces Princes , avoit accordé aux Evêques des attributions
qui par elles - mêmes n'étoient point .
comprises dans ce qui dépend du spirituel. On
n'en conservoit pas moins la difference des noms
qui caracterise la difference essentielle , entre le
pouvoir incontestable de l'Eglise , et la vraie Jurisdiction
qui appartient au Magistrat temporel.'
Mais ces attributions s'étant accrues et confir
mées dans la suite , on a emprunté les termes
usitez dans les Tribunaux séculiers , et on s'est
accoutumé à se servir du terme de Jurisdiction
en` parlant de divers Actes qu'exercent les Puissances
618 MERCURE DE FRANCE
sances de l'Eglise . En effet , soit par la concession
expresse , soit par le consentement tacite des
Princes , aujourd'hui plusieurs de ces Actes participent
du caractere de la Jurisdiction exterieure
et proprement dite .
Mais c'est abuser de cet avantage , que de dire
comme fait le Mandement , que le fonds de la
Jurisdiction exterieure et contentieuse est l'heritage
propre de l'Eglise d'insinuer qu'en cette
matiere , l'effet de la puissance de nos Rois se réduit
, soit à de certaines rogles et à de certaines
formes ausquelles il leur a pla .... d'assujettir
les Evêques et les Archevêques du Royaume....
dans l'exercice de leur jurisdiction ; soit à la
simple protection .... accordée par eux à l'Eglise
pour l'execution , on ne dit pas seulement
de ses censures , mais en general même de ses
jugemens d'exiger enfin qu'on reconnoisse un
caractere de Puissance publique exterieure dans
Pautorité qui est propre aux Prélats du premier
Ordre... dans le gouvernement de l'Eglise :
comme si la Puissance publique étoit autre chose
que la Puissance temporelle de qui dépend l'ordre
públic . Parler ainsi f sans explication même et
sans correctif , c'est confondre ce qu'il y a de
notions plus exactes sur la distinction des deux
Puissances , et répandre sur cette matiere des ténebres
qui ne permettent plus d'en reconnoître
les principes.
C'est cependant à la faveur de cette confusion ,
qu'on se porte jusqu'à dire , que refuser à l'Eglise
une Jurisdiction même exterieure qui lui
soit pro re c'est upposer que JESUS- CHRIST
ne l'a établie que sous un gouvernement trèsimparfait
, du moins à l'exterieur. Nous ne repetons
qu'avec répugnance des expressions qui
tendent à faire penser , que sans une Jurisdiction
exMARS.
17318
619
exterieure , telle que nous l'avons expliquée , l'ouvrage
de Jesus - Christ seroit imparfait. L'Institu
tion toute divine de l'Eglise en renfermeroit - elle
moins la puissance de la parole animée de l'Es-`
prit de Dieu , la grace des Sacremens, les rigueurs
salutaires de la Penitence , la sàinte sévérité des
censures , le discernement et la définition de la
Doctrine , le reglement du Spirituel par les Canons
? Un Evêque regardera-t'il comme insuffi
sans ces moyens sublimes , qui font l'essentiel du
pouvoir sacré de son Ministere
Trouvez bon , Messieurs , que sans en dire davantage
de nous-mêmes , nous empruntions les
termes d'un Auteur respecté en France depuis so
ans , initié dans le Sacerdoce , et de qui les laborteuses
veilles ont été si utiles à l'Eglise et à l'Etat.
C'est le sage et sçavant Auteur de l'Institution
au Droit Ecclesiastique. Il employe suivant
l'usage le terme de Jurisdiction , mais voici de
quelle maniere il s'en explique : Il faut revenir
àla distinction de la Jurisdiction propre et essentielle
à l'Eglise , et de celle qui lui est étrangere.
L'Eglise a par elle - même le droit de décider
toutes les questions de Doctrine , soit surla
Foi, soit sur la regle des moeurs. Elle a droit
d'établir de Canons ou regles de discipline pour
sa conduite interieure , d'en dispenser en quelques
occasions particulieres , et de les abroger
quand le bien de la Religion le demande. Elle
a droit d'établir des Pasteurs et des Ministres
pour continuer l'oeuvre de Dieu jusqu'à la fin
des secles , et pour exercer toute cette Jurisdiction
; elle peut les destituer s'il est necessaire.
Elle a droit de corriger tous ses enfan , leur
imposant des Penitences salutaires , soit pour
les pechez secrets qu'ils confessent , soit pour les
pechez publics dont ils sont convaincus . Enfin
620 MERCURE DE FRANCE
a droit de retrancher de son Corps les membres
corrompus , c'est-à - dire les pecheurs incorrigi
bles qui pourroient corrombre les autres . Voilà
les droits essentiels à l'Eglise , dont elle a joüi
sous les Empereurs Payens , et qui ne peuvent
lui être ôtez par aucune Puissance humaine....
tous les autre pouvoirs dont les Ecclesiastiques
ont été en possession et le sont encore en quelques
lieux, ne laissent pas de leur être légitimement
acquis par la concession expresse ou
sacite des Souverains ..et l'Eglise a autant de
raison de conserver ces droits , que ses autres
biens temporels.
•
Ce digne interprete de la doctrine et des maximes
de la France , semble , avoir rassemblé dans
cet endroit , tout ce qu'on trouve avec plus d'étenduë
, soit dans nos Auteurs les plus éclairez
soit dans les Canons et les autres monumens de la
plus venerable antiquité. Tels sont les principes
que nous attendrons toûjours d'un Evêque nourri
dans l'Eglise de France , et sur lesquels notre bouche
ne cessera point d'être de concert avec notre
coeur. L'Eglise a d'elle-même le droit de connoître
des matieres spirituelles , et le jugement qu'elle
en porte émane d'un pouvoir réel qui assujettit
les consciences. Elle a en sa disposition des peines
spisituelles , dont l'excommunication qui retranche
de sa communion est le comble. Elle tient du
Prince tout l'appareil , toute la forme exterieure
tout ce qui constitue le caractere public de jurisdiction
, l'espece de contrainte ou d'obligation civile
qui en est la suite , et les matieres temporelles
dont ont sçait qu'elle connoît aujourd'hui .
Qu'on se renferme dans ces termes , les diffi
cultez disparoîtront, ou s'il s'en élevé quelqu'une,
elle se terminera sans troubler la paix . Pour peu
qu'on se porte plus loin , la contradiction , les
disputes
MARS. 1731 . 621
disputes , les entreprises n'auront plus de fin . Les
écrits se multiplieront , et le fruit en sera peutêtre
d'apprendre à mettre en question ce qui ne
faisoit point de doute auparavant. Ne négligeons
pas d'étouffer dans leur naissance , jusqu'aux
moindres semences de dissension , sur l'autorité
et sur les limites de deux Puissances destinées à
une concorde immortelle. Que l'inquietude et
l'esprit de contention cessent ; fideles au serment
inviolable qui nous consacre aux droits de
l'une de ces deux Puissances , nous sçavons qu'en
même tems il nous engage à conserver les droits
de l'autre et nous n'oublierons jamais que de
leur intelligence dépend et leur propre avantage et
celui des hommes qui leur sont soumis. C'est ce
que disoit autrefois un grand Evêque de France :
Cum regnum et Sacerdotium inter se conveniunt
, benè regitur mundus , foret et fructifi
cat Ecclesia. Cum verò inter se discordant , non
tantum parva res non crescunt , sed etiam ma
gna res miserabiliter dilabuntur.
C'est , Messieurs , dans ces sentimens et par ces
vûes , que nous avons l'honneur de nous adresser
à la Cour pour arrêter les suites d'un ouvrage si
capable de causer de nouveaux troubles . C'est le
Mandement d'un Evêque ; et c'en est assez pour
que nous cherchions à nous renfermer dans la
forme la plus exacte.
Elle nous conduit à la voye de l'appel commé
d'abus , essentielle à l'ordre public du Royaume ,
et consacrée enFrance au maintient réciproque des
Loix de l'Eglise et de celle de l'Etat Ce que nous
venons d'avoir l'honneur de vous dire, vous indique
assez quels peuvent être la plupart des
moyens d'abus. Il suffit d'en avoir jetté les fondemens
, et s'il y a lieu dans la suite nous n'aurons
pas de peine à les développer de plus en plus.
Mais en attendant , vous sentez non -seulement
6,2 MERCURE DE FRANCE.
qu'il seroit dangereux , mais même qu'il est impossible
de souffrir qu'un tel ouvrage continuât
a se répandre et à se distribuer dans le public.
C'est surtout pour y opposer un remede au
moins provisoire , que nous avons crû devoir
nous expliquer dès aujourd'hui ; ét c'est aussi à
quoi tendent les conclusions par écrit qué nous
laissons à la Cour.
Eux retirez : Vût le Mandement imprimé intitulé,
Manlement de Monseigneur l'Evêque de Laon,
second Pair de France , Conte d'Anisy, donné à
Laon le 13. Novembre 1736. ensemble les Conclusions
par écrit du Procureur general du Roi ;
la matiere sur ce mise en déliberation .
La Cour reçoit le Procureur Generál Roi appel
lant comme d'abus dudit Mandement , lui permet
d'intimer sur ledit appel qui bon lui semblera, sur
lequel les parties auront audience au premier jour ;
et cependant fait deffenses de répandre , debiter ,
ou autrement distribuer aucuns exemplaires dudit
Mandement sous telles peines qu'il appartiendra
; que copies collationnées du present Arrêt
seront envoyées aux Bailliages et Sénechaussées
du ressort , pour y être lûës , publiées et registrées
; enjoint aux Substituts du Procureur Gene
ral du Roi , d'y tenir la main et d'en certifier la
Cour dans un mois. Fait en Parlement le 20. Fevrier
1731. Signé , YSABEAU.
ARREST du Parlement sur uñê Lettre Pastorale
de M. l'Evêque de Laon , & c.
Ce jour les Gens du Roi sont entrez , et Maître
Pierre de Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roi , portant la parole , ont dit : Messieurs
, nous ne pouvons trop tôt apporter à la
Cour l'Imprimé intitulé , Lettre Pastorale , que
M. l'Evêque de Laon vient de publier dans son
Diocèse et qui nous fut envoyé hier par notre
MARS. 1731. 623
Substitut au Bailliage de Laon. Sa lecture vous
fera sentir la necessité des Conclusions que nous
croyons devoir prendre en ce moment. On voit
que c'est une partie qui cherche à faire insulte à
ses Juges, et qui traite d'entreprise la voye dedroit
de l'appel comme d'abus , sur lequel la Cour nous
ǎ permis de l'intimer par son Arrêt du 20. du
mois dernier. En même tems qu'elle etouffera sur
le champ ce scandale , elle voudra bien nous réserver
la liberté de prendre dans la suite telles Conclusions
que nous jugerons à propos à ce sujet.
Nous requerons qu'il plaise à la Cour ordonner
que l'Ecrit intitulé : Lettre Pastorale de M. l'Evêque
de Laonn , daté du 24. Février 1731. au
sujet de l'Arrêt de la Cour du 20. du même
mois , demeurera supprimé comme séditieux , ate
tentatoire à l'autorité Royale et à l'Arrêst de la
Cour : sauf à nous de prendre au surplus telles
conclusions que nous jugerons à propos , en pro
cedant au jugement de l'appel comme d'abus
reçû par l'Arrêt du 20. Fevrier dernier , à l'effet
de quoi un Exemplaire dudit Ecrit demeurera au
Greffe de la Cour. Ordonner au surplus que
l'Arrêt du 20. Fevrier dernier , sera executé selon
sa forme et teneur , et que copies collationnées de
celui que la Cour rendra aujourd'ui seront envoyées
aux Bailliages et Sénéchaussées du Ressort
pour y être lues , publiées et enregistrées ; enjoint
nos Substituts d'y tenir la main et d'en certifier
la Cour dans un mois.
Eux retirez : Lecture fai e dudit Imprimé ayant
pour titre : Lettre Pastorale de Monseigneur
PEvêque Duc de Laon , second Pair de France
Comte d'Anisy, & c. au sujet de l'Arrêt du Par
lement du Lo. Fevrier 1731. sur son Mandement
du 13. Novembre 1730. La matiere sur ce
mise en déliberation.
La Cour ordonne que ledit Ecrit intitulé : Legł
624 MERCURE DE FRANCE
a
tre Pastorale de M. l'Evêque de Laon , datté du
24. Février 173 1. au sujet de l'Arrêt de la Cour
du 20. du méme mois , demeurera supprimé
comme séditieux, attentatoire à l'autorité Royale
et à l'arrêt de la Cour , sauf au Procureur Géneral
du Roi à prendre au surplus telles conclusions
qu'il jugera à propos en procedant au jugement
de l'appel comme d'abus , reçû par l'Arrêt du 20 .
Février dernier , à l'effet de quoi un Exemplaire
dudit Ecrit demeurera au Greffe de la Cour :
Ordonne au surplus que l'Arrêt d'icelle du 20 .
Fevrier dernier , sera executé selon sa forme et
teneur , et que Copies collationnées du present
Arrêt , seront envoyées aux Bailliages en Sénechaussées
du Ressort , pour y être lûes , publiées
et enregistrées ; enjoint aux Substituts du Procureur
General du Roi , d'y tenir la main , et d'en
certifier la Cour dans un mois . Fait en Parlement
le 2. Mars 1731. Signé , DUFRANC .
1
ARREST du 10. Mars , rendu à l'occasion
des disputes qui se sont élevées au sujet des deux
Puissances & c . dont voici la teneur. Le Roi étant
informé qu'à l'occasion de quelques Ecrits qui
se sont répandus dans le Public , il s'est élevé de
nouvelles disputes sur differentes matieres , et
entr'autres sur ce qui regarde la nature , l'éten
due et les bornes de l'autorité Ecclesiastique et
de la Puissance Séculiere , Sa Majesté attentive
à remplir tout ce que la Religion exige de son
pouvoir , sans manquer à ce qu'elle se doit à
elle -même , regarde comme son premier devoir
d'empêcher qu'à l'occasion de ces disputes on ne
mette en question les droits sacrés d'une Puissance
qui a reçû de Dieu seul l'autorité de décider
les questions de Doctrine sur la Foi , ou sur
la regle des moeurs , de faire des Canons ou
regles de discipline pour la conduite des MinisMARS.
173.1 . 625
>
2
tres de l'Eglise et des Fidelles dans l'Ordre de
la Religion , d'établir ces Ministres , ou de les
destituer , conformément aux inémes regles ; et
de se faire obéir , en imposant aux Fideles , suivant
l'Ordre Canonique , non - sculement des pénitences
salutaires , mais de veritables peines spirituelles
, par les jugemens ou par les censures que
les premiers Pasteurs ont droit de prononcer et
de manifester , et qui sont d'autant plus redou
tables qu'elles produisent leur effet sur l'ame du
coupable , dont la résistance n'empêche pas qu'il
ne porte malgré lui la peine à laquelle il est condamné.
Si la Religion de Sa Majesté l'oblige
comme protecteur de l'Eglise , et en qualité de
Roi Très - Chrétien , à empêcher qu'on ne donne
aucune atteinte à ce qui appartient si essentiellement
à la puissance spirituelle ; son intention
est aussi qu'elle continue de jouir paisiblement
dans ses Etats de tous les Droits ou Privileges
qui lui ont été accordés par les Rois ses prédecesseurs
, sur ce qui regarde l'appareil exterieur
d'un Tribunal public , les formalités de l'ordre
ou du stile judiciaire , l'exécution forcée des Jugemens
sur le corps ou sur les biens , les obligations
ou les effets qui en résultent dans l'ordre.
exterieur de la Societé , et en général tout ce
qui adjoute la terreur des peines temporelles à
la crainte des peines spirituelles . Mais comme les
disputes qui commencent à s'élever pourroient
donner lieu d'agiter sur ces differens points et
sur tous ceux qui peuvent y avoir rapport , des
questions témeraires ou dangereuses , non seule.
ment sur les expressions qui peuvent être differemment
entenduës , mais sur le fond des choses
mêmes , Sa Majesté à crû devoir suivre en cette
occasion l'exemple des Rois ses prédecesseurs ,
en arrêtant d'un côté le cours de ces disputes
maissantes, et en prenant de l'autre toutes les me
626 MERCURE DE FRANCE
eures que sa sagesse et sa pieté lui inspireront
pour les éteindre entierement : A quoi desirane
pourvoir : S. M. étant en son Conseil , a ordonné
et ordonne , que toutes lesdites disputes ou
contestations , et pareillement celles qui peuvent
y avoir rapport , soient et demeurent suspendues
comme S. M. les suspend par le present Arrêt;
imposant par provision un silence general et absolu
sur ce qui fait la matiere desdites cotestations;
et en'consequence , fait S. M. très- expresses inhibitions
et deffenses à toutes les Universitez du
Royaume , notamment aux Facultez de Théologie
et de Droit Civil & Canonique , de permettre
aucunes disputes dans les Ecoles sur cette matiere;
comme aussi d'enseigner ou de souffrir qu'on enseigne
rien de contraire aux principes cy- dessus
marquez sur les deux Puissances. Deffend pareillement
à tous ses Sujets , de quelque êtat , qualité
et condition qu'ils soient , de faire aucunes assein
blées , déliberations , actes ,
déclarations , iequê→
tes , poursuites ou procédures , à l'occasion desdites
disputes , ou de tout ce qui peut les concerner
, et d'écrire , composer , imprimer , vendre,
débiter ou distribuer directement ou indirectement
aucuns Ecrits , Livres , Libelles , Mémoires ou au
tres Ouvrages sur le même sujet , sous quelque
prétexte , et sous quelque titre ou nom que ce puisse
être , le tout à peine contre les contrevenans d'être
traités comme rebelles et désobeïssants aux or→
dres du Roi , séditieux et perturbateurs du repos
public , Sa Majesté se reservant à elle seule , sur
l'avis de ceux qu'elle jugera à propos de choisir in.
cessament dans son Conseil , et même dans l'Ore.
dre Episcopal , de prendre les mesures qu'elle estimera
les plus convenables ' pour conserver toujours
de plus en plus les droits inviolables des deux
Puissances , et maintenir entre elles l'union qui
doit y regner pour le bien commun de l'Eglise et
MARS. 1731. 627
de l'Etat . Exhorte Sa Mejesté , et néanmoins enjoint
à tous les Archevêques et Evêques de son
Royaume de veiller chacun dans leur Diocèse à ce
que la tranquilité qu'elle veut y maintenir par la
cessation de toutes disputes , soit charitablement
et inviolablement conservée &c.
ORDONNANCES , &c.
RREST du 12. Décembre , portant Rela
Ville et Comté de Laval.
AUTRE du même jour , portant Regle
ment pour la Fabrique des Papiers de la Province
du Limousin.
› AUTRE du 26. Décembre qui ordonne
Pexecution de l'Arrêt du Conseil du 23. Fevrier
1723. En conséquence défend à tous Carriers
Paveurs et autres Ouvriers de fabriquer du pavé
de grès dans l'étendue de la Généralité de Paris,
pour quelques Particuliers que ce soit , autres que
les Entrepreneurs des Ponts et Chaussées &c.
AUTRE du 21. Janvier , concernant les Déclarations
à fournir pour le Café qui entre et sort
de la Ville de Marseille , par lequel S. M. ordon-
I iij he
F
610 MERCURE DE FRANCE
ne que les Capitaines , Maîtres de Navires et Pa →
trons de Barques , seront tenus de fournir dans
les vingt- quatre heures de leur arrivée , et avant
leur départ du Port de Marseille , au Bureau du
poids et casse établi dans ladite Ville , des manifestes
ou déclarations des Cafés chargés sur
leur bord , et de leur destination , sous peine de
mille liv, d'amende. Ordonne en outre S. M. que
les Marchands et Négocians de Marseille , proprietaires
desdits Cafés,seront obligés de faire leur soumission
sur le Registre du Receveur audit Bureau
du poids et casse
de rapporter dans un délai
préfix des Certificats en bonne forme des personnes
qui seront indiquées par ledit Receveur et désignées
par leur soumission , que lesdits Cafés
sortis par Mer auront été déchargés dans le lieu
de leur destination , en telles et pareilles especes
et quantités qu'ils auront été déclarés ; faute de
quoi lesdits Cafés seront réputés être entrés en
fraude dans le Royaume , et en ce cas lesdits
Propriétaires seront condamnés de payer à la
Compagnie des Indes la valeur defdits Caféz pour
tenir lieu de la confifcation d'iceux , et en trois
mille livres d'amende.
AUTRE du 23. Janvier , qui subroge le
sieur Pierre Vacquier au sieur Pierre le Sueur ,
pour faire la regie et exploitation du Privilege de
la vente exclusive du Café dans l'étendue du
Royaume.
AUTRE du même jour , concernant la rétrocession
faite à Sa Majesté par la Compagnie
des Indes , de la concession de la Louisianne et
du pais des Illinois ; par lequel le Roi accepte la
retrocession à elle faite par les Syndics et Directeurs
de la Compagnie des Indes , pour et au nom
de
MARS. 1731. 611
›
de ladite Compagnie, de la proprieté, Seigneurie
et Justice de la Province de la Lottisianne , et de
toutes ses dépendances, ensemble du Païs desSauvages
Illinois, laquelle concession lui avoit été accordée
à temns ou à perpetuité,par lesEdits et Arrêts des
mois d'Août et Septembre 1717.May 1719.Juillet
1720. et Juin 1725. pour être ladité Province réiinie
au Domaine de S. M. ensemble de toutes les
Places , Forts , Batimens , Artillerié , Armemèns
et Troupes qui y sont actuellement. Accepte pareillement
la retrocession du Privilege du commerce
exclusif que ladite Compagne faisoit dans
cette concession ; au moyen de quoi S. M. déclare
le commerce de la Louisiané libre à tous ses Sujets
, sans que la Compagnie en puisse être chatgée
à l'avenir , sous quelque prétexte que ce soit:
Maintient, S.M. ladite Compagnie dans les droits
qu'elle a contre ses débiteurs de ladite Province ,
qu'elle lui permet d'exercer quand et comme elle
jugera à propos.
les
AUTRE du 30. Janvier , qui ordonne que
gages attribuez aux Officiers créez dans l'année
1672. dans les Chancelleries établies près les
Cours de Parlement de Toulouse , Rouen , Bordeaux
, Dij on Rennes , Aix, Grenoble et Metz , et
près les Cours des Aydes d'Aix , Montauban ,
Montpellier , Bordeaux et Clermont- Ferrand
continueront d'être employez dans les Etats du
Roi , comme ils l'ont été jusqu'à present , immédiatement
à la suite du chapitre concernant les
gages et augmentations de gages des Officiers des
Parlemens et Cours Superieures , nonobstant ce
qui est porté par l'Arrêt du Conseil du 3. Septembre
1729 .
ORDONNANCE DU ROY , donnée
I iiij à Ver612
MERCURE DE FRANCE
à Versailles au mois de Février 1731. pour fixer
la Jurisprudence sur la nature , la forme , les
charges ou les conditions des Donations. Regis
trée en Parlement le 9. Mars .
ARREST DU PARLE MENT , sur l'Appel
comme d'abus d'un Mandement de M. l'Evêque
de Laon.
Ce jour les Gens du Roi sont entrez ,
et Maître
Pierre Gilbert de Voisins , Avocat dudit Seigneur
Roi , portant la parole , ont dit :
MESSIEURS ,
Un nouvel objet nous rappelle dans ce Sanctuaire
auguste , pour y porter nos justes plaintes ,
et pour y chercher le secours que le ministere
public ose se promettre de l'autorité de la Cour.
Il est triste pour lui d'avoir à se plaindre , de
ce qui porte en même temps l'impression du caractere
d'un Evêque et de la main d'un Pair de
France. Mais il est encore plus triste de trouver
dans le Mandement de M. l'Evêque de Laon , que
nous remettons à la Cour , ce qu'on devroit le
moins attendre d'un Prélat , qui réunit en sa personne
ces deux qualitez éminentes.
Que n'aurions- nous point à vous dire de cette
peinture odieuse qu'on y voit d'abord de l'état
de la Religion dans le Royaume ? De ce reproche
injurieux fait gratuitement à la France , d'une extinction
presque totale de la Foi . Mais laissons
les divers reproches répandus au hazard dans cet
Ouvrage , et dans lesquels il semble que l'Auteur
ait oublié jusqu'aux bienséances de sa dignité :
aujourd'hui notre attention se doit toute entiere
aux interêts de nos maximes , et aux atteintes
que ce Mandement paroît y porter.
