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1
p. 78-95
Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Début :
C'est une Ville sur la Somme, Capitale du Pays de [...]
Mots clefs :
Saint-Quentin, Ville, Roi, Gouverneur, Chevaliers de la couronne, Ambassadeurs, Abancourt, Bourgeois, Décharge, Carrosse, Place, France, Pradel, Arquebuses, Fenêtres, Cavalerie, Somme, Vermandois
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texteReconnaissance textuelle : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
C'eſt une Ville ſur
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
la Somme , Capitale du Pays
de Vermandois en Picardie.
Elle eft grande & bien peuplée
, & on y fait diverſes
Manufactures . Elle a eſté aux
Comtes de Vermandois , &
le Roy Philippe Auguſte
l'ayant réünie à la Couronne
, elle fut depuis engagée
aux Ducs de Bourgogne;
mais elle en a toûjours eſté
retirée avec les autres Villes
fur la Somme, Philibert Ema
des Amb. de Siam. 79
nuel Duc de Savoye , Gouverneur
des Pays-bas, l'ayant
affiegée pour Philippe II.
Roy d'Eſpagne, le Conneſtable
de Montmorency y jetta
quelque ſecours. Il fut attaqué
dans ſa retraite , & fait
prifonnier avec les Ducs de
Montpenfier & de Longueville
, Loüis de Gonzague,
depuis Duc de Nevers , le
Maréchal de S. André , dix
Chevaliers de l'Ordre, & trois
cens Gentilshommes. Cette
Bataille qui fut donnée le 10.
Aouſt 1557. coûta beaucoup
de fang aux François. Jean
Giiij
80 IV. P.du Voyage
de Bourbon, Duc d'Anguien,
fut trouvé parmy les morts.
Les Ennemis , ſans fonger à
profiter de l'avantage qu'ils
venoient de remporter, s'arrefterent
au Siege de Saint-
Quentin, où le Roy Philippes
vint le 27. d'Aouſt. L'Amiral
Coligny qui deffendoit cette
Place , ayant trop tardé à
capituler , la fit ſauter par
cinq bréches , & fut fait prifonnier.
Elle fut rendue à
la France en 1559. par la Paix
de Cateau - Cambreſis . M
d'Abancourt , Lieutenant de
Roy de cette Ville , en fit
r
des Amb. de Siam . 81
les honneurs, en l'absence de
M le Marquis de Pradel ,
Lieutenant general des Armées
du Roy , qui en eft
Gouverneur. Il fortit de Saint
Quentin , dans un Carroſſe
precedé d'une partie des Gardes
de M. de Pradel , tous
bien montez , ainſi que les
Chevaliers de la Couronne,
& de la Jeuneffe , qui l'accompagnoient.
Ils avoient
des Plumes blanches, & eftoient
tous fort leſtement
veſtus , & conduits par leurs
Capitaines. Il y avoit auffi
plus de deux cens notables
82 IV . P. du Voyage
Bourgeois , qui avoient en
teſte Mfs Boutillier &Tabary
, anciens Mayeurs de la
Ville. Ils allerent plus de deux
lieuës au devant des Ambaffadeurs
. M d'Abancourt defcendit
de carroſſe dés qu'il
les eut apperceus , ainſi que
Mt Ainet , Roy de la Couronne
. Cette Compagnie &
celle de la Jeuneſſe , font
composées des jeunes gens
de la Ville , qui s'accoutumant
de bonne heure dans
les Exercices guerriers, ſe difputent
ſouvent des Prix les
uns aux autres , & ces Prix
des Amb. de Siam. 83
font donnez à ceux qui font
voir le plus d'adreſſe. Toutes
ces Troupes, ainſi que les Archers
de la Maréchauffée, faluërent
les Ambaſſadeurs par
une décharge de leurs piftolets,
puis les Chevaliers de la
Couronne environerent leur
Carroſſe l'épée à la main.
