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1
p. 14-33
Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
Début :
je ne me hazarderois pas volontiers apres cela, à vous [...]
Mots clefs :
Dame, Humeur, Vers, Galant, Visite, Beauté, Faveurs, Affaires du coeur, Amour, Billet
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texteReconnaissance textuelle : Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
je ne me hazarderois pas vo- lontiers apres cela, à vous con- ter familierement ce qui eſt
arrivé depuis peu à Male Vi- comte de *** Ie ne ſçay ſi vous le connoiſſez. Il eſt naturellement Galant , & il a peine à
voir une Femme aymable fans luydire des douceurs , mais il eſt délicat ſur l'engagement,&
pour le toucher ilne fuffit pas
B
#4 LE MERCVRE
toûjours d'eſtre Belle. Il y a
quelque temps que parmy des Dames de fa connoiſſance
qu'il rencontra aux Thuille- ries, il en vit une dontla beauté
le ſurprit. Il demandaqui elle eſtoit , entra en converfarion
avec elle, luy dit d'obligeantes folies , & luy rendit Viſite le lendemain. La Damele reçeut auſſi favorablementqu'elle l'a-- voit écouté aux Thuilleries.
LeVicomte fait figure dans le beau monde , &elle n'euſt pas eſtéfachéequ'on l'euſt crûde ſes Soûpirans. Il eut quelque affiduité pour elle,&il ne la vit pas longtemps ſans connoiſtre qu'il eſtoit aimé ; mais toute belle qu'elle eft,elle n'eûtpoint pour luy ce que je n'ay quoy
qui pique : Ses manieres luy
GALANT. 15 deplurent ; il luy trouva une fuffiſance inconfiderée , un efprit mal tourné , quoy qu'elle ne foit pas fans eſprit; &com- me il ceſſa de luy dire qu'il l'aimoit dés laquatrième Vifi- re, il eut abſolument ceffé de
la voir , ſans une jeune Parente qu'il rencõtra chez elle, & qui futtout-à-faitſelon fon cœur.
Elle n'eſtoit pas fi belleque la Dame,mais elle reparoit cede- faut par des agrémensquipour un Home de fon gouft étoient
bien plus touchas que la Beau- té. Elle ne diſoit rienqui ne fut juſte & fpirituel , c'eſtoit une maniere aiſee en toutes choſes , pointde contrainte , point d'affectation , Elle chantoit
comme un Ange, & toute fa Perſonne plût tellement au
B 2
16 LE MERCVRE
Vicomte , que ce ne fut que pour elle ſeule qu'il continua ſes affiduitez où il la voyoit.
Comme elle ne le pouvoit re- cevoir chez elle , il ſe mit affez
bien dans ſon eſpritpour ſça- voir quand elle devoit rendre Viſite à ſa Parente , & fi elle
n'y pouvoit venir de trois jours , il paffoit auffi trois jours ſans yvenir. Ce manque d'em-.
preſſement n'accommodoit point la Dame , qui s'eſtoit laiffée prendre tout debon au merite du Vicomte. Elle crût
quele tropde fierté qu'elle luy marquoit en eſtoit la cauſe ,&
refolut de s'humanifer pour le mettre avec elle dans une liaifondont il ne luy fuſt pas per- mis de ſe dédire. Elle commença par de petites avances
GALANT. 17
flateuſes qui jetterent le Vi- comtedans un nouvel embarras . Ce n'eſt pas qu'il ſoit in- fenfible aux faveurs des Belles , au contraire il n'y a rien qu'il ne faffe pour s'en rendre digne , mais il veut aimerpour cela , & à moins que cetaffai- ſonnement ne s'y trouve , les faveurs ne font rien pour luy.. Ainſi quand il avoit le malد
ſe rencontrerſeulavec EU
YO
1803
heurde la Dame, il ne manquoit
mais à luy parler de Cam bray ou de ſaint Omer
Elle avoit beau l'interrompre pour tournerlediſcours fur les
affaires du cœur , il revenoit
toûjours àquelque attaque de
Demy-lune; & fi la Dame ſe
montroir quelquefois un peu trop obligeante pour luy , il
:
B 3
18 LE MERCVRE
recevoit cela avec une modeſtie qui la chagrinoit encor plus que les Contes de Guerre qu'il luy faiſoit. Cependant la belle humeur où il ſe mettoit
ſi toſt qu'il voyoit entrer l'ai- mable Parente , cauſa un defordre auquel il n'y eut plus moyen de remedier. LaDame ouvrit le yeux , obſerva le Vicomte , connut une partie de ce qu'il avoitdans le cœur, &
entra un jour dans un fi fu- rieux tranſport de jaloufie contre ſa Parente , apres qu'il les eut quittées , qu'elle luy defendit ſa Maiſon. Le Vicomte qui n'en eſtoit point averty,
fut furpris de ne la point voir le lendemain au rendez-vous
qu'elle luy avoit donné ; il y
retourna inutilement les deux
jours ſuivans , & ne ſcachant
GALANT. 19
que s'imaginer de ce change- ment ,il chercha l'occaſionde
luyparler chez une Dame où il ſçeut qu'elle alloit affez fou- vent. Cefut là que cette aima- blePerſonneluy apprit l'inful- te qu'on luy avoit faite pour luy. Il en eut un chagrin in- concevable , & luy ayant juré qu'il ne reverroit jamais fapeu touchante Parente , il reſvoit
chez luy aux moyens qu'il devoit tenir pour la rupture ,
quand on luy en apporta un Billet. La Dame s'eſtoit aviſée
de ſe vouloir plaindre de ſa froideur ; mais comme elle
cherchoit toûjours plus à luy plairequ'àle facher , elle crût quepourne le pas effaroucher par ſes reproches , il falloit du moins les rendre agreables par leur maniere ; & s'imaginant
20 LE MERCVRE
que les Vers autorifoient ceux quiaiment à s'expliquer plus librement que la Profe , elle s'eſtoit addreſſée àun Homme
qui la voyoit quelquefois &
qui en faiſoit d'aſſez paflables.. Toutfut miſtere pour luy; Elle luy dit ſeulement les choſes dont on ſe plaignoit , & il fal- lut qu'il fiſt les Vers ſans ſca-- voirny à quiils devoienteſtre envoyez, ny quiestoit laDa- me qui avoitſujetde ſe plain- dre. Les voicy tels que leVi- comte les reçeut..
V
Ous m'avez dit que vous
maimez,
Et je vous l'ay d'abord ory dire
avecjoye
Mais que voulez-vous quej'en
croye,
Sivous neme le confirmez..?
GALANT. 21
YON
Lalangue est quelque chose,&de Son témoignage Lecharme est doux àqui l'attend;
Mais croyez- vous que pour
estre content ,
Il nefaille rien davantage?
Ce n'est pas tout dedire , ilfaut
estre empressé Aconvaincre les Gens de cequ'on
leur proteste ;
Etquandla langue acomencé
C'est au cœuràfaire le reste.
Il est centpetitsfoins qu'unEsprit complaifant
Trouve à faire valoir quand l'amour est extréme ;
Et c'eſt ſouvent enſe taiſant,
Qu'onditplusfortement qu'on
aime.
22 LE MERCVRE
Des regards enflamez, un foûrive
flateur ,
Font aux Amans entendre des
• merveilles ;
Et j'amcmieux ce quife ditau
cœur ,
Quece qu'onditpour les oreilles..
Tout doit tendre àdonner des
preuves defafoy;
Lereste ,puresbagatelles..
Lors que vous me voyez , le grand
ragoustpour moy ,
Quevousmecontiez des nouvelles!
Dites-moy mille fois que charmé demevoir,
Vous ne trouvezque moy d'aima- blefur laterre ;
Aquoybon meparler de combats
°uerre ,
GALANT. 23 Quandj'ay de vous autre chose à
Sçavoir?
Qu'on ait fait quelque exploit
d'une importance extréme ,
Vn autrepeut me l'expliquers
Mais un autre que vous, du moins
Sans me choquer ,
Nepeut me dire , je vous aime.
C'est par vous que ces motsfont pourmoypleins d'appas.
Cependant que faut-il de vous que je soupçonne ? 1
Sijevous tens lamain, vous ne la baiſezpas ,
Quoyque vous ne foyez obſervé depersonne.
Ilſemble que toûjours timide, circonfpect ,
Vous estantdit Amant , vous n'ofiez leparoiſtre ,
24 LE MERCVRE
Etque chez vous l'Amour,quipar
tout fait le Maistre ,
Soit enchaînépar le respect.
Non,non, vous n'aimezpoint, j'en
ay la certitude ,
Iay voulu meflater en vain jufqu'à ce jour ;
L'aveuque je reçeus d'abord de
voſtre amour ,
Fut unedouceur d'habitude.
C'eſtſans vous laiſſer enflamer ,
Que vostre cœur quand il vous
plaiftfoûpire;
Et vous nesçavez pas aimer ,
Voussçavezseulement le dire.
Ces Vers que le Vicomte auroit trouvez jolis ſur toute autre matiere , luy déplûrent fur celle- cy. Il eſtoit déja de méchante
GALANT. 25 méchante humeur. Ildit qu'il envoyeroit laRéponſe; &pour la rendrede la meſme maniere
qu'il avoit reçeu le Billet , il alla emprunterle ſecours d'un de ſes plus particuliers Amis.
Cequ'ilyeutde plaiſant , c'eſt que c'eſtoit celuy meſme qui avoit déja fait les Vers de la
Dame , & qui ayant appris toute fon Hiſtoire par le Vi- comte, fut ravy de trouver une occaſion ſi propre à ſe vanger de la fineſſe qu'elle luy avoit faite. Le Vicomte le pria de meſler quelque choſede mali- cieux dans cette Réponſe , &
de la faire aſſez piquante pour obliger la Dame àne fauhaiter jamais de le revoir. Il y con- ſentitd'autantplus volontiers,
que la Dame ſuy ayant caché,
C
26 LE MERCVRE
qu'elle euſt intereſt à l'affaire,
il ne devoit pas craindre de ſe broüiller avec elle,quandmef- me elle viendroit àdécouvrir
qu'il euſt fait les Vers. Il les ap- porta une heure apres au Vi- comte, qui les envoya dés le jour meſme. Ils eftoientunpeu cavaliers , comme vous l'allez
voir par leur lecture.
C
E n'est pas d'aujourd'huy qu'en Chevalier courtois
Ien conte aux Belles d'importance
Maisilfaitmalfeur quelquefois Mefaire une agreable avance
Surla trop credule esperance ,
Que desemblablespaffe-droits M'obligerontà la conſtance.
Moncœur às'engagerjamais ne Se résout,
GALANT. 27
Et des plus doux attraitsfut la Belle affortie Qui croit tenter mon humble
modestie ,
Quadma coplaisance est àbout,
I'aime mieux quitter lapartie,
Quede risquer àgagnertout.
Apparemment la Dame ſe le tint pourdit , du moins elle dût connoiſtre par là que le Vicomte n'avoit aucune eftimepour elle.Ils neſe ſont point veusdepuis ce temps-là; &je tiens les particularitez de l'Hi- ſtoire de celuy qui a fait les
Vers
arrivé depuis peu à Male Vi- comte de *** Ie ne ſçay ſi vous le connoiſſez. Il eſt naturellement Galant , & il a peine à
voir une Femme aymable fans luydire des douceurs , mais il eſt délicat ſur l'engagement,&
pour le toucher ilne fuffit pas
B
#4 LE MERCVRE
toûjours d'eſtre Belle. Il y a
quelque temps que parmy des Dames de fa connoiſſance
qu'il rencontra aux Thuille- ries, il en vit une dontla beauté
le ſurprit. Il demandaqui elle eſtoit , entra en converfarion
avec elle, luy dit d'obligeantes folies , & luy rendit Viſite le lendemain. La Damele reçeut auſſi favorablementqu'elle l'a-- voit écouté aux Thuilleries.
LeVicomte fait figure dans le beau monde , &elle n'euſt pas eſtéfachéequ'on l'euſt crûde ſes Soûpirans. Il eut quelque affiduité pour elle,&il ne la vit pas longtemps ſans connoiſtre qu'il eſtoit aimé ; mais toute belle qu'elle eft,elle n'eûtpoint pour luy ce que je n'ay quoy
qui pique : Ses manieres luy
GALANT. 15 deplurent ; il luy trouva une fuffiſance inconfiderée , un efprit mal tourné , quoy qu'elle ne foit pas fans eſprit; &com- me il ceſſa de luy dire qu'il l'aimoit dés laquatrième Vifi- re, il eut abſolument ceffé de
la voir , ſans une jeune Parente qu'il rencõtra chez elle, & qui futtout-à-faitſelon fon cœur.
Elle n'eſtoit pas fi belleque la Dame,mais elle reparoit cede- faut par des agrémensquipour un Home de fon gouft étoient
bien plus touchas que la Beau- té. Elle ne diſoit rienqui ne fut juſte & fpirituel , c'eſtoit une maniere aiſee en toutes choſes , pointde contrainte , point d'affectation , Elle chantoit
comme un Ange, & toute fa Perſonne plût tellement au
B 2
16 LE MERCVRE
Vicomte , que ce ne fut que pour elle ſeule qu'il continua ſes affiduitez où il la voyoit.
Comme elle ne le pouvoit re- cevoir chez elle , il ſe mit affez
bien dans ſon eſpritpour ſça- voir quand elle devoit rendre Viſite à ſa Parente , & fi elle
n'y pouvoit venir de trois jours , il paffoit auffi trois jours ſans yvenir. Ce manque d'em-.
preſſement n'accommodoit point la Dame , qui s'eſtoit laiffée prendre tout debon au merite du Vicomte. Elle crût
quele tropde fierté qu'elle luy marquoit en eſtoit la cauſe ,&
refolut de s'humanifer pour le mettre avec elle dans une liaifondont il ne luy fuſt pas per- mis de ſe dédire. Elle commença par de petites avances
GALANT. 17
flateuſes qui jetterent le Vi- comtedans un nouvel embarras . Ce n'eſt pas qu'il ſoit in- fenfible aux faveurs des Belles , au contraire il n'y a rien qu'il ne faffe pour s'en rendre digne , mais il veut aimerpour cela , & à moins que cetaffai- ſonnement ne s'y trouve , les faveurs ne font rien pour luy.. Ainſi quand il avoit le malد
ſe rencontrerſeulavec EU
YO
1803
heurde la Dame, il ne manquoit
mais à luy parler de Cam bray ou de ſaint Omer
Elle avoit beau l'interrompre pour tournerlediſcours fur les
affaires du cœur , il revenoit
toûjours àquelque attaque de
Demy-lune; & fi la Dame ſe
montroir quelquefois un peu trop obligeante pour luy , il
:
B 3
18 LE MERCVRE
recevoit cela avec une modeſtie qui la chagrinoit encor plus que les Contes de Guerre qu'il luy faiſoit. Cependant la belle humeur où il ſe mettoit
ſi toſt qu'il voyoit entrer l'ai- mable Parente , cauſa un defordre auquel il n'y eut plus moyen de remedier. LaDame ouvrit le yeux , obſerva le Vicomte , connut une partie de ce qu'il avoitdans le cœur, &
entra un jour dans un fi fu- rieux tranſport de jaloufie contre ſa Parente , apres qu'il les eut quittées , qu'elle luy defendit ſa Maiſon. Le Vicomte qui n'en eſtoit point averty,
fut furpris de ne la point voir le lendemain au rendez-vous
qu'elle luy avoit donné ; il y
retourna inutilement les deux
jours ſuivans , & ne ſcachant
GALANT. 19
que s'imaginer de ce change- ment ,il chercha l'occaſionde
luyparler chez une Dame où il ſçeut qu'elle alloit affez fou- vent. Cefut là que cette aima- blePerſonneluy apprit l'inful- te qu'on luy avoit faite pour luy. Il en eut un chagrin in- concevable , & luy ayant juré qu'il ne reverroit jamais fapeu touchante Parente , il reſvoit
chez luy aux moyens qu'il devoit tenir pour la rupture ,
quand on luy en apporta un Billet. La Dame s'eſtoit aviſée
de ſe vouloir plaindre de ſa froideur ; mais comme elle
cherchoit toûjours plus à luy plairequ'àle facher , elle crût quepourne le pas effaroucher par ſes reproches , il falloit du moins les rendre agreables par leur maniere ; & s'imaginant
20 LE MERCVRE
que les Vers autorifoient ceux quiaiment à s'expliquer plus librement que la Profe , elle s'eſtoit addreſſée àun Homme
qui la voyoit quelquefois &
qui en faiſoit d'aſſez paflables.. Toutfut miſtere pour luy; Elle luy dit ſeulement les choſes dont on ſe plaignoit , & il fal- lut qu'il fiſt les Vers ſans ſca-- voirny à quiils devoienteſtre envoyez, ny quiestoit laDa- me qui avoitſujetde ſe plain- dre. Les voicy tels que leVi- comte les reçeut..
V
Ous m'avez dit que vous
maimez,
Et je vous l'ay d'abord ory dire
avecjoye
Mais que voulez-vous quej'en
croye,
Sivous neme le confirmez..?
GALANT. 21
YON
Lalangue est quelque chose,&de Son témoignage Lecharme est doux àqui l'attend;
Mais croyez- vous que pour
estre content ,
Il nefaille rien davantage?
Ce n'est pas tout dedire , ilfaut
estre empressé Aconvaincre les Gens de cequ'on
leur proteste ;
Etquandla langue acomencé
C'est au cœuràfaire le reste.
Il est centpetitsfoins qu'unEsprit complaifant
Trouve à faire valoir quand l'amour est extréme ;
Et c'eſt ſouvent enſe taiſant,
Qu'onditplusfortement qu'on
aime.
22 LE MERCVRE
Des regards enflamez, un foûrive
flateur ,
Font aux Amans entendre des
• merveilles ;
Et j'amcmieux ce quife ditau
cœur ,
Quece qu'onditpour les oreilles..
Tout doit tendre àdonner des
preuves defafoy;
Lereste ,puresbagatelles..
Lors que vous me voyez , le grand
ragoustpour moy ,
Quevousmecontiez des nouvelles!
Dites-moy mille fois que charmé demevoir,
Vous ne trouvezque moy d'aima- blefur laterre ;
Aquoybon meparler de combats
°uerre ,
GALANT. 23 Quandj'ay de vous autre chose à
Sçavoir?
Qu'on ait fait quelque exploit
d'une importance extréme ,
Vn autrepeut me l'expliquers
Mais un autre que vous, du moins
Sans me choquer ,
Nepeut me dire , je vous aime.
C'est par vous que ces motsfont pourmoypleins d'appas.
Cependant que faut-il de vous que je soupçonne ? 1
Sijevous tens lamain, vous ne la baiſezpas ,
Quoyque vous ne foyez obſervé depersonne.
Ilſemble que toûjours timide, circonfpect ,
Vous estantdit Amant , vous n'ofiez leparoiſtre ,
24 LE MERCVRE
Etque chez vous l'Amour,quipar
tout fait le Maistre ,
Soit enchaînépar le respect.
Non,non, vous n'aimezpoint, j'en
ay la certitude ,
Iay voulu meflater en vain jufqu'à ce jour ;
L'aveuque je reçeus d'abord de
voſtre amour ,
Fut unedouceur d'habitude.
C'eſtſans vous laiſſer enflamer ,
Que vostre cœur quand il vous
plaiftfoûpire;
Et vous nesçavez pas aimer ,
Voussçavezseulement le dire.
Ces Vers que le Vicomte auroit trouvez jolis ſur toute autre matiere , luy déplûrent fur celle- cy. Il eſtoit déja de méchante
GALANT. 25 méchante humeur. Ildit qu'il envoyeroit laRéponſe; &pour la rendrede la meſme maniere
qu'il avoit reçeu le Billet , il alla emprunterle ſecours d'un de ſes plus particuliers Amis.
Cequ'ilyeutde plaiſant , c'eſt que c'eſtoit celuy meſme qui avoit déja fait les Vers de la
Dame , & qui ayant appris toute fon Hiſtoire par le Vi- comte, fut ravy de trouver une occaſion ſi propre à ſe vanger de la fineſſe qu'elle luy avoit faite. Le Vicomte le pria de meſler quelque choſede mali- cieux dans cette Réponſe , &
de la faire aſſez piquante pour obliger la Dame àne fauhaiter jamais de le revoir. Il y con- ſentitd'autantplus volontiers,
que la Dame ſuy ayant caché,
C
26 LE MERCVRE
qu'elle euſt intereſt à l'affaire,
il ne devoit pas craindre de ſe broüiller avec elle,quandmef- me elle viendroit àdécouvrir
qu'il euſt fait les Vers. Il les ap- porta une heure apres au Vi- comte, qui les envoya dés le jour meſme. Ils eftoientunpeu cavaliers , comme vous l'allez
voir par leur lecture.
C
E n'est pas d'aujourd'huy qu'en Chevalier courtois
Ien conte aux Belles d'importance
Maisilfaitmalfeur quelquefois Mefaire une agreable avance
Surla trop credule esperance ,
Que desemblablespaffe-droits M'obligerontà la conſtance.
Moncœur às'engagerjamais ne Se résout,
GALANT. 27
Et des plus doux attraitsfut la Belle affortie Qui croit tenter mon humble
modestie ,
Quadma coplaisance est àbout,
I'aime mieux quitter lapartie,
Quede risquer àgagnertout.
Apparemment la Dame ſe le tint pourdit , du moins elle dût connoiſtre par là que le Vicomte n'avoit aucune eftimepour elle.Ils neſe ſont point veusdepuis ce temps-là; &je tiens les particularitez de l'Hi- ſtoire de celuy qui a fait les
Vers
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Résumé : Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
Le texte raconte l'histoire du vicomte de ***, un homme galant mais prudent en matière d'engagement amoureux. Lors d'une rencontre aux Tuileries, il entame une relation avec une dame, mais finit par être déçu par son comportement et son esprit. Cependant, il continue de lui rendre visite en raison de la présence d'une jeune parente de la dame, qui possède des qualités plus attrayantes pour lui. La dame, remarquant l'attitude distante du vicomte, tente de se rapprocher de lui par des avances flatteuses. Cependant, il reste indifférent, préférant discuter de sujets neutres plutôt que d'amour. La situation se complique lorsque la dame, jalouse de la parente, interdit à cette dernière de revenir chez elle. Le vicomte, ignorant la raison de ce changement, cherche à comprendre et apprend la vérité de la parente. La dame envoie ensuite des vers au vicomte pour se plaindre de sa froideur, mais ceux-ci déplaisent au vicomte. Il décide de répondre de manière piquante, avec l'aide d'un ami qui avait déjà écrit les vers pour la dame. La réponse du vicomte est suffisamment claire pour que la dame comprenne qu'il n'a aucune estime pour elle. Depuis cet échange, ils ne se sont plus revus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 61-64
AIR.
Début :
Comme vous aimez la Musique, je vous souhaitay fort dernierement / N'Estes-vous point resveuse & triste quelque fois ? [...]
Mots clefs :
Mademoiselle de Villeneuve, Chant, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR.
Comme vous aimez la Mu- ſique , je vous ſouhaitay fort dernierement dans une Aſſemblée où il y eut un tres-grand
Concert. I'y recouvray les Pa- roles du dernier Air que feu Monfieur le Camus a compoſé.
Vous me les avez demandées,
&je vous les envoye. La belle Mademoiſelle de Villeneuve
les chanta avec une juſteſſe à la- quelle on ne peutrien ajoûter ;
tout le monde en fut charmé,
&jamais il n'y eut tant de loüanges , ny ſi juſtement donnees.
42 LE MERCVRE
:
AIR.
N'Eſtes-quelquefois vous point ?reſvenſe & tria
De vos Rochers & de vos BoisN'allez- vous point chercher les plus Sombres demcures ,
Et dans ces Lieux charmans , ſenſible
àmon amour ,
Ne paſſez- vous point quelques henres ,
Commej'y paſſe tout le jour?
M. de Frontiniere a fait ces
Paroles. Elles font touchantes
d'elles-meſmes. Jugez ce qu'- elles me parurent dans la bou- che d'une Perſonne qui eſt ſi propre à toucher. A vous dire vray , Madame , il y a un peu de riſque à courir , & la beau- té de Mademoiselle de Villeneuve jointe à celle de ſa voix,
eft quelque choſe de ſi dange-
GALAN T. 43
reux , que pour le repos de bien des Gens , il ſeroit à fouhaiter qu'elle ne ſe laiſſaſt point voir quand elle chante.
Concert. I'y recouvray les Pa- roles du dernier Air que feu Monfieur le Camus a compoſé.
Vous me les avez demandées,
&je vous les envoye. La belle Mademoiſelle de Villeneuve
les chanta avec une juſteſſe à la- quelle on ne peutrien ajoûter ;
tout le monde en fut charmé,
&jamais il n'y eut tant de loüanges , ny ſi juſtement donnees.
42 LE MERCVRE
:
AIR.
N'Eſtes-quelquefois vous point ?reſvenſe & tria
De vos Rochers & de vos BoisN'allez- vous point chercher les plus Sombres demcures ,
Et dans ces Lieux charmans , ſenſible
àmon amour ,
Ne paſſez- vous point quelques henres ,
Commej'y paſſe tout le jour?
M. de Frontiniere a fait ces
Paroles. Elles font touchantes
d'elles-meſmes. Jugez ce qu'- elles me parurent dans la bou- che d'une Perſonne qui eſt ſi propre à toucher. A vous dire vray , Madame , il y a un peu de riſque à courir , & la beau- té de Mademoiselle de Villeneuve jointe à celle de ſa voix,
eft quelque choſe de ſi dange-
GALAN T. 43
reux , que pour le repos de bien des Gens , il ſeroit à fouhaiter qu'elle ne ſe laiſſaſt point voir quand elle chante.
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Résumé : AIR.
Le texte décrit une assemblée musicale à laquelle le destinataire a été convié en raison de son amour pour la musique. Lors de cet événement, les paroles du dernier air composé par le défunt Monsieur le Camus ont été récupérées et envoyées au destinataire sur sa demande. La demoiselle de Villeneuve a interprété cet air avec une grande justesse, suscitant l'admiration de tous les présents et recevant de nombreuses louanges. Les paroles, écrites par Monsieur de Frontinière, sont jugées touchantes. Leur impact est amplifié par l'interprétation de la demoiselle de Villeneuve, dont la beauté et la voix sont considérées comme dangereuses pour le repos de certains. Le texte souligne le risque et le danger potentiel que représente la combinaison de sa beauté et de son talent vocal.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 121-131
ELEGIE.
Début :
Prendre ce party est une maniere fort honneste de dire [...]
Mots clefs :
Philis, Amour, Beauté, Vers, M. Ferrier, Ouvrage galant, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELEGIE.
Pren- dre ce party eſt une maniere fort honneſte de dire adieu au
Monde apres avoir expoſe ſa vie pour fon Prince , pendant un fort grand nombre d'années.
Des Adieux de cette forte ne
me paroiſtront jamais devoir eſtre retractez ; mais vous allez
voir, Madame, quej'avoisquel- que ſujetde n'en pas croire en- tierement celuy qui pretendoit l'avoir dit pour toûjours aux Muſes. Ses Amis n'ont pû ſoû- frir qu'il ſe dérobât plus long- temps lagloire qui luyeſt deuë.
Ils l'ont fait connoiſtre , & j'ay àvous apprendre qu'il s'appelle
GALANT. 81I
M.Ferrier. Les loüanges qu'il a
reçeuës ſur le tour aiſe qu'il donne à ſes Vers , l'ont engagé à faire un Ouvrage Galant qu'on croit déja ſous la Preffe.
On ne m'en a pû dire le Titre,
mais vous pouvez juger de quelle beauté il ſera par cette Elegie qui en doit faire le com- mencement. Elle donne lieu
de conjecturer que cet Ouvrage contiendra les manieres qui peuvent faire acquerir l'eftime du beau Sexe aux honneſtes
Gens , &on ne peut douter que cette matiere ne ſoit traitéedelicatement par un Homme qui penſe juſte , & qui écrit avec une fortgrande netteté.
Dv
82. LE MERCVRE
LIO THE
好好好好好好好好好好好好好好
1893 ELEGIE
.
Maistrefubtiles de tousflames les Dieux dont
Nebrûlentpoint les cœursfans éclairer
lesames ,
Amour, c'est àtoy ſeul que confacrant
mes Vers ,
Ievay de tes fecrets instruire l'Univers.
:
Ainsi, dans mes écrits revelant la Science ,
Detes droits ſur les cœurs j'étendray la puiſſance ,
Et ma Muse àton Temple appellant les Mortels,
Fera de toutes parts encenfer tes Au- tels ;
Ces Vers dontjetefais un heureuxfas
crifice ,
Am'en récompenser engagent ta ju- ffice.
Quoy,pourrois-tu me voir Esclave re- buté
GALANT. 83
D'une ingrate Maiſtreſſe effuyer la fierté ,
Moy, qui par desavis auſſi ſeurs que fidelles,
Montre l'art de toucher les Maiſtreſſes
cruelles?
Non,Amour, tu le vois, qu'ileſt de ton honneur A
D'employertous tesſoinsauſoin demon bonheur.
Ienedemandepas qu'à mes vœux fam vorable ,
Atoutes les Beauteztu me rendes ai- mable , T
Jen'étenspassiloin mes projets amou
reux ,
Etce n'est que Philis que demandent
mesvœux ,
Philis que j'aime envain , &dont l'indifference
Par de longues froideurs éprouve ma
constance.
Mais cette ame inſenſible auxpreuves
demafoy ,
Lefera-t-elle encorefi tu combatspour
moy ?
Dvj
84 LE MERCVRE Si i'obtiensfurſon cœurune entierevi- Etoire,
Lefruit que i'en auray t'en aſſure la gloire.
Pourtoy plus que pour moyfois ialoux de tesdroits ,
Aux cœurs indifferens fais réverer tes
Loix ,
Et foûmettant l'orgueil d'une Beauté rebelle ,
Fay luy sentirpourmoy ce que je sens pour elle.
Pendant que je pouffois ces regrets
amoureux ,
L'Amour vint me promettre un destin plusheureux.
•Toy qu'un zele fi fort attache à mon fervice,
Espere tous , dit-il , quand je te ſuis
propice :
Tum'as fait une offrande à n'oublier
jamais.
Et mesgracespourtoy préviendront tes Soubaits.
Des Dieuxpour les Mortel's la bonné Sans mesure,
D'unpeu d'encens brûlé les payeaves usures
GALANT. 85 Mais en est-il aucun de ces Dieux bienfaifans ,
Qui puiſſe parses dons égaler mes pre- Sens?
Helene,de Paris fut ledigne ſalaire
Désqu'on l'eut veu juger enfaveur de
ma Mere.
Iulie, aux yeuxde Rome , au milieude La Cour ,
D'Ovide ,par mes foins favoriſa l'amour.
Crois- tu que maintenant à tes veux
moins propice ,
Iemanque de puiſſance ,oumanquede justice,
Moy qui ſans borne juste,& puiſſant en tous lieux ,
Aurang de mes Sujets compte mesme les Dieux?
Ainsi,que ta Philis s'arme d'indiference ,
Elle doit sa tendreſſe à ta perſeverance.
Necrains rien , &fidelle aux yeux qui
t'ontcharmé,
Aime,le Dieud'Amour t'affure d'estre aimé. L
86 LE MERCVRE
Ah , Philis , vondrois-tudémentirfes
Oracles ,
Aux biens qu'il me promet oposer des obstacles?
Non,Sans doute, & ton cœur moinsrebelle àfes loix ,
Suivra l'avis d'un Dieu qui parle par
mavoix.
Si tu n'écoutes point fon fidelle Interprete,
Aumoins de ta raiſon entens la voix Secrete ,
Quitefollicitant de te laiſſer charmer ,
Te dit tout bas qu'un cœur n'est fait
quepouraimer.
Auxdouceurs de l'amourne fois donc
plus contraire ,
On ne peut en joüir qu'autant que l'on Sçait plaire ,
Etle Soleil,d'ailleursfijuſte dansfon
cours,
D'un plusrapide pas mesure nos beaux
jours.
LaNature,que regle une haute Prudence ,
En joignant de ſi prés la mort à ta naiſſance,
GALANT. 87 Semble nous avertir qu'il nous faut ménager
Iusqu'aumoindre moment d'un tempsſe paſſager.
Quelque courte en effet que paiſſe eſtre lavie,
Elle pourroit fuffire à remplir nostre envie ,
Sidonnant libre effor ànos jeunes defirs,
Désquel'onpeut lesprendre on prenoit les plaisirs.
Mais loin que la raison regte nos de ſtinées ,
Nous perdonsſans aimer nos plus bel- les années ,
Et lors que la vieilleffe efface nos
appas,
Nous cherchons les Amours &ne les
trouvonspas.
Ne croy point que des ans l'injurieux
• outrage Epargnepar respect les lis de ton vi- Sage.
Non, Philis , la beauté doit unjour te quitter.
Avant qu'elle te quitte il en fautpro five
Monde apres avoir expoſe ſa vie pour fon Prince , pendant un fort grand nombre d'années.
Des Adieux de cette forte ne
me paroiſtront jamais devoir eſtre retractez ; mais vous allez
voir, Madame, quej'avoisquel- que ſujetde n'en pas croire en- tierement celuy qui pretendoit l'avoir dit pour toûjours aux Muſes. Ses Amis n'ont pû ſoû- frir qu'il ſe dérobât plus long- temps lagloire qui luyeſt deuë.
Ils l'ont fait connoiſtre , & j'ay àvous apprendre qu'il s'appelle
GALANT. 81I
M.Ferrier. Les loüanges qu'il a
reçeuës ſur le tour aiſe qu'il donne à ſes Vers , l'ont engagé à faire un Ouvrage Galant qu'on croit déja ſous la Preffe.
On ne m'en a pû dire le Titre,
mais vous pouvez juger de quelle beauté il ſera par cette Elegie qui en doit faire le com- mencement. Elle donne lieu
de conjecturer que cet Ouvrage contiendra les manieres qui peuvent faire acquerir l'eftime du beau Sexe aux honneſtes
Gens , &on ne peut douter que cette matiere ne ſoit traitéedelicatement par un Homme qui penſe juſte , & qui écrit avec une fortgrande netteté.
Dv
82. LE MERCVRE
LIO THE
好好好好好好好好好好好好好好
1893 ELEGIE
.
Maistrefubtiles de tousflames les Dieux dont
Nebrûlentpoint les cœursfans éclairer
lesames ,
Amour, c'est àtoy ſeul que confacrant
mes Vers ,
Ievay de tes fecrets instruire l'Univers.
:
Ainsi, dans mes écrits revelant la Science ,
Detes droits ſur les cœurs j'étendray la puiſſance ,
Et ma Muse àton Temple appellant les Mortels,
Fera de toutes parts encenfer tes Au- tels ;
Ces Vers dontjetefais un heureuxfas
crifice ,
Am'en récompenser engagent ta ju- ffice.
Quoy,pourrois-tu me voir Esclave re- buté
GALANT. 83
D'une ingrate Maiſtreſſe effuyer la fierté ,
Moy, qui par desavis auſſi ſeurs que fidelles,
Montre l'art de toucher les Maiſtreſſes
cruelles?
Non,Amour, tu le vois, qu'ileſt de ton honneur A
D'employertous tesſoinsauſoin demon bonheur.
Ienedemandepas qu'à mes vœux fam vorable ,
Atoutes les Beauteztu me rendes ai- mable , T
Jen'étenspassiloin mes projets amou
reux ,
Etce n'est que Philis que demandent
mesvœux ,
Philis que j'aime envain , &dont l'indifference
Par de longues froideurs éprouve ma
constance.
Mais cette ame inſenſible auxpreuves
demafoy ,
Lefera-t-elle encorefi tu combatspour
moy ?
Dvj
84 LE MERCVRE Si i'obtiensfurſon cœurune entierevi- Etoire,
Lefruit que i'en auray t'en aſſure la gloire.
Pourtoy plus que pour moyfois ialoux de tesdroits ,
Aux cœurs indifferens fais réverer tes
Loix ,
Et foûmettant l'orgueil d'une Beauté rebelle ,
Fay luy sentirpourmoy ce que je sens pour elle.
Pendant que je pouffois ces regrets
amoureux ,
L'Amour vint me promettre un destin plusheureux.
•Toy qu'un zele fi fort attache à mon fervice,
Espere tous , dit-il , quand je te ſuis
propice :
Tum'as fait une offrande à n'oublier
jamais.
Et mesgracespourtoy préviendront tes Soubaits.
Des Dieuxpour les Mortel's la bonné Sans mesure,
D'unpeu d'encens brûlé les payeaves usures
GALANT. 85 Mais en est-il aucun de ces Dieux bienfaifans ,
Qui puiſſe parses dons égaler mes pre- Sens?
Helene,de Paris fut ledigne ſalaire
Désqu'on l'eut veu juger enfaveur de
ma Mere.
Iulie, aux yeuxde Rome , au milieude La Cour ,
D'Ovide ,par mes foins favoriſa l'amour.
Crois- tu que maintenant à tes veux
moins propice ,
Iemanque de puiſſance ,oumanquede justice,
Moy qui ſans borne juste,& puiſſant en tous lieux ,
Aurang de mes Sujets compte mesme les Dieux?
Ainsi,que ta Philis s'arme d'indiference ,
Elle doit sa tendreſſe à ta perſeverance.
Necrains rien , &fidelle aux yeux qui
t'ontcharmé,
Aime,le Dieud'Amour t'affure d'estre aimé. L
86 LE MERCVRE
Ah , Philis , vondrois-tudémentirfes
Oracles ,
Aux biens qu'il me promet oposer des obstacles?
Non,Sans doute, & ton cœur moinsrebelle àfes loix ,
Suivra l'avis d'un Dieu qui parle par
mavoix.
Si tu n'écoutes point fon fidelle Interprete,
Aumoins de ta raiſon entens la voix Secrete ,
Quitefollicitant de te laiſſer charmer ,
Te dit tout bas qu'un cœur n'est fait
quepouraimer.
Auxdouceurs de l'amourne fois donc
plus contraire ,
On ne peut en joüir qu'autant que l'on Sçait plaire ,
Etle Soleil,d'ailleursfijuſte dansfon
cours,
D'un plusrapide pas mesure nos beaux
jours.
LaNature,que regle une haute Prudence ,
En joignant de ſi prés la mort à ta naiſſance,
GALANT. 87 Semble nous avertir qu'il nous faut ménager
Iusqu'aumoindre moment d'un tempsſe paſſager.
Quelque courte en effet que paiſſe eſtre lavie,
Elle pourroit fuffire à remplir nostre envie ,
Sidonnant libre effor ànos jeunes defirs,
Désquel'onpeut lesprendre on prenoit les plaisirs.
Mais loin que la raison regte nos de ſtinées ,
Nous perdonsſans aimer nos plus bel- les années ,
Et lors que la vieilleffe efface nos
appas,
Nous cherchons les Amours &ne les
trouvonspas.
Ne croy point que des ans l'injurieux
• outrage Epargnepar respect les lis de ton vi- Sage.
Non, Philis , la beauté doit unjour te quitter.
Avant qu'elle te quitte il en fautpro five
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Résumé : ELEGIE.
Le texte relate l'adieu honorable à un individu nommé Galant, qui a dédié sa vie à son prince. Cet adieu, bien que définitif en apparence, cache le fait que Galant n'a pas réellement pris sa retraite. Ses amis ont veillé à ce qu'il ne se soustraie pas à la reconnaissance qui lui est due. Galant est particulièrement apprécié pour son talent poétique et s'apprête à publier un ouvrage sur les manières d'acquérir l'estime du beau sexe. Une élégie en début d'ouvrage suggère que Galant partagera les secrets de l'amour et étendra la puissance de l'amour sur les cœurs. Dans cette élégie, Galant s'adresse à l'Amour, affirmant qu'il ne peut être esclave d'une maîtresse ingrate et qu'il maîtrise l'art de toucher les maîtresses cruelles. Il exprime son amour pour Philis, malgré son indifférence, et espère que l'Amour l'aidera à conquérir son cœur. Galant cite des exemples mythologiques où l'amour a triomphé, comme Hélène pour Paris et Julie pour Ovide. Il encourage Philis à ne pas craindre et à aimer, car le dieu Amour assure qu'elle sera aimée en retour. Le texte se conclut par une réflexion sur la brièveté de la vie et l'importance de profiter des plaisirs amoureux avant que la beauté ne s'efface.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 364-365
ENIGME.
Début :
J'ay reçeu en mesme temps deux Enigmes, l'une du Berger / J'enchante si bien par mes charmes [...]
Mots clefs :
Beauté
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texteReconnaissance textuelle : ENIGME.
J'ay reçeu en mefme temps
deux Enigmes , l'une du Berger
Fleurifte , & l'autre de la Bergere
Califte.
ENIGME.
' Enchante fi bien par mes charmes
Ceux qui m'adreßet leurs regards,
Que je leurfais rendre les armes,
Fuffent-ils plus braves que Mars.
Se
Lors qu'ils font defarmez , je les
charge de chaînes,
GALANT. 365
Etje les brûle àpetit feu;
Souvent j'aypitié de leurs peines,
Et fouventje les tourne enjeu.
deux Enigmes , l'une du Berger
Fleurifte , & l'autre de la Bergere
Califte.
ENIGME.
' Enchante fi bien par mes charmes
Ceux qui m'adreßet leurs regards,
Que je leurfais rendre les armes,
Fuffent-ils plus braves que Mars.
Se
Lors qu'ils font defarmez , je les
charge de chaînes,
GALANT. 365
Etje les brûle àpetit feu;
Souvent j'aypitié de leurs peines,
Et fouventje les tourne enjeu.
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5
p. 365
AUTRE ENIGME.
Début :
Je suis telle qu'il plaist à celuy qui m'adore, [...]
Mots clefs :
Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AUTRE ENIGME.
AUTRE ÉNIGME.
E fuis telle qu'il plaift à celuy qui
m'adore,
Fereffemble à la Nuit, je reſſemble
à l'Aurore,
Fe reffemble à tout ce qu'on vents
Etpour mepoffeder, on s'empreſſe,
onfoûpire,
On pleure, on brúle, on foufre le
martire ,
Onfait enfin tout ce qu'on peut
E fuis telle qu'il plaift à celuy qui
m'adore,
Fereffemble à la Nuit, je reſſemble
à l'Aurore,
Fe reffemble à tout ce qu'on vents
Etpour mepoffeder, on s'empreſſe,
onfoûpire,
On pleure, on brúle, on foufre le
martire ,
Onfait enfin tout ce qu'on peut
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6
p. 90-91
II.
Début :
La Cerise est jeunette, & mesme délicate ; [...]
Mots clefs :
Cerise, Beauté, Couleur, Saison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : II.
I I.
LA Cerife eftjeunette, & meſme dé- licate;
Elle eft d'une beauté qui la fait rechercher;:
Sa couleur eftfort vive, elle eft rouge, elle
éclate,
Et le noyau qu'elle a, c'eft fon coeur de
Rocher.
63
On fçait bien qu'elle prend fa beauté naturelle
,
Ou-bien fon vermillon, fur la fin du Prin
temps:
C'est dans cette Saiſon fi charmante & fi
belle,
duMercure Galant.
91
Qu'elle nous touche au coeur, & nous rend :
fi contens.
On nous l'offie aujourd'huy de la part de
Mercure,
C'est au mois de Janvier un affez rare
fruit;
Dans la rude Saifon jufqu'icy la Nature,,
Quelque pouvoirqu'elle ait, ne l'a jamais
produit.
On la voit en tout temps, quand on veut
la confire ,
Et fouvent on lafert à lafin du Repas ;
Ce doux déguisement, qui ne la rend pass
pire,
Fait auffi qu'à mon gouft j'enfais bien
plus de cas.
Le mefmer
LA Cerife eftjeunette, & meſme dé- licate;
Elle eft d'une beauté qui la fait rechercher;:
Sa couleur eftfort vive, elle eft rouge, elle
éclate,
Et le noyau qu'elle a, c'eft fon coeur de
Rocher.
63
On fçait bien qu'elle prend fa beauté naturelle
,
Ou-bien fon vermillon, fur la fin du Prin
temps:
C'est dans cette Saiſon fi charmante & fi
belle,
duMercure Galant.
91
Qu'elle nous touche au coeur, & nous rend :
fi contens.
On nous l'offie aujourd'huy de la part de
Mercure,
C'est au mois de Janvier un affez rare
fruit;
Dans la rude Saifon jufqu'icy la Nature,,
Quelque pouvoirqu'elle ait, ne l'a jamais
produit.
On la voit en tout temps, quand on veut
la confire ,
Et fouvent on lafert à lafin du Repas ;
Ce doux déguisement, qui ne la rend pass
pire,
Fait auffi qu'à mon gouft j'enfais bien
plus de cas.
Le mefmer
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Résumé : II.
La cerise est un fruit délicat et coloré, rouge vif, qui mûrit à la fin du printemps. Elle est très prisée durant cette période. Le Mercure Galant propose des cerises en janvier, ce qui est inhabituel. Conservée, elle reste savoureuse et est souvent servie à la fin des repas.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 96
VI.
Début :
Mon Jardinier l'autre jour, [...]
Mots clefs :
Jardinier, Cour, Vigne vierge, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VI.
VI.
Mon
Jardinier l'autre jour,
Luy demandant avis pour embellir ma
Cour,
Medit, Monfieur, je vous confeille
De n'y mettrejamais de Treille,
Elle n'amafferoit que par trop de poifon:
Mais croyez-moy, dans lafaifon
Où tous les plans on renouvelle,
De Vigne Vierge la plus belle
Garniffez-la bien tout-autour,
Et mafoy vous aurez une fort belle Cour-
BRUNET de la Rue du Temple.
Mon
Jardinier l'autre jour,
Luy demandant avis pour embellir ma
Cour,
Medit, Monfieur, je vous confeille
De n'y mettrejamais de Treille,
Elle n'amafferoit que par trop de poifon:
Mais croyez-moy, dans lafaifon
Où tous les plans on renouvelle,
De Vigne Vierge la plus belle
Garniffez-la bien tout-autour,
Et mafoy vous aurez une fort belle Cour-
BRUNET de la Rue du Temple.
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8
p. 157-163
SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Début :
Quelle fortune est la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont [...]
Mots clefs :
Sentiments, Fortune, Amant, Bonheur, Beauté, Martyre, Plaisirs, Larmes, Amour, Liberté, Voeux, Passion, Coeur, Agonie, Raison, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
SENTIMENS
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
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Résumé : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Le texte, extrait du Mercure Galant de 1685, explore divers sentiments amoureux et dilemmes moraux. L'auteur compare deux types de bonheur en amour : celui d'un amant dont les désirs sont immédiatement satisfaits et celui qui, après avoir aimé sans espoir, voit finalement son amour réciproque. Il préfère le bonheur immédiat, trouvant peu d'attrait à un amour longuement attendu. L'auteur évoque ensuite sa relation avec Sylvie, exprimant son désir de voir sa reconnaissance sans délai. Il compare cette situation à son amour pour Philis, qu'il voyait librement mais sans empressement, contrairement à maintenant où les obstacles augmentent ses désirs. Il réfléchit sur la nature de l'amour, affirmant qu'un amant est troublé et que la passion est plus forte lorsqu'elle est contrariée. Il se demande si un homme est excusable de sacrifier son honneur pour l'amour, concluant qu'il ne le serait pas. Enfin, l'auteur utilise une métaphore de la mort pour illustrer la difficulté de choisir entre deux amis en fin de vie, soulignant que son cœur s'intéresse davantage à Licidas, malgré la présence de Damon. Il conclut que son choix est dicté par l'utilité et la crainte de blesser Licidas.
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9
p. 164-165
I.
Début :
Ce Reptile obligeant, qui plus tortu qu'un Cierge, [...]
Mots clefs :
Vigne vierge, Saison, Amour, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : I.
I.
CE Reptile obligeant, qui plus tortu
qu'un Cierge,
S'éleve en ferpentant en cent & centfaçons,
Qui de virginité nous donne des leçons ,
N'eft autre à mon avis , que vous, ô Vigne
Vierge.
**
Vous nous donnez du frais, voftre beauté
nous cache
D'un Mur défectueux l'importune laideur;
Mais avec tout cela vous avez le malheur-
Quel'on vous soupçonne d'attache .
+3
Dans la rude Saifon quifaitfouflerBorée,
Et quides Aquilonsfait fentir la rigueur,
Vous féchez , vous mourez, mais dans
voftre langueur
De diverfes couleurs nous vous voyons
parée.
du Mercure Galant. 165
$3
Pour voftre Saur & vous nous avons de
l'amour,
Il n'en faut point douter : mais plus groffe
eftfa Cour,
Etplus d'Adorateurs luy confacrent leurs
larmes,
Fufque-là qu'on la fuit & révére partout,
Car les yeux feuls en vous rencontrent
quelques charmes,
Pendant qu'elle contente & les yeux & le
goust..
L. BOUCHET , Ancien Curés
de Nogent-le-Roy.
CE Reptile obligeant, qui plus tortu
qu'un Cierge,
S'éleve en ferpentant en cent & centfaçons,
Qui de virginité nous donne des leçons ,
N'eft autre à mon avis , que vous, ô Vigne
Vierge.
**
Vous nous donnez du frais, voftre beauté
nous cache
D'un Mur défectueux l'importune laideur;
Mais avec tout cela vous avez le malheur-
Quel'on vous soupçonne d'attache .
+3
Dans la rude Saifon quifaitfouflerBorée,
Et quides Aquilonsfait fentir la rigueur,
Vous féchez , vous mourez, mais dans
voftre langueur
De diverfes couleurs nous vous voyons
parée.
du Mercure Galant. 165
$3
Pour voftre Saur & vous nous avons de
l'amour,
Il n'en faut point douter : mais plus groffe
eftfa Cour,
Etplus d'Adorateurs luy confacrent leurs
larmes,
Fufque-là qu'on la fuit & révére partout,
Car les yeux feuls en vous rencontrent
quelques charmes,
Pendant qu'elle contente & les yeux & le
goust..
L. BOUCHET , Ancien Curés
de Nogent-le-Roy.
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Résumé : I.
Le poème de L. Bouchet, ancien curé de Nogent-le-Roy, extrait du Mercure Galant de 1655, célèbre la vigne comme un reptile obligeant et tortueux. La vigne offre des leçons de virginité et de fraîcheur, masquant la laideur des murs. Elle se pare de couleurs en automne. L'auteur exprime son amour pour la vigne et son saule, apprécié pour ses charmes visuels et gustatifs.
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10
p. 167-168
V.
Début :
Je suis jeunette & délicate, [...]
Mots clefs :
Beauté, Coeur, Printemps, Amour, Douceur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : V.
V...
of
Efuis jeunette & délicate,
Ma beauté mefait rechercher;
Et quoy que mon teint vif éclate,
Fay pourtant le coeur de Rocher .
03
Maispour ma beauté naturelle ·
Je n'affecte point le Printemps ;
Je fuis toujours aimable & belle,.
Je rends mille coeurs mé- contens .
**
Apres moy pourtant tout foûpire,
Et les plus grands me font la cour;..
divers Amansj'attire,
Je n'ay cependant point d'amours
Bien
que
Avecque ma douceur charmante,
Et toute contraire à mon coeur,
Fefuis extrémement galante,
Et toujours de tres-belle humeur.
સ
Que la Griote déguisée-
Couronne lafin du Repas ,
168 Extraordinaire
Elle eft quelquefois mépriſée ,
Maisde moy toûjours onfait cas .
Mademoiſelle de Grands- Prez,
on
La Belle Infenfible de la Cité..
of
Efuis jeunette & délicate,
Ma beauté mefait rechercher;
Et quoy que mon teint vif éclate,
Fay pourtant le coeur de Rocher .
03
Maispour ma beauté naturelle ·
Je n'affecte point le Printemps ;
Je fuis toujours aimable & belle,.
Je rends mille coeurs mé- contens .
**
Apres moy pourtant tout foûpire,
Et les plus grands me font la cour;..
divers Amansj'attire,
Je n'ay cependant point d'amours
Bien
que
Avecque ma douceur charmante,
Et toute contraire à mon coeur,
Fefuis extrémement galante,
Et toujours de tres-belle humeur.
સ
Que la Griote déguisée-
Couronne lafin du Repas ,
168 Extraordinaire
Elle eft quelquefois mépriſée ,
Maisde moy toûjours onfait cas .
Mademoiſelle de Grands- Prez,
on
La Belle Infenfible de la Cité..
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Résumé : V.
Le texte décrit une jeune femme délicate et belle, surnommée 'La Belle Infénissable de la Cité'. Son teint vif et sa douceur attirent de nombreuses avances, mais elle reste insensible et indépendante des saisons. Elle est comparée à une griotte, appréciée malgré le mépris initial. Son cœur est qualifié de 'Rocher', rendant 'mille cœurs mécontents'.
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11
p. 183-189
A CEPHISE, STANCES.
Début :
Que par tout on en devise, [...]
Mots clefs :
Céphise, Chien, Maître, Beauté, Parents, Poils, Tendresse, Basset, Amour, Infidélité, Imprudence , Honnêteté, Bonheur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A CEPHISE, STANCES.
A
CEPHISE )
STANCES.
Qu'ons'enfalleun Entretien,
Ve par tout on en devise,
Souffrez, charmante Cephife,
Que je vous offre mon Chien.
3
Quelque doux quefoit un Maistre,
Ce Chien n'en fçauroitfouffrir;
Auffiquand je levis naiftre,
Je fisvændevous l'offrir.
184
Extraordinaire
**
Rare Beauté qu'on admire,
Avant qu'il vousfoit donné,
Vous voudrez entendre dire,
De quels Parens il est né.
*3
Trois Chiens d'un air tout aimable
Brûlérent des mefmesfeux,
Et la Mere affez traitable
Les rendit tous trois heureux .
*33
D'affurer quelfut le Pere,
Je furprendreis voftrefoy;
Daignez confulter la Mere,
Elle lefçait mieux que moy.
$ 3
Cette Mere eft defcenduë
D'une affez bonne Maiſon,
Etfa Race eft répanduë
Par tout dans cette Prifon.
03
Vouspouvez bien la connoiftre ,
Elle eft d'un poil blanc & noir,
Et mefme de la Fenestre
Souvent vous l'aurez pú voir.
da Mercure Galant. 185
Sij'avois de la mémoire,
Je pourrois vous repéter
Toutefa petite hiftoire,
Comme on me l'afçû conter.
3
Désfa plus tendre jeuneffe
Un Baffet remply d'ardeur
Luy déclarafa tendreffe,
Et fut fon Adorateur.
SE
Mais elle déja Coquette,
Apres l'avoirfçu charmer;
Se moquade fa fleurette,
Et ne voulut point l'aimer.
Elle auroit pú vivre heureuſe:
En gardantfaliberté,
Mais une atteinte amoureuſe
Troublafa tranquilité..
#3
Fier Amour, que tu difpofes
Souverainement de nous,
Et que nousfaifons de chofes
Quandnousreffentons tes coups!!
186 Extraordinaire
03
Un Epagneul teméraire,
Et des plus entreprenans,
Sçût fi bien l'art de luy plaire,,
Qu'il en remportales Ġans.
: 00
Comme il s'en rendit le maistre
Avecquefacilité,
D'abord il luy fit paroiftre
Beaucoup de legeretés mit A
$3
Unepente naturelle
Qu'il avoit au changement,,
D'une Maiftreffe nouvelle
Le fit devenir l'Amant.
Elle, d'un airtrifte & blêmes
Par des regrets fuperflus.
Témoignafon deuil extrême-
De ce qu'il ne l'aimoit plus.
Elle en eftoit attendrie,
Elle n'aimoit que luyſeul,
Et penfa perdre la vie,
De perdrefon Epagneul
du Mercure Galant . 187
Qu'une aimable résistance
Eft néceffaire aux plaiſirs,
Etque par la jouiffance
On voit ceffer de defirs!
Ony, dans lefiécle où noussommes,
Dés qu'onfinit leur tourment,
Les Chiens femblables auxHommesɔɔ
Changent plutoft que le vent..
M
Fe nefusjamais de mefme
Infidellé ny leger,
Etje nefçay, lors que j'aime, ‚`-
Ce quec'eft que de changer.
Depuis ce trait de Volage
Que luyfit ce petit Chien,
Ellefut trois mois fi fage,
Qu'on vitqu'elle n'aimoit riene.
Enfin ellefut féduite,
Et par des difcours flateurs
Elle manqua de conduite,
Et prodiguafesfaveurs..
188 Extraordinaire
Comme elle faifoit paroiftre
Publiquement fon ardeur,
On ceffade la connoiftre
Pour une Chienne d'honneur.
Peut- eftre qu'enfon bas âge:
Elle ne connoiffoit pas
Que d'un grand libertinage:
Ilfaut éviter le pas..
On luy fit des remontrances:
Dans cet abandonnement,
De perdre les apparences
Qu'ondoitgarder en aimant..
On luy dit qu'eftant aimées,
Il falloit entretenir
L'éclat defa renommée,
Etme jamais le ternir:
Que l'imprudente Feuneffe-
Le plus fouvent nefe perd
Qu'enfaisant voirfafoibleffe
Un peu trop à découvert..
du Mercure Galant. 189
СУЛ
Depuis cet avis honnefte
Qu'elle imprima dans fon coeur,
La pauvre petite Befte
N'accordaplus defaveur.
RA
A la fin d'elle nâquirent
Quatre Chiens quon admiras :
Les Curieux qui les virent
Inclinoient pour celuy- là..
Ainfi je vous le préſente;
Ileft charmant, il eft doux.
Que fa fortune eft charmantes,
S'il eft careffe de vous!
De vous, l'oferay-je-croire,
Qui n'aimâtes jamais rien?
Quelbonheur & quelle gloire!
Pourquoy ne fuis-je pas Chien?
CEPHISE )
STANCES.
Qu'ons'enfalleun Entretien,
Ve par tout on en devise,
Souffrez, charmante Cephife,
Que je vous offre mon Chien.
3
Quelque doux quefoit un Maistre,
Ce Chien n'en fçauroitfouffrir;
Auffiquand je levis naiftre,
Je fisvændevous l'offrir.
184
Extraordinaire
**
Rare Beauté qu'on admire,
Avant qu'il vousfoit donné,
Vous voudrez entendre dire,
De quels Parens il est né.
*3
Trois Chiens d'un air tout aimable
Brûlérent des mefmesfeux,
Et la Mere affez traitable
Les rendit tous trois heureux .
*33
D'affurer quelfut le Pere,
Je furprendreis voftrefoy;
Daignez confulter la Mere,
Elle lefçait mieux que moy.
$ 3
Cette Mere eft defcenduë
D'une affez bonne Maiſon,
Etfa Race eft répanduë
Par tout dans cette Prifon.
03
Vouspouvez bien la connoiftre ,
Elle eft d'un poil blanc & noir,
Et mefme de la Fenestre
Souvent vous l'aurez pú voir.
da Mercure Galant. 185
Sij'avois de la mémoire,
Je pourrois vous repéter
Toutefa petite hiftoire,
Comme on me l'afçû conter.
3
Désfa plus tendre jeuneffe
Un Baffet remply d'ardeur
Luy déclarafa tendreffe,
Et fut fon Adorateur.
SE
Mais elle déja Coquette,
Apres l'avoirfçu charmer;
Se moquade fa fleurette,
Et ne voulut point l'aimer.
Elle auroit pú vivre heureuſe:
En gardantfaliberté,
Mais une atteinte amoureuſe
Troublafa tranquilité..
#3
Fier Amour, que tu difpofes
Souverainement de nous,
Et que nousfaifons de chofes
Quandnousreffentons tes coups!!
186 Extraordinaire
03
Un Epagneul teméraire,
Et des plus entreprenans,
Sçût fi bien l'art de luy plaire,,
Qu'il en remportales Ġans.
: 00
Comme il s'en rendit le maistre
Avecquefacilité,
D'abord il luy fit paroiftre
Beaucoup de legeretés mit A
$3
Unepente naturelle
Qu'il avoit au changement,,
D'une Maiftreffe nouvelle
Le fit devenir l'Amant.
Elle, d'un airtrifte & blêmes
Par des regrets fuperflus.
Témoignafon deuil extrême-
De ce qu'il ne l'aimoit plus.
Elle en eftoit attendrie,
Elle n'aimoit que luyſeul,
Et penfa perdre la vie,
De perdrefon Epagneul
du Mercure Galant . 187
Qu'une aimable résistance
Eft néceffaire aux plaiſirs,
Etque par la jouiffance
On voit ceffer de defirs!
Ony, dans lefiécle où noussommes,
Dés qu'onfinit leur tourment,
Les Chiens femblables auxHommesɔɔ
Changent plutoft que le vent..
M
Fe nefusjamais de mefme
Infidellé ny leger,
Etje nefçay, lors que j'aime, ‚`-
Ce quec'eft que de changer.
Depuis ce trait de Volage
Que luyfit ce petit Chien,
Ellefut trois mois fi fage,
Qu'on vitqu'elle n'aimoit riene.
Enfin ellefut féduite,
Et par des difcours flateurs
Elle manqua de conduite,
Et prodiguafesfaveurs..
188 Extraordinaire
Comme elle faifoit paroiftre
Publiquement fon ardeur,
On ceffade la connoiftre
Pour une Chienne d'honneur.
Peut- eftre qu'enfon bas âge:
Elle ne connoiffoit pas
Que d'un grand libertinage:
Ilfaut éviter le pas..
On luy fit des remontrances:
Dans cet abandonnement,
De perdre les apparences
Qu'ondoitgarder en aimant..
On luy dit qu'eftant aimées,
Il falloit entretenir
L'éclat defa renommée,
Etme jamais le ternir:
Que l'imprudente Feuneffe-
Le plus fouvent nefe perd
Qu'enfaisant voirfafoibleffe
Un peu trop à découvert..
du Mercure Galant. 189
СУЛ
Depuis cet avis honnefte
Qu'elle imprima dans fon coeur,
La pauvre petite Befte
N'accordaplus defaveur.
RA
A la fin d'elle nâquirent
Quatre Chiens quon admiras :
Les Curieux qui les virent
Inclinoient pour celuy- là..
Ainfi je vous le préſente;
Ileft charmant, il eft doux.
Que fa fortune eft charmantes,
S'il eft careffe de vous!
De vous, l'oferay-je-croire,
Qui n'aimâtes jamais rien?
Quelbonheur & quelle gloire!
Pourquoy ne fuis-je pas Chien?
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Résumé : A CEPHISE, STANCES.
Le texte est une série de stances dédiées à Cephise, où le narrateur offre un chien à la jeune femme. Il décrit les origines du chien, issu de parents remarquables. La mère, un chien au poil blanc et noir, est connue dans la région. Le père est moins certain, mais le narrateur suggère de consulter la mère pour plus de détails. Le texte raconte ensuite une histoire d'amour entre une jeune chienne et un épagneul. La chienne, d'abord coquette, finit par tomber amoureuse de l'épagneul. Cependant, l'épagneul, volage, la quitte pour une nouvelle maîtresse, laissant la chienne désemparée. Elle finit par se lier avec un autre chien après une période de sagesse. Le narrateur conclut en soulignant l'importance de la résistance dans l'amour et la tendance des chiens, comme des hommes, à changer fréquemment d'affection. Il mentionne que la chienne, après un avis honnête, devient plus prudente et finit par avoir quatre chiots admirables. Le narrateur présente alors le chien offert à Cephise, espérant qu'il sera aimé par elle.
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12
p. 216-218
TRADUCTION DE L'ODE D'HORACE Qui commence par Audivere, Lyce, Dij mea vota.
Début :
Enfin mes oveux sont exaucez, [...]
Mots clefs :
Voeux, Vengeance, Cupidon, Merveilles, Beauté, Sylvie, Amour, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION DE L'ODE D'HORACE Qui commence par Audivere, Lyce, Dij mea vota.
TRADUCTION
DE L'ODE D'HORACE
Qui commence par
Audivere, Lyce, Dij mea vota..
Nfin mes voeux font exaucez,
E je fuis vancé de toy, Sylvie ;
Te voila vieille, enfin tes beaux joursfons
pallez,
Et cependant tu ris , & tufais la jolie.
En vain d'une tremblante voix
Tu
du Mercure Galant.
217
Tu tentes Cupidon , quifait la fourde
oreille:
Il a de plus charmans emplois
Auprés d'une jeune Merveille.
Ce petit Importun bait fort les vieilles
Gens,
Il apeur d'un vifage pâle,
Et ce petit Fripon détale
Dés qu'il voit tes cheveux, tes rides & tes
dents.
Le Rouge dont tu peins tous les jours ton
visage.
Tes beaux Habits, tes Bijoux, tes brillans,
Ne terendront pas le bel âge;
Ils nefçauroient rapeler ton Printemps.
Qu'eft devenu ce teint & cet air de jeuneſſe,
Et Sylvie autrefois plus belle que le jour,
Celle pourqui j'avois tant de tendreffe,
Cette Sylvie enfin qui refpiroit l'amour
Q. de Fanvier 1685. T
218 Extraordinaire
·
U
L'Amour a retiréfes traits &fon Flam
beau,
Et l'on verrafans trop attendre,
Ton vifage autrefoisfi charmant & fi bean
Toutcouvert de craffe & de cendre.
DE L'ODE D'HORACE
Qui commence par
Audivere, Lyce, Dij mea vota..
Nfin mes voeux font exaucez,
E je fuis vancé de toy, Sylvie ;
Te voila vieille, enfin tes beaux joursfons
pallez,
Et cependant tu ris , & tufais la jolie.
En vain d'une tremblante voix
Tu
du Mercure Galant.
217
Tu tentes Cupidon , quifait la fourde
oreille:
Il a de plus charmans emplois
Auprés d'une jeune Merveille.
Ce petit Importun bait fort les vieilles
Gens,
Il apeur d'un vifage pâle,
Et ce petit Fripon détale
Dés qu'il voit tes cheveux, tes rides & tes
dents.
Le Rouge dont tu peins tous les jours ton
visage.
Tes beaux Habits, tes Bijoux, tes brillans,
Ne terendront pas le bel âge;
Ils nefçauroient rapeler ton Printemps.
Qu'eft devenu ce teint & cet air de jeuneſſe,
Et Sylvie autrefois plus belle que le jour,
Celle pourqui j'avois tant de tendreffe,
Cette Sylvie enfin qui refpiroit l'amour
Q. de Fanvier 1685. T
218 Extraordinaire
·
U
L'Amour a retiréfes traits &fon Flam
beau,
Et l'on verrafans trop attendre,
Ton vifage autrefoisfi charmant & fi bean
Toutcouvert de craffe & de cendre.
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Résumé : TRADUCTION DE L'ODE D'HORACE Qui commence par Audivere, Lyce, Dij mea vota.
Le texte est une traduction d'une ode d'Horace, publiée dans le Mercure Galant en février 1685. Le poème exprime la déception du narrateur face au vieillissement de Sylvie, une femme autrefois belle et jeune. Il observe que ses vœux sont exaucés, mais que Sylvie a perdu sa jeunesse et sa beauté. Le narrateur note que Sylvie tente encore de séduire, mais que Cupidon, symbole de l'amour, fuit les signes de vieillesse comme les rides et les cheveux gris. Il souligne l'inutilité des artifices tels que le maquillage et les bijoux pour retrouver la jeunesse. Le poème se conclut par une réflexion sur la disparition de la beauté et de la fraîcheur de Sylvie, qui respirait autrefois l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 229-231
PORTRAIT.
Début :
Croyez, sans craindre de faire Un Jugement teméraire, [...]
Mots clefs :
Jugement, Portrait, Agrément, Bel esprit, Politesse, Modèle, Galanterie, Éclat, Visage, Cheveux, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT.
PORTRAIT.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
Royez ,fans craindre defaire
On
Un Jugement teméraire,
Queje ne vous diray que des chofes defait.
Pour donc de mon Portrait
Commencer l'image agreable,
Fay beaucoup d'enjoûment,
Et dans ce que je fais je mefle un agré
ment
Qui merendfort aimable.
&A
Fay l'efprit vif, brillant, joly,
Qui cependant n'ôte rien du folide;
Fay le langage fi poly,
Que je paffe déja pour modelle & pour
guide:
M'eftant fort appliquée à lire les Romans ,
230
Extraordinaire
Fay tiré par bonheur de ces bonnes lectures
L'Art d'inventer à tous momens
Mille Contes, mille Avantures.
VA
cherche à m'enfaire conter;
Mais toute magalanterie
Neva qu'à la badinerie,
Mon deffein n'eft que d'écouter.
Ainfi mon humeur eft coquette,
Et maconduite ne l'eft pas;
En aimant lafleurette,
J'enfçais éviter l'embarras.
&A
Chez moy lefard n'eft point d'usage,
Car, grace au Ciel,
L'éclat de mon visage
Eft un Vermeillon naturel.
Jay lefront gros, qui porte en guife de
Moutonne
Des cheveux blondsfrifezfans art,
Mon nez n'eft ny long, ny camard,
Mes yeuxfont affez vifs pour n'épargner
perfonne,
du Mercure Galant.
zzī
Etferoient beaux s'ils eftoient moins
petits;
Fay la bouchefort belle
Lors que je ne ris pas, fort grande quand
je ris,
Et je ris, par malheur pour elle,
D'un rien, & d'une bagatelle.
RA
Fay le teint vif, délicat, éclatant,
La gorge bien garnie, & la main porelée,
Ma taille eftfort petite, & j'enfuis confolée,
Elle eftfine, & le reste eft affez ragouftant.
Ceux qui liront cesVers,feront ravis peuteftre
De pouvoiraisément connoistre
Si je ne leur impoſe rien;
Qu'ils s'informent, je le veux bien,
Sij'ay ce prétendu mérite;
Et pourmarquer que j'aime ce party,
Qu'ils apprennent mon nom ; pour eftre
un peu petite,
On m'a donné celuy de RAT- GENTY.
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Résumé : PORTRAIT.
Le texte décrit une personne au caractère agréable et aimable, dotée d'un esprit vif et brillant. Elle se distingue par un langage poli, influencé par la lecture de romans, ce qui lui permet d'inventer des contes et des aventures. Elle apprécie les histoires mais évite les compliments excessifs, préférant la badinerie. Son comportement est coquet, mais elle évite les embarras en aimant les flatteries légères. Physiquement, elle ne porte pas de fard, car son visage a un éclat naturel. Elle possède un front large avec des cheveux blonds frisés naturellement, un nez ni long ni camard, et des yeux vifs. Sa bouche est belle lorsqu'elle ne rit pas, mais devient grande lorsqu'elle rit facilement. Son teint est vif et délicat, sa gorge bien garnie, et sa main délicate. Sa taille est petite, mais elle est fine et le reste de sa personne est agréable. Le texte se conclut par une invitation à vérifier ses qualités, révélant que son nom est Rat-Genty.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 252
II.