Dans la vue qu'on s'y proposoit de convaincre
et de persuader ceux qui résistent à la Constitu-
'tion
MARS. 1731. 613
on Unigenitus , il semble qu'on devoit surtout
e conformer exactement à ces mêmes maximes ,
et entrer dans tout leur esprit sur les caracteres
d'autorité réunis en faveur de ce Decret.
On louëra toujours en France un Evêque de
marquer son profond respect pour le saint Siege ,
de rendre hommage à ses prérogatives éminentes ,
et d'en relever la grandeur par la dignité de ses
cxpressions. On ne lui enviera jamais d'employer.
à ce sujet les paroles d'un Prélat des derniers
temps , comparable aux grandes lumieres des premiers
siecles , et qui n'a jamais séparé l'attachement
le plus fidele au saint Siege , du zele le plus
sage et le plus pur pour nos libertez.
Mais en même tems on attendra de cet Evêquequ'il
évite de favoriser des prétentions , que la
France si zelée d'ailleurs pour la Chaire de saint
Pierre n'a point appris à reconnoître , et qu'il se
montre inébranlable dans les vrais principes dont
elle ne sçauroit se départir.
En parlant d'un côté de l'autorité du saint
Siege et de l'Eglise Romaine , d'un autre côté de
celle de l'Eglise universelle , devoit-on s'expliquer
sur la premiere , comme si elle ne laissoit rien à
desirer , et ne placer l'autre à la suite , que comme
un accessoire qu'on employe , pour ainsi dire par
surabondance , et pour satisfaire les esprits les
plus difficiles ?
Sous prétexte de faire valoir cette autorité de
PEglise Romaine en faveur de la Constitution , on
tente d'introduire en France un Concile particulier
tenu à Rome , dont nous ne pouvons reconnoître
l'autorité , et dont les expressions telles'
qu'on les rapporte , auroient des conséquences
sur lesquelles nous nous sommes assez expliquez
en dernier lieu.
M. l'Evêque de Laon insere dans son Mande-
I v ment
614 MERCURE DE FRANCE
ment le Decret de ce Concile. Il l'adopte , et il
en parle comme d'une Loi précise , à laquelle inutilement
on essaye d'échaper par des vains détours.
Rien de plus opposé à nos maximes , que
cette publication indirecte de ce qui n'est revêtu
d'aucune forme parmi nous. La Constitution
aura eu besoin de toutes les solemnitez qu'elles
prescrivent , et sans s'embarrasser d'aucune , on
s'autorisera de ce Concile , pour ralumer un nouveau
feu dans une Affaire où le calme des esprits
est surtout à desirer .
Ce n'est pas à cette seule marque qu'on peut
reconnoître l'esprit du Mandement sur les maximès
et sur les libertez de l'Eglise Gallicane. Il le
témoigne ailleurs assez ouvertement. On voit que
l'Auteur les regarde , plutôt comme des précautions
de politiques utiles à opposer à quelque entreprise
de la Cour Romaine contre nos usages ,
et contre les droits de la Couronne , que comme
le précieux reste de la discipline des premiers
siecles et de l'ordre des anciens Canons. Selon lut
elles n'ont rien de commun avec les Decrets que
la Cour de Rome nous envoye , soit pour éclaircirle
dogme soit pour réprimer a témerité des
Novateurs. Que ce principe soit admis , elles se
verront exposées au danger d'être anéanties. A la
faveur d'un tel prétexte , on fera passer jusqu'à
nous ce qui portera l'impression de la Doctrine
et des prétentions Ultramontaines : et quel.es barrieres
nous restera- t'il àleur opposer ?
C'est ainsi que cet Ouvrage s'explique sur ce
qui paroissoit entrer dans son objet. Mais on
cherche exprès une digression , sur une matiere
éloignée , peut- être encore plus capable d'être
une occasion dangereuse de disputes et de dissentions
. C'est , Messieurs , sur ce qu'on appelle la
Jurisdiction Ecclesiastique , objet sur lequel à la
A..
MARS. 1731 . 615
vue de ce Mandement il ne nous est plus permis
de nous taire , et dont en même temps nous ne
sçaurions parler avec trop d'exactitude et de précaution
. Aujourd'hui plus que jamais nous devons
rappeller à ce sujet les maximes si pures de
nos peres , et nous retracer à nous mêmes les
principes dont ils ont transmis le dépôt jusqu'entre
nos mains .
Nous reconnoîtrons toujours la distinction et
l'indépendance , des deux Puissances établies sur
la terre pour la conduite des hommes ; le Sacerdoce
et l'Empire , la Puissance de la Religion , et
celle du Gouvernement temporel . Toutes deux ·
immédiatement émanées de Dieu , elles trouvent ,
chacune en elles - mêmes , le pouvoir qui convient
à leur institution et à leur fin : et s'il est vrai ,
comme on ne sçauroit en douter , qu'elles se
doivent une assistance mutuelle , c'est par voye
de correspondance et de concert , et non pas de
subordination et de dépendance .
La Religion destinée à soumettre les esprits , à
changer les coeurs , est d'un ordre surnaturel , et
conduit les hommes par un pouvoir , qui agissant
sur les ames , est appellé spirituel . En même
temps , suivant l'institution de JESUS- CHRIST
elle forme la Societé visible de l'Eglise Eglise
qui , sur la foi des Oracles Divins , doit subsister
visiblement jusqu'à la fin des siecles , et dont par
conséquent l'economie et la conduite doivent
aussi être visibles dans toute la suite des tems.
Le gouvernement temporel fondé sur l'institution
de Dieu , mais conduit par des voyes hu
maines , a pour objet l'ordre exterieur de la societé
, qui seul est au pouvoir des hommes ; et
employe les moyens humains , de l'autorité publique
, de la force coactive , de la severité des
peines temporelles ; enfin de tout ce qui compose
I vj Pap616
MERCURE DE FRANCE.
l'appareil d'une puissance vraiement exterieure."
Tandis qu'il défend par les armes le Corps de
l'Etat contre les ennemis qui peuvent l'attaquer
au-dehors , il maintient ce même Corps au- dedans
, par l'empire légitime qu'il exerce sur les
Citoïens. Il joint à l'autorité de la Loi , l'execution
forcée indépendamment de la volonté des
Sujets , et soumet par une contrainte effective
ceux qui résistent à son autorité.
L'exercice de cet empire exterieur des Loix ,
l'application de leur puissance aux Sujets , par le
Magistrat armé des moyens necessaires pour les
forcer à obéir , est ce qu'on appelle en termes de
Droit la Jurisdiction . C'est l'idée exacte que nous
en donnent les Jurisconsultes et les Loix. La Jurisdiction
est pleine et entiere , lorsque le pouvoir
de juger est revêtu de toute la force de la
puissance publique. Mais du moins sans quelque
participation de cette force coactive à l'exterieur ,
il n'est point de veritable Jurisdiction. Jurisdictio
sine modicâ coercitione nulla est , dit la Loy
se au Digeste de officio ejus cui mandata est
Jurisdictio, Et les interprêtes nous donnent pour
exemples de cette coercition dont parle la Loy
des châtimens qui affectent le corps , la prison ,
l'imposition de quelques peines pécuniaires.
Ainsi suivant les Loix et les Jurisconsultes ,'
on peut dire que la Jurisdiction prise dans son
sens propre et naturel , est un attribut du Gouvernement
temporel , parce qu'elle emporte une
contrainte au- dehors et une force qu'il est seul
en droit d'employer.
Il n'en est pas moins vrai que l'Eglise a d'ellemême
un autre genre de puissance et d'autorité
réelle , pour connoître et pour décider des matieres
spirituelles qu'elle a droit d'imposer des
peines de même nature , et d'exclute de son Corps
ceu
MARS. 1731. 617
ceux qui refuseroient de s'y soumettre : qu'il lui
appartient d'exercer ce pouvoir non seulement
sous le sceau de la Confession dans le Tribunal
secret de la Penitence , mais encore ouvertement
er d'une maniere visible , sur la connoissance
qu'elle peut avoir des faits. Mais lors même
qu'elle fait connoître et craindre ainsi ses Jugemens
, c'est sans entreprendre sur l'ordre public ,
et sans agir à l'exterieur avec l'empire réservé à
l'autre Puissance. Elle a reçu de JESUS CHRIST
le pouvoir spirituel de lier et de délier , de condamner
et d'absoudre , d'établir des regles et d'en
dispenser ; mais non pas de dominer comme les
Rois.
De-là vient ce qu'observent les Auteurs les
plus exacts que dans les Loix des premiers Empe→
reurs Chrétiens , le titre qui traite des Jugemens
Ecclesiastiques est intitulé , non pas de la Jurisdiction
Episcopale , de Episcopali Jurisdictione ;
mais de Episcopali audientiâ , dans le Code de
Justinien ; de Episcopali Judicio , dans celui de
Theodose : expressions dont le sens est bien different
de celui du terme propre de Jurisdiction
dans le Droit Romain.
Dès - lors cependant la confiance religieuse de
ces Princes , avoit accordé aux Evêques des attributions
qui par elles - mêmes n'étoient point .
comprises dans ce qui dépend du spirituel. On
n'en conservoit pas moins la difference des noms
qui caracterise la difference essentielle , entre le
pouvoir incontestable de l'Eglise , et la vraie Jurisdiction
qui appartient au Magistrat temporel.'
Mais ces attributions s'étant accrues et confir
mées dans la suite , on a emprunté les termes
usitez dans les Tribunaux séculiers , et on s'est
accoutumé à se servir du terme de Jurisdiction
en` parlant de divers Actes qu'exercent les Puissances
618 MERCURE DE FRANCE
sances de l'Eglise . En effet , soit par la concession
expresse , soit par le consentement tacite des
Princes , aujourd'hui plusieurs de ces Actes participent
du caractere de la Jurisdiction exterieure
et proprement dite .
Mais c'est abuser de cet avantage , que de dire
comme fait le Mandement , que le fonds de la
Jurisdiction exterieure et contentieuse est l'heritage
propre de l'Eglise d'insinuer qu'en cette
matiere , l'effet de la puissance de nos Rois se réduit
, soit à de certaines rogles et à de certaines
formes ausquelles il leur a pla .... d'assujettir
les Evêques et les Archevêques du Royaume....
dans l'exercice de leur jurisdiction ; soit à la
simple protection .... accordée par eux à l'Eglise
pour l'execution , on ne dit pas seulement
de ses censures , mais en general même de ses
jugemens d'exiger enfin qu'on reconnoisse un
caractere de Puissance publique exterieure dans
Pautorité qui est propre aux Prélats du premier
Ordre... dans le gouvernement de l'Eglise :
comme si la Puissance publique étoit autre chose
que la Puissance temporelle de qui dépend l'ordre
públic . Parler ainsi f sans explication même et
sans correctif , c'est confondre ce qu'il y a de
notions plus exactes sur la distinction des deux
Puissances , et répandre sur cette matiere des ténebres
qui ne permettent plus d'en reconnoître
les principes.
C'est cependant à la faveur de cette confusion ,
qu'on se porte jusqu'à dire , que refuser à l'Eglise
une Jurisdiction même exterieure qui lui
soit pro re c'est upposer que JESUS- CHRIST
ne l'a établie que sous un gouvernement trèsimparfait
, du moins à l'exterieur. Nous ne repetons
qu'avec répugnance des expressions qui
tendent à faire penser , que sans une Jurisdiction
exMARS.
17318
619
exterieure , telle que nous l'avons expliquée , l'ouvrage
de Jesus - Christ seroit imparfait. L'Institu
tion toute divine de l'Eglise en renfermeroit - elle
moins la puissance de la parole animée de l'Es-`
prit de Dieu , la grace des Sacremens, les rigueurs
salutaires de la Penitence , la sàinte sévérité des
censures , le discernement et la définition de la
Doctrine , le reglement du Spirituel par les Canons
? Un Evêque regardera-t'il comme insuffi
sans ces moyens sublimes , qui font l'essentiel du
pouvoir sacré de son Ministere
Trouvez bon , Messieurs , que sans en dire davantage
de nous-mêmes , nous empruntions les
termes d'un Auteur respecté en France depuis so
ans , initié dans le Sacerdoce , et de qui les laborteuses
veilles ont été si utiles à l'Eglise et à l'Etat.
C'est le sage et sçavant Auteur de l'Institution
au Droit Ecclesiastique. Il employe suivant
l'usage le terme de Jurisdiction , mais voici de
quelle maniere il s'en explique : Il faut revenir
àla distinction de la Jurisdiction propre et essentielle
à l'Eglise , et de celle qui lui est étrangere.
L'Eglise a par elle - même le droit de décider
toutes les questions de Doctrine , soit surla
Foi, soit sur la regle des moeurs. Elle a droit
d'établir de Canons ou regles de discipline pour
sa conduite interieure , d'en dispenser en quelques
occasions particulieres , et de les abroger
quand le bien de la Religion le demande. Elle
a droit d'établir des Pasteurs et des Ministres
pour continuer l'oeuvre de Dieu jusqu'à la fin
des secles , et pour exercer toute cette Jurisdiction
; elle peut les destituer s'il est necessaire.
Elle a droit de corriger tous ses enfan , leur
imposant des Penitences salutaires , soit pour
les pechez secrets qu'ils confessent , soit pour les
pechez publics dont ils sont convaincus . Enfin
620 MERCURE DE FRANCE
a droit de retrancher de son Corps les membres
corrompus , c'est-à - dire les pecheurs incorrigi
bles qui pourroient corrombre les autres . Voilà
les droits essentiels à l'Eglise , dont elle a joüi
sous les Empereurs Payens , et qui ne peuvent
lui être ôtez par aucune Puissance humaine....
tous les autre pouvoirs dont les Ecclesiastiques
ont été en possession et le sont encore en quelques
lieux, ne laissent pas de leur être légitimement
acquis par la concession expresse ou
sacite des Souverains ..et l'Eglise a autant de
raison de conserver ces droits , que ses autres
biens temporels.
•
Ce digne interprete de la doctrine et des maximes
de la France , semble , avoir rassemblé dans
cet endroit , tout ce qu'on trouve avec plus d'étenduë
, soit dans nos Auteurs les plus éclairez
soit dans les Canons et les autres monumens de la
plus venerable antiquité. Tels sont les principes
que nous attendrons toûjours d'un Evêque nourri
dans l'Eglise de France , et sur lesquels notre bouche
ne cessera point d'être de concert avec notre
coeur. L'Eglise a d'elle-même le droit de connoître
des matieres spirituelles , et le jugement qu'elle
en porte émane d'un pouvoir réel qui assujettit
les consciences. Elle a en sa disposition des peines
spisituelles , dont l'excommunication qui retranche
de sa communion est le comble. Elle tient du
Prince tout l'appareil , toute la forme exterieure
tout ce qui constitue le caractere public de jurisdiction
, l'espece de contrainte ou d'obligation civile
qui en est la suite , et les matieres temporelles
dont ont sçait qu'elle connoît aujourd'hui .
Qu'on se renferme dans ces termes , les diffi
cultez disparoîtront, ou s'il s'en élevé quelqu'une,
elle se terminera sans troubler la paix . Pour peu
qu'on se porte plus loin , la contradiction , les
disputes
MARS. 1731 . 621
disputes , les entreprises n'auront plus de fin . Les
écrits se multiplieront , et le fruit en sera peutêtre
d'apprendre à mettre en question ce qui ne
faisoit point de doute auparavant. Ne négligeons
pas d'étouffer dans leur naissance , jusqu'aux
moindres semences de dissension , sur l'autorité
et sur les limites de deux Puissances destinées à
une concorde immortelle. Que l'inquietude et
l'esprit de contention cessent ; fideles au serment
inviolable qui nous consacre aux droits de
l'une de ces deux Puissances , nous sçavons qu'en
même tems il nous engage à conserver les droits
de l'autre et nous n'oublierons jamais que de
leur intelligence dépend et leur propre avantage et
celui des hommes qui leur sont soumis. C'est ce
que disoit autrefois un grand Evêque de France :
Cum regnum et Sacerdotium inter se conveniunt
, benè regitur mundus , foret et fructifi
cat Ecclesia. Cum verò inter se discordant , non
tantum parva res non crescunt , sed etiam ma
gna res miserabiliter dilabuntur.
C'est , Messieurs , dans ces sentimens et par ces
vûes , que nous avons l'honneur de nous adresser
à la Cour pour arrêter les suites d'un ouvrage si
capable de causer de nouveaux troubles . C'est le
Mandement d'un Evêque ; et c'en est assez pour
que nous cherchions à nous renfermer dans la
forme la plus exacte.
Elle nous conduit à la voye de l'appel commé
d'abus , essentielle à l'ordre public du Royaume ,
et consacrée enFrance au maintient réciproque des
Loix de l'Eglise et de celle de l'Etat Ce que nous
venons d'avoir l'honneur de vous dire, vous indique
assez quels peuvent être la plupart des
moyens d'abus. Il suffit d'en avoir jetté les fondemens
, et s'il y a lieu dans la suite nous n'aurons
pas de peine à les développer de plus en plus.
Mais en attendant , vous sentez non -seulement
6,2 MERCURE DE FRANCE.
qu'il seroit dangereux , mais même qu'il est impossible
de souffrir qu'un tel ouvrage continuât
a se répandre et à se distribuer dans le public.
C'est surtout pour y opposer un remede au
moins provisoire , que nous avons crû devoir
nous expliquer dès aujourd'hui ; ét c'est aussi à
quoi tendent les conclusions par écrit qué nous
laissons à la Cour.
Eux retirez : Vût le Mandement imprimé intitulé,
Manlement de Monseigneur l'Evêque de Laon,
second Pair de France , Conte d'Anisy, donné à
Laon le 13. Novembre 1736. ensemble les Conclusions
par écrit du Procureur general du Roi ;
la matiere sur ce mise en déliberation .
La Cour reçoit le Procureur Generál Roi appel
lant comme d'abus dudit Mandement , lui permet
d'intimer sur ledit appel qui bon lui semblera, sur
lequel les parties auront audience au premier jour ;
et cependant fait deffenses de répandre , debiter ,
ou autrement distribuer aucuns exemplaires dudit
Mandement sous telles peines qu'il appartiendra
; que copies collationnées du present Arrêt
seront envoyées aux Bailliages et Sénechaussées
du ressort , pour y être lûës , publiées et registrées
; enjoint aux Substituts du Procureur Gene
ral du Roi , d'y tenir la main et d'en certifier la
Cour dans un mois. Fait en Parlement le 20. Fevrier
1731. Signé , YSABEAU.
ARREST du Parlement sur uñê Lettre Pastorale
de M. l'Evêque de Laon , & c.
Ce jour les Gens du Roi sont entrez , et Maître
Pierre de Gilbert de Voisins , Avocat dudit
Seigneur Roi , portant la parole , ont dit : Messieurs
, nous ne pouvons trop tôt apporter à la
Cour l'Imprimé intitulé , Lettre Pastorale , que
M. l'Evêque de Laon vient de publier dans son
Diocèse et qui nous fut envoyé hier par notre
MARS. 1731. 623
Substitut au Bailliage de Laon. Sa lecture vous
fera sentir la necessité des Conclusions que nous
croyons devoir prendre en ce moment. On voit
que c'est une partie qui cherche à faire insulte à
ses Juges, et qui traite d'entreprise la voye dedroit
de l'appel comme d'abus , sur lequel la Cour nous
ǎ permis de l'intimer par son Arrêt du 20. du
mois dernier. En même tems qu'elle etouffera sur
le champ ce scandale , elle voudra bien nous réserver
la liberté de prendre dans la suite telles Conclusions
que nous jugerons à propos à ce sujet.
Nous requerons qu'il plaise à la Cour ordonner
que l'Ecrit intitulé : Lettre Pastorale de M. l'Evêque
de Laonn , daté du 24. Février 1731. au
sujet de l'Arrêt de la Cour du 20. du même
mois , demeurera supprimé comme séditieux , ate
tentatoire à l'autorité Royale et à l'Arrêst de la
Cour : sauf à nous de prendre au surplus telles
conclusions que nous jugerons à propos , en pro
cedant au jugement de l'appel comme d'abus
reçû par l'Arrêt du 20. Fevrier dernier , à l'effet
de quoi un Exemplaire dudit Ecrit demeurera au
Greffe de la Cour. Ordonner au surplus que
l'Arrêt du 20. Fevrier dernier , sera executé selon
sa forme et teneur , et que copies collationnées de
celui que la Cour rendra aujourd'ui seront envoyées
aux Bailliages et Sénéchaussées du Ressort
pour y être lues , publiées et enregistrées ; enjoint
nos Substituts d'y tenir la main et d'en certifier
la Cour dans un mois.
Eux retirez : Lecture fai e dudit Imprimé ayant
pour titre : Lettre Pastorale de Monseigneur
PEvêque Duc de Laon , second Pair de France
Comte d'Anisy, & c. au sujet de l'Arrêt du Par
lement du Lo. Fevrier 1731. sur son Mandement
du 13. Novembre 1730. La matiere sur ce
mise en déliberation.
La Cour ordonne que ledit Ecrit intitulé : Legł
624 MERCURE DE FRANCE
a
tre Pastorale de M. l'Evêque de Laon , datté du
24. Février 173 1. au sujet de l'Arrêt de la Cour
du 20. du méme mois , demeurera supprimé
comme séditieux, attentatoire à l'autorité Royale
et à l'arrêt de la Cour , sauf au Procureur Géneral
du Roi à prendre au surplus telles conclusions
qu'il jugera à propos en procedant au jugement
de l'appel comme d'abus , reçû par l'Arrêt du 20 .
Février dernier , à l'effet de quoi un Exemplaire
dudit Ecrit demeurera au Greffe de la Cour :
Ordonne au surplus que l'Arrêt d'icelle du 20 .
Fevrier dernier , sera executé selon sa forme et
teneur , et que Copies collationnées du present
Arrêt , seront envoyées aux Bailliages en Sénechaussées
du Ressort , pour y être lûes , publiées
et enregistrées ; enjoint aux Substituts du Procureur
General du Roi , d'y tenir la main , et d'en
certifier la Cour dans un mois . Fait en Parlement
le 2. Mars 1731. Signé , DUFRANC .
1
ARREST du 10. Mars , rendu à l'occasion
des disputes qui se sont élevées au sujet des deux
Puissances & c . dont voici la teneur. Le Roi étant
informé qu'à l'occasion de quelques Ecrits qui
se sont répandus dans le Public , il s'est élevé de
nouvelles disputes sur differentes matieres , et
entr'autres sur ce qui regarde la nature , l'éten
due et les bornes de l'autorité Ecclesiastique et
de la Puissance Séculiere , Sa Majesté attentive
à remplir tout ce que la Religion exige de son
pouvoir , sans manquer à ce qu'elle se doit à
elle -même , regarde comme son premier devoir
d'empêcher qu'à l'occasion de ces disputes on ne
mette en question les droits sacrés d'une Puissance
qui a reçû de Dieu seul l'autorité de décider
les questions de Doctrine sur la Foi , ou sur
la regle des moeurs , de faire des Canons ou
regles de discipline pour la conduite des MinisMARS.
173.1 . 625
>
2
tres de l'Eglise et des Fidelles dans l'Ordre de
la Religion , d'établir ces Ministres , ou de les
destituer , conformément aux inémes regles ; et
de se faire obéir , en imposant aux Fideles , suivant
l'Ordre Canonique , non - sculement des pénitences
salutaires , mais de veritables peines spirituelles
, par les jugemens ou par les censures que
les premiers Pasteurs ont droit de prononcer et
de manifester , et qui sont d'autant plus redou
tables qu'elles produisent leur effet sur l'ame du
coupable , dont la résistance n'empêche pas qu'il
ne porte malgré lui la peine à laquelle il est condamné.
