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1
p. 122-129
Histoire du Mariage par hazard. [titre d'après la table]
Début :
Une fort aimable Fille, aussi spirituelle que bien faite, demeurant [...]
Mots clefs :
Galant, Fille, Entrevue, Amant, Gazette de Hollande, Mariage
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texteReconnaissance textuelle : Histoire du Mariage par hazard. [titre d'après la table]
Une fort aimable fille, auſſi
ſpirituelle que bien faite , de- meurant à Paris , apres avoir paſſeſes premieres années en Gaſcogne, attendoit avec plus
90 LE MERCURE de naiſſance que de fortune,ce qu'il plairoit au Ciel d'ordon- ner de ſa deftinée. Un galant
homme dont le bien répondoit à d'autres qualitez fort
eftimables , la vit par rencontrechez une Dame,amie commune de tous lesdeux.Elle luy parut enjoüée, pleine de viva- cité , d'un entretien agreable ,
&il trouva fur tout que fon accent de Province donnoit
une grace merveilleuſe aux moindres choses qu'elle diſoit.
Il la regarda, luy parla, l'écou- ta;&le plaifir qu'il prit à cette premiere entreveuë , luy en ayant fait fouhaiter une ſecon- de, il ne luy fut pas difficile d'en trouver l'occaſion. La Bel
le alloit ſouvent chez la Dame
qu'il connoiffoit. Ils estoient
GALANT. 91
2
fortis fort contens l'un de l'autre ſans s'en rien dire , & c'étoit affez pour leur faire pren- dreſoindu rendez- vous.Trois
mois ſe paſſerent à ſe voir de
cette forte. Ils devinoient&ne
ſe diſoient point la cauſe de leur frequente rencontre.C'étoit le hazard en apparence, &
lear volonté en effet. La Belle
continuoit toûjours à eſtre en joüée , l'Amant à luy applau- dir; force parties de S. Clou &
d'Opera , mais ce n'eſtoit que voir l'Opera & faire des pro- menades à S. Clou ; grande complaiſance , & point dede- claration.Celan'avançoitpoint les affaires , &la Belle ne iça- voit que penſer deſon Amanr.
Elle avoit beau luy paroiſtre toute aimable, il eſtoit charmé
92 LE MERCURE
de ſon humeur, loioit ſon accent Gaſcon & ne ſe haſtoit
point de parler François.Enfin Theureux moment arriva. Ils
eftoient tous deux chez leur
Amieson yliſoit la Gazette de Hollande, &ellemarquoit en- tre autres choſes ſur l'Article
de Paris, que M. le ** avoit é- pouféMademoiſellede **. Le joly endroit , dit alors cette agreable Perſonne avec ſon
enjoüementordinaire ! lecroy que je ne ſerois point faſchée de voir mon Nomdans un Article pareil à celuy cy. L'A- mant commençoit à ſe laiſſer
vaincre par l'eſtoile. Grande aſſurancede ſa part qu'elle n'a- voit qu'à luy donner l'ordre ,
&qu'elle auroit fatisfaction.
Mais, ajoûta-t'elle , il vous en
GALAN T. 93
1
couſteroit de l'argent, &ie ne voudrois pas engager les gens àunedépense qui ne tournaſt point à leur avantage. Autre afſurance qu'il ne tiendroit
qu'à elle que l'argent ne fuft employé pour luy. La belle le regarda; &de cet accent qui avoit accouſtumé de le charmer : Expliquez vous, luydit- elle : ſi vous me parlez pour vous divertir , ie vay vous ré- pondre ; si c'eſt ſerieuſement,
mon Pere vous répondra.
L'Amant acheva d'eſtre vaincu, il fit la reverence,alla trou- ver lePere, la luydemandaſans s'informer de la ſuite , dreſſa
des Articles fort avantageux pour la Belle, &l'épouſa qua- tre iours apres . Cent perſon- nes de qualité ont eſté de la
94 LE MERCURE
nopce , &c'eſt le premierMa- riage qui ſe ſoit fait icy depuis Paſques
ſpirituelle que bien faite , de- meurant à Paris , apres avoir paſſeſes premieres années en Gaſcogne, attendoit avec plus
90 LE MERCURE de naiſſance que de fortune,ce qu'il plairoit au Ciel d'ordon- ner de ſa deftinée. Un galant
homme dont le bien répondoit à d'autres qualitez fort
eftimables , la vit par rencontrechez une Dame,amie commune de tous lesdeux.Elle luy parut enjoüée, pleine de viva- cité , d'un entretien agreable ,
&il trouva fur tout que fon accent de Province donnoit
une grace merveilleuſe aux moindres choses qu'elle diſoit.
Il la regarda, luy parla, l'écou- ta;&le plaifir qu'il prit à cette premiere entreveuë , luy en ayant fait fouhaiter une ſecon- de, il ne luy fut pas difficile d'en trouver l'occaſion. La Bel
le alloit ſouvent chez la Dame
qu'il connoiffoit. Ils estoient
GALANT. 91
2
fortis fort contens l'un de l'autre ſans s'en rien dire , & c'étoit affez pour leur faire pren- dreſoindu rendez- vous.Trois
mois ſe paſſerent à ſe voir de
cette forte. Ils devinoient&ne
ſe diſoient point la cauſe de leur frequente rencontre.C'étoit le hazard en apparence, &
lear volonté en effet. La Belle
continuoit toûjours à eſtre en joüée , l'Amant à luy applau- dir; force parties de S. Clou &
d'Opera , mais ce n'eſtoit que voir l'Opera & faire des pro- menades à S. Clou ; grande complaiſance , & point dede- claration.Celan'avançoitpoint les affaires , &la Belle ne iça- voit que penſer deſon Amanr.
Elle avoit beau luy paroiſtre toute aimable, il eſtoit charmé
92 LE MERCURE
de ſon humeur, loioit ſon accent Gaſcon & ne ſe haſtoit
point de parler François.Enfin Theureux moment arriva. Ils
eftoient tous deux chez leur
Amieson yliſoit la Gazette de Hollande, &ellemarquoit en- tre autres choſes ſur l'Article
de Paris, que M. le ** avoit é- pouféMademoiſellede **. Le joly endroit , dit alors cette agreable Perſonne avec ſon
enjoüementordinaire ! lecroy que je ne ſerois point faſchée de voir mon Nomdans un Article pareil à celuy cy. L'A- mant commençoit à ſe laiſſer
vaincre par l'eſtoile. Grande aſſurancede ſa part qu'elle n'a- voit qu'à luy donner l'ordre ,
&qu'elle auroit fatisfaction.
Mais, ajoûta-t'elle , il vous en
GALAN T. 93
1
couſteroit de l'argent, &ie ne voudrois pas engager les gens àunedépense qui ne tournaſt point à leur avantage. Autre afſurance qu'il ne tiendroit
qu'à elle que l'argent ne fuft employé pour luy. La belle le regarda; &de cet accent qui avoit accouſtumé de le charmer : Expliquez vous, luydit- elle : ſi vous me parlez pour vous divertir , ie vay vous ré- pondre ; si c'eſt ſerieuſement,
mon Pere vous répondra.
L'Amant acheva d'eſtre vaincu, il fit la reverence,alla trou- ver lePere, la luydemandaſans s'informer de la ſuite , dreſſa
des Articles fort avantageux pour la Belle, &l'épouſa qua- tre iours apres . Cent perſon- nes de qualité ont eſté de la
94 LE MERCURE
nopce , &c'eſt le premierMa- riage qui ſe ſoit fait icy depuis Paſques
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Résumé : Histoire du Mariage par hazard. [titre d'après la table]
Le texte relate l'histoire d'une jeune femme spirituelle et charmante, élevée en Gascogne mais résidant à Paris. Elle rencontre un homme de qualité chez une amie commune, qui est charmé par sa vivacité et son accent gascon. Ils se voient fréquemment sans se déclarer leurs sentiments, profitant de sorties et de divertissements. Un jour, en lisant la Gazette de Hollande, la jeune femme exprime son désir de voir son nom dans un article similaire. L'homme, épris, lui assure qu'il peut réaliser ce souhait. Elle lui demande de s'expliquer clairement et comprend qu'il s'agit d'une demande en mariage. Il obtient le consentement du père de la jeune femme et l'épouse quatre jours plus tard. La noce est célébrée en présence de cent personnes de qualité, marquant ainsi le premier mariage depuis Pâques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 5-6
« Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Début :
Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...]
Mots clefs :
Fortune, Amant, Coeur
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texteReconnaissance textuelle : « Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Si les Bergers ſeuls avoient l'avantage de trouver toûjours l'heure qu'on ſouhaite auffi- toſt qu'on commence d'aimer,
on quiteroit ſouvent des Palais
pour venir habiter leurs Ca- banes ; & la plupart de ceux que la Fortune ſemble avoir mis au deſſus des ſouhaits , ſe
croiroient malheureux, & por- teroient envie à leur bonheur.
Il n'eſt rien qu'un Amantbien paffionné ne fit pour toucher l'objet dont ileſt charmé. Rien ne tient dans un cœur plus
GALANT. 5
fortement que l'Amour , & le Madrigalqui fuit fait voir qu'il ſe trouve des Amans qui ne veulent pas guérir de leurs bleffures.
on quiteroit ſouvent des Palais
pour venir habiter leurs Ca- banes ; & la plupart de ceux que la Fortune ſemble avoir mis au deſſus des ſouhaits , ſe
croiroient malheureux, & por- teroient envie à leur bonheur.
Il n'eſt rien qu'un Amantbien paffionné ne fit pour toucher l'objet dont ileſt charmé. Rien ne tient dans un cœur plus
GALANT. 5
fortement que l'Amour , & le Madrigalqui fuit fait voir qu'il ſe trouve des Amans qui ne veulent pas guérir de leurs bleffures.
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Résumé : « Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Le texte évoque la capacité des bergers à trouver l'heure propice à l'amour, rendant leur condition enviable. L'amour passionné incite à tout entreprendre pour séduire. Les amants refusent de guérir de leurs blessures émotionnelles, révélées par les poèmes d'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 216-226
MAXIMES D'AMOUR.
Début :
Quoy qu'on fasse passer l'Amour pour la plus violente / Nous voulons qu'un Amant se declare luy-mesme, [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Lois, Déclaration, Roman, Théâtre, Méthode, Secret
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texteReconnaissance textuelle : MAXIMES D'AMOUR.
Quoyqu'onfaffe paffer l'A- mour pour la plus violente de
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
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Résumé : MAXIMES D'AMOUR.
Le texte explore la prééminence de la gloire sur l'amour, affirmant que la quête de gloire incite les individus à privilégier les défis aux plaisirs et à sacrifier ce qui leur est cher. Il se penche ensuite sur les maximes de l'amour, en énonçant plusieurs principes fondamentaux. Un amant doit se déclarer lui-même sans susciter de méfiance, car une défiance injustifiée peut entraîner la perte de l'être aimé. Une fois la déclaration faite, chacun doit la respecter. L'amour caché est perçu comme plus doux, et il est conseillé d'aimer en silence. L'absence ne doit pas affaiblir la constance de l'amour, bien que les tristesses soient à éviter. L'amour doit être exprimé avec joie plutôt qu'avec tragédie. Il est recommandé de cacher sa passion et de ne pas la rendre publique. Les signes extérieurs de l'amour, tels que la rougeur ou la pâleur, sont déconseillés. Les désespoirs excessifs et les poisons sont interdits. La curiosité en amour est jugée néfaste, car elle révèle souvent des infidélités. Enfin, les transports jaloux doivent être évités pour préserver la fidélité et le bonheur dans l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 59-63
L'HORLOGE DES AMANS.
Début :
Il s'en fait beaucoup d'autres dans le monde dont / Apres la declaration [...]
Mots clefs :
Occasion, Heure, Amant, Désirs, Entreprise
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texteReconnaissance textuelle : L'HORLOGE DES AMANS.
l s'en
fait beaucoup d'autres dans le monde dont on ne ditmot, &il
n'eſt point de Belle qui n'ait fon heure dangereuſe quand les A- mans s'attachentàl'obſerver. Les
Prudes meſmes ne s'en fauvent
pas. Voyez ce qu'un Expert ſur cette matiere en a ingénieuſe-- ment écritdepuis peu..
38 LE MERCVRE
L'HORLOGE DES AMANS..
APres la declaration
Qui marque une ſincere & tendre paſſion,
Quandla Belle devient reſvenſe,
L'occaſionſe montre heureuse ;
Etsi l' Amant a de l'esprit ,
Il endoitfairefon profit.
L'heure où l'Amantse racommode Eft toûjours une beure commode ,
On veut se racquiter du temps qu'on a
perdu,
Et la Belle estant appaisée ,
Lecœurpoursemontrer de bonnefoyredu,
Nousrendtoute entrepriſe aisée,
Ce moment ſi chery des Hommes &des Dieux,
Eft en Chiffres d'amour écrit dedans les
yeux Decellepourqui l'on foûpire,
Etbien heureux qui l'y peut lire.
GALANT. 39
Vne Femme dansle couroux.
Oùla met un Mary jaloux ,
Aux deſirs d'un Amant est rarement cruelle.
L'occafion deſevanger Eſt une occaſion trop belle ,
Et l'heure du Dépit , l'eſt ſouvent diu Berger.
Siparmy la réjoüiffance
D'une Feste donnée en quelque beau Iar- din
Celle que vousaimez lors que moins on ypense,
S'éclipse &disparoiſt ſoudain ,
Suivez-la , l'amourſe declare ,
Ce n'est pasfansdeſſein que la Belles'égare.
UneFiere veut du respect,
Cherche dansſa conduite un Amant cir- confpect ,
Et qui contre lamédiſance Entous lieuxprenne sa defence;
Son honneurſauvéde ces coups
Sedefendra mal contrevous..
40 LE MERCVRE
Cellequele chagrin dévore ,
Qui ne vit que dans un grand düeil ,
Etd'une cendre qu'elle adore
Semble n'aimer que le cercüeil ,
Quoyqu'onla croyeinconfolable ,
N'estpastoûjours inexorable .
La douleur n'estant point vertu,
Nefournit quedefoibles armes ,
Et l'amour est mal combatu
Par la langueur &par les larmes.
Comme ſouvent la peine irrite le defir,
Pour objet de vos vœux s'il vous plaist dechoisir Quelque Prade à vos yeux aimable,
Nevous allarmezpoint deſa grandefroi- -deur
Parvossoins, vosrespects montrez luy voſtre ardeur,
Et laiſſez faire au temps , il la rendra traitable ,
Elle ne croira pas en avoir moinsd'hon--
neur
Pour donner à l'amour uneplace en fon foncœur..
fait beaucoup d'autres dans le monde dont on ne ditmot, &il
n'eſt point de Belle qui n'ait fon heure dangereuſe quand les A- mans s'attachentàl'obſerver. Les
Prudes meſmes ne s'en fauvent
pas. Voyez ce qu'un Expert ſur cette matiere en a ingénieuſe-- ment écritdepuis peu..
38 LE MERCVRE
L'HORLOGE DES AMANS..
APres la declaration
Qui marque une ſincere & tendre paſſion,
Quandla Belle devient reſvenſe,
L'occaſionſe montre heureuse ;
Etsi l' Amant a de l'esprit ,
Il endoitfairefon profit.
L'heure où l'Amantse racommode Eft toûjours une beure commode ,
On veut se racquiter du temps qu'on a
perdu,
Et la Belle estant appaisée ,
Lecœurpoursemontrer de bonnefoyredu,
Nousrendtoute entrepriſe aisée,
Ce moment ſi chery des Hommes &des Dieux,
Eft en Chiffres d'amour écrit dedans les
yeux Decellepourqui l'on foûpire,
Etbien heureux qui l'y peut lire.
GALANT. 39
Vne Femme dansle couroux.
Oùla met un Mary jaloux ,
Aux deſirs d'un Amant est rarement cruelle.
L'occafion deſevanger Eſt une occaſion trop belle ,
Et l'heure du Dépit , l'eſt ſouvent diu Berger.
Siparmy la réjoüiffance
D'une Feste donnée en quelque beau Iar- din
Celle que vousaimez lors que moins on ypense,
S'éclipse &disparoiſt ſoudain ,
Suivez-la , l'amourſe declare ,
Ce n'est pasfansdeſſein que la Belles'égare.
UneFiere veut du respect,
Cherche dansſa conduite un Amant cir- confpect ,
Et qui contre lamédiſance Entous lieuxprenne sa defence;
Son honneurſauvéde ces coups
Sedefendra mal contrevous..
40 LE MERCVRE
Cellequele chagrin dévore ,
Qui ne vit que dans un grand düeil ,
Etd'une cendre qu'elle adore
Semble n'aimer que le cercüeil ,
Quoyqu'onla croyeinconfolable ,
N'estpastoûjours inexorable .
La douleur n'estant point vertu,
Nefournit quedefoibles armes ,
Et l'amour est mal combatu
Par la langueur &par les larmes.
Comme ſouvent la peine irrite le defir,
Pour objet de vos vœux s'il vous plaist dechoisir Quelque Prade à vos yeux aimable,
Nevous allarmezpoint deſa grandefroi- -deur
Parvossoins, vosrespects montrez luy voſtre ardeur,
Et laiſſez faire au temps , il la rendra traitable ,
Elle ne croira pas en avoir moinsd'hon--
neur
Pour donner à l'amour uneplace en fon foncœur..
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Résumé : L'HORLOGE DES AMANS.
Le texte explore diverses stratégies pour gérer les situations amoureuses. Il souligne que toute femme peut être observée et que les amants doivent saisir les opportunités favorables. Après une déclaration sincère, l'amant doit profiter de l'instant où la belle est réceptive, notamment lors de la réconciliation, moment propice où elle est apaisée et prête à montrer sa bonne foi. Les femmes en colère, souvent cruelles, peuvent être apaisées par la réjouissance d'une fête. Si une femme aimée disparaît, l'amant doit la suivre, car elle ne s'égare pas sans raison. Une femme fière cherche respect et défense contre la médisance, et son honneur se défend mal contre un amant dévoué. Enfin, une femme dévorée par le chagrin, bien que semblant inébranlable, peut être touchée par l'amour. L'amant doit montrer son ardeur avec soin et respect, laissant le temps rendre la femme aimée plus traitable sans qu'elle perde son honneur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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p. 110-135
Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Début :
Une jeune Veuve dont la beauté attiroit des Soûpirans, l'esprit [...]
Mots clefs :
Veuve, Marquis, Vieillard, Banquier, Homme, Amant, Carosse, Amour, Balcon, Jalousies, Chevaux, Rival, Garderobe, Cocher
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texteReconnaissance textuelle : Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Une jeune Veuve dont la beauté attiroit des Soûpirans ,
l'eſprit des louanges , & l'air co-- quetdes railleries, avoit l'adreſſe
3
70 LE MERCVRE deménagertrois Amansque des raiſons d'intereſt ou de vanité
luy avoient fait choiſir d'un affez
diferent caractere. L'un eftoit un
jeûne Etouurdy , Marquis à bon titre , un peu gueux , mais bien fait, & fort capable de ſe faire ai -
mer. Il avoit l'air bon , ne manquoit derien en apparence , &
vivoit avec tout l'éclat qu'auroit pû faire un Homme de ſa naiffance,à qui la Fortune auroit été plus favorable qu'à luy. L'autre eſtoit un petit Vieillard,toûjours propre, de bonne humeur, libe- ral , & cette dernierequalité va- loit bienqu'on ne prit point gar- de à ſes années. Il avoit eſté autrefois Banquier , s'eſtoit meſlé enfuitede plus d'une affaire , &
pardes voyes inconnuës, il avoit trouvé moyen de ſe rendre un des plus riches Roturiers du
GALANT. 71T
Royaume. Les Viſites du Mar- quis luy faifoient paſſer de mé- chans momens , ſes grands airs n'eſtoient point à ſon uſage , &
c'eſtoit quelque choſe de fi re- doutable pour luy , qu'il eſtoit contraintde quiter la place ſi -tôt qu'il entroit. Il en avoit faires plaintes à la Dame, qui nos en N
incommodoit pas. Elle tournoit finement les choſes , &deuxou
trois paroles flateuſes menoient
lebon Homme où elle vouloit.
Son troifiéme Amanteſtoitd'une
eſpeceoppoſéeàl'un&à l'autre.
Il tenoit le milieu entre le Marquis &ile Banquier. UneCharge deRobe de rendoit confiderable,
&& il n'avoitrien d'ailleurs qui le
fit diftinguer. Pointde defaut re- marquable, point devertu parti.
culiere, il fervoit ſes Amis,&fans élevation ny baffeſſe il s'eſtoit
72 LE MERCVRE acquis la réputation d'honneſte Homme. Labelle Veuve l'attendoit un foir: Les jours eſtoient longs , & il ne devoit venirque fort tard. Une raiſon importante lobligeoit d'en ufer ainfi. Elle avoit un Procésdontil eſtoit Raporteur , & fi on l'euſt veu en- trer chez elle , ſes Parties au- roient eu droit de le récufer. Elle
croyoit le petit Vieillard à l'une de ſes Terres , le Marquis ne de voit pas revenir fi -toſt de la Cour,&fur cette afſurance elle avoit donné le rendez-vous; mais
comme les Coquetes font nées pour les Avantures , le Vieillard entra lors qu'elle y penſoit le moins. Il eſtoitdans ſa propreté ordinaire. Un Habit de Tafetas
noir tout chamarré de Dentelle,
le Bas de foye bien tiré Perru
E
que blonde , & un Rabat d'un
Point
GALANT 73 Point de France admirable. A
peine eut-il dit à la Veuve que Pimpatience de la revoir hay avoit fait précipiter ſon retour,
qu'on entendit le bruit d'un Car- roſſe àfix Chevaux. Il arreſta devant ſa Maiſon , on en defcendit
avec grand fracas , on heurta fort rudement à la Porte , & l'on
entra de plein- pied , fans s'in- former ſi on eſtoit en humeur
de voir les Gens. LaDame preſta l'oreille , & au bruit qui ſe fai- foit , elle n'eut pas de peine à
connoiſtre les manieres du Marquis. Elle s'en trouva embaraf- fée , il commençoit à faire nuit,
le Confeiller devoit venir àonze
heures,&pour ne ſe point brouil- ler avec luy , il falloit ſe défaire dedeuxAmans. Le Vieillardn'e
ſtoit pas moins en peinede ſon coſté , l'heure induë pour un
Tome VII.
D
74 LE MERCVRE
Homme de fa forte le pouvoit rendre ſuſpect au Marquis dont il avoit déja eſſuyé quelquebruf- querie ,& ne voulant s'expoſer ny à ſes emportemens jaloux,
ny àſe voir traité en petit Bour- geois , il témoigna fon inquié- tude à la Veuve. Elle en fut ra
vie, & luy propoſa d'entrer dans un Balcon aupres duquel il eſtoit affis. Le Party luy plût , il ouvrit promptement leBalcon,&n'eut que le temps d'en faire fermer la Porte apres qu'il s'y fur jetté. Le Marquis dit d'abord à la belle Veuve qu'il n'eſtoit venu que pour elle ſeule, ayant à le trou- ver le lendemain au lever du Roy ; que ſes Chevaux eſtant fatiguez , il s'eſtoit mis dans le Carroffe d'un Duc de ſes Amis,
qui l'avoit deſcendu àla Porte,
&qu'il eſperoit qu'elle voudroit
GALANT. 75 bien luy preſter le ſien pour le ramener chez luy quand il fe- roit temps de la quitter. Elle y
confentit,&apres avoir donné ordre qu'on avertiſt ſonCocher de ſe tenir preſt , elle entra en converſation avecle Marquis. If luy parla de fon amour, luy fit quelques reproches de certaines viſites qu'elle recevoit , & luy demanda fur tout des nouvelles
du petit Banquier qu'on luy fai- ſoit le tort dans lemondedeluy donner pour Amant. Il le tourna enridicule , & adjoûta que s'il le
rencontroit encore chez elle
comme il avoit déja fait , il, ne manqueroit pas à le divertir agreablement. La Dame qui a- voit intereſt àſe conferverle pe- tit Vieillard , & qui n'eſtant que Coquete,n'aimoit pas qu'on fiſt leSouverainavec elle , releva fes
Dij
76 LE MERCVRE
paroles d'un ton plus hautquele fien,& luy ayant ditqu'elle ne devoit compte de ſes actions à
perſonne. Elle luy témoigna fie- rementque s'il ne luy rendoit des foins que dans l'efperance du droit de maiſtriſe ,il ne fe pou- voit plus mal adreffer. Le Mar- quisluy réponditqueſon deſſein n'eſtoit pas de prendre aucune autorité ſur ſes ſentimens , qu'il diſputeroit volontiers ſon cœur avec un autre , mais qu'il y alloit deſagloire de ne pasfouffrir un Rivalqu'elle ne luy pouvoit don- ner fans ſe faire tort à elle-mefme. Ces jaloufies de gloire ne fatisfirent point la belle Veuve.
Elle pretendit qu'elles faifoient voir trop peu de tendreffe , &
que ſi on en devoit pardonner quelques-unes , ce ne pouvoit eſtre que celles qui estoient cau-
GALANT. 77
7
lées par l'amour. Il ſe dit là-def- fus des choſes affez délicates. Le
Marquis demeura dans ſon cha- grin , & ne pat s'empeſcher de faire connoiſtre à la Dame qu'il l'eſtimoit trop pour la ſoupçon- ner de répondre à la paffion du Banquier ; mais que fi ces petits Meſſieurs n'avoient pas dans leur perſonne dequoy ſe faire aimer comme lesGensdequalité , ils ſe faifoient fouffrir par de certains endroits ... LaVeuve ne le laiſſa
pas achever. Sa fierté luy fit dire quelque chofe de choquant pour luy , qu'il voulut bien endurer d'elle , mais dont, il fit porter la peine àſon Rival , en redoublant les menaces qu'il avoitdéja fai- tes de le divertir à la premiere occafion. Il parloit fi haut , que le Vieillard qui entendoit tout,
trembloit de crainte dans leBalDiij
78 LE MERCVRE conoù il s'eſtoit enfermé, mais il
n'en fut pas quitte pour cela , &
preſque auſſi-toſt if trembla de froid , quoy que la chaleur fut fort grande. Le Tonnere qui a- voit commencé àgronder éclata tout-à-coup avec tantde violen ce qu'il ne s'eſtoit veu de long- temps un pareilorage. Il fur fui- vy de la pluye , qui tombant en abondance eutbientoſt colé l'Habit de tafetas contre la peau de ce pauvre Amant tranſy. Apres qu'elle fut un peu diminuée , le Marquis dit qu'il falloit voir fur leBalcon ſi elle estoit encor bien
forte. Cesparoles mirent le Vieil- lard dans de nouvelles. frayeurs.
La Veuve qui estoit aſſiſe aupres du Balcon , l'entrouvrit fans balancer, Elle avança ſa mainqu'el- le retira auſſi-toſt enle refermant
avec précipitation , &diſant que
GALANT
1 la pluye ceſſoit , mais qu'il faifoit unvent horrible. Elle demanda
en meſme temps fi onavoit mis les Chevaux àfon Carroffe. Au
tre embarras qu'elle n'avoit point préveu. Son Cocher à qui on avoitdit qu'elle ne ſortiroit point ce foir là,estoit allé boire en lieu où il fut impoſſible de le trouver. Cette nouvelle la defef pere. Un grand Laquais qu'elle avoit , eſtoit dans l'accez d'une
groffe fièvre, il ne luy en reſtoit qu'unpetit incapable de condui re ſes Chevaux, l'heure s'avan- çoit,&elle craignoit l'arrivée du Confeiller. Son inquietude pa- roift. Le Marquis qui n'en ſçait point la veritable raifon , la prie deneſepoint impatienter. Ill'af- furedenouveauque laſeule en- vie de la voir l'afait venir àParis , luy dit que c'eſt un plaifir
Div
80 LE MERCVRE
qu'il ne sçauroit avoir trop long temps ,&attendant que fon Co- cher fot revenu , il luy demande fi elle veut ſe divertir à joüer. Le Vieillardqui écoute tout, ne ſçait où il en eſt de ce redoublement
dediſgrace. La pluye l'avoit en- rûmé,l'enviede touffer le prend,
il y reſiſte autant qu'il peut , &
n'ofant ſe moucher, ny cracher,
ny éternuër , il ne s'en faut guere qu'il n'étouffe. La Da- mene paſſe pas mieux ſon temps que luy. Elle veut ſe tirer d'af- faire à quelque prix que ce ſoit,
&n'en trouve point d'autre mo- yenquededeclarer franchement au Marquis que fon Cocher ne rentrant quelquefois que le ma- tin , elle ne pretendpointluy laif- ſer paſſer la nuit chez elle , &
ſe perdre d'honneur pour luy épargner la fatigue de s'en re-
GALANT. 81
tourner à pied. Le Marquis ré- pondque fi elle ne luy avoit pas promis fon Carroffe , il ſe ſe- roit aſſuré d'un autre , & qu'il n'y a pas lieu de demander qu'un Homme comme luy , quidemeu- re dans un Quartier tres-éloigné,
traverſe tout Paris au milieu des
bouës que la pluye a faites. Ces raiſons ne font point reçeuës. Il ira où il luy plaira , mais abfolu- ment il ne paſſera point la nuit chez elle. Ils s'aigriffent tous deux fur cette Difpute, ſe levent de deſſus leurs Sieges , & fe pro- menent dans la Chambre en ſe
querellant. LeMarquis entre dans une Garderobe oùil voit laDemoiſelle de la Dame. Elle estoit
de leur confidence , &il s'arreſte
à luyfaire des plaintesde fa Mai- ſtreſſe. La veuve prend ce temps pourtirer le Vieillard du Balcon,
D V
8 , LE MERCVRE
elle le mene fur l'Escalier , & le
conjure prefque à genoux de la delivrerdu Marquis. L'expedient qu'elle en trouve eſt de deſcendre
àl'Ecurie , de mettre les Chevaux à fon Carroſſe, de s'enve
loper dans unvieuxManteau de
Maiſtre Robert ſon Cocher qui reftoit toûjours au Logis ,de paf.. fer pour luy , &de ramener fon Rival. La propoſition luy paroiſt extravagante , il la rejette avec colere ,&ne fongequ'às'allerſe- cher. Elle ne fe rebute point, le preſſe , l'embaraffe à force de raiſons; &fur ce qu'illuy oppoſe qu'il fera verſer leCarroffeparce qu'il ne le ſçait pas mener , elle luy dit que ſes Chevauxſontfa- ciles àconduire , &que n'y ayant point d'embarras lanuitdans les Ruës , il faut qu'il manque d'a- mour pour elle , s'il s'obſtine à la
GALANT. 83 refufer. Tout cela ne leperfuade point. L'impatience la prend,&
elle va juſqu'à le menacerd'aller dire ſurl'heure auMarquisqu'el- le vient de le ſurprendre caché chez elle, épiantſesactions.L'en- viede plaire ſe meſle à la peur queluydonnecette menace. Il fe laiſſe mener à l'Ecurie , met les
Chevaux au Carroſſe le mieux
qu'il peut ,&apres qu'il s'eſt en- velopé du vieux Manteau de Maiſtre Robert , on avertit le
Marquis que le Cocher eft ren- tré , &qu'il peut deſcendre. Le Marquis dit adieu à la Dame affez froidement , ſe jette dans le Carroſſe avec un air chagrin,
&s'eftant laiſſe conduire par fon Rival , il luy donne unDemy- Loüis d'or endefcendant. Apei- ne eſtoit-il fortyde chez la Veu- ve , que le Conſeiller qui pen Dvj
84 LE MERCURE
dant la pluye n'avoit pas voulu faire marcherdeux uniques Che- vaux qu'il avoit , prit fon heure pour l'entretenir. Il entra ſans bruit, ayant laiſſe ſonCarroffe au bout de la Ruë pour éloigner le foupçon. Le petit Vieillardramena celuy de la Dame à laquelle il voulut inutilement donner le
bonfoir. On luy dit qu'elle dor-)
moit. II demanda fi l'on n'avoit
point veuſesGens , & fi lon ne
luy avoit point amené de Chai- ſe , ſuivant l'ordre qu'il en avoit donné. On luy répondit qu'on n'avoit veu perſonne , mais on les avoit renvoyez de peur qu'ils ne viſſent entrer le Conſeiller ::
Deforte qu'apres avoit ſervy de Cocher à fon Rival, il fut contraint de s'en retourner àpied fans autre récompenſe de ſes fra- yeurs&deſes peines ,que celle
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GALANT. 85
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du Demy-Lois qu'il avoit eſté obligé derecevoir.
l'eſprit des louanges , & l'air co-- quetdes railleries, avoit l'adreſſe
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luy avoient fait choiſir d'un affez
diferent caractere. L'un eftoit un
jeûne Etouurdy , Marquis à bon titre , un peu gueux , mais bien fait, & fort capable de ſe faire ai -
mer. Il avoit l'air bon , ne manquoit derien en apparence , &
vivoit avec tout l'éclat qu'auroit pû faire un Homme de ſa naiffance,à qui la Fortune auroit été plus favorable qu'à luy. L'autre eſtoit un petit Vieillard,toûjours propre, de bonne humeur, libe- ral , & cette dernierequalité va- loit bienqu'on ne prit point gar- de à ſes années. Il avoit eſté autrefois Banquier , s'eſtoit meſlé enfuitede plus d'une affaire , &
pardes voyes inconnuës, il avoit trouvé moyen de ſe rendre un des plus riches Roturiers du
GALANT. 71T
Royaume. Les Viſites du Mar- quis luy faifoient paſſer de mé- chans momens , ſes grands airs n'eſtoient point à ſon uſage , &
c'eſtoit quelque choſe de fi re- doutable pour luy , qu'il eſtoit contraintde quiter la place ſi -tôt qu'il entroit. Il en avoit faires plaintes à la Dame, qui nos en N
incommodoit pas. Elle tournoit finement les choſes , &deuxou
trois paroles flateuſes menoient
lebon Homme où elle vouloit.
Son troifiéme Amanteſtoitd'une
eſpeceoppoſéeàl'un&à l'autre.
Il tenoit le milieu entre le Marquis &ile Banquier. UneCharge deRobe de rendoit confiderable,
&& il n'avoitrien d'ailleurs qui le
fit diftinguer. Pointde defaut re- marquable, point devertu parti.
culiere, il fervoit ſes Amis,&fans élevation ny baffeſſe il s'eſtoit
72 LE MERCVRE acquis la réputation d'honneſte Homme. Labelle Veuve l'attendoit un foir: Les jours eſtoient longs , & il ne devoit venirque fort tard. Une raiſon importante lobligeoit d'en ufer ainfi. Elle avoit un Procésdontil eſtoit Raporteur , & fi on l'euſt veu en- trer chez elle , ſes Parties au- roient eu droit de le récufer. Elle
croyoit le petit Vieillard à l'une de ſes Terres , le Marquis ne de voit pas revenir fi -toſt de la Cour,&fur cette afſurance elle avoit donné le rendez-vous; mais
comme les Coquetes font nées pour les Avantures , le Vieillard entra lors qu'elle y penſoit le moins. Il eſtoitdans ſa propreté ordinaire. Un Habit de Tafetas
noir tout chamarré de Dentelle,
le Bas de foye bien tiré Perru
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que blonde , & un Rabat d'un
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GALANT 73 Point de France admirable. A
peine eut-il dit à la Veuve que Pimpatience de la revoir hay avoit fait précipiter ſon retour,
qu'on entendit le bruit d'un Car- roſſe àfix Chevaux. Il arreſta devant ſa Maiſon , on en defcendit
avec grand fracas , on heurta fort rudement à la Porte , & l'on
entra de plein- pied , fans s'in- former ſi on eſtoit en humeur
de voir les Gens. LaDame preſta l'oreille , & au bruit qui ſe fai- foit , elle n'eut pas de peine à
connoiſtre les manieres du Marquis. Elle s'en trouva embaraf- fée , il commençoit à faire nuit,
le Confeiller devoit venir àonze
heures,&pour ne ſe point brouil- ler avec luy , il falloit ſe défaire dedeuxAmans. Le Vieillardn'e
ſtoit pas moins en peinede ſon coſté , l'heure induë pour un
Tome VII.
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Homme de fa forte le pouvoit rendre ſuſpect au Marquis dont il avoit déja eſſuyé quelquebruf- querie ,& ne voulant s'expoſer ny à ſes emportemens jaloux,
ny àſe voir traité en petit Bour- geois , il témoigna fon inquié- tude à la Veuve. Elle en fut ra
vie, & luy propoſa d'entrer dans un Balcon aupres duquel il eſtoit affis. Le Party luy plût , il ouvrit promptement leBalcon,&n'eut que le temps d'en faire fermer la Porte apres qu'il s'y fur jetté. Le Marquis dit d'abord à la belle Veuve qu'il n'eſtoit venu que pour elle ſeule, ayant à le trou- ver le lendemain au lever du Roy ; que ſes Chevaux eſtant fatiguez , il s'eſtoit mis dans le Carroffe d'un Duc de ſes Amis,
qui l'avoit deſcendu àla Porte,
&qu'il eſperoit qu'elle voudroit
GALANT. 75 bien luy preſter le ſien pour le ramener chez luy quand il fe- roit temps de la quitter. Elle y
confentit,&apres avoir donné ordre qu'on avertiſt ſonCocher de ſe tenir preſt , elle entra en converſation avecle Marquis. If luy parla de fon amour, luy fit quelques reproches de certaines viſites qu'elle recevoit , & luy demanda fur tout des nouvelles
du petit Banquier qu'on luy fai- ſoit le tort dans lemondedeluy donner pour Amant. Il le tourna enridicule , & adjoûta que s'il le
rencontroit encore chez elle
comme il avoit déja fait , il, ne manqueroit pas à le divertir agreablement. La Dame qui a- voit intereſt àſe conferverle pe- tit Vieillard , & qui n'eſtant que Coquete,n'aimoit pas qu'on fiſt leSouverainavec elle , releva fes
Dij
76 LE MERCVRE
paroles d'un ton plus hautquele fien,& luy ayant ditqu'elle ne devoit compte de ſes actions à
perſonne. Elle luy témoigna fie- rementque s'il ne luy rendoit des foins que dans l'efperance du droit de maiſtriſe ,il ne fe pou- voit plus mal adreffer. Le Mar- quisluy réponditqueſon deſſein n'eſtoit pas de prendre aucune autorité ſur ſes ſentimens , qu'il diſputeroit volontiers ſon cœur avec un autre , mais qu'il y alloit deſagloire de ne pasfouffrir un Rivalqu'elle ne luy pouvoit don- ner fans ſe faire tort à elle-mefme. Ces jaloufies de gloire ne fatisfirent point la belle Veuve.
Elle pretendit qu'elles faifoient voir trop peu de tendreffe , &
que ſi on en devoit pardonner quelques-unes , ce ne pouvoit eſtre que celles qui estoient cau-
GALANT. 77
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lées par l'amour. Il ſe dit là-def- fus des choſes affez délicates. Le
Marquis demeura dans ſon cha- grin , & ne pat s'empeſcher de faire connoiſtre à la Dame qu'il l'eſtimoit trop pour la ſoupçon- ner de répondre à la paffion du Banquier ; mais que fi ces petits Meſſieurs n'avoient pas dans leur perſonne dequoy ſe faire aimer comme lesGensdequalité , ils ſe faifoient fouffrir par de certains endroits ... LaVeuve ne le laiſſa
pas achever. Sa fierté luy fit dire quelque chofe de choquant pour luy , qu'il voulut bien endurer d'elle , mais dont, il fit porter la peine àſon Rival , en redoublant les menaces qu'il avoitdéja fai- tes de le divertir à la premiere occafion. Il parloit fi haut , que le Vieillard qui entendoit tout,
trembloit de crainte dans leBalDiij
78 LE MERCVRE conoù il s'eſtoit enfermé, mais il
n'en fut pas quitte pour cela , &
preſque auſſi-toſt if trembla de froid , quoy que la chaleur fut fort grande. Le Tonnere qui a- voit commencé àgronder éclata tout-à-coup avec tantde violen ce qu'il ne s'eſtoit veu de long- temps un pareilorage. Il fur fui- vy de la pluye , qui tombant en abondance eutbientoſt colé l'Habit de tafetas contre la peau de ce pauvre Amant tranſy. Apres qu'elle fut un peu diminuée , le Marquis dit qu'il falloit voir fur leBalcon ſi elle estoit encor bien
forte. Cesparoles mirent le Vieil- lard dans de nouvelles. frayeurs.
La Veuve qui estoit aſſiſe aupres du Balcon , l'entrouvrit fans balancer, Elle avança ſa mainqu'el- le retira auſſi-toſt enle refermant
avec précipitation , &diſant que
GALANT
1 la pluye ceſſoit , mais qu'il faifoit unvent horrible. Elle demanda
en meſme temps fi onavoit mis les Chevaux àfon Carroffe. Au
tre embarras qu'elle n'avoit point préveu. Son Cocher à qui on avoitdit qu'elle ne ſortiroit point ce foir là,estoit allé boire en lieu où il fut impoſſible de le trouver. Cette nouvelle la defef pere. Un grand Laquais qu'elle avoit , eſtoit dans l'accez d'une
groffe fièvre, il ne luy en reſtoit qu'unpetit incapable de condui re ſes Chevaux, l'heure s'avan- çoit,&elle craignoit l'arrivée du Confeiller. Son inquietude pa- roift. Le Marquis qui n'en ſçait point la veritable raifon , la prie deneſepoint impatienter. Ill'af- furedenouveauque laſeule en- vie de la voir l'afait venir àParis , luy dit que c'eſt un plaifir
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qu'il ne sçauroit avoir trop long temps ,&attendant que fon Co- cher fot revenu , il luy demande fi elle veut ſe divertir à joüer. Le Vieillardqui écoute tout, ne ſçait où il en eſt de ce redoublement
dediſgrace. La pluye l'avoit en- rûmé,l'enviede touffer le prend,
il y reſiſte autant qu'il peut , &
n'ofant ſe moucher, ny cracher,
ny éternuër , il ne s'en faut guere qu'il n'étouffe. La Da- mene paſſe pas mieux ſon temps que luy. Elle veut ſe tirer d'af- faire à quelque prix que ce ſoit,
&n'en trouve point d'autre mo- yenquededeclarer franchement au Marquis que fon Cocher ne rentrant quelquefois que le ma- tin , elle ne pretendpointluy laif- ſer paſſer la nuit chez elle , &
ſe perdre d'honneur pour luy épargner la fatigue de s'en re-
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tourner à pied. Le Marquis ré- pondque fi elle ne luy avoit pas promis fon Carroffe , il ſe ſe- roit aſſuré d'un autre , & qu'il n'y a pas lieu de demander qu'un Homme comme luy , quidemeu- re dans un Quartier tres-éloigné,
traverſe tout Paris au milieu des
bouës que la pluye a faites. Ces raiſons ne font point reçeuës. Il ira où il luy plaira , mais abfolu- ment il ne paſſera point la nuit chez elle. Ils s'aigriffent tous deux fur cette Difpute, ſe levent de deſſus leurs Sieges , & fe pro- menent dans la Chambre en ſe
querellant. LeMarquis entre dans une Garderobe oùil voit laDemoiſelle de la Dame. Elle estoit
de leur confidence , &il s'arreſte
à luyfaire des plaintesde fa Mai- ſtreſſe. La veuve prend ce temps pourtirer le Vieillard du Balcon,
D V
8 , LE MERCVRE
elle le mene fur l'Escalier , & le
conjure prefque à genoux de la delivrerdu Marquis. L'expedient qu'elle en trouve eſt de deſcendre
àl'Ecurie , de mettre les Chevaux à fon Carroſſe, de s'enve
loper dans unvieuxManteau de
Maiſtre Robert ſon Cocher qui reftoit toûjours au Logis ,de paf.. fer pour luy , &de ramener fon Rival. La propoſition luy paroiſt extravagante , il la rejette avec colere ,&ne fongequ'às'allerſe- cher. Elle ne fe rebute point, le preſſe , l'embaraffe à force de raiſons; &fur ce qu'illuy oppoſe qu'il fera verſer leCarroffeparce qu'il ne le ſçait pas mener , elle luy dit que ſes Chevauxſontfa- ciles àconduire , &que n'y ayant point d'embarras lanuitdans les Ruës , il faut qu'il manque d'a- mour pour elle , s'il s'obſtine à la
GALANT. 83 refufer. Tout cela ne leperfuade point. L'impatience la prend,&
elle va juſqu'à le menacerd'aller dire ſurl'heure auMarquisqu'el- le vient de le ſurprendre caché chez elle, épiantſesactions.L'en- viede plaire ſe meſle à la peur queluydonnecette menace. Il fe laiſſe mener à l'Ecurie , met les
Chevaux au Carroſſe le mieux
qu'il peut ,&apres qu'il s'eſt en- velopé du vieux Manteau de Maiſtre Robert , on avertit le
Marquis que le Cocher eft ren- tré , &qu'il peut deſcendre. Le Marquis dit adieu à la Dame affez froidement , ſe jette dans le Carroſſe avec un air chagrin,
&s'eftant laiſſe conduire par fon Rival , il luy donne unDemy- Loüis d'or endefcendant. Apei- ne eſtoit-il fortyde chez la Veu- ve , que le Conſeiller qui pen Dvj
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dant la pluye n'avoit pas voulu faire marcherdeux uniques Che- vaux qu'il avoit , prit fon heure pour l'entretenir. Il entra ſans bruit, ayant laiſſe ſonCarroffe au bout de la Ruë pour éloigner le foupçon. Le petit Vieillardramena celuy de la Dame à laquelle il voulut inutilement donner le
bonfoir. On luy dit qu'elle dor-)
moit. II demanda fi l'on n'avoit
point veuſesGens , & fi lon ne
luy avoit point amené de Chai- ſe , ſuivant l'ordre qu'il en avoit donné. On luy répondit qu'on n'avoit veu perſonne , mais on les avoit renvoyez de peur qu'ils ne viſſent entrer le Conſeiller ::
Deforte qu'apres avoit ſervy de Cocher à fon Rival, il fut contraint de s'en retourner àpied fans autre récompenſe de ſes fra- yeurs&deſes peines ,que celle
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du Demy-Lois qu'il avoit eſté obligé derecevoir.
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Résumé : Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Le texte relate une situation impliquant une jeune veuve et ses trois amants. La veuve, réputée pour sa beauté et son esprit, a sélectionné des amants aux caractères distincts. Le premier est un jeune marquis, séduisant et aimable, mais financièrement démuni. Le second est un ancien banquier, riche et libéral, mais âgé. Le troisième est un conseiller au Parlement, honnête et sans traits de caractère particuliers. Un soir, la veuve attend la visite du conseiller, mais le vieillard et le marquis apparaissent de manière inattendue. Le vieillard se cache sur un balcon après avoir été surpris par l'arrivée du marquis. Ce dernier, après une discussion avec la veuve, menace le banquier. Une violente tempête survient, aggravant la situation. La veuve, inquiète de l'arrivée imminente du conseiller, doit trouver une solution pour se débarrasser des deux autres amants. Elle persuade le vieillard de se déguiser en cocher pour reconduire le marquis chez lui. Le conseiller, ignorant les événements, arrive finalement et s'entretient avec la veuve. Le vieillard, après avoir joué le rôle de cocher, doit rentrer chez lui à pied, ne recevant qu'un demi-louis pour sa peine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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p. 89-116
Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Début :
Je sçay, Madame, que ces témoignages de joye & de [...]
Mots clefs :
Amour, Iris, Apollon, Indifférent, Conversion, Aimer, Livres, Lecture, Vers, Ecolière, Coeur, Madame, Aimable, Apprendre, Esprit, Lettre, Pétrarque, Laure, Amant, Belle
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texteReconnaissance textuelle : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Je ſçay , Madame , que ces témoignages de joye & de ref- pect rendus à ce grand Mini- ſtre , n'auront rien de ſurpre
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
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Résumé : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Le texte décrit la transformation amoureuse d'un homme initialement connu pour son indifférence et son détachement philosophique. Cet homme rencontre une jeune femme cultivée et aimable, ce qui marque le début de leur relation. Leur lien se renforce à travers des échanges littéraires et des poèmes. La jeune femme, après avoir écrit des vers, reçoit des lettres d'Apollon et d'Amour, chacun affirmant être l'inspirateur de ses poèmes. Après réflexion, elle reconnaît l'influence d'Apollon sur ses vers tout en admettant l'impact d'Amour. Le texte se conclut par une comparaison avec l'histoire de Pétrarque et Laure, soulignant la beauté poétique de cette intrigue amoureuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 216-220
BRUNAUT, MATOU BANAL DES environs d'Argentan, A L'AIMABLE GRISETE, CHATE DE MADAME DES HOULIERES,
Début :
C'est une étrange chose que l'amour. Il ne cause pas / Attendant l'autre jour une tendre aventure, [...]