Celuy de M d'Abancourt
alloit devant, & eſtoit précedé
de la Maréchauffée. Lors
qu'on fut arrivé à la Porte
de la Ville, le canon des ramparts
ſalüa , comme il avoit
fait par tout ailleurs. LesAmbaſſadeurs
paſſerent au tra
84 III. P. du Voyage
vers d'une double haye de
Bourgeois , dont les ruës eftoient
bordées depuis les
premieres maiſons du Fauxbourg
juſqu'au lieu qui leur
avoit eſté préparé pour leur
logement, & qui estoit gardé
par les deux Compagnies des
Canonniers & Arquebufiers.
Ce logis eftoit fort ſpatieux,
& M de Ville avoient pris
foin de le faire meubler. Ils
avoient fait mettre au deſſus
de la Porte les Armes du Roy
de Siam , qui brilloient extrémement
par les ornemens
dont elles eftoient environ
des Amb. de Siam. 85
nées . LesAmbaſſadeurs eſtant
arrivez à la porte de ce logis,
on fit une décharge de quarante
Arquebuſes à croc , qui
eſtoient aux feneſtres de la
Maiſon de Ville, vis-à-vis de
l'Hoſtel qu'on avoit fait préparer
pour eux ; de forte qu'ils
les entendirent & les virent
de leurs feneftres . Peu de
temps aprés les Mayeur &
Eſchevins en Corps, précedez
de leurs quatre Huiffiers à
longues robbes , & fuivis de
huit autres de robbe courte,
qui portoient lesVins de prefent,
vinrent les complimen
86 IV. P. du Voyage
r
ter. La parole fut portée par
M Rohart , Advocat , &
Mayeur de la Ville. L'Ambaſſadeur
répondit qu'ils eftoient
fort redevables àM*s de
Saint-Quentin des honnestetez
qu'ils leur faisoient,&de l'esti
me qu'ils marquoient pour le
Roy de Siam: Qu'ils auroient
voulu avoir occafion de fervir
la Ville , en revanche de l'honneur
qu'ils en recevoient ; &
qu'ils s'eſtonnoient de voir de ſi
belle Cavalerie , & de fi belle
Infanterie , dans une Place où
il n'y avoit point de Garnison.
L'Infanterie ayant enſuite
des Amb. de Siam. 87
paffé devant leur logis , où
elle fit une décharge, lesAmbaſſadeurs
prierent Mas de
Ville de la renvoyer , & leur
firent de nouveaux remercîmens.
Enſuite le Chapitre
Royal de Saint-Quentin les
vint ſaluër en Corps , & leur
fit auſſi ſes Preſens en particulier
; ce qui merite d'eftre
remarqué , puiſque ce n'eſt
pas une choſe ordinaire aux
Chapitres. M. l'Abbé Gobinet
, Eſcolaſtre & Docteur
en Theologie , parla en l'abfence
de M. de Maupeou,
Doyen , nommé à l'Eveſché
88 IV. P. du Voyage
de Caſtre . L'Ambaſſadeur ré
pondit , qu'ils estoient fort obli
gezà cette Compagnie des honneſtetez
qu'elle venoit leurfaire
; qu'ils sçavoient de quelle
importance estoit le Chapitre de
Saint-Quentin , puiſqu'il avoit
l'honneur d'avoir un des plus
grands Rois de la terre pourfon
premier Chanoine , & qu'il eftoit
Gardien depuis pluſieurs fiecles
du Corps d'un glorieux
Martyr , & qui avoit tant
fouffert; que la modeſtie qu'il
voyoit paroiſtre ſur le visage de
tous les Chanoines , leur estoit
une preuve évidente de la bondes
Amb . de Siam. 89
téde laReligion Chreftienne; que
le Roy de Siam leur Maistre,
qui avoit une eſtime trés-particuliere
pour le Roy de France,
confideroit tous ceux de ſa Religion,
protegeoit dasfonRoyaume
, les Evesques , les Prestres,
les Miffionnaires, pour lefquels
il avoit fait bastir des
Eglifes. Il leur demanda qu'ils
vouluſſent bien prier pour le
Peuple de Siam ; & tous les
Chanoines eſtant enſuite pafſez
devant luy , il les falia
tous chacun en particulier.