Si la Religion de Sa Majesté l'oblige
comme protecteur de l'Eglise , et en qualité de
Roi Très - Chrétien , à empêcher qu'on ne donne
aucune atteinte à ce qui appartient si essentiellement
à la puissance spirituelle ; son intention
est aussi qu'elle continue de jouir paisiblement
dans ses Etats de tous les Droits ou Privileges
qui lui ont été accordés par les Rois ses prédecesseurs
, sur ce qui regarde l'appareil exterieur
d'un Tribunal public , les formalités de l'ordre
ou du stile judiciaire , l'exécution forcée des Jugemens
sur le corps ou sur les biens , les obligations
ou les effets qui en résultent dans l'ordre.
exterieur de la Societé , et en général tout ce
qui adjoute la terreur des peines temporelles à
la crainte des peines spirituelles . Mais comme les
disputes qui commencent à s'élever pourroient
donner lieu d'agiter sur ces differens points et
sur tous ceux qui peuvent y avoir rapport , des
questions témeraires ou dangereuses , non seule.
ment sur les expressions qui peuvent être differemment
entenduës , mais sur le fond des choses
mêmes , Sa Majesté à crû devoir suivre en cette
occasion l'exemple des Rois ses prédecesseurs ,
en arrêtant d'un côté le cours de ces disputes
maissantes, et en prenant de l'autre toutes les me
626 MERCURE DE FRANCE
eures que sa sagesse et sa pieté lui inspireront
pour les éteindre entierement : A quoi desirane
pourvoir : S. M. étant en son Conseil , a ordonné
et ordonne , que toutes lesdites disputes ou
contestations , et pareillement celles qui peuvent
y avoir rapport , soient et demeurent suspendues
comme S. M. les suspend par le present Arrêt;
imposant par provision un silence general et absolu
sur ce qui fait la matiere desdites cotestations;
et en'consequence , fait S. M. très- expresses inhibitions
et deffenses à toutes les Universitez du
Royaume , notamment aux Facultez de Théologie
et de Droit Civil & Canonique , de permettre
aucunes disputes dans les Ecoles sur cette matiere;
comme aussi d'enseigner ou de souffrir qu'on enseigne
rien de contraire aux principes cy- dessus
marquez sur les deux Puissances. Deffend pareillement
à tous ses Sujets , de quelque êtat , qualité
et condition qu'ils soient , de faire aucunes assein
blées , déliberations , actes ,
déclarations , iequê→
tes , poursuites ou procédures , à l'occasion desdites
disputes , ou de tout ce qui peut les concerner
, et d'écrire , composer , imprimer , vendre,
débiter ou distribuer directement ou indirectement
aucuns Ecrits , Livres , Libelles , Mémoires ou au
tres Ouvrages sur le même sujet , sous quelque
prétexte , et sous quelque titre ou nom que ce puisse
être , le tout à peine contre les contrevenans d'être
traités comme rebelles et désobeïssants aux or→
dres du Roi , séditieux et perturbateurs du repos
public , Sa Majesté se reservant à elle seule , sur
l'avis de ceux qu'elle jugera à propos de choisir in.
cessament dans son Conseil , et même dans l'Ore.
dre Episcopal , de prendre les mesures qu'elle estimera
les plus convenables ' pour conserver toujours
de plus en plus les droits inviolables des deux
Puissances , et maintenir entre elles l'union qui
doit y regner pour le bien commun de l'Eglise et
MARS. 1731. 627
de l'Etat . Exhorte Sa Mejesté , et néanmoins enjoint
à tous les Archevêques et Evêques de son
Royaume de veiller chacun dans leur Diocèse à ce
que la tranquilité qu'elle veut y maintenir par la
cessation de toutes disputes , soit charitablement
et inviolablement conservée &c.
Fermer
Résumé : ARRESTS , DECLARATIONS , ORDONNANCES , &c.
Le document présente plusieurs ordonnances et arrêts royaux émis en 1731. Le 12 décembre, une ordonnance concerne la ville et comté de Laval, et une autre régule la fabrication des papiers dans la province du Limousin. Le 26 décembre, une ordonnance interdit la fabrication de pavés de grès dans la généralité de Paris, sauf pour les entrepreneurs des Ponts et Chaussées. Le 21 janvier, une ordonnance impose des déclarations pour le café entrant et sortant de Marseille, avec des amendes pour non-respect. Le 23 janvier, une ordonnance nomme Pierre Vacquier pour gérer la vente exclusive du café dans le royaume, et une autre accepte la rétrocession de la Louisiane et des Illinois par la Compagnie des Indes, libérant ainsi le commerce de la Louisiane. Le 30 janvier, une ordonnance maintient les gages des officiers créés en 1672 dans diverses chancelleries. En février, une ordonnance fixe la jurisprudence sur les donations. Enfin, un arrêt du Parlement critique un mandement de l'évêque de Laon, jugé contraire aux maximes de l'Église gallicane et aux libertés ecclésiastiques. Le texte traite de la distinction entre les pouvoirs spirituel et temporel, et des limites de la juridiction ecclésiastique. L'Église, ayant reçu de Jésus-Christ le pouvoir spirituel de lier et de délier, de condamner et d'absoudre, établit des règles et en dispense, mais ne domine pas comme les rois. Les premiers empereurs chrétiens distinguaient la juridiction épiscopale de la juridiction temporelle, mais avec le temps, les évêques ont acquis des attributions temporelles par la concession des princes. Le terme 'juridiction' a été adopté pour désigner certains actes ecclésiastiques, participant ainsi de la juridiction extérieure. Le texte critique un mandement qui affirme que la juridiction extérieure et contentieuse est l'héritage propre de l'Église, réduisant le rôle des rois à des règles et formes ou à une simple protection. Cette confusion des pouvoirs spirituel et temporel est jugée dangereuse. L'Église possède des moyens spirituels sublimes pour son ministère, et la puissance publique est considérée comme temporelle. Le texte cite un auteur respecté qui distingue la juridiction propre à l'Église, liée aux matières spirituelles, de celle acquise par concession des souverains. L'Église a le droit de décider des questions de doctrine, d'établir des règles de discipline, de corriger les fidèles et de retrancher les membres corrompus. Les difficultés surgissent lorsque l'on confond ces deux types de juridiction. Le texte conclut en appelant à la suppression d'un mandement et d'une lettre pastorale jugés séditieux et attentatoires à l'autorité royale, afin de maintenir la paix et la concorde entre les deux pouvoirs. Le Parlement ordonne la suppression de ces écrits et l'exécution de ses arrêts. Le document est un arrêt royal daté du 10 mars 1731, signé par Dufranc, concernant les disputes sur les pouvoirs de l'autorité ecclésiastique et de la puissance séculière. Le roi, informé de la propagation d'écrits publics ayant suscité des controverses, rappelle que l'autorité ecclésiastique, reçue de Dieu, a le pouvoir de décider des questions doctrinales, de régler la discipline religieuse, et d'imposer des peines spirituelles. Le roi, en tant que protecteur de l'Église et roi très chrétien, doit empêcher toute atteinte à la puissance spirituelle et garantir que l'Église jouisse paisiblement de ses droits et privilèges. Pour éviter des questions téméraires ou dangereuses, le roi ordonne la suspension de toutes les disputes et contestations relatives à ces sujets. Il interdit aux universités et facultés de théologie et de droit de permettre des disputes ou d'enseigner des doctrines contraires aux principes établis. De plus, il interdit à ses sujets de tenir des assemblées, de publier des écrits ou de poursuivre des procédures sur ces matières, sous peine de sanctions sévères. Le roi se réserve le droit de prendre les mesures nécessaires pour préserver les droits des deux puissances et maintenir l'union entre elles. Les archevêques et évêques sont exhortés à veiller à la tranquillité dans leurs diocèses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 2297-2309
LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
Début :
Je vous avouë, Monsieur, que j'ai été terriblement en colere contre le Public [...]
Mots clefs :
Rire, Satire, Despréaux, Famille royale, Conspiration , Reine, Autorité, Reconnaissance, Défiance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
LETTRE de Madame la Comtesse de....
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie
d'Astrate
J
E vous avoue , Monsieur , que j'ai été
terriblement en colere contre le Public
et même contre vous , à la lecture
de votre derniere Lettre ; vous m'annoncez
qu'on a ri à la représentation d'Astrate
, et loin de me l'annoncer comme
une injustice des plus criantes , vous ne
rougissez pas d'ajoûter que vous n'avez
pas pû vous empêcher d'y rire , comme
les autres , sur tout au second Acte , où il
s'agit de l'Anneau Royal , qu'il a plû à
l'Aristarque François de tourner en ridicule
par ce Vers : Sur tout l'Anneau Royal
me semble bien trouvé. Vous auriez été
B iij
LIFT
2298 MERCURE DE FRANCE
un peu plus en garde contre votre envie
de rire , si vous eussiez consideré que
Despreaux met ces Vers ironiques dans
la bouche d'un Campagnard , par un reste
de pudeur qui l'empêche d'adopter un
sentiment si peu sensé. Ce n'est pas que
je prétende ici justifier cet implacable
Auteur ; il a bien pû penser lui - même
ce qu'il fait dire à un autre , puisqu'il a
osé avancer dans une autre Satyre.
Et quand je veux citer un Auteur sans deffaut
La raison dit Virgile , et la rime Quinault.
En vain Despreaux a chanté la Palinodie
, quand il s'y est vû forcé par la gloire
que Quinault s'étoit acquise par tant d'au
tres Ouvrages ; le Public , je veux dire
un certain Public malin ; la Tourbe
pour mieux m'expliquer , a persisté à croire
qu'Astrate étoit une Tragédie très -risible,
et n'a pas voulu renoncer au droit de
rire à fes Représentations. Pour moi ;
Monsieur , qui ai un peu plus de vanitě
que vous , j'ai trop de soin de ma gloirė
pour me confondre dans la foule ; et j'ai
toûjours regardé Astrate comme une Piece
que nos plus grands Dramatiques ne
desavoüeroient pas. Despreaux à beaut
faire dire aux Interlocuteurs de son re
pas ridicule , que chaque Acte de cette
Tragédie
OCTOBRE. 1731. 2299
Tragedie est une Piece entiere , l'action y
est si peu chargée que j'entreprends de
vous la retracer en aussi peu de mots
qu'' on puisse réduire la plus simple : voici
de quoi il s'agit.
L'action theatrale se passe dans le Pa
Jais d'Elise , Reine de Tyr. Le Trône où
elle est assise a été usurpé par son Pere
sur Adraste , qui en étoit le veritable
possesseur. Ce funeste heritage l'a réduire
faire périr ce Roy détrôné et deux de
ses enfans ; un troisième est échappé au
fer meurtrier ; voilà ce qui s'est passé
avant l'Action théatrale , et qui , comme
vous le voyez , ne doit pas faire une protase
trop chargée. Passons au noeud de
la Piece. Elise aime Astrate , crû fils de
Sichée , ses Sujets souffrent impatiemment
qu'une femme regne sur eux ; elle
yeut leur donner un Roy , & croit ne
pouvoir mieux faire que de choisir un
Prince qui par sa valeur a soutenu le
Trône où l'usurpation l'a placée ; elle fait
part de son dessein à Sichée , qui tâche
de l'en détourner par des raisons de politique
; il ne peut lui découvrir la veritable
, la voici : Astrate qui passe pour
son fils , est celui des trois fils du veri-
→ table Roy échappé
au fer meurtrier
.
Elise ayant
annoncé
à Astrate
que. le
B iiij
choix
2300 MERCURE DE FRANCE
contre
choix qu'elle va faire d'un Epoux tombe
sur lui ; et leur amour étant réciproque ,
Sichée , qui est à la tête d'une conspira
tion prête à vanger la mort du veritable
Roy , et à rétablir sur le Trône usurpé
le reste précieux de la Famille Royale
fait entendre à son prétendu fils , qu'il
ne doit pas accepter une place qu'il ne
pourroit long- temps conserver
une révolte qui est sur le point d'éclatter .
Astrate croit le rassurer contre ce peri
en lui annonçant que la conspiration est
découverte , et en lui nommant trois des
conjurez ; Sichée plus allarmé qu'au pa
ravant , et voyant qu'Astrate veut aller
tout découvrir à la Keine , ne peut mieux
l'arrêter qu'en se faisant connoître à lui
pour Chef de la conspiration . Quelcom
bat entre l'Amour et la Nature ! Astrate
croit enfin les accorder tous deux , en
obrenant de la Reine une Amnistie ge
nerale ; il l'obtient en effet , Sichée n'a
rien à craindre pour ses jours , non - plus
que pour ceux de ses amis ; Elise demande
seulement qu'on lui livre ce
dernier fils du vrai Roy , en faveur du
quel on conspire ; c'est alors que Sichéa
ne pouvant plus differer de le faire con
noître , montre des Tablettes à Adraste
dans lesquelles ces Vers sont traceź
c'est
OCTOBR E. 1731. 2301
c'est le vrai Roy qui parle dans ces Tablettes.
Le plus jeune de mes trois fils
Echappe aux cruels Ennemis ,
Dont sur moi l'injustice éclatte ;
Et quand il sera temps de découvrir son sort ,
Ou pour rompre mes fers ou pour vanger ma
mort ;
Sichée en est crû pere , et son nom est Astrate.
Voilà , Monsieur , le noeud de la Piece ;
en voici le dénouement. La cospiration
éclatte malgré le nouveau Roy, à qui
Sichée n'a point laissé les Tablettes qui
peuvent seules le faire reconnoître ; il
combat lui - même contre ceux qui n'ont
pris les armes que pour lui ; on le desarme
, on lui donne des Gardes ; il a beau
dire à ses Sujets qu'il est leur Roy ; on
croit que l'Amour lui dicte ce langage ;
Elise craignant que cet amour ne coûte
enfin la vie à ce cher Prince , attente sur
ses propres jours ; elle vient mourir à ses
yeux , empoisonnée .
D
Vous ne manquerez pas , Monsieur
de m'accuser de supercherie , parce que
je retranche l'épisode d'Agenor , pour
vous faire paroître l'action plus simple
mais cet Episode n'a lieu dans la Piece
B. V
que
2302 MERCURE DE FRANCE
que pendant les deux premiers Actes , et
l'Auteur auroit bien pû s'en passer ; j'avoüe
même qu'il n'en auroit que mieux
fait ; nous n'aurions pas vû cet Anneau
Royal qui a excité des ris dans un sujet
uniquement destiné à faire verser des larmes
; je conviens avec vous que
deffaut , mais trouvez bon aussi que je
cherche à le justifier autant qu'il me sera
possible.
c'est un
Quand j'avoue que l'Anneau Royal est
un deffaut , je ne conviens pas qu'il le
foit jusqu'à être risible ; en effet si l'on y
rit , ce n'est que par le coup sur coup
qu'il produit. Ainsi Despreaux n'a pas
rencontré juste quand il a fait dire à son
Campagnard : Sur tout l'Anneau Royal ,
& c. Cet Auteur atrabilaire auroit dû se
souvenir qu'Alexandre le Grand , fit Perdiccas
dépositaire de son autorité par un
Anneau qu'il lui remit entre les mains ;
Quinault n'est donc ni risible ni blâmable
, d'employer le même signe d'autorité
dans sa Piece ; je dis bien plus , Elise ne
remet cette marque de toute - puissance à
A genor , que par des motifs très - senseż,
soit de reconnoissance , soit de défiance.
Agenor lui a parû très- soû mis quand elle
lui a fait entendre qu'elle vouloit faire
un Roy , indépendamment de la loi que
son
OCTOBRE 1731. 2303
son pere lui avoit imposée : voici com
me il s'explique dans le second Acte.
J'ai de subir vos loix un double engagement ;
C'est peu d'être Sujet, je suis encore Amant, &c
Je ne vous dis plus rien , Madame , et vais attendre
,
L'Arrêt que sur mon sort il vous plaira de ren- `
dre , &c.
Elise est si touchée d'une si parfaite
résignation, qu'elle dit à sa Confidente :
Par quelle injuste loy ,
Ne lui dois-je plus rien quand il fait tout pour
moi ?
Corisbe me croit- elle une ame si farouche ,
Et que
Qu'une belle action n'ait plus rien qui me touche?
l'excès d'amour d'un Prince si soumis ,
N'ait pas des droits plus forts que ceux qu'il m'a
remis ?
Voilà , Monsieur , le motif de reconnoissance
; passons au motif de défiance ;
c'est toûjours Elise qui parle :
J'ai peine toutefois , quoique je me figure ,
De croire dans le Prince une vertu si pure ,
Et de ne soupçonner d'aucun déguisement ,
L'excès étudié d'un si beau sentiment.
Que peut-elle faire de plus sensé , en
B vj parlant
2304 MERCURE DE FRANCE
parlant de ces deux principes , que da
récompenser Agenor , s'il est sincere , ou
de le punir , s'il ne l'est pas ? voici comment
elle en agit avec lui ; elle commence
par lui déclarer qu'elle aime Adraste
comme Agenor le dit lui- même , parlant
à son Rival dans le commencement
du troisiéme Acte; voici ses propres mots
Après m'avoir loüé d'avoir cedé mes droits ,
En mettant dans mes mains cet Anneau de nos
Rois ,
La Reine avec adresse a sçû me faire entendre ,
Que son coeur à vos feux s'étoit laissé surpren
dre , & c. ...
Mais qu'elle avoit voulu du moins pour reconnoître
,
La generosité que j'avois fait paroître ,
Et pour
rendre pour moi son refus moins hon
teux ,
Que ce fût de ma main que vous fussiez heureux;
Qu'elle ne doutoit point qu'après cette priere ,
Ma génerosité ne se montrât entiere.
Voilà donc le premier motif rempli ;
l'abus qu'Adraste fait du pouvoir remis
entre ses mains , justifie la punition que
la Reine en va faires à peine a- t'elle appris
qu'il veut faire arrêter Adraste , qu'el
le l'envoye arrêter lui-même . Qu'y a - t'il
de
OCTOBRE . 1731. 230,
de plus juste et de plus consequent ? La
soumission est récompensée , la dissimulation
est punie ; Agenor est précipité du
faîte de la grandeur , Astrate est élevé
aur comble du bonheur ; et c'est ce coup
sur- coup de peripetie qui fait rire les
Spectateurs , sans qu'ils s'apperçoivent
eux-mêmes de quoi ils rient.
Ne riez -vous pas vous-même , Monsieur
, de ce que je viens d'avancer ?
Non; ce n'est pas l'Anneau Royal qui
fait rite , n'en déplaise à Despreaux , c'est
ce passage subit du. Trône à. la prison ,
et du dernier malheur au bonheur suprême
; on est ravi de voir Agenor mortifié
; on ne l'est pas moins de voir Astrate
heureux ; les ris ne sont pas toûjours
des. marques de mocquerie , ou du moins
dans cette occafion les rieurs ne sont pas
pour Agenor.
En effet , Monsieur , vous n'avez qu'à
vous rappeller le personnage qu'il vient
de jouer dans la Scene précedente , pour
convenir qu'il a justement merité les mocqueries
du Parterre ; après avoir avoüé
à Astrate qu'il est aimé et que la Reine
ne lui a mis l'Anneau Royal entre les
mains que pour en user genereusement ;
il lui dit d'un ton de voix insultant :
Mon
2306 MERCURE DE FRANCE
Mon coeur ne peut former une plas noble envie
A cet illustre effort la gloire me convie ;
La generosité m'y fait voir mille appas ;
Mais l'Amour plus puissant ne me le permer .
pas , &c.
Que voulez- vous? chacun a sa façon d'aimer,& c.
Vous aimez en Heros ; pour moi , je le confeffe ,
Le Ciel m'a fait un coeur capable de foiblesse ;
Mais je n'en rougis point et jusqu'à ce jour ,
La foiblesse jamais n'a fait honte à l'Amour , &C.
Laissez -moi les douceurs qui me sont accordées ,
Et jouissez en paix de vos belles idées .
Tandis qu'un noeud sacré , propice à mes souhaits
,
Va mettre entre mes bras la Reine et ses attraits,
Que sans m'embarrasser d'un scrupule inutile ,
J'en vais être à vos yeux le possesseur franquille ,
Et vais enfin au gré de mes transports pressants ,
M'assurer d'être heureux sur la foi de mes sens.
Pour vous en consoler , songez qu'au fond de
l'ame
guere
La Reine, avec regret, s'arrache à votre flâme, &c,
J'y veux bien consentir ; un reste d'amitié
M'oblige à voir encor vos maux avec pitié ,
Et sûr d'un bien solide , il ne me coûte
De vous abandonner un bien imaginaire ;
Ainsi chacun de nous se tiendra satisfait ;
Vous , de vous croire heureux , moi , de l'être an
effet.
OCTOBRE. 1731. 2307
'Ajoûtez à cela , Monsieur , la lâcheté
avec laquelle Agenor refuse le défi que
lui fait Astrate; en faut- il davantage pour
exciter le Spectateur à rire de le voir
puni , comme il l'a merité ?
Ce n'est pas que j'approuve le caractere
que Quinault lui donne ; il pouvoit
le rendre odieux , sans le rendre mauvais-
plaisant , et sans l'ériger en Marquis
ridicule de Comédie ; mais il a mis assez
de noblesse dans tout le reste de sa Tra◄
gédie , pour faire voir de quoi il est capable
quand il veut s'en donner la peine.
Il cst temps de passer à des choses plus
dignes de noire attention ; et qu'une Apologie
dont il n'a pas besoin , fasse place
à des éloges si bien méritez. En effet
Monsieur , quoi de plus délicat que la
Scene où la Reine enhardit Astrate à lui
parler de son amour , fondée sur cette
maxime :
Je sçais qu'à notre Sexe il sied bien d'ordinaire ,
De laisser aux Amans les premiers pas à faire ,
De tenir avec soin tout notre amour caché ,
D'attendre que l'aveu nous en soit arraché ,
De ne parler qu'après d'extrémes violences ;
Mais je regne, et le Trône a d'autres bienséances ;
Et quand jusqu'à ce rang notre Sexe est monté,
Ild oit tre au-dessus de la timidité :
Astrate
2308 MERCURE DE FRANCE
Astrate est mon Sujet , et la toute -puissance ,
L'engage aux mêmes loix dont elle me dispense ;
Quelqu'ardeur qui l'emporte , il doit se retenir
C'est à moi de descendre et de le prévenir ,
De l'aider à s'ouvrir ,de l'y servir de guide ;.
Jusques - là , c'est à lui d'aimer d'un feu timide
D'encocher tout l'éclat, et pour le mettre au jour
D'attendre qu'il m'ait plû d'enhardir son amour.
N'est-ce pas là aimer en Reine ? voici
comment Elise s'y prend pour enhardir
son sujet à lui parler de son amour.
Cessons de feindre , Astrate ; on veut me faire
croire ,
Qu'oubliant tout devoir , séduit par trop de gloire,
Vous avez jusqu'à moi secretement osé ;
Astrate voulant se justifier , elle lui
ferme la bouche par ces mots :
Il n'est besoin ici que de me bien entenåre ;
Avant que de répondre examinez - vous bien ,
Voyez si votre coeur ne s'accuse de rien ,
S'il ne se sent pour moi rien d'un peu témer aire
Rien qui passe l'ardeur d'un sujet ordinaire , & c.
La douceur avec laquelle la Reine invite
Astrate à faire cet examen , l'enhardit
à être sincere ; voici comme il
s'explique et s'excuse en même temps
D'un
OCTOBRE. 1731 2309
D'un crime si charmant mon coeur insatiable ,
En voudroit s'il pouvoit être encor plus coupable,
Et , si je l'ose dire , aime mieux consentir ,
A tout votre courroux qu'au moindre repentir ,
Lorsque par un transport dont on n'est plus le
maître,
On devient témeraire , on ne sçauroit trop l'êtres
Et dès qu'on a pû mettre un feu coupable au jour,
C'est l'excès qui peut seul justifier l'amour.
Le reste pour le prochain Mercurè.
Fermer
Résumé : LETTRE de Madame la Comtesse de.... à M.le Chevalier de ... sur la Tragedie d'Astrate.
La Comtesse de... exprime sa colère envers le Chevalier de... après avoir appris que le public avait ri lors de la représentation de la tragédie 'Astrate' de Jean Racine. Elle critique particulièrement la réaction du Chevalier, qui a également ri, notamment lors du second acte où l'Anneau Royal est mentionné. La Comtesse défend Racine en expliquant que les vers ironiques sur l'Anneau Royal sont prononcés par un personnage campagnard par pudeur. Elle reconnaît cependant que Racine a pu avoir des sentiments similaires dans d'autres œuvres. La Comtesse résume ensuite l'intrigue d''Astrate'. L'action se déroule à Tyr, où la reine Elise a usurpé le trône d'Adraste. Elise aime Astrate, qu'elle croit être le fils de Sichée. Les sujets d'Elise souffrent de voir une femme régner et souhaitent un roi. Elise envisage de choisir Astrate comme époux, mais Sichée, qui est en réalité le père d'Astrate et le véritable roi, tente de l'en dissuader. Il révèle finalement à Astrate qu'il est le fils du roi détrôné et qu'une conspiration est prête à rétablir la famille royale. Astrate obtient une amnistie générale, mais la conspiration éclate malgré tout. Elise, craignant pour la vie d'Astrate, se suicide. La Comtesse critique l'épisode de l'Anneau Royal, qui a suscité des rires, et défend Quinault en expliquant que l'Anneau est un symbole d'autorité légitime. Elle conclut en soulignant que les rires du public sont dus au passage subit du trône à la prison et au bonheur suprême, et non à l'Anneau Royal. Elle critique également le personnage d'Agenor, qui est puni à juste titre pour sa lâcheté et son comportement odieux. Enfin, elle loue la délicatesse de la scène où Elise encourage Astrate à lui parler de son amour. Par ailleurs, le texte relate une conversation entre deux personnages, Astrea et une reine. Astrea est accusé de sentiments excessifs envers la reine. Pour se défendre, Astrea est invité à examiner son cœur et à vérifier s'il ne ressent pas pour la reine une ardeur dépassant celle d'un sujet ordinaire. Encouragé par la douceur de la reine, Astrea avoue son amour coupable et insatiable. Il exprime son désir de rester coupable plutôt que de regretter ses sentiments. Il justifie son audace par l'intensité de son amour, affirmant que seul l'excès peut expliquer un tel sentiment. La suite de la conversation est reportée au prochain Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 2563-2580
SECONDE LETTRE CRITIQUE, sur la Chronologie de la nouvelle Histoire Universelle traduite de l'Anglois.
