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1
p. 627-632
A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Début :
D'où naît la soudaine allegresse [...]
Mots clefs :
Libéralité, Bibliothèque, Mécène, Beaux-arts, Muses, Connaissance , Prélat
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texteReconnaissance textuelle : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
A S. E. M.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
LE CARDINAL DE FLEURY,
MINISTRE D'ETAT ,
"
Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université
de Caën , pour l'augmentation de sa Bibliotheque.
D
O D E.
' Ou naît la soudaine allegresse
Qui transporte ici tous les coeurs ?
ON Un nouveau Mécene au Permesse
'Accorde aujourd'hui ses faveurs..
A ij Vien,
628 MERCURE DE FRANCE
Vien , mes délices , vien , ma Lyre ;
Sers la vive ardeur qui m'inspire :
Pour lui formons nos plus beaux Airs ;
Je veux que leur noble cadence
Annonce ma reconnoissance
Au Prince , au Peuple , à l'Univers
Chante un Prélat que voit la Seine
D'honneurs justement revêtu ,
Qui joint à la Pourpre Romaine
L'éclat d'une rare vertu ,
Qui sage , bienfaisant , affable ;
Tel que ce Mentor de la Fable ,
Fait chérir son autorité ,
Qui placé près du Diadême ,
Se montre auguste par
lui- même
Autant que par sa dignité.
Dans la Grandeur qui l'environne
Nul objet n'échape à ses soins ;
S'il veille aux droits de la Couronne ,
Il veille encore à nos besoins ;
Par lui la Foi , la Paix fleurissent ,
Les Loix de Thémis s'affermissent ;
Tout nous offre des jours plus beaux ;
Et de ce bonheur qu'il ménage ,
Laissant aux Sujets l'avantage ,
LEURY n'en prend que les travaux ,
Digne
AVRIL 1731. 629
Digne Emule du grand Fabrice , *
On le voit marcher sur ses pas ;
De la séduisante avarice
Son coeur méprise les appas.
Mortels ! qu'il en est peu d'exemples :
tes Trésors consacrés aux Temples
tedressent leurs murs chancelans ,
bu vont par
Dans
des routes secretes
cent tenébreuses retraites
Porter des secours consolans.
Quel riche trait pour son Histoire
Que l'apui qu'il donne aux beaux Arts f
Sur eux du milieu de sa gloire
Il jette ses plus doux regards :
Muses , troupe à ses yeux si chere
Vous n'êtes point une chimere ,
Ni des noms pleins d'un faux éclat §
Mais les filles de la Sagesse ,
Les meres de la Politesse ,
L'utile ornement d'un Eta
Un Temple fécond en miracles
Fait sur l'Orne admirer vos sons ;
* Consul Romain , le plus désinteréssé qu'ait
jamais vû la République.
L'Université.
A iij On
630 MERCURE DE FRANCE
On y voit de sçavans Oracles
Dicter vos plus pures leçons ;
Embrassant diverses matieres ,
Chacun de ses doctes lumieres
Augmente la splendeur du corps ;
Mais par combien dé découvertes
Ces fources qui leur sont offertes *
Vont-elles groffir leurs Trésors !
A quels travaux inimitables
Vois- je nos Neveux s'exciter ?
L'un écrit les faits mémorables ,
L'autre se forme à les chanter ;
Celui- ci creusant la nature ,
De l'oeil et du compas mesure
Les Eaux , l'Air , la Terre et les Cieux
Et , jusqu'à l'invisible Effence
L'autre élevant fa connoiffance
Ya fonder les Décrets des Dieux.
(
C'eft pour toi , Ville fortunée ,
Que FLEURY prodigue ses biens :
Quelle riante Destinée
Se prépare à tes Citoyens !
Tu verras tes Remparts superbes
La Bibliotheque.
En.
AVRIL. ' 1731. -631
Enfanter de nouveaux Malherbes ( a )
Des Huets , (b ) des Pyrons , ( c) des Calys ( d )
Sous l'Empire tranquile et juste
Qu'offre à nos voeux un autre Auguste ,
Tes lauriers orneront ses Lys.
Dans ton sein , Ecole sçavante ,
Faut-il qu'un noble empressement
Ne, puisse au Prélat que je vante
Dresser un pompeux monument !
Du moins signalant notre żele ,
Plaçons -y le portrait fidele ( e )
D'un si génereux Protecteur ;
Que cette immortelle Peinture
Instruise la race future
Du bienfait et du Bienfaicteur.
FLEURY , puisse un succés durable
Suivre vos projets glorieux !
(a ) Fameux Poëte.
(b) Evêque d'Avranches , et Précepteur de
M. le Dauphin , Ayeul du Roi.
$
(c) Professeur de Rhétorique au College du
Bois , et Editeur de Claudien , pour l'usage de
M. le Dauphin.
(d ) Celebre Professeur de Philosophie au
"College du Bois , Auteur de divers Ouvrages ,
centr'autres du Commentaire sur Boëce , pour
l'usage de M. le Dauphin. Tous de Caën .
(e ) Le Portrait de S. E. sera placé dans la
Bibliotheque.
A iij Puiffe
632 MERCURE DE FRANCE
Puisse la Parque inexorable.
Respecter vos jours précieux !
Soyez long- tems l'amour du PRINCE
Les délices de la Province ,
Le respect des Peuples épars ;
Soyez des Autels la défense ,
Vivez pour le bien de la France ,
Vivez pour l'honneur des beaux Arts .'
Par M. Heurtauld , Prêtre , Professeur an
College du Bois de l'Université de Caën.
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Résumé : A S. E. M. LE CARDINAL DE FLEURY, MINISTRE D'ETAT, Sur la liberalité qu'il a faite à l'Université de Caën, pour l'augmentation de sa Bibliotheque. ODE.
Le poème célèbre la générosité du Cardinal de Fleury, ministre d'État, qui a fait don à l'Université de Caen pour enrichir sa bibliothèque. Il commence par exprimer une joie soudaine et générale, attribuée à l'intervention d'un nouveau mécène. Le Cardinal de Fleury est loué pour ses vertus, sa sagesse et sa bienfaisance, et est comparé à des figures illustres comme Mentor et Fabrice. Malgré sa grandeur, Fleury veille aux besoins du peuple et favorise la foi, la paix et la justice. Le poème souligne également son soutien aux arts et à la connaissance, comparant les Muses à des filles de la sagesse et des mères de la politesse. L'Université de Caen est présentée comme un lieu de savoir où des savants dispensent des leçons sur divers sujets, et où de futures découvertes sont attendues. Le don de Fleury permettra à la ville de produire de grands érudits et poètes. Le texte se termine par un vœu pour la longue vie du Cardinal et son soutien continu aux arts et au bien de la France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 875-882
PARODIE de la premiere Ode d'Horace, à S. E. M. le Cardinal de Fleury. / Ode.
Début :
Seigneur, tous tant que nous sommes, [...]
Mots clefs :
Horace, Esprit, France, Estime, Cardinal de Fleury, Mécène
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PARODIE de la premiere Ode d'Horace, à S. E. M. le Cardinal de Fleury. / Ode.
PARODIE de la premiere Ode d'Horace
à S. E. M. le Cardinal de Fleury..
Espoir
des bons et le mien
Si ce n'est impertinence ,
De se mettre en concurrenceAvec tant de gens de bien. )
Cardinal , dont les épaules ,
A supporter un grand poids ,
Par son seul et digne choix ,
Aident au Maître des Gaules ;
Pour délasser un moment
L'Atlas que chargent nos Poles ,
De mes simples babioles ,
Prenez en gré l'enjoüment ,
Et souffrez que je vous trace
En traits marquez et suivis ,
De l'ingenieux Horace ,
Le Mecenas atavis.
ODE
$76 MERCURE DE FRANCE
Seigneur ,
O D E.
Eigneur tous tant que nous sommes
Chaque esprit a ses objets ;
Chaque cœur chez tous les hommes ,
Forme differens projets :
L'ambition dominante ,
Est des Grands qu'elle régente ,.
La fougueuse passion ,
Pendant que la Petitesse ,
Soupire après la Richesse,
Ou la réputation.,
L'un , qui d'un desir modeste ,
N'eut jamais le cœur atteint ,
Voudroit voir- briller sa veste
Du Portrait de l'Esprit Saint.
