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1
s. p.
A MONSEIGNEUR LE CHANCELIER.
Début :
MONSEIGNEUR, Il ne me suffit pas que le Mercure [...]
Mots clefs :
Mercure, Conseils, Département de la guerre, Zèle
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texteReconnaissance textuelle : A MONSEIGNEUR LE CHANCELIER.
A MONSEIGNEUR
L E
Il ne me faffit pas que le
Mercure ait déjà pris foin de
publier avec quelle joye tout
le monde a veu vosgrands Services récompenfe\ par le nou~
âij
E P I ST RE.
•veau Titre d'honneur que'vous
venez. d'acquérirj Jeprens la
liberté de m'adrcjjèr aujourd'hui a Kous-mefine, &de méfier ma voix aux acclamations
de toute la Erance, dontlesfouhaits vous avaient placé dans
le Rang illufire que vous occupe7xy dés le moment quil a deû
efire remply. Ce fentiment,
MO NSE IG HEV R, a efié
figeneral, quil ne s'efl offert
aucune occafion de Texpliquer,
qu on ne l'ait avidement embraffée. Toutes les Harangues
quifie fontfaites à l Ouverture
des Cours Souveraines, n
’ont
eu pour objet que ce rare mé-
E P I S T R. E.
rite qui a fait tomberfur Vous
le choix de noftre Augufie Monarquepour lapremiers Charge
de l Etat. Comme il ny en a
point de plus importantes , elle
demandait un Homme extraordinaire, en qui une longue expérience jointe à la plus haute
capacité 3 ne laijfafi àf'ouhaiter
aucune des éminentes Qualité^
quiJe doivent rencontrer dans
un grand ëÿfiage Minifire 3 &
a qui la confier plus juflement
qu
’à Vous , M 0 N S E IG NEZl R, qui aveyfil dignement foutenu tous les Emplois
qui peuvent fervir de degre^
a l élévation où tous efies?
a jy
E P I S T R E.
Cette continuelle application â
niflere 3 cette prudence contout ce qui a efié de vofire Miinfyiüible le fuccés de tout ce
du Grand Prince qui a daigné ,
JeJervir de vos Confeils 3 enfin
toutes les Allions de vofire Vie
les écouter pour vous trouver
digne de la gloire quevot.s recevez Elle efl lafuite, ou plutôt la confirmation de cette
entière confiance que Sa Ma-
Ennemis ïeftoientà celuyd'Arras ? Comme ilnous efiait d une
très-grande importance de le
confieraer, ilfallait y fiire entrer du Secours. Vofire Corn-
epistre.
mifflon efioit ample pour tout
ce que vousjugeriez necefaire
au bien de l Etat, & vous pourveuves avec tant de ponctualité &deprudence auxprejfans
befoins des Ajfiege^ &des Generaux de l Armée, que la Place
futfecouru'è & les Ennemis défaits. On ne pouvaitmoins attendre de vojl e vple apres les
grandsfervices que vous aviet^
déjà rendus aufeu Ry, qui en
commença la récompenfe en
vous faifant revenir d'Italie,
pour vousfaire Secrétaire d’Etat. Je ne parle point, MONSE1GNEVR, de ces maniérés
honnefles & obligeantes qui
FMHS
blement cette neufiéme Partie
—
gnere^pas de recevoirfavorablement cette neufiéme Partie
du Mercure} &que vous autres.
E P I S T R E.
la bonté de foufrir que je me
dije mec autantde zele que de
MONSEIGNEUR,
Vcftre très.humble & trèsobeïffant Serviteur,
D
L E
Il ne me faffit pas que le
Mercure ait déjà pris foin de
publier avec quelle joye tout
le monde a veu vosgrands Services récompenfe\ par le nou~
âij
E P I ST RE.
•veau Titre d'honneur que'vous
venez. d'acquérirj Jeprens la
liberté de m'adrcjjèr aujourd'hui a Kous-mefine, &de méfier ma voix aux acclamations
de toute la Erance, dontlesfouhaits vous avaient placé dans
le Rang illufire que vous occupe7xy dés le moment quil a deû
efire remply. Ce fentiment,
MO NSE IG HEV R, a efié
figeneral, quil ne s'efl offert
aucune occafion de Texpliquer,
qu on ne l'ait avidement embraffée. Toutes les Harangues
quifie fontfaites à l Ouverture
des Cours Souveraines, n
’ont
eu pour objet que ce rare mé-
E P I S T R. E.
rite qui a fait tomberfur Vous
le choix de noftre Augufie Monarquepour lapremiers Charge
de l Etat. Comme il ny en a
point de plus importantes , elle
demandait un Homme extraordinaire, en qui une longue expérience jointe à la plus haute
capacité 3 ne laijfafi àf'ouhaiter
aucune des éminentes Qualité^
quiJe doivent rencontrer dans
un grand ëÿfiage Minifire 3 &
a qui la confier plus juflement
qu
’à Vous , M 0 N S E IG NEZl R, qui aveyfil dignement foutenu tous les Emplois
qui peuvent fervir de degre^
a l élévation où tous efies?
a jy
E P I S T R E.
Cette continuelle application â
niflere 3 cette prudence contout ce qui a efié de vofire Miinfyiüible le fuccés de tout ce
du Grand Prince qui a daigné ,
JeJervir de vos Confeils 3 enfin
toutes les Allions de vofire Vie
les écouter pour vous trouver
digne de la gloire quevot.s recevez Elle efl lafuite, ou plutôt la confirmation de cette
entière confiance que Sa Ma-
Ennemis ïeftoientà celuyd'Arras ? Comme ilnous efiait d une
très-grande importance de le
confieraer, ilfallait y fiire entrer du Secours. Vofire Corn-
epistre.
mifflon efioit ample pour tout
ce que vousjugeriez necefaire
au bien de l Etat, & vous pourveuves avec tant de ponctualité &deprudence auxprejfans
befoins des Ajfiege^ &des Generaux de l Armée, que la Place
futfecouru'è & les Ennemis défaits. On ne pouvaitmoins attendre de vojl e vple apres les
grandsfervices que vous aviet^
déjà rendus aufeu Ry, qui en
commença la récompenfe en
vous faifant revenir d'Italie,
pour vousfaire Secrétaire d’Etat. Je ne parle point, MONSE1GNEVR, de ces maniérés
honnefles & obligeantes qui
FMHS
blement cette neufiéme Partie
—
gnere^pas de recevoirfavorablement cette neufiéme Partie
du Mercure} &que vous autres.
E P I S T R E.
la bonté de foufrir que je me
dije mec autantde zele que de
MONSEIGNEUR,
Vcftre très.humble & trèsobeïffant Serviteur,
D
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Résumé : A MONSEIGNEUR LE CHANCELIER.
La lettre célèbre l'obtention d'un nouveau titre d'honneur par un dignitaire. L'auteur exprime la joie de toute la France pour les services rendus par le destinataire, qui a été récompensé pour son mérite exceptionnel. Ce titre était attendu et avait été mentionné lors des ouvertures des cours souveraines. Le destinataire a été choisi pour la première charge de l'État, une position cruciale nécessitant une grande expérience et capacité. L'auteur loue sa prudence et son application, notamment dans la défense d'Arras contre les ennemis. Il rappelle également ses services passés, comme la réorganisation de l'armée et la nomination à des postes clés. La lettre se termine par une expression de dévouement et de respect.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 1-2
Prélude, [titre d'après la table]
Début :
On vous a dit vray, Madame. Ce sont tous les jours Divertissemens [...]
Mots clefs :
Divertissement, Versailles, Majesté, Conseils, Gloire, Royaume de France
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texteReconnaissance textuelle : Prélude, [titre d'après la table]
N vous a dit
vray,
Madame . Ce font
tous les
jours
Divertiffemens
nouveaux
à
Verſailles . Les Apartemens
, le Bal , l'Opéra
&
la
Comédie
, font des
plaifirs
que l'on y fait
fucceder
Fevrier 1685. A
2 MERCURE
les uns aux autres , & tout
y eft digne de la majeſté du
Lieu ; mais ce qui vous furprendra
, c'eft que pendant
que toute la Cour fe divertit,
le
Roy
que les longs
&Confeils
où il eft inceffamment,
devroient avoir rebuté, prend
encore ce temps pour travailler
en particulier , tant il
a foin de répondre aux intentions
du Ciel , qui ne l'a
mis dans le Trône , qu'afin
qu'en veillant au bien 'de fes
Peuples , il portaft la France
dans le haut degré de gloire
où nous la voyons .
vray,
Madame . Ce font
tous les
jours
Divertiffemens
nouveaux
à
Verſailles . Les Apartemens
, le Bal , l'Opéra
&
la
Comédie
, font des
plaifirs
que l'on y fait
fucceder
Fevrier 1685. A
2 MERCURE
les uns aux autres , & tout
y eft digne de la majeſté du
Lieu ; mais ce qui vous furprendra
, c'eft que pendant
que toute la Cour fe divertit,
le
Roy
que les longs
&Confeils
où il eft inceffamment,
devroient avoir rebuté, prend
encore ce temps pour travailler
en particulier , tant il
a foin de répondre aux intentions
du Ciel , qui ne l'a
mis dans le Trône , qu'afin
qu'en veillant au bien 'de fes
Peuples , il portaft la France
dans le haut degré de gloire
où nous la voyons .
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Résumé : Prélude, [titre d'après la table]
En février 1685, à Versailles, la cour se divertit dans les appartements, au bal, à l'opéra et à la comédie. Louis XIV profite de ces moments pour travailler en privé, motivé par le désir de répondre aux intentions divines et de porter la France à un haut degré de gloire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 6-20
Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Début :
Comme ce Monarque travaille sans cesse pour le bien & [...]
Mots clefs :
Compagnie, Sujets, Commerce, Conseils, Royaume, Déclaration, Religion, Monarque, Marchandises, Articles, Étrangers, Articles, Ordonnances, Conseil d'État
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Comme ce Monarque travaille
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
fans ceffe pour le bien
GALANT.
7
>
& pour le repos de fes Sujets,
il ne fe paffe aucun mois où
l'on ne voye plufieurs de fes
Déclarations , & des Arrests
de fon Confeil d'Etat , à leur
avantage. Il a étably depuis
peu par une Déclaration , nne
Compagnie fous le Titre de
Compagnie de Guinée , qui fera
feule à l'exclufion de tous autres,
le Commerce des Négres , de la
Poudre d'or , & de toutes autres
Marchandifes
, qu'elle pourra
> traiter aux Coftes d'Afrique, depuis
la Riviere de Serre - Lionne
inclufivement jufques au Cap de
bonne Efpérance. Les premie
A. iiij
8 MERCURE
[
res lignes de cette Déclara
tion marquent mieux que je
ne pourrois faire , les bonnes
intentions qu'a Sa Majeſté de
faire du bien à fes Sujets.
Elles font conceues en ces
termes . Apres avoir heureuſement
finy tant de longues & de
diferentes Guerres , pendant le
cours defquelles Dieu a beny vifiblement
, & fait profperer nos
Armes , Nous nous fommes apliquez
à donner le repos à nos Peuples
, par les Traitez de Paix
de Tréve que Nous avons
faits avec les Princes & Etats
nos Voifins . Et comme dans la
[ A
GALANT.
(9
t
tranquilité dont jouit à préfent
noftre Royaume , rien ne peutfi
naturellement introduire l'abondance
, que le Commerce, Nous
avons réfolu d'en procurer par
toutes fortes de voyes l'augmentation
, notamment de celuy qui
fe fait dans les Païs éloignez
Ces lignes font affez con
noistre de quelle maniere le
Roy veille au bien de fon
Etat. En voicy d'autres qui
regardent les biens de la
Compagnie en particulier.
Appartiendront à ladite Compagnie
en pleine proprieté les
Terres qu'elle pourra occuper és
10 MERCURE
lieux , & pendant le temps de
fa conceffion , efquels Nous luy
permettons de faire tels Etablif
femens que bon luy femblera , y
conftruire des Forts pour fa fem
reté, y faire transporter des Ar
mes & Canons , # établir
des Commandans , nombre
d'Officiers & Soldats neceſſaires
pour affurerfon Commerce , tant
contre les Etrangers que les Naaurels
, auquel Effet Nous permettons
à la Compagnie de faire
avec les Roys , Négres , tous
Traitez de Commerce quelle avifera
, apres l'expiration du
Privilege par Nous prefenteGALANT.
II
>
que ladite ment accordé , Voulons
Compagnie puiffe difpofer de fes
Habitations , Armes Munitions
, ainfi que de fes autres Effets,
Meubles, Uftancilles, Marchandifes
& Vaiffeaux , comme
de chofes à elle appartenantes
,
en toute proprieté.
2
Le principal foin du Roy
eftant de faire fleurir la Re
ligion Catholique , cette mef
me Déclaration enferme l'Article
qui fuit , Ne pourra ladite
Compagnie employer ny donner
aucunes Commiffions qu'à des
Gens de la Religion Catholique
Apoftolique Romaine , & en
12 MERCURE
cas que ladire Compagnie faffe
quelques établissemens dans les
Pays de la prefente Conceffion,
elle fera obligée de faire paffer
le nombre de Preftres au Miffionnaires
nece ffaires pour l'in
Aruction & exercice de ladite
Religion , & donner les fecours
Spirituels à ceux quiy auront eſtê
envoyez.
De cet Article de Reli
gion , je paffe à une autre
Déclaration du Roy qui la
regarde . Elle eft , Pour la pu
nition des Miniftres de la Reli
gion Prétendue Réformée, qui
fouffrent dans les Temples des
GALANT 13
Perfonnes que le Roy a défendu
d'y admettre , pour l'interdi-
Etion defdits Temples. On y
contrevient fi fouvent , que
l'on ne peut eftre trop rigide
fur cet Article.
Il a auffi paru depuis peu
un Arreft du Confeil d'Etat,
Qui enjoint à tous ceux de la
Religion Prétenduë Réformée,
dont les Charges de Notaires
ont efté remplies de perfonnes
Catholiques
Minutes des Contracts , & autres
Actes , aux Greffes des Inftices
Royales des lieux où ils
étoient. Sans cette prévoyande
remettre les
14 MERCURE
ce du Roy , le Public auroit
fouffert un jour un notable
préjudice , parce qu'avec le
temps ces Minutes auroient
efté diverties ou égarées.
Cet Arreſt a esté ſuivy de
deux autres , tous deux pour
le foûlagement des Sujets de
Sa Majesté. Le premier a
pour Tître , Arrest du Confeil
d'Etat, portant interpretation de
celuy du
30. Decembre dernier,
སྙན
qui décharge du Droit de Fret
les Vaiffeaux étrangers qui
ameneront des Bleds dans le
Royaume. Le Roy par cet
Arreſt ſi judicieux , fait voir
L
GALANT. 15
que fes interefts luy font
moins chers que ceux de fon
Peuple , & donne lieu aux
Etrangers d'amener des Bleds
dans le Royaume. Une prée
le
a
voyance fi defintereffée, marque
mieux que toute chofe,
combien un Monarque eft
digne de commander. Voiilcyl'autre
Arreft dont je vous
ay parlé , il concerne le
Remboursement des Etapes qui
ono efté fournies aux Troupes quz
ont paffe dans les Provinces
Generalitez du Royaume , depuis
l'année 1676. jufques & compris
l'année 1685
16 MERCURE
On voit par cet Arreft que
ceux qui étoient chargez du
remboursement de ces Etapes
, n'ayant pas remboursé
plufieurs Communautez , &
Particuliers , Habitans qui
ont fouffert le Logement effectif
des Gens de Guerre,
& fourny les Etapes en ef
pece , ce qui leur à caufé un
préjudice confiderable , Sa
Majefté y pourvoit . On ne
doit plus s'étonner fi le Roy
entrant inceffamment dans
tout ce qui regarde le bien
& l'utilité de fes Sujets, pafle
les journées entieres à tra
vailler
a
L
GALANT. 17
vailler , ou feul , cu dans fes
Confeils.
Il a aufli paru depuis peu
un Arrest du Confeil d'Etat
qui ordonne , Que les Directeurs
du Domaine d'Occident,
reprefenteront inceffamment pardevant
Ms de Boucherat &
Puffort , Confeillers Ordinaires
au Confeil Royal , un état certifié
des Effets reftans de la Compagnie
des Indes Occidentales.
Tout ce que je pourrois dire
pour faire connoiftre com--
bien le Roy marque de bon--
té pour les Sujets par cet Ar
reft,le feroit beaucoup moins
Mars 1685,
"
B
18 MERCURE
1
que les paroles fuivantes
voir
du mefme Arreft . Et Sa Majesté
voulant eftre informée de la
quantité , & de la qualité des
Effets reftans à prefent , de ceux
laiffez en la dispofition defdits
Directeurs , tant dans les fles
qu'ailleurs , & prendre une connoiffance
particuliere de toutes
les Affaires de la Direction, comme
il a eftéfait pour les Compagnies
des Indes Orientales &
du Nord, & en confequence liquider
les pretentions des Creanciers
& Actionaires , qui demandent
le remboursement ,
mefme pourvoir audit rembour
GALANT. 191
S
fement , à ce qui fe trouvera
plus convenable pour l'augmentation
des Ifles Françoifes de
l'Amerique, & du Canada. Le
Roy étant en fon Confeil
donné, c...
apor-
Il vient auffi de paroiftreune
Déclaration du Roy concernant
la Compagnie des
Indes Orientales . Elle mar
que les grands foins que Sa
Majefté prend pour foûtenir
& faire fleurir fon Commerce ,,
afin de donner à fes Sujets
les occafions de négocier
dans les Pais les plus éloi--
gnez , d'acheter de la pre-
7
Bij
20 MERCURE
micre main les Marchandifes
qui viennent des Indes , &
qu'ils alloient prendre chez
les Etrangers voifins de ce
grand Royaume , & d'intraduire
mefme par le moyen
du Commerce la Religion
Chrétienne , inconnue pref
que dans tous ces Pais . Ja
mais Monarque s'eft- il appli
qué avec tant de prévoyance
& de bonté , à procurer l'a
bondance à les sujets , & à
augmenter la gloire de fon
Etat?
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Résumé : Arrests & Déclarations, [titre d'après la table]
Le texte relate les actions du monarque en faveur du bien-être de ses sujets et du développement du commerce. Le roi a fondé la Compagnie de Guinée, qui détient le monopole du commerce des esclaves, de la poudre d'or et d'autres marchandises sur la côte africaine, depuis la rivière de Serre-Lionne jusqu'au Cap de Bonne-Espérance. Cette initiative vise à augmenter le commerce et à procurer l'abondance dans le royaume. La compagnie est autorisée à occuper des terres, construire des forts, et établir des commandants et des soldats pour assurer sa sécurité. Le roi insiste également sur l'emploi exclusif de catholiques au sein de la compagnie et sur l'établissement de missionnaires pour propager la religion catholique. Le texte mentionne plusieurs déclarations et arrêts du Conseil d'État visant à punir les ministres de la religion prétendue réformée et à protéger les intérêts des sujets du roi. Par exemple, un arrêt oblige les protestants à remettre les minutes des contrats aux greffes des instances royales. Un autre arrêt exonère de droits de fret les navires étrangers apportant des céréales, facilitant ainsi l'importation de blé. Un autre arrêt prévoit le remboursement des étapes fournies aux troupes depuis 1676. Enfin, un arrêt concerne la liquidation des effets restants de la Compagnie des Indes Occidentales pour rembourser les créanciers et actionnaires, et pour augmenter les îles françaises d'Amérique et du Canada. Le roi montre ainsi une grande sollicitude pour le bien-être de ses sujets et pour le développement du commerce et de la religion catholique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 280-289
AVIS à une jeune personne entrant dans le monde.
Début :
J'ay des conseils à vous donner ; [...]
Mots clefs :
Coeur, Conseils
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texteReconnaissance textuelle : AVIS à une jeune personne entrant dans le monde.
AVIS
à une jeune personne entrant
dans le monde.
J'ay des conseils à vous
donner;
- Ce n'cil pas le moyen de
plaire,
Iris on ne divertit guere
Quand on ne fait que raisonner
:
Aussi )'a.u:rois gardé sagement
lesilence,
Où vous n'auriez de moi
que de vaines chansons,
Si
Si je n'avois connu qu'une
heureusenaissance
Avoit dans vostre coeur prévenu
mes leçons,
Souffrez donc que ces vers
aident à vous conduire
Dans cet âge charmant
dont vous allez joüir;
Assez d'autres sans moivoudront
vous réjouir;
Mais peu se chargeront du
foin de vous instruire.
Commencez aujourd'hui le
cours
D'une longue fuite d'annecs,
Esperez en croissant d'heureuses
destinées,
Et qu'une belle humeur anime
vos beaux jours,
Ilsiedmalà quinze ans d'être
triste & réveuse
Mais n'acordez à vos desirs,
Si vous avez dessein d'estre
long temps heureuse,
Que ce que la nature a d'innocens
plaisirs;
Vous n'avez pas besoin Iris
que je m'arreste
A vous montrer quelle est
cette severe Loi
Qui vous ordonne d'estre
honnestes
Le fang dont vons sortez
le fera mieux que moi,
Cet ordre souverain n'admet
point dedispenses,
Et l'honneur en est si jaloux,
Que sur les moindres aparences
Ce Juge rigoureux prononce
contre nous.
Fuyez dans vos discours l'enslure
& la bassesse ;
Qu'ainsi qu'en vos habits
rien n' y soit affeâë)
Qu'une noble simplicité
En fasse l'ornement, la grace
& la richesse,
Celles dont la temerité
-
De ces termessçavans pare
leur éloquence,
Au lieu de montrer leur
science,
Nefontvoir
que leur vanité.
Evitezla plaisanterie,
Dont les traits médisans
percent jusques au coeur,
Et pour réjoüir l'Auditeur
Ne faites point deraillerie,
Aux dépens de vostre pudeur
,
Si les paroles prononcées
Sont les images des pensées,
Voyez sans vous flater d'un
traitement trop doux.
Qu'une severe contenance,
Ne condamnejamais lamodeste
licence,
Des propos que vous entendrez,
Aux bons mots que l'on dit
joignez plûtost les vostres ;
Mais faites quand vous en
direz
, Que les gens dont vous rail-
- lerez
Puissent rire comme les autres.
Qui souffre l'assiduité,
De l'amant que fait sa beauté,
En vain auprés de lui veut
passer pour cruelle;
Un homme qui se voidd'une
femme écouté
A droit de tout esperer d'elle.
N'acoutumez point voitre
coeur
Seduit par la vertu de l'objet
- qui le tente
-
A s'atendrir par la douceur,
Même d'une amitié qui peut
estre innocente.
L'honneur dansce commerce
ctf fort mal assuré,
Ne vous y laissez pas surprendre
,
Un ami si sage & si tendre
Est bien plus dangereux qu'un
amant declaré,
Je ne deffendspas à la prude
De prendre un peu de foin de
ce qu'elle a d'atraits ;
Ce seroit une ingratitude
De négliger les dons que le
--
Ciel nous a faits;
Mais si vous prétendez qu'on
vous estime fage,
Aprenez que le trop de foin
De conserver cet avantage,
Est un infaillible témoin,
Qui montre qu'on en fait
quelque galantusage.
Il ne faut point chercher à
voir
Les interests cachez d'une intrigue
secrerte;
Quand on est curieu se, &
qu'on veut tout sçavoir,
On est seurement indiscret-
: te,
Si le secret vous est malgré
vous revelé,
Cachez le,s'il se peut,avecun
tel silence,
Même
Même à celui dont l'imprudence
Vous en a fait la confidence,
Qiril doute quelquefois s'il
vous en a parlé.
Lamode;est un tiran dont
rien ne nous délivre,
A son bizaicgoût il faut s'acommoder
;
Mais fous les folles Loix étant
forcé de vivre,
Le fage n'est jamais le premier
à les (uivrey
Ni le dernier à les garder.
à une jeune personne entrant
dans le monde.
J'ay des conseils à vous
donner;
- Ce n'cil pas le moyen de
plaire,
Iris on ne divertit guere
Quand on ne fait que raisonner
:
Aussi )'a.u:rois gardé sagement
lesilence,
Où vous n'auriez de moi
que de vaines chansons,
Si
Si je n'avois connu qu'une
heureusenaissance
Avoit dans vostre coeur prévenu
mes leçons,
Souffrez donc que ces vers
aident à vous conduire
Dans cet âge charmant
dont vous allez joüir;
Assez d'autres sans moivoudront
vous réjouir;
Mais peu se chargeront du
foin de vous instruire.
Commencez aujourd'hui le
cours
D'une longue fuite d'annecs,
Esperez en croissant d'heureuses
destinées,
Et qu'une belle humeur anime
vos beaux jours,
Ilsiedmalà quinze ans d'être
triste & réveuse
Mais n'acordez à vos desirs,
Si vous avez dessein d'estre
long temps heureuse,
Que ce que la nature a d'innocens
plaisirs;
Vous n'avez pas besoin Iris
que je m'arreste
A vous montrer quelle est
cette severe Loi
Qui vous ordonne d'estre
honnestes
Le fang dont vons sortez
le fera mieux que moi,
Cet ordre souverain n'admet
point dedispenses,
Et l'honneur en est si jaloux,
Que sur les moindres aparences
Ce Juge rigoureux prononce
contre nous.