Début :
Apprenez, belle Iris, qu'on consacre à l'Amour [...]
Mots clefs :
Beauté, Amour, Imprimerie
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texteReconnaissance textuelle : II.
11.
Apprenez, belle Iris, qu'on conſacre
l'Amour
Ce qu'on a de plus beau , deplus cher, de
plustendre.
Selon l'Imprimerie il n'eft point de beau
jour,
Que celuy qui nous enfait prendre.
LEGER DE LA VERBISSONNE.
Apprenez, belle Iris, qu'on conſacre
l'Amour
Ce qu'on a de plus beau , deplus cher, de
plustendre.
Selon l'Imprimerie il n'eft point de beau
jour,
Que celuy qui nous enfait prendre.
LEGER DE LA VERBISSONNE.
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15
p. 276-277
VII.
Début :
Qui ne vous connoistroit sous l'habit de Sofie ? / Les deux Enigmes ont esté aussi expliquées par Messieurs le Baron [...]
Mots clefs :
Lanterne, Amour, Dieux, Écriture, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : VII.
VII.
Vi ne vous connoiftroit fous l'habit
de Sofie?
Mercure, de nouveau le cherchez- vous
encor,
Pendant que Jupiter d'une amoureuſe
envie
Vachercherquelque Alcméne, ainſi qu'au
Siècle d'or,
De peur que ce Manant n'aille avec fa
Lanterne
Troubler lesjeux, les ris, & les contentemens
Que recherchent tous les Amans
Dans le temps qu' Amour les gouverne?
Mais fçachez qu'en ce jour vos foins font
Superflus.
Comme l'on ne voit plus d ' Alcméne,
Iln'est plus de Sofie ; ainſi donc c'eſt abus:
Devous déguifer avec peine.
Faites un peu réflexion
Que l'on nefait plus tant d'affaires
Afin de réüffir aux Amoureux miſteres,.
du Mercure Galant. 277
Comme l'on enfaifoit au temps d'Amphitrion
;
Quatre mots d'Ecriture enfinfont plus
d'avance,
Avec quelque Bijon nouveau,
Que d'un Mary la reffemblance,
Fuft-il mefme de tous estimé leplus beau .
LA PETITE ASSEMBLEE A.
du Havre.
Les deux Enigmes ont efféauffi expliquées
par Meffieurs le Baron de la
Glaciere d'Ecuelle ; Vermolet , de
Dourlens ; Ageron , Avocat au Parlement
de Dauphiné ; Sorbiere , Banquier
de la Rue des cinq Diamans i
& par Mefdemoiselles le Vaffeur,
Fille de M le Vaffeur , Avocat à
Amiens Angelique Mortier , &
l'Orpheline.
Vi ne vous connoiftroit fous l'habit
de Sofie?
Mercure, de nouveau le cherchez- vous
encor,
Pendant que Jupiter d'une amoureuſe
envie
Vachercherquelque Alcméne, ainſi qu'au
Siècle d'or,
De peur que ce Manant n'aille avec fa
Lanterne
Troubler lesjeux, les ris, & les contentemens
Que recherchent tous les Amans
Dans le temps qu' Amour les gouverne?
Mais fçachez qu'en ce jour vos foins font
Superflus.
Comme l'on ne voit plus d ' Alcméne,
Iln'est plus de Sofie ; ainſi donc c'eſt abus:
Devous déguifer avec peine.
Faites un peu réflexion
Que l'on nefait plus tant d'affaires
Afin de réüffir aux Amoureux miſteres,.
du Mercure Galant. 277
Comme l'on enfaifoit au temps d'Amphitrion
;
Quatre mots d'Ecriture enfinfont plus
d'avance,
Avec quelque Bijon nouveau,
Que d'un Mary la reffemblance,
Fuft-il mefme de tous estimé leplus beau .
LA PETITE ASSEMBLEE A.
du Havre.
Les deux Enigmes ont efféauffi expliquées
par Meffieurs le Baron de la
Glaciere d'Ecuelle ; Vermolet , de
Dourlens ; Ageron , Avocat au Parlement
de Dauphiné ; Sorbiere , Banquier
de la Rue des cinq Diamans i
& par Mefdemoiselles le Vaffeur,
Fille de M le Vaffeur , Avocat à
Amiens Angelique Mortier , &
l'Orpheline.
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Résumé : VII.
Le texte traite des transformations dans les pratiques amoureuses, soulignant la disparition des figures mythologiques telles qu'Alcméne et Sophie. Les déguisements et les efforts pour séduire sont désormais inutiles. Contrairement à l'époque d'Amphitryon, où les amants déployaient beaucoup d'efforts pour participer aux mystères amoureux, quelques mots écrits et un bijou nouveau suffisent aujourd'hui à faire progresser une relation, même plus qu'une ressemblance avec un célèbre acteur. Le texte mentionne également une assemblée au Havre où deux énigmes ont été résolues par plusieurs personnes, dont le Baron de la Glacière d'Ecuelle, Vermolet, Ageron, Sorbiere, la fille de M. le Vasseur, Angélique Mortier et l'Orpheline.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 307-310
PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
Début :
Loin de vous je languis & je resve toûjours ; [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Beauté, Amants, Languir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
PROBLEMĘ SAMOURELUX
1
DECIDEllias
ENNY cik inot 2102 36 trat jmp THOI
Oin de pausje languis
&
Fe fuis bien par tout où vous etes
Auprés de vous, Iris, de mes plus triftes
jours
Jefais mes plaiſirs & mesfestess
Waftre taille, voftre air, le fon de vostre
voix,
Ont jo-ne-feay-quoy qui m'enchante:
Jefens naiſtre enmon coeur d'abord que je
carrulyvous vois,
Une tendreffe languiffante
Qui me réduit prefque aux aboier
Ah! pour peu que cela s'augmente,
Vous aimeray-je ? Je le cross
Jefçais qu'un Homme de mon ages
Qui prétend de toucheruncoeur,
Rarement de ce badinage.
Se peut tireravec honneur..
C.c.ij
308 Extraordinaire
Vous me verrez tendre & fidelle,
Languiffant, abatu , malheureux comme
un Chien,
Et cependant, jeune Rebelle,
***M*aimerez-vous ? Je n'en crois rien.
Hélas! anfortde ma tendreffe
Je verray mille Amans de vos appas épris,
Goguenarderfur ma vieilleffe,
Et railler de mes cheveux gris.
Peut- eftre encor, pour croistre monfup .
plice,
Leurferez- vous un facrifice
Des foins de mon amour, cruelle? Et tou
tefois
Ŝ
Malgré cette extréme injuſtice,'
Vous aimeray-je ? Je le crois.
Après mille dures épreuves,
Mille foupirs, mille langueurs ,
Enfin vous connoftrèz partant & tantde
preuves,
Que vous caufez tous mes malheurs,
Et que c'est pour vous queje meurs.
Tandis que ma douleur & fidelle & cachés
du Mercure Galant. 309
Fera mon plus cher entretien,
Senfible à la pitié, de tant de maux touchée,
M'aimerez-vous? Je n'en crois rien.
83
Quand on aime beaucoup une Beautéfevere,
Le plus dur des tourmens c'eft de voirun
Rival
Ecouté d'une autre maniere ;
Quipeut voircelafans colere,.
Sans eftre jaloux, aime mal .
Lors que je vous verray, pour augmenter
mapeine,
Au préjudice de mes droits,
De quelque jeune Amantfaire unindigne
choix,
Injufte, infenfible, inhumaine ,
Vous aimeray -je ? je le crois.
03
S'il arrivoit, pour me vanger.
De ce choix cruel & perfage,
Que cet Amant foible & leger
De fon coeur à quelque autre allaſt faire
un hommage,
LO
Extraordinaine
Cet amourinconftant , fi diférent du mien,
Feroit ilfaireau voftre un retour équi
JUTNEZ AJ Я02 323
Erimi voj autfidello ansantque miférable,
27 44'aimerez- vouse, Je m'en crois rieniup
, sados 3D vz15 ]
Maisde mon tristefort pourquoyfaireun
Probléme?
En vain j'en ferois alarme, I
Voftre coeur eft injufte , & le mien eft
-3 charme; alit acitflegetai
Tris, c'est bien affez pour decider vouseve
Drivemeſme,
Et conclurre que je vous aime
Sans espérance d'eftre aimé...
1
DECIDEllias
ENNY cik inot 2102 36 trat jmp THOI
Oin de pausje languis
&
Fe fuis bien par tout où vous etes
Auprés de vous, Iris, de mes plus triftes
jours
Jefais mes plaiſirs & mesfestess
Waftre taille, voftre air, le fon de vostre
voix,
Ont jo-ne-feay-quoy qui m'enchante:
Jefens naiſtre enmon coeur d'abord que je
carrulyvous vois,
Une tendreffe languiffante
Qui me réduit prefque aux aboier
Ah! pour peu que cela s'augmente,
Vous aimeray-je ? Je le cross
Jefçais qu'un Homme de mon ages
Qui prétend de toucheruncoeur,
Rarement de ce badinage.
Se peut tireravec honneur..
C.c.ij
308 Extraordinaire
Vous me verrez tendre & fidelle,
Languiffant, abatu , malheureux comme
un Chien,
Et cependant, jeune Rebelle,
***M*aimerez-vous ? Je n'en crois rien.
Hélas! anfortde ma tendreffe
Je verray mille Amans de vos appas épris,
Goguenarderfur ma vieilleffe,
Et railler de mes cheveux gris.
Peut- eftre encor, pour croistre monfup .
plice,
Leurferez- vous un facrifice
Des foins de mon amour, cruelle? Et tou
tefois
Ŝ
Malgré cette extréme injuſtice,'
Vous aimeray-je ? Je le crois.
Après mille dures épreuves,
Mille foupirs, mille langueurs ,
Enfin vous connoftrèz partant & tantde
preuves,
Que vous caufez tous mes malheurs,
Et que c'est pour vous queje meurs.
Tandis que ma douleur & fidelle & cachés
du Mercure Galant. 309
Fera mon plus cher entretien,
Senfible à la pitié, de tant de maux touchée,
M'aimerez-vous? Je n'en crois rien.
83
Quand on aime beaucoup une Beautéfevere,
Le plus dur des tourmens c'eft de voirun
Rival
Ecouté d'une autre maniere ;
Quipeut voircelafans colere,.
Sans eftre jaloux, aime mal .
Lors que je vous verray, pour augmenter
mapeine,
Au préjudice de mes droits,
De quelque jeune Amantfaire unindigne
choix,
Injufte, infenfible, inhumaine ,
Vous aimeray -je ? je le crois.
03
S'il arrivoit, pour me vanger.
De ce choix cruel & perfage,
Que cet Amant foible & leger
De fon coeur à quelque autre allaſt faire
un hommage,
LO
Extraordinaine
Cet amourinconftant , fi diférent du mien,
Feroit ilfaireau voftre un retour équi
JUTNEZ AJ Я02 323
Erimi voj autfidello ansantque miférable,
27 44'aimerez- vouse, Je m'en crois rieniup
, sados 3D vz15 ]
Maisde mon tristefort pourquoyfaireun
Probléme?
En vain j'en ferois alarme, I
Voftre coeur eft injufte , & le mien eft
-3 charme; alit acitflegetai
Tris, c'est bien affez pour decider vouseve
Drivemeſme,
Et conclurre que je vous aime
Sans espérance d'eftre aimé...
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Résumé : PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
Dans cette lettre poétique, un homme mûr exprime son admiration pour une femme nommée Iris, dont la beauté et la voix l'enchantent. Il ressent une tendresse languissante qui le tourmente dès qu'il la voit. Il doute de la réciprocité de ses sentiments, craignant que sa vieillesse et ses cheveux gris ne le rendent ridicule face à de jeunes rivaux. Malgré cette injustice, il affirme qu'il continuera à l'aimer, même après mille épreuves et souffrances. Il anticipe la douleur de la voir préférer un autre homme et se demande si elle pourrait un jour le récompenser de son amour. Il conclut en affirmant qu'il l'aime sans espérance d'être aimé en retour.
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17
p. 319-318
QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
Début :
Quand on obtient facilement [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Vérité, Beauté, Mépris, Sensible, Raisonnement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour , celle
d'un Amant dont les foins font receus
d'abord agréablement , & prefque auffi
toft recompenfez ; ou le bonheur de
celuy, qui apres avoir aimé quelque
temps fans efpérance , trouve enfin le
coeur de fa Maiftreffe fenfible.
Q
Vand on obtient facilement
Une jeune Beauté qu'on aime,
L'amour d'abord fuft- il extréme,
Dans lafuite l'on eft fatisfait rarements
Maisplus, avant la récompenfe ,
Un Amant voit de réfiftance,
Et plus il a de peine à pouvoir obtenir
L'Objet qui caufefon martire,
a
Plus leplaifir eft grand quand il peut par-
Ventr
A lapoffeffion de celle qu'il defire.
Oronte & Licidas prouveront mieux que
moy
)
Ddij
316 Extraordinaire
.
Cette Verité que j'avance.
Le premier dés l'abord uit recevoirfafox
allAvec prompta reconnoiffance,
Et la jeune Cloris qu'il voulut rechercher
Fut bien-toft mife enfa puiffance;
On la vit enfin s'attacher :
A get Amant dont le mérite
Eftoit accompagné d'une fage conduire.
Leur Hymen s'accomplit ; & le moment
fatal
Quidevoit caufer leur divorce,
Se couvrant à leurs yeux d'une fubtile
amorce,
Voulutfairefon coup dés le jourNuptial.
Cloris dans le Feftin vit paroiftxe Nicandre
Qui la regardoit d'un oeil tendre,
Elle devintfenfible , & répondant des
yeux
Afon muet langage,
Elle devint bientoft volage ,
Etne fit que chercher le moment précieux
Afin depouvoir entendre
du Mercure Galant.
317
Une déclaration
Quefit l'amoureux Nicandre
Defafollepaffion .
Elle oublia bien- toft cette foy conjugate`
Qu'elle devoit garder meſme malgré la
mort,
Et d'une ame inconftante, infidelle, inégale,
Elle fit éprouverun effroyablefort
Afon Epoux le pauvre Oronte,
Quine la trouva plus qu'un objet defa
bonte.
La haine & la rigueur, l'opprobre & le
mépris,
'
Furent dorénavant les Prix
Dont il vitque certe Infidelle
Voulutrécompenferſon amour &fonzile.
Mais au contraire Licidas.
Que l'on vit millefoss invoquer le trépas,
Nepouvant rendre Iris fenfible
Aux tendres mouvemens qui partoient de
fon cours
318 Extraordinaire
C
Employant tout le foin poffible
Afinde luy caufer unepareille ardeur,
Apres avoirfouffert , pleuré, priéfans ceffe
Cecher objet de fa tendreffe,
byer
Arriva ce jour bienheureux
Qu'il vit récompenferfesvoeux. 70
Depuis ce temps leur amour mutuelles
Paroift auxyeux de tous devoir eftre éter
nelle.
"Ainfi donc je conclus de cé raiſonnement ."
Que d'un amour trop prompt il naift d'é
trangesfuites;
Où quand il n'eft formé qu'apres plufieurs
poursuites,
Rarement on n'en voit qu'un bon évenement;
Et qu'enfin pour avoir toûjours l'ame contente,
Laderniere Fortune eft plusfatisfaisante.
la plus fatisfaifante en Amour , celle
d'un Amant dont les foins font receus
d'abord agréablement , & prefque auffi
toft recompenfez ; ou le bonheur de
celuy, qui apres avoir aimé quelque
temps fans efpérance , trouve enfin le
coeur de fa Maiftreffe fenfible.
Q
Vand on obtient facilement
Une jeune Beauté qu'on aime,
L'amour d'abord fuft- il extréme,
Dans lafuite l'on eft fatisfait rarements
Maisplus, avant la récompenfe ,
Un Amant voit de réfiftance,
Et plus il a de peine à pouvoir obtenir
L'Objet qui caufefon martire,
a
Plus leplaifir eft grand quand il peut par-
Ventr
A lapoffeffion de celle qu'il defire.
Oronte & Licidas prouveront mieux que
moy
)
Ddij
316 Extraordinaire
.
Cette Verité que j'avance.
Le premier dés l'abord uit recevoirfafox
allAvec prompta reconnoiffance,
Et la jeune Cloris qu'il voulut rechercher
Fut bien-toft mife enfa puiffance;
On la vit enfin s'attacher :
A get Amant dont le mérite
Eftoit accompagné d'une fage conduire.
Leur Hymen s'accomplit ; & le moment
fatal
Quidevoit caufer leur divorce,
Se couvrant à leurs yeux d'une fubtile
amorce,
Voulutfairefon coup dés le jourNuptial.
Cloris dans le Feftin vit paroiftxe Nicandre
Qui la regardoit d'un oeil tendre,
Elle devintfenfible , & répondant des
yeux
Afon muet langage,
Elle devint bientoft volage ,
Etne fit que chercher le moment précieux
Afin depouvoir entendre
du Mercure Galant.
317
Une déclaration
Quefit l'amoureux Nicandre
Defafollepaffion .
Elle oublia bien- toft cette foy conjugate`
Qu'elle devoit garder meſme malgré la
mort,
Et d'une ame inconftante, infidelle, inégale,
Elle fit éprouverun effroyablefort
Afon Epoux le pauvre Oronte,
Quine la trouva plus qu'un objet defa
bonte.
La haine & la rigueur, l'opprobre & le
mépris,
'
Furent dorénavant les Prix
Dont il vitque certe Infidelle
Voulutrécompenferſon amour &fonzile.
Mais au contraire Licidas.
Que l'on vit millefoss invoquer le trépas,
Nepouvant rendre Iris fenfible
Aux tendres mouvemens qui partoient de
fon cours
318 Extraordinaire
C
Employant tout le foin poffible
Afinde luy caufer unepareille ardeur,
Apres avoirfouffert , pleuré, priéfans ceffe
Cecher objet de fa tendreffe,
byer
Arriva ce jour bienheureux
Qu'il vit récompenferfesvoeux. 70
Depuis ce temps leur amour mutuelles
Paroift auxyeux de tous devoir eftre éter
nelle.
"Ainfi donc je conclus de cé raiſonnement ."
Que d'un amour trop prompt il naift d'é
trangesfuites;
Où quand il n'eft formé qu'apres plufieurs
poursuites,
Rarement on n'en voit qu'un bon évenement;
Et qu'enfin pour avoir toûjours l'ame contente,
Laderniere Fortune eft plusfatisfaisante.
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Résumé : QUELLE FORTUNE EST la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont les soins sont receus d'abord agréablement, & presque aussi tost recompensez ; ou le bonheur de celuy, qui apres avoir aimé quelque temps sans espérance, trouve enfin le coeur de sa Maistresse sensible.
Le texte examine deux types de fortunes en amour. La première concerne un amant dont les vœux sont rapidement exaucés. La seconde décrit un amant qui, après avoir aimé sans espoir, voit finalement sa maîtresse s'adoucir. Le texte affirme que l'amour facilement obtenu peut devenir extrême au début mais se raréfie ensuite. À l'inverse, un amour obtenu après résistance et peine procure un plaisir plus grand. L'exemple d'Oronte illustre la première fortune. Oronte reçoit promptement l'affection de Cloris, qu'il épouse. Cependant, Cloris devient infidèle dès le jour des noces, causant une grande souffrance à Oronte. Licidas incarne la seconde fortune. Après avoir souffert et prié sans cesse, Licidas voit enfin ses vœux récompensés. Son amour pour Iris, après de nombreuses poursuites, devient mutuel et éternel. Le texte conclut que la fortune la plus satisfaisante est celle où l'amour naît après plusieurs poursuites, plutôt qu'un amour trop prompt qui peut mener à des suites étranges.
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17
18
p. 76-86
EXTRAIT D'UNE LETTRE ECRITE DE ROCHEFORT.
Début :
Ma Lettre du mois de Mars vous a fait sçavoir / Madame la Princesse de Guemené est morte en son Chasteau [...]
Mots clefs :
Princesse de Guemené, Qualités, Faiblesses, Princes, Duc, Rochefort, Souverains, Beauté, Cour, Psaumes, Dieu, Anne de Rohan, Décès
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT D'UNE LETTRE ECRITE DE ROCHEFORT.
Ma Lettre du mois de Mars
vous a fait ſçavoir la perte
que l'on a faite de Madame
GALANT. 77
la Princeſſe de Guemené. Je
ne vous dis rien alors de fes
grandes qualitez , comme ſi
j'avois preveu que je devois
recevoir l'éloge que vous allez
lire. Il a eſté fait par une
Perſonne qui la connoiſſoit
parfaitement,& c'eſtle moins
que l'on doive à cette Illuſtre
Défunte , que d'apprendre à
tout le monde , ce que tout
le monde dévroit tâcher d'imiter.
Güj
78 MERCURE
SSS2-2552525-22552,
EXTRAIT
D'UNE LETTRE
ECRITE DE ROCHEFORT.
5.00
M en
Adame la Princeſſe de
Guemené est morte enfon
Chafteau de Rochefort le 14. de
Mars âgée de 79. ans. Elle estoit
iffuë des anciens Souverains de
Bretagne,&des Rois de Navarre;
mais quelque grande qu'ellefust
par une fi illustre naiſſance , elle
l'estoit bien davantage par sa
vertu& parfon merite. Ils'est
GALANT. 79
weupeu de Perſonnes defon Sexe
& de ſon rang qui ayent poffedé
d'auffi grandes qualitez, e qui
les ayent portéesfiloin. Elleſceut
joindre enſemble désſaplus tendre
jeuneffe , une beauté parfaite
une modestie ſurprenante ,
joüir au milieu des troubles ,
des embarras de la Cour , d'une
quiétude , & d'une tranquillité
d'esprit que la plupartdesGrands
ne connoiffent point , &recherchent
encore moins. Ellefutgrande
fans orgueil , belle sans affe-
Station , majestueuse sans fierté,
ferme dans les plus grands malheursfans
vanité, bonnefansfoi
Giiij
80 MERCURE
bleſſe, & charitable envers lespauvresfans
oftentation. Sa dévotion
eſtoit tendre & ſolide. Dieu qui
l'avoit attirée de bonne heure,luy
avoit montré par quelle voye il
vouloit qu'elle vinſt à luy ; c'est
pourquoy elle le cherchoit dans la
fimplicité du coeur,&elle l'adoroit
en eſprit&en verité,s'offrant cotinuellement
à luy par le facrifice
qu'elle luy faisoit de toutce qu'el
le avoit de plus cher& de plus
ſenſible au monde. On fçait affez
de quelle maniere Dieu l'a
éprouvée , & combien il luy a
fait de graces , pour ſoûtenir un
chocfi terrible avec autantde geGALANT.
81
1
nérositéqu'elle l'a fait. Aussi une
vie ſi chrétienne &fi ſainte at'elle
esté couronnée par une plus
Sainte mort. Comme elle l'avoit
envisagéedés long- temps, qu'-
elle enfaisoit son étude dans ſes
fréquentes retraites à la Campagne
depuis pluſieurs années , elle
ne fut point effrayéedefon appro.
che. Au contraire , aprés s'eftre
humiliée profondement , &avoir
reconnu devant le Seigneurson
neant&sa baſſeſſe , elle adoroit
baifoit la main de celuy quila
frappoit; elle loüoitſes mifericordes
infinics ; elle conſoloit ceux qui
estoient touchez de la perte qu'ils
Le Seig
1
92 MERCURE
alloient faire ; elle infultoit,pour
ainſi dire , à la foibleſſe des autres,
qui n'écoutoient que leur dow
leur;elleſupportoit lesſiennes avec
une patience invincible, elle ne
Soûpiroitplusqu'aprés la Maiſon
de Dieu,onfafoy luyfaisoit voir
une grandeur bien plus folide que
celle dont elle avoit joüy icy bas..
Pendant toute maladie qui Ja
duré deux mois o demy , Dieu
luy a conſervé juſques au dernier
Soupir cejugement , cette préſen
ce , &cette vivacité d'efprit ad_
mirable , qu'on a reconnu en elle
pendant toutesa vie. Ilsemble
mesme que pour la récompenfer
GALANT. 83
د
de l'amour qu'elle avoit toûjours
eu pour l'Ecriture Sainte
principalement pour les Pfeaumes
, & pour le Saint Evangile
, Dieu luy augmenta la me
moire ,& qu'il la luy renditplus
vive & plus presente qu'elle
n'avoitjamais esté. Elle luy fourniffoit
fans peine les pafſſages qui
estoient les plus conformes àl'état
où elle se trouvoit , &lors que
Sa foibleſſe l'empeſchoit de lespro
noncer , elle se les faisoit reciter
par ceux qui avoient l'honneur
de l'affiſter dans ces derniers mo
mens. Elle leur avoña qu'elle
n'avoit jamais goûté de plaifu
84 MERCURE
plus ſenſible que lors qu'elle avoit
receu les Sacremens pendant ſa
maladie , &qu'elle se nourriſſoit
de la Parole de Dieu ; && ce fut
après avoir achevé ces paroles,
qu'elle adreſſoit au Crucifix,
„ mon Dieu que vous avez
,, ſouffert pour moy , & que
,, je ſouffre peu pour vous!
,, encore , mon Dieu , encore
; ce fut , dis- je , aprés avoir
prononcé cét Acte d'amour of de
pénitence , qu'elle tomba dans une
foibleſſe qui l'emporta une demiheure
aprés.
C'est ainsi qu'a vécu , &
qu'est morte Anne de Rohan,
GALANT. 85
!
Princeſſe de Guemené , fille unique
de Pierre de Rohan , Prince
de Guemené , & de Madeleine
de Rieux Chasteauneuf, ſa premiere
Femme. Elle avoitépousé
Loüis de Rohan ſon Cousin germain
, Fils d'Hercule de Rohan,
Duc de Montbazon , Pair &
grand Veneur de France , & de
Madeleine de Lenoncourſa premiere
Femme , & ainfi elleporta
par ce Mariage les grands
biens de labranche aînéeàlaCadette.
Elle a eu pour Fils Char
les de Rohan Duc de Montba
zon , Pere de M² le Prince de
Guemené d'aujourd'huy , de M
86 MERCURE
le Prince de Montauban , de
Meſdemoiselles de Guemené,de
Montbazon & de Montauban,
feu M² de Rohan grand Veneurde
France.
vous a fait ſçavoir la perte
que l'on a faite de Madame
GALANT. 77
la Princeſſe de Guemené. Je
ne vous dis rien alors de fes
grandes qualitez , comme ſi
j'avois preveu que je devois
recevoir l'éloge que vous allez
lire. Il a eſté fait par une
Perſonne qui la connoiſſoit
parfaitement,& c'eſtle moins
que l'on doive à cette Illuſtre
Défunte , que d'apprendre à
tout le monde , ce que tout
le monde dévroit tâcher d'imiter.
Güj
78 MERCURE
SSS2-2552525-22552,
EXTRAIT
D'UNE LETTRE
ECRITE DE ROCHEFORT.
5.00
M en
Adame la Princeſſe de
Guemené est morte enfon
Chafteau de Rochefort le 14. de
Mars âgée de 79. ans. Elle estoit
iffuë des anciens Souverains de
Bretagne,&des Rois de Navarre;
mais quelque grande qu'ellefust
par une fi illustre naiſſance , elle
l'estoit bien davantage par sa
vertu& parfon merite. Ils'est
GALANT. 79
weupeu de Perſonnes defon Sexe
& de ſon rang qui ayent poffedé
d'auffi grandes qualitez, e qui
les ayent portéesfiloin. Elleſceut
joindre enſemble désſaplus tendre
jeuneffe , une beauté parfaite
une modestie ſurprenante ,
joüir au milieu des troubles ,
des embarras de la Cour , d'une
quiétude , & d'une tranquillité
d'esprit que la plupartdesGrands
ne connoiffent point , &recherchent
encore moins. Ellefutgrande
fans orgueil , belle sans affe-
Station , majestueuse sans fierté,
ferme dans les plus grands malheursfans
vanité, bonnefansfoi
Giiij
80 MERCURE
bleſſe, & charitable envers lespauvresfans
oftentation. Sa dévotion
eſtoit tendre & ſolide. Dieu qui
l'avoit attirée de bonne heure,luy
avoit montré par quelle voye il
vouloit qu'elle vinſt à luy ; c'est
pourquoy elle le cherchoit dans la
fimplicité du coeur,&elle l'adoroit
en eſprit&en verité,s'offrant cotinuellement
à luy par le facrifice
qu'elle luy faisoit de toutce qu'el
le avoit de plus cher& de plus
ſenſible au monde. On fçait affez
de quelle maniere Dieu l'a
éprouvée , & combien il luy a
fait de graces , pour ſoûtenir un
chocfi terrible avec autantde geGALANT.
81
1
nérositéqu'elle l'a fait. Aussi une
vie ſi chrétienne &fi ſainte at'elle
esté couronnée par une plus
Sainte mort. Comme elle l'avoit
envisagéedés long- temps, qu'-
elle enfaisoit son étude dans ſes
fréquentes retraites à la Campagne
depuis pluſieurs années , elle
ne fut point effrayéedefon appro.
che. Au contraire , aprés s'eftre
humiliée profondement , &avoir
reconnu devant le Seigneurson
neant&sa baſſeſſe , elle adoroit
baifoit la main de celuy quila
frappoit; elle loüoitſes mifericordes
infinics ; elle conſoloit ceux qui
estoient touchez de la perte qu'ils
Le Seig
1
92 MERCURE
alloient faire ; elle infultoit,pour
ainſi dire , à la foibleſſe des autres,
qui n'écoutoient que leur dow
leur;elleſupportoit lesſiennes avec
une patience invincible, elle ne
Soûpiroitplusqu'aprés la Maiſon
de Dieu,onfafoy luyfaisoit voir
une grandeur bien plus folide que
celle dont elle avoit joüy icy bas..
Pendant toute maladie qui Ja
duré deux mois o demy , Dieu
luy a conſervé juſques au dernier
Soupir cejugement , cette préſen
ce , &cette vivacité d'efprit ad_
mirable , qu'on a reconnu en elle
pendant toutesa vie. Ilsemble
mesme que pour la récompenfer
GALANT. 83
د
de l'amour qu'elle avoit toûjours
eu pour l'Ecriture Sainte
principalement pour les Pfeaumes
, & pour le Saint Evangile
, Dieu luy augmenta la me
moire ,& qu'il la luy renditplus
vive & plus presente qu'elle
n'avoitjamais esté. Elle luy fourniffoit
fans peine les pafſſages qui
estoient les plus conformes àl'état
où elle se trouvoit , &lors que
Sa foibleſſe l'empeſchoit de lespro
noncer , elle se les faisoit reciter
par ceux qui avoient l'honneur
de l'affiſter dans ces derniers mo
mens. Elle leur avoña qu'elle
n'avoit jamais goûté de plaifu
84 MERCURE
plus ſenſible que lors qu'elle avoit
receu les Sacremens pendant ſa
maladie , &qu'elle se nourriſſoit
de la Parole de Dieu ; && ce fut
après avoir achevé ces paroles,
qu'elle adreſſoit au Crucifix,
„ mon Dieu que vous avez
,, ſouffert pour moy , & que
,, je ſouffre peu pour vous!
,, encore , mon Dieu , encore
; ce fut , dis- je , aprés avoir
prononcé cét Acte d'amour of de
pénitence , qu'elle tomba dans une
foibleſſe qui l'emporta une demiheure
aprés.
C'est ainsi qu'a vécu , &
qu'est morte Anne de Rohan,
GALANT. 85
!
Princeſſe de Guemené , fille unique
de Pierre de Rohan , Prince
de Guemené , & de Madeleine
de Rieux Chasteauneuf, ſa premiere
Femme. Elle avoitépousé
Loüis de Rohan ſon Cousin germain
, Fils d'Hercule de Rohan,
Duc de Montbazon , Pair &
grand Veneur de France , & de
Madeleine de Lenoncourſa premiere
Femme , & ainfi elleporta
par ce Mariage les grands
biens de labranche aînéeàlaCadette.
Elle a eu pour Fils Char
les de Rohan Duc de Montba
zon , Pere de M² le Prince de
Guemené d'aujourd'huy , de M
86 MERCURE
le Prince de Montauban , de
Meſdemoiselles de Guemené,de
Montbazon & de Montauban,
feu M² de Rohan grand Veneurde
France.
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Résumé : EXTRAIT D'UNE LETTRE ECRITE DE ROCHEFORT.
La lettre informe du décès de la Princesse de Guemené, survenu le 14 mars à l'âge de 79 ans au château de Rochefort. La princesse, issue des anciens souverains de Bretagne et des rois de Navarre, était reconnue pour ses grandes qualités morales et son mérite. Elle incarnait la jeunesse, la beauté, la modestie et la tranquillité d'esprit, même en période de troubles à la cour. Sa personnalité se distinguait par une absence d'orgueil malgré sa grandeur, de fierté malgré sa majesté, et d'ostentation malgré sa bonté. Sa dévotion était sincère et profonde, cherchant Dieu dans la simplicité du cœur. Sa maladie, ayant duré deux mois et demi, n'a pas altéré son jugement ni sa vivacité d'esprit. Elle trouvait du réconfort dans la réception des sacrements et se nourrissait de la Parole de Dieu. Elle est décédée après avoir prononcé un acte d'amour et de pénitence. La princesse était la fille unique de Pierre de Rohan et de Madeleine de Rieux Chasteauneuf, et avait épousé Louis de Rohan, son cousin germain. Elle eut plusieurs enfants, dont Charles de Rohan, Duc de Montbazon.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 93-99
A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Début :
On croit quelquefois rire de la Mort quand elle est / Il est donc vray, Damon, vous aimez Celimene, [...]
Mots clefs :
Fièvre, Amies, Gentilhomme, Muses, Ardeur , Gloire, Amour, Empire, Charmes, Beauté, Iris, Mémoire, Coeur, Jeunesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
On croit quelquefois rire
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
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Résumé : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Le texte présente deux récits distincts. Le premier raconte l'histoire d'une jeune personne souffrant d'une légère fièvre qui plaisante avec un galant homme en lui demandant de donner son cœur à une de ses amies après sa mort. La fièvre s'aggravant, elle décède peu après. Le second récit est une correspondance poétique entre Damon et un galant homme. Iris, avant de mourir, ordonne à Damon d'aimer Célimène. Le galant homme conseille à Damon de respecter la mémoire d'Iris tout en aimant Célimène, soulignant que les vivants font oublier les morts. Il l'encourage à voir Iris dans Célimène, mais aussi à apprécier les charmes de cette dernière. Le texte se conclut par un conseil à Damon de partager son cœur entre la mémoire d'Iris et l'amour pour Célimène, afin de se satisfaire pleinement.
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20
p. 182-187
LE COQ D'INDE DÉPLUMÉ. FABLE.
Début :
L'Envie est un grand defaut, & il n'y a rien de plus / Un jour les Oyseaux de nos Bois [...]
Mots clefs :
Envie, Défauts, Oiseaux, Voix, Chanter, Air, Rossignol, Victoire, Corbeau, Coq d'Inde, Prix, Coeur, Honneur, Beauté, Estime
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE COQ D'INDE DÉPLUMÉ. FABLE.
L'Envie eſt un grand defaut
, & il n'y a rien de plus
dangereux que de l'écouter.
La Fable qui fuit nous le fait
aſſez connoiſtre .
GALANT. 183
25522-5252552-2555
LE COQ D'INDE
DEPLUME' .
FABLE.
Njourles Oyseauxdenos
Bois
Diſputerent entr'eux de la plus belle
voix.
Ils'agiffoit d'acquerir de l'eſtime ;
On déterminal' Airque l'on devoit
chanter.
C'estoit unAir grand &fublime ,
On vintde toutes parts àdeſſein d'écouter,
Etpourjugerde cette Affaire.
Un Chardonnet d'abordyparutfur
1
lesvangs,
(
184 MERCURE
Maissa voix estoitsi vulgaire,
Quenonobstantſes Partisans,
Ellen'eutpas ledonde plaire.
Un Reffignolfurvient, mais un des
plusfçavans,
Etd'une voix auffi douce quefortes
Ses tonsſemblentfi beaux,sijustes,
Sitouchans,
Que de cent Piques il l'emporte,
Etmesme de l'aveu des autres Prétendans
Chacun luy donne la victoire.
Ilest vray qu'un Corbeau voulutternirsa
gloire;
Mais malgré ses croaſſemens,
On rendit justice au mérite.
Luy, par une prudente & modefte
conduite,
Auffi-tostse casha, de peur des Complimens.
La Diſpute estoit doncfinie,
GALANT. 185
1
Lors qu'un vicux Poulet d'Inde, émû
dejalousie,
Ofa bien la recommencer....
Quelques Poulettesfes Voisines,
Sans eſprit,fansbon goust, inquiettes,..
chagrines,
A cela le vinrent pouffer...
Adisputer le Prix fortement il s'en
gages
CeChantre du dernier étage,
Qui n'avoit jamais dit que pi, pi,
pia,pia,
Du Vainqueur hardiment condamna
le ramages
LeRoffignolleſceut,&peu s'enfoucia..
Afon aise il luy laiſſa dire
Tout ce qu'il avoit fur le coear.
Le Coq d'Inde, au lien de lay nuive,
Nelayfit qu'un fort grand hon-.
neur. 33
CetOyseau népour la Cuisine
Avril 1685.
186 MERCURE
Nepouvoit, diſoit il,fouffrirces rou
lemens,
Ces fredons redoublez, & ces faux
agrémens
Qui nesefont que parroutine.
Ilaimoit dans le Chant cettefimpli
cité
Qui n'a rienqui ſoit affecté.
Ses plaintespar tout retentiſſent;
Ases raisons d'abord les Oyfons
applaudiſſent.
On fait donc affembler les Oyfeaux
d'alentour,
Pourjuger de la Voix charmante.
Ilvintdes Epreviers, avec quelque
Vautour,
Gensſujets àla paraquante. )
Mesme on invita des Coucous
Des Chauveſouris, des Hibous,
Pourrendre la Troupe nombreuse.
En leurpréſence enfin le Coqd' Inde
chanta,
GALANT. 187
Etfa voix leur parut fi rude &fi piteuse
Qu'en un moment chacun d'eux
secanta
Cependant noftre Chantre estoittout
horsd'haleine,..
1
Lors qu'un grandEprevierde couroux:
s'enflama,
Sautafur luy, le dépluma,
Pour luy faire payer la peine.
Ainsi l'on voit deſottes Gens ,
Enteſtez de leur propre eftime,.
Qui ,foiten Profe,foit en Rime,
Veulent qu'on rie à leurs dépens..
, & il n'y a rien de plus
dangereux que de l'écouter.
La Fable qui fuit nous le fait
aſſez connoiſtre .
GALANT. 183
25522-5252552-2555
LE COQ D'INDE
DEPLUME' .
FABLE.
Njourles Oyseauxdenos
Bois
Diſputerent entr'eux de la plus belle
voix.
Ils'agiffoit d'acquerir de l'eſtime ;
On déterminal' Airque l'on devoit
chanter.
C'estoit unAir grand &fublime ,
On vintde toutes parts àdeſſein d'écouter,
Etpourjugerde cette Affaire.
Un Chardonnet d'abordyparutfur
1
lesvangs,
(
184 MERCURE
Maissa voix estoitsi vulgaire,
Quenonobstantſes Partisans,
Ellen'eutpas ledonde plaire.
Un Reffignolfurvient, mais un des
plusfçavans,
Etd'une voix auffi douce quefortes
Ses tonsſemblentfi beaux,sijustes,
Sitouchans,
Que de cent Piques il l'emporte,
Etmesme de l'aveu des autres Prétendans
Chacun luy donne la victoire.
Ilest vray qu'un Corbeau voulutternirsa
gloire;
Mais malgré ses croaſſemens,
On rendit justice au mérite.
Luy, par une prudente & modefte
conduite,
Auffi-tostse casha, de peur des Complimens.
La Diſpute estoit doncfinie,
GALANT. 185
1
Lors qu'un vicux Poulet d'Inde, émû
dejalousie,
Ofa bien la recommencer....
Quelques Poulettesfes Voisines,
Sans eſprit,fansbon goust, inquiettes,..
chagrines,
A cela le vinrent pouffer...
Adisputer le Prix fortement il s'en
gages
CeChantre du dernier étage,
Qui n'avoit jamais dit que pi, pi,
pia,pia,
Du Vainqueur hardiment condamna
le ramages
LeRoffignolleſceut,&peu s'enfoucia..
Afon aise il luy laiſſa dire
Tout ce qu'il avoit fur le coear.
Le Coq d'Inde, au lien de lay nuive,
Nelayfit qu'un fort grand hon-.
neur. 33
CetOyseau népour la Cuisine
Avril 1685.
186 MERCURE
Nepouvoit, diſoit il,fouffrirces rou
lemens,
Ces fredons redoublez, & ces faux
agrémens
Qui nesefont que parroutine.
Ilaimoit dans le Chant cettefimpli
cité
Qui n'a rienqui ſoit affecté.
Ses plaintespar tout retentiſſent;
Ases raisons d'abord les Oyfons
applaudiſſent.
On fait donc affembler les Oyfeaux
d'alentour,
Pourjuger de la Voix charmante.
Ilvintdes Epreviers, avec quelque
Vautour,
Gensſujets àla paraquante. )
Mesme on invita des Coucous
Des Chauveſouris, des Hibous,
Pourrendre la Troupe nombreuse.
En leurpréſence enfin le Coqd' Inde
chanta,
GALANT. 187
Etfa voix leur parut fi rude &fi piteuse
Qu'en un moment chacun d'eux
secanta
Cependant noftre Chantre estoittout
horsd'haleine,..
1
Lors qu'un grandEprevierde couroux:
s'enflama,
Sautafur luy, le dépluma,
Pour luy faire payer la peine.
Ainsi l'on voit deſottes Gens ,
Enteſtez de leur propre eftime,.
Qui ,foiten Profe,foit en Rime,
Veulent qu'on rie à leurs dépens..
Fermer
21
p. 296
AIR NOUVEAU.
Début :
Le second Air que je vous envoye est du / En vain tu peins nos Champs des plus vives couleurs, [...]
Mots clefs :
Champs, Couleurs, Peinture, Fleurs, Gazons, Saison, Beauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
Le ſecond Air que je vous
envoyed eſt du meſme M'
d'Ambruis , dont je vous ay
parlé amplement dans un des
articles de ma Lettre .
AIR NOUEVAU.
E
Nvaintu peinsnosChamps
desplus vives couleurs ,
• Printemps je ne voy point tes Gazons
ny tes Fleurs,
Jenesuis pointtouché d'une Saifon
fibelle,
Iris me permet de la voir
Deſaſeule beautémon coeurfent le
pouvoir,
Etjen'aydes yeux que pourelle.
envoyed eſt du meſme M'
d'Ambruis , dont je vous ay
parlé amplement dans un des
articles de ma Lettre .
AIR NOUEVAU.
E
Nvaintu peinsnosChamps
desplus vives couleurs ,
• Printemps je ne voy point tes Gazons
ny tes Fleurs,
Jenesuis pointtouché d'une Saifon
fibelle,
Iris me permet de la voir
Deſaſeule beautémon coeurfent le
pouvoir,
Etjen'aydes yeux que pourelle.
Fermer
22
p. 1-14
METAMORPHOSE DU BUTOR EN SABOT.
Début :
La Métamorphose par laquelle je commence cette XXX. Lettre Extraordinaire / Dans l'enceinte des Murs où la petite Canche [...]
Mots clefs :
Métamorphose, Morale, Peintre, Terroir, Oiseaux, Beauté, Fortune, Cieux, Récits, Bonheur, Affection, Amants, Jardin, Injustice, Téméraire, Punition, Cruauté, Mort, Divin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : METAMORPHOSE DU BUTOR EN SABOT.
6tia coutume d'inventer,
pourinstruirele Leffeurpar
quelque trait de Morale. UneAvantureauffi
plaijittJte que particulière, en
afourny lesujet, & ïAutheurs'est
diverty à la déguifer fous des noms
d'Oyséaux. Elle est écrired'unfiile
.fort naturel ,& veritable dans toutes
ses circonfiances. le ne nomme
point le lieu ou la chose est arrivée. Ilfùjjitquon la rapporte de la manitre
quetouts'estpassé, &isseroit
inutile de donnermoyen aux Curieux
de découvrir les Intéressez,.Quelque
avtrfionquon ait pour les Mtdisans
,surtoutpour ceux quisevantent
de faveurs receues des Belles,
J*bonnefieté veut qutonles épargne-,
quand ils ont*(ïé punis aussi rigoureusement
que le Cavalier qui a donné
Aim à ceque -v#waeezltre.
METAMORPHOSE
DU BU.TOR
EN SABOTDAm
ïençem'tdfrMfiria»Upetite.
Canche
SêmbUp4taf%GMtt>ûrsrltwrmr sur[el.
PM, V.don les brillm*C
"c'Issi. -,: ,,' -,,'\"¡N',
Sontandfjjfti de tart du Peintre &dele
Planche* - - Le Terroir abondant, les P-rez, les Boù,
les Eaux, ..; - 'A v"7 F"d- 'O.jfJ<'4Jotù.ei'<.V^n'.\j - "'r'tt '-04 \, l') ", Cefutlaque.fah4V*ntnh
Vn BHt" èblàmde ktivive, beauté
n'tuue Fauvette,&"desapropreté,
Fit un effortsursa nature. itantftnnid AHmilieu du grand,jour]
Pour luy conter Cexcèsdesen amour, Il sInhardlt & luy renditvisite;
Mais de/litué de conduite
Il neput s'arrester
jiu choix desa bonnefertune;
mtsans enfaire cas, il allafureter
DesNidsd'une Espêcecommune,
fOù pour certains égardsilfuttrès-bien
receu,
(Comme un nombre d'OJ[eAHX de difèrent
plumage, J)ontilnefuivitpasta règle&leménage
Son dessein avortantfitoflqu'issutconcen,
Bnforte qu'ilhauffkfon vol&sabrifte>
¡Cr,}"nt trouver par tout unevictoire •aisèe;• -• .:-
EtceBrutal audacieux
-, ':.
u CherchantdePlaceeilPldse,
Orporter bienprésdefCùux
-SApajfiQltr!Tr(Jn4IJd..
QuipourracroireyuHttBHtot
\Aitvoulu prendreun tel essars
Sachance luy sembloit trop bonne
Pour voirrien cféclatant qu'il»ettftosé
tenter,
Ce qui fémlet à visîterfAiglonne.
L'acneilqu'elle luyfitdevaitle contenter;
Mais par des récits teméraires
ZfEtourdyminal'état desesaffaires.-
Les Amansdaujourd'huysuivent cette,
leçon;
Moins ils ont defaveurs, plutilsenfont*
paroifire,
Et telsouventauroitpeine a connoiflrt
Celle qu'ilfaitfenfible afon ajfeflion.
Leur but ness plus la déférence,
Lefecret,oulaioüiffance.
Ilssefont de l'éclat un bonheursiparfait$,
Queces Extravagantpréfèrent laNou*
velle
Decequejamaisils nontfait
Ala peffejfionde la Causeréelle.
Maissans plus m'ilnefler à leur legèreté,
Et les abandonnant à leur peu de conduite
Contre qui la raison ç'irrite,
Revenons à noflrèEventé.
Jlfut a ptint introduitchez, l'Aiglonnet
QuJllnycontafesprêgrésgloriekx,
Etcrut gaigner une Couronne
JP<triadefcriptu'm des Lieux.
CetteReyne du Volatile,
CommennEspiontres-habile,
Feignit del'écouterpar admirâtion,
Pvkrinduire/onitifoletice
A plus grande narration,
Ëllepunirdtfonoffertse.
Ildit que la Fauvette estoit à petit prix,
Quesa ihtJe Alliance attiraitfin mépris;
Quedtttxautreune Effiece
étrangere
Sur elle nenchérifoientguém
-
Brefilosadansfinraport
Insulter a l'honneurd'uneagréable Pie,
Disant eju'illa mettoit au rang de la
charpie,
Pourefiresansdéfenseaupluspetit effort.
VAiglonneaimant la Pie, eut peineàse
contraindre,
ToutefoiseHecrut yuilfaloitencorfeindre,
Espérantvoir en pM de jours
Celles qu'ildédiireitparses lâches discours.
^Enfuit?ilrevitsesMaistresses,
Dont croyant obtenir quelques douces cth
refis,
Enruppoflmt un traitement bien doux,
Hfit uneféconde &femblakl* NouvelleJ
Mitpar unfauxrécit fAiglonne enfa*
rallele,
Excepté qu'ilparlade Jardin &deChoux.
Vn jour ellesse rencontrèrent
JPar un coup,du hasard danssonAparté"
ment,
Et comme elles cherchoientun éclirciffi.
ment,
Leurcommun intèreiffit<jmelless*acceptirent,
Et qu'un pareil motifleur échauffant le
caur,
Tout leurentretienfut du Calomniateur,
Dont l'utti blâmoit Ucaprice,
L'autre cenddrnnoit Cinjttjlice;
Et-defcs entretienstoutesfaifmt l'aveu^
T trouvaient beaucoup d'insolence,
Lors que l'Aiglonne entra, qui reconnutunfeu
Plusardent queceluy cjuinfpiroitsa pri.
fence.
J'ay, dit-elle en raillant. ce me semble,
observé
Sur vos visages quelques flames;
Vous devez bien ouvrir vos ames
A celle qui pour vous n'a rien de réservé.
Hélas! dit la Pie en colere,
Vous avez part à ce mistere;
Le Butor hautement devant moys'est
vanté
Qu'il faisoitdevous à sa guise.
Une autre interrompit, C'estce quilm'a
conté,
Et j'en demeuray sisurprise,
Que mon esprit en fut quelque temps
obscurcy.
Certes, dit la troisième, il mel'a dit aussi
11 vous l'a dit, reprit l'Aiglonne?
La Fauvetttaussi-tft tun accent tendre
ô- doux,
ÁJe}. répondit, Madame, jefrissonne
Quand je resve aux discoursqu'il avance
de vous..
Ah, l'Insolent,le Teméraire!
Je le feray ressouvenir,
Quoy qu'indigne de ma colere,
Des propos qu'il a sçû tenir;
Et pourvous obligerà suivre ma vangeance,
Apprenez que cetIndiscret,
Bien loin de garder le secret,
M'a fait sur vous pareille confidence,
O Justes Dieux! dirent elles alors,
Il faut luy mutiler le corps,
En prendre un châtiment qui lay-merrne
l'étonne,
Etle mette en état de donner de l'horreur.
N'allons passi loin, dit l'Aiglonne,
Il faut en toute chose avoir foin de l'honneur.
On doit mesme en Judicature
Agir avec proportion,
Etformer la punition
Sur le rang de celuy qui commet une
injure.
Plus il est élevé, plus le crime commis
Exige de peines cruelles;
Mais quand il part d'un Sex trop
soûmis,
Onle punit comme des bagatelles.
Ainsij'ordonne un châtiment
Digne d'un Butor insolent.
Etse retournantvtrs la Pie,
C'est à vous, m'a-t-on dit, seulement,
qu'ilsefie;
Par là nous pouvons profiter
De sa confiance crédule,
L'obligeant à vous visiter,
Demain seul dansvostre Cellule,
Oùjeferay portertrois ou quatre balais
Par mes plus robustes Valets.
Ce complot pris,onse retire
Dans le dejjein d'écorcherle bon Sire,
Qtûfuivantson tempérament,
Sa teflevuide & sans cervelle,
'^epouvant demeurer en repos us mo- -
mlnt
Vint Je brûler à la chandelle,
Ou-bien, si vous voulez., accomplitson ;v.dessin,
En rendant à la Pie un devoir clMUleflin.
Elle feinit deflreaffairée,
Et luy dit tendrement, Faites-moy le
plaisir
De me laisser toute cette soirée;
Demainnous nous verrons, seuls, &
plus à loisir.
Cet Idiotcroyantsafortune meilleure,
Dit,yyvierndray seul, ou je meure.-
Ilsortit, dormit peu, s'éveilla,se rendit
jiu lieuqu'ilpréfftmoit tint remply de
-* M". v-
Jugez*ejueltroublelesaisit, -
Voyanten tant de mains l'objet âtftsfu*
plices.
Il fçavùt que tout ses raports - Esitientfaux, ou peu ventables.
Aafft pour s'évaderfit-ildegrandsefforts,-
Mais il avoit a fai-eades lnéxorteblu,.
Quisansavoirégardasesfoibles raisons.
Crioient incessamment, Tuons, tuons,
tuons.
L'Aiglonnedit, Je sçay ce qu'on doit
auxImpies, la mort leur est. un châtiment trop
doux;
Mes deux Servantes, ou Harpies,
Luyferont rëssentirl'effet de moncouroux.
Allons vîte, qu'on le dépoüille,
Et que dans son fang on lemoüille.
Alors ces barbaresOyseaux,
Suivant leur naturelsauvage,
Imprimèrent auxreins de ceRoy desLou;
datifs
LesfangUns effets de leur rage,
Etpar des coups defouetfortementredoublez.
Lemirent en l'état qu'on peintles Fia-*
elle.
Ena-t-il assez,ditl'Aiglonne?
Non, répanditcetteTroupefélonne,
Il fautrecommencer, & ne se lasser pas
Montrez tout de nouveau la force de,
- vos bras.
Se levant cites empoignèrent
Les mtmbres quise préfentérettt.
L'une lesaisit par devant,
Celle-làparlespieds,celk-cy par les ailes,
rrandü que sanscesser deux Mègeres
cruelles
Le mirent en moins d'un infiant
Dansun étatsipitoyable,
IQue le récitsembleroit une Fable,
Le dépitles tenant tropfort
>
Tours'éteindre/queparsamort,
Quirieuftpasfaitsans douteunplus long
intervalle,
Sans le Dieu Mars, quiparcompàjfton
ClfllngeAtcflre de ce Bouffon
Dont il chérissoit la Caballe,
.En Itty donnant laformed'un Sabot*
JQttil ventfaut dépeindre en un mot.
Sans cesseildort, ou s'ils'éveille,
Ceflauseul bruit desapunition;
Nature en ce seul cas luy conferva lortitley
.:':. Comme umfurcfoifl à fin aJfUEHon*
* Sorte de Toupie sansferauboutd'en-bas,
dontles Enfans joüent, en la faisant tournât
avec un foüet de cuir.
Tant elle est rigmreufeÀpunir les tnfxmes
JQui disent lesfaveurs,ou le[cent des
Dames.
JUBEIRT, de laDoüanne
deLyon.
pourinstruirele Leffeurpar
quelque trait de Morale. UneAvantureauffi
plaijittJte que particulière, en
afourny lesujet, & ïAutheurs'est
diverty à la déguifer fous des noms
d'Oyséaux. Elle est écrired'unfiile
.fort naturel ,& veritable dans toutes
ses circonfiances. le ne nomme
point le lieu ou la chose est arrivée. Ilfùjjitquon la rapporte de la manitre
quetouts'estpassé, &isseroit
inutile de donnermoyen aux Curieux
de découvrir les Intéressez,.Quelque
avtrfionquon ait pour les Mtdisans
,surtoutpour ceux quisevantent
de faveurs receues des Belles,
J*bonnefieté veut qutonles épargne-,
quand ils ont*(ïé punis aussi rigoureusement
que le Cavalier qui a donné
Aim à ceque -v#waeezltre.
METAMORPHOSE
DU BU.TOR
EN SABOTDAm
ïençem'tdfrMfiria»Upetite.
Canche
SêmbUp4taf%GMtt>ûrsrltwrmr sur[el.
PM, V.don les brillm*C
"c'Issi. -,: ,,' -,,'\"¡N',
Sontandfjjfti de tart du Peintre &dele
Planche* - - Le Terroir abondant, les P-rez, les Boù,
les Eaux, ..; - 'A v"7 F"d- 'O.jfJ<'4Jotù.ei'<.V^n'.\j - "'r'tt '-04 \, l') ", Cefutlaque.fah4V*ntnh
Vn BHt" èblàmde ktivive, beauté
n'tuue Fauvette,&"desapropreté,
Fit un effortsursa nature. itantftnnid AHmilieu du grand,jour]
Pour luy conter Cexcèsdesen amour, Il sInhardlt & luy renditvisite;
Mais de/litué de conduite
Il neput s'arrester
jiu choix desa bonnefertune;
mtsans enfaire cas, il allafureter
DesNidsd'une Espêcecommune,
fOù pour certains égardsilfuttrès-bien
receu,
(Comme un nombre d'OJ[eAHX de difèrent
plumage, J)ontilnefuivitpasta règle&leménage
Son dessein avortantfitoflqu'issutconcen,
Bnforte qu'ilhauffkfon vol&sabrifte>
¡Cr,}"nt trouver par tout unevictoire •aisèe;• -• .:-
EtceBrutal audacieux
-, ':.
u CherchantdePlaceeilPldse,
Orporter bienprésdefCùux
-SApajfiQltr!Tr(Jn4IJd..
QuipourracroireyuHttBHtot
\Aitvoulu prendreun tel essars
Sachance luy sembloit trop bonne
Pour voirrien cféclatant qu'il»ettftosé
tenter,
Ce qui fémlet à visîterfAiglonne.
L'acneilqu'elle luyfitdevaitle contenter;
Mais par des récits teméraires
ZfEtourdyminal'état desesaffaires.-
Les Amansdaujourd'huysuivent cette,
leçon;
Moins ils ont defaveurs, plutilsenfont*
paroifire,
Et telsouventauroitpeine a connoiflrt
Celle qu'ilfaitfenfible afon ajfeflion.
Leur but ness plus la déférence,
Lefecret,oulaioüiffance.
Ilssefont de l'éclat un bonheursiparfait$,
Queces Extravagantpréfèrent laNou*
velle
Decequejamaisils nontfait
Ala peffejfionde la Causeréelle.
Maissans plus m'ilnefler à leur legèreté,
Et les abandonnant à leur peu de conduite
Contre qui la raison ç'irrite,
Revenons à noflrèEventé.
Jlfut a ptint introduitchez, l'Aiglonnet
QuJllnycontafesprêgrésgloriekx,
Etcrut gaigner une Couronne
JP<triadefcriptu'm des Lieux.
CetteReyne du Volatile,
CommennEspiontres-habile,
Feignit del'écouterpar admirâtion,
Pvkrinduire/onitifoletice
A plus grande narration,
Ëllepunirdtfonoffertse.
Ildit que la Fauvette estoit à petit prix,
Quesa ihtJe Alliance attiraitfin mépris;
Quedtttxautreune Effiece
étrangere
Sur elle nenchérifoientguém
-
Brefilosadansfinraport
Insulter a l'honneurd'uneagréable Pie,
Disant eju'illa mettoit au rang de la
charpie,
Pourefiresansdéfenseaupluspetit effort.
VAiglonneaimant la Pie, eut peineàse
contraindre,
ToutefoiseHecrut yuilfaloitencorfeindre,
Espérantvoir en pM de jours
Celles qu'ildédiireitparses lâches discours.
^Enfuit?ilrevitsesMaistresses,
Dont croyant obtenir quelques douces cth
refis,
Enruppoflmt un traitement bien doux,
Hfit uneféconde &femblakl* NouvelleJ
Mitpar unfauxrécit fAiglonne enfa*
rallele,
Excepté qu'ilparlade Jardin &deChoux.
Vn jour ellesse rencontrèrent
JPar un coup,du hasard danssonAparté"
ment,
Et comme elles cherchoientun éclirciffi.
ment,
Leurcommun intèreiffit<jmelless*acceptirent,
Et qu'un pareil motifleur échauffant le
caur,
Tout leurentretienfut du Calomniateur,
Dont l'utti blâmoit Ucaprice,
L'autre cenddrnnoit Cinjttjlice;
Et-defcs entretienstoutesfaifmt l'aveu^
T trouvaient beaucoup d'insolence,
Lors que l'Aiglonne entra, qui reconnutunfeu
Plusardent queceluy cjuinfpiroitsa pri.
fence.
J'ay, dit-elle en raillant. ce me semble,
observé
Sur vos visages quelques flames;
Vous devez bien ouvrir vos ames
A celle qui pour vous n'a rien de réservé.
Hélas! dit la Pie en colere,
Vous avez part à ce mistere;
Le Butor hautement devant moys'est
vanté
Qu'il faisoitdevous à sa guise.
Une autre interrompit, C'estce quilm'a
conté,
Et j'en demeuray sisurprise,
Que mon esprit en fut quelque temps
obscurcy.
Certes, dit la troisième, il mel'a dit aussi
11 vous l'a dit, reprit l'Aiglonne?
La Fauvetttaussi-tft tun accent tendre
ô- doux,
ÁJe}. répondit, Madame, jefrissonne
Quand je resve aux discoursqu'il avance
de vous..
Ah, l'Insolent,le Teméraire!
Je le feray ressouvenir,
Quoy qu'indigne de ma colere,
Des propos qu'il a sçû tenir;
Et pourvous obligerà suivre ma vangeance,
Apprenez que cetIndiscret,
Bien loin de garder le secret,
M'a fait sur vous pareille confidence,
O Justes Dieux! dirent elles alors,
Il faut luy mutiler le corps,
En prendre un châtiment qui lay-merrne
l'étonne,
Etle mette en état de donner de l'horreur.
N'allons passi loin, dit l'Aiglonne,
Il faut en toute chose avoir foin de l'honneur.
On doit mesme en Judicature
Agir avec proportion,
Etformer la punition
Sur le rang de celuy qui commet une
injure.
Plus il est élevé, plus le crime commis
Exige de peines cruelles;
Mais quand il part d'un Sex trop
soûmis,
Onle punit comme des bagatelles.
Ainsij'ordonne un châtiment
Digne d'un Butor insolent.
Etse retournantvtrs la Pie,
C'est à vous, m'a-t-on dit, seulement,
qu'ilsefie;
Par là nous pouvons profiter
De sa confiance crédule,
L'obligeant à vous visiter,
Demain seul dansvostre Cellule,
Oùjeferay portertrois ou quatre balais
Par mes plus robustes Valets.
Ce complot pris,onse retire
Dans le dejjein d'écorcherle bon Sire,
Qtûfuivantson tempérament,
Sa teflevuide & sans cervelle,
'^epouvant demeurer en repos us mo- -
mlnt
Vint Je brûler à la chandelle,
Ou-bien, si vous voulez., accomplitson ;v.dessin,
En rendant à la Pie un devoir clMUleflin.
Elle feinit deflreaffairée,
Et luy dit tendrement, Faites-moy le
plaisir
De me laisser toute cette soirée;
Demainnous nous verrons, seuls, &
plus à loisir.
Cet Idiotcroyantsafortune meilleure,
Dit,yyvierndray seul, ou je meure.-
Ilsortit, dormit peu, s'éveilla,se rendit
jiu lieuqu'ilpréfftmoit tint remply de
-* M". v-
Jugez*ejueltroublelesaisit, -
Voyanten tant de mains l'objet âtftsfu*
plices.
Il fçavùt que tout ses raports - Esitientfaux, ou peu ventables.
Aafft pour s'évaderfit-ildegrandsefforts,-
Mais il avoit a fai-eades lnéxorteblu,.
Quisansavoirégardasesfoibles raisons.
Crioient incessamment, Tuons, tuons,
tuons.
L'Aiglonnedit, Je sçay ce qu'on doit
auxImpies, la mort leur est. un châtiment trop
doux;
Mes deux Servantes, ou Harpies,
Luyferont rëssentirl'effet de moncouroux.
Allons vîte, qu'on le dépoüille,
Et que dans son fang on lemoüille.
Alors ces barbaresOyseaux,
Suivant leur naturelsauvage,
Imprimèrent auxreins de ceRoy desLou;
datifs
LesfangUns effets de leur rage,
Etpar des coups defouetfortementredoublez.
Lemirent en l'état qu'on peintles Fia-*
elle.
Ena-t-il assez,ditl'Aiglonne?
Non, répanditcetteTroupefélonne,
Il fautrecommencer, & ne se lasser pas
Montrez tout de nouveau la force de,
- vos bras.
Se levant cites empoignèrent
Les mtmbres quise préfentérettt.
L'une lesaisit par devant,
Celle-làparlespieds,celk-cy par les ailes,
rrandü que sanscesser deux Mègeres
cruelles
Le mirent en moins d'un infiant
Dansun étatsipitoyable,
IQue le récitsembleroit une Fable,
Le dépitles tenant tropfort
>
Tours'éteindre/queparsamort,
Quirieuftpasfaitsans douteunplus long
intervalle,
Sans le Dieu Mars, quiparcompàjfton
ClfllngeAtcflre de ce Bouffon
Dont il chérissoit la Caballe,
.En Itty donnant laformed'un Sabot*
JQttil ventfaut dépeindre en un mot.
Sans cesseildort, ou s'ils'éveille,
Ceflauseul bruit desapunition;
Nature en ce seul cas luy conferva lortitley
.:':. Comme umfurcfoifl à fin aJfUEHon*
* Sorte de Toupie sansferauboutd'en-bas,
dontles Enfans joüent, en la faisant tournât
avec un foüet de cuir.
Tant elle est rigmreufeÀpunir les tnfxmes
JQui disent lesfaveurs,ou le[cent des
Dames.
JUBEIRT, de laDoüanne
deLyon.
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23
p. 70-73
Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Début :
Ils coucherent le 25. à Orleans. C'est la Capitale d'un [...]
Mots clefs :
Orléans, Pont, Titre, Paris, Ville, Églises, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Ils coucherent le 25. à
Orleans . C'eſt la Capitale
d'un petit Pays qui a titre
de Duché. Elle eft fur la
Loire ,& a un beau Pont
fur cette Riviere,fort feur,
& d'une grande commodité
pour le Negoce Elle
a auffi Univerſité & Prefilial
, & fon Evefque eft
Suffragant de Paris Cerre
Ville, qui eſt une des plus
belles &des plus anciennes
de France , eut titre
de Royaume fous nos
de Siam.
70
Rois de la premiere Race.
Ses Eveſques ont des Privileges
confiderables. Ils
delivrent des Prifonniers
le jour de leur Entrée , &
font portez à la Cathedra-
* le par les Barons d'Yeure,
de Chaſtel , de Sully , de
- Chery , d'Acheres , & de
Rougemont . Les ruës y
font belles , les Places
grandes, les Maiſons & les
- Eglifes magnifiques. Il y a
cinquante - neuf Chanoines
, & douze Dignitez
2. Voyage des Amb.
dans fa Cathedrale. Il y
a auffi à Orleans quatre
Eglifes Collegiales ,
vingt-deux Paroiſſes . La
Ville dont la ſituation eft
fur le panchant d'une
colline en forme d'Arc , a
une Terraſſe qui la fortifie
, & elle eft ceinte d'une
forte Muraille avec quarante
Tours. Elle a huit
Portes , & un Pont de feize
Arches , par lequel elle
eft jointe à un des Fauxbourgs.
On voit fur ce
Pont
de Siam.
73
Pont trois Statuës de
bronze. La premiere eſt
de la Vierge , & les deux
autres de Charles VII . &
de la Pucelle , qui s'eſt
renduë fi fameuſe . Les
Ambaſſadeurs acheverent
leur Voyage dans
des Caroffes que l'on envoya
au devant d'eux de
Paris à Orleans .
Orleans . C'eſt la Capitale
d'un petit Pays qui a titre
de Duché. Elle eft fur la
Loire ,& a un beau Pont
fur cette Riviere,fort feur,
& d'une grande commodité
pour le Negoce Elle
a auffi Univerſité & Prefilial
, & fon Evefque eft
Suffragant de Paris Cerre
Ville, qui eſt une des plus
belles &des plus anciennes
de France , eut titre
de Royaume fous nos
de Siam.
70
Rois de la premiere Race.
Ses Eveſques ont des Privileges
confiderables. Ils
delivrent des Prifonniers
le jour de leur Entrée , &
font portez à la Cathedra-
* le par les Barons d'Yeure,
de Chaſtel , de Sully , de
- Chery , d'Acheres , & de
Rougemont . Les ruës y
font belles , les Places
grandes, les Maiſons & les
- Eglifes magnifiques. Il y a
cinquante - neuf Chanoines
, & douze Dignitez
2. Voyage des Amb.
dans fa Cathedrale. Il y
a auffi à Orleans quatre
Eglifes Collegiales ,
vingt-deux Paroiſſes . La
Ville dont la ſituation eft
fur le panchant d'une
colline en forme d'Arc , a
une Terraſſe qui la fortifie
, & elle eft ceinte d'une
forte Muraille avec quarante
Tours. Elle a huit
Portes , & un Pont de feize
Arches , par lequel elle
eft jointe à un des Fauxbourgs.
On voit fur ce
Pont
de Siam.
73
Pont trois Statuës de
bronze. La premiere eſt
de la Vierge , & les deux
autres de Charles VII . &
de la Pucelle , qui s'eſt
renduë fi fameuſe . Les
Ambaſſadeurs acheverent
leur Voyage dans
des Caroffes que l'on envoya
au devant d'eux de
Paris à Orleans .
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Résumé : Leur arrivée à Orleans. Beauté de la Ville. [titre d'après la table]
Le texte présente Orléans, capitale d'un duché située sur la Loire. La ville est connue pour son pont crucial pour le commerce, son université, son prélat et son évêque suffragant de Paris. Orléans est l'une des plus anciennes et des plus belles villes de France, ayant autrefois été un royaume sous les rois de Siam. Elle compte 70 rois de la première race. Les évêques d'Orléans possèdent des privilèges notables, tels que la libération de prisonniers à leur entrée et le port d'un siège à la cathédrale par des barons locaux. La ville est bien organisée avec des rues élégantes, des places spacieuses, des maisons et des églises magnifiques. La cathédrale abrite 59 chanoines et 12 dignités. Orléans possède également quatre églises collégiales et 22 paroisses. La ville est construite sur une colline en forme d'arc, protégée par une terrasse et une muraille avec 40 tours, 8 portes et un pont de 13 arches reliant un faubourg. Ce pont est orné de trois statues de bronze représentant la Vierge, Charles VII et Jeanne d'Arc. Les ambassadeurs ont achevé leur voyage dans des carrosses envoyés de Paris à Orléans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 339-356
Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Début :
Lors qu'ils allerent au vieux Louvre, ils furent reçeus [...]