Début :
Vous êtes donc content de ma premiere Lettre, Monsieur ; la maniere [...]
Mots clefs :
Déluge, Histoire, Chronologie, Texte hébreu, Ordre, Écriture, Égyptiens, Égypte, Rois, Moïse, Auteurs, Roi, Raison, Dispersion, Autorité, Histoire universelle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE LETTRE CRITIQUE, sur la Chronologie de la nouvelle Histoire Universelle traduite de l'Anglois.
SECONDE LETTRE CRITIQUE ;
sur la Chronologie de la nouvelle Histoire
Universelle traduite de l'Anglais-
V
Ous êtes donc content de ma premiere
Lettre , Monsieur ; la maniere
obligeante dont vous m'en parlez
est pour moi un nouvel engagement de
tenir ma parole . C'est de la Chronologie
en général , et de celle de l'Histoire des
Egyptiens que je vous rendrai compte
aujourd'hui . Et quand même ces Messieurs
auroient connoissance de mes Réfléxions
, ils n'en seroient ni surpris ni
fâchez , puisqu'ils avoüent d'avance qu'il
1. Vol.
2564 MERCURE DE FRANCE
y aura sans doute des fautes dans leur
ouvrage , car il n'en paroîtra , selon cux,
de parfait que l'année où l'on trouvera
le mouvement perpetuel et la Pierre
Philosophale. Mais ils se flattent aussi
de n'avoir commis que des fautes excusables,
Avis au Lecteur. Vous en serez
le Juge..
Tous ceux qui ont entrepris d'écrire
sur l'Histoire ancienne , se sont toujours
tourmentez pour trouver une regle sure
de Chronologie , les Septante ne sont
plus gueres de mise , et la préference
roule aujourd'hui entre l'Hebreu et le
Samaritain . Ces Messieurs prennent une
nouvelle route , ils suivent tantôt l'un >
tantôt l'autre de ces derniers textes , ne
les reconnoissant pour autentiques que
quand et comme ils le Jugent à propos.
C'est encore un autre principe autorisé
par la foi et par la raison que nous n'avons
aucune autre connoissance de l'Histoire
anterieure au Déluge que le peu qui s'en
trouve dans les Livres de Moyse. Ils le
reconnoissent comme nous . Aucune nation
, disent- ils , n'a porté son Histoire
au- delà du Déluge , au moins avec quelque
fondement avis au Lecteur p. 8.
et ailleurs , les Ecrits de Moyse sont les
seuls Monuments autentiques que nous
1. Vol. ayons
DECEMBRE. 1733 2565,
1
ayons
prouver que
›
,
de ces tems éloignez page. 142 .
Après tous ces aveus , qui s'attendroit
que le Compilateur va entreprendre de
le Sanchoniathon Auteur
Phénicien , qui vivoit même avant la
Guerre de Troye , nous a donné une Généalogie
complette de tous les descendans
de Caïn jusqu'au tems d'Abraham
Cela est néanmoins vrai , et il le fait sur
l'autorité de Cumberland. Le Protogone et
P'Eon sont le même couple qu'Adam et
Eve , leurs Enfans Genus et Genua sont
Caïn et sa femme comme on dit dans
la Loy civile , Caïus et Caïa, p. 143. et
pour en convaincre ,il faut voir comment
il déchire et décompose ces mots. De
ces descendans de Carn , combien tiret'il
d'origines curieuses ? p. 144. ct
suiv. La coûtume d'offrir du sang aux
déitez inférieures , et une partie de la
chair des bêtes tuées à la Chasse ; le culte
rendu aux hommes après leur mort ;
la premiere statuë qui leur est élevée , le
premier Temple bâti en leur honneur
Elion ou le Très-Haut est Lamech pere
de Noë celui- ci est Vrane , et son premier
fils Cronus ou Saturne est Cham comme
on aura soin de le prouver dans la suite
Voila ce qui s'appelle du neuf. Mais si
1. Vol. VOUS B
2566 MERCURE DE FRANCE
vous demandez pourquoi Sanchoniaton
n'a point parlé du Déluge dans le cours
de son récit, lui qui rapporte tant d'autres
événemens de peu de conséquence, on vous
répondra que ce fléau étant en partie le
fléau de l'idolatrie , les Payens ont tâché
d'abolir la mémoire d'un monument si
extraordinaire de la vangeance divine et
de leur propre honte.
Cela est bientôt dit. Mais comment
Sanchoniaton et les autres Payens poste
rieurs de plusieurs siècles au Déluge , en
avoient- ils connoissance ? Quelle Histoi
re anterieure subsistoit après ce ravage
universel ? Dans quelle urne , dans quelle
capse , dans quel coffre de fer l'avoit - on
mise pout la sauver du naufrage ? Qui en
avoit eu la pensée et la précaution ? Je
comprens comment Moyse inspiré par
le S. Esprit , et conduit par une tradition
miraculeusement conservée , nous a
tracé succintement l'Histoire de ces tems
obscurs. Mais je n'imagine point par quel
canal , Sanchoniathon , mille ans après
a pénetré dans ce mystere. Néanmoins
suivant ces Messieurs il le savoit et
mieux que Moyse , puisque ce S. Patriarche
Legislateur a ômis deux Genérations
qu'il faut remplir et réformer par la Iu ,
miere de l'Auteur Phenicien p. 148,
I, Vol
Dites
DECEMBRE.
1733 2567
Dites moi en votre conscience , l'auriezvous
jamais crû ?
Vous seriez encore bien plus étonné si
je vous disois ce qu'on raconte d'après
Berose : Qu'un Poisson à deux têtes fut
le premier maître qui instruisit les Caldéens
; que cet animal aquatique et de fi .
gure monstrueuse étoit Adam, et que dix
autres animaux de même sorte sont les
dix Patriarches qui suivirent jusqu'au
Déluge , p. 149. et suiv. Le tout conforme
à la Chronologie Samaritaine , suivant
la réformation de l'ancien Calen
drier Babilonien.
Autre découverte. Voici encore 113 ]
Générations pendant l'espace de 36525
ans de compte fait , qui ont occupé le
Trône de l'Egypte depuis le commencement
du Monde . Toute cette succession
est divisée en trois Races , les Aurites ,
les Mestréens , et les Egyptiens jusqu'à
Alexandre , p . 15;. L'on ajoûte , p • 154 .
et cette Hypothese, comme nous le
verons bien- tôt , s'accorde passablement
bien avec la Chronologie. Cependant ,
comme ce nombre paroît un peu exorbitant
, on aime mieux s'en rapporter à
Manethon , comme à celui de qui l'on
doit principalement puiser l'Histoire
d'Egypte . Et ce Prêtre d'Heliopolis qui
prou-
1. Vol. Bij l'écrivi
2568 MERCURE DE FRANCE
磕
l'écrivit par l'ordre de Philadelphe , est
beaucoup plus modeste , ne donnant que
9000 ans à Vulcain le premier Roy , qui
en font 750. des nôtres .
י
Tout cela vous paroît des réveries , et
vous avez d'autant plus raison , qu'elles
ne sont fondées que sur l'imagination et
sur les Fables du Paganisme.Ces Messieurs
trouvent cependant qu'elles s'accordent
passablement bien avec la Chronologie
et ils veulent s'en servir pour rectifier les
Généalogies de Moyse . Ils ont oublié, par
malheur pour nous , de dire comment
cela se peut faire ; et j'en suis aussi embarrassé
que de pouvoir concilier les differens
articles du jugement qu'ils en.
portent. » Nous venons , disenr- ils, de
» rassembler les differentes parties les
plus essentielles de l'Histoire du Mon-
» de avant le Déluge , que nous ayons
» pù trouver dans les Auteurs profanes,
Quelques- unes de ces parties ne sont pas
» destituées d'un certain air de verité.Ĉependant
à les prendre en général, elles
» nous paroissent peu dignes de croyance.
Nous osons néanmoins nous flatter que
» comme tout ce qui est marqué au coin
» d'une antiquité fort reculée mérite no-
» tre curiosité on ne regardera pas la
peine que nous avons prise comme en-
I. Vol. « ticrement
»
>
D'ECEMBR E. 1733. 2589°
tierement inutile. » Pesez bien cette
Sentence , elle vaudroit elle seule une
Lettre toute entiere.
,
Il n'y a , comme vous voyez , rien de
sûr dans tout cela,et leLecteur après avoir
medité deux cent pages d'un grand in 4°.
sçait moins à quoi s'en tenir que s'il n'avoit
lû que les six premiers chap. de la
Genése. Et comment celui qui a redigé
Ouvrage auroit- il pûr nous donner quelque
chose de net et un sistême suivi ,
lui qui n'en avoit pas pour soi-même ?
Inclinant à vouloir faire passer le Sanchoniathon
Berose , et la Chronique
Egyptienne pour des monumens qui ne
manquent pas d'un certain air de verité , il
adopte le calcul Hebreu , comme le plus .
long , pour les siècles qui ont précédé le
Déluge. Mais ce Texte a perdu , selon lui ,
toute son autenticité dans ce naufrage . Il
a été corrompu par les Juifs , qui vou .
loient décliner la force des Oracles , et il
est trop resserré pour contenir les fairs
qui se sont passez depuis le Déluge jusqu'à
la naissance de Phaleg. C'est le Smaritain
que l'on veut ici parce qu'il
contient 300 ans. de plus dans cet espace.
,
Quelqu'un qui voudroit voir clair dans
ses lectures,et se fonder en raison , deman ,
I. Vol.
deroit
Biij
2570 MERCURE DE FRANCE
deroit naturellement la preuve de ees
interpolations de l'un et de l'autre Texte
dans ces différens âges . Mais ce seroit un
curieux importun auquel on ne daigne
pas répondre. Toute la raison qu'on a
de changer de régle , c'est que l'un convient
mieux que l'autre dans les différentes
circonstances . Ainsi c'est l'Ecriture
qu'on ajuste sur l'Histoire profane ; au
lieu qu'il faudroit regler l'Histoire profane
sur l'autorité de l'Ecriture.
Le grand motif qui fait ici abandonner
le Texte Hebreu est l'impossibilité
de faire commencer la dispersion des
peuples 100 ans après le Déluge , époque
de la naissance de Phaleg ; et de trouver
53 Conducteurs , accompagnez chacun
d'une multitude capable de former le
même nombre des Colonies . Voilà ce
que le Traducteur appelle ingenieusement
la Croix de ceux qui suivent le Texte
Hebreu p. 285. Mais cette Croix n'est
gueres difficile à porter ; et qui pourroit
croire que personne n'a mieux réussi
que ces Messieurs à en diminuer le
poids ?
Tout ce qu'ils disent pour faire voir
que le Genre humain n'étoit pas assez
multiplié un siécle après le Déluge pour
former des Colonies , démontre évidem-
1. Vol. ment
DECEMBRE. 1733. 57%
ment que la chose étoit possible , naturelle
, et peut-être même nécessaire. Je
vous prens volontiers pour nôtre Juge.
Personne n'avoit encore traité si au long
ce point qui est vraiment curieux . Ces
Messieurs , recueillent avec soin les différens
calculs qu'ont fait d'habiles Auteurs
pour montrer jusqu'où alloit la
propagation des hommes chaque siécle
après ' e Déluge.
Suivant le P. Petau la terre contenoit
32768 Enfans mâles cent ans après la
réparation du Genre humain ; et 185 ans
après , il
avoit 155
y fois plus d'habitans
qu'on ne lui en suppose aujourd'hui .
Cumberland n'en trouve que trente mille,
101 ans après le Déluge. 40 ans après il en
augmente le nombre au delà de 300000.et
encore 40 ans après il le fait monter à
3000000, Quelques - uns sont plus moderez
, et ne comptent qu'environ 23000
hommes , d'autres 14000 à la naissance de
Phaleg.
Tout le monde qui double et au delà ,
si l'on y comprend les femmes , ne paroît
pas suffisant à ces Messieurs pour occasionner
la dispersion . Ils veulent attendre
encore 300 ans , c'est- à - dire jusqu'à
ce qu'il y ait , suivant le P. Petau , 247 ,
224,717 , 456 , hommes , ou un peu
I. Vol. Biiij moins
2572 MERCURE DE FRANCE
moins selon d'autres. Alors il auroit été
certainement bien forcé de se séparer ; et
je défie qu'on eût pâ attendre si longtems.
En supposant avec le Texte Hebreu que
la confusion des Langues est arrivée 100
ans après le Déluge , n'obligeoit t'ellepas
les hommes à se diviser suivant la
différence des familles et de leurs idiomes ?
Ils n'avoient pas besoin pour cet effet
d'être en plus grande quantité , ils s'augmentoient
assez de jour en jour , et l'Ecriture
ne dit pas que leur séparation se
fit dans la même semaine ou la même année
, il est très probable qu'il y eut des
intervales plus ou moins grands. Cette
réponse est d'autant plus solide qu'elle
est fondée sur la nature du sujet , qu'elle
tombe sous les sens , et qu'elle démontre
la suffisance du Texte Hebreu .
Mais ce qui va vous surprendre , c'est
qu'elle n'est pas de moi ; et que je la trouve
toute entiere dans ces Mrs, sujets à édifier
et à détruire de la même main. Voici
leurs paroles , p . 292. a Il faut considerer
que chacune de ces Colonies crois-
» soit à proportion qu'elles s'éloignoient
» davantage du centre de leur dispersion
avant que d'arriver au Pays où elles
» fixèrent ensuite leur séjour ; car la terre
1. Vol
DECEMBRE . 1733. 2573
8
» ne fut pas peuplée en une seule fois
» mais par dégrez , par où il paroît qu'il
» n'est nullement besoin de faire des ef-
» forts pour augmenter le Genre humain.
» au tems de la dispersion . » Et moi j'ajoûte
par la même raison qu'il n'étoit pas
nécessaire d'abandonner le Texte par le--
quel on avoit commencé sa Chronologie,
puisqu'il suffisoit pour donner le tems.
aux hommes de se multiplier , et que la
présomption est principalement en
faveur , comme l'ont remarqué les Peres.
On ne peut faire autrement , dit- on
p. 205. puisqu'au tems d'Abraham , qui
seroit suivant le calcul 427 ans , depuis
le Déluge,il y avoit sur la Terre plusieurs
Villes bâties , des Royaumes fondez , er
des Monarques dont l'Empire s'étendoit
depuis la Perse jusqu'au Pays de Canaan .
Tout cela est vrai ; mais si ces Mrs. le
donnent pour une objection solide ; qu'ils
nous dispensent d'en juger de même..
1. En suivant la supputation des Auteurs
qui ont compté les hommes qu'il !
y auroit dû avoir en ce tems là , on verra
que le nombre en est plus que suisant
pour faire des Royaumes très peu-.
plez quand même on s'attacheroit à
ceux qui l'ont plus, diminué. 2 °. Quels
étoient ces Rois ? Il en faut juger pas
1. Vol .
By
2574 MERCURE DE FRANCE
quatre
ce qui arriva à Abraham , qui en fit fuir
devant lui avec 318 hommes.
3 °. On appelloit alors Roy le Maître d'une
petite Contrée , peuplée ou non , le
chef d'une famille ou d'un village , quia
regebat. 4 ° . Mille ou neuf cent ans après
le Déluge , on voyoit encore dans le
Peloponese un Roy de Cerinthe , un
d'Argos , un de Sicyone , un de Mycènes
, un ou plusieurs dans l'Elide , un à
Orchomène , un à Messéne et un autre
à Lacédémone ; cependant toute cette
presqu'Isle n'a pas plus d'étendue que la
Lorraine. Que dirions- nous de neuf ou
dix Rois qui n'auroient que ce Duché
pour appanages Ce ne sont donc point
là des difficultez assez graves pour déroger
à l'autorité du Texte hebreu .
Tels sont les Préliminaires de ces Mrs.
de qui l'on peut diré avec une égale verité
, que personne ne sait plus de choses
sur l'introduction à l'Histoire , et que
personne n'en a des idées moins nettes.
Ils entrent ensuite dans le détail des Peuples
et des Monarchies , et c'est par les
Egyptiens qu'ils commencent. Je me suis
engagé à vous en dire quelque chose ; il
est juste de tenir ma parole.
Ce point y est traité dans le même
goût ; c'est -à - dire , avec une abondance
I. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2575
de recherches et d'érudition qu'on avoit
droit d'attendre d'une habile Societé de
Gens de Lettres. Mais ils se sont contentez
de mettre sous les yeux du Lecteur un
amas de faits qui ne laissent rien à désirer
sur la matiere, que l'ordre et le discernement.
Ils vont même plus loin. Ils raportent
avec diffusion les disputes et les
sentimens de tous les Auteurs sur chaque
point en particulier , et n'omettent rien
de part et d'autre . Mais en Ecrivains
humbles et timides , on ne les voit presque
jamais prendre de parti. Comme les regles
de la Critique ne leur ont point appris à
décider dans la diversité des opinions, ils
doutent et hésitent sur tout , et laissent
les autres dans la même incertitude. L'Analyse
que je vais faire de cette Partie
vous en convaincra,
W
» L'on remarque , disent -ils , de si
grands vuides et des erreurs si manifestes
» dans les successions des Rois d'Egypte ,
que ce seroit une peine très inutile que
de vouloir les ranger dans un ordre
> Chronologique
, qui les accordât entr'elles
, aussi bien qu'avec l'Ecriture
p. 426. « La Chronique
de Marsham
est pleine d'une érudition
admirable
» mais par malheur il s'est attaché trop
scrupuleusement
à la Chronologie
du
2
"
1. Vole B vj » Texte
2576 MERCURE DE FRANCE
Texte hebreu. Attachement qui l'obli-
» ge à supposer que Mènes a été Cham et
point Mizraim , et de faire commancer
son regne, en dépit du bon sens , im-
» médiatement , ( c'est- à- dire plus d'un
ן כ
siécle ) après le Déluge , p. 430. Tous
» les plus grands Hommes ne sçavent ce
» qu'ils disent là - dessus ; et l'on avouë
>> ingenûment que l'on ne comprend pas
.commentle projet d'accorder la Chro-
» nologie Egyptienne des premiers siecles
»avec la nôtre, à la légere différence de
quelques années près, a pû entrer dans
»l'esprit des gens sensez et ce qui a aug-
» menté l'étonnement est le ton décisif
» que quelques uns d'eux ont pris dans
» une matiere aussi incertaine , p . 434.
» Enfin la chose la moins vraisemblable
» est que Menès ait pû commencer son
» regne deux siècles après le Déluge , p.
» 435...
Il n'y a que l'incomparable , Newton qui
7. entende quelque chose . Cet illustre
Auteur ( oui en fait de Mathématique )
croit que Sesostris étoit Osiris . C'est pourquoi
il place après lui , Menès ( que to s
les Anciens ont regardé comme le premier
Roy d'Egypte. ) Et par une conséquence
nécessaire aussi bien - que pour
d'autres raisons , il change la succession
Le Vol. des
DECEMBRE. 1733
2577
des Rois d'Egypte de sa propre autorité
et voici l'ordre qu'il y met: Sasostris , Phee
ron, Proteus, Menès , Rhampsinitus Maris,
Cheops , Cephren , Mycerinus , Nitocris
&c. C'est comme si l'on arrangeoit ainsi
les Rois de France , Charles- Magne, Henri
IV. S.Louis,Mérovée, Pharamond , Il suppose
que Ménès a été le même qu'Aménophis
( le quel ? ) et Memnon , et que
par corruption on l'a appellé : Menès, Minès
, Mineus, Minies , Minevis, Enephes,
Venephes, Phamenophis , Osymanthias , Osimandes
, Ismandes , Imandes , Memnon
Arminon. Papa? Qui est ce qui le croira ?
Suivant cette hypothése , Menès ( reconnu
presqu'universellement pour fils de
Cham ) est plus ancien d'environ trois
cent ans que Psammétique , qui vivoit du
temps de Manassès. Ces découvertes ne
sont -elles pas incomparables , ou plutôt
ne sont- elles pas avancées en dépit du bon
sens, pour me servir de l'élégante expres
sion du Traducteur ?
$
-
Cependant il est vrai que ces Messieurs
se contentent d'admirer ces productions ,
sans les adopter,mais M.Newton ne pour
roit pas s'en fâcher , puisqu'ils rejettent
tout systême , et ne veulent commencer
leur Chronologie qu'à Psammétique.Mais
quoi ! falloit- il donc tant d'esprit pour
I. Vol. voie
2578 MERCURE DE FRANCE
voir
que
Sésac est nommé dans l'Ecriture
à côté de Salomon ? Hérodote ne dit- il
pas que Protée regnoit pendant le Siége
de Troye? Voilà donc la Chronologie remontée
déjà de seo ans. Quel pouvoit
être le Roy qui entréprit ces grands travaux
, qui accablerent les Israëlites ? Hérodote
et Diodore le peignent assez par
l'histoire de Sesostris. Il ne falloit donc
pas avoir une grande sagacité pour donner
de l'ordre à l'histoire des Egyptiens
avant la décadence de leur Empire , eton
peut l'assurer sans prendre le ton décisif.
Il est des yeux qu'un trop grand jour
éblouit. Frappez par les preuves et les objections
de tous les Systêmes Chronologiques
, ces Messieurs y ont vu par tout
du fort et du foible ; ils ont crû qu'on ne
pouvoit rien proposer de mieux que ce
qu'ils trouvoient dans des Ecrivains du
premier Ordre , quoiqu'ils n'ayent pas
consulté ce qu'on nous a donné en France
depuis quelques - temps , qui répand sur
ce sujet plus de lumiere qu'il n'y en avoit
jamais eu ; ils ont mieux aimé raconter
les sentimens d'autrui que d'en hazarder
un d'eux - mêmes , et c'est la méthode
qu'ils observent dans tout le reste de cette
Histoire particuliere ; ensorte qu'on
pourroit l'appeller une Histoire , in utram-
1. Vol.
que
DECEMBRE. 1733. 2579
que
que partem; pour et contre. Je ne choisis
trois exemples entre mille, parce qu'il est
temps de finir. On rapporte tout de suite
98 Systêmes de Chronologie , sans dire seulement
si dans tout ce nombre il y en a
un de bon. Pour sçavoir qui étoit Menès ,
il y a une belle et grande Note de 2 pages
in 4° , en petit texte , fort serré , où l'on
transcrit les raisons de Périzonius , de
Marsham , de Pezron et de M. Newton .
C'est bien pis sur Sésostris; il y a près de
neuf pages entieres de même caractere ,
fort serré , qui en feroient au moins 20
d'un in 12 ordinaire , pour rapporter la
dispute des mêmes Ecrivains, auxquels or
ajoute M.Wisthon quien occupe la meilleure
partie ,pour discuter si ce Prince est
le même que Sézac . Cela n'est- il pas bien
amusant ? On promet neanmoins de rapporter
ces sentimens en moins de paroles
qu'il sera possible . Que seroit- ce donc si
l'on avoit osé se livrer à soi- même ? Il met
vient en pensée un meilleur Titre , que
ces Messieurs auroient pû donner à leur
Ouvrage ; ils auroient dû mettre , ce me
semble , Histoire de ce qu'ont pensé tous les
Auteurs sur l'ancien Empire des Egyptiens,
jusqu'à Alexandre. En voilà assez pour une
Lettre. Si vous exigiez absolument que je
vous donnasse d'autres Extraits sur le rés-
1. Vol.
te
2580 MERCURE DE FRANCE
te de ce volume , j'aurois de la peine à
vous refuser ; mais je vais prévenir toute
difficulté en vous priant de ne me plus
rien demander. Je suis , & c..
sur la Chronologie de la nouvelle Histoire
Universelle traduite de l'Anglais-
V
Ous êtes donc content de ma premiere
Lettre , Monsieur ; la maniere
obligeante dont vous m'en parlez
est pour moi un nouvel engagement de
tenir ma parole . C'est de la Chronologie
en général , et de celle de l'Histoire des
Egyptiens que je vous rendrai compte
aujourd'hui . Et quand même ces Messieurs
auroient connoissance de mes Réfléxions
, ils n'en seroient ni surpris ni
fâchez , puisqu'ils avoüent d'avance qu'il
1. Vol.
2564 MERCURE DE FRANCE
y aura sans doute des fautes dans leur
ouvrage , car il n'en paroîtra , selon cux,
de parfait que l'année où l'on trouvera
le mouvement perpetuel et la Pierre
Philosophale. Mais ils se flattent aussi
de n'avoir commis que des fautes excusables,
Avis au Lecteur. Vous en serez
le Juge..