Fuyez dans vos discours l'enslure
& la bassesse ;
Qu'ainsi qu'en vos habits
rien n' y soit affeâë)
Qu'une noble simplicité
En fasse l'ornement, la grace
& la richesse,
Celles dont la temerité
-
De ces termessçavans pare
leur éloquence,
Au lieu de montrer leur
science,
Nefontvoir
que leur vanité.
Evitezla plaisanterie,
Dont les traits médisans
percent jusques au coeur,
Et pour réjoüir l'Auditeur
Ne faites point deraillerie,
Aux dépens de vostre pudeur
,
Si les paroles prononcées
Sont les images des pensées,
Voyez sans vous flater d'un
traitement trop doux.
Qu'une severe contenance,
Ne condamnejamais lamodeste
licence,
Des propos que vous entendrez,
Aux bons mots que l'on dit
joignez plûtost les vostres ;
Mais faites quand vous en
direz
, Que les gens dont vous rail-
- lerez
Puissent rire comme les autres.
Qui souffre l'assiduité,
De l'amant que fait sa beauté,
En vain auprés de lui veut
passer pour cruelle;
Un homme qui se voidd'une
femme écouté
A droit de tout esperer d'elle.
N'acoutumez point voitre
coeur
Seduit par la vertu de l'objet
- qui le tente
-
A s'atendrir par la douceur,
Même d'une amitié qui peut
estre innocente.
L'honneur dansce commerce
ctf fort mal assuré,
Ne vous y laissez pas surprendre
,
Un ami si sage & si tendre
Est bien plus dangereux qu'un
amant declaré,
Je ne deffendspas à la prude
De prendre un peu de foin de
ce qu'elle a d'atraits ;
Ce seroit une ingratitude
De négliger les dons que le
--
Ciel nous a faits;
Mais si vous prétendez qu'on
vous estime fage,
Aprenez que le trop de foin
De conserver cet avantage,
Est un infaillible témoin,
Qui montre qu'on en fait
quelque galantusage.
Il ne faut point chercher à
voir
Les interests cachez d'une intrigue
secrerte;
Quand on est curieu se, &
qu'on veut tout sçavoir,
On est seurement indiscret-
: te,
Si le secret vous est malgré
vous revelé,
Cachez le,s'il se peut,avecun
tel silence,
Même
Même à celui dont l'imprudence
Vous en a fait la confidence,
Qiril doute quelquefois s'il
vous en a parlé.
Lamode;est un tiran dont
rien ne nous délivre,
A son bizaicgoût il faut s'acommoder
;
Mais fous les folles Loix étant
forcé de vivre,
Le fage n'est jamais le premier
à les (uivrey
Ni le dernier à les garder.
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Résumé : AVIS à une jeune personne entrant dans le monde.
L'auteur adresse un avis à une jeune personne entrant dans le monde, lui offrant des conseils pour naviguer dans la société. Bien que ces conseils puissent sembler vains, ils sont présentés comme nécessaires pour guider la jeune personne durant cette phase charmante de sa vie. L'auteur encourage à profiter des jeunes années tout en restant honnête et en évitant les désirs excessifs. Il souligne l'importance de l'honneur et de la modestie, mettant en garde contre les discours ensorceleurs et les plaisanteries médisantes. Il conseille également de ne pas se laisser séduire par des amitiés dangereuses et de ne pas négliger ses attraits naturels tout en évitant de les mettre en avant de manière excessive. Enfin, il recommande de ne pas chercher à connaître les secrets des autres et de suivre la mode avec discernement, sans être ni trop précurseur ni trop en retard.
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5
p. 238-249
DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
Début :
Entre les vertus qui relevent le merite personnel de l'homme, il n'en [...]
Mots clefs :
Probité, Avocat, Public, Vertu, Confiance, Actions, Conseils, Justice, Loi, Passions, Conférence publique des avocats, Coeur
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texteReconnaissance textuelle : DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
DIS COV RS fur la probité de l'^4-
vocat >t prononcé par M. Gaulliere , en
suite de celui de M. Maillard , a Pou-*
verture de la Conférence publique des
Avocats, , ■ f
ENtre les vertus qui relèvent le mé
rite períbnnel de l'homme , il n'en?
est point cìe plus convenable que la pro
bité ; elle doit régler ses pensées & di
riger ses actions. Elle feule peut lui ap
prendre quelle est là nature de fes de
voirs , quel est son engagement , & com
ment il doit y satisfaire. Survient il dans
Pexecution des difficultés & des peines ?„
la probité lui donne les moyens de les
surmonter ; s'y trouve-t'il du danger ?
elle lui inspire assez de précaution SC
de prudence pour Tévirer , ou du moins
elle y suppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être régulière fans la probité;
ainsi dequoi PAvocat feroit-il capable
fans elle^ Formons-nous , Meilleurs , Pi»
dêç
FEVRIER. T73âr; ï}f
de'e de l'Avocat le plus digne de l'estime
&c de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux naturel ,
qu'il possédé éminement l'art de la pa
role , qu'il sçac'he les Loix tant ancien
nes que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abstraites dispositions , qu'il er*
explique les plus grandes difficultés ,
qu'il est applique à propos les principes ,-
qu'il sçache démêler tous les tours cmbarassans-
dans lesquels se tache le monsrre
de la chicane , qu'il fe dévoué" à ses
fonctions par un travail pénible & assi
du ; donnons lui enfin en partage tou
tes les qualités extérieures qui lui font
nécessaires pout faire briller son élo
quence ; talens admirables , perfections
louables , à la vérité > mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature Sc
de l'Art , s'ils ne sont accompagnés d'une
probité à toute épreuve. Il faut donc la
ïegarder , cette Vertu , comme k prin
cipale qualicé de l'Avocat dans routes
les occasions , où son ministère est né
cessaire.
Par elle l'homme est naturellement
porté à rendre service à l'homme ; il ne
fait ni ne pense rien qu'il ne puisse pu
blier hardiment & avec confiance , il m
s-'engage dans aucune entreprise sujette
à reproche > quoiqu'il soit suc que peu»
sonne
*?4<»! MËRCÛRË DË FRAttCÊ.
fbnrtè n'en empêchera la réussite $ son in
térêt ne le porte jamais à rien dire de
Contraire à la vérité » à accuser personne
sens sujet , à ne prendre que ce qui lui:
appartient, & à user de surprise pour par
venir à ses finsi Si l'Avoeat plaide , fans-
1a probité il dégénère en déclàmateur ,
H déguise ou il exagère les faits , il épou
se les passions de ses parties, il' n'a pas
honte d'entreprendre des causes injustes,-
quoiqu'il les connoiííe pour telles. >
S'il est consulté , sans la probité ce
ri'est pas pour lui un ctime de donner
conseil pour favoriser les surprises , d'u
ser de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alrerer le
sens des Loix , des Coutumes 8i des Or
donnances pour en imposer aux Juges ,
enfin d'abandonner la juste deffense du
pauvre pour pallier les in justes prétentions
du riche.
Avec la probité , au contraire , le b»uc
de l'Avoeat est de sacrifier ses veilles , &
de se donner tóut entier au Public ; son
Unique attention est de soulager les peiile's
de ses patries , d'être tout pour les
autres-, & presque rien pour lui-même.
Son coeur immole à la Justice tòutes
passions , tout plaisir1, tout intérêt í
ainsi chaque jour, chaque heure , cha-
«jue instant lui fournis les occasions de
^EV R I?ÉR'. f /f* 2*'if
lùi faire pendant route la vie de nouveau»»
sacrifices.
Assiégé de routes parts , demandé enJ
tous lieux , la fin d'une affaire le sou
met au commencement d'une autre , le
dernier des malheureux a droit fut tous
les momens de son loisir.
Il se refuse jusqu'à la jouissance de sespropres
biens , & il n'á d'autre soin que
d'assurer ceux des Qiens qui implorent'
son secours.
Cet esclavage, ou sous un titre fpe-~
cieux on renonce à fa liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur; •
mais qu'il est glorieux pour le véritable-
Avocat ! c'est avec ces sentirnens qu'ilse
préfente au Barreau , ce sont eux qui '
font son principal mérite.
li n'á pas besoin de faire briHet son
éloquence par des discours pompeux qui;
ppurroient séduire'; il la fait consister*
dans le récit simple & véritable des faits.
II ne lui est pas nécessaire pour donner'
des preuves de son érudition d'employer
des citations ennuyeuses, & souvent étran
gères à la matière qu'il traire*; une juste ;
application des Loix , leur interprétationnaturelle
composent toute la deffense de
ses-parries;
Sa probité , fa sincérité lui tiennent-
Heu de tout ; fa parole vaut le ferment
*4* MEKCURÉ ÒÈ FRANCÊ.
le plus autentique , & c'est ainsi qu'il
s'attire toute l'estime & toute la con
fiance du public. Que dis- je? Messieurs,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hcríiorer
l'Avocat de la kttr.
En effet , il est dit dans l'Ordonnance
de i JI7- que lorsque dans la plaidoyerie
il y adroit contestation fur des faits,
les Avocats en seroienr crûs à leur fer
ment ; & ('Histoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inséparables
de la probité de l'Avoeat.
M. de Montholori acquit par elle une
si grande confiance, que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une piéce , les Juges
l'en dispensoient -, & ce fut cette même
probité qui l'éleva au suprême degré de
ta Magistrature.
Sans la probité , aii corítráife j l'Ávocat
feroit en proye à toutes sortes de
passions. Tantôt il feroit asseâ malheu
reux pour ne consulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la ba
lance à la main , ardent en apparence à
firoscrire le vice & à protéger la vertu ;
a veuve Sc l'orphelin sembleroient être
les objets de fa compassion ; grand en
maximes , fastueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne respire que la Justice ;
rhais si on fondoit les secrets replis de son
coeur > si on le suivoit pas à pas dans lés
sentiers
FEVRIER. í73fó. 2+î
sentiers détournés ou le conduiroicnt its
fausses lumières , si on pesoit ses actions
au poids du sanctuaire , on pourroit dé
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduisans de la volupté > entraîné pat
son penchant naturel au plaisir , il s'y
livreroit de -plus en plus , & il seroit
à craindre que la Justice ne fut la pre
mière victime qu'il immolerok à Tidole
de ses plaisirs.
Tantôt se trouvant dans les occasions
dangereuses de contenter un intérêt qui
exckerok fa cupidité , Tardcur d'acqué
rir 8c de poíTeder , qui est naturelle k
l'homme , ne lui permettroit pas de dis
tinguer le juste de l'ínjuste j rien ne se*
roir capable de servir de contrepoids a
fa passion ; elle lui suggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées , mais en
même-tems captieuses.ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
Péloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour surprendre »
pour séduire } peut-être même abuseroit-
il du secret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans cile la haine , la jalousie , ou
\ quelr
244 MERCURE DÊ FRANCE:
quelqu'autre passion l'agiteroit fanscéíïey
obscurcirok fa raison , 6c la rendroit fu
rieuse ; & à l'onibre de ces monstres ,
tantôt ea ennemi secret 8c implacable ,
il attaqueroit ceux qui sont l'objet de
ion aversion & de sa Plaine ; tantôt les
yeux blessés de la gloire importune d'un
Rival qui l'ofFufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de son
orgueil & de son ambition ?
En proye successivement & quelque
fois en même-rems à toutes ces passions
qui l'agiteroient , la Justice auroit beau
se présenter , il seroit sourd à sa voix ,
elle seroit toujours- proscrire de son coeur
& sur les ruines du Tribunal dé la con
science il éleveroit un Tr-ône à ses pas
sions favorites , ce seroit elles qui lui
donneroient la Loi',. & ce seroit à elles
seules qu'U rendroit compte de ses ac
tiorir , trop content de leur avoir mé
nagé les marquîS" extérieures de la: vertu.
On ne ttouve point heureusement de
ces vices dans le véritable Avocat ; aussi
n'y a t'il rien à soupçonner dans ses dé
marches. Les Puissances ont elles be
soin de son ministère ? incapable de se
laiíîer corrompre par lés pteícns , il voit
avec indignation Demofthenc accepter lacoupe
d' Fía ?pains ; insensible aux mefia-
Cteí >; il íuivroit Papinieit fur Téchafaut,
FEVRIER. 173*. Í45
plutôt que d'excuser un Empereur cou
pable d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de ses Conci*
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention scru
puleuse , & conduire un Clienr qu'avec?
prudence ; il ne jette un oeil de compas
sion que sut les objets qui la méritent «
ôc ne donne ses foins & ses conseils aux
riches qu'après avoir secouru les mal-;
heureux.
li né~ repousse l'in jure que par les ar
mes que l'e'quité , la raison & les Loix
lui administrent i il ne fait consister son
plaisir que dans un délassement honnête,
3c souvent même dans le travail y iítrouve
ses peines récompensées plutôt
ar la gloire de les avoir prises que par
utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit dans un de ses Confire»
tes des talens supérieurs aux siens , loictd'en
concevoir une indigne jalousie , ils
fie fervent au contraire qu'à lui inspirer
une noble émulation ; enfin ses démar
ches, ses actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là ses'
conseils font admirés , ses décisions font
regardées comme des Oracles , fa con
duite sert d'exemple à tout homme de
bien , & il se captive la bienveillance de
ffes.Confrercs , l'estime des Magistrats &
Ï4S- MERCURE -DE FRANCÈ*
la confiance du Public.
Mais est-ce dans cette idée feule qué
l'Avocat doit être n pur dans ses pensées*
si réservé dans ses diicours3si intègre dans
ses actions , dont il doit compte même à
soi-même ?
Plus l' Avocat a de talens , plus il est
responsable de sa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes séducteurs des
passions de l'homme.
En effet , que lui servlroifil d'être ap
plaudi à l'oecasion de son éloquence , íî
ses moeurs ne tondoient pas à la perfec
tion ? Seroít-on persuadé de la sagesse de
ses conseils , s'il suivoit lui-même d'autres
routes ?
Qu'il fortifie donc de jour éri jour dans
son coeur les sentimens de la droiture &
de la prob'iré j qu'il s'empresse à pronon
cer par son propre exemple la prejniere
condamnation contre les vices.
Ce font ces sentimens , Messieurs , que
Vous avez reconnus dans les dispositions
de votre digne bienfacteur\ ce fut ainsi
qu'il s'acquit l'estime de tous ses amis ,
la considération de nôtre Ordre & la
confiance du Public. i
La noblesse de fa naissance ne lui pa-j
íut qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profession ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. l7$o. n.7
ì U. connoissance des Lojx les plus diffi
ciles ; son esprit naturellement pene'trant
en donna facilement les solutions ; à
íe fit respecter même de tous ses enne
mis & de ses envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa répu
tation lui addressoit 5 la prudence de ses
conseils détermina souvent les opinions
des Magistrats > utile à tout le monde ,
il fe Uvroit fans cesse à tous > le Publiç
trouvoir des secours infinis dans ses talens
, & les pauvres des ressources iné?
puisables dans fa charité ; ceux qui le
connoissoient se le proposoient pour mor
dele de sçavoir , de modestie , de désin
téressement & de candeur, La mort enfin
s'approcha fans le surprendre ; il l'avoie
prévenue par un sage testament qui
pattageoit ses biens entre les pauvres ,
íes parens , ses amis & notre Ordre j
ses Livres & ses Manuscrits nous seronc
à jamais précieux aussi bien que fa mér
moire. Rappelions nous donc fans cesse
íe mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occasion de nous consoler de
sa perte , puisque nous la trouvons re^
parée par l'illustre Confrère * qui. veut
* Voyex. le 1. Vol, d» Mereun át Dtcembr*
fut-il entré dans la carrière , qu'il
MERCURE DE FRANCE,
bien présider à nos travaux 5 en se faiiant
une gloire d'exécuter les intentions
«le notre bienfaiteur il a Ja meilleure
.part à fa .fondation > il sacrifie son tenu
à nous découvrir des trésors qui fans lui
nous íeroient inconnus -, quels avanta
ges ne trouvons<no«s pas dans ses íçavantes
instructions ? pénétrés de reconnoidance
, faifons-nous donc un mérite
de marcher fur fes traces , & si nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
science que lui , donnons-lui du moins
îa satisfaction d'imiter fes vertus»
Animés par de si beaux & de si grands
exemples , nous ferons toujours disposés
à détester l'ufurpatjon , & à repousser 1a
■violence , toujours ptéts à defrendre la
Veuve & l'Otphelin , à soutenir l'inno-
.cence que l'en voudra opprimer , &
poursuivant la punition du 'crime , nous
jae travaillerons pas moins à la fureté
publique qu'à -la conservation des parti
culiers.
Nous sommes les premiers organes
«le la Justice , & même en quelque forte
•les maîtres des droits de nos parties ;
chaque instant de notre vie nous mec
«levant les yeux l'obligation indispensa
ble de ménager leurs intérêts , & d', ~
Cifer leur animosité. En nous faisant
nn.au de leur serviï de patrons , de
peicr
FEVRIER. 1730. 24$
fères & de protecteur* , rions nous four
viendrons encore qu'associés , pour ain$
dire , à la Magistrature , nous sommes
les enfans & les Ministres de la Justice ,
& que nous ne luj devons pas moins:
d'inregrké , de bonne foi & de sincérité
que de foin , de vigilance & de zèle pour
les affaires qui nous font commises. Nous
renoncerons à toute forte de déguisement,
la vérité régnera toujours dans nos dis
cours , & nous oe chercherons jamais des
ces ornemcns capables de surprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre ministère fera soutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foiblefle, d'une íeverité juste , utile
& nécessaire íans dureté , d'une connoissance
compatissante de la misère de l'horame
sans lâche complaisance , 8c répon
dant à Ir haute idée que l'on a de notre
profession , nous annoncerons par la fa.
gefc de nos conseils les oracles de la
Justice.
vocat >t prononcé par M. Gaulliere , en
suite de celui de M. Maillard , a Pou-*
verture de la Conférence publique des
Avocats, , ■ f
ENtre les vertus qui relèvent le mé
rite períbnnel de l'homme , il n'en?
est point cìe plus convenable que la pro
bité ; elle doit régler ses pensées & di
riger ses actions. Elle feule peut lui ap
prendre quelle est là nature de fes de
voirs , quel est son engagement , & com
ment il doit y satisfaire. Survient il dans
Pexecution des difficultés & des peines ?„
la probité lui donne les moyens de les
surmonter ; s'y trouve-t'il du danger ?
elle lui inspire assez de précaution SC
de prudence pour Tévirer , ou du moins
elle y suppléer.
La conduite de l'homme ne peut donc
jamais être régulière fans la probité;
ainsi dequoi PAvocat feroit-il capable
fans elle^ Formons-nous , Meilleurs , Pi»
dêç
FEVRIER. T73âr; ï}f
de'e de l'Avocat le plus digne de l'estime
&c de la confiance du public ; donnons
lui les talens d'un heureux naturel ,
qu'il possédé éminement l'art de la pa
role , qu'il sçac'he les Loix tant ancien
nes que nouvelles , qu'il en comprenne
les plus abstraites dispositions , qu'il er*
explique les plus grandes difficultés ,
qu'il est applique à propos les principes ,-
qu'il sçache démêler tous les tours cmbarassans-
dans lesquels se tache le monsrre
de la chicane , qu'il fe dévoué" à ses
fonctions par un travail pénible & assi
du ; donnons lui enfin en partage tou
tes les qualités extérieures qui lui font
nécessaires pout faire briller son élo
quence ; talens admirables , perfections
louables , à la vérité > mais en mêmetems
, dons pernicieux de la Nature Sc
de l'Art , s'ils ne sont accompagnés d'une
probité à toute épreuve. Il faut donc la
ïegarder , cette Vertu , comme k prin
cipale qualicé de l'Avocat dans routes
les occasions , où son ministère est né
cessaire.
Par elle l'homme est naturellement
porté à rendre service à l'homme ; il ne
fait ni ne pense rien qu'il ne puisse pu
blier hardiment & avec confiance , il m
s-'engage dans aucune entreprise sujette
à reproche > quoiqu'il soit suc que peu»
sonne
*?4<»! MËRCÛRË DË FRAttCÊ.
fbnrtè n'en empêchera la réussite $ son in
térêt ne le porte jamais à rien dire de
Contraire à la vérité » à accuser personne
sens sujet , à ne prendre que ce qui lui:
appartient, & à user de surprise pour par
venir à ses finsi Si l'Avoeat plaide , fans-
1a probité il dégénère en déclàmateur ,
H déguise ou il exagère les faits , il épou
se les passions de ses parties, il' n'a pas
honte d'entreprendre des causes injustes,-
quoiqu'il les connoiííe pour telles. >
S'il est consulté , sans la probité ce
ri'est pas pour lui un ctime de donner
conseil pour favoriser les surprises , d'u
ser de tous les détours imaginables pour
rendre les procès éternels , d'alrerer le
sens des Loix , des Coutumes 8i des Or
donnances pour en imposer aux Juges ,
enfin d'abandonner la juste deffense du
pauvre pour pallier les in justes prétentions
du riche.
Avec la probité , au contraire , le b»uc
de l'Avoeat est de sacrifier ses veilles , &
de se donner tóut entier au Public ; son
Unique attention est de soulager les peiile's
de ses patries , d'être tout pour les
autres-, & presque rien pour lui-même.
Son coeur immole à la Justice tòutes
passions , tout plaisir1, tout intérêt í
ainsi chaque jour, chaque heure , cha-
«jue instant lui fournis les occasions de
^EV R I?ÉR'. f /f* 2*'if
lùi faire pendant route la vie de nouveau»»
sacrifices.
Assiégé de routes parts , demandé enJ
tous lieux , la fin d'une affaire le sou
met au commencement d'une autre , le
dernier des malheureux a droit fut tous
les momens de son loisir.
Il se refuse jusqu'à la jouissance de sespropres
biens , & il n'á d'autre soin que
d'assurer ceux des Qiens qui implorent'
son secours.
Cet esclavage, ou sous un titre fpe-~
cieux on renonce à fa liberté pour deffendre
celle des autres , paroît bien dur; •
mais qu'il est glorieux pour le véritable-
Avocat ! c'est avec ces sentirnens qu'ilse
préfente au Barreau , ce sont eux qui '
font son principal mérite.
li n'á pas besoin de faire briHet son
éloquence par des discours pompeux qui;
ppurroient séduire'; il la fait consister*
dans le récit simple & véritable des faits.
II ne lui est pas nécessaire pour donner'
des preuves de son érudition d'employer
des citations ennuyeuses, & souvent étran
gères à la matière qu'il traire*; une juste ;
application des Loix , leur interprétationnaturelle
composent toute la deffense de
ses-parries;
Sa probité , fa sincérité lui tiennent-
Heu de tout ; fa parole vaut le ferment
*4* MEKCURÉ ÒÈ FRANCÊ.
le plus autentique , & c'est ainsi qu'il
s'attire toute l'estime & toute la con
fiance du public. Que dis- je? Messieurs,
les Rois même n'ont pas dédaigné d'hcríiorer
l'Avocat de la kttr.
En effet , il est dit dans l'Ordonnance
de i JI7- que lorsque dans la plaidoyerie
il y adroit contestation fur des faits,
les Avocats en seroienr crûs à leur fer
ment ; & ('Histoire nous rapporte en
cent endroits les avantages inséparables
de la probité de l'Avoeat.
M. de Montholori acquit par elle une
si grande confiance, que quand il s'agiffoit
de la lecture d'une piéce , les Juges
l'en dispensoient -, & ce fut cette même
probité qui l'éleva au suprême degré de
ta Magistrature.
Sans la probité , aii corítráife j l'Ávocat
feroit en proye à toutes sortes de
passions. Tantôt il feroit asseâ malheu
reux pour ne consulter que lui-même ;
on le verroit rarement marcher la ba
lance à la main , ardent en apparence à
firoscrire le vice & à protéger la vertu ;
a veuve Sc l'orphelin sembleroient être
les objets de fa compassion ; grand en
maximes , fastueux en paroles ; on croitoit
qu'il ne respire que la Justice ;
rhais si on fondoit les secrets replis de son
coeur > si on le suivoit pas à pas dans lés
sentiers
FEVRIER. í73fó. 2+î
sentiers détournés ou le conduiroicnt its
fausses lumières , si on pesoit ses actions
au poids du sanctuaire , on pourroit dé
mêler au milieu de ces vains phantômes
de vertu qui l'environnent , les charmes
féduisans de la volupté > entraîné pat
son penchant naturel au plaisir , il s'y
livreroit de -plus en plus , & il seroit
à craindre que la Justice ne fut la pre
mière victime qu'il immolerok à Tidole
de ses plaisirs.
Tantôt se trouvant dans les occasions
dangereuses de contenter un intérêt qui
exckerok fa cupidité , Tardcur d'acqué
rir 8c de poíTeder , qui est naturelle k
l'homme , ne lui permettroit pas de dis
tinguer le juste de l'ínjuste j rien ne se*
roir capable de servir de contrepoids a
fa passion ; elle lui suggereroit les moyens
d'anéantir la Loi par la Loi même.