Mots clefs :
Galerie, Louvre, Salle, Fenêtres, Roi, Dorure, Ambassadeurs, Tableaux, Sculpture, Voir, Vieux Louvre, Appartement, Cabinet, Colonnes de marbre, Beauté, Majesté, Dessin, Palais, Tuileries, Machines
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Lors qu'ils allerent au
vieux Louvre , ils furent reçeus
à la defcente du Caroſſe
par Mr Seguin , qui en eft
Capitaine. Ils entrerent d'abord
dans la Sale des Cent
• Suiffes , & traverferent tout
l'Appartement de la feuë
Reyne- Mere , dont la dorure
•
F fij
340 Voyage des Amb.
eft fort ancienne , mais fort
belle. La derniere Piece qu'-
ils y virent , fut le Cabinet
appellé des Bains . Il y a deux
voutes , qui ſont ſoûtenuës
dans le milieu par pluſieurs
colomnes de Marbre. On
ne voit en ce lieu - là pour
toutes couleurs que de l'azur
& de l'or. Tous les Portraits
de la Maiſon d'Auſtriche
en font le tour. Il y a
quelques glaces au deſſous
&dans le fond eſt une Cuve
de Marbre, où l'eau chaude
qui eft en dehors, entre par
desRobinets.Leplancher eft
deSiam.
341
de fleurs de toutes fortes de
bois rapportez. Ce fut ce
que les Ambaſſadeurs regarderent
le plus , avec les colomnes
de Marbre. Ils ſe fi
rent nommer tous les Princes
dont ils voyoient les Portraits.
En fortant de cet Appartement
ils pafferent dans
un grand Salon , où ils virent
de fort grands & de fort
beaux Tableaux , & de là ils
erent dans l'Apparte
ment de la Reyne-Mere, qui
eſt une enfilade de ſept ou
huit grandes Pieces. Toute
la Sculpture en eſt dorée , &
entrerent
Ef iij
342 Voyage des Amb.
tous les Plafonds ont eſté
peins parRomanelle,fameux
Peintre Italien. Il y a beau .
coup deTableauxdeM'Bourſon,
qui eſt un des plus fameux
Peintres que nous
ayons eu pour les veuës de
Mer. Ces Tableaux font de la
largeur des pans de muraille,
& ont eſté faits poury fervir
de Tapiſſerie . On entra enfuite
dans un Cabinet , qui
eſt tout au bout de cet Appartement
, & qui donne fur
la Riviere. On ne peut rien
ajoûter à la beauté de la dorure
; les peintures en font
de Siam.
343
tres belles , mais en petit
nombre , à cauſe qu'il y a
beaucoup de Glaces fort
grandes. Le plancher cſt de
ff belles fleurs de rapport ,
qu'on ne peut ſe laſſer de
l'admirer . En tournant de là
fur la droite on traverſa une
fort grande Piece, &l'on entra
dans la Sale des Antiques.
Cette Sale eſt toutede Marbre,
à la referve de la voûte,
qui futdétruite par le feu lors
qu'il prit à la petite Galerie
haute , un peu aprés le Ma.
riage du Roy . On paffa enfuite
dans la Galerie où Sa
F f iiij
344 Voyage des Amb.
Majefté loge tous ceux qui
excellent dans les beaux
Arts , & les Ambaſſadeurs
marquerent que le Roy ne
leur paroiffoit pas moins
grand par là,que parla beau
té des Baſtimens , & des
Apartemens qu'ils venoient
de voir. Ils monterent
chez M² Girardon , qui eſt
un de ces Illuftres logez par
leRoy , & virent ſon Cabinet
remply de pluſieurs Ouvrages
curieux & antiques ,
de Marbre & de Bronze , &
de quantité d'autres raretez .
Ils en firent le tour , & de.
de Siam. 345
manderent à eſtre éclaircis
debeaucoup de chofes , fur
leſquelles M² Girardon les
fatisfit. Ils le remercierent
avec beaucoup d'honneſteté
, & luy témoignerent le
plaifir qu'ils avoient pris à
voir tant de belles choſes.
Ils repafferent enſuite par
l'Apartement neufde la Reine-
Mere , qu'ils avoient déja
vû , & monterent chez le
Roy parle grand Efcalier du
Louvre. Des qu'ils furent entrez
dans la Sale des Gardes
ils paſſerent fur une maniere
de terraſſe , pour voir l'éten346
Voyage des Amb.
duë de la Court , & fe firent
expliquer en quoy confittoir
le Baſtiment du vieux Louvre
, & du neuf, & comment
le Louvre devoit eſtre quand
il ſeroit achevé. Aprés cela
on traverſa tout l'Apparrement
du Roy , & celuy de la
feuë Reine . Les Alcoves ,
dont on ſe ſervoit beaucoup
il y a quelques années , le ir
parutent belles & tres - bien
dorées . De là on entra dans
trois ou quatre grandes Pieces
, où ſont plufieurs TableauxduRoy.
Ils s'attacherét
avec un ſoin particulier à
de Siam .
347
confiderer ceux de l'Histoire
d'Alexandre , peints par M²
le Brun , & le premier Ambaffadeur
en fut fi charmé,
qu'il en examina toutes les
Figures les unes aprés les
autres . Il demanda enſuite
le prix de quelques autres
Tableaux , & fe fit montrer
ceux qui avoient eſté peints
en France , & ceux qui étoienr
d'Italie . On entra de
là dans la Galerie appellée
d'Apollon qui n'eſt pas achevée
; elle eſt à la place de
celle qui a eſté brulée. Tout
l'ouvrage eſt du deſſein de
r
348 Voyage des Amb.
Me le Brun , & il y a quel
ques Tableaux de fa main.
C'eſt une tres belle Sculpture
,& la Ferrure des Portes
& des Feneftres eft fort eftimée
à cause de la beauté de
la cizelure. Ce qu'il y a de
fait de cette Galerie revient
à un million. On paſſa de là
dans la grande Gallerie , qui
commence au vieux Louvre,
& finit au Palais des Thuileries.
Sa longueur furprit les
Ambaſſadeurs . Le premier
demanda combien elle avoit
de toiſes de long. On luy
répondit qu'on croyoit
de Siam.
349
د
qu'elle en avoit environ trois
cens. Lors qu'il fut vers le
milieu de la Galerie il mit
la teſte à la feneftre du coſté
de Saint Thomas du Louvre,
& regardant le vieux Louvre
& les Thuilleries , il
comprit ce qu'on luy avoit
dit du grand deſſein du Louvre
; il traça meſme ce defſein
avec ſa Cane fur le bord
de la feneftre , & y joignit
l'autre grande Galerie qui
n'eſt pas faite. Ayant enfuite
avancé juſqu'au milieu de
la Galerie , il entra furle Bal
con qui eſt au deſſus de la
350 Voyage des Amb.
Porte nommée le grand Gui
chet , regarda l'Ifle du Palais ,
les Maiſons qui ſont ſur les
Ponts , & reconnut les Tours
de Noftre Dame qu'il n'avoit
vûës qu'une fois lors
qu'il eſtoit entré dans l'Eglife.
De ce Balcon il alla
juſques au bout de la Galerie,
&mit la teſte à la feneftre
vis à vis le Pont de pierre
qu'on éleve en cet endroit.
Il l'examina avec beaucoup
d'attention , & fit pluſieurs
queſtions fur les machines avec
lesquelles on ofte l'eau ,
afin de pouvoir travailler
de Siam.
351
aux fondemens . M² Seguin
prit alors congé de luy , parce
quele reſte regardoit M²
le Marquis de Congis qui
eft Capitaine des Thuilleries.
Il parut à la porte par laquelle
on entre dans cet
autre Palais , & y receut les
Ambaſſadeurs. Ils s'attache
rent d'abord à regarder un
Theatre qui eſt dans le gros
Pavillon du bout , & qui
n'eſt la que pour les repetitions
des Opera de Sa Majefté.
On traverſa enſuite
tous les Appartemens. Je
ne vous parle ny de la Pein352
Voyagedes Amb.
,
tureny de la Dorure dont ils
font tout remplis. Comme
ce Corps de Logis eſt double
on tourna delà dans
une fort belle Galerie qui
regne le long de ces Ap.
partemens. Il y a dans cette
Galerie dix ou douze Cabinets
d'un tres-grand prix ,
dont la pluſpart ont eſté faits
aux Gobelins. Ces Cabinets
jont chacun leur nom. Les
Colomnes de ceuxqui en ont
ſont de Pierres precieuſes. Il
y a des Figures d'or , & des
Miniatures d'une beauté ſurprenante.
Il y avoit trop à
de Siam. 353
voir , & trop de foule pour
les pouvoir examiner comme
ils le meritent. On tra
verſa quelques Antichambrer
& la Salle des Gardes ,
puis on paſſa par deſſus la
Te raffe pour aller à la Salle
des Machines. Les Ambaffa
deurs s'arreſterent quelque
temps ſur la Terrafle pour
regarder le Jardin , qui leur
plut beaucoup. Ils entrerent
enfuite dans la Salle des Ma
chines, qui pour la Peinture,
la Sculpture , la Dorure , la
grandeur & la conſtruction,
eſt le plus bel Ouvrage de
Gg
354 Voyagedes Amb.
cette naturel qu'on ait jamais
veu. Il y a pluſieurs
rangs de Balcons en faillie,
qui produifent un effet admirable.
Rien n'eſt plus
beau que le Theatre qui eft
plus profond que la Salle
n'eſt longue . Cette Salle eft
du deſſein de feu M'de Vigarani
, Gentilhomme Modenois
. Celle de Modene
qu'il avoit faite , paffoit pour
la plus belle de l'Europe ,
avant qu'on euft veu la Salle
des Thuilleries , qui fut bâtie
pour le Mariage de Sa
Majefté. Me de Vigarani le
deSiam.
355
Fils qui eſt au Roy , & qui
depuis ce temps - là a eu toûjours
l'honneur d'eftre à fon
ſervice, y fit travailler avec
Mª de Vigarani ſon Pere,
aufli bien qu'au premier Balet
Intitulé Hercule , qui y
fut dancé aprés le Mariage
de ce Prince . Les Machines
en eſtoient fi grandes , & fi
furprenantes, qu'il y en avoit
qui enlevoient juſqu'à cent
Perfonnes à la fois. Au fortir
de cette Salle on defcen
dit par le Grand Efcalier,
& aprés que les Ambaſſa.
deurs l'eurent confideré ain
Ggi
58 Voyage des Amb .
ſi que la Façade du Baſti.
ment , & qu'ils eurent remercié
Me de Congis qui les
avoit accompagnez par
tour , ils furent conduits à
l'Academie Royale de Peinture
& de Sculpture , dont
M'de Louvois eſt le Prorecteur.
vieux Louvre , ils furent reçeus
à la defcente du Caroſſe
par Mr Seguin , qui en eft
Capitaine. Ils entrerent d'abord
dans la Sale des Cent
• Suiffes , & traverferent tout
l'Appartement de la feuë
Reyne- Mere , dont la dorure
•
F fij
340 Voyage des Amb.
eft fort ancienne , mais fort
belle. La derniere Piece qu'-
ils y virent , fut le Cabinet
appellé des Bains . Il y a deux
voutes , qui ſont ſoûtenuës
dans le milieu par pluſieurs
colomnes de Marbre. On
ne voit en ce lieu - là pour
toutes couleurs que de l'azur
& de l'or. Tous les Portraits
de la Maiſon d'Auſtriche
en font le tour. Il y a
quelques glaces au deſſous
&dans le fond eſt une Cuve
de Marbre, où l'eau chaude
qui eft en dehors, entre par
desRobinets.Leplancher eft
deSiam.
341
de fleurs de toutes fortes de
bois rapportez. Ce fut ce
que les Ambaſſadeurs regarderent
le plus , avec les colomnes
de Marbre. Ils ſe fi
rent nommer tous les Princes
dont ils voyoient les Portraits.
En fortant de cet Appartement
ils pafferent dans
un grand Salon , où ils virent
de fort grands & de fort
beaux Tableaux , & de là ils
erent dans l'Apparte
ment de la Reyne-Mere, qui
eſt une enfilade de ſept ou
huit grandes Pieces. Toute
la Sculpture en eſt dorée , &
entrerent
Ef iij
342 Voyage des Amb.
tous les Plafonds ont eſté
peins parRomanelle,fameux
Peintre Italien. Il y a beau .
coup deTableauxdeM'Bourſon,
qui eſt un des plus fameux
Peintres que nous
ayons eu pour les veuës de
Mer. Ces Tableaux font de la
largeur des pans de muraille,
& ont eſté faits poury fervir
de Tapiſſerie . On entra enfuite
dans un Cabinet , qui
eſt tout au bout de cet Appartement
, & qui donne fur
la Riviere. On ne peut rien
ajoûter à la beauté de la dorure
; les peintures en font
de Siam.
343
tres belles , mais en petit
nombre , à cauſe qu'il y a
beaucoup de Glaces fort
grandes. Le plancher cſt de
ff belles fleurs de rapport ,
qu'on ne peut ſe laſſer de
l'admirer . En tournant de là
fur la droite on traverſa une
fort grande Piece, &l'on entra
dans la Sale des Antiques.
Cette Sale eſt toutede Marbre,
à la referve de la voûte,
qui futdétruite par le feu lors
qu'il prit à la petite Galerie
haute , un peu aprés le Ma.
riage du Roy . On paffa enfuite
dans la Galerie où Sa
F f iiij
344 Voyage des Amb.
Majefté loge tous ceux qui
excellent dans les beaux
Arts , & les Ambaſſadeurs
marquerent que le Roy ne
leur paroiffoit pas moins
grand par là,que parla beau
té des Baſtimens , & des
Apartemens qu'ils venoient
de voir. Ils monterent
chez M² Girardon , qui eſt
un de ces Illuftres logez par
leRoy , & virent ſon Cabinet
remply de pluſieurs Ouvrages
curieux & antiques ,
de Marbre & de Bronze , &
de quantité d'autres raretez .
Ils en firent le tour , & de.
de Siam. 345
manderent à eſtre éclaircis
debeaucoup de chofes , fur
leſquelles M² Girardon les
fatisfit. Ils le remercierent
avec beaucoup d'honneſteté
, & luy témoignerent le
plaifir qu'ils avoient pris à
voir tant de belles choſes.
Ils repafferent enſuite par
l'Apartement neufde la Reine-
Mere , qu'ils avoient déja
vû , & monterent chez le
Roy parle grand Efcalier du
Louvre. Des qu'ils furent entrez
dans la Sale des Gardes
ils paſſerent fur une maniere
de terraſſe , pour voir l'éten346
Voyage des Amb.
duë de la Court , & fe firent
expliquer en quoy confittoir
le Baſtiment du vieux Louvre
, & du neuf, & comment
le Louvre devoit eſtre quand
il ſeroit achevé. Aprés cela
on traverſa tout l'Apparrement
du Roy , & celuy de la
feuë Reine . Les Alcoves ,
dont on ſe ſervoit beaucoup
il y a quelques années , le ir
parutent belles & tres - bien
dorées . De là on entra dans
trois ou quatre grandes Pieces
, où ſont plufieurs TableauxduRoy.
Ils s'attacherét
avec un ſoin particulier à
de Siam .
347
confiderer ceux de l'Histoire
d'Alexandre , peints par M²
le Brun , & le premier Ambaffadeur
en fut fi charmé,
qu'il en examina toutes les
Figures les unes aprés les
autres . Il demanda enſuite
le prix de quelques autres
Tableaux , & fe fit montrer
ceux qui avoient eſté peints
en France , & ceux qui étoienr
d'Italie . On entra de
là dans la Galerie appellée
d'Apollon qui n'eſt pas achevée
; elle eſt à la place de
celle qui a eſté brulée. Tout
l'ouvrage eſt du deſſein de
r
348 Voyage des Amb.
Me le Brun , & il y a quel
ques Tableaux de fa main.
C'eſt une tres belle Sculpture
,& la Ferrure des Portes
& des Feneftres eft fort eftimée
à cause de la beauté de
la cizelure. Ce qu'il y a de
fait de cette Galerie revient
à un million. On paſſa de là
dans la grande Gallerie , qui
commence au vieux Louvre,
& finit au Palais des Thuileries.
Sa longueur furprit les
Ambaſſadeurs . Le premier
demanda combien elle avoit
de toiſes de long. On luy
répondit qu'on croyoit
de Siam.
349
د
qu'elle en avoit environ trois
cens. Lors qu'il fut vers le
milieu de la Galerie il mit
la teſte à la feneftre du coſté
de Saint Thomas du Louvre,
& regardant le vieux Louvre
& les Thuilleries , il
comprit ce qu'on luy avoit
dit du grand deſſein du Louvre
; il traça meſme ce defſein
avec ſa Cane fur le bord
de la feneftre , & y joignit
l'autre grande Galerie qui
n'eſt pas faite. Ayant enfuite
avancé juſqu'au milieu de
la Galerie , il entra furle Bal
con qui eſt au deſſus de la
350 Voyage des Amb.
Porte nommée le grand Gui
chet , regarda l'Ifle du Palais ,
les Maiſons qui ſont ſur les
Ponts , & reconnut les Tours
de Noftre Dame qu'il n'avoit
vûës qu'une fois lors
qu'il eſtoit entré dans l'Eglife.
De ce Balcon il alla
juſques au bout de la Galerie,
&mit la teſte à la feneftre
vis à vis le Pont de pierre
qu'on éleve en cet endroit.
Il l'examina avec beaucoup
d'attention , & fit pluſieurs
queſtions fur les machines avec
lesquelles on ofte l'eau ,
afin de pouvoir travailler
de Siam.
351
aux fondemens . M² Seguin
prit alors congé de luy , parce
quele reſte regardoit M²
le Marquis de Congis qui
eft Capitaine des Thuilleries.
Il parut à la porte par laquelle
on entre dans cet
autre Palais , & y receut les
Ambaſſadeurs. Ils s'attache
rent d'abord à regarder un
Theatre qui eſt dans le gros
Pavillon du bout , & qui
n'eſt la que pour les repetitions
des Opera de Sa Majefté.
On traverſa enſuite
tous les Appartemens. Je
ne vous parle ny de la Pein352
Voyagedes Amb.
,
tureny de la Dorure dont ils
font tout remplis. Comme
ce Corps de Logis eſt double
on tourna delà dans
une fort belle Galerie qui
regne le long de ces Ap.
partemens. Il y a dans cette
Galerie dix ou douze Cabinets
d'un tres-grand prix ,
dont la pluſpart ont eſté faits
aux Gobelins. Ces Cabinets
jont chacun leur nom. Les
Colomnes de ceuxqui en ont
ſont de Pierres precieuſes. Il
y a des Figures d'or , & des
Miniatures d'une beauté ſurprenante.
Il y avoit trop à
de Siam. 353
voir , & trop de foule pour
les pouvoir examiner comme
ils le meritent. On tra
verſa quelques Antichambrer
& la Salle des Gardes ,
puis on paſſa par deſſus la
Te raffe pour aller à la Salle
des Machines. Les Ambaffa
deurs s'arreſterent quelque
temps ſur la Terrafle pour
regarder le Jardin , qui leur
plut beaucoup. Ils entrerent
enfuite dans la Salle des Ma
chines, qui pour la Peinture,
la Sculpture , la Dorure , la
grandeur & la conſtruction,
eſt le plus bel Ouvrage de
Gg
354 Voyagedes Amb.
cette naturel qu'on ait jamais
veu. Il y a pluſieurs
rangs de Balcons en faillie,
qui produifent un effet admirable.
Rien n'eſt plus
beau que le Theatre qui eft
plus profond que la Salle
n'eſt longue . Cette Salle eft
du deſſein de feu M'de Vigarani
, Gentilhomme Modenois
. Celle de Modene
qu'il avoit faite , paffoit pour
la plus belle de l'Europe ,
avant qu'on euft veu la Salle
des Thuilleries , qui fut bâtie
pour le Mariage de Sa
Majefté. Me de Vigarani le
deSiam.
355
Fils qui eſt au Roy , & qui
depuis ce temps - là a eu toûjours
l'honneur d'eftre à fon
ſervice, y fit travailler avec
Mª de Vigarani ſon Pere,
aufli bien qu'au premier Balet
Intitulé Hercule , qui y
fut dancé aprés le Mariage
de ce Prince . Les Machines
en eſtoient fi grandes , & fi
furprenantes, qu'il y en avoit
qui enlevoient juſqu'à cent
Perfonnes à la fois. Au fortir
de cette Salle on defcen
dit par le Grand Efcalier,
& aprés que les Ambaſſa.
deurs l'eurent confideré ain
Ggi
58 Voyage des Amb .
ſi que la Façade du Baſti.
ment , & qu'ils eurent remercié
Me de Congis qui les
avoit accompagnez par
tour , ils furent conduits à
l'Academie Royale de Peinture
& de Sculpture , dont
M'de Louvois eſt le Prorecteur.
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Résumé : Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs visitèrent le vieux Louvre, accueillis par M. Seguin, capitaine. Ils commencèrent par la salle des Cent Suisses et traversèrent l'appartement de la reine-mère, admirant la dorure ancienne. Ils visitèrent ensuite le cabinet des Bains, orné de colonnes de marbre et de portraits de la Maison d'Autriche, avec une cuve de marbre et un plancher de Siam. Les ambassadeurs furent particulièrement impressionnés par les colonnes de marbre et les fleurs de bois rapportées. Ils passèrent dans un grand salon avec de grands tableaux, puis dans l'appartement de la reine-mère, une enfilade de sept ou huit grandes pièces avec des sculptures dorées et des plafonds peints par Romanelli. Ils virent également des tableaux de M. Bourson représentant des vues de mer. Ils entrèrent ensuite dans un cabinet donnant sur la rivière, admirant la dorure et les peintures de Siam. Les ambassadeurs traversèrent la salle des Antiques, détruite par un incendie, et visitèrent la galerie où le roi loge les artistes. Ils montèrent chez M. Girardon, dont le cabinet était rempli d'ouvrages curieux et antiques. Ils remercièrent M. Girardon pour ses explications et traversèrent à nouveau l'appartement de la reine-mère avant de monter chez le roi par le grand escalier du Louvre. Ils visitèrent la salle des Gardes, une terrasse pour voir l'étendue de la cour, et traversèrent les appartements du roi et de la reine défunte. Ils admirèrent les alcôves dorées et plusieurs tableaux, notamment ceux de l'histoire d'Alexandre peints par M. le Brun. Ils visitèrent ensuite la galerie d'Apollon, encore inachevée, et la grande galerie, longue de trois cents toises, qui commence au vieux Louvre et finit au Palais des Tuileries. Les ambassadeurs traversèrent ensuite les Tuileries, admirant le théâtre et les appartements remplis de peintures et de dorures. Ils visitèrent une galerie avec des cabinets précieux, dont certains faits aux Gobelins, et traversèrent la salle des Machines, considérée comme l'un des plus beaux ouvrages de son temps. Ils descendirent par le grand escalier et furent conduits à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, dont M. de Louvois est le protecteur.
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25
p. 100-105
Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Début :
Comme le Chasteau de Clagny leur parut extrémement beau, ils [...]
Mots clefs :
Comte de Toulouse, Prince, Versailles, Beauté, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Comme le Chasteau de
Clagny leur parut extrême
ment beau , ils prirent un
fort grand plaifir a en viſiter
les Appartemens , ainſi qu'
ſe promener dans le Jardin.
desAmb. de Siam.
95%
Is'y trouverent Monfieur let
Comte de Thoulouſe. Auffitoſt
que Me Torf eut apperceu
ce prince , il alla le fa
luër. Les Ambaſſadeurs ,
quoy qu'affez éloignez , furent
furpris de fon air. Pluss
ilsien approcherent , plus ils
le trouverent beau , & ils en
furent charmez avant que
d'avoir ſceu fa naiſlance . M
Torf , aprés l'avoir quitté ,
leur apprit qui il eſtoit , &
ils fe fceurent bon gré de
l'admiration qu'il leur avoit
caufée , &de la veneration à
laquelle ils s'estoient ſentis
portez dés qu'ils l'avoient
وہ Suite da Voyage ..
1
apperceu . Ils prierent. M
Torf de les preſenter à ce
jeune Prince , afin qu'ils cuf.
ſent l'honneur de le ſaluër ,
& comme il ne répondit pas
affez- toſt à leur empreflement
ils redoublerent
leur instances , & eurent le
plaifir de voir ce Prince de
plus prés , & de l'entretenir.
S'ils avoient eſté ſurpris de få
beauté , ils ne le furent pas
moins de ſes manieres , & de
fon eſprit , & ils dirent qu'ils
n'avoient jamais veu dans une
perſonne de cet age tant de diffe
vents ſujets d'admiration. Auffi
peut on dire fans flaterie , que
sous
!
des Amb. de Siam.
91
tous ceux qui ont este formez du
Sang dont ce Prince est né font
autant de Chef d'oeuvres de la
Nature.
Il y avoit trop de choſes à
voir à Verſailles , & aux en-
4
virons , pour laiſſer les Ambaffadeurs
un ſeul jour à Clagny
, fans commencer àl les
conduire dans les lieux où ils
devoient aller. Il s'en trouvoit
tant de diferens , que
pour faire les chofes avec ordte
M. Torf alla tous les foirs
ſçavoir de M. de Seignelay
où il conduiroit les Ambaffas
deurs le joür ſuivant. On kuy
dit le premier Soir , que le
I
92 Suite du Voyage
lendemain il les menaſt à
la Court de Marbre ; on les
y attendit pour les conduire
au Canal . Me le Fevre , Intendant
des Batimens , avoit eu
ordre du Roy de les accompagner
dans tous les Jardins
de Verſailles , & dans les lieux
de Plaiſance qui y font attachez
, parce qu'il pouvoit
beaucoup mieux qu'un autre
leur expliquer quantité de
chofes dont il a eu la direction
& qu'il eſtoit neceſſaire
qu'unhomme intelligent , &
qui connoiſſant tout ce qu'il
ya à Versailles , pouvoit en
rendre raiſon aux queſtions
A
des Amb, de Siam.
93
des Ambaſſadeurs , que leur
curioſité naturelle & l'ordre
qu'ils ont de rendre compte
au Roy de Siam de ce qu'ils
auront veu , portent à en faire
beaucoup.
Clagny leur parut extrême
ment beau , ils prirent un
fort grand plaifir a en viſiter
les Appartemens , ainſi qu'
ſe promener dans le Jardin.
desAmb. de Siam.
95%
Is'y trouverent Monfieur let
Comte de Thoulouſe. Auffitoſt
que Me Torf eut apperceu
ce prince , il alla le fa
luër. Les Ambaſſadeurs ,
quoy qu'affez éloignez , furent
furpris de fon air. Pluss
ilsien approcherent , plus ils
le trouverent beau , & ils en
furent charmez avant que
d'avoir ſceu fa naiſlance . M
Torf , aprés l'avoir quitté ,
leur apprit qui il eſtoit , &
ils fe fceurent bon gré de
l'admiration qu'il leur avoit
caufée , &de la veneration à
laquelle ils s'estoient ſentis
portez dés qu'ils l'avoient
وہ Suite da Voyage ..
1
apperceu . Ils prierent. M
Torf de les preſenter à ce
jeune Prince , afin qu'ils cuf.
ſent l'honneur de le ſaluër ,
& comme il ne répondit pas
affez- toſt à leur empreflement
ils redoublerent
leur instances , & eurent le
plaifir de voir ce Prince de
plus prés , & de l'entretenir.
S'ils avoient eſté ſurpris de få
beauté , ils ne le furent pas
moins de ſes manieres , & de
fon eſprit , & ils dirent qu'ils
n'avoient jamais veu dans une
perſonne de cet age tant de diffe
vents ſujets d'admiration. Auffi
peut on dire fans flaterie , que
sous
!
des Amb. de Siam.
91
tous ceux qui ont este formez du
Sang dont ce Prince est né font
autant de Chef d'oeuvres de la
Nature.
Il y avoit trop de choſes à
voir à Verſailles , & aux en-
4
virons , pour laiſſer les Ambaffadeurs
un ſeul jour à Clagny
, fans commencer àl les
conduire dans les lieux où ils
devoient aller. Il s'en trouvoit
tant de diferens , que
pour faire les chofes avec ordte
M. Torf alla tous les foirs
ſçavoir de M. de Seignelay
où il conduiroit les Ambaffas
deurs le joür ſuivant. On kuy
dit le premier Soir , que le
I
92 Suite du Voyage
lendemain il les menaſt à
la Court de Marbre ; on les
y attendit pour les conduire
au Canal . Me le Fevre , Intendant
des Batimens , avoit eu
ordre du Roy de les accompagner
dans tous les Jardins
de Verſailles , & dans les lieux
de Plaiſance qui y font attachez
, parce qu'il pouvoit
beaucoup mieux qu'un autre
leur expliquer quantité de
chofes dont il a eu la direction
& qu'il eſtoit neceſſaire
qu'unhomme intelligent , &
qui connoiſſant tout ce qu'il
ya à Versailles , pouvoit en
rendre raiſon aux queſtions
A
des Amb, de Siam.
93
des Ambaſſadeurs , que leur
curioſité naturelle & l'ordre
qu'ils ont de rendre compte
au Roy de Siam de ce qu'ils
auront veu , portent à en faire
beaucoup.
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Résumé : Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam visitèrent le château de Clagny et furent impressionnés par sa beauté. Ils y rencontrèrent le comte de Toulouse, dont ils admirèrent la beauté et l'air princier. Après avoir appris son identité, ils demandèrent à être présentés au jeune prince, qu'ils trouvèrent charmant et rempli de qualités admirables pour son âge. Le texte souligne également la richesse des lieux à voir à Versailles et ses environs, nécessitant une organisation minutieuse. Monsieur Torf consultait quotidiennement Monsieur de Seignelay pour planifier les visites. Le premier jour, les ambassadeurs furent conduits à la Cour de Marbre et au Canal, accompagnés par Me le Fevre, l'intendant des bâtiments, qui expliquait les lieux et répondait à leurs questions.
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26
p. 271-274
Ce qui s'est passé au Val-de-Grace le jour qu'ils y ont esté. [titre d'après la table]
Début :
Le Val-de-Grace estant un Ouvrage digne de la magnificence [...]
Mots clefs :
Abbaye du Val-de-Grâce, Duchesse d'Épernon, Marie du Cambout, Magnificence, Reine, Monastère, Beauté, Religieuses
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé au Val-de-Grace le jour qu'ils y ont esté. [titre d'après la table]
Le Val-de-Grace eftant
un Ouvrage digne de la magnificence
de la grande
Reine qui l'a fait bâtir , &
Ziij
272 IV . P. du Voyage
les Amhafſadeurs ayant mar
qué beaucoup d'empreffement
pour le voir , on n'a
pas manqué de fatisfaire leur
curiofité. Ils y firent compliment
à Madame la Duchefſe
d'Epernon, cette illuftre
Veuve , qui s'eſt retirée
dans ce Monaftere , pour y
vivre en retraite . Ils admirerent
la beauté de l'Eglife , &
celle de tout le Bâtiment, &
dirent qu'ils n'avoient rien vû
de plus beau en France. Ils examinerent
l'Autel, qu'ils trouverent
d'une grande magnificence,&
monterent auxOr
des Amb. de Siam. 273
gues. Le Coeur de la Reine
Mere , & ceux de tous les
Enfans du Roy qui font
morts, eſtant dans ce monaftere
, les Religieuſes montrerent
aux Ambaſſadeurs les
Couronnes qui les couvrent;
elles leur firent beaucoup de
plaifir , rien ne leur ayant
donné plus de joye que lors
qu'ils ont vû en quelque en--
droit, des chofes qui regardoient
les perſonnes Royales .
Ces Religieufes chanterent
devant eux le Domine falvum
fac Regem. Ils furent furpris
de la beauté&de la douceur
274 IV. P. du Voyage
de leurs voix , & demanderent
à les voir , mais elles ne
voulurent point lever leurs
voîles , ce qui plut fort aux
Ambaſfadeurs , qui marquerent
eucore plus d'eſtime
pour elles. Madame d'Epernon
fit des Preſens de devotion
aux Catholiques.
un Ouvrage digne de la magnificence
de la grande
Reine qui l'a fait bâtir , &
Ziij
272 IV . P. du Voyage
les Amhafſadeurs ayant mar
qué beaucoup d'empreffement
pour le voir , on n'a
pas manqué de fatisfaire leur
curiofité. Ils y firent compliment
à Madame la Duchefſe
d'Epernon, cette illuftre
Veuve , qui s'eſt retirée
dans ce Monaftere , pour y
vivre en retraite . Ils admirerent
la beauté de l'Eglife , &
celle de tout le Bâtiment, &
dirent qu'ils n'avoient rien vû
de plus beau en France. Ils examinerent
l'Autel, qu'ils trouverent
d'une grande magnificence,&
monterent auxOr
des Amb. de Siam. 273
gues. Le Coeur de la Reine
Mere , & ceux de tous les
Enfans du Roy qui font
morts, eſtant dans ce monaftere
, les Religieuſes montrerent
aux Ambaſſadeurs les
Couronnes qui les couvrent;
elles leur firent beaucoup de
plaifir , rien ne leur ayant
donné plus de joye que lors
qu'ils ont vû en quelque en--
droit, des chofes qui regardoient
les perſonnes Royales .
Ces Religieufes chanterent
devant eux le Domine falvum
fac Regem. Ils furent furpris
de la beauté&de la douceur
274 IV. P. du Voyage
de leurs voix , & demanderent
à les voir , mais elles ne
voulurent point lever leurs
voîles , ce qui plut fort aux
Ambaſfadeurs , qui marquerent
eucore plus d'eſtime
pour elles. Madame d'Epernon
fit des Preſens de devotion
aux Catholiques.
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Résumé : Ce qui s'est passé au Val-de-Grace le jour qu'ils y ont esté. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs visitèrent le Val-de-Grâce, un édifice construit par une reine. Ils furent satisfaits de découvrir ce lieu et rendirent hommage à la Duchesse d'Epernon, une veuve illustre résidant dans ce monastère. Ils admirèrent la beauté de l'église et du bâtiment, les jugeant les plus beaux de France. Ils examinèrent l'autel, qu'ils trouvèrent magnifique, et montèrent aux orgues. Les religieuses leur montrèrent les couronnes couvrant les cœurs de la Reine Mère et des enfants du roi décédés, ce qui les réjouit. Les religieuses chantèrent le 'Domine salvum fac Regem', les surprenant par la beauté de leurs voix. Les ambassadeurs demandèrent à voir les religieuses, mais celles-ci refusèrent de lever leurs voiles, augmentant ainsi l'estime des ambassadeurs à leur égard. Madame d'Epernon offrit des présents de dévotion aux catholiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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27
p. 244-251
A MADAME LA COMTESSE D'ALEGRE.
Début :
Vous avez raison, Madame, d'estre inquiete de la santé / Non, charmante Iris, dans ma Lettre, [...]
Mots clefs :
Iris, Inde, Teint, Éclat, Beauté, Portrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME LA COMTESSE D'ALEGRE.
Vous avez raiſon , Madame,
d'eſtre inquiete de la fanté
d'une des plus illuftres perſonnes
de voſtre ſexe.Madame
des Houlieres, dont on a publié
la mort dans voſtre Province,
eſt encore pleine de
vie; mais elle eſt toujours attaquée
d'un mal facheux qui
alarme ſes amis , quoy qu'il y
ait tout lieu d'eſperer que les
remedes & les ſoins que prennent
d'elle des Medecins tres-
1
GALANT. 245
1
habiles la retabliront dans ſa
premiere ſanté. Comme vous
recherchez curicuſement tous
ſes ouvrages, je vous envoye
l'Epitre que vous m'avez demandée.
C'eſt une réponſe à
une Lettre que Madame la
Comteſſe d'Alegre luy avoit
écrite ſur l'Epitre à M' Arnaut,
Fermier General, où elle
la louoit de ce qu'elle y avoit
mis tous les Trefors des Indes.
-подоро
X iij
246 MERCURE
525255 52525252222
:
A MADAME
LACOMTESSE
D'A LEGRE
N
On , charmante Iris , dans
ma Lettre
Je n'ay point employé les précieux
tresors
Que l'Inde étalefurses bords.
Qand on veut parler juste , on ne
Sçauroit les mettre
Que dans l'expreffion des brillantes
couleurs ,
Quifont queles plus vivesfleurs
GALANT. 247
Avec vostre beau teint n'oferoientse
commettre.
S'il arrive qu'un jourje chante dans
mes Vers
Ce teint toujours vainqueur des plus
affreux hivers ,
Quene pourray-jepoint là- deſſus me
promettre?
S
Des roses dont àson réveil
La jeune Amante de Cephale
Sême la route du Soleil ,
Des pleurs dont s'enrichit laMer 0-
rientale ,
Lors queson tendre coeur déteste le
D'un vieux Epoux contraint de deve-
Sommeil
nir Cigale',
Le prendray lafraischeur ,le blanc .
le vermeil,
X iiij
248 MERCURE
Pour compofer un teint àvostre teint
pareily 1.0.9rig
Etje ne feray rien cependant qui
légale
S
Ces precieuses gouttes d'eau,
Que la brulante ardeur du celefte
flambeau
Durcitdans leſein de la terre ,
LesDiamans , ces beaux cailloux
Du feu de vos regards , ce feu bril
lant&doux ,
Plusà craindre partout que lesfeux
duTonnerre,
Serviront à peindre l'éctatyand
Etdans ladureté qui leur est naturelle,
3
Peut- estre trouverois -je à faire un
parallele
D'un coeur que mille Amans accufent
d'estre ingrat.
GALANT. 249
Pourpeindre la beauté de cette treffe
blonde, h
Que les jeunes Zephirs , ces petits
imprudens ,
Rendent quelquefois vagabonde,
Feprendray le soleil, lors qu'aufortir
de l'onde
Le bain aura renduſes rayons plus
ardens.
Iris , quandje je voudray parler de
voftre bouche,
Le rouge du Rubis fera d'un grand
Ce bean rouge fi vif, qu' on crains
Secours ,
presque toujours eta 19
Dese bruler quand on y touche.
Voilà pour vous , aimable Iris,
Cequ'on peut emprunterfur le RivageMore
ピー
250 MERCURE
Maisà ce riche amas de rayons, de
Rubis,
De Diamans , de fleurs qu'on vient
de voir éclore ,
Et de Perles que font les larmes de
l'Aurore ,
Lors qu'elle les répand dans le fein
deThetis,
Ilmanque quelque chose encore.
C'est un esprit foltde, agreable, élevé,
Quine cherche point a paroiſtre ,
Et qui par un excellent Maistre
Futdés le berceau cultivé.
C'est un coeurgenereux ,fincere, adroit
&tendre ,
Toujours par la vertu conduit&pré-
Servé
D'un dangereux poison pour les coeurs
reservé ,
::
Quid'abord les reduit en cendre,
GALANT. 251
Ou tout cela peut-ilse prendre ?
Iris, quandje l'auray trouvé,
Le portrait que pour vous je brule
d'entreprendre ,
Sera fi reſſemblant&Si bien achevé,
Qu'on ne pourrapas s'yméprendre.
d'eſtre inquiete de la fanté
d'une des plus illuftres perſonnes
de voſtre ſexe.Madame
des Houlieres, dont on a publié
la mort dans voſtre Province,
eſt encore pleine de
vie; mais elle eſt toujours attaquée
d'un mal facheux qui
alarme ſes amis , quoy qu'il y
ait tout lieu d'eſperer que les
remedes & les ſoins que prennent
d'elle des Medecins tres-
1
GALANT. 245
1
habiles la retabliront dans ſa
premiere ſanté. Comme vous
recherchez curicuſement tous
ſes ouvrages, je vous envoye
l'Epitre que vous m'avez demandée.
C'eſt une réponſe à
une Lettre que Madame la
Comteſſe d'Alegre luy avoit
écrite ſur l'Epitre à M' Arnaut,
Fermier General, où elle
la louoit de ce qu'elle y avoit
mis tous les Trefors des Indes.
-подоро
X iij
246 MERCURE
525255 52525252222
:
A MADAME
LACOMTESSE
D'A LEGRE
N
On , charmante Iris , dans
ma Lettre
Je n'ay point employé les précieux
tresors
Que l'Inde étalefurses bords.
Qand on veut parler juste , on ne
Sçauroit les mettre
Que dans l'expreffion des brillantes
couleurs ,
Quifont queles plus vivesfleurs
GALANT. 247
Avec vostre beau teint n'oferoientse
commettre.
S'il arrive qu'un jourje chante dans
mes Vers
Ce teint toujours vainqueur des plus
affreux hivers ,
Quene pourray-jepoint là- deſſus me
promettre?
S
Des roses dont àson réveil
La jeune Amante de Cephale
Sême la route du Soleil ,
Des pleurs dont s'enrichit laMer 0-
rientale ,
Lors queson tendre coeur déteste le
D'un vieux Epoux contraint de deve-
Sommeil
nir Cigale',
Le prendray lafraischeur ,le blanc .
le vermeil,
X iiij
248 MERCURE
Pour compofer un teint àvostre teint
pareily 1.0.9rig
Etje ne feray rien cependant qui
légale
S
Ces precieuses gouttes d'eau,
Que la brulante ardeur du celefte
flambeau
Durcitdans leſein de la terre ,
LesDiamans , ces beaux cailloux
Du feu de vos regards , ce feu bril
lant&doux ,
Plusà craindre partout que lesfeux
duTonnerre,
Serviront à peindre l'éctatyand
Etdans ladureté qui leur est naturelle,
3
Peut- estre trouverois -je à faire un
parallele
D'un coeur que mille Amans accufent
d'estre ingrat.
GALANT. 249
Pourpeindre la beauté de cette treffe
blonde, h
Que les jeunes Zephirs , ces petits
imprudens ,
Rendent quelquefois vagabonde,
Feprendray le soleil, lors qu'aufortir
de l'onde
Le bain aura renduſes rayons plus
ardens.
Iris , quandje je voudray parler de
voftre bouche,
Le rouge du Rubis fera d'un grand
Ce bean rouge fi vif, qu' on crains
Secours ,
presque toujours eta 19
Dese bruler quand on y touche.
Voilà pour vous , aimable Iris,
Cequ'on peut emprunterfur le RivageMore
ピー
250 MERCURE
Maisà ce riche amas de rayons, de
Rubis,
De Diamans , de fleurs qu'on vient
de voir éclore ,
Et de Perles que font les larmes de
l'Aurore ,
Lors qu'elle les répand dans le fein
deThetis,
Ilmanque quelque chose encore.
C'est un esprit foltde, agreable, élevé,
Quine cherche point a paroiſtre ,
Et qui par un excellent Maistre
Futdés le berceau cultivé.
C'est un coeurgenereux ,fincere, adroit
&tendre ,
Toujours par la vertu conduit&pré-
Servé
D'un dangereux poison pour les coeurs
reservé ,
::
Quid'abord les reduit en cendre,
GALANT. 251
Ou tout cela peut-ilse prendre ?
Iris, quandje l'auray trouvé,
Le portrait que pour vous je brule
d'entreprendre ,
Sera fi reſſemblant&Si bien achevé,
Qu'on ne pourrapas s'yméprendre.
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Résumé : A MADAME LA COMTESSE D'ALEGRE.
Madame des Houlières est vivante malgré des rumeurs de décès. Elle souffre d'un mal préoccupant, mais ses amis espèrent sa guérison grâce à des soins médicaux. La lettre inclut une épître demandée par la destinataire, qui est une réponse à la Comtesse d'Alegre. Dans cette épître, Madame des Houlières explique qu'elle réserve les trésors de l'Inde pour décrire la beauté de la Comtesse. Elle compare divers éléments naturels et précieux aux qualités de la Comtesse, tels que son teint, ses cheveux blonds et sa bouche. Cependant, elle souligne qu'il manque encore un esprit fort, agréable et élevé, ainsi qu'un cœur généreux et tendre, pour compléter le portrait de la Comtesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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28
p. 68-82
SATYRE contre les Vers irreguliers.
Début :
Je vous ay quelquefois entendu dire que les Vers / En vain vous m'accusez d'un paresseux silence, [...]
Mots clefs :
Beauté, Cadence, Douceur, Oreille, Vers, Mot, Vers irréguliers, Vers libres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SATYRE contre les Vers irreguliers.
Je vous ay quelquefois
entendu dire que les Vers
irreguliers
,
appeliezautrement, Vers libres,n'avoient
pas pour vous la mesme
beauté que vous trouvez
dans les Vers dont la cadence eftégale, & mesuréecomme font ceux que l'on employe dans les Tragedies. Si
vous n'avez poinr changé de
sentiment, vous fçaurez bon
gré à celuy qui a
fait l'Ouvrage que vous allez lire.
SATYRE
contre les Vers irrcguliers. EN vain vous rtiaccufet^ d'un
paresseux silence,
le ne puis pour rimermefaire vialence;
Mu(è) vous en fcavez^[ans doute la
raison.
Dois-je aller à t'école en un âge
grifon
En petit voyageurfaypaffema jeuneffe,
£tne paflois pas loin des monts de
la Sflgtjfet
Zors quun vent
agite
par de gros
tourbillons
, Vint répandre à mespiedsplufieun
* de vos brouillons.
le les connus d'abord pour enfant
du Pamaffe
,
Je les amaffay tort*yfenfis une liasse,
Qge je conferve encore avec beaucoup de foin,
Meflatant quelque four de vous
suivre de loin.
le ne (fdJ quel inftinft frevenant
ma fru-dence,
Me fit de vos grands keri, eflime7
la cadence.
Je meformaysibien à cette,gravité,
Que les diminutifs font pour moy
fans beauté ;
Xe Féftnaffe a toujours garaé le
moindre fliî-e
Pour ce qriev gmtfal ta nomme
Vaudeville y
Mais on fatolÎjOtlrJ dît,vitreJexe
leger
lionne dvenè linconfiance
,
(£ se
plaifJà. changer,
Ne croyez^ pas pourtant quicy je
vous imite,
leveux efire confiant,jemenfais
un merite.
Toutes ces nOflvealllt( ne peuvent
maveugler,
2Vy monfoible poumon se laisser déregler.
Entre les Veis de choix que je lis
avec joye,
ïaytoujoursfou* les yeux ceux des
Héros de Troie.
Zà je voy cette grâce, & cestile
pompeux
Qu'on employe en parlant des hommes belliqueux, [ rebuter
Toujours la majestè, fans quelle se
Honore ces beaux Vers, mefmejufquen leur chuter
Et chacun d'euxmarchant dans un richeappareil,
Faitafiez^voir quileftle neveu du
Soleil.
On riyfiuffre jamais la licence sa.
taie
Quiforme chaque Vers de cadence
inégale;
Et je croi qu'un fia/eu, an. Prince
dévoile, [ loué.
Sous un fitle si luù ne. l'a pas bien
Peut-estredirez-vous que legrandy
le jublime,
Ne doitqùaux seuls Héros la
beauté desa rime,
Que pour les grandi Seigneurs,
ceux des moindres rangs, Il faut avoir un (hLe & des vers
differens l
Quon doitpour bien louer regarder
la personne,
Voir
Voirsa vertu répondre à iencens
qu'on Huy donnej
en conviens)maÎ4pourtant à tous
momens je voy
Hue de cemesme encens on encense le
Roy,
Et quon a pour objet de cet encens
vulgaire,
Xe plus auguste Roy que le Soleil
éclaire.
Jetais laissons, je le veux, ces magnifiques Vers
Tour ceux quifont en droit de dompter tVnivers, [encore
vous deve'{ eonvenir que noua avons
Des Vers plu4 mefure\que le cours
defAurore.
tsareux ne peuuon pas louer adroitement
,1, pani quel'oreille en ait aucun dcfagrèment ?
,
Jsfousavions>il eji vrayJillujlre des
Houl/ures,
Qui dans ce rude stile eut de douces
manières,
Et fans faire un faux plU dans ce
champ raboteux,
Sçeut donner de la grace à tout ses
Vers boiteux.
Je ne puis imiterson rare caractère,
Il m'apprendbeaucoup moins àparler qu'à me taire,
lerien ay ny iejprit ny linclination,
Et vous moffrezjnvain vostreprotection.
Je trouve cependantcefie maniéré
aisee1,
On se laissè tomber où tombe laptn--
fée,
Et faus membaraffer de former le
repos,
Ce stile paresseux me
viendroit à
propos.
-On ria jamais besoin de t'art du
doEle Eucltde
Pourtoifer ungrand Vers pour en•
remplir le vuide,
La Rethorique est vaineau Poëte
aujourahuy.
Vn mot, veul-ilrimer, qui se prefente à luy
Fusi-ilmâle ou femellejlriimporte,
ille place,
ilsfont tous bien venus, & jamais
il rien cade;
Viennent ils pourrimerjufquà cinq
à lafois,
Pour les obliger tous il les met deux
& trois.[combatre
S'ilsviennent six ou huit,illesfera
SansreJpeEt des arrests3 trois à trois,
quatre à quatre.
Ainsi rien ne demeure> & les plus
malheureux
Rencontrentleurs pareils peurrimer
aveceux. Cefiainsi qu'aujourdthuy par ce
commode flile
Cet Art laborieux efl devenufacile,
Et tel à peine feait jouer du vioIon)
Qui croit bien imiter la Lyred'Apollon.
Ce talent autrefoissipeu connu des
hommes
J..¡'cft quunamusement dans leJîecle où nous sommes.
D'abord qu'on (fait penser,
compter jusquà huit,
On peut dans ce bel Arttravailler
avec fruit,
Mdis cette llluflreexcelle, e je
pense, ma Mule,
Quelle peut effacer la célébré la
àue;
Et que fl'heroïque eufl animeson
coeur,
Et Racine
,
&Boileau[everroient
un vainqueur.
Danstout ce quelle afait on ne voit
point de peine,
Et deson Cabinet coule une autre
Hippocrene.
Elle porte si bien tout ce quelle *
pensè,
Quetout est en sa place, & querien -
riesiforcé.
Je ne veuxptU icyfaire de paralelle,
Toute comparaison defobhge une htlie
, Et ce riest point à moy de juger des
Je c
b
eftrits,
Jecherche feulement la douceur douceur des
écrits.
Quand je relis encor ceux de cette
Comtesse,
Que senvoy la douceur) la force,
df la tendresse,
Mon oreille attentive excite son
deJif
,
El ne se lasie point d'en goûter le
plaijïrMon eftntd'autre part fans cessese
contente
,
il voit [am sennttÏe, prévenir Ion
attente
, On n'apasp/utoft leu quon veut re-
(omm/necr,
Et le plu* inquiet ne sçauroit J'en
lajer.
Llt fans avoir toujours tembaraffanteJtude.
De chercher la mesure avec inquiétude, [ mesurè
On marche avec cadence & d un pa*
Fier de trouver par tout fin repos
ajJuré.
Mais du pile nouveau la cadence
incertaine
Pour l'œil & pour l'oreille efi toû.
jours inhumaine,
La langue mesme en souffre, onfent
à tous momens
Quelle a
peineà choisirses tons,ses
mouvfmens,
Qjie toujours variant danssa peine
ecrette,
Du tour quelle doit prendre elle
semble inquiété.
Ainsi bridant Pefjor de sa narration
,
Elle perd la beauté deson expression.
Concluons-donc qu'enfin la nouvelle
methode
Est à nos beaux esprits un obfiacle
incommode,
Le bon mot, il est vray
,
tost ou tard
estplacé,
Maispourle trouver juste on efJembara/fè. ilfaut bien sattacher au point, à
la virgule,
Pourposer sur ce mot qui desyeux
se recule.
On pense le trouver dans trois ou
quatre Vers,
'Mais on ria rien fans peine en ce
siecle pervers >
Ilfaut bien quelquefois en lire douzg ou treize,
Pour en rencontrerun qui chatouille
& qui plaise,
Et Foreille & les yeux toujours en
aïiion [ tention.
De ïefprit qui les meut lafjentïatYn Lecteurparefîeux qui detefle la
peine
En trouve à retenirfanscefie[on ha.
leine,
Et se plaignant toujours 011 du long ",
ouducourt,
Ennuyé un Auditeur que Page a rendusourd. [ tiere coule,
Je veux enfaitde Pers que la maQu'ilssemblent tom formezjians un
unique moulej
l'ay ïoreillesensible, d***fuis(upforftr
Que mille contre-temps me la viennent heurter.
Ces bien-heureux Bons-Mots font
pourtant d'ordinaire
Pour nos contusions un baume salutaire
5 Mais telferaguéri qui craint de retomber.
Et dans cette rechute a feur defuc*
comber.
Quelque habile quon joit dans ce
genre d'écrire
VnLeiïeurfatigué négligé denous
lire,
Il veut eflre à son aise en carosse
mene
Et non en bondissant en chariot
traîné.
j'adore le Sonnet> mais du choix de
larime
Dépend tout le bonheurHe la future
estime.
Prenezgardesurtout quilne sonne
fatfaux,
On laisse ses beàutez^ pour chercher
ses défauts,
Etliquelquun rimoit,sienne avec
Capitaine
On diroit ce Poète est loin de la
Fontaine
entendu dire que les Vers
irreguliers
,
appeliezautrement, Vers libres,n'avoient
pas pour vous la mesme
beauté que vous trouvez
dans les Vers dont la cadence eftégale, & mesuréecomme font ceux que l'on employe dans les Tragedies. Si
vous n'avez poinr changé de
sentiment, vous fçaurez bon
gré à celuy qui a
fait l'Ouvrage que vous allez lire.
SATYRE
contre les Vers irrcguliers. EN vain vous rtiaccufet^ d'un
paresseux silence,
le ne puis pour rimermefaire vialence;
Mu(è) vous en fcavez^[ans doute la
raison.
Dois-je aller à t'école en un âge
grifon
En petit voyageurfaypaffema jeuneffe,
£tne paflois pas loin des monts de
la Sflgtjfet
Zors quun vent
agite
par de gros
tourbillons
, Vint répandre à mespiedsplufieun
* de vos brouillons.
le les connus d'abord pour enfant
du Pamaffe
,
Je les amaffay tort*yfenfis une liasse,
Qge je conferve encore avec beaucoup de foin,
Meflatant quelque four de vous
suivre de loin.
le ne (fdJ quel inftinft frevenant
ma fru-dence,
Me fit de vos grands keri, eflime7
la cadence.
Je meformaysibien à cette,gravité,
Que les diminutifs font pour moy
fans beauté ;
Xe Féftnaffe a toujours garaé le
moindre fliî-e
Pour ce qriev gmtfal ta nomme
Vaudeville y
Mais on fatolÎjOtlrJ dît,vitreJexe
leger
lionne dvenè linconfiance
,
(£ se
plaifJà. changer,
Ne croyez^ pas pourtant quicy je
vous imite,
leveux efire confiant,jemenfais
un merite.
Toutes ces nOflvealllt( ne peuvent
maveugler,
2Vy monfoible poumon se laisser déregler.
Entre les Veis de choix que je lis
avec joye,
ïaytoujoursfou* les yeux ceux des
Héros de Troie.
Zà je voy cette grâce, & cestile
pompeux
Qu'on employe en parlant des hommes belliqueux, [ rebuter
Toujours la majestè, fans quelle se
Honore ces beaux Vers, mefmejufquen leur chuter
Et chacun d'euxmarchant dans un richeappareil,
Faitafiez^voir quileftle neveu du
Soleil.
On riyfiuffre jamais la licence sa.
taie
Quiforme chaque Vers de cadence
inégale;
Et je croi qu'un fia/eu, an. Prince
dévoile, [ loué.
Sous un fitle si luù ne. l'a pas bien
Peut-estredirez-vous que legrandy
le jublime,
Ne doitqùaux seuls Héros la
beauté desa rime,
Que pour les grandi Seigneurs,
ceux des moindres rangs, Il faut avoir un (hLe & des vers
differens l
Quon doitpour bien louer regarder
la personne,
Voir
Voirsa vertu répondre à iencens
qu'on Huy donnej
en conviens)maÎ4pourtant à tous
momens je voy
Hue de cemesme encens on encense le
Roy,
Et quon a pour objet de cet encens
vulgaire,
Xe plus auguste Roy que le Soleil
éclaire.
Jetais laissons, je le veux, ces magnifiques Vers
Tour ceux quifont en droit de dompter tVnivers, [encore
vous deve'{ eonvenir que noua avons
Des Vers plu4 mefure\que le cours
defAurore.
tsareux ne peuuon pas louer adroitement
,1, pani quel'oreille en ait aucun dcfagrèment ?
,
Jsfousavions>il eji vrayJillujlre des
Houl/ures,
Qui dans ce rude stile eut de douces
manières,
Et fans faire un faux plU dans ce
champ raboteux,
Sçeut donner de la grace à tout ses
Vers boiteux.
Je ne puis imiterson rare caractère,
Il m'apprendbeaucoup moins àparler qu'à me taire,
lerien ay ny iejprit ny linclination,
Et vous moffrezjnvain vostreprotection.
Je trouve cependantcefie maniéré
aisee1,
On se laissè tomber où tombe laptn--
fée,
Et faus membaraffer de former le
repos,
Ce stile paresseux me
viendroit à
propos.
-On ria jamais besoin de t'art du
doEle Eucltde
Pourtoifer ungrand Vers pour en•
remplir le vuide,
La Rethorique est vaineau Poëte
aujourahuy.
Vn mot, veul-ilrimer, qui se prefente à luy
Fusi-ilmâle ou femellejlriimporte,
ille place,
ilsfont tous bien venus, & jamais
il rien cade;
Viennent ils pourrimerjufquà cinq
à lafois,
Pour les obliger tous il les met deux
& trois.[combatre
S'ilsviennent six ou huit,illesfera
SansreJpeEt des arrests3 trois à trois,
quatre à quatre.
Ainsi rien ne demeure> & les plus
malheureux
Rencontrentleurs pareils peurrimer
aveceux. Cefiainsi qu'aujourdthuy par ce
commode flile
Cet Art laborieux efl devenufacile,
Et tel à peine feait jouer du vioIon)
Qui croit bien imiter la Lyred'Apollon.
Ce talent autrefoissipeu connu des
hommes
J..¡'cft quunamusement dans leJîecle où nous sommes.
D'abord qu'on (fait penser,
compter jusquà huit,
On peut dans ce bel Arttravailler
avec fruit,
Mdis cette llluflreexcelle, e je
pense, ma Mule,
Quelle peut effacer la célébré la
àue;
Et que fl'heroïque eufl animeson
coeur,
Et Racine
,
&Boileau[everroient
un vainqueur.
Danstout ce quelle afait on ne voit
point de peine,
Et deson Cabinet coule une autre
Hippocrene.
Elle porte si bien tout ce quelle *
pensè,
Quetout est en sa place, & querien -
riesiforcé.
Je ne veuxptU icyfaire de paralelle,
Toute comparaison defobhge une htlie
, Et ce riest point à moy de juger des
Je c
b
eftrits,
Jecherche feulement la douceur douceur des
écrits.
Quand je relis encor ceux de cette
Comtesse,
Que senvoy la douceur) la force,
df la tendresse,
Mon oreille attentive excite son
deJif
,
El ne se lasie point d'en goûter le
plaijïrMon eftntd'autre part fans cessese
contente
,
il voit [am sennttÏe, prévenir Ion
attente
, On n'apasp/utoft leu quon veut re-
(omm/necr,
Et le plu* inquiet ne sçauroit J'en
lajer.
Llt fans avoir toujours tembaraffanteJtude.
De chercher la mesure avec inquiétude, [ mesurè
On marche avec cadence & d un pa*
Fier de trouver par tout fin repos
ajJuré.
Mais du pile nouveau la cadence
incertaine
Pour l'œil & pour l'oreille efi toû.
jours inhumaine,
La langue mesme en souffre, onfent
à tous momens
Quelle a
peineà choisirses tons,ses
mouvfmens,
Qjie toujours variant danssa peine
ecrette,
Du tour quelle doit prendre elle
semble inquiété.
Ainsi bridant Pefjor de sa narration
,
Elle perd la beauté deson expression.
Concluons-donc qu'enfin la nouvelle
methode
Est à nos beaux esprits un obfiacle
incommode,
Le bon mot, il est vray
,
tost ou tard
estplacé,
Maispourle trouver juste on efJembara/fè. ilfaut bien sattacher au point, à
la virgule,
Pourposer sur ce mot qui desyeux
se recule.
On pense le trouver dans trois ou
quatre Vers,
'Mais on ria rien fans peine en ce
siecle pervers >
Ilfaut bien quelquefois en lire douzg ou treize,
Pour en rencontrerun qui chatouille
& qui plaise,
Et Foreille & les yeux toujours en
aïiion [ tention.
De ïefprit qui les meut lafjentïatYn Lecteurparefîeux qui detefle la
peine
En trouve à retenirfanscefie[on ha.
leine,
Et se plaignant toujours 011 du long ",
ouducourt,
Ennuyé un Auditeur que Page a rendusourd. [ tiere coule,
Je veux enfaitde Pers que la maQu'ilssemblent tom formezjians un
unique moulej
l'ay ïoreillesensible, d***fuis(upforftr
Que mille contre-temps me la viennent heurter.
Ces bien-heureux Bons-Mots font
pourtant d'ordinaire
Pour nos contusions un baume salutaire
5 Mais telferaguéri qui craint de retomber.
Et dans cette rechute a feur defuc*
comber.
Quelque habile quon joit dans ce
genre d'écrire
VnLeiïeurfatigué négligé denous
lire,
Il veut eflre à son aise en carosse
mene
Et non en bondissant en chariot
traîné.
j'adore le Sonnet> mais du choix de
larime
Dépend tout le bonheurHe la future
estime.
Prenezgardesurtout quilne sonne
fatfaux,
On laisse ses beàutez^ pour chercher
ses défauts,
Etliquelquun rimoit,sienne avec
Capitaine
On diroit ce Poète est loin de la
Fontaine
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Résumé : SATYRE contre les Vers irreguliers.
Le texte est une satire critique des vers irréguliers, également appelés vers libres. L'auteur exprime une nette préférence pour les vers réguliers, soulignant leur cadence égale et mesurée, similaire à celle employée dans les tragédies. Il dénonce les vers libres comme étant paresseux et irréguliers, les comparant à des brouillons dépourvus de beauté. L'auteur admire particulièrement les vers héroïques, qu'il juge dotés d'une grâce et d'une majesté adaptées à la louange des héros et des rois. Il estime que les vers réguliers sont plus mesurés et agréables à l'oreille que les vers libres, qui manquent de cadence et de beauté. La satire met en lumière la difficulté de trouver des mots appropriés dans les vers libres, nécessitant une attention constante et une recherche fastidieuse. L'auteur conclut que la nouvelle méthode des vers libres constitue un obstacle pour les esprits créatifs, affirmant que les vers réguliers restent préférables en raison de leur mesure et de leur beauté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 327
Questions pour le Mois prochain.
Début :
On demande si le vin est une bonne chose. Question [...]
Mots clefs :
Vin, Femme, Beauté, Esprit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Questions pour le Mois prochain.
Questions pour le Mois
prochain.
Ondemande si - le
vinestune bonne chose,
Question galante.
PartiÙptfirejfftàfie.
Quepeut-on dire
pour blasmerou pour
justifier un homme @amoureux
d'une femme
qui n'auroitny beauté
ny esprit.
prochain.
Ondemande si - le
vinestune bonne chose,
Question galante.
PartiÙptfirejfftàfie.
Quepeut-on dire
pour blasmerou pour
justifier un homme @amoureux
d'une femme
qui n'auroitny beauté
ny esprit.
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30
p. 130-135
EPITALAME par M. ** A M. DE MORVILLE.
Début :
Hier un enfant de vostre connoissance, [...]
Mots clefs :
Hymen, Beauté, Amants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITALAME par M. ** A M. DE MORVILLE.
EPITALAME
Par M. **
A M. DE MORVILLĖ.
Hier un enfant de voſtre connoiffance
,
Lesyeux en pleurs , l'air abattu
Tel que ni vous ni moy ne l'aviens
jamais vû ,
Me vintfaire une confidence.
C'en eft fait , me dit-il , nofire
amym'a quitté
Pourtrix de mes bienfaits le per
fide m'outrage.
Helas!jo lay bien merité !
Combien de fois ( tu peux m'en
rendre témoignage )
GALANT. 2131
Negligeant le fincere hommage
De mille Amans foumis, tendres
, difcrets ,
Ay-je lancé pour luy ces infaillibles
traits.
Que je gardepour mon uſage ,
Et qui luyfoùmettoient des coeurs .
que le volage
Alloit quitterl'infant d'aprés ;
Ab des ce temps je devois le
connoiftre
L'ingrat acheve fur le Maifire
Les maux qu'il a faits aux
fujets.
Dabord je ris de fa colere ,
Et ne crut rien de ce difcours ,
Le petit Dieu tient de fa mere
De nepas dire vray tousjours :
Cependant curieux , quel eft done
ce myſtere
MERCURE
Luy dis -je conte moy la chofe
fans détours
Etfoy & Amantje tejure
De partager ton injure.
( Entre nous je me doutois bien,
Amy, que je nerifquois rien ; )
Unejeune Beauté qui dans nofre
Amathonte ,
Dit- il , n'offrit jamais d'encens
Qui n'eut jamais pour nous que
des airs offenfans ,
Et qui pourtant à noftre honte
Voit voller les coeurs fur fes pas
Enfin qui plaift & n'aime pas..
Plus d'une fois ma mere en a
grondé le graces.....
Eh bien qu'a fait cette Beauté
?
Helas Le'eftpourfuivre fe . tra-
Les
GALANT 153
Que le volage m'a quitté,
Etpour comblerfa perfidie
De l'hymen, d'un cadet implo
rant le fecours
L'ingrat en un moment oublie
Queje fuis feulen droit de donner
de beaux jours .
De Vienne à ce nom feul je
- fens croiffre ma rage,
Loin de languir dans mes fers
Une fimple mortelle outrage
Le vainqueur de l'univers.
Quay luy dis-je , de Vienne eft le
nom de la Belle ?
Vatun'es pas fi malheureux: ~
Hymen a beau vanterfa conquefte
nouvelle ,
Elle & Thymen font attrapés
tous deux ;
Voila bien noftre amy , ce font
là de fes jeux :
134 MERCURE
Tu n'eus jamais de fujet plus
fidelle :
Il s'acquitte par-là de tout ce
qu'ilte doitr
Cet artifice heureux te vaut un
coeur rebelle
Qui t'alloit échapperfans ce détour
adroit.
Pouvoit-il jamais mieux faire
Surcefuperbecoeurte voyantfans
pouvoir,
Il a recours à ton frere ,
Qui feduit d'unfaux espoir
Fait tous les frais du myftere ;
Etpar l'évenement cette Beaute
fevere ,
S'engage à toy , fans s'en apper- ·
a
cevoir:
Qu'entens- ic?ah tu me rens la vie
Dit Enfantimmortel: &mou¬
vrantfon carquois
GALANT. 135
C'est tout mon bien , prens , tout
eft à ton choix.
Fait mieux luy dis- ie , & va
trouverSilvie
Seule elle peut payer tout ce que
tu me dois
Par M. **
A M. DE MORVILLĖ.
Hier un enfant de voſtre connoiffance
,
Lesyeux en pleurs , l'air abattu
Tel que ni vous ni moy ne l'aviens
jamais vû ,
Me vintfaire une confidence.
C'en eft fait , me dit-il , nofire
amym'a quitté
Pourtrix de mes bienfaits le per
fide m'outrage.
Helas!jo lay bien merité !
Combien de fois ( tu peux m'en
rendre témoignage )
GALANT. 2131
Negligeant le fincere hommage
De mille Amans foumis, tendres
, difcrets ,
Ay-je lancé pour luy ces infaillibles
traits.
Que je gardepour mon uſage ,
Et qui luyfoùmettoient des coeurs .
que le volage
Alloit quitterl'infant d'aprés ;
Ab des ce temps je devois le
connoiftre
L'ingrat acheve fur le Maifire
Les maux qu'il a faits aux
fujets.
Dabord je ris de fa colere ,
Et ne crut rien de ce difcours ,
Le petit Dieu tient de fa mere
De nepas dire vray tousjours :
Cependant curieux , quel eft done
ce myſtere
MERCURE
Luy dis -je conte moy la chofe
fans détours
Etfoy & Amantje tejure
De partager ton injure.
( Entre nous je me doutois bien,
Amy, que je nerifquois rien ; )
Unejeune Beauté qui dans nofre
Amathonte ,
Dit- il , n'offrit jamais d'encens
Qui n'eut jamais pour nous que
des airs offenfans ,
Et qui pourtant à noftre honte
Voit voller les coeurs fur fes pas
Enfin qui plaift & n'aime pas..
Plus d'une fois ma mere en a
grondé le graces.....
Eh bien qu'a fait cette Beauté
?
Helas Le'eftpourfuivre fe . tra-
Les
GALANT 153
Que le volage m'a quitté,
Etpour comblerfa perfidie
De l'hymen, d'un cadet implo
rant le fecours
L'ingrat en un moment oublie
Queje fuis feulen droit de donner
de beaux jours .
De Vienne à ce nom feul je
- fens croiffre ma rage,
Loin de languir dans mes fers
Une fimple mortelle outrage
Le vainqueur de l'univers.
Quay luy dis-je , de Vienne eft le
nom de la Belle ?
Vatun'es pas fi malheureux: ~
Hymen a beau vanterfa conquefte
nouvelle ,
Elle & Thymen font attrapés
tous deux ;
Voila bien noftre amy , ce font
là de fes jeux :
134 MERCURE
Tu n'eus jamais de fujet plus
fidelle :
Il s'acquitte par-là de tout ce
qu'ilte doitr
Cet artifice heureux te vaut un
coeur rebelle
Qui t'alloit échapperfans ce détour
adroit.
Pouvoit-il jamais mieux faire
Surcefuperbecoeurte voyantfans
pouvoir,
Il a recours à ton frere ,
Qui feduit d'unfaux espoir
Fait tous les frais du myftere ;
Etpar l'évenement cette Beaute
fevere ,
S'engage à toy , fans s'en apper- ·
a
cevoir:
Qu'entens- ic?ah tu me rens la vie
Dit Enfantimmortel: &mou¬
vrantfon carquois
GALANT. 135
C'est tout mon bien , prens , tout
eft à ton choix.
Fait mieux luy dis- ie , & va
trouverSilvie
Seule elle peut payer tout ce que
tu me dois
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Résumé : EPITALAME par M. ** A M. DE MORVILLE.
L'épître relate une conversation entre un enfant et un ami au sujet d'une trahison amoureuse. L'enfant révèle que son amant l'a quitté pour une autre personne, malgré ses nombreux efforts et sacrifices. L'amant, décrit comme volage et ingrat, a également offensé un sujet en se mariant avec Vienne, une jeune beauté d'Amathonte connue pour son comportement offensant mais aimée par beaucoup. L'ami de l'enfant explique que cette situation est en réalité une ruse pour récupérer l'amour de l'enfant. L'amant a utilisé son frère pour tromper Vienne, la poussant à s'engager avec l'enfant sans s'en rendre compte. L'enfant, ravi, remercie son ami et se prépare à retrouver Sylvie, qui seule peut compenser ce qu'il doit à son ami.
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31
p. 147-154
« A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Début :
A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...]
Mots clefs :
Sang, Amour, Mariage, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Apropos de cette Enig.>,,
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
me,ilmesouvient davoir
entendu racontes
un faitpeu plaisant, mais
rres - veritable.