Une secrete amertume ,
Le devore et le consume ;
C'est sa tribulation ,
De voir cet honneur sublime ,
Orner des gens qu'il estime
D'une moindre extraction.
L'autre respire la guerre ;:
C'est son ébat , c'est son jeu;
Aux quatre coins de la Terre ,
IF
MAY.
1732. 877
I brule de voir le feu.
La longue Paix qui nous berce ,
Est une longue traverse ,
Pour son esprit martial ,
Qui ne méditant que Palmes ,
Se promet en temps moins calmes ,"
Un Bâton de: Maréchal..
Ce troisiéme qui s'adonne ,
A des desseins plus pieux ;
C'est un suppôt de Sorbonne ,
Beau parleur , air gracieux :-
Approuvé de l'Ordinaire
H se fourre dans la Chaire ,
Habile homme et prêchant mal ,
Et flatant sa suffisance ;
Pour sa moindre récompense ,
D'un riche Anneau Pastoral..
Vous , que les doctes Pucelles ,
N'ont point honte d'ennuyer ,
Leurs promesses infidelles ,
Ne tendent qu'à vous jouer ;
Montez sur vos grands Cothurnes ,
De vos fatigues nocturnes
Les fruits seront corrompus ;
Car malgré vos longues veilles ,
Des
178 MERCURE DE FRANCE
Des Racines , des Corneilles ,
Les grands moules sont rompus.
Celui-cy paroît plus sage,
Qui se picquant moins d'esprit
Ne donne qué sur bon gage,
Les sornettes qu'il écrit. ~
Tout coup vaille ; rien n'importe ;
Pourvû qu'on paye à la porte ,.
Tout lui semble indifferent ;.
Permis à de plus habiles ,
De fronder les Vaudevilles ,
De la Foire S. Laurent.
Tel d'une Idolé adorée ,
Fait tout son amusement ,-
Et des jeux de Cytherée ,
Son plaisir et son tourment.
Tel autre dans sa misere,
Croupit et se desespere ,
Pour entasser force écus
,
;
Pendant qu'un Beuveur se flatte ;
De trouver Perse et Surate
Dans la Tonne de Bacchus.
* Allusion à la maniere des Hollandois de
compter les richesses par Tonnes d'or. Surate est un
Port fameux du Mogol , où se fait le plus riche
Commerce de l'Orient.
J'aurois
MAY. 1732.
879
J'aurois , Seigneur , trop d'affaires ,
Si j'essayois d'imiter ,
Tous les divers caracteres,
Qu'Horace aime à debiter ;
Cette stérile abondance ,
Lasseroit la patience ,
Et me rendroit odieux,;
Pour acquerir quelque estime ,
Le sage Orateur supprime ,
Tout verbiage ennuyeux.
Oque j'aurois d'éloquence ,
S'il m'étoit permis un jour,
De détailler à la France ,
Votre zele et votre amour?
Mais quoi ! votre modestie ,
Prendroit ma Muse à partie ,
Et la feroit échouer.
Fiere vertu , qui s'offense
Et nous impose silence ,
Quand nous osons vous louer.
Mais tandis que je me tuë,
A rimer , tant bien que mal ,
Je sens que je perds de vuë ,
Mon charmant Original.
Notre Horace રેà son Mecens
Sou-
880 MERCURE DE FRANCE
Soutient que de l'hyppocrene ,
Le bien seul l'enrichira ,
Et qu'un homme qui s'applique ,
A devenir bon Lyrique ,
Aux Etoiles touchera.
Pour moi qui du cher Parnasse ,
Me suis toujours défié ,
Comme on fait d'un tas de glace ,
Où l'on affeoit mal son pié;
Mon Style le plus superbe ,
Fût-il Racan ou Malherbe ,
Mes plus pathétiques traits ,
N'ont jamais eu la puissance ,
D'augmenter mon opulence ,
D'une charge de Cotrets.
Souhaitons par compagnie,
Non pas,
illustre FLEURY ,
D'Euterpe ou de Polymnie ,
D'être estimé favori :
Ma Muse est bien plus discrete ;
Mais tout ce qu'elle souhaite ,
Son unique ambition ,
C'est , dans cette âpre froidure ,
D'obtenir une doublure ,
Pour ma mince Pension .
Que
MA Y.. 1732.
882
Que si vous m'êtes propice ,
LOUIS , le meilleur des Rois ,
Par faveur ou par justice,
Ecoutera votre voix ;
Remontrez- lui , grand Ministre ,
Que l'hyver sera sinistre ,
Pour les Vieillards.catherreux ;
Pour qui les severes Parques ,
Ont cotté sur leurs Remarques. ,
Huit fois dix et cinq fois deux.
DE SENECE.
à S. E. M. le Cardinal de Fleury..
Espoir
des bons et le mien
Si ce n'est impertinence ,
De se mettre en concurrenceAvec tant de gens de bien. )
Cardinal , dont les épaules ,
A supporter un grand poids ,
Par son seul et digne choix ,
Aident au Maître des Gaules ;
Pour délasser un moment
L'Atlas que chargent nos Poles ,
De mes simples babioles ,
Prenez en gré l'enjoüment ,
Et souffrez que je vous trace
En traits marquez et suivis ,
De l'ingenieux Horace ,
Le Mecenas atavis.
ODE
$76 MERCURE DE FRANCE
Seigneur ,
O D E.
Eigneur tous tant que nous sommes
Chaque esprit a ses objets ;
Chaque cœur chez tous les hommes ,
Forme differens projets :
L'ambition dominante ,
Est des Grands qu'elle régente ,.
La fougueuse passion ,
Pendant que la Petitesse ,
Soupire après la Richesse,
Ou la réputation.,
L'un , qui d'un desir modeste ,
N'eut jamais le cœur atteint ,
Voudroit voir- briller sa veste
Du Portrait de l'Esprit Saint.
Une secrete amertume ,
Le devore et le consume ;
C'est sa tribulation ,
De voir cet honneur sublime ,
Orner des gens qu'il estime
D'une moindre extraction.
L'autre respire la guerre ;:
C'est son ébat , c'est son jeu;
Aux quatre coins de la Terre ,
IF
MAY.
1732. 877
I brule de voir le feu.
La longue Paix qui nous berce ,
Est une longue traverse ,
Pour son esprit martial ,
Qui ne méditant que Palmes ,
Se promet en temps moins calmes ,"
Un Bâton de: Maréchal..
Ce troisiéme qui s'adonne ,
A des desseins plus pieux ;
C'est un suppôt de Sorbonne ,
Beau parleur , air gracieux :-
Approuvé de l'Ordinaire
H se fourre dans la Chaire ,
Habile homme et prêchant mal ,
Et flatant sa suffisance ;
Pour sa moindre récompense ,
D'un riche Anneau Pastoral..
Vous , que les doctes Pucelles ,
N'ont point honte d'ennuyer ,
Leurs promesses infidelles ,
Ne tendent qu'à vous jouer ;
Montez sur vos grands Cothurnes ,
De vos fatigues nocturnes
Les fruits seront corrompus ;
Car malgré vos longues veilles ,
Des
178 MERCURE DE FRANCE
Des Racines , des Corneilles ,
Les grands moules sont rompus.
Celui-cy paroît plus sage,
Qui se picquant moins d'esprit
Ne donne qué sur bon gage,
Les sornettes qu'il écrit. ~
Tout coup vaille ; rien n'importe ;
Pourvû qu'on paye à la porte ,.
Tout lui semble indifferent ;.
Permis à de plus habiles ,
De fronder les Vaudevilles ,
De la Foire S. Laurent.
Tel d'une Idolé adorée ,
Fait tout son amusement ,-
Et des jeux de Cytherée ,
Son plaisir et son tourment.
Tel autre dans sa misere,
Croupit et se desespere ,
Pour entasser force écus
,
;
Pendant qu'un Beuveur se flatte ;
De trouver Perse et Surate
Dans la Tonne de Bacchus.
* Allusion à la maniere des Hollandois de
compter les richesses par Tonnes d'or. Surate est un
Port fameux du Mogol , où se fait le plus riche
Commerce de l'Orient.
J'aurois
MAY. 1732.
879
J'aurois , Seigneur , trop d'affaires ,
Si j'essayois d'imiter ,
Tous les divers caracteres,
Qu'Horace aime à debiter ;
Cette stérile abondance ,
Lasseroit la patience ,
Et me rendroit odieux,;
Pour acquerir quelque estime ,
Le sage Orateur supprime ,
Tout verbiage ennuyeux.