Que d'explications forcées , mais en
même-tems captieuses.ne lui fourniroientelles
point pour faire parler à cette Loi
le langage de fa cupidité ? charmes de
Péloquence , connoiffance des Loix , il
mettroit tout à profit pour surprendre »
pour séduire } peut-être même abuseroit-
il du secret & de la confiance de
fes parties , s'il n'étoit retenu par l'integrité.
Sans cile la haine , la jalousie , ou
\ quelr
244 MERCURE DÊ FRANCE:
quelqu'autre passion l'agiteroit fanscéíïey
obscurcirok fa raison , 6c la rendroit fu
rieuse ; & à l'onibre de ces monstres ,
tantôt ea ennemi secret 8c implacable ,
il attaqueroit ceux qui sont l'objet de
ion aversion & de sa Plaine ; tantôt les
yeux blessés de la gloire importune d'un
Rival qui l'ofFufque , que ne tenteroitil
point pour détruire cet ennemi de son
orgueil & de son ambition ?
En proye successivement & quelque
fois en même-rems à toutes ces passions
qui l'agiteroient , la Justice auroit beau
se présenter , il seroit sourd à sa voix ,
elle seroit toujours- proscrire de son coeur
& sur les ruines du Tribunal dé la con
science il éleveroit un Tr-ône à ses pas
sions favorites , ce seroit elles qui lui
donneroient la Loi',. & ce seroit à elles
seules qu'U rendroit compte de ses ac
tiorir , trop content de leur avoir mé
nagé les marquîS" extérieures de la: vertu.
On ne ttouve point heureusement de
ces vices dans le véritable Avocat ; aussi
n'y a t'il rien à soupçonner dans ses dé
marches. Les Puissances ont elles be
soin de son ministère ? incapable de se
laiíîer corrompre par lés pteícns , il voit
avec indignation Demofthenc accepter lacoupe
d' Fía ?pains ; insensible aux mefia-
Cteí >; il íuivroit Papinieit fur Téchafaut,
FEVRIER. 173*. Í45
plutôt que d'excuser un Empereur cou
pable d'un fratricide.
S'agit-il de l'interêt de ses Conci*
toyens ? on ne le voit jamais examiner
une affaire qu'avec une attention scru
puleuse , & conduire un Clienr qu'avec?
prudence ; il ne jette un oeil de compas
sion que sut les objets qui la méritent «
ôc ne donne ses foins & ses conseils aux
riches qu'après avoir secouru les mal-;
heureux.
li né~ repousse l'in jure que par les ar
mes que l'e'quité , la raison & les Loix
lui administrent i il ne fait consister son
plaisir que dans un délassement honnête,
3c souvent même dans le travail y iítrouve
ses peines récompensées plutôt
ar la gloire de les avoir prises que par
utilité qu'il en retire.
S'il apperçoit dans un de ses Confire»
tes des talens supérieurs aux siens , loictd'en
concevoir une indigne jalousie , ils
fie fervent au contraire qu'à lui inspirer
une noble émulation ; enfin ses démar
ches, ses actions ont pour but la vertu
plutôt que fa propre utilité. Par là ses'
conseils font admirés , ses décisions font
regardées comme des Oracles , fa con
duite sert d'exemple à tout homme de
bien , & il se captive la bienveillance de
ffes.Confrercs , l'estime des Magistrats &
Ï4S- MERCURE -DE FRANCÈ*
la confiance du Public.
Mais est-ce dans cette idée feule qué
l'Avocat doit être n pur dans ses pensées*
si réservé dans ses diicours3si intègre dans
ses actions , dont il doit compte même à
soi-même ?
Plus l' Avocat a de talens , plus il est
responsable de sa conduite ; plus il a de
qualités éminentes , plus il doit être en
garde contre les charmes séducteurs des
passions de l'homme.
En effet , que lui servlroifil d'être ap
plaudi à l'oecasion de son éloquence , íî
ses moeurs ne tondoient pas à la perfec
tion ? Seroít-on persuadé de la sagesse de
ses conseils , s'il suivoit lui-même d'autres
routes ?
Qu'il fortifie donc de jour éri jour dans
son coeur les sentimens de la droiture &
de la prob'iré j qu'il s'empresse à pronon
cer par son propre exemple la prejniere
condamnation contre les vices.
Ce font ces sentimens , Messieurs , que
Vous avez reconnus dans les dispositions
de votre digne bienfacteur\ ce fut ainsi
qu'il s'acquit l'estime de tous ses amis ,
la considération de nôtre Ordre & la
confiance du Public. i
La noblesse de fa naissance ne lui pa-j
íut qu'un nouveau degré digne d'être joint
à notre profession ; il s'appliqua fans peine
FEVRIER. l7$o. n.7
ì U. connoissance des Lojx les plus diffi
ciles ; son esprit naturellement pene'trant
en donna facilement les solutions ; à
íe fit respecter même de tous ses enne
mis & de ses envieux ; fa vertu lui donna
pour amis tous les Cliens que fa répu
tation lui addressoit 5 la prudence de ses
conseils détermina souvent les opinions
des Magistrats > utile à tout le monde ,
il fe Uvroit fans cesse à tous > le Publiç
trouvoir des secours infinis dans ses talens
, & les pauvres des ressources iné?
puisables dans fa charité ; ceux qui le
connoissoient se le proposoient pour mor
dele de sçavoir , de modestie , de désin
téressement & de candeur, La mort enfin
s'approcha fans le surprendre ; il l'avoie
prévenue par un sage testament qui
pattageoit ses biens entre les pauvres ,
íes parens , ses amis & notre Ordre j
ses Livres & ses Manuscrits nous seronc
à jamais précieux aussi bien que fa mér
moire. Rappelions nous donc fans cesse
íe mérite de ce grand homme.
Mais fi d'un côté nous avons lieu de
regretter M. de Riparfons , nous avons
de l'autre occasion de nous consoler de
sa perte , puisque nous la trouvons re^
parée par l'illustre Confrère * qui. veut
* Voyex. le 1. Vol, d» Mereun át Dtcembr*
fut-il entré dans la carrière , qu'il
MERCURE DE FRANCE,
bien présider à nos travaux 5 en se faiiant
une gloire d'exécuter les intentions
«le notre bienfaiteur il a Ja meilleure
.part à fa .fondation > il sacrifie son tenu
à nous découvrir des trésors qui fans lui
nous íeroient inconnus -, quels avanta
ges ne trouvons<no«s pas dans ses íçavantes
instructions ? pénétrés de reconnoidance
, faifons-nous donc un mérite
de marcher fur fes traces , & si nous ne
pouvons parvenir au même dégré de
science que lui , donnons-lui du moins
îa satisfaction d'imiter fes vertus»
Animés par de si beaux & de si grands
exemples , nous ferons toujours disposés
à détester l'ufurpatjon , & à repousser 1a
■violence , toujours ptéts à defrendre la
Veuve & l'Otphelin , à soutenir l'inno-
.cence que l'en voudra opprimer , &
poursuivant la punition du 'crime , nous
jae travaillerons pas moins à la fureté
publique qu'à -la conservation des parti
culiers.
Nous sommes les premiers organes
«le la Justice , & même en quelque forte
•les maîtres des droits de nos parties ;
chaque instant de notre vie nous mec
«levant les yeux l'obligation indispensa
ble de ménager leurs intérêts , & d', ~
Cifer leur animosité. En nous faisant
nn.au de leur serviï de patrons , de
peicr
FEVRIER. 1730. 24$
fères & de protecteur* , rions nous four
viendrons encore qu'associés , pour ain$
dire , à la Magistrature , nous sommes
les enfans & les Ministres de la Justice ,
& que nous ne luj devons pas moins:
d'inregrké , de bonne foi & de sincérité
que de foin , de vigilance & de zèle pour
les affaires qui nous font commises. Nous
renoncerons à toute forte de déguisement,
la vérité régnera toujours dans nos dis
cours , & nous oe chercherons jamais des
ces ornemcns capables de surprendre la
Religion des Juges.
Fondés fur les principes de la probité,
notre ministère fera soutenu de courage
& de fermeté fans orgueil , de charité
fans foiblefle, d'une íeverité juste , utile
& nécessaire íans dureté , d'une connoissance
compatissante de la misère de l'horame
sans lâche complaisance , 8c répon
dant à Ir haute idée que l'on a de notre
profession , nous annoncerons par la fa.
gefc de nos conseils les oracles de la
Justice.
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Résumé : DISCOURS sur la probité de l'Avocat, prononcé par M. Gaulliere, ensuite de celui de M. Maillard, à l'ouverture de la Conference publique des Avocats.
M. Gaulliere, lors de l'ouverture de la Conférence publique des Avocats, a souligné l'importance cruciale de la probité dans la profession d'avocat. La probité est décrite comme la vertu fondamentale qui doit guider les pensées et les actions des avocats. Elle permet de surmonter les difficultés et les dangers, et d'éviter les tentations de la corruption et des passions. Un avocat dépourvu de probité risque de se transformer en simple déclamateur, de déformer les faits et de favoriser des causes injustes. À l'inverse, un avocat probe se consacre entièrement à ses fonctions, sacrifiant ses intérêts personnels pour servir la justice et soulager les peines de ses clients. Il est intègre dans ses démarches, refuse la corruption et se distingue par sa sincérité et son dévouement. Le discours met également en garde contre les dangers des passions, telles que la cupidité, la haine et la jalousie, qui peuvent obscurcir la raison et conduire à des actions contraires à la justice. Les puissances et les citoyens peuvent compter sur l'avocat probe pour défendre la vérité et protéger les faibles. Par ailleurs, le texte traite des responsabilités et des devoirs des magistrats. Ils doivent constamment protéger les intérêts des parties impliquées et éviter toute animosité. En tant que frères et protecteurs, ils sont associés à la magistrature et doivent incarner la justice avec intégrité, bonne foi et sincérité. Leur ministère doit être marqué par le courage, la fermeté, la charité, la vérité et la compassion, sans orgueil, faiblesse ou dureté. Ils doivent renoncer à toute forme de déguisement et chercher la vérité dans leurs discours, évitant de surprendre la religion des juges. Leur rôle est de conseiller avec sagesse et de répondre à l'idée élevée que l'on a de leur profession, en annonçant les oracles de la justice. Le discours se conclut par un appel à imiter les vertus des grands hommes, tels que M. de Ripafons, et à se consacrer à la défense de la justice et de l'innocence. Les avocats sont invités à suivre l'exemple de probité et de dévouement pour mériter l'estime et la confiance du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1689-1693
LA FLATERIE. ODE.
Début :
Plein de cette noble furie, [...]
Mots clefs :
Flatterie, Coeurs, Conseils
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA FLATERIE. ODE.
LA FLATERIE.
CORDE
Lein de cette noble furie ,
Qu'Horace sentit autrefois ,
Contre la basse flaterie ,
Aujourd'hui j'éleve ma voix;
Tremblez , sujets de la perfide ,
Le Dieu qui m'anime , et me guide ,
Dans mes mains a mis son pinceau ;
Je vais par des traits pleins de flammes ,
A ij De
1690 MERCURE DE FRANCE
De l'imposture de vos ames ,
Immortaliser le tableau.
+
Loin de moi , Troupe abominable
Dont l'Univers est infecté ;
Du Monstre le plus effroïable ,
Je crains moins la férocité :
Contre sa meurtriere rage
On peut opposer un courage ,
Un bras qui triomphe en Vainqueur ; "
Mais contre vous on est sans armes ,
Vos mensonges ont tant de charmes
Que l'on n'en peut sauver son coeur !
T
C'est nous qui sommes vos Ministres ;
Verra-t-on toujours les mortels ,
Charmezl que vos bouches sinistres , I
Les trouvent dignes des Autels ?
Le fol amour qui les domine
Sera - t- il toujours l'origine
De leur vaine crédulité ?
N'auront-ils jamais le courage ,
xicy am svoldi imenom
De ne point accepter l'hommage ,
Base al so se uz sadmit
Qu'ils connoîtront peu mérité ?
९ Sin 19 sminn'in up wɔɑ ɔI
assoliq nos & anism 29m 272Ɑ
vous , redoutables Monarquesa la mag day :1
ImaAOUST.
1733.
1691
Images vivantes des Dieux ,
Montrez-vous par d'illustres marques ;
Dignes d'un nom si glorieux,
Vos Palais seroient- ils l'azyle ,
D'une Troupe infâme et servile ,
D'Admirateurs de vos défauts?
Trop heureux celui qui gouverne ,
Quand du haut du Thrône il discerne ,
Les vrais honneurs d'avec les faux !
M
Tels que les trompeuses Sirénes ,
Dont les chants font faits pour toucher,
Donnent sur les liquides plaintes ,
Le trépas au foible Nocher.
t
Tels des flateurs , les traits fanestes ,
Dans des ames toutes célestes ,
Font couler leur fatal poison ;
Rois , imitez le sage Ulisse ;
Il triompha de leur malice ,
Par le flambeau de la raison.
W
Ainsi , jaloux de votre gloire ,
N'écoutez que la vérité ;
Elle rendra votre memoire ,
Plus chere à la postérité ;
Méprisez ces langues maudites
Qui sçavent peindre les Thersites
之
A iij Avec
1692 MERCURE DE FRANCE
Avec les couleurs des Héros ;
Et malgré la Parque , elle- même ,
Vous porterez le Diadême ,
Jusques dans le sein des Tombeaux.
M
Flateurs , que votre art disparoisse ;
Non , ne croyez pas désormais ,
Triompher de notre foiblesse ;
Nos coeurs vont repousser vos traits ;
De vos conseils illégitimes ,
Les vertus étoient les victimes ;
Nous en ignorions les beautez ;
Quelle étoit notre erreur extrême !
Nous préférions au bien suprême ,
Les vices les plus détestez.
Delâ la parricide rage ,
Qui massacra tant de Romains
Barbares , ce fut là l'ouvrage ,
De vos conseils trop inhumains .
Sans vous , ni Néron , ni Tibere ,
Jusqu'au sein d'un fils , d'une mere ;
N'eussent point porté leur fureur ;
Malheureux qui vous prend pour guides !
Il ose jusqu'aux parricides ,
De ses forfaits porter l'horreur.
Fille
A OUST.
1693 1733.
Fille du ciel , vérné sainte
Viens nous éclairer à jamais ,
Afin que leur maligne feinte ,,
Dans nos coeurs n'ait aucun accès ,
Ennemis de ce doux délire ,
Qui nous arrache à ton empire ,
Tout notre encen's sera pour toi ;
Et loin d'applaudir au mensonge ;
Nous le traiterons comme un songe ,
Trop indigne de notre foy.
Craignez la colère céleste ,
Vous qui sous des dehors charmans ;
Cachez un venin plus funeste ,
Que ne l'est celui des Serpens.
Déja sur vos coupables têtes ,
J'entends gronder mille tempêtes ,
L'air s'embraze , le jour s'enfuit ;
Et la foudre qui vous menace ,
A cette clarté qui s'efface ,
Va joindreune éternelle nuit.
Par M. de S. R.
CORDE
Lein de cette noble furie ,
Qu'Horace sentit autrefois ,
Contre la basse flaterie ,
Aujourd'hui j'éleve ma voix;
Tremblez , sujets de la perfide ,
Le Dieu qui m'anime , et me guide ,
Dans mes mains a mis son pinceau ;
Je vais par des traits pleins de flammes ,
A ij De
1690 MERCURE DE FRANCE
De l'imposture de vos ames ,
Immortaliser le tableau.
+
Loin de moi , Troupe abominable
Dont l'Univers est infecté ;
Du Monstre le plus effroïable ,
Je crains moins la férocité :
Contre sa meurtriere rage
On peut opposer un courage ,
Un bras qui triomphe en Vainqueur ; "
Mais contre vous on est sans armes ,
Vos mensonges ont tant de charmes
Que l'on n'en peut sauver son coeur !
T
C'est nous qui sommes vos Ministres ;
Verra-t-on toujours les mortels ,
Charmezl que vos bouches sinistres , I
Les trouvent dignes des Autels ?
Le fol amour qui les domine
Sera - t- il toujours l'origine
De leur vaine crédulité ?
N'auront-ils jamais le courage ,
xicy am svoldi imenom
De ne point accepter l'hommage ,
Base al so se uz sadmit
Qu'ils connoîtront peu mérité ?
९ Sin 19 sminn'in up wɔɑ ɔI
assoliq nos & anism 29m 272Ɑ
vous , redoutables Monarquesa la mag day :1
ImaAOUST.
1733.
1691
Images vivantes des Dieux ,
Montrez-vous par d'illustres marques ;
Dignes d'un nom si glorieux,
Vos Palais seroient- ils l'azyle ,
D'une Troupe infâme et servile ,
D'Admirateurs de vos défauts?
Trop heureux celui qui gouverne ,
Quand du haut du Thrône il discerne ,
Les vrais honneurs d'avec les faux !
M
Tels que les trompeuses Sirénes ,
Dont les chants font faits pour toucher,
Donnent sur les liquides plaintes ,
Le trépas au foible Nocher.
t
Tels des flateurs , les traits fanestes ,
Dans des ames toutes célestes ,
Font couler leur fatal poison ;
Rois , imitez le sage Ulisse ;
Il triompha de leur malice ,
Par le flambeau de la raison.
W
Ainsi , jaloux de votre gloire ,
N'écoutez que la vérité ;
Elle rendra votre memoire ,
Plus chere à la postérité ;
Méprisez ces langues maudites
Qui sçavent peindre les Thersites
之
A iij Avec
1692 MERCURE DE FRANCE
Avec les couleurs des Héros ;
Et malgré la Parque , elle- même ,
Vous porterez le Diadême ,
Jusques dans le sein des Tombeaux.
M
Flateurs , que votre art disparoisse ;
Non , ne croyez pas désormais ,
Triompher de notre foiblesse ;
Nos coeurs vont repousser vos traits ;
De vos conseils illégitimes ,
Les vertus étoient les victimes ;
Nous en ignorions les beautez ;
Quelle étoit notre erreur extrême !
Nous préférions au bien suprême ,
Les vices les plus détestez.
Delâ la parricide rage ,
Qui massacra tant de Romains
Barbares , ce fut là l'ouvrage ,
De vos conseils trop inhumains .
Sans vous , ni Néron , ni Tibere ,
Jusqu'au sein d'un fils , d'une mere ;
N'eussent point porté leur fureur ;
Malheureux qui vous prend pour guides !
Il ose jusqu'aux parricides ,
De ses forfaits porter l'horreur.
Fille
A OUST.
1693 1733.
Fille du ciel , vérné sainte
Viens nous éclairer à jamais ,
Afin que leur maligne feinte ,,
Dans nos coeurs n'ait aucun accès ,
Ennemis de ce doux délire ,
Qui nous arrache à ton empire ,
Tout notre encen's sera pour toi ;
Et loin d'applaudir au mensonge ;
Nous le traiterons comme un songe ,
Trop indigne de notre foy.
Craignez la colère céleste ,
Vous qui sous des dehors charmans ;
Cachez un venin plus funeste ,
Que ne l'est celui des Serpens.
Déja sur vos coupables têtes ,
J'entends gronder mille tempêtes ,
L'air s'embraze , le jour s'enfuit ;
Et la foudre qui vous menace ,
A cette clarté qui s'efface ,
Va joindreune éternelle nuit.
Par M. de S. R.
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Résumé : LA FLATERIE. ODE.
Le poème 'La Flaterie', publié dans le Mercure de France entre 1690 et 1693, exprime la colère de l'auteur contre la flatterie, qu'il considère comme une perfidie. Il dénonce les flatteurs, les qualifiant de 'troupe abominable' et 'infâme', et les compare à des sirènes trompeuses. L'auteur met en garde contre les dangers de la flatterie, capable de corrompre les âmes et de conduire à des actes odieux, comme les parricides commis par des empereurs romains tels que Néron et Tibère. Il appelle à rejeter la flatterie et à préférer la vérité, qui rendra la mémoire des rois plus chère à la postérité. Le poème se termine par une invocation à une entité céleste pour protéger les cœurs de la malice des flatteurs et par une menace de châtiment divin contre ces derniers.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 8-45
ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
Début :
Le vice n'est jamais estimable, mais il cesse d'être odieux quand il n'a point [...]
Mots clefs :
Coeur, Amour, Honneur, Parents, Bonheur, Yeux, Vertu, Orgueil, Fortune, Famille, Passion, Amant, Moeurs, Larmes, Sensibilité, Confiance, Mains, Honte, Vérité, Conseils, Notaire, Générosité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
ROSAL I E.
Hiftoire véritable , par M.Y....
L'celle d'être odieux quand il n'a point
E vice n'eft jamais eftimable , mais il
:
étouffé les qualités de l'ame. Une foiblefle
de coeur prend auffi fouvent fon origine
dans une certaine facilité d'humeur que
dans l'attrait du plaifir. Un amant fe préfente
, ou il eft enjoué , ou il eft homie à
fentiment. Le premier eft le moins dangereux
, il ne féduit jamais qu'une étourdie ,
& il ne triomphe que dans une faillie téméraire
Le fecond , plus refpectueux en
apparence , va à fon but par la délicateſſe
vante fa conftance, déclame contre les perfides,
& finit par l'être. Que devient une jeune
perfonne qui dans l'ivreffe de la gaieté
s'eft laiffée furprendre , ou qui eft tonbée
dans le piége d'une paffion décorée extérieurement
par le fentiment ? ce que font prefque
toutes celles qui ont débuté par une
fragilité ; elles fe familiarifent avec le vice ,
elles s'y précipitent ; l'amour du luxe & de
l'oifeveté les y entretient ; elles ont des
modeles , elles veulent y atteindre ; incapables
d'un attachement fincere elles en
AOUS T 1755. 9.
affectent l'expreffion , elles ont été la dupe
d'un homme , & elles fe vengent fur
toute l'efpece. Heureufes celles dont le
le coeur n'eft point affez dépravé pour fe
refufer aux inftances de la vertu qui cherche
à y rentrer .
Telle étoit Rofalie , elle étoit galante
avec une forte de décence . Ses moeurs
étoient déréglées , mais elle fçavoit louer
& admirer la vertu . Ses yeux pleins de
douceur & de vérité annonçoient fa franchife.
On entrevoyoit bien dans fa démarche
, dans fes manieres le manege de
la coquetterie , mais fon langage étoit modefte
, & elle ne s'abandonna jamais à ces
intempérances de langue , qui caractériſent
fi baffement fes femblables. Fidele à fes
engagemens , elle les envifagea toujours
comme des liens qu'elle ne pouvoit rompre
fans ingratitude , & les conventions
faites , l'offre la plus éblouiffante n'auroit
pû la déterminer à une perfidie.
Elle ne fut jamais parjure la premiere.
Son coeur plus fenfible à la reconnoiffance
qu'à l'amour , étoit incapable de fe laiffer
féduire à l'appas de l'intérêt & aux charmes
de l'inconftance . Solitaire , laborieuſe ,
fobre , elle eût fait les délices d'un mari ,
fi une premiere foibleffe ne l'eût en quelque
façon fixée à un état dont elle ne
A v
To MERCURE DE FRANCE.
pouvoit parler fans rougir. Affable , compatiffante
, généreufe , elle ne voyoit ja→
mais un malheureux fans lui tendre une
main fecourable ; & quand on parloit de
fes bienfaits , on difoit que le vice étoit
devenu tributaire de la vertu . Des lectures
fenfées avoient ranimé dans fon coeur les .
germes d'un beau naturel . Elle y fentoit
renaître le defir d'une conduite raifonnable
, elle vouloit fe dégager , & elle méditoit
même depuis long-tems une retraite
qui la fauvât de la honte d'avoir mal vécu ,
& du ridicule de mieux vivre , mais elle
avoit été arrêtée par un obftacle , elle avoit
voulu fe faire une fortune qui put la mettre
à l'abri des tentations qu'elle infpiroit , &
des offres des féducteurs : enfin elle vouloit
être vertueufe à fon aife ; elle ambitionnoit
deux cens mille francs , & par
dégrés elle étoit parvenue à les avoir. Contente
de ce que la fortune & l'amour lui
avoient procuré , elle avoit congédié fon
dernier amant , elle fe préparoit à fuir loin
de Paris les occafions d'une rechûte.