Un jeune Anglois qui
logeoitclans une Auberge
du Fauxbourg Saint
Germain
,
devint éperduëment
amoureuxde la
fille de son Hoste. Elle
estoit tres-belle,&l'Anglois
luy sir des offres à
proporrion desa beauté;
mais cette fierehostesse,
foit par vertu ,
foit par
ambition ne voulut
entendre parler que de
mariage ; le pere de ce
jeune
jeune Anglois, estoie
homme à le desheriter
s'il eut voulu contenter
sa passion à ce prix,l'Hôtesse
n'en vouloit pourtant
rien rabattre,nostre
Amant desesperé tomba
dangereusement malade.
On fit plusieursconsultations,
où Monsieur
Gucnaut fameux Medecin
de ce temps-là,n'eut
pas de peine à prouver à
ses Confreres,qu'il faloit
d'abord seigner & rafraîchir,
&C qu'il teudroit
ensuite rafraîchir & seigner
; car, disoit-il, je
connois les deux maladies
de mon malade,elle
sont toutes deux dans le
sang. Ce(H'amour&: la
fiévre ; enfin nostre Amant
fut livreàl'opinion
de Monsieur Guenaut ,
qui par dix ou douze seignées
consecutives, osta
de ses veines non-seulement
l'amour & la ~cvre
,
mais encore la vie,
ou peu s'en salut, car on
le crut mort; cependant
il en revint, parce que
les Medecins &r le Chirurgienl'abandonnerent.
Pendant ce temps là,on
avoit écrit au pere la eause
de cette maladie,&il
arriva de Londres dans
laresolution de consentir
à ce mariageextravagant,
plustost que de perdre
son fils unique.
Ille trouva mourant
&la premiere chose qu'il
fit pour le rappeller à la
vie, ce futde lui prometre
labelle Hostesse
en mariage ; mais comme
la passiondu jeune
homme n'estoit fondée
que sur la beauté, les
idées vives des charmes
de l'Hostesse s'estoient
dissipées avec son sang;
elles revinrent pourtant
avec le fang nouveau
qu'il faisoit, mais àmélure
que sa santé se fortisioit
, le pere voyoit
moins de necessité à ce
mariage,enfin il ne craignit
plus de s'y opposer
entièrement.
Si la passion de ce fils
eut esté aussi violente
qu'avant sa maladie
,
il
eut fallu rappeller Monsieur
Guenaut pour la lui
oster par de nouvelles faignées
, ou le marier pour
l'empêcher de retomber
malade;mais cette paC"
sion n'estant presqueplus
qu'un simple souvenir ,
laraison& le perefurent
les plus forts; il renonça
à la belle Hostesse; &
cela fait voirquel'amour,
sur tout celui qui n'est
fondé que sur la beauté,
effc entièrement dans le
fang, & que si la transfusion
que quelques Médecins
ont cru possible
,
ne peut guerir de la vieillesse
, au moins elle peut
guérir de l'amour
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Résumé : « A propos de cette Enigme, il me souvient d'avoir [...] »
Un jeune Anglais, logeant dans une auberge du faubourg Saint-Germain, s'éprend de la fille de l'aubergiste, qui refuse toute relation hors mariage. Le père du jeune homme menace de le déshériter s'il l'épouse. Désespéré, le jeune Anglais tombe gravement malade. Le médecin Guenaut diagnostique l'amour et la fièvre dans son sang et prescrit des saignées. Après plusieurs saignées, le jeune homme survit malgré l'abandon des médecins. Informé, le père arrive de Londres et promet le mariage pour sauver son fils. Cependant, il reconsidère sa décision et s'oppose au mariage à mesure que la santé du jeune homme s'améliore. La passion du jeune homme, fondée sur la beauté, s'estompe avec son sang et ne revient que faiblement. Finalement, la raison et le père prévalent, et le jeune homme renonce à la belle aubergiste. Cette histoire montre comment l'amour, surtout celui basé sur la beauté, peut être influencé par des changements physiques.
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32
p. 303-310
POUR Mademoiselle C**
Début :
La Beauté mit tout en usage, [...]
Mots clefs :
Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POUR Mademoiselle C**
POUR Mademoifellc
C**
",
La Beauté mit tout en usage,
Et sa main liberaleépuisa
ses trésors
Quand elle for,ma vostre
corps, Et les traits devostrevisage,
Le Printemps lui presta ses
roses& seslys;
La jeunesse fournit & les
Jeux & les Ris,
Et les Graces croyant faire;
encor davantage,
Avant que de s'en désaisir
Voulurent avoir le plaisir
„ D'animer un si bel ouvra-
-
ge.
On diroit que l'Amour pour
regner dans vos yeux, --
Quitte le sejour d'Amathonte,
Il- Cent beautez dont Paris
estoit si glorieux
N'y paroissent plus qu'à
leur honte,
Et estvousseule enfin que
l'on suit en tous lieux,
TelleVénus sortant de
l'onde
Parut autrefois dans le monde,
Et se fit adorer des Hommes
& des Dieux.
Mais répondez moi, je vous
prie.
Cette beauté
,
l'objet de
tant de jalousie,
Qu'on ne peut voir sans
l'admirer,
Où les veux même de l'en-
4 vie
Ne trouvent rien à censurer,
Croyezvous que ce foitun
bien sidesirable,
Et ne craignez-vous point
de ne l'avoir receu,
Que pour voir un heureux
coupable
Triompher devostre vertu?
Non,les folles Amours vous
trouveront cruelle.
Un Epoux fcul tendre& fidelle
Disposera de vostre coeur
Vousaimez encor plus
l'honneur,
Que vous ne cherissez la
gloired'estre belle;
Jeune Iris ne sçavez vous
pas,
Que malgré toure sa sagesse
Il en coûta cher à Lucrecc
D'estre néeavec tant d'appas.
De pareilles faveurs sont
souvent dangereuses
Le Ciel dans , les p resents
qu'ilfait,
Ne donne pas tout à souhait,
)
Et lesgrandesbeautez sont
rarement heureuses,
Leurs charmes inconstans
passent commeles fleurs,
Et vous trouverez que l'Histoire
Qui , nous vante tant leur
mémoire
,
Finit presque toûjours en
pleurant leurs malheurs.
Vous verrez à vos pieds le
rqndrcr
ne foulle d'Amans cmpressez
& fourmis,
Qi/oft a de peine à se dessendre
-- Detant d'aimablesennemis,
Il est. des momens de foiblesse
Ou la nature peut tomber,
Oncourt risque de succomber
Quand on est obligé de combatre
sans ce(Te.
Malgré tous les plaisirs on
vous peut engager ,
Une beauté qui charme, & laCour&laVille,
J'en connois plus demille ;,
Prestes avec vous de changer;
Qui quel que soit enfin le
.- fortqui vous menace
Prendroiçnt volonticrs le
danger ,
Ec voudroient estre à vostre
place.
C**
",
La Beauté mit tout en usage,
Et sa main liberaleépuisa
ses trésors
Quand elle for,ma vostre
corps, Et les traits devostrevisage,
Le Printemps lui presta ses
roses& seslys;
La jeunesse fournit & les
Jeux & les Ris,
Et les Graces croyant faire;
encor davantage,
Avant que de s'en désaisir
Voulurent avoir le plaisir
„ D'animer un si bel ouvra-
-
ge.
On diroit que l'Amour pour
regner dans vos yeux, --
Quitte le sejour d'Amathonte,
Il- Cent beautez dont Paris
estoit si glorieux
N'y paroissent plus qu'à
leur honte,
Et estvousseule enfin que
l'on suit en tous lieux,
TelleVénus sortant de
l'onde
Parut autrefois dans le monde,
Et se fit adorer des Hommes
& des Dieux.
Mais répondez moi, je vous
prie.
Cette beauté
,
l'objet de
tant de jalousie,
Qu'on ne peut voir sans
l'admirer,
Où les veux même de l'en-
4 vie
Ne trouvent rien à censurer,
Croyezvous que ce foitun
bien sidesirable,
Et ne craignez-vous point
de ne l'avoir receu,
Que pour voir un heureux
coupable
Triompher devostre vertu?
Non,les folles Amours vous
trouveront cruelle.
Un Epoux fcul tendre& fidelle
Disposera de vostre coeur
Vousaimez encor plus
l'honneur,
Que vous ne cherissez la
gloired'estre belle;
Jeune Iris ne sçavez vous
pas,
Que malgré toure sa sagesse
Il en coûta cher à Lucrecc
D'estre néeavec tant d'appas.
De pareilles faveurs sont
souvent dangereuses
Le Ciel dans , les p resents
qu'ilfait,
Ne donne pas tout à souhait,
)
Et lesgrandesbeautez sont
rarement heureuses,
Leurs charmes inconstans
passent commeles fleurs,
Et vous trouverez que l'Histoire
Qui , nous vante tant leur
mémoire
,
Finit presque toûjours en
pleurant leurs malheurs.
Vous verrez à vos pieds le
rqndrcr
ne foulle d'Amans cmpressez
& fourmis,
Qi/oft a de peine à se dessendre
-- Detant d'aimablesennemis,
Il est. des momens de foiblesse
Ou la nature peut tomber,
Oncourt risque de succomber
Quand on est obligé de combatre
sans ce(Te.
Malgré tous les plaisirs on
vous peut engager ,
Une beauté qui charme, & laCour&laVille,
J'en connois plus demille ;,
Prestes avec vous de changer;
Qui quel que soit enfin le
.- fortqui vous menace
Prendroiçnt volonticrs le
danger ,
Ec voudroient estre à vostre
place.
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Résumé : POUR Mademoiselle C**
La lettre célèbre la beauté exceptionnelle de Mademoiselle, attribuée à la Beauté, au Printemps, à la Jeunesse et aux Grâces. Sa beauté est si éclatante que l'Amour semble régner dans ses yeux, surpassant toutes les autres beautés. Cependant, le texte met en garde contre les dangers et les malheurs souvent associés à une grande beauté. L'exemple de Lucrèce, sage mais souffrante en raison de ses charmes, illustre ce risque. La beauté est décrite comme éphémère et potentiellement dangereuse, apportant souvent plus de malheurs que de bonheur. Malgré les plaisirs et les admirateurs, une beauté remarquable peut entraîner des moments de faiblesse et des risques.
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33
p. 148-149
Response par la serieuse Clelie.
Début :
On est d'abord charmé d'une belle femme, ensuite [...]
Mots clefs :
Femme, Laideur, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Response par la serieuse Clelie.
Clelie.
On est d'abord charmé
d'une belle femme
ensuite on s'y accoustume,
enfin quelquefois on la
méprise.
On est d'abord rebuté
par la laideur d'une femme,
ensuite on s'y accoutume
quelquefois, enfin
on l'aime constament
Parlons plus juste
, ce
n'est nyla beauté ny la
laidcur,,cest l'humeur, le
coeur ,
& l'esprit qui decide.
On est d'abord charmé
d'une belle femme
ensuite on s'y accoustume,
enfin quelquefois on la
méprise.
On est d'abord rebuté
par la laideur d'une femme,
ensuite on s'y accoutume
quelquefois, enfin
on l'aime constament
Parlons plus juste
, ce
n'est nyla beauté ny la
laidcur,,cest l'humeur, le
coeur ,
& l'esprit qui decide.
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34
p. 40-51
A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
Début :
Cette chere Dodo, cette aimable Doguine, [...]
Mots clefs :
Doguine, Amour, Yeux, Dieu, Beauté, Déguisement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
pourDodosaDoguine.
CEtte chereDodo, cette
aimable Doguine,
L'objet de vos plus doux
transports,
N'est point, Iris, une machine,
-
Comme Descartesl'ima-
, gine,
JO Dont l'instinct: feulement
fait mouvoir les
ressorts
;
EcouEcoutez
un récit fidele
De , tout ce que mes yeux -ont vu,., Un tel fpeftacle eut confondu
Le Philosophe & sa fe-
,
quelle;
En vôtre absence ce matin
Je faisois à Dodo mille &
mille caresses)
Et passant sur sa tête une
flatteuse main,
Je joignois ce discours à
toutes mes tendresses
: Dodo, que vôtre xort est
doux !
Le plus charmant objet
qui soit dans la narure,
Iris, pour qui nous brûlons
tous
D'une ardeur si tendre &
-.
-
si pure,
Iris n'a d'amour que pour
- vous
Vous plaisez à ses yeux, : vousla voyez sans
; cesse,
Et sans redouter son courroux
Vous luy marquez vô tre
tendresse
Quel mortelSe qu, el Dieu
n'en feroit point jaloux?
Ha! si ce Jupiter que nous
vante la Fable,
Estoit un immortel & le
Maître des Dieux
Il seroit sdescendu des cieux
Pour jouïr dundestin femblable,
Ce puissant Dieu de l'univers
, Qui souvent pour quelques
mortelles
Prit tant de changemens
divers,
Se fût fait Doguine pour
elle;
Qu'il eut vécu content
dans de si, beaux liens,
Mais sans rationnement le
.,. Ciel vous a fair naître,
Et vousaprodigué des
biens*'•
• Que vous ne pouvez pas * connoîtrej
En prononçantcesmots
je demeurai surpris
D'une metamorphose étrange
Qui me coupa ;i voix coupalavoix ôc
troubla mes esprits,,
Dodo s'enfle, s'éleve & sa
figure change;
Un éclat merveilleux brille
, ,. detoutesparts,
Dodo n'est plus une doguine,
Elle paroît à mes regards
Sous les charmans appas
d'une beauté divine.
Arrête, me dit-elle, & connois
mon pouvoir,
Je fuis Fée, & l'on sçait
quelles sont nos merveilles
,
On sçait par tout que mes
pareilles,
Sous des déguisemens fouvent
selaissent voir:
Jepréside aux appas, c'est
mon foin ordinaire
De dispenser le don de
plaire:
Heureuxàqui je le dépars.
C'et! moy qui fçut rendre
si belles
Les S*** ôc lesV**
Qui de , tous les humains
enchantent les regards,
Parmi les beaux objets en
qui de ma puiilànce
Brillent les merveilleux effets,
Iris est un des plus parfaits,
Je fus presente à sa naifsance,
,., Ma main prit foin de luy
former
Tous les traits d'un charmant
visage,
Esprit
,
douceur5 prefenr
qu'on doit pluseltimer:
Enfin elle reçût un parfait
assemblage ,.;
-
o
De tout ce qui peutfaire
aImer; ¡. r:c
Ah! si le Ciel avoit fecondé
mon ouvrage
Il l'auroit élevéeauxsupr
mes grandeurs:
Mais l'Amour qui la fuit
repare cet outrage
Par l'empire de tous les
coeurs. i. Avec elle toujoursj'ai priy
plaisir à vivre,
Yj paffe mes plus doux
Inomens, Et fous divers!déguifç--
mens
Je fuis empressëe à la fuivre.
Lorsque dans la retraite
ellealla s'enfermer,
D'y marcher sur fcs pas
je me crus trop heureuse,.
Est-il quelque demeure
affreuse
Qu'elle ne puisse faire ai-
; mer?
J'y goutois àla voir mille
douceurs secretes,
Avec un amusant caquet
Je pris pourréjpiiir de
eau
::
xaufeufes nonnettes
,La figure d'un perroquet.,,
Aujourd'huy tu me vois
paroître
Sous un nouveau dcguife.-
ment,
Et ce n'est qu'à toy feulement
Que je puis me fairecon-
, noître.
A ces mots elle entend du
bruit,
On vient, dit-elle,un jour
tu pourras être in.-
struit v
Du bonheur queje luy
destine
;
Je rentre dans ma peau,
c'ellun arrest des
Cieux,
Je puis être Fée à tes yeux,
Pour toute autre je suis
doguine.
Voila quel est son fort, voi-
-1
-la charmante Iris,
D'où naissent ces appas
dont nous sommes
épris;
En vous voyant briller de
cent beautez parfaites,
Je me doutois toûjours de
quelque enchantement.
On nest point naturelle.
ment
Au/fi charmante que vous
l1l>'Aêtes.
CEtte chereDodo, cette
aimable Doguine,
L'objet de vos plus doux
transports,
N'est point, Iris, une machine,
-
Comme Descartesl'ima-
, gine,
JO Dont l'instinct: feulement
fait mouvoir les
ressorts
;
EcouEcoutez
un récit fidele
De , tout ce que mes yeux -ont vu,., Un tel fpeftacle eut confondu
Le Philosophe & sa fe-
,
quelle;
En vôtre absence ce matin
Je faisois à Dodo mille &
mille caresses)
Et passant sur sa tête une
flatteuse main,
Je joignois ce discours à
toutes mes tendresses
: Dodo, que vôtre xort est
doux !
Le plus charmant objet
qui soit dans la narure,
Iris, pour qui nous brûlons
tous
D'une ardeur si tendre &
-.
-
si pure,
Iris n'a d'amour que pour
- vous
Vous plaisez à ses yeux, : vousla voyez sans
; cesse,
Et sans redouter son courroux
Vous luy marquez vô tre
tendresse
Quel mortelSe qu, el Dieu
n'en feroit point jaloux?
Ha! si ce Jupiter que nous
vante la Fable,
Estoit un immortel & le
Maître des Dieux
Il seroit sdescendu des cieux
Pour jouïr dundestin femblable,
Ce puissant Dieu de l'univers
, Qui souvent pour quelques
mortelles
Prit tant de changemens
divers,
Se fût fait Doguine pour
elle;
Qu'il eut vécu content
dans de si, beaux liens,
Mais sans rationnement le
.,. Ciel vous a fair naître,
Et vousaprodigué des
biens*'•
• Que vous ne pouvez pas * connoîtrej
En prononçantcesmots
je demeurai surpris
D'une metamorphose étrange
Qui me coupa ;i voix coupalavoix ôc
troubla mes esprits,,
Dodo s'enfle, s'éleve & sa
figure change;
Un éclat merveilleux brille
, ,. detoutesparts,
Dodo n'est plus une doguine,
Elle paroît à mes regards
Sous les charmans appas
d'une beauté divine.
Arrête, me dit-elle, & connois
mon pouvoir,
Je fuis Fée, & l'on sçait
quelles sont nos merveilles
,
On sçait par tout que mes
pareilles,
Sous des déguisemens fouvent
selaissent voir:
Jepréside aux appas, c'est
mon foin ordinaire
De dispenser le don de
plaire:
Heureuxàqui je le dépars.
C'et! moy qui fçut rendre
si belles
Les S*** ôc lesV**
Qui de , tous les humains
enchantent les regards,
Parmi les beaux objets en
qui de ma puiilànce
Brillent les merveilleux effets,
Iris est un des plus parfaits,
Je fus presente à sa naifsance,
,., Ma main prit foin de luy
former
Tous les traits d'un charmant
visage,
Esprit
,
douceur5 prefenr
qu'on doit pluseltimer:
Enfin elle reçût un parfait
assemblage ,.;
-
o
De tout ce qui peutfaire
aImer; ¡. r:c
Ah! si le Ciel avoit fecondé
mon ouvrage
Il l'auroit élevéeauxsupr
mes grandeurs:
Mais l'Amour qui la fuit
repare cet outrage
Par l'empire de tous les
coeurs. i. Avec elle toujoursj'ai priy
plaisir à vivre,
Yj paffe mes plus doux
Inomens, Et fous divers!déguifç--
mens
Je fuis empressëe à la fuivre.
Lorsque dans la retraite
ellealla s'enfermer,
D'y marcher sur fcs pas
je me crus trop heureuse,.
Est-il quelque demeure
affreuse
Qu'elle ne puisse faire ai-
; mer?
J'y goutois àla voir mille
douceurs secretes,
Avec un amusant caquet
Je pris pourréjpiiir de
eau
::
xaufeufes nonnettes
,La figure d'un perroquet.,,
Aujourd'huy tu me vois
paroître
Sous un nouveau dcguife.-
ment,
Et ce n'est qu'à toy feulement
Que je puis me fairecon-
, noître.
A ces mots elle entend du
bruit,
On vient, dit-elle,un jour
tu pourras être in.-
struit v
Du bonheur queje luy
destine
;
Je rentre dans ma peau,
c'ellun arrest des
Cieux,
Je puis être Fée à tes yeux,
Pour toute autre je suis
doguine.
Voila quel est son fort, voi-
-1
-la charmante Iris,
D'où naissent ces appas
dont nous sommes
épris;
En vous voyant briller de
cent beautez parfaites,
Je me doutois toûjours de
quelque enchantement.
On nest point naturelle.
ment
Au/fi charmante que vous
l1l>'Aêtes.
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Résumé : A MADAME DE.. pour Dodo sa Doguine.
Le texte est une lettre poétique adressée à Iris, relatant une transformation magique. Le narrateur, en caressant sa chienne Dodosa, exprime son admiration pour Iris, dont Dodosa est amoureuse. Soudain, Dodosa se transforme en une fée divine, présidant aux charmes. Elle révèle avoir donné à Iris ses traits parfaits et avoue passer du temps avec elle sous divers déguisements, y compris celui d'un perroquet. À l'approche de quelqu'un, la fée doit partir, promettant de révéler un jour le bonheur destiné à Iris. Elle reprend alors son apparence de chienne, confirmant qu'elle n'est une fée que pour le narrateur. Le texte se conclut par l'admiration du narrateur pour les charmes surnaturels d'Iris.
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35
p. 94-99
RÉPONSE.
Début :
Non ; car il faut bien qu'une porte soit ouverte [...]
Mots clefs :
Amour, Aimer, Beauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE.
ARTICLE
des Questions.
QUESTION.
Si l'on peut en même
temps aimer & ne pas
aimer.
REPONSE.
Non; caril faut bien,
qu'une porte soit ouverte
ou fermée.
Cependant j'entre dans
l'idée de la question; on
ne demande qu'un jeu
d'esprit là dessus. En voici
un tel que tel.
Mon coeur est naturellement
tendre: mais il est
indifferent par paresse. Je
vis l'autre jour une charmante
perionne dont je
ne devins qu'à moitié
amoureux.
Mon coeur fait son chemin,
mais non pas en un jour, ilva bien jusqu'à la tenrlrejje
;
Mais retenupar laparesse,
Ilnevapasjusqu'àl'amour.
Je mets une grande difsérence
entre la tendresse
& l'amour ; ce seroitune
autrequestion de Mercure,
suivons celle-ci;je
puis dire à present de ma
charmante Isabelle, que
je l'aime, (t) que je ne l'aime
pas. Je l'appelle charmante
, parce que j'en
fus charmédu premier
coup d'oeil.
AiAÏS elleme paroît en lA
regardant mieux
Et
Etmoitié belle & moitié
UidCyJ
Des maux que mefont ses
'-J' #grandsytype
Sagrandme (bpuecbedefle- le.re-
Je
Hierausoirpourtantje
pensail'aimertoutàfait
carayantétéfrappé dele7'
clat de son ceiri) de ses
regards, & d'un certain air
qui saisit d'abord.
, Afinque
-
je n'eusse pas
leloisir de voirses défauts:
mais un : moment après ils
vinrentenfoule se presenter
à monimagination ~3c
j'avois presqueoublié ses
beautez
,
quandtout à coup ,
JJamourmfaveur â'IfabeUe
Du feu tlefin brandon rallumxlchandeue.
C'est ainsi que l'Amour
rusévoudroit m'engager à
elle sans reserve
: mais
comme je la vois en même
temps belle & laide, je
puisdire aussi qu'en même 4
temps je l'aime, & je nq
l'aime pas.
des Questions.
QUESTION.
Si l'on peut en même
temps aimer & ne pas
aimer.
REPONSE.
Non; caril faut bien,
qu'une porte soit ouverte
ou fermée.
Cependant j'entre dans
l'idée de la question; on
ne demande qu'un jeu
d'esprit là dessus. En voici
un tel que tel.
Mon coeur est naturellement
tendre: mais il est
indifferent par paresse. Je
vis l'autre jour une charmante
perionne dont je
ne devins qu'à moitié
amoureux.
Mon coeur fait son chemin,
mais non pas en un jour, ilva bien jusqu'à la tenrlrejje
;
Mais retenupar laparesse,
Ilnevapasjusqu'àl'amour.
Je mets une grande difsérence
entre la tendresse
& l'amour ; ce seroitune
autrequestion de Mercure,
suivons celle-ci;je
puis dire à present de ma
charmante Isabelle, que
je l'aime, (t) que je ne l'aime
pas. Je l'appelle charmante
, parce que j'en
fus charmédu premier
coup d'oeil.
AiAÏS elleme paroît en lA
regardant mieux
Et
Etmoitié belle & moitié
UidCyJ
Des maux que mefont ses
'-J' #grandsytype
Sagrandme (bpuecbedefle- le.re-
Je
Hierausoirpourtantje
pensail'aimertoutàfait
carayantétéfrappé dele7'
clat de son ceiri) de ses
regards, & d'un certain air
qui saisit d'abord.
, Afinque
-
je n'eusse pas
leloisir de voirses défauts:
mais un : moment après ils
vinrentenfoule se presenter
à monimagination ~3c
j'avois presqueoublié ses
beautez
,
quandtout à coup ,
JJamourmfaveur â'IfabeUe
Du feu tlefin brandon rallumxlchandeue.
C'est ainsi que l'Amour
rusévoudroit m'engager à
elle sans reserve
: mais
comme je la vois en même
temps belle & laide, je
puisdire aussi qu'en même 4
temps je l'aime, & je nq
l'aime pas.
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Résumé : RÉPONSE.
Le texte examine la possibilité d'aimer et de ne pas aimer simultanément. Initialement, l'auteur rejette cette idée, la comparant à une porte qui doit être soit ouverte, soit fermée. Cependant, il accepte de considérer la question comme un jeu d'esprit. Il décrit son cœur comme naturellement tendre mais indifférent par paresse. L'auteur rencontre une personne charmante, Isabelle, dont il devient à moitié amoureux. Il distingue la tendresse de l'amour et affirme pouvoir aimer et ne pas aimer Isabelle en même temps. Il décrit ses sentiments fluctuants envers elle, oscillant entre admiration et déception. Après avoir été charmé par ses regards et son air, il découvre rapidement ses défauts, ce qui altère son amour. Ainsi, il conclut qu'il peut aimer et ne pas aimer Isabelle en même temps, la voyant à la fois belle et laide.
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36
p. 263-264
De Châlons. IMPROMPTU FORCÉ d'un Magistrat de cette ville, pour une Dame qui l'obligeoit à faire des vers sur sa laideur.
Début :
Quand le Seigneur eut fait éclore [...]
Mots clefs :
Impromptu, Beauté, Laideur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : De Châlons. IMPROMPTU FORCÉ d'un Magistrat de cette ville, pour une Dame qui l'obligeoit à faire des vers sur sa laideur.
diantne magis.
De Châlons.
IMPROMPTU FORCE'
d'un Magistrat de cette ville,
pour une Dame qui l'obligeoit à
faire des vers sursa laideur.
QUand le Seigneur eut
fait éclore
Toutvôtre esprit,
Et ce bon air qu'en vous
j'adore,
Sans doute il dit:
Cette mortelleen verité
Se passera bien de beauté.
CetImpromptu se chante
sur le Vaudteville de M. de
Grimaudin.
De Châlons.
IMPROMPTU FORCE'
d'un Magistrat de cette ville,
pour une Dame qui l'obligeoit à
faire des vers sursa laideur.
QUand le Seigneur eut
fait éclore
Toutvôtre esprit,
Et ce bon air qu'en vous
j'adore,
Sans doute il dit:
Cette mortelleen verité
Se passera bien de beauté.
CetImpromptu se chante
sur le Vaudteville de M. de
Grimaudin.
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37
p. 197-204
L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Début :
Boudabat, Prince Arabe, étoit homme de beaucoup d'esprit ; il [...]
Mots clefs :
Peintre, Amour, Haine, Portrait, Prince, Princesse, Défauts, Beauté
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texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
L'AMOUR
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
ET LA HAINE
MAUVAIS PEINTRES
sbshot
L'UN ET L'AUTRE.
Trait hiftorique d'un Prince
stomer Arabe, opna
BOudabat, Prince Arabe , étoit hommesde
beaucoup d'efprit ; il
avoit tout le goût imaginable pour les beaux
R iij
198 MERCURE
arts : mais il étoit aveuglément amoureux d'une Greque fort laide , &
n'aimoit gueres fa femme, quoy qu'elle fût la
plus belle Princeſſe de
l'Orient. Il voulut un
jour les faire peindretoutes deux , & penfa faire
tourner la tête à un excellent Peintre. Il fit recommencer cent fois ces
deux portraits. Celui de
La femme lui paroiſſoit
toujours trop flaté , &
GALANT 199
celui de fa ' maîtreffe ,
•quelque flaté qu'il fuft,
lui paroiffoit indigne de
Toriginal ; il en faifoit
reformer tous les traits
Fun aprés l'autre , felon
que fon imagination en
étoit frapée en forte qu'
infenfiblement le Peintre fit de fa laide maîtreffe une Venus. Rien
n'y manquoit que la reffemblance. Faites le toujours beau, difoit lePrin
ce, il fera bien facile enR. iiij
200 MERCURE
Сер
fuite de lui donner la
reffemblance, deux coups
de pinceau feront l'affai1re. Par exemple , difoitil , en faifant parcourir
Kaux yeux du Peintre les
traits les plus marquez
dans le vifage de fa maîtreffe , marquez bien ce
petit pli qui eft à côté de
la bouche de ma Dame,
marquez legerementcette petite élevation fur le
milieu du nez , grandiffez un peu la bouche;
GALANT00201
cet oeil eft à la verité un
peutrop grand, appetif
fez- le. LePeintre obeilfant reformoit ainfi petit
à petit les traits flatez ;
lawreffemblance venoit
au portrait mais la laideur venoit auffi , & le
Prince n'étoit plus content du Peintre , ni du
portrait.
Quand il s'agiffoit du
portrait de la femme ,
C'étoit des difficultez
toutes oppofées ; car le
5
202 MERCURE
Prince , en voulant dizminuer les beautez diminuoit la reflemblance. Enfin unjour le Peintre pouffé à bout lui dit :
6
Seigneur : je perds ici le
temps & la patience ;
carilfaudroit, pour vous
contenter , que je fille
le portrait devotrefentme fi laid , & celui de
vôtre maîtreffe fi beau,
que cela juſtifiât vôtre
amour. Je crois que tu
as raiſon , répondit le
GALANT 1203
a
Prince qui entendoit
raillerie , laiffons là les
deux portraits oils feroient tort à ma reputation ou à la tienne. Le
Peintre lui répondit : Ce
fera mieux fait , Seigneur car mon pinceau
ne peut pas fuivre vôtre imagination , it eft
fait pour fuivre la mienne. Si vous étiez Peintre, vous pourriez peutêtre faire un beau portrait de vôtre maîtreffe;
204 MERCURE
& fi j'étois mari de votre femme , j'en ferois
peut-être un portrait en
laid qui ne laifseroit pas
de lui ressembler.as
Unfaifeur de portraits
eft auffi embarassé qu'un
bon critique d'ouvrages
d'efprit ; onne peutgueres marquer les défauts
d'un ouvrage fans déplaire à l'auteur , ni en
louer les beautez fans
déplaire à fes rivaux
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Résumé : L'AMOUR ET LA HAINE, MAUVAIS PEINTRES L'UN ET L'AUTRE. Trait historique d'un Prince Arabe.
Le texte raconte l'histoire du prince arabe Boubdat, passionné par les arts et éperdument amoureux d'une Grecque laide, au détriment de sa femme, la plus belle princesse de l'Orient. Boubdat commande les portraits de ses deux compagnes à un peintre. Insatisfait des résultats, il demande des retouches incessantes. Pour la Grecque, il exige qu'elle soit représentée plus belle, au point que le peintre crée une Vénus sans ressemblance. Pour sa femme, il demande de diminuer ses beautés, altérant également la ressemblance. Exaspéré, le peintre avoue l'impossibilité de contenter le prince, qui abandonne le projet. Le peintre conclut que son art ne peut suivre l'imagination du prince et que chacun doit se contenter de ses propres limites.
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38
p. 3-32
AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Début :
Un homme de condition, entre deux âges, homme d'un [...]
Mots clefs :
Mariage, Damis, Lucile, Bague, Amour, Mère, Conversation, Mépris, Rendez-vous, Beauté, Voyage, Dépit, Paris, Aventure, Soupirs, Ami
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texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
AVANTURE
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
nouvelle.
Le Mariage par dépit.
UNhomme de condition , entre deux
âges , homme d'un cſOctob. 1712. A ij
4 MERCURE
prit enjoüé , mais un peu
vain , avoit été fi heureux dans fes amours
jufqu'àl'âge de quarante
ans , qu'il s'imaginoit
devoir l'être encore à
foixante. Il étoit garçon,
& difoit quelquefois , en
plaifantant , qu'il fe marieroit quand il auroit
enfin trouvé une cruela
le ; car pour lors , diſoitil , je commencerai à juger par fes mépris que
je ne fuis plus affez jeu-
GALANT 5
ne pour briller dans la
galanterie : & c'eft alors
qu'un homme fait comme moy doit penſer au
mariage.
Cet homme, que nous
appellerons Damis , vir
chez un Preſident , qu'il
alloit folliciter , une jeune & belle perfonne avec
fa mere ; elles follicitoient auffi de leur côté.
Appellons cette jeune
perfonne Lucile.
Damis fut fi frapé de
A iij
6 MERCURE
la beauté de Lucile , qu'il
ne voulut point faire ſa
follicitation ce jour-là ,
pour avoir occafion de
revoir le lendemain cette
beauté , parce qu'il entendit dire à fa mere
qu'elle reviendroit lę
lendemain aporter quelques papiers qu'elle avoit oubliez ce jour- là.
Le lendemain Damiş
Fut affez heureux pour
retrouver Lucile & fa
mere chez le Prefident ,,
GALANT 7
qui revint fort tard du
Palais , enforte qu'il eut
tout le loifir , en l'attendant , de lier converfation avec la mere , que
l'envie de parler de fon
procés rendit fort acceffible. Il fçut qu'elle étoit
Bretonne , & qu'elle
pourfuivoit à Paris une
affaire où il s'agiffoit de
tout fon bien. Il faifit
l'occafion , il offre de la
protection & des amis ,
que la mere eût accepté
Aiiij
8 MERCURE
d'abord : mais Lucile refufoit tout avec une po
liteffe fi froide , que Damis defefpera de pouvoir
jamais s'en faire écouter ;
& comme il n'étoit pas.
d'humeur à foûpirer en
vain , il refolut d'en demeurer là : mais fa refo
lution ne l'empêcha pas
de s'informer plus à fond
qui elles étoient. En fortant il apprit de leur laquais leur nom, leur famille, leur logis, & leurs
و .GALANT
, &
moyens. Quand il fçut
que Lucile avoit à peine
de quoy fubfifter
qu'elle étoit logée tréspetitement , il s'étonna
de l'avoir trouvée ſi fiere :mais il efpera que s'il
pouvoit faire naître l'oc
cafion de lui offrir des
fecours confiderables , il
pourroit enfuite parler
de fon amour.
Il ufa de cent détours
polis & delicats pour
-faire connoître qu'il é--
Do MERCURE
toit liberal, & qu'il avoit
le moyen de l'être : mais
fitôt qu'il touchoit cette
corde, il voyoit redou--
bler les mépris de LuciTe ; & l'on lui eût. Tans
doute défendu la maifon , fila mere , que fon
procés tenoit fort au
cœur , & qui avoit déja
reçû des fervices de Damis , cuſt pu fe refoudre
à perdre un ami qui lui
étoit fi neceffaire.
Les choſes en étoient
GALANT:
là , lors qu'un des amis.
de Damis revint d'un.
voyage qu'il avoit fait
en Bretagne. Cet ami
lui ayant rendu viſite ,
il lui fit une ample confidence du malheureux
fuccés de fon avanture ,
& c'étoit la premiere
qu'il lui euft faite de cette espece ; car depuis dix
ans qu'ils étoient amis.
il l'importunoit fans.
ceffe des détails de fes.
bonnes fortunes. Au tri--
12 MERCURE
fte recit qu'il lui fit de là
maniereméprifantedont
Lucile l'avoit receu , aux
plaintes & aux ſoupirs
dont il accompagna ce
recit , l'ami lui répondit,,
pour toute confolation ::
Le Ciel fout loué ; je te fe--
licite d'avoir enfin rencon
tré la cruelle que tu attendois pour dire fage : fes
mépris l'avertiffent que tu
dt viens moins aimable.
Tu m'as promis de te
marier quandtu ne ferois
いき
GALANT. 13
plus bon qu'à cela , il eſt
temps d'y penfer ; on te
méprife, c'est le fignal de
la retraite , penfes -y feruufement.
A plufieurs plaifanteries pareilles , que Damis écouta avec douleur,
il ne put répondre que
par un foupir. Helas !
dit -il , je n'ai pourtant
encore que quarante ans,
Hé morbleu , reprit brufquement l'ami , un homme àla mode eft vieux à
14 MERCURE
₹
trente. Mais quittons cet
entretien , continua-t-il,
il n'eft pas agreable pour
toy. C'à , mon ami , il
s'agit de me rendre un
ſervice important. Tu
fçais qu'avant mon
voyage mon pere vouloit me marier à uneperfonne qui ne me convient point ; j'apprens à
mon retour que ma famille eft d'accord avec la
fienne : il faut que tu
m'aides à rompre ce mas
GALANT. I
riage ; & pour y parvenir , je fuis convenu avec
elle , qui a auſſi ſes raifons pour le rompre ,
qu'elle feindra d'avoir
de l'inclination pourtoy.
Ses parens font intereffez , ils te croyent trésriche; en un mot il faut
que tu fecondes nôtre
projet , & que tu viennes avec moy chez elle
dés aujourd'hui. Damis
convint de faire tout ce
qu'il faudroit pour fer-
16 MERCURE
vir ſon ami , dont le vrai
deffein étoit de marier
Damis à celle qu'on lui
vouloit donner. Elle avoit tout le merite poffible , & beaucoup d'inclination pour Damis
qu'elle avoit veu plufieurs fois. Laliaifon qui
fe forma entre Damis &
cette aimable perſonne ,
donna infenfiblement à
Damis beaucoup d'eſtime pour elle : mais il é
toit piqué au jeu pour
Luci,
GALANT. 17
Lucile. Unjour que fon
ami lui propofa trés ſerieuſement de penſer au
mariage , il lui répondit
qu'il ne defeſperoit
:
pas
encore de fe faire aimer
de Lucile mais que du
moins s'il ne reüffiffoit
pas auprés d'elle , il étoit
feur que perfonne n'y
reüffiroit. Oc'est trop fe
flater , lui dit fon ami ,
& je veux attaquer ta
vanité jufques dans fes
derniers retranchemens ,
Octobre 1712. B
18 MERCURE
en te faiſant voir que :
Lucilen'a de la fierté que
pour toy ; & la raiſon en
eft toute naturelle , c'eft
que de tous les amans
que je lui connois , tu es
le moins jeune, & qu'en,
fin, moncher ami, ileft
temps que tu te rendes
juſtice , puifque les Dames te la rendent.
que
Damis crut d'abord
fon ami plaifantoit.
Tout ce qu'il lui put dire
de Lucile lui parut in
& privebo
GALANT. 19
croyable ; il la voyoit
tous les jours , elle ne
recevoit perfonne chez
elle , ne fortoit que rarement & avec fa mere , qui l'accompagnoit
prefque toujours dans
fes follicitations. Enfin
il défia fon ami de lui
donner la moindre preuvé de tout ce qu'il lui
avançoit. Par exemple ,
lui difoit-il, je l'ai mife
à toute épreuve fur les
prefens , & il m'a été im
Bij
20 MERCURE
1
poſſible de lui faire ſeulement écouter mes offres. Je fuis ravi , répondit l'ami , d'avoir juftementoccafion de te convaincre fur cet article ;;
car je fuis le confident
d'un cavalier de qui elle
doit recevoir une bague
dés demain. Nous la vîmes enſemble hier, nous
la marchandons , & fitu
yeux venir avec moy
tantôt, je te la ferai voir.
Damis accepta le parti ;
GALANT.. 211
& fon ami , aprés lui
avoir fait examiner la
bague à loifir chez le
Joüailler ; lui dit en fortant, qu'apparemment ib
la verroit dans quelques
jours au doigt de Lucile , & que celui qui lui
en vouloit faire prefent
ne fe tenoit qu'à peu de
choſe.
ศ
Quelle fut la furpriſe
de Damis , dorfque dés
le lendemain il recon--
nut la bague au doigt de
22: MERCURE
Lucile ! Il en pâlit , ik
fut troublé mais il n'ofa
éclater ; car il avoit promis à fon ami une difcretion inviolable furi
les chofes qu'il lui confioit. Ilne put pourtant
s'empêcherde faire compliment à la mere fur la
beauté de la bague de fa
fille.
A quoy la mere ré--
pondit froidement , que
c'étoit uneancienne pier--
se à elle qu'elle avoit fait
GALANT. 232;
remonter. Cemenfonge
ne fit que confirmer les
foupçons de Damis , qui
fortit dans le moment,.,
pour aller témoigner à
fon ami combien il étoit
piqué : mais il n'eut de
lui,, pour toute confolation , que le confeil qu'ib
en avoit déja receu. Ma-.
rie-toy , lui dit- il , marie-toy au plus vîte , &
renonce de bonne grace.
à la vanité de donner de
Famour, puifque tu n'es
24 MERCURE
plus affez jeune même
pour faire accepter tes
prefens. Je ne fuis point
bien convaincu fur la
bague , répondit Damis ,
& il faut qu'il y ait là--
deffous quelque mal en--
tendu ; car , felon tout
ce qu'on m'a dit de Lucile ,& felon tout ce que
j'en ai vû , c'eſt la plus
vertueufe perfonne du
monde , & je l'ai bien
éprouvé par moy- même. Fort bien, repliqua
}
Tami,
GALANT. 23
T'ami , dans ta jeuneffe ,
lorfque quelques femmes avoient de la foibleffe pour toy , tu t'imaginois que toutes étoient foibles ; & tu vas
croire à prefent qu'elles
font toutes des femmes
fortes , parce qu'elles te
refifteront toutes. Cà,
mon ami , que diras- tu
fi dans un certain temps ,
que je prendrai pour
faire connoiffance avec
Lucile, je puis parvenir
Octob. 1712.
C
16 MERCURE
m'en faire aimer : Oh
pour lors , repliqua l'ami , je croirai que je ne
fois plus fait pour être
aimé. Damis donna un
mois detemps àfon ami:
mais en moins de quinze jours ilfut bien receu
dans la maifon, & ſevan
ta même à fon ami d'avoir déja fait quelques
progrés dans le cœur de
Lucile. Mais quel fut
l'étonnement & le dépit
de nôtre amant mépri-
GALANT
27
fe , quand l'autre lui affura ,
quelque temps a
prés , que Lucile lui avoit promis de ſe dérober de fa mere pour l'aller voir chez lui ! Il ne
put le croire d'abord :
mais fon ami l'ayant caché dans fon cabinet le
jour du rendez- vous , il
fut témoin de l'entrevue ; & la converfation
fut fi paffionnée , que
Damis ne fe poffedant
plus fortit brufqueCij
28 MERCURE
ment du cabinet. Lu
cile fe fauva dans la
chambre prochaine. L'ami parut fi irrité de cette
indifcretion , que Damis
lui en demanda pardon,
& comprit , pour la premiere fois defave, qu'i
Le pouvoit faire qu'ung
femme trés - fufceptible
d'amour pour un autre
eût du mépris pour lui.
Son ami profita de fon
dépit ; & pour le determinerà conclure fon
GALANT. 29
mariage, il lui declará
qu'il étoit marié lui- mêThe fecretement depuis
trois mois. Dés le lendemain , le contrát de
Damis étant figné , fon
ami voulut abfolument
lui donner à fouper chez
fuit Comme les nouveaux mariez étoient
prefts à le mettre à table , it leur dit que fa
femme vouloit eftre du
fouper. Quelle fut la furprife de Damis, quand il
C.iij
30 MERCURE
vit fortir d'un cabinet
Lucile avec fa mere ,
qui vinrent le plaiſanter furce qu'il avoit voulu fe faire aimer de la
femmede fon ami. Vous
ne ſcaviez pas , lui ditLucile, qu'en follicitant
nôtre procés vous rendiez fervice à vâtre ami;
en recompenfe il vous a
bien marié, & vous n'euffiez jamais pû vous y
refoudre , s'il ne vous eût
fait comprendre, par les
GALANT. .31
mépris affectez qu'il
m'a ordonné d'avoir
pour vous , qu'il faloit
en éviter de réels , que
vous euffiez peut - eftre
pû vous attirer dans
quelques années , yous
cuffiez arrendu plus long
tempsà vous marier. Tu
n'es plus étonné , lui dit
l'ami , ni du diamant , ni
du rendez-vous que je
donnai ici à mon époufe ? Apprens que le voyage que j'ai fait en Bre
C.iiij
32 MERCURE
tagne a donné occafionà
mon mariage; & quema
femme étant ' arrivée la
premiere à Paris , elle a
profité de cette avantu
re, pour te refoudre à ce
qu'elle fcavoit que je
fouhaitois fi fort , c'eft à.
dire à te voir marié auffi
heureuſement que je le
fuis.
Fermer
Résumé : AVANTURE nouvelle. Le Mariage par dépit.
Le texte raconte l'histoire de Damis, un homme d'une quarantaine d'années, vaniteux et jouisseur, qui souhaite se marier avec une femme capable de le mépriser. Il rencontre Lucile, une jeune femme belle et fière, lors d'une sollicitation chez un président. Damis est immédiatement séduit par Lucile mais se heurte à son mépris. Malgré ses efforts pour l'aider dans ses démarches judiciaires, Lucile reste froide et distante. Damis apprend qu'elle vit dans des conditions modestes, ce qui le surprend mais lui donne espoir de la séduire par des offres généreuses. Un ami de Damis, de retour de Bretagne, lui conseille de se marier après avoir entendu les mésaventures de Damis avec Lucile. Cet ami organise une rencontre avec une jeune femme qui accepte de feindre de l'incliner pour Damis afin de rompre un mariage arrangé. Damis, bien que toujours attiré par Lucile, commence à apprécier cette nouvelle femme. Son ami lui révèle que Lucile n'a de la fierté que pour lui et qu'elle est susceptible d'accepter les avances d'un autre homme. Damis, incrédule, défie son ami de prouver ses dires. L'ami lui montre une bague destinée à Lucile, que Damis reconnaît le lendemain au doigt de Lucile. La mère de Lucile explique que la bague est une ancienne pièce remontée. Damis est troublé mais garde le secret. Son ami lui conseille de se marier rapidement. Damis, toujours sceptique, donne un mois à son ami pour tenter sa chance avec Lucile. L'ami réussit rapidement à gagner les faveurs de Lucile, ce qui plonge Damis dans le désespoir. Finalement, Damis assiste à une rencontre secrète entre Lucile et son ami, confirmant ses soupçons. L'ami révèle alors qu'il est secrètement marié à Lucile depuis trois mois. Le lendemain, Damis signe son contrat de mariage avec la jeune femme que son ami lui avait présentée. Lors du dîner de noces, Damis découvre que Lucile et sa mère sont présentes, révélant que tout avait été orchestré pour le pousser à se marier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 169-176
EGLOGUE.
Début :
Bergers qui craignez la peine, [...]
Mots clefs :
Églogue, Berger, Languir, Plaisir, Beauté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EGLOGUE.
E G LOG U E.
BErgers qui craignez la
peine,
Les rigueurs, & les mes-
,
pris;
Gardez de porter la chais
ne
De la ifere Amarillis :
Que peut-on attendre
d'elle
Si pour la tendre Tirfis
Elle est tousjours si cruelle,
Qu'au plus fort de son tourment
Il n'ose à cette inhumaine
Faire connoistre sa peine
-
Par un souspir seulement?
Estime,respect,ccndresse,
Tout l'offense
, tout la
.b!esîe,
Tout ce qui vient à sa Cour
Sous l'Etendart de l'Armour
, Est receu d'unairsevere,
Et le Berger a beau faire,
Elle le verra mourir
Sans se laisser attendrir.
Une ardeur sans esperance
Doitsignaler sa confiance.
Le malheureux! il voit
bien
Ce qu'il faudra qu'il endure
,
Mais un Amour sans mesure
Ne s'épouvante de rien;
Qu'Amarillis soit contente,
Que tout refponde à ses
voeux, Cet Amant qu'elle tourmente
Se croira tousjours heureux.
Dansl'excès de sa tendresse
Nul autre foin ne le presse;
Il voudroit dans son transport,
Il voudroit pour la Cruelle
Souffrir cent fois une mort,
Qui ladeust rendre immortelle.
S'il falloit, pour couronner
Ce cher objet de ses peines,
S'aller mettre dans les
chaisnes:
Nuls supplices,nullesgesnes
Ne le pourroient estonner.
Cependant, est-il possible?
Amarillisinsensible
Voit ces difcrettes langueurs
,
Sans modérer ses rigueurs.
La crainte respectueuse
De ce fidelle Berger,
Sa tendresse ingenieuse
Qui ne cesse de songer
A ce qui peut l'obliger,
Rien ne la sçauroit changer.
Tousjours sierc, & serieuse
Elle prend foin d'éviter
De le voir, de l'écouter:
Elle jouë avec Acante,
t Et rit avec Licidas;
Mais siTirsis se presente,
Atoutautrecomplaisante,
,
Elle ne l'écoute pas.
! De cette injuste malice
Quand pour demander justice
Il cherche de toutes parts
A rencontrer ses régards ;
L'inhumaine prévenuë
Du dessein de cet Amant,
Mesnage si bien sa veuë,
Qu'il la cherche vainement.
Lorsqu'il vient sur saMusette,
1
La plus douce du Hameau)
Entonner un Air nouveau)
Affectantd'estre distraire,
Elle écoute avec Lysette
Quelque grossier Chalumeau.
-
Quand il danse à quelque,
Feste
Tout s'approche, , tout s'arreste;
Elle feule avec dédain ,.
- M
S'esloigne, tourne la teste,
Et le trouve trop badin.
Combien de Fleurs respanduës
A sa porte, sous ses pas,
Soins inutiles, helas!
Cene font que Fleurs perduës
L'ingrate ) ne les voit pas.
Dans cetterigueur extrême
Conserver pour ce qu'on
aime
Tousjours le mesme penchant,
Est-ilrien de si touchant?
Ce transportinconcevable
Dans un Siecle si gafil,
Est d'un prix inestimable,
Et cette fiere Beauté
N'en verra point de semblable.
Nous ne voyons plus d'Amants
A l'épreuve des tourments
, Le seul plaisir les engage,
& l'on blasme le Berger
Qui plustost que de changer,
Veut languir dans l'esclavage
, Et tel aujourd'huy charmé
Dés demain veut estre
, aimé.
BErgers qui craignez la
peine,
Les rigueurs, & les mes-
,
pris;
Gardez de porter la chais
ne
De la ifere Amarillis :
Que peut-on attendre
d'elle
Si pour la tendre Tirfis
Elle est tousjours si cruelle,
Qu'au plus fort de son tourment
Il n'ose à cette inhumaine
Faire connoistre sa peine
-
Par un souspir seulement?
Estime,respect,ccndresse,
Tout l'offense
, tout la
.b!esîe,
Tout ce qui vient à sa Cour
Sous l'Etendart de l'Armour
, Est receu d'unairsevere,
Et le Berger a beau faire,
Elle le verra mourir
Sans se laisser attendrir.
Une ardeur sans esperance
Doitsignaler sa confiance.
Le malheureux! il voit
bien
Ce qu'il faudra qu'il endure
,
Mais un Amour sans mesure
Ne s'épouvante de rien;
Qu'Amarillis soit contente,
Que tout refponde à ses
voeux, Cet Amant qu'elle tourmente
Se croira tousjours heureux.
Dansl'excès de sa tendresse
Nul autre foin ne le presse;
Il voudroit dans son transport,
Il voudroit pour la Cruelle
Souffrir cent fois une mort,
Qui ladeust rendre immortelle.
S'il falloit, pour couronner
Ce cher objet de ses peines,
S'aller mettre dans les
chaisnes:
Nuls supplices,nullesgesnes
Ne le pourroient estonner.
Cependant, est-il possible?
Amarillisinsensible
Voit ces difcrettes langueurs
,
Sans modérer ses rigueurs.
La crainte respectueuse
De ce fidelle Berger,
Sa tendresse ingenieuse
Qui ne cesse de songer
A ce qui peut l'obliger,
Rien ne la sçauroit changer.
Tousjours sierc, & serieuse
Elle prend foin d'éviter
De le voir, de l'écouter:
Elle jouë avec Acante,
t Et rit avec Licidas;
Mais siTirsis se presente,
Atoutautrecomplaisante,
,
Elle ne l'écoute pas.
! De cette injuste malice
Quand pour demander justice
Il cherche de toutes parts
A rencontrer ses régards ;
L'inhumaine prévenuë
Du dessein de cet Amant,
Mesnage si bien sa veuë,
Qu'il la cherche vainement.
Lorsqu'il vient sur saMusette,
1
La plus douce du Hameau)
Entonner un Air nouveau)
Affectantd'estre distraire,
Elle écoute avec Lysette
Quelque grossier Chalumeau.
-
Quand il danse à quelque,
Feste
Tout s'approche, , tout s'arreste;
Elle feule avec dédain ,.
- M
S'esloigne, tourne la teste,
Et le trouve trop badin.
Combien de Fleurs respanduës
A sa porte, sous ses pas,
Soins inutiles, helas!
Cene font que Fleurs perduës
L'ingrate ) ne les voit pas.
Dans cetterigueur extrême
Conserver pour ce qu'on
aime
Tousjours le mesme penchant,
Est-ilrien de si touchant?
Ce transportinconcevable
Dans un Siecle si gafil,
Est d'un prix inestimable,
Et cette fiere Beauté
N'en verra point de semblable.
Nous ne voyons plus d'Amants
A l'épreuve des tourments
, Le seul plaisir les engage,
& l'on blasme le Berger
Qui plustost que de changer,
Veut languir dans l'esclavage
, Et tel aujourd'huy charmé
Dés demain veut estre
, aimé.
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Résumé : EGLOGUE.
Le poème relate la souffrance de Tirsis, un berger épris d'Amarillis, une femme cruelle et insensible. Tirsis endure en silence ses tourments, incapable de révéler sa peine à Amarillis, qui reste sévère et indifférente à ses avances. Malgré les rigueurs et les mépris d'Amarillis, Tirsis continue d'espérer et de souffrir pour elle, prêt à endurer n'importe quelle épreuve pour la rendre heureuse. Amarillis, cependant, évite Tirsis, préférant la compagnie d'autres bergers comme Acante et Licidas. Elle ignore les marques d'affection de Tirsis, ne l'écoute pas et ne voit pas les fleurs qu'il lui offre. Le poème souligne la constance et la profondeur de l'amour de Tirsis, contrastant avec l'ingratitude et la dureté d'Amarillis. Il met en lumière la rareté des amours capables de résister aux tourments dans une époque où les sentiments sont souvent éphémères.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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40
p. 205-215
LE BOUQUET provincial à Mde de R. le jour de sa feste, aprés qu'on eut cueilli le soir précedent toutes les fleurs qu'elle avoit dans son jardin.
Début :
Ne vous envoyer point de fleurs le jour de vostre [...]
Mots clefs :
Fleurs, Beauté, Bouquet, Parnasse, Amour, Parterre, Zéphyrs, Orange, Grenade, Oeillets
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE BOUQUET provincial à Mde de R. le jour de sa feste, aprés qu'on eut cueilli le soir précedent toutes les fleurs qu'elle avoit dans son jardin.
LEBOV<2JVET
provincial àMdß de
R. le jour de sa fejle,
apresqu'on eut cueilli
le soir précedent toutes
les fleurs qu'elle avoit
dansson jardin.
Ne vous envoyerpoint
defleurs le jour de vof-
*re feste
,
Sc vous écrire
pourexcusequ'on a pillé
toutes celles qui estoient
hier dans vos parterres,
& qu'il n'y avoitque ceL
les qui naissent sous vos
pas qui fussent dignes dq;
vous estre présentées,&
de vous dire encore que
les plus brillantes perdent
leur lustreauprésde
celles de vostre teint;
qu'à vostre approche les
plus blanches semblent
devenir pasles
, & les
plus vermeilles rougirde
honte, &C que deux So
leils feroient bientost
mourir ce qu'un seul fait
naistre.
Sur ce ton pedamment
badin
Ce seroit vous donner de
tres mauvaise grace
Pour les fleurs de vojlre
jardin,
Les plus communes du
Parnasse.
Vaminetendre, aujJìbien
quel'amour
Vous en doit d'autres en
- ce jour,
Plus brillantes, if plus
nouvelles.
Ce tribut appartient au
nom que vous portez
Ets'ilsepaye àdernoins
belles ,
Jevous laisse à penser si
vous le meritez,
Vous le modele des beautez>
m
Ne vous offrir des
fleursqu'en petite quantité,
8c vous donner pour
excuse de cette épargne,
que si je n'avois pas
esté si paresseux.
Vous en auriez eu davantage
;
Et
Et quechez, moj des le
matin,
LesAbeillesontmis le
:
Parterre au plláe;·
Et len. vont avec leur butin.
Adais pardonnons-leurce
ravage ';;'.
Elles l'ontfait a bonnefin
Les Zephirs mes amis,
qmy'onetpdiet*que cette Efioit pour celebrer danr.s
un galand festin
Le Coir, du jourde votiv,e
Je vous connois, Mde,
vous seriez d'humeurà
ne croire ni les Zephirs
ni leur Truchement, 6C ron courreroit risque de
ne passer aupres de vous
que pour un conteur de
nouvelles faites à plaisir.
L'inconvenient m'a paru
fascheux
,
6C pour l'éviter
j'ay fait amaiffer des
fleurs
, & vous en envoyetroisCorbeilles
toutes
pleines.
Celadon de ma part ,
vous les vapresenter
Et j'ose , me flater
Qu'elles vous feront
agreables.
Elles parfument I'air
d'une charmanteodeur\
L'innocence I*amour ,.j brillent dansleur I
couleur, }
Jl n'en ejl point de plus
aimables
} Les roses f5 les Ijs nofit
point tant de beaute^.
Cesontpour Us Auttls
des ornemens payables.
Mais voicy ce quit [aut1
pour les Divinitez.
Fleurs d'Orange&de
Grenade,Jasmin de
France& d'Espagne, 6C
oeillets de toutes les fortes.
Je n'ay pas voulu les
mettre en bouquets,
ç'auroit esté entreprendre
mal à propos sur cet
esprit de discernement
& d'invention dont vous
estespleine jusqu'au bout
des doigts, & quirend
tous vos ouvrages si
i1
beaux, qu'on n'en voit
point de mieuxtravailles
que ceux qui sortent de
vos mains.
C'estdonc à vostreadresse
A faire ruaioir leur richesse
,
A menager leur rang, leur eclat, leur douceur,
Et puis à les placer sur
vostreaimable coeur.
C'est-là que tvousallz,
finirvos deflmees,
Fleurs trois foisfortunées,
Etc'est.là qu'unAmant
mettroit tout son bonheur
.Ajinirsesannées..
Pourmoy Madame, bien que je ne sois qu'au
nombre de vos amis
sans mentir , en cette rencontre
,
si je l'ose dire
Jesuis du sentiment de
vos ^4doratears
Je voudrois bien avoir les
destin de mesJleurs.
Toutiroitàmesatisfaire,
Volume regarderieXjccm*
me unjoly présent J'aurois le bonheur, i,
vous plaire
,
57 je mourrois en vous
plaisant,
Est-il rien de plus doux,
f5 de plus innocent.
provincial àMdß de
R. le jour de sa fejle,
apresqu'on eut cueilli
le soir précedent toutes
les fleurs qu'elle avoit
dansson jardin.
Ne vous envoyerpoint
defleurs le jour de vof-
*re feste
,
Sc vous écrire
pourexcusequ'on a pillé
toutes celles qui estoient
hier dans vos parterres,
& qu'il n'y avoitque ceL
les qui naissent sous vos
pas qui fussent dignes dq;
vous estre présentées,&
de vous dire encore que
les plus brillantes perdent
leur lustreauprésde
celles de vostre teint;
qu'à vostre approche les
plus blanches semblent
devenir pasles
, & les
plus vermeilles rougirde
honte, &C que deux So
leils feroient bientost
mourir ce qu'un seul fait
naistre.
Sur ce ton pedamment
badin
Ce seroit vous donner de
tres mauvaise grace
Pour les fleurs de vojlre
jardin,
Les plus communes du
Parnasse.
Vaminetendre, aujJìbien
quel'amour
Vous en doit d'autres en
- ce jour,
Plus brillantes, if plus
nouvelles.
Ce tribut appartient au
nom que vous portez
Ets'ilsepaye àdernoins
belles ,
Jevous laisse à penser si
vous le meritez,
Vous le modele des beautez>
m
Ne vous offrir des
fleursqu'en petite quantité,
8c vous donner pour
excuse de cette épargne,
que si je n'avois pas
esté si paresseux.
Vous en auriez eu davantage
;
Et
Et quechez, moj des le
matin,
LesAbeillesontmis le
:
Parterre au plláe;·
Et len. vont avec leur butin.
Adais pardonnons-leurce
ravage ';;'.
Elles l'ontfait a bonnefin
Les Zephirs mes amis,
qmy'onetpdiet*que cette Efioit pour celebrer danr.s
un galand festin
Le Coir, du jourde votiv,e
Je vous connois, Mde,
vous seriez d'humeurà
ne croire ni les Zephirs
ni leur Truchement, 6C ron courreroit risque de
ne passer aupres de vous
que pour un conteur de
nouvelles faites à plaisir.
L'inconvenient m'a paru
fascheux
,
6C pour l'éviter
j'ay fait amaiffer des
fleurs
, & vous en envoyetroisCorbeilles
toutes
pleines.
Celadon de ma part ,
vous les vapresenter
Et j'ose , me flater
Qu'elles vous feront
agreables.
Elles parfument I'air
d'une charmanteodeur\
L'innocence I*amour ,.j brillent dansleur I
couleur, }
Jl n'en ejl point de plus
aimables
} Les roses f5 les Ijs nofit
point tant de beaute^.
Cesontpour Us Auttls
des ornemens payables.
Mais voicy ce quit [aut1
pour les Divinitez.
Fleurs d'Orange&de
Grenade,Jasmin de
France& d'Espagne, 6C
oeillets de toutes les fortes.
Je n'ay pas voulu les
mettre en bouquets,
ç'auroit esté entreprendre
mal à propos sur cet
esprit de discernement
& d'invention dont vous
estespleine jusqu'au bout
des doigts, & quirend
tous vos ouvrages si
i1
beaux, qu'on n'en voit
point de mieuxtravailles
que ceux qui sortent de
vos mains.
C'estdonc à vostreadresse
A faire ruaioir leur richesse
,
A menager leur rang, leur eclat, leur douceur,
Et puis à les placer sur
vostreaimable coeur.
C'est-là que tvousallz,
finirvos deflmees,
Fleurs trois foisfortunées,
Etc'est.là qu'unAmant
mettroit tout son bonheur
.Ajinirsesannées..
Pourmoy Madame, bien que je ne sois qu'au
nombre de vos amis
sans mentir , en cette rencontre
,
si je l'ose dire
Jesuis du sentiment de
vos ^4doratears
Je voudrois bien avoir les
destin de mesJleurs.
Toutiroitàmesatisfaire,
Volume regarderieXjccm*
me unjoly présent J'aurois le bonheur, i,
vous plaire
,
57 je mourrois en vous
plaisant,
Est-il rien de plus doux,
f5 de plus innocent.
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Résumé : LE BOUQUET provincial à Mde de R. le jour de sa feste, aprés qu'on eut cueilli le soir précedent toutes les fleurs qu'elle avoit dans son jardin.
L'auteur d'une lettre exprime son souhait d'offrir des fleurs à Madame, justifiant la petite quantité par sa paresse. Il mentionne que les abeilles ont déjà récolté les fleurs du matin et que les vents doux célèbrent la fête de Madame. Pour éviter tout doute, il envoie trois corbeilles de fleurs, présentées par Celadon. Ces fleurs, parfumées et symbolisant l'innocence et l'amour, incluent des roses, des lis, des fleurs d'orange, de grenade, du jasmin et des œillets. L'auteur laisse à Madame le soin de les arranger, confiant en son discernement. Il espère que les fleurs trouveront leur place sur son cœur, où un amant mettrait tout son bonheur. L'auteur souhaite partager le destin de ses fleurs pour avoir le bonheur de plaire à Madame et de mourir en la plaisant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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41
p. 20-26
Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Début :
C'Est la Fête d'Isabelle, [...]
Mots clefs :
Fête, Bouquet, Beauté, Esprit, Amour, Éloge, Art, Nature, Confession, Ironie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Pour Mademoiselledc.
le jour de saFête.
C'E(llaFêteilfabellt]
l\4ufe>il me faut un bouquet
:
.9
TOY que rarement j'tlp:11
Afle-mo
pelle,
Afftle-moyle caquet.
DltU des Vers, je veux
pour elle Jftr comme un perroquel
Et, montésur ton criquet,
Galopera tire-dalle.
Soûliens-moy si je chancelle;
Sur-tout prends foin de
la [elle
Oufattache un plein pfa
quet
Des vertus de ma pueelle.
Si tu veux en racourci
Safigure, la voici.
Taille entre humaine &
dtine
Ni y trop grosse
,
ni trop
fini;
Lesjeux beaux,la hou
cheatilfî; cbe au
Four le necoufjl, coussi:
Mais je l'aime bienawfî.
Je dirai deson oreille
Qu'elle est & fraîche &
'Vermeille,
Sur-tout quand la belle
rit,
Ou bien quand elle 'O
git.c Sa gorge
efl
une mer~ (
vetlle
Et, sans la p,eindre en
détail,
Celi AlhÂtre, cess émail.
Tour le resteje m'en doute;
Car ma foy je riyvois
goûte,
Et si mon inftinft dit
"Ur",,
C)encorAil 9 yvoirt (j)
geai:
Mais il ejt certaines chofeS
Qnuifour moy font lettres
closes.
Poila pour le corps. J'ai
dit;
Voyons maintenant l'efprtt.
Moins qu'une autre elle
sen pique:
Vif & doux, /impIe &
sansfard,
Il n'emprunte rien de
l'art,
Comme nature il s'explique;
Quand elle parle il pa.
raiïl,
Et quand même ellese
taist.
Je wudrois
, comme du - telle,
De
Defin coeur dire du bien:
Pour ne point trahir le
mien,
UétogQ en fera mode(le.
3e fiai qu'il est genereux,
Il est tendre) je le veux;
Ce qu'on en dit je l'avoué,
'Et fendirai bienautant:
jMaisaregret je le loue,
Et je n'en fuis pas content.
Jai mes raisons pour le
dire,
Ellesçait ce qu'il eneff>
Elle n'en fera que rire>
Etc'efl ce qui men de- ,plaist.
Sus allons, bride Pegasèy
Et pprreennoonnsr tgraarrdde aux é- e é
-J cartss
£hton s'en moque, qu'on
en jase,
Me voila monté, jepars.
le jour de saFête.
C'E(llaFêteilfabellt]
l\4ufe>il me faut un bouquet
:
.9
TOY que rarement j'tlp:11
Afle-mo
pelle,
Afftle-moyle caquet.
DltU des Vers, je veux
pour elle Jftr comme un perroquel
Et, montésur ton criquet,
Galopera tire-dalle.
Soûliens-moy si je chancelle;
Sur-tout prends foin de
la [elle
Oufattache un plein pfa
quet
Des vertus de ma pueelle.
Si tu veux en racourci
Safigure, la voici.
Taille entre humaine &
dtine
Ni y trop grosse
,
ni trop
fini;
Lesjeux beaux,la hou
cheatilfî; cbe au
Four le necoufjl, coussi:
Mais je l'aime bienawfî.
Je dirai deson oreille
Qu'elle est & fraîche &
'Vermeille,
Sur-tout quand la belle
rit,
Ou bien quand elle 'O
git.c Sa gorge
efl
une mer~ (
vetlle
Et, sans la p,eindre en
détail,
Celi AlhÂtre, cess émail.
Tour le resteje m'en doute;
Car ma foy je riyvois
goûte,
Et si mon inftinft dit
"Ur",,
C)encorAil 9 yvoirt (j)
geai:
Mais il ejt certaines chofeS
Qnuifour moy font lettres
closes.
Poila pour le corps. J'ai
dit;
Voyons maintenant l'efprtt.
Moins qu'une autre elle
sen pique:
Vif & doux, /impIe &
sansfard,
Il n'emprunte rien de
l'art,
Comme nature il s'explique;
Quand elle parle il pa.
raiïl,
Et quand même ellese
taist.
Je wudrois
, comme du - telle,
De
Defin coeur dire du bien:
Pour ne point trahir le
mien,
UétogQ en fera mode(le.
3e fiai qu'il est genereux,
Il est tendre) je le veux;
Ce qu'on en dit je l'avoué,
'Et fendirai bienautant:
jMaisaregret je le loue,
Et je n'en fuis pas content.
Jai mes raisons pour le
dire,
Ellesçait ce qu'il eneff>
Elle n'en fera que rire>
Etc'efl ce qui men de- ,plaist.
Sus allons, bride Pegasèy
Et pprreennoonnsr tgraarrdde aux é- e é
-J cartss
£hton s'en moque, qu'on
en jase,
Me voila monté, jepars.
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Résumé : Pour Mademoiselle de ... le jour de sa Fête.
Le texte est une lettre poétique adressée à Mademoiselle de C. pour célébrer son anniversaire. L'auteur exprime son désir de lui offrir un bouquet et la décrit avec admiration. Il la compare à un perroquet monté sur un criquet, soulignant sa taille entre humaine et divine, ses beaux yeux et sa peau fraîche et vermeille. Il admire particulièrement son rire et sa gorge, qu'il compare à une mer d'émail. Bien qu'il ne voie pas tout en détail, il est sûr de son amour pour elle. L'auteur décrit l'esprit de la jeune femme comme moins vaniteux que celui des autres, avec un caractère vif, doux, simple et sans artifice. Il souhaite parler de son cœur avec sincérité, en prenant pour modèle l'honnêteté. Il reconnaît la générosité et la tendresse de son cœur, mais exprime un regret sans préciser la raison. Il conclut en se moquant des critiques et en se lançant dans une nouvelle entreprise poétique, monté sur Pégase.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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42
p. 134-143
Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Début :
Pour connoître les moeurs, les goûts, les habitudes [...]
Mots clefs :
Mœurs , Habitudes , Peuples, Voyage, Palais, Dieux, Héros, Beauté, Festin, Divinité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Traduction d'unPoëme
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
Anglois,
Sur le Bal que M. le n**'d**
a donnéà Londres le17.