Oque j'aurois d'éloquence ,
S'il m'étoit permis un jour,
De détailler à la France ,
Votre zele et votre amour?
Mais quoi ! votre modestie ,
Prendroit ma Muse à partie ,
Et la feroit échouer.
Fiere vertu , qui s'offense
Et nous impose silence ,
Quand nous osons vous louer.
Mais tandis que je me tuë,
A rimer , tant bien que mal ,
Je sens que je perds de vuë ,
Mon charmant Original.
Notre Horace રેà son Mecens
Sou-
880 MERCURE DE FRANCE
Soutient que de l'hyppocrene ,
Le bien seul l'enrichira ,
Et qu'un homme qui s'applique ,
A devenir bon Lyrique ,
Aux Etoiles touchera.
Pour moi qui du cher Parnasse ,
Me suis toujours défié ,
Comme on fait d'un tas de glace ,
Où l'on affeoit mal son pié;
Mon Style le plus superbe ,
Fût-il Racan ou Malherbe ,
Mes plus pathétiques traits ,
N'ont jamais eu la puissance ,
D'augmenter mon opulence ,
D'une charge de Cotrets.
Souhaitons par compagnie,
Non pas,
illustre FLEURY ,
D'Euterpe ou de Polymnie ,
D'être estimé favori :
Ma Muse est bien plus discrete ;
Mais tout ce qu'elle souhaite ,
Son unique ambition ,
C'est , dans cette âpre froidure ,
D'obtenir une doublure ,
Pour ma mince Pension .
Que
MA Y.. 1732.
882
Que si vous m'êtes propice ,
LOUIS , le meilleur des Rois ,
Par faveur ou par justice,
Ecoutera votre voix ;
Remontrez- lui , grand Ministre ,
Que l'hyver sera sinistre ,
Pour les Vieillards.catherreux ;
Pour qui les severes Parques ,
Ont cotté sur leurs Remarques. ,
Huit fois dix et cinq fois deux.
DE SENECE.
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Résumé : PARODIE de la premiere Ode d'Horace, à S. E. M. le Cardinal de Fleury. / Ode.
Le texte est une parodie de la première Ode d'Horace dédiée à S. E. M. le Cardinal de Fleury. L'auteur commence par exprimer son espoir de ne pas être impertinent en se comparant à des personnes de bien. Il loue ensuite le Cardinal pour son soutien au roi de France et lui offre une œuvre légère destinée à le divertir. L'auteur décrit diverses ambitions humaines, telles que l'ambition des grands, le désir de richesse, la quête de réputation, l'aspiration à des honneurs religieux, ou encore le goût pour la guerre et les distinctions militaires. Il critique également ceux qui se consacrent à des études doctes mais stériles. L'auteur conclut en exprimant son admiration pour Horace et son mécène, tout en soulignant modestement que ses propres écrits n'ont jamais enrichi leur auteur. Il souhaite simplement obtenir une augmentation de sa pension pour mieux affronter l'hiver.
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3
p. 176-192
COMEDIE FRANÇOISE.
Début :
Les Comédiens François ont donné le 13 de ce mois la dixiéme représentation [...]
Mots clefs :
Cicéron, Sextus, César, Comédiens-Français, Père, Mécène, Yeux, Pompée, Fille, Mourir, Dieux, Octave
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COMEDIE FRANÇOISE.
COMEDIE FRANÇOISE.
Lis
Es Comédiens François ont donné le
13 de ce mois la dixiéme repréfentation
du Triumvirat. On peut dire qu'il a
eu ce fuccès d'estime que l'ouvrage &
l'auteur ont fi bien mérité , & qu'on refuſe
fouvent à des pieces plus heureufes , qui
comptent plus de repréfentations que de
fuffrages. Cette Tragédie eft imprimée
fous ce double titre : Le Triumvirat , ou la
mort de Ciceron , avec une épitre dédicatoire
à Mme Bignon , & une préface . Elle
fe vend chez Hochereau , quai de Conti , au
Phénix ; le prix eft de 30 f. en voici l'extrait .
EXTRAIT DU TRIUMVIRÁT.
Tullie , fille de Ciceron , ouvre feule
la fcene qui eft au Capitole , par un début
digne d'elle & du fujet. Elle s'écrie ,
Effroyable féjour des horreurs de la guerre ,
Lieux inondés du fang des maîtres de la terre ,
Lieux , dont le feul afpect fit trembler tant de
Rois ,
Palais où Ciceron triompha tant de fois ;
Deformais trop heureux de cacher ce grand homme
,
Sauvez le feul Romain qui foit encor dans Rome.
FEVRIER. 1755. 177
A
Elle ajoûte avec effroi , en jettant les
yeux fur le tableau des profcrits :
Que vois-je , à la lueur de ce cruel flambeau !
Ah ! que de noms facrés profcrits fur ce tableau !
Rome , il ne manque plus , pour combler ta mifere
,
Que d'y tracer le nom de mon malheureux pere.
Enfuite elle apoftrophe ainfi la ftatue de
Céfar.
Toi , qui fis en naiffant honneur à la nature ,
Sans avoir , des vertus , que l'heureufe impofture ,
Trop aimable tyran , illuftre ambitieux ,
Qui triomphas du fort , de Caton & des Dieux...
Sous un joug ennobli par l'éclat de tes armes ,
Nous refpirions du moins fans honte & fans allármes
:
Loin de rougir des fers qu'illuftroit ta valeur ,
On fe croyoit paré des lauriers du vainqueur.
Mais fous le joug honteux & d'Antoine & d'Octave
>
Rome , arbitre des Rois , va gémir en eſclave.
Se tournant après vers la ftatue de Pompée
, elle lui adreffe ces triftes paroles .
Ah ! Pompée , eft -ce là ce qui refte de toi
Miférables débris de la grandeur . humaine ,
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
Douloureux monument de vengeance & de haine !
6
Pour nous venger d'Octave ,, accours , vaillant
Sextus ,,
A ce nouveau Céfar , fois un nouveau. Brutus.
Ce monologue me paroît admirable ; il
égale , à mon gré , celui d'Electre , s'il ne
le furpaffe pas , & forme la plus belle expofition
. Il eft terminé par l'arrivée de
Sextus , qui fe cache même aux yeux de
Tullie qu'il aime , fous le nom de Clodomir
, chef des Gaulois . Il lui fait un récit
affreux des horreurs du Triumvirat dont il
vient d'être le témoin , & finit un fi noir
tableau par ces beaux vers , qu'on croiroit
d'un auteur de trente ans , à la force du
coloris.
Un fils , prefque à mes yeux , vient de livrer fon
Le
pere ;
J'ai vu ce même fils égorgé par fa mere :
On ne voit que des corps mutilés & fanglans ,
Des efclaves traîner leurs maîtres expirans ;
affouvi réchauffe le carnage ;
carnage
J'ai vu des furieux dont la haine & la rage
Se difputoient des cours encor tout palpitans:
On diroit à les voir l'un l'autre s'excitans ,
Déployer à l'envi leur fureur meurtrière ,
Que c'est le derniér jour de la nature entiere. {
FEVRIER. , 1755. 179
que
Dans ce péril preffant il offre à Tullie une
retraite dans Oftie pour fon pere & pour
elle . Elle la refufe ; il frémit du danger
Ciceron va courir , fi près de Fulvie
qui a juré fa perte. Il exprime en même
tems la douleur qu'il a de la perdre & de
la voir près d'être unie aux jours d'Octave
qui l'aime , ajoutant que fon fang fcellera
cet hymen. Tullie le raffure fur cette crain--
te , en lui difant :
Un tyran à
Ne craignez rien d'Octave' :
mes yeux ne vaut pas un esclave.
Un rival plus heureux va caufer vos allarmes ...
Le fils du grand Pompée . Hélas ! que n'est- ce vous !!
Que j'euffe avec plaifir accepté mon époux !
Ces deux amans font interrompus par
Lepide qui entre : Clodomir fe retire . Le
Triumvir fait entendre à Tullie , que ne
pouvant chaffer de Rome fes collegues impies
, il prend le parti de s'en exiler luimême
, & qu'il va chercher un afyle en
Efpagne pour y fauver fa vertu. Tullie l'interrompt
par cette noble réponſe , qui a
toujours été fi juftement applaudie :
Ah ! la vertu quifuit ne vaut pas le courage
Du crime audacieux qui fçait braver l'orage .