Mots clefs :
Chatte, Mercure, Amant, Pièces galantes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BRUNAUT, MATOU BANAL DES environs d'Argentan, A L'AIMABLE GRISETE, CHATE DE MADAME DES HOULIERES,
C'est une étrange chofe
que l'amour. Il ne cauſe pas.
216 MERCVRE
feulement du fracas parmy
les Hommes, il tourmente
jufqu'aux Animaux, &l'aimable Chate Grifete pour
laquelle tant de beaux Efprits ont fait les galantes
Pieces que vous avez leuës
dans l'Extraordinaire du
Quartier d'Octobre, n'a pas
borné fes conqueftes à Paris. Le bruit de fon mérite
a efté plus loin, & voicy ce
qu'on luy écrit d'aupres
d'Argentan. La Lettre eft
au nom du Matou Brunaut,
àqui M' d'Abloville a prêté
ces Vers.
BRVNAVT
GALANT. 217
5252552225222523
BR V NAVT,
MATOU BANAL DES
environs d'Argentan,
A L'AIMABLE
GRISETE.
CHATE DE MADAME
DES HOULIERES,
A
Ttendant l'autre jour une
tendre avanture,
Affis aupres d'une Maſure,
oùje traitois d'heures tous lesmo
mens
Qui retardoient lafin de mes tour
mens,
Grifete, j'appris duMercure
Vos aimables miaulemens.
Avril1679. T
ན
218 MERCVRE
S&
Ils mefirent bientoft abandonner la
place, ces si
Et malgréla neige &la glace,
Concevoir le deffein de me rendre à
Paris. 800Set $25
M
In Chat qui pour vous voir veut
quiterfon Pats,and rahzinK
Par lafaifon qu'ilfait, méritequelque grace,
Voudriez- vous luy marquer du
mépris?
25
Itfuis de qualités je nefens point
le Drille,
On peutfans vanité compter ma Famille
dans
-DesChats Héros de Pere en Fits,
Les Rodilards, les Rominagrobis,
De tout temps ont passé pour eftre
fort habiles
Afaire laguerre aux Souris.
GALANT 219
NulleChate ences lieux ne m'aparu
Tygraffes
Si la beauté,fi la tendreſſe,
Pouvoientme contenter, mon fort
feroit biendoux, p md5
Maisdes Chats baftis comme nous,
Demandent de l'efprit, de la délicateffe,
Et tout cela n'eftque chez vous.
$2
Tatam'allarmepeu; quoyqu'ilfcaché
bien dire,
Bien raifonner, bien rimer,
écrire,
bien
Iln'eft, engros comme endétail,
Bonqu'à faire un Chat de Serrail,
Sonconfeil vaut beaucoup, mais c'eft
lors qu'on veutrire,
Peude chofequefon travail.
Tij
220 MERCVRE
S&
Tous les autres Matous de vostre
voifinage
Amon abord changeront de langages
Entr'autres Dom Gris & Mitins
Certain Renault, certain Blondin,
Renonceront pour jamais au fromagen
Quandje voudray prendre mon
air mutin.
Cecyn'eftpoint par Gafconnades
S'ils veulent avec moy venir à la
gourmade,
Ils verrontcomeun ChatNormad
Qui s'eftdeclare voftre Amant,
Scait mettre enjeu l'eftafilade,
Pourpoffeder un objetfi charmant
que l'amour. Il ne cauſe pas.
216 MERCVRE
feulement du fracas parmy
les Hommes, il tourmente
jufqu'aux Animaux, &l'aimable Chate Grifete pour
laquelle tant de beaux Efprits ont fait les galantes
Pieces que vous avez leuës
dans l'Extraordinaire du
Quartier d'Octobre, n'a pas
borné fes conqueftes à Paris. Le bruit de fon mérite
a efté plus loin, & voicy ce
qu'on luy écrit d'aupres
d'Argentan. La Lettre eft
au nom du Matou Brunaut,
àqui M' d'Abloville a prêté
ces Vers.
BRVNAVT
GALANT. 217
5252552225222523
BR V NAVT,
MATOU BANAL DES
environs d'Argentan,
A L'AIMABLE
GRISETE.
CHATE DE MADAME
DES HOULIERES,
A
Ttendant l'autre jour une
tendre avanture,
Affis aupres d'une Maſure,
oùje traitois d'heures tous lesmo
mens
Qui retardoient lafin de mes tour
mens,
Grifete, j'appris duMercure
Vos aimables miaulemens.
Avril1679. T
ན
218 MERCVRE
S&
Ils mefirent bientoft abandonner la
place, ces si
Et malgréla neige &la glace,
Concevoir le deffein de me rendre à
Paris. 800Set $25
M
In Chat qui pour vous voir veut
quiterfon Pats,and rahzinK
Par lafaifon qu'ilfait, méritequelque grace,
Voudriez- vous luy marquer du
mépris?
25
Itfuis de qualités je nefens point
le Drille,
On peutfans vanité compter ma Famille
dans
-DesChats Héros de Pere en Fits,
Les Rodilards, les Rominagrobis,
De tout temps ont passé pour eftre
fort habiles
Afaire laguerre aux Souris.
GALANT 219
NulleChate ences lieux ne m'aparu
Tygraffes
Si la beauté,fi la tendreſſe,
Pouvoientme contenter, mon fort
feroit biendoux, p md5
Maisdes Chats baftis comme nous,
Demandent de l'efprit, de la délicateffe,
Et tout cela n'eftque chez vous.
$2
Tatam'allarmepeu; quoyqu'ilfcaché
bien dire,
Bien raifonner, bien rimer,
écrire,
bien
Iln'eft, engros comme endétail,
Bonqu'à faire un Chat de Serrail,
Sonconfeil vaut beaucoup, mais c'eft
lors qu'on veutrire,
Peude chofequefon travail.
Tij
220 MERCVRE
S&
Tous les autres Matous de vostre
voifinage
Amon abord changeront de langages
Entr'autres Dom Gris & Mitins
Certain Renault, certain Blondin,
Renonceront pour jamais au fromagen
Quandje voudray prendre mon
air mutin.
Cecyn'eftpoint par Gafconnades
S'ils veulent avec moy venir à la
gourmade,
Ils verrontcomeun ChatNormad
Qui s'eftdeclare voftre Amant,
Scait mettre enjeu l'eftafilade,
Pourpoffeder un objetfi charmant
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Résumé : BRUNAUT, MATOU BANAL DES environs d'Argentan, A L'AIMABLE GRISETE, CHATE DE MADAME DES HOULIERES,
Le texte raconte l'histoire de Brunaut, un chat habitant près d'Argentan, qui s'éprend de Grifete, une célèbre chatte parisienne. Inspiré par les récits de ses exploits et de sa beauté, Brunaut décide de partir pour Paris malgré le froid hivernal. Dans une lettre, Brunaut vante ses propres qualités et celles de sa famille, connue pour ses compétences en chasse aux souris. Il admire Grifete non seulement pour sa beauté et sa tendresse, mais aussi pour son esprit et sa délicatesse. Brunaut exprime sa volonté de se battre contre d'autres chats pour prouver son amour et sa bravoure. Il conclut en affirmant que son dévouement et ses compétences en font un amant digne de Grifete.
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8
p. 10-15
EGLOGUE.
Début :
Je n'attendray point que vous m'ayez fait connoistre / Assise au bord de la Seine [...]
Mots clefs :
Génie, Bergère, Amant, Bocage, Nymphes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EGLOGUE.
Je n'attendray point que
vous m'ayez fait connoistre
le plaisir que vous aura infailliblementcausé
la lecture
de l'Idille de Madame
des Houlieres, employé
dans la premiere Partie de
cette Lettre, pour vous envoyer
un autre Ouvrage
de cette illustre Personne.
En voicy un Pastoral, dont
les Vers aisez, doux & naturels
, vous feront admirer
de plus en plus la beauté
de son Génie.
EGLOGUE.
ASjifi AH berd de la Seine
SurlefAnchtnt d'un CofteAN,
La Bergere Celtmcne
Laisepaijtreson Troupeau.
Il defeend dans /4 Prairie
SeAns quelle daignefinger le Loup peurramanger
SaBrebis la plmchérie.
Lesouvenir d'fin Berger
Jguc la Fortune cruelle
Force à vivre cloiçnê d'¿lic
Dtids un Climat EtfllrJlJr,
Cause la langueur mortelle
-..!!i Iny fait tout né^ligcY.
Tantojl cédantalaferce
Defis amoureux transports,
Elle grave sur l'etorce
Des Arbriffeaux de ces bords,
Puisse durer, puisse croistre
L'ardeur de mon jeune Amant,
Comme feront sur ce Hestre
Ces marques de mon tourment!
Tantost misant sur lefahlt
Le ??cmd'Acar:te & le fien,
Elle trouve infoportable
'u,'$ Zephirimpitoyable
En !/l/!,"t n'en laisse rien.
Quelle cruelle avanrurc,
1/ r A Dit- elle avec un forpir,
Si ce qu'a faitle Zéphir
M'est un veritable augure,
Que de si tendres amours,
Ne dureront pas toújours!
Je briferois ma Musete
S'il estoit un Iin posteur,
Et du fer de ma Houlete
Je me percerois le coeur.
A ces mots, elle repajjè
Dans sen esprit alarmé,
L'eir,A-str,ziis,l'estrit, I.-i
Î)
t,,ace
L'airyles
traits, l'ejlrit, lagrâce
De ce Berger trop atmr.
Les Op/caux de ce Bocare
SSceti,.'i-,iffnntptpootturrécccoouûteterrÓ
Ce qu'UsC'entendentchanter
Du beau Berger qui Rengage.
Ils voudraient le répeter,
Max leurplu& tendreramage
JNe~la fiauroit imiter. cette trijie Amante
Ne voit sur lherbe Îlaj/aldc
ïvlcjth'cr d'heureux Amans,
Qu'eue nesi reprefcote
Combien Cabsence d'Acante
Luycousse de doux immens.
Jamais des Bergersne viennent
De ces bords délicieux
Ou Jes dcfiwsleretiennent7
J$ueson amour curieux
Ne s'informeJices Lieux
OntdesNymphes assez, belles
Pourfaire des Infdclier.
Enfin millefois lejour
Bile veut, elle appréhendé
Tout ce que craiht &demande
Le'(pl)u"s violent amour. doitplaindre uneBergere
Si pÚlc a sdidrm.ir!
Tourqucy du plaisir etaimer
Faut-ilsefaire une affaire?
Jjjhtels Bergers en font autant
Daï;J £heureuxfiecle où nomjomwcs?
Mante quelle aime tant
Elflns -doute un Jnconfinnt
Comme tow les autres Hlmmts.
vous m'ayez fait connoistre
le plaisir que vous aura infailliblementcausé
la lecture
de l'Idille de Madame
des Houlieres, employé
dans la premiere Partie de
cette Lettre, pour vous envoyer
un autre Ouvrage
de cette illustre Personne.
En voicy un Pastoral, dont
les Vers aisez, doux & naturels
, vous feront admirer
de plus en plus la beauté
de son Génie.
EGLOGUE.
ASjifi AH berd de la Seine
SurlefAnchtnt d'un CofteAN,
La Bergere Celtmcne
Laisepaijtreson Troupeau.
Il defeend dans /4 Prairie
SeAns quelle daignefinger le Loup peurramanger
SaBrebis la plmchérie.
Lesouvenir d'fin Berger
Jguc la Fortune cruelle
Force à vivre cloiçnê d'¿lic
Dtids un Climat EtfllrJlJr,
Cause la langueur mortelle
-..!!i Iny fait tout né^ligcY.
Tantojl cédantalaferce
Defis amoureux transports,
Elle grave sur l'etorce
Des Arbriffeaux de ces bords,
Puisse durer, puisse croistre
L'ardeur de mon jeune Amant,
Comme feront sur ce Hestre
Ces marques de mon tourment!
Tantost misant sur lefahlt
Le ??cmd'Acar:te & le fien,
Elle trouve infoportable
'u,'$ Zephirimpitoyable
En !/l/!,"t n'en laisse rien.
Quelle cruelle avanrurc,
1/ r A Dit- elle avec un forpir,
Si ce qu'a faitle Zéphir
M'est un veritable augure,
Que de si tendres amours,
Ne dureront pas toújours!
Je briferois ma Musete
S'il estoit un Iin posteur,
Et du fer de ma Houlete
Je me percerois le coeur.
A ces mots, elle repajjè
Dans sen esprit alarmé,
L'eir,A-str,ziis,l'estrit, I.-i
Î)
t,,ace
L'airyles
traits, l'ejlrit, lagrâce
De ce Berger trop atmr.
Les Op/caux de ce Bocare
SSceti,.'i-,iffnntptpootturrécccoouûteterrÓ
Ce qu'UsC'entendentchanter
Du beau Berger qui Rengage.
Ils voudraient le répeter,
Max leurplu& tendreramage
JNe~la fiauroit imiter. cette trijie Amante
Ne voit sur lherbe Îlaj/aldc
ïvlcjth'cr d'heureux Amans,
Qu'eue nesi reprefcote
Combien Cabsence d'Acante
Luycousse de doux immens.
Jamais des Bergersne viennent
De ces bords délicieux
Ou Jes dcfiwsleretiennent7
J$ueson amour curieux
Ne s'informeJices Lieux
OntdesNymphes assez, belles
Pourfaire des Infdclier.
Enfin millefois lejour
Bile veut, elle appréhendé
Tout ce que craiht &demande
Le'(pl)u"s violent amour. doitplaindre uneBergere
Si pÚlc a sdidrm.ir!
Tourqucy du plaisir etaimer
Faut-ilsefaire une affaire?
Jjjhtels Bergers en font autant
Daï;J £heureuxfiecle où nomjomwcs?
Mante quelle aime tant
Elflns -doute un Jnconfinnt
Comme tow les autres Hlmmts.
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Résumé : EGLOGUE.
La lettre mentionne l'envoi d'un ouvrage pastoral et partage une idylle de Madame des Houlières. L'histoire met en scène Célimène, une bergère surveillant son troupeau. Elle se remémore un berger éloigné, ce qui cause sa langueur et son désespoir. Célimène exprime ses sentiments amoureux et ses craintes à travers des vers doux et naturels. Elle grave ses tourments sur les arbres et se plaint du zéphyr, qu'elle voit comme un mauvais présage. Elle envisage même le suicide si son amant est infidèle. Ses chants résonnent dans la vallée, touchant les autres bergers. Célimène se lamente sur l'absence de son amant et s'interroge sur les tourments de l'amour. Elle se demande si les bergers de son époque connaissent encore les plaisirs de l'amour.
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9
p. 29-35
PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Début :
Le mot de Chien est pris fort souvent pour un terme de mépris ; / Bonjour & bonne anné à ma belle Maistresse. [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Chien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le mot de Chien eft pris fort
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
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Résumé : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le poème 'Étrennes' est adressé à une demoiselle par une chienne nommée Petonne. Petonne exprime son amour pour sa maîtresse et sa jalousie envers un autre chien, Bichon, qui semble préféré. Elle décrit les attentions et les souffrances de l'amant rejeté, contrastant avec les faveurs accordées à Bichon. Petonne observe les comportements de Bichon et note qu'il imite les humeurs de la maîtresse, sauf en ce qui concerne l'amour. Elle conclut en demandant à la maîtresse de considérer l'amour sincère de l'amant borné et de laisser Bichon à Petonne. Le poème utilise un langage familier et des jeux de mots pour exprimer les émotions et les désirs des personnages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 66-67
AIR NOUVEAU.
Début :
On fait des Hyvers comme des Printemps. En voicy un / Par vos cris, mes petits Moutons, [...]
Mots clefs :
Mouton, Hiver, Saison, Plaine, Amant
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texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
On fait des Hyvers comme des
Printemps . En voicy un d'un
habile Maiftre . Les paroles font
de Monfieur Diéreville .
P
Vous
AIR NOUVEAU.
Ar vos cris , mes petits Moutons
,
accufez l'Hyver d'une rigueur
cruelle ,
GALANT. 67
Lors qu'il vient vousforcer de quiter
ces Valons
lufqu'au retour de la Saifon nouvelle.
Ah ! j'ay bien plus fujet que vous
= De me plaindre de fon couroux.
Vous reviendrez bien toft paître
dans cette Plaine , 7
Sans y trouver de changement ;
Et moy , je nefuis pas certaine
D'y trouver encor mon Amant.
Printemps . En voicy un d'un
habile Maiftre . Les paroles font
de Monfieur Diéreville .
P
Vous
AIR NOUVEAU.
Ar vos cris , mes petits Moutons
,
accufez l'Hyver d'une rigueur
cruelle ,
GALANT. 67
Lors qu'il vient vousforcer de quiter
ces Valons
lufqu'au retour de la Saifon nouvelle.
Ah ! j'ay bien plus fujet que vous
= De me plaindre de fon couroux.
Vous reviendrez bien toft paître
dans cette Plaine , 7
Sans y trouver de changement ;
Et moy , je nefuis pas certaine
D'y trouver encor mon Amant.
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Résumé : AIR NOUVEAU.
Un dialogue entre deux personnages évoque un hiver rigoureux forçant leur départ des vallons. Le premier personnage se plaint du froid, tandis que Galant exprime une tristesse plus profonde, incertain de retrouver son amant au retour du printemps. Le texte est écrit dans un style archaïque.
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11
p. 81-88
SENTIMENS SUR LES QUESTIONS DU DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Début :
Je réserve la suite de ce Traité pour le prochain Extraordinaire, / Quelle fortune est la plus satisfaisante en Amour, [...]
Mots clefs :
Questions, Réponses, Fortune, Amour, Amant, Service, Loisirs, Liberté, Obstacle, Honnête homme, Mort, Autel, Ami, Générosité
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texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS SUR LES QUESTIONS DU DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Le réferve lafuite de ce Traitépour
$2 Extraordinaire
Le prochain Extraordinaire , afin de
donner place aux autres Ouvrages qui
m'ont efté envoyez . Les Réponses que
vous allez lire aux dernieres Queftios.
qu'on a proposées , font de M Bouchet,
ancien Curé de Nogent- le- Roy.
SENTIMENS
SUR LES QUESTIONS
DU DERNIER EXTRAORDINAIRE
Quelle fortune eft la plus fatisfaifante
en Amour , celle d'un Amant dont
les foins font d'abord receus agreablement,
& prefque auffi - toft récompenfez
; ou le bonheur de celuy , qui,
apres avoir aimé quelque temps fans
efpérance , trouve enfin le coeur de fa
Maiftrelle fenfible:
UN
N Amant de plein faut qui reçoit
fonfalaire,
Et qui rencontre un coeur fenfible à fon
amour,
du Mercure Galant. 83.
A veritablement, & dés le premier jour,
Dequoyfe contenter, dequoy fefatisfaire ..
3
Il n'eft point aufilet, on l'écoute d'abord,
On calculefes pas, on comptefes fervices ;
Ileft payécomptant de l'innocent trafport
Qu'il marque envers l'objet de fes ch.res.
délices.
•
Là-deffus on l'eftime heureux,
Parce qu'en cet état tout répond à fes
voeux.
$3
Maisplus heureux dans ma pensée
Eft celuy qui n'y pensant pas,
Par celle dont fon coeur adore les appas
Voit fa flame récompensée,
Apres avoir long-temps vainementfoùpiré,
Fainement attendu, vainement efperé..
83
Certes on fait par la Science,
Quand on la confulte à loifir,
Comme auffi par l'expérience,
Qu'unplaifir qui furprend eft un doubleplaifir..
84
Extraordinaire
Si l'entiere liberté de fe voir , peur
long- temps entretenir l'amour
dans toute fa force.
O
Na beaufaire, on a beau dire,
Le Monde va toûjours fon trains
Tel aujourd'huy pleure & foûpire,
Quifans doute rira demain.
Nous endurons mille traverses
Par le flus & reflus des paſſions diverſes
Qui nous agitent chaque jour;
Deschofes d'icy-bas inconftante eft laface;
La tempefte fuit la bonace,
Labainefuccede à l'amour,
Si la difficultéfait naistre des miracles,
Et des coupsde Héros, qui charment les
Efprits,
De lafacilité de fe voirfans obftacles,
L'indiférence vient , on mefme le méprisi
ax
Du moins un Amant dans fa tâches .
AvecLesfoins & ſes hélas,
du Mercure Galant. $5
Infenfiblementfe relâche ,
Et nefait plus voir qu'un Hilas.
03
D'ailleurs, quandde la riche idée
D'un objet tout nouveau qui brille de
beauté,
L'amefe trouvepoffedée,
On tient rarement bon contre la nou
veauté;
Et ce qui paroiftfort étrange,
C'est qu'iln'eft rien qui foit baftant
De fixer un coeur inconſtant
Qui fefait un plaifirdu change.
Je veux cependant qu'un Amant
S'appligne à captiver la Beauté qu'il
adore,
Qu'il nommefon Soleil, qu'il nommefon
Aurore,
Son Aftre & fon contentement.
+3
Toutefois encor qu'il s'efforce
Demarquerfon amourjusqu'à l'empreffement,
86- Extraordinaire
Je dis qu'ilne peut nullement
Aimer toujours d'égaleforce
L'objet defon enteftement,
C'est une maxime averée,
Qu'un état violent n'eftjamais de durée.
Si un honnefte Homme eſt excufable
, d'eftre affez esclave
de fa paffion , pour aimer une
Perfonne qui le pouffe à faire
une lâcheté .
AImons jufqu'aux Autels en ce mortel
féjour,
N'entreprenons jamais que des faits légitimes,
On trouve des raisons pour excufer l'amour,
Mais l'on n'en trouve point pour excufer
des crimes.
83
Ainfi l'Homme eft inexcusable,
Qui pourflater la paffion
Qui fait fon inclination,
Devient lâche, & ſe rend coupable.
du Mercure Galant.
87
**
La complaifance eft juste, il est bon d'en
avoir;
Mais qui veut vivre avèque bienfeace,
Doit borner cette complaisance
Par les regles defondevoir.
83
Ainfi dans cette conjoncture
Que nous propofe le Mercure,
Qui travaille à noftre bonheur,
Ilfaut pour éviter tout reproche de vice,
Que l'Amour le cede à l'honneur,
Comme il le doit ceder à la Justice .
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un , parce que la préſence
l'afflige, & il fait demeurer l'autre
, parce que fa préfence le
confole . On demande lequel il
aime davantage .
Et Homme vers la mort quiporte fes
regards,
CE
(que,
Et quife voit bien- toft le butin de la Par
$8 Extraordinaire
A pour ses deux Amis de genéreux
égards,
Dont il donne à tous deux unefenfible
marque;
Maisfelon mon avis il a plus d'amitié
Pour celuy dont il vent l'abſence,
Puis qu'il ménage fa pitié,
En l'éloignant defa préſence.
$2 Extraordinaire
Le prochain Extraordinaire , afin de
donner place aux autres Ouvrages qui
m'ont efté envoyez . Les Réponses que
vous allez lire aux dernieres Queftios.
qu'on a proposées , font de M Bouchet,
ancien Curé de Nogent- le- Roy.
SENTIMENS
SUR LES QUESTIONS
DU DERNIER EXTRAORDINAIRE
Quelle fortune eft la plus fatisfaifante
en Amour , celle d'un Amant dont
les foins font d'abord receus agreablement,
& prefque auffi - toft récompenfez
; ou le bonheur de celuy , qui,
apres avoir aimé quelque temps fans
efpérance , trouve enfin le coeur de fa
Maiftrelle fenfible:
UN
N Amant de plein faut qui reçoit
fonfalaire,
Et qui rencontre un coeur fenfible à fon
amour,
du Mercure Galant. 83.
A veritablement, & dés le premier jour,
Dequoyfe contenter, dequoy fefatisfaire ..
3
Il n'eft point aufilet, on l'écoute d'abord,
On calculefes pas, on comptefes fervices ;
Ileft payécomptant de l'innocent trafport
Qu'il marque envers l'objet de fes ch.res.
délices.
•
Là-deffus on l'eftime heureux,
Parce qu'en cet état tout répond à fes
voeux.
$3
Maisplus heureux dans ma pensée
Eft celuy qui n'y pensant pas,
Par celle dont fon coeur adore les appas
Voit fa flame récompensée,
Apres avoir long-temps vainementfoùpiré,
Fainement attendu, vainement efperé..
83
Certes on fait par la Science,
Quand on la confulte à loifir,
Comme auffi par l'expérience,
Qu'unplaifir qui furprend eft un doubleplaifir..
84
Extraordinaire
Si l'entiere liberté de fe voir , peur
long- temps entretenir l'amour
dans toute fa force.
O
Na beaufaire, on a beau dire,
Le Monde va toûjours fon trains
Tel aujourd'huy pleure & foûpire,
Quifans doute rira demain.
Nous endurons mille traverses
Par le flus & reflus des paſſions diverſes
Qui nous agitent chaque jour;
Deschofes d'icy-bas inconftante eft laface;
La tempefte fuit la bonace,
Labainefuccede à l'amour,
Si la difficultéfait naistre des miracles,
Et des coupsde Héros, qui charment les
Efprits,
De lafacilité de fe voirfans obftacles,
L'indiférence vient , on mefme le méprisi
ax
Du moins un Amant dans fa tâches .
AvecLesfoins & ſes hélas,
du Mercure Galant. $5
Infenfiblementfe relâche ,
Et nefait plus voir qu'un Hilas.
03
D'ailleurs, quandde la riche idée
D'un objet tout nouveau qui brille de
beauté,
L'amefe trouvepoffedée,
On tient rarement bon contre la nou
veauté;
Et ce qui paroiftfort étrange,
C'est qu'iln'eft rien qui foit baftant
De fixer un coeur inconſtant
Qui fefait un plaifirdu change.
Je veux cependant qu'un Amant
S'appligne à captiver la Beauté qu'il
adore,
Qu'il nommefon Soleil, qu'il nommefon
Aurore,
Son Aftre & fon contentement.
+3
Toutefois encor qu'il s'efforce
Demarquerfon amourjusqu'à l'empreffement,
86- Extraordinaire
Je dis qu'ilne peut nullement
Aimer toujours d'égaleforce
L'objet defon enteftement,
C'est une maxime averée,
Qu'un état violent n'eftjamais de durée.
Si un honnefte Homme eſt excufable
, d'eftre affez esclave
de fa paffion , pour aimer une
Perfonne qui le pouffe à faire
une lâcheté .
AImons jufqu'aux Autels en ce mortel
féjour,
N'entreprenons jamais que des faits légitimes,
On trouve des raisons pour excufer l'amour,
Mais l'on n'en trouve point pour excufer
des crimes.
83
Ainfi l'Homme eft inexcusable,
Qui pourflater la paffion
Qui fait fon inclination,
Devient lâche, & ſe rend coupable.
du Mercure Galant.
87
**
La complaifance eft juste, il est bon d'en
avoir;
Mais qui veut vivre avèque bienfeace,
Doit borner cette complaisance
Par les regles defondevoir.
83
Ainfi dans cette conjoncture
Que nous propofe le Mercure,
Qui travaille à noftre bonheur,
Ilfaut pour éviter tout reproche de vice,
Que l'Amour le cede à l'honneur,
Comme il le doit ceder à la Justice .
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un , parce que la préſence
l'afflige, & il fait demeurer l'autre
, parce que fa préfence le
confole . On demande lequel il
aime davantage .
Et Homme vers la mort quiporte fes
regards,
CE
(que,
Et quife voit bien- toft le butin de la Par
$8 Extraordinaire
A pour ses deux Amis de genéreux
égards,
Dont il donne à tous deux unefenfible
marque;
Maisfelon mon avis il a plus d'amitié
Pour celuy dont il vent l'abſence,
Puis qu'il ménage fa pitié,
En l'éloignant defa préſence.
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Résumé : SENTIMENS SUR LES QUESTIONS DU DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Le texte extrait du 'Mercure Galant' explore les sentiments amoureux à travers une série de questions et de réponses. Il compare deux types de bonheur en amour : celui d'un amant dont les sentiments sont immédiatement reçus et récompensés, et celui d'un amant qui, après une longue attente, voit enfin son amour réciproque. Le texte soutient que le second type de bonheur est plus satisfaisant, car un plaisir surprenant est un double plaisir. Le texte examine également l'impact de la liberté et des obstacles dans une relation amoureuse. La facilité de se voir fréquemment peut entraîner l'indifférence ou même le mépris, tandis que les difficultés peuvent renforcer l'amour. Il met en garde contre l'inconstance du cœur humain, qui peut être facilement attiré par la nouveauté. Le texte aborde aussi la question de la moralité en amour. Il affirme qu'il est excusable d'être esclave de sa passion, mais inacceptable de commettre des lâchetés ou des crimes pour elle. Il souligne l'importance de la complaisance dans les relations, tout en la bornant par les règles du devoir et de l'honneur. Enfin, le texte relate une anecdote sur un homme mourant qui montre plus d'amitié pour l'ami dont il éloigne la présence pour éviter de l'affliger. Cette anecdote illustre la profondeur des sentiments et la considération pour autrui, même dans les moments les plus difficiles.
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12
p. 157-163
SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Début :
Quelle fortune est la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont [...]
Mots clefs :
Sentiments, Fortune, Amant, Bonheur, Beauté, Martyre, Plaisirs, Larmes, Amour, Liberté, Voeux, Passion, Coeur, Agonie, Raison, Amitié
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texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
SENTIMENS
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
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Résumé : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Le texte, extrait du Mercure Galant de 1685, explore divers sentiments amoureux et dilemmes moraux. L'auteur compare deux types de bonheur en amour : celui d'un amant dont les désirs sont immédiatement satisfaits et celui qui, après avoir aimé sans espoir, voit finalement son amour réciproque. Il préfère le bonheur immédiat, trouvant peu d'attrait à un amour longuement attendu. L'auteur évoque ensuite sa relation avec Sylvie, exprimant son désir de voir sa reconnaissance sans délai. Il compare cette situation à son amour pour Philis, qu'il voyait librement mais sans empressement, contrairement à maintenant où les obstacles augmentent ses désirs. Il réfléchit sur la nature de l'amour, affirmant qu'un amant est troublé et que la passion est plus forte lorsqu'elle est contrariée. Il se demande si un homme est excusable de sacrifier son honneur pour l'amour, concluant qu'il ne le serait pas. Enfin, l'auteur utilise une métaphore de la mort pour illustrer la difficulté de choisir entre deux amis en fin de vie, soulignant que son cœur s'intéresse davantage à Licidas, malgré la présence de Damon. Il conclut que son choix est dicté par l'utilité et la crainte de blesser Licidas.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 236-237
PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Début :
Se broüiller quelques fois avec l'Objet qu'on aime, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Amant, Fidélité, Engagement
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texteReconnaissance textuelle : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
PLAISIRS D'UN AMANT..
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
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Résumé : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Le sonnet 'PLAISIRS D'UN AMANT' décrit un amant qui alterne entre brouilles et réconciliations avec sa bien-aimée. Il feint des changements d'humeur et utilise l'ivresse pour paraître infidèle. Extérieurement indifférent, il cache un ardent désir pour Cloris. Son objectif est de tromper les apparences et de révéler sa souffrance à travers autrui. Ces actions représentent les plaisirs les plus doux de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 262-263
IV.
Début :
C'est aimer foiblement d'aimer sans jalousie. [...]
Mots clefs :
Aimer, Jalousie, Âme, Coeur, Amant, Lanterne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IV.
IV .
C'Eftaimerfoiblementd'aimerſansjalonfie.
Sans raison quelquefois une ame en eft
faifie,
Mais quelquefois auffi l'on ne fe trompe
pas,
Quand le coeur eft épris d'un objet plein
d'appas.
Le Berger Alcidonremply defa Mai
treſſe
du Mercure Galant.
263
Soupçonnant qu'un Rival partagefa tendreffe,
Voulant s'en éclaircir aformé le deffein
D'examiner de prés quel ferafon deftin.
Je veux, dit le Berger, me mettre enfentinelle
Auprés dela Maifon d'Iris mon Infidelle ..
Je m'y rendray de nuit, car c'eft dans ce
moment
Que pour cacherfaflame on reçoit un
Amant,
J'auray pour me conduire une Sourde
Lanterne
Si je ne la ſurprens, je veux que l'on me
berne.
DE LA GIRAULDIERE
Ruë Maubué .
C'Eftaimerfoiblementd'aimerſansjalonfie.
Sans raison quelquefois une ame en eft
faifie,
Mais quelquefois auffi l'on ne fe trompe
pas,
Quand le coeur eft épris d'un objet plein
d'appas.
Le Berger Alcidonremply defa Mai
treſſe
du Mercure Galant.
263
Soupçonnant qu'un Rival partagefa tendreffe,
Voulant s'en éclaircir aformé le deffein
D'examiner de prés quel ferafon deftin.
Je veux, dit le Berger, me mettre enfentinelle
Auprés dela Maifon d'Iris mon Infidelle ..
Je m'y rendray de nuit, car c'eft dans ce
moment
Que pour cacherfaflame on reçoit un
Amant,
J'auray pour me conduire une Sourde
Lanterne
Si je ne la ſurprens, je veux que l'on me
berne.
DE LA GIRAULDIERE
Ruë Maubué .
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Résumé : IV.
Le poème 'C'Eftaimerfoiblementd'aimersansjalonfie' de La Giraudière, publié dans le Mercure Galant, relate l'amour du Berger Alcidon pour Iris. Alcidon, jaloux, se rend secrètement chez Iris de nuit pour vérifier ses soupçons de trahison. Il utilise une lanterne sourde pour éviter d'être vu. L'auteur réside rue Maubué.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 319-318
QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
Début :
Quand on obtient facilement [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Vérité, Beauté, Mépris, Sensible, Raisonnement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour , celle
d'un Amant dont les foins font receus
d'abord agréablement , & prefque auffi
toft recompenfez ; ou le bonheur de
celuy, qui apres avoir aimé quelque
temps fans efpérance , trouve enfin le
coeur de fa Maiftreffe fenfible.
Q
Vand on obtient facilement
Une jeune Beauté qu'on aime,
L'amour d'abord fuft- il extréme,
Dans lafuite l'on eft fatisfait rarements
Maisplus, avant la récompenfe ,
Un Amant voit de réfiftance,
Et plus il a de peine à pouvoir obtenir
L'Objet qui caufefon martire,
a
Plus leplaifir eft grand quand il peut par-
Ventr
A lapoffeffion de celle qu'il defire.
Oronte & Licidas prouveront mieux que
moy
)
Ddij
316 Extraordinaire
.
Cette Verité que j'avance.
Le premier dés l'abord uit recevoirfafox
allAvec prompta reconnoiffance,
Et la jeune Cloris qu'il voulut rechercher
Fut bien-toft mife enfa puiffance;
On la vit enfin s'attacher :
A get Amant dont le mérite
Eftoit accompagné d'une fage conduire.
Leur Hymen s'accomplit ; & le moment
fatal
Quidevoit caufer leur divorce,
Se couvrant à leurs yeux d'une fubtile
amorce,
Voulutfairefon coup dés le jourNuptial.
Cloris dans le Feftin vit paroiftxe Nicandre
Qui la regardoit d'un oeil tendre,
Elle devintfenfible , & répondant des
yeux
Afon muet langage,
Elle devint bientoft volage ,
Etne fit que chercher le moment précieux
Afin depouvoir entendre
du Mercure Galant.
317
Une déclaration
Quefit l'amoureux Nicandre
Defafollepaffion .
Elle oublia bien- toft cette foy conjugate`
Qu'elle devoit garder meſme malgré la
mort,
Et d'une ame inconftante, infidelle, inégale,
Elle fit éprouverun effroyablefort
Afon Epoux le pauvre Oronte,
Quine la trouva plus qu'un objet defa
bonte.
La haine & la rigueur, l'opprobre & le
mépris,
'
Furent dorénavant les Prix
Dont il vitque certe Infidelle
Voulutrécompenferſon amour &fonzile.
Mais au contraire Licidas.
Que l'on vit millefoss invoquer le trépas,
Nepouvant rendre Iris fenfible
Aux tendres mouvemens qui partoient de
fon cours
318 Extraordinaire
C
Employant tout le foin poffible
Afinde luy caufer unepareille ardeur,
Apres avoirfouffert , pleuré, priéfans ceffe
Cecher objet de fa tendreffe,
byer
Arriva ce jour bienheureux
Qu'il vit récompenferfesvoeux. 70
Depuis ce temps leur amour mutuelles
Paroift auxyeux de tous devoir eftre éter
nelle.
"Ainfi donc je conclus de cé raiſonnement ."
Que d'un amour trop prompt il naift d'é
trangesfuites;
Où quand il n'eft formé qu'apres plufieurs
poursuites,
Rarement on n'en voit qu'un bon évenement;
Et qu'enfin pour avoir toûjours l'ame contente,
Laderniere Fortune eft plusfatisfaisante.
la plus fatisfaifante en Amour , celle
d'un Amant dont les foins font receus
d'abord agréablement , & prefque auffi
toft recompenfez ; ou le bonheur de
celuy, qui apres avoir aimé quelque
temps fans efpérance , trouve enfin le
coeur de fa Maiftreffe fenfible.
Q
Vand on obtient facilement
Une jeune Beauté qu'on aime,
L'amour d'abord fuft- il extréme,
Dans lafuite l'on eft fatisfait rarements
Maisplus, avant la récompenfe ,
Un Amant voit de réfiftance,
Et plus il a de peine à pouvoir obtenir
L'Objet qui caufefon martire,
a
Plus leplaifir eft grand quand il peut par-
Ventr
A lapoffeffion de celle qu'il defire.
Oronte & Licidas prouveront mieux que
moy
)
Ddij
316 Extraordinaire
.
Cette Verité que j'avance.
Le premier dés l'abord uit recevoirfafox
allAvec prompta reconnoiffance,
Et la jeune Cloris qu'il voulut rechercher
Fut bien-toft mife enfa puiffance;
On la vit enfin s'attacher :
A get Amant dont le mérite
Eftoit accompagné d'une fage conduire.
Leur Hymen s'accomplit ; & le moment
fatal
Quidevoit caufer leur divorce,
Se couvrant à leurs yeux d'une fubtile
amorce,
Voulutfairefon coup dés le jourNuptial.
Cloris dans le Feftin vit paroiftxe Nicandre
Qui la regardoit d'un oeil tendre,
Elle devintfenfible , & répondant des
yeux
Afon muet langage,
Elle devint bientoft volage ,
Etne fit que chercher le moment précieux
Afin depouvoir entendre
du Mercure Galant.
317
Une déclaration
Quefit l'amoureux Nicandre
Defafollepaffion .
Elle oublia bien- toft cette foy conjugate`
Qu'elle devoit garder meſme malgré la
mort,
Et d'une ame inconftante, infidelle, inégale,
Elle fit éprouverun effroyablefort
Afon Epoux le pauvre Oronte,
Quine la trouva plus qu'un objet defa
bonte.
La haine & la rigueur, l'opprobre & le
mépris,
'
Furent dorénavant les Prix
Dont il vitque certe Infidelle
Voulutrécompenferſon amour &fonzile.
Mais au contraire Licidas.
Que l'on vit millefoss invoquer le trépas,
Nepouvant rendre Iris fenfible
Aux tendres mouvemens qui partoient de
fon cours
318 Extraordinaire
C
Employant tout le foin poffible
Afinde luy caufer unepareille ardeur,
Apres avoirfouffert , pleuré, priéfans ceffe
Cecher objet de fa tendreffe,
byer
Arriva ce jour bienheureux
Qu'il vit récompenferfesvoeux. 70
Depuis ce temps leur amour mutuelles
Paroift auxyeux de tous devoir eftre éter
nelle.
"Ainfi donc je conclus de cé raiſonnement ."
Que d'un amour trop prompt il naift d'é
trangesfuites;
Où quand il n'eft formé qu'apres plufieurs
poursuites,
Rarement on n'en voit qu'un bon évenement;
Et qu'enfin pour avoir toûjours l'ame contente,
Laderniere Fortune eft plusfatisfaisante.
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Résumé : QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
Le texte examine deux types de fortunes en amour. La première concerne un amant dont les vœux sont rapidement exaucés. La seconde décrit un amant qui, après avoir aimé sans espoir, voit finalement sa maîtresse s'adoucir. Le texte affirme que l'amour facilement obtenu peut devenir extrême au début mais se raréfie ensuite. À l'inverse, un amour obtenu après résistance et peine procure un plaisir plus grand. L'exemple d'Oronte illustre la première fortune. Oronte reçoit promptement l'affection de Cloris, qu'il épouse. Cependant, Cloris devient infidèle dès le jour des noces, causant une grande souffrance à Oronte. Licidas incarne la seconde fortune. Après avoir souffert et prié sans cesse, Licidas voit enfin ses vœux récompensés. Son amour pour Iris, après de nombreuses poursuites, devient mutuel et éternel. Le texte conclut que la fortune la plus satisfaisante est celle où l'amour naît après plusieurs poursuites, plutôt qu'un amour trop prompt qui peut mener à des suites étranges.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
16
p. 319
QUESTION A DECIDER.
Début :
Si un Courtisan trompé dans ses [e]sperances, est plus à plaindre [...]
Mots clefs :
Questions, Amant, Courtisan, Infidélité, Prodigalité, Avarice
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUESTION A DECIDER.
QUESTIONS A DECIDER,
Si un Courtiſan trompé dans
fes fperances , eft plus à plaindre
qu'un Amant paffionné qui
ne peut toucher le coeur de la
Perfonne qu'il aime,
II.
Si l'infidelité d'une Maiftreffe
infidele, peut autorifer un Amant
trahy à eſtre indiſcret.
III.
Si la Prodigalité eft moins condamnable
que l'Avariće.
IV..
On demande l'origine des
Bombes.
Si un Courtiſan trompé dans
fes fperances , eft plus à plaindre
qu'un Amant paffionné qui
ne peut toucher le coeur de la
Perfonne qu'il aime,
II.
Si l'infidelité d'une Maiftreffe
infidele, peut autorifer un Amant
trahy à eſtre indiſcret.
III.
Si la Prodigalité eft moins condamnable
que l'Avariće.
IV..
On demande l'origine des
Bombes.
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17
p. 342-343
« La premiere Enigme du dernier mois avoit esté faite sur les Moucherons qui [...] »
Début :
La premiere Enigme du dernier mois avoit esté faite sur les Moucherons qui [...]
Mots clefs :
Moucherons, Or, Ambassadeurs de Siam, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « La premiere Enigme du dernier mois avoit esté faite sur les Moucherons qui [...] »
La première Enig me du dernier mois
avoir efté faite fur les Adouchzrons qui
naiflent du vin
,
& qui entourant les
tonneaux des qu’ilsen font pleins,tâchent
de les percer. Elle a efté expliquée dans
Ton vray feus par la jeune Beauté d’Arras
,
regretée des Ambaladeurs de Siam.
Ceux qui ont expliqué la féconde fut
l'Or qui enettoitle vray Cens, font Mrs
C. F. Lourdet ; le grand Tribardeut
François,dela Tour d’argent à V. Cleante
de Sarrelouis
; la Menageredu bon &
gros Gafcon de la Cour
-,
l’Aimable Jivote
aux airs langoureux de la rue des
Follez S. Germain ; la Belle & inhumaine
Confeillere de la rue des Gentilshommes
de Quimper
,
âgée de 12. ans, & la Belle
Indolente delà rue desJ efuites delà melme
Ville. Voicy les noms de ceux qui
GALANT. 343
ont trouvé le vray fens de l’une & de
l’autre. Mrs Blary de Montauban
,
Avo
cat au Parlement 3 Bertonville de la rue
S, Bon ; l’Amant inconnu de la Blonde
le Rheims ; Meriel, Maiftre à chanter à
Caën;l‘Interprete Academique, l’Amant
le la Belle Hortenfede la rue S. Martin ;
Amant berné ,& l’Amant de la Potière
l’étain de la rue de la Monnoye.
avoir efté faite fur les Adouchzrons qui
naiflent du vin
,
& qui entourant les
tonneaux des qu’ilsen font pleins,tâchent
de les percer. Elle a efté expliquée dans
Ton vray feus par la jeune Beauté d’Arras
,
regretée des Ambaladeurs de Siam.
Ceux qui ont expliqué la féconde fut
l'Or qui enettoitle vray Cens, font Mrs
C. F. Lourdet ; le grand Tribardeut
François,dela Tour d’argent à V. Cleante
de Sarrelouis
; la Menageredu bon &
gros Gafcon de la Cour
-,
l’Aimable Jivote
aux airs langoureux de la rue des
Follez S. Germain ; la Belle & inhumaine
Confeillere de la rue des Gentilshommes
de Quimper
,
âgée de 12. ans, & la Belle
Indolente delà rue desJ efuites delà melme
Ville. Voicy les noms de ceux qui
GALANT. 343
ont trouvé le vray fens de l’une & de
l’autre. Mrs Blary de Montauban
,
Avo
cat au Parlement 3 Bertonville de la rue
S, Bon ; l’Amant inconnu de la Blonde
le Rheims ; Meriel, Maiftre à chanter à
Caën;l‘Interprete Academique, l’Amant
le la Belle Hortenfede la rue S. Martin ;
Amant berné ,& l’Amant de la Potière
l’étain de la rue de la Monnoye.
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18
p. 143-150
SONGE D'IRIS.
Début :
Toutes les productions d'esprit de Madame des / Que tu reviens diligemment ! [...]
Mots clefs :
Amant, Épouse, Muses, Sommeil, Songe, Iris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONGE D'IRIS.
Toutes les productions
d'esprit de Madame des
[ Houlieres sont si recherchées
que je croy toujours que
vous les avez,si-tost qu'il
en court une copie. C'est ce
qui m'a empesché de vous
envoyer plûtostle Songe que
vous me demandez. Cette
Dame est admirable, & dans
ses pensées, & dansla maniere de les exprimer.
SONGE D'IRIS.
QVe fit reviens diligemment!
Ne cejjeras-tu point
,
impatients
Aurore,
v De courir après Illn Amant ?
x Non)
k
*
Non,je te parle vainement. 1
Demain tu reviendras encore ;
Lttjfl de ton Vieillard tu cherches
tous p~yj Icsjours
Ce Chtlffiltr qui fait moinsde
compte
De lafolle ardeur qui te dompte,
Que de la dépouille d'un Ours.
Tun'es pas lafeuleDeejJe
jQue CAmour ait forcée à recevoir
si. loy.
Diane & Sentis comme toy,
Tour deJImples Mortels ont eu de U
t:;:dyf/}.
Ii '1 :.-
Mais enfin, si leurs cœurs se font
Lift charmer,
Leurs Amans ont brttlé pourelles
e
Toy feule entre les Immortelles
N'as jamaisseeu te faire aimer.
PourJauvcr £honneur de tes charmes,
Les frJufls, cesscavantes Sæurs,
Nous ont imposésur les larmes
.f.?!J'dIt sortir de ton lit tu répans
sur les fleurs.
Ce neftpointton Fils mort qui caufc
tes douleurs,
Vn trait plus cutfant sa blesée.
Le mépris que Cephale a
fait de tes
faveurs,
Toujourspresent à ta pensée,
C'eif ce qui faitcouler tespleurs.
Elle faitplus encor, cette Troupequi
t'aime ;
Elle dit que l'éclat vermeil,
Dontonvoit l'orientsi peindreX
ton réveil,
Vient dtsRoses que ta main for.c
Dans la carriere du Soleil.
Jj)uelconte! Si le Cielprend la cot4-
leur des Roses
Lors eue tuvi Lors quetuviens ens ouvrir la barriere barrière
du jour, [tu t'expojès.
C'eif que le Ciel qui voit la honte oh
Rourit pour toy de ton amour.
Dans quelque autre Mortel plus
jaloux que Cephale,
£)uenas-tu trouvédes appas
Il euji moinsfaçonnésur la foy
conjugale.