:' , £" :, ,4 U I?IJ. ,"",'-;.\1 ï;'Aout>1713.>;
P our conoître les moeurs,
les goûts, les habitudes
De cent & cent peuples di-
~\W\*Â\V-,\ ^crs,* ,',' "',
iVU grédeleurs inquietudes
Les mortelsinconstans parcourent
l'univers: 9 Pourmoy, libre des foins
qu'entraînent les voyages
,
Loin de vouloir braver les
flots capricieux, 1
Et sans m'exposer aux orages,
Ici je satisfais mes desirs curieux.
Daumont dans son Palais
represente à nos yeux
Les Heros & les mêmes
Dieux
Dont autrefois dansleurs
ouvrages
Les Poëtes ingenieux
J Ne tracerent quelesimages.
Par-toutvous yvoyezer, rans
Les habitans du ciel, de la
terre & de l'onde,
Ettous les hommes differens
Dont les Dieux ont peuplé
tous les climats du
monde.
Suivi de sa brillante cour
Jqupuitierttpéour s'y rendre a l'empirée;
Alecton fort du noir séjour
Avec sa cohorte effarée;
Des humides Tritons Amphitrite
entourée
Reçoit
Reçoit les voeux du Dieu
dont elle est ado-
-
rée,
Et l'on voit errer à l'entour
Les jeunes filles de Nerée.
Mars aux genoux de Citerée
Se laisse dérober ses armes
par l'Amour;
Dans le sein de Thetis le
brillant Dieu du
jour
Fixe sa course mesurée.
Là Dianeparoît artifte-,
: ment parée, -i *v4
L'Amour n'est plusfon ennemi;
Et si j'en croisles soins où
je la voislivrée,
Sa fiere vertumoderée
Cherche un Endimion qui
soit moins endormi.
»
A chaque beauté qui s'avance
Mercure offreà l'instant
des secours seduccteurs,
Par des traits galans & flateurs
Ilsignaleson éloquence.
De toutes parts sont répandus
Princes,Dieux, Rois, mêlez
& confondus
Avec Démons, Bergers,
Nymphes, Geans,
Pigmées.
-
<
L'implacable Nocher des
ondes enflamees*
Soûrit à des objets & plus
doux & plus beaux;
Les Morts suiventses pasy
couverts de leurs
lambeaux.
Ici c'estle Hibou, là c'est
l'Aigle iraraor-•
- iC lierai.*-• J'
On voit le Corbeau, trop
fidele, SJ
D'un noir plumage revê-
,
tu,
Et les oiseaux par leur ramage
.PPoouurrlleessbbeelllleessffoonnttuunnpprreé--
,: ,- sage --,q
De la chûte de leur ver-
,.' tu.
On y voit folâtrer des No-
,- nes peu severes,
Sans reliques Çc sans rosaires.
r Le grave senateur prend
un air gracieux,
De l'austere Themis ou,
bliant le langage,
De son art desormais il ne
veut faire usage
Qu'au tribunal de deux
beaux yeux.
Le triste Medecin déguise
sa presence
Sous un appareil affecp
té.
Le luxe avec la volupté
Empruntent un habit de
pieuse apparence.
Ici cette jeune beauté,
Qui de mille galans tour
a tour est maîtrèfle.-,
Affeâcla(implicite t 1 D'unevertueule Koacresse.
On-voit dans le Palais chacunse
transfor-
.,>; mer,
Daumont seul n'y prend
point une formeem-
*
pruntée.
Quelleautre lui seroit prêtée,
Qui? G: bienquela sienne
eût le don de char- -* mefï1'*
Ainsi dans un festin quand
laTroupe immorîtelle^
Autour de Jupiter se range
avec splendeur,
Il se déguise point sa forme
naturelle;
Ce Dieu s'offre dans sa
grandeur:
Mais lorsque fous le tendre
empire
Dequelque mortelle beauté
Ce Souverain des Dieux
soûpire,
Il voile sa Divinité.
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Résumé : Traduction d'un Poëme Anglois, Sur le Bal que M. le D** d** a donné à Londres le 17. Août 1713.
Le texte est une traduction d'un poème anglais décrivant un bal organisé par un noble à Londres le 17 août 1713. Le poète souhaite découvrir les mœurs et les habitudes de divers peuples sans voyager. Le bal se déroule au palais de Daumont, où sont représentés des héros, des dieux, ainsi que des habitants du ciel, de la terre et des mers. Le poème mentionne plusieurs personnages mythologiques et divins, tels que Jupiter, Alecton, les Tritons, Amphitrite, Mars, Thétis, Diane et l'Amour. Mercure offre son éloquence à chaque beauté présente. Le bal rassemble princes, dieux, rois, démons, bergers, nymphes, géants et pygmées. Les invités, comme le sénateur, le médecin et une jeune beauté, adoptent des comportements et des apparences différents. Daumont, quant à lui, ne change pas d'apparence, contrairement à Jupiter qui se déguise sous l'empire d'une mortelle beauté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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43
p. 207-240
HISTORIETTE.
Début :
L'Amour n'est point à couvert de la destinée, & [...]
Mots clefs :
Amour, Inconstance, Destinée , Attachement , Beauté, Esprit, Gentilhomme, Affaires, Passion, Ambition, Mariage, Rivalité, Trahison, Séduction, Jalousie, Chagrin, Vengeance, Fidélité
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texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE.
HISTORIETTE.
L'Amour nJielt point à
couvert de la destinée
, &
les changemens qui arrivent
tous les jours dans
les liaisons les mieux establies
sont assez connoistre
que les mouvements de
nostre coeur ne font pas fixez
par le premier choix
que nous faisons. Un certain
je ne sçay quoy qui
nousentraisne en dépitde
nous, nous determine à
estre inconstans;& quand
mille exem ples ne serviroient
pas à justifier ce que
je dis,l'avanture donrje vais
vous faire part en seroit la
preuve. Une Demoiselle
fort bien faite,estimable
par sa beauté, & plus encorepar
son esprit qu'elle
avoir vif&très penetrant,
estantvenuë depuis peu de
-
mois prendre soin de quelques
affaires dans une petite
Ville peu esloignée de
Paris, y fut connuë en fort
peu
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de personnes
denaissance. Son pere
& sa mere qui estoient de
qualité, mais qui avoient
peu de biens, luy connoisfant
du talent pour venir à
bouc de mille chicannes
qui leur estoient faites,&
par lesquelles on taschoit
de renverser leurs précentions
,quoyquejustement
fondées
,
s'estoient reposez
sur elle de la conservation
de leursinterests,&
elles'appliquoitàles mainteniravec
tant d'exactitude
& de conduite, qu'elle
eut bientost demesté les
difficultez quiempefchoient
qu'on ne luy rendit
justice. Son habileté fie
bruit, & tout le monde
marquant de rempressement
pour la servis auprés
de ses Juges, un Gentilhomme
, maistre de son
bien, & des plus riches de
tout le Pays, n'épargna ni
son crédit,ni ses soins pour
luy faire voir combien il
prenoit de part à ses avantages.
Angelique receut
agréablement le secours
i
qu'illuy donnaj&comme
dans le besoin qu'elle avoic
de luy les visites assidues
luy estoient permises
,
insensiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru. Il connut bien
que ce qu'on luy Jonneroiç
en la mariant n'approcheroit
pas
'*
de ce qu'il pouvoit
prérendre; mais l'amour
commençant à l'cc.
bloüir,il considera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires,
& dans cette veuë,
il crut qu'illuy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'épouserunefille
qui luy apportant une
dote considerable
, ne se
mefleroit de rien, & n'auroit
l'esprit porté qu'àfaire
de la dépense.Labellequi
s'apperceut de la conquête
que son merite luy avoir
fait faire , la menagea si
adroitement, que le Cavalier
fut enfin contraint de
luydeclarer sapassion On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaisir. Elle lui
marqua une estimepleine
de reconnoissance ; & en
l'assurant que ses parens ne
luy seroient point contraires,
elle eut pour luy des
égards d'honnesteté & de
complaisance qui luy firent
connoistre qu'il estoitaimé.
Commeelle avoit de
l'ambition,elle voulut s'asfurer
un rang, & se servir
du pouvoir que sa passion
luy donnoit sur son esprit,
pour luy marquer qu'il y alloit
de sa gloire de pren dre
une Charge avant que de
l'épouser. Le Cavalier avoit
ce dessein depuis quelque
temps, & ainsi en luy promettant
de la satisfaire,il
ne faisoitquece qu'il avoic
desja resolu. Les affaires
d'Angelique s'estantterminées
de la maniere la plus
avantageuse qu'elleeût pû
le souhaiter
,
elle retourna
à Paris, où son Amant la
suivit deux jours après. Son
pere & sa mere qu'elle avoit
instruit de l'estas des
choses, luy firent un accuëil
tres-obligeant, & pour estre
moins en peril de le
laisser échapper, ils luy offrirent
un Appartement
chez eux. L'offre estoit trop
favorable à l'amour duCavalier
pour n'estre pas accepté.
Il logea chez le perc
de laBelle;& ne songeant
qu'à avancer ses affaires, il
prit son avis sur la Charge
qu'il vouloit achepter.Tandis
qu'ontravailloit à lever
des difficultez assez legercs
qui empeschoient de conclurre
le marché de cette
Charge, l'amour fit paroitre
sa bizarrerie par les sentimens
qu'il inspira au Cavalier
pour une soeur d'Angelique.
Cette cadetteavoit
dans les yeux un fort grand
deffaut, dont beaucou p de
gensne se seroient pas accommodez
; & ce deffaut,
tout grand qu'ilestoit
,
ne
pur dérourner le Cavalier
du dessein qu'il prit de ne
vivre que pour elle. Il est
vray ,
qu'excepté ce deffaut,
il n'y avoit rien de
plus aimable.Elle avoit un
tein qui ébloüissoit
,
d*$
traits reguliers dans tout
son visaoge,•des mains & desbras d'une beauté (ans
, pareiflle,uinentailleeaisée;&
fine; & ce quiengageoit
encoreplus,elle estoitdu
ne humeur si douce & G.
agreable queparcetteseulequalité
elleestoit digne
duplus fort amour. Plus
leCavalierla vit,plusil la
trouvacharmante.Illuy
contoit cent folies,& l'enjouëment
avec lequel elle
y répondoit, estoit tout plein de
4
feu ,&. d'esprit.
Riennedevenoit suspect
dans leurs conversations,
parce qu'elles se faisoient
sans àQCun. mystere
,
&:
que l'occasion qu'ils avoient
de se parler àtoute
heure les rendant fortfamiliers,
ne laissoitrienvoir
iqlui fûtrecherche.Eneffet/'
n'yavoit que des sentimens
d'honnestetéducôté
decetteaimable cadette,
qui ne doutant point que
leCavalier .n'épousait..sa:;
soeur,estoitincapable d'aller
pour luyplus loin que
l'estime. Il n'enestoit pasi
ainsi du Cavalier. Le pen^*
chantqui l'entraisnoitvers
Julie,c'estoit ainsiqu'on
nommoitlacadette, eut
tant deforcequ'aprés lui
avoit dit plusieursfois en
badinantqu'ilestoitcharmé
desesmanieras,ils'expliqua
enfin serieusement
sur l'ardent amour • qu'elle
layavoitdonné. Julietournantlachose
en plaisanterie,
luyditqu'il perdoit
l'esprit;toutes lesdeclarations
qu'illuyfit ensuite
luy attirant la mesmeréponse,
illuydemanda un
jour quel désegrément Ôir
dans
son
hitmëtïr[du dans
sa personneluy faisoit
croire qu'ilnemeritoitque
ses mépris. Julie, qaecc
reprochefurprir*seAÇEUS
obligée deluy répondre
d'un ton un peu serieuxi,
qu'il se faisoit tort auiff^-
bien qu'à elle quand il
l'accusoit de le me'priser,
,& que s'il lui eût marqué
del'estime avant quede
s'engager avec si^foeur/
peut-estrene lui eust-ellc.
pas donnésujet de seplain-
-ài-é.^u peu dereconnoiC*.
sancequ'elleauroiteu de
: ses sentimens; maisqu'en fl'eftâcoù estoient les choqu'avec
lesïrcferves-qu'il
trouvoit injustes. Cette réponse
animala passion ; Ce
fut assez qu'il crustt nedéplaire
pas pour l'engager
à aimeravecplus de vio-
~îehée;îl abandonna, son
coeur à tout son penchant,
& ne songea plus qu'à persuader
Julie de sonveritable
attachement. Comme
elle estoitsage, ellevoulut
leguérir en lui donnant
moins d'occasionsdel'entretenierdesonamour;
;rnâi$*plus elle avoit soin
de les éviter, plus illes re-
,
cherchoit.Cetempressement
fut remarquée .& il
:,fettahitbientoft& par
soninquiétude ,; lorsque
fpour le fuïr cette cadette- senfermoit exprisdans sa
chambre,&- par, les regards
pleinsdamour,qu'il
;jettoit sur elle quand illa
voyoitdeyant destémoins.
L'aisnée qui trouvaquel?-
cque refroidissementdans
les maniérés du CavalierJ, >» ensoupçonnaauflitoftla
cause.Ellç pritgardejqu^l
navoit plus auprès de sa
joçurces airs enjoiiez & lu
:bres qu1a-vou pris tantdç
ibis. Elle les .voyait embafailes
fitor quoleursyeuxfe
renconcroienr,ôçla contrainte
qu'ils s'ilup.osoient
J'un & rau.tre Ce lon les. div,
veerrescess'vy-ecuuëc1iCq¡uUt\lleessoobbHli--
geoient de s'observer, luy
fut enfin une indice de la
rrahifonqui lay cftoir faite.
Commeelle estoit ficre,
elle s'en feroit volontiers
vengeeenle prévenant par
ion cjungejnçncjmaisd
Je avpird£ fort peu de biens?en renonçantan
Cavalier elle
n'etoitpas furedexroirver
un :aurrc:fPareilquil'eust
confoléc xfesr avanrao-es
qu'elle auroit perdue ERllfe
rsfolut de dissimuler;& fc
Contenta desoulager ses
-t,' chagriné par- ; -, - ]4ùes quelques
plaintes qui deconcercerent
le Cavalier. Le troublequ'il
fit paroiflre suc
un aveu de son crimeelleen
tira desconfequettces
qui lui firent examiner
de plus prés tous lesfujers
quelleavoit de fe- deffier
de on amour.Leunma~-
riage ne se devant faire
quaprès cWEculcer lc+
vees touchantLr charge
qiriti vouloir-avoir'elfe
découvrit qu- ne teneit;
qu'à luy de les voir finies,
f&aqisuoeitlnesaiosbtrsetnacelpeosuqiuro'ii^eyn*c
avoir aucun autre fondée
mène que le defilein de gau
gner du terni. Remplie dfe
tous cés fouprons, & vouw
lanceftre* cclaircie dece
qu'elleapprehendoit relfe
pria son pere & sa mere
de vouloir presserlescheM
ses, leur faisant connoistre,
[ans leur parler de sa
foeur, ce qu'il y avoit
.4.r~q~~:~fqer~nT.
jypbftin^i<pn,4^Çav/alter
fur- les prétenduësdifficihi^
rez de la Charge avoic déjà
commencéàleur devenir
suspecte.-jlç, renrreriQrenten
particulier., & luy
dirent, que comme ilsl'a*-
voient logé chez eux >oni
lqïiuuarrnt^ijejrrodipc,..;dvaonirs'&tolountg^te-
.cçpips ^jiffçrpr le mariage
^IpAÈ p#i^^oit cpnvena>>;
que pour;:einpe^her.Iç?
fafcheu* difcoursril falloir
longerg terminerçette.af- fajre«Reliait mile.
fcefoin
-
d'attendre quileuft
fini (on autretraite. Le Cavalier
ne balançapoint far
le parti qu'il avoit à prendre.
IL leur repçjiditqu'il
se sôuvenoit dela, parole
qu'il avait doppée
, &
qu'il Tâ tiendrour avec joïç
en telteras qu'il leur plairoit*,
quilayoit promis d'entre
leur Gcndre., & qu'ilse
feroit un bonheur de le dc<-
venir, mais que ce feroit
en epousant la cadette pouf
qui il sentoit la plus violente
passion
;
qu'il trouçvoit
enelle tout ce* qui
pouvait lesarefairejq1!s
l'humeur de son aisnée êtoit
si peu compatiflante
avec la tienne , qu'elle rre
'hpeouurerurxoitque'terendre trial- ; Ce ques'ils rIl
soient ce qu'ildemandôté
aveclescplilsinftanresprte^
res; ilférdft côntrainrd'é (h
étirer.IlTenirStcette reponsèavec
tant de fermeté
,& toutcequ'ils purent
ce defleirieue si peud'efset,
quene voulant pas rifquer
une si bonne fortune,
ils se virent obligerde conïcntir
a ce qu'il voulÙr. La
feule condition qu'ils exigèrent
»fut que lachofe lè sirau.plustost&eri fçcrct,
afin Que l'aînée fit moins,
éclater."son rcfTehrimenc
quand elleapprendroic
luip injnftice-qui n'auroic,
plus de remède. Le transl
port qui l'obligea de se jet-l'
tera leurspieds pour leurs
rendre grâce de ce qu'ils
faifoiencpour luy, leur
fut une preuve dekvio-''
lence avec laquelle il aimait.
Ils direntà Angélique,,
que quelques raisons -'"~- :jl ¿Lt.,
q'u'Us eutreht: puappoftrf,
le CavalierNettoie si bien
mis en ceste de ne fc poins
marier-quiIn'tut traJcedc làCharge*qu'illeuravQÎt
este impossible den rien
obtenir.Elle compritce
vouloic direrirt refu?
siobstine, &ejifiic,p(qiie'c
audernierpoint: Cependant
toutseconcerroit fccfrecëitientpôurle
mariage
ifaCavalier & de la cadette,
6cil nemanquoitpoor
l'achever qu'une oçcasion
d'en faire la cercmonie
fins queJîaifnécenpu£k
«Tien^fçayoir.cElliBts^ôfffio
favorable peude joursa
persétosi.sU:-nteeDndamreemdeonntfacimelelcea^,
la priade lui tenir <comp&ȣ
gniedansune partie»de*
promenade qui l'enga- - géoît'àallerpasser^queU:
quesjours ala campagne,
Angelique y alla; &euch
assez de forced'esprit pourd
se rneitreaudessus, der fc*:
chagrins ,y;pàroiftra
d'une humeur toute char,s?
mante. Onluy dit qu'onr«
voyoit bien que lajoye
unmariage prêssà;fefai^*
re iiotkmit :au.JJr belles 4c>
grands sujetsd'en~
rrient 3c f>&ur affoibiir la
bèiïf^ÙfcÇftoic
:'1;W ~po~ sép^#;
<yi,'ori jugeoiemal d'elle;
qu'il falloitpourlatoucher
dfccçrtgînçft çp^plaiJàtW
ççsScéc^rpu^s,4'efpri^
qu'ellen'avoit potfiHfcotfivc
dans le Cavalier ;&que
]$&€&>&$tf/a^pkfbC ji;G-
''¥tt.,..Jà-, traîne
!
çnlon.
gwàF que .paw <~J)~
vouioitl'engagerà épothsersa
cadette.Un vieux
garçonfôrc riche,$c re-
.-, : ve stu
Veftj d'une Charge plus
côn(lderab!e, que; cele
^orn^le*CavalierttrakoiC",
itïi'dieeirriant^que quoif
qi/ft eûttousjours esté indiffèrentpoarle
mariage-,
41 vouloiravoir ces tou«s
dVfpm^qui^lmplaifq»erft
tartr,afin de luyoffrirses
*fcrviccssSe quepourles
^cotîi'pîaifiincc^illoy-ii#ok
'aisëifcritépondreîAng^-
lliquéluyrepartit''-¡Ual'-eR
'riant,quelleavoie cm de-
* cûcfâïr'c&luyoc-quï^ftolc
"ftfoftde Ionjgé&É1, faqu^
liotit premire
3*
iïij seroient
^(Tezl'undel'autre;
Surcepies la levietbQ£±,
t~fipç£jçnf4iar>çnj&$dce*uixdjoeus.rdsçruccoemubïfmeunAmant
declaré eç
die à une maistresse;ilgoû-
~asi bien foû-efpric,que
malgrétoutes lesresolutions
prises de demeurer
toujourslibre,il parla eafin
4cnnnfafriâge, Cetteproposition
fut ct.ua
d'Angelique. Elletrouvoit
un rangquicontetoitson
~M;AtPIC,
me à^ui elle '^ouviic foa
•;
ccçw*entrai dansla contu
sJgacejàp;vieik Officier è.ôç
luyfitpromettreque puisqpril,
scîlcrit;déclaré avec
son amie
,
ilen iroitfaire
la demande dans les fox?
mes apressonretour. Ao*
gelique estantrevenue ccçrmnrta à rscoynn pp~e~ree lr'eenn9g'aaggce,4.
ment ou l'on s'estoit mis
pourelle. Lemariagje de
lacadetteestoitfait;ce fut
• pourJuyune joye sensiblé
de voir finir plustost qu'il
f}cTayoit.^çnirembarrai
de te cacher. Cetteadroite
filledissimulant son reflet^
"timénr, ~tWIia deserendre
coure aimablepourle Cavalier
,afindereveillerson
: amour,&deluydonner
parlaplus de regret dela
perdre. Le lendemainelle
remarqua sans estreveue,
que le Cavàliers'èstoitcouole
dans sa chambre délà
soeur,&que la porte en
avoit esté au{fitbftrFerm'éei
Si elleeut ladouleur,elle eut de la joye en meflriè
temps de ce que sa
I
foeur faisant 0"det
avancessiindignesd'elle,
mettoit leic-al
valier hors d'estat de la voirloir,
pour sa femme.Cetre
penséelui remplie l'esprit,
E|lcçrutqfi'ilr^fufepait de
l'epouseraprés les ofreurs
qu'il enavoit obtenuës, &
qu'ainsielle seroit vengée
&d'elle&deluy, quand
son mariage avec l'Officier
ne laisseroit plus. aucun
prerexteà son pere de garder
leCavalier. CetOfficiertintparole.
Onavoit
esteaverti de savisite,& le
Cavalier qui la sçavoitalia
iQUt expréssouperenville
,
&ne revint que.forttard.
L'Officiercharmédel'ac.
*
cuélquï luifut fait, nesortit
point qu'onn'eustfigné
des articles.Angeliquequi
naspiroitqu'à joüir de
vengeance ,
attendisà G.;,
coucher que leCavalierfust
révenn. Apresluiavoirfait
quelquespUimes.delan}*-
niere dont il en usoit po^fc elledepuisquelque rems,
elleajoustaqu'elle lavpiç
timens favorablesqu'elle
luy avoirmarqué d'abord,
qu'ellevenoit ;d£/eagagejf
à un autre,&qu'un Contrat
dem~gc~~sa
separoit pour jamais. Ilseignit
vivejnençxogtçhiî 4e_cy tte
nouvelle. Augeiique pleinede
son triompheenlevoyant a-iii1
accablé, le quitta sans lui donner
letemsde répondra,c'étoit
ce qu'if avoitsouhaitté.Ilse
coucha forttranquillement, Sç
le lendemain comme il l'avoit
concerté avec sonbeaupere ££
atec sa femme,ilalla
chez
un
amidans un quartier éloigné,
oùildemeurajusqu'à ce qu'on,
~çût:sais;lemari^gplÀng^ljqu^
qui imputa cette retraité a'fj>n
deseespoir ,en
.-
sentir (a Vanité
agréablementflatée. Elleépousal'Officier,&
deuxjqursaprés.
le Cavalier revint auprèsde sa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eûtpasplustost appris,qu'elle
alla trouver son pere, & luy fit
connoitre le péril où Julie eftoit
exposée s'il gardoitchez
luyleCavalier.Son pereluy
dit, que puisqqu'elleavoittout
sujet d'estre contente, il estoit
pesruadé qu'elle aimait sa soeur
pbur prendre partà ses avanta
ges ; après quoy illuyexpliqua
ce quiestoit arrivé: Le dépit
qu'elle,eue*,de s'estrepromis
une veugeance >
qui ne tournoitqu'asahonte
,la mit, dans
ila deff>rdr6~d'éfpVjhcroy2-
ble.Elle sorit blusquement,
& depuis trois moisqu'elle est
mariée
,
elle n'a
,
point encore
voulu.voirsa soeur
L'Amour nJielt point à
couvert de la destinée
, &
les changemens qui arrivent
tous les jours dans
les liaisons les mieux establies
sont assez connoistre
que les mouvements de
nostre coeur ne font pas fixez
par le premier choix
que nous faisons. Un certain
je ne sçay quoy qui
nousentraisne en dépitde
nous, nous determine à
estre inconstans;& quand
mille exem ples ne serviroient
pas à justifier ce que
je dis,l'avanture donrje vais
vous faire part en seroit la
preuve. Une Demoiselle
fort bien faite,estimable
par sa beauté, & plus encorepar
son esprit qu'elle
avoir vif&très penetrant,
estantvenuë depuis peu de
-
mois prendre soin de quelques
affaires dans une petite
Ville peu esloignée de
Paris, y fut connuë en fort
peu
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de personnes
denaissance. Son pere
& sa mere qui estoient de
qualité, mais qui avoient
peu de biens, luy connoisfant
du talent pour venir à
bouc de mille chicannes
qui leur estoient faites,&
par lesquelles on taschoit
de renverser leurs précentions
,quoyquejustement
fondées
,
s'estoient reposez
sur elle de la conservation
de leursinterests,&
elles'appliquoitàles mainteniravec
tant d'exactitude
& de conduite, qu'elle
eut bientost demesté les
difficultez quiempefchoient
qu'on ne luy rendit
justice. Son habileté fie
bruit, & tout le monde
marquant de rempressement
pour la servis auprés
de ses Juges, un Gentilhomme
, maistre de son
bien, & des plus riches de
tout le Pays, n'épargna ni
son crédit,ni ses soins pour
luy faire voir combien il
prenoit de part à ses avantages.
Angelique receut
agréablement le secours
i
qu'illuy donnaj&comme
dans le besoin qu'elle avoic
de luy les visites assidues
luy estoient permises
,
insensiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru. Il connut bien
que ce qu'on luy Jonneroiç
en la mariant n'approcheroit
pas
'*
de ce qu'il pouvoit
prérendre; mais l'amour
commençant à l'cc.
bloüir,il considera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires,
& dans cette veuë,
il crut qu'illuy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'épouserunefille
qui luy apportant une
dote considerable
, ne se
mefleroit de rien, & n'auroit
l'esprit porté qu'àfaire
de la dépense.Labellequi
s'apperceut de la conquête
que son merite luy avoir
fait faire , la menagea si
adroitement, que le Cavalier
fut enfin contraint de
luydeclarer sapassion On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaisir. Elle lui
marqua une estimepleine
de reconnoissance ; & en
l'assurant que ses parens ne
luy seroient point contraires,
elle eut pour luy des
égards d'honnesteté & de
complaisance qui luy firent
connoistre qu'il estoitaimé.
Commeelle avoit de
l'ambition,elle voulut s'asfurer
un rang, & se servir
du pouvoir que sa passion
luy donnoit sur son esprit,
pour luy marquer qu'il y alloit
de sa gloire de pren dre
une Charge avant que de
l'épouser. Le Cavalier avoit
ce dessein depuis quelque
temps, & ainsi en luy promettant
de la satisfaire,il
ne faisoitquece qu'il avoic
desja resolu. Les affaires
d'Angelique s'estantterminées
de la maniere la plus
avantageuse qu'elleeût pû
le souhaiter
,
elle retourna
à Paris, où son Amant la
suivit deux jours après. Son
pere & sa mere qu'elle avoit
instruit de l'estas des
choses, luy firent un accuëil
tres-obligeant, & pour estre
moins en peril de le
laisser échapper, ils luy offrirent
un Appartement
chez eux. L'offre estoit trop
favorable à l'amour duCavalier
pour n'estre pas accepté.
Il logea chez le perc
de laBelle;& ne songeant
qu'à avancer ses affaires, il
prit son avis sur la Charge
qu'il vouloit achepter.Tandis
qu'ontravailloit à lever
des difficultez assez legercs
qui empeschoient de conclurre
le marché de cette
Charge, l'amour fit paroitre
sa bizarrerie par les sentimens
qu'il inspira au Cavalier
pour une soeur d'Angelique.
Cette cadetteavoit
dans les yeux un fort grand
deffaut, dont beaucou p de
gensne se seroient pas accommodez
; & ce deffaut,
tout grand qu'ilestoit
,
ne
pur dérourner le Cavalier
du dessein qu'il prit de ne
vivre que pour elle. Il est
vray ,
qu'excepté ce deffaut,
il n'y avoit rien de
plus aimable.Elle avoit un
tein qui ébloüissoit
,
d*$
traits reguliers dans tout
son visaoge,•des mains & desbras d'une beauté (ans
, pareiflle,uinentailleeaisée;&
fine; & ce quiengageoit
encoreplus,elle estoitdu
ne humeur si douce & G.
agreable queparcetteseulequalité
elleestoit digne
duplus fort amour. Plus
leCavalierla vit,plusil la
trouvacharmante.Illuy
contoit cent folies,& l'enjouëment
avec lequel elle
y répondoit, estoit tout plein de
4
feu ,&. d'esprit.
Riennedevenoit suspect
dans leurs conversations,
parce qu'elles se faisoient
sans àQCun. mystere
,
&:
que l'occasion qu'ils avoient
de se parler àtoute
heure les rendant fortfamiliers,
ne laissoitrienvoir
iqlui fûtrecherche.Eneffet/'
n'yavoit que des sentimens
d'honnestetéducôté
decetteaimable cadette,
qui ne doutant point que
leCavalier .n'épousait..sa:;
soeur,estoitincapable d'aller
pour luyplus loin que
l'estime. Il n'enestoit pasi
ainsi du Cavalier. Le pen^*
chantqui l'entraisnoitvers
Julie,c'estoit ainsiqu'on
nommoitlacadette, eut
tant deforcequ'aprés lui
avoit dit plusieursfois en
badinantqu'ilestoitcharmé
desesmanieras,ils'expliqua
enfin serieusement
sur l'ardent amour • qu'elle
layavoitdonné. Julietournantlachose
en plaisanterie,
luyditqu'il perdoit
l'esprit;toutes lesdeclarations
qu'illuyfit ensuite
luy attirant la mesmeréponse,
illuydemanda un
jour quel désegrément Ôir
dans
son
hitmëtïr[du dans
sa personneluy faisoit
croire qu'ilnemeritoitque
ses mépris. Julie, qaecc
reprochefurprir*seAÇEUS
obligée deluy répondre
d'un ton un peu serieuxi,
qu'il se faisoit tort auiff^-
bien qu'à elle quand il
l'accusoit de le me'priser,
,& que s'il lui eût marqué
del'estime avant quede
s'engager avec si^foeur/
peut-estrene lui eust-ellc.
pas donnésujet de seplain-
-ài-é.^u peu dereconnoiC*.
sancequ'elleauroiteu de
: ses sentimens; maisqu'en fl'eftâcoù estoient les choqu'avec
lesïrcferves-qu'il
trouvoit injustes. Cette réponse
animala passion ; Ce
fut assez qu'il crustt nedéplaire
pas pour l'engager
à aimeravecplus de vio-
~îehée;îl abandonna, son
coeur à tout son penchant,
& ne songea plus qu'à persuader
Julie de sonveritable
attachement. Comme
elle estoitsage, ellevoulut
leguérir en lui donnant
moins d'occasionsdel'entretenierdesonamour;
;rnâi$*plus elle avoit soin
de les éviter, plus illes re-
,
cherchoit.Cetempressement
fut remarquée .& il
:,fettahitbientoft& par
soninquiétude ,; lorsque
fpour le fuïr cette cadette- senfermoit exprisdans sa
chambre,&- par, les regards
pleinsdamour,qu'il
;jettoit sur elle quand illa
voyoitdeyant destémoins.
L'aisnée qui trouvaquel?-
cque refroidissementdans
les maniérés du CavalierJ, >» ensoupçonnaauflitoftla
cause.Ellç pritgardejqu^l
navoit plus auprès de sa
joçurces airs enjoiiez & lu
:bres qu1a-vou pris tantdç
ibis. Elle les .voyait embafailes
fitor quoleursyeuxfe
renconcroienr,ôçla contrainte
qu'ils s'ilup.osoient
J'un & rau.tre Ce lon les. div,
veerrescess'vy-ecuuëc1iCq¡uUt\lleessoobbHli--
geoient de s'observer, luy
fut enfin une indice de la
rrahifonqui lay cftoir faite.
Commeelle estoit ficre,
elle s'en feroit volontiers
vengeeenle prévenant par
ion cjungejnçncjmaisd
Je avpird£ fort peu de biens?en renonçantan
Cavalier elle
n'etoitpas furedexroirver
un :aurrc:fPareilquil'eust
confoléc xfesr avanrao-es
qu'elle auroit perdue ERllfe
rsfolut de dissimuler;& fc
Contenta desoulager ses
-t,' chagriné par- ; -, - ]4ùes quelques
plaintes qui deconcercerent
le Cavalier. Le troublequ'il
fit paroiflre suc
un aveu de son crimeelleen
tira desconfequettces
qui lui firent examiner
de plus prés tous lesfujers
quelleavoit de fe- deffier
de on amour.Leunma~-
riage ne se devant faire
quaprès cWEculcer lc+
vees touchantLr charge
qiriti vouloir-avoir'elfe
découvrit qu- ne teneit;
qu'à luy de les voir finies,
f&aqisuoeitlnesaiosbtrsetnacelpeosuqiuro'ii^eyn*c
avoir aucun autre fondée
mène que le defilein de gau
gner du terni. Remplie dfe
tous cés fouprons, & vouw
lanceftre* cclaircie dece
qu'elleapprehendoit relfe
pria son pere & sa mere
de vouloir presserlescheM
ses, leur faisant connoistre,
[ans leur parler de sa
foeur, ce qu'il y avoit
.4.r~q~~:~fqer~nT.
jypbftin^i<pn,4^Çav/alter
fur- les prétenduësdifficihi^
rez de la Charge avoic déjà
commencéàleur devenir
suspecte.-jlç, renrreriQrenten
particulier., & luy
dirent, que comme ilsl'a*-
voient logé chez eux >oni
lqïiuuarrnt^ijejrrodipc,..;dvaonirs'&tolountg^te-
.cçpips ^jiffçrpr le mariage
^IpAÈ p#i^^oit cpnvena>>;
que pour;:einpe^her.Iç?
fafcheu* difcoursril falloir
longerg terminerçette.af- fajre«Reliait mile.
fcefoin
-
d'attendre quileuft
fini (on autretraite. Le Cavalier
ne balançapoint far
le parti qu'il avoit à prendre.
IL leur repçjiditqu'il
se sôuvenoit dela, parole
qu'il avait doppée
, &
qu'il Tâ tiendrour avec joïç
en telteras qu'il leur plairoit*,
quilayoit promis d'entre
leur Gcndre., & qu'ilse
feroit un bonheur de le dc<-
venir, mais que ce feroit
en epousant la cadette pouf
qui il sentoit la plus violente
passion
;
qu'il trouçvoit
enelle tout ce* qui
pouvait lesarefairejq1!s
l'humeur de son aisnée êtoit
si peu compatiflante
avec la tienne , qu'elle rre
'hpeouurerurxoitque'terendre trial- ; Ce ques'ils rIl
soient ce qu'ildemandôté
aveclescplilsinftanresprte^
res; ilférdft côntrainrd'é (h
étirer.IlTenirStcette reponsèavec
tant de fermeté
,& toutcequ'ils purent
ce defleirieue si peud'efset,
quene voulant pas rifquer
une si bonne fortune,
ils se virent obligerde conïcntir
a ce qu'il voulÙr. La
feule condition qu'ils exigèrent
»fut que lachofe lè sirau.plustost&eri fçcrct,
afin Que l'aînée fit moins,
éclater."son rcfTehrimenc
quand elleapprendroic
luip injnftice-qui n'auroic,
plus de remède. Le transl
port qui l'obligea de se jet-l'
tera leurspieds pour leurs
rendre grâce de ce qu'ils
faifoiencpour luy, leur
fut une preuve dekvio-''
lence avec laquelle il aimait.
Ils direntà Angélique,,
que quelques raisons -'"~- :jl ¿Lt.,
q'u'Us eutreht: puappoftrf,
le CavalierNettoie si bien
mis en ceste de ne fc poins
marier-quiIn'tut traJcedc làCharge*qu'illeuravQÎt
este impossible den rien
obtenir.Elle compritce
vouloic direrirt refu?
siobstine, &ejifiic,p(qiie'c
audernierpoint: Cependant
toutseconcerroit fccfrecëitientpôurle
mariage
ifaCavalier & de la cadette,
6cil nemanquoitpoor
l'achever qu'une oçcasion
d'en faire la cercmonie
fins queJîaifnécenpu£k
«Tien^fçayoir.cElliBts^ôfffio
favorable peude joursa
persétosi.sU:-nteeDndamreemdeonntfacimelelcea^,
la priade lui tenir <comp&ȣ
gniedansune partie»de*
promenade qui l'enga- - géoît'àallerpasser^queU:
quesjours ala campagne,
Angelique y alla; &euch
assez de forced'esprit pourd
se rneitreaudessus, der fc*:
chagrins ,y;pàroiftra
d'une humeur toute char,s?
mante. Onluy dit qu'onr«
voyoit bien que lajoye
unmariage prêssà;fefai^*
re iiotkmit :au.JJr belles 4c>
grands sujetsd'en~
rrient 3c f>&ur affoibiir la
bèiïf^ÙfcÇftoic
:'1;W ~po~ sép^#;
<yi,'ori jugeoiemal d'elle;
qu'il falloitpourlatoucher
dfccçrtgînçft çp^plaiJàtW
ççsScéc^rpu^s,4'efpri^
qu'ellen'avoit potfiHfcotfivc
dans le Cavalier ;&que
]$&€&>&$tf/a^pkfbC ji;G-
''¥tt.,..Jà-, traîne
!
çnlon.
gwàF que .paw <~J)~
vouioitl'engagerà épothsersa
cadette.Un vieux
garçonfôrc riche,$c re-
.-, : ve stu
Veftj d'une Charge plus
côn(lderab!e, que; cele
^orn^le*CavalierttrakoiC",
itïi'dieeirriant^que quoif
qi/ft eûttousjours esté indiffèrentpoarle
mariage-,
41 vouloiravoir ces tou«s
dVfpm^qui^lmplaifq»erft
tartr,afin de luyoffrirses
*fcrviccssSe quepourles
^cotîi'pîaifiincc^illoy-ii#ok
'aisëifcritépondreîAng^-
lliquéluyrepartit''-¡Ual'-eR
'riant,quelleavoie cm de-
* cûcfâïr'c&luyoc-quï^ftolc
"ftfoftde Ionjgé&É1, faqu^
liotit premire
3*
iïij seroient
^(Tezl'undel'autre;
Surcepies la levietbQ£±,
t~fipç£jçnf4iar>çnj&$dce*uixdjoeus.rdsçruccoemubïfmeunAmant
declaré eç
die à une maistresse;ilgoû-
~asi bien foû-efpric,que
malgrétoutes lesresolutions
prises de demeurer
toujourslibre,il parla eafin
4cnnnfafriâge, Cetteproposition
fut ct.ua
d'Angelique. Elletrouvoit
un rangquicontetoitson
~M;AtPIC,
me à^ui elle '^ouviic foa
•;
ccçw*entrai dansla contu
sJgacejàp;vieik Officier è.ôç
luyfitpromettreque puisqpril,
scîlcrit;déclaré avec
son amie
,
ilen iroitfaire
la demande dans les fox?
mes apressonretour. Ao*
gelique estantrevenue ccçrmnrta à rscoynn pp~e~ree lr'eenn9g'aaggce,4.
ment ou l'on s'estoit mis
pourelle. Lemariagje de
lacadetteestoitfait;ce fut
• pourJuyune joye sensiblé
de voir finir plustost qu'il
f}cTayoit.^çnirembarrai
de te cacher. Cetteadroite
filledissimulant son reflet^
"timénr, ~tWIia deserendre
coure aimablepourle Cavalier
,afindereveillerson
: amour,&deluydonner
parlaplus de regret dela
perdre. Le lendemainelle
remarqua sans estreveue,
que le Cavàliers'èstoitcouole
dans sa chambre délà
soeur,&que la porte en
avoit esté au{fitbftrFerm'éei
Si elleeut ladouleur,elle eut de la joye en meflriè
temps de ce que sa
I
foeur faisant 0"det
avancessiindignesd'elle,
mettoit leic-al
valier hors d'estat de la voirloir,
pour sa femme.Cetre
penséelui remplie l'esprit,
E|lcçrutqfi'ilr^fufepait de
l'epouseraprés les ofreurs
qu'il enavoit obtenuës, &
qu'ainsielle seroit vengée
&d'elle&deluy, quand
son mariage avec l'Officier
ne laisseroit plus. aucun
prerexteà son pere de garder
leCavalier. CetOfficiertintparole.
Onavoit
esteaverti de savisite,& le
Cavalier qui la sçavoitalia
iQUt expréssouperenville
,
&ne revint que.forttard.
L'Officiercharmédel'ac.
*
cuélquï luifut fait, nesortit
point qu'onn'eustfigné
des articles.Angeliquequi
naspiroitqu'à joüir de
vengeance ,
attendisà G.;,
coucher que leCavalierfust
révenn. Apresluiavoirfait
quelquespUimes.delan}*-
niere dont il en usoit po^fc elledepuisquelque rems,
elleajoustaqu'elle lavpiç
timens favorablesqu'elle
luy avoirmarqué d'abord,
qu'ellevenoit ;d£/eagagejf
à un autre,&qu'un Contrat
dem~gc~~sa
separoit pour jamais. Ilseignit
vivejnençxogtçhiî 4e_cy tte
nouvelle. Augeiique pleinede
son triompheenlevoyant a-iii1
accablé, le quitta sans lui donner
letemsde répondra,c'étoit
ce qu'if avoitsouhaitté.Ilse
coucha forttranquillement, Sç
le lendemain comme il l'avoit
concerté avec sonbeaupere ££
atec sa femme,ilalla
chez
un
amidans un quartier éloigné,
oùildemeurajusqu'à ce qu'on,
~çût:sais;lemari^gplÀng^ljqu^
qui imputa cette retraité a'fj>n
deseespoir ,en
.-
sentir (a Vanité
agréablementflatée. Elleépousal'Officier,&
deuxjqursaprés.
le Cavalier revint auprèsde sa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eûtpasplustost appris,qu'elle
alla trouver son pere, & luy fit
connoitre le péril où Julie eftoit
exposée s'il gardoitchez
luyleCavalier.Son pereluy
dit, que puisqqu'elleavoittout
sujet d'estre contente, il estoit
pesruadé qu'elle aimait sa soeur
pbur prendre partà ses avanta
ges ; après quoy illuyexpliqua
ce quiestoit arrivé: Le dépit
qu'elle,eue*,de s'estrepromis
une veugeance >
qui ne tournoitqu'asahonte
,la mit, dans
ila deff>rdr6~d'éfpVjhcroy2-
ble.Elle sorit blusquement,
& depuis trois moisqu'elle est
mariée
,
elle n'a
,
point encore
voulu.voirsa soeur
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Résumé : HISTORIETTE.
Le texte raconte les péripéties amoureuses et les manœuvres stratégiques d'Angélique, une jeune femme intelligente et belle, et d'un gentilhomme riche. Angélique se rend dans une petite ville près de Paris pour régler des affaires et attire rapidement l'attention du gentilhomme, qui tombe amoureux d'elle. Consciente de son pouvoir, Angélique manœuvre habilement pour obtenir une déclaration d'amour et une charge avant le mariage. Cependant, le gentilhomme rencontre Julie, la sœur cadette d'Angélique, et se trouve attiré par elle malgré un défaut physique notable. Julie, sage et douce, repousse d'abord ses avances mais finit par succomber. Angélique, devinant la situation, dissimule sa douleur et accepte de se marier avec un officier. Le gentilhomme obtient la charge et épouse Julie, tandis qu'Angélique se venge en se mariant rapidement, privant ainsi son père de garder le gentilhomme dans la famille. Parallèlement, un cavalier revient tard chez lui après un voyage. Un officier, charmé par Angélique, apprend qu'elle ne sortira pas tant que certains articles ne seront pas signés. Angélique, assoiffée de vengeance, attend le retour du cavalier pour lui révéler qu'elle est fiancée à un autre et que leur contrat de mariage les sépare à jamais. Accablé, le cavalier se couche tranquillement. Le lendemain, il se rend chez un ami dans un quartier éloigné pour éviter d'être saisi. Angélique épouse l'officier deux jours plus tard. Le cavalier revient ensuite auprès de sa femme, mais la nouvelle mariée informe son père du danger que court Julie si le cavalier reste. Le père explique la situation à sa fille, qui, dépitée de ne pas avoir obtenu sa vengeance, refuse de voir sa sœur depuis trois mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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44
p. 156-166
EXTRAIT de la Gazette de Cithere, le 4. Decembre 1713.
Début :
Un Envoyé du brillant Hymenée [...]
Mots clefs :
Hyménée , Vénus, Plaisirs, Beauté, Jeunesse, Flore, Amour, Mariée , Contrat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de la Gazette de Cithere, le 4. Decembre 1713.
EXTRAIT
dela Gazette de Cithere,
le4. Decembre 1713.
Un Envoyédu brillant
Hymenèe
Paré defleurs, ût audiance
icy,
Venus étantdes Ris environnée
Ilfuat adlmnisàjileu.r.parler
Depuisl'Hymen de cel-
,
le dontla coupe
Fait l'enjouëment de la
table des Dieux;
PourcaJ pareil,sijamais
<vojlretroupe
SçûsanimerlesPlaisirs&
lesJeux,
Quelle y travaille avec tinfoinextreme3
Un jeune objet dans nos
rets efl tombé'
Aux yeux d'Hercule il
paroistroit Hebé,
Et je l'ay pris pour la
Jeunesse même;
Il a l'éclat de Flore au renouveau
Et de l' Aurore en ouvrant
sa Cariere,
Beauténaissante& reçue
au berceau
Ensurvivance auxappas
delaMere:
Sa Merefçutl'artdefer*
petuer
Ses traits charmans dans
sa bellefamille,
Lorsqu'ellefit bonne part à
safille
De les attraits sans les
diminuer:
Ainsi des mois l'inégale
Courriere
Et de ses feux, les autres
feux témoins
Du blond Phoebus em«.
prunte la lumiere
Tant que jamais Phoebus
en brille moins.
Le jeune objet que l'Hy.
1 "llnCe engage
Sous nul empire encore n'a
flechi,
Et cent beautez., fesoient
un douxpartage
De centtresorsdontilest
enrichi;
Il estluiseul plus maistre
en l'art de plaire
Que vostroisSoeurs, les
JHufes toutes neuf,
Pour dire plus, cejl trait
pour traitfa Mere.
A ce portrait ceji la jeune
Pleneuf
1 Dîtsurlechamp la Reine
D'*dmathonte9
C'estse moquer,c'est If-.
vant lasaison
Allerunir les jeuxà la
raison,
Et l'Hymenêe en devroit
avoir honte;
Dans mon couroux qu'estce
qui me retient
L'Ingrat qu'ilest, que je
ne le querelle;
Ravirsi-tost a. mais
il me souvient
Qu'encor sa Mereétoit
plus jeune qu'elle
Quand par l'amour son
contratfut signe,
Contrat si bon au bien de
nos affaires
Qj£à cet Hymen, ma samilleagagné
Une recrue deSoeurs
de freres,
Lajeune Iris ne m'en promet
pas moins;
Cherche l' Amour, q'iit
s'aime qu'ilj'apprëte,
Arelever l'Hymen de
tous ses soins,
Qu'il aide seulse mêler de
laseste,
Sur-tout au cas que la première
nuit
Le même toit mere &
fillerassemble;
jiti grand raport qu'ont
leurs attraits ensemble
L'Hymenpourroitse méprendrede
lit; -
Il passeroit pour d'autant
moinscoupable,
En commetant cette erreur
auflambeau
Qu'en pleinmidy duSoleil
le plus beau
Qui laseroit,seroitfort
pardonable;
On ne devroit qu'après
mûr examen
Marierfille ayantsijeune
mere
Etsans le soin que je
prend du mistere
Quel qui pro quo pouroit
faire l'Hymen.
jîllezj, mon fils, réglée
bien toutes choses,
Die- Citheréeàl'enfantamtiiïreux,
Venezcueillir sur mes le~
rvres de roses
Un doux basser pour ces
époux heureux;
Que ce baiser les remplisse
deflame,
Qui'l soit suivi du plus
fort de vos traits,
Et que portant jufyuau
fondde leurame
Ily demeure &m'enforte
jamais;
Et vous Seigneur,ditesà
l'Hymenee
Que s'il formoit toujours
depareils noeuds
Saplace ici luiseroit dcfi*
gné,e/
Avecles Ris, les Graces(7
lesFeux..
dela Gazette de Cithere,
le4. Decembre 1713.
Un Envoyédu brillant
Hymenèe
Paré defleurs, ût audiance
icy,
Venus étantdes Ris environnée
Ilfuat adlmnisàjileu.r.parler
Depuisl'Hymen de cel-
,
le dontla coupe
Fait l'enjouëment de la
table des Dieux;
PourcaJ pareil,sijamais
<vojlretroupe
SçûsanimerlesPlaisirs&
lesJeux,
Quelle y travaille avec tinfoinextreme3
Un jeune objet dans nos
rets efl tombé'
Aux yeux d'Hercule il
paroistroit Hebé,
Et je l'ay pris pour la
Jeunesse même;
Il a l'éclat de Flore au renouveau
Et de l' Aurore en ouvrant
sa Cariere,
Beauténaissante& reçue
au berceau
Ensurvivance auxappas
delaMere:
Sa Merefçutl'artdefer*
petuer
Ses traits charmans dans
sa bellefamille,
Lorsqu'ellefit bonne part à
safille
De les attraits sans les
diminuer:
Ainsi des mois l'inégale
Courriere
Et de ses feux, les autres
feux témoins
Du blond Phoebus em«.
prunte la lumiere
Tant que jamais Phoebus
en brille moins.
Le jeune objet que l'Hy.
1 "llnCe engage
Sous nul empire encore n'a
flechi,
Et cent beautez., fesoient
un douxpartage
De centtresorsdontilest
enrichi;
Il estluiseul plus maistre
en l'art de plaire
Que vostroisSoeurs, les
JHufes toutes neuf,
Pour dire plus, cejl trait
pour traitfa Mere.
A ce portrait ceji la jeune
Pleneuf
1 Dîtsurlechamp la Reine
D'*dmathonte9
C'estse moquer,c'est If-.
vant lasaison
Allerunir les jeuxà la
raison,
Et l'Hymenêe en devroit
avoir honte;
Dans mon couroux qu'estce
qui me retient
L'Ingrat qu'ilest, que je
ne le querelle;
Ravirsi-tost a. mais
il me souvient
Qu'encor sa Mereétoit
plus jeune qu'elle
Quand par l'amour son
contratfut signe,
Contrat si bon au bien de
nos affaires
Qj£à cet Hymen, ma samilleagagné
Une recrue deSoeurs
de freres,
Lajeune Iris ne m'en promet
pas moins;
Cherche l' Amour, q'iit
s'aime qu'ilj'apprëte,
Arelever l'Hymen de
tous ses soins,
Qu'il aide seulse mêler de
laseste,
Sur-tout au cas que la première
nuit
Le même toit mere &
fillerassemble;
jiti grand raport qu'ont
leurs attraits ensemble
L'Hymenpourroitse méprendrede
lit; -
Il passeroit pour d'autant
moinscoupable,
En commetant cette erreur
auflambeau
Qu'en pleinmidy duSoleil
le plus beau
Qui laseroit,seroitfort
pardonable;
On ne devroit qu'après
mûr examen
Marierfille ayantsijeune
mere
Etsans le soin que je
prend du mistere
Quel qui pro quo pouroit
faire l'Hymen.
jîllezj, mon fils, réglée
bien toutes choses,
Die- Citheréeàl'enfantamtiiïreux,
Venezcueillir sur mes le~
rvres de roses
Un doux basser pour ces
époux heureux;
Que ce baiser les remplisse
deflame,
Qui'l soit suivi du plus
fort de vos traits,
Et que portant jufyuau
fondde leurame
Ily demeure &m'enforte
jamais;
Et vous Seigneur,ditesà
l'Hymenee
Que s'il formoit toujours
depareils noeuds
Saplace ici luiseroit dcfi*
gné,e/
Avecles Ris, les Graces(7
lesFeux..
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Résumé : EXTRAIT de la Gazette de Cithere, le 4. Decembre 1713.
La Gazette de Cithère du 4 décembre 1713 relate une scène où l'Hyménée, dieu du mariage, est accueilli par Vénus et les Rires. L'Hyménée évoque une coupe qui réjouit la table des Dieux et exprime le désir de retrouver les plaisirs et les jeux. Il mentionne un jeune individu comparé à Hébé et à la jeunesse, avec la beauté de Flore et de l'Aurore, et des attraits hérités de sa mère. Ce jeune individu, non encore soumis à un quelconque empire, possède cent beautés et est comparé à la jeune Pleneuf, reconnue par la Reine d'Amathonte. L'Hyménée exprime son courroux mais se souvient que la mère du jeune individu était plus jeune lorsqu'elle s'est mariée par amour, ce qui a bénéficié à sa famille. Il appelle l'Amour à l'aider, surtout dans les cas où la première nuit assemble mère et fille sous le même toit, pour éviter toute erreur. Il conseille de bien examiner avant de marier une fille ayant une mère jeune. Enfin, il invite l'enfant amoureux à cueillir un baiser sur les lèvres de Cithérée pour les époux heureux, afin que ce baiser les remplisse de flamme et demeure à jamais dans leur âme.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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45
p. 3-48
AVANTURE nouvelle.
Début :
Un Gentilhomme d'un veritable merite, & d'une naissance [...]
Mots clefs :
Marquis, Chevalier, Belle, Coeur, Amour, Plaisir, Sentiments, Esprit, Mariage, Passion, Peine, Chagrin, Amoureux, Jeune, Violence, Beauté, Devoir, Engagement, Entretenir
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texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle.
tA-VANTV RE
nouvelle.
N Gentilhomme
d'un ver itable mérite
, 5c d'une naissance
aflfczdiftinguée pour a:-,,
Voir[pris'lenomde Marquis
sans qu'on pût dire
qu'il l1eueusurpé, étant
un jour allé entendre un
concert, où il fut mené
par un ami, trouva dans
la maison où il se faisoit
une Demoiselle dont la
beauté lui parut piquante.
Elle étoitblonde,
avoit les traits assez reguliers,
le teint d'un
éclat qui surprenoitC 8C
une douceur toute charmante
répandue sur son
vifagc. Il fit fibien qui
se plaça auprès d'elle; &C
tandis que tout le monde
prêtoit l'oreille avec
foin aux belles voixdont
le concert etoit composé
,
il eut lesyeuxtoûjours
attachez sur cette
aimable personne. Les
paroles qu'on chanta lui
donnèrent lieu de l'entretenir.
Il en tira de
quoy la flater sur son merité;&
s'il la mit dans
quelque embarras à forr
ce de lui donner des
loüanges, il ne laissa pas
de s'appercevoir qu'elle
avoit l'esprit aisé, &C
que le silence qu'ellegardoit
quelquefois étoit un
effet de sa mode stie. Il
ne sortit point de l'assemblée
sans avoir appris qui
elle étoit. Il fçut que sa
qualitérépondoit à fou
merite, & qu'ayant perdu
(on pere & sa mere
dans son plus bas âge,
elle demeuroit chez une
tante quis'étoit chargée
ic Ca conduite. jCorrune
4, l'avoittrouvce toute
aimable, l'envie de la
voir avec quelque liberté
Lui fie ch erc her accès
auprès de la tante;Se
vous jugez bien qu'ayant
de l'esprit 8c du fçavoirfaiiç
,il n'eut pas de peine
à y relilTiF, Dans les
premiers foins qu'il s'attacha
à lui rendre, son
unique vûë fut le plaisir
-d'un amufernent honne.
te qui l'occupât pendant
quelques heures. Il dit
force douceurs à la bellesepreparant
au triomphe
d'attendrir un jeune
coeur. Ce ne lui fut
pas une chose aisée. Elle
s3'accoûA tuma a 1l,'entendre
,
sans qu'aucun sentiment
particul ier lui
fîr découvrir qu'elle fut
touchée; &cetteespece
d'indiffcrence blessant le
Marquis, qui étoit fier
naturellement, il ne put
souffiir sans beaucoup
de peine qu'elle lui ôtât
la gloire de lui laisser remarquer
en elle un commencement
de passion.
Ce n'est pas qu'elle n'eût
pour lui des honnêtetez,
dont il eût eu lieud'être
content, s'iln'eût souhaité
que del'estime :
ma is ce n'étoientpoint
des honnêtetez de diftinérion,
& il regardoit
comme une honte, qu'-
elle attendît son entier
hommage pour se declarer,
après que partout
ailleurs on l'avoit
presque toûjours prévenu
par des avances. Cependant
les manières de
la belle, de quelque froideur
qu'elles lui parussent
, ne laisserent pas
d.e1:enflâmer, Si meme
on peut dire que ce fut
ce qui porta son amour
à toute la violence qu'il
commença de sentir. Il
iy abandonna malgré
lui, & à quelque plix
que ce pût étre, il rèlOlut
de.se donner le plaisir
de se fairedirequ'il
étoit aimé. Ses empreffçmeus,
qu'il redoubla.,
le firent voir le plus amoureux
de tous les
hommes. Il dit à la belle
leschofès les plus flateuses,
& ne douta point
qu'en lui déclarant qu'il
la vouloit époufer,il ne
lui çausât toute la joye
que lui devoit inspirer
une alliance si avantageufe.
La belle reçut
cette dec laration avec
beaucou p de reconnoiiTance
> &C après lui
avoir marqué en ternies
fort serieux qu'clle
luiétoit sen siblement
obligée de l'honncur
qu'illui faisoit,elleajouta
que dépendant d'une
tante, dont lesvolontez
regloient les siennes,cetoit
à elle qu'il se devoit
adresser. Une réponse si
peu attenduë déplut au
Marquis. Ilditàlabelle,
avec un peu de chagrin,
qu'ilnesongeoit à se
marier que pour vivre
heureux > qu'il ne pouvoit
l'être s'iln'avoit son
coeur, & que ne voulant
le devoir qu'à dtcmême,
il seroit fort inutile
de lui faire demander,
le consentement de
ses parens, tant qu'illa
verroic dans cette reserve.
Il fie ce qu'il put pour
l'en tirer, & ses plus fortes
prieres n'obtinrent
rien de plus favorable
pour sa paisson
,
qu'une
assurance qu'elle suivrois
son devoir sans aucune
peine, & qu'aussitôt
que sa tante auroit
parlé0 il auroit sujet d'être
content. Le Marquis
tira de làuneconfequence
qui fit fbuHrirfa delicateffc.
Il s'en expliqua
avec la belle
,
& lui dit'
d'un ton de plainte,qu'il
lui devoit estre bien fâi
cheux de, voir que si la
tanre soppofoit à (on
bonheur, clic feroit prelte
à le dégager pour la
fatisfiuie. Labelle luircpliqua
qu'il se faisoit
tore de craindre qu'on
n'eust pas pour lui les
égards qui étoient deus
6càsonmérité & à sa
naissance;S£ n'ayant pu
l'obliger de se declarer
plus precifémerit, illui
fit connoître qu'il alloit
remettre au temps le
succés de sesdesseins,
afin que Imipression que
ses services feroient sur
son coeur lui fît tenir
d'elle feule ce que son
amour ne pouvoit devoir
à d'autres. Il continua
ses soins, qui furent toujours
reçus d'une man
iéré assez engageante.
L'étatoù il se trouvoit avoir
quelque chose d'extraordinaire.
Il aimoit
avec excés ; & quoique
labelle lui fît voir beaucoup
coup d'estime, 6C qu'il
ne remarquât rien qui
lui fît apprehender que
sa recherche ne lui sust
pas agreable, il ne pouvoit
se resoudre à presser
de rien conclure,
| parce qu'il ne voyoit pas
i qu'elle eust pour luy les
< empressemens dont il
croyoit que sa passion le
; rendroit digne. Les cho-
} ses ayant encore demeuré
un peu detempsdans
ces melmes termes,elles
changèrent de face par
un incident qui eut des
fuites qu'on n'attendoit
pas. Le Marquis avoit
un frere qu'on nommoit
Je Chevalier. Il estoit à
Rome depuis trois ou
quatre années, & il en
revint en ce temps-là.
Le Marquis qui avoit
toujours vescu avec luy
dans la plus étroiteliaison
que l'amitié ait jamais
établie entre deux
freres
, ne manqua pas
un peu après son retour,
de l'entretenir de samaistresse.
Ilne luy parla
ni de son esprit ni de sa
beauté, &C voulant qu'il
en jugeast par luy-mesme,
ille mena chez cette
jeune personne. Le Chevalier
qui avoit acquis
dans ses Voyages certaines
maniérés pleines
d'agrément qui perfectionnent
les heureux ta-
Jens que l'on a receus de
la natute,brilla fort avec
la belle dans une assez
longue conversationqui
fut aussivive qu'enjoüée.
Il fut touché de ce qu'il
connut d'aimable en elle,
& son frere luy ayant
demandé son sentiment,
il luy en dit millebiens,
& ne pouvoit fc lasser
de luy applaudir sur le
choix qu'il avoit fait.
Le Marquis ravi d'estre
approuvé, &. ne trouvant
point de plus grand
plaisir que d'entendre
parler d'elle,engagea le
Chevalier à la voir souvent.
C'estoient toujours
de nouveaux applaudiffemens
qu'il recevoir sur
f sa passion; & comme il
i estoitaisé de voir que le
Chevalier luy parloirde
bonne soy, & que rien
n'enflâme tant que les
:; louanges qu'on entend
donner ace qu'on aime,
J le Marquis sans y penser
i prenoit desredoublemés
; d'amour dont il ne pouvoit
démefler toute la
force. Il trouvoit que sa
maistresse avoit plus d'esprit
de jour en jour, &C
il ne comprenoit pas
qu'il lui étoit inspiré par
l'envie de plaire. La belle
ne sçavoit pas ellemesme
d'où lui venoient
de certains je ne sçay
quoy qui la rendoient
pluscharmante, & qui
lui donnoient en tout
une vivacité extraordinaire.
Elle suivoit un
panchant quelle neconnoissoit
pas, & le Chevalier
ne faisantrien qui
ne parlast à sonavantage,
elle abandonnoic son
coeur avec plaisir à des
sentimens qu'ellen'avoit
jamais eus. Elle ne s'a pperceut
mesme qu'ils
étoient nouveaux pour
elle, que lorsque le Chevalier
passa trois ou quatre
jours sans la venir
voir avec son frere. Elle
en montra quelque trouble,&
l'empressement
qu'elle avoit à demander
ce qui l'occupoit ailleurs,
étoit une marque
qu'elle y prenoit intesest.
Elle étoit moins
gaye lereste du jour, &
quand le Chevalier revenoit
, outre la joye
qu'elle laissoit éclater sur
son virage, elle lui faisoit
de si obligeans reproches
de sa négligence
, qu'elle ne pouvoit
lui dire plus ouvertement
ment que rien ne lui
plaisit tant que ses visites.
Elle ne cachoit rien
detoutecela au Marquis,
parce qu'agissant naturellement,
& n'ayant jamais
connu ce que c'étoit
quel'amour elle
étoit bien éloignée de
penser qu'il y eust rien
dans ses sentimens dont
il lui salut faire mystere.
Cependant comme
un amant véritablement
touché a les yeux bien
éclairez sur les moindres
choses, le Marquis
connut bientôt que sa
maîtreflfe sentoit pour le
Chevalier ce qu'il n'avoit
jamais pu lui faire
sentir pour lui. Il en eut
un depit secret qui fut
soutenu par sa fierté;
& au lieu d'y donner
ordre en l'empeschant
de le voir, il s'en fie accompagner
toutes les
fois qu'il alla chez elle.
Il étoit toujours de bonnehumeur;
Se sans laisfer
échaper aucun mouvement
ni de jalousie,
ni de chagrin, il montroit
un esprit libre qui
auroit trom pé les plus
clairvoyans. Le Chevalier
y fut abusé, & ne
crut point que par cette
fausse liberté d'esprit il
se ménageât celled'observer
ce qui se passoit
dans le coeur de samaitresse
: mais comme la
belle avoit pour lui une
honnesteté qui lui découvroit
des sentimens
plus forts que l'estime,
& qu'il se feroit senti de
grandes dispositions à y
répondre sans l'engagement
où il la voyoit, il
resolut, & pour Ton repos
, & pour s'acquicrer
de ce qu'il devoit à l'amitié
du Marquis, de renoncer
à une voue agreable,
mais qui pouvoie
le mettre en peril d'aller
plus loin qu'il ne lui
étoit permis. Ilavoitdéja
celle de parler si fortement
à son frere du
mérite de la belle, de
peur que le plaisir d'en
dire du bien ne découvrist
trop ce qu'il eust
voulu pouvoir se déguiser
à lui-mesme 5 & le
Marquis
,
homme attentif
à tout remarquer,
avoit jugé comme il le
devoit de cette reserve.
Ainsi quand le Chevalier
lui dit qu'il avoit
dessein de faire un voyage,
il entra d'abord dans
le motifqui en étoit eause
;& ce que la belle lui
avoit fait paroîtreavec
ingénuité de ses nouveaux
sentimens, ne lui
permettant point de
douter que leurs coeurs
ne s'entendirent sans
s'être expliquez, il fit
un effort sur lui pour
ne montrer aucune foiblesse.
A pres avoir pris
un visage gai, ildità
son frere qu'il voyoit
son embarras; que non
seulement il aimoit la
belle: mais qu'il avoit
dû s'appercevoir qu'il
avoit touché son coeur;
& que pour n'écouter
pas une passion qui lui
pouvoit attirer le blâme
de s'être fait son rival,
il se resol voit à s'éloigner.
Là dessus il l'embrassa,
comme lui étant
fort obligé des égards
honncces qu'il avoit
pour lui,&luidit enfuite
queleplus grand
plaisir qu'il lui pouvoic
faire étoit de ne point
partir, &, de continuer
à voir sa maitresse. Il
ajoûta qu'il l'aimoit
beaucoup
par les belles
qualitez qui la rendoient
estimable:mais que son
amour n'ayant jamais
été assezfort pour lui
faire vaincre l'aversion
qu'il avoit toûjours sentie
pour le mariage, il
s'étoit tenu dans les seuls
termes d'amant, sans avoir
osé pousser les cho
ses plus loin : qu'a prés
l'ouverture qu'il lui faisoit,
c'étoit à lui à se con- sulter, & que s'il étoit
assez amoureux pour
vou loir bien épouser la
belle, il lui cederoit ses
pretentions avec d'autant
plus de joye, qu'il
empêcheroiten l'épousant
qu'on ne se plaignistdelui.
Ce discours
surprit tellement le Chevalier,
qu'il en demeura
embarassé.Ilrépondit
que n'ayant rien à se reprocher
dans sa conduite,
il ne se défendroit
point des sentimens qu'-
on lui vouloit imputer;
qu'il ne desavoüoit pas
que l'esprit & la beauté
de la personne dont il
s'agissoit ne l'eussent rendu
sensible
: mais que
tout ce qu'il sentoit demeurant
soûmis à sarai;,,'
son, il n'avoit point à I s'expliquer là-dessus ;
qu'il consentoit à ne
point partir, si l'on jugeoit
à propos qu'il sus-
, pendistson voyage: mais
qu'il seroit inutile de
lui demander qu'il 6ft
encore des visites ; qu'-
absolument il n'en rendroit
aucune à la belle
que sa fortune ne fust
! arre stée; que le Marquis
|1 ayant tant de sujet de l'aimer, pouvoiç fatisr
faire son amour, puis
qu'il ne tenoit qu'à lui
de se ren d re heureux;
& que s'il étoit vrai qu'il
fust assez ennemidu mariage
pour estre bien aise
de rompre l'engagement
qu'il avoit pris avec elle,
il pouvoit donner
telle parole qu'il lui plairoit
en son nom, avec assurance
qu'il ne seroit
pointdesavoüé. Le Marquis
n'en voulut point
sçavoir davanta ge. liaila
trouver la belle, & lui
dit qu'il étoit temps
qu'il connusts'il étoit
aimé veritablement. La
belle,qui crut qu'il pretendoit
encore la faire
expliquer, & qui se
sentoit moinsdisposée
que jamais à se réjoüir
des marques qu'il lui
pouvoit donner de sa
passion
,
lui répondit avec
beaucoup de froideur,
que sa tante [eure
pouvoit disposer de ses
volontez
, comme elle
l'en avoitdéjà assuré,
&qu'il n'étoit pas befoin
qu'il la confulrât
sur cequil avoit à faire.
Le dépit qui animoit le
Marquis depuis quelque
temps, le fit passer
par- dessus l'aigreur de
cette réponse. Il repliqua
qu'elle n'étoit pas
entrée dans ce qu'il avoit
voulu lui dire;que
s'étant examiné dans les
sentimens qu'il avoit
pour elle, il s'etoit connu
si mal disposé au mariage,
que dans la crainte
de ne la pas rendre
aussiheureuse qu'elle
meritoit de rcfirej il la
prioit, si elle avoit un
peu de bonté pour lui,
de vouloir bien recevoir
son frere en sa place, &C
de trouver bon qu'il allât
traiter cette affaire
avec sa tante. L'émotion
que fit voir la belle trahit
tout le secret de son
coeur. Elle ne sçut que
répondre, tant la joye
l'avoit saisie; & ce ne
fut qu'aprés que le Marquis,
en continuant a
lui parler,lui eut donné
le temps de vaincre son
trouble,qu'elle lui dit,
quoy qu'un peu deconcertée
,
qu'elle se feroit
toûjoursun fujctde joye
de l'obliger: mais qu'-
elle n'avoit pas lieu de
presumer assez d'elle-même,
pour se flater que
le
le mariagequ'il lui proposoit
fût agreable à son
frere. Le Marquis en répondit,
&cetteassurance
mit la belle dans un
état de plaisir, qui lui fit
connoître tout ce que
l'amour avoit produit
pour le Chevalier. L'en-
, tiere certitude qu'il en
eut par là le fit resoudre
à ne plus songer à elle,
& s'applaudissant de ce
dessein, comme s'il eût
dû la punir & le vanger,
parce qu'en effet le
parti du Chevalier lui
étoit moins avantageux,
il alla trouver latante.