Que peut craindre un Romain des,caprices.du fort,
Tant qu'il lui refte un bras pour fe donner la mort
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
Avez-vous oublié que Rome eft votre mere
Demeurez , imitez l'exemple de mon pere ,
Et de votre vertu në nous vantez l'éclat
Qu'après une victoire , ou du moins un combat.
On n'encenfa jamais la vertu fugitive ,
Et celle d'un Romain doit être plus active.
On ne le reconnoît qu'à fon dernier foupir ;
Son honneur eft de vaincre , & vaincu de mourir.
ger
Elle fort.
Ciceron arrive. Lapide tâche de l'engaà
le fuivre pour fe dérober à la fureur
d'Antoine & de Fulvie , qui veulent le profcrire.
Ciceron rejette cette offre. Lepide le
quitte , en lui déclarant qu'il vient de rencontrer
Sextus , & qu'il l'a reconnu . Ce
Triumvir l'avertit d'en craindre la fuite ,
& de prendre garde à lui. Ciceron reſté
feul , dit qu'il eft tems qu'il apprenne
ce fecret à fa fille , que Clodomir devenu
le fils du grand Pompée , ne pourra l'en
blâmer , qu'il veut les unir & donner à Céfar
un rival , dont le nom feul pourra lui
devenir funefte.
Octave commence avec Mecene le fecond
acte. Après avoir d'abord tâché d'excufer
fes cruautés , il lui marque fon
amour pour Tullie , & fon eftime pour fon
pere , ajoûtant qu'il veut le fauver & fe
l'attacher. Mecene l'affermit dans ce defFEVRIER.
1755. 181
fein , & le laiffe avec Ciceron qui paroît ,
& qui lui témoigne ainfi fa furpriſe :
Céſar , en quel état vous offrez-vous à moi ?
Ah ! ce n'eft ni fon fils , ni Céfar que je vois.
O! Céfar , ce n'eft pas ton fang qui l'a fait naître :
Brutus qui l'a verfé , méritoit mieux d'en être.
Le meurtre des vaincus ne fouilloit point tes pas ;
Ta valeur fubjuguoit , mais ne profcrivoit pas.
Octave, pour fe juftifier , répond qu'il
pourfuit les meurtriers du grand Céfar , &
que fa vengeance eft légitime. Ciceron l'interrompt
pour lui reprocher l'abus affreux
qu'il fait de ce prétexte , & lui dit :
Rendre le glaive feul l'interprête des loix ,
Employer pour venger le meurtre de fon pere
Des flammes & du fer l'odieux miniftere ;
Donner à fes profcrits pour juges fes foldats ,
Du neveu de Céfar voilà les magiftrats.
Octave lui réplique que c'eft une néceffité
, que l'univers demande une forme
nouvelle , qu'il lui faut un Empereur , que
Ciceron doit le choifir , qu'ils doivent s'allier
pour mieux détruire Antoine ; il le
conjure enfin de l'aimer , & de devenir
fon
pere.
Abdique, je t'adopte , & ma fille eft à toi,
382 MERCURE DE FRANCE.
repart Ciceron. Des oreilles trop délicates
ont trouvé ce vers dur ; pour moi je ne le
trouve que fort ;je crois qu'un Romain ne
peut pas mieux répondre ni en moins de
mots . Tullie paroît , & fon pere fort eix
difant à Octave , qu'il la confulte ; & que
s'il l'aime , il la prenne pour modele .
Tullie traite Octave encore avec plus.
de fierté que n'a fait fon pere. Céfar , luis
dit-elle :
Regnez , fi vous l'ofez; mais croyez que Tullie
Sçaura bien ſe ſoustraire à votre tyrannie :
Si du fort des tyrans vous bravez les hazards
Il naîtra des Brutus autant que des Céfars.
Sur ce qu'il infifte , elle lui déclare fierement
qu'elle ne l'aime point , qu'elle eft
cependant prête à l'époufer , pourvû qu'il
renonce à l'Empire ; mais que s'il veut ufurper
l'autorité fuprême , il peut teindre le
diadême de fon fang. Cette hauteur romaine
oblige Octave de la quitter & de la
menacer de livrer fon pere à Fulvie. Sextus
, qu'elle reconnoît alors pour le fils de
Pompée , entre fur la fcéne , & demande à
Tullie le fujer de fa douleur. Elle l'inftruit
du danger preffant où font les jours de
fon pere , qui veut les unir avant fa mort.
Sextus finit le fecond acte , en la preffant
d'engager Ciceron à fuir fur fes vaiffeaux
FEVRIER. 1755. 183
-il eft honteux pour lui , ajoute-t- il , de fe
laiffer profcrire.
S'il veut m'accompagner je répons de fa vie,
El'amour couronné répondra de Tullie..
Il faut convenir que cet acte eft un peu
vuide d'action .
Ciceron , Tullie & Sextus ouvrent le troifieme.
Ciceron veut unir le fils de Pompée:
à fa fille ; mais elle s'y oppofe dans ce cruel
moment & le conjure de la fuivre en
Sicile avec Sextus il s'écrie ::
>-
Pour braver mes tyrans je veux mourir dáns Ro
me ;
En implorant les Dieux , c'eft moi fenl qu'elles
nomme:
Sextus lui parle alors en vrai fils de Pompée
, & lui dit :
Rome n'eft plus qu'un ſpectre , une ombre en Ita
lie ,
Dont le corps tout entier eft paffé dans l'Afie :
C'est là que noure honneur nous appelle aujour
d'hui ,
Rendons- nous à ſa voix , & marchons avec lui.
Ce n'eft pas le climat qui lui donna la vie;
C'eſt le coeur du Romain qui forme fa patrie.
184 MERCURE DE FRANCE.
2
Il vaut mieux fe flater d'un eſpoir téméraire
Que de céder au fort dès qu'il nous eft contraire.
Il faut du moins mourir les armes à la main ,
Le feul gente de mort digne d'un vrai Romain,
Mais mourir pour mourir n'eft qu'une folle
yvreffe ,
Trifte enfant de l'orgueil , que nourrit la pareffe.
où
Ciceron fort en leur difant qu'il ne
peut fe réfoudre à quitter l'Italie , mais
qu'il confent de fe rendre à Tufculum ,
il ira les joindre pour les unir enfemble ,
& qu'avant tout il veut revoir Mecene. A
peine eft- il parti qu'Octave entre ; & jaloux
de Sextus qu'il prend pour un chef
des Gaulois , il adreffe ainfi la parole à
Tullie .
Qu'il retourne en fon camp ,
C'eft parmi fes foldats qu'il trouvera fon rang,
Le faux Clodomir lui répond , avec une
fierté plus que Gauloife ,
Le fort de mes pareils ne dépend point de toi
Je ne releve ici que des Dieux & de moi.
Aux loix du grand Céfar nous rendîmes hommage
,
Mais ce ne fut jamais à titre d'efclavage.
Comme de la valeur il connoiffoit le prix ,
Il cftimoit en nous ce qui manque à ſon fils.
FEVRIER. 1755. 185
Octave à ces mots appelle les Licteurs ,
& il faut avouer que fon emportement
paroît fondé.
Tullie s'oppofe à fa rigueur , & prend
vivement la défenſe de Sextus . Le courroux
d'Octave en redouble ; il . lui répond
que ce Gaulois brave l'autorité des Triumvirs
, qu'il a fauvé plufieurs profcrits , &
qu'il mérite d'être puni comme un traître .