Ordinairementicy-bas
La plus lelle Epousen'ejl pas
Vnedangereuje Rivale.
Contente entre ses bras de ton heureux dessin, -
Tu nauroispasy des Mers oh le Soleil se plonge
y
Fait firtir ton Charfmatin Et ,
achcvfmonSonge.
"lu L'as interrompu par ton cruel
retour
Bar:s l'endroit leplus agreable.
Je croyonseîfre>helas ! dansuncharmantIiioiir.
Oùsur un vertga'{!n,de cent larcins
coupable,
Je vojyois à mes pieds£Amant le
plus aimable,
Le plus plein de reJiJtfl, c" le plus
plein d'amour.
Lesommeilme rendoit, ce mefimble3 moins jicre)
Et quand ton vif éclat a
frjpé ma
paupiere,
Jljuroitdem'aimer jusqua son
dernier jour.
Pour la perte d'une chimcre
Ne me reproche point que jefuis
trop de bruit.
Jefç.iy
que la raifou conduit
A lie regreter points ie ~yp(?/~) 01J ot,, ne;-,e regretet
guere
Un faux bien qui dans l'air s',,';'"
vole avec la nuit.
Mt s, rcjîexion importune 1
Ou trouve-t-on desbicm certains*
£>ue rien y~~ n'arrache ~\7~6' de~<.~ smains,> t
,
Etceux de la Nature
,
r ccux de la
fortune,
0!Jt (ont-ils qttt J^uefont-ils cfts que desfongcsvatns?
T2
/'-i Tout ce tempsqu'un bon Songe
dure,
Si nous fln/ni:'s ir/fflcoûtens
Des biensquenousdevaisàfachuce impoflure
,
G)rte S'HSe({oient vrais (;,;' l (¡)/'rt"
lfans,
Peut-on les perdre sans mur*
mure?
Helas! n'efl-ce donc point une beureussAventure
Pour qui laisse au devoir conduire
tousJes pas,
De pouvoir,sans blcffer la vertu
la plus pure.
Ecoutersur un lit de fleurs d;" de
verdure
Vn Amant qui ne déplaijl pas?
A ces mots fin depit ceffint dellre
le maiflre,
Lajeune Irisse teut >pouffa quelques soupirs
y
Rougit
y
& se livra peut- eflre
A de dangereux souvenirs,
d'esprit de Madame des
[ Houlieres sont si recherchées
que je croy toujours que
vous les avez,si-tost qu'il
en court une copie. C'est ce
qui m'a empesché de vous
envoyer plûtostle Songe que
vous me demandez. Cette
Dame est admirable, & dans
ses pensées, & dansla maniere de les exprimer.
SONGE D'IRIS.
QVe fit reviens diligemment!
Ne cejjeras-tu point
,
impatients
Aurore,
v De courir après Illn Amant ?
x Non)
k
*
Non,je te parle vainement. 1
Demain tu reviendras encore ;
Lttjfl de ton Vieillard tu cherches
tous p~yj Icsjours
Ce Chtlffiltr qui fait moinsde
compte
De lafolle ardeur qui te dompte,
Que de la dépouille d'un Ours.
Tun'es pas lafeuleDeejJe
jQue CAmour ait forcée à recevoir
si. loy.
Diane & Sentis comme toy,
Tour deJImples Mortels ont eu de U
t:;:dyf/}.
Ii '1 :.-
Mais enfin, si leurs cœurs se font
Lift charmer,
Leurs Amans ont brttlé pourelles
e
Toy feule entre les Immortelles
N'as jamaisseeu te faire aimer.
PourJauvcr £honneur de tes charmes,
Les frJufls, cesscavantes Sæurs,
Nous ont imposésur les larmes
.f.?!J'dIt sortir de ton lit tu répans
sur les fleurs.
Ce neftpointton Fils mort qui caufc
tes douleurs,
Vn trait plus cutfant sa blesée.
Le mépris que Cephale a
fait de tes
faveurs,
Toujourspresent à ta pensée,
C'eif ce qui faitcouler tespleurs.
Elle faitplus encor, cette Troupequi
t'aime ;
Elle dit que l'éclat vermeil,
Dontonvoit l'orientsi peindreX
ton réveil,
Vient dtsRoses que ta main for.c
Dans la carriere du Soleil.
Jj)uelconte! Si le Cielprend la cot4-
leur des Roses
Lors eue tuvi Lors quetuviens ens ouvrir la barriere barrière
du jour, [tu t'expojès.
C'eif que le Ciel qui voit la honte oh
Rourit pour toy de ton amour.
Dans quelque autre Mortel plus
jaloux que Cephale,
£)uenas-tu trouvédes appas
Il euji moinsfaçonnésur la foy
conjugale.
Ordinairementicy-bas
La plus lelle Epousen'ejl pas
Vnedangereuje Rivale.
Contente entre ses bras de ton heureux dessin, -
Tu nauroispasy des Mers oh le Soleil se plonge
y
Fait firtir ton Charfmatin Et ,
achcvfmonSonge.
"lu L'as interrompu par ton cruel
retour
Bar:s l'endroit leplus agreable.
Je croyonseîfre>helas ! dansuncharmantIiioiir.
Oùsur un vertga'{!n,de cent larcins
coupable,
Je vojyois à mes pieds£Amant le
plus aimable,
Le plus plein de reJiJtfl, c" le plus
plein d'amour.
Lesommeilme rendoit, ce mefimble3 moins jicre)
Et quand ton vif éclat a
frjpé ma
paupiere,
Jljuroitdem'aimer jusqua son
dernier jour.
Pour la perte d'une chimcre
Ne me reproche point que jefuis
trop de bruit.
Jefç.iy
que la raifou conduit
A lie regreter points ie ~yp(?/~) 01J ot,, ne;-,e regretet
guere
Un faux bien qui dans l'air s',,';'"
vole avec la nuit.
Mt s, rcjîexion importune 1
Ou trouve-t-on desbicm certains*
£>ue rien y~~ n'arrache ~\7~6' de~<.~ smains,> t
,
Etceux de la Nature
,
r ccux de la
fortune,
0!Jt (ont-ils qttt J^uefont-ils cfts que desfongcsvatns?
T2
/'-i Tout ce tempsqu'un bon Songe
dure,
Si nous fln/ni:'s ir/fflcoûtens
Des biensquenousdevaisàfachuce impoflure
,
G)rte S'HSe({oient vrais (;,;' l (¡)/'rt"
lfans,
Peut-on les perdre sans mur*
mure?
Helas! n'efl-ce donc point une beureussAventure
Pour qui laisse au devoir conduire
tousJes pas,
De pouvoir,sans blcffer la vertu
la plus pure.
Ecoutersur un lit de fleurs d;" de
verdure
Vn Amant qui ne déplaijl pas?
A ces mots fin depit ceffint dellre
le maiflre,
Lajeune Irisse teut >pouffa quelques soupirs
y
Rougit
y
& se livra peut- eflre
A de dangereux souvenirs,
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Résumé : SONGE D'IRIS.
Le texte présente une correspondance et un poème intitulé 'Songe d'Iris'. L'auteur de la lettre admire les œuvres de Madame des Houlières, les jugeant admirables par leurs pensées et leur expression. Il explique avoir été empêché d'envoyer plus tôt le poème en raison de la rareté des copies des productions de cette dame. Le poème 'Songe d'Iris' est un dialogue entre Iris et l'Aurore. Iris reproche à l'Aurore son impatience à revenir chaque matin, cherchant un amant qui ne valorise pas son amour. Elle évoque d'autres figures mythologiques, comme Diane et Sémélé, contraintes par l'amour. Iris exprime sa douleur face au mépris de Cephale et aux larmes qu'elle verse. Le poème se termine par un songe interrompu par le retour de l'Aurore, où Iris se voyait aimée par un amant idéal. Iris regrette la perte de ce rêve et se questionne sur la nature éphémère des biens et des plaisirs. Elle conclut en se demandant s'il n'est pas heureux de pouvoir écouter un amant sans faillir à la vertu, même dans un songe. À la fin du poème, Iris soupire et rougit, se livrant à des souvenirs dangereux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 3-12
EPITRE aux Anonimes.
Début :
J'ay receu les vostres sur mes premiers Mercures, c'est-à-dire [...]
Mots clefs :
Anonymes, Public, Réponse, Mercure, Article, Portrait, Lettres, Amant
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texteReconnaissance textuelle : EPITRE aux Anonimes.
EPITRE
aux Anonimes. J'A Y receu les vostres
sur mes premiers Mercures,
c'est -à-dire plus
de six cents Lettres depuis
trois mois. Quand
j'aurois le loisir de répondre
à routes, la plûpart
sont Anonimes ; à1
qui pourrois-jeadresser
les miennes ? J'adressecelle-
cy à Mercure, qui la
fera tenir à tous ceux:
qui voudront me faire:
l'honneur de la lire, je :
voudrois y pouvoir mettre
des complimentspour
ceux qui m'ont complimenté,
de l'abondance
de coeur pour ceux qui
m'ont parlé sincerement,
de l'affection pour ceux
qui m'afectionnent;j'embrasse
ceux qui membrassent
, j'honore ceux
que je n'ose embrasser ,
& j'ay pour tous ceux
qui m'ont écrit, cetteet
pece de veneration qu'on
doit à ceux qui portent
la parole pour le public;
mais je dois un profond
respect au merite d'une
Anonime d'un haut rang
qui a daigné s'amuser à
répondre
,
incognito , à
LlnC; de mes questions, je
dois ignorer respe.étlie.u-
:
(emênt l'honneur que de
telles attentions font à
mon Mercure, c'estce
qui me déterminé à mettre
dans la suite à la fin
de chaque volume, un
article dereponses que
j'appelleray
, Réponses
aux Anonimes. Jejoüiray par là du priyilege
que donne le masque
dans les bals, où les
particuliers familiarisent
avecles Princes, je masqueray
mes reponfés*
quand elles ne devront,
estre entenduës que de ceux qui.m,'aurontéc1 rit-
Et j'entretiendrayainsi
discretement un cornmerce
de Lettres avec
le public dont je fuis le
tres-humble, tres-obéisfant
serviteur, Mercure.
Pour établir ce commerce
de Lettressi avantageux
pour moy, voicy
la forme que je donneray
à mes réponses; je
mettray à la teste de chaque
petit article les noms
supposez qu'on aura pris
au bas des Lettres Anonimesy
chacun s'y reconnoistra
par là & par l'endroit
de sa Lettre auquel
je répondray.
RFPONSE
à l'Amant Poëte.
-
Je vous envoye( me
dit L'Amant Poëte) un
portrait en vers de laplus
bellepersonne de Paris,
je crois les vers bons ,
triais j'ensuis l'autheur;
je croisqu'une si belle
peintureseraplaisir,mais
jesuis amant, &c. REPONSE.
Les Autheurs mêmes
trouveront vos vers
bons, mais à moins que
d'estre amant on trouvera
le portrait de cette
beauté un peu trop étendu.
Donnez-vous le plaisir
de retravaillerencore
un ouvrage qui vous occupe
si agréablement,&
vôtre portrait plaira comlmne
cceeuuxxddeessggrraannddssPPeeiinn-.
tres à ceux mêmes qui
n'en connoissent point
la ressemblance.
REPONSE
àl'inconnu de Lyon.
L'Inconnu. Si vous
*VOUsferve^ des Memoires que
je vousay envoyc% sur le procésdelapetitefille
à deuxmeres;
ilfaut passerdisceretement l'exemple
de Parer est quem
nupriæ demonftranr.
Réponse. Vous verrezdans
ce Volume-cy vostreavan- ,.
1 ture des deux meres ; mais
¡' j'ay évité la circonsatance de
&c. je perdrois cent bons
t. inlots pour éviter une indiscretion,
&de plus, l'exemple
ne conclut point. Car à
l'égard de l'enfant à deux
peres, la Loy decide Pater (si
) quemnuptioe demonstrant.
mais elle ne dit point que
5 Mater cft quam matrona demonstrat.
Voyez la page202.
Quelquesunesdecesréponses
pourront estreobscures
ou indifferentes à ceux
j|
qui n'en auront pas la clef;
!
mais je les prie de me passer
cet Article en faveur de ceux
qui travaillent pour le public
en m'envoyant des
Mémoires.
La variété des su jets, des
caracteres, des stiles, des arrangemens,
sait quelquefois
l'agrémentd'un Livre, mais
il cil: impossible que ce qui
fait plaisiràl'un,n'ennuye&
ne déplaise à plusieurs autres.
Je seray trop heureux
si chacun peut trouver icy
quelqu'endroit qui le dédommage
de s'estreennuyé
dans tout le reftc du Livre,
aux Anonimes. J'A Y receu les vostres
sur mes premiers Mercures,
c'est -à-dire plus
de six cents Lettres depuis
trois mois. Quand
j'aurois le loisir de répondre
à routes, la plûpart
sont Anonimes ; à1
qui pourrois-jeadresser
les miennes ? J'adressecelle-
cy à Mercure, qui la
fera tenir à tous ceux:
qui voudront me faire:
l'honneur de la lire, je :
voudrois y pouvoir mettre
des complimentspour
ceux qui m'ont complimenté,
de l'abondance
de coeur pour ceux qui
m'ont parlé sincerement,
de l'affection pour ceux
qui m'afectionnent;j'embrasse
ceux qui membrassent
, j'honore ceux
que je n'ose embrasser ,
& j'ay pour tous ceux
qui m'ont écrit, cetteet
pece de veneration qu'on
doit à ceux qui portent
la parole pour le public;
mais je dois un profond
respect au merite d'une
Anonime d'un haut rang
qui a daigné s'amuser à
répondre
,
incognito , à
LlnC; de mes questions, je
dois ignorer respe.étlie.u-
:
(emênt l'honneur que de
telles attentions font à
mon Mercure, c'estce
qui me déterminé à mettre
dans la suite à la fin
de chaque volume, un
article dereponses que
j'appelleray
, Réponses
aux Anonimes. Jejoüiray par là du priyilege
que donne le masque
dans les bals, où les
particuliers familiarisent
avecles Princes, je masqueray
mes reponfés*
quand elles ne devront,
estre entenduës que de ceux qui.m,'aurontéc1 rit-
Et j'entretiendrayainsi
discretement un cornmerce
de Lettres avec
le public dont je fuis le
tres-humble, tres-obéisfant
serviteur, Mercure.
Pour établir ce commerce
de Lettressi avantageux
pour moy, voicy
la forme que je donneray
à mes réponses; je
mettray à la teste de chaque
petit article les noms
supposez qu'on aura pris
au bas des Lettres Anonimesy
chacun s'y reconnoistra
par là & par l'endroit
de sa Lettre auquel
je répondray.
RFPONSE
à l'Amant Poëte.
-
Je vous envoye( me
dit L'Amant Poëte) un
portrait en vers de laplus
bellepersonne de Paris,
je crois les vers bons ,
triais j'ensuis l'autheur;
je croisqu'une si belle
peintureseraplaisir,mais
jesuis amant, &c. REPONSE.
Les Autheurs mêmes
trouveront vos vers
bons, mais à moins que
d'estre amant on trouvera
le portrait de cette
beauté un peu trop étendu.
Donnez-vous le plaisir
de retravaillerencore
un ouvrage qui vous occupe
si agréablement,&
vôtre portrait plaira comlmne
cceeuuxxddeessggrraannddssPPeeiinn-.
tres à ceux mêmes qui
n'en connoissent point
la ressemblance.
REPONSE
àl'inconnu de Lyon.
L'Inconnu. Si vous
*VOUsferve^ des Memoires que
je vousay envoyc% sur le procésdelapetitefille
à deuxmeres;
ilfaut passerdisceretement l'exemple
de Parer est quem
nupriæ demonftranr.
Réponse. Vous verrezdans
ce Volume-cy vostreavan- ,.
1 ture des deux meres ; mais
¡' j'ay évité la circonsatance de
&c. je perdrois cent bons
t. inlots pour éviter une indiscretion,
&de plus, l'exemple
ne conclut point. Car à
l'égard de l'enfant à deux
peres, la Loy decide Pater (si
) quemnuptioe demonstrant.
mais elle ne dit point que
5 Mater cft quam matrona demonstrat.
Voyez la page202.
Quelquesunesdecesréponses
pourront estreobscures
ou indifferentes à ceux
j|
qui n'en auront pas la clef;
!
mais je les prie de me passer
cet Article en faveur de ceux
qui travaillent pour le public
en m'envoyant des
Mémoires.
La variété des su jets, des
caracteres, des stiles, des arrangemens,
sait quelquefois
l'agrémentd'un Livre, mais
il cil: impossible que ce qui
fait plaisiràl'un,n'ennuye&
ne déplaise à plusieurs autres.
Je seray trop heureux
si chacun peut trouver icy
quelqu'endroit qui le dédommage
de s'estreennuyé
dans tout le reftc du Livre,
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Résumé : EPITRE aux Anonimes.
L'auteur de l'épître a reçu plus de six cents lettres anonymes en trois mois, mais ne peut répondre à toutes. Il décide de publier ses réponses dans un article intitulé 'Réponses aux Anonimes' à la fin de chaque volume, permettant aux correspondants de se reconnaître par des noms supposés et des références à leurs lettres. Il exprime sa gratitude et son respect pour tous les correspondants, y compris une personne de haut rang ayant répondu incognito. Parmi les réponses, l'auteur s'adresse à 'L'Amant Poëte', suggérant de retravailler son portrait en vers pour toucher un public plus large. Il mentionne également 'L'Inconnu de Lyon', qui a envoyé des mémoires sur un procès impliquant une fille ayant deux mères, sans détailler les circonstances pour éviter toute indiscrétion. L'auteur reconnaît que certaines réponses peuvent sembler obscures, mais demande de les excuser au nom de ceux qui travaillent pour le public. Il espère que chacun trouvera dans le livre un passage compensant l'ennui éventuel ressenti.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 258-259
REPONSE. Par Mr de Gi**.
Début :
La jalousie des Amants dure moins que celle des Maris, [...]
Mots clefs :
Jalousie, Mari, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par Mr de Gi**.
On a demandé enquoy
font différentes
la jaîoufïedun Maiy,
&C la jalousie d'un A-*j
mant.
*LA jalousie des A
mantsdure moins que
Celle des Maris, carun
Amant ell gueri de sa
jalouiîe en cédantdaimer
;mais un Mary ne
peut se guerir de sa jalousse
qu'en cessant d'estre
jaloux.
font différentes
la jaîoufïedun Maiy,
&C la jalousie d'un A-*j
mant.
*LA jalousie des A
mantsdure moins que
Celle des Maris, carun
Amant ell gueri de sa
jalouiîe en cédantdaimer
;mais un Mary ne
peut se guerir de sa jalousse
qu'en cessant d'estre
jaloux.
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21
p. 259-260
REPONSE. Par le Marquis de **.
Début :
La jalouse fureur anime les Espoux, [...]
Mots clefs :
Jalousie, Mari, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par le Marquis de **.
REPONSE.
l!ar le Marquis de* *
Lajalousefureur antme
les Espoux,
L'Amant est accablé de
Jessoupçonsjalouxy
Sursafemme un Mary
cherche à punir
l'offense ;
Et l'Amant sur luymesme
exercesa
vengeance.
l!ar le Marquis de* *
Lajalousefureur antme
les Espoux,
L'Amant est accablé de
Jessoupçonsjalouxy
Sursafemme un Mary
cherche à punir
l'offense ;
Et l'Amant sur luymesme
exercesa
vengeance.
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22
p. 260-261
REPONSE. Par Me de **.
Début :
Les Amants sont plus fols dans leur jalousie que les [...]
Mots clefs :
Jalousie, Mari, Amant
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par Me de **.
REPONSE.
Par Aie de**,
Les Amanrs font
plus fols dans leur jalousseque
les Mans,
car l'Amant jaloux épouse
quelques fois;
mais le Mary jaloux se -
dcmarieroics'il pouvoit.
- Les Maris font fols
de souffrir si impatiemment
un mal qu'ils ne
peuvent e-rn peschers &
les Amants font fols
de s'affliger d'un mal - dont ils peuvent sedé-
Jivrer.
Par Aie de**,
Les Amanrs font
plus fols dans leur jalousseque
les Mans,
car l'Amant jaloux épouse
quelques fois;
mais le Mary jaloux se -
dcmarieroics'il pouvoit.
- Les Maris font fols
de souffrir si impatiemment
un mal qu'ils ne
peuvent e-rn peschers &
les Amants font fols
de s'affliger d'un mal - dont ils peuvent sedé-
Jivrer.
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23
p. 262-263
REPONSE. Par Mr de Chen...
Début :
La jalousie des Maris est plus soupçonneuse ; celle des Amants [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amant, Mari
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par Mr de Chen...
REPONSE.
ParMrdeChen.
La jalousie des Maris
est plus soupçonneuse;
celle desAmants
est plus capricieuse.
Les jalousies des Maris
sont souvent mieux
fondées que celle des
Amants;& par con sequent
celles des Amai^
ts fontplus bizarres
&: plus injustes,car
ilestplusvray-semblaible
, vertuà part,qu'- uneMaiftrelfeloitfidel*
le qu'une Femme.
ParMrdeChen.
La jalousie des Maris
est plus soupçonneuse;
celle desAmants
est plus capricieuse.
Les jalousies des Maris
sont souvent mieux
fondées que celle des
Amants;& par con sequent
celles des Amai^
ts fontplus bizarres
&: plus injustes,car
ilestplusvray-semblaible
, vertuà part,qu'- uneMaiftrelfeloitfidel*
le qu'une Femme.
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24
p. 263-264
REPONSE. Par M. de la M.
Début :
Souvent la jalousie esteint l'amour des Maris, & ne [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amant, Mari
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par M. de la M.
REPONSE.
Par M. de la M.
Souvent la jalousieesteint
l'amour des
Maris; &C ne fait au
contraire qu augmenter
celuy des Amants. (LcursCceurs sont des brasiers
ardents
jettcZj-j de l'eaujamriers,
craindre
Mais l'amourd'unEpoux
ressemble aux
feux mourants
Qu'unegoutte d'eaupeut
esteindre.
Par M. de la M.
Souvent la jalousieesteint
l'amour des
Maris; &C ne fait au
contraire qu augmenter
celuy des Amants. (LcursCceurs sont des brasiers
ardents
jettcZj-j de l'eaujamriers,
craindre
Mais l'amourd'unEpoux
ressemble aux
feux mourants
Qu'unegoutte d'eaupeut
esteindre.
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25
p. 264-265
REPONSE. Par Licidas.
Début :
La jalousie des Amants est ordinairement plus delicate, & plus [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amant, Mari
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par Licidas.
REPONSE. -
Par LicidvU.
La jalousie des Amants
est ordinairement
plus delicate, &
plus discrette: celle des
Marisestplus grossiere&
plus brutale; elle
est gravée par des rides
sur leur front: celle des
Amants respectueux , n'est gravée que dans
leur coeur.
Par LicidvU.
La jalousie des Amants
est ordinairement
plus delicate, &
plus discrette: celle des
Marisestplus grossiere&
plus brutale; elle
est gravée par des rides
sur leur front: celle des
Amants respectueux , n'est gravée que dans
leur coeur.
Fermer
26
p. 265-266
REPONSE. Par M. P**
Début :
De l'Amant au Mary, voicy la difference, [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amant, Mari
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texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par M. P**
REPONSE.
Par M. P **
De l'Amantau Mary,
voicy la différence,
Dans leurjalouse extravagance
• L'un ifl jaloux de fort
- honneur,
Vautre tft jaloux des
droits du coeur.
Par M. P **
De l'Amantau Mary,
voicy la différence,
Dans leurjalouse extravagance
• L'un ifl jaloux de fort
- honneur,
Vautre tft jaloux des
droits du coeur.
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27
p. 266-267
REPONSE. Par M. des **
Début :
La jalousie en general n'est plus gueres à la [...]
Mots clefs :
Jalousie, Amant, Mari
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE. Par M. des **
REPONSE.
ParM,des* *
La 0 jalousieen géné-
,
ral n'est plus gueres à
la mode ni dans les Aniantsni
dans les Maris.
-
,
Les Amants sont à
Jprefent si vifs dans leur
pourfuÍre, & si inconstants
dans leur bonheur,
qu'ils n'ont pas
le tem ps d'estre jaloux.
A l'égard des Maris,
s'il yen. a beaucoup
qui le soyent
,
il y en
a peu qui le paroissent.
Si l'Epoux inquiet riofè
pluslepavotfin>
C'cfiqutletfparmynous»
honteuxdesorejaloux
Etqu'il n'estplus honteux
d'avoirsujet de l'estre,
loisiren
huit jours de répondre
à cette Question.
Je vous donneray
le mois prochain
le reste des réponses
qu'on m'envoyera
ParM,des* *
La 0 jalousieen géné-
,
ral n'est plus gueres à
la mode ni dans les Aniantsni
dans les Maris.
-
,
Les Amants sont à
Jprefent si vifs dans leur
pourfuÍre, & si inconstants
dans leur bonheur,
qu'ils n'ont pas
le tem ps d'estre jaloux.
A l'égard des Maris,
s'il yen. a beaucoup
qui le soyent
,
il y en
a peu qui le paroissent.
Si l'Epoux inquiet riofè
pluslepavotfin>
C'cfiqutletfparmynous»
honteuxdesorejaloux
Etqu'il n'estplus honteux
d'avoirsujet de l'estre,
loisiren
huit jours de répondre
à cette Question.
Je vous donneray
le mois prochain
le reste des réponses
qu'on m'envoyera
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Résumé : REPONSE. Par M. des **
Le texte aborde la jalousie dans les relations amoureuses et matrimoniales, notant qu'elle est moins courante. Les amants, vifs et inconstants, n'ont pas le temps d'être jaloux. Parmi les maris, nombreux sont jaloux mais peu l'avouent ouvertement. Il n'est plus honteux d'avoir des raisons de l'être. Le texte mentionne aussi un délai de huit jours pour répondre à une question et promet des réponses supplémentaires le mois suivant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 184-191
LETTRE de Dunkerque. GENEROSITÉ d'un jeune Amant.
Début :
Cleante fils aîné d'un riche Marchand de Dunquerque, estoit [...]
Mots clefs :
Amant, Dunkerque
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Dunkerque. GENEROSITÉ d'un jeune Amant.
LETTRE
de Dunkerque.
GENEROSITÉ
d'un jeune Amant.
Cleante fils aîné d'un rithe
Marchand de Dunquerque
, eftoit devenu amoureux à
Paris de lajeune Mabille qui
navoit pas de bien. Son pere
luy écrivit plufieurs fois que
s'il ne revenoit , il feroit fon
cadet Dorillas heritier de tout
~fon bien . Cleante ne voulutjaGALANT.
185
mais quitter Mabille qu'il ne
l'euft épousée. Mais elle qui ne
vouloit point l'époufer que ce
pere n'y confentit , employoit à
Dunquerque desparens qu'elle
yavoit , pour tafcher de l´y refoudre,
cependant remettoit
Cleante de jour en jour ,
fans ofer luy faire connoiftre
qu'elle ne l'aimoit pas affez
pour l'épouser avec dix mille
écus , qui eftoit ce qu'il pouvoit
efperer du bien de fa mere que
fon pere ne pouvoit luy offer.
Pendant tous ces délais le pere
de Cleante meurt irrité contre
cet aifné , il donna en mourant
Février 1711 Q
186 MERCURE
a
tout au Cadet. Des queCleante
avoit fçu la maladie de fon pere
, il avoit pris la pofte. Mais
il arriva trop tard à Dunquerque
. Il n'y fut que huitjours
pourrendre les derniers de voirs.
fon pere ; enfuite ayantpris
en Lettres de Change les 30 .
mil livres qu'on n'avoit pu luy
ofter , ilrevint à Paris pour les
offrir à Mabille en arrivant
à fa porte , on luy dit qu'elle logeoit
dans une grande Maifon
qui eftoit dans la mefme rue
on ne luy dit rien autre chofe.
Il alla à cette maiſonfort
eſtonné d'un changement fi
a
GALANT 187
prompt , mais il fut bien plus
furpris encore , quand eſtant entré
dans cette porte qu'il trouva
ouverte, il vit Mabille en habit
doré , conduite par un homme
affez âgé qui luy aidoit à
monter dans un Car ffe tout
neuf.Il demanda à unLaquais
qui eftoit cet homme . On luy
repondit que c'eftoit Monfieur
qui menoit Madame difner en
famille , parce qu'il eftoit marié
depuis deux jours. Dorillas
penfa mourir de douleur. Il partit
des le lendemain pourDunquerque
. Il mitpar desespoirfes
dix mil écusfur un Vaiſſeau à
Q ij
188 MERCURE
la groffe avanture , & s'em
barqua dans le Vaiffeau. Il a
efté aſſez heureux pour gagner
en trois ans quatre cent mil livres.
Il revint l'Automne der
niere à Paris pour regler quel
ques affaires pourfon negoce. I
avoit tafché d'oublier Mabille,
mais fortant lejour de la Touf
faints du Sermon desF.fuites.
il futbienfurpris de voir Ma
bille en deueil , en affez mau .
vais équipage , & qui parroiffoit
fort afligée. Elle fut hon
teufe de le rencontrer , mais il´
voulutlaremener chez elle , ou
elle luy conta que l'hommeGALANT
. 189
d'affaire qu'elle avoit épousé
eftoit mort fort endetié , qu'il
ne luy reftoit qu'une Terre de
vingt mil écus ou environ ,fur
quoy elle avoit peine à vivre
avec deux enfans , parce qu'un
M.de..à qui elle devoit vingt
milfrancs , luy avoitfait fai-
~for cette Terre; elle verfa beaucoup
de larmes, & luy dit plu
fieurs raifons qui l'avoientfor
cé à ce mariage. Cleante enfut
fort attendri , &l'alla voir
pendant quinze jours fans luy
parler de rienzelle crut fesfeux
rallumez, & ne defefperoit pas
qu'il ne l'époufaftimais un ma190
MERCURE
tin elle le vit arriver àfa porté
avec une Chaife de pofte , il
entra dans fa Chambre , &
luy dit qu'il n'avoit resté quin
ze jours à Paris que pour degagerfa
Terre , & qu'il venoit
de payer vingt mil livres
à M.. dont la quitance & les
papiers eftoient dans unfac qu'il
mit fur la table de Mabille
aprés quoy il l'embraſſa , luy
difant qu'il ne vouloit pas qu'-
une perfonne qu'il avoit aimés,
fut tout-à -fait dans le befoin ,
qu'eftant perfuadé auffi qu'elle
ne l'avoit jamais aiméfincerement
, il nela verroit defa vie,
GALANT . 191
& ne fe marieroit jamais.
Mabille que tout cecy rendoit
immobile , n'euft pas la force
de répondre , & Cleante monta
en Chaife pour retourner à
Dunquerque. Mais en partant
il luy dit de bien obferver les
papiers qui eftoient dans lefac ,
& qu'elle y luft dans le moment
qu'ilferoit party uneLettre
qu'elley trouveroit. Mabille
refta feule les yeux en larmes
, prit lefac qu'elle trouva
fortpefant. Il y avoit dedans
&
mille Louis d'or
que
Cleante
avoit ainfi cachez , pour luy
efpargner la confufion de les
recevoir de luy.
de Dunkerque.
GENEROSITÉ
d'un jeune Amant.
Cleante fils aîné d'un rithe
Marchand de Dunquerque
, eftoit devenu amoureux à
Paris de lajeune Mabille qui
navoit pas de bien. Son pere
luy écrivit plufieurs fois que
s'il ne revenoit , il feroit fon
cadet Dorillas heritier de tout
~fon bien . Cleante ne voulutjaGALANT.
185
mais quitter Mabille qu'il ne
l'euft épousée. Mais elle qui ne
vouloit point l'époufer que ce
pere n'y confentit , employoit à
Dunquerque desparens qu'elle
yavoit , pour tafcher de l´y refoudre,
cependant remettoit
Cleante de jour en jour ,
fans ofer luy faire connoiftre
qu'elle ne l'aimoit pas affez
pour l'épouser avec dix mille
écus , qui eftoit ce qu'il pouvoit
efperer du bien de fa mere que
fon pere ne pouvoit luy offer.
Pendant tous ces délais le pere
de Cleante meurt irrité contre
cet aifné , il donna en mourant
Février 1711 Q
186 MERCURE
a
tout au Cadet. Des queCleante
avoit fçu la maladie de fon pere
, il avoit pris la pofte. Mais
il arriva trop tard à Dunquerque
. Il n'y fut que huitjours
pourrendre les derniers de voirs.
fon pere ; enfuite ayantpris
en Lettres de Change les 30 .
mil livres qu'on n'avoit pu luy
ofter , ilrevint à Paris pour les
offrir à Mabille en arrivant
à fa porte , on luy dit qu'elle logeoit
dans une grande Maifon
qui eftoit dans la mefme rue
on ne luy dit rien autre chofe.
Il alla à cette maiſonfort
eſtonné d'un changement fi
a
GALANT 187
prompt , mais il fut bien plus
furpris encore , quand eſtant entré
dans cette porte qu'il trouva
ouverte, il vit Mabille en habit
doré , conduite par un homme
affez âgé qui luy aidoit à
monter dans un Car ffe tout
neuf.Il demanda à unLaquais
qui eftoit cet homme . On luy
repondit que c'eftoit Monfieur
qui menoit Madame difner en
famille , parce qu'il eftoit marié
depuis deux jours. Dorillas
penfa mourir de douleur. Il partit
des le lendemain pourDunquerque
. Il mitpar desespoirfes
dix mil écusfur un Vaiſſeau à
Q ij
188 MERCURE
la groffe avanture , & s'em
barqua dans le Vaiffeau. Il a
efté aſſez heureux pour gagner
en trois ans quatre cent mil livres.
Il revint l'Automne der
niere à Paris pour regler quel
ques affaires pourfon negoce. I
avoit tafché d'oublier Mabille,
mais fortant lejour de la Touf
faints du Sermon desF.fuites.
il futbienfurpris de voir Ma
bille en deueil , en affez mau .
vais équipage , & qui parroiffoit
fort afligée. Elle fut hon
teufe de le rencontrer , mais il´
voulutlaremener chez elle , ou
elle luy conta que l'hommeGALANT
. 189
d'affaire qu'elle avoit épousé
eftoit mort fort endetié , qu'il
ne luy reftoit qu'une Terre de
vingt mil écus ou environ ,fur
quoy elle avoit peine à vivre
avec deux enfans , parce qu'un
M.de..à qui elle devoit vingt
milfrancs , luy avoitfait fai-
~for cette Terre; elle verfa beaucoup
de larmes, & luy dit plu
fieurs raifons qui l'avoientfor
cé à ce mariage. Cleante enfut
fort attendri , &l'alla voir
pendant quinze jours fans luy
parler de rienzelle crut fesfeux
rallumez, & ne defefperoit pas
qu'il ne l'époufaftimais un ma190
MERCURE
tin elle le vit arriver àfa porté
avec une Chaife de pofte , il
entra dans fa Chambre , &
luy dit qu'il n'avoit resté quin
ze jours à Paris que pour degagerfa
Terre , & qu'il venoit
de payer vingt mil livres
à M.. dont la quitance & les
papiers eftoient dans unfac qu'il
mit fur la table de Mabille
aprés quoy il l'embraſſa , luy
difant qu'il ne vouloit pas qu'-
une perfonne qu'il avoit aimés,
fut tout-à -fait dans le befoin ,
qu'eftant perfuadé auffi qu'elle
ne l'avoit jamais aiméfincerement
, il nela verroit defa vie,
GALANT . 191
& ne fe marieroit jamais.
Mabille que tout cecy rendoit
immobile , n'euft pas la force
de répondre , & Cleante monta
en Chaife pour retourner à
Dunquerque. Mais en partant
il luy dit de bien obferver les
papiers qui eftoient dans lefac ,
& qu'elle y luft dans le moment
qu'ilferoit party uneLettre
qu'elley trouveroit. Mabille
refta feule les yeux en larmes
, prit lefac qu'elle trouva
fortpefant. Il y avoit dedans
&
mille Louis d'or
que
Cleante
avoit ainfi cachez , pour luy
efpargner la confufion de les
recevoir de luy.
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Résumé : LETTRE de Dunkerque. GENEROSITÉ d'un jeune Amant.
La lettre relate l'histoire de Cleante, fils aîné d'un riche marchand de Dunkerque, et de son amour pour Mabille, une jeune femme sans fortune. Le père de Cleante menace de léguer son héritage à son cadet, Dorillas, si Cleante ne revient pas de Paris. Cleante refuse de quitter Mabille sans l'épouser, mais elle hésite à accepter sans le consentement du père. Pendant ces délais, le père de Cleante décède et laisse tout à Dorillas. Cleante, après avoir appris la maladie de son père, revient trop tard à Dunkerque. Il découvre ensuite que Mabille s'est mariée avec un homme plus âgé et est désormais riche. Déçu, Cleante investit dix mille écus dans un vaisseau et fait fortune en trois ans. De retour à Paris, il rencontre Mabille veuve et endettée. Touchée par sa situation, Cleante paie ses dettes et lui laisse mille Louis d'or avant de repartir pour Dunkerque, convaincu que Mabille ne l'avait jamais aimé sincèrement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 217-xi
AVANTURE du Carnaval dernier.
Début :
Plusieurs personnes d'une mesme famille s'estoient assemblées pour [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Carnaval, Cavalier, Mariage, Fidélité, Infidélité, Mère
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texteReconnaissance textuelle : AVANTURE du Carnaval dernier.
AVANTURE
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
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Résumé : AVANTURE du Carnaval dernier.
Le texte raconte une aventure amoureuse et stratégique centrée autour d'un mariage arrangé. Une famille se rassemble pour discuter d'un mariage imminent. La fille, vêtue de manière négligée, explique qu'elle n'a pas pris soin de son apparence car elle a rencontré le cavalier la veille sans attirer son attention. Le cavalier arrive et avoue son honnêteté et son manque d'intérêt pour le mariage, mais promet de bien traiter la fille s'il doit l'épouser. La fille, bien que d'apparence ordinaire, est intelligente et a un plan. Elle se rend à un bal déguisée en sultane, charmant ainsi le cavalier. Ce dernier, malgré ses efforts pour résister, finit par tomber amoureux de la sultane sans reconnaître la fille. La mère de la fille organise une mascarade pour révéler la vérité. Lors de cette mascarade, la fille, toujours déguisée, danse avec le cavalier, qui est troublé par sa beauté. La mère révèle finalement l'identité de la sultane, provoquant une surprise et une révélation émotionnelle. La fille, démasquée, montre son amour et son intelligence, réussissant à conquérir le cœur du cavalier.
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30
p. 103-107
STANCES.
Début :
Arrestez, jeune Bergere, [...]
Mots clefs :
Amant, Bergère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
Arreftez , jeune Bergere ,
Je fuis un Amant fincere ,
Un Amant vous fait il peur
Je n'ay qu'un mot à
v
dire
Ff.iiij
104 PIECES
Ec tout ce que je deſire ,
C'eft de vous tirer d'erreur
Le temps vous pourfait fans
ceffe ,
L'éclat de voſtre jeuneffe ,
Sera bientoft effacé ,
Le temps détruir toutes
chofes ,
Et l'on ne voit plus de
rofes ,
Quand le Printemps eſt paſ
fé.
Les plus fombres nuits finif-
21 fent ,
Leurs ombres s'évanoüiffent,
1
FUGITIVES . ros
Et rendent bien toft le jour s
Mais quand l'aimable jeu
neffe
A fait place à la vielleffe ,
Elle ignore le retour.
L'éclat des fleurs naturelles,
Fait l'ornement de nos Belles
,
On prife leur nouveauté ;
Mais au bout d'une journée,
Cette heureufe déftinée ,
Finit avec leur beauté !
Vos attraits belle Silvie,
Ne mettront point voſtre
for vice
106
PIECES
Hors des atteintes du fort ,
Il vous proméne fans ceffe ,
Du bel âge à la vieilleffe ;
De la vicilleffe à la mort.
-
Ainfi foyez moins volage ;
Er puis qu'avec le bel âge ,
Le plaifir paffe & s'enfuit ,
Quittez voftre indifference ,
La nuit à grands pas s'avan-
CC
Profitez du jour qui luit.
Un peu de tendre folie ,
Fait d'une Fille jolie ,
Le plaifir & le bonheur
;
Et dans le déclin de l'âge ,,
FUGITIVES. 107
Un dehors fier & fauvage.
Luy rend la gloire & l'honneur
.
Par cette leçon fidelle ,
Tircis prefloit une belle ,
D'avoir pitié de fon mal
Son Difcours la rendit fage
Mais elle n'en fit ufage ,
Qu'au profit de fon Rival .
Arreftez , jeune Bergere ,
Je fuis un Amant fincere ,
Un Amant vous fait il peur
Je n'ay qu'un mot à
v
dire
Ff.iiij
104 PIECES
Ec tout ce que je deſire ,
C'eft de vous tirer d'erreur
Le temps vous pourfait fans
ceffe ,
L'éclat de voſtre jeuneffe ,
Sera bientoft effacé ,
Le temps détruir toutes
chofes ,
Et l'on ne voit plus de
rofes ,
Quand le Printemps eſt paſ
fé.
Les plus fombres nuits finif-
21 fent ,
Leurs ombres s'évanoüiffent,
1
FUGITIVES . ros
Et rendent bien toft le jour s
Mais quand l'aimable jeu
neffe
A fait place à la vielleffe ,
Elle ignore le retour.
L'éclat des fleurs naturelles,
Fait l'ornement de nos Belles
,
On prife leur nouveauté ;
Mais au bout d'une journée,
Cette heureufe déftinée ,
Finit avec leur beauté !
Vos attraits belle Silvie,
Ne mettront point voſtre
for vice
106
PIECES
Hors des atteintes du fort ,
Il vous proméne fans ceffe ,
Du bel âge à la vieilleffe ;
De la vicilleffe à la mort.
-
Ainfi foyez moins volage ;
Er puis qu'avec le bel âge ,
Le plaifir paffe & s'enfuit ,
Quittez voftre indifference ,
La nuit à grands pas s'avan-
CC
Profitez du jour qui luit.
Un peu de tendre folie ,
Fait d'une Fille jolie ,
Le plaifir & le bonheur
;
Et dans le déclin de l'âge ,,
FUGITIVES. 107
Un dehors fier & fauvage.
Luy rend la gloire & l'honneur
.
Par cette leçon fidelle ,
Tircis prefloit une belle ,
D'avoir pitié de fon mal
Son Difcours la rendit fage
Mais elle n'en fit ufage ,
Qu'au profit de fon Rival .
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Résumé : STANCES.
Le texte est une série de stances poétiques adressées à une jeune bergère. L'auteur, se présentant comme un amant sincère, l'exhorte à apprécier sa jeunesse et sa beauté avant qu'elles ne disparaissent. Il met en garde contre le passage inexorable du temps, qui efface la jeunesse et la beauté, comparant cette transformation à la fin des nuits sombres et à la fin de la beauté des fleurs. L'auteur souligne que la jeunesse et la beauté sont éphémères, tandis que la vieillesse et la mort sont inévitables. Il encourage la jeune bergère à profiter du moment présent et à ne pas être indifférente, car la jeunesse et le plaisir passent rapidement. L'auteur conclut en racontant l'histoire de Tircis, qui a tenté de convaincre une belle de sa sincérité, mais sans succès, car elle a préféré son rival.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 1-74
Historiette Espagnole.
Début :
Dans le temps que l'Espagne estoit divisée en plusieurs [...]
Mots clefs :
Prince, Amour, Coeur, Joie, Bonheur, Mariage, Princesse, Amant, Liberté, Duc, Combat, Époux, Choix, Rival, Espagne, Andalousie, Mort, Malheur, Vertu, Générosité, Père, Sensible, Aveu, Discours, Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Historiette Espagnole.
Historiette Espagnole.
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
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Résumé : Historiette Espagnole.
En Espagne, divisée en plusieurs pays souverains, le Duc d'Andalousie se distinguait par l'étendue de ses États et sa sagesse gouvernante. Il était respecté et vénéré, attirant les jeunes princes qui admiraient son modèle de souveraineté. Sa fille, la princesse Léonore, était célèbre pour sa beauté, son esprit et son cœur excellent, attirant l'admiration des princes à la cour. Dom Juan, fils du Duc de Grenade, osa déclarer son amour à Léonore, mais elle répondit avec modération, révélant une indifférence qui irrita Dom Juan. Malgré cela, Dom Juan pressa le mariage, espérant que Léonore aimerait son époux par défaut. Léonore, cependant, aimait secrètement le Prince de Murcie, qui arriva à Séville et fut désolé d'apprendre le mariage imminent. Le Prince de Murcie, désespéré, avoua son amour à Léonore, qui lui répondit avec générosité, confessant son amour réciproque. Ils partagèrent un moment tendre mais craignirent d'être découverts. Le Prince de Murcie rencontra Dom Juan dans les jardins, dissimulant sa colère. Léonore informa le Prince que son père insistait sur le mariage, ce qui le désespéra. Le Prince de Murcie voulut défier Dom Juan, mais Léonore le supplia de ne pas risquer sa vie. Dom Juan, soupçonnant leur amour, les surprit ensemble et confronta le Prince de Murcie. Leur secret fut révélé, mettant en danger leur amour et leur vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 1-64
SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Début :
LEONORE arriva bien-tost dans l'Isle de Gade sans [...]
Mots clefs :
Prince, Grenade, Amour, Temps, Seigneur, Fortune, Père, Sujets, Amant, Douleur, Vaisseau, Princesse, Inconnue, Pouvoir, Andalousie, Malheur, Coeur, Ciel, Bonheur, Homme, Mort, Vertu, Souverain, Soeur, Duc, Usurpateur, Mariage, Doute, Perfidie
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texteReconnaissance textuelle : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
AM~USE-ME~NS. SUITE
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
DE L'HISTOIRE
ESPAGNOLE. LEONORE arriva
bien-tost dans l'Isle
de Gade sans estre retardée
,
ni par l'inconstance -
de la Mer, ni par aucun
autre accident; quand les
amans trouvent des obHaçlesy
ce n'elt pas d'ordinaire
dans ces occasions.
Le Duc d'Andalousie,
non content de la douleur
que luy causoit l'absence
du Prince, la confia
à sa soeur, il crut ne pouvoir
mieux punir sa fille
de la passion qu'elle avoit
pour le Prince, qu'en luy
opposant de longs discours
que cette vieille soeur faisoit
sans cesse contre l'amour
; Leonore en estoit
perpetuellement obsedée,
elle estoit à tous momens
forcée d'essuyer les chagrins
de sa tante contre
les moeurs d'un siecle dont
elle n'estoit plus, & si l'on
ajoute à tant de sujets de
tristesse, le peu d'esperance
qui luy restoit de voir
son cher Prince, je m'assure
qu'on trouvera Leonore
bien à plaindre.
Un temps assez considerable
s'estoit écoulé sans
qu'elleeust encor vû dans
cette malheureuse Isle que
son Pere & son ennuyeuse
Tante, toujours livrée à
l'un ou à l'autre; à peine
pouvoit-elle passer quelques
momens seule dans
un Jardin bordé par des
Rochers que la Mer venoitbattre
de sesflots,
spectacle dont Leonore
n'avoit pas besoin pour
exciter sa rêverie:Un
jour plus fortuné pour
elle que tantd'autres qu'-
elleavoit trouvez silongs,
elle se promenoit dans ce
Jardin, heureuse de pouvoirsentir
en liberté tous
ses malheurs, elle vit tout
à coup dans le fond d'une
allée, une perfoiineqLii
paroissoit triste
)
& dont la
beauté rendoit la douleur
plus touchante;la conformité
de leur état leur donna
une mutuelle envie de
se voir de plus prés, & elles
furent bien-tôt à portée
de se demander par quelle
avanture elles se trouvoient
ainsi dans le même
lieu: Leonore qui se
croyoit la plusmalheureuse
,
avoit droit de se plaindre
la premiere, & cependat
elle se fit violence pour
cacher une partie de sa
tristesse:Je ne m'attendois
pas, Madame, dit-elle, à
l'inconnuë
,
de trouver ici
une des plus belles personnes
du monde, moy qui
avois lieu de croire que le
Duc d'Andalousie & sa
soeur estoient les seuls habitans
de cette Isle.