Elle fut surprise de ce
changement : mais il
lui parla d'un air si libre,
& lui peignit avec
,
tant de force le dégoût
presque invincible qu'il
avoit du mariage, ( ce
qui l'avoit obligé d'amener
son frere chez sa
niece, dont il avoit bien
prévû qu'il deviendroit
amoureux ) qu'elle demeura
persuadée qu'il
nedisoitrien qui ne fût
vrai.Elle ne voulut pourtant
lui donner aucune
parole, qu'elle n'eût fçû
les sentimens de sa niece.
Elle les avoit déja pêne-*
trez, & lui reprocha qu'-
elle perdoit le rang de
Marquise pour ne s'être
pas assez possedée : mais
c'étoit un jeune coeur
surpris par l'amour, sans
qu'il se fust fait connoître.
La bellene put s'empêcher
de parler du Chevalier
d'une maniere fort
avantageuse;&satante
la vit tellement satisfaite
de ce choix, qu'elle
y donna son consentement.
Le Chevalier resista
long-temps à ce
que son frere avoit fait
pour lui. Il le pria de
se mieux examiner, Se
de craindre qu'un peu
de chagrin n'eust part à
laresolution qu'il avoit
prise: mais plus il fit
voir pour lui d'honnê-
1 teté là-dessus
,
plus le
; Marquis l'assura querien
'; ne lui pouvoit faire tant
, de plaisir que son mariage,
& il lui reïtera ces
assurances avec des manieres
si ouvertes Se d'un
cfprit si content, qu'il
ne laissa plus de scrupule
au Chevalier. Il continua
de se fcrvir du mê- tme pretexte; Se pour
mieux faire paroître que
son coeur étoitentierement
libre,ilfit dresser
te contrat lui-même,&
voulut faire les frais de
la noce. Rien ne lui fit
peine en tout cela, & il
leprocesta à tous ses amis.
Cependant on ne
futpasplutôt revenu de
l'Egliseoù le mariage
venoitd'estrefait,qu'on
fut surpris de le voir tomber
dans un chagrin extraordinaire.
Ilditqu'il
se trouvoit mal, & en
effet deux heures après
la fievre le prit avec une
extreme violence. Cet
accident troubla fort la
joye des mariez; & leur
déplaisir augméta beaucoup
le lendemain,
quand le transport au
cerveau ne le laissant
plusmaîtrede sa raison,
fit connoître la vraiecause
de son mal. Il dit cent
choses touchantes sur ce
qu'il n'avoit pu se faire
aimer de la bélier sur
la necessité où il setoit
veu de la ceder à son
frcre. On connut par là
qu'il s'étoitfait violence,
& que la contrainte qu'il
avoir tâché de s'imposer
lavoir réduit au tnalheureuxétatoù
il Ce trouvoit.
Ilvécutencoretrois
jours, pendant lesquels
ses agitations redoublerent
,
sans qu'il cessât
de parler du defcfpoir
où lavoit jette son trop
de delicatcfsc.
nouvelle.
N Gentilhomme
d'un ver itable mérite
, 5c d'une naissance
aflfczdiftinguée pour a:-,,
Voir[pris'lenomde Marquis
sans qu'on pût dire
qu'il l1eueusurpé, étant
un jour allé entendre un
concert, où il fut mené
par un ami, trouva dans
la maison où il se faisoit
une Demoiselle dont la
beauté lui parut piquante.
Elle étoitblonde,
avoit les traits assez reguliers,
le teint d'un
éclat qui surprenoitC 8C
une douceur toute charmante
répandue sur son
vifagc. Il fit fibien qui
se plaça auprès d'elle; &C
tandis que tout le monde
prêtoit l'oreille avec
foin aux belles voixdont
le concert etoit composé
,
il eut lesyeuxtoûjours
attachez sur cette
aimable personne. Les
paroles qu'on chanta lui
donnèrent lieu de l'entretenir.
Il en tira de
quoy la flater sur son merité;&
s'il la mit dans
quelque embarras à forr
ce de lui donner des
loüanges, il ne laissa pas
de s'appercevoir qu'elle
avoit l'esprit aisé, &C
que le silence qu'ellegardoit
quelquefois étoit un
effet de sa mode stie. Il
ne sortit point de l'assemblée
sans avoir appris qui
elle étoit. Il fçut que sa
qualitérépondoit à fou
merite, & qu'ayant perdu
(on pere & sa mere
dans son plus bas âge,
elle demeuroit chez une
tante quis'étoit chargée
ic Ca conduite. jCorrune
4, l'avoittrouvce toute
aimable, l'envie de la
voir avec quelque liberté
Lui fie ch erc her accès
auprès de la tante;Se
vous jugez bien qu'ayant
de l'esprit 8c du fçavoirfaiiç
,il n'eut pas de peine
à y relilTiF, Dans les
premiers foins qu'il s'attacha
à lui rendre, son
unique vûë fut le plaisir
-d'un amufernent honne.
te qui l'occupât pendant
quelques heures. Il dit
force douceurs à la bellesepreparant
au triomphe
d'attendrir un jeune
coeur. Ce ne lui fut
pas une chose aisée. Elle
s3'accoûA tuma a 1l,'entendre
,
sans qu'aucun sentiment
particul ier lui
fîr découvrir qu'elle fut
touchée; &cetteespece
d'indiffcrence blessant le
Marquis, qui étoit fier
naturellement, il ne put
souffiir sans beaucoup
de peine qu'elle lui ôtât
la gloire de lui laisser remarquer
en elle un commencement
de passion.
Ce n'est pas qu'elle n'eût
pour lui des honnêtetez,
dont il eût eu lieud'être
content, s'iln'eût souhaité
que del'estime :
ma is ce n'étoientpoint
des honnêtetez de diftinérion,
& il regardoit
comme une honte, qu'-
elle attendît son entier
hommage pour se declarer,
après que partout
ailleurs on l'avoit
presque toûjours prévenu
par des avances. Cependant
les manières de
la belle, de quelque froideur
qu'elles lui parussent
, ne laisserent pas
d.e1:enflâmer, Si meme
on peut dire que ce fut
ce qui porta son amour
à toute la violence qu'il
commença de sentir. Il
iy abandonna malgré
lui, & à quelque plix
que ce pût étre, il rèlOlut
de.se donner le plaisir
de se fairedirequ'il
étoit aimé. Ses empreffçmeus,
qu'il redoubla.,
le firent voir le plus amoureux
de tous les
hommes. Il dit à la belle
leschofès les plus flateuses,
& ne douta point
qu'en lui déclarant qu'il
la vouloit époufer,il ne
lui çausât toute la joye
que lui devoit inspirer
une alliance si avantageufe.
La belle reçut
cette dec laration avec
beaucou p de reconnoiiTance
> &C après lui
avoir marqué en ternies
fort serieux qu'clle
luiétoit sen siblement
obligée de l'honncur
qu'illui faisoit,elleajouta
que dépendant d'une
tante, dont lesvolontez
regloient les siennes,cetoit
à elle qu'il se devoit
adresser. Une réponse si
peu attenduë déplut au
Marquis. Ilditàlabelle,
avec un peu de chagrin,
qu'ilnesongeoit à se
marier que pour vivre
heureux > qu'il ne pouvoit
l'être s'iln'avoit son
coeur, & que ne voulant
le devoir qu'à dtcmême,
il seroit fort inutile
de lui faire demander,
le consentement de
ses parens, tant qu'illa
verroic dans cette reserve.
Il fie ce qu'il put pour
l'en tirer, & ses plus fortes
prieres n'obtinrent
rien de plus favorable
pour sa paisson
,
qu'une
assurance qu'elle suivrois
son devoir sans aucune
peine, & qu'aussitôt
que sa tante auroit
parlé0 il auroit sujet d'être
content. Le Marquis
tira de làuneconfequence
qui fit fbuHrirfa delicateffc.
Il s'en expliqua
avec la belle
,
& lui dit'
d'un ton de plainte,qu'il
lui devoit estre bien fâi
cheux de, voir que si la
tanre soppofoit à (on
bonheur, clic feroit prelte
à le dégager pour la
fatisfiuie. Labelle luircpliqua
qu'il se faisoit
tore de craindre qu'on
n'eust pas pour lui les
égards qui étoient deus
6càsonmérité & à sa
naissance;S£ n'ayant pu
l'obliger de se declarer
plus precifémerit, illui
fit connoître qu'il alloit
remettre au temps le
succés de sesdesseins,
afin que Imipression que
ses services feroient sur
son coeur lui fît tenir
d'elle feule ce que son
amour ne pouvoit devoir
à d'autres. Il continua
ses soins, qui furent toujours
reçus d'une man
iéré assez engageante.
L'étatoù il se trouvoit avoir
quelque chose d'extraordinaire.
Il aimoit
avec excés ; & quoique
labelle lui fît voir beaucoup
coup d'estime, 6C qu'il
ne remarquât rien qui
lui fît apprehender que
sa recherche ne lui sust
pas agreable, il ne pouvoit
se resoudre à presser
de rien conclure,
| parce qu'il ne voyoit pas
i qu'elle eust pour luy les
< empressemens dont il
croyoit que sa passion le
; rendroit digne. Les cho-
} ses ayant encore demeuré
un peu detempsdans
ces melmes termes,elles
changèrent de face par
un incident qui eut des
fuites qu'on n'attendoit
pas. Le Marquis avoit
un frere qu'on nommoit
Je Chevalier. Il estoit à
Rome depuis trois ou
quatre années, & il en
revint en ce temps-là.
Le Marquis qui avoit
toujours vescu avec luy
dans la plus étroiteliaison
que l'amitié ait jamais
établie entre deux
freres
, ne manqua pas
un peu après son retour,
de l'entretenir de samaistresse.
Ilne luy parla
ni de son esprit ni de sa
beauté, &C voulant qu'il
en jugeast par luy-mesme,
ille mena chez cette
jeune personne. Le Chevalier
qui avoit acquis
dans ses Voyages certaines
maniérés pleines
d'agrément qui perfectionnent
les heureux ta-
Jens que l'on a receus de
la natute,brilla fort avec
la belle dans une assez
longue conversationqui
fut aussivive qu'enjoüée.
Il fut touché de ce qu'il
connut d'aimable en elle,
& son frere luy ayant
demandé son sentiment,
il luy en dit millebiens,
& ne pouvoit fc lasser
de luy applaudir sur le
choix qu'il avoit fait.
Le Marquis ravi d'estre
approuvé, &. ne trouvant
point de plus grand
plaisir que d'entendre
parler d'elle,engagea le
Chevalier à la voir souvent.
C'estoient toujours
de nouveaux applaudiffemens
qu'il recevoir sur
f sa passion; & comme il
i estoitaisé de voir que le
Chevalier luy parloirde
bonne soy, & que rien
n'enflâme tant que les
:; louanges qu'on entend
donner ace qu'on aime,
J le Marquis sans y penser
i prenoit desredoublemés
; d'amour dont il ne pouvoit
démefler toute la
force. Il trouvoit que sa
maistresse avoit plus d'esprit
de jour en jour, &C
il ne comprenoit pas
qu'il lui étoit inspiré par
l'envie de plaire. La belle
ne sçavoit pas ellemesme
d'où lui venoient
de certains je ne sçay
quoy qui la rendoient
pluscharmante, & qui
lui donnoient en tout
une vivacité extraordinaire.
Elle suivoit un
panchant quelle neconnoissoit
pas, & le Chevalier
ne faisantrien qui
ne parlast à sonavantage,
elle abandonnoic son
coeur avec plaisir à des
sentimens qu'ellen'avoit
jamais eus. Elle ne s'a pperceut
mesme qu'ils
étoient nouveaux pour
elle, que lorsque le Chevalier
passa trois ou quatre
jours sans la venir
voir avec son frere. Elle
en montra quelque trouble,&
l'empressement
qu'elle avoit à demander
ce qui l'occupoit ailleurs,
étoit une marque
qu'elle y prenoit intesest.
Elle étoit moins
gaye lereste du jour, &
quand le Chevalier revenoit
, outre la joye
qu'elle laissoit éclater sur
son virage, elle lui faisoit
de si obligeans reproches
de sa négligence
, qu'elle ne pouvoit
lui dire plus ouvertement
ment que rien ne lui
plaisit tant que ses visites.
Elle ne cachoit rien
detoutecela au Marquis,
parce qu'agissant naturellement,
& n'ayant jamais
connu ce que c'étoit
quel'amour elle
étoit bien éloignée de
penser qu'il y eust rien
dans ses sentimens dont
il lui salut faire mystere.
Cependant comme
un amant véritablement
touché a les yeux bien
éclairez sur les moindres
choses, le Marquis
connut bientôt que sa
maîtreflfe sentoit pour le
Chevalier ce qu'il n'avoit
jamais pu lui faire
sentir pour lui. Il en eut
un depit secret qui fut
soutenu par sa fierté;
& au lieu d'y donner
ordre en l'empeschant
de le voir, il s'en fie accompagner
toutes les
fois qu'il alla chez elle.
Il étoit toujours de bonnehumeur;
Se sans laisfer
échaper aucun mouvement
ni de jalousie,
ni de chagrin, il montroit
un esprit libre qui
auroit trom pé les plus
clairvoyans. Le Chevalier
y fut abusé, & ne
crut point que par cette
fausse liberté d'esprit il
se ménageât celled'observer
ce qui se passoit
dans le coeur de samaitresse
: mais comme la
belle avoit pour lui une
honnesteté qui lui découvroit
des sentimens
plus forts que l'estime,
& qu'il se feroit senti de
grandes dispositions à y
répondre sans l'engagement
où il la voyoit, il
resolut, & pour Ton repos
, & pour s'acquicrer
de ce qu'il devoit à l'amitié
du Marquis, de renoncer
à une voue agreable,
mais qui pouvoie
le mettre en peril d'aller
plus loin qu'il ne lui
étoit permis. Ilavoitdéja
celle de parler si fortement
à son frere du
mérite de la belle, de
peur que le plaisir d'en
dire du bien ne découvrist
trop ce qu'il eust
voulu pouvoir se déguiser
à lui-mesme 5 & le
Marquis
,
homme attentif
à tout remarquer,
avoit jugé comme il le
devoit de cette reserve.
Ainsi quand le Chevalier
lui dit qu'il avoit
dessein de faire un voyage,
il entra d'abord dans
le motifqui en étoit eause
;& ce que la belle lui
avoit fait paroîtreavec
ingénuité de ses nouveaux
sentimens, ne lui
permettant point de
douter que leurs coeurs
ne s'entendirent sans
s'être expliquez, il fit
un effort sur lui pour
ne montrer aucune foiblesse.
A pres avoir pris
un visage gai, ildità
son frere qu'il voyoit
son embarras; que non
seulement il aimoit la
belle: mais qu'il avoit
dû s'appercevoir qu'il
avoit touché son coeur;
& que pour n'écouter
pas une passion qui lui
pouvoit attirer le blâme
de s'être fait son rival,
il se resol voit à s'éloigner.
Là dessus il l'embrassa,
comme lui étant
fort obligé des égards
honncces qu'il avoit
pour lui,&luidit enfuite
queleplus grand
plaisir qu'il lui pouvoic
faire étoit de ne point
partir, &, de continuer
à voir sa maitresse. Il
ajoûta qu'il l'aimoit
beaucoup
par les belles
qualitez qui la rendoient
estimable:mais que son
amour n'ayant jamais
été assezfort pour lui
faire vaincre l'aversion
qu'il avoit toûjours sentie
pour le mariage, il
s'étoit tenu dans les seuls
termes d'amant, sans avoir
osé pousser les cho
ses plus loin : qu'a prés
l'ouverture qu'il lui faisoit,
c'étoit à lui à se con- sulter, & que s'il étoit
assez amoureux pour
vou loir bien épouser la
belle, il lui cederoit ses
pretentions avec d'autant
plus de joye, qu'il
empêcheroiten l'épousant
qu'on ne se plaignistdelui.
Ce discours
surprit tellement le Chevalier,
qu'il en demeura
embarassé.Ilrépondit
que n'ayant rien à se reprocher
dans sa conduite,
il ne se défendroit
point des sentimens qu'-
on lui vouloit imputer;
qu'il ne desavoüoit pas
que l'esprit & la beauté
de la personne dont il
s'agissoit ne l'eussent rendu
sensible
: mais que
tout ce qu'il sentoit demeurant
soûmis à sarai;,,'
son, il n'avoit point à I s'expliquer là-dessus ;
qu'il consentoit à ne
point partir, si l'on jugeoit
à propos qu'il sus-
, pendistson voyage: mais
qu'il seroit inutile de
lui demander qu'il 6ft
encore des visites ; qu'-
absolument il n'en rendroit
aucune à la belle
que sa fortune ne fust
! arre stée; que le Marquis
|1 ayant tant de sujet de l'aimer, pouvoiç fatisr
faire son amour, puis
qu'il ne tenoit qu'à lui
de se ren d re heureux;
& que s'il étoit vrai qu'il
fust assez ennemidu mariage
pour estre bien aise
de rompre l'engagement
qu'il avoit pris avec elle,
il pouvoit donner
telle parole qu'il lui plairoit
en son nom, avec assurance
qu'il ne seroit
pointdesavoüé. Le Marquis
n'en voulut point
sçavoir davanta ge. liaila
trouver la belle, & lui
dit qu'il étoit temps
qu'il connusts'il étoit
aimé veritablement. La
belle,qui crut qu'il pretendoit
encore la faire
expliquer, & qui se
sentoit moinsdisposée
que jamais à se réjoüir
des marques qu'il lui
pouvoit donner de sa
passion
,
lui répondit avec
beaucoup de froideur,
que sa tante [eure
pouvoit disposer de ses
volontez
, comme elle
l'en avoitdéjà assuré,
&qu'il n'étoit pas befoin
qu'il la confulrât
sur cequil avoit à faire.
Le dépit qui animoit le
Marquis depuis quelque
temps, le fit passer
par- dessus l'aigreur de
cette réponse. Il repliqua
qu'elle n'étoit pas
entrée dans ce qu'il avoit
voulu lui dire;que
s'étant examiné dans les
sentimens qu'il avoit
pour elle, il s'etoit connu
si mal disposé au mariage,
que dans la crainte
de ne la pas rendre
aussiheureuse qu'elle
meritoit de rcfirej il la
prioit, si elle avoit un
peu de bonté pour lui,
de vouloir bien recevoir
son frere en sa place, &C
de trouver bon qu'il allât
traiter cette affaire
avec sa tante. L'émotion
que fit voir la belle trahit
tout le secret de son
coeur. Elle ne sçut que
répondre, tant la joye
l'avoit saisie; & ce ne
fut qu'aprés que le Marquis,
en continuant a
lui parler,lui eut donné
le temps de vaincre son
trouble,qu'elle lui dit,
quoy qu'un peu deconcertée
,
qu'elle se feroit
toûjoursun fujctde joye
de l'obliger: mais qu'-
elle n'avoit pas lieu de
presumer assez d'elle-même,
pour se flater que
le
le mariagequ'il lui proposoit
fût agreable à son
frere. Le Marquis en répondit,
&cetteassurance
mit la belle dans un
état de plaisir, qui lui fit
connoître tout ce que
l'amour avoit produit
pour le Chevalier. L'en-
, tiere certitude qu'il en
eut par là le fit resoudre
à ne plus songer à elle,
& s'applaudissant de ce
dessein, comme s'il eût
dû la punir & le vanger,
parce qu'en effet le
parti du Chevalier lui
étoit moins avantageux,
il alla trouver latante.
Elle fut surprise de ce
changement : mais il
lui parla d'un air si libre,
& lui peignit avec
,
tant de force le dégoût
presque invincible qu'il
avoit du mariage, ( ce
qui l'avoit obligé d'amener
son frere chez sa
niece, dont il avoit bien
prévû qu'il deviendroit
amoureux ) qu'elle demeura
persuadée qu'il
nedisoitrien qui ne fût
vrai.Elle ne voulut pourtant
lui donner aucune
parole, qu'elle n'eût fçû
les sentimens de sa niece.
Elle les avoit déja pêne-*
trez, & lui reprocha qu'-
elle perdoit le rang de
Marquise pour ne s'être
pas assez possedée : mais
c'étoit un jeune coeur
surpris par l'amour, sans
qu'il se fust fait connoître.
La bellene put s'empêcher
de parler du Chevalier
d'une maniere fort
avantageuse;&satante
la vit tellement satisfaite
de ce choix, qu'elle
y donna son consentement.
Le Chevalier resista
long-temps à ce
que son frere avoit fait
pour lui. Il le pria de
se mieux examiner, Se
de craindre qu'un peu
de chagrin n'eust part à
laresolution qu'il avoit
prise: mais plus il fit
voir pour lui d'honnê-
1 teté là-dessus
,
plus le
; Marquis l'assura querien
'; ne lui pouvoit faire tant
, de plaisir que son mariage,
& il lui reïtera ces
assurances avec des manieres
si ouvertes Se d'un
cfprit si content, qu'il
ne laissa plus de scrupule
au Chevalier. Il continua
de se fcrvir du mê- tme pretexte; Se pour
mieux faire paroître que
son coeur étoitentierement
libre,ilfit dresser
te contrat lui-même,&
voulut faire les frais de
la noce. Rien ne lui fit
peine en tout cela, & il
leprocesta à tous ses amis.
Cependant on ne
futpasplutôt revenu de
l'Egliseoù le mariage
venoitd'estrefait,qu'on
fut surpris de le voir tomber
dans un chagrin extraordinaire.
Ilditqu'il
se trouvoit mal, & en
effet deux heures après
la fievre le prit avec une
extreme violence. Cet
accident troubla fort la
joye des mariez; & leur
déplaisir augméta beaucoup
le lendemain,
quand le transport au
cerveau ne le laissant
plusmaîtrede sa raison,
fit connoître la vraiecause
de son mal. Il dit cent
choses touchantes sur ce
qu'il n'avoit pu se faire
aimer de la bélier sur
la necessité où il setoit
veu de la ceder à son
frcre. On connut par là
qu'il s'étoitfait violence,
& que la contrainte qu'il
avoir tâché de s'imposer
lavoir réduit au tnalheureuxétatoù
il Ce trouvoit.
Ilvécutencoretrois
jours, pendant lesquels
ses agitations redoublerent
,
sans qu'il cessât
de parler du defcfpoir
où lavoit jette son trop
de delicatcfsc.
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Résumé : AVANTURE nouvelle.
Le texte narre l'histoire d'un Marquis, homme de mérite et de haute naissance, qui rencontre une jeune demoiselle lors d'un concert. Séduit par sa beauté et son esprit, il cherche à la fréquenter et découvre qu'elle vit sous la tutelle de sa tante, qui dirige sa vie. Le Marquis, sincèrement amoureux, est blessé par l'indifférence apparente de la jeune femme. Il redouble ses efforts pour gagner son cœur, mais elle reste réservée, invoquant toujours la volonté de sa tante. Un jour, le frère du Marquis, le Chevalier, revient de Rome et est présenté à la jeune femme. Le Chevalier, charmant et spirituel, plaît beaucoup à la demoiselle. Le Marquis, encouragé par les louanges de son frère, continue de fréquenter la jeune femme, mais il finit par remarquer qu'elle développe des sentiments pour le Chevalier. Ce dernier, conscient de la situation, décide de partir pour éviter de trahir l'amitié de son frère. Le Marquis, devinant les sentiments de la jeune femme, confronte son frère. Le Chevalier avoue son attirance mais décide de renoncer à elle par respect pour son frère. Le Marquis, malgré son amour, ne parvient pas à obtenir une déclaration claire de la part de la jeune femme, qui reste fidèle à sa réserve. La situation reste tendue, marquée par des sentiments non exprimés et des malentendus. Par la suite, le Marquis, initialement réticent au mariage, propose à sa nièce d'épouser son frère. La nièce, émue et joyeuse, accepte de recevoir le Chevalier. Le Marquis, constatant l'amour de sa nièce pour le Chevalier, décide de ne plus songer à elle et va voir sa tante pour discuter de cette union. La tante, après avoir discuté avec sa nièce, donne son consentement. Le Chevalier, d'abord hésitant, finit par accepter après les assurances de son frère. Le Marquis organise le mariage et semble content, mais tombe gravement malade peu après la cérémonie. Il est pris de fièvre et perd la raison, révélant son chagrin et son impossibilité d'être aimé par la nièce. Il meurt trois jours plus tard, après avoir exprimé son désespoir et sa délicatesse excessive.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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46
p. 12-128
HISTOIRE nouvelle.
Début :
La peste qui exerce souvent de furieux ravages dans les [...]
Mots clefs :
Amour, Monde, Veuve, Coeur, Dames, Dame, Cavalier, Chambre, Mort, Gentilhomme, Charmes, Affaires, Esprit, Comte, Rome, Pologne, Femmes, Roi, Ambassadeur, Tendresse, Hymen, Valet de chambre, Paris, Comte, Cavalier français, Aventures, Connaissances, Duc, Fête, Veuve, Yeux, Beauté, Maison, Récit, Amis, Compagnie, Voyage, Mariage, Province, Étrangers, Peste, Curiosité, Honneur, Bosquet, Hommes, Varsovie
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE nouvelle.
HISTOIRE
nouvelle .
LA peſte qui exerce
ſouvent de furieux ravages
dans lesPaïsduNord,
avoit déja détruit prés
d'un tiers de la belle Ville
de Varſovie , ceux de ſes
habitans qui avoient
quelque azile dans les
campagnes , l'abandonnoient
tous les jours ;
pluſieurs alloient à cent
GALANT. 13
lieuës&plus loin encore,
chercher à ſe preſerver
des perils de la conta
gion , lorſque la Palatine
de ... arriva à Dantzic
avec pluſieurs Dames de
confideration qui n'avoient
pas voulu quitter
Varſovie ſans elle.
Le Marquis de Canop
qui eſt un des plus dignes
& des plus honneftes
homes qu'on puiſſe voir,
& qui jouoit un tresgrand
rôle en Pologne ,
14 MERCURE
eſtoit alors à Dantzic ,
où il receut la Palatine
avec tous les honneurs &
toutes les feftes qu'on
puiſſe faire àune des plus
charmantes & des plus
grandes Princeſſes du
monde.drov mes
Des intereſts d'amour,
autant que la crainte de
la maladie , avoient dé
terminé pluſieurs Sei
gneurs Polonois à ſuivre
la Palatine & les Dames
qui l'accompagnoient :
GALANT.
ces Illuſtres captifs qui
n'avoient point abandon-
-néle Char de leur Maitreffe
pendant leur route ,
regarderent leur retraite
à Dantzic , comme l'azile
dumõde le plus favorable
à leurs foupirs. Mais parmi
tant de jeunes beautez
qui briguoient peuteſtre
encore plus d'hommages
qu'elles n'en recevoient
, rien n'eftoit plus
admirable , que le droit ,
qu'uneDame autant ref-
وت
16 MERCURE
pectable par la majeſté
de ſes traits , que par le
nombre de ſes années ,
ſembloit avoir ſur les
cooeurs de tous ceux qui
l'approchoient.
Il n'eſt pas eſtonnant
qu'à un certain âge , on
plaiſe à quelqu'un , mais
quelque beau retour
qu'on puiſſe avoir , il eſt
rare que dans un âge
avancé, on plaiſe à tout
le monde.
La Dame dont je parle,
&
GALANT. 17
&qui avoit cet avantage,
ſe nommoit alors Madame
Belzeſca , elle avoit
eü déja trois maris , &
au moins mille Amants,
elle s'eſtoit tousjours conduite
avec tant de difcretion
& d'innocence , que
les plus hardis & les plus
emportés de ſes adorateurs
n'avoient jamais ofé
donner la moindre atteinte
à ſa réputation : enfin à
quinze ans elle avoit ſou
ſe faire reſpecter comme
May1714. B
18 MERCURE
à ſoixante , & à foixante
paffées ſe faire aimer &
fervir comme à quinze.
Une femme de fa Province,
de fon âge , & qui
depuis fon premier mariage
l'a ſervie juſqu'à
préſent , m'a conté dix
fois fon hiſtoire , comme
je vais la raconter.
Voicy à peu prés ce
que jay retenu de fes
avantures.
Madame Belzeſca eft
originaire d'un Villagede
:
GALANT 12
!
Tourainne , fon Pere qui
eſtoit frere du Lieutenant
Generald'une des premieres
Villes de cette Province
, y poffedoit des biens
affez confiderables . Elle
reſta ſeule de 9. enfants
qu'eut ſa Mere , qui ne
l'aima jamais. Satendreſſe
pour un fils qu'elle avoit,
lorſqu'elle vint au monde;
en fit à ſon égard une
maraſtre ſi cruelle , que
l'oin d'accorder la moindre
indulgence aux ſentih
Bij
20 MERCURE
>
ments de la nature , quelques
efforts que fit fon
mary pour la rendre plus
humaine , elle ne voulut
jamais confentir à la voir.
Cette averſion s'eſtoit
fortifiée dans ſon coeur
ſur la prédiction d'un Berger
qui luy dit un jour ,
deſeſperé des mauvais
traittements dont elle
l'accabloit , qu'elle portoit
en fon fein un enfant
qui le vangeroitdesmaux
qu'elle luy faifoit. Cette
GALANT. 21
malheureuſe Prophetie
s'imprima ſi avant dans
ſon ame , que l'exceffive
haine qu'elle conceut
pour le fruit de cette couche
, fut l'unique cauſe
de la maladie dont elle
mourut. L'enfant qui en
vint , fut nommé Georgette
Pelagie le ſecond
jour de ſa naiſſance , &le
troifiéme emmenée dans
le fond d'un Village , où
la fecrette pieté de fon
Pere , &la charité de ſa
22. MERCURE
tendre nourrice l'elevérent
juſqu'à la mort de fa
mere , qui , eutà peine les
yeux fermés, qu'on ramena
ſa fille dans les lieux
où elle avoit receu le jour.
Pelagie avoit alors prés
de douze ans , &déja elle
eſtoit l'objet de la tendrefſe
de tous les habitans ,
&de tous les voiſins du
Hameau dont les foins
avoient contribué à la
mettre à couvert des rigueurs
d'une mere inhu
4
GALANT. 23
|
€
maine. Ses charmes naiffans,
avec mille graces naturelles
, ſa taille & fes
traits qui commençoient
à ſe former , promettoient
tant de merveilles aux
yeux de ceux qui la vor
yoient, que tous les lieux
d'alentour s'entretenoient
déja du bruit de ſa beauté.
Un eſprit tranquille ,
un temperament toûjours
égal , une grande attention
ſur ſes diſcours , &&&
une douceur parfaite
1
24 MERCURE
avoient preſque réparé
en elle le déffaut de l'éducation
, lorſque ſon Pere
réſolut de la conduire à
Tours.Quoyque l'air d'une
Ville de Province , &
celuy de la campagne ſe
reffemblent affés , elle ne
laiſſa pas de trouver là
d'honneſtes gens qui regarderent
les ſoins de l'inſtruire
comme les plus
raiſonnables foins du
monde. Mais il eſtoit
temps que le Dieu qui
fait
GALANT. 25
fait aimer commençaſt a
ſe meſler de ſes affaires ,
& que fon jeune coeur
apprit à ſe ſauver des pieges
& des perils de l'amour.
La tendreſſe que
ſes charmes inſpiroient
échauffoit tous les coeurs,
à meſure que l'art poliffoit
ſon eſprit , & fon
eſprit regloit ſes ſentimens
à meſure que la
flatterie eſſayoit de corrompre
ſes moeurs. Mais
c'eſt en vain que nous
May 1714.
,
C
26 MERCURE
prétendons nous arranger
fur les deſſeins de noſtre
vie , toutes nos précautions
ſont inutiles contre
les arreſts du deſtin .
Le Ciel refervoit de
trop beaux jours à l'heureuſe
Pelagie ſous les
loix de l'amour , pour
lui faire apprehender davantage
les écuëils de fon
empire. Cependant ce fut
une des plus amoureuſes
& des plus funeftes avantures
du monde qui déGALANT.
27
termina ſon coeur à la
tendreſſe.
Un jour ſe promenant
avec une de ſes amies ſur le
bord de la Loire , au pied
de la celebre Abbaye de
Marmoutier,elle apperceut
au milieu de l'eau un petit
batteaudécouvert , dans lequel
étoient deux femmes ,
un Abbé ,& le marinier qui
les conduiſoità Tours : mais
ſoit que ce bateau ne valuſt
rien ou que quelque malheureuſe
pierre en euſt écarté
les planches , en un moment
tout ce miferable é-
Cij
28. MERCURE
quipage fut enseveli ſous
les eaux. De l'autre coſté
de la riviere deux cavaliers
bien montez ſe jetterent à
l'inſtant à la nage pour ſecourir
ces infortunez ; mais
leur diligence ne leur ſervit
au peril de leur vie , qu'au
falut d'une de ces deux femmes
, que le moins troublé
de ces cavaliers avoit heureuſement
attrapée par les
cheveux , & qu'il conduifit
aux pieds de la tendre Pelagie
, qui fut fi effrayée de
cet affreux ſpectacle , qu'elle
eutpreſque autant beſoin
GALANT. 29
!
de ſecours , que celle qui
venoit d'eſtre ſauvée de cet
évident naufrage , où l'autre
femme & l'Abbé s'eftoient
desja noyez .
:
Le cavalier qui avoit eſté
le moins utile au falut de la
perſonne que ſon ami venoit
d'arracher des bras
de la mort , eſtoir cependant
l'amant aimé de la Dame
délivrée ; mais ſon amour
, fon trouble & fon
deſeſpoir avoient telle.
ment boulversé ſon imagination
, que bien loin de ſe
courir les autres , il ne s'en
C iij
30 MERCURE
fallut preſque rien qu'il ne
perift luy meſme: enfin fon
cheval impetueux le remit
malgré luy au bord d'où il
s'eſtoit précipité ; auffi- toft
il courut à toute bride, iltraverſa
la ville , & pafla les
ponts pour ſe rendre fur le
rivage , où ſa maiſtreſſe recevoit
toute forte de nouveaux
foulagements de Pelagie
, de ſa compagne , &
de ſon ami.
L'intrepidité du liberateur,
ſa prudence , ſes ſoins
& fa bonne mine pafferent
fur le champ pour des mer
GALANT. 31
veilles aux yeux de Pelagie,
De l'admiration d'une certaine
eſpece , il n'y a ordinairement
, ſans qu'on s'en
apperçoive , qu'un pas à
faire à l'amour , & l'amour
nous mene ſi loin naturellement
qu'il arrache bientoſt
tous les conſentements
de noſtre volonté. En vain
l'on ſe flatte d'avoir le tems
de reflechir , en vain l'on
veut eſſayer de ſoumettre
le coeur à la raiſon , l'eſprit
dans ces occafions eft tousjours
ſeduit par le coeur , on
regarde d'abord l'objet avec
C iiij
32 MERCURE
complaiſance.les préjugez
viennent auſſi toſt nous é
tourdir , & nous n'eſperons
ſouvent nous mieux deffendre
, que lorſque noſtre inclination
nous determine à
luytout ceder.
La tendre Pelagie eſtonnée
de ce qu'elle vient de
voir , n'ouvre ſes yeux embaraffés
, que pour jetter
des regards languiſſans
vers la petite maiſon , où
quelques Payſans aidés de
nos deux Cavaliers emportent
la Dame qui vient d'eftre
delivrée de la fureur
GALANT. 33
des flots. Elle n'enviſage
plus l'horreur du peril
qu'elle lui a vû courir ,
comme un ſpectacle ſi digne
de compaſſion , peu
s'en faut meſme qu'elle
n'envie ſon infortune.
Quoique ſes inquietudes
épouvantent ſon coeur , fes
intereſts ſe multiplient , à
meſure que cette troupe
s'éloigne d'elle . Elle croit
desja avoir démeflé que
ſon Cavalier ne ſoupire
point pour la Dame , ni la
Dame pour lui ; neanmoins
ſon eſprit s'en fait
34 MERCURE
une Rivale , elle aprehende
qu'un ſi grand ſervice
n'ait quelqu'autre motif
que la pure generofité , ou
pluſtoſt elle tremble qu'un
amour extreſme ne ſoit la
récompenſe d'un fi grand
ſervice. Cependant elle retourne
à la Ville , elle ſe
met au lit , où elle ſe tour.
mente , s'examine & s'afflige
, à force de raiſonner
fur certe avanture , dont
chacun parle à ſa mode
elle la raconte auffi tous
و
ceux qui veulent l'entendre
, mais elle s'embaraſſe
GALANT.
35
,
د tellement dans ſon récit
qu'il n'y a que l'indulgence
qu'on a pour ſon innocence
& ſa jeuneſſe , qui déguiſe
les circonſtances
qu'elle veut qu'on ignore.
Le Chevalier de Verſan
de ſon coſté ( C'eſt le
nom du Cavalier en qui
elle s'intereſſe , ) le Chevalier
de Verſan dis-je ,
n'eſt pas plus tranquille. La
belle Pelagie eſt tousjours
preſente à ſes yeux , enchanté
de ſes attraits , il va,
court , & revient , par tout
ſa bouche ne s'ouvre , que
36 MERCURE
,
,
pour vanter les appas de
Pelagie. Le bruit que cet
Amant impetueux fait de
fon amour frappe auflitoſt
ſes oreilles , elle s'applaudit
de ſa conqueſte
elle reçoit ſes viſites , écoute
ſes ſoupirs , répond à ſes
propoſitions , enfin elle
conſent , avec ſon Pere ,
que le flambeau de l'hymen
éclaire le triomphe de
fon Amant. Cette nouvelle
allarme , & deſeſpere
en vain tous ſes Rivaux. Il
eſt heureux déja. La fortune
elle-mefme pour le com
bler de graces vient atta
cher de nouveaux préſens
aux faveurs de l'amour. La
mort de ſon frere le fait
heritier de vingt mille livres
de rente. Le Chevalier
devient Marquis : nouvel
& précieux ornement
aux douceurs d'un tendre
mariage. Mais tout s'uſe
dans la vie , l'homme ſe
demaſque , la tendreſſe reciproque
s'épuiſe imper
ceptiblement , on languit ,
on ſe quitte , peut - eſtre
meſme on ſe hait , heureux
encore ſi l'on ne fouf
38 MERCURE
fre pas infiniment des caprices
de la déſunion Mais
Prices d la mort & l'amour ſe rangent
du parti de Madame
la Marquiſe de ... que ,
pour raiſon difcrette , je
nommerai Pelagie , juſqu'à
ce qu'elle foit Madame
Belzeſca.
Ainfi l'heureuſe Pelagie
aprés avoir goufté pendant
cinq ans toutes les douceurs
de l'hymen , ne ceſſe d'aimer
fon mary ( inconſtant
huit jours avant elle )
que fix ſemaines avant ſa
mort.
GALANT. 39
Un fils unique , ſeul &
cher gage de leur union ,la
rend àvingt ansheritiere &
dépofitaire des biensdu défunt.
Elle arrange exacte
ment toutes ſes affaires, elle
abandonne tranquillement
la province , & fe rend à
Paris avec fon fils .
De quel pays , Madame ,
luy dit- on,dés qu'on la voit,
nous apportez-vous tant de
beauté? dans quelle obſcure
contrée avez - vous eu le
courage d'enſevelir ju qu'a
preſent tant de charmes ?
que vous eſtes injuſte d'a
40 MERCURE
voir ſi long - temps honoré
de voſtre preſence des lieux
preſque inconnus , vous qui
eſtes encore trop belle pour
Paris . Cependant c'eſt le
ſeul endroit du monde qui
puiſſe prétendre à la gloire
de vous regarder comme la
Reine de ſes citoyennes.
Les ſpectacles , les aſſemblées,
les promenades , tout
retentit enfin des merveillesdela
belle veuve.
Le Roy Caſimir eſtoit
alors en France , pluſieurs
grands ſeigneurs avoient
ſuivi ce Prince juſqu'à la
porte
GALANT. 41
porte de ſa retraite.
Il n'y avoit point d'eſtranger
à Paris qui ne fuſt curieux
d'apprendre noſtre
langue qui commençoit à
ſe répandre dans toutes les
cours de l'Europe , & il n'y
enavoit aucun qui ne ſceuſt
parfaitement que la connoiſſance
& le commerce
des Dames font l'art, le merite
, & le profit de cette
eftude.
Un charmant voiſinage
eſt ſouvent le premier prétexte
des liaiſons que l'on
forme.
May 1714. D
MERCURE
Pelagie avoit ſa maiſon
dans le fauxbourg S. Germain
: ce quartier eſt l'azile
le plus ordinaire de tous les
eſtrangers , que leurs affaires
ou leur curioſité attirent
à Paris .
,
La Veuve dont il eſt
queſtion eſtoit fi belle
que ſa Maiſon eſtoit tous
les jours remplie des plus
honneſtes gens de la Ville ,
& environnée de ceux qui
n'avoient chez elle ni
,
droit , ni prétexte de viſite.
Enfin on croyoit en la
voyant , que , Maiſtreſſe
GALANT. 43
!
abſoluë des mouvements
de ſon ame , elle regnoit
ſouverainement ſur l'amour
comme l'amour
qu'elle donnoit regnoit fur
tous les coeurs ; mais on ſe
trompoit , & peut- eſtre ſe
trompoit- elle elle - meſme.
Pelagie eſtoit une trop
belle conqueſte , pour n'eftre
pas bien toſt encore la
victime de l'amour.
La magnificence du plus
grand Roy du monde raviſſoit
alors les yeux des
mortels , par l'éclat & la
pompe des ſpectacles &
Dij
44 MERCURE
,
des feftes , dont rien n'avoit
jamais égalé la richefſe
& la majefté ; l'on accouroit
de toutes parts ,
pour eſtre témoins de l'excellence
de ſes plaifirs , &
chaque jour ſes peuples
eſtoient obligez d'admirer
dans le délafſſement de ſes
travaux , les merveilles de
fa grandeur.
Le dernier jour enfin
des trois deſtinés pour cette
fuperbe feſte de Verfailles,
dont la poſterité parlera
comme d'une feſte inimitable
, ce jour où l'Amour
GALANT. 45
vuida tant de fois fon Carquois
, ce jour où l'Amour
ſe plut à joüer tant de
tours malins à mille beautés
que la fplendeur de ce
Spectacle avoit attiré dans
ces lieux , fut enfin le jour
qui avança le dénoüement
du fecond du ſecond hymen de Pelagie.
Un des ſeigneurs que le
Roy Caſimir avoit amenéz
avec luy , avoit malheureuſement
veu cette belle veuve
, un mois avant de ſedéterminer
à imiter le zele &
la pieté de ſon maiſtre , elle
46 MERCURE
avoit paru à ſes yeux ornée
de tant d'agrements , ou
plutoſt ſi parfaite , que la
veuë de ſes charmes luy fit
d'abord faire le voeu de n'en
plusfaire que pour elle; mais
c'eſt un conte de prétendre
qu'il ſuffiſe d'aimer pour ef
tre aimé ; rien n'eſt plus
faux que cette maxime , &
je ſouſtiens qu'on eſt ſouvent
traité fort mal en amour
, à moins qu'une heureuſe
influence n'eſtabliſſe
des diſpoſitions reciproques.
C'eſt en vain que l'amouGALANT.
47
reux Polonois brufle pour
Pelagie , ſon eſtoille n'eft
point dans ſes interefts , elle
regarde cette flame auffi
indifféremment , qu'un feu
que d'autres auroient allumé
, & quoy qu'elle voye
tous les jours ce nouvel
eſclave l'étourdir du récit
de ſa tendreſſe , ſon coeur
ſe fait ſi peu d'honneur de
cette conquefte , qu'il femble
qu'elle ignore qu'il y
ait des Polonois au monde
.
Mais l'eſprit de l'homme
prend quelquefois des ſen48
MERCURE
timents ſi audacieux quand
il aime , que la violence
de ſa paſſion & le defefpoir
de n'eſtre point écouté
, le portent ſouvent juſqu'à
l'inſolence. D'autresfois
nos titres& noſtre rang
nous aveuglent , & nous
nous perfuadons qu'on eſt
obligé de faire , du moins
en faveur de noſtre nom
ce que nous ne meritons
,
pas qu'on faſſe pour l'amour
de nous.
Le Polonois jure , tempeſte
, & s'impatiente contre
les rigueurs de ſa Maîtreffe,
GALANT .
49
treſſe , à qui ce procedé
paroiſt ſi nouveau , qu'elle
le fait tranquillement remercier
de ſes viſites . La
rage auffi toſt s'empare de
ſon coeur , il n'eſt point de
réſolution violente qui ne
lui paroiſſe légitime , l'inſenſible
Pelagie eft injufte
de n'eſtre pas tendre pour
lui , ſa dureté la rend indigne
de ſon amour , mais
fon amour irrité doit au
moins la punir de ſa rigueur
, & quoy qu'il en
couſte à l'honneur , l'éxécution
des plus criminels
May 1714. E
10 MERCURE
projets n'est qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de ſe
vanger d'une ingratte qui
ne peut nous aimer.
Ce malheureux Amant
ſcut que ſon inhumaine
devoit se trouver à la feſte
de Verſailles, avec une Dame
de ſes amies , & un de
ſes Rivaux , dont le mérite
luy avoit d'abord fait apprehender
la concurrence ,
mais qu'il croyoit trop foible
alors pour pouvoir déconcerter
ſes deſſeins . Il
prit ainſi ſes meſures avec
des gens que ſes promeſſes
GALANT.
SI
&ſes préſents engagérent
dans ſes intereſts , & il ré.
ſolut , aſſeuré de leur courage
& de leur prudence ,
d'enlever Pelagie , pendant
que le déſordre & la confuſionde
la find'une ſi grande
feſte , lui en fourniroient
encore les moyens..
Le Carroffe & les relais
qui devoient ſervir à cet
enlevement , eſtoient déja
ſi bien diſpoſés , qu'il ne
manquoit plus que le moment
heureux de s'empa
rer de l'objet de toute cette
entrepriſe ; lorſque Pelagie
1
E ij
52
MERCURE
laſſe & accablée du ſommeilque
lui avoient dérobé
ces brillantes nuits , entra ,
avec ſon amie , dans un
fombre boſquet , où la fraîcheur
& le hazard avoient
inſenſiblement conduit ſes
pasi elle y furà peine aſſiſe,
qu'elle s'y endormit
Laiffons la pour un inftant,
dans le fein du repos
dont on va bien toſt l'arracher.
- L'occaſion est trop belle
pour n'en pas profiter ; mais
le Polonois a beſoin de tout
fon monde , pour en fortir
GALANT.
53
a ſon honneur , & il commence
à trouver tant de
difficultez , à exécuter un ſi
grand deſſein dans le Palais
d'un ſi grand Roy , qu'il
s'imagine , aveuglé de ſon
déſeſpoir & de ſon amour ,
qu'il n'y a qu'une diligence
infinie , qui puiffe réparer
le déffaut de ſes précautions.
Il court pour raffem
bler ſes confidents ; mais la
vûë de ſon Rival qui ſe préſente
à ſes yeux , fait à l'inſtant
avorter tous ſes pro
jets. Où courez- vous, Monſieur
, luy dit- il , que vous
E iij
54 MERCURE
,
importe , répond l'autre ?
rendez graces , répond le
Cavalier François au refpect
que je dois aux lieux
cù nous ſommes fans
cette conſidération je
vous aurois déja puni , &
de voſtre audace , & de
l'inſolence de vos deſſeins.
Il te fied bien de m'inſulter
icy luy dit le Polonois ; je
te le pardonne : mais ſuy
moy ? & je ne tarderay pas
à t'apprendre à me reſpecter
moi- meſme , autant que
les lieux dont tu parles . Je
conſens , luy répondit le
4
GALANT .
SS
François , à te ſuivre où tu
voudras ; mais j'ay mainte
nant quelques affaires qui
font encore plus preſſées
que les tiennes: tu peux cependant
diſpoſer du rendez
vous , où je ne le feray pas
long-temps attendre.
Le bruit de ces deux
hommes éveille pluſieurs
perſonnes qui dormoient
ſur le gazon ; on s'aſſemble
autour d'eux , ils ſe taiſent
&enfin ils ſe ſéparent,
Ainfi le Polonois ſe retire
avec ſa courte honte ,
pendant que le François
E iii
56 MERCURE
cherche de tous cotez , les
Dames qu'il a perduës :
mais cette querelle s'eſtoit
paſſée ſi prés d'elles , que le
mouvement qu'elle cauſa ,
les reveilla , comme ceux
qui en avoient entendu la
fin ; elles fortirent de leur
boſquet qu'elles trouverent
desja environné de
gens qui compoſoient &
débitoient à leur mode les
circonstances decette avanture
, ſur l'idée que pouvoit
leur en avoir donné le peu
de mots qu'ils venoient
d'entendre , lorſqu'enfin il
GALANT.
$7
les retrouva. Je prie les
Lecteurs de me diſpenſer
de le nommer , ſon nom ,
ſes armes & ſes enfans ſont
encore ſi connus en France,
que , quoy que je n'aye que
ſon éloge à faire , je ne ſçay
pas ſi les fiens approuveroient
qu'on le nommaſt.
Deux heures avant que
le Cavalier François rencontrât
le Polonois , Mon.
fieur le Duc de ... avoit
heureuſement trouvé une
lettre à fos pieds : le hazard
pluſtoſt que la curiofité
la luy avoit fait ramaf
58 MERCURE
fer , un moment avant qu'il
s'apperceut des foins extreſmes
que prenoient trois
hommes pour la chercher :
la curioſité luy fit alors un
motifd'intereſt de cet effet
du hazard ; il s'éloigna des
gens dont il avoit remarqué
l'inquiétude , il ſe tira de la
foule , & dans un lieu plus
fombre & plus écarté , il
lut enfin cette lettre , qui
eſtoit , autant que je peux
m'en ſouvenir , conceuë ,
à peu prés , en ces termes.
Quelquesjustes mesures que
nous ayons priſes , quoy que mon
GALANT. رو
Carroffe & vos Cavaliers ne
foient qu'àcent pas d'icy , il n'y
aura pas d'apparence de réuffir
fi vous attendez que le retour
du jour nous ofte les moyens de
profiter du défordre de la nuit :
quelque claire que ſoit celle-cy ,
elle n'a qu'une lumiére empruntée
dont le ſoleil que j'apprenhende
plus que la mort
bien toſt diſſipper la clarté; ainfi
hatez vous de meſuivre , &ne
me perdez pas de veuë : je vais
déſoler Pelagie par ma préfen--
ce: dés qu'elle me verra , je ne
doutepas qu'elle ne cherche à me
fuir; mais je m'y prendray de
, va
60 MERCURE
façon ,que tous les pas qu'ells
fera , la conduiront dans nostre
embuscade.
La lecture de ce billet
eſtonna fort Mr le Duc ...
quiheureuſement connoiffoit
aſſez la belle veuve pour
s'intereffer parfaitement
dans tout ce qui la regardoit
; d'ailleurs le cavalier
françois qui eſtoit l'amant
declaré de la Dame , eſtoit
ſon amy particulier : ainſi il
priatout ce qu'il putraſſembler
de gens de ſa connoifſance
de l'aider à chercher
Pelagie avant qu'elle peuſt
GALANT. 61
eftre expoſée à courir les
moindres riſques d'une pareille
avanture. Il n'y avoit
pas de tempsà perdre , auſſi
n'en perd - il pas ; il fut par
tout où il creut la pouvoir
trouver , enfin aprés bien
des pas inutiles , il rencontra
ſon ami , qui ne venoit
de quitter ces deux Dames
que pour aller leur chercher
quelques rafraichif
ſements . Il est bien maintenant
queſtion de rafraif
chiſſements pour vos Dames
, luy dit le Duc , en luy
donnant la lettre qu'il ve
62 MERCURE
noit de lire , tenez , liſez, &
dites - moy ſi vous connoifſez
cette écriture , & à quoy
l'on peut à preſent vous eftre
utile. Monfieur le Duc ,
reprit le cavalier,je connois
le caractere du Comte Piof
Ki, c'eſt aſſeurement luy qui
aécrit ce billet ; mais il n'eſt
pas encore maiſtre de Pelagie
, que j'ay laiſſée avec
Madame Dormont à vingt
pas d'icy , entre les mains
d'un officier du Roy, qui eſt
mon amy , & qui , à leur
confideration , autant qu'à
la mienne , les a obligeamGALANT
. 63
ment placées dans un endroit
où elles ſont fort à leur
aife ; ainſi je ne crains rien
de ce coſté- là ; mais je voudrois
bien voir le Comte , &
l'équipage qu'il deſtine à
cet enlevement. Ne faites
point de folie icy , mon
amy , luy dit le Duc , aſſeurez
- vous ſeulement de quelques
perſonnes de voſtre
connoiſſance ſur qui vous
puiffiez compter : je vous
offre ces Meſſieurs que vous
voyez avec moy , raſſem.
blez- les autour de vos Dames
, & mettez - les ſage
64 MERCURE
ment à couvert des inſultes
de cet extravagant : fi je
n'avois pas quelques affaires
confiderables ailleurs ,
je ne vous quitterois que
certain du fuccez de vos
précautions.
Vi
LeDuc ſe retira alors vers
un boſquet où d'autres intereſts
l'appelloient,& laifſa
ainſi le cavalier françois
avec ſes amis ,à qui il montra
l'endroit où il avoit remis
ſa maiſtreſſe entre les
mains de l'officier qui s'eftoit
chargé du ſoin de la
placer commodément ; cependant
GALANT. 65
pendant il fut de ſon coſté
à la découverte de ſon ri.
val , qu'aprés bien des détours
, il rencontra enfin à
quatre pas du boſquet dont
jay parlé , &dont il ſe ſepara
comme je l'ay dit . Neanmoins
quelque ſatisfaction
qu'il ſentit du plaifir de retrouver
ſes Dames , il leur
demanda , aprés leur avoir
conté l'hiſtoire de ce qu'il
venoit de luy arriver , par
quel haſard elles ſe trouvoient
ſi loin du lieu où il
les avoit laiſſées. Apeine ,
luy dit Pelagie , nous vous
May 1714. F
66 MERCURE
avons perdu de veuë , que le
Comte Pioski eſt venu s'affeoir
à coſté de moy , aux
dépens d'un jeune homme
timide , que ſon air brufque
& fon étalage magnifique
ont engagé à luy ceder
la place qu'il occupoit.
Ses diſcours m'ont d'abord
fi cruellement ennuyée,que
mortellement fatiguée de
les entendre ,j'ay priéMadame
de me donner le bras,
pour m'aider à me tirer des
mains de cet imprudent ; le
monde , la foulle , & les
détours m'ont derobé la
GALANT. 67
connoiſſance des pas & des
efforts que fans doute il a
faits pour nous ſuivre , &
accablée de ſommeil &
d'ennuy, je me ſuis heureuſement
ſauvée dans ce bofquet
, ſans m'aviſer ſeulement
de fonger qu'il euſt
pû nous y voir entrer ; mais
quelque peril que j'aye couru
, je ſuis bien aiſe que fon
inſolence n'ait pas plus éclaté
contre vous , que fes
deſſeins contre moy , & je
vous demande en grace de
prévenir ſagement , & par
les voyesde ladouceur,tou-
tes les ſuites facheuſes que
ſon deſeſpoir & voſtre demeſlé
pourroient avoir. Il
n'y a plus maintenant rien
à craindre , il fait grand
jour , le chemin de Verſailles
à Paris eſt plein de monde
, & vous avez icy un
grand nombre de vos amis ,
ainſi nous pouvons retourner
à la ville fans danger.
Le cavalier promit à la
belle Pelagie de luy tenir
tout ce qu'elle voulut exiger
de ſes promeſſes , & fes
conditions acceptées , illamena
juſqu'à fon carroffe,
GALANT
69
où il prit ſa place , pendant
que quatre de ſes amis ſe
diſpoſerent à le ſuivre dans
le leur.
1
Il n'eut pas plutoſt remis
les Dames chez elles , &
quitté ſes amis , qu'en entrant
chez luy , un gentila
homme luy fie preſent du
billet que voicy.
Les plus heureux Amants
ceſſeroient de l'estre autant qu'ils
ſe l'imaginent , s'ils ne rencon
troient jamais d'obstacle à leur
bonheur je m'intereſſe affez au
voſtre , pour vousyfaire trouver
des difficultez qui ne vous
70
MERCURE
establiront une felicitéparfaite,
qu'aux prix de tout lefangde
Pioski. Le Gentilhomme que
je vous envoye vous expliquera
le reſte de mes intentions.
naypas
Affoyez-vous donc, Monſieur
, luy dit froidement le
cavalier françois ,& prenez
la peine de m'apprendre les
intentions de Monfieur le
Comte Pioski . Je n'ay
beſoin de ſiege , Monfieur ,
luy répondit ſur le meſme
ton , le gentilhomme Polonois
, & je n'ay que deux
mots à vous dire. Vous eſtes
l'heureux rival de Monfieur
GALANT.
le Comte qui n'eſt pas encore
accouſtumé à de telles
préferences , il eſt ſi jaloux
qu'il veut vous tuer , & que
je le veux auſſi , il vous attend
maintenant derriere
l'Obſervatoire ; ainſi prenez
, s'il vous plaiſt , un ſecond
comme moy , qui ait
aſſez de vigueur pour m'amuſer
, pendant que vous
aurez l'honneur de vous és
ggoorrggeerreennſſeemmbbllee.
Je ne ſçay ſi le françois ſe
ſouvint, ou ne ſe ſouvint pas
alors de tout ce qu'il avoit
promis à ſa maiſtreſſe , mais
72 MERCURE
voicy à bon compte lecas
qu'il en fit.
Il appella ſon valet de
chambre , qui estoit un
grand garçon de bonne vo
lonté , il luy demanda s'il
vouloit eſtre de la partie ,
ce qu'il accepta en riant,
Aufſi - toft il dit au gentilhomme,
Monfieur leComte
eſt genereux , vous eſtes
brave, voicy voſtre homme,
& je ſuis le ſien Mais Monfieur
eft- il noble , reprit le
gentilhomme. Le valet de
chambre , Eſpagnol de nation,
piqué de cette demande
GALANT .
73
de, luy répondit fierement
ſur le champ , & en ſon langage
, avec une ſaillie romaneſque
, Quienes tu hombre
? voto a San Juan. Viejo
Chriftiano estoy , hombre blanco
,y noble como el Rey Ce que
ſon maiſtre naiſtre expliqua au Polonois
en ces termes . Il
vous demande qui vous eftes
vous mesme , & il vous
jure qu'il eſt vieux Chreftien
,homme blanc , & noble
comme le Roy. Soit ,
reprit le gentilhomme,marchons.
Ces trois braves furent
ainſi grand train au
May 1714. G
74 MERCURE
rendez vous , où ils trouverent
le Comte qui commençoit
à s'ennuyer. Aprés
le falut accouſtumé , ils mirent
tous quatre l'épée àla
main. Pioski fit en vain des
merveilles , il avoit desja
perdu beaucoup de fang ,
lang,
lorſqu'heureuſement ſon épée
ſe caſſa; le gentilhomme
fut le plus maltraité,l'Ef
pagnol ſe battit comme un
lion ,& le combat finit.
Cependant le Comte
Pioski, qui , à ces violences
prés , eftoit entout un
homme fort raiſonnable ,
GALANT. 75
eut tant de regret des extravagances
que cette derniere
paffion venoit de luy
faire faire , que la pieté étouffant
dans ſon coeur tous
les interêts du monde , il
fut s'enfermer pour le reſte
de ſa vie dans la retraitte
la plus fameuſe qui ſoit en
France , & la plus connuë
par l'auſterité de ſes maximes.
Le Cavalier françois
foupira encore quelques
temps , & enfin il devint
l'heureux & digne Epoux
d'une des plus charmantes
femmes du monde.
Gij
76 MERCURE
4
Les mariages font une fi
grande époque dans les
hiſtoires , que c'eſt ordinairement
l'endroit par où
tous les Romans finiſſent ;
mais il n'en eſt pas de meſme
icy , & il ſemble juftement
qu'ils ne ſervent à
Madame Belzeſca que de
degrés à la fortune , où ſon
bonheur & ſes vertus l'ont
amenée . Tout ce qui luy
arrive dans un engagement
qui établit communément
, ou qui doit du
moins establir pour les autres
femmes , une ſigrande
GALANT. 77
tranquilité , qu'on diroit
que l'hymen n'eſt propre ,
qu'à faire oublier juſqu'à
leur nom , eſt au contraire
pour celle cy , la baze de
ſes avantures. L'eſtalage de
ſes charmes , & le bruit de
ſabeauté ne ſont point enſevelis
dans les embraffemens
d'un eſpoux : heureuſe
maiſtreſſe d'un mary
tendre & complaiſant , &
moins eſpouſe qu'amante
infiniment aimée , comme
ſi tous les incidens du monde
ne ſe raſſembloient que
pour contribuer à luy faire
Gij
78 MERCURE
des jours heureux , innocement
& naturellement
attachée à ſes devoirs , l'amour
enchainé , à ſa fuite
ne prend pour ferrer tous
les noeuds qui l'uniſſent à
ſon eſpoux , que les formes
les plus aimables , & les
douceurs du mariage ne ſe
maſquent point pour elle
ſous les traits d'un mary.
Enfin elle joüit pendant
neuf ou dix ans , au milieu
du monde , & de ſes adorateurs
, du repos le plus
doux que l'amour ait jamais
accordé aux plus heureux
GALAN 79
Amants ; mais la mort jalouſe
de ſa fecilité luy ra
vit impitoyablement le plus
cher objet de ſa tendreſſe:
que de cris ! que de ge.
miſſements ! que de larmes
! cependant tant de
mains ſe préſentent pour
efluyer ſes pleurs , que , le
temps ,la raiſon , & la néceſſité,
aprés avoir multiplié
ſes reflexions
nent enfin au ſecours de ſa
,
viendouleur
; mais il ne luy reſte
d'un eſpoux fi regretté ,
qu'une aimable fille , que la
mort la menace encore de
(
G iiij
80 MERCURE
luy ravir , ſur le tombeaude
fon pere. Que de nouvel.
les allarmes ! que de mortelles
frayeurs ? elle tombe
dans un eſtat de langueur
qui fait preſque deſeſperer
de ſa vie. Il n'eſt point de
ſaints qu'on n'invoque ,
point de voeux qu'on ne faf
ſe, elle en fait elle-meſme
pour fon enfant , & promet
enfin de porter un tableau
magnifique à Noftre-
Dame de Lorette ſi ſa
fille en réchappe. A l'inftant,
ſoit qu'un ſuccés favo
rable recompenfat ſon zele
GALANT. 81
&fa piete , ou qu'il fur
temps que les remedes operaſſent
à la fin plus effica
cement qu'ils n'avoient fait
encore , ſa maladie diminua
preſque à veuë d'oeil ,
en tros jours l'enfant fut
hors de danger , & au bout
de neufentierement guery.
Elle reſtaencore , en attendant
le retour du printemps
, prés de fix mois à
Paris , pendant lesquels elle
s'arrangea pour l'execution
de ſon voeu. Ce temps expiré
, accompagnée de ſon
fils & de ſa fille , d'une Da82
1 MERCURE
me de ſes amis , de deux
femmes de chambre , de
deux Cavaliers , & de quatre
valets , elle prit la route de
Lyon , d'où aprés avoir
paffé Grenoble , le mont
du l'An, Briançon , le mont
Geneve & Suze , elle ſe rendit
à Turin , où elle ſéjourna
trois ſemaines avec ſa
compagnie qui ſe déffit
comme elle de tout ſon équipage,
dans cette Ville,
pour s'embarquer ſur le Po.
Elle vit en paſſant les Villes
de Cazal du Montferrat
,
d'Alexandrie , le Texin qui
GALANT. 83
1
,
paſſe à Pavie , Plaiſance ,
+ Cremone , Ferrare , & enfin
elle entra de nuit à Venife
avec la marée. Elle
deſcendit à une Auberge
moitié Allemande , &moitié
Françoiſe , & dont
l'enſeigne d'un coſté , ſur
le grand Canal , reprefente
les armes de France , &
de l'autre , fur la Place de
ES. Marc , les armes de l'Empire.
Elle reçut le lende
main à ſa toilette , comme
cela ſe pratique ordinairement
à Veniſe , avec tous
les Estrangers confidera
,
S
१
84 MERCURE
,
bles , des compliments en
proſe & en vers imprimez
à ſa loüange , fon amie
& les Cavaliers de ſa compagnie
en eurent auſſi leur
part. Ces galanteries couftent
communément , & au
moins quelques Ducats à
ceux à qui on les fait. Le
ſecond jour elle fut avec
tout fon monde ſaluer Mr
l'Ambaſſadeur qui fut
d'autant plus charmé du
plaifir de voir une ſi aimable
femme , que , quoy que
Venife ſoit une Ville , où
lesbeautez ne ſont pas car
,
GALANT. 85
Π
S
res , il n'y en avoit pas encore
vû une , faite comme
- celle dont il recevoit la viſite.
La bonne chere , les,
Spectacles , les promena-
✓ des ſur la mer& ſur la coſte,
avec le Jeu, furent les plaifirs
dont il la regala , pen-
↓ dant les quinzejours qu'elle
y reſta. Il luy fitvoir dans ſa
Gondole , la pompeuſeCeremonie
du Bucentaure qui
ſe celebre tous les ans dans
cette Ville le jour de l'Afcenfion
, avec toute la magnificence
imaginable.
Je nedoute pas que bien
3
86 MERCURE
des gens neſcachent à peu
prés ce que c'eſt que cette
feſte; mais j'auray occafion
dans une autre hiſtoire d'en
faire une deſcription meſlée
de circonstances ſi agreables
que la varieté des évenemensque
je raconteray,
pourra intereſſer mes lecteurs
au recit d'une ceremonie
dont il ignore peuteſtre
les détails.
Enfin noſtre belle veuve
prit congé de Mr l'Ambaffadeur
, & le lendemain elle
s'embarqua ſur un petit baſtiment
, qui en trois jours
GALANT. 87
لا
}}
la rendit à Lorette , où elle
accomplit avec beaucoup
de zele & de religion , le
voeu qu'elle avoit fait à Pa-
1ris. Après avoir pieuſement
fatisfait à ce devoir indifpenſable
, dégouſtée des perils
, & ennuyée des fatigues
de la mer , elle refolut
de traverſer toute l'Italie
par terre , avant de retourner
en France .
!
Il n'y avoit pas fi loin de
Lorette à Rome pour n'y
pas faire untour,& je croy
a que pour tous les voyageurs,
cinquante lieuës plus ou
88 MERCURE
moins , ne ſont qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de
voir cette capitale du mõde.
- Il faiſoit alors ſi chaud ,
qu'il eſtoit fort difficile de
faire beaucoup de chemin
par jour ; mais lorſqu'on eſt
en bonne compagnie , &
de belle humeur , rien n'ennuye
moins que les ſéjours
charmants qu'ontrouve en
Italie.
Je ne prétens pas en faire
icy un brillant tableau,pour
enchanter mes lecteurs de
la beauté de ce climat ; tant
de voyageurs en ont parlé ;
Miffon
GALANT. 89
1
Miſſon l'a ſi bien épluché,
&cette terre eſt ſi fertile
en avantures , que les hiftoires
galantes que j'en raconteray
dorenavant ſuffiront
pour inſtruire d'une
maniere peut- eftre plus agreable
que celle dont ſe
ſont ſervis les écrivains qui
en ont fait d'amples relations
, ceux qui ſe conten
teront du Mercure pour
connoiſtre aſſez particuliement
les moeurs & le plan
de ce pays . Ainſi je renonceray
pour aujourd'huy au
détail des lieux que noftre
May 1714.
H
90 MERCURE
belle veuve vit , avant d'entrer
à Rome , parce que non
ſeulement il ne luy arriva
rien fur cette route qui puifſe
rendre intereſſants les cir
conſtances de ce voyage ,
mais encore parce que je ne
veux pas faire le geographe
malà propos . Le Capitole ,
le Vatican , le Chaſteau S.
Ange , le Colizée , la Place
dEſpagne, la Place Navonne
, l'Eglife S. Pierre , le
Pantheon , les Vignes , &
enfin tous les monuments
des Anciens , & les magnifiques
ouvrages des Moder
GALANT. 91
nes,dont cette ville eſt enrichie,
n'étalérent à ſes yeux
que ce que les voyageurs
lesplus indifferents peuvent
avoirveu comme elle ; mais
lorſque jetraitteray, comme
je l'ay dit,des incidens amufants
& raifonnables que
j'ay , pour y promener mes
lecteurs , j'eſpere que leur
curioſité ſatisfaite alors , les
dédommagera fuffifamment
de la remiſe & des
frais de leur voyage...
La conduite que tint à
Rome cette charmante veuve
, fut tres eſloignée de cel- :
Hij
92 MERCURE
le que nos Dames françoi
ſes y tiennent , lorſqu'avec
des graces moindres que les
fiennes , elles ſe promettent
d'y faire valoir juſqu'à leur
plus indifferent coup d'oeil.
Celle cy parcourut les Egliſes
,les Palais , les Places
& les Vignes en femme qui
ne veut plus d'avantures ;
mais elle comptoit fans for
hoſte, & l'amourn'avoit pas
figné le traité de l'arrangement
qu'elle s'eſtoit fait.
Ungentilhomme Italien
dela ſuite de l'Ambaſſadeur
de l'Empereur , qui avoir
GALANT. 93
veu par hafard une fois à la
Vigne Farneze , le viſage
admirable de noftre belle
veuve , fur ſi ſurpris de l'é
elat de tant de charmes ,
qu'il reſtacomme immobi
le , uniquement occupé dư
foin de la regarder. Elle
s'apperceut auffi- toft de fon
eſtonnement ; mais dans
Finſtant ſon voile qu'elle
laiſſa tomber, luy déroba la
veuë de cet objet de fon admiration.
L'Italien , loin de
fe rebuter de cet inconvenient
, réſolut de l'exami
ner juſqu'à ce qu'il ſceuſt ſa
94 MERCURE
ruë , fa demeure , ſon pays ,
fes deſſeins , & fon nom.
Dés qu'il ſe fut ſuffiſamment
inſtruit de tout ce
qu'il voulut apprendre ;
aprés avoir paffé& repaffé
cent fois devant ſa maiſon ,
ſans qu'on payaſt ſes ſoins
de la moindre courtoiſie,&
pleinement convaincu qu'il
n'y avoit auprés de cette
belle veuve , nulle bonne
fortune à eſperer pour luy ,
il conclut qu'il pouvoit regaler
Monfieur l'Ambaſſadeur
du merite de ſa découverte.