Sextus lui réplique :
Toi-même , applaudifſant à mes foins magnanimes
,
Tu devrois me louer de t'épargner des crimes ,
Et rougir , quand tu crois être au- deffus de moi ,
Qu'un Gaulois à tes yeux foit plus Romain que
toi,
Tullie lui demande fa vie. Octave forcé
par fon amour de la lui accorder , fe retire
en déguifant fon dépit. Sextus raffure Tullie
fur la crainte qu'elle a que fon rival
ne l'immole , & lui fait entendre qu'Octave
eft un tyran encore mal affermi, qu'il
le croit Gaulois , & qu'ayant beſoin du ſecours
de cette nation , il eft trop bon politique
pour ne la pas ménager. La frayeur
de Tullie s'accroît à l'afpect de Philippe ,
qu'elle prend pour un miniftre des vengeances
d'Octave. Philippe reconnoît Sex186
MERCURE DE FRANCE.
tus qu'il a élevé , & marque autant de
douleur que de furprife. Le fils de Pompée
reconnoît Philippe à fon tour , & lui
reproche d'avoir dégénéré de fa premiere
vertu. Cet affranchi fe jette à fes genoux ,
& lui dit qu'il ne les quittera pas qu'il n'ait
obtenu de lui la grace d'être écouté . Sextuş
le force de fe lever. Philippe lui raconte
qu'Octave inftruit de fa fidélité l'a pris
à fon fervice , mais qu'il n'a jamais trempé
dans fes forfaits. Il ajoute que ce Triumvir
ne croit plus que Sextus foit un Gaulois
, mais un ami de Brutus , & qu'il l'a
chargé du cruel emploi de l'affaffiner dans
la nuit . Il vient , continue- t-il , de paffer
chez Fulvie : je crains qu'il n'en coute la
vie à Ciceron .
Les momens nous font chers , & c'eſt fait de vos
jours ,
Și de ceux du tyran , je n'abrege le cours,
Choififfez du trépas de Célar , ou du vôtre ;-
Rien n'eft facré pour moi quand il s'agit de vous..
Sextus lui répond
L'affafinat , Philippe , eft indigne de nous
Avant que d'éclater il falloit l'entreprendre
Mais inftruit du projet je dois te le défendre .
Ce trait eft hiſtorique , & M. de Cré
FEVRIER. 1755. 187
billon s'en est heureufement fervi . Tullie
approuve Sextus , & termine l'acte en difant
:
Allons trouver mon pere , & remettons aux Dieux
Le foin de nous fauver de ces funeftes lieux.
Le quatrieme acte s'ouvre par un monologue
de Ciceron , qui jette les yeux fur
le tableau des profcriptions , & qui dit
avec tranſport , lorfqu'il y voir fon nom
Enfin je fuis profcrit , que mon ame eft ravie !
Je renais au moment qu'on m'arrache ma vie.
Mecene furvient , & le preffe de s'allier
à Céfar. Ciceron lui demande s'il lui fait
efperer que l'inftant de leur alliance fera la
fin de la profeription . Mecene lui répond
qu'Octave l'a fufpendue pour lui . Ciceron
pour réplique , lui montre fon nom écrit
fur le tableau.
Mecene fe récrie : ...
Dieux quelle trahison
S'il eft vrai que Céfar ait voulu vous proferire ,
Sur ce même tableau je vais me faire inferire.
Adieu : fi je ne puis vous fauver de fes coups ,
Vous me verrez combattre & mourir avec vous.
Octave paroît. Ciceron veut lui faire
189 MERCURE DE FRANCE.
de nouveaux reproches ; mais Octave lui
répond qu'il n'eft pas venu pour fe faire
juger , & qu'il lui demande Tullie pour
la derniere fois. Ciceron lui réplique que
c'eft moins fon amour que fa politique qui
lui fait fouhaiter la main de fa fille , &
qu'il veut par ce noeud les affocier à fes
fureurs. Octave offenfé , lui repart :
Ingrat , fi tu jouis de la clarté du jour ,
Apprens que tu ne dois ce bien qu'à mon amour .
Vois ton nom.
Ciceron lui dit avec un phlegme vraiment
Romain :
Je l'ai vû . Céfar , je t'en rends graces.
Octave alors fe dévoile tout entier , &
lui reproche qu'il protége Clodomir , &
qu'il veut l'unir à Tullie. Ciceron ne s'en
défend pas , & Céfar tranfporté de colere ,
fort en lui déclarant qu'il l'abandonne à
fon inimitié. Ciceron refté feul , dit qu'il
la préfere à une pitié qui deshonore celui
qu'elle épargne , & celui qui l'invoque. Il
eft inquiet fur le fort de fa fille & fur celui
de Sextus , mais il eft raffuré par leur
préfence ; il leur apprend qu'il eft profcrit.
Tous deux le conjurent de partir &
de profiter du moment qu'Octave lui laiſſe ;
FEVRIER. 1755.. 159
mais il s'obſtine à mourir . Philippe vient
avertir Sextus que fes amis font déja loin
des portes , & preffe Tullie de fuivre les
pas du fils de Pompée , en l'affurant qu'elle
n'a rien à craindre pour Ciceron , qu'il eft
chargé de veiller für fes jours , & qu'il va
le conduire à Tufculum. Ciceron quitte
Sextus & Tullie , en leur difant :
i
Adieu , triftes témoins de més voeux fuperflus.
Palais infortuné , je ne vous verrai plus.
Octave qui vient d'apprendre que le faux
Clodomir eft Sextus , fait éclater toute fa
colere , & jure d'immoler le fils de Pompée
, & Tullie même. Mecene entre tout
éploré. Octave effrayé , lui demande quel
eft le fujet de fa douleur. Mecene lui répond
, les yeux baignés de larmes :
Ingrat ! qu'avez-vous fait ?
Hélas ! hier encore il exiſtoit un homme
Qui fit par fes vertus les délices de Rome ;
Mémorable à jamais par fes talens divers ,
Dont le génie heureux éclairoit l'univers.
Il n'eft plus .... fon falut vous eût couvert de
gloire ,
Et de vos cruautés , effacé la mémoire.
Qu'ai -je beſoin encor de vous dire fon nom ?
Ahlaillez-moi vous fuir , & pleurer Ciceron.
190 MERCURE DE FRANCE.
Octave témoigne fa furprife , & rejette
ce crime fur Antoine. Mecene continue
ainfi :
L'intrepide Orateur a vu fans s'ébranler ,
Lever fur lui lebras qui l'alloit immoler :
C'eſt toi , Lena , dit-il ; que rien ne te retienne ;
J'ai défendu ta vie , atrache-moi la mienne.
Je ne me repens point d'avoir ſauvé tes jours ,
Puifque des miens , c'est toi qui dois trancher le
cours.
que
A ces mots , Ciceron lui préfente la tête ,
En s'écriant , Lena , frappe , la voilà prête.
Lena , tandis Pair retentiffoit de cris ,
L'abbat , court chez Fulvie en demander le prix.
Un objet fi touchant , loin d'attendrir ſon ame ,
N'a fait que redoubler le courroux qui l'enflam
me :
Les yeux étincelans de rage & de fureur ,
Elle embraffe Lena fans honte & fans pudeur ,
Saifit avec tranſport cette tête divine ,
Qui femble avec les Dieux difputer d'origine ,
En arrache . ... Epargnez à ma vive douleur
La fuite d'un récit qui vous feroit horreur.
Nous ne l'entendrons plus , du feu de fon génie ,
Répandre dans nos coeurs le charme & l'harmonie
:
Fulvie a déchiré de fes indignes mains
Cet objet précieux , l'oracle des humains.
Ce récit m'a paru trop beau pour en rien
FEVRIER. 1755. 191
retrancher. L'acteur * qui a joué le rolle de
Mecene , en a fenti tout le pathétique , &
l'a très-bien rendu. Tullie qui n'eft pas encore
inftruite de la mort de fon pere , vient
implorer pour lui la puiffance d'Octave ;
elle paroît un peu defcendre de fon caractere
, elle s'humilie même au point d'offrir ſa
main à Céfar, pourvû qu'elle foit le prix des
jours de Ciceron . Comme Octave ne peut
cacher fon embarras , & qu'il veut fortir ,
Tullie l'arrête ; & tournant fes regards
vers la tribune , elle s'écrie avec terreur :
Plus je l'ofe obferver , plus ma frayeur augmente.
Mecene ! la Tribune ... elle eſt toute fanglante.
Ce voile encor fumant cache quelque forfait.
N'importe , je veux voir. Dieux ! quel affreux
objet !
La tête de mon pere ! .. Ah! monftre impitoyable ,
A quels yeux offres- tu ce fpectacle effroyable ?
Elle fe tue , & tombe en expirant auprès
d'une tête fi chere.