Ce fut alors qu'un jeune Gentilhomme
nommé Terlieu , vint loger dans une petite
chambre qui étoit de plain pied à l'appartement
qu'elle occupoit. Il fortoit tous
les jours à fept heures du matin , il rentroit
à midi pour fe renfermer , & il borA
O UST. 1955. 11
noit à une révérence muette fon cérémonial
avec fa voifine. La fingularité de la
vie de ce jeune homme irrita la curiofité
de Rofalie. Un jour qu'il venoit de rentrer
, elle s'approche de la porte de fa
chambre , prête l'oreille , porte un regard
fur le trou de la ferrure , & voit l'infortuné
Terlieu qui dînoit avec du pain
fec , chaque morceau étoit accompagné
d'un gémiffement , & fes larmes en fai
foient l'affaifonnement. Quel fpectacle
pour une ame fenfible ! celle de Rofalie
en fut pénétrée de douleur . Dans ce mo
ment une autre avec les vûes les plus pures ,
eût été peut-être indiferette , elle fe für
écriée , & généreufement inhumaine elle
eût décelé la mifere de Terlieu ; mais Rofalie
qui fçavoit combien il eft douloureux
d'être furpris dans les befoins de l'indigen
ce, rentra promptement chez elle pour y attendre
l'occafion d'être fecourable avec le
refpect qu'on doit aux infortunés. Elle épia
le lendemain l'inftant où Terlieu étoit dans
l'habitude de fe retirer , & pour que fon
deffein parut être amené par le hazard
elle fit tranfporter fon métier de tapifferie
dans fon anti- chambre , dont elle eur
foin de tenir la porte ouverte.
Terlieu accablé de fatigue & de trifteffe
parur à fon heure ordinaire , fit fa révé-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
rence , & alloit fe jetter dans l'obfcurité
de fa petite chambre , lorfque Rofalie ,
avec ce ton de voix aifé & poli , qui eſt
naturel au beau fexe , lui dit : En vérité ,
Monfieur , j'ai en vous un étrange voifin ;
j'avois penfé qu'une femme , quelle qu'elle
fût, pouvoit mériter quelque chofe par-delà
une révérence. Ou vous êtes bien farouche
, ou je vous parois bien méprifable . Si
vous me connoiffez , j'ai tort de me, plaindre
, & votre dedain m'annonce un homme
de la vertu la plus fcrupuleuſe , & dèslors
j'en réclame les confeils & les fecours.
Seroit-ce auffi que cette févérité que je lis
fur votre front prendroit fa caufe de quelque
chagrin qui vous accable ? Souffrez
que je m'y intereffe. Entrez , Monfieur , je
Vous fupplie : que fçavons- nous fi le fort
ne nous raffemble point pour nous être
mutuellement utiles ? je fuis feule , mon
dîner eft prêt , faites moi , je vous conjure
, l'honneur de le partager avec moi :
j'ai quelquefois un peu de gaieté dans
l'efprit , je pourrai peut-être vous diffiper.
Mademoiſelle , répondit Terlieu , vous
méritez fans doute d'être connue , & l'accueil
dont vous m'honorez ,, annonce en
vous un beau caractere. Qui que vous
foyez , il m'eft bien doux de trouver quel
1
1
A O UST . 1755. 13
qu'un qui ait la générofité de s'appercevoir
que je fuis malheureux . Depuis quinze
jours que je fuis à Paris , je ne ceffe
d'importuner tous ceux fur la fenfibilité
defquels j'ai des droits , & vous êtes la
premiere perfonne qui m'ait favorisé de
quelques paroles de bienveillance . N'imputez
point de grace , Mademoiſelle , ni
à orgueil ni à mépris ma négligence à votre
égard : fi vous avez connu l'infortune ,
vous devez fçavoir qu'elle eft timide . On
fe préfente de mauvaife grace , quand le
coeur eft dans la peine. L'affliction appéfantit
l'efprit , elle défigure les traits , elle
dégrade le maintien , & elle verſe une
efpece de ridicule fur tout l'extérieur de
la perfonne qui fouffre . Vous êtes aimable
, vous êtes fpirituelle , vous me paroiffez
dans l'abondance ; me convenoit- il
de venir empoifonner les douceurs de votre
vie ? Si vous êtes généreufe , comme
j'ai lieu de le croire , vous auriez pris part
à mes maux je vous aurois attriftée .
Monfieur , répliqua Rofalie , je ne fuis
point affez vaine pour me flater du bonheur
de vous rendre fervice , mais je puis
me vanter que je ferois bien glorieufe fi
je pouvois contribuer à vous confoler , à
vous encourager. J'ai de grands défauts ,
mes moeurs ne font rien moins que régu14
MERCURE DE FRANCE.
lieres , mais mon coeur eft fenfible au fort
des malheureux ; il ne me refte que cette
vertu ; elle feule me foutient , me ranime ,
& me fait efperer le retour de celles que
j'ai négligées. Daignez , Monfieur , par
un peu de confiance , favorifer ce préfage.
Que rifquez- vous ? vos aveux ne feront
fûrement pas auffi humilians que les miens,
& cependant je vous ai donné l'exemple
d'une fincérité peu commune. Je ne puis
croire que ce foit votre mauvaiſe fortune
qui vous afflige. Avec de l'efprit , de la
jeuneffe , un extérieur auffi noble , on
manque rarement de reffources . Vous foupirez
? c'est donc l'honneur , c'est donc la
crainte d'y manquer , ou de le perdre qui
caufe la confternation où je vous vois.
Oui , cette peine eft la feule qui puiffe
ébranler celui qui en fait profeflion.
Voilà , s'écria Terlieu avec une forte
d'emportement , voilà l'unique motif de
mon défeſpoir , voilà ce qui déchire
mon coeur , voilà ce qui me rend la vic
infupportable . Vous defirez fçavoir mon
fecret , je ne réfifte point à la douceur
de vous le confier ; apprenez donc que
je n'ai rien , apprenez que je ne puis
fubfifter qu'en immolant aux befoins de
la vie cethonneur qui m'eft fi cher. Je fuis
Gentilhomme , j'ai fervi , je viens d'être
réformé je follicite , j'importune .... &
A O UST. 1755. 15
qui ! des gens qui portent mon nom , des
gens qui font dans l'abondance , dans les
honneurs , dans les dignités . Qu'en ai - je
obtenu ? des refus , des défaites , des dédains
, des hauteurs , le croirez - vous , Mademoiſelle
, le plus humain d'entr'eux ,
fans refpect pour lui- même , vient d'avoir
l'infolence de me propofer un emploi dans
les plus baffes fonctions de la Finance ! le
malheureux fembloit s'applaudir de l'indigne
faveur qu'il avoir obtenue pour moi .
Je l'avouerai , je n'ai pû être maître de
mon reffentiment. Confus , outré , j'ai déchiré
& jetté au vifage de mon lache bienfaiteur
le brevet humiliant qu'il a ofé me
préſenter. Heureux au moins d'avoir appris
à connoître les hommes , plus heureux
encore fi je puis parvenir à fuir , à
oublier , à détefter des parens qui veulent
que je deshonore le nom qu'ils portent. Je
fçais bien que ce n'eft point là le ton de
l'indigence ; que plus humble , plus modefte
, elle doit fe plier aux circonftances ;
que la nobleffe eft un malheur de plus
quand on eft pauvre , qu'enfin la fierté
eft déplacée quand les reffources de la vie
manquent. J'ai peut- être eu tort de rejetter
celles qui m'ont été offertes . J'avouerai
même que mon orgueil eut fléchi fi j'euffe
pû envifager dans l'exercice d'un pofté de
16 MERCURE DE FRANCE.
quoi fubfifter un peu honnêtement ; mais
s'avilir pour tourmenter laborieufement
les autres ; ah ! Mademoiſelle , c'eſt à quoi
je n'ai pû me réfoudre .
Monfieur , reprit Rofalie , je ne fçais fi
je dois applaudir à cette délicateffe , mais
je fens que je ne puis vous blâmer. Votre
fituation ne peut être plus fâcheufe .
Voici quelqu'un qui monte , remettezvous
, je vous prie , & tachez de vous
rendre aux graces de votre naturel ; il n'eft
pas convenable qu'on life dans vos yeux
l'abattement de votre coeur : fouffrez que
je me réſerve ſeule le trifte plaifir de vous
entendre , & de vous confoler . Ah ! c'eſt
Orphife , continua Rofalie fur le ton de la
gaieté , approche mon amie & félicitemoi
.... & de quoi , répliqua Orphife en
l'interrompant , eft- ce fur le parti fingulier
que tu prens d'abandonner Paris à la fleur
de ton âge , & d'aller te confiner en prude
prématurée dans la noble chaumiere dont
tu médites l'acquifition ? mais vraiment
tu vas embraffer un genre de vie fort attrayant.
Fort bien , répondit Rofalie , raille
, diverti- toi mais tes plaifanteries ne
me détourneront point du deffein que j'ai
pris. Je venois cependant te prier d'un
fouper.... Je ne foupe plus que chez moi ,
répliqua Rofalie. Mais toi - même tu me
?
}
AOUS T. 1755. 17
paroiffois déterminée à fuivre mon exemple.
C'étoit , répodit Orphiſe dans un accès
d'humeur , j'extravaguois. Une nouvelle
conquête m'a ramenée au fens commun.
Tant pis .... Ah ! point de morale.
Dînons. On fervit.
Pendant qu'elles furent à table , Orphiſe
parla feule , badina Rofalie , prit Terlicu
pour un fot , en conféquence le perfifa.
Pour lui il mangea peu : éroit- ce faute
d'appétit non , peut être ; mais il n'ofa
en avoir. Le caffé pris , Orphife fit fes
adieux , & fe recommanda ironiquement
aux prieres de la belle pénitente .
Rofalie débarraffée d'une visite auffi
choquante qu'importune , fit paffer Terlieu
dans fon fallon de compagnie. Après
un filence de quelques inftans , pendant
lequel Terlieu , les yeux baiffés , lui ménageoit
le plaifir de pouvoir le fixer avec
cette noble compaffion dont fe laiffent
toucher les belles ames à l'afpect des infor
tunés ; elle prit la parole , & lui dit ,
Monfieur , que je vous ai d'obligation ! la
confiance dont vous m'avez honorée , eft
de tous les événemens de ma vie celui qui
m'a le plus flatée , & l'impreffion qu'elle
fait fur mon coeur me caufe une joie ....
Pardonnez -moi ce mot, celle que je reffens
ne doit point vous affliger , elle ne peut
18 MERCURE DE FRANCE.
vous être injurieufe , je ne la tiens que
du bonheur de partager vos peines. Oui ,
Monfieur , ma fenfibilité pour votre fituation
me perfuade que j'étois née pour
la vertu ; mais que dis-je ? A quoi vous
peut être bon fon retour chez moi , fi
vous ne me croyez digne de vous en donner
des preuves. Vous rougiffez : hélas ,
je vois bien que je ne mérite point cette
gloire , foyez , je vous prie , plus génćreux
, ou du moins faites- moi la grace de
penfer qu'en me refufant vous m'humiliez
d'une façon bien cruelle.
• Vous êtes maîtreffe de mon fecret , répondit
Terlieu , ne me mettez point dans
Je cas de me repentir de vous l'avoir confié
: je ne m'en défends point , j'ai trouvé
quelques charmes à vous le révéler ; j'avouerai
même que mon coeur avoit un befoin
extrême de cette confolation : il me
femble que je refpire avec plus de facilité .
Je vous dois donc , Mademoiſelle , ce
commencement de foulagement ; c'est beaucoup
de fouffrir moins , quand on a beaucoup
fouffert. Permettez que je borne à
cette obligation toutes celles que je pourrois
efperer de votre générofité. Ne mefufez
point , je vous prie de la connoiffance
que vous avez de mon fort ; il ne
peut être plus cruel , mais je fçaurai le
-
AOUST. 1755. 19
fupporter fans en être accablé . C'en eft fair,
je reprens courage ; j'ai trouvé quelqu'un
qui me plaint. Au refte , Mademoiſelle ,
je manquerois à la reconnoiffance fi je
renonçois entierement à vos bontés ; &
puifque vous me permettez de vous voir ,
je viendrai vous inftruire tous les jours de
ce que mes démarches & mes follicitations
auront opéré je recevrai vos confeils
avec docilité , mais auflì c'est tout ce
qu'il vous fera permis de m'offrir , autrement
je cefferois .... N'achevez pas , répliqua
Rofalie en l'interrompant , je n'aime
point les menaces. Dites - moi , Monfieur
, eft-ce que l'infortune rend les hommes
intraitables ? eft - ce qu'elle répand
fur les moeurs , fur les manieres , une inquiétude
fauvage : eft- ce qu'elle prête au
langage de la féchereffe , de la dureté ?
s'il eft ainfi , elle eft bien à redouter. N'eftpas
vrai que vous n'étiez point tel dans
la prospérité ? vous n'euffiez point alors
rejetté une offre de fervice .
il
J'en conviens , répondit Terlieu , j'euſſeaccepté
parce que je pouvois efperer de rendre
, mais à préfent je ne le puis en confcience.
Quant à cette dureté que vous
me reprochez , j'avouerai que je la crois
honorable , néceſſaire même à celui qui eft
dans la peine. Elle annonce de la fermeté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
elle repouffe l'orgueil de ceux qui font
dans l'opulence , elle fait refpecter le miférable.
L'humilité du maintien , la modeftie
, la timidité du langage donneroient
trop d'avantage à ceux qui ne font que
riches ; car enfin celui qui rampe , court
les rifques d'être écrasé.
Et vous êtes , reprit Rofalie , dans l'appréhenfion
que je ne me prévale des aveux
que vous m'avez fait : oui , dans mon dépit
vous me faites imaginer des fouhaits
extravagants je l'efpere au moins , votre
mauvaife fortune me vengera , vos parens
font de monftres ... que je ferois contente
s'ils vous rebutoient au point que vous
fuffiez forcé d'avoir recours à cette Rofalie
que vous dédaignez , puifque vous ne
la croyez point capable de vous obliger
dans le fecret de fa confcience.
Sur le point de quitter Paris je voulois
en fortir en faifant une action qui pût.
tranquilifer mes remors , & m'ouvrir la
route des vértus que je me propofe ; le hazard
, ou pour mieux dire , le ciel permet
que je falfe votre connoiffance ; je
crois que vous m'êtes adreffé pour vous ,
être fecourable , & je ne trouve en vous
que la fierté la plus inflexible . Hé bien ,
n'y fongeons plus . Cependant puis- je vous
demander fi vous envifagez quelques refA
OU ST. 1755. 21
fources plus fateufes que celles que vous
pourriez efperer de votre famille ?
Aucune , répondit Terlieu , j'ai bien
quelques amis ; mais comme je ne les
tiens que du plaifir , je n'y compte point.
Quoi ! reprit Rofalie , le néceffaire eft
prêt de vous manquer ,
& vous vous
amufez à folliciter des parens : c'est bien
mal à propos que l'on prétend que la néceffité
eft ingénieufe ! N'auriez - vous de
l'efprit que pour refléchir fur vos peines ?
que pour en méditer l'amertume ? Allez
Monfieur , allez faire un tour de promenade
: rêvez , imaginez , faites même ce
qu'on appelle des châteaux en Eſpagne ; il
eft quelquefois des illufions que la fortune
fe plaît à réalifer : il eft vrai qu'elles fe
réduifent prefque toujours à des chimeres ,
mais elles exercent l'efprit , elles amufent
l'imagination , elles bercent les chagrins ,
& c'eft autant de gagné fur les réflexions
affligeantes. Je vais de mon côté me donner
la torture : heureufe fi je fuis affez ingénieufe
pour trouver quelque expédient
qui puiffe adoucir vos peines , & contenter
l'envie extrême que j'ai de contribuer
à votre bonheur !
Terlieu fe leva pour fortir , & Roſalie
en le reconduifant le pria de venir manger
le foir un poulet avec elle , afin de
22 MERCURE DE FRANCE.
raifonner , & de concerter enfemble ce
que leur auroit fuggeré leur imagination ;
mais pour être plus fûre de l'exactitude de
Terlicu au rendez - vous , elle lui gliffa
adroitement une bourfe dans fa poche.
Terlieu alla s'enfoncer dans l'allée la plus
folitaire du Luxembourg , il y rêva beaucoup
& très infructueufement.
Tous les hommes ne font point féconds
en reffources ; les plus fpirituels font ordinairement
ceux qui en trouvent le moins.
Les idées , à force de fe multiplier , fe confondent
; d'ailleurs on voit trouble dans
l'infortune .
Il n'eft que deux fortes d'induſtrie ; l'une
légitime , c'eft celle des bras , du travail ,
& le préjugé y a attaché une honte : Terlieu
étoit Gentilhomme , il n'a donc pû en
être exemt.
L'autre induftrie , nommée par dégradation
l'induſtrie par excellence , eft celle
qui s'affigne des revenus fur la fottife , la
facilité , les foibleffes & les paffions d'autrui
; mais comme elle eft incompatible
avec la probité , Terlieu en étoit incapable.
Il y avoit deux heures que cet infortuné
Gentilhomme tourmenté par fon inquiétude,
marchoit à grands pas en croyant
fe promener , lorfque fouillant fans deffein
dans fa poche , il y fentit une bourſe.
AOUST. 1755. 23
Cette découverte décida promptement fon
retour ; le moindre délai pouvoit , felon
lui , faire fuppofer de l'incertitude dans
fon procédé ; il craignoit qu'on ne le foup.
çonnâc même d'avoir combattu contre la
tentation.
Il arrive effoufflé , franchit rapidement
l'efcalier de Rofalie , il entre ; celle - ci qui
le voit hors d'haleine , ne lui donne pas le
tems de s'expliquer , & débute par une
queftion vague ; lui fans parler , jette la
bourfe fur une table ; Rofalie affecte une
furpriſe de fatisfaction , & lui fait compli
ment fur le bonheur qu'il a eu de trouver
un ami généreux . Terlieu protefte très -férieufement
qu'il n'a parlé à qui que ce
fort ; celle- ci infifte fur l'heureuſe rencontre
qu'il a faite , Terlieu fe fâche , il eft ,
dit-il , outragé , il jure qu'il ne reverra de
fa vie Rofalie , fi elle ne reprend un argent
qui lui appartient : Elle s'en défend ,
elle en nie la proprieté , elle ofe foutenir
qu'elle ne fçait ce qu'on veut lui dire ;
quelle rare effronterie ! elle eut peut - être
pouffé plus loin l'opiniâtreté , fi elle ne fe
fut avifée de rougir . Rofalie rougir . Quoi!
une fille qui a vécu dans le defordre fe
laiffe démentir par le coloris involontaire
de la franchife? Hé pourquoi non ! quand
le motif en eft fi beau . On rougit bien des
24 MERCURE DE FRANCE.
mage
premieres paroles d'obfcénité qu'on entend
, parce que le coeur eft neuf ; celui
de Rofalie reprend fa premiere pureté ,
elle a donc pu rougir d'un menfonge généreux
, & rendre en même tems cet homà
la vérité. La conviction étoit trop
claire pour que fon obftination put durer
plus long - temps ; elle reprit fa bourſe
avec un dépit fi brufque qu'elle lui échappa
des mains , & qu'elle alla frapper conire
une commode où elle s'ouvrit en répandant
fur le parquet une cinquantaine
de louis. Comme Terlieu fe mit en devoir
de les ramaffer , Rofalie lui dit d'un ton
ironique & piqué : Monfieur , ne prenez
point cette peine , je fuis bien aiſe de ſçavoir
fi le compte y eft : vous m'avez pouffée
à bout par votre peu de confiance en
moi , il eft jufte qu'à mon tour j'en manque
à votre égard .
Je fais trop de cas de cette colere
pour
m'en offenfer , reprit Terlieu , le fond
m'en paroît trop refpectacle
. Puis- je , con- tinua - t-il , fans vous irriter , vous avertir
que j'apperçois
dans ce coin quelques
louis qui ont échappé
à vos recherches
? Puis- je , répliqua
Rofalie fur le même
ton , fans vous irriter , vous annoncer
que
vous êtes des mortels le plus bizarre & le
plus haïffable
? Refferrerai
-je , continua-telle
A O UST. 1755. 25
elle d'une voix modefte & attendrie l'ar-:
gent de cet ami du Luxembourg. Oui ,
Mademoiselle , répondit Terlieu d'un ton
ferme , je vous prie de le lui rendre , & de
le remercier de ma part.
la
Ils alloient continuer ces débats de générofité
mutuelle , lorqu'on vint avertir
que le fouper étoit fervi ; au moins , Monfieur
, dit Rofalie , vous me ferez peut -être
grace de me tenir campagnie très-volontiers
, répondit Terlieu , il y a trop à
gagner pour moi , & voilà le feul cas où
il peut m'être permis de vous montrer que
j'entends mes intérêts ; bien entendu cependant
que vous aurez moins d'humeur.
Je m'y engage , reprit- elle , pourvû que je
puiffe vous gronder , fi vous ne penfez pas
à ma fantaifie. Allons promptement manger
un morceau , je fuis fort impatiente
d'apprendre à quoi auront abouti les rêveries
de votre promenade . Vous parlerez
le premier , après quoi je vous ferai part
de mes idées , & nous verrons qui de nous
deux aura faifi le meilleur expédient.
Pendant le tems qu'ils furent à table ;
Rofalie déploya toutes les graces de fon
efprit pour égayer Terlicu , mais avec la
délicateffe dont on doit uſer avec un coeur
fermé à la joie , & avec cette circonfpection
qui met en défaut la malignité atten-
B
26- MERCURE DE FRANCE.
tive des domeftiques. Le deffert fervi elle
les renvoya en leur ordonnant de ne point
entrer qu'elle n'eut fonné. Ils eurent beau
raifonner entr'eux ; l'extérieur de Terlieu ,
l'accablement où ils le voyoient , & plus
que cela encore , la médiocrité très - négligée
de fon ajuftement dérouterent leurs.
conjectures.
Monfieur , dit alors Rofalie en reprenant
la parole , nota voilà feuls , perfonne
ne peut nous entendre ; faites- moi.
part , je vous prie , de ce que vous avez,
imaginé. Je ſerai bien charmée ſi vous me
mettez dans le cas de vous applaudir , plus
encore fi je puis ajouter quelques réflexions
utiles à vos projets .... parlez donc.
grace.q
de
Hé ! que puis- je vous dire , répondit-il ,
finon que dans l'état où je fuis il ne m'eft
pas poffible de penfer. J'ai eu beau creufer
ma tête , il n'en eft rien forti qui ne fut dé
raifonnable , extravagant , au-deffous du
fens commun. Jugez , Mademoiſelle , de
la mifere d'un efprit retréci par
l'infortu
ne ; il n'a pu me procurer que la reffource
de m'expatrier en entrant au fervice de la
Compagnie des Indes : qu'en penfez- vous ?>
ce parti vous paroît- il fi ridicule ?
Non , Monfieur , reprit- elle , je yous y
exhorterai même , dès que vous m'aurez
L
A OUST. 1755. 27
promis de mettre eu ufage l'expédient que
je vais vous donner : écoutez -moi attentivement
, ne m'interrompez pas , & furtout
point de faillie d'orgueil. Votre famille
, je le fçais , jouit de toutes les diftinctions
que donne l'opulence , & qu'on
accorde à celles qui ont bien mérité du
Prince & de la patrie. Je conçois qu'elle
pourra vous refufer de nouveau les fecours
que vous êtes en droit d'en exiger , mais
je ne puis penfer qu'elle fouffrit que vous
vous deshonorafliez . C'eft fur cette délicateffe
que j'établis l'efpoir dont je me flate
pour vous , & j'ofe croire que vous arracherez
de la vanité de vos parens ce que
vos inftances ne pourroient obtenir de
leur bienveillance . Dès demain , Monfieur ,
retournez les voir ; qu'ils lifent fur votre
front ce que la douleur a de plus attendriffant
: priez , preffez , humiliez - vous
même , & ne rougiffez point d'employer
les expreffions les plus foumifes. Si vous
ne les touchez point , s'ils font impitoyables
, ofez leur dire , avec la fureur dans
les yeux , que vous allez prendre un parti
fi indigne du nom qu'ils portent , que l'opprobre
en rejaillira fur eux . Oui, Monfieur,
menacez-les....Non , je crois vous connoître
, vous n'en aurez jamais la force . Par
grace , M. de Terlieu , prenez fur vous
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
de proférer des paroles feules capables
d'effrayer vos parens , & d'intéreffer en
votre faveur , je ne dis pas leur fenfibilité ,
mais au moins leur orgueil.
Qu'allez -vous me propofer , répliqua
Terlieu avec agitation ? vous me faites
frémir.
Ne craignez rien , répondit Rofalie , ce
n'eft qu'une menace dont le but eſt d'allarmer
des gens qui n'auroient point encore
renoncé à l'honneur , qui conféquemment
peut faire un grand effet , mais dont
je ferai toujours bien loin de vous confeiller
, ni même d'en fouffrir l'exécution. Baiffez
les yeux , ne me regardez point de grace;
je ne pourrois mettre au jour mon idée
fi vous me fixiez . Dès que vous aurez épuifé
tout ce que l'éloquence du befoin a de plus
pathétique ; dès que vous aurez déſeſpéré
d'émouvoir vos indignes parens , ofez leur
dire que leur barbarie vous détermine à
profiter de la fenfibilité d'une fille qui a
vécu dans le défordre , que Rofalie plus
généreuse qu'eux , ne peut fouffrir qu'an
homme comme vous paffe fes jours dans
la mifere , que Rofalie , .. hélas ! elle n'eft
que trop connue , que Rofalie vous offre
de partager fa fortune , & que vous êtes
prêt de contracter avec elle un mariage......
Je n'acheve point ; ce fera à vous , MonAOUST.