A
GALANT.951
En effet un jour que l'Ambaſſadeur
de Pologne difnoit
chez ſon maiſtre , voyant
vers la fin du repas,que
la compagnie entroit en
belle humeur , & que la
- converſation rouloit de
bonne grace ſur le chapitre
- des femmes ; Meſſieurs , dit-
- il , quelques ſentimens
qu'elles vous ayent fait
prendre pour elles , je ſuis
ſeur , que ſans vous embar-
-raſſer de vouloir connoiſtre
leurs coeurs plutoſt que
leurs perſonnes,vous renonceriez
à toutes les précau
96 MERCURE
tions du monde , ſi vous
aviez vû , une ſeule fois ,
une Dame que je n'ay vûë
qu'un inſtant. Je me promenois
, ily a quinze jours
àla Vigne Farneze , elle s'y
promenoit auſſi ; mais je
vous avoue que je fus ſaiſi
d'étonnement,en la voyant,
& que je luy trouvay cant
de charmes , un ſi grand
air ,& un ſi beau viſage
que je jurerois volontiers ,
quoy que cette Ville fourmille
en beautés , qu'il n'y
a rienà Rome qui ſoit beau
comme elle. Ces Miniſtres
1
Eſtrangers
GALANT. 97
5
Eſtrangers s'échaufférent
ſur le recit du Gentilhomme
Italien , celuy de Pologne
ſur tout , ſentitun mou.
vement de curioſité fi
prompt , qu'il luy demanda
d'un air empreſſé , s'il n'a
voit pas eſté tenté de ſur
vre une ſibelle femme ,&
s'il ne sçavoit pas où elle
demeuroit. Ouy, Monfieur,
luy répondit- il , je ſçay ſon
nom , ſa demeure & les
motifs de ſon voyage à
Rome, mais je n'en ſuis
pas plus avancé pour cela ,
&je croy au contraire que
May 1714.
I
98 MERCURE
mes empreſſements l'ont
tellement inquiétée, qu'elle
ne paroiſt plus aux Eglifes ,
ny aux promenades , de
puis qu'elle s'eſt apperçuë
du ſoin que je prenois d'éxaminer
ſes démarches .
Voila une fiere beauté , dit
l'Ambafladeur de l'Empereur
, & addreſſant la parole
en riant à celuy de Pologne
, Monfieur , continuast-
il , n'ayons pas le démentide
cette découverte ,
& connoiffons à quelque
prix que ce ſoit , cette belle THEQUE DEL
BIBLI
< YON
EVILL
1893*
J'y confens reTHEQUE
DA
5,
20
LY
GALANTE
18
E
VILL
prit l'autre , férieuſent
& je ſuis fort trompé fi
dans peu de jours , je ne
vous en dis des nouvelles.
Ils auroient volontiers
bû desja à la ſanté de l'inconnue
, ſi , une Eminence
qu'on venoit d'annoncer ,
ne les avoit pas arrachez de
la table , où le vin & l'amour
commençoient
à les 0
mettre en train de dire de
de
belles choses .
e Le Gentilhomme qui
ue avoit ſi à propos mis la belle
Veuve ſur le tapis , fut au
devant du Cardinal , que
I ij
100 MERCURE
fon Maiſtre fut recevoir
juſqu'au pprreemmiieerr degré de
fon Eſcalier , & en meſme
tems il reconduifit l'Ambas
ſadeur de Pologne juſqu'à
fon Carrofle. Ce Miniſtrele
questionnaſi bien , chemin
faiſant , qu'il retourna chez
luy , parfaitement inftruit
de tout ce qu'il vouloit ſcavor.
Des qu'il fut à fon
Appartement , il appella un
Valet de chambre , à qui il
avoit ſouvent fait de pareilles
confidences & aprés
luy avoir avoüé qu'il eſtoit
desja , fur un ſimple recit ,
GALANT. 101
1
:
1
éperduëment amoureux
d'un objet qu'il n'avoit jamais
vû , il luy demanda
s'il croyoit pouvoir l'aider
de ſes conſeils de fon zele
& de ſa difcretion , dans
Tembarras où il ſe trouvoit.
Je feray , luy dit le Valet
de chambre tout ce
qu'il vous plaira ; mma.is puifque
vous me permettez de
vous donner des confeils ,
je vous avoüeray franche-
FL
د
ment , que je pennſiee que
le
portrait que vous me faites,
de la conduitte ſage & retirée
que tient la perſonne
Inj 1
102 MERCURE
dont vous me parlez , eft
fouvent le voile dont Te
fervent les plus grandes
avanturieres , pour attrapper
de meilleures dupes. Ta
pénétration eſt inutile icy ,
luy répondit l'Ambaffadeur
: tu ſçais desja ſon nom
& ſa maiſon , informe toy
ſeulement fi ce qu'on m'en
adit eft véritable ; nous
verrons aprés cela le parti
que nous aurons à prendre .
Le Confident ſe met en
campagne , il louë une
chambre dans le voiſinage
de la belle Veuveil fait
>
GALANT. 103
1
1
0
e
it
connoiſſance avec un de ſes
domeſtiques , qui le met
en liaiſon avec la femme
de chambre de la Dame
qu'il veut connoiſtre : enfin
il la voit , & il apprend
qu'elle va tous les jours à
la meſſe , entre ſept & huit
heures du matin , à l'Eglife
de ſainte Cecile. Il avertit
auffi toſt ſon Maiſtre de
tout ce qui ſe paſſe ; ce Miniſtre
ne manque point de
ſe rendre ſans ſuite à cette
Eglife , & de ſe placer auprés
de cette beauté qui n'a
garde de ſe meffier à pareil
I iiij
104 MERCURE
le heure , ni de fes char
mes , ni des ſoins , ni de la
dévotion du perſonnage
quiles adore. לכ
Cependant l'allarme fonne
,& le Valet de chambre
apprend avec bien de la
douleur , que la Damedont
ſon Maiſtre eſt épris , commence
à s'ennuyer à Rome,
&qu'enfin incertaine ſi elle
retournera en France par
Genes,où ſi elle repaſſerales
Alpes, elle veutabſolument
eſtre hors de l'Italie , avant
le retour de la mauvaiſe
faifon. A l'inſtant l'AmbafGALANT.
1ος
t
!
es
16
10
le
f
1
Tadeur informé , & defefperé
de cette nouvelles ſe
détermine à luy eſcrire en
tremblant , la lettre que
voicy.
N'eſtes vous venue àRome,
Madame , que pour y violer
le droit des gens ; fi les franchiſes
les Privileges des
Ambaffadeurs font icy de vostre
Domaine , pourquoy vous dé-
Domaine
goustez - vous du plaisir d'en
joüir plus long-temps ? Fapprends
que vous avez réfolu de
partir dans buit jours. Ab! fi
rienne peut rompre ou differer
ce funeste voyage, rende-z moy
106 MERCURE
donc ma liberté que vos yeux
m'ont ravie , & au milieu de
la Capitale du monde. Ne me
laiſſez pas , en me fuyant,la
malheureuſe victime de l'amour
que vous m'avez donné. Permettez
moy bien pluſtoſt de vous
offrir en ces lieux tout ce qui
dépend de moy , & en reeevant
ma premiere visite , recevez en
mesme temps , si vous avez
quclques sentiments d'humanité,
la fortune , le coeur , & la
main de
BELZESKI.
Le Valet de Chambre
fut chargé du ſoin de luy
rendre cette lettre à elle
meſme au nom de ſon Maître
, d'examiner tous les
mouvemens de fon viſage ,
&de lui demander un mot
de réponſe.
La Dame fut aſſez
émeuë à la vûë de ce billet ,
cependant elle ſe remit aifément
de ce petit embarras
, & aprés avoir regardé
d'un air qui n'avoit rien
de déſobligeant , le porteur
de la lettre , qu'elle
avoit vûë vingt fois ſans reflexion
, elle luy dit , ce
108 MERCURE
?
tour eſt ſans doute de voſtre
façon Monfieur mais
Monfieur l'Ambaſſadeur
qui vous envoye , ne vous
en ſera guere plus obligé,
quoyque vous ne l'ayez pas
mal ſervi. Attendez icy un
moment, je vais paſſer dans
mon Cabinet , & vous en
voyer la réponſe que vous
me demandez pour luy :
Auſſi-toſt elle le quitta pour
aller efcrire ces mors. S
Fe ne sçay dequoy je ſuis
coupable à vos yeux, Monfieur,
mais je sçay bien que je ne re
ponds que par bienfeance à l'hon-
>
BAGALAN 109
0
neur que vous me faites ,
aux avantages que vous me proposez
: & je prévoy que la
viſite que vous me rendrez , si
vous voulez , vous fera auffi
peu utile qu'à moy , puisque
rien ne peut changer la réfolution
que j'ay priſe de repaffer
inceſſamment en France.
Le Polonnois éperduëment
amoureux ( car il y
avoit de la fatalité pour elle,
à eſtre aimée des gens de ce
pays ) le Polonnois , dis- je ,
donna à tous les termes de
ce billet , qu'il expliqua en
ſa faveur, un tourde confo110
MERCURE
lation que la Dame n'avoit
peut- eſtre pas eu l'intention
d'y mettre; d'ailleurs il eſtoit
parfaitementbien fait , tres
grand ſeigneur , fort riche ,
&magnifique entout. Les
hommes ſe connoiſſent , il
n'y a pas tantde mal à cela.
Celui- cy ſçavoit aſſez ſe
rendrejustice , mais heureuſement
il ne s'en faifoit pas
trop à croire , quoy qu'il
ſentit tous ſes avantages.....
Vers les * vingt& une ou
vingt- deux heures , il ſe ren-
**C'eſt en eſté à peu prés vers les fix heures
du ſoir,ſelon noftre façon de compter.
GALANT. III
コ
el
dit au logis de la belle veuve
, qu'il trouva dans undeshabillé
charmant & modeſte
, mille fois plusaimable
qu'elle ne luy avoit jamais
paru .
Que vous eſtes , Madame ,
luy dit- il , transporté du
plafir de la voir , au deſſus
des hommages que je vous
rends ; mais en verité je vais
eſtre le plus malheureux des
hommes , fi vous ne vous
rendez pas vous meſme aux
offres que je vous fais Nous
nenous connonfons n'y l'un
ny l'autre , Monfieur , luy
70%
112 MERCURE
11
répondit - elle , & vous me
propoſez d'abord des chofes
dont nous ne pourrions
peut eſtre que nous repentir
tousdeux, mais entrons , s'il
vousplaît,dansun plus grád
détail,& commençons par
examiner , i la majeſté de
voſtre caractere s'accorde
bien avec les ſaillies de cette
paffion ; d'ailleurs n'eſt il
pas ordinaire , & vrayſemblable
qu'un feu ſi prompt
às'allumer, n'en eſt que plus
prompt à s'éteindre. Enfin
ſupposé que je voulutſe encorem'engager
ſous les loix
de :
GALANT. 113
1
1
del'hymen, ſur quel fondement,
àmoins queje nem'a.
veuglaſſe de l'eſpoir de vos
promeſſes, pourrois- je compter
que vous me tiendrez
dans un certain tems ce que
vous me propoſez aujourd'huy
. Ah ! Madame , reprit
ilavecchaleur, donnez
aujourd huy voſtre confentement
à mon amour , &
demain je vous donne la
main. Par quelles loix voulez
vous authoriſer des maximes
de connoiſſance &
d'habitude , ſur des ſujers où
le coeur doit décider tout
114 MERCURE
,
ſeul ; n'y a t'il point dans le
monde des mouvements de
ſympathie pour vous , comme
pour nous , & quelle
bonne raiſon peut vous dif
penſerde faire pour nous
enun jour,la moitié du chemin
que vos charmes nous
font faire en un inſtant. Je
ſuis perfuadé que vous avez
trop d'eſprit, pour regarder
mal à propos ces chimeriques
précautions , comme
des principes de vertu , &
vous eſtes trop belle pour
douter un moment de la
conſtante ardeur des feux
GALANT 115
mt
&
רש
la
גנ
que vous allumez. Cependant
ſi vos ſcrupules s'effrayent
de la vivacité de ma
propoſition,je vous demande
du moins quinze jours
de grace , avant de vous
prier de vous déterminer en
ma faveur ; & j'eſpere ( fi
vos yeux n'ont point de peine
à s'accouſtumer à me
voir pendant le temps que
j'exige de voſtre complaiſance
) que les ſentiments
de voſtre coeur ne tarderont
pas à répondre aux tendres
& fidelles intentions du
mien. Ne me preſſez pas da
Kij
116 MERCURE
vantage à preſent , Monfieur
, luy dit elle,& laiſſez
à mes reflexions la liberté
d'examiner les circonſtancesde
voſtre propofition.
Cette réponſe finit une
conteftation qui alloit inſenſiblement
devenir tres.
intereſſante pour l'un &
pour l'autre.
Monfieur l'Ambaſſadeur
ſe leva , & prit congé de la
belle veuve aprés avoir receu
d'elle la permiffion de
retourner la voir , lorſqu'il
le jugeroit à propos.
Ce miniſtre rentra chez
GALANT 117
-
luy , ravi d'avoir mis ſes affaires
en ſibon train , & le
lendemain au matin il écrivit
ce billet à cette Dame ,
dont il avoit abſolument refolu
la conqueſte.
Le temps que je vous ay don-
- né depuis hier , Madame , ne
fuffit-il pas pour vous tirer de
toutes vos incertitudes , s'il ne
ſuffit pas , je vais estre auffi indulgent
que vous estes aimable,
je veux bien pour vous efpargner
la peine de m'eſcrire vos
Sentiments , vous accorder, jufqu'à
ce soir , que j'iray appren
dre de vostre propre bouche , le
1
118 MERCURE
réſultat de vos reflexions.
Elles eſtoient desja faites
ces réflexions favorables à
T'heureux Polonois , & pendant
toute la nuit, cette belleveuve
n'avoit pû ſe refufer
la fatisfaction de convenir
en elle-meſme , qu'elle
meritoit bien le rang d'Ambaſſadrice.
Aufſfi luy fut-il
encore offert le meſme jour
avec des tranſports fi touchants&
fi vifs,qu'enfin elle
ne fit qu'une foible deffenſe
, avant de conſentir à la
propoſition de Mr l'Ambaffadeur.
En un mot toutes
GALANT. 119
!
les conventions faites & accordées
, entre elle & fon
amant,ſon voyage de France
fut rompu , & fon mariage
conclu , & celebré ſecretement
enquinze jours.
Legrandtheatredu monde
va maintenant eſtre le
champ où va paroiſtre dans
toute fon eſtenduë , l'excellence
du merite & du bon
efprit deMadame Belzeſca.
Elle reste encore preſque
inconnuë juſqu'à la declararion
de ſon hymen , qui
n'eſt pas plutoſt rendu public
, qu'elle ſe montre auſſi
120 MERCURE
4
éclairée dans les delicates
affaires de fon mary , que
fielle avoit toute la vie
eſte Ambaſſadrice,лэ тод
Les Miniſtres Eſtrangers,
les Prélats , les Eminences
tout rend hommage à fes
lumiéres. De concert aveo
fon Epoux , ſa pénerrap
tion abbrege , addoucit &
leve toutes les difficultez
de ſa commiffion : enfin
elle l'aide à ſortir de Rome
(ſous le bon plaifir de fon
Maſtre ) fatisfait & glorieux
du ſuccés de fonAm
baffade.altera teemal
هللا
GALANT. 121
Elle fut obligée pour le
bien de ſes affaires de repaſſer
en France avec ſon
mary : elle n'y ſéjourna que
trois ou quatre mois , de là
elle alla à Amſterdam , &
à la Haye , où elle s'embarqua
pour ſe rendre à Dant-
ZIK d'où elle fut à Varſovie
où elle jouit pendant
vingt-cinq ans , avec tous
les agréments imaginables,
de lagrande fortune , & de
la tendreſſe de ſon Epoux ,
qui fut enfin malheureufement
bleſſe à la Chaffe
d'un coup dont il mourut
May 1714.
L
127
MERCURE 122
quatreJours
Tavoir
apres la
Э
receu d'une façon toute
extraordinaire .
Rien n'eſt plus noble &
plus magnifique , que la
220
20
manière dont les Grands
Seigneurs vont à la Chaſſe
en Pologne. Ils menent ordinairement
avec eux , un
fi grand nombre deDomeftiques
, de Chevaux , & de
Chiens, que leur Equipage
reſſemble pluſtoſt à un gros
détachement de troupes reglées
, qu'à une compagnie
de gens aſſemblez , pour le
plaisir de faire la guerre à
GALANT. 123
+
20
وا
LEKCI }
des animaux. Cette précaution
me paroilt fort
raisonnable , & je trouve
qu'ils font parfaitement
bien de proportionner le
nombredes combatrants au
3
21091
nombre & à la fureur des
monſtres qu'ils attaquent.
Un jour enfin, Monfieur
Belzeſki , dans une de fes
redoutables Chaffes, fe laifſa
emporter par ſon cheval ,
à la pourſuite d'un des plus
fiers Sangliers qu'on cuſt
encore vû dans la Foreſt où
il chaſſoit alors. Le cheval
anime paſſa ſur le corps de
124 MERCURE
261
ce terrible animal , & s'abbatit
en meſme temps , à
quatre pas de luy. Monfieur
Belzeſki ſe dégagea, auflitoſt
adroitement des efriers
, avant que le Monf
tre l'attaquaft ; mais ils eftoient
trop prés l'un de Laura
tre & le Sanglier desia
bleffé trop furieux , pour ne
pas ſe meſurer
44
encore con-b
tre l'ennemi qui l'attendoit :
ainſi plein de rage , il voulut
ſe llaanncceerr fur luy , mais
dans le moment ſon ennemi
intrepide & prudent lui
abbattit la teſte d'un coup
GALANT.
1:5
ſi juſte , & fi vigoureux, que
fon fabre paffa entre le col
& le tronc de an
11
avec tant de viteſſe , que le
mouvement Violent avec
lequel il retira fon bras
entraîna fon 21911
corps , de ma
niere qu'un des pieds luy
manquant , il tomba à la
renverſe ; mais fi malheu
reuſement, qu'il alla ſe fen.
dre la tefte fur une pierfe
qui ſe trouva derriere luy.
Dans ce fatal inſtanttous
les autres Chaſſeurs arrivérent
, & emporterent en
pleurant , le Corps de leur
THAJAD
126 MERCURE
infortune maiſtre , qui vécu
encore quatre jours
qu'il employa à donner à
Madame Belzeſca les dernieres
& les plus fortes
preuves de ſon amour , if
la fiitt ſon heritiere univerſelle
, & enfin il mourut
adoré de ſa femme , & infiniment
regretté de tout
le monde.
il
Il y a plus de fix ans que
Madame Belzeſca pleure
ſa perte , malgré tous les
foins que les plus grands
Seigneurs , les Princes , &
mefme les Roys , ont pris
GALANT. 127
pour la conſoler. Enfin elle
eft depuis long-temps l'amie
inſéparable de Mada
infeparable
me la Palatine de ... elle a
maintenant foixante ans
paflez , & je puis affeurer
qu'elle est encore plus aimée
; & plus reſpectée ,
qu'elle ne le fut peut eftre
jamais , dans le plus grand
efclat de fa jeuneffe. On
parle meſme de la remarier
aun homme d'une fi grande
distinction
, que , ce
bruit , quelque fuite qu'il
ait eft toutccee qu'on en peut
dire de plus avantageux ,
Lin
128 MERCURE
pour faire un parfait éloge
de ſon mérite , & de fes
vertusaises
nouvelle .
LA peſte qui exerce
ſouvent de furieux ravages
dans lesPaïsduNord,
avoit déja détruit prés
d'un tiers de la belle Ville
de Varſovie , ceux de ſes
habitans qui avoient
quelque azile dans les
campagnes , l'abandonnoient
tous les jours ;
pluſieurs alloient à cent
GALANT. 13
lieuës&plus loin encore,
chercher à ſe preſerver
des perils de la conta
gion , lorſque la Palatine
de ... arriva à Dantzic
avec pluſieurs Dames de
confideration qui n'avoient
pas voulu quitter
Varſovie ſans elle.
Le Marquis de Canop
qui eſt un des plus dignes
& des plus honneftes
homes qu'on puiſſe voir,
& qui jouoit un tresgrand
rôle en Pologne ,
14 MERCURE
eſtoit alors à Dantzic ,
où il receut la Palatine
avec tous les honneurs &
toutes les feftes qu'on
puiſſe faire àune des plus
charmantes & des plus
grandes Princeſſes du
monde.drov mes
Des intereſts d'amour,
autant que la crainte de
la maladie , avoient dé
terminé pluſieurs Sei
gneurs Polonois à ſuivre
la Palatine & les Dames
qui l'accompagnoient :
GALANT.
ces Illuſtres captifs qui
n'avoient point abandon-
-néle Char de leur Maitreffe
pendant leur route ,
regarderent leur retraite
à Dantzic , comme l'azile
dumõde le plus favorable
à leurs foupirs. Mais parmi
tant de jeunes beautez
qui briguoient peuteſtre
encore plus d'hommages
qu'elles n'en recevoient
, rien n'eftoit plus
admirable , que le droit ,
qu'uneDame autant ref-
وت
16 MERCURE
pectable par la majeſté
de ſes traits , que par le
nombre de ſes années ,
ſembloit avoir ſur les
cooeurs de tous ceux qui
l'approchoient.
Il n'eſt pas eſtonnant
qu'à un certain âge , on
plaiſe à quelqu'un , mais
quelque beau retour
qu'on puiſſe avoir , il eſt
rare que dans un âge
avancé, on plaiſe à tout
le monde.
La Dame dont je parle,
&
GALANT. 17
&qui avoit cet avantage,
ſe nommoit alors Madame
Belzeſca , elle avoit
eü déja trois maris , &
au moins mille Amants,
elle s'eſtoit tousjours conduite
avec tant de difcretion
& d'innocence , que
les plus hardis & les plus
emportés de ſes adorateurs
n'avoient jamais ofé
donner la moindre atteinte
à ſa réputation : enfin à
quinze ans elle avoit ſou
ſe faire reſpecter comme
May1714. B
18 MERCURE
à ſoixante , & à foixante
paffées ſe faire aimer &
fervir comme à quinze.
Une femme de fa Province,
de fon âge , & qui
depuis fon premier mariage
l'a ſervie juſqu'à
préſent , m'a conté dix
fois fon hiſtoire , comme
je vais la raconter.
Voicy à peu prés ce
que jay retenu de fes
avantures.
Madame Belzeſca eft
originaire d'un Villagede
:
GALANT 12
!
Tourainne , fon Pere qui
eſtoit frere du Lieutenant
Generald'une des premieres
Villes de cette Province
, y poffedoit des biens
affez confiderables . Elle
reſta ſeule de 9. enfants
qu'eut ſa Mere , qui ne
l'aima jamais. Satendreſſe
pour un fils qu'elle avoit,
lorſqu'elle vint au monde;
en fit à ſon égard une
maraſtre ſi cruelle , que
l'oin d'accorder la moindre
indulgence aux ſentih
Bij
20 MERCURE
>
ments de la nature , quelques
efforts que fit fon
mary pour la rendre plus
humaine , elle ne voulut
jamais confentir à la voir.
Cette averſion s'eſtoit
fortifiée dans ſon coeur
ſur la prédiction d'un Berger
qui luy dit un jour ,
deſeſperé des mauvais
traittements dont elle
l'accabloit , qu'elle portoit
en fon fein un enfant
qui le vangeroitdesmaux
qu'elle luy faifoit. Cette
GALANT. 21
malheureuſe Prophetie
s'imprima ſi avant dans
ſon ame , que l'exceffive
haine qu'elle conceut
pour le fruit de cette couche
, fut l'unique cauſe
de la maladie dont elle
mourut. L'enfant qui en
vint , fut nommé Georgette
Pelagie le ſecond
jour de ſa naiſſance , &le
troifiéme emmenée dans
le fond d'un Village , où
la fecrette pieté de fon
Pere , &la charité de ſa
22. MERCURE
tendre nourrice l'elevérent
juſqu'à la mort de fa
mere , qui , eutà peine les
yeux fermés, qu'on ramena
ſa fille dans les lieux
où elle avoit receu le jour.
Pelagie avoit alors prés
de douze ans , &déja elle
eſtoit l'objet de la tendrefſe
de tous les habitans ,
&de tous les voiſins du
Hameau dont les foins
avoient contribué à la
mettre à couvert des rigueurs
d'une mere inhu
4
GALANT. 23
|
€
maine. Ses charmes naiffans,
avec mille graces naturelles
, ſa taille & fes
traits qui commençoient
à ſe former , promettoient
tant de merveilles aux
yeux de ceux qui la vor
yoient, que tous les lieux
d'alentour s'entretenoient
déja du bruit de ſa beauté.
Un eſprit tranquille ,
un temperament toûjours
égal , une grande attention
ſur ſes diſcours , &&&
une douceur parfaite
1
24 MERCURE
avoient preſque réparé
en elle le déffaut de l'éducation
, lorſque ſon Pere
réſolut de la conduire à
Tours.Quoyque l'air d'une
Ville de Province , &
celuy de la campagne ſe
reffemblent affés , elle ne
laiſſa pas de trouver là
d'honneſtes gens qui regarderent
les ſoins de l'inſtruire
comme les plus
raiſonnables foins du
monde. Mais il eſtoit
temps que le Dieu qui
fait
GALANT. 25
fait aimer commençaſt a
ſe meſler de ſes affaires ,
& que fon jeune coeur
apprit à ſe ſauver des pieges
& des perils de l'amour.
La tendreſſe que
ſes charmes inſpiroient
échauffoit tous les coeurs,
à meſure que l'art poliffoit
ſon eſprit , & fon
eſprit regloit ſes ſentimens
à meſure que la
flatterie eſſayoit de corrompre
ſes moeurs. Mais
c'eſt en vain que nous
May 1714.
,
C
26 MERCURE
prétendons nous arranger
fur les deſſeins de noſtre
vie , toutes nos précautions
ſont inutiles contre
les arreſts du deſtin .
Le Ciel refervoit de
trop beaux jours à l'heureuſe
Pelagie ſous les
loix de l'amour , pour
lui faire apprehender davantage
les écuëils de fon
empire. Cependant ce fut
une des plus amoureuſes
& des plus funeftes avantures
du monde qui déGALANT.
27
termina ſon coeur à la
tendreſſe.
Un jour ſe promenant
avec une de ſes amies ſur le
bord de la Loire , au pied
de la celebre Abbaye de
Marmoutier,elle apperceut
au milieu de l'eau un petit
batteaudécouvert , dans lequel
étoient deux femmes ,
un Abbé ,& le marinier qui
les conduiſoità Tours : mais
ſoit que ce bateau ne valuſt
rien ou que quelque malheureuſe
pierre en euſt écarté
les planches , en un moment
tout ce miferable é-
Cij
28. MERCURE
quipage fut enseveli ſous
les eaux. De l'autre coſté
de la riviere deux cavaliers
bien montez ſe jetterent à
l'inſtant à la nage pour ſecourir
ces infortunez ; mais
leur diligence ne leur ſervit
au peril de leur vie , qu'au
falut d'une de ces deux femmes
, que le moins troublé
de ces cavaliers avoit heureuſement
attrapée par les
cheveux , & qu'il conduifit
aux pieds de la tendre Pelagie
, qui fut fi effrayée de
cet affreux ſpectacle , qu'elle
eutpreſque autant beſoin
GALANT. 29
!
de ſecours , que celle qui
venoit d'eſtre ſauvée de cet
évident naufrage , où l'autre
femme & l'Abbé s'eftoient
desja noyez .
:
Le cavalier qui avoit eſté
le moins utile au falut de la
perſonne que ſon ami venoit
d'arracher des bras
de la mort , eſtoir cependant
l'amant aimé de la Dame
délivrée ; mais ſon amour
, fon trouble & fon
deſeſpoir avoient telle.
ment boulversé ſon imagination
, que bien loin de ſe
courir les autres , il ne s'en
C iij
30 MERCURE
fallut preſque rien qu'il ne
perift luy meſme: enfin fon
cheval impetueux le remit
malgré luy au bord d'où il
s'eſtoit précipité ; auffi- toft
il courut à toute bride, iltraverſa
la ville , & pafla les
ponts pour ſe rendre fur le
rivage , où ſa maiſtreſſe recevoit
toute forte de nouveaux
foulagements de Pelagie
, de ſa compagne , &
de ſon ami.
L'intrepidité du liberateur,
ſa prudence , ſes ſoins
& fa bonne mine pafferent
fur le champ pour des mer
GALANT. 31
veilles aux yeux de Pelagie,
De l'admiration d'une certaine
eſpece , il n'y a ordinairement
, ſans qu'on s'en
apperçoive , qu'un pas à
faire à l'amour , & l'amour
nous mene ſi loin naturellement
qu'il arrache bientoſt
tous les conſentements
de noſtre volonté. En vain
l'on ſe flatte d'avoir le tems
de reflechir , en vain l'on
veut eſſayer de ſoumettre
le coeur à la raiſon , l'eſprit
dans ces occafions eft tousjours
ſeduit par le coeur , on
regarde d'abord l'objet avec
C iiij
32 MERCURE
complaiſance.les préjugez
viennent auſſi toſt nous é
tourdir , & nous n'eſperons
ſouvent nous mieux deffendre
, que lorſque noſtre inclination
nous determine à
luytout ceder.
La tendre Pelagie eſtonnée
de ce qu'elle vient de
voir , n'ouvre ſes yeux embaraffés
, que pour jetter
des regards languiſſans
vers la petite maiſon , où
quelques Payſans aidés de
nos deux Cavaliers emportent
la Dame qui vient d'eftre
delivrée de la fureur
GALANT. 33
des flots. Elle n'enviſage
plus l'horreur du peril
qu'elle lui a vû courir ,
comme un ſpectacle ſi digne
de compaſſion , peu
s'en faut meſme qu'elle
n'envie ſon infortune.
Quoique ſes inquietudes
épouvantent ſon coeur , fes
intereſts ſe multiplient , à
meſure que cette troupe
s'éloigne d'elle . Elle croit
desja avoir démeflé que
ſon Cavalier ne ſoupire
point pour la Dame , ni la
Dame pour lui ; neanmoins
ſon eſprit s'en fait
34 MERCURE
une Rivale , elle aprehende
qu'un ſi grand ſervice
n'ait quelqu'autre motif
que la pure generofité , ou
pluſtoſt elle tremble qu'un
amour extreſme ne ſoit la
récompenſe d'un fi grand
ſervice. Cependant elle retourne
à la Ville , elle ſe
met au lit , où elle ſe tour.
mente , s'examine & s'afflige
, à force de raiſonner
fur certe avanture , dont
chacun parle à ſa mode
elle la raconte auffi tous
و
ceux qui veulent l'entendre
, mais elle s'embaraſſe
GALANT.
35
,
د tellement dans ſon récit
qu'il n'y a que l'indulgence
qu'on a pour ſon innocence
& ſa jeuneſſe , qui déguiſe
les circonſtances
qu'elle veut qu'on ignore.
Le Chevalier de Verſan
de ſon coſté ( C'eſt le
nom du Cavalier en qui
elle s'intereſſe , ) le Chevalier
de Verſan dis-je ,
n'eſt pas plus tranquille. La
belle Pelagie eſt tousjours
preſente à ſes yeux , enchanté
de ſes attraits , il va,
court , & revient , par tout
ſa bouche ne s'ouvre , que
36 MERCURE
,
,
pour vanter les appas de
Pelagie. Le bruit que cet
Amant impetueux fait de
fon amour frappe auflitoſt
ſes oreilles , elle s'applaudit
de ſa conqueſte
elle reçoit ſes viſites , écoute
ſes ſoupirs , répond à ſes
propoſitions , enfin elle
conſent , avec ſon Pere ,
que le flambeau de l'hymen
éclaire le triomphe de
fon Amant. Cette nouvelle
allarme , & deſeſpere
en vain tous ſes Rivaux. Il
eſt heureux déja. La fortune
elle-mefme pour le com
bler de graces vient atta
cher de nouveaux préſens
aux faveurs de l'amour. La
mort de ſon frere le fait
heritier de vingt mille livres
de rente. Le Chevalier
devient Marquis : nouvel
& précieux ornement
aux douceurs d'un tendre
mariage. Mais tout s'uſe
dans la vie , l'homme ſe
demaſque , la tendreſſe reciproque
s'épuiſe imper
ceptiblement , on languit ,
on ſe quitte , peut - eſtre
meſme on ſe hait , heureux
encore ſi l'on ne fouf
38 MERCURE
fre pas infiniment des caprices
de la déſunion Mais
Prices d la mort & l'amour ſe rangent
du parti de Madame
la Marquiſe de ... que ,
pour raiſon difcrette , je
nommerai Pelagie , juſqu'à
ce qu'elle foit Madame
Belzeſca.
Ainfi l'heureuſe Pelagie
aprés avoir goufté pendant
cinq ans toutes les douceurs
de l'hymen , ne ceſſe d'aimer
fon mary ( inconſtant
huit jours avant elle )
que fix ſemaines avant ſa
mort.
GALANT. 39
Un fils unique , ſeul &
cher gage de leur union ,la
rend àvingt ansheritiere &
dépofitaire des biensdu défunt.
Elle arrange exacte
ment toutes ſes affaires, elle
abandonne tranquillement
la province , & fe rend à
Paris avec fon fils .
De quel pays , Madame ,
luy dit- on,dés qu'on la voit,
nous apportez-vous tant de
beauté? dans quelle obſcure
contrée avez - vous eu le
courage d'enſevelir ju qu'a
preſent tant de charmes ?
que vous eſtes injuſte d'a
40 MERCURE
voir ſi long - temps honoré
de voſtre preſence des lieux
preſque inconnus , vous qui
eſtes encore trop belle pour
Paris . Cependant c'eſt le
ſeul endroit du monde qui
puiſſe prétendre à la gloire
de vous regarder comme la
Reine de ſes citoyennes.
Les ſpectacles , les aſſemblées,
les promenades , tout
retentit enfin des merveillesdela
belle veuve.
Le Roy Caſimir eſtoit
alors en France , pluſieurs
grands ſeigneurs avoient
ſuivi ce Prince juſqu'à la
porte
GALANT. 41
porte de ſa retraite.
Il n'y avoit point d'eſtranger
à Paris qui ne fuſt curieux
d'apprendre noſtre
langue qui commençoit à
ſe répandre dans toutes les
cours de l'Europe , & il n'y
enavoit aucun qui ne ſceuſt
parfaitement que la connoiſſance
& le commerce
des Dames font l'art, le merite
, & le profit de cette
eftude.
Un charmant voiſinage
eſt ſouvent le premier prétexte
des liaiſons que l'on
forme.
May 1714. D
MERCURE
Pelagie avoit ſa maiſon
dans le fauxbourg S. Germain
: ce quartier eſt l'azile
le plus ordinaire de tous les
eſtrangers , que leurs affaires
ou leur curioſité attirent
à Paris .
,
La Veuve dont il eſt
queſtion eſtoit fi belle
que ſa Maiſon eſtoit tous
les jours remplie des plus
honneſtes gens de la Ville ,
& environnée de ceux qui
n'avoient chez elle ni
,
droit , ni prétexte de viſite.
Enfin on croyoit en la
voyant , que , Maiſtreſſe
GALANT. 43
!
abſoluë des mouvements
de ſon ame , elle regnoit
ſouverainement ſur l'amour
comme l'amour
qu'elle donnoit regnoit fur
tous les coeurs ; mais on ſe
trompoit , & peut- eſtre ſe
trompoit- elle elle - meſme.
Pelagie eſtoit une trop
belle conqueſte , pour n'eftre
pas bien toſt encore la
victime de l'amour.
La magnificence du plus
grand Roy du monde raviſſoit
alors les yeux des
mortels , par l'éclat & la
pompe des ſpectacles &
Dij
44 MERCURE
,
des feftes , dont rien n'avoit
jamais égalé la richefſe
& la majefté ; l'on accouroit
de toutes parts ,
pour eſtre témoins de l'excellence
de ſes plaifirs , &
chaque jour ſes peuples
eſtoient obligez d'admirer
dans le délafſſement de ſes
travaux , les merveilles de
fa grandeur.
Le dernier jour enfin
des trois deſtinés pour cette
fuperbe feſte de Verfailles,
dont la poſterité parlera
comme d'une feſte inimitable
, ce jour où l'Amour
GALANT. 45
vuida tant de fois fon Carquois
, ce jour où l'Amour
ſe plut à joüer tant de
tours malins à mille beautés
que la fplendeur de ce
Spectacle avoit attiré dans
ces lieux , fut enfin le jour
qui avança le dénoüement
du fecond du ſecond hymen de Pelagie.
Un des ſeigneurs que le
Roy Caſimir avoit amenéz
avec luy , avoit malheureuſement
veu cette belle veuve
, un mois avant de ſedéterminer
à imiter le zele &
la pieté de ſon maiſtre , elle
46 MERCURE
avoit paru à ſes yeux ornée
de tant d'agrements , ou
plutoſt ſi parfaite , que la
veuë de ſes charmes luy fit
d'abord faire le voeu de n'en
plusfaire que pour elle; mais
c'eſt un conte de prétendre
qu'il ſuffiſe d'aimer pour ef
tre aimé ; rien n'eſt plus
faux que cette maxime , &
je ſouſtiens qu'on eſt ſouvent
traité fort mal en amour
, à moins qu'une heureuſe
influence n'eſtabliſſe
des diſpoſitions reciproques.
C'eſt en vain que l'amouGALANT.
47
reux Polonois brufle pour
Pelagie , ſon eſtoille n'eft
point dans ſes interefts , elle
regarde cette flame auffi
indifféremment , qu'un feu
que d'autres auroient allumé
, & quoy qu'elle voye
tous les jours ce nouvel
eſclave l'étourdir du récit
de ſa tendreſſe , ſon coeur
ſe fait ſi peu d'honneur de
cette conquefte , qu'il femble
qu'elle ignore qu'il y
ait des Polonois au monde
.
Mais l'eſprit de l'homme
prend quelquefois des ſen48
MERCURE
timents ſi audacieux quand
il aime , que la violence
de ſa paſſion & le defefpoir
de n'eſtre point écouté
, le portent ſouvent juſqu'à
l'inſolence. D'autresfois
nos titres& noſtre rang
nous aveuglent , & nous
nous perfuadons qu'on eſt
obligé de faire , du moins
en faveur de noſtre nom
ce que nous ne meritons
,
pas qu'on faſſe pour l'amour
de nous.
Le Polonois jure , tempeſte
, & s'impatiente contre
les rigueurs de ſa Maîtreffe,
GALANT .
49
treſſe , à qui ce procedé
paroiſt ſi nouveau , qu'elle
le fait tranquillement remercier
de ſes viſites . La
rage auffi toſt s'empare de
ſon coeur , il n'eſt point de
réſolution violente qui ne
lui paroiſſe légitime , l'inſenſible
Pelagie eft injufte
de n'eſtre pas tendre pour
lui , ſa dureté la rend indigne
de ſon amour , mais
fon amour irrité doit au
moins la punir de ſa rigueur
, & quoy qu'il en
couſte à l'honneur , l'éxécution
des plus criminels
May 1714. E
10 MERCURE
projets n'est qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de ſe
vanger d'une ingratte qui
ne peut nous aimer.
Ce malheureux Amant
ſcut que ſon inhumaine
devoit se trouver à la feſte
de Verſailles, avec une Dame
de ſes amies , & un de
ſes Rivaux , dont le mérite
luy avoit d'abord fait apprehender
la concurrence ,
mais qu'il croyoit trop foible
alors pour pouvoir déconcerter
ſes deſſeins . Il
prit ainſi ſes meſures avec
des gens que ſes promeſſes
GALANT.
SI
&ſes préſents engagérent
dans ſes intereſts , & il ré.
ſolut , aſſeuré de leur courage
& de leur prudence ,
d'enlever Pelagie , pendant
que le déſordre & la confuſionde
la find'une ſi grande
feſte , lui en fourniroient
encore les moyens..
Le Carroffe & les relais
qui devoient ſervir à cet
enlevement , eſtoient déja
ſi bien diſpoſés , qu'il ne
manquoit plus que le moment
heureux de s'empa
rer de l'objet de toute cette
entrepriſe ; lorſque Pelagie
1
E ij
52
MERCURE
laſſe & accablée du ſommeilque
lui avoient dérobé
ces brillantes nuits , entra ,
avec ſon amie , dans un
fombre boſquet , où la fraîcheur
& le hazard avoient
inſenſiblement conduit ſes
pasi elle y furà peine aſſiſe,
qu'elle s'y endormit
Laiffons la pour un inftant,
dans le fein du repos
dont on va bien toſt l'arracher.
- L'occaſion est trop belle
pour n'en pas profiter ; mais
le Polonois a beſoin de tout
fon monde , pour en fortir
GALANT.
53
a ſon honneur , & il commence
à trouver tant de
difficultez , à exécuter un ſi
grand deſſein dans le Palais
d'un ſi grand Roy , qu'il
s'imagine , aveuglé de ſon
déſeſpoir & de ſon amour ,
qu'il n'y a qu'une diligence
infinie , qui puiffe réparer
le déffaut de ſes précautions.
Il court pour raffem
bler ſes confidents ; mais la
vûë de ſon Rival qui ſe préſente
à ſes yeux , fait à l'inſtant
avorter tous ſes pro
jets. Où courez- vous, Monſieur
, luy dit- il , que vous
E iij
54 MERCURE
,
importe , répond l'autre ?
rendez graces , répond le
Cavalier François au refpect
que je dois aux lieux
cù nous ſommes fans
cette conſidération je
vous aurois déja puni , &
de voſtre audace , & de
l'inſolence de vos deſſeins.
Il te fied bien de m'inſulter
icy luy dit le Polonois ; je
te le pardonne : mais ſuy
moy ? & je ne tarderay pas
à t'apprendre à me reſpecter
moi- meſme , autant que
les lieux dont tu parles . Je
conſens , luy répondit le
4
GALANT .
SS
François , à te ſuivre où tu
voudras ; mais j'ay mainte
nant quelques affaires qui
font encore plus preſſées
que les tiennes: tu peux cependant
diſpoſer du rendez
vous , où je ne le feray pas
long-temps attendre.
Le bruit de ces deux
hommes éveille pluſieurs
perſonnes qui dormoient
ſur le gazon ; on s'aſſemble
autour d'eux , ils ſe taiſent
&enfin ils ſe ſéparent,
Ainfi le Polonois ſe retire
avec ſa courte honte ,
pendant que le François
E iii
56 MERCURE
cherche de tous cotez , les
Dames qu'il a perduës :
mais cette querelle s'eſtoit
paſſée ſi prés d'elles , que le
mouvement qu'elle cauſa ,
les reveilla , comme ceux
qui en avoient entendu la
fin ; elles fortirent de leur
boſquet qu'elles trouverent
desja environné de
gens qui compoſoient &
débitoient à leur mode les
circonstances decette avanture
, ſur l'idée que pouvoit
leur en avoir donné le peu
de mots qu'ils venoient
d'entendre , lorſqu'enfin il
GALANT.
$7
les retrouva. Je prie les
Lecteurs de me diſpenſer
de le nommer , ſon nom ,
ſes armes & ſes enfans ſont
encore ſi connus en France,
que , quoy que je n'aye que
ſon éloge à faire , je ne ſçay
pas ſi les fiens approuveroient
qu'on le nommaſt.
Deux heures avant que
le Cavalier François rencontrât
le Polonois , Mon.
fieur le Duc de ... avoit
heureuſement trouvé une
lettre à fos pieds : le hazard
pluſtoſt que la curiofité
la luy avoit fait ramaf
58 MERCURE
fer , un moment avant qu'il
s'apperceut des foins extreſmes
que prenoient trois
hommes pour la chercher :
la curioſité luy fit alors un
motifd'intereſt de cet effet
du hazard ; il s'éloigna des
gens dont il avoit remarqué
l'inquiétude , il ſe tira de la
foule , & dans un lieu plus
fombre & plus écarté , il
lut enfin cette lettre , qui
eſtoit , autant que je peux
m'en ſouvenir , conceuë ,
à peu prés , en ces termes.
Quelquesjustes mesures que
nous ayons priſes , quoy que mon
GALANT. رو
Carroffe & vos Cavaliers ne
foient qu'àcent pas d'icy , il n'y
aura pas d'apparence de réuffir
fi vous attendez que le retour
du jour nous ofte les moyens de
profiter du défordre de la nuit :
quelque claire que ſoit celle-cy ,
elle n'a qu'une lumiére empruntée
dont le ſoleil que j'apprenhende
plus que la mort
bien toſt diſſipper la clarté; ainfi
hatez vous de meſuivre , &ne
me perdez pas de veuë : je vais
déſoler Pelagie par ma préfen--
ce: dés qu'elle me verra , je ne
doutepas qu'elle ne cherche à me
fuir; mais je m'y prendray de
, va
60 MERCURE
façon ,que tous les pas qu'ells
fera , la conduiront dans nostre
embuscade.
La lecture de ce billet
eſtonna fort Mr le Duc ...
quiheureuſement connoiffoit
aſſez la belle veuve pour
s'intereffer parfaitement
dans tout ce qui la regardoit
; d'ailleurs le cavalier
françois qui eſtoit l'amant
declaré de la Dame , eſtoit
ſon amy particulier : ainſi il
priatout ce qu'il putraſſembler
de gens de ſa connoifſance
de l'aider à chercher
Pelagie avant qu'elle peuſt
GALANT. 61
eftre expoſée à courir les
moindres riſques d'une pareille
avanture. Il n'y avoit
pas de tempsà perdre , auſſi
n'en perd - il pas ; il fut par
tout où il creut la pouvoir
trouver , enfin aprés bien
des pas inutiles , il rencontra
ſon ami , qui ne venoit
de quitter ces deux Dames
que pour aller leur chercher
quelques rafraichif
ſements . Il est bien maintenant
queſtion de rafraif
chiſſements pour vos Dames
, luy dit le Duc , en luy
donnant la lettre qu'il ve
62 MERCURE
noit de lire , tenez , liſez, &
dites - moy ſi vous connoifſez
cette écriture , & à quoy
l'on peut à preſent vous eftre
utile. Monfieur le Duc ,
reprit le cavalier,je connois
le caractere du Comte Piof
Ki, c'eſt aſſeurement luy qui
aécrit ce billet ; mais il n'eſt
pas encore maiſtre de Pelagie
, que j'ay laiſſée avec
Madame Dormont à vingt
pas d'icy , entre les mains
d'un officier du Roy, qui eſt
mon amy , & qui , à leur
confideration , autant qu'à
la mienne , les a obligeamGALANT
. 63
ment placées dans un endroit
où elles ſont fort à leur
aife ; ainſi je ne crains rien
de ce coſté- là ; mais je voudrois
bien voir le Comte , &
l'équipage qu'il deſtine à
cet enlevement. Ne faites
point de folie icy , mon
amy , luy dit le Duc , aſſeurez
- vous ſeulement de quelques
perſonnes de voſtre
connoiſſance ſur qui vous
puiffiez compter : je vous
offre ces Meſſieurs que vous
voyez avec moy , raſſem.
blez- les autour de vos Dames
, & mettez - les ſage
64 MERCURE
ment à couvert des inſultes
de cet extravagant : fi je
n'avois pas quelques affaires
confiderables ailleurs ,
je ne vous quitterois que
certain du fuccez de vos
précautions.
Vi
LeDuc ſe retira alors vers
un boſquet où d'autres intereſts
l'appelloient,& laifſa
ainſi le cavalier françois
avec ſes amis ,à qui il montra
l'endroit où il avoit remis
ſa maiſtreſſe entre les
mains de l'officier qui s'eftoit
chargé du ſoin de la
placer commodément ; cependant
GALANT. 65
pendant il fut de ſon coſté
à la découverte de ſon ri.
val , qu'aprés bien des détours
, il rencontra enfin à
quatre pas du boſquet dont
jay parlé , &dont il ſe ſepara
comme je l'ay dit . Neanmoins
quelque ſatisfaction
qu'il ſentit du plaifir de retrouver
ſes Dames , il leur
demanda , aprés leur avoir
conté l'hiſtoire de ce qu'il
venoit de luy arriver , par
quel haſard elles ſe trouvoient
ſi loin du lieu où il
les avoit laiſſées. Apeine ,
luy dit Pelagie , nous vous
May 1714. F
66 MERCURE
avons perdu de veuë , que le
Comte Pioski eſt venu s'affeoir
à coſté de moy , aux
dépens d'un jeune homme
timide , que ſon air brufque
& fon étalage magnifique
ont engagé à luy ceder
la place qu'il occupoit.
Ses diſcours m'ont d'abord
fi cruellement ennuyée,que
mortellement fatiguée de
les entendre ,j'ay priéMadame
de me donner le bras,
pour m'aider à me tirer des
mains de cet imprudent ; le
monde , la foulle , & les
détours m'ont derobé la
GALANT. 67
connoiſſance des pas & des
efforts que fans doute il a
faits pour nous ſuivre , &
accablée de ſommeil &
d'ennuy, je me ſuis heureuſement
ſauvée dans ce bofquet
, ſans m'aviſer ſeulement
de fonger qu'il euſt
pû nous y voir entrer ; mais
quelque peril que j'aye couru
, je ſuis bien aiſe que fon
inſolence n'ait pas plus éclaté
contre vous , que fes
deſſeins contre moy , & je
vous demande en grace de
prévenir ſagement , & par
les voyesde ladouceur,tou-
tes les ſuites facheuſes que
ſon deſeſpoir & voſtre demeſlé
pourroient avoir. Il
n'y a plus maintenant rien
à craindre , il fait grand
jour , le chemin de Verſailles
à Paris eſt plein de monde
, & vous avez icy un
grand nombre de vos amis ,
ainſi nous pouvons retourner
à la ville fans danger.
Le cavalier promit à la
belle Pelagie de luy tenir
tout ce qu'elle voulut exiger
de ſes promeſſes , & fes
conditions acceptées , illamena
juſqu'à fon carroffe,
GALANT
69
où il prit ſa place , pendant
que quatre de ſes amis ſe
diſpoſerent à le ſuivre dans
le leur.
1
Il n'eut pas plutoſt remis
les Dames chez elles , &
quitté ſes amis , qu'en entrant
chez luy , un gentila
homme luy fie preſent du
billet que voicy.
Les plus heureux Amants
ceſſeroient de l'estre autant qu'ils
ſe l'imaginent , s'ils ne rencon
troient jamais d'obstacle à leur
bonheur je m'intereſſe affez au
voſtre , pour vousyfaire trouver
des difficultez qui ne vous
70
MERCURE
establiront une felicitéparfaite,
qu'aux prix de tout lefangde
Pioski. Le Gentilhomme que
je vous envoye vous expliquera
le reſte de mes intentions.
naypas
Affoyez-vous donc, Monſieur
, luy dit froidement le
cavalier françois ,& prenez
la peine de m'apprendre les
intentions de Monfieur le
Comte Pioski . Je n'ay
beſoin de ſiege , Monfieur ,
luy répondit ſur le meſme
ton , le gentilhomme Polonois
, & je n'ay que deux
mots à vous dire. Vous eſtes
l'heureux rival de Monfieur
GALANT.
le Comte qui n'eſt pas encore
accouſtumé à de telles
préferences , il eſt ſi jaloux
qu'il veut vous tuer , & que
je le veux auſſi , il vous attend
maintenant derriere
l'Obſervatoire ; ainſi prenez
, s'il vous plaiſt , un ſecond
comme moy , qui ait
aſſez de vigueur pour m'amuſer
, pendant que vous
aurez l'honneur de vous és
ggoorrggeerreennſſeemmbbllee.
Je ne ſçay ſi le françois ſe
ſouvint, ou ne ſe ſouvint pas
alors de tout ce qu'il avoit
promis à ſa maiſtreſſe , mais
72 MERCURE
voicy à bon compte lecas
qu'il en fit.
Il appella ſon valet de
chambre , qui estoit un
grand garçon de bonne vo
lonté , il luy demanda s'il
vouloit eſtre de la partie ,
ce qu'il accepta en riant,
Aufſi - toft il dit au gentilhomme,
Monfieur leComte
eſt genereux , vous eſtes
brave, voicy voſtre homme,
& je ſuis le ſien Mais Monfieur
eft- il noble , reprit le
gentilhomme. Le valet de
chambre , Eſpagnol de nation,
piqué de cette demande
GALANT .
73
de, luy répondit fierement
ſur le champ , & en ſon langage
, avec une ſaillie romaneſque
, Quienes tu hombre
? voto a San Juan. Viejo
Chriftiano estoy , hombre blanco
,y noble como el Rey Ce que
ſon maiſtre naiſtre expliqua au Polonois
en ces termes . Il
vous demande qui vous eftes
vous mesme , & il vous
jure qu'il eſt vieux Chreftien
,homme blanc , & noble
comme le Roy. Soit ,
reprit le gentilhomme,marchons.
Ces trois braves furent
ainſi grand train au
May 1714. G
74 MERCURE
rendez vous , où ils trouverent
le Comte qui commençoit
à s'ennuyer. Aprés
le falut accouſtumé , ils mirent
tous quatre l'épée àla
main. Pioski fit en vain des
merveilles , il avoit desja
perdu beaucoup de fang ,
lang,
lorſqu'heureuſement ſon épée
ſe caſſa; le gentilhomme
fut le plus maltraité,l'Ef
pagnol ſe battit comme un
lion ,& le combat finit.
Cependant le Comte
Pioski, qui , à ces violences
prés , eftoit entout un
homme fort raiſonnable ,
GALANT. 75
eut tant de regret des extravagances
que cette derniere
paffion venoit de luy
faire faire , que la pieté étouffant
dans ſon coeur tous
les interêts du monde , il
fut s'enfermer pour le reſte
de ſa vie dans la retraitte
la plus fameuſe qui ſoit en
France , & la plus connuë
par l'auſterité de ſes maximes.
Le Cavalier françois
foupira encore quelques
temps , & enfin il devint
l'heureux & digne Epoux
d'une des plus charmantes
femmes du monde.
Gij
76 MERCURE
4
Les mariages font une fi
grande époque dans les
hiſtoires , que c'eſt ordinairement
l'endroit par où
tous les Romans finiſſent ;
mais il n'en eſt pas de meſme
icy , & il ſemble juftement
qu'ils ne ſervent à
Madame Belzeſca que de
degrés à la fortune , où ſon
bonheur & ſes vertus l'ont
amenée . Tout ce qui luy
arrive dans un engagement
qui établit communément
, ou qui doit du
moins establir pour les autres
femmes , une ſigrande
GALANT. 77
tranquilité , qu'on diroit
que l'hymen n'eſt propre ,
qu'à faire oublier juſqu'à
leur nom , eſt au contraire
pour celle cy , la baze de
ſes avantures. L'eſtalage de
ſes charmes , & le bruit de
ſabeauté ne ſont point enſevelis
dans les embraffemens
d'un eſpoux : heureuſe
maiſtreſſe d'un mary
tendre & complaiſant , &
moins eſpouſe qu'amante
infiniment aimée , comme
ſi tous les incidens du monde
ne ſe raſſembloient que
pour contribuer à luy faire
Gij
78 MERCURE
des jours heureux , innocement
& naturellement
attachée à ſes devoirs , l'amour
enchainé , à ſa fuite
ne prend pour ferrer tous
les noeuds qui l'uniſſent à
ſon eſpoux , que les formes
les plus aimables , & les
douceurs du mariage ne ſe
maſquent point pour elle
ſous les traits d'un mary.
Enfin elle joüit pendant
neuf ou dix ans , au milieu
du monde , & de ſes adorateurs
, du repos le plus
doux que l'amour ait jamais
accordé aux plus heureux
GALAN 79
Amants ; mais la mort jalouſe
de ſa fecilité luy ra
vit impitoyablement le plus
cher objet de ſa tendreſſe:
que de cris ! que de ge.
miſſements ! que de larmes
! cependant tant de
mains ſe préſentent pour
efluyer ſes pleurs , que , le
temps ,la raiſon , & la néceſſité,
aprés avoir multiplié
ſes reflexions
nent enfin au ſecours de ſa
,
viendouleur
; mais il ne luy reſte
d'un eſpoux fi regretté ,
qu'une aimable fille , que la
mort la menace encore de
(
G iiij
80 MERCURE
luy ravir , ſur le tombeaude
fon pere. Que de nouvel.
les allarmes ! que de mortelles
frayeurs ? elle tombe
dans un eſtat de langueur
qui fait preſque deſeſperer
de ſa vie. Il n'eſt point de
ſaints qu'on n'invoque ,
point de voeux qu'on ne faf
ſe, elle en fait elle-meſme
pour fon enfant , & promet
enfin de porter un tableau
magnifique à Noftre-
Dame de Lorette ſi ſa
fille en réchappe. A l'inftant,
ſoit qu'un ſuccés favo
rable recompenfat ſon zele
GALANT. 81
&fa piete , ou qu'il fur
temps que les remedes operaſſent
à la fin plus effica
cement qu'ils n'avoient fait
encore , ſa maladie diminua
preſque à veuë d'oeil ,
en tros jours l'enfant fut
hors de danger , & au bout
de neufentierement guery.
Elle reſtaencore , en attendant
le retour du printemps
, prés de fix mois à
Paris , pendant lesquels elle
s'arrangea pour l'execution
de ſon voeu. Ce temps expiré
, accompagnée de ſon
fils & de ſa fille , d'une Da82
1 MERCURE
me de ſes amis , de deux
femmes de chambre , de
deux Cavaliers , & de quatre
valets , elle prit la route de
Lyon , d'où aprés avoir
paffé Grenoble , le mont
du l'An, Briançon , le mont
Geneve & Suze , elle ſe rendit
à Turin , où elle ſéjourna
trois ſemaines avec ſa
compagnie qui ſe déffit
comme elle de tout ſon équipage,
dans cette Ville,
pour s'embarquer ſur le Po.
Elle vit en paſſant les Villes
de Cazal du Montferrat
,
d'Alexandrie , le Texin qui
GALANT. 83
1
,
paſſe à Pavie , Plaiſance ,
+ Cremone , Ferrare , & enfin
elle entra de nuit à Venife
avec la marée. Elle
deſcendit à une Auberge
moitié Allemande , &moitié
Françoiſe , & dont
l'enſeigne d'un coſté , ſur
le grand Canal , reprefente
les armes de France , &
de l'autre , fur la Place de
ES. Marc , les armes de l'Empire.
Elle reçut le lende
main à ſa toilette , comme
cela ſe pratique ordinairement
à Veniſe , avec tous
les Estrangers confidera
,
S
१
84 MERCURE
,
bles , des compliments en
proſe & en vers imprimez
à ſa loüange , fon amie
& les Cavaliers de ſa compagnie
en eurent auſſi leur
part. Ces galanteries couftent
communément , & au
moins quelques Ducats à
ceux à qui on les fait. Le
ſecond jour elle fut avec
tout fon monde ſaluer Mr
l'Ambaſſadeur qui fut
d'autant plus charmé du
plaifir de voir une ſi aimable
femme , que , quoy que
Venife ſoit une Ville , où
lesbeautez ne ſont pas car
,
GALANT. 85
Π
S
res , il n'y en avoit pas encore
vû une , faite comme
- celle dont il recevoit la viſite.
La bonne chere , les,
Spectacles , les promena-
✓ des ſur la mer& ſur la coſte,
avec le Jeu, furent les plaifirs
dont il la regala , pen-
↓ dant les quinzejours qu'elle
y reſta. Il luy fitvoir dans ſa
Gondole , la pompeuſeCeremonie
du Bucentaure qui
ſe celebre tous les ans dans
cette Ville le jour de l'Afcenfion
, avec toute la magnificence
imaginable.
Je nedoute pas que bien
3
86 MERCURE
des gens neſcachent à peu
prés ce que c'eſt que cette
feſte; mais j'auray occafion
dans une autre hiſtoire d'en
faire une deſcription meſlée
de circonstances ſi agreables
que la varieté des évenemensque
je raconteray,
pourra intereſſer mes lecteurs
au recit d'une ceremonie
dont il ignore peuteſtre
les détails.
Enfin noſtre belle veuve
prit congé de Mr l'Ambaffadeur
, & le lendemain elle
s'embarqua ſur un petit baſtiment
, qui en trois jours
GALANT. 87
لا
}}
la rendit à Lorette , où elle
accomplit avec beaucoup
de zele & de religion , le
voeu qu'elle avoit fait à Pa-
1ris. Après avoir pieuſement
fatisfait à ce devoir indifpenſable
, dégouſtée des perils
, & ennuyée des fatigues
de la mer , elle refolut
de traverſer toute l'Italie
par terre , avant de retourner
en France .
!
Il n'y avoit pas fi loin de
Lorette à Rome pour n'y
pas faire untour,& je croy
a que pour tous les voyageurs,
cinquante lieuës plus ou
88 MERCURE
moins , ne ſont qu'une bagatelle
, lorſqu'il s'agit de
voir cette capitale du mõde.
- Il faiſoit alors ſi chaud ,
qu'il eſtoit fort difficile de
faire beaucoup de chemin
par jour ; mais lorſqu'on eſt
en bonne compagnie , &
de belle humeur , rien n'ennuye
moins que les ſéjours
charmants qu'ontrouve en
Italie.
Je ne prétens pas en faire
icy un brillant tableau,pour
enchanter mes lecteurs de
la beauté de ce climat ; tant
de voyageurs en ont parlé ;
Miffon
GALANT. 89
1
Miſſon l'a ſi bien épluché,
&cette terre eſt ſi fertile
en avantures , que les hiftoires
galantes que j'en raconteray
dorenavant ſuffiront
pour inſtruire d'une
maniere peut- eftre plus agreable
que celle dont ſe
ſont ſervis les écrivains qui
en ont fait d'amples relations
, ceux qui ſe conten
teront du Mercure pour
connoiſtre aſſez particuliement
les moeurs & le plan
de ce pays . Ainſi je renonceray
pour aujourd'huy au
détail des lieux que noftre
May 1714.
H
90 MERCURE
belle veuve vit , avant d'entrer
à Rome , parce que non
ſeulement il ne luy arriva
rien fur cette route qui puifſe
rendre intereſſants les cir
conſtances de ce voyage ,
mais encore parce que je ne
veux pas faire le geographe
malà propos . Le Capitole ,
le Vatican , le Chaſteau S.
Ange , le Colizée , la Place
dEſpagne, la Place Navonne
, l'Eglife S. Pierre , le
Pantheon , les Vignes , &
enfin tous les monuments
des Anciens , & les magnifiques
ouvrages des Moder
GALANT. 91
nes,dont cette ville eſt enrichie,
n'étalérent à ſes yeux
que ce que les voyageurs
lesplus indifferents peuvent
avoirveu comme elle ; mais
lorſque jetraitteray, comme
je l'ay dit,des incidens amufants
& raifonnables que
j'ay , pour y promener mes
lecteurs , j'eſpere que leur
curioſité ſatisfaite alors , les
dédommagera fuffifamment
de la remiſe & des
frais de leur voyage...
La conduite que tint à
Rome cette charmante veuve
, fut tres eſloignée de cel- :
Hij
92 MERCURE
le que nos Dames françoi
ſes y tiennent , lorſqu'avec
des graces moindres que les
fiennes , elles ſe promettent
d'y faire valoir juſqu'à leur
plus indifferent coup d'oeil.
Celle cy parcourut les Egliſes
,les Palais , les Places
& les Vignes en femme qui
ne veut plus d'avantures ;
mais elle comptoit fans for
hoſte, & l'amourn'avoit pas
figné le traité de l'arrangement
qu'elle s'eſtoit fait.
Ungentilhomme Italien
dela ſuite de l'Ambaſſadeur
de l'Empereur , qui avoir
GALANT. 93
veu par hafard une fois à la
Vigne Farneze , le viſage
admirable de noftre belle
veuve , fur ſi ſurpris de l'é
elat de tant de charmes ,
qu'il reſtacomme immobi
le , uniquement occupé dư
foin de la regarder. Elle
s'apperceut auffi- toft de fon
eſtonnement ; mais dans
Finſtant ſon voile qu'elle
laiſſa tomber, luy déroba la
veuë de cet objet de fon admiration.
L'Italien , loin de
fe rebuter de cet inconvenient
, réſolut de l'exami
ner juſqu'à ce qu'il ſceuſt ſa
94 MERCURE
ruë , fa demeure , ſon pays ,
fes deſſeins , & fon nom.
Dés qu'il ſe fut ſuffiſamment
inſtruit de tout ce
qu'il voulut apprendre ;
aprés avoir paffé& repaffé
cent fois devant ſa maiſon ,
ſans qu'on payaſt ſes ſoins
de la moindre courtoiſie,&
pleinement convaincu qu'il
n'y avoit auprés de cette
belle veuve , nulle bonne
fortune à eſperer pour luy ,
il conclut qu'il pouvoit regaler
Monfieur l'Ambaſſadeur
du merite de ſa découverte.
A
GALANT.951
En effet un jour que l'Ambaſſadeur
de Pologne difnoit
chez ſon maiſtre , voyant
vers la fin du repas,que
la compagnie entroit en
belle humeur , & que la
- converſation rouloit de
bonne grace ſur le chapitre
- des femmes ; Meſſieurs , dit-
- il , quelques ſentimens
qu'elles vous ayent fait
prendre pour elles , je ſuis
ſeur , que ſans vous embar-
-raſſer de vouloir connoiſtre
leurs coeurs plutoſt que
leurs perſonnes,vous renonceriez
à toutes les précau
96 MERCURE
tions du monde , ſi vous
aviez vû , une ſeule fois ,
une Dame que je n'ay vûë
qu'un inſtant. Je me promenois
, ily a quinze jours
àla Vigne Farneze , elle s'y
promenoit auſſi ; mais je
vous avoue que je fus ſaiſi
d'étonnement,en la voyant,
& que je luy trouvay cant
de charmes , un ſi grand
air ,& un ſi beau viſage
que je jurerois volontiers ,
quoy que cette Ville fourmille
en beautés , qu'il n'y
a rienà Rome qui ſoit beau
comme elle. Ces Miniſtres
1
Eſtrangers
GALANT. 97
5
Eſtrangers s'échaufférent
ſur le recit du Gentilhomme
Italien , celuy de Pologne
ſur tout , ſentitun mou.
vement de curioſité fi
prompt , qu'il luy demanda
d'un air empreſſé , s'il n'a
voit pas eſté tenté de ſur
vre une ſibelle femme ,&
s'il ne sçavoit pas où elle
demeuroit. Ouy, Monfieur,
luy répondit- il , je ſçay ſon
nom , ſa demeure & les
motifs de ſon voyage à
Rome, mais je n'en ſuis
pas plus avancé pour cela ,
&je croy au contraire que
May 1714.
I
98 MERCURE
mes empreſſements l'ont
tellement inquiétée, qu'elle
ne paroiſt plus aux Eglifes ,
ny aux promenades , de
puis qu'elle s'eſt apperçuë
du ſoin que je prenois d'éxaminer
ſes démarches .
Voila une fiere beauté , dit
l'Ambafladeur de l'Empereur
, & addreſſant la parole
en riant à celuy de Pologne
, Monfieur , continuast-
il , n'ayons pas le démentide
cette découverte ,
& connoiffons à quelque
prix que ce ſoit , cette belle THEQUE DEL
BIBLI
< YON
EVILL
1893*
J'y confens reTHEQUE
DA
5,
20
LY
GALANTE
18
E
VILL
prit l'autre , férieuſent
& je ſuis fort trompé fi
dans peu de jours , je ne
vous en dis des nouvelles.
Ils auroient volontiers
bû desja à la ſanté de l'inconnue
, ſi , une Eminence
qu'on venoit d'annoncer ,
ne les avoit pas arrachez de
la table , où le vin & l'amour
commençoient
à les 0
mettre en train de dire de
de
belles choses .
e Le Gentilhomme qui
ue avoit ſi à propos mis la belle
Veuve ſur le tapis , fut au
devant du Cardinal , que
I ij
100 MERCURE
fon Maiſtre fut recevoir
juſqu'au pprreemmiieerr degré de
fon Eſcalier , & en meſme
tems il reconduifit l'Ambas
ſadeur de Pologne juſqu'à
fon Carrofle. Ce Miniſtrele
questionnaſi bien , chemin
faiſant , qu'il retourna chez
luy , parfaitement inftruit
de tout ce qu'il vouloit ſcavor.
Des qu'il fut à fon
Appartement , il appella un
Valet de chambre , à qui il
avoit ſouvent fait de pareilles
confidences & aprés
luy avoir avoüé qu'il eſtoit
desja , fur un ſimple recit ,
GALANT. 101
1
:
1
éperduëment amoureux
d'un objet qu'il n'avoit jamais
vû , il luy demanda
s'il croyoit pouvoir l'aider
de ſes conſeils de fon zele
& de ſa difcretion , dans
Tembarras où il ſe trouvoit.
Je feray , luy dit le Valet
de chambre tout ce
qu'il vous plaira ; mma.is puifque
vous me permettez de
vous donner des confeils ,
je vous avoüeray franche-
FL
د
ment , que je pennſiee que
le
portrait que vous me faites,
de la conduitte ſage & retirée
que tient la perſonne
Inj 1
102 MERCURE
dont vous me parlez , eft
fouvent le voile dont Te
fervent les plus grandes
avanturieres , pour attrapper
de meilleures dupes. Ta
pénétration eſt inutile icy ,
luy répondit l'Ambaffadeur
: tu ſçais desja ſon nom
& ſa maiſon , informe toy
ſeulement fi ce qu'on m'en
adit eft véritable ; nous
verrons aprés cela le parti
que nous aurons à prendre .
Le Confident ſe met en
campagne , il louë une
chambre dans le voiſinage
de la belle Veuveil fait
>
GALANT. 103
1
1
0
e
it
connoiſſance avec un de ſes
domeſtiques , qui le met
en liaiſon avec la femme
de chambre de la Dame
qu'il veut connoiſtre : enfin
il la voit , & il apprend
qu'elle va tous les jours à
la meſſe , entre ſept & huit
heures du matin , à l'Eglife
de ſainte Cecile. Il avertit
auffi toſt ſon Maiſtre de
tout ce qui ſe paſſe ; ce Miniſtre
ne manque point de
ſe rendre ſans ſuite à cette
Eglife , & de ſe placer auprés
de cette beauté qui n'a
garde de ſe meffier à pareil
I iiij
104 MERCURE
le heure , ni de fes char
mes , ni des ſoins , ni de la
dévotion du perſonnage
quiles adore. לכ
Cependant l'allarme fonne
,& le Valet de chambre
apprend avec bien de la
douleur , que la Damedont
ſon Maiſtre eſt épris , commence
à s'ennuyer à Rome,
&qu'enfin incertaine ſi elle
retournera en France par
Genes,où ſi elle repaſſerales
Alpes, elle veutabſolument
eſtre hors de l'Italie , avant
le retour de la mauvaiſe
faifon. A l'inſtant l'AmbafGALANT.