Aprés cela ils receurent les
complimens de Mts du Bail
H
90 IV. P. du Voyage
lage , de la Prevoſté, de l'Election
& du Grenier à Sel,
qui tous enſemble ne firent
qu'un Corps. Ces complimens
eſtant achevez, Mª d'Abancourt
leur demanda l'ordre,
& l'Ambaſſadeur donna
pour mot, Plus chargé de lauriers
que d'années, faiſant alluſion
aux grands ſervices de
M. le Marquis de Pradel ,
Gouverneur de S. Quentin,
qui a receu beaucoup de
bleſſeures pendant les Campagnes
qu'il a faites. Mrs de
Ville firent illuminer le ſoir
les feneftres de leur Hoſtel,
r
desAmb. de Siam. gr
qui donnoient vis-à-vis de
celuy où les Ambaſſadeurs
eſtoient logez ; ce qui éclairoit
la grande Place, qui eft
une des plus ſpacieuſes , des
plus regulieres & des plus
belles de France. Toute la
Ville fut auffi illuminée , les
ordres ayant eſté donnez de
mettre des lanternes à toutes
les feneftres .On foupa à l'ordinaire.
L'Afſſemblée fut remarquable
, & les Ambaſſadeurs
trouverentque le nombre
des Dames eſtoit grand
à S. Quentin , & qu'il y en
avoir beaucoup de belles,
Hij
92 IV. P. du Voyage
On leur donna les Violons
aprés foupé, & quand ils eurent
joüé longtemps , ils ſe
mêlerent aux Trompettes des
Chevaliers de la Couronne,
avec lesquels ils s'eſtoient
concertez ; & les plaiſirs de
cette ſoirée finirent par le
bruit de la décharge d'un
grand nombre d'Arquebuſes
à croc , qui estoient à l'Hoftel
de Ville. Le lendemain 17.
quelques Mandarins &quelques
Secretaires allerent par
ordre des Ambaſſadeurs, à la
grande Eglife , afin de leur
faire rapport de ce qu'ils ver
des Amb de Siam. 93
1
roient pour l'écrire enfuite,
comme ils ont fait dans tous
les lieux où ils ont eſté. Ils
trouverent cetre Eglife trésbelle
, tant pour ſa grandeur
que pour ſa conſtruction. Sur
les neuf heures du matin les
Ambaſſadeurs ayant achevé
de déjeuner , les Mayeur &
Eſchevins leur vinrent encore
faire compliment par
la bouche de M Rochart.
L'Ambaſladeur leur marqua
avec les termes les plus ohligeans
& les plus forts, qu'on
ne pouvoit eſtre plus content
qu'ils l'eſtoient de la
94 IV. P. du Voyage
Ville & de luy. Comme ils
avoient defiré d'entendre les
Cloches de la grande Eglife
avant leur départ, ils ſe mirent
à la feneſtre , & on les
fit ſonner à volée, & enſuite
carillonner. Ils furent aprés
falüez des Arquebuſes de
'Hoſtel de Ville , qu'ils avoient
déja veuës & entenduës
avec plaifir, & partirent
precedez des Chevaliers de la
Couronne avec leurs Etendarts
, leurs Trompettes , &
tout ce qui peut marquer des
Troupes reglées , dont ils avoient
l'air. Il y avoit auffi
desAmb. de Siam. 95
plus de deux cens Bourgeois
à cheval', & toute cette Cavalerie
eſtant jointe à la mareſchauffée
, paroiſſoit fort
nombreuſe. Ils pafferent entre
deux hayés de Bourgeois
ſous les armes , ainſi qu'ils
avoient fait en entrant. Le
canon tira à leur fortie , &
la Cavalerie qui les accompagnoit
, ne les quitta qu'à
plus de deux lieuës de laVil-
Ie.