Ma surprise, Madame,
répondit l'inconnuë, elt
mieux fondée que la vôtre
; je trouve ici plus de
beauté que vous n'yen
pouvez trouver, & j'ay
sans doute plus de raisons
de n'y supposer personne:
Je ne doute pas, reprit
Leonore, que de grandes
raisons ne vous réduisent à
vous cacher dans une solitude,
j'ai crû voir sur vôtre
visage des marques de
la plus vive douleur, vous
estes sans doute malheureuse,
cette raison me fut
fit pour vous plaindre:l'inconnuë
ne répondoit d'abord
à Leonore que par
des discours de civilité;
l'habitude qu'elle avoit
prise de parler seule,&sans
témoins, contrebalançoit
le penchant naturel que
les malheureux ont à se
plaindre,mais son air my.
sterieux ne faisoitqu'irriter
la curiosité de Leonore
5
qui estoit impatiente
de comparer ses malheurs
à ceux de l'inconnuë
; quoique j'ayepûaisément
remarquer que vôtre
situation n'est pas heureuse,
continua Leonore,
je ne puis comprendre
comment la fortune vous
a conduite dans l'Isle de
Gade, je me croyois la
seulequ'elle y eufi rranC.
portée, & je vous avouë
que je fuis bien impatiente
d'en penetrer le mystere;
si vous conncissiez.
l'habirude où je luis de
plaindre les malheureux,
& l'inclination qui deja
m'interesse pour vousvous
n'auriez pas le courage de
me le cacher plus longtemps.
Je ne puis douter, Madame,
répondit l'inconnuë,
que vous ne soyiez.
Leonore, ôc c'ell3 tant
parce que je vous trouve
dans cette Isle
,
dont le
Duc d'Andaiousie est Souverain
,que parce que je
remarque des ce moment
en vous tout ce que la reo
nommée en publie) je ne
pouvois d'abord me persuader
que la fortune, si
cruelle d'ailleurs pourmoi
voulût icy me procurer
une de ses plus grandesfaveurs,
mais maintenant,
sûre que je vais parler à la
Princesse du monde laphrs
accomplie, jen'aurai plus
rien de secret pour elle,
& la pitié que vôtre grand
coeur ne pourra refuser
à des malheurs,qui ne
font pas communs, aura
sans doute le pouvoir de
les soulager.
Je m'appelle Elvire,
mon Pere îssu des anciens
Ducs de Grenade, vivoit
avec distindtion sujet du
Duc de Grenade, sans envier
ses Etats injustement
fortis de sa Maison, il mourut
, formant pour moy
d'heureux projetsd'établissement;
un Prince digne
de mon estime, & qui
auroit honoré7 son Alliance,
m'aimoit, je laimois
aussi, mon Pere trouvoit
dans ce mariage mon bonheur,
l'amitié qu'il avoir
pour moy luy rendoit cette
raison fiifîîfante les
choses estoient si avancées
queje gourois sans inquiétude
le plaisir d'estre destinée
à ce Prince
,
mais.
helas mon Pere mourut,
ôc(a more nous laissa cous
dans l'impuissance de finirune
affaire si importante.
pour moy! sa famille futlong-
temps accablée de ta
douleur
1
de cette perte:
enfin Don Pedre, qui est
monFrere,voulut relever
mes elperances aussi-bien
que celles de mon amant
qu'il aimoit presque autant
quemoy, lors que
Dom Garcie, homme tout
puissant à la Cour du Duc
de Grenade, qui y regnoit
plus que luy, me fit
demander par le Duc de
Grenade luy-mêrne: ce
coup imprevû accabla roue
te nostre famille,j'estois
sans doute la plus à plaindre
, mais mon Frere
,
qui
haïrToit personnellement
Dom Garcie, &qui avoit
de grandes raisons pour le
haïr, fut celuy quirésista
aplusuvivement; il repre- Duc quemafamille
avoir pris avec mon
amant des engagemens
trop forts pour pouvoir les
rompre, & que d'ailleurs
il convenoit mieux à ma
naissance
:
il le fit ressouvenir
des liens qui l'attachoient
à nous, & le Duc
naturellement équitable,
se rendit aux raisons de
mon Frere, & luy permit
d'achever nostre Mariage.
Je ne puis vous exprimer
mieuxNladaine,
quelle fut ma joye, qu'en
la comparant a la douleur
que j'ai ressentie depuis, &c
qui succeda bien-tost à
mes transports
: le jourmême
qui devoit assurer
mon bonheur, le perfide
Dom Garcie vint m'arracher
aux empressemens de
mon amant, & me rendit
la plus malheureuse personne
du mondey il me
conduisit dans des lieux
où personne ne pouvoit
me secourir : j'y fus livrée
à ses violences,le fourbe
employait tour-à-tour l'artifice
& la force, & comme
l'un & l'autre estoient
également inutiles à son
execrable dessein, il devenoit
chaquejour plus dangereux
: combien de fois
me ferois-je donnélamort,
si l'esperance de revoir
mon cher Prince ne m'avoit
toujours soutenue
croyez,Madame, que j'ai
plus souffert que je ne puis
vous le dire; le Ciel vous
preserve de connoître jamais
la rigueur d'un pareil
tourment: enfin ne pouvant
plus y refiler, je pris
le seul party qui me restair,
l'occal'occalionleprelentafavorableosai
me soustraire
aux violences de ce scelerat,
résolue de me donner
la mort,s'il venoit à me
découvrir;je ne vous diray
point la diligence avec
laquelle je fuyois ce monstre
malgré la foiblesse de
mon (exe
; mais enfin j'échapai
de ses mains:incertaine
des chemins que je
devois prendre, & des
lieux ou je devois arriver,
la fortune m'a conduite ici
loin du perfide Dom Garcie,
mais encore plus loin
demonamant.
Elvire racontoit ses malheurs
avec d'autant plus
de plaisir qu'elle voyoit
l'émotion de Leonore s'accroirre
à mesure qu'elle
continuoit son récit:chaque
malheur d'Elvire faisoit
dans son coeur une impression
qui paroissotc d'abord
sur sonvisage. Quand
ce récit fut fini, elle esperoit
qu'Elvire n'avoit pas
encore tout dit, ou qu'elle
auroit oubliéquelque circonstance
; mais quel fâcheux
contre-temps, Leonore
apperçoit sa vieille
tante qui avançoit à grands
pas vers elle Ah,ma chere
Elvire, s'écria t-elle, que
je fuis malheureuse, on
vient moter tous mes
plaisirs, il faut que je vous
quitte dans le moment que
vôtre recit m'interesse davantage.,
vous avez encor
mille choses à me raconter
je ne sçay point le
nom de vôtre amant) ni
ce qu'il a fait pour meriter
ce que vous souffrez
pour luy
,
hâtez-vous de
m'apprendre ce que je ne
lçai point encore : Je ne
sçai rien de mon Amant,
reprit Elvire, avec précipitarion,
sans doute il
n'a pu découvrir les lieux
où je suis,peut-être a-til
pris le party du defefpoir
,
peut-être ignorant
ce que mon amour a ose
pour me conserveràluy,
fiance, peut-être est-il inconfiant
luy-même:Voila,
Madame *
sçay du Prince de Murcie.
Au nom du Prince de
Murcie Leonore fit un
eiy
)
ôc tomba peu après
évanouie dans les bras d'Elvirer
Quelle fut la surprise
de cette tante quand elle
trouva Leonore dans ce
tristeétat& une inconnue
dans un trouble extrême:
Elle fit conduire Leonore
à son appartement,enattendant
qu'elle pût sçavoit
un mystere que le hazard
offroit heureusement à
son insatiable curiosité.
Cependant le Prince de
Murcie étoit depuis longtemps
abient de Leonore,
les mêmes raisons quil'ai
voient obligé de quitter
l'Andalousie si promptement,
l'empêchoient d'y
revenir:mais enfin l'amour
l'em portasurla prudence,
& il partit pour Seville
resolu de le cacher le)
mieux qu'il pourroit : A
peine fut-il dans l'Andalousie
qu'il apprit que Leonore
étoit dans l'Isle de
Gade, la distance qui estoit
entre luy & sa Princesse
le fit frémir; plus un
amant est eloigné de ce
qu 'il aime, & plus il est
malheureux;il arrive enfin
sur le bord de la mer
qu'il falloir passer pour aller
a Gade; il fut longtemps
sur le rivage cherchant
des yeux une chaloupe
à la faveur de laquelleilpût
la traverser;
&enfin il vit une petite
barque. Dans le moment
qu'il prioit le pêcheur, à
qui elle appartenoit,de l'y
recevoir, il aperçut un
homme bien fait, qui sembloit
d'abord vouloir se
cacher à ses yeux? & qui
insensiblement s'aprochoit
pourtant de luy. Le Prince
qui navoir pas moins dintérêt
à être inconnu dans
un pays si voisin de Tille
de Gade, loinde fuïr cet
étranger,alloit au devant
de luy, comme si un instindi:
secret eut en ce moment
conduit Ces pas, &
comme si le mente superieur
avoit quelque marque
particulière à laquelle
ils se fussent d'abord reconnus.
1 Seigneur, dit l'inconnu
au Prince de Murcie,j'attens
depuislong temps
l'occasion favorable qui se
prepresente
: cependant, si
vos raisons etoient plus
fortes que les miennes, je
ferois prêt à vous la ceder.
Seigneur, répondir le Prince,
vous ne sçauriez être
plus pressé de vous embarquer
que je le suis, & je
vous cede cette barque
d'aussi bon coeur ôc aux
mêmes conditions que
vous me la cedez,je consens
avec plaisir à la mutuelle
confidence que vous
me proposez
;
heureux de
pouvoir m'interesser au
sort d'un homme tel que
vous. Seigneur, répondit
, 1 ,., ,'inconnu,line s agit point
icydes intérêts personnels
du malheureux Dom Pedre,
mais de ceux de mon
Souverain, qui me sont
mille fois plus chers: Le
Duc de Grenade estmort,
un sujet perfide est prêt à
se faire proclamer son successeurcontreles
droits de
Dom Juan qu'une mauvaise
fortune éloigne depuis
long -temps de ses
Eltats. Comme Dom Garcie
était le canal unique
des graces du Duc)ils'est
adroitement rendu maitre
de tous les esprits; si
l'on ne s'oppose promptement
à les tyranniques
projets, Dom Juan fera
bien-tôt dépoüillé de ses
Estats : Son absence
)
la
mort du Duc son pere,
& l'addresse du traistre
D. Garcie luy laissent peu
de sujets fidelles
: J'ay appris
qu'ayant voyagé dans
l'Europe il a paffé la mer,
voyez, Seigneur) si les
raisonsdemonembarquement
font pressantes. Oüi,
Seigneur
,
répondit le
Prince, mais non pas seulement
pour vous, les
intérêts de Dom Juan
me sont auili chers que
les miens; c'est un
Prince digne de votre affection
& dela mienne:
D'ailleurs le trait de perfidie
de Dom Garcie merite
une vangeance éclatante,
je vaism unir a vous
dans un dessein si genereux
& si légitime;je
suis le Prince de Murcie,
je dépeuplerai s'ille faut
Murcie d'habitans pour
chasser cet indigne usurpateur
,ne perdons point
le temps à chercher Dom
Juan dans des lieux où il
pourroit n'être pas: mais
qu'à son retour il trouve
Grenade tranquille t Allons
purger ses Estats d'un
monstre digne du plus
horriblesupplice.
.:, Ces paroles que le
Prince prononça avec
chaleur donnèrent une si
grande joye à Dom Pedre
qu'ilseroitimpossible
de l'exprimer: la fortune
qui sembloit avoir abandonné
son party luioffroit
en ce moment les plus
grands secours qu'il pût
esperer,plein d'un projet
dont l'execution devoir lui
paroistre impossibles'il
avoit eu moins de zele,
il trouvoit dans le Prince
de Murcie un puissant protecteur
, & un illustre
amy.
ils partent ensemble,
& le Prince de Murcie ne
pouvant se persuader que
les habitans de Grenade
fussent sincerement attachez
à un homme dont la
perfidie étoit si marquée,
crut par sa feule presence
& quelques mesures lècretes,
pouvoir les remettre
dans l'obeïssance de
leur légitimé Souverain.
Ils arrivèrent aux portes
de Grenade la veille du
jour que Dom Garcie devoit
être proclamé;ils entrerent
sècretement pendant
la nuit dans la ville:
Dom Pedre fut surpris de
trouver les plus honestes
gens disposez à suivre les
loix d'un usurpateur, tout
estoit seduit, & le mallui
parut d'abord sans remede
: mais le Prince, dont
la feule presenceinspiroit
l'honneur & le courage par
la force & la sàgesse de ses
discours, sçut les ramener
à de plus justes maximes.
n Les plus braves se
rangerent les premiers
fous les ordres du Prince
,
& remirent dans
le devoir ceux que leur
exemple en avoir fait
fortirblentot la plus grande
partie de la ville déclarée
contre le Tyran,
parce qu'il n'étoit plus a
craindre, demanda sa
mort: On conduisit le
Prince de Murcie dans
le Palais: mais le bruit
qui arrive necessairement
dans les revolutions sauva
le tyran & le fit échapper
à la juste punition qu'on
lui preparoit ;
il s'enfuit
avec quelques domestiques
ausquels il pouvoir
confier le salut de la personne:
le Prince de Murcie
voulut inutilement le
suivre; Dom Garcie avoit
choisi les chemins les plus
impraticables & les plus
inconnus, & se hâtoit
darriver au bord de la
mer pour se mettre en sûreté
dans un vaisseau
: cependant
Dom Juan, averti
de la mort de son Pere,
étoit parti pour Grenade.
Toutà coup DomGarcie
apperçut de loin un Cavalier
qui avançoit vers
luy à toute bride ; quelle
fut sa surpris quand Il re.
connue D. Juan! le perfide
,
exercé depuislongtemps
dans l'art de feindre
,
prit à l'instant le parti
d'éloigner D. Juan, pour
des raisons qu'on verra
dans la suite; il le jette à
ses pieds, &luy dit avec
les marques d'un zéle désesperé
: Seigneur, n'allez
point à Grenade, vous y
trouverez vostre perte, un
indigne voisin s'en est em-
- paré) vos sujets font aintenant
vos ennemis,nous
sommes les seuls qui nous
soyons soustraits a latyrannie,
&tout Grenade
suit les Loix du Prince de
Murcie:du Prince de Murcie!
s'écria Dom Juan,ah
Ciel! que me dites-vous?
le Prince de Murcie est
mon ennemi, le Prince
de Murcie est un usurpateur
! non Dom Garcie il
n'est pas possible.Ah
Seigneur, reprit D. Carcie,
il n'est que trop vray,
la consternation de vos fidels
sujets que vous voyez
ticyr, noe vpous.l'assure que .J.J j
JVT En ,.-,jn D. Juan voulut
douter, les larmes perfides
de Dom Garcie le persuaderentenfin.
ChCiel,
dit ce credule Prince,
sur quoy faut- il desormais
compter? le Prince de
Murcie m'estinfidele, le
Prince de Murcie m'enleve
mes Etats: Ah! perfide,
tu me trahis? Je vais
soûlever contre toytoute
l'Espagne
: mais je sçai un
autre moyen de me vanger
; Leonore indignée de
ton lâche procedé, & confuse
d'avoir eu pour toy
de l'amour, me vangera
par la haine que je vais lui
inspirer contre toy : Allons,
dit-il, fidele Dom
Garciecourons nous vanger
: le Duc d'Andalousie *fut toûjours mon protecteur
& mon ami; c'est
chez luy que je trouverai
de sûrsmoyens pour punir
nôtre ennemi commun;
Il est maintenant dans l'isle
de Gade
,
hâtons-nous de
traverser la Mer.
Don Juan ne pouvoit
faire une trop grande diligence
;
le Duc d'Andaloule
devoit reprendre le
chemin de Seville
;
il étoit
trop habile dans l'art de
gouverner ses sujets, pour
les perdre si long-temps de
vue. Déja le jour du départ
de la Princesse qui devoit
s'embarquer la premiere,
étaie arrêté; Dom Juan
l'ignoroit, mais il n'avoit
pas besoin de le sçavoir
pour se hâter d'arriver dans
un lieu où il devoit voir
cette Princesse. Il s'embarquaavec
le traître
Dom Garcie: mais à peine
furent-ils en mer, que les
vents yexciterentune horrible
tempête, qui menaçoit
son vaisseau d'un prochain
naufrage. Iln'aimait
pas assez la vie pour craindre
de la perdre en cetteoccasion,
& il consideroit
assez tranquillement les
autres vaisseaux qui sembloient
devoir être à tous
momens submergez: couc
a coup il en aperçut un
dont les Pilotes effrayez
faisoient entendre des cris
horribles. Une des personnes
qui étoient dans ce
vaisseau frappa d'abord sa
vûë
:
il voulut la considerer
plus attentivement:
mais quelle fut sa surprise!
lorsque parmi un assez
grand nombre de femmes
éplorées, il reconnut Leonore,
feule tranquile dans
ce
ce peril éminent : O Ciel!
s'ecria-t-il, Leonore est
prête à perir. A peine ces
mors furent prononcez,
que ce vaisseau fut submergé
,
& Leonore disparut
avec toute sa fuite. Il se
jette dans lamer, resolu
de perir, ou de la sauver
pendant , que ses sujets consternez
desesperoient de
son salut. Enfin Leonore
fut portée par la force
d'une vague en un endroit
où Dom Juan l'apperçut
: il nage vers elle
tout tr ansporté,&sauve
enfin cette illustre Princesse
dans son vaisseau.
C'est ici qu'il faut admirer
la bizarerie de la fortune.
Le Prince de Murcie
éloigné depuis long-temps
de Leonore,n'a pu encore
se raprocher d'elle, prêt
d'arriver à l'isle de Gade,
où elle étoit, une affaire
imprévûël'enéloigne plus
que jamais : pendant qu'il
signale sa generosité
, un
credule ami, aux intérêts
duquel il sacrifie les siens,
l'accuse de perfidie; Dom
Juan, dont il délivre les
Etats, medite contre luy
une vangeance terrible;
la fortune se range de son
parti, & lui procure l'occasion
la plus favorable
pour se vanger; il fauve la
vie à ce qu'il aime, il espere
s'en faire aimer comme
il espere de faire haïr
son rival en le peignant
des plus vives couleurs.
Tellesétoient les esperances
de D. Juan lorsque
Leonore reprit ses forces
& ses esprits
:
à peine eutelle
ouvert les yeux qu'elle
vit Dom Juan qui, prosterné
à ses pieds, sembloit
par cet important service
avoir acquis le droit de
soûpirer pour elle, auquel ilavoit autrefoisrenoncé.
ëluoy9 Seigneur, lui ditelle,
c'est à vous que Leonore
doit la vie, à vous qui
lui deveztousvos mtibeurs?
cette vie infortunée ne meritoit
point un liberateur si
généreux, envers qui laplus
forte reconnoissance ne peut
jamais m'acquitter. Ah, répondit
Dom Juan! pouvois-
je esperer un sigrand
bonheur,aprés avoir étési
ton*- ttmp: Loin de z,ous) dtnf
vous r, o:r quepour njous
donner la vie? Ah, belle
Leonore ! HJQHS connoiite£
dans peu que sivous tnerjlf:Z
un coeur fidele, le mien .f(ulest
digne de vous être offert.
Ce discours de Dom
Juan allarma plus la Princesseque
le danger auquel
elle venoir d'échaper. Depuis
sa fatale renconrre
avec Elvire, elle étoit agitée
des plus mortelles inquietudes;
Elvire avoit
nommé le Prince de Murcie,
Leonore ne pouvoit
calmer ses soupçons qu'en
esperant qu'Elvirese seroit
méprise.
La hardiesse de Dom
Juan à luyparler de son
amour, & la maniere dont
il fait valoir la fidelité
de son coeur, redouble
ses soupçons & la trouble,
cependant prévenuë
d'horreur pour toutes les
infidelitez
,
celle de Dom
Juan envers le Prince de
Murcie la blesse, elle veut
la lui faire sentir adroitement
: Seigneur, dit-elle à
Dom Juan, vous ne me parle7
point du Prince de Adurcie,
cet ami qui vous eji si
cher, & pour quivousfça-
'tIe:z que je m'inttresse. Je
vous entens, Madame, répondit
Dom Juan, vous
opposezaux transports qui
viennent de m'échapper, le
souvenir d'un Prince que
vous croyeZ encore monami:
mais, Madame, ..,.endez..-moy
plus deluflice; je nesuis pas
infidele au Prince de Murcie,
cess luy qui me trabit,
quim'enlevemes Etats, rtJ
qui se rend en même temps
indigne de vôtre amour&
de mon amirie. Ciel! reprit
Leonore, que me dites vous,
Dom_îuan? Noniln'estpas
possible; le Prince deMurcie
n'est point un udurpateur,&
votre crédulité luyfait un
"ffront que rien ne peut réparer.
C'tJI à regret, Madame,
ajoûta Dom Juan,
queje vous apprens une nouvellesi
triste pour vous dr
pour moy : mais enfin je ne
puis douter que le Prince de
Murcie nesoit un perfide;
il nous a trompa l'un C
l'autre par les fausses apparences
de U vertu laplus héroi'queo'
roïque.jirrefie^ Dom Juan,
dit imperieusement Leonore,
cette veriténe niesi
pas APt, connuëpoursouffrir
des discours injurieux à
la vertu du Prince de Murcie,
& aux sentimens que
fay pour luy; c'est niaccabler
que de traitter ainsi ce
Heros, &vous dervjez. plutôt
me laijjerpérir.Quoy !
reprit Dom Juan, vous
croiriez que j'invente me
fable pour le noircir à vos
yeux?Non, Madame,vous
l'apprendrez par d'autres
bouches, cinquante de mes
sujets , A la tête desquels
est le sujet le plus fidele
,
vous diront que le Prince,
de concert avec leperside D.
Pedre,a seduit les habitans
de Grenade, (9* s'elf emparé
de cette Duché Au nom de
D. Pedre Leonore changea
de couleur, & ne pouvant
plus soûtenir une
conversation si delicate
pour son amour, elle pria
Dom Juan de la laisser
feule.
Ce fut pour lors que
revenuë à foy-même du
trouble où les derniers
mots de Dom Juan lavoient
jettée,elle s'abandonna
à sa juste douleur:
grand Dieu, dit-elle, il
est donc vray? le Prince
de Murcie est un perfide,
ce qu'Elvire m'adit, ôc
ce que m'a raconté Dom
Juan n'est que trop confirmé
! le Fatal nom de
Dom Pedre ne m'en laisse
plus douter
,
Dom Pedre
aura trahi son Maître en
faveur de son amy ,
le
Prince amoureux d'Elvire
se fera fait Duc de Grenade
pour s'en assurer la
possession; & moy vi&û
me de l'amour le plus
tendre & le plus constant,
confuse & desesperée d'avoir
tant aimé un ingrat,
un traître,je vais molurir,
détestant également tous
les hommes;& où trouver
de la probité, de la
foy, puisque le Prince de
Murcie est un perfide ?
Mais quoy, dois-je si-tôt
le condamner? peut-être
ce Prince
,
ignorant des
piéges qu'on tend à nôtre
amour, gemit dans l'inu
possibilité où il est de me
voir. Ah! quelle apparence,
c'est en vain que je
voudrois le justifier,Elvire,
Dom Pedre, Dom
Juan, vos funestes discours
ne le rendent que
trop coupable. C'est ainsi
que Leonore accablée de
la plus mortelle douleur
condamnoit son amant
malgréelle, & retractoit
sa condamnation malgré
les apparences de fa- perfidie.
Cependant le vaisseau
approchoit du bord, &
déja Leonore apperçoit
sur le rivage le Duc d'Andalousie,
que la tempête
avoitextrêmemeut allarmé
pour sa vie: illa reçut
avec une joye qui marqua
bien la crainte à laquelle
elle succedoit; maisil fut
franrporce quand il vit son
liberateur il luy donna
les marques les plus vives
d'une reconnoissance qui
se joignoit à l'amitié qu'il
* avoit toujours eue pour
luy; ce qui augmenta ses
esperances, & le desespoir
de Leonore.
Dom Juan ne tarda.
pas à instruire le Duc de
la prétendue perfidie du
Prince de Murcie, &: D.
Garcie en fit adroitement
le fabuleux récit: le Duc
fut surpris de la décestable
action qu'on luy racontoit,
& sensible aux
malheurs de Dom Juan,
il jura de le remettre dans
son Duché,&luy promit
Leonore. Plein d'un projet
si vivement conçu, il
va trouver cette Princesse
& luy dit
: Ma fille, vous
sçavez la perfidie du Prin-
-ce de Murcie, apprenez
par ce dernier trait à ne
vous pas laisser surprendre
par la fausse vertu,
guerissez-vous d'une passion
que vous ne pouvez
-
plus ressentir sans honte,
& preparez-vous a epoufer
Dom Juan que je vous
ai toûjours destiné.
Lconore frappée comme
d'un coup de foudre,
ne put répondre à son
Pere
,
mais il crut voir
dans sa contenancerespetfueufe
une fille preparée
à obéir, il la laisse seule,
& courut assurer D. Juan
de l'obéissance de sa fille:
ce Prince se crut dés ce
moment vangé de son rival,
il commença à regarder
Leonore comme son
épouse, & il ne cessoit de d
luy parler de son amour,
& de (on bonheur; Leonore
incertaine du party
qu'elle devoit prendre,
étoit pour comble de malheur
obligée à le bien recevoir;
elle luy devoit la
vie; son Pere luy ordonnoit
de le regarder comme
son époux, & d'ailleurs
illuy importoit de cacher
l'amour qu'elle conservoit
au Prince.~<~ - J't-
4* Enfin le Duc sur du
consentement de safille,
hâraextrêmement ce mariage
,
& le jour fut arrê-
1 té: la joye de cette nouvelle
se répandit dans lllle
deGade;tout le monde
benissoit le bonheur des
deux époux, tandis que
Leonoresuivoit, triste victime
du devoir & de la
fortune, les ordres d'un
Pere toujours conrraires à
son penchant. Eh! quel
party pouvait-elle prendre?
il falloir, ou le donner
la mort, ou époufer
Dorn Juan; sa vie étoit
trop mal-heureuse pour
qu'elle eût envie de la
conserver en cette occasion,
mais mourir fidelle
à un scelerat,à un tyran,
n'est pas un sort digne
d'une grande Princesse:
Enfin elle ne pouvoir desobéir
à son Pere, sans révolter
contr'elle tour l'Univers
,
à qui elle devoit
compte de cetteaction, &
devant lequel elle ne pouvoir
être bien justifiée.
Elle va donc subir son
malheureux fort,deja tour
se dispose à le confirmer.
Mais laissons cet appareil,
qui tout superbe qu'il étoit
ne pourroit que nous attrliiller
revenons au Prince
de Murcie.
Il était bien juste qu'aprés
avoir fait éclater tant
de generosité aux dépens
mêrat de son amour, cette
passion qui dominoit dans
son coeur, eut enfin son
tour. Il donna les ordres
necessaires à la tranquilité
du Duché de Grenade,&
commit à Dom Pedre le
foin de contenir dans le
devoir des sujets naturellement
inconstans;, ensuite
il retourne à l'isle de
Gade, traversela mer, &
se trouve dans une gran..
de foret: il chercha longtemps
quelqu'un qui pût
lui dire s'il était encore
bien loin de Gade,enfin
il apperçut un homme rêveur
, en qui lesejour de
la solitude laissoit voir de
- la noblesse& de la majesté:
il s'approche de lui, & lui
dit: Seigneur, puis-je esperer
que vous m'apprendrez
leslieux oujefuis?seigneur,
répondit le Solitaire, Ivou-s
êtes dans l'islede Gade ,pof.
fedée par le Duc d'Andalousie
,
il est venu depuis peuy
établir fortJejour avec Leonore
i-a fille, que la renommée
met audessus de ce qui
parut jamais de plus accompli.
Cette Ijle, reprit le
Prince,estsans doute le centre
de la galanterie, puisque
Leonore estsiparfaite,Û?sa
Cour doit être bien brillante?
Ilest nifede le conjecturer,
répondit le Solitaire: Je
n'en suis pas d'ailleurs mieux
informé que vous, je sçai
fente* ent, (ST sicette avan-t
tureavoirfaitmoins de bruit
je ne la sçaurois pas, jesçai
que Leonore retournant aSevdle
, fut surprije par la
tempête, & que prêteaperir
dans les flots, Dom Juan
Prince de Grenade la délivra
de ceperil. Dom Juan, reprit
vivement le Prince,
a sauvé les jours de Leonore?
les jours de Leonore ont été
en péril? Oui, Seigneur repondit le Solitaire, hjle,
de Gade retentit encore de
la reconnoissance de cette
Princeffi; depuis huit jours
ellea donné la main à Dom
Juan. Ah Ciel!s'écriale
Prince de Murcie, & en
mêmetempsil tomba aux
pieds du Solitaire
,
sans
Force & sans couleur.
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Résumé : SUITE DE L'HISTOIRE ESPAGNOLE.
Le texte relate les aventures de Léonore et du Prince de Murcie, séparés par des circonstances tragiques. Léonore arrive sur l'île de Gade, où elle est accablée par l'absence du Prince et les discours moralisateurs de sa tante, sœur du Duc d'Andalousie. Elle y rencontre Elvire, une jeune femme également triste, qui lui raconte son histoire : promise à un prince, elle dut épouser Dom Garcie après la mort de son père. Elvire parvint à s'échapper et se retrouva sur l'île de Gade. Pendant ce temps, le Prince de Murcie, désespéré par l'absence de Léonore, décide de se rendre en Andalousie malgré les dangers. Sur le rivage, il rencontre Dom Pedre, le frère d'Elvire, qui lui révèle que le Duc de Grenade est mort et que Dom Garcie, un traître, s'apprête à usurper le trône de Dom Juan. Ils s'allient pour chasser Dom Garcie et restaurer Dom Juan sur le trône de Grenade. Dom Pedre rallie les habitants contre Dom Garcie, qui s'enfuit. Dom Juan, informé de la mort de son père, rencontre Dom Garcie, qui le persuade que le Prince de Murcie a usurpé ses États. Dom Juan décide de se venger et se rend chez le Duc d'Andalousie, un allié. En mer, une tempête éclate et Dom Juan sauve Léonore, qui est troublée par les révélations sur la perfidie du Prince de Murcie. Le Duc d'Andalousie décide de marier Léonore à Dom Juan, malgré la tristesse de la jeune femme. Léonore, obligée d'obéir à son père, se prépare à épouser Dom Juan. Le Prince de Murcie, après avoir assuré la tranquillité du Duché de Grenade, est dominé par sa passion pour Léonore. Il se retrouve sur l'île de Gade et apprend de manière fortuite que Léonore a épousé Dom Juan huit jours plus tôt. À cette nouvelle, il s'évanouit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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33
p. 1-76
HISTOIRE toute veritable.
Début :
Dans les Ilsles d'Hieres est scitué entre des rochers [...]
Mots clefs :
Îles d'Hyères, Amant, Vaisseau, Amour, Homme, Soeur, Capitaine, Château, Surprise, Passion, Roman, Chambre, Mariage, Négociant, Gentilhomme, Rochers, Mari, Bonheur, Fortune, Esprit, Fille, Joie, Mérite, Équivoque , Valets, Mer, Maître, Lecteur, Infidélité, Rivage
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE toute veritable.
DAns les Isles d'Hieres
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
Fermer
Résumé : HISTOIRE toute veritable.
Le texte décrit une scène dans les Isles d'Hières, où deux sœurs, Lucille et Marianne, se promènent dans une allée d'orangers. Lucille, l'aînée, est belle et admirée, mais triste car son père souhaite la marier à un gentilhomme voisin. Marianne, enjouée, taquine Lucille qui attend le retour de son amant, Leandre. Lucille rêve de Leandre et avoue son amour pour lui, motivé par ses richesses et sa qualité. Marianne obtient de leur père qu'il marie d'abord Marianne, permettant ainsi à Lucille d'attendre Leandre. Quelques jours passent sans nouvelles de Leandre. Un vaisseau accoste près du château après une tempête. Lucille court avertir Leandre, mais découvre qu'un valet demande de l'aide pour son maître, blessé. Marianne, séduite par l'apparence du jeune homme, s'occupe de lui avec zèle. Lors du souper, l'inconnu se révèle être un jeune négociant riche, mais ce n'est pas Leandre. Lucille est triste, tandis que Marianne reste silencieuse, troublée par ses sentiments. Le père, ignorant des tensions, est content de la situation. Marianne, amoureuse du négociant, évite de le regarder pour se punir de son plaisir. Une méprise survient lorsque le père annonce au négociant qu'il souhaite l'épouser. Lucille accepte la situation et se prépare à recevoir le négociant, mais celui-ci, confus, quitte la chambre sans rien dire. Lucille retrouve Leandre chez une voisine. Le négociant, accompagné du capitaine de son vaisseau, révèle qu'il doit repartir aux Indes. Cependant, ils prennent la mer sans prévenir, laissant les sœurs et le père perplexes. Marianne accepte de se marier avec le négociant pour rétablir les affaires de son père. Le mariage est célébré magnifiquement à la fin du mois de septembre. Le négociant, souhaitant annuler son mariage, supplie son ami capitaine de le ramener à l'île. Le capitaine reste inflexible, insistant pour que le négociant réfléchisse à son amour pendant le voyage. Le contrat de mariage est annulé grâce à une somme d'argent versée au gentilhomme. Le mariage entre le négociant et Marianne est finalement célébré.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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34
p. 16-22
STANCE.
Début :
Arrestez, jeune Bergere, [...]
Mots clefs :
Amant, Âge, Vieillesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCE.
STANCE.
ARrestez, jeune Bergere,
Je fuis un amant sincere,
Un amant vous fait-il
peur?
Je
Je n'ay qu'un mot à
vous dire,
Et tout ce que je desire
Estde vous tirer d'erreur.
Le tems vous pourfait
sans celle,
L'éclat de vôtre jeunch Te Sera bien-tôteffacé,.
ILé tems détruit toutes
4
choses;
Et l'on ne voit plus de
roses
Quand le Printems cflr
pasle.
Les plus sombres nuits
finissent,
Leurs ombres s'évanouifTent,
Et rendent bien-tôt le
jour,
Mais quand l'aimable
jeunesse
A fait place à la vieillesse,
Elle ignore le retour.
L'éclat des fleurs naturelles
Fait l'ornement de nos
belles,
On priseleurnouveauté.
Mais au1bout d'une journée
Cette heureuse destinée
Finit avec leur beauté:.
Vos attraits, Eellé Silviev
- - Ne mettrontpoi•nt votrevie
Hors des atteintes du
fort.
Il vous promene sans
cesse
Du bel âge à la vieillesse
De la vieillesse à la
mort,
Ainsi soyez moins volage.
Et puisqu'avec le bel
age
Le plaisir paffe& s'ertfuit,
Quittez vôtre indifference,
La nuit à grands pas s'avance
Profitez du jour qui
luit.
Un peu de tendre folie
Fait d'une fille jolie
Leplaisir & le bonheur,
Et dans le déclin de
13 age
Un dehors fier& fau..
vage
Lui rend la gloire &
l'honneur.
Par cette leçon fidelle
Tircis pressoit une belle
D'avoir pitié de son
mal;
Son discours la rendit
sage:
Mais elle n'en fit usage
Qu'au profit de son rival.
ARrestez, jeune Bergere,
Je fuis un amant sincere,
Un amant vous fait-il
peur?
Je
Je n'ay qu'un mot à
vous dire,
Et tout ce que je desire
Estde vous tirer d'erreur.
Le tems vous pourfait
sans celle,
L'éclat de vôtre jeunch Te Sera bien-tôteffacé,.
ILé tems détruit toutes
4
choses;
Et l'on ne voit plus de
roses
Quand le Printems cflr
pasle.
Les plus sombres nuits
finissent,
Leurs ombres s'évanouifTent,
Et rendent bien-tôt le
jour,
Mais quand l'aimable
jeunesse
A fait place à la vieillesse,
Elle ignore le retour.
L'éclat des fleurs naturelles
Fait l'ornement de nos
belles,
On priseleurnouveauté.
Mais au1bout d'une journée
Cette heureuse destinée
Finit avec leur beauté:.
Vos attraits, Eellé Silviev
- - Ne mettrontpoi•nt votrevie
Hors des atteintes du
fort.
Il vous promene sans
cesse
Du bel âge à la vieillesse
De la vieillesse à la
mort,
Ainsi soyez moins volage.
Et puisqu'avec le bel
age
Le plaisir paffe& s'ertfuit,
Quittez vôtre indifference,
La nuit à grands pas s'avance
Profitez du jour qui
luit.
Un peu de tendre folie
Fait d'une fille jolie
Leplaisir & le bonheur,
Et dans le déclin de
13 age
Un dehors fier& fau..
vage
Lui rend la gloire &
l'honneur.
Par cette leçon fidelle
Tircis pressoit une belle
D'avoir pitié de son
mal;
Son discours la rendit
sage:
Mais elle n'en fit usage
Qu'au profit de son rival.
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Résumé : STANCE.
Le poème 'STANCE' est une œuvre lyrique adressée à une jeune bergère. L'amant, sincère et désespéré, tente de la convaincre de l'aimer. Il met en garde contre la fugacité de la jeunesse et de la beauté, soulignant que le temps détruit tout, y compris la beauté des roses et la jeunesse. Il compare la vie à un cycle où les nuits sombres finissent et laissent place au jour, mais où la jeunesse, une fois perdue, ne revient pas. Il exhorte la bergère à ne pas être volage et à profiter du présent, car le plaisir passe rapidement avec l'âge. L'amant, nommé Tircis, espère que son discours rendra la jeune fille sage et qu'elle aura pitié de son amour. Cependant, elle utilise cette sagesse pour favoriser son rival.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 1-38
LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Début :
L'Esté dernier un riche Bourgeois de Paris alla faire [...]
Mots clefs :
Médecin, Amant, Amour, Dame, Mariage, Mari, Fille, Maladie, Malade, Désespoir, Enceinte, Rupture, Femme grosse, Colère, Rouen, Paris, Père
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texteReconnaissance textuelle : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
ieJnt7iue1rnetMçoiéiimsdoainreslseuyrumnoeavanture,
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
je vrJudroü
pour l'amour du Lecteur,
quellefût-inotos verita-
,
ble (f'plw jolie ,elle MOIriteroit
mieux le nom
d'Historiette que jeiluy
donné feulefnent parcs
quon en <veu\ une chaque,
mois ,
pardonnez, U
négligence du style,,, les
lm'oissontbien cours pour Autheur du ivercore.
LE BON MEDECIN,
HISTORIETTE. L £ftc dernierunriche
Bourgeois de
Paris alla faire un voyage
à Rouen, & laissa
chez lui sa fille, pour
avoirsoin de son ménage,
elle prit tant de plaisirà
le gouverner, que
cela luy donna envie
d'en avoir un à elle; un
jolivoisin qu'elle voyoit
quelquefois fortisioit
beaucoup cette envie,
elle l'aimoit,elle en étoit
aimée, en un mot ils se
* convenoient, c'étoit un
mariage fait, il n'y manquoitque
le consentement
dupere, &ils ne
doutoient point del'obtenir
àson retour : il$
se repaissoient un jour
ensemblede cette douce
efpprance, lorsque la
fillereçût une lettre de
ce pere absent,; elle ouvre
la lettre,la lit, fait
,
un cri, & la laisse tomber
: l'amant la ramasse,
jette les yeux dessus, Be
.faitun autre cri.CrueLlesurprisepour
ces deux
tendres amans!pendant
qquueecectettetfei4l..1lte se marioic
de san côté, le pere l'avoit
mariée du fien, &c
luy écrivoit quelle se
préparât à recevoir un
mary qu'illuy amenoit
de Roüen.
Quoiqu'il vienne de
t bons maris de ce pays- là, elle aimoit mieux
celui de Paris. La voila
desolée
,
son ainant se
desespere] après les
pleurs & les plaintes on
songe au remede
,
la
fille n'en voit point
d'autre pour prévenir
un si cruel mariage qua
de mourir de douleur
avant que son pere arrive.
Le jeune amant
imagina quelque chofç
de mieux, maisil n'osa
dé-1 couvrir s{'on ddesrs("ein et
sa maîtress.Non,difoitil
en luy-même, elle
n 'approuvera jamais un
projet si hardi, mais
quand j'aurai réiïfli, elle
me pardonnera la hardiesse
de l'entreprise, les
Dames pardonnent fouvent
ce qu'elles n'auroient
jamais permis.
Notreamantlaconjura
de seindre une maladie
subite pour favoriser un
dessein qu'il ayoit, &
sans s'expliquer davantage
il courut à l'expedient
qui nétoit pas
pas trop bien concerté:
Le jeune homme étoit
vif, amoureux & étourdi,
a cela près très raisonnable
:mais les
amans les plus raisonnables
ne sont pas ceux
qui réussissent le mieux.
s: Célui-ci s'étoit souvenu
a propos qu'un
Medecin de Rouen ctoic
arrive chez un ,a~utre Medecin son frere, qui
logeoit chez un de ses
amis; il s'imagina !que
celMédecin de Rôiléh
pourroit bien être Ton.
rival, il prit ses mesures
là-dessus.
'*.Tl. etoit
-
allez beau
garçonpour avoir couru
plusiéurs fois'le bal
en habit de fille.A ce
déguisement,Soutenu
d'une voixunpeu fe^
minine,il ajouta un corset
garni d'ouatre à peu
pré^jufeju^ala grosseur
Convenable à une fille
enceinte de sept àdlUic
mois:ainsidéguisé dans
une chaise à porteur,
sur la brune il va mysserieusement
chez le
Medecin, se. dourantf
bien que le secret qu'it
alloit luiconfier fcroiei
bientôt revelé à Fautro
Medecinson frere ; La
choseluyrétissit mieux!
encore, car le Medecin
de Paris n'étoit point
chez luy
3
n'y devoit
rentrer que fort tard, &
le Médecin de Rouën
étoit arrivé ce jour-là ,
&C se trouvant dans la
salle se crut obligé de
recevoir cette Dame 1
qui avoitl'aird'unepratique
im portance pour
son frère. Ilengageala
conversation avec la
fausse fille, qui ne luy
laissoit voir son visage
qu'à travers une cocfFer
Elle luy tint des discours
propres à exciter
la curiosité, & paroissoit
prend re confiance
aux fiens à mesure qu'il
étaloit son éloquence
provinciale pour luy
paraître le plus habile
ce le plus discret Medecin
du monde. Dés qu'-
elle eut reconnu son
homme pour être celuy
qui la dévoie épouser,;
c'est-à-dire qui dévoie
épouser sa maîtresse dont il vouloit faire , ici
le personnage
)
il tirât
son mouchoir, se migt
à pleurer & sanglotter
fous ses coësses, & après
quelqu'une de ces ceremonies
de pudeur que
l'usage a presquautant
abrégées que les autres
ceremonies du vieux
temps; il parla au Me"
decin en ces termes.
Monsieur ,vous me
paroissez si habile M si
galant homme, que ne
connoissant pas Monsieur
vôtre frere plus
.) que vous,jaime encof
rree mieux me ccoonn-fsieir %àa
vous qu'a luy: esuite
la considence se fit presque
sans parler, la jeune
personneredoubla
¡
les pleurs, Se entr'ouvrant
son écharpe pour
faire voir la tailled'une
femmegrosse,elle dit,
Vous voyez, la plus malheureusefille
dumonde.
LeMedecin des plus
habiles, connut, sans
luy tâter le poulx, de
quelle maladie elle vou- loitguérir,il luy dit,
pour la consoler, qu'il
couroit beaucoup de ces
maladies-là cette année
6C qu'apparemment on
luy avoit promis ma*.
riage,helas !oüi, repliqua-
t-elle, mais le
malheureuxqui m'a séduiten'a
ni parole,ni
honneur.
Aprés plusieurs invectivescontre
le se..
tduâxur .& contre ellemême
,elleconjura Ile
: Medecin de luy donner
quelqu'unde cesremedes
innocens,qui précipitent
le dénouëment
del'avanture,parce
«
qu'elle attendoit dans
vpeuiunn Mcarey d.e Pro-
Quoique leMedecin
nes'imaginapasd'abord
qu'il put être ce Mary
de Province qu'on attendoit,
il ne laissa pas
d'avoir plus de curiosité
qu'il n'enavoit eu
jusques-là, & pour s'attirer
Uconfidence entiere
,
il redoubla ses:
protestations de zele ÔC
dediscretion, Enfin
aprés
aprés toutes les simagréesnecessaires
nôtre
jeune homme déguisé
luy dit : Je fuis la fille
d'un tel, qui m'a écrit
de Rouën, qu'il m'avoit
destinée un honnê-
, te homme, mais tel qu'il
soit, on est trop heureuse
de trouver un Mary
a prés avoir ététrompée
par un amant. Vous
comprenez bien quel
fut l'effet d'une telle
confidence sur le Medecin,
qui crut voir sa
future épouse enceinte
par avance, il demeura
immobile, pendant que
luy embrasant les genoux,
elle le conjuroit
de conduire la chose de
sa çon, queni sonPere,
ni le Mary qu'elle attendoit,
ne pût jamais
soupçonner sa sagesse.
Le Medecin prit ladessus
le parti de la difcretion,
& sans témoigner
qu'il fût l'honnête
homme, que l'on vouloit
charger de l'iniquité
d'autrui, il offrit son
secours, mais on ne l'accepta
qu'à condition
qu-il ne la verroit point
chez son Pere, on fupposoit
quele Medecin
feroit assez delicat pour
rompre un tel mariage,
& assezhonnête homme
pournepoint dire
la cause de la rupture.
Le Medecinallachez
Je Pere dés qu'il le fçut
arrivé, ce Pere luy dit
avec douleur qu'il avoit
trouvé - en arrivant sa
fille tres malade,& ce#*
lui-ci, qui croyoitbien
sçavoir quelle étoit sa
maladie, inventa plusieurs
pretextes de rupture,
mais le Pere esperant
que la beauté de
sa fille pourroitrenouër
cette affaire qu'il souhaittoit
fort, mena nôtre
homme voir la malade
comme Medecin, J
i&C elle le reçût comme
tel, ne se doutant point
qu'ilfût celuiqu'on lui
vouloit donner pour
mary, son Pere n'avoit
encor eu là-dessus aucun
éclaircissemetavec elle,
tla voyant trop mal pour
luiparler si-tôt de mariage
;le Medecin, qu'il
[pria d'examiner la ma- ladie de sa fille, parla
avec toute la circonspey<
5tion d'un homme, qui
ne vouloit rien approfondir;
il demanda du*
temps pour ne point
agir imprudemment,
cette discretion plût
beaucoupà la malade,
elle crût que
connoissant
bien qu'elle fei-1
gnoit cette maladie, &:Il
qu'elle avoit quelque
raison importante pour
feindre, il vouloit lui
rendre service; dans
cette idée elle le gracieusa
fort, il répondit
à ses gracieusetez en
Medecin qui sçavoit le
monde, en forte que cette
consultation devint
insensiblement uneconversation
galante, cc&
assez la methode de nos
Consultans modernes,
&C elle vaut bien,pour
les Dames, celle des anciens
Sectateurs d'Hipocrates.
Letouragreable
que prit cette entrevue
,donna de la gayeté
au Pere, qui dit en badinant,
que comme Perc
discret illaissoit sa fille
consulter en liberté son
Medecin,& les quitta,
croyant s'appercevoir
qu'ils ne se déplaifoient
pas l'un à l'autre.
Voila donc le Medecin
& la malade en liberté
, leur tête-à-tête
commença par le silence,
la fille avoit remarqué
dans ce Medecîn
tous les sentimens d'un
galant homme, mais
elle hesitoit pourtant
encor
encore à lui con fier
son secret. Lui de son
côténecomprenoic pas
bien pourquoy elle hesitost
tant; si l'on fc
souvient icy de l'entrevue
du Medecin & de
l'amant déguisé en fille
enceinte, on comprendra
qu'une si grande
refcrvc dans cette fille
tquil croyoit la racine,
devoit le surprendre;
cependant il y a des
filles si vertueuses,qu'-
un secondaveu leur
coûte presque autant
que le premier. Nôtre
Medecintâchade rIapa
peller en celle-cy cette
confiance dontil croyoit
avoir été déja honoré.