Tous ceux qui ont entrepris d'écrire
sur l'Histoire ancienne , se sont toujours
tourmentez pour trouver une regle sure
de Chronologie , les Septante ne sont
plus gueres de mise , et la préference
roule aujourd'hui entre l'Hebreu et le
Samaritain . Ces Messieurs prennent une
nouvelle route , ils suivent tantôt l'un >
tantôt l'autre de ces derniers textes , ne
les reconnoissant pour autentiques que
quand et comme ils le Jugent à propos.
C'est encore un autre principe autorisé
par la foi et par la raison que nous n'avons
aucune autre connoissance de l'Histoire
anterieure au Déluge que le peu qui s'en
trouve dans les Livres de Moyse. Ils le
reconnoissent comme nous . Aucune nation
, disent- ils , n'a porté son Histoire
au- delà du Déluge , au moins avec quelque
fondement avis au Lecteur p. 8.
et ailleurs , les Ecrits de Moyse sont les
seuls Monuments autentiques que nous
1. Vol. ayons
DECEMBRE. 1733 2565,
1
ayons
prouver que
›
,
de ces tems éloignez page. 142 .
Après tous ces aveus , qui s'attendroit
que le Compilateur va entreprendre de
le Sanchoniathon Auteur
Phénicien , qui vivoit même avant la
Guerre de Troye , nous a donné une Généalogie
complette de tous les descendans
de Caïn jusqu'au tems d'Abraham
Cela est néanmoins vrai , et il le fait sur
l'autorité de Cumberland. Le Protogone et
P'Eon sont le même couple qu'Adam et
Eve , leurs Enfans Genus et Genua sont
Caïn et sa femme comme on dit dans
la Loy civile , Caïus et Caïa, p. 143. et
pour en convaincre ,il faut voir comment
il déchire et décompose ces mots. De
ces descendans de Carn , combien tiret'il
d'origines curieuses ? p. 144. ct
suiv. La coûtume d'offrir du sang aux
déitez inférieures , et une partie de la
chair des bêtes tuées à la Chasse ; le culte
rendu aux hommes après leur mort ;
la premiere statuë qui leur est élevée , le
premier Temple bâti en leur honneur
Elion ou le Très-Haut est Lamech pere
de Noë celui- ci est Vrane , et son premier
fils Cronus ou Saturne est Cham comme
on aura soin de le prouver dans la suite
Voila ce qui s'appelle du neuf. Mais si
1. Vol. VOUS B
2566 MERCURE DE FRANCE
vous demandez pourquoi Sanchoniaton
n'a point parlé du Déluge dans le cours
de son récit, lui qui rapporte tant d'autres
événemens de peu de conséquence, on vous
répondra que ce fléau étant en partie le
fléau de l'idolatrie , les Payens ont tâché
d'abolir la mémoire d'un monument si
extraordinaire de la vangeance divine et
de leur propre honte.
Cela est bientôt dit. Mais comment
Sanchoniaton et les autres Payens poste
rieurs de plusieurs siècles au Déluge , en
avoient- ils connoissance ? Quelle Histoi
re anterieure subsistoit après ce ravage
universel ? Dans quelle urne , dans quelle
capse , dans quel coffre de fer l'avoit - on
mise pout la sauver du naufrage ? Qui en
avoit eu la pensée et la précaution ? Je
comprens comment Moyse inspiré par
le S. Esprit , et conduit par une tradition
miraculeusement conservée , nous a
tracé succintement l'Histoire de ces tems
obscurs. Mais je n'imagine point par quel
canal , Sanchoniathon , mille ans après
a pénetré dans ce mystere. Néanmoins
suivant ces Messieurs il le savoit et
mieux que Moyse , puisque ce S. Patriarche
Legislateur a ômis deux Genérations
qu'il faut remplir et réformer par la Iu ,
miere de l'Auteur Phenicien p. 148,
I, Vol
Dites
DECEMBRE.
1733 2567
Dites moi en votre conscience , l'auriezvous
jamais crû ?
Vous seriez encore bien plus étonné si
je vous disois ce qu'on raconte d'après
Berose : Qu'un Poisson à deux têtes fut
le premier maître qui instruisit les Caldéens
; que cet animal aquatique et de fi .
gure monstrueuse étoit Adam, et que dix
autres animaux de même sorte sont les
dix Patriarches qui suivirent jusqu'au
Déluge , p. 149. et suiv. Le tout conforme
à la Chronologie Samaritaine , suivant
la réformation de l'ancien Calen
drier Babilonien.
Autre découverte. Voici encore 113 ]
Générations pendant l'espace de 36525
ans de compte fait , qui ont occupé le
Trône de l'Egypte depuis le commencement
du Monde . Toute cette succession
est divisée en trois Races , les Aurites ,
les Mestréens , et les Egyptiens jusqu'à
Alexandre , p . 15;. L'on ajoûte , p • 154 .
et cette Hypothese, comme nous le
verons bien- tôt , s'accorde passablement
bien avec la Chronologie. Cependant ,
comme ce nombre paroît un peu exorbitant
, on aime mieux s'en rapporter à
Manethon , comme à celui de qui l'on
doit principalement puiser l'Histoire
d'Egypte . Et ce Prêtre d'Heliopolis qui
prou-
1. Vol. Bij l'écrivi
2568 MERCURE DE FRANCE
磕
l'écrivit par l'ordre de Philadelphe , est
beaucoup plus modeste , ne donnant que
9000 ans à Vulcain le premier Roy , qui
en font 750. des nôtres .
י
Tout cela vous paroît des réveries , et
vous avez d'autant plus raison , qu'elles
ne sont fondées que sur l'imagination et
sur les Fables du Paganisme.Ces Messieurs
trouvent cependant qu'elles s'accordent
passablement bien avec la Chronologie
et ils veulent s'en servir pour rectifier les
Généalogies de Moyse . Ils ont oublié, par
malheur pour nous , de dire comment
cela se peut faire ; et j'en suis aussi embarrassé
que de pouvoir concilier les differens
articles du jugement qu'ils en.
portent. » Nous venons , disenr- ils, de
» rassembler les differentes parties les
plus essentielles de l'Histoire du Mon-
» de avant le Déluge , que nous ayons
» pù trouver dans les Auteurs profanes,
Quelques- unes de ces parties ne sont pas
» destituées d'un certain air de verité.Ĉependant
à les prendre en général, elles
» nous paroissent peu dignes de croyance.
Nous osons néanmoins nous flatter que
» comme tout ce qui est marqué au coin
» d'une antiquité fort reculée mérite no-
» tre curiosité on ne regardera pas la
peine que nous avons prise comme en-
I. Vol. « ticrement
»
>
D'ECEMBR E. 1733. 2589°
tierement inutile. » Pesez bien cette
Sentence , elle vaudroit elle seule une
Lettre toute entiere.
,
Il n'y a , comme vous voyez , rien de
sûr dans tout cela,et leLecteur après avoir
medité deux cent pages d'un grand in 4°.
sçait moins à quoi s'en tenir que s'il n'avoit
lû que les six premiers chap. de la
Genése. Et comment celui qui a redigé
Ouvrage auroit- il pûr nous donner quelque
chose de net et un sistême suivi ,
lui qui n'en avoit pas pour soi-même ?
Inclinant à vouloir faire passer le Sanchoniathon
Berose , et la Chronique
Egyptienne pour des monumens qui ne
manquent pas d'un certain air de verité , il
adopte le calcul Hebreu , comme le plus .
long , pour les siècles qui ont précédé le
Déluge. Mais ce Texte a perdu , selon lui ,
toute son autenticité dans ce naufrage . Il
a été corrompu par les Juifs , qui vou .
loient décliner la force des Oracles , et il
est trop resserré pour contenir les fairs
qui se sont passez depuis le Déluge jusqu'à
la naissance de Phaleg. C'est le Smaritain
que l'on veut ici parce qu'il
contient 300 ans. de plus dans cet espace.
,
Quelqu'un qui voudroit voir clair dans
ses lectures,et se fonder en raison , deman ,
I. Vol.
deroit
Biij
2570 MERCURE DE FRANCE
deroit naturellement la preuve de ees
interpolations de l'un et de l'autre Texte
dans ces différens âges . Mais ce seroit un
curieux importun auquel on ne daigne
pas répondre. Toute la raison qu'on a
de changer de régle , c'est que l'un convient
mieux que l'autre dans les différentes
circonstances . Ainsi c'est l'Ecriture
qu'on ajuste sur l'Histoire profane ; au
lieu qu'il faudroit regler l'Histoire profane
sur l'autorité de l'Ecriture.
Le grand motif qui fait ici abandonner
le Texte Hebreu est l'impossibilité
de faire commencer la dispersion des
peuples 100 ans après le Déluge , époque
de la naissance de Phaleg ; et de trouver
53 Conducteurs , accompagnez chacun
d'une multitude capable de former le
même nombre des Colonies . Voilà ce
que le Traducteur appelle ingenieusement
la Croix de ceux qui suivent le Texte
Hebreu p. 285. Mais cette Croix n'est
gueres difficile à porter ; et qui pourroit
croire que personne n'a mieux réussi
que ces Messieurs à en diminuer le
poids ?
Tout ce qu'ils disent pour faire voir
que le Genre humain n'étoit pas assez
multiplié un siécle après le Déluge pour
former des Colonies , démontre évidem-
1. Vol. ment
DECEMBRE. 1733. 57%
ment que la chose étoit possible , naturelle
, et peut-être même nécessaire. Je
vous prens volontiers pour nôtre Juge.
Personne n'avoit encore traité si au long
ce point qui est vraiment curieux . Ces
Messieurs , recueillent avec soin les différens
calculs qu'ont fait d'habiles Auteurs
pour montrer jusqu'où alloit la
propagation des hommes chaque siécle
après ' e Déluge.
Suivant le P. Petau la terre contenoit
32768 Enfans mâles cent ans après la
réparation du Genre humain ; et 185 ans
après , il
avoit 155
y fois plus d'habitans
qu'on ne lui en suppose aujourd'hui .
Cumberland n'en trouve que trente mille,
101 ans après le Déluge. 40 ans après il en
augmente le nombre au delà de 300000.et
encore 40 ans après il le fait monter à
3000000, Quelques - uns sont plus moderez
, et ne comptent qu'environ 23000
hommes , d'autres 14000 à la naissance de
Phaleg.
Tout le monde qui double et au delà ,
si l'on y comprend les femmes , ne paroît
pas suffisant à ces Messieurs pour occasionner
la dispersion . Ils veulent attendre
encore 300 ans , c'est- à - dire jusqu'à
ce qu'il y ait , suivant le P. Petau , 247 ,
224,717 , 456 , hommes , ou un peu
I. Vol. Biiij moins
2572 MERCURE DE FRANCE
moins selon d'autres. Alors il auroit été
certainement bien forcé de se séparer ; et
je défie qu'on eût pâ attendre si longtems.
En supposant avec le Texte Hebreu que
la confusion des Langues est arrivée 100
ans après le Déluge , n'obligeoit t'ellepas
les hommes à se diviser suivant la
différence des familles et de leurs idiomes ?
Ils n'avoient pas besoin pour cet effet
d'être en plus grande quantité , ils s'augmentoient
assez de jour en jour , et l'Ecriture
ne dit pas que leur séparation se
fit dans la même semaine ou la même année
, il est très probable qu'il y eut des
intervales plus ou moins grands. Cette
réponse est d'autant plus solide qu'elle
est fondée sur la nature du sujet , qu'elle
tombe sous les sens , et qu'elle démontre
la suffisance du Texte Hebreu .
Mais ce qui va vous surprendre , c'est
qu'elle n'est pas de moi ; et que je la trouve
toute entiere dans ces Mrs, sujets à édifier
et à détruire de la même main. Voici
leurs paroles , p . 292. a Il faut considerer
que chacune de ces Colonies crois-
» soit à proportion qu'elles s'éloignoient
» davantage du centre de leur dispersion
avant que d'arriver au Pays où elles
» fixèrent ensuite leur séjour ; car la terre
1. Vol
DECEMBRE . 1733. 2573
8
» ne fut pas peuplée en une seule fois
» mais par dégrez , par où il paroît qu'il
» n'est nullement besoin de faire des ef-
» forts pour augmenter le Genre humain.
» au tems de la dispersion . » Et moi j'ajoûte
par la même raison qu'il n'étoit pas
nécessaire d'abandonner le Texte par le--
quel on avoit commencé sa Chronologie,
puisqu'il suffisoit pour donner le tems.
aux hommes de se multiplier , et que la
présomption est principalement en
faveur , comme l'ont remarqué les Peres.
On ne peut faire autrement , dit- on
p. 205. puisqu'au tems d'Abraham , qui
seroit suivant le calcul 427 ans , depuis
le Déluge,il y avoit sur la Terre plusieurs
Villes bâties , des Royaumes fondez , er
des Monarques dont l'Empire s'étendoit
depuis la Perse jusqu'au Pays de Canaan .
Tout cela est vrai ; mais si ces Mrs. le
donnent pour une objection solide ; qu'ils
nous dispensent d'en juger de même..
1. En suivant la supputation des Auteurs
qui ont compté les hommes qu'il !
y auroit dû avoir en ce tems là , on verra
que le nombre en est plus que suisant
pour faire des Royaumes très peu-.
plez quand même on s'attacheroit à
ceux qui l'ont plus, diminué. 2 °. Quels
étoient ces Rois ? Il en faut juger pas
1. Vol .
By
2574 MERCURE DE FRANCE
quatre
ce qui arriva à Abraham , qui en fit fuir
devant lui avec 318 hommes.
3 °. On appelloit alors Roy le Maître d'une
petite Contrée , peuplée ou non , le
chef d'une famille ou d'un village , quia
regebat. 4 ° . Mille ou neuf cent ans après
le Déluge , on voyoit encore dans le
Peloponese un Roy de Cerinthe , un
d'Argos , un de Sicyone , un de Mycènes
, un ou plusieurs dans l'Elide , un à
Orchomène , un à Messéne et un autre
à Lacédémone ; cependant toute cette
presqu'Isle n'a pas plus d'étendue que la
Lorraine. Que dirions- nous de neuf ou
dix Rois qui n'auroient que ce Duché
pour appanages Ce ne sont donc point
là des difficultez assez graves pour déroger
à l'autorité du Texte hebreu .
Tels sont les Préliminaires de ces Mrs.
de qui l'on peut diré avec une égale verité
, que personne ne sait plus de choses
sur l'introduction à l'Histoire , et que
personne n'en a des idées moins nettes.
Ils entrent ensuite dans le détail des Peuples
et des Monarchies , et c'est par les
Egyptiens qu'ils commencent. Je me suis
engagé à vous en dire quelque chose ; il
est juste de tenir ma parole.
Ce point y est traité dans le même
goût ; c'est -à - dire , avec une abondance
I. Vol. de
DECEMBRE. 1733. 2575
de recherches et d'érudition qu'on avoit
droit d'attendre d'une habile Societé de
Gens de Lettres. Mais ils se sont contentez
de mettre sous les yeux du Lecteur un
amas de faits qui ne laissent rien à désirer
sur la matiere, que l'ordre et le discernement.
Ils vont même plus loin. Ils raportent
avec diffusion les disputes et les
sentimens de tous les Auteurs sur chaque
point en particulier , et n'omettent rien
de part et d'autre . Mais en Ecrivains
humbles et timides , on ne les voit presque
jamais prendre de parti. Comme les regles
de la Critique ne leur ont point appris à
décider dans la diversité des opinions, ils
doutent et hésitent sur tout , et laissent
les autres dans la même incertitude. L'Analyse
que je vais faire de cette Partie
vous en convaincra,
W
» L'on remarque , disent -ils , de si
grands vuides et des erreurs si manifestes
» dans les successions des Rois d'Egypte ,
que ce seroit une peine très inutile que
de vouloir les ranger dans un ordre
> Chronologique
, qui les accordât entr'elles
, aussi bien qu'avec l'Ecriture
p. 426. « La Chronique
de Marsham
est pleine d'une érudition
admirable
» mais par malheur il s'est attaché trop
scrupuleusement
à la Chronologie
du
2
"
1. Vole B vj » Texte
2576 MERCURE DE FRANCE
Texte hebreu. Attachement qui l'obli-
» ge à supposer que Mènes a été Cham et
point Mizraim , et de faire commancer
son regne, en dépit du bon sens , im-
» médiatement , ( c'est- à- dire plus d'un
ן כ
siécle ) après le Déluge , p. 430. Tous
» les plus grands Hommes ne sçavent ce
» qu'ils disent là - dessus ; et l'on avouë
>> ingenûment que l'on ne comprend pas
.commentle projet d'accorder la Chro-
» nologie Egyptienne des premiers siecles
»avec la nôtre, à la légere différence de
quelques années près, a pû entrer dans
»l'esprit des gens sensez et ce qui a aug-
» menté l'étonnement est le ton décisif
» que quelques uns d'eux ont pris dans
» une matiere aussi incertaine , p . 434.
» Enfin la chose la moins vraisemblable
» est que Menès ait pû commencer son
» regne deux siècles après le Déluge , p.
» 435...
Il n'y a que l'incomparable , Newton qui
7. entende quelque chose . Cet illustre
Auteur ( oui en fait de Mathématique )
croit que Sesostris étoit Osiris . C'est pourquoi
il place après lui , Menès ( que to s
les Anciens ont regardé comme le premier
Roy d'Egypte. ) Et par une conséquence
nécessaire aussi bien - que pour
d'autres raisons , il change la succession
Le Vol. des
DECEMBRE. 1733
2577
des Rois d'Egypte de sa propre autorité
et voici l'ordre qu'il y met: Sasostris , Phee
ron, Proteus, Menès , Rhampsinitus Maris,
Cheops , Cephren , Mycerinus , Nitocris
&c. C'est comme si l'on arrangeoit ainsi
les Rois de France , Charles- Magne, Henri
IV. S.Louis,Mérovée, Pharamond , Il suppose
que Ménès a été le même qu'Aménophis
( le quel ? ) et Memnon , et que
par corruption on l'a appellé : Menès, Minès
, Mineus, Minies , Minevis, Enephes,
Venephes, Phamenophis , Osymanthias , Osimandes
, Ismandes , Imandes , Memnon
Arminon. Papa? Qui est ce qui le croira ?
Suivant cette hypothése , Menès ( reconnu
presqu'universellement pour fils de
Cham ) est plus ancien d'environ trois
cent ans que Psammétique , qui vivoit du
temps de Manassès. Ces découvertes ne
sont -elles pas incomparables , ou plutôt
ne sont- elles pas avancées en dépit du bon
sens, pour me servir de l'élégante expres
sion du Traducteur ?
$
-
Cependant il est vrai que ces Messieurs
se contentent d'admirer ces productions ,
sans les adopter,mais M.Newton ne pour
roit pas s'en fâcher , puisqu'ils rejettent
tout systême , et ne veulent commencer
leur Chronologie qu'à Psammétique.Mais
quoi ! falloit- il donc tant d'esprit pour
I. Vol. voie
2578 MERCURE DE FRANCE
voir
que
Sésac est nommé dans l'Ecriture
à côté de Salomon ? Hérodote ne dit- il
pas que Protée regnoit pendant le Siége
de Troye? Voilà donc la Chronologie remontée
déjà de seo ans. Quel pouvoit
être le Roy qui entréprit ces grands travaux
, qui accablerent les Israëlites ? Hérodote
et Diodore le peignent assez par
l'histoire de Sesostris. Il ne falloit donc
pas avoir une grande sagacité pour donner
de l'ordre à l'histoire des Egyptiens
avant la décadence de leur Empire , eton
peut l'assurer sans prendre le ton décisif.
Il est des yeux qu'un trop grand jour
éblouit. Frappez par les preuves et les objections
de tous les Systêmes Chronologiques
, ces Messieurs y ont vu par tout
du fort et du foible ; ils ont crû qu'on ne
pouvoit rien proposer de mieux que ce
qu'ils trouvoient dans des Ecrivains du
premier Ordre , quoiqu'ils n'ayent pas
consulté ce qu'on nous a donné en France
depuis quelques - temps , qui répand sur
ce sujet plus de lumiere qu'il n'y en avoit
jamais eu ; ils ont mieux aimé raconter
les sentimens d'autrui que d'en hazarder
un d'eux - mêmes , et c'est la méthode
qu'ils observent dans tout le reste de cette
Histoire particuliere ; ensorte qu'on
pourroit l'appeller une Histoire , in utram-
1. Vol.
que
DECEMBRE. 1733. 2579
que
que partem; pour et contre. Je ne choisis
trois exemples entre mille, parce qu'il est
temps de finir. On rapporte tout de suite
98 Systêmes de Chronologie , sans dire seulement
si dans tout ce nombre il y en a
un de bon. Pour sçavoir qui étoit Menès ,
il y a une belle et grande Note de 2 pages
in 4° , en petit texte , fort serré , où l'on
transcrit les raisons de Périzonius , de
Marsham , de Pezron et de M. Newton .
C'est bien pis sur Sésostris; il y a près de
neuf pages entieres de même caractere ,
fort serré , qui en feroient au moins 20
d'un in 12 ordinaire , pour rapporter la
dispute des mêmes Ecrivains, auxquels or
ajoute M.Wisthon quien occupe la meilleure
partie ,pour discuter si ce Prince est
le même que Sézac . Cela n'est- il pas bien
amusant ? On promet neanmoins de rapporter
ces sentimens en moins de paroles
qu'il sera possible . Que seroit- ce donc si
l'on avoit osé se livrer à soi- même ? Il met
vient en pensée un meilleur Titre , que
ces Messieurs auroient pû donner à leur
Ouvrage ; ils auroient dû mettre , ce me
semble , Histoire de ce qu'ont pensé tous les
Auteurs sur l'ancien Empire des Egyptiens,
jusqu'à Alexandre. En voilà assez pour une
Lettre. Si vous exigiez absolument que je
vous donnasse d'autres Extraits sur le rés-
1. Vol.
te
2580 MERCURE DE FRANCE
te de ce volume , j'aurois de la peine à
vous refuser ; mais je vais prévenir toute
difficulté en vous priant de ne me plus
rien demander. Je suis , & c..
Fermer
Résumé : SECONDE LETTRE CRITIQUE, sur la Chronologie de la nouvelle Histoire Universelle traduite de l'Anglois.
La lettre critique examine la chronologie de la nouvelle Histoire Universelle traduite de l'anglais, en se concentrant particulièrement sur l'Histoire des Égyptiens. L'auteur souligne les difficultés rencontrées par les historiens pour établir une chronologie précise de l'histoire ancienne, notamment les débats entre les textes hébreux et samaritains. Les auteurs de l'ouvrage adoptent une approche flexible, alternant entre ces textes selon leur convenance, et reconnaissent les écrits de Moïse comme les seuls monuments authentiques pour l'histoire antérieure au Déluge. Cependant, ils introduisent des éléments controversés, comme la généalogie de Sanchoniathon, un auteur phénicien, qui fournit une généalogie complète des descendants de Caïn jusqu'à Abraham. La lettre critique met en doute la fiabilité des sources païennes et des découvertes surprenantes, telles que celle de Berose, qui parle d'un poisson à deux têtes comme premier maître des Chaldéens. Les auteurs de l'ouvrage tentent de concilier ces fables païennes avec la chronologie biblique, mais l'auteur de la lettre trouve ces efforts peu convaincants et fondés sur l'imagination. En conclusion, la lettre critique remet en question la fiabilité de l'ouvrage, notant que le lecteur reste incertain après avoir lu des centaines de pages. L'auteur critique également la méthode des compilateurs, qui ajustent l'Écriture sur l'histoire profane plutôt que l'inverse. Le texte discute également de la complexité de la chronologie des rois de la Grèce antique, notamment en Peloponnèse, et compare cette situation à une hypothétique répartition de rois en Lorraine. Il critique les préliminaires d'un ouvrage sur l'histoire, soulignant que leurs auteurs, bien que très érudits, manquent de clarté et de discernement. Les auteurs de l'ouvrage compilent abondamment des faits et des disputes entre différents auteurs, mais évitent de prendre parti, laissant ainsi le lecteur dans l'incertitude. Ils commencent leur chronologie à Psammétique, rejetant tout système chronologique antérieur. Le texte conclut en qualifiant l'ouvrage d'« Histoire in utramque partem », c'est-à-dire une histoire qui présente les arguments pour et contre sans prendre parti.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 891-901
LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
Début :
MONSIEUR, J'ai reçu avec reconnoissance les deux volumes de votre [...]