Je n'ai point vû au théatre de dénoument
plus frappant ; je ne me laffe point
de le répéter . Ce tableau rendu par l'action
admirable de Mlle Clairon , infpire la terreur
la plus forte , & la pitié la plus tendre
. Ces deux fentimens réunis enfemble .
font la perfection du genre. La beauté du
M. de Bellecour
192 MERCURE DE FRANCE.
cinquiéme acte répond à celle du premier
& la catastrophe remplit tout ce que l'expofition
a promis ; elle a toute la force
Angloife , fans en avoir la licence. Pour
en convaincre le lecteur , je veux lui comparer
le dénouement de Philoclée , dont je
vais donner le programme , d'après l'extrait
inferé dans le Journal Etranger du
mois de Janvier.
Lis
Es Comédiens François ont donné le
13 de ce mois la dixiéme repréfentation
du Triumvirat. On peut dire qu'il a
eu ce fuccès d'estime que l'ouvrage &
l'auteur ont fi bien mérité , & qu'on refuſe
fouvent à des pieces plus heureufes , qui
comptent plus de repréfentations que de
fuffrages. Cette Tragédie eft imprimée
fous ce double titre : Le Triumvirat , ou la
mort de Ciceron , avec une épitre dédicatoire
à Mme Bignon , & une préface . Elle
fe vend chez Hochereau , quai de Conti , au
Phénix ; le prix eft de 30 f. en voici l'extrait .
EXTRAIT DU TRIUMVIRÁT.
Tullie , fille de Ciceron , ouvre feule
la fcene qui eft au Capitole , par un début
digne d'elle & du fujet. Elle s'écrie ,
Effroyable féjour des horreurs de la guerre ,
Lieux inondés du fang des maîtres de la terre ,
Lieux , dont le feul afpect fit trembler tant de
Rois ,
Palais où Ciceron triompha tant de fois ;
Deformais trop heureux de cacher ce grand homme
,
Sauvez le feul Romain qui foit encor dans Rome.
FEVRIER. 1755. 177
A
Elle ajoûte avec effroi , en jettant les
yeux fur le tableau des profcrits :
Que vois-je , à la lueur de ce cruel flambeau !
Ah ! que de noms facrés profcrits fur ce tableau !
Rome , il ne manque plus , pour combler ta mifere
,
Que d'y tracer le nom de mon malheureux pere.
Enfuite elle apoftrophe ainfi la ftatue de
Céfar.
Toi , qui fis en naiffant honneur à la nature ,
Sans avoir , des vertus , que l'heureufe impofture ,
Trop aimable tyran , illuftre ambitieux ,
Qui triomphas du fort , de Caton & des Dieux...
Sous un joug ennobli par l'éclat de tes armes ,
Nous refpirions du moins fans honte & fans allármes
:
Loin de rougir des fers qu'illuftroit ta valeur ,
On fe croyoit paré des lauriers du vainqueur.
Mais fous le joug honteux & d'Antoine & d'Octave
>
Rome , arbitre des Rois , va gémir en eſclave.
Se tournant après vers la ftatue de Pompée
, elle lui adreffe ces triftes paroles .
Ah ! Pompée , eft -ce là ce qui refte de toi
Miférables débris de la grandeur . humaine ,
Hy
178 MERCURE DE FRANCE.
Douloureux monument de vengeance & de haine !
6
Pour nous venger d'Octave ,, accours , vaillant
Sextus ,,
A ce nouveau Céfar , fois un nouveau. Brutus.
Ce monologue me paroît admirable ; il
égale , à mon gré , celui d'Electre , s'il ne
le furpaffe pas , & forme la plus belle expofition
. Il eft terminé par l'arrivée de
Sextus , qui fe cache même aux yeux de
Tullie qu'il aime , fous le nom de Clodomir
, chef des Gaulois . Il lui fait un récit
affreux des horreurs du Triumvirat dont il
vient d'être le témoin , & finit un fi noir
tableau par ces beaux vers , qu'on croiroit
d'un auteur de trente ans , à la force du
coloris.
Un fils , prefque à mes yeux , vient de livrer fon
Le
pere ;
J'ai vu ce même fils égorgé par fa mere :
On ne voit que des corps mutilés & fanglans ,
Des efclaves traîner leurs maîtres expirans ;
affouvi réchauffe le carnage ;
carnage
J'ai vu des furieux dont la haine & la rage
Se difputoient des cours encor tout palpitans:
On diroit à les voir l'un l'autre s'excitans ,
Déployer à l'envi leur fureur meurtrière ,
Que c'est le derniér jour de la nature entiere. {
FEVRIER. , 1755. 179
que
Dans ce péril preffant il offre à Tullie une
retraite dans Oftie pour fon pere & pour
elle . Elle la refufe ; il frémit du danger
Ciceron va courir , fi près de Fulvie
qui a juré fa perte. Il exprime en même
tems la douleur qu'il a de la perdre & de
la voir près d'être unie aux jours d'Octave
qui l'aime , ajoutant que fon fang fcellera
cet hymen. Tullie le raffure fur cette crain--
te , en lui difant :
Un tyran à
Ne craignez rien d'Octave' :
mes yeux ne vaut pas un esclave.
Un rival plus heureux va caufer vos allarmes ...
Le fils du grand Pompée . Hélas ! que n'est- ce vous !!
Que j'euffe avec plaifir accepté mon époux !
Ces deux amans font interrompus par
Lepide qui entre : Clodomir fe retire . Le
Triumvir fait entendre à Tullie , que ne
pouvant chaffer de Rome fes collegues impies
, il prend le parti de s'en exiler luimême
, & qu'il va chercher un afyle en
Efpagne pour y fauver fa vertu. Tullie l'interrompt
par cette noble réponſe , qui a
toujours été fi juftement applaudie :
Ah ! la vertu quifuit ne vaut pas le courage
Du crime audacieux qui fçait braver l'orage .
Que peut craindre un Romain des,caprices.du fort,
Tant qu'il lui refte un bras pour fe donner la mort
H vj
180 MERCURE DE FRANCE.
Avez-vous oublié que Rome eft votre mere
Demeurez , imitez l'exemple de mon pere ,
Et de votre vertu në nous vantez l'éclat
Qu'après une victoire , ou du moins un combat.
On n'encenfa jamais la vertu fugitive ,
Et celle d'un Romain doit être plus active.
On ne le reconnoît qu'à fon dernier foupir ;
Son honneur eft de vaincre , & vaincu de mourir.
ger
Elle fort.
Ciceron arrive. Lapide tâche de l'engaà
le fuivre pour fe dérober à la fureur
d'Antoine & de Fulvie , qui veulent le profcrire.
Ciceron rejette cette offre. Lepide le
quitte , en lui déclarant qu'il vient de rencontrer
Sextus , & qu'il l'a reconnu . Ce
Triumvir l'avertit d'en craindre la fuite ,
& de prendre garde à lui. Ciceron reſté
feul , dit qu'il eft tems qu'il apprenne
ce fecret à fa fille , que Clodomir devenu
le fils du grand Pompée , ne pourra l'en
blâmer , qu'il veut les unir & donner à Céfar
un rival , dont le nom feul pourra lui
devenir funefte.
Octave commence avec Mecene le fecond
acte. Après avoir d'abord tâché d'excufer
fes cruautés , il lui marque fon
amour pour Tullie , & fon eftime pour fon
pere , ajoûtant qu'il veut le fauver & fe
l'attacher. Mecene l'affermit dans ce defFEVRIER.
1755. 181
fein , & le laiffe avec Ciceron qui paroît ,
& qui lui témoigne ainfi fa furpriſe :
Céſar , en quel état vous offrez-vous à moi ?
Ah ! ce n'eft ni fon fils , ni Céfar que je vois.
O! Céfar , ce n'eft pas ton fang qui l'a fait naître :
Brutus qui l'a verfé , méritoit mieux d'en être.
Le meurtre des vaincus ne fouilloit point tes pas ;
Ta valeur fubjuguoit , mais ne profcrivoit pas.
Octave, pour fe juftifier , répond qu'il
pourfuit les meurtriers du grand Céfar , &
que fa vengeance eft légitime. Ciceron l'interrompt
pour lui reprocher l'abus affreux
qu'il fait de ce prétexte , & lui dit :
Rendre le glaive feul l'interprête des loix ,
Employer pour venger le meurtre de fon pere
Des flammes & du fer l'odieux miniftere ;
Donner à fes profcrits pour juges fes foldats ,
Du neveu de Céfar voilà les magiftrats.