Cela produisit une
conversation équivoque,
qu'on peut aisément
imaginer, la fille
lui parloit d'une maladie
qu'elle vouloit feindre
pour éloigner un '¡
mariage, & le Medecin
d'une autre maladie
plus réelle, dont il croyoit
avoir été déja le
confident. Quoyqu'il
touchât cette corde tres
delicatement, la fille en
fremit de surprise &
d'horreur
,
elle pâlit,
elle rougit,elle se trouble,
tous ces symptomes
étoient encor équivoques
pour le Medecin,
la honte jointe au
repentir fait à peu prés
le même effet, il se fer
pour la rassurer des lieux
communs les plus confolans
) vous n'êtes pas
la feule à Paris, lui dits
il, ce malheur arrive
quelquefois aux plus
honnêtes filles,les meilleurs
coeurs font les
plus credules, il faut esperer
qu'il vous épousera.
On juge bien que Pcclairciffement
suivit de
, prés de pareils discours,
mais on ne sçauroit imaginer,
la
-
surpriseoùils
furent tous deux quand
la chose fut mireau net,
le Pere arriva assez tôt
pour avoir part à eclairciffement
& à la
surprise, ils se regardoient
tous trois sans de-
(Sviner de quelle part venoit
une si horrible calomnie
, la fille même
n'étoit pas encor au fait
lorsque son amant arriva
de la maniere que
vous allez voir.
Pendant que cecy se
passoit, l'amant inquiet
vint s'informer de la
fille de Chambre sur le
mariage qu'il craignoit
tant; elle avoit entendu
quelque chose de la rupture,
elle l'en instruisit,
& il fut d'abord
transporté de joye :
mais ayant appris enfuite
que le Medecin
venoit d'avoir un grand
éclaircissement avec Je
Perc &; la fille,il perdit
la tramontanne & courut
comme unfolà la
chambre de sa Maîtresse,
& la transporté de
desespoir il lui demanda
permission de se percer
le coeur avec son
épée, il n'osa faire sans
permission cette seconde
sottise qu'elle n'auroit
pas plus approuvéeque
la premiere; il entra
donc, & se jetta la face
contre terre entre le
Pere, lafille & leMedecin,
qui le regardoiêïq
toustrois sans dirernOt
lafille parla la pretnÍre,
comme de raison, <
& son amour s'étant
changé en colère,cilen
ne parla que pour fini- j
droyer le pauvre jeune
homme,elle commença
par lui défendre de i
la voir jamais, 1-e Pere j
aussioutré qu'e lle
,
le
fît sortit de sa Maiion,
S£ la fille aussi-tôt
offrir la main au Me*
edecin pour se vengerde
ITofFenfè qu'elle avoit
reçûë du jeune homme, .f
Ile Medecin convint
qu'il meritoit punition,
S8c dit qu'il alloit luymêmelefaire
avertir
b,qu"il1 n'avoit plus rien. à _1 prétendre , , ainsi après
que le pere & la fille eurent
donne leur paroleau
Medecin, il promit - de revenir le lendema in
[pour terminer le maria-
JSeLe
Pere& lafillepaf-j
ferent le reste du jour àj
parler contre Fimprudent
jeune homme ;
laj
fille ne pouvoit s'en laf-j
fer,& son Pere en laj
quittant lui conseilla de
dormir un peu pour appasser
sa colere, lui
faisant comprendre qu'-
un amant capable d'une
telle action ne meritoit
que du mépris. La nuit
calma la violence de ses
transports,maisaulieu
Bu mépris qu'elle atten-
Boit, elle ne sentit sucseder
à sa colere que de
l'amour,^lle fit tant pourcent
reflexions sur
te rifqueou l'avoitmise
zc jeune homme d'être
'c.[ujet d'un Vaudevil-
4e, maiselle ne put trouver
dans cette action
f"que de l'imprudence 8c
tle l'amour, & le plus
blâmable des deux
rnieelseerrttqquu'aà pprorouuvveerr
l'excez de l'autre, en.~
sorte qu'avant le jour
elle se repentitd'avoir
donné sa parole, & fut
bientôt après au desespoir
de ce qu'il n'y avoit
plus moyen de la retirer.
Quand le Medecin revint
il trouva son épou"f1
se fort triste, je me doutois
bien,dit-il au Pere
en presence de sa fille,,
qu'elle n'oublierait pas
b-rôt) ni l'offence
,
ni
l'offenceur
,
elle pour
roit s'en souvenir encor
après son mariage, son
amant n'est pas prest
non plus d'oublier son
amour, je viens de le
rvoir
,
j'ai voulu le puinir,
en lui laissantcroire
[pendant vingt-quatre
heures qu'il feroit malheureux
par son imprudence,
il en est assez puni,
car il a pensé mourir
cette nuit, je m'apperçois
aussique vôtre
fille est fort mal, voila
de ces maladies que fça-j
vent guerir les bons Medecins
: mariez-les tous
deux,voila mon Ordon.
nance. ]
Le jeune amant étoit
riche, la fille eût été
au desespoir; le pere
rut raisonnable, le mariage
se fit. le même
jour par l'entremise du
bon Medecin.
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Résumé : LE BON MEDECIN, HISTORIETTE.
Le texte relate l'histoire d'une jeune fille parisienne dont le père, un riche bourgeois, part en voyage à Rouen. Pendant son absence, la fille, qui apprécie de gérer le ménage, développe des sentiments pour un voisin. Ils s'aiment et envisagent de se marier, espérant obtenir le consentement du père à son retour. Cependant, la fille reçoit une lettre de son père annonçant qu'il lui a trouvé un mari à Rouen. Désespérée, elle envisage de mourir pour éviter ce mariage. Son amant, plus raisonnable, imagine un plan. Il se déguise en femme enceinte et se rend chez un médecin de Rouen, frère d'un médecin parisien, pour obtenir son aide. Le médecin, croyant que la 'fille' est enceinte d'un autre homme, accepte de l'aider à éviter le mariage. Le père, de retour, trouve sa fille malade et accepte la rupture du mariage arrangé. Le médecin et la fille ont une conversation équivoque, révélant finalement la vérité. Le père, l'amant et le médecin sont tous surpris. L'amant, désespéré, veut se suicider, mais la fille le chasse. Le médecin, comprenant la situation, propose de marier les deux jeunes gens. Le père accepte, et le médecin prescrit ce mariage comme remède à leur malheur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 8-20
AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Début :
Loin de ces prisons redoutables, [...]
Mots clefs :
Amour, Pleurs, Vénus, Dieux, Myrthe, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Balzac dit qu'il y a
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
une figure de la piece
suivante dans une TabledeJaspeà
Naples,
où les femmes lapident
l'Amour avec desRoses.
AUTREPIECE
nouvelle,
L'AMOUR PUNI.
Loin de ces prisons
redoutables,
OùPluton aux ombres
coupables
Fait sentir son juste
courroux; Ilestdans les Enfers des
azyles plus doux.
Là des Myrrhes tousus
forment de verds
om brages,
Qjii n'ont riendes horreurs
de l'éternelle
nuitj
Des ruisseaux y coulent
f"::ns bruit,
Des Pavotslanguissans
couronnent leurs rivages
, On voit parmi les fleurs
qui parent ce séjour,
Hyacinthe & Narcisse,
&C tant d'autres
encore,
Quimortels autrefois
de l'Empire d'amour
Ont paffé fous les Loix
de flore. -
Dans les sombres dé",
tours de ces paisibles
lieux
Plusieurs Amans, dont
la memoire
Doit vivre à jamaisdans
l'Histoire,
S'occupent encor de
leurs feux;
L'ambitieuse imprudente,
Qui voulut voirJupiter
Armé de la foudre tonnallte)
Rappelle ce plaisir qui -
luicoûta si cher,
Et la Maîtresse de Ce-,
phale,
Soupirant pour ce vainqueur,
Cherit la flechefatale
Dont il lui perça le
coeur,
Hero d'une main tremblante,
Tient la lampe étincelante,
Qui lui servit seulement
A voir périr son amant.
Ariane rou le en colere
Ce fil triste instrument
d'un perfideattentat,
Tropmalheureuse, her.
las! d'avoir trahi
r son Pere -
Pour n'obliger qu'un
îngrat.
-,.. Phedre,chancelante §C
confuse,
Baigne, mais trop tard
de ses pleurs,
L'écritoù sa main ac- cuse
Ses criminelles ardeurs.
Moins coupables cent
1 fois,& plus à plaindre
qu'elle,
Et Didon & ThiLbé
vont sefrapper le rein;
D'un perfide ennemi,
l'une a le fer en main,
L'autre celui d'un amat
trop fidelle.
L'Amour, de leurs douleurs,
voulut être
témoin,
Decouvrir son carquois
il avoit pris le soin,
Les Arbres d'unboccage,
L'épaisseur d'unnuage
Adoucirent en vain 1eclat
de son flalubeau,
On reconnut bientôt
cet ennemi nouveau,
Déjà la troupe rebelle
Lui préparoit des Tourmens
inhumains;
L'Amour tout fatigué,
ne bat plus que
d'une aîle,
[1 se soutient à peine, il
tombe entre leurs
mains.
Amour, pour desarmer
les Juges implacables,
C'est vai nement que tu
verses des pleurs1
Onenchaînetes ma-ins,
qui portoient dans
les coeurs
Des coups inévitables;
Attachésurun Myrthe,
en proye à leurs
fureurs,
Tu vas de mille morts
éprouver les horreurs,
Leurs clameurs menaçantes
Ont étouffé tes plaintes
languissantes,
L'une vient t'effrayer
avec le fer sanglant,
Qui
Qui finit de ses jours le
déplorable reste,
L'autre avec le débris
encor étincelant
Du bucher de sa mort,
théâtre trop funeste,
De ses pleurs endurcis,
par le pouvoir des
Dieux,
Myrrha fait contre toy
de redoutables armes,
Leur poids va t'accabler,
ses remords,
lès allarmes
Ne puniront que toy de
son crime odieux.
L'Amour attire sa Mere
Par ses pleurs & par ses
cris,
Vient-elle à son secours?
non Venus en colere
Vient augmenter les
tourmens de son fils.
Je n'ai que trop souffert
de cet audacieux,
Dit-elle, qu'à son tour
il éprouve ma rage,
Des filets de Vulcain,
des ris malins des
Dieux
Jenai pas oubliel'outrage,
C'est Venus en courroux,
qui menace, tremblez
Sa main s'arme aussitôt
d'un long bouquet
de Roses,
De leurs boutons à peine
éclofes,
Le fang couloit dé-ja
fous ses coups redoublez,
Arrêtez Deesse irritée,
S'écrie avec transport
laTroupeépouventée,
Lorsque nous respirions
le jour
Le fort fit nos malheurs
ce ne fut pas l'Amour.
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Résumé : AUTRE PIECE nouvelle, à l'imitation d'Ausomne. L'AMOUR PUNI.
Le texte décrit diverses scènes et personnages liés à l'amour et à ses conséquences. À Naples, une figure de pièce montre des femmes lapidant l'Amour avec des roses. Une autre pièce, 'L'Amour Puni', est également mentionnée. Les Enfers sont explorés, avec des lieux paisibles où coulent des ruisseaux et poussent des fleurs comme l'hyacinthe et le narcisse, symbolisant les amants morts par amour. Des amants célèbres sont évoqués, tels que celle qui voulut voir Jupiter armé de la foudre, la maîtresse de Céphale, Héro, Ariane, Phèdre, Didon et Thybé. Ces personnages sont décrits dans des situations de douleur et de regret liées à leurs amours tragiques. L'Amour, fatigué et blessé, est capturé et enchaîné par ces amants vengeurs. Venus, la mère de l'Amour, refuse de le secourir et décide de le punir à son tour avec un bouquet de roses. La troupe épouvantée implore Venus d'arrêter, affirmant que leurs malheurs étaient dus à la force et non à l'Amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. [3]-35
LA CONSTANCE des femmes.
Début :
Une fille de condition, nommée Therese, nous servira de modele, [...]
Mots clefs :
Constance, Amant, Honoré d'Urfé, Fiction, Officier, Avocat, Jalousie, Armateur, Époux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA CONSTANCE des femmes.
LA CONSTANCE
desfemmes.
NE fille de condition , nommée
Therefe ,nous fervira de modele , non pas
A ij
4 MERCURE
pour ces conftances heroïques & prodigieufes,
qu'on ne connoît gueres
que par tradition mais
de celles qu'on peut vraifemblablement attendre
d'une femme , & par
confequent d'un hom
me ; car les deux fexes
'n'ont rien àfe reprocher
là -deffus.
Therefe étoit charmante de fa perfonne ,
trés-jeune , & fi peu experimentée , qu'elle ne
GALANT.
རྒྱུན །
જે
connoiffoit encore l'amour que par les Romans. Elle fe fentoit une
fi grande difpofition à
la conftance , qu'elle difoit quelquefois : Non,
je ne veuxjamais aimer,
la vie eft trop courte , une
conftance defoixante ans
ne feroit pas contentement
pour moy. En d'autres
momens elle faifoit reflexion que puis qu'il
faloit aimer neceffairement , il étoit bon de
A iij
6
MERCURE
commencer trés- jeune ,
afin de pouffer la conf
tance le plus loin qu'il
étoit poffible. Elle prit
ce dernier parti , & dés
le lendemain elle fut
épriſe du fils d'un Armateur de faint Malo
Ce jeune homme devint
paffionnément amou
reux d'elle , & au boutde quelque temps on.
parla de mariage. Le
parti parut bon à la mere
de Therefe : mais le jeur-
GALANT. 7
ne homme étant obligé
de fuivre fon pere , qui
faifoit une nouvelle
courſe en mer , ne put
obtenir fon confentemént que pour le reFour. Cependant on convint des articles , on ſe
donna des paroles d'hon
neur , & les amans s'en
donnerent de bien plus.
inviolables , ils fe jurerent un amour éternel
L'Armateur promit de
revenir dans trois mois;
1
A iiij
& MERCURE
& le voila embarqué.
Quelle épreuve pour
Therefe! Devaſtes mers
la feparent defon amant:
mais cette feparation ne
fait que redoubler fon
amour, & les trois mois
d'abſence lui parurent fi
longs , qu'on peut bien
les lui compter pour
trois années de conftance. Cependant elle la
pouffa plus loin ; car fon
amant nerevenant point
encore au bout de fix
GALANT.
autres mois , elle étoit fi
affligée , quefa mere n'ofa lui parler d'un autre
parti qui fe prefentoit.
Elle eut beau lui infi f
nuer que peut- être l'Armateur ne reviendroit
jamais ; elle lui fit même foupçonner que ce
vaiffeau avoit peri : mais
Therefe proteftoit une
fidelité égale pour fon
amant mort ou vif.
Un an entier s'étant
écoulé, & la mere & la
10 MERCURE
fille crurent réellement
que l'Armateur ne reviendroit jamais. On le
pleura commemort pen
dant quelques jours; &
la mere, fans parler de
rien à fa fille , fit trou
yer, comme par hazard,
le fecond amant chez
uneparente , où ellemena fa fille C'étoit un
jeune Officier , fait pour
donner de l'amour , &
qui avoit tout l'efprit
poffible. Il étoit conve
GALANT. H
nu avec la mere qu'il faloit prendre Thereſe par
fon foible. Il la loùa d'abord fur le vœu qu'elle.
avoit fait de ne fe jamais.
marier après avoir perdu
ce qu'elle aimoit. Cette
converfation ne pouvoit
manquer de lui plaire ,
étant fi conforme aux
reſolutions qu'elle avoit
prifes. Elle retournaplu
fieurs fois chez fa parente , où les exhortations
que cet Officier lui fit
IZ MERCURE
fur la conftance produi
firent infenfiblement un
effet contraire , & elle
commença à raifonner
ainfi : Pour aimer bien
conftamment il faut être
aimé de même , & cet
homme- ci aẞureroit mi
conftance par la fienne ,f
jamais je pouvois l'aimer.
Un autre raifonncment que lui fit cët ingenieux amant acheva
de la determiner ; car il
GALANT.
13
Jui prouva qu'elle ne
pouvoit ſe vanter d'être
conftante fans avoir été
mariée, parce que le mariage étoit la pierre de
touche de la conftance,
Therefe , qui tendoit
toûjours à la perfection
de cette vertu , & qui
ne pouvoit la poffeder
éminemment fans fe
marier, prefera pour cette raifon feule l'amant
vivant à l'amant mort :
& peu de temps aprés
14 MERCURE
ce ſecond mariage fut
auffi avancé que l'avoit
été le premier: mais par
malheur il vint à l'Officier un ordre de la Cour
pour aller en Flandres.
Il falut partir dans le
moment , paroles données comme avec l'Armateur, pareils fermens
entre Therefe & l'Officier. Mais les chagrins
de l'abfence furent plus
violens ; car elle aimoit
celui - ci plus que l'au-
GALANT. I
tre , ou , pour mieux di
te, l'amour qu'elle avoit
pour l'Officier lui perfuadoit qu'elle n'avoit
jamais aimé l'Armateurs
car elle le croyoit incapable de changer. Elle
changea pourtant , je ne
vous dirai point par
quels motifs mais , à
coup fûr , ce fut pour
parvenir encore a une
conftance plus parfaite;
car fans cela elle n'en
auroit jamais aimé un
16. MERCURE
troifiéme. Celui-ci étoit
un Avocat , & la mere
conclut avec lui plus
promtement encore qu'-
avec les autres , craignant qu'il ne lui échapât ; car il étoit trés-riche. Le jourfut pris , les
articles furent dreffez :
mais il y avoit une fatalité fur les mariages
de Therefe , il étoit écrit
qu'ils ne feroient jamais
qu'ébauchez , & celui- ci
fut interrompu comme
Vous
To GALANT
. 17
Vous allez voir.
" L'Armateur étoit revenu depuis quelque
temps : mais ayant appris dans le voisinage
que fa maîtreffe aimoit
a
paffionnément l'Avocat,
& n'ayant pas d'ailleurs
fort bien fait fes affaires
fur mer , il jugea à pro
pos de nepoint paroître ,
& fe logea pourtant affez proche de la maiſon
où le faifoient les conferences pour le mariaMay 1712.
B
18 MERCURE
ge, qui fut enfin reſolu.
Le jour fut pris , on invita les parens de part &
d'autre : l'affemblée étoit
grave , & Thereſe en
habit paré y charmoit
l'époux futur, dont elle
étoit auffi charmée; ils fe
repaiffoient de regards ,
& de defirs , lors qu'on
vit entrer dans la falle
l'Officier , qui ne fe doutant encore de rien , venoit d'arriver en pofte
de l'armée. Il entre avec
GALANT. 19
la vivacité & les tranf
ports d'unjeune amant ;
& ne voyant que celle
qu'il aime, il court à elle.
Il la regardoit déja comme fon épouſe , & va
l'embraffer. Il eft receu
avec la froideur quevous
pouvez vous imaginer ,
Therefe eft deconcertée: l'époux futur ne l'eft
pas moins , de voir qu'un
homme d'épée a de fi
grands privileges fur fa
femme cette familia
Bij
20 MERCURE
rité l'alarme. L'Officier
tranſporté ne prend garde au defordre ni de l'un
ni de l'autre , & les yeux
fixes fut ce qu'il aime ,
il refte un moment immobile. Une pacenta
priée entre dans cet inftant, & va d'abord feliciter les époux. A fon
difcours l'Officier revient à lui elle conti
nuë, le voila prefque au
fait. Enfin la gravité de
l'affemblée & les come
GALANT 20
3%
plimens de la parente ne
finiffant point , lui expliquerent fi nettement
de quoy il s'agiffoit , qu
il refta immobile enco
re : mais ce n'étoit plus
de plaifir. L'Armateur ,,
premier époux en datte ,
ayant appris à la porte
ce qui fe paffoit dans la
falle , y entra juftement
dans le temps que tous
ceux qui compofoient
cette affemblée muette
fe regardoient les uns
22 MERCURE
los autres.
L'Armateur
étoit un homme froid &
malin , une espece de la
rancune.
Thereſe ne ſçayoit point fon retour ;
dés qu'elle l'apperçut ,
cefut un dernier coup de
maffue. Il marcha froi
dement vers elle, & l'embraffant auffi comme é
poux , il lui tint des dif
cours à faire mourir l'Avocatdejalousie, & l'Of
ficier de defefpoir. Son
difcours fut long ,
parce
GALANT: 23:
que perfonne n'avoit la
force de l'interrompre.
L'Avocat & l'Officier
eurent le foifir de pren--
dre leur parti , & ce fut
celui du mépris pour
Thereſe. Voici par où
l'Armateur finit.
*!
Dans le voyage que
j'ai fait j'ai oui dire à un
Poëte Arabe, que lafemme eft femblable à un ar
bre, &l'amour de la femme auxfeuilles de cet ar
bre. Elles naißent auprin--
24 MERCURE
temps ,fefoutiennent tout
l'été, tombent en automne. L'arbre produit
bien des feuilles le printemps fuivant : mais ce
ne font plus les mêmes.
L'Arabe conclut de là que
la durée des feuilles eft la
durée naturelle de la constance des femmes. Mon
fieur l'Officier & moy
nous avons eu chacun notreprintemps notre été,
il est jufte que Monfieur
L-Avacas foit aimé de mê
me
GALANT. 25.
me jufqu'à la chûte des
fülles ; il n'a qu'à voir
s'il veut s'engager là- def
Sus.
Vous parlez fort bien,
dit enfuite l'Avocat :
mais l'Arabe a oublié de
dire que fi dans le prin
temps mêmeon met la coignée dans le pied de l'arbre , les feuilles fe fechent
avant l'automne. fecrain
drois que le mariage nefift
àpeu près le même effet
de la coignée. Ainfi Ma
May1712.
C
26 MERCURE
demoiselle Therese restera , s'illui plaît,fille toute
Ja vie : cette constance
étant la plus glorieuſe de
toutes , c'est celle qui convient le mieux au defir
qu'elle a d'exceller dans
cette vertu.
Le Poëte Arabe ne
pouffe pas fi loin que nos
Poëtes les fictions fur les
amans conftans ; & je
croirois bien que la conſtance merveilleufe dont
plufieurs Poëtes fe font
GALANT. 27
vantez dans leurs vers,
n'a point paffé de leur
imagination jufques dás
leur coeur. Citons - en
quelque exemple , pour
prouver que c'eft faire
injuſtice aux Dames de
les croire plus inconftantes que les hommes.
Honoré Durfée , dans
fa preface du troifiéme
tome d'Aftrée , proteſte
à la riviere de Lignon
que le feu dont il brûla',
& qui donna naiffance
Cij
28 MERCURE
à ſon ouvrage , ne fut fi
conftant que parce qu'il
fut pur, & qu'il ne laiſſa
jamais de noirceur aprés
la brûlure à pas une de
fes actions & de fes defirs. Il ajoûte que la longueur des années n'en
avoit point diminué l'ardeur, & qu'il ne s'éteindroit quefous la terre de
fon tombeau. Voila le
Poëte , voici l'homme.
Son neveu dit qu'il n'épouſa Aftrée que par in-
GALAŃT. 29
térêt , & pour ne pas
laiffer échaper ſes biens ;
qu'il s'en dégoûta bien
vîte aprés l'avoir époufée , parce qu'elle étoit mal propre à
caufe de fes grands
chiens & c. qu'elle
exigeoit de lui des
tendreffes & des delicateſſes d'amans ; qu'-
elle le tourmentoit continuellement fur fes amourettes étrangeres ;
qu'elle étoit idolâC iii
30 MERCURE
tre de fa beauté , &
par confequent ridicule.
Tout cela l'obligea à la
quitter , & à fe retirer
à la Cour de Savoye,
Nous fommes inftruits
là-deffus par une tradi
tion certaine que Mon,
fieur Huet nous a con
fervée , & qu'il a tiréo
des neveux & amis
d'Honoré Durfé. Si la
tradition s'étoit confer
vée de la même maniere
à l'égard de la belle Lau,
J
GALANT. 31
re, nous verrions apparemment quelque chofe
d'approchant dans l'hif
toire de fes amours avec
Petrarque. Celui - ci ,
dans l'Epître où il fait le
recit de fa vie naturellement & fimplement ,
dit que dégouté du ſejour ennuyeux dela ville
d'Avignon , il s'étoit retiré à Forge , attiré par
la beauté du lieu & de
fa fontaine ; que là il
avoit compofé tous les
Ciiii
32 MERCURE
Ouvrages , quatam multa
fuerant , dit-il , ut ufque
ad hanc atatem me exerceant & defatigent. Ilne
parle point de Laure en
profe ; & quand il recite au vrai l'hiftoire de
fa vie , de fon efprit &
de fon coeur , il paroît
que Laure étoit l'idole
de fon imagination , &
le fantôme qui la remuoit & l'échauffoit.
C'étoit un fujet plûtôt
imaginé que fenti , ſur
1
GALANT. 33
lequel fa verve s'exerçoit. L'auteur de ſa vie
nous en fournit une bonne preuve , lors qu'il
nous affure que le Pape
Benoît XII. lui offrit
une difpenfe pourépoufer Laure , pour tenir
des Benefices étant marié , & même pour en
poffeder de nouveaux :
offres que Plutarque
n'auroit pas refufé comme il le fit , s'il avoit eu
une paffion , je ne dis pas
34 MERCURE
auffi extraordinaire que
celle qu'il chante , mais
feulement ordinaire &
veritable. Comment les
Poëtes que nous voyons
ne nous defabufent - ils
point des anciens que
nous lifons ? La duperie
eft naturelle à l'homme.
La fiction la plus groffiere & la plus découverte gagne toûjours le
deffus à la longue , pourveu qu'elle fçache ébloüir l'imagination ; &
GALANT. 35
ceux qui ont écrit publiquement, foit en vers,
foit en profe , ne viendroient pas à bout euxmêmes de détromper le
monde de leurs fictions ,
s'ils revenoient fur terre
pour nous avertir bien
confcientieuſement qu'
ils n'avoient pas deſſein
de tromper le monde ,
mais feulement de l'amufer & le divertir en
fe divertiffant eux- mêmes.
desfemmes.
NE fille de condition , nommée
Therefe ,nous fervira de modele , non pas
A ij
4 MERCURE
pour ces conftances heroïques & prodigieufes,
qu'on ne connoît gueres
que par tradition mais
de celles qu'on peut vraifemblablement attendre
d'une femme , & par
confequent d'un hom
me ; car les deux fexes
'n'ont rien àfe reprocher
là -deffus.
Therefe étoit charmante de fa perfonne ,
trés-jeune , & fi peu experimentée , qu'elle ne
GALANT.
རྒྱུན །
જે
connoiffoit encore l'amour que par les Romans. Elle fe fentoit une
fi grande difpofition à
la conftance , qu'elle difoit quelquefois : Non,
je ne veuxjamais aimer,
la vie eft trop courte , une
conftance defoixante ans
ne feroit pas contentement
pour moy. En d'autres
momens elle faifoit reflexion que puis qu'il
faloit aimer neceffairement , il étoit bon de
A iij
6
MERCURE
commencer trés- jeune ,
afin de pouffer la conf
tance le plus loin qu'il
étoit poffible. Elle prit
ce dernier parti , & dés
le lendemain elle fut
épriſe du fils d'un Armateur de faint Malo
Ce jeune homme devint
paffionnément amou
reux d'elle , & au boutde quelque temps on.
parla de mariage. Le
parti parut bon à la mere
de Therefe : mais le jeur-
GALANT. 7
ne homme étant obligé
de fuivre fon pere , qui
faifoit une nouvelle
courſe en mer , ne put
obtenir fon confentemént que pour le reFour. Cependant on convint des articles , on ſe
donna des paroles d'hon
neur , & les amans s'en
donnerent de bien plus.
inviolables , ils fe jurerent un amour éternel
L'Armateur promit de
revenir dans trois mois;
1
A iiij
& MERCURE
& le voila embarqué.
Quelle épreuve pour
Therefe! Devaſtes mers
la feparent defon amant:
mais cette feparation ne
fait que redoubler fon
amour, & les trois mois
d'abſence lui parurent fi
longs , qu'on peut bien
les lui compter pour
trois années de conftance. Cependant elle la
pouffa plus loin ; car fon
amant nerevenant point
encore au bout de fix
GALANT.
autres mois , elle étoit fi
affligée , quefa mere n'ofa lui parler d'un autre
parti qui fe prefentoit.
Elle eut beau lui infi f
nuer que peut- être l'Armateur ne reviendroit
jamais ; elle lui fit même foupçonner que ce
vaiffeau avoit peri : mais
Therefe proteftoit une
fidelité égale pour fon
amant mort ou vif.
Un an entier s'étant
écoulé, & la mere & la
10 MERCURE
fille crurent réellement
que l'Armateur ne reviendroit jamais. On le
pleura commemort pen
dant quelques jours; &
la mere, fans parler de
rien à fa fille , fit trou
yer, comme par hazard,
le fecond amant chez
uneparente , où ellemena fa fille C'étoit un
jeune Officier , fait pour
donner de l'amour , &
qui avoit tout l'efprit
poffible. Il étoit conve
GALANT. H
nu avec la mere qu'il faloit prendre Thereſe par
fon foible. Il la loùa d'abord fur le vœu qu'elle.
avoit fait de ne fe jamais.
marier après avoir perdu
ce qu'elle aimoit. Cette
converfation ne pouvoit
manquer de lui plaire ,
étant fi conforme aux
reſolutions qu'elle avoit
prifes. Elle retournaplu
fieurs fois chez fa parente , où les exhortations
que cet Officier lui fit
IZ MERCURE
fur la conftance produi
firent infenfiblement un
effet contraire , & elle
commença à raifonner
ainfi : Pour aimer bien
conftamment il faut être
aimé de même , & cet
homme- ci aẞureroit mi
conftance par la fienne ,f
jamais je pouvois l'aimer.
Un autre raifonncment que lui fit cët ingenieux amant acheva
de la determiner ; car il
GALANT.
13
Jui prouva qu'elle ne
pouvoit ſe vanter d'être
conftante fans avoir été
mariée, parce que le mariage étoit la pierre de
touche de la conftance,
Therefe , qui tendoit
toûjours à la perfection
de cette vertu , & qui
ne pouvoit la poffeder
éminemment fans fe
marier, prefera pour cette raifon feule l'amant
vivant à l'amant mort :
& peu de temps aprés
14 MERCURE
ce ſecond mariage fut
auffi avancé que l'avoit
été le premier: mais par
malheur il vint à l'Officier un ordre de la Cour
pour aller en Flandres.
Il falut partir dans le
moment , paroles données comme avec l'Armateur, pareils fermens
entre Therefe & l'Officier. Mais les chagrins
de l'abfence furent plus
violens ; car elle aimoit
celui - ci plus que l'au-
GALANT. I
tre , ou , pour mieux di
te, l'amour qu'elle avoit
pour l'Officier lui perfuadoit qu'elle n'avoit
jamais aimé l'Armateurs
car elle le croyoit incapable de changer. Elle
changea pourtant , je ne
vous dirai point par
quels motifs mais , à
coup fûr , ce fut pour
parvenir encore a une
conftance plus parfaite;
car fans cela elle n'en
auroit jamais aimé un
16. MERCURE
troifiéme. Celui-ci étoit
un Avocat , & la mere
conclut avec lui plus
promtement encore qu'-
avec les autres , craignant qu'il ne lui échapât ; car il étoit trés-riche. Le jourfut pris , les
articles furent dreffez :
mais il y avoit une fatalité fur les mariages
de Therefe , il étoit écrit
qu'ils ne feroient jamais
qu'ébauchez , & celui- ci
fut interrompu comme
Vous
To GALANT
. 17
Vous allez voir.
" L'Armateur étoit revenu depuis quelque
temps : mais ayant appris dans le voisinage
que fa maîtreffe aimoit
a
paffionnément l'Avocat,
& n'ayant pas d'ailleurs
fort bien fait fes affaires
fur mer , il jugea à pro
pos de nepoint paroître ,
& fe logea pourtant affez proche de la maiſon
où le faifoient les conferences pour le mariaMay 1712.
B
18 MERCURE
ge, qui fut enfin reſolu.
Le jour fut pris , on invita les parens de part &
d'autre : l'affemblée étoit
grave , & Thereſe en
habit paré y charmoit
l'époux futur, dont elle
étoit auffi charmée; ils fe
repaiffoient de regards ,
& de defirs , lors qu'on
vit entrer dans la falle
l'Officier , qui ne fe doutant encore de rien , venoit d'arriver en pofte
de l'armée. Il entre avec
GALANT. 19
la vivacité & les tranf
ports d'unjeune amant ;
& ne voyant que celle
qu'il aime, il court à elle.
Il la regardoit déja comme fon épouſe , & va
l'embraffer. Il eft receu
avec la froideur quevous
pouvez vous imaginer ,
Therefe eft deconcertée: l'époux futur ne l'eft
pas moins , de voir qu'un
homme d'épée a de fi
grands privileges fur fa
femme cette familia
Bij
20 MERCURE
rité l'alarme. L'Officier
tranſporté ne prend garde au defordre ni de l'un
ni de l'autre , & les yeux
fixes fut ce qu'il aime ,
il refte un moment immobile. Une pacenta
priée entre dans cet inftant, & va d'abord feliciter les époux. A fon
difcours l'Officier revient à lui elle conti
nuë, le voila prefque au
fait. Enfin la gravité de
l'affemblée & les come
GALANT 20
3%
plimens de la parente ne
finiffant point , lui expliquerent fi nettement
de quoy il s'agiffoit , qu
il refta immobile enco
re : mais ce n'étoit plus
de plaifir. L'Armateur ,,
premier époux en datte ,
ayant appris à la porte
ce qui fe paffoit dans la
falle , y entra juftement
dans le temps que tous
ceux qui compofoient
cette affemblée muette
fe regardoient les uns
22 MERCURE
los autres.
L'Armateur
étoit un homme froid &
malin , une espece de la
rancune.
Thereſe ne ſçayoit point fon retour ;
dés qu'elle l'apperçut ,
cefut un dernier coup de
maffue. Il marcha froi
dement vers elle, & l'embraffant auffi comme é
poux , il lui tint des dif
cours à faire mourir l'Avocatdejalousie, & l'Of
ficier de defefpoir. Son
difcours fut long ,
parce
GALANT: 23:
que perfonne n'avoit la
force de l'interrompre.
L'Avocat & l'Officier
eurent le foifir de pren--
dre leur parti , & ce fut
celui du mépris pour
Thereſe. Voici par où
l'Armateur finit.
*!
Dans le voyage que
j'ai fait j'ai oui dire à un
Poëte Arabe, que lafemme eft femblable à un ar
bre, &l'amour de la femme auxfeuilles de cet ar
bre. Elles naißent auprin--
24 MERCURE
temps ,fefoutiennent tout
l'été, tombent en automne. L'arbre produit
bien des feuilles le printemps fuivant : mais ce
ne font plus les mêmes.
L'Arabe conclut de là que
la durée des feuilles eft la
durée naturelle de la constance des femmes. Mon
fieur l'Officier & moy
nous avons eu chacun notreprintemps notre été,
il est jufte que Monfieur
L-Avacas foit aimé de mê
me
GALANT. 25.
me jufqu'à la chûte des
fülles ; il n'a qu'à voir
s'il veut s'engager là- def
Sus.
Vous parlez fort bien,
dit enfuite l'Avocat :
mais l'Arabe a oublié de
dire que fi dans le prin
temps mêmeon met la coignée dans le pied de l'arbre , les feuilles fe fechent
avant l'automne. fecrain
drois que le mariage nefift
àpeu près le même effet
de la coignée. Ainfi Ma
May1712.
C
26 MERCURE
demoiselle Therese restera , s'illui plaît,fille toute
Ja vie : cette constance
étant la plus glorieuſe de
toutes , c'est celle qui convient le mieux au defir
qu'elle a d'exceller dans
cette vertu.
Le Poëte Arabe ne
pouffe pas fi loin que nos
Poëtes les fictions fur les
amans conftans ; & je
croirois bien que la conſtance merveilleufe dont
plufieurs Poëtes fe font
GALANT. 27
vantez dans leurs vers,
n'a point paffé de leur
imagination jufques dás
leur coeur. Citons - en
quelque exemple , pour
prouver que c'eft faire
injuſtice aux Dames de
les croire plus inconftantes que les hommes.
Honoré Durfée , dans
fa preface du troifiéme
tome d'Aftrée , proteſte
à la riviere de Lignon
que le feu dont il brûla',
& qui donna naiffance
Cij
28 MERCURE
à ſon ouvrage , ne fut fi
conftant que parce qu'il
fut pur, & qu'il ne laiſſa
jamais de noirceur aprés
la brûlure à pas une de
fes actions & de fes defirs. Il ajoûte que la longueur des années n'en
avoit point diminué l'ardeur, & qu'il ne s'éteindroit quefous la terre de
fon tombeau. Voila le
Poëte , voici l'homme.
Son neveu dit qu'il n'épouſa Aftrée que par in-
GALAŃT. 29
térêt , & pour ne pas
laiffer échaper ſes biens ;
qu'il s'en dégoûta bien
vîte aprés l'avoir époufée , parce qu'elle étoit mal propre à
caufe de fes grands
chiens & c. qu'elle
exigeoit de lui des
tendreffes & des delicateſſes d'amans ; qu'-
elle le tourmentoit continuellement fur fes amourettes étrangeres ;
qu'elle étoit idolâC iii
30 MERCURE
tre de fa beauté , &
par confequent ridicule.
Tout cela l'obligea à la
quitter , & à fe retirer
à la Cour de Savoye,
Nous fommes inftruits
là-deffus par une tradi
tion certaine que Mon,
fieur Huet nous a con
fervée , & qu'il a tiréo
des neveux & amis
d'Honoré Durfé. Si la
tradition s'étoit confer
vée de la même maniere
à l'égard de la belle Lau,
J
GALANT. 31
re, nous verrions apparemment quelque chofe
d'approchant dans l'hif
toire de fes amours avec
Petrarque. Celui - ci ,
dans l'Epître où il fait le
recit de fa vie naturellement & fimplement ,
dit que dégouté du ſejour ennuyeux dela ville
d'Avignon , il s'étoit retiré à Forge , attiré par
la beauté du lieu & de
fa fontaine ; que là il
avoit compofé tous les
Ciiii
32 MERCURE
Ouvrages , quatam multa
fuerant , dit-il , ut ufque
ad hanc atatem me exerceant & defatigent. Ilne
parle point de Laure en
profe ; & quand il recite au vrai l'hiftoire de
fa vie , de fon efprit &
de fon coeur , il paroît
que Laure étoit l'idole
de fon imagination , &
le fantôme qui la remuoit & l'échauffoit.
C'étoit un fujet plûtôt
imaginé que fenti , ſur
1
GALANT. 33
lequel fa verve s'exerçoit. L'auteur de ſa vie
nous en fournit une bonne preuve , lors qu'il
nous affure que le Pape
Benoît XII. lui offrit
une difpenfe pourépoufer Laure , pour tenir
des Benefices étant marié , & même pour en
poffeder de nouveaux :
offres que Plutarque
n'auroit pas refufé comme il le fit , s'il avoit eu
une paffion , je ne dis pas
34 MERCURE
auffi extraordinaire que
celle qu'il chante , mais
feulement ordinaire &
veritable. Comment les
Poëtes que nous voyons
ne nous defabufent - ils
point des anciens que
nous lifons ? La duperie
eft naturelle à l'homme.
La fiction la plus groffiere & la plus découverte gagne toûjours le
deffus à la longue , pourveu qu'elle fçache ébloüir l'imagination ; &
GALANT. 35
ceux qui ont écrit publiquement, foit en vers,
foit en profe , ne viendroient pas à bout euxmêmes de détromper le
monde de leurs fictions ,
s'ils revenoient fur terre
pour nous avertir bien
confcientieuſement qu'
ils n'avoient pas deſſein
de tromper le monde ,
mais feulement de l'amufer & le divertir en
fe divertiffant eux- mêmes.
Fermer
Résumé : LA CONSTANCE des femmes.
Le texte relate l'histoire de Thérèse, une jeune femme charmante et inexpérimentée, connue pour sa constance en amour. Initialement, après avoir lu les Romains, Thérèse se sent disposée à la constance et affirme ne jamais vouloir aimer, estimant que la vie est trop courte. Cependant, elle change d'avis et décide de commencer à aimer jeune pour prolonger cette constance. Elle tombe amoureuse du fils d'un armateur de Saint-Malo, qui doit partir en mer. Malgré la séparation, Thérèse reste fidèle et attend son retour. Après un an, sa mère tente de la marier à un officier, mais Thérèse résiste. Elle finit par accepter de se marier avec l'officier, mais celui-ci doit partir en Flandres. Thérèse change à nouveau d'avis et se prépare à épouser un avocat. À ce moment-là, l'armateur revient, interrompant le mariage. L'armateur, froid et malin, compare les femmes à un arbre dont les feuilles tombent en automne, symbolisant la fin de la constance. L'avocat et l'officier, jaloux et déçus, quittent Thérèse. Le texte se conclut par une réflexion sur la constance en amour, soulignant que les poètes exagèrent souvent cette vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
38
p. 169-183
RESPONSE à la question du Mercure précedent. Par Mr de Rau.....
Début :
Les Passions sont differentes par leur nature, & à l'égard [...]
Mots clefs :
Amour et haine, Coeur, Colère, Passions, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RESPONSE à la question du Mercure précedent. Par Mr de Rau.....
RESPONSE
à la queſtion du Mercure
précedent.
Par Mrde Rau.....
Si on peut hair ce qu'on a une
fois bien aimé.
LEs Paffions font differentes par leur nature , &à
l'égard de l'objet qui les
fait naiftre. Il y en a de
promptes &de paſſageres ,
dont l'effet eft violent ,
mais elles durent peu , &
ne laiffent prefque aucun
veftige dans l'ame de ceux
May 1712.
P
170 MERCURE
quiles ontreffenties . L'ob
jet paffe , & l'idée s'en efface d'abord, Telles font
la joye & la colere. Ces
paffions fe fuccedent les
unesaux autres , & un mef
me objet peut leur fournir
de matiere. Mais les paffions fortes & de longue.
durée , faifant plus d'impreffion fur noftre ame, y
laiffent un caractere & une
image de leur objet , qu'il
eft malaisé d'effacer. Telles font la trifteffe & la
douleur , maisfur tout , l'a
mour & la haine.
1
GALANT. 171
Il eft certain encore que
toutes les paffions quifont
opposées, maiftrifent rarement le cœur de l'homme
à l'égard du mefme objer ;
car outre qu'il y en a tousjours une qui eft dominante , l'objet qui a frappé le
premier noftre imagination,ylaiffe tousjours quelque obftacle à l'effet
la paffion contraire y veut
produire. Cet obftacle n'eft
autre chofe que l'habitude
de la paffion qui forme des
traces profondes dans lefquelles retombent tousque
Pij
172 MERCURE
jours l'imagination quand
elle fe reprefente l'objet
qui les a tracées.
Si l'objet aimé nous offense,
Nous a trahi , nous préfere
un rival
Par dépit , colere , on vangeance ,
Sans le hair nous luy voulons
du mal.
On ne le par peut haïr
antipathie. Quelque défaut qu'on y découvre ,
quelque injure que nous
en resevions , il a tousjours
je ne çay quoy qui nous
GALANT. 173
porte vers luy , & qui nous
y attache malgré toutes les
violences que nous nous
faifons , dans le deffein de
nous en feparer.
Se vangerde l'objet qu'on aime,
C'eftfe vangercontrefoy- mefme.
Ecoutez ce que fait dire
le plus fçavant Interprete
de l'amour à la defolée
Ocone, lorfqu'elle voit Helene entre les bras de Pâris. Elle devoit fe vanger
de cet Infidelle. Cepen
dant
P iij
174 MERCURE
A cet indigne objet je perdis
patience ,
Je me frappay le fein , j'arrachay mes cheveux,
Et tournay contre moy lafeve
re vangeance
Quej'avois deftinée àl'objet de
mes vœux.
Tant il eft vray qu'on ne
peut hair ce qu'on a une
fois bien aimé , & qu'on
fe prend à foy- mefme de
l'injure qu'il nous a faite.
On fuppofe , en difant
tout cecy, qu'il s'agit d'un
veritable amour , & file
GALANT. 175
veritable amour vient d'un
certain rapport des efprits
de l'Amant & de l'objet
aimé, qui peut rompre cette charmante harmonie ?
Si les chofes font dignes
d'eftre aimées , ce feroit
agir contre la raiſon que
de les haïr , & ces mouve.
mens eftant involontaires,
ne peuvent détruire l'amour,
Nous nous formons ordinairement une image
odieufe de ce que nous
haïffons. Cette image nous
fuit par tout. Elle détruit
Piiij
176 MERCURE
dans noftre efprit toutes
fes belles qualitez , & tout
ce qu'il a d'aimable eſt
plus dans ce qu'elle aime
que dans ce qu'elle anime ,
comment pourroit - elle
quitter le lieu de fon repos
& de fa complaifance ?
Quoy qu'il en foit , il eſt
tousjours vray que l'amour
laiffe en nous ces traces
de l'objet aimé , qui non
feulement font capables de
fermer nos cœurs à la hai
ne, mais encore de rallu
mer une plus forte paffion
qu'auparavant ; & ce font
GALANT. 177
ces restes de l'amour qu'on
appelle un feu caché fous
la cendre.
Amant , c'est une chofe feure
Quand l'amourfait une bleffure
La marque en demeure tousjours.
Eloignez vous d'Iris , abandonnez Aminte
Implorez le divinfecours ,
Si voftre ame en eft bien at
teinte ,
Fuyez-les tant qu'il vous plaira ,
Famais de vostre cœur l'amour
ne fortira.
178 MERCURE
Quelques -uns croyent
que la haine peut venir
d'un amour laffé , d'un
amour irrité ; mais en ce
cas on peut fouftenir que
c'cft parce qu'on n'a jamais bien aimé, & ainfi il
n'y a plus de Queſtion
refoudre..
La colere eft une vapeur qui peut offufquer
l'amour , mais qui ne peut
l'étouffer. Elle va quelquefois jufqu'à ſe vanger ,
mais jamais juſqu'à le détruire. Elle garde mefme
des mefures pour l'objet
"
GALANT. 179
aimé dans les plus grands
emportemens , & c'eft ce
qui faifoit dire à Hipfipile
écrivant à Jafon qui l'abandonnoit pour Mcdée.
Contre toy ma colere afes bor
nes prefcrites ,
Elle t'euft épargné, non que tu
le merites ;
Mais quelque duretéqui regne
dans ton cœur ,
Ma bonté va plus loin encor
que ta rigueur.
Et qui eft l'Amant qui
ignore que toutes les coleres en amour l'augmen
180 MERCURE
tent plus qu'elles ne le di
minuent , & qu'aprés une
rupture on s'aime fouvent
encore plus qu'on ne faiLoit auparavant ?
Ceux qui n'aiment gueres , font lujets au dégouſt
& à linconftance , mais
ils ne vont pas jufqu'à la
haine. Pour haïr ce qu'on
a bien aimé , fi cela fe peut,
il faut aimerencore. Cette
efpece de haine vient d'un
trop violent amour. On
aime ce qu'on croit haïr ,
& tous ces emportements
nefont que de foibles mar-
GALANT. 181
ques d'une fauffe haine.
Il y a eu des Amans
cruels & barbares , dont
l'amour s'eft changé en fu
reur; mais c'eftoient moins
des Amans que des Bourreaux. Mahomet II. ab
batit d'un coup de cimeterre la tefte de fa Maif
treffe , mais l'ambition feule luy fit faire ce grand fa
crifice. La haine n'y eut
point de part , & fon cœur
paya cherement l'excez de
fa brutale vanité.
pourquoy citer Mahomet?
Un Barbare eft-il capable
d'aimer? Non, non, un veMais
182 MERCURE
ritable Amant aime tousjours fa Maistreffe . Qu'elle foit fiere , qu'elle foit inhumaine , qu'elle foit infidelle , elle eſt tousjours aimable , il ne la fçauroit
haïr.