Mots clefs :
David, Prophétie, Exemplaires grecs, Septante, Version, Grecs, Texte, Origène, Hébreu, Hébreux, Anciens, Juifs, Termes, Autorité, Justin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
LETTRE du R. P. Dom Augustin
Calmet , Abbé de Senones , au sujet de
la Prophétie attribuée au Roy David, & c.
MoxONSIEUR ,
J'ai reçu avec reconnoissance les deux
volumes de votre Journal , dans lesquels
sont deux Lettres , l'une de vous , Monsieur
, et l'autre du R. P. Tournemine ,
sur ces paroles du Pseaume XCV v. 19.
Dicite in gentibus, quia Dominus regnavis
&c. Il est question de sçavoir si ces mots:
regnavit à ligno , que l'on explique du
Regne de J. C. par sa Croix , sçavoir
dis-je , si ces mots à ligno étoient originairement
au moins dans quelques.
Exemplaires du texte Hebreu ,si les Septante
interprêtes les y ont lûs , et les ont
inserez dans leur version ,, si c'est delà
qu'ils sont passez dans les anciennes Editions
latines , où la plûpart des anciens
Peres Latins , jusqu'au neuvième siècle
les ont lûs , ou si c'est une addition faite
après coup par quelques Chrétiens dans
certains Exemplaires grecs , d'où elle seroit
passée dans les Bibles latines , ou au
•
C vj
con-
ا ه س
892 MERCURE DE FRANCE
contraire , si ces mots ayant d'abord été
mis dans quelques Exemplaires latins
seroient passez dans quelques Exemplaires
grecs des Septante ; vous m'avez fait
l'honneur , Monsieur , de me citer dans
la Lettre que vous avez écrite sur ce sujet
, imprimée dans le Mercure d'Août
du mois dernier , et vous souhaitez que
je vous dise mon sentiment sur la Réponse
du R P. Tournemine , inserée dans
votre mois de Septembre suivant.
J'ai reçu tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant mon
séjour à Paris , il a annoncé mes Ouvrages
dans ses Journaux d'une maniere si
honnête et si polie , que je ne puis me
résoudre à entrer avec lui dans aucune
contestation . Si donc vous jugez à propos
de faire quelque usage de ce que j'ai
l'honneur de vous écrire , je vous prie de
le lui communiquer auparavant et de
lui déclarer que je le rends absolument
le maître de tout. Avec cette condition ,.
je vais vous exposer ce que je pense sur
le sujet en question.
Le R. P. T. dit qu'il est certain que le
Texte des Septante sur lequel l'ancienne
Version italique a été faite , version qui est
sûrement du premier siècle de l'Eglise , consenoit
de que l'Auteur de la version a traduit
MAY. 1734.
893
duit , à ligno ; pour le prouver il dit
1° . Que ces termes à ligno , se lisoient
dans l'ancienne version italique , 2 °. Que
S. Justin les lisoit dans ses Exemplaires
des LXX. 3 °. Que Cassiodore
soutient
la même leçon par l'autorité des L X X.
4°. Que S. Ephrem les lisoit aussi dans
la version Siriaque , faite dès les premiers
siécles de l'Eglise sur celle des LXX.
5°. Qu'Origene
ayant un Texte Hebreu
pareil à celui que nous avons aujourd'hui
,
crut qu'il falloit corriger le Texte des
LXX. sur ce Texte , et sur les autres
versions grecques ; et que S. Jerôme embrassa
le sentiment d'Origene , et eût de
la peine à le faire passer dans les Eglises
d'Occident. Examinons toutes ces preuves
.
1º. Est- il bien certain que l'ancienne
version des Septante contenoit ces mots ,
à ligno ? quelle raison en apporte-t'on !
on ne connoît ni Edition ni Manuscrit
qui les porte , le Manuscrit grec Alexandrin
, imprimé à Oxfort en 1707. qui
passe pour un des plus anciens qui soient
dans le monde,et où l'on voit les Obéles
et les Asterisques d'Origene, ne le marque
point , quoique dans le même verset dont
nous parlons , on ait marqué d'un obéle
la particule quia ri , qui n'est pas
dans
l'he
894 MERCURE DE FRANCE
l'hebreu. On ne le voit point non plus
dans ceux de Rome , qu'a suivi Nobilius
, ni dans ceux d'Alde , ni dans ceux
sur lesquels ont travaillé le P. Morin et
M. Bos , et dont ils raportent les Variantesdans
lesEditions qu'ils ont donnéesde
la version desSeptante.
Seroit- il possible que ces termes si favorables
au Christianisme , eussent été
effacez si universellement de tous les
Exemplairesqu'il n'en restât aucun vestige
, ni dans les Manuscrits les plus anciens
, ni dans les Peres ? Qu'Origene
Saint Clement d'Alexandrie ,Saint Irenée,
Eusebe de Cesarée , Saint Athanase , Saint
Chrysostome , les Chaînes grecques sur
les P'seaumes, n'eussent pas fait mention
de cette varieté ? On n'en voit rien dans
la nouvelle Edition d'Origene , dans laquelle
on a ramassé avec soin tout ce
qu'on a trouvé de lui épars en differens
endroits.
Les anciens Traducteurs grecs, Aquilay
Symmaque , et Theodotion , ne l'ont pas
fu , non plus que le Paraphraste Chaldéen,
ni l'ancienne Version Siriaque faite
sur l'hebreu ; ni les Apôtres , ni les hom
mes Apostoliques , n'ont point cité ce
passage avec l'addition , à ligno , quoique
si propre à convaincre les Juifs et les
Payens
MAY. 1734 855
Payens . Enfin les Eglises d'Orient ne
l'ont jamais lû dans leur Office ; d'où je
crois avoir lieu de conclure qu'il n'étoit
originairement, ni dans le Texte hebreu,
ni dans laVersion des Septante.
" 2º. J'avoue que ces termes à ligno
se lisoient dans l'ancienne Version italique
, que plusieurs Peres Latins les ont
lûs dans leurs Exemplaites , et que malgré
la réforme de Saint Jerôme , ont les
a chantés dans lesEglises latines pendant
près de neuf siécles , et encore les chantet'on
aujourd'hui dans l'Hymne Vexilla
Regis mais cela ne me persuade pas que,
ni l'hebreu , ni le grec des Septante ait
porté à ligno : je soupçonnerois bien plutôt
que quelque Chrétien du premier
siécle par une fraude pieuse , auroit inseré
ces termes dans quelque Pseautier Grec,
ou dans le Latin ; comme on a composé
dans le même tems le quatriéme Livre
d'Esdras , le Testament des douze Patriarches
, l'Evangile de l'Enfance de J. C.
et peut-être le fameux Passage de Joseph,
où il est parlé du Sauveur , et tant d'autres
Monuments anciens dont la supposition
est aujourd'hui reconnuë et avouée.
3 °. On soutient que Saint Justin le
Martyr lisoit l'addition à ligno , dans ses
Exemplaires des Septante. Če Saint accusoir
896 MERCURE DE FRANCE
soit hautement les Juifs de l'avoir retranché
de leurs Exemplaires hebreux , en
haine de J. C. et des Chrétiens. Tryphon
son Interlocuteur , qui étoit Juif , soutient
ce retranchement incroyable , sans
s'expliquer davantage ; ni lui ni Saint
Justin n'avoient pas en main les Exemplaires
ni grecs ni hebreux , pour les confronter.
Or dans ces sortes de disputes il faut
avoir piéces en main ; l'un avance , l'autre
nie , à qui croire ? Saint Justin ne
sçavoit pas l'hebreu , ni aparemment
Tryphon , ils n'étoient point à portée
des Bibliotéques , disputants à la campagne
et sur le bord de la Mer ; or il auroit
fallu pour décider la question consulter
plusieurs Exemplaires en l'une et en l'autre
Langu , et les comparer l'un à l'autre.
Saint Justin avance hardiment que les
Septante avoient lû à ligno : comme la
chose importoit peu à Tryphon , il n'en
demande point de preuves , mais il nie
que les Juifs ayent retranché ces termes
de leur Texte , sans en donner non plus
aucune raison ; d'ailleurs il paroît que
Saint Justin n'étoit nullement Critique ,
et si l'on exigeoit de lui des preuves de
tout ce qu'il avance principalement contre
les Juifs , il lui seroit certainement
malMAY
. 1734. 897
malaisé d'en donner ; il est tout aussi
croyable que les termes à ligno soient
passez du latin dans quelques Exemplaires
grecs , que non pas qu'ils soient passez
du Grec dans le Latin.
4°. Cassiodore sur le Pseaume XCV.
V. 10. lit Dominus regnavit : à ligno , et il
ajoûte à ligno : alii quidem non habent .
interpretes , sed nobis sufficit quod L X X.
Interpretum autoritate firmatum est : voilà
qui est précis et décisif : mais qui croira .
sur l'autorité de Cassiodore , qu'au sixième
siécle où il vivoit , le Texte des Septante
eut communément porté à ligno , pendant
que tous les Peres Grecs qui avoient.
écrit avant lui , ne lisoient point cette
addition , et qu'aucun de nos Exemplaires
grecs d'aujourd'hui , qui sont copiez
sur ceux de son temps , ne le porte.
5°. On dit que Saint Ephrem lisoit :
à ligno, dans les Exemplaires Syriaques de
son Eglise , puisqu'il le cite ainsi dans
son Sermon de la Croix. Il est vrai que
ce Saint lit : Dominus regnavit à ligno :
dans l'Edition latine du Sermon qu'on
cite ; mais on ne lit pas à ligno dans
l'Edition grecque d'Angleterre . De plus
ce Sermon de la Croix ne se trouve point
parmi ceux que M. Assemani a vûs en
Sy98
MERCURE DE FRANCE
Syriaque et en Arabe , et qu'il cite dans
le premier Tomè de sa Bibliothéque
Orientale , comme indubitablement de
Saint Ephrem .
On dit de plus que la Version Syriaque
est faite sur le Texte des Septante , qu'elle
est aussi ancienne que l'Eglise , et que les
Versions postérieures n'ont pas la même autorité.
Il est vrai qu'il y a uneVersion Syriaque
faite sur le Grec des Septante , mais elle
est moderne ; Masius en cite une faite
l'an 615. de J. C. je ne sçai si elle est
differente de celle d'un nommé Mar-
Abba mais tout cela est bien éloigné
des premiers siècles de l'Eglise. Cette
Traduction , faité sur le Grec , n'a ja̸ż
mais été imprimée , et est bien posté→
rieure et de moindre autorité que l'an
cienne Version Syriaque faite sur l'hebreu.
dès le premier siécle de l'Eglise , et imprimée
dans les Bibles Poliglottes de
M.le Jay à Paris en 1545. et ensuite réimprimées
à Londres par Walton avec
l'addition de quelques nouveaux Livres
de l'Ecriture, qui n'avoient pas paru dans
l'Edition de Paris ; je puis assurer que
l'addition à ligno n'est dans aucun Pseautier
Syriaque de ceux qui ont paru jusqu'ici
, je ne puis dire la même chose de
,
ceux
MA Y. 1734. 895
teux qui n'ont pas paru , et qui ne sont
pas venus à nôtre connoissance. Toujours
est- il vrai que Saint Ephrem n'a pas να
ces derniers , puisqu'ils sont plus récents
que lui : ainsi , soit qu'ils portent à lignoz
ou non, on nen peut rien inferer ni pour
ni contre ce Saint,de sorte que sans beaucoup
hazarder ; on peut avancer que ces
Versions ne portent point à ligno : puisqu'au
temps où elles ont été faites , ces
expressions ne se lisoient plus dans les
Septante.
6º. Enfin , Monsieur , puisque la derniere
réfléxion du R. P. Tournemine est
une pure conjecture empruntée de Sala
meron et d'Agellius , qui n'est fondée
sur aucun fait historique , ni sur aucun
témoignage des Anciens , ni sur aucun
Texte , ni sur aucun Manuscrit ; on peut
la laisser dans son être de conjecture ,
sans se donner la peine de la refuter ; on
peut
la nier tout net comme chose non
prouvée et improbable.
En effet quelle aparence que du temps
d'Origene il y eût des Exemplaires
hebreux
, quoiqu'en assez petit nombre ,
qui portassent Mihez yyo à ligno ; pendant
que le plus grand nombre lisoit aph
utique comme portent aujourd'hui
tous nos Exemplaires , et qu'on ne trou-
VO
800195
Joo MERCURE DE FRANCE
>
ve ni dans Origene , ni dans S. Jerôme
aucun vestige de cette ancienne leçon
pas même pour la rejetter ou pour la refuter.
Quelle aparence que la seule autorité
d'Origene ait pû d'un trait de plume
faire disparoître à ligno: de tous les Exemplaires
Grecs et Hebreux où il étoit ,
pendant que S. Jerôme apuyé de toute
l'autorité d'Origene et de celle de tous
les Manuscrits Grecs et Hebreux , d'où
l'on avoit retranché ces termes , n'a pû
réussir à les faire ôter des Textes latins
où ils étoient demeurez ?
Je ne m'étends pas ici à relever l'im
possibilité qu'il y a à corriger les anciens
Exemplaires grecs ni hebreux , et les corriger
de telle maniere que depuis tant de
siècles il ne paroisse aucun vestige de
l'ancienne leçon , ni dans les Manuscrits
ni dans les imprimez. Que les Juifs ayent
eû assez de malice pour l'ôter de tous
leurs livres ; cela est déja très difficile , les
Juifs convertis au Christianisme auroient
crié à la falsification . Mais que les Grecs
l'ayent voulu retrancher des leurs , cette
leçon se trouvant , dit- on , autorisée par
quelques Exemplaires hebreux , cela paroît
bien plus impossible , et plus incompréhensible
, le Christianisme ayant autant
d'interêt à la conserver pour convaincre
les
MAY.
901 1734:
les Juifs d'incredulité et de falsifica- ›
tion .
Voilà , Monsieur , quelles sont mes
réfléxions sur cette matiere . Je suis tou
jours & c.
A Senones le 2 Janvier 1734;
Calmet , Abbé de Senones , au sujet de
la Prophétie attribuée au Roy David, & c.
MoxONSIEUR ,
J'ai reçu avec reconnoissance les deux
volumes de votre Journal , dans lesquels
sont deux Lettres , l'une de vous , Monsieur
, et l'autre du R. P. Tournemine ,
sur ces paroles du Pseaume XCV v. 19.
Dicite in gentibus, quia Dominus regnavis
&c. Il est question de sçavoir si ces mots:
regnavit à ligno , que l'on explique du
Regne de J. C. par sa Croix , sçavoir
dis-je , si ces mots à ligno étoient originairement
au moins dans quelques.
Exemplaires du texte Hebreu ,si les Septante
interprêtes les y ont lûs , et les ont
inserez dans leur version ,, si c'est delà
qu'ils sont passez dans les anciennes Editions
latines , où la plûpart des anciens
Peres Latins , jusqu'au neuvième siècle
les ont lûs , ou si c'est une addition faite
après coup par quelques Chrétiens dans
certains Exemplaires grecs , d'où elle seroit
passée dans les Bibles latines , ou au
•
C vj
con-
ا ه س
892 MERCURE DE FRANCE
contraire , si ces mots ayant d'abord été
mis dans quelques Exemplaires latins
seroient passez dans quelques Exemplaires
grecs des Septante ; vous m'avez fait
l'honneur , Monsieur , de me citer dans
la Lettre que vous avez écrite sur ce sujet
, imprimée dans le Mercure d'Août
du mois dernier , et vous souhaitez que
je vous dise mon sentiment sur la Réponse
du R P. Tournemine , inserée dans
votre mois de Septembre suivant.
J'ai reçu tant de marques de bienveillance
du R. P. Tournemine pendant mon
séjour à Paris , il a annoncé mes Ouvrages
dans ses Journaux d'une maniere si
honnête et si polie , que je ne puis me
résoudre à entrer avec lui dans aucune
contestation . Si donc vous jugez à propos
de faire quelque usage de ce que j'ai
l'honneur de vous écrire , je vous prie de
le lui communiquer auparavant et de
lui déclarer que je le rends absolument
le maître de tout. Avec cette condition ,.
je vais vous exposer ce que je pense sur
le sujet en question.
Le R. P. T. dit qu'il est certain que le
Texte des Septante sur lequel l'ancienne
Version italique a été faite , version qui est
sûrement du premier siècle de l'Eglise , consenoit
de que l'Auteur de la version a traduit
MAY. 1734.
893
duit , à ligno ; pour le prouver il dit
1° . Que ces termes à ligno , se lisoient
dans l'ancienne version italique , 2 °. Que
S. Justin les lisoit dans ses Exemplaires
des LXX. 3 °. Que Cassiodore
soutient
la même leçon par l'autorité des L X X.
4°. Que S. Ephrem les lisoit aussi dans
la version Siriaque , faite dès les premiers
siécles de l'Eglise sur celle des LXX.
5°. Qu'Origene
ayant un Texte Hebreu
pareil à celui que nous avons aujourd'hui
,
crut qu'il falloit corriger le Texte des
LXX. sur ce Texte , et sur les autres
versions grecques ; et que S. Jerôme embrassa
le sentiment d'Origene , et eût de
la peine à le faire passer dans les Eglises
d'Occident. Examinons toutes ces preuves
.
1º. Est- il bien certain que l'ancienne
version des Septante contenoit ces mots ,
à ligno ? quelle raison en apporte-t'on !
on ne connoît ni Edition ni Manuscrit
qui les porte , le Manuscrit grec Alexandrin
, imprimé à Oxfort en 1707. qui
passe pour un des plus anciens qui soient
dans le monde,et où l'on voit les Obéles
et les Asterisques d'Origene, ne le marque
point , quoique dans le même verset dont
nous parlons , on ait marqué d'un obéle
la particule quia ri , qui n'est pas
dans
l'he
894 MERCURE DE FRANCE
l'hebreu. On ne le voit point non plus
dans ceux de Rome , qu'a suivi Nobilius
, ni dans ceux d'Alde , ni dans ceux
sur lesquels ont travaillé le P. Morin et
M. Bos , et dont ils raportent les Variantesdans
lesEditions qu'ils ont donnéesde
la version desSeptante.
Seroit- il possible que ces termes si favorables
au Christianisme , eussent été
effacez si universellement de tous les
Exemplairesqu'il n'en restât aucun vestige
, ni dans les Manuscrits les plus anciens
, ni dans les Peres ? Qu'Origene
Saint Clement d'Alexandrie ,Saint Irenée,
Eusebe de Cesarée , Saint Athanase , Saint
Chrysostome , les Chaînes grecques sur
les P'seaumes, n'eussent pas fait mention
de cette varieté ? On n'en voit rien dans
la nouvelle Edition d'Origene , dans laquelle
on a ramassé avec soin tout ce
qu'on a trouvé de lui épars en differens
endroits.
Les anciens Traducteurs grecs, Aquilay
Symmaque , et Theodotion , ne l'ont pas
fu , non plus que le Paraphraste Chaldéen,
ni l'ancienne Version Siriaque faite
sur l'hebreu ; ni les Apôtres , ni les hom
mes Apostoliques , n'ont point cité ce
passage avec l'addition , à ligno , quoique
si propre à convaincre les Juifs et les
Payens
MAY. 1734 855
Payens . Enfin les Eglises d'Orient ne
l'ont jamais lû dans leur Office ; d'où je
crois avoir lieu de conclure qu'il n'étoit
originairement, ni dans le Texte hebreu,
ni dans laVersion des Septante.
" 2º. J'avoue que ces termes à ligno
se lisoient dans l'ancienne Version italique
, que plusieurs Peres Latins les ont
lûs dans leurs Exemplaites , et que malgré
la réforme de Saint Jerôme , ont les
a chantés dans lesEglises latines pendant
près de neuf siécles , et encore les chantet'on
aujourd'hui dans l'Hymne Vexilla
Regis mais cela ne me persuade pas que,
ni l'hebreu , ni le grec des Septante ait
porté à ligno : je soupçonnerois bien plutôt
que quelque Chrétien du premier
siécle par une fraude pieuse , auroit inseré
ces termes dans quelque Pseautier Grec,
ou dans le Latin ; comme on a composé
dans le même tems le quatriéme Livre
d'Esdras , le Testament des douze Patriarches
, l'Evangile de l'Enfance de J. C.
et peut-être le fameux Passage de Joseph,
où il est parlé du Sauveur , et tant d'autres
Monuments anciens dont la supposition
est aujourd'hui reconnuë et avouée.
3 °. On soutient que Saint Justin le
Martyr lisoit l'addition à ligno , dans ses
Exemplaires des Septante. Če Saint accusoir
896 MERCURE DE FRANCE
soit hautement les Juifs de l'avoir retranché
de leurs Exemplaires hebreux , en
haine de J. C. et des Chrétiens. Tryphon
son Interlocuteur , qui étoit Juif , soutient
ce retranchement incroyable , sans
s'expliquer davantage ; ni lui ni Saint
Justin n'avoient pas en main les Exemplaires
ni grecs ni hebreux , pour les confronter.
Or dans ces sortes de disputes il faut
avoir piéces en main ; l'un avance , l'autre
nie , à qui croire ? Saint Justin ne
sçavoit pas l'hebreu , ni aparemment
Tryphon , ils n'étoient point à portée
des Bibliotéques , disputants à la campagne
et sur le bord de la Mer ; or il auroit
fallu pour décider la question consulter
plusieurs Exemplaires en l'une et en l'autre
Langu , et les comparer l'un à l'autre.
Saint Justin avance hardiment que les
Septante avoient lû à ligno : comme la
chose importoit peu à Tryphon , il n'en
demande point de preuves , mais il nie
que les Juifs ayent retranché ces termes
de leur Texte , sans en donner non plus
aucune raison ; d'ailleurs il paroît que
Saint Justin n'étoit nullement Critique ,
et si l'on exigeoit de lui des preuves de
tout ce qu'il avance principalement contre
les Juifs , il lui seroit certainement
malMAY
. 1734. 897
malaisé d'en donner ; il est tout aussi
croyable que les termes à ligno soient
passez du latin dans quelques Exemplaires
grecs , que non pas qu'ils soient passez
du Grec dans le Latin.
4°. Cassiodore sur le Pseaume XCV.
V. 10. lit Dominus regnavit : à ligno , et il
ajoûte à ligno : alii quidem non habent .
interpretes , sed nobis sufficit quod L X X.
Interpretum autoritate firmatum est : voilà
qui est précis et décisif : mais qui croira .
sur l'autorité de Cassiodore , qu'au sixième
siécle où il vivoit , le Texte des Septante
eut communément porté à ligno , pendant
que tous les Peres Grecs qui avoient.
écrit avant lui , ne lisoient point cette
addition , et qu'aucun de nos Exemplaires
grecs d'aujourd'hui , qui sont copiez
sur ceux de son temps , ne le porte.
5°. On dit que Saint Ephrem lisoit :
à ligno, dans les Exemplaires Syriaques de
son Eglise , puisqu'il le cite ainsi dans
son Sermon de la Croix. Il est vrai que
ce Saint lit : Dominus regnavit à ligno :
dans l'Edition latine du Sermon qu'on
cite ; mais on ne lit pas à ligno dans
l'Edition grecque d'Angleterre . De plus
ce Sermon de la Croix ne se trouve point
parmi ceux que M. Assemani a vûs en
Sy98
MERCURE DE FRANCE
Syriaque et en Arabe , et qu'il cite dans
le premier Tomè de sa Bibliothéque
Orientale , comme indubitablement de
Saint Ephrem .
On dit de plus que la Version Syriaque
est faite sur le Texte des Septante , qu'elle
est aussi ancienne que l'Eglise , et que les
Versions postérieures n'ont pas la même autorité.