Octave lui réplique que c'eft une néceffité
, que l'univers demande une forme
nouvelle , qu'il lui faut un Empereur , que
Ciceron doit le choifir , qu'ils doivent s'allier
pour mieux détruire Antoine ; il le
conjure enfin de l'aimer , & de devenir
fon
pere.
Abdique, je t'adopte , & ma fille eft à toi,
382 MERCURE DE FRANCE.
repart Ciceron. Des oreilles trop délicates
ont trouvé ce vers dur ; pour moi je ne le
trouve que fort ;je crois qu'un Romain ne
peut pas mieux répondre ni en moins de
mots . Tullie paroît , & fon pere fort eix
difant à Octave , qu'il la confulte ; & que
s'il l'aime , il la prenne pour modele .
Tullie traite Octave encore avec plus.
de fierté que n'a fait fon pere. Céfar , luis
dit-elle :
Regnez , fi vous l'ofez; mais croyez que Tullie
Sçaura bien ſe ſoustraire à votre tyrannie :
Si du fort des tyrans vous bravez les hazards
Il naîtra des Brutus autant que des Céfars.
Sur ce qu'il infifte , elle lui déclare fierement
qu'elle ne l'aime point , qu'elle eft
cependant prête à l'époufer , pourvû qu'il
renonce à l'Empire ; mais que s'il veut ufurper
l'autorité fuprême , il peut teindre le
diadême de fon fang. Cette hauteur romaine
oblige Octave de la quitter & de la
menacer de livrer fon pere à Fulvie. Sextus
, qu'elle reconnoît alors pour le fils de
Pompée , entre fur la fcéne , & demande à
Tullie le fujer de fa douleur. Elle l'inftruit
du danger preffant où font les jours de
fon pere , qui veut les unir avant fa mort.
Sextus finit le fecond acte , en la preffant
d'engager Ciceron à fuir fur fes vaiffeaux
FEVRIER. 1755. 183
-il eft honteux pour lui , ajoute-t- il , de fe
laiffer profcrire.
S'il veut m'accompagner je répons de fa vie,
El'amour couronné répondra de Tullie..
Il faut convenir que cet acte eft un peu
vuide d'action .
Ciceron , Tullie & Sextus ouvrent le troifieme.
Ciceron veut unir le fils de Pompée:
à fa fille ; mais elle s'y oppofe dans ce cruel
moment & le conjure de la fuivre en
Sicile avec Sextus il s'écrie ::
>-
Pour braver mes tyrans je veux mourir dáns Ro
me ;
En implorant les Dieux , c'eft moi fenl qu'elles
nomme:
Sextus lui parle alors en vrai fils de Pompée
, & lui dit :
Rome n'eft plus qu'un ſpectre , une ombre en Ita
lie ,
Dont le corps tout entier eft paffé dans l'Afie :
C'est là que noure honneur nous appelle aujour
d'hui ,
Rendons- nous à ſa voix , & marchons avec lui.
Ce n'eft pas le climat qui lui donna la vie;
C'eſt le coeur du Romain qui forme fa patrie.
184 MERCURE DE FRANCE.
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Il vaut mieux fe flater d'un eſpoir téméraire
Que de céder au fort dès qu'il nous eft contraire.
Il faut du moins mourir les armes à la main ,
Le feul gente de mort digne d'un vrai Romain,
Mais mourir pour mourir n'eft qu'une folle
yvreffe ,
Trifte enfant de l'orgueil , que nourrit la pareffe.
où
Ciceron fort en leur difant qu'il ne
peut fe réfoudre à quitter l'Italie , mais
qu'il confent de fe rendre à Tufculum ,
il ira les joindre pour les unir enfemble ,
& qu'avant tout il veut revoir Mecene. A
peine eft- il parti qu'Octave entre ; & jaloux
de Sextus qu'il prend pour un chef
des Gaulois , il adreffe ainfi la parole à
Tullie .
Qu'il retourne en fon camp ,
C'eft parmi fes foldats qu'il trouvera fon rang,
Le faux Clodomir lui répond , avec une
fierté plus que Gauloife ,
Le fort de mes pareils ne dépend point de toi
Je ne releve ici que des Dieux & de moi.
Aux loix du grand Céfar nous rendîmes hommage
,
Mais ce ne fut jamais à titre d'efclavage.
Comme de la valeur il connoiffoit le prix ,
Il cftimoit en nous ce qui manque à ſon fils.
FEVRIER. 1755. 185
Octave à ces mots appelle les Licteurs ,
& il faut avouer que fon emportement
paroît fondé.
Tullie s'oppofe à fa rigueur , & prend
vivement la défenſe de Sextus . Le courroux
d'Octave en redouble ; il . lui répond
que ce Gaulois brave l'autorité des Triumvirs
, qu'il a fauvé plufieurs profcrits , &
qu'il mérite d'être puni comme un traître .
Sextus lui réplique :
Toi-même , applaudifſant à mes foins magnanimes
,
Tu devrois me louer de t'épargner des crimes ,
Et rougir , quand tu crois être au- deffus de moi ,
Qu'un Gaulois à tes yeux foit plus Romain que
toi,
Tullie lui demande fa vie. Octave forcé
par fon amour de la lui accorder , fe retire
en déguifant fon dépit. Sextus raffure Tullie
fur la crainte qu'elle a que fon rival
ne l'immole , & lui fait entendre qu'Octave
eft un tyran encore mal affermi, qu'il
le croit Gaulois , & qu'ayant beſoin du ſecours
de cette nation , il eft trop bon politique
pour ne la pas ménager. La frayeur
de Tullie s'accroît à l'afpect de Philippe ,
qu'elle prend pour un miniftre des vengeances
d'Octave. Philippe reconnoît Sex186
MERCURE DE FRANCE.
tus qu'il a élevé , & marque autant de
douleur que de furprife. Le fils de Pompée
reconnoît Philippe à fon tour , & lui
reproche d'avoir dégénéré de fa premiere
vertu. Cet affranchi fe jette à fes genoux ,
& lui dit qu'il ne les quittera pas qu'il n'ait
obtenu de lui la grace d'être écouté . Sextuş
le force de fe lever. Philippe lui raconte
qu'Octave inftruit de fa fidélité l'a pris
à fon fervice , mais qu'il n'a jamais trempé
dans fes forfaits. Il ajoute que ce Triumvir
ne croit plus que Sextus foit un Gaulois
, mais un ami de Brutus , & qu'il l'a
chargé du cruel emploi de l'affaffiner dans
la nuit . Il vient , continue- t-il , de paffer
chez Fulvie : je crains qu'il n'en coute la
vie à Ciceron .
Les momens nous font chers , & c'eſt fait de vos
jours ,
Și de ceux du tyran , je n'abrege le cours,
Choififfez du trépas de Célar , ou du vôtre ;-
Rien n'eft facré pour moi quand il s'agit de vous..
Sextus lui répond
L'affafinat , Philippe , eft indigne de nous
Avant que d'éclater il falloit l'entreprendre
Mais inftruit du projet je dois te le défendre .
Ce trait eft hiſtorique , & M. de Cré
FEVRIER. 1755. 187
billon s'en est heureufement fervi . Tullie
approuve Sextus , & termine l'acte en difant
:
Allons trouver mon pere , & remettons aux Dieux
Le foin de nous fauver de ces funeftes lieux.
Le quatrieme acte s'ouvre par un monologue
de Ciceron , qui jette les yeux fur
le tableau des profcriptions , & qui dit
avec tranſport , lorfqu'il y voir fon nom
Enfin je fuis profcrit , que mon ame eft ravie !
Je renais au moment qu'on m'arrache ma vie.
Mecene furvient , & le preffe de s'allier
à Céfar. Ciceron lui demande s'il lui fait
efperer que l'inftant de leur alliance fera la
fin de la profeription . Mecene lui répond
qu'Octave l'a fufpendue pour lui . Ciceron
pour réplique , lui montre fon nom écrit
fur le tableau.
Mecene fe récrie : ...
Dieux quelle trahison
S'il eft vrai que Céfar ait voulu vous proferire ,
Sur ce même tableau je vais me faire inferire.
Adieu : fi je ne puis vous fauver de fes coups ,
Vous me verrez combattre & mourir avec vous.