>
Mais enfin quelle apparence de renverfer l'Idole
que nous avons adorée ,
d'abbattre l'Autel où nous
avons facrifié , d'arracher
de noftre cœur ce qui en
faifoit les delices ? Quel
chaftiment doit attendre
de l'amour un infidelle qui
paffe de la legereté à l'in-
GALANT. 183
gratitude & à la haine ? Je
conclus donc avec le Proverbe , Qu'on ne peut hair
ce qu'on a une fois bien
aimé.
R
à la queſtion du Mercure
précedent.
Par Mrde Rau.....
Si on peut hair ce qu'on a une
fois bien aimé.
LEs Paffions font differentes par leur nature , &à
l'égard de l'objet qui les
fait naiftre. Il y en a de
promptes &de paſſageres ,
dont l'effet eft violent ,
mais elles durent peu , &
ne laiffent prefque aucun
veftige dans l'ame de ceux
May 1712.
P
170 MERCURE
quiles ontreffenties . L'ob
jet paffe , & l'idée s'en efface d'abord, Telles font
la joye & la colere. Ces
paffions fe fuccedent les
unesaux autres , & un mef
me objet peut leur fournir
de matiere. Mais les paffions fortes & de longue.
durée , faifant plus d'impreffion fur noftre ame, y
laiffent un caractere & une
image de leur objet , qu'il
eft malaisé d'effacer. Telles font la trifteffe & la
douleur , maisfur tout , l'a
mour & la haine.
1
GALANT. 171
Il eft certain encore que
toutes les paffions quifont
opposées, maiftrifent rarement le cœur de l'homme
à l'égard du mefme objer ;
car outre qu'il y en a tousjours une qui eft dominante , l'objet qui a frappé le
premier noftre imagination,ylaiffe tousjours quelque obftacle à l'effet
la paffion contraire y veut
produire. Cet obftacle n'eft
autre chofe que l'habitude
de la paffion qui forme des
traces profondes dans lefquelles retombent tousque
Pij
172 MERCURE
jours l'imagination quand
elle fe reprefente l'objet
qui les a tracées.
Si l'objet aimé nous offense,
Nous a trahi , nous préfere
un rival
Par dépit , colere , on vangeance ,
Sans le hair nous luy voulons
du mal.
On ne le par peut haïr
antipathie. Quelque défaut qu'on y découvre ,
quelque injure que nous
en resevions , il a tousjours
je ne çay quoy qui nous
GALANT. 173
porte vers luy , & qui nous
y attache malgré toutes les
violences que nous nous
faifons , dans le deffein de
nous en feparer.
Se vangerde l'objet qu'on aime,
C'eftfe vangercontrefoy- mefme.
Ecoutez ce que fait dire
le plus fçavant Interprete
de l'amour à la defolée
Ocone, lorfqu'elle voit Helene entre les bras de Pâris. Elle devoit fe vanger
de cet Infidelle. Cepen
dant
P iij
174 MERCURE
A cet indigne objet je perdis
patience ,
Je me frappay le fein , j'arrachay mes cheveux,
Et tournay contre moy lafeve
re vangeance
Quej'avois deftinée àl'objet de
mes vœux.
Tant il eft vray qu'on ne
peut hair ce qu'on a une
fois bien aimé , & qu'on
fe prend à foy- mefme de
l'injure qu'il nous a faite.
On fuppofe , en difant
tout cecy, qu'il s'agit d'un
veritable amour , & file
GALANT. 175
veritable amour vient d'un
certain rapport des efprits
de l'Amant & de l'objet
aimé, qui peut rompre cette charmante harmonie ?
Si les chofes font dignes
d'eftre aimées , ce feroit
agir contre la raiſon que
de les haïr , & ces mouve.
mens eftant involontaires,
ne peuvent détruire l'amour,
Nous nous formons ordinairement une image
odieufe de ce que nous
haïffons. Cette image nous
fuit par tout. Elle détruit
Piiij
176 MERCURE
dans noftre efprit toutes
fes belles qualitez , & tout
ce qu'il a d'aimable eſt
plus dans ce qu'elle aime
que dans ce qu'elle anime ,
comment pourroit - elle
quitter le lieu de fon repos
& de fa complaifance ?
Quoy qu'il en foit , il eſt
tousjours vray que l'amour
laiffe en nous ces traces
de l'objet aimé , qui non
feulement font capables de
fermer nos cœurs à la hai
ne, mais encore de rallu
mer une plus forte paffion
qu'auparavant ; & ce font
GALANT. 177
ces restes de l'amour qu'on
appelle un feu caché fous
la cendre.
Amant , c'est une chofe feure
Quand l'amourfait une bleffure
La marque en demeure tousjours.
Eloignez vous d'Iris , abandonnez Aminte
Implorez le divinfecours ,
Si voftre ame en eft bien at
teinte ,
Fuyez-les tant qu'il vous plaira ,
Famais de vostre cœur l'amour
ne fortira.
178 MERCURE
Quelques -uns croyent
que la haine peut venir
d'un amour laffé , d'un
amour irrité ; mais en ce
cas on peut fouftenir que
c'cft parce qu'on n'a jamais bien aimé, & ainfi il
n'y a plus de Queſtion
refoudre..
La colere eft une vapeur qui peut offufquer
l'amour , mais qui ne peut
l'étouffer. Elle va quelquefois jufqu'à ſe vanger ,
mais jamais juſqu'à le détruire. Elle garde mefme
des mefures pour l'objet
"
GALANT. 179
aimé dans les plus grands
emportemens , & c'eft ce
qui faifoit dire à Hipfipile
écrivant à Jafon qui l'abandonnoit pour Mcdée.
Contre toy ma colere afes bor
nes prefcrites ,
Elle t'euft épargné, non que tu
le merites ;
Mais quelque duretéqui regne
dans ton cœur ,
Ma bonté va plus loin encor
que ta rigueur.
Et qui eft l'Amant qui
ignore que toutes les coleres en amour l'augmen
180 MERCURE
tent plus qu'elles ne le di
minuent , & qu'aprés une
rupture on s'aime fouvent
encore plus qu'on ne faiLoit auparavant ?
Ceux qui n'aiment gueres , font lujets au dégouſt
& à linconftance , mais
ils ne vont pas jufqu'à la
haine. Pour haïr ce qu'on
a bien aimé , fi cela fe peut,
il faut aimerencore. Cette
efpece de haine vient d'un
trop violent amour. On
aime ce qu'on croit haïr ,
& tous ces emportements
nefont que de foibles mar-
GALANT. 181
ques d'une fauffe haine.
Il y a eu des Amans
cruels & barbares , dont
l'amour s'eft changé en fu
reur; mais c'eftoient moins
des Amans que des Bourreaux. Mahomet II. ab
batit d'un coup de cimeterre la tefte de fa Maif
treffe , mais l'ambition feule luy fit faire ce grand fa
crifice. La haine n'y eut
point de part , & fon cœur
paya cherement l'excez de
fa brutale vanité.
pourquoy citer Mahomet?
Un Barbare eft-il capable
d'aimer? Non, non, un veMais
182 MERCURE
ritable Amant aime tousjours fa Maistreffe . Qu'elle foit fiere , qu'elle foit inhumaine , qu'elle foit infidelle , elle eſt tousjours aimable , il ne la fçauroit
haïr.
>
Mais enfin quelle apparence de renverfer l'Idole
que nous avons adorée ,
d'abbattre l'Autel où nous
avons facrifié , d'arracher
de noftre cœur ce qui en
faifoit les delices ? Quel
chaftiment doit attendre
de l'amour un infidelle qui
paffe de la legereté à l'in-
GALANT. 183
gratitude & à la haine ? Je
conclus donc avec le Proverbe , Qu'on ne peut hair
ce qu'on a une fois bien
aimé.
R
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Résumé : RESPONSE à la question du Mercure précedent. Par Mr de Rau.....
Le texte publié dans le Mercure de mai 1712 examine la nature des passions humaines, en se concentrant particulièrement sur l'amour et la haine. Les passions sont divisées en deux catégories : celles qui sont promptes et passagères, comme la joie et la colère, et celles qui sont fortes et durables, comme la tristesse et la douleur. L'amour et la haine sont décrits comme des passions opposées mais rarement simultanées envers un même objet. L'habitude de la passion dominante laisse des traces profondes dans l'imagination, rendant difficile l'émergence de la passion contraire. Le texte soutient qu'il est impossible de haïr véritablement quelqu'un que l'on a profondément aimé. Même en cas d'offense ou de trahison, des sentiments résiduels persistent, empêchant une haine totale. L'exemple d'Oconée, qui se venge contre elle-même plutôt que contre Pâris, illustre cette impossibilité. L'amour laisse des traces indélébiles, capables de rallumer une passion plus forte qu'auparavant, même après une rupture. La colère, bien que pouvant obscurcir l'amour, ne peut le détruire complètement. Elle conserve des mesures pour l'objet aimé, même dans les moments de grande colère. Les auteurs citent des exemples littéraires pour montrer que la haine supposée après une rupture est souvent une manifestation d'un amour persistant. Le texte conclut en affirmant que la haine véritable envers un ancien amour est rare et souvent masquée par des sentiments amoureux résiduels. Même les actes cruels, comme celui de Mahomet II, sont attribués à d'autres motivations que la haine pure. Le proverbe 'On ne peut haïr ce qu'on a une fois bien aimé' résume cette idée.
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39
p. 285-290
PIECE NOUVELLE. LA VIOLETTE.
Début :
Je fus jadis une Nymphe assez belle [...]
Mots clefs :
Nymphe, Violette, Berger, Amour, Amant, Vertu, Séduire
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texteReconnaissance textuelle : PIECE NOUVELLE. LA VIOLETTE.
PIECE NOUVELLE
LA VIOLETTE.
JE. fus jadis une Nymphe
affez belle
Pour charmer Apollon &
n'attirer les vœux : ... ^.
Mais aux loix du devoir je
fus affez fidelle
Pourdemeurer toûjours infenfible aà fes feux..
Exilé du fejour celefte
Il paiffoit les troupeaux du
riche époux d'Alceſte.
Comme Berger , l'Amour
286 MERCURE
eut des droits fur fon
cœur;
Et comme Dieu , fon rang
& fa naiffance
Lui donnoient trop de confiance
Pour cacher long- temps
tofonardeur.
'Aux champs Theffaliens fi
j'allois chercher Flore,
Je n'y trouvois que lui :
Je le fuis dans les bois , Dia
ne que j'implore
Y devient mon appui.
Evitez , me dit-elle , évitez
·les montagnes ,
Evitez les vaftes campa
gnes,
GALANT. 287
Ces lieux font trop ouverts
aux regards d'Apollon.
A ces mots tremblante ,
certaine ,
inJe croyois me cacher au
bord d'une fontaine ,
Dans unbuiffon épais, dans
le creux d'un vallon ,
Afiles fûrs , s'il eût été pof
fible
D'en trouver contre un tel
Amant ,
De l'un de ſes tranſports
portant le châtiment ,
Periffent les attraits qui
l'ont rendu fenfible ,
M'écriai- je , Diane , exauce
288 MERCURE
mes fouhaits ,
Je quitte fans regret ma
blancheur éclatante ,
D'un voile prefque noir
j'obfcurcis mesattraits ,
Et modefte & rampante
Je tombe vers la terre , &
deviens une fleur.f
ADiane j'en fuis plus chere,,
Lavertu dont je garde en
cor le caractere
M'a confervé ma douce
odeur ::
C'eft à ce titre que j'efpere
Chez toy, fage Uranie, un
favorable accueil.
Simodefte aumilieu de tout
ces
GALANT. 289
ce qui peut faire
Le fujet du plus juſte orgüeil ,
Aux applaudiffemens ton
cœur fçait fe fouftraire ;
Sil'Amour te trouva moins.
fevere que moy,
C'eſt que la vertu même
en demandant ta foy,
Anima les ardeurs de qui
vouloit te plaire...!
Mais à tes côtez j'apperçoy
L'Amant qui cauſe ma colere :
Que dis-je ? ce n'eſt plus le
Berger temeraire ,
C'eft le Dieu tutelaire
May1712.
Bb
190 MERCURE
Des fages , des fçavans qu'il
range fous taloy.
Il ne cherche plus à feduire
Quiconque voudra l'écou
ter ;
S'il veut charmer, c'eft pour
inftruire ,
De tes fages leçons il a fçû
profiter.
LA VIOLETTE.
JE. fus jadis une Nymphe
affez belle
Pour charmer Apollon &
n'attirer les vœux : ... ^.
Mais aux loix du devoir je
fus affez fidelle
Pourdemeurer toûjours infenfible aà fes feux..
Exilé du fejour celefte
Il paiffoit les troupeaux du
riche époux d'Alceſte.
Comme Berger , l'Amour
286 MERCURE
eut des droits fur fon
cœur;
Et comme Dieu , fon rang
& fa naiffance
Lui donnoient trop de confiance
Pour cacher long- temps
tofonardeur.
'Aux champs Theffaliens fi
j'allois chercher Flore,
Je n'y trouvois que lui :
Je le fuis dans les bois , Dia
ne que j'implore
Y devient mon appui.
Evitez , me dit-elle , évitez
·les montagnes ,
Evitez les vaftes campa
gnes,
GALANT. 287
Ces lieux font trop ouverts
aux regards d'Apollon.
A ces mots tremblante ,
certaine ,
inJe croyois me cacher au
bord d'une fontaine ,
Dans unbuiffon épais, dans
le creux d'un vallon ,
Afiles fûrs , s'il eût été pof
fible
D'en trouver contre un tel
Amant ,
De l'un de ſes tranſports
portant le châtiment ,
Periffent les attraits qui
l'ont rendu fenfible ,
M'écriai- je , Diane , exauce
288 MERCURE
mes fouhaits ,
Je quitte fans regret ma
blancheur éclatante ,
D'un voile prefque noir
j'obfcurcis mesattraits ,
Et modefte & rampante
Je tombe vers la terre , &
deviens une fleur.f
ADiane j'en fuis plus chere,,
Lavertu dont je garde en
cor le caractere
M'a confervé ma douce
odeur ::
C'eft à ce titre que j'efpere
Chez toy, fage Uranie, un
favorable accueil.
Simodefte aumilieu de tout
ces
GALANT. 289
ce qui peut faire
Le fujet du plus juſte orgüeil ,
Aux applaudiffemens ton
cœur fçait fe fouftraire ;
Sil'Amour te trouva moins.
fevere que moy,
C'eſt que la vertu même
en demandant ta foy,
Anima les ardeurs de qui
vouloit te plaire...!
Mais à tes côtez j'apperçoy
L'Amant qui cauſe ma colere :
Que dis-je ? ce n'eſt plus le
Berger temeraire ,
C'eft le Dieu tutelaire
May1712.
Bb
190 MERCURE
Des fages , des fçavans qu'il
range fous taloy.
Il ne cherche plus à feduire
Quiconque voudra l'écou
ter ;
S'il veut charmer, c'eft pour
inftruire ,
De tes fages leçons il a fçû
profiter.
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Résumé : PIECE NOUVELLE. LA VIOLETTE.
La pièce 'La Violette' narre l'histoire d'une nymphe autrefois belle et aimée. Par fidélité à son devoir, elle repousse les avances d'Apollon et est exilée, devenant bergère. Elle rencontre l'Amour, qui la séduit. Pour échapper à l'Amour, elle se réfugie dans les bois et implore Diane. Diane lui conseille d'éviter les lieux ouverts aux regards d'Apollon. Désespérée, la nymphe souhaite perdre sa beauté. Diane exauce son vœu, et elle se transforme en violette, conservant une douce odeur. La violette espère l'accueil favorable de la sage Uranie, malgré la présence de l'Amour, désormais protecteur des sages et des savants, cherchant à instruire plutôt qu'à séduire.
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40
p. 39-47
DE LONDRES.
Début :
Dans l'esperance d'une paix prochaine je prends la [...]
Mots clefs :
Londres, Aventure, Anglaise, Amant, Tabatière, Saignée, Maladie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE LONDRES.
DE LONDRES
MONSONSIEUR,
Dans l'efperance d'une paix
prochaine je prends la liberté
de vous demander un com
merce de Lettres , &pour vous
y exciter je vous envoiray les
petites avantures Angloifes qui
viendront à ma connoiffance ;
ce qui fuit n'en est pas une , ce
n'eft qu'un petit fait qui ne
vaut peut - eftre pas la peine
d'eftre escrit. Je vous en promets deplus divertiffants.
40 MERCURE
Une jeune Angloiſe qui
devoit épouser le parent
d'un Milord , luy vouloit
faire quitter l'habitude du
:
tabac, parce qu'elle s'imaginoit que l'odeur du tabac luy donnoit des vapeurs. La complaiſance de
fon Amant alloit bien juſ
qu'à n'en point prendre devant elle mais elle s'imagina qu'il pouvoit avoir
une tabatiere dans fa poche , & cette imagination
luy fit croire qu'elle alloit
s'évanouir , il fe trouva
qu'en effet il en avoit une.
Le
GALANT. 41
Lelendemainil trouva moyen d'en mettre une pleine de tabac dans la poche
de ſa maiſtreſſe ſans qu'elle le fçuft , & elle la porta
fans le fçavoir jufqu'au lendemain. Dés qu'elle vit entrerfonAmant, elle lui cria:
ahje fens que vous avez aujourd'huy voftre tabatiere
dans voftre poche , le jeune Anglois , homme de
fang froid luy refpondit :
Vous y avez mis bon ordre
Mademoiſelle
la priftes l'autre jour , &
vous me l'avezgardée dans la
Fuin 17120
>
car vous me
D
42 MERGURE
voftre depuis ce temps- là La
delicate Angloife trouvant
réellement la tabatiere fur
elle,voulut s'évanouiir, mais
elle ne put jamais, &le tout
fe tourna en plaifanterie ,
elle luy dit qu'elle luy pardonnoit puifque par là elle
fe voyoit guerie de cette
foibleffe ; mais elle luy revalut ce tour- là car l'Anglois ayant efté incommodépendant quelques jours ,
les medecins le preffoient
de fe faire faigner pour
éviter une grande maladie,
mais il ne voulut jamais ;
GALANT. 43
car il avoit une antipathie
fi grande pour la faignée ,
que cet appareil feulement
le faifoit évanouir. Il racontoit cela luy - mefme
chez fa maiftreffe , lorf
qu'enbadinant elle luy dit :
mais fi une perfonne que
vous aimeriez eftoit affez
adroite pourvous faigner ?
ah je luy preſenterois mes
deux bras , luy dit - il en
riant , les deux pieds & la
gorge encore , & deuffayd
je en mourir je fouffrirois
cent faignées d'elle. La
jeune Angloiſe continua
Dij
44 MERCURE
la plaifanterie , & luy dit:
donnez moy feulementun
bras , elle luy mit le bras à
nud en prefence d'une
compagnie affez bonne :
quelqu'un prefta une jartiere pourfervir de bande ,
elle dechira un mouchoir
pour faire une compreffe ;
ce badinage ne faifoit aucun mauvais effet fur le
Cavalier , à qui elle demandoit à chaque préparatif:
hé bien cet appareil vous
fera-t-il évanouir ? Non ,
refpondit il , il mefait pluſ
toft rire ; enfin cette badi-
GALANT. 45
ne perfonne pouffa la ceremonie jufqu'à tirer de
fon tiroir un eftuy , & de
cet eftuy une lancette , car
elle avoit en effet le talent
de faigner à merveille.
L'amant palit à cet aſpect ,
mais il fe piqua de fermeté Angloiſe , onapporta un
vafe de porcelaine pour recevoir le fang , & la faignée fut plantureuſe. Elle
le guerit non feulement de
fon incommodité mais auf
fi de fa foibleffe. C'eft ainfi, luy dit la jeune Angloiſe,
que ceux que le lien duma.
46 MERCURE
riage unit , devoient fe corriger mutuellement
leurs foibleffes.
le
de
Fauray quelque avanture
plus intereffante à envoyerpour
le mois prochain , cette jeune
Angloife pourra mesme me
fournir celle de fes amours avec
parent du Milord, car quoy
qu'avec tout le merite poffible ;
il s'eft trouvé qu'elle eftoit fille
d'un Chirurgien de Douvres.
C'est pour cela qu'elle fçavoit
fi bien faigner. On avoit mis
de grands obftacles à ce mariage, ces obftacles ont donné
lieu à une intrigue fecrette en-
GALANT 47
tre ces deux jeunes amants ,
dont on m'a promis les particu-.
laritez romanefques , quoyque
vrayes, pour pouvoir meriter
L'impreffion
MONSONSIEUR,
Dans l'efperance d'une paix
prochaine je prends la liberté
de vous demander un com
merce de Lettres , &pour vous
y exciter je vous envoiray les
petites avantures Angloifes qui
viendront à ma connoiffance ;
ce qui fuit n'en est pas une , ce
n'eft qu'un petit fait qui ne
vaut peut - eftre pas la peine
d'eftre escrit. Je vous en promets deplus divertiffants.
40 MERCURE
Une jeune Angloiſe qui
devoit épouser le parent
d'un Milord , luy vouloit
faire quitter l'habitude du
:
tabac, parce qu'elle s'imaginoit que l'odeur du tabac luy donnoit des vapeurs. La complaiſance de
fon Amant alloit bien juſ
qu'à n'en point prendre devant elle mais elle s'imagina qu'il pouvoit avoir
une tabatiere dans fa poche , & cette imagination
luy fit croire qu'elle alloit
s'évanouir , il fe trouva
qu'en effet il en avoit une.
Le
GALANT. 41
Lelendemainil trouva moyen d'en mettre une pleine de tabac dans la poche
de ſa maiſtreſſe ſans qu'elle le fçuft , & elle la porta
fans le fçavoir jufqu'au lendemain. Dés qu'elle vit entrerfonAmant, elle lui cria:
ahje fens que vous avez aujourd'huy voftre tabatiere
dans voftre poche , le jeune Anglois , homme de
fang froid luy refpondit :
Vous y avez mis bon ordre
Mademoiſelle
la priftes l'autre jour , &
vous me l'avezgardée dans la
Fuin 17120
>
car vous me
D
42 MERGURE
voftre depuis ce temps- là La
delicate Angloife trouvant
réellement la tabatiere fur
elle,voulut s'évanouiir, mais
elle ne put jamais, &le tout
fe tourna en plaifanterie ,
elle luy dit qu'elle luy pardonnoit puifque par là elle
fe voyoit guerie de cette
foibleffe ; mais elle luy revalut ce tour- là car l'Anglois ayant efté incommodépendant quelques jours ,
les medecins le preffoient
de fe faire faigner pour
éviter une grande maladie,
mais il ne voulut jamais ;
GALANT. 43
car il avoit une antipathie
fi grande pour la faignée ,
que cet appareil feulement
le faifoit évanouir. Il racontoit cela luy - mefme
chez fa maiftreffe , lorf
qu'enbadinant elle luy dit :
mais fi une perfonne que
vous aimeriez eftoit affez
adroite pourvous faigner ?
ah je luy preſenterois mes
deux bras , luy dit - il en
riant , les deux pieds & la
gorge encore , & deuffayd
je en mourir je fouffrirois
cent faignées d'elle. La
jeune Angloiſe continua
Dij
44 MERCURE
la plaifanterie , & luy dit:
donnez moy feulementun
bras , elle luy mit le bras à
nud en prefence d'une
compagnie affez bonne :
quelqu'un prefta une jartiere pourfervir de bande ,
elle dechira un mouchoir
pour faire une compreffe ;
ce badinage ne faifoit aucun mauvais effet fur le
Cavalier , à qui elle demandoit à chaque préparatif:
hé bien cet appareil vous
fera-t-il évanouir ? Non ,
refpondit il , il mefait pluſ
toft rire ; enfin cette badi-
GALANT. 45
ne perfonne pouffa la ceremonie jufqu'à tirer de
fon tiroir un eftuy , & de
cet eftuy une lancette , car
elle avoit en effet le talent
de faigner à merveille.
L'amant palit à cet aſpect ,
mais il fe piqua de fermeté Angloiſe , onapporta un
vafe de porcelaine pour recevoir le fang , & la faignée fut plantureuſe. Elle
le guerit non feulement de
fon incommodité mais auf
fi de fa foibleffe. C'eft ainfi, luy dit la jeune Angloiſe,
que ceux que le lien duma.
46 MERCURE
riage unit , devoient fe corriger mutuellement
leurs foibleffes.
le
de
Fauray quelque avanture
plus intereffante à envoyerpour
le mois prochain , cette jeune
Angloife pourra mesme me
fournir celle de fes amours avec
parent du Milord, car quoy
qu'avec tout le merite poffible ;
il s'eft trouvé qu'elle eftoit fille
d'un Chirurgien de Douvres.
C'est pour cela qu'elle fçavoit
fi bien faigner. On avoit mis
de grands obftacles à ce mariage, ces obftacles ont donné
lieu à une intrigue fecrette en-
GALANT 47
tre ces deux jeunes amants ,
dont on m'a promis les particu-.
laritez romanefques , quoyque
vrayes, pour pouvoir meriter
L'impreffion
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Résumé : DE LONDRES.
L'auteur écrit une lettre à Londres, espérant une paix prochaine et proposant un échange de lettres. Il raconte l'histoire d'une jeune Anglaise et de son fiancé, parent d'un lord. La jeune femme voulait que son fiancé cesse de consommer du tabac, croyant que l'odeur lui causait des vapeurs. Bien qu'il évitât de fumer en sa présence, elle imaginait qu'il portait une tabatière sur lui, ce qui la faisait s'évanouir. Un jour, il plaça une tabatière pleine de tabac dans la poche de sa maîtresse sans qu'elle le sache. Lorsqu'elle la découvrit, elle voulut s'évanouir mais ne put le faire, transformant la situation en plaisanterie. Plus tard, la jeune femme décida de le faire saigner pour le guérir d'une maladie, malgré son aversion pour les saignées. Elle simula la procédure de manière ludique, mais finit par le faire réellement, le guérissant ainsi. Elle conclut que les couples mariés doivent se corriger mutuellement leurs faiblesses. L'auteur mentionne également qu'il pourrait recevoir des détails plus intéressants sur les amours de la jeune Anglaise, fille d'un chirurgien de Douvres, et les obstacles rencontrés pour leur mariage.
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41
p. 169-181
DE VIENNE en Austriche.
Début :
La fille d'un bourgeois de cette Ville, âgée de [...]
Mots clefs :
Accouchée, Sage-femme, Amant, Tourrière, Couvent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DE VIENNE en Austriche.
DE VIENNE
en Auftriche.
MONSIE
re
CONSIEUR ,
Pardonnez à un Allemand qui fçait à peine
le François , de vous efcriune avanture , & de
prétendre qu'on la mette
fous la preffe : c'est un ma
riage qui fe fit l'année
paffee , & quejene crains
plus de rendre public à
Juin 1712.
P
170 MERCURE
Paris comme ill'aefte icy,
parce que le mary a efte
tué en Flandre & la
femme eft morte defa feconde couche. Si l'un ou
l'autre eftoit encore en vie
je me garderois bien de
vous envoyer cette avanture.
La fille d'un bourgeois
de cette Ville , âgée de dixfept à dix-huitans , n'ayant
plus ny père ny mere
retira chez une vieille tante qui cut pour fon éduca-
,
fe
GALANT. 171
tion tous les foins & toute
l'attention poffible. Cette
bonne femme eut le malheur d'avoir pour locataire un avanturier des bords
de la Garonne , Peintre en
chambre , & Chevalier en
ville, & Gafcon de profeffion , crut trouver un party confiderable dans la recherche de cette fille , &
pour gagner l'efprit de ſa
tante qui n'avoit point
d'autre heritiere qu'elle ,
exagera l'excellence & l'u
tilité de fon art en luy
perfuadant que fon travail
,
Pij
172 MERCURE
joint aux talents de fa niece leur procureroient un
eſtabliſſement confiderable ; les complaiſances du
Peintre pour la vieille , fi
rent de fi grands progrez
fur elle , qu'elle difpola fa
niece au mariage , en faveur duquel elle donnoit
tout fon bien , en ſe refer
vant feulement l'ufufruit
fa vie durant. Pendantcet
intervale le Gafcon vit
fouvent fa belle , & le re
gardantdeflors commefon
époux , elle n'eut pas la
force de refifter à fes em-
GALANT. 173
preffemens Le galant fa
tisfait du cofté de l'amour
ne l'eftoit pas du cofté de
l'intereft ; la referve de l'ufufruit ne luy plaifoit pas.
Il employatouteforte d'artifices pour qu'on ſe relafchaft fur cet article ; cependant la Tante tint ferme ,
& dit qu'elle ne vouloit
rien innover aux claufes du
Contrat. Le perfide qui
fçavoit mieux diffimuler
qu'époufer , ne laiffa pas.
que deprendreparole pour
la celebration qui devoit fe
faire le 20. Aouft 1711. A
P iij
174 MERCURE
jour nommé il va à l'Eglife,
& faifant l'empreffé pour
chercher le Preftre , il dif
parut fans qu'on ait ſceu
depuis ce temps- là ce qu'il
eft devenu. Chacun fe regarde , murmure , &toutes
reflexions faites, les Parens
s'en retournerent fort con
fternez. Marianne avoit
plus d'une raifon pour eſtre
plus affligée que les autres.
Une raifon ne parut à fa
famille que quelques mois
aprés. Elle voulut prevénir
cet éclat en perfuadant à
la bonne femme de con-
GALANT.'s
fentir qu'elle alla cacher
au fond d'un Cloiftre l'affront qu'elle avoit receu à
l'Eglife . Sa Tante la mena
au Convent dés le lende
main. Elle y fut receuë
parune femmehabillée en
Tourriere , & elle fut fe cacher réellement dans une
maiſon feculiere où elle
trouva une femme habile
& charitable qui luy faifoit
efperer de luy rendre la
beauté de fa taille deux
mois aprés, qui la mena dás
un Parloir , où aprés avoir
attendu quelque temps , la
Piiij
176 MERCURE
A
meſme Touriere luy vint
dire que la Mere Prieure
eftoit malade , la bonne
tante qui fe trouvoit fort
incommodée ce jour-là ,
s'en retourna avec précipitation chez elle , & laiffa
fa niece dans le Parloir ;
elle en fortit un peu aprés
avec la Touriere qui la me
na chez elle pour achever
à loifir & en fecret , ce que
l'amour avoit commencé
de mefme. Le lendemain
on fut fort inquiet de la
niece dans le Convent où
l'on l'attendoit tousjours ,
GALANT. 177
ה & chez la tante qui l'avoit
laiffée au Convent ; mais
cette Tourriere eftoit une
fage - femme déguisée qui
avoitfait connoiffance depuis quelques jours avecla
Tourriere à qui elle vouloit fucceder,luy difoit- elle,
parce que laTourriere vouloit fortir de ce Convent
pour aller dans un autre.
On ne put donc avoir aucunes nouvelles ny de cette
fauſſe Tourriere , ny de la
niece , ce qui donna un
tel chagrin à la tante desja tres- malade , qu'elle en
178 MERCURE
mourut de chagrin quelque temps aprés,juftement
dans le temps que fa niece
ignorant la maladie de ſa
tante , achevoit fon terme
fatal.
La Sage-femme porte
l'enfant à l'Eglife dans le
milieu de la nuit pour tenir
plus fecret ce petit fruit
d'iniquité.
Quel fut l'eftonnement
du Preftre & de la Sagefemme , quand ils virent
entrer à deux heures aprés
midy dix ou douze jeunes
gens éclairez par des flam-
GALANT. 179
beaux , tous bouteilles ou
verres à la main , & quelques uns à demiyvres , qui
s'emparerent de la nourriffe & de l'enfant , & les
menoit en triomphe par
toute la Ville , en chantant
toutes les Chanſons qui
pouvoient convenir à la
naiffance dérobée d'un tel
enfant ? Le bruit que cela
fit réveilla toute la Ville &
par confequent le Magiftrat qui voulut faire mettre la troupe en priſon ſans
unplus yvre qui le prit par.
la main , & comme il n'a-
180 MERCURE
1
voit pas main forte avec
luy la clique Bachique
l'emmena droit à la maiſon
cù eftoit l'accouchée qui
penfa mourir defrayeur de
la galanterie que luy faifoit fon Amant : car c'eftoit
luy mefme qui ayant eſté
averti à table que la Tante
de fa Maiftreffe eftoit morte , & en mesme temps que
fon petit fucceffeur eftoit à
l'Eglife , avoit fait une reflexion d'yvrogne en penfant que les autres avoient
executé, commevous avez
veu , en ſon eſprit qu'en
GALANT. 181
t faifant entrer le Magiftrat
jufques dans la chambre
de l'accouchée : l'yvrogne
luy dit ; voilà ma femme
qu'avez-vous à dire ? c'eſt
tout ce que put tirer le Magiftrat qui d'ailleurs galant
homme les pria civilement
de fe retirer chacun chez
eux , & l'accouchée revenuë de cette aubade , époufale lendemain fonAmant,
qui voulut bien dès ce jour
recueillir avec elle la fucceffion que la Tante n'a-
*
voit pas voulu leur donner
defon vivant
en Auftriche.
MONSIE
re
CONSIEUR ,
Pardonnez à un Allemand qui fçait à peine
le François , de vous efcriune avanture , & de
prétendre qu'on la mette
fous la preffe : c'est un ma
riage qui fe fit l'année
paffee , & quejene crains
plus de rendre public à
Juin 1712.
P
170 MERCURE
Paris comme ill'aefte icy,
parce que le mary a efte
tué en Flandre & la
femme eft morte defa feconde couche. Si l'un ou
l'autre eftoit encore en vie
je me garderois bien de
vous envoyer cette avanture.
La fille d'un bourgeois
de cette Ville , âgée de dixfept à dix-huitans , n'ayant
plus ny père ny mere
retira chez une vieille tante qui cut pour fon éduca-
,
fe
GALANT. 171
tion tous les foins & toute
l'attention poffible. Cette
bonne femme eut le malheur d'avoir pour locataire un avanturier des bords
de la Garonne , Peintre en
chambre , & Chevalier en
ville, & Gafcon de profeffion , crut trouver un party confiderable dans la recherche de cette fille , &
pour gagner l'efprit de ſa
tante qui n'avoit point
d'autre heritiere qu'elle ,
exagera l'excellence & l'u
tilité de fon art en luy
perfuadant que fon travail
,
Pij
172 MERCURE
joint aux talents de fa niece leur procureroient un
eſtabliſſement confiderable ; les complaiſances du
Peintre pour la vieille , fi
rent de fi grands progrez
fur elle , qu'elle difpola fa
niece au mariage , en faveur duquel elle donnoit
tout fon bien , en ſe refer
vant feulement l'ufufruit
fa vie durant. Pendantcet
intervale le Gafcon vit
fouvent fa belle , & le re
gardantdeflors commefon
époux , elle n'eut pas la
force de refifter à fes em-
GALANT. 173
preffemens Le galant fa
tisfait du cofté de l'amour
ne l'eftoit pas du cofté de
l'intereft ; la referve de l'ufufruit ne luy plaifoit pas.
Il employatouteforte d'artifices pour qu'on ſe relafchaft fur cet article ; cependant la Tante tint ferme ,
& dit qu'elle ne vouloit
rien innover aux claufes du
Contrat. Le perfide qui
fçavoit mieux diffimuler
qu'époufer , ne laiffa pas.
que deprendreparole pour
la celebration qui devoit fe
faire le 20. Aouft 1711. A
P iij
174 MERCURE
jour nommé il va à l'Eglife,
& faifant l'empreffé pour
chercher le Preftre , il dif
parut fans qu'on ait ſceu
depuis ce temps- là ce qu'il
eft devenu. Chacun fe regarde , murmure , &toutes
reflexions faites, les Parens
s'en retournerent fort con
fternez. Marianne avoit
plus d'une raifon pour eſtre
plus affligée que les autres.
Une raifon ne parut à fa
famille que quelques mois
aprés. Elle voulut prevénir
cet éclat en perfuadant à
la bonne femme de con-
GALANT.'s
fentir qu'elle alla cacher
au fond d'un Cloiftre l'affront qu'elle avoit receu à
l'Eglife . Sa Tante la mena
au Convent dés le lende
main. Elle y fut receuë
parune femmehabillée en
Tourriere , & elle fut fe cacher réellement dans une
maiſon feculiere où elle
trouva une femme habile
& charitable qui luy faifoit
efperer de luy rendre la
beauté de fa taille deux
mois aprés, qui la mena dás
un Parloir , où aprés avoir
attendu quelque temps , la
Piiij
176 MERCURE
A
meſme Touriere luy vint
dire que la Mere Prieure
eftoit malade , la bonne
tante qui fe trouvoit fort
incommodée ce jour-là ,
s'en retourna avec précipitation chez elle , & laiffa
fa niece dans le Parloir ;
elle en fortit un peu aprés
avec la Touriere qui la me
na chez elle pour achever
à loifir & en fecret , ce que
l'amour avoit commencé
de mefme. Le lendemain
on fut fort inquiet de la
niece dans le Convent où
l'on l'attendoit tousjours ,
GALANT. 177
ה & chez la tante qui l'avoit
laiffée au Convent ; mais
cette Tourriere eftoit une
fage - femme déguisée qui
avoitfait connoiffance depuis quelques jours avecla
Tourriere à qui elle vouloit fucceder,luy difoit- elle,
parce que laTourriere vouloit fortir de ce Convent
pour aller dans un autre.
On ne put donc avoir aucunes nouvelles ny de cette
fauſſe Tourriere , ny de la
niece , ce qui donna un
tel chagrin à la tante desja tres- malade , qu'elle en
178 MERCURE
mourut de chagrin quelque temps aprés,juftement
dans le temps que fa niece
ignorant la maladie de ſa
tante , achevoit fon terme
fatal.
La Sage-femme porte
l'enfant à l'Eglife dans le
milieu de la nuit pour tenir
plus fecret ce petit fruit
d'iniquité.
Quel fut l'eftonnement
du Preftre & de la Sagefemme , quand ils virent
entrer à deux heures aprés
midy dix ou douze jeunes
gens éclairez par des flam-
GALANT. 179
beaux , tous bouteilles ou
verres à la main , & quelques uns à demiyvres , qui
s'emparerent de la nourriffe & de l'enfant , & les
menoit en triomphe par
toute la Ville , en chantant
toutes les Chanſons qui
pouvoient convenir à la
naiffance dérobée d'un tel
enfant ? Le bruit que cela
fit réveilla toute la Ville &
par confequent le Magiftrat qui voulut faire mettre la troupe en priſon ſans
unplus yvre qui le prit par.
la main , & comme il n'a-
180 MERCURE
1
voit pas main forte avec
luy la clique Bachique
l'emmena droit à la maiſon
cù eftoit l'accouchée qui
penfa mourir defrayeur de
la galanterie que luy faifoit fon Amant : car c'eftoit
luy mefme qui ayant eſté
averti à table que la Tante
de fa Maiftreffe eftoit morte , & en mesme temps que
fon petit fucceffeur eftoit à
l'Eglife , avoit fait une reflexion d'yvrogne en penfant que les autres avoient
executé, commevous avez
veu , en ſon eſprit qu'en
GALANT. 181
t faifant entrer le Magiftrat
jufques dans la chambre
de l'accouchée : l'yvrogne
luy dit ; voilà ma femme
qu'avez-vous à dire ? c'eſt
tout ce que put tirer le Magiftrat qui d'ailleurs galant
homme les pria civilement
de fe retirer chacun chez
eux , & l'accouchée revenuë de cette aubade , époufale lendemain fonAmant,
qui voulut bien dès ce jour
recueillir avec elle la fucceffion que la Tante n'a-
*
voit pas voulu leur donner
defon vivant
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Résumé : DE VIENNE en Austriche.
En 1711, à Vienne, une jeune fille orpheline de dix-sept à dix-huit ans vit chez sa tante, qui l'élève avec soin. Un aventurier, peintre et gascon, loue une chambre chez elles et cherche à épouser la jeune fille pour hériter de sa fortune. Il séduit la tante en vantant ses talents et ceux de sa nièce, obtenant ainsi son consentement au mariage. Cependant, le jour de la cérémonie, l'aventurier disparaît mystérieusement. Quelques mois plus tard, la jeune fille, nommée Marianne, est envoyée dans un couvent pour cacher sa grossesse. Elle est trompée par une fausse tourière et accouche en secret. L'enfant est déposé à l'église, mais est ensuite enlevé par un groupe de jeunes gens ivres. Le père de l'enfant, également ivre, intervient et révèle au magistrat que Marianne est sa maîtresse. Après avoir constaté la situation, le magistrat les laisse partir. La tante de Marianne meurt de chagrin peu après. Finalement, l'amant de Marianne décide de l'épouser et de recueillir la succession de la tante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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42
p. 98-100
SUR L'AMOUR.
Début :
Il est passé cet âge heureux [...]
Mots clefs :
Amour, Tendresse, Sagesse, Maîtresse, Amant, Galant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUR L'AMOUR.
SUR L'AMOUR.
ILeft paffé cet âge heureux
De la primitive tendreffe ,
Où le refpect , la fageffe
Gouvernoient les cœurs
amoureux .
La Maiſtreffe tousjours fevere ,
Tenoit l'Amant tousjours
foumis :
GALANT. 99
Que le pauvre efclave euſt
commis
Une offenſe la plus legere ,
Auffi-toft penitence auftere ,
Exil en deſert tenebreux ,
Jeûne exact , long & rigoureux.
Brefc'eftoit ferveur de Novices ,
Pour le fexe quelles delices ?
Il eft paffé cet âge heureux ,
Un air plus froid qu'à l'ordinaire ,
Un rien defefpereroit l'AI ij
100 MERCURE
mant ,
Aujourd'huy c'est tout autrement ,
Sur un rien le galand efpere.
ILeft paffé cet âge heureux
De la primitive tendreffe ,
Où le refpect , la fageffe
Gouvernoient les cœurs
amoureux .
La Maiſtreffe tousjours fevere ,
Tenoit l'Amant tousjours
foumis :
GALANT. 99
Que le pauvre efclave euſt
commis
Une offenſe la plus legere ,
Auffi-toft penitence auftere ,
Exil en deſert tenebreux ,
Jeûne exact , long & rigoureux.
Brefc'eftoit ferveur de Novices ,
Pour le fexe quelles delices ?
Il eft paffé cet âge heureux ,
Un air plus froid qu'à l'ordinaire ,
Un rien defefpereroit l'AI ij
100 MERCURE
mant ,
Aujourd'huy c'est tout autrement ,
Sur un rien le galand efpere.
Fermer
Résumé : SUR L'AMOUR.
Le texte relate l'évolution des relations amoureuses. Autrefois, les amants respectaient et vénéraient leurs maîtresses, acceptant des pénitences sévères pour des offenses mineures. Aujourd'hui, les amants s'irritent facilement, marquant une ère plus froide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 59-76
HISTORIETTE.
Début :
Une veuve de qualité tres-âgée & tres-riche avoit pris [...]
Mots clefs :
Veuve, Demoiselle, Succession, Épouser, Négociation, Hôte, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE.
HISTORIETTE:
UNe veuve de qualité
très-âgée & très-riche
avoit pris auprès d'elle
une Demoiselle fort pauvre
,
mais d'une famille
tres -
noble, jeune, belle,
ôc d'un tres-grand merite
; & estoit tellement
attachée à elle qu'elle lui
promit de lui laisser tout
son bien si elle vouloit
rester auprès d'elle sans
se marier tant qu'elle vivroit,
cette vieille Dame
n'ayantpourtant que soixante
& douze ans, pouvoir
vivre assez, longtemps
pour la fairevieillir
fille auprès d'elle.
Cette aimable personne
qui pouvoitavoir desja
vingt
-
deux - ou vingttrois
ans, estoit plus ob..
servée de cette maiftreiTc;
quelle ne l'eust esté d'un
mary jaloux;car la vieille
craignoit que quelque
engagement de coeur
ne l'engageait à se marier
malgré
-
l'esperance
de sa succession
5
cependant deux Amants
trouverent moyen de lui
faire des declarations d'amour
: le premier estoit
un vieux gentilhomme
très-riche qu'elle auroit
peut-estre accepté pour
mary plustost que dercC,
ter avec sa vieille, pire
encore pour elle quun
vieuxmari, mais elleestoit
aimée d'un homme
qu'elle aimoit aussi. Cet
homme avoit pour ne se
point marier des raisons
à peu près pareilles àcelles
de sa maistresse; premierement
point de bien
par lui
-
mesme, & n'en
esperant que d'un vieil
oncle. Ce vieil oncle le
vouloit marier d'un autrecosté,
Se l'avoit menacé
plusieurs fois de le
desheriter s'iln'épousoit ,
une personnequ-ils'estoit
mis en teste de luy donner
, & le neveu n'osoit
lui dire absolument qu'il
ne l'épouseroit pas, mais
trouvoit tous les jours de
nouveaux prétextes de
< differer ce mariage,qu'il
avoit bien resolu de ne
jamais executer. C'estoit
un caprice de sononcle
qui pouvoit passer ou Hnir
par sa morts;il attiendoit
cette mort sans la
denrer
,
mais pourtant
avec un peu d'impatience
; ensorte que d'un autre
costé son amour le
prenant pour la jeune
personne dont la passion
n'estoit pas moins forte
que la sienne
, tous deux
semarierent,mais Secrètement
pour ne pas perdre
les successionsqu'ils esperoient.
Cellequ'il épousoit
avoit pris pour nom
Julie,
Julie & avoit cache le
sien,&: celui de sa famille
pour ne la pas deshonorer
en se mettant en
service. Son nom ignoré
luy fit grand bien, car
l'ondeayant eu quelque
avis de ce mariage secret
de son neveu,apprit bien
le vray nom de celle que
son neveu époufoit par
les perquisitions qu'il fit
à la paroisse où ils s'estoient
mariez; mais ne
connoissant point le vray
nom qu'il trouva sur le
Registre, & ne pouvant
pas deviner que c'estoit
- une fille de Chambre, le
neveuse consola du bien
de son oncle qu'il perdoit,
parce que du moins
la vieille ne pouvant sçavoir
le mariage sa femmeavoitde
soncosté cette
successionqui leur su£
firoit à tous deux pour
vivre assezàleur aise.
Ce neveu cacha donc obstinement
à son oncle le
nom de sa femme, ne
pouvant nier qu'il nefuft
marié
,
&C fut quelque
temps sans la voir pour
nerien risquer en cette
occasion.
L'oncle fut si piqué
dumariage de son neveu
,
qu'il resolut d'époufer
une jeune personnequ'ilaimoitdepuis
quelque temps, ôC 4?
luy donner tous ses biens
en mariage.
Pendant ce temps -là
Julie estoit fort pressée
par son vieux Amant, ôc
lui donnoit pour exeuse
l'affectionqu'elle portoit
à sa maistresse, qui la faifoit
resoudre à ne la point
quitter, le vieux Amant
ne croyant pas qu'il pust
y avoir d'autre obstacle
que celuy
-
là, s'avisa de
faire amitié avec la vieilj
le, & de ménager auprès
d'ellequ'elle luy loüast
une partie de sa maison
qui luy estoit fort inutile
parce quelle ne l'occupoit
pas; elle luy ceda
plustost par amitié que
par interest , & Julie fut
fort surprise quand elle
vit que le vieillard luy
faisoit une telle galanterie,
& luy promit d'obtenir
de sa vieille maistresse,
qu'elle confentist
à ce mariage qui ne la
fepareroit point de Julie
qu'elle vouloit tousjours
voir. En effet quelque
temps après non seulement
la vieille consentit
à voir Julie mariée à son
vieux hoste, car elle jugea
quec'estoitun moyen
de l'attacher encore plus
à elle, empeschant par
là qu'elle ne pensast à
quelque autre mariage:
elle proposa donc cette
affaire à Julie qui se defsendit
fort sur une resolution
qu'elle avoit prise
de ne se jamais marier.
Cette negociation dura
quelque temps, mais les
amours de Julie & de
son mary secretn'avoient
pû estre si cachez que
quelqu'un de la maison
n'en eust des soupçons,
non pas du mariage fait
mais de leur amour, cet
incident fut un coup terrible
pour Julie, car sa
Inaiftretfe, pour rompre
cette intrigue, luy donna
pour alternative, ou de
rompre avec elle pour
tousjours ,iou d'époufer
son hoste, 6C elle ne luy
donna que huit jours de
delay,ensorte que Julie
vit par ce coup inévitabla
la successionde la
vieille perduë pour elle..
& celle del'oncle estant
desja perduë pour son
mary. On peut juger du
desespoir où se trouverent
ces jeunes mariez.