Il est vrai qu'il y a uneVersion Syriaque
faite sur le Grec des Septante , mais elle
est moderne ; Masius en cite une faite
l'an 615. de J. C. je ne sçai si elle est
differente de celle d'un nommé Mar-
Abba mais tout cela est bien éloigné
des premiers siècles de l'Eglise. Cette
Traduction , faité sur le Grec , n'a ja̸ż
mais été imprimée , et est bien posté→
rieure et de moindre autorité que l'an
cienne Version Syriaque faite sur l'hebreu.
dès le premier siécle de l'Eglise , et imprimée
dans les Bibles Poliglottes de
M.le Jay à Paris en 1545. et ensuite réimprimées
à Londres par Walton avec
l'addition de quelques nouveaux Livres
de l'Ecriture, qui n'avoient pas paru dans
l'Edition de Paris ; je puis assurer que
l'addition à ligno n'est dans aucun Pseautier
Syriaque de ceux qui ont paru jusqu'ici
, je ne puis dire la même chose de
,
ceux
MA Y. 1734. 895
teux qui n'ont pas paru , et qui ne sont
pas venus à nôtre connoissance. Toujours
est- il vrai que Saint Ephrem n'a pas να
ces derniers , puisqu'ils sont plus récents
que lui : ainsi , soit qu'ils portent à lignoz
ou non, on nen peut rien inferer ni pour
ni contre ce Saint,de sorte que sans beaucoup
hazarder ; on peut avancer que ces
Versions ne portent point à ligno : puisqu'au
temps où elles ont été faites , ces
expressions ne se lisoient plus dans les
Septante.
6º. Enfin , Monsieur , puisque la derniere
réfléxion du R. P. Tournemine est
une pure conjecture empruntée de Sala
meron et d'Agellius , qui n'est fondée
sur aucun fait historique , ni sur aucun
témoignage des Anciens , ni sur aucun
Texte , ni sur aucun Manuscrit ; on peut
la laisser dans son être de conjecture ,
sans se donner la peine de la refuter ; on
peut
la nier tout net comme chose non
prouvée et improbable.
En effet quelle aparence que du temps
d'Origene il y eût des Exemplaires
hebreux
, quoiqu'en assez petit nombre ,
qui portassent Mihez yyo à ligno ; pendant
que le plus grand nombre lisoit aph
utique comme portent aujourd'hui
tous nos Exemplaires , et qu'on ne trou-
VO
800195
Joo MERCURE DE FRANCE
>
ve ni dans Origene , ni dans S. Jerôme
aucun vestige de cette ancienne leçon
pas même pour la rejetter ou pour la refuter.
Quelle aparence que la seule autorité
d'Origene ait pû d'un trait de plume
faire disparoître à ligno: de tous les Exemplaires
Grecs et Hebreux où il étoit ,
pendant que S. Jerôme apuyé de toute
l'autorité d'Origene et de celle de tous
les Manuscrits Grecs et Hebreux , d'où
l'on avoit retranché ces termes , n'a pû
réussir à les faire ôter des Textes latins
où ils étoient demeurez ?
Je ne m'étends pas ici à relever l'im
possibilité qu'il y a à corriger les anciens
Exemplaires grecs ni hebreux , et les corriger
de telle maniere que depuis tant de
siècles il ne paroisse aucun vestige de
l'ancienne leçon , ni dans les Manuscrits
ni dans les imprimez. Que les Juifs ayent
eû assez de malice pour l'ôter de tous
leurs livres ; cela est déja très difficile , les
Juifs convertis au Christianisme auroient
crié à la falsification . Mais que les Grecs
l'ayent voulu retrancher des leurs , cette
leçon se trouvant , dit- on , autorisée par
quelques Exemplaires hebreux , cela paroît
bien plus impossible , et plus incompréhensible
, le Christianisme ayant autant
d'interêt à la conserver pour convaincre
les
MAY.
901 1734:
les Juifs d'incredulité et de falsifica- ›
tion .
Voilà , Monsieur , quelles sont mes
réfléxions sur cette matiere . Je suis tou
jours & c.
A Senones le 2 Janvier 1734;
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Résumé : LETTRE du R. P. Dom Augustin Calmet, Abbé de Senones, au sujet de la Prophétie attribuée au Roy David, &c.
Le R. P. Dom Augustin Calmet, abbé de Senones, adresse une lettre à un destinataire non nommé pour discuter de la prophétie attribuée au roi David dans le Psaume XCV, verset 19. La lettre répond à une question soulevée dans le journal du destinataire concernant les mots 'regnavit à ligno' et leur origine dans les textes hébreux et grecs des Septante. Calmet examine les arguments du R. P. Tournemine, qui affirme que ces mots étaient présents dans les anciens textes des Septante et dans diverses versions anciennes. Calmet conteste cette affirmation en soulignant l'absence de ces mots dans les manuscrits anciens et les versions des Septante. Il mentionne que ni les manuscrits grecs les plus anciens, ni les Pères de l'Église n'ont fait mention de cette variante. Il suggère que ces mots ont pu être ajoutés par des chrétiens dans des exemplaires grecs ou latins postérieurs. Calmet examine également les témoignages de Saint Justin, Cassiodore, et Saint Éphrem, concluant que leurs références à 'regnavit à ligno' ne sont pas fiables ou sont basées sur des versions tardives. Il conclut que les mots 'regnavit à ligno' n'étaient pas originairement présents dans les textes hébreux ou grecs des Septante, mais ont probablement été ajoutés plus tard par des chrétiens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 162
De CONSTANTINOPLE, le premier Septembre 1764.
Début :
On mande de Moldavie que le Prince Radziwill & son épouse [...]
Mots clefs :
Moldavie, Prince Radziwill, Troupes russes, Autorité, Refus, Tirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De CONSTANTINOPLE, le premier Septembre 1764.
De CONSTANTIOPLE, lepremier Septembre 1764 .
ONN
mande de Moldavie que le Prince Radziwill
& fon époufe en font partis pour la Hongrie
avec une fuite de cent Chevaux . Quelques
Troupes Ruffes , commandées par le Knès d'Afcow
,font entrées à Jwanietz , qui n'eft féparée
de Rotzym que par le Niefter , & le font approchées
enfuite de Kaminietz , qu'elles ont fommé
de fe foumettre à l'autorité du Grand Régimentaire.
Sur le refus du Commandant , elles ont
invefti cette Fortereffe ; mais il a fait tirer fur
elles le canon , & les a contraintes de fe retirer
promptement , après avoir perdu quelques
hommes.
ONN
mande de Moldavie que le Prince Radziwill
& fon époufe en font partis pour la Hongrie
avec une fuite de cent Chevaux . Quelques
Troupes Ruffes , commandées par le Knès d'Afcow
,font entrées à Jwanietz , qui n'eft féparée
de Rotzym que par le Niefter , & le font approchées
enfuite de Kaminietz , qu'elles ont fommé
de fe foumettre à l'autorité du Grand Régimentaire.
Sur le refus du Commandant , elles ont
invefti cette Fortereffe ; mais il a fait tirer fur
elles le canon , & les a contraintes de fe retirer
promptement , après avoir perdu quelques
hommes.
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Résumé : De CONSTANTINOPLE, le premier Septembre 1764.
Le 1er septembre 1764, le prince Radziwill et son épouse se dirigent vers la Hongrie avec une escorte de cent chevaux. Simultanément, des troupes russes, dirigées par le prince d'Ascow, pénètrent à Jwanietz et avancent vers Kaminietz. Après le refus du commandant de la forteresse, les Russes attaquent mais sont repoussés avec des pertes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 150-159
HISTOIRE de Charlemagne, précédée de Considérations sur la première Race, & suivie de Considérations sur la seconde ; par M. Gaillard, de l'Académie Françoise & de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres. A Paris, chez Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine, de Madame & de Mme. la Comtesse d'Artois, rue des Mathurins, Hôtel de Cluni, 1782, 4 Vol. in 12.
Début :
Qu'il nous soit permis de préluder à cet Extrait par des Observations qui ne concernent [...]
Mots clefs :
Journal, Journaliste, Journal littéraire, Critique, Auteur, Autorité, Abbé Desfontaines, Mauvais vers, Convalescence, Goût
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE de Charlemagne, précédée de Considérations sur la première Race, & suivie de Considérations sur la seconde ; par M. Gaillard, de l'Académie Françoise & de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres. A Paris, chez Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine, de Madame & de Mme. la Comtesse d'Artois, rue des Mathurins, Hôtel de Cluni, 1782, 4 Vol. in 12.
HISTOIRE de Charlemagne, ·précidle de
Confidération..s far la }Jremièr' Race, &
fuivie de Confidérations fi~r la faconde;
pat· M. Gaillard, de l' Acadétnie ·Fran.
çoife & de l'Acadén1ie des Infcriptions &
Belles- Lerrres. A Patis , ·chez Mot1card, r
.I1npri1net1r-librairc de la Rei11e , de
MadaL11e & de .. M, ine. la Comreffe d' Artois,
rue des Matnuri11s, Hôtel de Cl uni,
· l 7 8 2 • 4 Vol. in· 1 2. •
u'11 11ous foit per1nis de préli1aer .à.
cet Extrait par 8es Obfervario_11s qui 11e con:.
~erne11t 11i Gl1arle111ag11e 11i 1011 Hifto1·ien >
1
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•
•
1
-
D E F R A N ·c E. 1 5 r
& qui auro11t le to1·c ou le 111érice de pré.,.
iènter u11 paradoxe .
Les Jot1rnat1x Lirrérai1·es auroient-ils ja- ,
mais dû être autre chofe qu'un regill:1·e public
ouvert à tous les Auteurs, pour y i11fércr
eux·111êmes l'extrait de leurs Ü"1vrages ;
fans éloge, car la bienCéance (du 1noins aur1
·efois) ne per1nettoit pas de fe Jouer foi·
mê1ne; fa11s cririque, car celle qu'un Auteur
feroir de fotl Ouvrage fe1·oit toujours fuC.
peét:e d,i11dulge11cc ; d' aille11rs, quelle rai!
011 fuffifante at1roit-on eue de 11e pas corriger
d'avance ce ~u'on critiqt1eroit après-coup?
L'Inve11teur des Jour11at1x Littéraires a
fans c.lourc rendu u11 g1·a11d fe1·vice aux Let·
t rcs; il a été utile & at1x Au~et1rs & at1x:
Leéèeurs, e11 imagina11t un [ivre qui fît connoîrre
les autres LÎ\'res , qui ei1 ai111onçât
l' ex1ftcnce & le· conte11 u; inais fat1te d, avoir
fo1·mé les Jour11aux fur le pln11 que 11ous indiquons,
quelles co11tratliél:io11s 11'a-t-il pas
éprouvées! que d,i11rerruptions de ce Journal
& fous 1\1. de Sallo & f ot1s M. 1, Abbé •
Gallois ! & en effet., quel que fût le mérite
de ces Sa va11s, de q ucl droit s' érigeoie11t· ils
en Arbicres ,d e la Litrérarure & e11 Cenfe 11rs
de tous les Ecrivains?
Da11s la fùite ce Journal a pris une fgr111c
plus rég1.llière & u11e autorité pltts légitime.
011 n'a rien à dire contre les J ot1rnaux érablis
oμ qui for1t ce11fés l'être par l'autorité
publique, & fur lefqt1e1s cette autorité veille
d'l1nc n1a11ière parriculièrr. · .
'
•
• •
•
..
-
•
-
•
15.t 1vl ER C U R E
Mais l' objclbio11 f ublifte . route entière
contre tous les Journaux établis par auto- ,
rité privée. c~ prè111ier abus a ouvert la
po1·ce à ur1e i11ultitud€ d'autres abus, do1Jt le
moi11dre a été que beaucoup d' A11tet11·s fe
font furti veinent ou etf1·011té111ent con1hlés
eux .. tnê1nes ti,éloges da11s des J0ur11anx dont
il~ dif poioie11t par eux 011 par leurs amis.
· Pour ne parler que des faits anciens &
co1111us; c.ia11s ce débordement de mauvais
vers dont P~ri3 fut i11011dé e11 1744, à l'occafio11
de la maladie & de la convalef cence du
Roi Louis XV, & qui a fait dire à M. de
Voltai1·e (au 1t1el fet1l jl fur donné d'en faire
.. ie bons fL,r ce ft1jet : )
•
Paris n'a jam ~is vû de tranfports Ji divers,
Tant de fc1.1x d 1rtifice & ta.nt de mauvais vers.
.. Il puut ou il n.e pa1·t.t point une Ode à
la Reine; 111ais l'Abbé Desfontaines l1annonca
& la vanta beaucoup ( fet1ille A du
~ Torne IV des ]ugl'1nens fur quelques Ouvrages
rzouveaux); il e11 cita u11 grand 11ol11-
bre de ftropl1ès , clu11~ l'une def quelles le
Poëte fe difoir vieux, fur qt1oi l' Abbé Des·
fontaines s'éc1·ioit: ''Quel vieux Poëte avo11s''
i1ous qui fa{fe ai11G des y ers? n' eft - ce
,, poi11r un jet1ne h0n11ne qui cli.ercbe à fe
,, cacher fous les rides de la vieillclfe ?
,, mais la vieilleffe pettt ·elle prévc11ir en
,, faveut· du talent ? ,, .. · _
C' éroir une é11igt11e qu'il 11e pou voit
devi11er, & qu'il propofoit au ieél:c1.1fi •
•
•
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DE F R AN C E. · tf 3
Da11s la feuille D , il (e fait ail relfer une
- lettre, eù, en co11firmant rous les éloges
don11és aux firopl1es cirées, 011 lt1i <le111a11de
. pourquoi il 11' en a pas cite pll11Îcurs aurres
qt1'011 a1ft1re 11'êrre pas 111<) Ï11s belle~; &
pour réparer fa faute, on Jes cite. l)ar cet
. heureux artifice le Lettcu r a, c11 deux Par-
• ties, )'Ode. pref que entière. ~
Par un autre artifice, 1, Auteur de la let- ·
trc hafarâe fur u11 endroit de l'Ode une ou
, deux critiqt1es év jJe1nn1ent jnju!l·es , aux•
- quelles le Journalifie 11'a pas de pe111e à
I • repondre .
, Voici inai11renant Je 111ot de l'énigme.
. L' Ode .. efl mauvaife, & elle efl de l' ~1 bbé
:Desfontaines.
. La t .. l-at1de fut co11nue, & le Puhlic ne fic
qu'en rir~; l' Abbé Dcsfo11tai11es l'avoir fait
à fotl oadinage.
On dir que q11elques-u11s de fes no111breux
•
ft1ccelÎet1rs n'ont pac; n1oi11s accoutun1é le
Public au leur; 011 dit que la lot1at1~e & ·
le blât11e fo11c: devenus cl1ez qt1elqucs-u11s
ô 'e11 tre-cux .. non-feule111ent t111e afraire de
' , paOEon & '-ie pa1-ri, i11ais e11core t>n obier
â'in ré1·êr & de co1n 1nerce. N ot1s 1:"&' enrr<>r1s
p.oi11t dans ces que!tions fâc l1etJl- s; no11s 11e
u Youlo11s d~fobl ige r · perfon11e ; 11 us nous
. conc e11to1~s d'ét~ blir r1c•t1~· pr i nci~~e qu'il t1e
J Eaur ja1nais trotnpcr le teétet1r ni ft11· les ·
_Auteurs J1i Cur les Ouvr=i~s; c11 C<•t1 feq 12r~11~e
nous nous l1ârons de déclarer que J' utct1r
:.de cet Ex cc a · t ,.. ,a auffi l' ucéuiï de.~ l'I-Iifroire
• • G V .. .
-
•
-
I
-
•
..
,
•
•
..
• •
•
• •
If 4 MER c u R E
de Cl1arlemagne , & que par conféquept
cer Extrait 11e contie11dra ni éloge ni cri~
• . t1qt1e.
Pourquoi u11 Attteur , bien réfoltt d'obfe1
·ve1· tOlltes les bienféances, cne rendroit-il ,
pas co1npte au Public de fo11 propre Ot1-
vrage dnns tin Journal , Ct)n11ne il en 1·e11d
co111pte à fes Le&eurs dar1s u11e Préface, e11
fe bor11a11t à dire ce que !'Ouvrage con~ienr,
. dans qt1el c:fp1·ît il eft fait' n~11s quel ordte
les ebjcts y font préfe11tés, ·&o. tnais fans
at1ct111 ligne 11i d'approbatio11 11i de c~n~
{ure? ..
'. Eft· il mêcne bi~11 sûr que le Pttblic . en
de1na11de d1van!age aux Jou1ï1aliffes de profeffio11?
Ils s'e1np1·e{fe11t cous à juger en hie11
ou· en n1al 1-es Ouv14 ages dont ils ne font
chargés tout au plus que de 1·e11 ,{1·e compte.
Il efl: vrai qn'il eft difiicile de fe reft1fer au
plaifÎr lie louer ce qu'o11 fe11r ê'rre bo11, ou à
}a jufl:iee de blâiner ce qt1i cfr évidem1nent
mauvais; 111ais à ne co11fidérer qtte l'intérêt
du Public, qu'a-t-il befc)in du jugen1ent
d'ttn pa1·riculier? qu'a-t-il befoi11 de f1voir
ce que Bav ius penf e ot1 vcttt pe11ter des vets4 vu de la profe de Moevius? pou1·quoi faut~ il
qt1't11-1 f~t1l hom1ne prétende app1·endre o 1
prefcri1e au Public ce qu,il doit penfer de
tel ou rel Ouvrage? Au fon,{, que dema11êiet-
on à u11 Journalifl:e? U11 précis fidèle, un
co1·l1pte exaét d'après leql1el 011 pui1fe juger
du bcfoin qu'on a dë l,Ouvrag~, & du
~gré d'inftrult1on ou de plaifir qu'on peut
•
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D E 13 R A N C E. 15r
s'en pro111errre. Un pareil compte_ peut fe
paffer du juge111ent dll Jot1rnalifte, & Je
j11g~ment du Jour11aliCte ne pe1.1t pas fc
paifer d' u11 pareil co111pte.
Les Jour11aliftes devroie11t donc pet1têrre
fe bo1·ner à la fonétio11 de Rappor.-
tet1rs , & 11'y pas joi11dre celle de Juges.
La fonéèion des Jour11alifl:es, telle qu'elle
cft exercée ..atfez générale1nent, efl: u11e e(pèce
de Mi11iftèrc ou de ~1agifrrature dont
le défaut etfe11tiel efl: d'être abfolu1ne11t iàn~ •
.million : j~ger fcs co11temporains , fes
rivaux, fes ég1ux , quelquefois Ces f upérieu1·s,
trop f ou:vent iès enne111is, n' efr pas un emploi
quj doive être aba11âonné indifiinll:1-
menr a tout le n1onde; Il in1porte qu'un
Jou111al 11e foir poir.it t111e artne da11s la main
d't1n inécha11t ou d,un e11viet1x; il i1nporte
ique ce 1ninifière (oit exercé avec juftice,
ou au i11oi11s avec décence. Mai5 il ne s'agit
pas ici d,expofer une théorie géné1·alc
pour la perfeétiom ou la 1·éfo11ne des J0urnal1x,
nous dif ons fet1le111e11t qt1e le Public .
â bef oin d'e connoît~:e les 0t1v1·ages, & qu'il
i1, a pas le 111ê1ne be(oi11 de co11110Îrre l' opi-.
1.1io11 d, 1111 Jour nalifl:e. •
~' On L1it toujours miet1x que perfon11e
-corn tne11t 011 veut êrre ' 1ot1é, a dit lln plai.
fan r; in ais en confentar1t lie n' ~tre pas loué,
un Auteur ne fait-il pas roujoars 111ieu.x que
pe1·fo11 ne, 111ieux que le LeCtet1i· mê1ne lie
plus arr.e11tif, oe c1ue c01:itie11t fon Ouvrage.
<lans ']UeJ fpt.it il eft fait., -ce qu'il lui 2
G V~
.. ...
1
•
•
•
-
•
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•
•
•
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.. • -
· 116 MERCURE
coûté de rra\'ail, &c.? & s'il falloir ~bfolu·
ment tlM juge1nenc fur cet Ouvrage, ne
ferait-il pas à propos , pour qtte ce jugement
ft1t coni plcttet11ent juR:e , que les idées
d11 Jot1rnalifre futfe11r co111binécs avec celles
de 1, Auteur? ,.,
Mais, dira-r-011, li lei Auteurs rendaient
compte et1x-1nê1nes de leurs Ouvrages da11s
les Journaux, ou li Je.s Journalifres, f e bot-
11a11t à en i·endre cotnpte, s' abfre11oient de les
juger, on feroir privé des avantages de la
critique; cependant la critique dl: utile, on
ne peut le nier.
Oui, 11ne critique jull:e & Cage , di~ée
par le pur a1nG>t1r rle la vérité, fans auct1n
mêlange de paffto11 & d,efprit de parti ,
fa11s aucu11e e11vie de n.uire ou de tn<i>rtifier.
alfaiConnée mê111e de cotts les égards dûs à
l' Autelllr; 1nais la cririque nous a dérro1nP.é'
de la critique; Ces abtts 011t tellement excé:{
é Ces av111rages, qu'il y au1·oit beaucoup
à gagt1er à i·e11e11cer at1x uns poar êcre délivré
des autres.
Qt1a11d on veut citer un medèlc de critique,
on cite celle du Ciel par 1, Acadétnie
Françoife. En citeroir 011 beaucottp d·autres?
.Nla1s cette critique 111ê111e, font'~ ce les
obieétio11s & les jugemen5 qu'elle renfertne
q •.1i e11 fo11t le prin6Îpa t· mérite ~
Non, plLifi't!urs de ces juge1ncns font rigou~
reux ju( u,à l'injufrice; il Ceroit aifé de le
dén1onrrer Qtt'efl:-ce do11c qu'on adiriire
da115 cette critique? C,eft fur tout a 1n0dé-
•
•
,
•
1VlfVFU4U
• •
D :E. F R A N C E. 't fV
ration de l'Académie oppofée à l'acharne--
1nenc de {on Fo11dateu r ; c' cil la co11(it1ération
q u' eile ré111oiga1 e par-cout ·à· Corneiile >
que le Cardinal de Richelieu vouloir hu111ilier;
c' elt le ref peét que le goût rn.ontre partottt
pour le génie perfécuté. • .
, Dans la plu part de nos cri tiques , nous
paroilfons craindre que la 1na~ignité ne
perce p.as affez. Les moins injuftes. ont e11-
core de quoi bleffer l'.Auteur, au moins par
le COJ1. -
Les critiques de goût ont \1n arbitraire
qui prête à l'i11jt1fl:1ce & aux in.it1 \ailes intc11tions;
d'ailleurs, elles font roujours J~licarcs,
parce que la i1uefiio11 efÈ 01·di11aire-
1ne11t de fav<>ir fi l' At1ret1r a de l' ef prit &
du goût, ou s'il en manque.
Les cririque.5 d'érudition , qui co11fi:irue11t
P.riL1cipaletnent ce qu' 011 appelle la critique ,
font plus innoce11tc~ & plt1s utiles ; elles
ont pour prétexte & peuvent avoir pour
objet l'i11ftrt1&ion du Pt1blic & l' éclairciffement
des fairs. Qt1'un tàir f oit vrai ou faux,
011 incerrain , c, cft l' affai1·e des preuves ,
l'amour p1·opre 11,y paraît pas fort inrét·effé.
Eh bien! ces cririqt1es mê1ne f onr a111ères &
venin1eufes , parce que ~, eft à l' Auteur qt1' on
en veut bien plus qt11à l'Ouvrage; c'efi l'Allteur
qu'on veut bl~lfcr, noa1 le Public qu'ün
vc11r inflrui 1·e.
)iinis Je rorc n'eOE pas tot1jours au côté a s
/Ou 1 a liftes, il efi fo11venr <.ia11s l'arrtotirpreRre
int0lérant des Autcur.s, qui s, offcnfe
-
•
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•
•
1 V~VIU*U
-
'
•
•
• •
•
-11 g ~I E R C U R E
de toute critique, & 11'eft content 'd'aucun
éloge. L'arrangen1e11t que nous propofo11s
ranédieroit e11core à cet i11co11vé11ie11t ; les
.Autet11·s feroient et1x-111êmes le rapport de
leu1·s Ül1vrages, ~:l le 1:1ublic juge1·oit. ..