Octave paroît. Ciceron veut lui faire
189 MERCURE DE FRANCE.
de nouveaux reproches ; mais Octave lui
répond qu'il n'eft pas venu pour fe faire
juger , & qu'il lui demande Tullie pour
la derniere fois. Ciceron lui réplique que
c'eft moins fon amour que fa politique qui
lui fait fouhaiter la main de fa fille , &
qu'il veut par ce noeud les affocier à fes
fureurs. Octave offenfé , lui repart :
Ingrat , fi tu jouis de la clarté du jour ,
Apprens que tu ne dois ce bien qu'à mon amour .
Vois ton nom.
Ciceron lui dit avec un phlegme vraiment
Romain :
Je l'ai vû . Céfar , je t'en rends graces.
Octave alors fe dévoile tout entier , &
lui reproche qu'il protége Clodomir , &
qu'il veut l'unir à Tullie. Ciceron ne s'en
défend pas , & Céfar tranfporté de colere ,
fort en lui déclarant qu'il l'abandonne à
fon inimitié. Ciceron refté feul , dit qu'il
la préfere à une pitié qui deshonore celui
qu'elle épargne , & celui qui l'invoque. Il
eft inquiet fur le fort de fa fille & fur celui
de Sextus , mais il eft raffuré par leur
préfence ; il leur apprend qu'il eft profcrit.
Tous deux le conjurent de partir &
de profiter du moment qu'Octave lui laiſſe ;
FEVRIER. 1755.. 159
mais il s'obſtine à mourir . Philippe vient
avertir Sextus que fes amis font déja loin
des portes , & preffe Tullie de fuivre les
pas du fils de Pompée , en l'affurant qu'elle
n'a rien à craindre pour Ciceron , qu'il eft
chargé de veiller für fes jours , & qu'il va
le conduire à Tufculum. Ciceron quitte
Sextus & Tullie , en leur difant :
i
Adieu , triftes témoins de més voeux fuperflus.
Palais infortuné , je ne vous verrai plus.
Octave qui vient d'apprendre que le faux
Clodomir eft Sextus , fait éclater toute fa
colere , & jure d'immoler le fils de Pompée
, & Tullie même. Mecene entre tout
éploré. Octave effrayé , lui demande quel
eft le fujet de fa douleur. Mecene lui répond
, les yeux baignés de larmes :
Ingrat ! qu'avez-vous fait ?
Hélas ! hier encore il exiſtoit un homme
Qui fit par fes vertus les délices de Rome ;
Mémorable à jamais par fes talens divers ,
Dont le génie heureux éclairoit l'univers.
Il n'eft plus .... fon falut vous eût couvert de
gloire ,
Et de vos cruautés , effacé la mémoire.
Qu'ai -je beſoin encor de vous dire fon nom ?
Ahlaillez-moi vous fuir , & pleurer Ciceron.
190 MERCURE DE FRANCE.
Octave témoigne fa furprife , & rejette
ce crime fur Antoine. Mecene continue
ainfi :
L'intrepide Orateur a vu fans s'ébranler ,
Lever fur lui lebras qui l'alloit immoler :
C'eſt toi , Lena , dit-il ; que rien ne te retienne ;
J'ai défendu ta vie , atrache-moi la mienne.
Je ne me repens point d'avoir ſauvé tes jours ,
Puifque des miens , c'est toi qui dois trancher le
cours.
que
A ces mots , Ciceron lui préfente la tête ,
En s'écriant , Lena , frappe , la voilà prête.
Lena , tandis Pair retentiffoit de cris ,
L'abbat , court chez Fulvie en demander le prix.
Un objet fi touchant , loin d'attendrir ſon ame ,
N'a fait que redoubler le courroux qui l'enflam
me :
Les yeux étincelans de rage & de fureur ,
Elle embraffe Lena fans honte & fans pudeur ,
Saifit avec tranſport cette tête divine ,
Qui femble avec les Dieux difputer d'origine ,
En arrache . ... Epargnez à ma vive douleur
La fuite d'un récit qui vous feroit horreur.
Nous ne l'entendrons plus , du feu de fon génie ,
Répandre dans nos coeurs le charme & l'harmonie
:
Fulvie a déchiré de fes indignes mains
Cet objet précieux , l'oracle des humains.
Ce récit m'a paru trop beau pour en rien
FEVRIER. 1755. 191
retrancher. L'acteur * qui a joué le rolle de
Mecene , en a fenti tout le pathétique , &
l'a très-bien rendu. Tullie qui n'eft pas encore
inftruite de la mort de fon pere , vient
implorer pour lui la puiffance d'Octave ;
elle paroît un peu defcendre de fon caractere
, elle s'humilie même au point d'offrir ſa
main à Céfar, pourvû qu'elle foit le prix des
jours de Ciceron . Comme Octave ne peut
cacher fon embarras , & qu'il veut fortir ,
Tullie l'arrête ; & tournant fes regards
vers la tribune , elle s'écrie avec terreur :
Plus je l'ofe obferver , plus ma frayeur augmente.
Mecene ! la Tribune ... elle eſt toute fanglante.
Ce voile encor fumant cache quelque forfait.
N'importe , je veux voir. Dieux ! quel affreux
objet !
La tête de mon pere ! .. Ah! monftre impitoyable ,
A quels yeux offres- tu ce fpectacle effroyable ?
Elle fe tue , & tombe en expirant auprès
d'une tête fi chere.
Je n'ai point vû au théatre de dénoument
plus frappant ; je ne me laffe point
de le répéter . Ce tableau rendu par l'action
admirable de Mlle Clairon , infpire la terreur
la plus forte , & la pitié la plus tendre
. Ces deux fentimens réunis enfemble .
font la perfection du genre. La beauté du
M. de Bellecour
192 MERCURE DE FRANCE.
cinquiéme acte répond à celle du premier
& la catastrophe remplit tout ce que l'expofition
a promis ; elle a toute la force
Angloife , fans en avoir la licence. Pour
en convaincre le lecteur , je veux lui comparer
le dénouement de Philoclée , dont je
vais donner le programme , d'après l'extrait
inferé dans le Journal Etranger du
mois de Janvier.
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Résumé : COMEDIE FRANÇOISE.
Le texte critique la dixième représentation de la tragédie 'Le Triumvirat, ou la mort de Cicéron' par les Comédiens Français, qui a connu un succès mérité. La pièce, disponible chez Hochereau, raconte l'histoire de Tullie, fille de Cicéron, qui cherche à protéger son père des persécutions du Triumvirat. Tullie exprime son désespoir face aux horreurs de cette période et reproche à César et Pompée leurs actions. Elle révèle également la menace que représente Octave. Sextus, déguisé en Clodomir, propose une retraite à Tullie, mais elle refuse. Lepide suggère à Cicéron de s'exiler, mais Tullie l'encourage à rester et à affronter ses ennemis. Octave, accompagné de Mécène, tente de gagner la faveur de Cicéron en lui offrant de l'adopter et de protéger Tullie, mais ils rejettent ces propositions avec fierté. Sextus, reconnu comme le fils de Pompée, presse Cicéron de fuir. La pièce se poursuit avec des confrontations entre les personnages, chacun défendant ses valeurs et loyautés. Cicéron refuse de quitter Rome et exprime son désir de mourir en héros. Octave, jaloux de Sextus, menace de le punir, mais finit par lui accorder la vie. Philippe, un affranchi, révèle un complot contre Cicéron, et Sextus décide de le protéger. Tullie et Sextus se préparent à trouver Cicéron pour le sauver des dangers qui le menacent. La pièce se poursuit avec une confrontation dramatique entre Octave, Cicéron et d'autres personnages. Octave demande la main de Tullie, mais Cicéron refuse, accusant Octave de motivations politiques. Octave, offensé, rappelle à Cicéron qu'il lui doit la vie. Cicéron, imperturbable, avoue protéger Clodomir et vouloir l'unir à Tullie. Octave, furieux, déclare abandonner Cicéron à son inimitié. Cicéron, inquiet pour ses enfants, apprend qu'il est proscrit mais refuse de partir. Philippe avertit Sextus et Tullie de partir, assurant qu'il veillera sur Cicéron. Cicéron dit adieu à ses enfants et quitte le palais. Octave, apprenant que Sextus est le faux Clodomir, jure de les immoler. Mécène révèle à Octave la mort de Cicéron, tué par Lena sur ordre de Fulvie. Tullie, découvrant la tête de son père, meurt de chagrin. La pièce se conclut par un dénouement tragique, soulignant la terreur et la pitié inspirées par la mort de Cicéron.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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