1755. 29
fieur , à finir le tableau , & à y mettre une
expreffion , & des couleurs dignes du fujet.
Terlieu alors leva les yeux , & Rofalie y
vit un trouble , & quelques larmes qu'elle
ne fit as femblant d'appercevoir. Qu'avez-
vous ? continua-t- elle , vos regards
m'inqui tent , & je crains fort que l'expédient
que je viens de vous propofer ne
vous révolte ; mais enfin , s'il réuffiffoit
m'en fçauriez-vous mauvais gré ? que rifquez-
vous d'en hafarder l'épreuve ?
Un malheur nouveau qui acheveroit de
m'accabler , s'écria Terlieu , mes cruels
parens ne manqueroient point d'attenter à
votre liberté , & je ferois la caufe & le prétexte
d'une barbarie.
Hé ! Monfieur , reprit elle , courons - en
les rifques , fi cette violence peut rendre
votre fort plus heureux. La perte de la
liberté n'eft point un fi grand mal pour quiconque
eft déterminé à renoncer au monde.
D'ailleurs il fuffira à ma juftification ,
& à la vôtre que l'on fçache que ce n'étoit
qu'une rufe imaginée pour amener vos
parens à la néceffité de vous rendre fervice ;
& comme il fera de l'intérêt de votre honneur
de défavouer un bruit auffi ridicule ,
l'amour qu'on vous connoît pour la vérité ,
ne laiffera aucun doute & nous nous
trouverons juſtifiés tous les deux .
,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Ah Rofalie , Rofalie ! répliqua Terlieu ,
en foupirant , terminons un entretien dont
les fuites deviendroient trop à craindre
pour moi. Je vous quitte pénétré d'admiration
, & peut-être d'un fentiment encore
plus intéreffant. Oui , je ferai ufage de vos
confeils ; je verrai demain ma famille .....
Mais hélas ! je ne fçai fi vous ne me faites
point defirer d'être rebuté de nouveau . Je
ne puis dire ce que mon coeur reffent , mais
il vous refpecte déja , & vraisemblablement
il ne fe refufera pas long-temps à ce
que la tendreffe a de plus féduifant.
Monfieur , reprit Rofalie , allez vous
repofer , vous avez befoin de rafraîchir
votre fang ; vous venez de me prouver
qu'il eft un peu échauffé. Je préfume que
le fommeil vous rendra votre raison , &
qu'à votre reveil , où vous rirez , où vous
rougirez du petit délire de la veille.
Fort bien , répliqua Terlieu en fouriant,
voilà un agrément de plus dans votre ef
prit , & vous entendez fupérieurement la
raillerie . Oui , Rofalie , je vais me retirer ,
mais avec la certitude de ne point dormir ,
& comptez que fi le fommeil me furprend,
mon imagination , ou pour mieux dice ,
mon coeur ne fera occupé que de vous.
Terlieu tint parole , il ne ferma point
l'oeil de la nuit , & cependant il ne la trouA
O UST. 1755: 31
va pas longue. Le jour venu , il fut incertain
s'il iroit de nouveau importuner fa
famille , ou s'il fuivroit le penchant d'une
paffion que le mérite de Rofalie avoit fait
naître en fon coeur , & que les réflexions
ou peut-être les illufions de la nuit avoient
fortifiée. Après avoir combattu quelque
tems entre ces deux partis , le foin de fa
réputation l'emporta fur un amour que fa
raifon plus tranquille lui repréfentoit malgré
lui fous un point de vûe un peu déshonorant
. Quelle fituation ? l'amour , la pauvreté
, defirer d'être aimé , d'être heureux ,
& n'ofer fe livrer à des penchans fi naturels
! Partez Terlieu , vous avez promis ,
& votre honneur exige que vous faffiez du
moins encore une démarche avant de fonger
au coeur de Rofalie.
La fortune ne le fervit jamais mieux
qu'en lui faiſant effuyer des dédains nouveaux
de la part de fa famille. Les prieres ,
les inftances , les fupplications qu'il eut le
courage d'employer , ne lui attirerent que
des rebuts , que des outrages. Ses parens imputerent
à fa baffefle les larmes qu'il verfa.
Outré , défefpéré , il mit en oeuvre fa derniere
reffource ; il leur peignit avec les
couleurs les plus effrayantes l'alliance dont
il les menaça de fouiller leur nom ; ce tableau
ne fit qu'ajouter au mépris dont ils
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
l'accablerent , & l'un d'eux en parlant au
nom de tous , & fans en être défavoué
par
un feul , eut la lâcheté de lui dire : hé >
Monfieur , concluez ; que nous importe la
femme que vous prendrez , pourvu qu'elle
nous débarraffe de votre vûe , & de vos
importunités. Au refte , nous vous défavouons
dès ce jour pour parent , & fi vous
avez le front d'ofer dire que vous nous appartenez
, nous fçaurons réprimer votre
infolence.
Et moi , Meffieurs , répliqua fierement
Terlieu , je le publierai partout , non pas
que je tienne à honneur d'être votre plus
proche parent , mais afin que perfonne n'ignore
que vous êtes plus indignes que moimême
du fang qui coule dans nos veines ,
& que fi je fuis réduit à le deshonorer , ce
font vos duretés qui m'y ont forcé. Adieu ,
Meffieurs , & pour toujours.
Terlieu courut promtement répandre
dans le fein de la généreufe Rofalie les
horreurs qu'il venoit d'entendre. C'en eft
fait , s'écria-t-il en entrant , je n'ai que
vous au monde , vous me tenez lieu d'amis
, de parens , de famille. Oui , Roſalie,
continua-t-il , en tombant à fes genoux ,
c'eft à vous feule que je veux appartenir ,
de vous feule je veux dépendre , & votre
coeur eft le feul bien que j'ambitionne.
AOUST. 1755. 33
Soyez , je vous conjure , magnanime au
point de croire que ce n'eſt pas l'extrémité
où je me trouve , qui me fait deficer le
bonheur de vous plaire : comptez qu'un motifauffi
bas eft trop au deffous de ce que vous
m'infpirez , & d'un coeur comme le mien.
Eh , vous ne méritez point que je vous
écoute , lui répondit , Rofalie , fi vous me
croyez capable d'un tel foupçon. Levezvous
, Monfieur , on pourroit vous furprendre
dans une attitude qu'il ne me convient
plus de fouffrir , on croiroit que je
la tolere , & elle feroit douter de la fincérité
du parti que j'ai pris de renoncer à mes
égaremens ..... Je voudrois , repliqua Terlieu
en l'interrompant , avoir mille témoins
de l'hommage que je vous rends , & je fuis
fûr qu'il n'en feroit pas un qui n'y applaudit
, fi je l'inſtruifois de la force des raifons
qui me l'arrachent , & des vertus que
j'honore en vous.
J'avois efpéré , reprit elle , que le fommeil
auroit diffipé le vertige qui vous trou
bloit hier au foir. Je fuis fâchée , & prefque
irritée que ce mal vous tourmente encore.
Par grace , daignez en guérir . Il feroit
honteux que vous n'en euffiez point le
courage. Oui , Monfieur , j'afpire à votre
eftime , & non pas à votre coeur , & je ne
pourrois me difpenfer de renoncer à l'une
Bv
34 MERCURE DE FRANCE .
fi vous vous obſtiniez à m'offrir l'autre.
Et moi , répondit tendrement Terlieu ,
je veux les acquérir toutes deux. Ne féparons
point deux fentimens qui ne peuvent
fubfifter l'un fans l'autre : leur réunion fera
votre bonheur & le mien. Ah , Roſalie
nous fommes dignes de le goûter long - tems,
fi nous fommes capables de les concilier.
Belles fpéculations , repliqua t- elle , qui
prouvent bien que vous m'aimez , mais qui
ne me raffurent point fur la crainte de l'avenir
! Je le dis fans rougir , j'ai entendu
tant de fois de ces propos , tant de femmes
en ont été les victimes qu'il eft téméraire
d'y ajouter foi . Dans l'emportement de la
paffion , les promeffes ne coutent rien , on
ne croit pas même pouvoir y manquer ; &
puifque les mépris , les dégouts fe font !
fentir dans les mariages affortis par l'égalité
des conditions , & par la pureté reciproque
des moeurs , que ne dois-je point
redouter de l'union que vous me propofez?
vous en rougiriez bientôt vous -même , la
haine fuccéderoit au repentir , & je tarde-
Bois peu à fuccomber fous le poids de l'honneur
que vous m'auriez fait . Croyez- moi ,
Monfieur , ne nous expofons point à des
peines inévitables . Qu'il nous fuffife que
l'on fçache que Terlieu pénétré de reconnoiffance
pour Rofalie lui a offert une
AOUST. 1755 35
main qu'elle a eu le refpect de ne point accepter.
Un trait de cette nature nous fera
bien plus glorieux qu'une témérité qui
peut
faire mon malheur en vous couvrant
de honte. Que mon refus , je vous prie ;
ne vous afflige point. Laiffez- moi jouir
d'une fenfibilité plus noble mille fois que
le retour que vous pourriez efpérer de la
foibleffe de mon coeur. Souffrez que je
m'en tienne au bonheur de vous obliger ,
& comptez qu'il me fera bien plus doux
de le faire par fentiment que par devoir.
Non , Rofalie , reprit Terlieu , votre
refus entraîne néceffairement le mien. Le
titre d'époux peut feul me faire accepter
vos bontés. Vos craintes fur l'avenir m'ou '
tragent ! Ah ! bien loin de m'aimer , vous
ne m'eftimez pas , la pitié eſt le feul fentiment
qui vous parle en ma faveur. Adieu ,
je vous quitte plus malheureux encore que
lorfque j'ai commencé à vous connoître ;
j'avois un défefpoir de moins dans le coeur.
Terlieu fe leva en fixant tendrement
Rofalie , fit un foupir en couvrant fon viſage
avec fes mains , & alla fe jetter dans fa
petite chambre. Il n'y fut pas long tems
Rofalie le coeur ferré de la douleur la plus
vive , fonna pour avoir du fecours. Elle
en avoit un befoin réel. Sa femme de
chambre la trouva dans un étouffement
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
affreux & fans connoiffance. Elle donna
un peu de jour à fa refpiration , elle la traîna
de fon mieux fur une ducheffe , & après
l'avoir queftionnée à plufieurs repriſes ,
elle n'en put tirer que ces paroles : ah Terlieu
, Terlieu ! cette exclamation , quoique
inconcevable pour elle , la détermina à
l'aller prier de venir voir Rofalie . Ilentre ,
la trouve pâle , les yeux éteints , & preſque
auffi foible qu'elle , il tombe à fes genoux ,
il prend une de ſes mains qu'il baigne de
fes larmes : elle entr'ouvre un oeil languiffant
, & d'une voix qui expiroit fur fes lévres
, voilà , dit- elle , l'état où me réduifent
la dureté de vos refus , & les aveux
d'une paffion qu'il eft honteux pour vous
de reffentir. Monfieur , continua t- elle ,
ne me voyez plus , & fi vous prenez quelque
intérêt à mon repos , à ma fanté , ne
ne vous obftinez plus à me refufer la fatisfaction
fecrette que j'exige de vous. Dans
huit jours je ne ferai plus à Paris , & puifqu'il
eft indifpenfable que nous nous féparions
, laiffez - moi acquérir le droit de m'informer
de l'état de vos affaires , laiffez- moi
enfin acheter l'honneur d'être dans votre
fouvenir.
Si l'état où je vous vois , repliqua Terlieu
, m'accabloit moins , je vous le dis ,
Rofalie , je ne pourrois peut- être me conAOUST
. 1755 37
tenir. Quoi , vous avez la cruauté de m'annoncer
qu'il faut que je renonce au ſeul
bien qui me refte ? dans huit jours je ne
vous verrai plus ! non , il n'eft pas poffible
que je ceffe de vous voir : quelque retraite
que vous choififfiez , je fçaurai vous y découvrir
; je fçaurai y porter un amour que
vous vous lafferez peutêtre de rebuter. La
voilà , dirai-je , cette Rofalie , cet affemblage
refpectable , de grandeur , de foibleffe
! Hélas , elle ne m'a pas jugé digne
de l'accompagner , & de la guider dans le
fentier de la vertu , elle ne m'a pas jugé
digne de vivre heureuſement & vertueufement
avec elle . Me fera-t-il permis au
moins , continua- t- il , d'un ton paffionné ,
& en reprenant une main qu'on n'eut pas
la force de retirer , de jouir pendant le peu
de temps que vous refterez à Paris , du
bonheur de vous voir ce fera , n'en doutez
point , les feuls beaux jours de ma vie.
Il ne tiendroit qu'à vous d'en prolonger le
cours & la félicité ; mais vous l'avez déci
dé , & vous voulez que je vive éternellement
malheureux .
Retirez- vous , dir Rofalie à fa femme
de chambre , je me fens mieux , & foyez
difcrette , je vous prie. Comment , Monfieur
, continua- t - elle , vous voulez tout
obtenir , & vous n'accordez rien ? oui ,
vous ferez le maître de me voir , & vous
8 MERCURE DE FRANCE.
fçaurez le nom du lieu où je vais fixer mom
féjour , mais c'eſt à une condition ; & s'il
eft vrai que vous m'aimiez , je veux me
prévaloir de l'afcendant qu'une maitreſſe
eft en droit de prendre fur fon amant . Vous
allez me traiter de bizarre , d'opiniâtre :
hé , dites- moi , Monfieur , qui de nous
deux l'eft d'avantage ? je fuis laffe de prier,
il est temps que je commande. Ceton ,
vous paroît fingulier ; je conviens qu'il
tient un peu du dépit je l'avoue , ceci
commence à me fatiguer , à me tourmenter.
Finiffons par un mot fans replique. Voilà.
ma bourfe ; ce qu'il vous plaira d'y prendre
déterminera en proportion la confiance
que vous voulez que j'aye en vous , l'eftime
que je dois faire de votre perfonne ,
& le dégré de votre amour pour moi.
Hé , je la prens toute entiere , s'écria
Terlieu en la faififfant des deux mains .
Et moi , reprit Rofalie , je vous embraffe.
Oui , mon cher Terlieu , vous m'aimez
, j'ai triomphé de votre orgueil. Ne
prenez point cette faillie pour un emportement
de tendreffe , elle eft née dans la:
joie involontaire de mon ame , & non pas
dans les tranfports d'une paffion infenfée .
Terlieu fe retira , le coeur trafporté de
joie , & de la plus flatteufe efpérance , &
Rofalie charmée d'être parvenue à contenter
fon inclination bienfaifante , s'occupa
A OUST . 1755.
39
une partie de la nuit du deffein de fa re
traite , & des mefures néceffaires à fon
départ. Le lendemain elle fortit fur les
neuf heures du matin pour aller conclure
l'acquifition d'une terre . Elle dîna , & ſoupa
avec Terlieu , elle affecta pendant toute
la journée une fatisfaction & une gaieté qui
ne laifferent à fon amant aucun foupçon
du deffein qu'elle avoit pris de partir à la
pointe du jour. Quelle accablante nouvelle
pour Terlieu , lorfqu'il apprit le départ de
Rofalie ! Il faut avoir aimé pour bien fentir
l'état d'un coeur qui eft privé de l'objet
qu'il adore. Tous les maux raffemblés ne
font rien en comparaifon. C'eft la fecouffe
la plus violente que l'ame puiffe recevoir
& c'eft la dernière épreuve de la fermeté
humaine. Terlieu abbattu & prefque ftupide
, alloit fuccomber fous le poids de fa
douleur , lorfqu'il lui fut remis un billet
de la part de Rofalie. Hélas , il ne fit qu'ajouter
à fes tourmens . Il l'ouvre en frémiffant
, & lit , .....
*
Monfieur , renfermons- nous , je vous
prie , dans les bornes d'une pure amitié.
»J'ai dû fuir , & c'eft l'eftime que je vous
dois qui a précipité mon départ . Vous
» me ferez toujours cher , vous recevrez
» de mes nouvelles ; je ne fuis point faite
»pour oublier un homme de votre mérite ..
» Encore une fois tenons- nous- en aux en40
MERCURE DE FRANCE.
" gagemens de la plus inviolable amitié
" c'eft le feul fentiment qui puiffe nous
» convenir , & c'eft celui qui me fait pren-
» dre la qualité de votre meilleure amie.
Rofalie .
Ah cruelle , s'écria Terlieu ! vous fuyez,
vous m'abandonnez ! & vous ne me laiffez
pour reffource que les offres d'une froide
& triſte amitié ! non , Rofalie , elle ne
peut fuffire à mon coeur. Mais que dis je
hélas ! vous ne m'aimez point . Cette tranquillité
, cette joie dont vous jouiffiez hier
à mes yeux , ne me prouvent que trop que
je vous fuis indifférent. Que j'étois crédule!
que j'étois aveugle de les interpréter en ma
faveur ! Amant trop préfomptueux , je les
ai prifes pour des marques de la fatisfaction
que vous reffentiez d'être fûre de mon
coeur. Quel étrange compofé que votre caractere
! vous avez l'ame généreufe , noble;
des vertus réelles me forcent à vous admirer
, je ne puis réfifter à l'impreffion qu'elles
font fur moi , elles y font naître la paffion
la plus tendre , la plus refpectable , je
crois recevoir des mains de votre amour
les bienfaits dont vous me comblez , &
vous partez ! j'ignore où vous êtes ! Dieu !
fe peut - il qu'un coeur qui. m'a paru auffi
franc , auffi fincere , ait pu être capable
d'une diffimulation auſſi réfléchie , auffi
A OUST . 1755. 41
perfide. Vous partez ! ..... & vous ne me
laiſſez que le repentir , & la honte d'avoir
fuccombé aux inftances de votre indigne
générofité. Oui , je fçaurai vous découvrir,
je fçaurai répandre à vos pieds ce que contient
cette bourfe infultante , .... je fçaurai
mourir à vos yeux.
Il s'habille à la hâte , il alloit fortir lorf
qu'on vint frapper à fa porte. Il ouvre , il
voit un homme qui lui demande s'il n'a
pas l'honneur de parler à M. de Terlieu .
C'est moi -même , répondit- il fechement
mais pardon , Monfieur , je n'ai pas le
temps de vous entendre. Monfieur , repliqua
l'inconnu , je ne vous importunerai
pas longtems , je n'ai befoin que de votre
fignature , vous avez acquis une terre , en
voici le contrat de vente , & il eft néceffaire
que votre nom figné devant moi , en conftate
la validité. Que voulez - vous dire ,
reprit Terlieu ? ou vous êtes fou , ou je
rêve. Monfieur , dit l'inconnu , je fuis
Notaire ; il n'y a guerres de fous dans ma
profeffion. Je vous protefte que vous êtes
trés-éveillé , & qu'un acte de ma façon n'a
point du tout l'air d'un rêve. Ah , Rofalie,
s'écria Terlieu ! C'eft elle-même , reprit le
Notaire. Voici une plume , fignez . Non ,
Monfieur , répondit Terlieu , je ne puis
m'y réfoudre , remportez votre acte , &
dites-moi feulement où eft fituée cette terre.
42 MERCURE DE FRANCE.
C'eft préciſement , répliqua le Notaire , ce
qui m'eft défendu , & vous ne pourrez en
être inftruit qu'après avoir figné. Allons
donc , reprit Terlieu en verfant un torrent
de larmes , donnez cette plume . Voilà qui
eft à merveille , dit le Notaire , & voici
une expédition de l'acte. Vous pouvez
aller prendre poffeffion quand vous le
jugerez à propos. Adieu , Monfieur , je
vous fouhaite un bon voyage ; faites , je
vous prie , mes complimens à l'inimitable
Rofalie. Ah , Monfieur , reprit Terlieu en
le reconduifant , elle ne tardera gueres à
les recevoir.
Son premier foin fut de chercher dans
l'acte qui venoit de lui être remis le nom
de la province , & du lieu dont Rofalie
avoit pris le chemin ; il alla tour de fuite
prendre des chevaux de pofte. Qu'ils alloient
lentement felon lui ! après avoir
couru , fans prendre aucun repos pendant
trente- fix heures , il arriva prefqu'en même
temps que Rofalie. Quoi , c'est vous ? lui
dit-elle en fouriant , que venez -vous faire
ici ? vous rendre hommage de ma terre ,
répondit- il , en lui baifant la main , en
prendre poffeffion , & époufer mon amie.
Je ne vous attendois pas fitôt , reprit- elle ,
& j'efpérois que vous me laifferiez le temps
de rendre ce féjour plus digne de vous recevoir.
Hé , que lui manque-t-il pour me
A OUST. 43 1755 .
plaire , pour m'y fixer , repliqua- t- il , vous
y êtes , je n'y vois , & je n'y verrai jamais
que ma chere Rofalie . J'ai de l'inclination
à vous croire , lui dit-elle , en le regardant
tendrement , & mon coeur , je le fens , auroit
de la peine à fe refufer à ce que vous
lui infpirez ; il eft prêt à fe rendre à vos
defirs . Mais encore une fois , mon cher
Terlieu , interrogez le vôtre , ou pour
mieux dire , écoutez les confeils de votre
raifon. Nepouvons- nous vivre fous les loix
de l'amitié? & ne craignez- vous point que
celles de l'hymen n'en troublent la pureté ,
n'en appéfantiffent le joug ? Et cette terre ,
repliqua- t-il , peut- elle m'appartenir , fi je
n'acquiers votre main ? D'ailleurs , y fongez-
vous , Rofalie ? je vivrois avec vous ,
& je n'aurois d'autre titre pour jouir de ce
bonheur que celui de l'amitié ? Penſezvous
que la médifance nous épargnât en
vain nous vivrions dans l'innocence , la
calomnie , cette ennemie irréconciliable
des moeurs les plus chaftes , ne tarderoit
pas à fouiller la pureté de notre amitié
& elle y fuppoferoit des liens qui nous
deshonoreroient. Mais enfin , reprit Rofalie
, à quels propos , à quelles indignes
conjectures ne vous expofez- vous point ?
on dira que Terlieu n'ayant pû foutenir le
poids de fon infortune , a mieux aimé re
44 MERCURE DE FRANCE .
chercher la main de Rofalie que de lan
guir dans une honorable pauvreté. Vains
difcours , s'écria Terlieu , qui ne peuvent
m'allarmer ! venez , répondrai - je , à la malignité
, à l'orgueil ; venez , fi vous êtes
capables d'une légitime admiration , reconnoître
en Rofalie un coeur plus noble , une
ame plus pure que les vôtres . Vous n'avez
que l'écorce des vertus , ou vous ne les pratiquez
que par oftentation , & Rofalie en
avouant fes égaremens a la force d'y renoncer
, & les épure par le repentir , par
la bienfaifance. Apprenez vils efclaves de
la vanité que la plus fage des bienséances
eft de s'unir avec un coeur qu'on eſt fûr
d'eftimer , & que le lien d'une reconnoiffance
mutuelle eft le feul qui puiffe éternifer
l'amour. Je ne réfifte plus , reprit Rofalie
, je me rends à la jufteffe de vos raifons
, & plus encore à la confiance que la
bonté , que la nobleffe de votre coeur ne
ceffent de répandre dans le mien : le don
que je vous ferai de ma main n'approchera
jamais du retour que j'en efpere .
Terlieu & Rofalie allerent fe jurer une
fidélité inviolable aux pieds des autels , où
au défaut de parens , tous les pauvres des
environs leur fervirent de témoins , de famille
, & en quelque façon de convives ,
puifqu'ils partagerent la joie des deux
A OUST. 1755 45
époux à une table abondante qui leur fut
fervie. Terlieu & Rofalie goûtent depuis
long- temps les délices d'une flâme fincere.
Leur maison eft le féjour des vertus . Ils en
font les modeles. On les cite avec éloge ,
on les montre avec admiration , on fe fait
honneur de les voir , on les écoute avec
reſpect , & , comme partout ailleurs , pref
que perfonne n'a le courage de les imiter.
Hiftoire véritable , par M.Y....
L'celle d'être odieux quand il n'a point
E vice n'eft jamais eftimable , mais il
:
étouffé les qualités de l'ame. Une foiblefle
de coeur prend auffi fouvent fon origine
dans une certaine facilité d'humeur que
dans l'attrait du plaifir. Un amant fe préfente
, ou il eft enjoué , ou il eft homie à
fentiment. Le premier eft le moins dangereux
, il ne féduit jamais qu'une étourdie ,
& il ne triomphe que dans une faillie téméraire
Le fecond , plus refpectueux en
apparence , va à fon but par la délicateſſe
vante fa conftance, déclame contre les perfides,
& finit par l'être. Que devient une jeune
perfonne qui dans l'ivreffe de la gaieté
s'eft laiffée furprendre , ou qui eft tonbée
dans le piége d'une paffion décorée extérieurement
par le fentiment ? ce que font prefque
toutes celles qui ont débuté par une
fragilité ; elles fe familiarifent avec le vice ,
elles s'y précipitent ; l'amour du luxe & de
l'oifeveté les y entretient ; elles ont des
modeles , elles veulent y atteindre ; incapables
d'un attachement fincere elles en
AOUS T 1755. 9.
affectent l'expreffion , elles ont été la dupe
d'un homme , & elles fe vengent fur
toute l'efpece. Heureufes celles dont le
le coeur n'eft point affez dépravé pour fe
refufer aux inftances de la vertu qui cherche
à y rentrer .