Mais tous ees rapports fe1·oie11t toujot11·s .
favorables ! ·
Oui, n1ais ils 11e pourroienr coujours contenir
que ce qui Ce1·oit da11s l10uvrage, & la
· bienféa11ce i11te1·<.iiroit tout éloge.
' ~1ais qui avertira le Public des fautes réRandl1es
dans l10l1vrage?
Quï? ceux qui vou•3ro11t e11 e11tr.eprend1·e
la critique particulière à leurs 1·i!qaes, périls
& f 01·ru11e.
.. Mais e, elt rentrer dans la fonétion de • •
; ' Jour11alille !
Oui, mais; c' efr y rentre1· e11 particulier,
11011 en l1om111e pt1blic; e11 plaidet1r, no11 e11
juge; & qu'o11 ne croye pas cette difii11étion
. chit11ériqt1e, elle efr r1·ès-jn1portanre. 11 y a
toujours q11c portio11 du l)ublic qui efi: la
dupe de l'autorité que s'art·oge tin Journalifie;
celui ci prononce toujou1·s ex Callze-
. . drâ; il a fes Leéteu1·s tol1t trouvés & fes
Difciples ad.diài jurare in verha. magiflri.
Le Cen(el1r particulier, plus olJligé d)a'7oir
raifon, y·rega1·de à det1x fois avant d'entre·
p1·e11d re une cririque; il ne l' e11trepte11d que
quand elle cfl: nécet1àire Ott utile, & qu'il fc
Barre rl'y don11er a{fez d' agrémet1r ~ d.tibtérêt
pour la f,1ire lire. 'te Journalifie eJt 1 r
d'être lû & 'ru, du inoi11s par fes çrox.QIU~
-
-
..
I
•
1
•
•
D E F R A' N C E. 1r9
r & le vulgaire lui flllilpofe caraétè1·e & autorité,
puifqt1'enfin il s' eft fait Jour11alifte.
IDe plus, fi l'Auceur veut répo11d1·e , il
faut qu1il fe ménage ur1 cl1a111 p de bacaille
dans un a1Jtre Jour111;ll ri~al & e1111e111i du ·
, Journal aggreifeur, & qui fot1ve11t lui rcft1fe
territoire dans la crainte de Ce coin pro1ne~-.
' tre. Da11s la critique particulièi;e l' Auteur
-& le Ccnfe11r fe oarce11c à ar111es égales.
· Mais cetttc ~néthotle fera co1111node pour
les mau\'ais Ecrivai11s, do11t elle taï ra les
defaurs ! ...
. Pas fi com111ode.- U11 mat1vais Écrivain
par~îcra deux fois inauvais Écrivain , k
èans l'Qu,;rage & dans 'Extrait. ..
Elle fera fâcl1eufe pottr les bo11s Écrivai11s
qu'elle p1·ive1·a <les louanges qu'ils 1néi:itent !
Pas ,,fi fâcheufe, par la rai!on co11traire. Le
bon Ecrivt.lit1 paroî ~ra doubieme11t digne
des louang's qu ~il aura dû fe refu(er.
Quoi qu'il en f oit enfi11 de l'i1111ovation
propo[é~, ql1, clJe foie ad1!1iffible ou 11on ,
qtte 1, exemple qu'o11 va don11er foit f uivi
oa qt1'il )·eftc fa11s imirate\tcs, ~oici u11 Exr1
·ait où l, Auteur va publique111e11t & a décot1-
. vcrr, a11alyfe1· fon propre Ouvrage> fa11s eloge
.. & fa11s critique.
Confidération..s far la }Jremièr' Race, &
fuivie de Confidérations fi~r la faconde;
pat· M. Gaillard, de l' Acadétnie ·Fran.
çoife & de l'Acadén1ie des Infcriptions &
Belles- Lerrres. A Patis , ·chez Mot1card, r
.I1npri1net1r-librairc de la Rei11e , de
MadaL11e & de .. M, ine. la Comreffe d' Artois,
rue des Matnuri11s, Hôtel de Cl uni,
· l 7 8 2 • 4 Vol. in· 1 2. •
u'11 11ous foit per1nis de préli1aer .à.
cet Extrait par 8es Obfervario_11s qui 11e con:.
~erne11t 11i Gl1arle111ag11e 11i 1011 Hifto1·ien >
1
,
•
•
IU4Vl!J,,.O---------~--,.-----------:--•
•
•
1
-
D E F R A N ·c E. 1 5 r
& qui auro11t le to1·c ou le 111érice de pré.,.
iènter u11 paradoxe .
Les Jot1rnat1x Lirrérai1·es auroient-ils ja- ,
mais dû être autre chofe qu'un regill:1·e public
ouvert à tous les Auteurs, pour y i11fércr
eux·111êmes l'extrait de leurs Ü"1vrages ;
fans éloge, car la bienCéance (du 1noins aur1
·efois) ne per1nettoit pas de fe Jouer foi·
mê1ne; fa11s cririque, car celle qu'un Auteur
feroir de fotl Ouvrage fe1·oit toujours fuC.
peét:e d,i11dulge11cc ; d' aille11rs, quelle rai!
011 fuffifante at1roit-on eue de 11e pas corriger
d'avance ce ~u'on critiqt1eroit après-coup?
L'Inve11teur des Jour11at1x Littéraires a
fans c.lourc rendu u11 g1·a11d fe1·vice aux Let·
t rcs; il a été utile & at1x Au~et1rs & at1x:
Leéèeurs, e11 imagina11t un [ivre qui fît connoîrre
les autres LÎ\'res , qui ei1 ai111onçât
l' ex1ftcnce & le· conte11 u; inais fat1te d, avoir
fo1·mé les Jour11aux fur le pln11 que 11ous indiquons,
quelles co11tratliél:io11s 11'a-t-il pas
éprouvées! que d,i11rerruptions de ce Journal
& fous 1\1. de Sallo & f ot1s M. 1, Abbé •
Gallois ! & en effet., quel que fût le mérite
de ces Sa va11s, de q ucl droit s' érigeoie11t· ils
en Arbicres ,d e la Litrérarure & e11 Cenfe 11rs
de tous les Ecrivains?
Da11s la fùite ce Journal a pris une fgr111c
plus rég1.llière & u11e autorité pltts légitime.
011 n'a rien à dire contre les J ot1rnaux érablis
oμ qui for1t ce11fés l'être par l'autorité
publique, & fur lefqt1e1s cette autorité veille
d'l1nc n1a11ière parriculièrr. · .
'
•
• •
•
..
-
•
-
•
15.t 1vl ER C U R E
Mais l' objclbio11 f ublifte . route entière
contre tous les Journaux établis par auto- ,
rité privée. c~ prè111ier abus a ouvert la
po1·ce à ur1e i11ultitud€ d'autres abus, do1Jt le
moi11dre a été que beaucoup d' A11tet11·s fe
font furti veinent ou etf1·011té111ent con1hlés
eux .. tnê1nes ti,éloges da11s des J0ur11anx dont
il~ dif poioie11t par eux 011 par leurs amis.
· Pour ne parler que des faits anciens &
co1111us; c.ia11s ce débordement de mauvais
vers dont P~ri3 fut i11011dé e11 1744, à l'occafio11
de la maladie & de la convalef cence du
Roi Louis XV, & qui a fait dire à M. de
Voltai1·e (au 1t1el fet1l jl fur donné d'en faire
.. ie bons fL,r ce ft1jet : )
•
Paris n'a jam ~is vû de tranfports Ji divers,
Tant de fc1.1x d 1rtifice & ta.nt de mauvais vers.
.. Il puut ou il n.e pa1·t.t point une Ode à
la Reine; 111ais l'Abbé Desfontaines l1annonca
& la vanta beaucoup ( fet1ille A du
~ Torne IV des ]ugl'1nens fur quelques Ouvrages
rzouveaux); il e11 cita u11 grand 11ol11-
bre de ftropl1ès , clu11~ l'une def quelles le
Poëte fe difoir vieux, fur qt1oi l' Abbé Des·
fontaines s'éc1·ioit: ''Quel vieux Poëte avo11s''
i1ous qui fa{fe ai11G des y ers? n' eft - ce
,, poi11r un jet1ne h0n11ne qui cli.ercbe à fe
,, cacher fous les rides de la vieillclfe ?
,, mais la vieilleffe pettt ·elle prévc11ir en
,, faveut· du talent ? ,, .. · _
C' éroir une é11igt11e qu'il 11e pou voit
devi11er, & qu'il propofoit au ieél:c1.1fi •
•
•
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Da11s la feuille D , il (e fait ail relfer une
- lettre, eù, en co11firmant rous les éloges
don11és aux firopl1es cirées, 011 lt1i <le111a11de
. pourquoi il 11' en a pas cite pll11Îcurs aurres
qt1'011 a1ft1re 11'êrre pas 111<) Ï11s belle~; &
pour réparer fa faute, on Jes cite. l)ar cet
. heureux artifice le Lettcu r a, c11 deux Par-
• ties, )'Ode. pref que entière. ~
Par un autre artifice, 1, Auteur de la let- ·
trc hafarâe fur u11 endroit de l'Ode une ou
, deux critiqt1es év jJe1nn1ent jnju!l·es , aux•
- quelles le Journalifie 11'a pas de pe111e à
I • repondre .
, Voici inai11renant Je 111ot de l'énigme.
. L' Ode .. efl mauvaife, & elle efl de l' ~1 bbé
:Desfontaines.
. La t .. l-at1de fut co11nue, & le Puhlic ne fic
qu'en rir~; l' Abbé Dcsfo11tai11es l'avoir fait
à fotl oadinage.
On dir que q11elques-u11s de fes no111breux
•
ft1ccelÎet1rs n'ont pac; n1oi11s accoutun1é le
Public au leur; 011 dit que la lot1at1~e & ·
le blât11e fo11c: devenus cl1ez qt1elqucs-u11s
ô 'e11 tre-cux .. non-feule111ent t111e afraire de
' , paOEon & '-ie pa1-ri, i11ais e11core t>n obier
â'in ré1·êr & de co1n 1nerce. N ot1s 1:"&' enrr<>r1s
p.oi11t dans ces que!tions fâc l1etJl- s; no11s 11e
u Youlo11s d~fobl ige r · perfon11e ; 11 us nous
. conc e11to1~s d'ét~ blir r1c•t1~· pr i nci~~e qu'il t1e
J Eaur ja1nais trotnpcr le teétet1r ni ft11· les ·
_Auteurs J1i Cur les Ouvr=i~s; c11 C<•t1 feq 12r~11~e
nous nous l1ârons de déclarer que J' utct1r
:.de cet Ex cc a · t ,.. ,a auffi l' ucéuiï de.~ l'I-Iifroire
• • G V .. .
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If 4 MER c u R E
de Cl1arlemagne , & que par conféquept
cer Extrait 11e contie11dra ni éloge ni cri~
• . t1qt1e.
Pourquoi u11 Attteur , bien réfoltt d'obfe1
·ve1· tOlltes les bienféances, cne rendroit-il ,
pas co1npte au Public de fo11 propre Ot1-
vrage dnns tin Journal , Ct)n11ne il en 1·e11d
co111pte à fes Le&eurs dar1s u11e Préface, e11
fe bor11a11t à dire ce que !'Ouvrage con~ienr,
. dans qt1el c:fp1·ît il eft fait' n~11s quel ordte
les ebjcts y font préfe11tés, ·&o. tnais fans
at1ct111 ligne 11i d'approbatio11 11i de c~n~
{ure? ..
'. Eft· il mêcne bi~11 sûr que le Pttblic . en
de1na11de d1van!age aux Jou1ï1aliffes de profeffio11?
Ils s'e1np1·e{fe11t cous à juger en hie11
ou· en n1al 1-es Ouv14 ages dont ils ne font
chargés tout au plus que de 1·e11 ,{1·e compte.
Il efl: vrai qn'il eft difiicile de fe reft1fer au
plaifÎr lie louer ce qu'o11 fe11r ê'rre bo11, ou à
}a jufl:iee de blâiner ce qt1i cfr évidem1nent
mauvais; 111ais à ne co11fidérer qtte l'intérêt
du Public, qu'a-t-il befc)in du jugen1ent
d'ttn pa1·riculier? qu'a-t-il befoi11 de f1voir
ce que Bav ius penf e ot1 vcttt pe11ter des vets4 vu de la profe de Moevius? pou1·quoi faut~ il
qt1't11-1 f~t1l hom1ne prétende app1·endre o 1
prefcri1e au Public ce qu,il doit penfer de
tel ou rel Ouvrage? Au fon,{, que dema11êiet-
on à u11 Journalifl:e? U11 précis fidèle, un
co1·l1pte exaét d'après leql1el 011 pui1fe juger
du bcfoin qu'on a dë l,Ouvrag~, & du
~gré d'inftrult1on ou de plaifir qu'on peut
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D E 13 R A N C E. 15r
s'en pro111errre. Un pareil compte_ peut fe
paffer du juge111ent dll Jot1rnalifte, & Je
j11g~ment du Jour11aliCte ne pe1.1t pas fc
paifer d' u11 pareil co111pte.
Les Jour11aliftes devroie11t donc pet1têrre
fe bo1·ner à la fonétio11 de Rappor.-
tet1rs , & 11'y pas joi11dre celle de Juges.
La fonéèion des Jour11alifl:es, telle qu'elle
cft exercée ..atfez générale1nent, efl: u11e e(pèce
de Mi11iftèrc ou de ~1agifrrature dont
le défaut etfe11tiel efl: d'être abfolu1ne11t iàn~ •
.million : j~ger fcs co11temporains , fes
rivaux, fes ég1ux , quelquefois Ces f upérieu1·s,
trop f ou:vent iès enne111is, n' efr pas un emploi
quj doive être aba11âonné indifiinll:1-
menr a tout le n1onde; Il in1porte qu'un
Jou111al 11e foir poir.it t111e artne da11s la main
d't1n inécha11t ou d,un e11viet1x; il i1nporte
ique ce 1ninifière (oit exercé avec juftice,
ou au i11oi11s avec décence. Mai5 il ne s'agit
pas ici d,expofer une théorie géné1·alc
pour la perfeétiom ou la 1·éfo11ne des J0urnal1x,
nous dif ons fet1le111e11t qt1e le Public .
â bef oin d'e connoît~:e les 0t1v1·ages, & qu'il
i1, a pas le 111ê1ne be(oi11 de co11110Îrre l' opi-.
1.1io11 d, 1111 Jour nalifl:e. •
~' On L1it toujours miet1x que perfon11e
-corn tne11t 011 veut êrre ' 1ot1é, a dit lln plai.
fan r; in ais en confentar1t lie n' ~tre pas loué,
un Auteur ne fait-il pas roujoars 111ieu.x que
pe1·fo11 ne, 111ieux que le LeCtet1i· mê1ne lie
plus arr.e11tif, oe c1ue c01:itie11t fon Ouvrage.
<lans ']UeJ fpt.it il eft fait., -ce qu'il lui 2
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· 116 MERCURE
coûté de rra\'ail, &c.? & s'il falloir ~bfolu·
ment tlM juge1nenc fur cet Ouvrage, ne
ferait-il pas à propos , pour qtte ce jugement
ft1t coni plcttet11ent juR:e , que les idées
d11 Jot1rnalifre futfe11r co111binécs avec celles
de 1, Auteur? ,.,
Mais, dira-r-011, li lei Auteurs rendaient
compte et1x-1nê1nes de leurs Ouvrages da11s
les Journaux, ou li Je.s Journalifres, f e bot-
11a11t à en i·endre cotnpte, s' abfre11oient de les
juger, on feroir privé des avantages de la
critique; cependant la critique dl: utile, on
ne peut le nier.
Oui, 11ne critique jull:e & Cage , di~ée
par le pur a1nG>t1r rle la vérité, fans auct1n
mêlange de paffto11 & d,efprit de parti ,
fa11s aucu11e e11vie de n.uire ou de tn<i>rtifier.
alfaiConnée mê111e de cotts les égards dûs à
l' Autelllr; 1nais la cririque nous a dérro1nP.é'
de la critique; Ces abtts 011t tellement excé:{
é Ces av111rages, qu'il y au1·oit beaucoup
à gagt1er à i·e11e11cer at1x uns poar êcre délivré
des autres.
Qt1a11d on veut citer un medèlc de critique,
on cite celle du Ciel par 1, Acadétnie
Françoife. En citeroir 011 beaucottp d·autres?
.Nla1s cette critique 111ê111e, font'~ ce les
obieétio11s & les jugemen5 qu'elle renfertne
q •.1i e11 fo11t le prin6Îpa t· mérite ~
Non, plLifi't!urs de ces juge1ncns font rigou~
reux ju( u,à l'injufrice; il Ceroit aifé de le
dén1onrrer Qtt'efl:-ce do11c qu'on adiriire
da115 cette critique? C,eft fur tout a 1n0dé-
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1VlfVFU4U
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D :E. F R A N C E. 't fV
ration de l'Académie oppofée à l'acharne--
1nenc de {on Fo11dateu r ; c' cil la co11(it1ération
q u' eile ré111oiga1 e par-cout ·à· Corneiile >
que le Cardinal de Richelieu vouloir hu111ilier;
c' elt le ref peét que le goût rn.ontre partottt
pour le génie perfécuté. • .
, Dans la plu part de nos cri tiques , nous
paroilfons craindre que la 1na~ignité ne
perce p.as affez. Les moins injuftes. ont e11-
core de quoi bleffer l'.Auteur, au moins par
le COJ1. -
Les critiques de goût ont \1n arbitraire
qui prête à l'i11jt1fl:1ce & aux in.it1 \ailes intc11tions;
d'ailleurs, elles font roujours J~licarcs,
parce que la i1uefiio11 efÈ 01·di11aire-
1ne11t de fav<>ir fi l' At1ret1r a de l' ef prit &
du goût, ou s'il en manque.
Les cririque.5 d'érudition , qui co11fi:irue11t
P.riL1cipaletnent ce qu' 011 appelle la critique ,
font plus innoce11tc~ & plt1s utiles ; elles
ont pour prétexte & peuvent avoir pour
objet l'i11ftrt1&ion du Pt1blic & l' éclairciffement
des fairs. Qt1'un tàir f oit vrai ou faux,
011 incerrain , c, cft l' affai1·e des preuves ,
l'amour p1·opre 11,y paraît pas fort inrét·effé.
Eh bien! ces cririqt1es mê1ne f onr a111ères &
venin1eufes , parce que ~, eft à l' Auteur qt1' on
en veut bien plus qt11à l'Ouvrage; c'efi l'Allteur
qu'on veut bl~lfcr, noa1 le Public qu'ün
vc11r inflrui 1·e.
)iinis Je rorc n'eOE pas tot1jours au côté a s
/Ou 1 a liftes, il efi fo11venr <.ia11s l'arrtotirpreRre
int0lérant des Autcur.s, qui s, offcnfe
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1 V~VIU*U
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-11 g ~I E R C U R E
de toute critique, & 11'eft content 'd'aucun
éloge. L'arrangen1e11t que nous propofo11s
ranédieroit e11core à cet i11co11vé11ie11t ; les
.Autet11·s feroient et1x-111êmes le rapport de
leu1·s Ül1vrages, ~:l le 1:1ublic juge1·oit. ..
Mais tous ees rapports fe1·oie11t toujot11·s .
favorables ! ·
Oui, n1ais ils 11e pourroienr coujours contenir
que ce qui Ce1·oit da11s l10uvrage, & la
· bienféa11ce i11te1·<.iiroit tout éloge.
' ~1ais qui avertira le Public des fautes réRandl1es
dans l10l1vrage?
Quï? ceux qui vou•3ro11t e11 e11tr.eprend1·e
la critique particulière à leurs 1·i!qaes, périls
& f 01·ru11e.
.. Mais e, elt rentrer dans la fonétion de • •
; ' Jour11alille !
Oui, mais; c' efr y rentre1· e11 particulier,
11011 en l1om111e pt1blic; e11 plaidet1r, no11 e11
juge; & qu'o11 ne croye pas cette difii11étion
. chit11ériqt1e, elle efr r1·ès-jn1portanre. 11 y a
toujours q11c portio11 du l)ublic qui efi: la
dupe de l'autorité que s'art·oge tin Journalifie;
celui ci prononce toujou1·s ex Callze-
. . drâ; il a fes Leéteu1·s tol1t trouvés & fes
Difciples ad.diài jurare in verha. magiflri.
Le Cen(el1r particulier, plus olJligé d)a'7oir
raifon, y·rega1·de à det1x fois avant d'entre·
p1·e11d re une cririque; il ne l' e11trepte11d que
quand elle cfl: nécet1àire Ott utile, & qu'il fc
Barre rl'y don11er a{fez d' agrémet1r ~ d.tibtérêt
pour la f,1ire lire. 'te Journalifie eJt 1 r
d'être lû & 'ru, du inoi11s par fes çrox.QIU~
-
-
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1
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D E F R A' N C E. 1r9
r & le vulgaire lui flllilpofe caraétè1·e & autorité,
puifqt1'enfin il s' eft fait Jour11alifte.
IDe plus, fi l'Auceur veut répo11d1·e , il
faut qu1il fe ménage ur1 cl1a111 p de bacaille
dans un a1Jtre Jour111;ll ri~al & e1111e111i du ·
, Journal aggreifeur, & qui fot1ve11t lui rcft1fe
territoire dans la crainte de Ce coin pro1ne~-.
' tre. Da11s la critique particulièi;e l' Auteur
-& le Ccnfe11r fe oarce11c à ar111es égales.
· Mais cetttc ~néthotle fera co1111node pour
les mau\'ais Ecrivai11s, do11t elle taï ra les
defaurs ! ...
. Pas fi com111ode.- U11 mat1vais Écrivain
par~îcra deux fois inauvais Écrivain , k
èans l'Qu,;rage & dans 'Extrait. ..
Elle fera fâcl1eufe pottr les bo11s Écrivai11s
qu'elle p1·ive1·a <les louanges qu'ils 1néi:itent !
Pas ,,fi fâcheufe, par la rai!on co11traire. Le
bon Ecrivt.lit1 paroî ~ra doubieme11t digne
des louang's qu ~il aura dû fe refu(er.
Quoi qu'il en f oit enfi11 de l'i1111ovation
propo[é~, ql1, clJe foie ad1!1iffible ou 11on ,
qtte 1, exemple qu'o11 va don11er foit f uivi
oa qt1'il )·eftc fa11s imirate\tcs, ~oici u11 Exr1
·ait où l, Auteur va publique111e11t & a décot1-
. vcrr, a11alyfe1· fon propre Ouvrage> fa11s eloge
.. & fa11s critique.
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Résumé : HISTOIRE de Charlemagne, précédée de Considérations sur la première Race, & suivie de Considérations sur la seconde ; par M. Gaillard, de l'Académie Françoise & de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres. A Paris, chez Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine, de Madame & de Mme. la Comtesse d'Artois, rue des Mathurins, Hôtel de Cluni, 1782, 4 Vol. in 12.
L'ouvrage 'Histoire de Charlemagne' de M. Gaillard, membre de l'Académie française et de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, publié à Paris en 1782, traite des journaux littéraires et de leur rôle. Ces journaux sont présentés comme des plateformes accessibles à tous les auteurs pour y publier des extraits de leurs œuvres, sans éloges ni critiques. Les éloges peuvent sembler indulgents, tandis que les critiques peuvent être injustes. L'inventeur des journaux littéraires a innové en créant un livre qui fait connaître d'autres livres, mais il a rencontré des interruptions et des conflits avec des savants comme Sallo et l'Abbé Gallois. Le texte critique les journaux littéraires établis par autorité privée, soulignant les abus et les flatteries qui peuvent y être publiés. Il cite des exemples historiques, comme les mauvais vers écrits lors de la maladie du roi Louis XV en 1744. Il propose que les journaux littéraires devraient se limiter à fournir des comptes rendus précis et objectifs des ouvrages, sans juger leur valeur. Le texte critique également les critiques de goût, jugées arbitraires et souvent injustes, et les critiques d'érudition, qui peuvent être venimeuses et viser l'auteur plutôt que l'ouvrage. En conclusion, le texte suggère que les auteurs pourraient eux-mêmes faire le rapport de leurs ouvrages, bien que cette méthode puisse également poser des problèmes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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HISTOIRE de Charlemagne, précédée de Considérations sur la première Race, & suivie de Considérations sur la seconde ; par M. Gaillard, de l'Académie Françoise & de l'Académie des Inscriptions & Belles-Lettres. A Paris, chez Moutard, Imprimeur-Libraire de la Reine, de Madame & de Mme. la Comtesse d'Artois, rue des Mathurins, Hôtel de Cluni, 1782, 4 Vol. in 12.