Sur ces entrefaites le
vieux Amant tomba malade,
ilavoit plus de quatre-
vingt ans, mais ny sa
maladie, nyson âge ne
diminuant
diminuant point son amour,
& se voyant prest
de mourir il fit un testament
captieux, par lequel
il laissoit tout son
bien à Julie à condition
qu'elle ne sust point
mariée , ôC qu'elle ne
se mariast jamais; ce
testament, quelque mauvais
qu'il sust, ne laissa
pas d'estre admirable
pour nos jeunes mariez,
puifquil empescha
le vieillard de faire d'autres
dispositions de son
bien qui leur revint naturellement
,parce que
ce vieillard estoit justement
l'oncle du mary & , que Julie l'avoit ménagé
pour l'empescher
,ci'oster son bien à ion neyeju,
qui eust tout perdu
si par malheur l'oncle avoit
pû découvrir qu'il
estoit son rival heureux.
Le neveune laissapas de
commencer un procez
contre Julie pour cacher
à la vieillequ'elle sust sa
femme, & Julie ensuite
tourna si bien son esprit
qu'elle proposad'ellemesme
à ce neveu d'épouser
Julie par accommodement
,
ensorte que
les mariez après avoir af.
seuré à la vieille que Julie
nela quitteroit jamais,
& que son mary occuperoit
le logement de son
oncle,avouërent leur mariage
, 8( heriterent peu
de temps aprés de la
bonne vieille qui leur
laissa tout. PARODIE
UNe veuve de qualité
très-âgée & très-riche
avoit pris auprès d'elle
une Demoiselle fort pauvre
,
mais d'une famille
tres -
noble, jeune, belle,
ôc d'un tres-grand merite
; & estoit tellement
attachée à elle qu'elle lui
promit de lui laisser tout
son bien si elle vouloit
rester auprès d'elle sans
se marier tant qu'elle vivroit,
cette vieille Dame
n'ayantpourtant que soixante
& douze ans, pouvoir
vivre assez, longtemps
pour la fairevieillir
fille auprès d'elle.
Cette aimable personne
qui pouvoitavoir desja
vingt
-
deux - ou vingttrois
ans, estoit plus ob..
servée de cette maiftreiTc;
quelle ne l'eust esté d'un
mary jaloux;car la vieille
craignoit que quelque
engagement de coeur
ne l'engageait à se marier
malgré
-
l'esperance
de sa succession
5
cependant deux Amants
trouverent moyen de lui
faire des declarations d'amour
: le premier estoit
un vieux gentilhomme
très-riche qu'elle auroit
peut-estre accepté pour
mary plustost que dercC,
ter avec sa vieille, pire
encore pour elle quun
vieuxmari, mais elleestoit
aimée d'un homme
qu'elle aimoit aussi. Cet
homme avoit pour ne se
point marier des raisons
à peu près pareilles àcelles
de sa maistresse; premierement
point de bien
par lui
-
mesme, & n'en
esperant que d'un vieil
oncle. Ce vieil oncle le
vouloit marier d'un autrecosté,
Se l'avoit menacé
plusieurs fois de le
desheriter s'iln'épousoit ,
une personnequ-ils'estoit
mis en teste de luy donner
, & le neveu n'osoit
lui dire absolument qu'il
ne l'épouseroit pas, mais
trouvoit tous les jours de
nouveaux prétextes de
< differer ce mariage,qu'il
avoit bien resolu de ne
jamais executer. C'estoit
un caprice de sononcle
qui pouvoit passer ou Hnir
par sa morts;il attiendoit
cette mort sans la
denrer
,
mais pourtant
avec un peu d'impatience
; ensorte que d'un autre
costé son amour le
prenant pour la jeune
personne dont la passion
n'estoit pas moins forte
que la sienne
, tous deux
semarierent,mais Secrètement
pour ne pas perdre
les successionsqu'ils esperoient.
Cellequ'il épousoit
avoit pris pour nom
Julie,
Julie & avoit cache le
sien,&: celui de sa famille
pour ne la pas deshonorer
en se mettant en
service. Son nom ignoré
luy fit grand bien, car
l'ondeayant eu quelque
avis de ce mariage secret
de son neveu,apprit bien
le vray nom de celle que
son neveu époufoit par
les perquisitions qu'il fit
à la paroisse où ils s'estoient
mariez; mais ne
connoissant point le vray
nom qu'il trouva sur le
Registre, & ne pouvant
pas deviner que c'estoit
- une fille de Chambre, le
neveuse consola du bien
de son oncle qu'il perdoit,
parce que du moins
la vieille ne pouvant sçavoir
le mariage sa femmeavoitde
soncosté cette
successionqui leur su£
firoit à tous deux pour
vivre assezàleur aise.
Ce neveu cacha donc obstinement
à son oncle le
nom de sa femme, ne
pouvant nier qu'il nefuft
marié
,
&C fut quelque
temps sans la voir pour
nerien risquer en cette
occasion.
L'oncle fut si piqué
dumariage de son neveu
,
qu'il resolut d'époufer
une jeune personnequ'ilaimoitdepuis
quelque temps, ôC 4?
luy donner tous ses biens
en mariage.
Pendant ce temps -là
Julie estoit fort pressée
par son vieux Amant, ôc
lui donnoit pour exeuse
l'affectionqu'elle portoit
à sa maistresse, qui la faifoit
resoudre à ne la point
quitter, le vieux Amant
ne croyant pas qu'il pust
y avoir d'autre obstacle
que celuy
-
là, s'avisa de
faire amitié avec la vieilj
le, & de ménager auprès
d'ellequ'elle luy loüast
une partie de sa maison
qui luy estoit fort inutile
parce quelle ne l'occupoit
pas; elle luy ceda
plustost par amitié que
par interest , & Julie fut
fort surprise quand elle
vit que le vieillard luy
faisoit une telle galanterie,
& luy promit d'obtenir
de sa vieille maistresse,
qu'elle confentist
à ce mariage qui ne la
fepareroit point de Julie
qu'elle vouloit tousjours
voir. En effet quelque
temps après non seulement
la vieille consentit
à voir Julie mariée à son
vieux hoste, car elle jugea
quec'estoitun moyen
de l'attacher encore plus
à elle, empeschant par
là qu'elle ne pensast à
quelque autre mariage:
elle proposa donc cette
affaire à Julie qui se defsendit
fort sur une resolution
qu'elle avoit prise
de ne se jamais marier.
Cette negociation dura
quelque temps, mais les
amours de Julie & de
son mary secretn'avoient
pû estre si cachez que
quelqu'un de la maison
n'en eust des soupçons,
non pas du mariage fait
mais de leur amour, cet
incident fut un coup terrible
pour Julie, car sa
Inaiftretfe, pour rompre
cette intrigue, luy donna
pour alternative, ou de
rompre avec elle pour
tousjours ,iou d'époufer
son hoste, 6C elle ne luy
donna que huit jours de
delay,ensorte que Julie
vit par ce coup inévitabla
la successionde la
vieille perduë pour elle..
& celle del'oncle estant
desja perduë pour son
mary. On peut juger du
desespoir où se trouverent
ces jeunes mariez.
Sur ces entrefaites le
vieux Amant tomba malade,
ilavoit plus de quatre-
vingt ans, mais ny sa
maladie, nyson âge ne
diminuant
diminuant point son amour,
& se voyant prest
de mourir il fit un testament
captieux, par lequel
il laissoit tout son
bien à Julie à condition
qu'elle ne sust point
mariée , ôC qu'elle ne
se mariast jamais; ce
testament, quelque mauvais
qu'il sust, ne laissa
pas d'estre admirable
pour nos jeunes mariez,
puifquil empescha
le vieillard de faire d'autres
dispositions de son
bien qui leur revint naturellement
,parce que
ce vieillard estoit justement
l'oncle du mary & , que Julie l'avoit ménagé
pour l'empescher
,ci'oster son bien à ion neyeju,
qui eust tout perdu
si par malheur l'oncle avoit
pû découvrir qu'il
estoit son rival heureux.
Le neveune laissapas de
commencer un procez
contre Julie pour cacher
à la vieillequ'elle sust sa
femme, & Julie ensuite
tourna si bien son esprit
qu'elle proposad'ellemesme
à ce neveu d'épouser
Julie par accommodement
,
ensorte que
les mariez après avoir af.
seuré à la vieille que Julie
nela quitteroit jamais,
& que son mary occuperoit
le logement de son
oncle,avouërent leur mariage
, 8( heriterent peu
de temps aprés de la
bonne vieille qui leur
laissa tout. PARODIE
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Résumé : HISTORIETTE.
Le texte relate l'histoire d'une veuve riche et âgée qui accueille une jeune demoiselle noble, pauvre mais méritante. La veuve promet de léguer toute sa fortune à la jeune femme à condition qu'elle reste à son service sans se marier. La jeune femme, âgée de vingt-deux ou vingt-trois ans, accepte malgré les avances de deux amants : un vieux gentilhomme riche et un homme qu'elle aime réciproquement. Ce dernier, ne pouvant se marier sans perdre l'héritage d'un vieil oncle, épouse secrètement la jeune femme, qui se fait appeler Julie pour cacher son identité. L'oncle du mari découvre le mariage mais ne devine pas l'identité de Julie. Pendant ce temps, Julie est courtisée par le vieux gentilhomme, qui obtient de la vieille dame une partie de sa maison. La vieille dame, voulant garder Julie auprès d'elle, propose de la marier à son vieil hôte. Julie refuse initialement, mais un domestique révèle leur amour secret. La vieille dame donne alors à Julie le choix entre rompre avec elle ou épouser l'hôte. Julie et son mari, désespérés, voient leurs héritages menacés. Le vieux gentilhomme, malade, laisse sa fortune à Julie à condition qu'elle ne se marie jamais. Après sa mort, le neveu de Julie intente un procès pour cacher leur mariage à la vieille dame. Finalement, Julie propose à ce neveu de l'épouser pour régler le problème. Les jeunes mariés avouent leur union à la vieille dame, qui leur légue toute sa fortune peu après.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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44
p. 3-47
HISTORIETTE, traduite de l'Espagnol.
Début :
Deux jeunes Cavaliers de Seville devinrent amoureux d'une belle personne [...]
Mots clefs :
Don Fernand, Beatrix, Veuve, Fille unique, Poltron, Confidente, Se déguiser, Jaloux, Mariage, Espagnol, Jardin, Amant, Lettre, Porte, Rival, Don Juan
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texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE, traduite de l'Espagnol.
HI STO RIETTE,
.', traduite de l'Espagnol.
Eux jeunes Cavaliers
de Sevilledevinrentamoureux.
d'une belle personnequi
senommoit Beatrix EHe
étoit aussi riche que bel-
Te-" étant fille unique
d'un homme qui avoit
été Gouverneur des Indes
, où il avoit amassé
de grands biens. Il s'appelloit
Don à Cuarado.
L'un des deux amans dfëg.
Beatrix étoit DonFernand,
parti convenable
au pere, parce - qu'il étoit
aussi fort riche: mais
Don Felix, qui avoit
moinsde bien, avoit
touché le coeur de Bea-r
trix. Il étoit d'une valeur
distinguées & Don
Fernand n'étoit pas fort
brave, quoy qu'Espagnol.
(Ilya des poltrons
dans toutes sortes de nations,
& même dans la
nôtre) ajoûte l'auteur
Espagnol.
Ces deux amans ne
manquoient pas un jour
\ase trouver dans une petite
ruë peu frequentée,
où donnoit une fenêtre
de l'appartement de Beatrix,
qui avoit aussi corn*
munication sur un jardin,
dont une petite porte
à demicondamnée
rendoit dans cette petite
ruë. Les deux amans venoient
separément sur le
foir aux environs de ce
jardin:mais l'amant poltron
se donnoit bien de
garde dese montrer lorsqueDon
Felix paroissoit;
il lé concentoit de
l'observer comme un jaloux,
& dés qu'il étoit
parti, il alloitchanter&
soûpirersous lesfenêtres
de Beatrix, dont il n'étoit
presque pas écouté.
Il faut remarquer que
ce jardin,dont la petite
porte donnoitsur la ruë,
étoit commun à la maison
de Beatrix 8£ à une
autre où logeoit une veuve
fort belle, qui voyoit
en cet endroit un troisiéme
Cavalier al'indu de
ses parens. Les choses
étant ainsi disposées, D.
Fernand prit le parti de
demander Beatrix à son
pere,&l'obtintaisément
à cause de ses richesses.
Le mariage fut resolu
promtement;& les conventions
étant faites, il
prit jour pour donner
une fête à sa maîtresse
,
dans les jardins d'Alfarache.
Don Felix apprit bientôt
toutes ces choses par
Donna Hermandez
f suivante de Beatrix, 8c
qui étoit la confidente
de son amour. Don Felix
resolut de parler à Beatrix,
qui neparoissoit
plus à la fenêtre depuis
qu'onl'avoit promise à
Don Fernand, soit par
devoir, soit parce que
Don Fernand lui avoit
fait défendre par son pere
d'entrer dans l'appartement
dont la fenêtre
lui servoit à voir Don
Felix.
Ce Cavalier avertidu
jour que la fête se devoit
donner dans les jardins
d'Alfarache, gagna
le jardinier, qui lui permit
de se déguiser comme
s'il eût été un autre
jardinier qui lui vinst aider
à cüeillir des fleurs,
&, préparer des feüillées
pour la fete. Don Felix
ainsi déguiséen jardinier
se mit à travailler dans
de petits cabinetsde verdure
qu'on ornoit avec
des festons de fleurs;&
comme il y en avoit plusieurs,&
que les Dames
de la famille de Beatrix
& de Fernand se promenoient
de l'un à l'autre,
il épia l'occasionde parler
à Beatrix, & se confia
à unvalet de la fête,
dont la suivante Hermandez
recevoit volontiers
les hommages 3 8C
ce valet ayant été avertir
Beatrix & la suivante,
elles se détacherent des
autres Dames,& vin-
;it.
rent voir travailler le
jardinier- amant Don
Felix.
Le jaloux Don Fernand
qui s'apperçut de
ces menées, avoit suivi
de loin Beatrix; & la
voyant parler familièrement
à ce jardinier, s'approchoit
insensiblement
pour les examiner:mais
Don Felix l'ayant apperçû
avant qu'il fùraffez
prés pour en estrereconnu
, prit son parti
dans le moment, & dit
à Beatrix & à la suivante,
qui vouloient fuir,
qu'elles restassent à l'endroitoù
ellesétoient; &
aussitôt avec une promtitude
incroyable il rentra
fous le cabinet de verdure,
où il avoit laissé
le valet amant de la fuivante
; & l'ayant revef-
, tu de son habit de jardinier,
qui étoit fort remarquable
quoy qu'à la
brune, parce qu'il étoit
de serge blanche, il i'in-j
struisit en deux mots de
ce qu'il devoit faire. i
Ce valet, que D. Fernand
prit pour le mesme
qu'ilavoit déjaveu
avec Beatrix, la pria de
trouver bon qu'il lui parlât
familièrement, pour,
faire croire au jaloux
Don Fernand qu'il étoit
ale mefine. En effet en p prochant illes trouva
parlant dumariage,
de ce jard inieravecHermandez,
illui parut vraisemblable
que Beatrix
voulust bienfamiliariser
par bonté avec l'amant
de sa suivante, pour la
marier: & cela dissipa
pour cette fois-là le soupçon
de Fernand, qui
les eût empeschez de
prendre les mesures qu'-
ils vouloient prendre,
parce que le pere de Beatrix
eût fait éclat sur
cette intrigue; ce qui 3* siarriva point ce jourlà.
Cette fête fut fort
galante: mais ellen'ennuya
pas moins Beatrix,
qui feignit même d'estre
malade pour la faire
cesserplûtost. Ainsichacun
étant retourné chez
foy, la signature du contrat
fut resoluë pour le
lendemain:mais la maladie
feinte ou veritable
de Beatrix la retarda de
quelques jours, pendant
lesquels Don Felix fut
surpris par D. Fernand
dans
dans une autre tentative
qu'il fit pour parler à
Beatrix. Don Fernand
fut desesperé 5 &nese
sentant pas assez de courage
pour se battre contre
Don Felix, il saisit
une occasion que le hazard
lui fournit, pour se
vanger sans rien hazarder.
Voici comment la
chose arriva.
Beatrix au desespoirs;
&C obsérvée de siprés,
qu'elle n'avoit plûs aucune
esperance de pouvoir
parler à Don Felix,
chargea d'une lettre pour
lui un petit laquais Maure
qu'elle avoit auprès
d'elle; & Don Fernand,
à qui tout étoit suspect,
voyant sortir le soir ce
petit Maure, lui fit avoüer
,
à force de menaces
& de coups,qu'il
étoit. chargé d'une lettre
pour Don Felix. Il
ouvrit la lettre, qui étoit
écrite en ces termes.
Le desespoir ou me met
un mariage queje ne puis
fias retarder, m'afait oublier
devoir, respect &
obeissance. Un pere cruel
aura voulu en vain disposer
de la confiante Beatrix
ytf)sil m'ôte à celui
que fatrne, du moins il
ne serapasenson polivoir
de me livrer à celui que
je hais. Ce malheur cruel
ma fait prendre une resolution
desesperée : si vous
maimeZj autant que je
'vousaime,ha^arde^out
pour entrer à l'heure de
minuit dans le petit jardin.
se hasarderai tout
pour rrij trouver avec,
Hermandez, qui veut
bien suivre ma malheureuse
destinée. Vous nom
menerez dans un sonvwty
ou, j.',ai une tante,
qui me recevra par çitie',
& j'y passerai le reste de
mes jours.
La premiere idée qui
vint à Don Fernand, fut
de se trouver au rendezvous
au lieu de son rival
aimé, & de prendre
une cruelle vangeance
de Beatrix, en la surprenant
en faute. Il gagna,
ou crut gagner par argent
le petit Maure,qui
lui promit en effet de
dire à Beatrix qu'il avoit
donné la lettre à
Don Félix: mais ce petit
Maure dit à Beatrix
comment la chose s'é-
: toit passéc. Ainsi elle ne
fut point au rendezvous,
où Don Fernand
attendit encore deux
heures par-delà celle du
rendez-vous. Enfin il entendit
que quelqu'un
marchoit dans le jardin:
Ja nuit étoit fort noire;
il ne douta point que ce
ne fût Beatrix & sa suivante
, & c'etoit en esset
unemaîtresse & une
fuivanre ; c'étoie cette
veuve dont nous avons
parlé, qui avoit donné
rendez- vous dans le même
jardin à un brave
Cavalier; qui dévoie
l'emmener chez lui, 6C
l'épouser malgré ses parens
,
c'est à dire malgré
les parens de laveuve,
qui vouloient l'obliger à
un autre mariagequi
convenoit mieux à leurs
interêrs. Cette ressemblanced'intrigue
& Iobscurité
de la nuit produisirent
une conversation
à voix basse, qui
fut équivoque pendant
quelques nlorrftns, la
veuve prenant Don Fernand
pour son Cavalier,
& Don Fernand la prenant
pour Beatrix. Mais
cette double erreur ne
put durer long-temps,
& la choseéclairciemit
la veuve au desespoir >
elle conjura Don Fernand
de lui garder le secret.
Il rêva quelque
temps au parti qu'il avoit
à prendre sur une
a aiavanturesi
singuliere ;
& voici ce qu'il lui répondit.
Madame, étant
amant comme celui que
vous Attendez, &
la même necessité rienlcver
celle que j'aime, parce
que[el parens font aulft
déraisonnables que les vôtres
,
la conformité d'avanture
me fait prendre
part à votre situation :
liachcZ-J donc que j'ai rencontré
en venant ici le Cavalier
qui doit vous venir
prendre. Il entroit en
même temps que moy dans
cette petite rue, & j'ai
entendu en payantqu'il
disoit à quelqu'un qui l'accompagnai
: Attendons
que cet homme-ci n'y
foit plus; car à coup sur
on ne S'impatientera
point dans le jardin,&
il ne faut pas risquer d'y
estredécouvert. jitnfi (continua Don Fernand,
qui inventoic sur
le eh mp ce qu'ildifoit
) je suis sur que votre
amant attend au coin
de la rue, & qu'en me
voyantsortirilviendra:
A - je vais même l'arvertir de
ce qui cft arrivé9 je laisserai
la porte ouverte , je le ramenerai., (t)nprés
vous avoir aidez, dans
votre entreprise
,
j'aurai
tout le loisir d'accomplir
la mienne; car ma Beatrix
ne doit venir que
sur les trois heures après
minuit, & l'impatience
damant mavoit fait
prévenir lheure de beaucoup.
jittendtZjdonc patiemment
, je vait chercher
votre amant, &
je rentreraiici avec lui.
La veuve remercia
affectueusement D. Fernand,
&: lui dit qu'elle
rattendroir. Il sortit à
tâtons: il rveut pas fait
vingt pas dans la rue,
qu'il entendit marcher,
èc c'étoit le Cavalierqui
venoit au rendezvous.
Il l'aborda,& lui
dit d'une voix mysterieuse
: Est-ce vous, Don Juan? (car il avoic
appris son nom de
la veuve.) Don Juan luidemanda qui il étoir
:Ïe fuis, lui dit-il,
votre rival, mais un rival
malheureux, qui ne
suis pas plus aimé que
VOUS de la veuve perfide
qui nous trahit tous
deux, têsi vous avez,
du courage, vous devez,
vous joindre à moy pour
vous vanger d'un rival
heureux, qui doit cette
même nuit enlevercelle
qui nous méprise. Don
Juan étoit naturellement
vif& jaloux, &C
fut si étourdi d'une infidélité
à laquelle il s'attendoit
si peu, qu'il
ne fit pas reflexion qu'
il n'était pas tout-àfait
vrai-semblable que
sa maîtresse eustchoisi
)
pour se faire enlever par
¿
tin autre, la mesme nuit
qu'elle lui donnoit à lui
pour rendez-vous. Il
entra d'abord en fureur
contre ce pretendu rival
qui devoit enlever
sa maîtresse. Don Fernand
lui dit que pour
peu qu'il attendît
,
il le
verroitvenir, &C quensuitil
verroit la veuve
sortir avec lui du
jardin: en un mot, que
s'il vouloit attendre patiemment
dans une porteenfoncée
qui n'étoitr
pas loin de celle du jardin,
il seroit témoin de
lenlevement
, & seroit
contraint d'avouer qu'
en intrigues de femmes
les circonstances qui paroissent
les moins vraisemblables
sont quelquefois
les plus vrayes.
Don Fernand, après
avoir posté Don Juan
en embuscade dans la
porte enfoncée,SCfuivant
à tout hazard le
projet qu'ils'écoit formé,
court au logis de
Don Felix, qui n'étoit
pas fort loin de là, heurte
très-fort à la porte.
Onseréveille, un valet
de Don Felix vient
ouvrir; illui donne la
lettre, lui disant qu'un
incident fâcheux l'avoit
empesché d'executer
à l'heure nommée la
commission que lui avoit
donnée Beatrix de
rendre cette lettre : mais
que si Don Félix Ce pressoit
fort, il seroit encore
temps dexecuter
ce qui écoit porté dans
la lettre. Il donna les
meilleures raisons qu'il
put pour justifier la lettre
décachetée : mais enfin
elle étoit écrite de la
propre main de Beatrix
, &, cela ne pouvoit
estre douteux à
Don Félix. Don Fernand
court au plus vîte
dire à la veuve que son
amant Don Juan alloit
venir la prendre. Elle
va au-devant à la porte
du jardin, où arrivoit
Don Felix. Alors Don
Fernand dit tout bas à
la veuve de sortir au
plus vîce, parce qu'il
entendoit quelqu'un du
logis qui couroit après
elle. Don Felix prit la
veuve par la main. La
crainte d'estre suivie entrecoupant
la voix de
la veuve , ÔC l'obscurité,
laissaDonFélixdans
l'erreur tout le temps
qu'ils mirent à rraverfer
la ruë. Ilcroyoitenlever
sa Beatrix, pendant
que Don Fernand
fut avertir le Cavalier
amant de la veuve qu'il avoit porté dans)
la parte enforcée. Cet
amant transportéde fureur
court à sa veuve;
& l'accablant de reproches
& d'injures
,
surprit
fort Don Felix
It
qui croyoit que ces reproches
s'adreffoient à
sa Beatrix,qu'il croyoit
encore tenir par la main;
car tout cela se fit si
promptement, qu'il n'étoit
pas encore détrompé.
Don Felix piqué
au vif, met l'épée à la
main, charge l'autre,
qui le receut en homme
brave & jaloux.
Laissons-les se battre,
oC retournons à Don
Fernand, qui fut ravi
d'avoirreüssi à faire attaquer
Don Felix pat
ce jaloux furieux; car
il n'avoit tramé cette
avanture nocturne que
pour se défaire, sans se
commettre, d'un rival
qu'il craignoit. Il fuivoit
de loin nos combattans
, pour voir la
reüssite du combat,
quand il se sentit faisir
par deux ou trois
hommes; & c'étoit les
gens du logis de la veuve,
qui le prenant pour
celui qui l'avoit enlevée,
l'emmenerent dans
le jardin, & le jetterent
dans un caveau, où ils l'enfermerent
promptement, pour courir
après la veuve, qu'-
ils ne purent rejoindre;
car dans le moment
qu'elle eut entendu la
voix de Don Juan, &
que le combat commença
,
elle avoit fui
toute effrayée, & n'osant
retourner chez elle
,
elle étoit allée se
réfugier chez une de
ses amies, qui ne logeoic
pas loin de Jà.
Retournons à nos deux
combattans. Don Felix
receut d'abord deux
grands coups depée:
mais il pouffa si vivement
son ennemi, quaprés
l'avoir blessé en
plusieurs endroits trésdangereusement
, il le
desarmatomba enfuite
faite de foiblesse à côté
de son ennemi. Ces mêmes
hommes qui avoient
enfermé Don
Fernand dans le caveau,
arriverent jusqu'à l'endroitoùétoient
les blef
fez; &: l'un d'eux
J
qui
étoit parent de la veuve,
reconnut Don Felix
,
dont il étoit ami.
Quelle fut sa surprise !
Don Felix le reconnut,
& d'une voix
mourante lui demanda
du secours
, & pria quon
en donnâtaussi à
son adversaire, qui se
trouva entièrementévanoui.
Cet ami les fit
emporter chez lui, c'est
à dire dans la maison
de la veuve, où il logeoit.
On leur donna
du secours, on les mit
chacun dans un lit; 8c
quand ils furent en état
de s'expliquer, toute
l'avanturenoéturne
se débrouilla par un éclaircissement.
Les deux
blessez furent au defespoir
de s'êtreainsi
mat-trairez, 6L l'indignation
de tous tomba
sur Don Fernand,
qu'on laissa passer la
nuit dans le caveau,
pour le mettre lelendemain
entre les mains
de la Justice.
Don Felix, qui ne
pouvoit se consoler d'avoir
b!e(re trés-dangereusement
Don Juan,-¡
obtint de son ami qu"--
on lui donneroit laveuve
en mariage : car cet
ami, parent de la veuve
,
avoit un grand credit
auprès de ses autres
parens.
-
A l'égard de Don
Felix, il se trouva que
ses deux blessures n'étoient
pas dangereuses.
Il empêcha qu'on ne
mît Don Fernand entre
les mains de la Justice
: mais il pria qll'-::
on avertît le pere de
Beatrix de tout ce qui
s'était passé la nuit. Ce
pere étoit hommed'honneur
, quoique feroce-
Il alla trouver Don Fernand
, & lui declara
qu'un homme capable
de tramer de si noires
actions étoit indigne de
sa fille; & l'ami de
Don Felix lui déclarade
sa part que s'il ne
vouloit pas se battre
contre Don Felix, il saloit
seresoudre à s'exiler
lui-même hors de
Seville. Il se seroit exilé
même d'Espagne
plûtôt , que de se battre,
&C accepta l'exil:
ce qui acheva d'indigner
contre lui le pere
de Beatrix, qui, pour
le punir encore davantage
, la donna en mariage
à son rival. Ainsi
Don Felix & Beatrix
devinrent heureux
par un incident, duquel
Don Fernand avoit
voulu se servir
pour perdre Don Felix.
.', traduite de l'Espagnol.
Eux jeunes Cavaliers
de Sevilledevinrentamoureux.
d'une belle personnequi
senommoit Beatrix EHe
étoit aussi riche que bel-
Te-" étant fille unique
d'un homme qui avoit
été Gouverneur des Indes
, où il avoit amassé
de grands biens. Il s'appelloit
Don à Cuarado.
L'un des deux amans dfëg.
Beatrix étoit DonFernand,
parti convenable
au pere, parce - qu'il étoit
aussi fort riche: mais
Don Felix, qui avoit
moinsde bien, avoit
touché le coeur de Bea-r
trix. Il étoit d'une valeur
distinguées & Don
Fernand n'étoit pas fort
brave, quoy qu'Espagnol.
(Ilya des poltrons
dans toutes sortes de nations,
& même dans la
nôtre) ajoûte l'auteur
Espagnol.
Ces deux amans ne
manquoient pas un jour
\ase trouver dans une petite
ruë peu frequentée,
où donnoit une fenêtre
de l'appartement de Beatrix,
qui avoit aussi corn*
munication sur un jardin,
dont une petite porte
à demicondamnée
rendoit dans cette petite
ruë. Les deux amans venoient
separément sur le
foir aux environs de ce
jardin:mais l'amant poltron
se donnoit bien de
garde dese montrer lorsqueDon
Felix paroissoit;
il lé concentoit de
l'observer comme un jaloux,
& dés qu'il étoit
parti, il alloitchanter&
soûpirersous lesfenêtres
de Beatrix, dont il n'étoit
presque pas écouté.
Il faut remarquer que
ce jardin,dont la petite
porte donnoitsur la ruë,
étoit commun à la maison
de Beatrix 8£ à une
autre où logeoit une veuve
fort belle, qui voyoit
en cet endroit un troisiéme
Cavalier al'indu de
ses parens. Les choses
étant ainsi disposées, D.
Fernand prit le parti de
demander Beatrix à son
pere,&l'obtintaisément
à cause de ses richesses.
Le mariage fut resolu
promtement;& les conventions
étant faites, il
prit jour pour donner
une fête à sa maîtresse
,
dans les jardins d'Alfarache.
Don Felix apprit bientôt
toutes ces choses par
Donna Hermandez
f suivante de Beatrix, 8c
qui étoit la confidente
de son amour. Don Felix
resolut de parler à Beatrix,
qui neparoissoit
plus à la fenêtre depuis
qu'onl'avoit promise à
Don Fernand, soit par
devoir, soit parce que
Don Fernand lui avoit
fait défendre par son pere
d'entrer dans l'appartement
dont la fenêtre
lui servoit à voir Don
Felix.
Ce Cavalier avertidu
jour que la fête se devoit
donner dans les jardins
d'Alfarache, gagna
le jardinier, qui lui permit
de se déguiser comme
s'il eût été un autre
jardinier qui lui vinst aider
à cüeillir des fleurs,
&, préparer des feüillées
pour la fete. Don Felix
ainsi déguiséen jardinier
se mit à travailler dans
de petits cabinetsde verdure
qu'on ornoit avec
des festons de fleurs;&
comme il y en avoit plusieurs,&
que les Dames
de la famille de Beatrix
& de Fernand se promenoient
de l'un à l'autre,
il épia l'occasionde parler
à Beatrix, & se confia
à unvalet de la fête,
dont la suivante Hermandez
recevoit volontiers
les hommages 3 8C
ce valet ayant été avertir
Beatrix & la suivante,
elles se détacherent des
autres Dames,& vin-
;it.
rent voir travailler le
jardinier- amant Don
Felix.
Le jaloux Don Fernand
qui s'apperçut de
ces menées, avoit suivi
de loin Beatrix; & la
voyant parler familièrement
à ce jardinier, s'approchoit
insensiblement
pour les examiner:mais
Don Felix l'ayant apperçû
avant qu'il fùraffez
prés pour en estrereconnu
, prit son parti
dans le moment, & dit
à Beatrix & à la suivante,
qui vouloient fuir,
qu'elles restassent à l'endroitoù
ellesétoient; &
aussitôt avec une promtitude
incroyable il rentra
fous le cabinet de verdure,
où il avoit laissé
le valet amant de la fuivante
; & l'ayant revef-
, tu de son habit de jardinier,
qui étoit fort remarquable
quoy qu'à la
brune, parce qu'il étoit
de serge blanche, il i'in-j
struisit en deux mots de
ce qu'il devoit faire. i
Ce valet, que D. Fernand
prit pour le mesme
qu'ilavoit déjaveu
avec Beatrix, la pria de
trouver bon qu'il lui parlât
familièrement, pour,
faire croire au jaloux
Don Fernand qu'il étoit
ale mefine. En effet en p prochant illes trouva
parlant dumariage,
de ce jard inieravecHermandez,
illui parut vraisemblable
que Beatrix
voulust bienfamiliariser
par bonté avec l'amant
de sa suivante, pour la
marier: & cela dissipa
pour cette fois-là le soupçon
de Fernand, qui
les eût empeschez de
prendre les mesures qu'-
ils vouloient prendre,
parce que le pere de Beatrix
eût fait éclat sur
cette intrigue; ce qui 3* siarriva point ce jourlà.
Cette fête fut fort
galante: mais ellen'ennuya
pas moins Beatrix,
qui feignit même d'estre
malade pour la faire
cesserplûtost. Ainsichacun
étant retourné chez
foy, la signature du contrat
fut resoluë pour le
lendemain:mais la maladie
feinte ou veritable
de Beatrix la retarda de
quelques jours, pendant
lesquels Don Felix fut
surpris par D. Fernand
dans
dans une autre tentative
qu'il fit pour parler à
Beatrix. Don Fernand
fut desesperé 5 &nese
sentant pas assez de courage
pour se battre contre
Don Felix, il saisit
une occasion que le hazard
lui fournit, pour se
vanger sans rien hazarder.
Voici comment la
chose arriva.
Beatrix au desespoirs;
&C obsérvée de siprés,
qu'elle n'avoit plûs aucune
esperance de pouvoir
parler à Don Felix,
chargea d'une lettre pour
lui un petit laquais Maure
qu'elle avoit auprès
d'elle; & Don Fernand,
à qui tout étoit suspect,
voyant sortir le soir ce
petit Maure, lui fit avoüer
,
à force de menaces
& de coups,qu'il
étoit. chargé d'une lettre
pour Don Felix. Il
ouvrit la lettre, qui étoit
écrite en ces termes.
Le desespoir ou me met
un mariage queje ne puis
fias retarder, m'afait oublier
devoir, respect &
obeissance. Un pere cruel
aura voulu en vain disposer
de la confiante Beatrix
ytf)sil m'ôte à celui
que fatrne, du moins il
ne serapasenson polivoir
de me livrer à celui que
je hais. Ce malheur cruel
ma fait prendre une resolution
desesperée : si vous
maimeZj autant que je
'vousaime,ha^arde^out
pour entrer à l'heure de
minuit dans le petit jardin.
se hasarderai tout
pour rrij trouver avec,
Hermandez, qui veut
bien suivre ma malheureuse
destinée. Vous nom
menerez dans un sonvwty
ou, j.',ai une tante,
qui me recevra par çitie',
& j'y passerai le reste de
mes jours.
La premiere idée qui
vint à Don Fernand, fut
de se trouver au rendezvous
au lieu de son rival
aimé, & de prendre
une cruelle vangeance
de Beatrix, en la surprenant
en faute. Il gagna,
ou crut gagner par argent
le petit Maure,qui
lui promit en effet de
dire à Beatrix qu'il avoit
donné la lettre à
Don Félix: mais ce petit
Maure dit à Beatrix
comment la chose s'é-
: toit passéc. Ainsi elle ne
fut point au rendezvous,
où Don Fernand
attendit encore deux
heures par-delà celle du
rendez-vous. Enfin il entendit
que quelqu'un
marchoit dans le jardin:
Ja nuit étoit fort noire;
il ne douta point que ce
ne fût Beatrix & sa suivante
, & c'etoit en esset
unemaîtresse & une
fuivanre ; c'étoie cette
veuve dont nous avons
parlé, qui avoit donné
rendez- vous dans le même
jardin à un brave
Cavalier; qui dévoie
l'emmener chez lui, 6C
l'épouser malgré ses parens
,
c'est à dire malgré
les parens de laveuve,
qui vouloient l'obliger à
un autre mariagequi
convenoit mieux à leurs
interêrs. Cette ressemblanced'intrigue
& Iobscurité
de la nuit produisirent
une conversation
à voix basse, qui
fut équivoque pendant
quelques nlorrftns, la
veuve prenant Don Fernand
pour son Cavalier,
& Don Fernand la prenant
pour Beatrix. Mais
cette double erreur ne
put durer long-temps,
& la choseéclairciemit
la veuve au desespoir >
elle conjura Don Fernand
de lui garder le secret.
Il rêva quelque
temps au parti qu'il avoit
à prendre sur une
a aiavanturesi
singuliere ;
& voici ce qu'il lui répondit.
Madame, étant
amant comme celui que
vous Attendez, &
la même necessité rienlcver
celle que j'aime, parce
que[el parens font aulft
déraisonnables que les vôtres
,
la conformité d'avanture
me fait prendre
part à votre situation :
liachcZ-J donc que j'ai rencontré
en venant ici le Cavalier
qui doit vous venir
prendre. Il entroit en
même temps que moy dans
cette petite rue, & j'ai
entendu en payantqu'il
disoit à quelqu'un qui l'accompagnai
: Attendons
que cet homme-ci n'y
foit plus; car à coup sur
on ne S'impatientera
point dans le jardin,&
il ne faut pas risquer d'y
estredécouvert. jitnfi (continua Don Fernand,
qui inventoic sur
le eh mp ce qu'ildifoit
) je suis sur que votre
amant attend au coin
de la rue, & qu'en me
voyantsortirilviendra:
A - je vais même l'arvertir de
ce qui cft arrivé9 je laisserai
la porte ouverte , je le ramenerai., (t)nprés
vous avoir aidez, dans
votre entreprise
,
j'aurai
tout le loisir d'accomplir
la mienne; car ma Beatrix
ne doit venir que
sur les trois heures après
minuit, & l'impatience
damant mavoit fait
prévenir lheure de beaucoup.
jittendtZjdonc patiemment
, je vait chercher
votre amant, &
je rentreraiici avec lui.
La veuve remercia
affectueusement D. Fernand,
&: lui dit qu'elle
rattendroir. Il sortit à
tâtons: il rveut pas fait
vingt pas dans la rue,
qu'il entendit marcher,
èc c'étoit le Cavalierqui
venoit au rendezvous.
Il l'aborda,& lui
dit d'une voix mysterieuse
: Est-ce vous, Don Juan? (car il avoic
appris son nom de
la veuve.) Don Juan luidemanda qui il étoir
:Ïe fuis, lui dit-il,
votre rival, mais un rival
malheureux, qui ne
suis pas plus aimé que
VOUS de la veuve perfide
qui nous trahit tous
deux, têsi vous avez,
du courage, vous devez,
vous joindre à moy pour
vous vanger d'un rival
heureux, qui doit cette
même nuit enlevercelle
qui nous méprise. Don
Juan étoit naturellement
vif& jaloux, &C
fut si étourdi d'une infidélité
à laquelle il s'attendoit
si peu, qu'il
ne fit pas reflexion qu'
il n'était pas tout-àfait
vrai-semblable que
sa maîtresse eustchoisi
)
pour se faire enlever par
¿
tin autre, la mesme nuit
qu'elle lui donnoit à lui
pour rendez-vous. Il
entra d'abord en fureur
contre ce pretendu rival
qui devoit enlever
sa maîtresse. Don Fernand
lui dit que pour
peu qu'il attendît
,
il le
verroitvenir, &C quensuitil
verroit la veuve
sortir avec lui du
jardin: en un mot, que
s'il vouloit attendre patiemment
dans une porteenfoncée
qui n'étoitr
pas loin de celle du jardin,
il seroit témoin de
lenlevement
, & seroit
contraint d'avouer qu'
en intrigues de femmes
les circonstances qui paroissent
les moins vraisemblables
sont quelquefois
les plus vrayes.
Don Fernand, après
avoir posté Don Juan
en embuscade dans la
porte enfoncée,SCfuivant
à tout hazard le
projet qu'ils'écoit formé,
court au logis de
Don Felix, qui n'étoit
pas fort loin de là, heurte
très-fort à la porte.
Onseréveille, un valet
de Don Felix vient
ouvrir; illui donne la
lettre, lui disant qu'un
incident fâcheux l'avoit
empesché d'executer
à l'heure nommée la
commission que lui avoit
donnée Beatrix de
rendre cette lettre : mais
que si Don Félix Ce pressoit
fort, il seroit encore
temps dexecuter
ce qui écoit porté dans
la lettre. Il donna les
meilleures raisons qu'il
put pour justifier la lettre
décachetée : mais enfin
elle étoit écrite de la
propre main de Beatrix
, &, cela ne pouvoit
estre douteux à
Don Félix. Don Fernand
court au plus vîte
dire à la veuve que son
amant Don Juan alloit
venir la prendre. Elle
va au-devant à la porte
du jardin, où arrivoit
Don Felix. Alors Don
Fernand dit tout bas à
la veuve de sortir au
plus vîce, parce qu'il
entendoit quelqu'un du
logis qui couroit après
elle. Don Felix prit la
veuve par la main. La
crainte d'estre suivie entrecoupant
la voix de
la veuve , ÔC l'obscurité,
laissaDonFélixdans
l'erreur tout le temps
qu'ils mirent à rraverfer
la ruë. Ilcroyoitenlever
sa Beatrix, pendant
que Don Fernand
fut avertir le Cavalier
amant de la veuve qu'il avoit porté dans)
la parte enforcée. Cet
amant transportéde fureur
court à sa veuve;
& l'accablant de reproches
& d'injures
,
surprit
fort Don Felix
It
qui croyoit que ces reproches
s'adreffoient à
sa Beatrix,qu'il croyoit
encore tenir par la main;
car tout cela se fit si
promptement, qu'il n'étoit
pas encore détrompé.
Don Felix piqué
au vif, met l'épée à la
main, charge l'autre,
qui le receut en homme
brave & jaloux.
Laissons-les se battre,
oC retournons à Don
Fernand, qui fut ravi
d'avoirreüssi à faire attaquer
Don Felix pat
ce jaloux furieux; car
il n'avoit tramé cette
avanture nocturne que
pour se défaire, sans se
commettre, d'un rival
qu'il craignoit. Il fuivoit
de loin nos combattans
, pour voir la
reüssite du combat,
quand il se sentit faisir
par deux ou trois
hommes; & c'étoit les
gens du logis de la veuve,
qui le prenant pour
celui qui l'avoit enlevée,
l'emmenerent dans
le jardin, & le jetterent
dans un caveau, où ils l'enfermerent
promptement, pour courir
après la veuve, qu'-
ils ne purent rejoindre;
car dans le moment
qu'elle eut entendu la
voix de Don Juan, &
que le combat commença
,
elle avoit fui
toute effrayée, & n'osant
retourner chez elle
,
elle étoit allée se
réfugier chez une de
ses amies, qui ne logeoic
pas loin de Jà.
Retournons à nos deux
combattans. Don Felix
receut d'abord deux
grands coups depée:
mais il pouffa si vivement
son ennemi, quaprés
l'avoir blessé en
plusieurs endroits trésdangereusement
, il le
desarmatomba enfuite
faite de foiblesse à côté
de son ennemi. Ces mêmes
hommes qui avoient
enfermé Don
Fernand dans le caveau,
arriverent jusqu'à l'endroitoùétoient
les blef
fez; &: l'un d'eux
J
qui
étoit parent de la veuve,
reconnut Don Felix
,
dont il étoit ami.
Quelle fut sa surprise !
Don Felix le reconnut,
& d'une voix
mourante lui demanda
du secours
, & pria quon
en donnâtaussi à
son adversaire, qui se
trouva entièrementévanoui.
Cet ami les fit
emporter chez lui, c'est
à dire dans la maison
de la veuve, où il logeoit.
On leur donna
du secours, on les mit
chacun dans un lit; 8c
quand ils furent en état
de s'expliquer, toute
l'avanturenoéturne
se débrouilla par un éclaircissement.
Les deux
blessez furent au defespoir
de s'êtreainsi
mat-trairez, 6L l'indignation
de tous tomba
sur Don Fernand,
qu'on laissa passer la
nuit dans le caveau,
pour le mettre lelendemain
entre les mains
de la Justice.
Don Felix, qui ne
pouvoit se consoler d'avoir
b!e(re trés-dangereusement
Don Juan,-¡
obtint de son ami qu"--
on lui donneroit laveuve
en mariage : car cet
ami, parent de la veuve
,
avoit un grand credit
auprès de ses autres
parens.
-
A l'égard de Don
Felix, il se trouva que
ses deux blessures n'étoient
pas dangereuses.
Il empêcha qu'on ne
mît Don Fernand entre
les mains de la Justice
: mais il pria qll'-::
on avertît le pere de
Beatrix de tout ce qui
s'était passé la nuit. Ce
pere étoit hommed'honneur
, quoique feroce-
Il alla trouver Don Fernand
, & lui declara
qu'un homme capable
de tramer de si noires
actions étoit indigne de
sa fille; & l'ami de
Don Felix lui déclarade
sa part que s'il ne
vouloit pas se battre
contre Don Felix, il saloit
seresoudre à s'exiler
lui-même hors de
Seville. Il se seroit exilé
même d'Espagne
plûtôt , que de se battre,
&C accepta l'exil:
ce qui acheva d'indigner
contre lui le pere
de Beatrix, qui, pour
le punir encore davantage
, la donna en mariage
à son rival. Ainsi
Don Felix & Beatrix
devinrent heureux
par un incident, duquel
Don Fernand avoit
voulu se servir
pour perdre Don Felix.
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Résumé : HISTORIETTE, traduite de l'Espagnol.
Le texte relate l'histoire de deux jeunes cavaliers de Séville, Don Fernand et Don Felix, tous deux amoureux de Beatrix, une jeune femme riche et belle, fille unique de Don Cuarado, ancien Gouverneur des Indes. Don Fernand, bien que moins brave, est préféré par le père de Beatrix en raison de sa richesse. Les deux amants se retrouvent secrètement près de la maison de Beatrix. Don Fernand, jaloux, observe Don Felix et se montre seulement après son départ. Beatrix est promise à Don Fernand, mais Don Felix, informé par la suivante de Beatrix, Donna Hermandez, tente de la voir lors d'une fête organisée par Don Fernand. Déguisé en jardinier, Don Felix parle à Beatrix et à Donna Hermandez, échappant de justesse à la découverte de Don Fernand. La fête se déroule sans incident majeur, mais Beatrix feint la maladie pour éviter Don Fernand. Plus tard, Beatrix envoie une lettre à Don Felix via un petit laquais Maure, mais Don Fernand intercepte la lettre et organise une ruse. Il se fait passer pour Don Felix à un rendez-vous nocturne dans le jardin, où il rencontre une veuve et son amant. Don Fernand manipule les deux amants, provoquant un combat entre Don Felix et l'amant de la veuve. Pendant ce temps, Don Fernand est capturé par les gens de la veuve, qui le confondent avec l'enlèveur de leur maîtresse. Après un duel, Don Felix et Don Juan sont grièvement blessés. Un parent de la veuve, ami de Don Felix, les secourt et les emmène chez lui. Une fois rétablis, ils expliquent la situation. Don Fernand, responsable de l'enchaînement des événements, est laissé en prison pour être jugé. Don Felix, désolé d'avoir blessé Don Juan, obtient la main de la veuve grâce à l'influence de son ami. Les blessures de Don Felix ne sont pas graves. Il empêche la justice de s'en mêler mais demande que le père de Béatrix soit informé. Le père de Béatrix, homme d'honneur mais sévère, refuse Don Fernand comme gendre en raison de ses actions. Forcé de choisir entre l'exil et un duel contre Don Felix, Don Fernand opte pour l'exil. En conséquence, Béatrix épouse Don Felix, rendant les deux amants heureux malgré les intentions malveillantes de Don Fernand.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 126-129
Questions, [titre d'après la table]
Début :
Cet Impromptu et sa réponse peuvent donner matière à une [...]