Telle étoit Rofalie , elle étoit galante
avec une forte de décence . Ses moeurs
étoient déréglées , mais elle fçavoit louer
& admirer la vertu . Ses yeux pleins de
douceur & de vérité annonçoient fa franchife.
On entrevoyoit bien dans fa démarche
, dans fes manieres le manege de
la coquetterie , mais fon langage étoit modefte
, & elle ne s'abandonna jamais à ces
intempérances de langue , qui caractériſent
fi baffement fes femblables. Fidele à fes
engagemens , elle les envifagea toujours
comme des liens qu'elle ne pouvoit rompre
fans ingratitude , & les conventions
faites , l'offre la plus éblouiffante n'auroit
pû la déterminer à une perfidie.
Elle ne fut jamais parjure la premiere.
Son coeur plus fenfible à la reconnoiffance
qu'à l'amour , étoit incapable de fe laiffer
féduire à l'appas de l'intérêt & aux charmes
de l'inconftance . Solitaire , laborieuſe ,
fobre , elle eût fait les délices d'un mari ,
fi une premiere foibleffe ne l'eût en quelque
façon fixée à un état dont elle ne
A v
To MERCURE DE FRANCE.
pouvoit parler fans rougir. Affable , compatiffante
, généreufe , elle ne voyoit ja→
mais un malheureux fans lui tendre une
main fecourable ; & quand on parloit de
fes bienfaits , on difoit que le vice étoit
devenu tributaire de la vertu . Des lectures
fenfées avoient ranimé dans fon coeur les .
germes d'un beau naturel . Elle y fentoit
renaître le defir d'une conduite raifonnable
, elle vouloit fe dégager , & elle méditoit
même depuis long-tems une retraite
qui la fauvât de la honte d'avoir mal vécu ,
& du ridicule de mieux vivre , mais elle
avoit été arrêtée par un obftacle , elle avoit
voulu fe faire une fortune qui put la mettre
à l'abri des tentations qu'elle infpiroit , &
des offres des féducteurs : enfin elle vouloit
être vertueufe à fon aife ; elle ambitionnoit
deux cens mille francs , & par
dégrés elle étoit parvenue à les avoir. Contente
de ce que la fortune & l'amour lui
avoient procuré , elle avoit congédié fon
dernier amant , elle fe préparoit à fuir loin
de Paris les occafions d'une rechûte.
Ce fut alors qu'un jeune Gentilhomme
nommé Terlieu , vint loger dans une petite
chambre qui étoit de plain pied à l'appartement
qu'elle occupoit. Il fortoit tous
les jours à fept heures du matin , il rentroit
à midi pour fe renfermer , & il borA
O UST. 1955. 11
noit à une révérence muette fon cérémonial
avec fa voifine. La fingularité de la
vie de ce jeune homme irrita la curiofité
de Rofalie. Un jour qu'il venoit de rentrer
, elle s'approche de la porte de fa
chambre , prête l'oreille , porte un regard
fur le trou de la ferrure , & voit l'infortuné
Terlieu qui dînoit avec du pain
fec , chaque morceau étoit accompagné
d'un gémiffement , & fes larmes en fai
foient l'affaifonnement. Quel fpectacle
pour une ame fenfible ! celle de Rofalie
en fut pénétrée de douleur . Dans ce mo
ment une autre avec les vûes les plus pures ,
eût été peut-être indiferette , elle fe für
écriée , & généreufement inhumaine elle
eût décelé la mifere de Terlieu ; mais Rofalie
qui fçavoit combien il eft douloureux
d'être furpris dans les befoins de l'indigen
ce, rentra promptement chez elle pour y attendre
l'occafion d'être fecourable avec le
refpect qu'on doit aux infortunés. Elle épia
le lendemain l'inftant où Terlieu étoit dans
l'habitude de fe retirer , & pour que fon
deffein parut être amené par le hazard
elle fit tranfporter fon métier de tapifferie
dans fon anti- chambre , dont elle eur
foin de tenir la porte ouverte.
Terlieu accablé de fatigue & de trifteffe
parur à fon heure ordinaire , fit fa révé-
A vj
12 MERCURE DE FRANCE.
rence , & alloit fe jetter dans l'obfcurité
de fa petite chambre , lorfque Rofalie ,
avec ce ton de voix aifé & poli , qui eſt
naturel au beau fexe , lui dit : En vérité ,
Monfieur , j'ai en vous un étrange voifin ;
j'avois penfé qu'une femme , quelle qu'elle
fût, pouvoit mériter quelque chofe par-delà
une révérence. Ou vous êtes bien farouche
, ou je vous parois bien méprifable . Si
vous me connoiffez , j'ai tort de me, plaindre
, & votre dedain m'annonce un homme
de la vertu la plus fcrupuleuſe , & dèslors
j'en réclame les confeils & les fecours.
Seroit-ce auffi que cette févérité que je lis
fur votre front prendroit fa caufe de quelque
chagrin qui vous accable ? Souffrez
que je m'y intereffe. Entrez , Monfieur , je
Vous fupplie : que fçavons- nous fi le fort
ne nous raffemble point pour nous être
mutuellement utiles ? je fuis feule , mon
dîner eft prêt , faites moi , je vous conjure
, l'honneur de le partager avec moi :
j'ai quelquefois un peu de gaieté dans
l'efprit , je pourrai peut-être vous diffiper.
Mademoiſelle , répondit Terlieu , vous
méritez fans doute d'être connue , & l'accueil
dont vous m'honorez ,, annonce en
vous un beau caractere. Qui que vous
foyez , il m'eft bien doux de trouver quel
1
1
A O UST . 1755. 13
qu'un qui ait la générofité de s'appercevoir
que je fuis malheureux . Depuis quinze
jours que je fuis à Paris , je ne ceffe
d'importuner tous ceux fur la fenfibilité
defquels j'ai des droits , & vous êtes la
premiere perfonne qui m'ait favorisé de
quelques paroles de bienveillance . N'imputez
point de grace , Mademoiſelle , ni
à orgueil ni à mépris ma négligence à votre
égard : fi vous avez connu l'infortune ,
vous devez fçavoir qu'elle eft timide . On
fe préfente de mauvaife grace , quand le
coeur eft dans la peine. L'affliction appéfantit
l'efprit , elle défigure les traits , elle
dégrade le maintien , & elle verſe une
efpece de ridicule fur tout l'extérieur de
la perfonne qui fouffre . Vous êtes aimable
, vous êtes fpirituelle , vous me paroiffez
dans l'abondance ; me convenoit- il
de venir empoifonner les douceurs de votre
vie ? Si vous êtes généreufe , comme
j'ai lieu de le croire , vous auriez pris part
à mes maux je vous aurois attriftée .
Monfieur , répliqua Rofalie , je ne fuis
point affez vaine pour me flater du bonheur
de vous rendre fervice , mais je puis
me vanter que je ferois bien glorieufe fi
je pouvois contribuer à vous confoler , à
vous encourager. J'ai de grands défauts ,
mes moeurs ne font rien moins que régu14
MERCURE DE FRANCE.
lieres , mais mon coeur eft fenfible au fort
des malheureux ; il ne me refte que cette
vertu ; elle feule me foutient , me ranime ,
& me fait efperer le retour de celles que
j'ai négligées. Daignez , Monfieur , par
un peu de confiance , favorifer ce préfage.
Que rifquez- vous ? vos aveux ne feront
fûrement pas auffi humilians que les miens,
& cependant je vous ai donné l'exemple
d'une fincérité peu commune. Je ne puis
croire que ce foit votre mauvaiſe fortune
qui vous afflige. Avec de l'efprit , de la
jeuneffe , un extérieur auffi noble , on
manque rarement de reffources . Vous foupirez
? c'est donc l'honneur , c'est donc la
crainte d'y manquer , ou de le perdre qui
caufe la confternation où je vous vois.
Oui , cette peine eft la feule qui puiffe
ébranler celui qui en fait profeflion.
Voilà , s'écria Terlieu avec une forte
d'emportement , voilà l'unique motif de
mon défeſpoir , voilà ce qui déchire
mon coeur , voilà ce qui me rend la vic
infupportable . Vous defirez fçavoir mon
fecret , je ne réfifte point à la douceur
de vous le confier ; apprenez donc que
je n'ai rien , apprenez que je ne puis
fubfifter qu'en immolant aux befoins de
la vie cethonneur qui m'eft fi cher. Je fuis
Gentilhomme , j'ai fervi , je viens d'être
réformé je follicite , j'importune .... &
A O UST. 1755. 15
qui ! des gens qui portent mon nom , des
gens qui font dans l'abondance , dans les
honneurs , dans les dignités . Qu'en ai - je
obtenu ? des refus , des défaites , des dédains
, des hauteurs , le croirez - vous , Mademoiſelle
, le plus humain d'entr'eux ,
fans refpect pour lui- même , vient d'avoir
l'infolence de me propofer un emploi dans
les plus baffes fonctions de la Finance ! le
malheureux fembloit s'applaudir de l'indigne
faveur qu'il avoir obtenue pour moi .
Je l'avouerai , je n'ai pû être maître de
mon reffentiment. Confus , outré , j'ai déchiré
& jetté au vifage de mon lache bienfaiteur
le brevet humiliant qu'il a ofé me
préſenter. Heureux au moins d'avoir appris
à connoître les hommes , plus heureux
encore fi je puis parvenir à fuir , à
oublier , à détefter des parens qui veulent
que je deshonore le nom qu'ils portent. Je
fçais bien que ce n'eft point là le ton de
l'indigence ; que plus humble , plus modefte
, elle doit fe plier aux circonftances ;
que la nobleffe eft un malheur de plus
quand on eft pauvre , qu'enfin la fierté
eft déplacée quand les reffources de la vie
manquent. J'ai peut- être eu tort de rejetter
celles qui m'ont été offertes . J'avouerai
même que mon orgueil eut fléchi fi j'euffe
pû envifager dans l'exercice d'un pofté de
16 MERCURE DE FRANCE.
quoi fubfifter un peu honnêtement ; mais
s'avilir pour tourmenter laborieufement
les autres ; ah ! Mademoiſelle , c'eſt à quoi
je n'ai pû me réfoudre .
Monfieur , reprit Rofalie , je ne fçais fi
je dois applaudir à cette délicateffe , mais
je fens que je ne puis vous blâmer. Votre
fituation ne peut être plus fâcheufe .
Voici quelqu'un qui monte , remettezvous
, je vous prie , & tachez de vous
rendre aux graces de votre naturel ; il n'eft
pas convenable qu'on life dans vos yeux
l'abattement de votre coeur : fouffrez que
je me réſerve ſeule le trifte plaifir de vous
entendre , & de vous confoler . Ah ! c'eſt
Orphife , continua Rofalie fur le ton de la
gaieté , approche mon amie & félicitemoi
.... & de quoi , répliqua Orphife en
l'interrompant , eft- ce fur le parti fingulier
que tu prens d'abandonner Paris à la fleur
de ton âge , & d'aller te confiner en prude
prématurée dans la noble chaumiere dont
tu médites l'acquifition ? mais vraiment
tu vas embraffer un genre de vie fort attrayant.
Fort bien , répondit Rofalie , raille
, diverti- toi mais tes plaifanteries ne
me détourneront point du deffein que j'ai
pris. Je venois cependant te prier d'un
fouper.... Je ne foupe plus que chez moi ,
répliqua Rofalie. Mais toi - même tu me
?
}
AOUS T. 1755. 17
paroiffois déterminée à fuivre mon exemple.
C'étoit , répodit Orphiſe dans un accès
d'humeur , j'extravaguois. Une nouvelle
conquête m'a ramenée au fens commun.
Tant pis .... Ah ! point de morale.
Dînons. On fervit.
Pendant qu'elles furent à table , Orphiſe
parla feule , badina Rofalie , prit Terlicu
pour un fot , en conféquence le perfifa.
Pour lui il mangea peu : éroit- ce faute
d'appétit non , peut être ; mais il n'ofa
en avoir. Le caffé pris , Orphife fit fes
adieux , & fe recommanda ironiquement
aux prieres de la belle pénitente .
Rofalie débarraffée d'une visite auffi
choquante qu'importune , fit paffer Terlieu
dans fon fallon de compagnie. Après
un filence de quelques inftans , pendant
lequel Terlieu , les yeux baiffés , lui ménageoit
le plaifir de pouvoir le fixer avec
cette noble compaffion dont fe laiffent
toucher les belles ames à l'afpect des infor
tunés ; elle prit la parole , & lui dit ,
Monfieur , que je vous ai d'obligation ! la
confiance dont vous m'avez honorée , eft
de tous les événemens de ma vie celui qui
m'a le plus flatée , & l'impreffion qu'elle
fait fur mon coeur me caufe une joie ....
Pardonnez -moi ce mot, celle que je reffens
ne doit point vous affliger , elle ne peut
18 MERCURE DE FRANCE.
vous être injurieufe , je ne la tiens que
du bonheur de partager vos peines. Oui ,
Monfieur , ma fenfibilité pour votre fituation
me perfuade que j'étois née pour
la vertu ; mais que dis-je ? A quoi vous
peut être bon fon retour chez moi , fi
vous ne me croyez digne de vous en donner
des preuves. Vous rougiffez : hélas ,
je vois bien que je ne mérite point cette
gloire , foyez , je vous prie , plus génćreux
, ou du moins faites- moi la grace de
penfer qu'en me refufant vous m'humiliez
d'une façon bien cruelle.
• Vous êtes maîtreffe de mon fecret , répondit
Terlieu , ne me mettez point dans
Je cas de me repentir de vous l'avoir confié
: je ne m'en défends point , j'ai trouvé
quelques charmes à vous le révéler ; j'avouerai
même que mon coeur avoit un befoin
extrême de cette confolation : il me
femble que je refpire avec plus de facilité .
Je vous dois donc , Mademoiſelle , ce
commencement de foulagement ; c'est beaucoup
de fouffrir moins , quand on a beaucoup
fouffert. Permettez que je borne à
cette obligation toutes celles que je pourrois
efperer de votre générofité. Ne mefufez
point , je vous prie de la connoiffance
que vous avez de mon fort ; il ne
peut être plus cruel , mais je fçaurai le
-
AOUST. 1755. 19
fupporter fans en être accablé . C'en eft fair,
je reprens courage ; j'ai trouvé quelqu'un
qui me plaint. Au refte , Mademoiſelle ,
je manquerois à la reconnoiffance fi je
renonçois entierement à vos bontés ; &
puifque vous me permettez de vous voir ,
je viendrai vous inftruire tous les jours de
ce que mes démarches & mes follicitations
auront opéré je recevrai vos confeils
avec docilité , mais auflì c'est tout ce
qu'il vous fera permis de m'offrir , autrement
je cefferois .... N'achevez pas , répliqua
Rofalie en l'interrompant , je n'aime
point les menaces. Dites - moi , Monfieur
, eft-ce que l'infortune rend les hommes
intraitables ? eft - ce qu'elle répand
fur les moeurs , fur les manieres , une inquiétude
fauvage : eft- ce qu'elle prête au
langage de la féchereffe , de la dureté ?
s'il eft ainfi , elle eft bien à redouter. N'eftpas
vrai que vous n'étiez point tel dans
la prospérité ? vous n'euffiez point alors
rejetté une offre de fervice .
il
J'en conviens , répondit Terlieu , j'euſſeaccepté
parce que je pouvois efperer de rendre
, mais à préfent je ne le puis en confcience.
Quant à cette dureté que vous
me reprochez , j'avouerai que je la crois
honorable , néceſſaire même à celui qui eft
dans la peine. Elle annonce de la fermeté ,
20 MERCURE DE FRANCE.
elle repouffe l'orgueil de ceux qui font
dans l'opulence , elle fait refpecter le miférable.
L'humilité du maintien , la modeftie
, la timidité du langage donneroient
trop d'avantage à ceux qui ne font que
riches ; car enfin celui qui rampe , court
les rifques d'être écrasé.
Et vous êtes , reprit Rofalie , dans l'appréhenfion
que je ne me prévale des aveux
que vous m'avez fait : oui , dans mon dépit
vous me faites imaginer des fouhaits
extravagants je l'efpere au moins , votre
mauvaife fortune me vengera , vos parens
font de monftres ... que je ferois contente
s'ils vous rebutoient au point que vous
fuffiez forcé d'avoir recours à cette Rofalie
que vous dédaignez , puifque vous ne
la croyez point capable de vous obliger
dans le fecret de fa confcience.
Sur le point de quitter Paris je voulois
en fortir en faifant une action qui pût.
tranquilifer mes remors , & m'ouvrir la
route des vértus que je me propofe ; le hazard
, ou pour mieux dire , le ciel permet
que je falfe votre connoiffance ; je
crois que vous m'êtes adreffé pour vous ,
être fecourable , & je ne trouve en vous
que la fierté la plus inflexible . Hé bien ,
n'y fongeons plus . Cependant puis- je vous
demander fi vous envifagez quelques refA
OU ST. 1755. 21
fources plus fateufes que celles que vous
pourriez efperer de votre famille ?
Aucune , répondit Terlieu , j'ai bien
quelques amis ; mais comme je ne les
tiens que du plaifir , je n'y compte point.
Quoi ! reprit Rofalie , le néceffaire eft
prêt de vous manquer ,
& vous vous
amufez à folliciter des parens : c'est bien
mal à propos que l'on prétend que la néceffité
eft ingénieufe ! N'auriez - vous de
l'efprit que pour refléchir fur vos peines ?
que pour en méditer l'amertume ? Allez
Monfieur , allez faire un tour de promenade
: rêvez , imaginez , faites même ce
qu'on appelle des châteaux en Eſpagne ; il
eft quelquefois des illufions que la fortune
fe plaît à réalifer : il eft vrai qu'elles fe
réduifent prefque toujours à des chimeres ,
mais elles exercent l'efprit , elles amufent
l'imagination , elles bercent les chagrins ,
& c'eft autant de gagné fur les réflexions
affligeantes. Je vais de mon côté me donner
la torture : heureufe fi je fuis affez ingénieufe
pour trouver quelque expédient
qui puiffe adoucir vos peines , & contenter
l'envie extrême que j'ai de contribuer
à votre bonheur !
Terlieu fe leva pour fortir , & Roſalie
en le reconduifant le pria de venir manger
le foir un poulet avec elle , afin de
22 MERCURE DE FRANCE.
raifonner , & de concerter enfemble ce
que leur auroit fuggeré leur imagination ;
mais pour être plus fûre de l'exactitude de
Terlicu au rendez - vous , elle lui gliffa
adroitement une bourfe dans fa poche.
Terlieu alla s'enfoncer dans l'allée la plus
folitaire du Luxembourg , il y rêva beaucoup
& très infructueufement.
Tous les hommes ne font point féconds
en reffources ; les plus fpirituels font ordinairement
ceux qui en trouvent le moins.
Les idées , à force de fe multiplier , fe confondent
; d'ailleurs on voit trouble dans
l'infortune .
Il n'eft que deux fortes d'induſtrie ; l'une
légitime , c'eft celle des bras , du travail ,
& le préjugé y a attaché une honte : Terlieu
étoit Gentilhomme , il n'a donc pû en
être exemt.
L'autre induftrie , nommée par dégradation
l'induſtrie par excellence , eft celle
qui s'affigne des revenus fur la fottife , la
facilité , les foibleffes & les paffions d'autrui
; mais comme elle eft incompatible
avec la probité , Terlieu en étoit incapable.
Il y avoit deux heures que cet infortuné
Gentilhomme tourmenté par fon inquiétude,
marchoit à grands pas en croyant
fe promener , lorfque fouillant fans deffein
dans fa poche , il y fentit une bourſe.
AOUST. 1755. 23
Cette découverte décida promptement fon
retour ; le moindre délai pouvoit , felon
lui , faire fuppofer de l'incertitude dans
fon procédé ; il craignoit qu'on ne le foup.
çonnâc même d'avoir combattu contre la
tentation.
Il arrive effoufflé , franchit rapidement
l'efcalier de Rofalie , il entre ; celle - ci qui
le voit hors d'haleine , ne lui donne pas le
tems de s'expliquer , & débute par une
queftion vague ; lui fans parler , jette la
bourfe fur une table ; Rofalie affecte une
furpriſe de fatisfaction , & lui fait compli
ment fur le bonheur qu'il a eu de trouver
un ami généreux . Terlieu protefte très -férieufement
qu'il n'a parlé à qui que ce
fort ; celle- ci infifte fur l'heureuſe rencontre
qu'il a faite , Terlieu fe fâche , il eft ,
dit-il , outragé , il jure qu'il ne reverra de
fa vie Rofalie , fi elle ne reprend un argent
qui lui appartient : Elle s'en défend ,
elle en nie la proprieté , elle ofe foutenir
qu'elle ne fçait ce qu'on veut lui dire ;
quelle rare effronterie ! elle eut peut - être
pouffé plus loin l'opiniâtreté , fi elle ne fe
fut avifée de rougir . Rofalie rougir . Quoi!
une fille qui a vécu dans le defordre fe
laiffe démentir par le coloris involontaire
de la franchife? Hé pourquoi non ! quand
le motif en eft fi beau . On rougit bien des
24 MERCURE DE FRANCE.
mage
premieres paroles d'obfcénité qu'on entend
, parce que le coeur eft neuf ; celui
de Rofalie reprend fa premiere pureté ,
elle a donc pu rougir d'un menfonge généreux
, & rendre en même tems cet homà
la vérité. La conviction étoit trop
claire pour que fon obftination put durer
plus long - temps ; elle reprit fa bourſe
avec un dépit fi brufque qu'elle lui échappa
des mains , & qu'elle alla frapper conire
une commode où elle s'ouvrit en répandant
fur le parquet une cinquantaine
de louis. Comme Terlieu fe mit en devoir
de les ramaffer , Rofalie lui dit d'un ton
ironique & piqué : Monfieur , ne prenez
point cette peine , je fuis bien aiſe de ſçavoir
fi le compte y eft : vous m'avez pouffée
à bout par votre peu de confiance en
moi , il eft jufte qu'à mon tour j'en manque
à votre égard .
Je fais trop de cas de cette colere
pour
m'en offenfer , reprit Terlieu , le fond
m'en paroît trop refpectacle
. Puis- je , con- tinua - t-il , fans vous irriter , vous avertir
que j'apperçois
dans ce coin quelques
louis qui ont échappé
à vos recherches
? Puis- je , répliqua
Rofalie fur le même
ton , fans vous irriter , vous annoncer
que
vous êtes des mortels le plus bizarre & le
plus haïffable
? Refferrerai
-je , continua-telle
A O UST. 1755. 25
elle d'une voix modefte & attendrie l'ar-:
gent de cet ami du Luxembourg. Oui ,
Mademoiselle , répondit Terlieu d'un ton
ferme , je vous prie de le lui rendre , & de
le remercier de ma part.
la
Ils alloient continuer ces débats de générofité
mutuelle , lorqu'on vint avertir
que le fouper étoit fervi ; au moins , Monfieur
, dit Rofalie , vous me ferez peut -être
grace de me tenir campagnie très-volontiers
, répondit Terlieu , il y a trop à
gagner pour moi , & voilà le feul cas où
il peut m'être permis de vous montrer que
j'entends mes intérêts ; bien entendu cependant
que vous aurez moins d'humeur.
Je m'y engage , reprit- elle , pourvû que je
puiffe vous gronder , fi vous ne penfez pas
à ma fantaifie. Allons promptement manger
un morceau , je fuis fort impatiente
d'apprendre à quoi auront abouti les rêveries
de votre promenade . Vous parlerez
le premier , après quoi je vous ferai part
de mes idées , & nous verrons qui de nous
deux aura faifi le meilleur expédient.
Pendant le tems qu'ils furent à table ;
Rofalie déploya toutes les graces de fon
efprit pour égayer Terlicu , mais avec la
délicateffe dont on doit uſer avec un coeur
fermé à la joie , & avec cette circonfpection
qui met en défaut la malignité atten-
B
26- MERCURE DE FRANCE.
tive des domeftiques. Le deffert fervi elle
les renvoya en leur ordonnant de ne point
entrer qu'elle n'eut fonné. Ils eurent beau
raifonner entr'eux ; l'extérieur de Terlieu ,
l'accablement où ils le voyoient , & plus
que cela encore , la médiocrité très - négligée
de fon ajuftement dérouterent leurs.
conjectures.