1ος
t
!
es
16
10
le
f
1
Tadeur informé , & defefperé
de cette nouvelles ſe
détermine à luy eſcrire en
tremblant , la lettre que
voicy.
N'eſtes vous venue àRome,
Madame , que pour y violer
le droit des gens ; fi les franchiſes
les Privileges des
Ambaffadeurs font icy de vostre
Domaine , pourquoy vous dé-
Domaine
goustez - vous du plaisir d'en
joüir plus long-temps ? Fapprends
que vous avez réfolu de
partir dans buit jours. Ab! fi
rienne peut rompre ou differer
ce funeste voyage, rende-z moy
106 MERCURE
donc ma liberté que vos yeux
m'ont ravie , & au milieu de
la Capitale du monde. Ne me
laiſſez pas , en me fuyant,la
malheureuſe victime de l'amour
que vous m'avez donné. Permettez
moy bien pluſtoſt de vous
offrir en ces lieux tout ce qui
dépend de moy , & en reeevant
ma premiere visite , recevez en
mesme temps , si vous avez
quclques sentiments d'humanité,
la fortune , le coeur , & la
main de
BELZESKI.
Le Valet de Chambre
fut chargé du ſoin de luy
rendre cette lettre à elle
meſme au nom de ſon Maître
, d'examiner tous les
mouvemens de fon viſage ,
&de lui demander un mot
de réponſe.
La Dame fut aſſez
émeuë à la vûë de ce billet ,
cependant elle ſe remit aifément
de ce petit embarras
, & aprés avoir regardé
d'un air qui n'avoit rien
de déſobligeant , le porteur
de la lettre , qu'elle
avoit vûë vingt fois ſans reflexion
, elle luy dit , ce
108 MERCURE
?
tour eſt ſans doute de voſtre
façon Monfieur mais
Monfieur l'Ambaſſadeur
qui vous envoye , ne vous
en ſera guere plus obligé,
quoyque vous ne l'ayez pas
mal ſervi. Attendez icy un
moment, je vais paſſer dans
mon Cabinet , & vous en
voyer la réponſe que vous
me demandez pour luy :
Auſſi-toſt elle le quitta pour
aller efcrire ces mors. S
Fe ne sçay dequoy je ſuis
coupable à vos yeux, Monfieur,
mais je sçay bien que je ne re
ponds que par bienfeance à l'hon-
>
BAGALAN 109
0
neur que vous me faites ,
aux avantages que vous me proposez
: & je prévoy que la
viſite que vous me rendrez , si
vous voulez , vous fera auffi
peu utile qu'à moy , puisque
rien ne peut changer la réfolution
que j'ay priſe de repaffer
inceſſamment en France.
Le Polonnois éperduëment
amoureux ( car il y
avoit de la fatalité pour elle,
à eſtre aimée des gens de ce
pays ) le Polonnois , dis- je ,
donna à tous les termes de
ce billet , qu'il expliqua en
ſa faveur, un tourde confo110
MERCURE
lation que la Dame n'avoit
peut- eſtre pas eu l'intention
d'y mettre; d'ailleurs il eſtoit
parfaitementbien fait , tres
grand ſeigneur , fort riche ,
&magnifique entout. Les
hommes ſe connoiſſent , il
n'y a pas tantde mal à cela.
Celui- cy ſçavoit aſſez ſe
rendrejustice , mais heureuſement
il ne s'en faifoit pas
trop à croire , quoy qu'il
ſentit tous ſes avantages.....
Vers les * vingt& une ou
vingt- deux heures , il ſe ren-
**C'eſt en eſté à peu prés vers les fix heures
du ſoir,ſelon noftre façon de compter.
GALANT. III
コ
el
dit au logis de la belle veuve
, qu'il trouva dans undeshabillé
charmant & modeſte
, mille fois plusaimable
qu'elle ne luy avoit jamais
paru .
Que vous eſtes , Madame ,
luy dit- il , transporté du
plafir de la voir , au deſſus
des hommages que je vous
rends ; mais en verité je vais
eſtre le plus malheureux des
hommes , fi vous ne vous
rendez pas vous meſme aux
offres que je vous fais Nous
nenous connonfons n'y l'un
ny l'autre , Monfieur , luy
70%
112 MERCURE
11
répondit - elle , & vous me
propoſez d'abord des chofes
dont nous ne pourrions
peut eſtre que nous repentir
tousdeux, mais entrons , s'il
vousplaît,dansun plus grád
détail,& commençons par
examiner , i la majeſté de
voſtre caractere s'accorde
bien avec les ſaillies de cette
paffion ; d'ailleurs n'eſt il
pas ordinaire , & vrayſemblable
qu'un feu ſi prompt
às'allumer, n'en eſt que plus
prompt à s'éteindre. Enfin
ſupposé que je voulutſe encorem'engager
ſous les loix
de :
GALANT. 113
1
1
del'hymen, ſur quel fondement,
àmoins queje nem'a.
veuglaſſe de l'eſpoir de vos
promeſſes, pourrois- je compter
que vous me tiendrez
dans un certain tems ce que
vous me propoſez aujourd'huy
. Ah ! Madame , reprit
ilavecchaleur, donnez
aujourd huy voſtre confentement
à mon amour , &
demain je vous donne la
main. Par quelles loix voulez
vous authoriſer des maximes
de connoiſſance &
d'habitude , ſur des ſujers où
le coeur doit décider tout
114 MERCURE
,
ſeul ; n'y a t'il point dans le
monde des mouvements de
ſympathie pour vous , comme
pour nous , & quelle
bonne raiſon peut vous dif
penſerde faire pour nous
enun jour,la moitié du chemin
que vos charmes nous
font faire en un inſtant. Je
ſuis perfuadé que vous avez
trop d'eſprit, pour regarder
mal à propos ces chimeriques
précautions , comme
des principes de vertu , &
vous eſtes trop belle pour
douter un moment de la
conſtante ardeur des feux
GALANT 115
mt
&
רש
la
גנ
que vous allumez. Cependant
ſi vos ſcrupules s'effrayent
de la vivacité de ma
propoſition,je vous demande
du moins quinze jours
de grace , avant de vous
prier de vous déterminer en
ma faveur ; & j'eſpere ( fi
vos yeux n'ont point de peine
à s'accouſtumer à me
voir pendant le temps que
j'exige de voſtre complaiſance
) que les ſentiments
de voſtre coeur ne tarderont
pas à répondre aux tendres
& fidelles intentions du
mien. Ne me preſſez pas da
Kij
116 MERCURE
vantage à preſent , Monfieur
, luy dit elle,& laiſſez
à mes reflexions la liberté
d'examiner les circonſtancesde
voſtre propofition.
Cette réponſe finit une
conteftation qui alloit inſenſiblement
devenir tres.
intereſſante pour l'un &
pour l'autre.
Monfieur l'Ambaſſadeur
ſe leva , & prit congé de la
belle veuve aprés avoir receu
d'elle la permiffion de
retourner la voir , lorſqu'il
le jugeroit à propos.
Ce miniſtre rentra chez
GALANT 117
-
luy , ravi d'avoir mis ſes affaires
en ſibon train , & le
lendemain au matin il écrivit
ce billet à cette Dame ,
dont il avoit abſolument refolu
la conqueſte.
Le temps que je vous ay don-
- né depuis hier , Madame , ne
fuffit-il pas pour vous tirer de
toutes vos incertitudes , s'il ne
ſuffit pas , je vais estre auffi indulgent
que vous estes aimable,
je veux bien pour vous efpargner
la peine de m'eſcrire vos
Sentiments , vous accorder, jufqu'à
ce soir , que j'iray appren
dre de vostre propre bouche , le
1
118 MERCURE
réſultat de vos reflexions.
Elles eſtoient desja faites
ces réflexions favorables à
T'heureux Polonois , & pendant
toute la nuit, cette belleveuve
n'avoit pû ſe refufer
la fatisfaction de convenir
en elle-meſme , qu'elle
meritoit bien le rang d'Ambaſſadrice.
Aufſfi luy fut-il
encore offert le meſme jour
avec des tranſports fi touchants&
fi vifs,qu'enfin elle
ne fit qu'une foible deffenſe
, avant de conſentir à la
propoſition de Mr l'Ambaffadeur.
En un mot toutes
GALANT. 119
!
les conventions faites & accordées
, entre elle & fon
amant,ſon voyage de France
fut rompu , & fon mariage
conclu , & celebré ſecretement
enquinze jours.
Legrandtheatredu monde
va maintenant eſtre le
champ où va paroiſtre dans
toute fon eſtenduë , l'excellence
du merite & du bon
efprit deMadame Belzeſca.
Elle reste encore preſque
inconnuë juſqu'à la declararion
de ſon hymen , qui
n'eſt pas plutoſt rendu public
, qu'elle ſe montre auſſi
120 MERCURE
4
éclairée dans les delicates
affaires de fon mary , que
fielle avoit toute la vie
eſte Ambaſſadrice,лэ тод
Les Miniſtres Eſtrangers,
les Prélats , les Eminences
tout rend hommage à fes
lumiéres. De concert aveo
fon Epoux , ſa pénerrap
tion abbrege , addoucit &
leve toutes les difficultez
de ſa commiffion : enfin
elle l'aide à ſortir de Rome
(ſous le bon plaifir de fon
Maſtre ) fatisfait & glorieux
du ſuccés de fonAm
baffade.altera teemal
هللا
GALANT. 121
Elle fut obligée pour le
bien de ſes affaires de repaſſer
en France avec ſon
mary : elle n'y ſéjourna que
trois ou quatre mois , de là
elle alla à Amſterdam , &
à la Haye , où elle s'embarqua
pour ſe rendre à Dant-
ZIK d'où elle fut à Varſovie
où elle jouit pendant
vingt-cinq ans , avec tous
les agréments imaginables,
de lagrande fortune , & de
la tendreſſe de ſon Epoux ,
qui fut enfin malheureufement
bleſſe à la Chaffe
d'un coup dont il mourut
May 1714.
L
127
MERCURE 122
quatreJours
Tavoir
apres la
Э
receu d'une façon toute
extraordinaire .
Rien n'eſt plus noble &
plus magnifique , que la
220
20
manière dont les Grands
Seigneurs vont à la Chaſſe
en Pologne. Ils menent ordinairement
avec eux , un
fi grand nombre deDomeftiques
, de Chevaux , & de
Chiens, que leur Equipage
reſſemble pluſtoſt à un gros
détachement de troupes reglées
, qu'à une compagnie
de gens aſſemblez , pour le
plaisir de faire la guerre à
GALANT. 123
+
20
وا
LEKCI }
des animaux. Cette précaution
me paroilt fort
raisonnable , & je trouve
qu'ils font parfaitement
bien de proportionner le
nombredes combatrants au
3
21091
nombre & à la fureur des
monſtres qu'ils attaquent.
Un jour enfin, Monfieur
Belzeſki , dans une de fes
redoutables Chaffes, fe laifſa
emporter par ſon cheval ,
à la pourſuite d'un des plus
fiers Sangliers qu'on cuſt
encore vû dans la Foreſt où
il chaſſoit alors. Le cheval
anime paſſa ſur le corps de
124 MERCURE
261
ce terrible animal , & s'abbatit
en meſme temps , à
quatre pas de luy. Monfieur
Belzeſki ſe dégagea, auflitoſt
adroitement des efriers
, avant que le Monf
tre l'attaquaft ; mais ils eftoient
trop prés l'un de Laura
tre & le Sanglier desia
bleffé trop furieux , pour ne
pas ſe meſurer
44
encore con-b
tre l'ennemi qui l'attendoit :
ainſi plein de rage , il voulut
ſe llaanncceerr fur luy , mais
dans le moment ſon ennemi
intrepide & prudent lui
abbattit la teſte d'un coup
GALANT.
1:5
ſi juſte , & fi vigoureux, que
fon fabre paffa entre le col
& le tronc de an
11
avec tant de viteſſe , que le
mouvement Violent avec
lequel il retira fon bras
entraîna fon 21911
corps , de ma
niere qu'un des pieds luy
manquant , il tomba à la
renverſe ; mais fi malheu
reuſement, qu'il alla ſe fen.
dre la tefte fur une pierfe
qui ſe trouva derriere luy.
Dans ce fatal inſtanttous
les autres Chaſſeurs arrivérent
, & emporterent en
pleurant , le Corps de leur
THAJAD
126 MERCURE
infortune maiſtre , qui vécu
encore quatre jours
qu'il employa à donner à
Madame Belzeſca les dernieres
& les plus fortes
preuves de ſon amour , if
la fiitt ſon heritiere univerſelle
, & enfin il mourut
adoré de ſa femme , & infiniment
regretté de tout
le monde.
il
Il y a plus de fix ans que
Madame Belzeſca pleure
ſa perte , malgré tous les
foins que les plus grands
Seigneurs , les Princes , &
mefme les Roys , ont pris
GALANT. 127
pour la conſoler. Enfin elle
eft depuis long-temps l'amie
inſéparable de Mada
infeparable
me la Palatine de ... elle a
maintenant foixante ans
paflez , & je puis affeurer
qu'elle est encore plus aimée
; & plus reſpectée ,
qu'elle ne le fut peut eftre
jamais , dans le plus grand
efclat de fa jeuneffe. On
parle meſme de la remarier
aun homme d'une fi grande
distinction
, que , ce
bruit , quelque fuite qu'il
ait eft toutccee qu'on en peut
dire de plus avantageux ,
Lin
128 MERCURE
pour faire un parfait éloge
de ſon mérite , & de fes
vertusaises
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Résumé : HISTOIRE nouvelle.
La peste à Varsovie pousse de nombreux habitants à fuir vers les campagnes. La Palatine et plusieurs dames de la haute société, dont Madame Belzesca, se réfugient à Dantzic, accueillies par le Marquis de Canop. Madame Belzesca, connue pour son charme malgré son âge avancé, a déjà eu trois maris et de nombreux amants tout en conservant une réputation irréprochable. Originaire de Touraine, elle est élevée secrètement après une prédiction d'un berger. À douze ans, elle est ramenée chez elle et devient l'objet de l'admiration locale. Pelagie, de son vrai nom, reçoit une éducation soignée à Tours et rencontre le Chevalier de Versan lors d'un sauvetage dramatique sur la Loire. Ils se marient et vivent cinq ans de bonheur avant de se séparer. Pelagie devient veuve et hérite de la fortune de son mari. Elle s'installe à Paris avec son fils et devient célèbre pour sa beauté et son charme. À Paris, Pelagie attire l'attention de nombreux nobles et étrangers, notamment pendant le séjour du roi Casimir en France. Sa maison devient un lieu de rencontre pour les personnes distinguées. Un seigneur polonais, épris de Pelagie, planifie son enlèvement mais est déjoué par le duc de... et le cavalier français, amant de Pelagie. Le comte Pioski, jaloux, tente de tuer le cavalier français lors d'un duel mais se blesse gravement et se retire dans un monastère. Madame Belzesca, veuve, traverse une période de deuil intense mais se rétablit grâce à des prières et des promesses religieuses. Elle entreprend un voyage à Lorette et visite des villes italiennes. À Rome, elle rencontre un gentilhomme italien ébloui par sa beauté mais reste réservée. L'ambassadeur polonais à Rome, épris de la veuve, la retrouve et obtient son consentement. Ils se marient secrètement et retournent en Pologne, où ils vivent heureux pendant vingt-cinq ans. L'ambassadeur est mortellement blessé lors d'une chasse au sanglier. Madame Belzesca pleure sa perte depuis plus de six ans et est devenue l'amie inséparable de Madame la Palatine. À soixante ans, elle est encore respectée et aimée, et on envisage de la remarier à un homme de grande distinction.
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47
p. 461-462
ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
Début :
Venus, pour excuser sa conduite volage, [...]
Mots clefs :
Beauté, Vénus
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
ALLEGORIE
,
TRIOMPHE
DE PALLAS.
r
Venus , pour excufer fa conduite volage ,
Difoit un jour en prefence des Dieux ,
Qu'une extreme Beauté ne peut fuir le nauf
frage :
Pallas foutenoit qu'en tous lieux ,
Quelque belle qu'on foit , quand on veut on
eft fage.
Jupiter fur ce débat-là ,
Sourit & Momus plaifanta 3
Mes Dames , leur dit- il, fi vous voulez m'ent
croire ,
Concourrez toutes deux à faire une Beauté ;
A mille attraits joignez un peu d'honnêteté ,
Nous verrons qui des deux gagnera la victoirey
Pallas accepta le parti ;
+
Mais doutant de la réülfite
Venus voulut en avoir la conduite ,
Ce qui fut à l'inftant par Pallas confenti
Venus forme une Beauté rare ,
Sur elle feule épand tous les tréfors,
Dont la Nature eft fi fouvent avare ;
Pallas, d'un foufie anime ce beau corps
Lafé (car c'eft lenom qu'on donnoit à la Belle)
Souffric
462 MERCURE DE FRANCE.
Souffrit d'abord fortune affez cruelle,
Fort peu de biens , beaucoup d'Admirateurs..
Peines , courfes , travaux & cent Adorateurs ,
Offrant'à fes befoins reffource criminelle ;-
Mais en vain cette Belle avoit une fierté
Par qui fon coeur en fureté ,
Rioit de leur pourſuite vaine ;
Venus même s'en allarma ,
Tant que pour dompter l'Inhumaine ,
Elle la fit entrer à l'Opera.
Ce ne font plus des Amans de Province ; »
Des Ducs, des Financiers , des Marquis , & des
Princes ,
Forment la Cour , chacun de fon côté ,
Fait de fon mieux à vaincre notre Belle ,
Chaque jour Billets doux , fans ceffe offre nou
velle ,
Mais tout eft rebuté.
Et près d'un pere on voit cette fage perfonne,
Jouir en dépit de Venus ,
Des applaudiffemens que le Parterre donne ,.
A fes Graces , à fes Vertus,
,
TRIOMPHE
DE PALLAS.
r
Venus , pour excufer fa conduite volage ,
Difoit un jour en prefence des Dieux ,
Qu'une extreme Beauté ne peut fuir le nauf
frage :
Pallas foutenoit qu'en tous lieux ,
Quelque belle qu'on foit , quand on veut on
eft fage.
Jupiter fur ce débat-là ,
Sourit & Momus plaifanta 3
Mes Dames , leur dit- il, fi vous voulez m'ent
croire ,
Concourrez toutes deux à faire une Beauté ;
A mille attraits joignez un peu d'honnêteté ,
Nous verrons qui des deux gagnera la victoirey
Pallas accepta le parti ;
+
Mais doutant de la réülfite
Venus voulut en avoir la conduite ,
Ce qui fut à l'inftant par Pallas confenti
Venus forme une Beauté rare ,
Sur elle feule épand tous les tréfors,
Dont la Nature eft fi fouvent avare ;
Pallas, d'un foufie anime ce beau corps
Lafé (car c'eft lenom qu'on donnoit à la Belle)
Souffric
462 MERCURE DE FRANCE.
Souffrit d'abord fortune affez cruelle,
Fort peu de biens , beaucoup d'Admirateurs..
Peines , courfes , travaux & cent Adorateurs ,
Offrant'à fes befoins reffource criminelle ;-
Mais en vain cette Belle avoit une fierté
Par qui fon coeur en fureté ,
Rioit de leur pourſuite vaine ;
Venus même s'en allarma ,
Tant que pour dompter l'Inhumaine ,
Elle la fit entrer à l'Opera.
Ce ne font plus des Amans de Province ; »
Des Ducs, des Financiers , des Marquis , & des
Princes ,
Forment la Cour , chacun de fon côté ,
Fait de fon mieux à vaincre notre Belle ,
Chaque jour Billets doux , fans ceffe offre nou
velle ,
Mais tout eft rebuté.
Et près d'un pere on voit cette fage perfonne,
Jouir en dépit de Venus ,
Des applaudiffemens que le Parterre donne ,.
A fes Graces , à fes Vertus,
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Résumé : ALLEGORIE, TRIOMPHE DE PALLAS.
Le texte relate un débat allégorique entre Vénus et Pallas (Athéna) sur la beauté et la vertu. Vénus soutient que l'extrême beauté ne garantit pas la moralité, tandis que Pallas affirme que la beauté peut être sage. Jupiter propose un concours pour créer une beauté parfaite dotée d'honnêteté. Vénus accepte de façonner cette beauté, nommée Laïs, et Pallas s'engage à l'animer. Laïs, bien que belle, connaît des débuts difficiles mais reste insensible aux offres et aux poursuites. Vénus l'introduit à l'Opéra pour la dompter, mais Laïs attire l'attention des nobles et des princes sans céder à leurs avances. Elle gagne finalement la reconnaissance du public pour ses grâces et ses vertus, malgré les tentatives de Vénus de la corrompre.
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48
p. [1263]-1267
LA BEAUTÉ ODE.
Début :
Quel spectacle s'offre à ma vûë ? [...]
Mots clefs :
Beauté, Attraits, Dieux, Traits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA BEAUTÉ ODE.
LA BEAUTE
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
O DE.
Uel fpectacle s'offre à ma vie ?
Quel objet vient flatter mes fens !
Mon ame paroît toute émuë ;
D'où naît le trouble que je fens ?
Mon efprit étonné s'égare ;
Un charme inconnu s'en empare ,
Confus , inquiet , agité ,
II. Vol.
A ij Quelle
1264 MERCURE DE FRANCE
Quelle Divinité puiſſante
Me frappe , me ravit , m'enchante ?
Eft-ce toi , charmante Beauté ? ´
Mais qui pourroit te méconnoître.
Qui peut fe méprendre à ces traits ?
Déeffe , tu n'as qu'à paroître ,
Tout cede à tes divins attraits ;
Oui , l'Univers te rend hommage ;
On admire en toi i'affemblage
Des plus rares préfens des Dieux ,
Tout eft fous leur obéiffance ;
Mais tout l'éclat de leur puiffance
Cede à celui de deux beaux yeux,
Autrefois épris de tes charmes
On vit ces Maîtres des mortels
Te rendant à l'envi les armes
Venir encenſer tes Autels.-
›
En Satyre pour Antiope , *
En Taureau pour la belle Europe
On vit Jupiter fe changer ;
Bacchus d'un Raifin prend la forme ,
Neptune en Dauphin fe transforme
,
Le beau Phoebus devient Berger.
* Métamorphofe
d'Ovide . Liv. 7.
Mais II. Vol
JUIN. 1730 .
1265
Mais c'eft pea , du plus infenfible
Tu peux diffiper la froideur ;
De l'ennemi le plus terrible
Tu fçais défarmer la fureur ;
En calme tu changes l'orage ;
·Tu domptes le plus fier courage ;
Tu changes la haine en amour ;
Tu furmontes tous les obftacles;
Et pour enfanter des miracles ,
Tu n'as qu'à te montrer au jour.
L'Amour , ce fier Tyran qui brave
Le pouvoir des Dieux & des Rois ,
Devient lui-même ton Eſclave ;
Pfiché l'a foumis à tes Loix; '
Si tu ne lui prêtois des charmes
Ses traits feroient de vaines armes
Ils ne pourroient rien enflamer
Il faut du moins ton apparence
Pour faire pancher la balance
Vers l'objet dont il veut charmer.
De même qu'une fleur nouvelle
Qu'un Printems voit naître & mourir ,
On apperçoit dans la plus belle
Ton brillant éclat ſe flétrir .
Le tems qui n'épargne perfonne
II. Vol. A iij De
1266 MERCURE DE FRANCE
De fa cruelle faux moiffonne
Sans égard , tes Roſes , tes Lys ;
Mais fon inexorable rage
En penfant te faire un outrage
De tes dons augmente le prix.
Les Ris , les Graces , la Jeuneffe
Accompagnent par tout tes pas ;
Les plaifirs te fuivent ſans ceffe ,
Il n'en eft point où tu n'es pas ;
De fes Héros , Déeffe aimable ,
Tout l'Univers t'eft redevable ,
Il te doit leurs faits glorieux ;
Hercule eut Jupiter pour pere ;
Mais fans les attraits de fa mere
Auroit- il merité les Cieux ?
Grands Dieux ! quels cris fe font entendre !
Qu'apperçois -je de toutes parts !
Une Ville réduite en cendre
Vient de s'offrir à mes regards ;
Je frémis ! qui le pourroit croire
Décffe , on l'immole à ta gloire ,
C'est pour poffeder tes appas :
Oui l'on voit la fuperbe Troye
A la fureur des Grecs en proye
Pour l'Epoufe de Menelas.
I I. Vol.
Mais
JUIN. 1730. 1267
Mais infenfe , qu'ofai - je faire ?
Quel vain eſpoir peut me flater ?
Beauté , quelle ardeur temeraire
M'engage à vouloir te chanter ?
Ta vûë en dit plus que ma Lyre ,
Et malgré le feu qui m'infpire
Je peins mal tes divins attraits.
Heureux , pour prix d'un foible hommage ,
Si tu daignois fur mòn Ouvrage
Répandre quelqu'un de tes traits.
ParM. Richa rd de Ruffey , de Dijon.
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Résumé : LA BEAUTÉ ODE.
Le poème 'La Beauté', publié dans le Mercure de France en juin 1730, exalte la beauté, personnifiée et divinisée par l'auteur. La beauté est décrite comme une puissance capable de charmer et de dominer tous les êtres, y compris les dieux. Jupiter, Bacchus, Neptune et Apollon se transforment pour séduire des mortels, illustrant ainsi son pouvoir irrésistible. La beauté peut apaiser la colère, transformer la haine en amour et surmonter tous les obstacles. Cependant, elle est éphémère, comparable à une fleur printanière. Malgré sa fugacité, elle est associée à des rires, des grâces et à la jeunesse, et inspire des plaisirs constants. L'auteur mentionne la destruction de Troie pour Hélène, soulignant que même les villes peuvent être sacrifiées pour la beauté. Il conclut en exprimant son admiration et son désir de chanter la beauté, tout en reconnaissant l'impuissance de ses mots à capturer pleinement ses charmes divins.
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49
p. 1788
PORTRAIT DE PHILIS.
Début :
Qu'en vous on voit briller de charmes ! [...]
Mots clefs :
Beauté, Portrait
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PORTRAIT DE PHILIS.
PORTRAIT DE PHILIS.
Q
U'en vous on voit briller de charmes !
On ne balance point à vous rendre les armes.
Quel vifage ! quels yeux ! quel éclat de beauté !
Quel air ! quelle vivacité !
Voilà , Philis , votre portrait fidele ;
Mais l'amour à mes yeux vous peint encor plus
belle.
Par M. L'Affichard.
Q
U'en vous on voit briller de charmes !
On ne balance point à vous rendre les armes.
Quel vifage ! quels yeux ! quel éclat de beauté !
Quel air ! quelle vivacité !
Voilà , Philis , votre portrait fidele ;
Mais l'amour à mes yeux vous peint encor plus
belle.
Par M. L'Affichard.
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50
p. 2689-2719
LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
Début :
Ne rougissez pas, Madame, d'avoir été si peu sensible aux beautez qui [...]
Mots clefs :
Tragédie, Amour, Théâtre, Mort, Auteur, Beauté, Frère, Hymen, Colère, Justice, Yeux, Corneille, Monologue, Seigneur, Amant, Âme, Roi, Crime, Sentiments, Nature
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
LETTRE de Mr de ... , à Mde de ...
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
fur la Tragedie de Venceflas.
Neté à peu fenfible aux beautez qui
E rougiffez pas , Madame , d'avoir
font répandues dans la Tragedie de Venceflas
; ce n'eft point par des applaudiffemens
qu'un efprit auffi délicat que le vôtre
doit fe déterminer. Un Acteur , tel que
Baron , peut prêter des graces aux endroits
d'une Tragédie , même les plus rebutanss
les fuffrages deviennent alors tres- équi-
I. Vol. yoques
2690 MERCURE DE FRANCE
voques , & l'on peut le tromper quand
on en fait honneur à l'Auteur.Ce n'eft pas
qu'il n'y ait de grandes beautez dans cette
Tragedie. Rotrou étoit un de ces génies
que la nature avare ne donne que de ſiécles
en fiécles ; le grand Corneille n'a pas
dédaigné de l'appeller fon Pere & lon
Maître;& fa fincerité avoit autant de part
que fa modeſtie à des noms fi glorieux ;
mais ce qui excitoit l'admiration dans un
temps où le Théatre ne faifoit que de naî
tre , ne va pas fi loin aujourd'hui ; on fe
contente d'eftimer ce qui a autrefois étonné
, & pour aller jufqu'à la furpriſe , on a
befoin de fe tranfporter au premier âge
des Muſes. Tel étoit celui de Rotrou , par
rapport à la Tragédie ; ceux qui avoient
travaillé avant lui dans ce genre de Poëfie
que Corneille & Racine ont élevé fi
haut , ne lui avoient rien laiffè qui pût
former fon goût ; de forte que la France
doit confiderer Rotrou comme le créateur
du Poëme Dramatique , & Corneille
comme le reftaurateur. Vous voyez ,
Madame , que cela pourroit fuffire pour
juftifier vos dégouts ; je veux aller plus
loin , & parcourir également les beautez
& les défauts de la Tragedie de Venceſlas
, pour pouvoir en porter un jugement
équitable.
1. Vol.
ACTE
DECEMBRE. 1730. 2691
Į
ACTE I.
Venceflas ouvre la Scene fuivi de
Ladifas & d'Alexandre fes fils ; il faut
retirer le dernier par ce vers adreffé à
tous les deux .
Prenez un fiége , Prince , & vous, Infant, ſortez.
Alexandre lui répond.
J'aurai le tort , Seigneur , fi vous ne m'écoutez.
Ce fecond vers eft un de ceux qu'il
faut renvoyer au vieux temps. J'aurai le
tort, n'eft plus françois , mais ce n'eft pas
la faute de l'Auteur . Que vous plaît-il ? cft
trop profaïque & trop vulgaire ; il n'étoit
pas tel du temps de Rotrou. Paffons
à quelque chofe de plus effentiel. Voici
des Vers dignes des fiécles les plus éclai
rez ; c'eſt Venceflas qui parle à Ladiflas.
Prêtez- moi , Ladiflas , le coeur avec Poreille
J'attends toujours du temps qu'il meuriffe le
fruit ,
Que pour me fucceder , ma couche m'a produit
Et je croyois , mon Fils , votre Mere immor,
relle ,
Par le refte qu'en vous elle me laiffa d'elle ;
Mais hélas ! ce portrait qu'elle s'étoit tracé ,
Perd beaucoup de fon luftre , & s'eft bien effacé
Ne
2692 MERCURE DE FRANC .
:
Ne diroit - on pas que c'eft Corneille
qui parle ? Ces Vers nous auroient , fans
doute , fait prendre le change , s'ils n'avoient
été précédez de cet à parte de
Ladiflas.
Que la Vieilleffe fouffre , & fait fouffrir autrui !
Oyons les beaux avis qu'un flatteur lui confeille
:
Quelle difparate ! tout ce que Venceflas
dit dans cette Scene , eft mêlé de petites
fautes , & de grandes beautez ; les
fautes font dans l'expreffion , les beautez
dans les penfées . Il y a pourtant dans ces
dernieres quelque chofe qui dégrade le
pompeux Dramatique : C'eft l'indigne
portrait que Venceflas fait d'un Fils qui
doit lui fucceder , & qui lui fuccede en
effet à la fin de la pièce. Le voicy ce
Portrait ;
S'il faut qu'à cent rapports ma créance réponde
,
Rarement le Soleil rend la lumiere au monde ;
Que le premier rayon qu'il répand icy bas ,
N'y découvre quelqu'un de vos affaffinats.
Où du moins on vous tient en fi mauvaiſe eftime,
Qu'innocent ou coupable , on vous charge du
crime ,
Et que vous offenfant d'un foupçon éternel ,
Aux bras du fommeil même, on vous fait criminel.
I. Vol. Quel
DECEMBRE . 1730. 2693
Quel correctif que ces quatre derniers
vers ! dans quelle eftime doit être un
Prince à qui on impute tous les crimes
que la nuit a dérobés aux regards du Public
? De pareils caracteres ont-ils jamais
dû entrer dans une Tragédie ? Mais dans
le refte de la Piéce , les difcours & les actions
de ce monftre iront plus loin que
le portrait.
Ce qu'il y a de plus furprenant , c'eſt
que Ladiflas , tel qu'il eft , trouve encore
le fecret de le faire aimer. On en peut ju¬
ger par ces Vers.:
Par le fecret pouvoir d'un charme que j'ignore,
Quoiqu'on vous meſeftime , on vous chérit encore
;
Vicieux , on vous craint , mais vous plaifez heureux
Et pour vous l'on confond le murmure & les
voeux.
J'avoue, Madame , que je ne comprends
pas le vrai fens de ce vers :
Vicieux , on vous craint ; mais vous plaifez heureux.
Vicieux & heureux, nefont pas faits pour
faire une jufte oppofition ; l'Auteur ne
voudroit-il pas dire , que malgré les vices
qui le font craindre , Ladiflas a le bon-
I. Vol
.G heur
2694 MERCURE DE FRANCE
heur de plaire ? Quoique ce vers puifle
fignifier , on ne fçauroit difconvenir qu'il
n'ait un fens bien louche . Mais que de
beautés fuivent ces petits deffauts ! Vous
en allez juger par cette belle tirade : c'eft
toujours Venceslas qui parle à fon Fils.
Ah ! méritez , mon Fils , que cet amour vous
dure ;
Pour conferyer les voeux , étouffez le murmure
Et regnez dans les coeurs par un fort dépendant
Plus de votre vertu que de votre aſcendant ;
Par elle rendez - vous digne du diadême ;
Né pour donner des loix , commencez par vous
même ;
Et que vos paffions , ces rebelles fujets ,
De cette noble ardeur foient les premiers objets .
Par ce genre de regne , il faut meriter l'autre
Par ce dégré , mon Fils , mon Thône fera vô
tre.
Mes Etats , mes Sujets , tout fléchira fous vous
Et , fujet de vous feul , vous regnerez fur tous .
>
2
?
Quand on trouve de fi grandes beautez
de détail dans une Piéce , on eft prefque
forcé à faire grace aux vices du fond;
& c'eft en cela feulement , Madame , que
je trouve vos dégouts injuftes . Voyons le
refte de cette Scene , qui eft dans le genre
déliberatif. Venceslas dans la leçon
qu'il fait à fon Fils , appuye fur trois
I. Vol, points
DECEMBRE . 1730. 2695
points ; fçavoir , fur les mauvais dépor
temens de fon Fils , fur fa haine pour fon
premier Miniftre , & fur l'averfion qu'il
a pour l'Infant. Ladiflas s'attache à répondre
exactement aux objections ; mais
il commence par convenir d'un reproche
que fon Pere ne lui a fait que d'une maniere
vague. Le voici :
Vous n'avez rien de Roy , que le défir de Pêtre
;
Et ce défir , dit -on , peu difcret & trop promt
En fouffre avec ennui le bandeau fur mon front.
Vous plaignez le travail où ce fardeau m'engage,
Et n'ofant m'attaquer , vous attaquez mon âge ,
&c.
Ce reproche doit- il obliger Ladiflas à
confeffer à fon Pere & à fon Roy , qu'il
eft vrai qu'il fouhaite la Couronne , &
qu'il lui eft échapé quelques difcours ?
Il fait plus , il cite le jour , où il a parlé
fi indifcretement fur une matiére fi délicate
:
Au retour de la Chaffe , hier affifté des micas
&c.
A quoi n'expofe- t-il pas les plus affidez
amis ? Sera- t- il bien difficile au Roy
de les difcerner ; il n'a qu'à fçavoir qui
font ceux qui l'ont fuivi à la Chaffe &
I. Voln Gij qui
2696 MERCURE DE FRANCE
qui ont foupé avec lui. Voicy ce qu'il
avoie lui être échappé :
Moy , fans m'imaginer vous faire aucune injure
,
Je coulai mes avis dans ce libre murmure ,
Et mon fein à ma voix s'ofant trop confier
Ce difcours m'échappa ; je ne le puis nier :
Comment , dis-je , mon Pere accablé de
d'âge ,
Et , fa force à prefent fervent mal fon courage,
Ne fe décharge- t- il avant qu'y fuccomber ,
D'un pénible fardeau qui le fera tomber ? &c.
tant
Voilà Venceflas inftruit d'un nouveau
crime qu'il pouvoit ignorer , & Ladiflas
très-imprudent de le confeffer ,fans y être
déterminé que par une plainte qui peut
n'être faite qu'au hazard. J'ai vu un pareil
trait dans une Comédie : Un Valet
pour obtenir grace pour un crime dont
on l'accufe , en confeffe plufieurs que fon
Maître ignore ; encore ce Valet eft-il plus
excufable, puifque l'épée dont on feint de
le vouloir percer , lui a troublé la raiſon;
au lieu que Ladiflas s'accufe de fang froid
devant un Pere qui l'aime , & qui vient
de lui dire :
Parlez , je gagnerai vaincu , plus que vainqueur
;
J. Vol. Je
DECEMBRE. 1730 : 2697
Je garde encor pour vous les fentimens d'un
Pere ;
Convainquéz-moi d'erreur ; elle me fera chere
-
Je fçais qu'on pourroit répondre à mon
objection ; que Ladiflas pouvoit fçavoir
qu'on avoit fait au Roy un fidele raport
de tout ce qui s'étoit dit à table ; mais
en ce cas là il faudroit en inftruire les
Spectateurs qui ne jugent pas d'après de
fuppofitions ; ainfi Ladiflas auroit dû dire
au Roy fon Pere : Je fçai qu'on vous a inf
trait ; ou l'équivalant. Il eft vrai qu'il
femble le dire par ce Vers :
J'apprends qu'on vous la dit , & ne m'en´ deffends
point.
Mais j'apprends, ne veut pas
dire qu'on
le lui ait apptis auparavant ; il feroit
bien plus pofitif de dire :je fçai qu'on
vous l'a dit
Ladiflas n'a garde de convenir que Ic
portrait que fon Pere vient de faire de
lui , foit d'après nature's bien loin delà
il l'accufe d'injufte prévention par ce'
Vers :
de ma part tout vous choque & vous
Encor que
bleffe , &c.
>
Pour ce qui regarde fa haine pour le
Giij Due I. Vol.
2698 MERCURE DE FRANCÈ
ſon Duc de Curlande,& fon averfion pour
Frere ,il ne s'abbaiffe à l'excufer que pour
,
s'y affermir. Voicy comme il s'explique :
J'en hais l'un , il eft vrai , cet Infolent Miniftre
,
Qui vous eft précieux autant qu'il m'eſt ſiniſtre ;
Vaillant , j'en fuis d'accord ; mais vain , fourbe ,
Aateur ,
Et de votre pouvoir , fecret ufurpateur , & c.
Mais s'il n'eft trop puiffant pour craindre ma
colere ,
Qu'il penfe murement au choix de fon falaire ,
&c.
&
Ce derniers vers fuppofe , comme il
eft expliqué un peu un peu auparavant
beaucoup plus dans la fuite , que Venceflas
a promis au Duc de lui accorder la
premiere grace qu'il lui demanderoit , en
faveur des fervices fignalez qu'il a rendus
à l'Etat. C'eſt pour cela que Ladiflas
ajoute :
Et que ce grand crédit qu'il poffede à la
Cour ,
S'il méconnoit mon rang , reſpecte mon amour,
Ou tout brillant qu'il eft , il lui fera frivole ,
Je n'ay point fans fujet , lâché cette parole ,
Quelques bruits m'ont appris jufqu'où vont fes
deffeins ;
I. Vol.
Et
DECEMBRË. 1730. 2699
Et c'eſt un des fujets , Seigneur , dont je më
plains.
Voicy ce qu'il dit au fujet de l'Infant.
Pour mon Frere , après fon infolence
Je ne puis m'emporter à trop de violence ;
Et de tous vos tourmens , la plus affreuſe horreur
Ne le fçauroit fouftraire à ma jufte fureur , &c.
L'humeur infléxible de ce Prince obli
ge fon Pere à prendre les voyes de la
douceur ; il convient qu'il s'eft trompés
il l'embraffe , & lui promet de l'affocier à
fon Thrône. C'eſt par là feulement qu'il
trouve le fecret de l'adoucir , & de lui
arracher ces paroles , peut-être peu finceres
;
>
De votre feul repos dépend toute ma joye ;
Et fi votre faveur , jufques -là fe déploye ,
Je ne l'accepterai que comme un noble emplois
Qui parmi vos fujets fera compter un Roy.
L'Infant vient pour fe juftifier du manque
de refpect dont fon Frere l'accufe ,
le Royle reçoit mal en apparence , & dit
à
part :
A quel étrange office , amour me réduis -tu ,
De faire accueil au vice & chaffer la vertu ?
1
I. Vol.
G iiij Ven
2700 MERCURE DE FRANCE
Venceslas ordonne à l'Infant de deman
der pardon à Ladiflas , & à Ladiſtas de
tendre les bras à fon Frere . Ladiflas n'obéit
qu'avec répugnance ; ce qu'il fait
connoître par ces Vers qu'il adreffe à l'Infant.
'Allez , & n'imputez cet excès d'indulgence ' ;
Qu'au pouvoir abſolu qui retient ma vengeance :
Le Roy fait appeller le Duc de Curlande
pour le réconcilier avec Ladiflas :
cette paix eft encore plus forcée que l'autre.
Venceflas preffe le Duc de lui demander
le prix qu'il lui a promis . Le
Duc lui obeït & s'explique ainfi :
Un fervage , Seigneur , plus doux que votre Em
pire ,
Des flammes & des fers font le prix où j'aſpire…..?
Ladiflas ne le laiffe
pas achever , &
lui dit :
Arrêtez , infolent , & c.
Le Duc fe tait par reſpect & ſe retire
avec l'Infant.
Le Roy ne peut plus retenir fa colere ,
il dit à ce Fils impétueux , qu'il ménage
mal l'efpoir du Diadême , & qu'il hazarde
même la tête qui le doit porter. Il le
quitte .
Je m'apperçus , Madame , que ces man-
I. Vol. ques
DECE MBRE. 1730: 2701
paques
de refpect , réïterés coup fur coup ;
en prefence d'un Roy ; vous revoltérent
pendant toute la réprefentation , je ne le
trouvai pas étrange , & je fentis ce que
vous fentiez . On auroit pû paffer de
reilles infultes dans les Tragedies qu'on
repreſentoit autrefois parmi des Républicains
; on ne cherchoit qu'à rendre les
Rois odieux ; mais dans un état monarchique
, on ne fçauroit trop refpecter le
facré caractere dont nos Maîtres font revêtus.
Dans la derniere Scene de ce premier
Acte on inftruit les Spectateurs de ce qui
a donné lieu à l'emportement de Ladif- .
las , & à l'infulte qu'il a faite au Duc en
prefence du Roy fon Pere. Ce Prince violent
croit que le Duc eft fon Rival. Ce--
pendant il ne fait que prêter fon nom
à l'Infant . Cela ne fera expofé qu'à la fin
de l'Acte fuivant , je crois qu'on auroit
mieux fait de nous en inftruire dès le
commencement de la Piéce.-
ACTE II
Theodore , Infante de Mofcovie , com
mence le fecond Acte avec Caffandre ,
Ducheffe de Cuniſberg . Elle lui parle ens
faveur de Ladiflas qui lui demande fas
main Caffandre s'en deffend par ces
Gy. Now
Vers :
LVola
2902 MERCURE DE FRANCE
Non , je ne puis fouffrir en quelque rang qu'if
monte ,
L'ennemi de ma gloire & l'Amant de ma honte ,
Et ne puis pour Epoux vouloir d'un ſuborneur ,
Qui voit qu'il a fans fruit attaqué mon honneur
L'Infant n'oublie rien pour appaifer
la jufte colere de Caffandre ; mais cette
derniere ne dément point ſa fermeté , &
découvre toute la turpitude des amours
de Ladiflas , par ces mots :
Ces deffeins criminels , ces efforts infolens ,
Ces libres entretiens , ces Meffages infames ,
. L'efperance du rapt dont il flattoit fes flammes ,
Et tant d'autres enfin dont il crut me toucher
Aufang de Cunisberg fe pourroient reprocher.
Je conviens avec vous , Madame,qu'un
amour auffi deshonorant que celui - là ,
n'eft pas fait pour la majefté de la Scene
Tragique, & qu'il doit faire rougir l'objet
à qui il s'adreffe . On a beau dire que
cela eft dans la nature ; il faudroit qu'il
fut dans la belle nature , & je doute qu'on
pafsât de pareilles images dans nos Comédies
d'aujourd'hui , tant le Théatre
eft épuré.
Ladiflas vient ſe joindre à fa four , pour
éblouir les yeux de Caffandre , par l'offre
d'une Couronne ; mais elle lui répond
avec une jufte indignation..
Me
DECEMBRE. 1730. 2703
Me parlez - vous d'Hymen & voudriez-vous.
pour femme
L'indigne & vil objet d'un impudique flamme ?
Moi ? Dieux ! moi ? la moitié d'un Roy d'un
Potentat !
Ah ! Prince , quel prefent feriez - vous à l'Etat >
De lui donner pour Reine une femme ſuſpecte
Et quelle qualité voulez - vous qu'il reſpecte ,
En un objet infame & fi peu refpecté ,
Que vos fales défirs ont tant follicité ?
Tranchons cette Scene , elle eft trop
révoltante. Ladiflas voyant que Caffandre
eft infléxible , s'emporte jufqu'à lui
dire , qu'il détefte fa vie à l'égal de la mort.
Caffandre faifit ce prétexte pour fe retirer.
Ladiflas court après elle ; il prie fa
foeur de la rappeller ; & fe repentant un
moment après de la priere qu'il vient
de lui faire; il dit qu'il veut oublier cette
ingrate pour jamais , & qu'il va preffer
fon Hymen avec le Duc qu'il croit fon
Rival, cette erreur produit une fituation ,
L'Infante qui fe croit aimée du Duc , &
qui l'aime en fecret , ne peut apprendre
fans douleur qu'il aime Caffandre. Elle /
fait connoître dans un Monologue ce qui
fe paffe dans fon coeur . On vient lui dire
que le Duc demande à lui parler. Elle le
fait renvoyer , fous prétexte d'une indif
1.Vol. Gvj pofi2704
MERCURE DE FRANCE
pofition . L'Infant vient pour fçavoir quelle
eft cette indifpofition ; il la confirme
dans fon erreur , il fait plus, il la prie de
fervir le Duc dans la recherche qu'il fait
de Caffandre ; l'Infante n'y peut plus tenir,
& fe retire , en difant :
Mon mal s'accroît , mon Frere , agréez ma re÷
traite.
Rien n'eft plus Théatral que ces fortes:
'de Scenes ; mais quand le Spectateur n'y
comprend rien , fon ignorance diminuë
fon plaifir ; il plaît enfin à l'Auteur de
nous mettre au fait , par un Monologue
qui finit ce fecond Acte ; & j'ofe avancer
que l'explication ne nous inftruit guére
mieux que le filence . Voicy comment
s'explique l'Infant dans fon Monologue.
O fenfible contrainte ! ô rigoureux ennui ,,
D'être obligé d'aimer deffous le nom d'autrui !
Outre que je pratique une ame prévenuë ,
Quel fruit peut tirer d'elle une flamme inconnuë?
Et que puis - je efperer fous cet afpect fatal ,
Qui cache le malade en découvrant le mal ? &c
Les deux premiers Vers nous apprennent
que l'Infant aime fous le nom d'au
trui ; mais les quatre fuivans me paroiffent
une énigme impénétrable : que veut
dire Rotrou , par ces mots ? Je pratique
L.. Kol.
une
DECEMBRE. 1730: 2705
1
une ame prévenuë ; & que pouvons - nous
entendre par cette flamme inconnue, & par
ce malade qui fe cache en découvrant le mal?
Eft ce que le Duc feint d'aimer Caffandre
aux yeux de Caffandre même ? Ne feroitil
pas plus naturel
que Caffandre fut inftruite
de l'amour de l'Infant , & qu'elle
confentit , pour des raifons de politique ,
à faire pafler le Duc pour fon Amant ?
Je crois que c'eft-là le deffein de l'Auteur
, quoique les expreffions femblent
infinuer le contraire ; quoiqu'il en foit ,
l'Infant ne devroit pas expofer , par cette
erreur , le Duc à la fureur de fon Frere ,-
pour s'en mettre à couvert lui- même.
D'ailleurs le Duc aimant l'Infante, com--
me nous le verrons dans la fuite , ne doit
pas naturellement le prêter à un artifice
qui le fait paffer pour Amant de Caf
fandre.
ACTE IM.-
Cet Acte paroît le plus deffectueux : Je
paffe légerement fur les premieres Scénes,
qui font tout-à-fait dénuées d'action . Let
Duc commence la premiere Scene par un
Monologue , dans lequel il réfléchit fur
la feinte maladie de l'Infante , pour lui
interdire fa préfence ; il préfume de cette
deffenfe, qu'elle eft inftruite de fon amour,
ou du moins qu'elle le foupçonne par le
L.Vol. demí.
2706 MERCURE DE FRANCE
1
demi aveu qu'il en a fait au Roy , quand
Ladiflas lui a deffendu d'achever ; il fe
détermine à aimer fans efperance .
Dans la feconde Scéne , l'Infant le
preffe de lui découvrir quels font fes.
chagrins ; ille foupçonne d'aimer Caffandre.
Le Duc détruit ce foupçon , fans
pourtant lui avouër fon veritable amour.
Dans la troifiéme , Caffandre preffe l'Infante
de la délivrer de la perfécution de
fon Frere, par l'Hymen dont il veut bien
l'honorer. Pour la quatrième , elle eſt
fi indigne du beau tragique , qu'il feroit
à fouhaiter qu'elle ne fut jamais fortie de
la plume d'un Auteur auffi refpectable
que Rotrou. En effet , quoi de plus bas
que ces Vers qui échapent à Ladiflas
dans une colere qui reffemble à un fang
froid. C'eft à Caffandre qu'il parle :
Je ne voi point en vous d'appas fi furprenans ,
Qu'ils vous doivent donner des titres éminens ;
Rien ne releve tant l'éclat de ce vifage ,
Où vous n'en mettez pas tous les traits en uſage ;
Vos yeux , ces beaux charmeurs , avec tous leurs
ap pas ,
Ne font point accufés de tant d'affaffinats , &c.
Pour moi qui fuis facile , & qui bien- tôt me
bleffe ,
Votre beauté m'a plû , j'avouerai ma foibleffe ;
Et m'a couté des foins , des devoirs & des pas ;
J. Vola Mais
DECEMBRE . 1730. 2707
Mais du deffein,je croi que vous n'en doutez pas,
&c.
Dérobant ma conquête elle m'étoit certaine ;
Mais je n'ai pas trouvé qu'elle en valût la peine.
Peut- on dire en face de fi grandes impertinences
? On a beau les excufer par le
caractere de l'Amant qui parle ; de pareils
caracteres ne doivent jamais entrer
dans la Tragedie.
Ladiflas fe croit fi bien guéri de fon
amour , qu'il promet au Duc , non - feulement
de ne plus s'oppofer à fon Hymen
avec Caffandre , mais même de le preffer .
Venceslas vient , il conjure le Duc de le
mettre en état de dégager la parole . Le
Duc le réfout enfin à s'expliquer , puifque
le Prince ne s'oppofe plus à fes défirs;
mais le Prince impetueux lui coupe encore
la parole , ce qui fait une efpece de Scéne"
doublée ; le Roy s'emporte pour la premiere
fois , jufqu'à l'appeller infolent. Ladiflas
daigne auffi s'excufer pour la pre
miere fois fur la violence d'une paffion
qu'il a vainement combattue. Il fort enfint
tout furieux , après avoir dit à fon Pere ::
Je fuis ma paffion , fuivez votre colere ;
Pour un Fils fans refpect , perdez l'amour d'un
Pere ;
Tranchez le cours du temps à mes jours deſtiné;
I. Vol
Ec
2708 MERCURE DE FRANCE
Ét reprenez le ſang que vous m'avez donné ; ·
Ou fi votre juſtice épargne encor ma tête ,-
De ce préfomptueux rejettez la requête ,
Et de fon infolence humiliez l'excès , '
Où fa mort à l'inftant en ſuivra le ſuccès.
Le Roy ordonne qu'on l'arrête ; c'eſt - là
le premier Acte d'autorité qu'il ait encore
fait contre un fi indigne Fils . Paffons
à l'Acte fuivant , nous y verrons une in
finité de beautez , contre un très - petit
nombre de deffauts.
ACTE IV..
L'action de cet Acte fe paffe pendant
le crepufcule du matin ; un fonge terrible
que l'Infante a fait , l'a obligée à
fortir de fon appartement ; ainfi ce fonge
qui d'abord paroît inutile, eft ingénieu
fement imaginé par l'Auteur , & donne
lieu à une tres - belle fituation , comme on
va le voir dans la feconde Scéne ; s'il y a
ya
quelque chofe à reprendre dans ce fonge,,
c'eft que l'Infante a vû ce qui n'eft pas
arrivé , & n'arrivera pas.
Hélas ! j'ai vu la main qui lui perçoit le flanc
J'ai vu porter le coup , j'ai vâ couler ſon fang ;
Du coup d'un autré main , j'ai vû voler fa tête
Pour recevoir fon corps j'ai vu la tombe prête .
I. Vol En
DECEMBRE: 1730. 2709
En effet ce n'eft pas à Ladiflas qu'on
a percé le flanc ; & pour ce qui regarde
eette tête qui vole du coup d'une autre
main ; le fonge n'eft , pour ainfi dire
qu'une Sentence comminatoire ; mais
voyons les beautez que cette légere faute
va produire.
"
Ladiflas paroit au fond du Théatre
bleffé au bras , foûtenu par Octave , font
confident. Voilà le fonge à demi expli
qué ; mais c'eft le coeur de l'Infante &
non du Prince , qui eft veritablement
percé. Ladiflas lui apprend qu'un avis
qu'Octave lui a donné de l'Hymen , du
Düc & de Caffandre , l'ayant mis au défefpoir
, l'a fait tranfporter au Palais de
cette Princeffe ; & qu'ayant apperçu le
Duc qui entroit dans fon appartement ,
il l'a bleffé à mort de trois coups de Poigard
; l'Infante ne pouvant plus contenir
fa douleur , à cette funefte nouvelle fe retire
pour dérober fa foibleffe aux yeux
de fon Frere : Elle fait connoître ce qui
fe paffe dans fon coeur par cet à parte :-
Mon coeur es -tu fi tendre ,
Qué de donner des pleurs à l'Epoux de Caffan
dre ,
Et vouloir mal au bras qui t'en a dégagé ?
Get Hymen t'offençoit , & fa mort t'a vengé.
Le jour qui commence à naître , oblige
I. Vol. La
C
2710 MERCURE DE FRANCÈ
Ladiflas à fe retirer ; mais Venceflas furvient
& l'apperçoit.Surpris de le voir levé
fi matin , il lui en demande la caufe , par
ces Vers :
Qui vous réveille donc avant que la lumiere ,
Ait du Soleil naiffant commencé la carriere.
"
Le Prince lui répond :
N'avez-vous pas auffi précédé fon réveil
Cela donne lieu à une tirade des plus
belles de la Piece. La voici , c'eft Vencel
las qui parle :
Oui , mais j'ai mes raiſons qui bornent mor
fommeil.
Je me voi , Ladiflas , au déclin de ma vie ,
Et fçachant que la mort l'aura bien - tôt ravie ,
Je dérobe au fommeil , image de la inort ;
Ce que je puis du temps qu'elle laiffe à mon
fort.
Près du terme fatal preſcrit par la nature
Et qui me fait du pied toucher ma ſépulture ,
De ces derniers inftants dont il preffe le cours ;
Ce que j'ôte à mes nuits , je l'ajoute à mes jours ,
Sur mon couchant enfin ma débile paupiere ,
Me ménage avec foin ce refte de lumiere ;
Mais quel foin peut du lit vous chaffer ſi matin
Vous à qui l'âge encore garde un fi long deſtin .
Ces beaux fentimens font fuivis d'un
I. Vol. coup
DECEMBRE. 1730. 2711
coup de théatre qui part de main de
Maître. Ladiflas preffé par fes remords
déclare à fon Pere qu'il vient de tuer le
Duc ; mais à peine a - t-il fait cet aveu ,
que le Duc paroît lui - même ; quelle
agréable furpriſe pour Venceflas la
que
nouvelle de la mort vient d'accabler ! &
quelle furprife pour Ladiflas qui croit
Favoir percé de trois coups de Poignard
!
Caffandre annoncée par le Duc , va bientôt
éclaicir cet affreux myftere ; elle vient
demander vengeance
de la mort de l'Infant.
yeux
de
Ce qui peut donner lieu à la critique
c'eſt un hors- d'oeuvre de cinquante vers ,
avant que de venir au fait. Je fçais , que
l'Auteur avoit befoin d'apprendre au Roy
que le Duc avoit prêté fon nom à l'Infant
, pour cacher fon amour aux
fon Frere ; mais cette expofition devoit
être placée ailleurs , ou mife icy en moins
de vers. Le refte de la Scene eft tres-pathetique;
elle jouë veritablement un peu trop
fur les mots. Vous en allez juger par ces
fragmens,
C'est votre propre fang , Seigneur , qu'on a
verfé ;
Votre vivant portrait qui fe trouve effacé ...
Vengez -moi , vengez-vous, & vengez un Epoux;
Que, veuve avant l'Hymen , je pleure à vos ge-
Mais поих.
2712 MERCURE DE FRANCE
Mais , apprenant , grand Roy , cet accident fi
niftre ,'
Hélas ! en pourriez - vous foupçonner le Miniftre?
Oui , votre fang fuffit , pour vous en faire foy ;
Il s'émeut , il vous parle, & pour & contre foy ,
Et par un fentiment enſemble horrible & tendre ,
Vous dit que Ladiſlas eſt méutrier d'Alexandre ...
Quel des deux fur vos fens fera le plus d'effort
De votre Fils meurtrier ou de votre Fils mort?
La douleur s'explique- t-elle en termes
fi recherchez ? Et n'eft- ce pas à l'efprit à fe
taire,quand c'eft au coeur feulement à par
ler?Je ne fçais même ſi ce vers tant vanté:
Votre Fils l'a tiré du fang de votre Fils :
eft digne d'être mis au rang des vers
frappés ; on doit convenir au moins què
l'expreffion n'en eft pas des plus juftes ;
en effet , Madame , un Poignard ne peutil
pas être tiré du fein , par une main innocente
, & même fecourable ?
Finiffons ce bel Acte. Venceslas promet
à la Ducheffe la punition du coupable . Il
ordonne à fon Fils de lui donner fon épée.
Ladiflas obéit , des Gardes le conduilent
au lieu de fureté ; le Roy dit au Duc :
De ma part donnez avis au Prince ,´
Què fa tête autrefois fi chere à la Province ,`
I. Vol. Doir
DECEMBRE . 1730. 2713
Doit fervir aujourd'hui d'un exemple fameux
Qui faffe détefter fon crime à nos neveux.
Venceflas fait connoître ce qui fe paſſe
dans fon coeur par cette exclamation .
Au gré
O ciel , ta Providence apparemment profpere ,
de mes
ſoupirs de deux Fils m'a fait Pere ,
Et l'un d'eux qui par l'autre aujourd'hui m'eft
ôté ,“
M'oblige à perdre encore celui qui m'eſt reſté .
7
Ce quatriéme Acte paffe pour être le
plus beau de la Piéce ; cependant celui
que nous allons voir , ne lui eft guére inférieur.
ACTE V.
que
Rien n'eft fi beau , que la réfolution
l'Infante forme dès le commencement ,
d'exiger du Duc qu'il borne à la grace de
Ladiflas la promeffe que le Roy lui a faite.
Le procédé du Duc n'eft pas moins heroïque
, il renonce à la poffeffion de l'objet
aimé , en faveur du plus mortel de fes
ennemis. La fituation de Venceflas eft des
plus touchantes , & fon ame des plus fer
mes. Il le fait connoître par ces Vers.
Tréve , tréve nature , aux fanglantes batailles
Qui , fi cruellement déchirent mes entrailles ,
Et me perçant le coeur le veulent partager ,
Entre mon Fils à perdre , & mon Fils à venger!
I. Vol. 发票
2714 MERCURE DE FRANCE
A ma juſtice en vain ta tendreffe eft contraire ,
Et dans le coeur du Roi cherche celui de
Je me fuis dépouillé de cette qualité ,
Et n'entends plus d'avis que ceux de l'équité, & c,
pere ;
La Scene qui fuit ce Monologue a des
beautés du premier ordre ; elle eſt entre
le pere & le fils. Je ne puis mieux en faire
fentir la force que par le Dialogue.
Ladiflas.
Venez-vous conſerver ou venger votre race ?
M'annoncez-vous , mon pere , ou ma mort , of
ma grace ?
Venceslas pleurant.
Embraffez-moi , mon fils .
Ladiflas
Seigneur , quelle bonté ?
Quel effet de tendreffe , & quelle nouveauté ?
Voulez - vous ou marquer , ou remettre mes peines
?
Et vos bras me font- ils des fayeurs , ou des chaî
nes ?
Venceslas pleurant toujours.
Avecque le dernier de mes embraffemens
Recevez de mon coeur les derniers fentimens,
Sçavez-vous de quel fang vous avez pris naiſfance
?
I. Vol. Ladiflas
DECEMBRE. 1730. 2715
Ladiflas.
Je l'ai mal témoigné ; mais j'en ai connoiffance.
Venceslas.
Sentez-vous de ce fang les nobles mouvemens ?
Ladiflas.
Si je ne les produis , j'en ai les fentimens.
Venceflas.
Enfin d'un grand effort vous fentez - vous capable
?
Ladifas.
Oui , puifque je réſiſte à l'ennui qui m'accable ,
Et qu'un effort mortel ne peut aller plus loin.
Venceslas.
Armez-vous de vertu vous en avez beſoin.
;
Ladifas.
S'il eft tems de partir , mon ame eft toute prête,
Venceslas.
L'échafaut l'eſt auffi ; portez-y votre tête &c.
fon
Tout le refte de cette Scene répond
aux fentimens que ces deux Princes viennent
de faire paroître. Ladiflas fe foumet
à fon fort ; il témoigne pourtant que
pere porte un peu trop loin la vertu d'un
Monarque : voici comme il s'exprime par
un à parte.
2716 MERCURE DE FRANCE
O vertu trop fevere !
VinceДlas vit encor , & je n'ai plus de pere.
Vinceflas eft fi ferme dans la réfolutiqn
qu'il a prife de n'écouter que la voix de
la juftice , qu'il refufe la grace du Printe
aux larmes de l'Infante & à la genérofité
de Caffandre ; le Duc même n'eft pas fûr
de l'obtenir ; il ne la lui accorde , ni ne
la lui refufe , & il ne fe rend qu'à une
efpece de fédition du peuple.
S'il y a quelque chofe à cenfurer dans
ce cinquiéme Acte , c'eft d'avoir fait prendre
le change aux fpectateurs. La premiere
grace promife au Duc dès le commencement
de la Piéce , fembloit être le
grand coup refervé pour le dénouement :
je ne fçais , Madame , fi vous ne vous by
étiez pas attendue comme moi ; car, enfin
, à quoi bon cette récompenfe fi folemnellement
jurée au Duc pour avoir fauvé
l'Etat , fi elle ne devoit rien produire ?
je conviens qu'elle influe dans la grace
du-Prince ; mais j'aurois voulu qu'elle én
fut la caufe unique & néceffaire ; cependant
cela ne paroît nullement dans les
motifs de la grace. C'eft Venceflas qui
parle
Qui , ma fille , oui , Caffandre , oui , parole
oùi , nature
I. Vol. Qüii
DECEMBRE . 1730. 2717
K
Oui , peuple , il faut vouloir ce que vous fouhaitez
,
Et par vos fentimens regler mes volontés.
Je fçai que tous ces motifs enfemble
rendent la grace plus raifonnable ; mais
elle feroit plus theatrale, fi après avoir refifté
à toute autre follicitation , Venceflas
ne fe rendoit qu'à la foi promife ; le Duc
même s'en eft flatté , quand il a ofé dire
à fon Maître :
J'ai votre parole , & ce dépot facré
Contre votre refus m'eft un gage affuré.
Il ne me refte plus qu'à examiner l'abdication
; elle n'eft pas tout-à- fait hors
de portée des traits de la cenfure . Quel
eft le motif de cette abdication ? le voici :
La juftice eft aux Rois la Reine des vertus.
Mais cette juftice ordonne- t'elle qu'on
mette le fer entre les mains d'un furieux?
Qui peut répondre à Venceslas que le repentir
de fon fils foit fincere ? Ne vientpas
de dire lui-même à Caffandre ? il
Ce Lion eft dompté ; mais peut-être , Madame
,
Celui qui fi foumis vous déguiſe ſa flamme ,
Plus fier , plus violent qu'il n'a jamais été ,
Demain attenteroit fur votre honnêteté ;
I. Vel H Peut2718
MERCURE DE FRANCE
Peut- être qu'à mon fang fa main accoutumée
Contre mon propre fein demain feroit armée.
Ne vaudroit - il pas
mieux que Venceflas
employât le peu de tems qui lui reste à
vivre à rendre fon fils plus digne de regner
? Et devroit- il expofer fon peuple
aux malheurs attachés à la tyrannie ? un
changement fi promt eft toujours fufpect,
& furtout dans un Prince auffi plongé &
auffi affermi dans le crime que Ladiflas.
Pour moi , Madame , fi la vertu de Venceflas
n'avoit brillé dans toute la Piéce ,
je ferois tenté de croire qu'il punit le
peuple d'avoir défendu un Prince fi indigne
de le gouverner. En effet n'eft-ce
pas ici le langage du dépit :
Et le Peuple m'enſeigne
Voulant que vous viviez , qu'il eft las que je regne
.
Je n'examine point la force de cette
abdication ; il a plû à Rotrou de faire la
Couronne dePologne moitié hereditaire ,
moitié élective : Venceflas le fait connoître
par ces Vers :
Une Couronne , Prince & e.
En qui la voix des Grands & le commun fuffrage
M'ont d'un nombre d'Ayeuls confervé l'herita¬
ge &c.
Regnez ; après l'Etat j'ai droit de vous élire ,
I. Vol
Et
DECEMBRE 1730. 2719
Et donner , en mon fils , un pere à mon Empire
Quel Pere lui donne- t'il ? Eft - ce là cette
juftice dont il fait tant de parade ?
Vous voyez , Madame , par tout ce que
je viens de remarquer dans la Tragédie
de Venceflas , que vos dégouts pour cette
Piéce ont été affez fondés. Pouvoit-elle
plus mal finir que par la récompenfe du
crime , & par l'oppreffion de la vertu ?
il femble l'Auteur en ait voulu annoncer
la catastrophe dès le commencement
, quand il a fait dire à VenceЛlas :
que
A quel étrange office , Amour , me réduis - tu ,
De faire accueil au vice , & chaffer la vertų.
Ce dernier Vers eft une espece de prophetie
justifiée par un dénouement auquel
on ne fe feroit jamais attendu.
Cela n'empêche pas que cette Tragédie
ne foit remplie de grandes beautés , &
qu'elle n'ait au moins trois Actes dignes
du grand Corneille. Je ne doute point
Madame , que vous ne rendiez cette juftice
à un Ouvrage qui s'eft confervé ſi
long- tems fur notre Théatre , & qui peut
s'affurer de l'immortalité fur la foi des
derniers applaudiffemens qu'il vient de
recevoir. Permettez - moi de finir cette
Lettre , en vous renouvellant les témoignages
de la plus parfaite eftime.
Fermer
Résumé : LETTRE de Mr de ..., à Mde de ... sur la Tragedie de Venceslas.
La lettre examine la tragédie 'Venceslas' de Rotrou, reconnue par Corneille comme une œuvre majeure. L'auteur admire les grandes beautés de la pièce, mais note que certaines qualités autrefois admirées ne sont plus aussi impressionnantes aujourd'hui. Rotrou est considéré comme le créateur du poème dramatique en France, tandis que Corneille en est le restaurateur. L'auteur analyse des extraits de la pièce, notamment une scène où Venceslas, suivi de ses fils Ladislas et Alexandre, ouvre l'acte. Il critique certains vers pour leur archaïsme ou leur vulgarité, tout en admirant les pensées profondes exprimées. Il mentionne des défauts dans l'expression et des beautés dans les idées, mais note que certains passages dévaluent le caractère pompeux du drame. La lettre explore également les relations complexes entre les personnages, notamment les sentiments ambigus de Ladislas, qui est à la fois craint et aimé malgré ses vices. L'auteur admire certaines tirades de Venceslas, qui contiennent des beautés de détail, mais critique les défauts de fond de la pièce. Dans l'Acte II, Théodore, Infante de Moscovie, commence avec Caffandre, Duchesse de Cunisberg. Caffandre refuse la demande en mariage de Ladislas, le qualifiant d'ennemi de sa gloire et de suborneur. Ladislas tente d'apaiser sa colère, mais Caffandre révèle les turpitudes des amours de Ladislas. Ladislas propose ensuite à Caffandre une couronne, mais elle réagit avec indignation, refusant d'être l'objet d'une flamme impudique. Ladislas, voyant l'inflexibilité de Caffandre, s'emporte et menace de se venger. L'Infante, qui aime secrètement le Duc, est peinée d'apprendre que le Duc aime Caffandre. L'Acte III est jugé défectueux, notamment en raison de scènes indignes et de dialogues imprudents de Ladislas. Ladislas promet au Duc de ne plus s'opposer à son hymen avec Caffandre, mais une altercation avec son père, le Roi, conduit à son arrestation. Dans l'Acte IV, un songe de l'Infante révèle une vision funeste. Ladislas apparaît blessé, ayant tenté de tuer le Duc par jalousie. Le Duc survit, et Caffandre demande vengeance pour la mort de l'Infant. La pièce se conclut par des révélations dramatiques et des déclarations émotionnelles intenses. Venceslas, le roi, ordonne l'exécution de son fils Ladislas, coupable d'un crime, malgré les supplications de l'Infante et du Duc. L'Infante exige que le Duc se contente de la grâce de Ladislas, et le Duc renonce à l'objet de son amour en faveur de son ennemi. Venceslas exprime sa douleur face à la perte de ses deux fils. Dans une scène poignante, Venceslas et Ladislas partagent un moment émouvant avant l'exécution. Ladislas reconnaît ses fautes mais trouve la vertu de se soumettre à son sort. Venceslas, malgré les supplications, refuse la grâce à Ladislas, même face aux larmes de l'Infante et à la générosité de Cassandre. Il abdique finalement sous la pression du peuple, bien que cette décision soit critiquée pour son manque de sagesse et de justice. La pièce se termine par une réflexion sur la récompense du crime et l'oppression de la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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