Mots clefs :
Impromptu, Réponse, Dissertation galante, Question, Amant, Jaloux, Raison, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Questions, [titre d'après la table]
Cet Impromptu & sa
reponse peuvent donner
marierc áune dissertation
galante, &C tenir
lieu d'une premiere question
pour le Mercure. j
f
Seconde question sur le
memesujet.
Vn amant peut-iletre
delicatsans etre jaloux ?
Troisiemequestion
morale.
Si le pauvre peut etre
1tuffi heureux que Le riche5
à vertu égale.
Quatrieme question.
Si la raison peut veritablement
etn maitreffln
de l'amour.
Onaenvoyécesquestions,
& on en redemande
par plusieurs lettres
anonimes. Voudroit-
on réveiller l'auteur
du Mercure? Cela
fera difficile, car il dort
volontairement. Il fan*
dra voir si la paix generalc
pourra lui donner
des correspondances &
des secours proportionnez
a son zel e ic a sa vanité
; car il est bien lasdc
voir courir fous son nom
des Mercures imparfaits
où il a si peu de part,
Jeprieceuxqui m'ont
donné ces questions de
m'envoyer promtement
les réponses; ils peuvent
les avoir toutes faites,& (
doivent être moins paresseux
que les autres , puis qu'ils aiment ces
fortes d'amusemens dans
le Mercure.
reponse peuvent donner
marierc áune dissertation
galante, &C tenir
lieu d'une premiere question
pour le Mercure. j
f
Seconde question sur le
memesujet.
Vn amant peut-iletre
delicatsans etre jaloux ?
Troisiemequestion
morale.
Si le pauvre peut etre
1tuffi heureux que Le riche5
à vertu égale.
Quatrieme question.
Si la raison peut veritablement
etn maitreffln
de l'amour.
Onaenvoyécesquestions,
& on en redemande
par plusieurs lettres
anonimes. Voudroit-
on réveiller l'auteur
du Mercure? Cela
fera difficile, car il dort
volontairement. Il fan*
dra voir si la paix generalc
pourra lui donner
des correspondances &
des secours proportionnez
a son zel e ic a sa vanité
; car il est bien lasdc
voir courir fous son nom
des Mercures imparfaits
où il a si peu de part,
Jeprieceuxqui m'ont
donné ces questions de
m'envoyer promtement
les réponses; ils peuvent
les avoir toutes faites,& (
doivent être moins paresseux
que les autres , puis qu'ils aiment ces
fortes d'amusemens dans
le Mercure.
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Résumé : Questions, [titre d'après la table]
Le texte présente une série de questions destinées à une dissertation galante et à une première question pour le Mercure. Ces questions explorent divers sujets, tels que la compatibilité entre délicatesse et jalousie chez un amant, la possibilité pour un pauvre d'être aussi heureux qu'un riche à vertu égale, et la capacité de la raison à maîtriser l'amour. Les questions ont été envoyées de manière anonyme, et l'auteur du Mercure est sollicité pour y répondre. Cependant, l'auteur exprime sa fatigue face aux publications imparfaites publiées sous son nom et doute de pouvoir obtenir des correspondances et des secours proportionnés à son zèle et à sa vanité. Il souhaite recevoir promptement les réponses aux questions posées et encourage les auteurs à les fournir rapidement.
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46
p. 116-117
A LA BELLE inhumaine. Par le pâle galant de la Foire Saint Germain. Avec un homme de pain d'épice.
Début :
D'un tendre amant recevez le portrait [...]
Mots clefs :
Pain d'épice, Amant, Portrait, Martyre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A LA BELLE inhumaine. Par le pâle galant de la Foire Saint Germain. Avec un homme de pain d'épice.
A LA BELLE
inhumaine.
par le faitgalant de la Foin
Saint Germain*
Avec un homme de pain kiepice-. D'Vn tendre amant
r-ecevez, le portrait
Dans cethommç depain
d'épices
Il estpâle
,
doux CYdifcret>
Desnmartyre ilsoûpire
en Jecret>
Le pauvre homme en a la jaunijïe-
inhumaine.
par le faitgalant de la Foin
Saint Germain*
Avec un homme de pain kiepice-. D'Vn tendre amant
r-ecevez, le portrait
Dans cethommç depain
d'épices
Il estpâle
,
doux CYdifcret>
Desnmartyre ilsoûpire
en Jecret>
Le pauvre homme en a la jaunijïe-
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47
p. 117-120
A LA BELLE JOUEUSE d'Hombre. Avec les deux as noirs.
Début :
Au commencement de l'année [...]
Mots clefs :
Hombre, Philis, As noirs, Fortunée, Devoirs, Vaincre, Étrennes, Amant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A LA BELLE JOUEUSE d'Hombre. Avec les deux as noirs.
A LA BELLE JOUEUSE
d'Hombre.
*vcc les detjc**nêirS' A quenzencementde
(\"Wiannée
Voici, Philis,les deux
as noirs, Qui pour vous rendre
fortunée
Viennent vous rendre
leurs devoirs.
Que la manille lesseconde,
jiïhombre vous en joue-*
rez, mieux:
lUenis ils vaincront tont F"1*sip :
Commelevadre awfuos
beauxyeuxtrai
Philis
, si de leur soin
fidelle
Vos beauxyeuxsonttoûjJoouursrsttéémmooinisnhs
; S'ilstouchent cette main
fidelle,
Ils serontpayez, de leurs
soins.
Qu'un tierstoûjours infatigable
Quittant brelan f5lans
quenet, Ne quitte jamaisvôtre
table,
Etse pique jusqu'au hi.
net.
Voila ce que pour vos
étrennes
Unamant vous offre en
ce jou;
Iris,faites quepour les
fiennes
Il devienne heureux en
amour.
d'Hombre.
*vcc les detjc**nêirS' A quenzencementde
(\"Wiannée
Voici, Philis,les deux
as noirs, Qui pour vous rendre
fortunée
Viennent vous rendre
leurs devoirs.
Que la manille lesseconde,
jiïhombre vous en joue-*
rez, mieux:
lUenis ils vaincront tont F"1*sip :
Commelevadre awfuos
beauxyeuxtrai
Philis
, si de leur soin
fidelle
Vos beauxyeuxsonttoûjJoouursrsttéémmooinisnhs
; S'ilstouchent cette main
fidelle,
Ils serontpayez, de leurs
soins.
Qu'un tierstoûjours infatigable
Quittant brelan f5lans
quenet, Ne quitte jamaisvôtre
table,
Etse pique jusqu'au hi.
net.
Voila ce que pour vos
étrennes
Unamant vous offre en
ce jou;
Iris,faites quepour les
fiennes
Il devienne heureux en
amour.
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Résumé : A LA BELLE JOUEUSE d'Hombre. Avec les deux as noirs.
Le poème 'A LA BELLE JOUEUSE' est dédié à Philis. Il utilise des termes de jeu de cartes pour exprimer des sentiments amoureux. Le poète souhaite que Philis soit fortunée et que ses yeux, comparés à des atouts gagnants, soient toujours victorieux. Il espère que ses soins constants soient récompensés et que Philis, représentée par Iris, trouve le bonheur en amour.
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48
p. 193-219
HISTORIETTE.
Début :
Il y auroit plus d'Amans heureux que l'on en voit, [...]
Mots clefs :
Amants, Marquis, Conseiller, Comte, Jeune héritière, Soeur, Parente, Coeur, Pouvoir, Amant, Mariage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE.
HISTORIETTE,
IL y auroit plus d'Amans
heureux que l'on n'en voit
fi on laiffoit l'amour mail
tre de fes entrepriſes , mais
s'il peut toucher les coeurs
quand il luy plaiſt , il n'a
pas toûjours le pouvoir de
les unir. Des obftacles invincibles
renverfent fouvent
fes plus grands deffeins
, & ce qui eft le plus
chagrinant , c'eft qu'il fe
Mars
1714.
R
194 MERCURE
rencontre des occafions où
il fe nuit par luy même.
Un jeune Homme de qualité
, qui ayant un Marquifat
eftoit Marquis à bon titre,
devint amoureux d'une
des plus aimables Perfonnes
de la Ville où il demeuroit.
Elle eftoit d'une Famille
de Robe , & un Frere
unique qu'elle avoit
eftoit Confeiller au Parlement
de fa Province
mais il s'attendoit bien à
monter avec l'âge dans des
Charges plus confidéra-
Eles. Ce Frere eftoit alors
GALANT. 195
fur le point de revenir d'un
voyage d'Italie , & quoy
que fon retour fuft fort
proche , le Marquis nelaiffa
pas de faire affez de progrés
dans le coeur de cette
Belle , avant qu'il fuft revenu.
Elle eftoit vive naturel.
lement,, pleine de foins &
de zele pour ce qu'elle aimoit
, & fi fenfible à l'amitié
qu'on luy témoignoit
,
qu'il y avoit fujet d'efperer
que les empreffemens
de
l'amour ne luy feroient pas
indifférens
. Elle trouva le
Marquis affez aimable
Rij
196 MERCURE
>
pour le perfuader qu'elle
en pourroit eftre aimée , &
elle eftoit trop fincere pour
douter long- temps de la
fincerité des autres fur
tout quand ils eftoient agréables
. Enfin de la ma.
niere dont le Confeiller
vit les chofes difpofées à
fon retour
il jugea bien
qu'il ne feroit plus chargé
de fa Soeur , qu'autant que
des Articles de mariage à
regler le demanderoient
car elle ne dépendoit que
de luy. Le Marquis fit tous.
les pas neceffaires , & les
GALANT
* . 197
Amans alloient eftre heureux
, s'il n'y euft point eu
d'autre amour que le leur
dans leur Famille . Le Marquis
avoit une Couſine germaine
, qui eftoit demeurée
feule Heritiere d'un
grand Ben , par la mort
de fon Pere & de fa Mere.
Elle eftoit tombée fous fa
Tutelle , parce qu'un autre
Tuteur qu'elle avoit eu
d'abord , cftoit mort depuis
fix mois. C'eftoit au jeune
Tuteur à difpofer de fa jeu
ne Pupille ; mais elle avoit
difpofé elle mefme de fon
FR iij
198 MERCURE
coeur , fans avis de Parens .
Un Gentilhomme fort fpirituel
, & qui avoit affez
de naiffance , pour pouvoir
prendre le titre de Comte ,
avoit entrepris de plaire à
la Belle , & luy avoit plû.
Il avoit fait diverfes Campagnes
avec beaucoup de
dépenfe , & affez de réputation
. Cela ébloüiffoit fort:
l'aimable Héritiere
avoit le coeur tres - bien placé
. Par malheur pour le
Marquis , le Confeiller la
vit trop fouvent , & fon
coeur en fut touché. Elle
qui
THEQUE
GALANT.
BIBLIO
avoit tout l'air d'une
LY
BAD
DE
LA
VILLE
de naiſſance , une certain e
fierté qui luy feyoit bien ,
moins de beauté que de
manieres agréables , & un
art particulier de fe faire
extrémement valoir , fans
avoir pourtant d'orgueil
qui choquaft . Peut - eftre
auroit - il choqué dans une
Perfonne, qui cuft eu moins
de naiffance , moins de jeuneffe
, & moins de Bien .
Elle ne regardoit guére les
Hommes qu'avec une efpece
de dédain . Le Comre
eftoit le plus excepté ; en-
R iiij
200 MERCURE
core le traitoit elle quelquefois
comme les autres
, quand elle en avoit
envie . Tout cela charma
le Confeiller, Ileftoit affez
riche pour ne devoir pas
eftre foupçonné d'aimer la
jeune Heritiere pour fon
Bien. Cependant il ne laif
fa peut eft e pas d'avoir
quelques veues de ce coftélà.
Ce qui luy parut d'un
fort bon augure pour fa
paffion , ce fut l'amour du
Marquis & de fa Soeur. 11
trouvoit mefme quelque
chofe d'agréable à s'imaGALANT
. 201
giner la double alliance de
leurs Maifons , & l'échange
qu'elles ferojent entreelles
de ces deux jeunes
Perfonnes . Il découvrit fon
deffein au Marquis , & luy
exagera fort le plaifir qu'il
fe feroit de devenir fon
Coufin-germain , en mef
me temps qu'il deviendroit
fon Beau -frere . Le Marquis
ne reçût point cette
propofition avec autant de
joye qu'il euft dû naturellement
la recevoir . Il luy
parut auffi - toft , fans qu'il
fçuft trop pourquoy , que
202 MERCURE
4
c'eftoit une difficulté furvenue
à fes affaires il
euft beaucoup mieux aimé
qu'on n'euft parlé que d'une
alliance. Cependant
quand il y eut fait refléxion
, il ne trouva pas que
le mariage du Confeiller
avec la Parente , duft cftre
une chofe fi malaisée , &
it fe perfuada , ou il tâcha
de fe le perfuader que
quand mefme il ne fe feroit
pas , cela n'apportéroit
point d'obſtacle à fon
bonheur. Il alla donc propofer
le Confeiller à fa
.
GALANT. 103
Coufine , avec toute l'addreffe
dont fa paffion le
rendoit capable ; mais elle
luy fit connoiftre combien
elle eftoit peu difpofée à
fonger à ce Party . Il pric
encore trois ou quatre fois
le temps le plus favorable
qu'il put , pour traiter la
mefme matiere mais ce
fut toûjours inutilement .
Le Comte n'eftoit point
trop connu pour un Amant
de la Parente du Marquis ,
& moins encore pour un
Amant qu'elle aimaſt . Elle
avoit avec luy une manie-
>
204 MERCURE
re d'agir fi inégale , que
l'on eftoit bien embaraffé à
pouvoir juger de ce qui
eftoit entre eux . Ainfi le
Marquis ne fceut pas précifement
s'il devoit fe prendre
au Comte , de l'éloi
gnement que fa Coufine
montroit pour leConfeiller,
ou s'il ne devoit s'en pren
dre qu'au peu d'inclination
qu'elle faifoit voir en general
pour la Robe , ce qui
femblait eftre affez natu
rel à une jeune Perfonne ,
dont les yeux font plus fla
tez de l'équipage d'un Ca.
GALANT.
205
valier , que de celuy d'un
Magiftrat , & dont les oreilles
fe plaifent davantage au
récit d'une Campagne
qu'à celuy du jugement
d'un Procés. Le Marquis
fit entendre au Confeiller .
le plus honneftement qu'il
luy fur poffible , le mauvais
fuccés de fa négotiation. 11
ne luy en dit qu'un partie ,
pour l'accoûtumer douce
ment au déplaifir d'être refufé
, & il quita ce difcours
fort vifte , pour luy parler
de ce qui le regardoit
mais le Confeiller luy parut
206 MERCURE
fort refroidy fur le mariage
de fa Soeur , & le Marquis
jugea bien déflors qu'il auroit
de la peine à eftre le
Beau- frere du Confeiller ,
s'il ne devenoit auffi fon
Coufin. Il fit de nouveaux
efforts fur fa Parente , qui
luy parut toûjours moins
difpofée à faire ce qu'il
vouloit. Il loüa le Confeiller
& toute la Robe & dit
tout le mal qu'il put des
Gens d'Epée . Il alla meſme
jufqu'à tourner le Comte
en ridicule , & juſqu'à
le décrier , fans épargner
•
GALANT . 207
que fon nom ; mais tout
cela ne gagna rien fur cette
Parente . A la fin voyant
qu'il ne pouvoit luy donner
de gouft pour le Confeiller
, il crut devoir le dégoûter
d'elle . Il luy dit en confidence
qu'elle n'eftoit pas
d'une humeur aiſée , & qu'-
elle donneroit aſſez de peine
à un Mary ; que mefme
elle n'avoit pas autant de
Bien qu'on s'imaginoit ,
qu'il le fçavoit mieux qu'un
autre , puis qu'il eftoit fon`
Tuteur ; mais le Confeiller
ne fe rendit point à ces ar-
&
208 MERCURE
tifices . Il foupçonna que le
Marquis ne les employoit
que pour ſe diſpenſer de le
fervir de tout fon pouvoir ,
& dans l'humeur chagrine
où il fe trouva , il luy déclara
fort nettement que le
feul moyen d'obtenir la
Soeur , eftoit de le faire aimer
de fa Parente . Le Marquis
qui eftoit fort amoureux
, fut au défefpoir. Il
repréſenta au Confeiller ,
avec toute la force & toute
la vivacité imaginable
qu'il ne devoit pas eftre
puny des bizarreries de fa
Pupille
GALANT. 209
Pupille ; mais le Confeiller
fut inexorable
. Sa Soeur
commença
à fentir pour
la jeune Heritiere
, toute la
haine qu'elle euft pû avoir
pour une Rivale . Elle n'en
parloit jamais que comme
d'une Demoifelle de Campagne
, qu'une fierté ridicule
rendoit infuportable
par tout , & qui fe croyoit
d'une meilleure Maifon
qu'une autre , parce que
fes Parens n'avoient pas
coûtume de demeurer dans
les Villes . Le Comte eftoit
charmé de la réfiftance
Mars 1714.
"
S
110 MERCURE
qu'on faiſoit pour luy aux
volontez du Marquis ; mais
il fut au déſeſpoir , quand
le Marquis dit un jour à
fa Coufine , d'un ton ferme
& prefque abfolu , que
fi c'eftoit à caufe du Comte
'qu'elle refufoit le Confeiller
, elle devoit s'affeurer
qu'il s'oppoferoit toûjours
de tout fon pouvoir aux
prétentions de cet Amant.
Elle nia que le Comte fuft
fon Amant , & qu'elle l'euft
jamais regardé fur ce piedlà
. Le Comte qui vit fes
affaires en défordre , s'aviGALANT.
21I
fa d'un expédient affez extraordinaire
. Il confidera
qui s'il pouvoit rompre l'u
nion du Marquis & de l'aimable
Perfonne à qui il
eftoit fi fort attaché , le
Marquis ne s'obſtineroit
plus à vouloir donner fa
Parente au Conſeiller ;
mais comment mettre mal
enfemble deux Perfonnes
qui s'aimoient fi tendrement
1 eftoit entreprenant
ne défefperoit jamais
de rien , & fur tout
il comptoit beaucoup fur
l'inconftance des Femmes.
,
Sij
212 MERCURE
Ainfi de concert avec la
jeune Heritiere , il réfolut
de fe feindre Amant de la
Soeur du Confeiller , & de
la conduire à faire une infidélité
au Marquis . Il fe
rendit peu à peu & fans
marque d'affectation , plus
affidu à la voir. Comme il
n'eftoit pas Amant déclaré
de l'Heritiere , fa conduite
ne parut pas fi étrange.
Le Confeiller luy - mefme
qui le foupçonnoit d'eftre
fon Rival , eftoit bien - aiſe
de commencer à avoir lieu
d'en douter. L'Heritiere de
GALANT . 20:3
fon cofté , qui vouloit favorifer
les affiduitez du
Comte chez la Soeur du
Confeiller , recevoit le Confeiller
bien plus agréablement
, depuis que le Comte
alloit moins fouvent chez
elle . Ainfi il n'y ayoit que le
Marquis à qui le nouvel attachement
du Comte ne
plaifoit pas trop. Elle eftoit
née pour la tendreffe , mais
non pas pour la conftance.
Elle avoit un coeur qui recevoit
des impreffions affez
vivement mais encore plus
facilement . Enfin elle eftoit
214 MERCURE
faite comme la plupart des
Femmes ont accoûtumé de
l'eftre . Le Comte avoit de
l'aſcendant ſur le Marquis.ll
l'étoufoit , & l'empefchant
de paroiftre en fa préfence ,
il pouffoit la converſation
jufqu'à un ton de gayeté &
d'enjouëment , où le Marquis
ne pouvoit aller , &
avoit l'adreſſe de mettre
toujours fon Rival hors de
fon génie naturel . La diférence
qui eftoit entre - eux ,
frapoit trop les yeux de la
Belle pour nnee la pas déterminer
en faveur du Com-
3
GALANT .
215
te. D'abord elle luy applaudiffoit
bien plus qu'au
Marquis. Enfuite elle le
trouva beaucoup plus à dire
quand il n'eftoit pas chez
elle , que quand le Marquis
n'y eftoit pas. Enfin
foit par fes regards , foit par
fes manieres, elle luy donna
une préference fi viſible ,
que le Marquis , aprés plufieurs
plaintes qui furent
affez mal reçûës , ne pút
douter qu'il ne fuft trahy.
Le Confeiller qui fe crut
heureux , fur ce qu'il ne
trouvoit plus le Comte en
216
MERCURE
fon chemin , & qui s'apper- '
eevoit qu'il eftoit micux
dans l'efprit de l'Heritiere ,
s'imagina que
le
temps
eftoit favorable pour pref
fer le Marquis d'achever
ce qu'il avoit commencé ;
mais le Marquis luy répondit
léchement , que fa Soeur
avoit changé , qu'elle l'avoit
quitté pour un autre , qu'il
ne fongeoit plus à elle ; &
vous ne devez pas trouver
mauvais , pourfuivir - il , que
je vous redile ce que vous
m'avez dit fi fouvent , que
nous ne pouvons faire aucunc
GALANT. 217
>
cune alliance , fi nous n'en
faifons deux à la fois. Jamais
le Confeiller ne fut
plus furpris . Il querella fa
Soeur , & luy fit mille reproches
. Il éloigna tout- àfait
le Comte de chez luy
& de Comte en fut trescontent.
La Seur meſme
qui foupçonna quelque
trahison ; auroit fouhaité
de tout fon coeur fe raccommoder
avec le Marquis.
Le Confeiller y travailla
de tout fon pouvoir ;
mais le Marquis ne put digerer
l'injure qu'on luy
Mars
1714.
T
218
MERCURE
pas
;
avoit faite . Le Comte , qui
eftoit caufe de toute cette
révolution , ne fut pas plus
heureux que les autres . Son
deffein luy avoit paru plai
fant à imaginer , & à executer
mais il n'en avoit
bien préveu les fuites.
Le Marquis conceur pour
luy toute la haine que l'on
peut avoir pour un Rival.
il mit bon ordre à empef
cher qu'il ne put voir fouvent
la jeune Heritiere , &
il fouleva tellement toute
la Parenté contre luy >
qu'il n'auroit pas efté bien
GALANT .• 0219
receu à parler de Mariage .
Ainfi perfonne ne ſe maria ;
ce ne fut que divifion de
tous coftez. Peut - eftre
quand la belle Heritiere
fera en âge de difpofer
d'elle , elle fera choix du
Comte qui l'aime toujours
; mais dans le temps
qu'il faudra attendre , c'eſt
grande merveille , fi l'une
des deux paffions ne s'affoiblit.
Aprés tout pour
tant , elles pourront ne s'affoiblir
pas , car les deux
Amans ne fe voyent guére.
IL y auroit plus d'Amans
heureux que l'on n'en voit
fi on laiffoit l'amour mail
tre de fes entrepriſes , mais
s'il peut toucher les coeurs
quand il luy plaiſt , il n'a
pas toûjours le pouvoir de
les unir. Des obftacles invincibles
renverfent fouvent
fes plus grands deffeins
, & ce qui eft le plus
chagrinant , c'eft qu'il fe
Mars
1714.
R
194 MERCURE
rencontre des occafions où
il fe nuit par luy même.
Un jeune Homme de qualité
, qui ayant un Marquifat
eftoit Marquis à bon titre,
devint amoureux d'une
des plus aimables Perfonnes
de la Ville où il demeuroit.
Elle eftoit d'une Famille
de Robe , & un Frere
unique qu'elle avoit
eftoit Confeiller au Parlement
de fa Province
mais il s'attendoit bien à
monter avec l'âge dans des
Charges plus confidéra-
Eles. Ce Frere eftoit alors
GALANT. 195
fur le point de revenir d'un
voyage d'Italie , & quoy
que fon retour fuft fort
proche , le Marquis nelaiffa
pas de faire affez de progrés
dans le coeur de cette
Belle , avant qu'il fuft revenu.
Elle eftoit vive naturel.
lement,, pleine de foins &
de zele pour ce qu'elle aimoit
, & fi fenfible à l'amitié
qu'on luy témoignoit
,
qu'il y avoit fujet d'efperer
que les empreffemens
de
l'amour ne luy feroient pas
indifférens
. Elle trouva le
Marquis affez aimable
Rij
196 MERCURE
>
pour le perfuader qu'elle
en pourroit eftre aimée , &
elle eftoit trop fincere pour
douter long- temps de la
fincerité des autres fur
tout quand ils eftoient agréables
. Enfin de la ma.
niere dont le Confeiller
vit les chofes difpofées à
fon retour
il jugea bien
qu'il ne feroit plus chargé
de fa Soeur , qu'autant que
des Articles de mariage à
regler le demanderoient
car elle ne dépendoit que
de luy. Le Marquis fit tous.
les pas neceffaires , & les
GALANT
* . 197
Amans alloient eftre heureux
, s'il n'y euft point eu
d'autre amour que le leur
dans leur Famille . Le Marquis
avoit une Couſine germaine
, qui eftoit demeurée
feule Heritiere d'un
grand Ben , par la mort
de fon Pere & de fa Mere.
Elle eftoit tombée fous fa
Tutelle , parce qu'un autre
Tuteur qu'elle avoit eu
d'abord , cftoit mort depuis
fix mois. C'eftoit au jeune
Tuteur à difpofer de fa jeu
ne Pupille ; mais elle avoit
difpofé elle mefme de fon
FR iij
198 MERCURE
coeur , fans avis de Parens .
Un Gentilhomme fort fpirituel
, & qui avoit affez
de naiffance , pour pouvoir
prendre le titre de Comte ,
avoit entrepris de plaire à
la Belle , & luy avoit plû.
Il avoit fait diverfes Campagnes
avec beaucoup de
dépenfe , & affez de réputation
. Cela ébloüiffoit fort:
l'aimable Héritiere
avoit le coeur tres - bien placé
. Par malheur pour le
Marquis , le Confeiller la
vit trop fouvent , & fon
coeur en fut touché. Elle
qui
THEQUE
GALANT.
BIBLIO
avoit tout l'air d'une
LY
BAD
DE
LA
VILLE
de naiſſance , une certain e
fierté qui luy feyoit bien ,
moins de beauté que de
manieres agréables , & un
art particulier de fe faire
extrémement valoir , fans
avoir pourtant d'orgueil
qui choquaft . Peut - eftre
auroit - il choqué dans une
Perfonne, qui cuft eu moins
de naiffance , moins de jeuneffe
, & moins de Bien .
Elle ne regardoit guére les
Hommes qu'avec une efpece
de dédain . Le Comre
eftoit le plus excepté ; en-
R iiij
200 MERCURE
core le traitoit elle quelquefois
comme les autres
, quand elle en avoit
envie . Tout cela charma
le Confeiller, Ileftoit affez
riche pour ne devoir pas
eftre foupçonné d'aimer la
jeune Heritiere pour fon
Bien. Cependant il ne laif
fa peut eft e pas d'avoir
quelques veues de ce coftélà.
Ce qui luy parut d'un
fort bon augure pour fa
paffion , ce fut l'amour du
Marquis & de fa Soeur. 11
trouvoit mefme quelque
chofe d'agréable à s'imaGALANT
. 201
giner la double alliance de
leurs Maifons , & l'échange
qu'elles ferojent entreelles
de ces deux jeunes
Perfonnes . Il découvrit fon
deffein au Marquis , & luy
exagera fort le plaifir qu'il
fe feroit de devenir fon
Coufin-germain , en mef
me temps qu'il deviendroit
fon Beau -frere . Le Marquis
ne reçût point cette
propofition avec autant de
joye qu'il euft dû naturellement
la recevoir . Il luy
parut auffi - toft , fans qu'il
fçuft trop pourquoy , que
202 MERCURE
4
c'eftoit une difficulté furvenue
à fes affaires il
euft beaucoup mieux aimé
qu'on n'euft parlé que d'une
alliance. Cependant
quand il y eut fait refléxion
, il ne trouva pas que
le mariage du Confeiller
avec la Parente , duft cftre
une chofe fi malaisée , &
it fe perfuada , ou il tâcha
de fe le perfuader que
quand mefme il ne fe feroit
pas , cela n'apportéroit
point d'obſtacle à fon
bonheur. Il alla donc propofer
le Confeiller à fa
.
GALANT. 103
Coufine , avec toute l'addreffe
dont fa paffion le
rendoit capable ; mais elle
luy fit connoiftre combien
elle eftoit peu difpofée à
fonger à ce Party . Il pric
encore trois ou quatre fois
le temps le plus favorable
qu'il put , pour traiter la
mefme matiere mais ce
fut toûjours inutilement .
Le Comte n'eftoit point
trop connu pour un Amant
de la Parente du Marquis ,
& moins encore pour un
Amant qu'elle aimaſt . Elle
avoit avec luy une manie-
>
204 MERCURE
re d'agir fi inégale , que
l'on eftoit bien embaraffé à
pouvoir juger de ce qui
eftoit entre eux . Ainfi le
Marquis ne fceut pas précifement
s'il devoit fe prendre
au Comte , de l'éloi
gnement que fa Coufine
montroit pour leConfeiller,
ou s'il ne devoit s'en pren
dre qu'au peu d'inclination
qu'elle faifoit voir en general
pour la Robe , ce qui
femblait eftre affez natu
rel à une jeune Perfonne ,
dont les yeux font plus fla
tez de l'équipage d'un Ca.
GALANT.
205
valier , que de celuy d'un
Magiftrat , & dont les oreilles
fe plaifent davantage au
récit d'une Campagne
qu'à celuy du jugement
d'un Procés. Le Marquis
fit entendre au Confeiller .
le plus honneftement qu'il
luy fur poffible , le mauvais
fuccés de fa négotiation. 11
ne luy en dit qu'un partie ,
pour l'accoûtumer douce
ment au déplaifir d'être refufé
, & il quita ce difcours
fort vifte , pour luy parler
de ce qui le regardoit
mais le Confeiller luy parut
206 MERCURE
fort refroidy fur le mariage
de fa Soeur , & le Marquis
jugea bien déflors qu'il auroit
de la peine à eftre le
Beau- frere du Confeiller ,
s'il ne devenoit auffi fon
Coufin. Il fit de nouveaux
efforts fur fa Parente , qui
luy parut toûjours moins
difpofée à faire ce qu'il
vouloit. Il loüa le Confeiller
& toute la Robe & dit
tout le mal qu'il put des
Gens d'Epée . Il alla meſme
jufqu'à tourner le Comte
en ridicule , & juſqu'à
le décrier , fans épargner
•
GALANT . 207
que fon nom ; mais tout
cela ne gagna rien fur cette
Parente . A la fin voyant
qu'il ne pouvoit luy donner
de gouft pour le Confeiller
, il crut devoir le dégoûter
d'elle . Il luy dit en confidence
qu'elle n'eftoit pas
d'une humeur aiſée , & qu'-
elle donneroit aſſez de peine
à un Mary ; que mefme
elle n'avoit pas autant de
Bien qu'on s'imaginoit ,
qu'il le fçavoit mieux qu'un
autre , puis qu'il eftoit fon`
Tuteur ; mais le Confeiller
ne fe rendit point à ces ar-
&
208 MERCURE
tifices . Il foupçonna que le
Marquis ne les employoit
que pour ſe diſpenſer de le
fervir de tout fon pouvoir ,
& dans l'humeur chagrine
où il fe trouva , il luy déclara
fort nettement que le
feul moyen d'obtenir la
Soeur , eftoit de le faire aimer
de fa Parente . Le Marquis
qui eftoit fort amoureux
, fut au défefpoir. Il
repréſenta au Confeiller ,
avec toute la force & toute
la vivacité imaginable
qu'il ne devoit pas eftre
puny des bizarreries de fa
Pupille
GALANT. 209
Pupille ; mais le Confeiller
fut inexorable
. Sa Soeur
commença
à fentir pour
la jeune Heritiere
, toute la
haine qu'elle euft pû avoir
pour une Rivale . Elle n'en
parloit jamais que comme
d'une Demoifelle de Campagne
, qu'une fierté ridicule
rendoit infuportable
par tout , & qui fe croyoit
d'une meilleure Maifon
qu'une autre , parce que
fes Parens n'avoient pas
coûtume de demeurer dans
les Villes . Le Comte eftoit
charmé de la réfiftance
Mars 1714.
"
S
110 MERCURE
qu'on faiſoit pour luy aux
volontez du Marquis ; mais
il fut au déſeſpoir , quand
le Marquis dit un jour à
fa Coufine , d'un ton ferme
& prefque abfolu , que
fi c'eftoit à caufe du Comte
'qu'elle refufoit le Confeiller
, elle devoit s'affeurer
qu'il s'oppoferoit toûjours
de tout fon pouvoir aux
prétentions de cet Amant.
Elle nia que le Comte fuft
fon Amant , & qu'elle l'euft
jamais regardé fur ce piedlà
. Le Comte qui vit fes
affaires en défordre , s'aviGALANT.
21I
fa d'un expédient affez extraordinaire
. Il confidera
qui s'il pouvoit rompre l'u
nion du Marquis & de l'aimable
Perfonne à qui il
eftoit fi fort attaché , le
Marquis ne s'obſtineroit
plus à vouloir donner fa
Parente au Conſeiller ;
mais comment mettre mal
enfemble deux Perfonnes
qui s'aimoient fi tendrement
1 eftoit entreprenant
ne défefperoit jamais
de rien , & fur tout
il comptoit beaucoup fur
l'inconftance des Femmes.
,
Sij
212 MERCURE
Ainfi de concert avec la
jeune Heritiere , il réfolut
de fe feindre Amant de la
Soeur du Confeiller , & de
la conduire à faire une infidélité
au Marquis . Il fe
rendit peu à peu & fans
marque d'affectation , plus
affidu à la voir. Comme il
n'eftoit pas Amant déclaré
de l'Heritiere , fa conduite
ne parut pas fi étrange.
Le Confeiller luy - mefme
qui le foupçonnoit d'eftre
fon Rival , eftoit bien - aiſe
de commencer à avoir lieu
d'en douter. L'Heritiere de
GALANT . 20:3
fon cofté , qui vouloit favorifer
les affiduitez du
Comte chez la Soeur du
Confeiller , recevoit le Confeiller
bien plus agréablement
, depuis que le Comte
alloit moins fouvent chez
elle . Ainfi il n'y ayoit que le
Marquis à qui le nouvel attachement
du Comte ne
plaifoit pas trop. Elle eftoit
née pour la tendreffe , mais
non pas pour la conftance.
Elle avoit un coeur qui recevoit
des impreffions affez
vivement mais encore plus
facilement . Enfin elle eftoit
214 MERCURE
faite comme la plupart des
Femmes ont accoûtumé de
l'eftre . Le Comte avoit de
l'aſcendant ſur le Marquis.ll
l'étoufoit , & l'empefchant
de paroiftre en fa préfence ,
il pouffoit la converſation
jufqu'à un ton de gayeté &
d'enjouëment , où le Marquis
ne pouvoit aller , &
avoit l'adreſſe de mettre
toujours fon Rival hors de
fon génie naturel . La diférence
qui eftoit entre - eux ,
frapoit trop les yeux de la
Belle pour nnee la pas déterminer
en faveur du Com-
3
GALANT .
215
te. D'abord elle luy applaudiffoit
bien plus qu'au
Marquis. Enfuite elle le
trouva beaucoup plus à dire
quand il n'eftoit pas chez
elle , que quand le Marquis
n'y eftoit pas. Enfin
foit par fes regards , foit par
fes manieres, elle luy donna
une préference fi viſible ,
que le Marquis , aprés plufieurs
plaintes qui furent
affez mal reçûës , ne pút
douter qu'il ne fuft trahy.
Le Confeiller qui fe crut
heureux , fur ce qu'il ne
trouvoit plus le Comte en
216
MERCURE
fon chemin , & qui s'apper- '
eevoit qu'il eftoit micux
dans l'efprit de l'Heritiere ,
s'imagina que
le
temps
eftoit favorable pour pref
fer le Marquis d'achever
ce qu'il avoit commencé ;
mais le Marquis luy répondit
léchement , que fa Soeur
avoit changé , qu'elle l'avoit
quitté pour un autre , qu'il
ne fongeoit plus à elle ; &
vous ne devez pas trouver
mauvais , pourfuivir - il , que
je vous redile ce que vous
m'avez dit fi fouvent , que
nous ne pouvons faire aucunc
GALANT. 217
>
cune alliance , fi nous n'en
faifons deux à la fois. Jamais
le Confeiller ne fut
plus furpris . Il querella fa
Soeur , & luy fit mille reproches
. Il éloigna tout- àfait
le Comte de chez luy
& de Comte en fut trescontent.
La Seur meſme
qui foupçonna quelque
trahison ; auroit fouhaité
de tout fon coeur fe raccommoder
avec le Marquis.
Le Confeiller y travailla
de tout fon pouvoir ;
mais le Marquis ne put digerer
l'injure qu'on luy
Mars
1714.
T
218
MERCURE
pas
;
avoit faite . Le Comte , qui
eftoit caufe de toute cette
révolution , ne fut pas plus
heureux que les autres . Son
deffein luy avoit paru plai
fant à imaginer , & à executer
mais il n'en avoit
bien préveu les fuites.
Le Marquis conceur pour
luy toute la haine que l'on
peut avoir pour un Rival.
il mit bon ordre à empef
cher qu'il ne put voir fouvent
la jeune Heritiere , &
il fouleva tellement toute
la Parenté contre luy >
qu'il n'auroit pas efté bien
GALANT .• 0219
receu à parler de Mariage .
Ainfi perfonne ne ſe maria ;
ce ne fut que divifion de
tous coftez. Peut - eftre
quand la belle Heritiere
fera en âge de difpofer
d'elle , elle fera choix du
Comte qui l'aime toujours
; mais dans le temps
qu'il faudra attendre , c'eſt
grande merveille , fi l'une
des deux paffions ne s'affoiblit.
Aprés tout pour
tant , elles pourront ne s'affoiblir
pas , car les deux
Amans ne fe voyent guére.
Fermer
Résumé : HISTORIETTE.
Au début du XVIIIe siècle, une histoire d'amour complexe se déroule entre plusieurs personnages de la noblesse et de la robe. Un jeune marquis s'éprend d'une femme issue d'une famille de robe, dont le frère unique est conseiller au Parlement. Bien que le marquis fasse des progrès dans le cœur de cette femme, des obstacles surgissent. Le conseiller, de retour d'Italie, approuve l'union de sa sœur avec le marquis. Cependant, il est lui-même amoureux de la cousine germaine du marquis, une jeune héritière sous la tutelle de ce dernier. Cette héritière est éprise d'un comte spirituel et réputé. Le conseiller espère une double alliance et propose au marquis d'épouser l'héritière, mais celle-ci refuse. Pour faciliter son propre mariage, le comte tente de semer la discorde entre le marquis et sa bien-aimée en se faisant passer pour son amant. Cette manœuvre échoue, et les relations entre les familles se dégradent. Finalement, personne ne se marie, et les passions restent vives, bien que les amants ne se voient plus fréquemment.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
49
p. 3-79
AVANTURE nouvelle.
Début :
Un jeune Comte, d'une des meilleures Maisons du Royaume, [...]
Mots clefs :
Comte, Marquise , Conseiller, Amant, Coeur, Mari, Passion, Amour, Reproches, Monde, Liberté, Parti, Italien, Maîtresse, Caractère, Charmes, Mérite, Prétexte, Heureux, Colère, Jeu, Espérer, Nouvelles, Lettre, Campagne, Faveur, Commerce, Fidélité, Femmes, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle.
AVANTUR
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
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Résumé : AVANTURE nouvelle.
En avril 1714, un jeune comte, issu d'une famille prestigieuse du Royaume, s'installe dans un quartier de Lyon où le jeu et la galanterie dominent. Bien qu'il préfère le jeu, il n'y joue pas avec passion. Un groupe de jeunes dames tente de l'intéresser à l'amour, mais il se défend en invoquant son manque de mérite et d'espoir en amour. Elles lui parlent alors d'une jeune marquise voisine qu'elles attendent. Un jour, les jeunes dames montrent au comte la marquise en question, qui entre dans la pièce. Le comte et la marquise se reconnaissent, ayant déjà été présentés à la campagne chez une amie commune. La marquise, convaincue que le comte ne mérite pas les reproches qu'on lui fait, décide de profiter de cette occasion pour engager une relation avec lui. Elle voit en lui un homme d'esprit et d'enjouement, et elle est motivée par le désir de se venger d'une jeune demoiselle qu'elle hait et dont elle croit que le comte est amoureux. Le comte, quant à lui, est passionnément amoureux de cette demoiselle et ne craint pas de se laisser séduire par la marquise, qu'il connaît pour une coquette professionnelle. Cependant, la marquise, flattée par le défi, entreprend de le séduire. Elle l'invite chez elle et utilise divers stratagèmes pour le charmer. Le comte, malgré ses résistances initiales, finit par se laisser séduire par les attentions de la marquise. La marquise utilise des billets en italien pour communiquer avec le comte, évitant ainsi les soupçons. Elle prend des précautions pour éviter que leur relation ne soit découverte, notamment en fixant des heures où ils peuvent se voir sans risque. Le comte, de son côté, fait écrire ses lettres par une personne dont l'écriture est inconnue pour éviter les malentendus. Un jour, le mari de la marquise trouve une lettre italienne dans les poches de sa femme. Ne comprenant pas l'italien, il la montre au comte, feignant de ne pas savoir de quoi il s'agit. Le comte, pris de court, doit improviser une explication. La lettre est en réalité un message du comte à la marquise, lui rappelant un rendez-vous qu'ils doivent avoir. Le mari, sans se douter de la vérité, remet la lettre au comte, qui doit alors trouver une manière de se sortir de cette situation délicate. Le mari, un conseiller, découvre la liaison en suivant le comte jusqu'à la maison de la marquise. Il confronte le comte et révèle qu'il aime également la marquise depuis longtemps. Le comte est troublé mais apprend que la marquise avait imposé la discrétion à tous deux. Ils décident de clarifier leurs sentiments et leurs actions passées. La marquise avait été contrainte par le conseiller de se séparer de son troisième amant, mais elle avait continué à le voir en utilisant le même prétexte auprès du conseiller et du comte. Lorsque le comte et le conseiller découvrirent cette perfidie, ils décidèrent de ne plus avoir confiance en elle. Le comte, honteux de sa trahison envers sa première maîtresse, résolut de n'avoir plus d'attache que pour elle. Le conseiller prit également des mesures, mais malgré leurs promesses de ne plus voir la marquise, ils ne purent s'empêcher de lui faire des reproches.
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50
p. 96-102
LES DELICES de la vie champêtre. Ode anacreontique. Par Monsieur de B....
Début :
Le faste & le luxe pompeux [...]
Mots clefs :
Amour, Bergers, Délices, Amant, Vie champêtre
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texteReconnaissance textuelle : LES DELICES de la vie champêtre. Ode anacreontique. Par Monsieur de B....
LES DELICES
de la vie champêtre.
Ode anacreontique.
Par Monfieur le B....
LE fafte & le luxe pompeux
Ne brillent point dans les
afyles ;
Nous y vivons toûjours
heureux ,
Toûjours contens, toûjours
tranquiles.
De la fortune nos defirs
Nc
GALANT.
97
Ne briguent jamais les careffes
;
Nos bergers font nos plaifirs
,
Et nos troupeaux font nos
richeffes .
N'est- ce pas nous qui tous
les ans
,
Cheris de Flore & de Pomone
,
Goûtons les premiers des
prefens
Et du printemps & de l'automne
?
Exempts de tous les foins
Avril
1714
I
98
MERCURE
TARQUE
fâcheux ,
Sans ambition , fans envie ,
Parmi les ris , les chants ,
les jeux
Nous paffons une douce
vie.
Tantôt au bord d'un clair
ruiffeau ,
Tantôt à l'ombre d'une
treille ,
Où nous joüons du chalumeau
,
Où nous careffons la bouteille.
Conftans fous l'amoureuſe
loy ,
LYON
DE
ندینش
BIBLIOTHE
THÈQUE
GALANT.
Diſcrets , reconnoiffam ;
finceres ,
Rien ne nous fait trahir la
foy
Que nous jurons à nos ber
geres.
Rien tandis que nous fommeillons
,
Ne nous réveille en ces bocages
,
Que l'aurore par les rayons,
Ou les oifeaux par leurs ramages.
TELA VILLE
De mets fomptueux , delig
cats
I ij
100 MERCURE
Nos tables ne font point
couvertest:
Mais du tombeau par nos
repas
Les portes ne font point ou
vertes,
On boit , on aime en liberté
Dans ces agreables
retraites
;
Môtre vin n'eſt pas frelaté ,
Nos belles ne font point
coquettes
. ano
Jamais d'un trait envenimé
Le Dieu de l'amour ne nous
frape ;
GALANT. 10г
Ici jamais amant aimé
N'a befoin de l'art d'Efcu
lape.
Parmi nous l'amant & l'é
poux
Brûlent des ardeurs les plus
belles
;
L'amour n'y voit point de
jaloux ,
L'hymen n'y fait pas d'infi
delles.
Nos bergers ne font point
de choix
Que l'inconftance defayouë
,
I iij
102 MERCURE
Et les delices de nos bois
Valent bien celles de Capouë
.
de la vie champêtre.
Ode anacreontique.
Par Monfieur le B....
LE fafte & le luxe pompeux
Ne brillent point dans les
afyles ;
Nous y vivons toûjours
heureux ,
Toûjours contens, toûjours
tranquiles.
De la fortune nos defirs
Nc
GALANT.
97
Ne briguent jamais les careffes
;
Nos bergers font nos plaifirs
,
Et nos troupeaux font nos
richeffes .
N'est- ce pas nous qui tous
les ans
,
Cheris de Flore & de Pomone
,
Goûtons les premiers des
prefens
Et du printemps & de l'automne
?
Exempts de tous les foins
Avril
1714
I
98
MERCURE
TARQUE
fâcheux ,
Sans ambition , fans envie ,
Parmi les ris , les chants ,
les jeux
Nous paffons une douce
vie.
Tantôt au bord d'un clair
ruiffeau ,
Tantôt à l'ombre d'une
treille ,
Où nous joüons du chalumeau
,
Où nous careffons la bouteille.
Conftans fous l'amoureuſe
loy ,
LYON
DE
ندینش
BIBLIOTHE
THÈQUE
GALANT.
Diſcrets , reconnoiffam ;
finceres ,
Rien ne nous fait trahir la
foy
Que nous jurons à nos ber
geres.
Rien tandis que nous fommeillons
,
Ne nous réveille en ces bocages
,
Que l'aurore par les rayons,
Ou les oifeaux par leurs ramages.
TELA VILLE
De mets fomptueux , delig
cats
I ij
100 MERCURE
Nos tables ne font point
couvertest:
Mais du tombeau par nos
repas
Les portes ne font point ou
vertes,
On boit , on aime en liberté
Dans ces agreables
retraites
;
Môtre vin n'eſt pas frelaté ,
Nos belles ne font point
coquettes
. ano
Jamais d'un trait envenimé
Le Dieu de l'amour ne nous
frape ;
GALANT. 10г
Ici jamais amant aimé
N'a befoin de l'art d'Efcu
lape.
Parmi nous l'amant & l'é
poux
Brûlent des ardeurs les plus
belles
;
L'amour n'y voit point de
jaloux ,
L'hymen n'y fait pas d'infi
delles.
Nos bergers ne font point
de choix
Que l'inconftance defayouë
,
I iij
102 MERCURE
Et les delices de nos bois
Valent bien celles de Capouë
.
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Résumé : LES DELICES de la vie champêtre. Ode anacreontique. Par Monsieur de B....
Le texte 'Les Délices de la vie champêtre' est une ode qui exalte la vie simple et heureuse à la campagne. Les habitants des campagnes vivent heureux, contents et tranquilles, sans ambition ni envie. Ils trouvent leurs plaisirs dans leurs bergers et leurs troupeaux, et profitent des fruits des saisons. Exempts de soucis, ils passent leur temps entre rires, chants et jeux, souvent au bord d'un ruisseau ou à l'ombre d'une treille. Ils sont fidèles à leurs bergères et rien ne les réveille dans les bocages, sauf l'aurore ou les oiseaux. Leur table n'est pas chargée de mets somptueux, mais ils mangent et boivent en liberté. L'amour y est sincère et sans jalousie, et les bergers ne changent pas facilement d'affection. Les délices de leurs bois valent bien celles de Capoue.
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