Monfieur , dit alors Rofalie en reprenant
la parole , nota voilà feuls , perfonne
ne peut nous entendre ; faites- moi.
part , je vous prie , de ce que vous avez,
imaginé. Je ſerai bien charmée ſi vous me
mettez dans le cas de vous applaudir , plus
encore fi je puis ajouter quelques réflexions
utiles à vos projets .... parlez donc.
grace.q
de
Hé ! que puis- je vous dire , répondit-il ,
finon que dans l'état où je fuis il ne m'eft
pas poffible de penfer. J'ai eu beau creufer
ma tête , il n'en eft rien forti qui ne fut dé
raifonnable , extravagant , au-deffous du
fens commun. Jugez , Mademoiſelle , de
la mifere d'un efprit retréci par
l'infortu
ne ; il n'a pu me procurer que la reffource
de m'expatrier en entrant au fervice de la
Compagnie des Indes : qu'en penfez- vous ?>
ce parti vous paroît- il fi ridicule ?
Non , Monfieur , reprit- elle , je yous y
exhorterai même , dès que vous m'aurez
L
A OUST. 1755. 27
promis de mettre eu ufage l'expédient que
je vais vous donner : écoutez -moi attentivement
, ne m'interrompez pas , & furtout
point de faillie d'orgueil. Votre famille
, je le fçais , jouit de toutes les diftinctions
que donne l'opulence , & qu'on
accorde à celles qui ont bien mérité du
Prince & de la patrie. Je conçois qu'elle
pourra vous refufer de nouveau les fecours
que vous êtes en droit d'en exiger , mais
je ne puis penfer qu'elle fouffrit que vous
vous deshonorafliez . C'eft fur cette délicateffe
que j'établis l'efpoir dont je me flate
pour vous , & j'ofe croire que vous arracherez
de la vanité de vos parens ce que
vos inftances ne pourroient obtenir de
leur bienveillance . Dès demain , Monfieur ,
retournez les voir ; qu'ils lifent fur votre
front ce que la douleur a de plus attendriffant
: priez , preffez , humiliez - vous
même , & ne rougiffez point d'employer
les expreffions les plus foumifes. Si vous
ne les touchez point , s'ils font impitoyables
, ofez leur dire , avec la fureur dans
les yeux , que vous allez prendre un parti
fi indigne du nom qu'ils portent , que l'opprobre
en rejaillira fur eux . Oui, Monfieur,
menacez-les....Non , je crois vous connoître
, vous n'en aurez jamais la force . Par
grace , M. de Terlieu , prenez fur vous
Bij
28. MERCURE DE FRANCE.
de proférer des paroles feules capables
d'effrayer vos parens , & d'intéreffer en
votre faveur , je ne dis pas leur fenfibilité ,
mais au moins leur orgueil.
Qu'allez -vous me propofer , répliqua
Terlieu avec agitation ? vous me faites
frémir.
Ne craignez rien , répondit Rofalie , ce
n'eft qu'une menace dont le but eſt d'allarmer
des gens qui n'auroient point encore
renoncé à l'honneur , qui conféquemment
peut faire un grand effet , mais dont
je ferai toujours bien loin de vous confeiller
, ni même d'en fouffrir l'exécution. Baiffez
les yeux , ne me regardez point de grace;
je ne pourrois mettre au jour mon idée
fi vous me fixiez . Dès que vous aurez épuifé
tout ce que l'éloquence du befoin a de plus
pathétique ; dès que vous aurez déſeſpéré
d'émouvoir vos indignes parens , ofez leur
dire que leur barbarie vous détermine à
profiter de la fenfibilité d'une fille qui a
vécu dans le défordre , que Rofalie plus
généreuse qu'eux , ne peut fouffrir qu'an
homme comme vous paffe fes jours dans
la mifere , que Rofalie , .. hélas ! elle n'eft
que trop connue , que Rofalie vous offre
de partager fa fortune , & que vous êtes
prêt de contracter avec elle un mariage......
Je n'acheve point ; ce fera à vous , MonAOUST.
1755. 29
fieur , à finir le tableau , & à y mettre une
expreffion , & des couleurs dignes du fujet.
Terlieu alors leva les yeux , & Rofalie y
vit un trouble , & quelques larmes qu'elle
ne fit as femblant d'appercevoir. Qu'avez-
vous ? continua-t- elle , vos regards
m'inqui tent , & je crains fort que l'expédient
que je viens de vous propofer ne
vous révolte ; mais enfin , s'il réuffiffoit
m'en fçauriez-vous mauvais gré ? que rifquez-
vous d'en hafarder l'épreuve ?
Un malheur nouveau qui acheveroit de
m'accabler , s'écria Terlieu , mes cruels
parens ne manqueroient point d'attenter à
votre liberté , & je ferois la caufe & le prétexte
d'une barbarie.
Hé ! Monfieur , reprit elle , courons - en
les rifques , fi cette violence peut rendre
votre fort plus heureux. La perte de la
liberté n'eft point un fi grand mal pour quiconque
eft déterminé à renoncer au monde.
D'ailleurs il fuffira à ma juftification ,
& à la vôtre que l'on fçache que ce n'étoit
qu'une rufe imaginée pour amener vos
parens à la néceffité de vous rendre fervice ;
& comme il fera de l'intérêt de votre honneur
de défavouer un bruit auffi ridicule ,
l'amour qu'on vous connoît pour la vérité ,
ne laiffera aucun doute & nous nous
trouverons juſtifiés tous les deux .
,
B iij
30 MERCURE DE FRANCE.
Ah Rofalie , Rofalie ! répliqua Terlieu ,
en foupirant , terminons un entretien dont
les fuites deviendroient trop à craindre
pour moi. Je vous quitte pénétré d'admiration
, & peut-être d'un fentiment encore
plus intéreffant. Oui , je ferai ufage de vos
confeils ; je verrai demain ma famille .....
Mais hélas ! je ne fçai fi vous ne me faites
point defirer d'être rebuté de nouveau . Je
ne puis dire ce que mon coeur reffent , mais
il vous refpecte déja , & vraisemblablement
il ne fe refufera pas long-temps à ce
que la tendreffe a de plus féduifant.
Monfieur , reprit Rofalie , allez vous
repofer , vous avez befoin de rafraîchir
votre fang ; vous venez de me prouver
qu'il eft un peu échauffé. Je préfume que
le fommeil vous rendra votre raison , &
qu'à votre reveil , où vous rirez , où vous
rougirez du petit délire de la veille.
Fort bien , répliqua Terlieu en fouriant,
voilà un agrément de plus dans votre ef
prit , & vous entendez fupérieurement la
raillerie . Oui , Rofalie , je vais me retirer ,
mais avec la certitude de ne point dormir ,
& comptez que fi le fommeil me furprend,
mon imagination , ou pour mieux dice ,
mon coeur ne fera occupé que de vous.
Terlieu tint parole , il ne ferma point
l'oeil de la nuit , & cependant il ne la trouA
O UST. 1755: 31
va pas longue. Le jour venu , il fut incertain
s'il iroit de nouveau importuner fa
famille , ou s'il fuivroit le penchant d'une
paffion que le mérite de Rofalie avoit fait
naître en fon coeur , & que les réflexions
ou peut-être les illufions de la nuit avoient
fortifiée. Après avoir combattu quelque
tems entre ces deux partis , le foin de fa
réputation l'emporta fur un amour que fa
raifon plus tranquille lui repréfentoit malgré
lui fous un point de vûe un peu déshonorant
. Quelle fituation ? l'amour , la pauvreté
, defirer d'être aimé , d'être heureux ,
& n'ofer fe livrer à des penchans fi naturels
! Partez Terlieu , vous avez promis ,
& votre honneur exige que vous faffiez du
moins encore une démarche avant de fonger
au coeur de Rofalie.
La fortune ne le fervit jamais mieux
qu'en lui faiſant effuyer des dédains nouveaux
de la part de fa famille. Les prieres ,
les inftances , les fupplications qu'il eut le
courage d'employer , ne lui attirerent que
des rebuts , que des outrages. Ses parens imputerent
à fa baffefle les larmes qu'il verfa.
Outré , défefpéré , il mit en oeuvre fa derniere
reffource ; il leur peignit avec les
couleurs les plus effrayantes l'alliance dont
il les menaça de fouiller leur nom ; ce tableau
ne fit qu'ajouter au mépris dont ils
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
l'accablerent , & l'un d'eux en parlant au
nom de tous , & fans en être défavoué
par
un feul , eut la lâcheté de lui dire : hé >
Monfieur , concluez ; que nous importe la
femme que vous prendrez , pourvu qu'elle
nous débarraffe de votre vûe , & de vos
importunités. Au refte , nous vous défavouons
dès ce jour pour parent , & fi vous
avez le front d'ofer dire que vous nous appartenez
, nous fçaurons réprimer votre
infolence.
Et moi , Meffieurs , répliqua fierement
Terlieu , je le publierai partout , non pas
que je tienne à honneur d'être votre plus
proche parent , mais afin que perfonne n'ignore
que vous êtes plus indignes que moimême
du fang qui coule dans nos veines ,
& que fi je fuis réduit à le deshonorer , ce
font vos duretés qui m'y ont forcé. Adieu ,
Meffieurs , & pour toujours.
Terlieu courut promtement répandre
dans le fein de la généreufe Rofalie les
horreurs qu'il venoit d'entendre. C'en eft
fait , s'écria-t-il en entrant , je n'ai que
vous au monde , vous me tenez lieu d'amis
, de parens , de famille. Oui , Roſalie,
continua-t-il , en tombant à fes genoux ,
c'eft à vous feule que je veux appartenir ,
de vous feule je veux dépendre , & votre
coeur eft le feul bien que j'ambitionne.
AOUST. 1755. 33
Soyez , je vous conjure , magnanime au
point de croire que ce n'eſt pas l'extrémité
où je me trouve , qui me fait deficer le
bonheur de vous plaire : comptez qu'un motifauffi
bas eft trop au deffous de ce que vous
m'infpirez , & d'un coeur comme le mien.
Eh , vous ne méritez point que je vous
écoute , lui répondit , Rofalie , fi vous me
croyez capable d'un tel foupçon. Levezvous
, Monfieur , on pourroit vous furprendre
dans une attitude qu'il ne me convient
plus de fouffrir , on croiroit que je
la tolere , & elle feroit douter de la fincérité
du parti que j'ai pris de renoncer à mes
égaremens ..... Je voudrois , repliqua Terlieu
en l'interrompant , avoir mille témoins
de l'hommage que je vous rends , & je fuis
fûr qu'il n'en feroit pas un qui n'y applaudit
, fi je l'inſtruifois de la force des raifons
qui me l'arrachent , & des vertus que
j'honore en vous.
J'avois efpéré , reprit elle , que le fommeil
auroit diffipé le vertige qui vous trou
bloit hier au foir. Je fuis fâchée , & prefque
irritée que ce mal vous tourmente encore.
Par grace , daignez en guérir . Il feroit
honteux que vous n'en euffiez point le
courage. Oui , Monfieur , j'afpire à votre
eftime , & non pas à votre coeur , & je ne
pourrois me difpenfer de renoncer à l'une
Bv
34 MERCURE DE FRANCE .
fi vous vous obſtiniez à m'offrir l'autre.
Et moi , répondit tendrement Terlieu ,
je veux les acquérir toutes deux. Ne féparons
point deux fentimens qui ne peuvent
fubfifter l'un fans l'autre : leur réunion fera
votre bonheur & le mien. Ah , Roſalie
nous fommes dignes de le goûter long - tems,
fi nous fommes capables de les concilier.
Belles fpéculations , repliqua t- elle , qui
prouvent bien que vous m'aimez , mais qui
ne me raffurent point fur la crainte de l'avenir
! Je le dis fans rougir , j'ai entendu
tant de fois de ces propos , tant de femmes
en ont été les victimes qu'il eft téméraire
d'y ajouter foi . Dans l'emportement de la
paffion , les promeffes ne coutent rien , on
ne croit pas même pouvoir y manquer ; &
puifque les mépris , les dégouts fe font !
fentir dans les mariages affortis par l'égalité
des conditions , & par la pureté reciproque
des moeurs , que ne dois-je point
redouter de l'union que vous me propofez?
vous en rougiriez bientôt vous -même , la
haine fuccéderoit au repentir , & je tarde-
Bois peu à fuccomber fous le poids de l'honneur
que vous m'auriez fait . Croyez- moi ,
Monfieur , ne nous expofons point à des
peines inévitables . Qu'il nous fuffife que
l'on fçache que Terlieu pénétré de reconnoiffance
pour Rofalie lui a offert une
AOUST. 1755 35
main qu'elle a eu le refpect de ne point accepter.
Un trait de cette nature nous fera
bien plus glorieux qu'une témérité qui
peut
faire mon malheur en vous couvrant
de honte. Que mon refus , je vous prie ;
ne vous afflige point. Laiffez- moi jouir
d'une fenfibilité plus noble mille fois que
le retour que vous pourriez efpérer de la
foibleffe de mon coeur. Souffrez que je
m'en tienne au bonheur de vous obliger ,
& comptez qu'il me fera bien plus doux
de le faire par fentiment que par devoir.
Non , Rofalie , reprit Terlieu , votre
refus entraîne néceffairement le mien. Le
titre d'époux peut feul me faire accepter
vos bontés. Vos craintes fur l'avenir m'ou '
tragent ! Ah ! bien loin de m'aimer , vous
ne m'eftimez pas , la pitié eſt le feul fentiment
qui vous parle en ma faveur. Adieu ,
je vous quitte plus malheureux encore que
lorfque j'ai commencé à vous connoître ;
j'avois un défefpoir de moins dans le coeur.
Terlieu fe leva en fixant tendrement
Rofalie , fit un foupir en couvrant fon viſage
avec fes mains , & alla fe jetter dans fa
petite chambre. Il n'y fut pas long tems
Rofalie le coeur ferré de la douleur la plus
vive , fonna pour avoir du fecours. Elle
en avoit un befoin réel. Sa femme de
chambre la trouva dans un étouffement
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
affreux & fans connoiffance. Elle donna
un peu de jour à fa refpiration , elle la traîna
de fon mieux fur une ducheffe , & après
l'avoir queftionnée à plufieurs repriſes ,
elle n'en put tirer que ces paroles : ah Terlieu
, Terlieu ! cette exclamation , quoique
inconcevable pour elle , la détermina à
l'aller prier de venir voir Rofalie . Ilentre ,
la trouve pâle , les yeux éteints , & preſque
auffi foible qu'elle , il tombe à fes genoux ,
il prend une de ſes mains qu'il baigne de
fes larmes : elle entr'ouvre un oeil languiffant
, & d'une voix qui expiroit fur fes lévres
, voilà , dit- elle , l'état où me réduifent
la dureté de vos refus , & les aveux
d'une paffion qu'il eft honteux pour vous
de reffentir. Monfieur , continua t- elle ,
ne me voyez plus , & fi vous prenez quelque
intérêt à mon repos , à ma fanté , ne
ne vous obftinez plus à me refufer la fatisfaction
fecrette que j'exige de vous. Dans
huit jours je ne ferai plus à Paris , & puifqu'il
eft indifpenfable que nous nous féparions
, laiffez - moi acquérir le droit de m'informer
de l'état de vos affaires , laiffez- moi
enfin acheter l'honneur d'être dans votre
fouvenir.
Si l'état où je vous vois , repliqua Terlieu
, m'accabloit moins , je vous le dis ,
Rofalie , je ne pourrois peut- être me conAOUST
. 1755 37
tenir. Quoi , vous avez la cruauté de m'annoncer
qu'il faut que je renonce au ſeul
bien qui me refte ? dans huit jours je ne
vous verrai plus ! non , il n'eft pas poffible
que je ceffe de vous voir : quelque retraite
que vous choififfiez , je fçaurai vous y découvrir
; je fçaurai y porter un amour que
vous vous lafferez peutêtre de rebuter. La
voilà , dirai-je , cette Rofalie , cet affemblage
refpectable , de grandeur , de foibleffe
! Hélas , elle ne m'a pas jugé digne
de l'accompagner , & de la guider dans le
fentier de la vertu , elle ne m'a pas jugé
digne de vivre heureuſement & vertueufement
avec elle . Me fera-t-il permis au
moins , continua- t- il , d'un ton paffionné ,
& en reprenant une main qu'on n'eut pas
la force de retirer , de jouir pendant le peu
de temps que vous refterez à Paris , du
bonheur de vous voir ce fera , n'en doutez
point , les feuls beaux jours de ma vie.
Il ne tiendroit qu'à vous d'en prolonger le
cours & la félicité ; mais vous l'avez déci
dé , & vous voulez que je vive éternellement
malheureux .
Retirez- vous , dir Rofalie à fa femme
de chambre , je me fens mieux , & foyez
difcrette , je vous prie. Comment , Monfieur
, continua- t - elle , vous voulez tout
obtenir , & vous n'accordez rien ? oui ,
vous ferez le maître de me voir , & vous
8 MERCURE DE FRANCE.
fçaurez le nom du lieu où je vais fixer mom
féjour , mais c'eſt à une condition ; & s'il
eft vrai que vous m'aimiez , je veux me
prévaloir de l'afcendant qu'une maitreſſe
eft en droit de prendre fur fon amant . Vous
allez me traiter de bizarre , d'opiniâtre :
hé , dites- moi , Monfieur , qui de nous
deux l'eft d'avantage ? je fuis laffe de prier,
il est temps que je commande. Ceton ,
vous paroît fingulier ; je conviens qu'il
tient un peu du dépit je l'avoue , ceci
commence à me fatiguer , à me tourmenter.
Finiffons par un mot fans replique. Voilà.
ma bourfe ; ce qu'il vous plaira d'y prendre
déterminera en proportion la confiance
que vous voulez que j'aye en vous , l'eftime
que je dois faire de votre perfonne ,
& le dégré de votre amour pour moi.
Hé , je la prens toute entiere , s'écria
Terlieu en la faififfant des deux mains .
Et moi , reprit Rofalie , je vous embraffe.
Oui , mon cher Terlieu , vous m'aimez
, j'ai triomphé de votre orgueil. Ne
prenez point cette faillie pour un emportement
de tendreffe , elle eft née dans la:
joie involontaire de mon ame , & non pas
dans les tranfports d'une paffion infenfée .
Terlieu fe retira , le coeur trafporté de
joie , & de la plus flatteufe efpérance , &
Rofalie charmée d'être parvenue à contenter
fon inclination bienfaifante , s'occupa
A OUST . 1755.
39
une partie de la nuit du deffein de fa re
traite , & des mefures néceffaires à fon
départ. Le lendemain elle fortit fur les
neuf heures du matin pour aller conclure
l'acquifition d'une terre . Elle dîna , & ſoupa
avec Terlieu , elle affecta pendant toute
la journée une fatisfaction & une gaieté qui
ne laifferent à fon amant aucun foupçon
du deffein qu'elle avoit pris de partir à la
pointe du jour. Quelle accablante nouvelle
pour Terlieu , lorfqu'il apprit le départ de
Rofalie ! Il faut avoir aimé pour bien fentir
l'état d'un coeur qui eft privé de l'objet
qu'il adore. Tous les maux raffemblés ne
font rien en comparaifon. C'eft la fecouffe
la plus violente que l'ame puiffe recevoir
& c'eft la dernière épreuve de la fermeté
humaine. Terlieu abbattu & prefque ftupide
, alloit fuccomber fous le poids de fa
douleur , lorfqu'il lui fut remis un billet
de la part de Rofalie. Hélas , il ne fit qu'ajouter
à fes tourmens . Il l'ouvre en frémiffant
, & lit , .....
*
Monfieur , renfermons- nous , je vous
prie , dans les bornes d'une pure amitié.
»J'ai dû fuir , & c'eft l'eftime que je vous
dois qui a précipité mon départ . Vous
» me ferez toujours cher , vous recevrez
» de mes nouvelles ; je ne fuis point faite
»pour oublier un homme de votre mérite ..
» Encore une fois tenons- nous- en aux en40
MERCURE DE FRANCE.
" gagemens de la plus inviolable amitié
" c'eft le feul fentiment qui puiffe nous
» convenir , & c'eft celui qui me fait pren-
» dre la qualité de votre meilleure amie.
Rofalie .
Ah cruelle , s'écria Terlieu ! vous fuyez,
vous m'abandonnez ! & vous ne me laiffez
pour reffource que les offres d'une froide
& triſte amitié ! non , Rofalie , elle ne
peut fuffire à mon coeur. Mais que dis je
hélas ! vous ne m'aimez point . Cette tranquillité
, cette joie dont vous jouiffiez hier
à mes yeux , ne me prouvent que trop que
je vous fuis indifférent. Que j'étois crédule!
que j'étois aveugle de les interpréter en ma
faveur ! Amant trop préfomptueux , je les
ai prifes pour des marques de la fatisfaction
que vous reffentiez d'être fûre de mon
coeur. Quel étrange compofé que votre caractere
! vous avez l'ame généreufe , noble;
des vertus réelles me forcent à vous admirer
, je ne puis réfifter à l'impreffion qu'elles
font fur moi , elles y font naître la paffion
la plus tendre , la plus refpectable , je
crois recevoir des mains de votre amour
les bienfaits dont vous me comblez , &
vous partez ! j'ignore où vous êtes ! Dieu !
fe peut - il qu'un coeur qui. m'a paru auffi
franc , auffi fincere , ait pu être capable
d'une diffimulation auſſi réfléchie , auffi
A OUST . 1755. 41
perfide. Vous partez ! ..... & vous ne me
laiſſez que le repentir , & la honte d'avoir
fuccombé aux inftances de votre indigne
générofité. Oui , je fçaurai vous découvrir,
je fçaurai répandre à vos pieds ce que contient
cette bourfe infultante , .... je fçaurai
mourir à vos yeux.
Il s'habille à la hâte , il alloit fortir lorf
qu'on vint frapper à fa porte. Il ouvre , il
voit un homme qui lui demande s'il n'a
pas l'honneur de parler à M. de Terlieu .
C'est moi -même , répondit- il fechement
mais pardon , Monfieur , je n'ai pas le
temps de vous entendre. Monfieur , repliqua
l'inconnu , je ne vous importunerai
pas longtems , je n'ai befoin que de votre
fignature , vous avez acquis une terre , en
voici le contrat de vente , & il eft néceffaire
que votre nom figné devant moi , en conftate
la validité. Que voulez - vous dire ,
reprit Terlieu ? ou vous êtes fou , ou je
rêve. Monfieur , dit l'inconnu , je fuis
Notaire ; il n'y a guerres de fous dans ma
profeffion. Je vous protefte que vous êtes
trés-éveillé , & qu'un acte de ma façon n'a
point du tout l'air d'un rêve. Ah , Rofalie,
s'écria Terlieu ! C'eft elle-même , reprit le
Notaire. Voici une plume , fignez . Non ,
Monfieur , répondit Terlieu , je ne puis
m'y réfoudre , remportez votre acte , &
dites-moi feulement où eft fituée cette terre.
42 MERCURE DE FRANCE.
C'eft préciſement , répliqua le Notaire , ce
qui m'eft défendu , & vous ne pourrez en
être inftruit qu'après avoir figné. Allons
donc , reprit Terlieu en verfant un torrent
de larmes , donnez cette plume . Voilà qui
eft à merveille , dit le Notaire , & voici
une expédition de l'acte. Vous pouvez
aller prendre poffeffion quand vous le
jugerez à propos. Adieu , Monfieur , je
vous fouhaite un bon voyage ; faites , je
vous prie , mes complimens à l'inimitable
Rofalie. Ah , Monfieur , reprit Terlieu en
le reconduifant , elle ne tardera gueres à
les recevoir.
Son premier foin fut de chercher dans
l'acte qui venoit de lui être remis le nom
de la province , & du lieu dont Rofalie
avoit pris le chemin ; il alla tour de fuite
prendre des chevaux de pofte. Qu'ils alloient
lentement felon lui ! après avoir
couru , fans prendre aucun repos pendant
trente- fix heures , il arriva prefqu'en même
temps que Rofalie. Quoi , c'est vous ? lui
dit-elle en fouriant , que venez -vous faire
ici ? vous rendre hommage de ma terre ,
répondit- il , en lui baifant la main , en
prendre poffeffion , & époufer mon amie.
Je ne vous attendois pas fitôt , reprit- elle ,
& j'efpérois que vous me laifferiez le temps
de rendre ce féjour plus digne de vous recevoir.
Hé , que lui manque-t-il pour me
A OUST. 43 1755 .
plaire , pour m'y fixer , repliqua- t- il , vous
y êtes , je n'y vois , & je n'y verrai jamais
que ma chere Rofalie . J'ai de l'inclination
à vous croire , lui dit-elle , en le regardant
tendrement , & mon coeur , je le fens , auroit
de la peine à fe refufer à ce que vous
lui infpirez ; il eft prêt à fe rendre à vos
defirs . Mais encore une fois , mon cher
Terlieu , interrogez le vôtre , ou pour
mieux dire , écoutez les confeils de votre
raifon. Nepouvons- nous vivre fous les loix
de l'amitié? & ne craignez- vous point que
celles de l'hymen n'en troublent la pureté ,
n'en appéfantiffent le joug ? Et cette terre ,
repliqua- t-il , peut- elle m'appartenir , fi je
n'acquiers votre main ? D'ailleurs , y fongez-
vous , Rofalie ? je vivrois avec vous ,
& je n'aurois d'autre titre pour jouir de ce
bonheur que celui de l'amitié ? Penſezvous
que la médifance nous épargnât en
vain nous vivrions dans l'innocence , la
calomnie , cette ennemie irréconciliable
des moeurs les plus chaftes , ne tarderoit
pas à fouiller la pureté de notre amitié
& elle y fuppoferoit des liens qui nous
deshonoreroient. Mais enfin , reprit Rofalie
, à quels propos , à quelles indignes
conjectures ne vous expofez- vous point ?
on dira que Terlieu n'ayant pû foutenir le
poids de fon infortune , a mieux aimé re
44 MERCURE DE FRANCE .
chercher la main de Rofalie que de lan
guir dans une honorable pauvreté. Vains
difcours , s'écria Terlieu , qui ne peuvent
m'allarmer ! venez , répondrai - je , à la malignité
, à l'orgueil ; venez , fi vous êtes
capables d'une légitime admiration , reconnoître
en Rofalie un coeur plus noble , une
ame plus pure que les vôtres . Vous n'avez
que l'écorce des vertus , ou vous ne les pratiquez
que par oftentation , & Rofalie en
avouant fes égaremens a la force d'y renoncer
, & les épure par le repentir , par
la bienfaifance. Apprenez vils efclaves de
la vanité que la plus fage des bienséances
eft de s'unir avec un coeur qu'on eſt fûr
d'eftimer , & que le lien d'une reconnoiffance
mutuelle eft le feul qui puiffe éternifer
l'amour. Je ne réfifte plus , reprit Rofalie
, je me rends à la jufteffe de vos raifons
, & plus encore à la confiance que la
bonté , que la nobleffe de votre coeur ne
ceffent de répandre dans le mien : le don
que je vous ferai de ma main n'approchera
jamais du retour que j'en efpere .
Terlieu & Rofalie allerent fe jurer une
fidélité inviolable aux pieds des autels , où
au défaut de parens , tous les pauvres des
environs leur fervirent de témoins , de famille
, & en quelque façon de convives ,
puifqu'ils partagerent la joie des deux
A OUST. 1755 45
époux à une table abondante qui leur fut
fervie. Terlieu & Rofalie goûtent depuis
long- temps les délices d'une flâme fincere.
Leur maison eft le féjour des vertus . Ils en
font les modeles. On les cite avec éloge ,
on les montre avec admiration , on fe fait
honneur de les voir , on les écoute avec
reſpect , & , comme partout ailleurs , pref
que perfonne n'a le courage de les imiter.
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Résumé : ROSALIE. Histoire véritable, par M. Y....
Le texte raconte l'histoire de Rosalie, une femme aux mœurs déréglées mais admirant la vertu. Ses yeux francs révèlent sa franchise, bien qu'elle soit coquette. Fidèle à ses engagements, elle est plus sensible à la reconnaissance qu'à l'amour. Solitaire et laborieuse, elle aspire à une conduite raisonnable et médite une retraite pour échapper à la honte de sa vie passée. Rosalie observe Terlieu, un jeune gentilhomme vivant dans la pauvreté et la tristesse. Touchée par sa misère, elle l'invite à dîner et apprend qu'il est noble mais réformé, refusant des emplois humiliants pour subvenir à ses besoins. Terlieu avoue son désespoir face à l'ingratitude de sa famille, qui le méprise malgré ses efforts pour conserver son honneur. Rosalie décide de l'aider secrètement et l'invite à dîner en présence de son amie Orphise. Après le départ d'Orphise, Rosalie exprime à Terlieu sa volonté de l'aider, espérant prouver sa propre vertu retrouvée. Terlieu, par orgueil, refuse son aide, mais Rosalie lui offre discrètement une bourse d'argent. Une dispute s'ensuit, mais Rosalie finit par admettre avoir donné l'argent. Terlieu insiste pour rendre la bourse, mais ils décident de partager un repas pour discuter de solutions. Terlieu propose de s'expatrier en entrant au service de la Compagnie des Indes. Rosalie l'encourage à demander de l'aide à sa famille en jouant sur leur orgueil et leur honneur. Plus tard, Rosalie suggère à Terlieu de contracter un mariage pour partager sa fortune, mais Terlieu exprime ses craintes concernant la réaction de sa famille. Rosalie le rassure en proposant une ruse pour justifier leur union. Terlieu, troublé, quitte Rosalie en exprimant son admiration et son affection croissante. Il passe une nuit sans sommeil, hésitant entre sa passion pour Rosalie et la nécessité de préserver son honneur. Le lendemain, il tente de convaincre sa famille, mais se heurte à leur mépris et à leur refus. Désespéré, il retourne voir Rosalie, lui avouant son amour et son désir de dépendre uniquement d'elle. Rosalie, bien que touchée, exprime ses doutes sur la durabilité de leur amour et les risques associés à leur union. Elle refuse sa proposition, préférant préserver leur honneur. Terlieu, désespéré, se retire dans sa chambre. Rosalie, affaiblie par l'émotion, est secourue par sa femme de chambre. Terlieu revient auprès de Rosalie, qui lui annonce son départ imminent de Paris. Après une discussion intense, Rosalie accepte finalement l'amour de Terlieu, triomphant de son orgueil. Terlieu quitte Rosalie, le cœur rempli de joie et d'espoir. Rosalie, après une journée avec Terlieu en feignant la gaieté, quitte ce dernier à l'aube sans révéler ses intentions. Terlieu, désemparé, reçoit une lettre de Rosalie où elle lui demande de se contenter d'une amitié pure. Terlieu, désespéré, est ensuite interrompu par un notaire qui lui présente un contrat de vente d'une terre acquise par Rosalie. Terlieu, après avoir signé le contrat, part à la recherche de Rosalie et la retrouve. Rosalie tente de maintenir leur relation dans le cadre de l'amitié, mais Terlieu insiste sur l'importance de légitimer leur amour par le mariage pour éviter les médisances. Rosalie finit par accepter et ils se marient, entourés des pauvres des environs. Depuis lors, Terlieu et Rosalie vivent heureux et sont admirés pour leur vertu et leur amour sincère.
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8
p. 163-164
GRANDE BRETAGNE.
Début :
Il y a eu d'assez vifs débats dans les Conseils tenus [...]
Mots clefs :
Londres, Conseils, Officiers, Débarquement, Ministre, Dublin, Orage violent
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : GRANDE BRETAGNE.
GRANDE BRETAGNE.
DE LONDRES , le 26 Novembre.
Il y a eu d'affez vifs débats dans les Confeils
tenus à la Cour au fujet des Officiers de terre &
de mer qui étoient chargés de conduire l'expédi
tion faite en dernier lieu fur les côtes de France.
L'avis de plufieurs Membres a été qu'ils avoient
manqué à leur devoir. On leur reproche de
n'avoir pas d'abord attaqué le Fort de Fou-
Fas de n'avoir pas tenté le débarquement
du côté de Rochefort d'avoir eu entr'eux
de la méfintelligence , & de ne s'être point
accordés dans les Confeils qu'ils ont tenus fur la
flotte les 25 & 28 Septembre. On ne fçait point ce
qui fera décidé ; mais on croit que le Parlement
prendra connoiffance de cette affaire, Cet événe
見
164 MERCURE DE FRANCE.
1
ment , & ce qui fe paffe en Allemagne , femblent
annoncer un changement prochain dans le miniftere
& dans les armées .
Suivant les lettres de Dublin , il s'eft élevé dans
cette Ville , le 17 Novembre, à trois heures aprèsmidi
, un orage , accompagné de tonnerre , d'éclairs
& de grêle , d'une telle violence , que de mémoire
d'homme il ne s'y en eft point vu de femblable.
Une partie du clocher de l'Eglife de Chriſt a été
abattue par la foudre , & la chûte a fort endommagé
ce Temple.
DE LONDRES , le 26 Novembre.
Il y a eu d'affez vifs débats dans les Confeils
tenus à la Cour au fujet des Officiers de terre &
de mer qui étoient chargés de conduire l'expédi
tion faite en dernier lieu fur les côtes de France.
L'avis de plufieurs Membres a été qu'ils avoient
manqué à leur devoir. On leur reproche de
n'avoir pas d'abord attaqué le Fort de Fou-
Fas de n'avoir pas tenté le débarquement
du côté de Rochefort d'avoir eu entr'eux
de la méfintelligence , & de ne s'être point
accordés dans les Confeils qu'ils ont tenus fur la
flotte les 25 & 28 Septembre. On ne fçait point ce
qui fera décidé ; mais on croit que le Parlement
prendra connoiffance de cette affaire, Cet événe
見
164 MERCURE DE FRANCE.
1
ment , & ce qui fe paffe en Allemagne , femblent
annoncer un changement prochain dans le miniftere
& dans les armées .
Suivant les lettres de Dublin , il s'eft élevé dans
cette Ville , le 17 Novembre, à trois heures aprèsmidi
, un orage , accompagné de tonnerre , d'éclairs
& de grêle , d'une telle violence , que de mémoire
d'homme il ne s'y en eft point vu de femblable.
Une partie du clocher de l'Eglife de Chriſt a été
abattue par la foudre , & la chûte a fort endommagé
ce Temple.
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Résumé : GRANDE BRETAGNE.
Des débats intenses ont eu lieu au sein des conseils de la Cour britannique concernant les officiers impliqués dans une récente expédition sur les côtes de France. Ces officiers sont critiqués pour ne pas avoir pris d'assaut le Fort de Fouras et pour ne pas avoir tenté de débarquer près de Rochefort. Ils sont également accusés de méfiance mutuelle et de désaccord lors des réunions tenues sur la flotte les 25 et 28 septembre. La décision finale concernant cette affaire n'est pas encore connue, mais il est probable que le Parlement l'examine. Ces événements, ainsi que des développements en Allemagne, laissent présager des changements imminents dans le ministère et les armées. Par ailleurs, un violent orage à Dublin le 17 novembre a endommagé une partie du clocher de l'église Christ Church.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. *210-210
De Naples, le 20 Janvier.
Début :
On fait ici des préparatifs extraord. On recrute les vieilles Troupes, on forme de nouveaux [...]
Mots clefs :
Enrôlement, Préparatifs , Troupes, Milice, Armements, Artillerie, Munitions, Conseils
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texteReconnaissance textuelle : De Naples, le 20 Janvier.
De Naples, le 20 Janvier.
On fait ici des préparatifs extraord . On recrute
les vieilles Troupes , on forme de nouveaux Ré
gimens. Les Paylans des Frontieres du Royaume,
qui avoient coutume d'aller travailler l'hyver dans
l'Etat de l'Eglife , ont eu défenfe de s'abſenter.
On veut choilir parmi eux des hommes en état de
fervir , & en compofer un Corps de Milice. On
preffe l'Armement des Vaiffeaux & des Frégates.
On travaille à aſſembler une Artillerie formidable
; & on fait de grands amas de toutes eſpéces
de munitions de Guerre. Au milieu de ces mouvemens
, la Cour reçoit & dépêche des Couriers.
Les Confeils fe tiennent avec affiduité , & rien ne
tranfpire des réfolutions qu'on y a prifes.
On fait ici des préparatifs extraord . On recrute
les vieilles Troupes , on forme de nouveaux Ré
gimens. Les Paylans des Frontieres du Royaume,
qui avoient coutume d'aller travailler l'hyver dans
l'Etat de l'Eglife , ont eu défenfe de s'abſenter.
On veut choilir parmi eux des hommes en état de
fervir , & en compofer un Corps de Milice. On
preffe l'Armement des Vaiffeaux & des Frégates.
On travaille à aſſembler une Artillerie formidable
; & on fait de grands amas de toutes eſpéces
de munitions de Guerre. Au milieu de ces mouvemens
, la Cour reçoit & dépêche des Couriers.
Les Confeils fe tiennent avec affiduité , & rien ne
tranfpire des réfolutions qu'on y a prifes.
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Résumé : De Naples, le 20 Janvier.
À Naples, le 20 janvier, des préparatifs militaires sont en cours. Les troupes sont recrutées et de nouveaux régiments formés. Les paysans des frontières doivent rester pour constituer une milice. L'armement des vaisseaux et l'assemblage de l'artillerie sont accélérés. Des munitions sont stockées. La cour échange des courriers et tient des conseils secrets.
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10
p. 201-202
DE LONDRES, le 8 Avril.
Début :
Sa Majesté a créé le Prince Edouard, son Petit-fils, Duc d'Yorck [...]
Mots clefs :
Sa Majesté, Nominations, Conseils, Général York, Baron, Courrier, Pacification, Congrès
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texteReconnaissance textuelle : DE LONDRES, le 8 Avril.
De LONDRES , le 8 Avril,
Sa Majefté a créé leTrince Edouard , fon Petit-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
fils , Duc d'Yorck & d'Albany, & Comte d'Ulfter,
en Irlande.
Le Jugement du Lord Sackville n'eſt pas encore
porté.
Les confeils ont été fréquens à S. James , depuis
peu de jours.
Le du mois dernier , on reçut des dépêches
envoyées de la Haye, par le Général Yorck , &
d'autres adreliées au Baron de Kniphauſen , Miniftre
de Sa Majefté Pruffienne en cette Cour.
Elles occafionnerent un Confeil extraordinaire, à
l'iffue duquel il partit un Courier chargé de dépêches
pour la Haye & pour la Saxe . On croit
ces mouvemens relatifs à la grande affaire d'une
Pacification générale , qui paroît moins éloignée
depuis l'offre que les Etats- Généraux ont faite de
la Ville de Beda , pour y tenir un Congrès.
La plupart des troupes, pour l'Allemagne ,font
parties. On compte qu'avant la fin de ce mois ,
elles feront toutes rendues à leur deftination.
Le grand Armement qu'on prépare depuis
Longtemps , pour agir contre les côtes de France,
laille entrevoir aujourd hui une autre deſtination.
Sa Majefté a créé leTrince Edouard , fon Petit-
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
fils , Duc d'Yorck & d'Albany, & Comte d'Ulfter,
en Irlande.
Le Jugement du Lord Sackville n'eſt pas encore
porté.
Les confeils ont été fréquens à S. James , depuis
peu de jours.
Le du mois dernier , on reçut des dépêches
envoyées de la Haye, par le Général Yorck , &
d'autres adreliées au Baron de Kniphauſen , Miniftre
de Sa Majefté Pruffienne en cette Cour.
Elles occafionnerent un Confeil extraordinaire, à
l'iffue duquel il partit un Courier chargé de dépêches
pour la Haye & pour la Saxe . On croit
ces mouvemens relatifs à la grande affaire d'une
Pacification générale , qui paroît moins éloignée
depuis l'offre que les Etats- Généraux ont faite de
la Ville de Beda , pour y tenir un Congrès.
La plupart des troupes, pour l'Allemagne ,font
parties. On compte qu'avant la fin de ce mois ,
elles feront toutes rendues à leur deftination.
Le grand Armement qu'on prépare depuis
Longtemps , pour agir contre les côtes de France,
laille entrevoir aujourd hui une autre deſtination.
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Résumé : DE LONDRES, le 8 Avril.
Le 8 avril à Londres, Sa Majesté a créé le Prince Édouard, fils du Duc d'York et d'Albany, Comte d'Ulster en Irlande. Le jugement du Lord Sackville n'a pas encore été rendu. Des conseils fréquents ont eu lieu à Saint James récemment. Le 20 mars, des dépêches envoyées de La Haye par le Général Yorck au Baron de Kniphausen, ministre prussien, ont provoqué un conseil extraordinaire. Un courrier a été envoyé avec des dépêches pour La Haye et la Saxe, probablement en lien avec une pacification générale. Les États-Généraux ont proposé la ville de Breda pour y tenir un congrès. La plupart des troupes destinées à l'Allemagne sont déjà parties et devraient toutes arriver avant la fin du mois. L'armement préparé contre les côtes de France semble désormais destiné à une autre mission.
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11
p. 187-203
Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Début :
L'Opera que l'on représenta, est composé de trois Actes ; il est intitulé [...]
Mots clefs :
Opéra, Amour, Hymen, Dieux, Querelles, Humanité, Destin, Campagne, Mer, Nymphe, Conseils, Magnificence, Enchantements, Merveilles, Fête, Noblesse, Ministres étrangers, Comte, Dîner, Marquis, Cérémonie, Mariage, Escadrons, Église, Décorations, Cortège, Ornements, Argent, Or, Étoffes, Arcades, Nef, Lumières, Sanctuaire, Hallebardiers, Chevaux, Capitaine, Carosse, Anneaux, Salle, Repas, Plats, Palais, Union, Temple, Jardins, Colonnes, Pyramides, Beauté, Clémence, Fécondité, Douceur, Figures, Dignité, Intelligence, Fontaines, Illuminations, Feu d'artifice, Guirlandes, Fleurs, Bal, Archiduchesse, Officiers, Chevaliers
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texteReconnaissance textuelle : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Suite de la Relation de tout ce qui s'eft
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
1 ་
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
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200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
Fermer
Résumé : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Le texte relate les festivités entourant le mariage des Altesses Royales, notamment Madame l'Archiduchesse à Parme. Les célébrations incluent la représentation de l'opéra 'Les Fêtes de l'Hymen', composé de trois actes indépendants précédés d'un prologue intitulé 'Le Triomphe de l'Amour'. Ce prologue met en scène une querelle entre les dieux et l'Amour, qui obtient leur pardon pour l'union de la vertu et de la beauté. Les trois actes de l'opéra sont 'Aris', 'Sapho' et 'Eglé', chacun racontant des histoires d'amour et d'interventions divines. Les festivités comprennent des réceptions et des dîners offerts par des nobles tels que le Prince de Liechtenstein et le Comte de Rochechouart, avec des représentations d'opéra et des danses. La cérémonie de mariage à la cathédrale est décrite avec une décoration somptueuse et une procession ordonnée. Les troupes et les gardes assurent la sécurité, et la cérémonie religieuse suit le rituel ordinaire avec quelques adaptations spécifiques. Après la cérémonie, les princes retournent au palais dans le même ordre qu'à l'arrivée. Les événements incluent également un feu d'artifice et une illumination dans le jardin du palais, représentant l'union de l'Amour et de l'Hymen, suivi d'un bal masqué au théâtre. Madame l'Archiduchesse ouvre le bal avec le Prince François. Le lendemain, le Prince de Liechtenstein prend congé selon les cérémonies protocolaires. Les festivités se poursuivent avec des audiences et des repas officiels. Le 11 octobre, divers corps de l'État rendent hommage à Madame l'Archiduchesse. Le 13 octobre, elle quitte pour Casalmaggiore, escortée par des troupes et des dignitaires, et arrive à midi. Elle prévoit de s'arrêter à Casalmaggiore et à Mantoue pour saluer les députés et la noblesse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 182-184
AU PUBLIC.
Début :
MESSIEURS, Vous êtes les Juges & les Protecteurs des Talens : [...]
Mots clefs :
Talents, Hommages, Ballets, Conseils, Poèmes, Danseurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU PUBLIC.
AU PUBLIC.
MESSIEURS ,
Vous êtes les Juges & les Protecteurs
des Talens : vous les voyez naître ;
vous les encouragez ; vous les éclairez
& ils fe forment pour vous plaire . Vous
feuls avez des droits fur leurs hommages,
& c'eft à vous que j'adreffe les miens.
Vous avez daigné m'accueillir , lorfque
fur la fin de l'année 1758 , j'ai préfenté
à vos yeux les Baliets héroïques
de Télémaque dans l'Ile de Calypfo ;
du Sultan généreux ; de la Difpute des
Faunes & des Bergers , pour les Amadryades
, & c. Et je viens aujourd'hui
foumettre à vos lumières celui d'Ulyſſe
dans l'Ile de Circé . Ce genre de Ballets,
en action & en expreflion , longtemps
NOVEMBRE . 1764. 183
inconnu dans la Capitale , demande ,
vous le fçavez , une expofition , une
intrigue , des fituations , un dénouement
j'ai fait tous mes efforts pour
réunir ces quatre parties effentielles ; &
les fuffrages que vous m'avez accordés ,
m'ont fait croire que j'avois rempli
du moins à quelques égards , l'idée que
vous aviez conçue de mes Poëmes ; je
fens combien ils font loin encore de la
perfection mais ma docilité à fuivre
vos confeils toujours fages & refléchis ,
à me conformer à votre goût toujours
fùr , y aura bientôt corrigé ce que vous
y trouverez de défectueux . Cependant
plus j'apporterai de foin à la compofition
de ces Poëmes , & plus l'éxécution
en deviendra difficile . Il faut de
l'âme , du fentiment , de la pratique ,
pour en faifir & en rendre les nuances &
les fineffes; en un mot, il faut des Acteurs.
De quelle indulgence , MESSIEUR s, ne
vont donc pas avoir befoin des Danfeurs
& des Danfeufes , qui , accoutumés à
figurer dans de petits divertiffemens , ne
connoiffent point encore cette expreffion
néceffaire dans les Ballets que
je vais donner. Ces Danfeurs & ces
Danfeufes , animés du zéle le plus ardent
, ont recours à vos bontés : vous
184 MERCURE DE FRANCE .
ne les refufez jamais à ceux qui ont
envie de réuífir ; & je les follicite pour
eux , & furtout pour moi , que des affaires
& quelques accidens ont obligé
de négliger un talent , que l'on n'entretient
& que l'on n'augmente que par
un exercice continuel. J'ofe me flatter
des plus grands fuccès, MESSIEURS ,
fi un travail affidu , fi un dévouement
entier à vos moindres volontés , fi le
defir enfin que j'ai de vous amufer &
de vous intéreffer , fuffifent pour les
mériter.
MESSIEURS ,
Vous êtes les Juges & les Protecteurs
des Talens : vous les voyez naître ;
vous les encouragez ; vous les éclairez
& ils fe forment pour vous plaire . Vous
feuls avez des droits fur leurs hommages,
& c'eft à vous que j'adreffe les miens.
Vous avez daigné m'accueillir , lorfque
fur la fin de l'année 1758 , j'ai préfenté
à vos yeux les Baliets héroïques
de Télémaque dans l'Ile de Calypfo ;
du Sultan généreux ; de la Difpute des
Faunes & des Bergers , pour les Amadryades
, & c. Et je viens aujourd'hui
foumettre à vos lumières celui d'Ulyſſe
dans l'Ile de Circé . Ce genre de Ballets,
en action & en expreflion , longtemps
NOVEMBRE . 1764. 183
inconnu dans la Capitale , demande ,
vous le fçavez , une expofition , une
intrigue , des fituations , un dénouement
j'ai fait tous mes efforts pour
réunir ces quatre parties effentielles ; &
les fuffrages que vous m'avez accordés ,
m'ont fait croire que j'avois rempli
du moins à quelques égards , l'idée que
vous aviez conçue de mes Poëmes ; je
fens combien ils font loin encore de la
perfection mais ma docilité à fuivre
vos confeils toujours fages & refléchis ,
à me conformer à votre goût toujours
fùr , y aura bientôt corrigé ce que vous
y trouverez de défectueux . Cependant
plus j'apporterai de foin à la compofition
de ces Poëmes , & plus l'éxécution
en deviendra difficile . Il faut de
l'âme , du fentiment , de la pratique ,
pour en faifir & en rendre les nuances &
les fineffes; en un mot, il faut des Acteurs.
De quelle indulgence , MESSIEUR s, ne
vont donc pas avoir befoin des Danfeurs
& des Danfeufes , qui , accoutumés à
figurer dans de petits divertiffemens , ne
connoiffent point encore cette expreffion
néceffaire dans les Ballets que
je vais donner. Ces Danfeurs & ces
Danfeufes , animés du zéle le plus ardent
, ont recours à vos bontés : vous
184 MERCURE DE FRANCE .
ne les refufez jamais à ceux qui ont
envie de réuífir ; & je les follicite pour
eux , & furtout pour moi , que des affaires
& quelques accidens ont obligé
de négliger un talent , que l'on n'entretient
& que l'on n'augmente que par
un exercice continuel. J'ofe me flatter
des plus grands fuccès, MESSIEURS ,
fi un travail affidu , fi un dévouement
entier à vos moindres volontés , fi le
defir enfin que j'ai de vous amufer &
de vous intéreffer , fuffifent pour les
mériter.
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Résumé : AU PUBLIC.
L'auteur s'adresse aux juges et protecteurs des talents pour présenter son nouveau ballet, 'Ulysse dans l'Île de Circé'. Il rappelle ses précédentes créations en 1758, telles que 'Télémaque dans l'Île de Calypso', 'Le Sultan généreux' et 'La Dispute des Faunes et des Bergers'. Il souligne que ce genre de ballet, nouveau dans la capitale, nécessite une exposition, une intrigue, des situations et un dénouement. L'auteur affirme avoir mis tous ses efforts pour réunir ces éléments essentiels et exprime sa gratitude pour les suffrages reçus. Il reconnaît que ses poèmes sont loin de la perfection mais s'engage à suivre les conseils et à se conformer au goût du public. Il souligne la difficulté croissante de la composition et de l'exécution de ces ballets, nécessitant de l'âme, du sentiment et de la pratique. L'auteur sollicite l'indulgence pour les danseurs et danseuses, habitués aux petits divertissements, et espère leur succès grâce à un travail assidu et un dévouement entier aux volontés du public.
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