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Résumé : Saint-Quentin. [titre d'après la table]
Le texte présente la ville de Saint-Quentin, située sur la Somme et capitale du Pays de Vermandois en Picardie. Cette ville est notable pour sa taille, sa population et ses diverses manufactures. Historiquement, Saint-Quentin a appartenu aux Comtes de Vermandois avant d'être intégrée à la Couronne par le roi Philippe Auguste. Par la suite, elle a été engagée aux Ducs de Bourgogne. En 1557, la ville a été assiégée par Philibert Emmanuel, Duc de Savoie, agissant pour le compte de Philippe II, roi d'Espagne. Lors de la bataille du 10 août 1557, plusieurs nobles français, dont le Connétable de Montmorency, furent capturés. Saint-Quentin fut restituée à la France en 1559 par la Paix de Cateau-Cambrésis. Le texte mentionne également la visite des ambassadeurs de Siam à Saint-Quentin. La ville leur réserva un accueil solennel, avec des honneurs militaires et des réceptions officielles. Les ambassadeurs furent impressionnés par la beauté et l'organisation de la ville. Ils reçurent des compliments du maire, des échevins et du chapitre royal de Saint-Quentin. La ville fut illuminée en leur honneur, et une assemblée remarquable eut lieu, suivie de musique et de salves d'arquebuses. Le lendemain, les ambassadeurs visitèrent la grande église de la ville avant de partir, escortés par une cavalerie nombreuse et des troupes régulières.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 147-182
L'AGIOTEUR DUPÉ.
Début :
Je tascheray de donner tous les mois quelque Historiette ou [...]
Mots clefs :
Agioteur, Argent, Carrosse, Picard, Billets
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AGIOTEUR DUPÉ.
Je tascheray de donner
tous les mois quelque
Historiette ou
Françoise ou Espagnole,
ou mesme quelque
Conte Arabe. On m'a
promis des Mémoires
pour tout cela, outre
lesAvantures du temps
que je prefereray toûjours
aux autres; en
voicy une.
Dans le mois dernier
un Agioteur aesté
trompé par des Filoux,
J'ay voulu m'assurerxactement
descirconstances
en me faisant
raconter le fait par plufleurs
personnes. Il
m'est arrivé ce qui arrive
toûjours en cas pareil.
Unechose se passe
en presence de plulieurs,
& cependant
elleest racontée differemment
par chacun
des spectateurs.
L'AGIOTEUR
DUPE.
Un deces Juifs Parisiens,
non pas de ceux
qui dans la Synagogue
des Halles sçavent faire
d'un vieux Manteau
deux Justaucorps
neufs; mais de ceux
qui achetant, revendant
& rachetant le
mesmepapier plu sieurs
fois en un jour, en gagnent
la valeur en
moins d'un mois. Un
de ces Juifs, dis-je , qu'on nomme depuis
peu Agioteurs, des plus
rafinez, des plus avides
& des plus défiants,
calculoitunjour sur le
midy le gain de sa matinée
en attendant pratique
nouvelle.
Arrive un Picard,
franc Gaulois par la
mine, homme grossier
en apparente,& foy
disant pressé de faire de
l'argent d'un Billet de
Change pour s'en retourner
àAmiens.L'Agioteur
luy dit qu'il a
de l'argent à son service
; mais que depuis
deux jours les Billets
font à trente-cinqpour
cent. Le bon Picard fait
l'étonné
,
luy aflUla':l('\
qu'hier encore mCI"
Franchard n'avoit pris
di luy que-trente poup
cent. Cela ne Ce peut
luy dit l'Agioteur ;
mais quiest donc Mr
Franchard? Si je n'étois
pas si pressé de partir
, continua naïvement
le Picard, je ferois
retourne a luy;
mâisil loge bien loin
d'icy* : ça Monsieur
voyons viste si vous me
voulez faire aussi bon
marché que luy. Je
m'en garderay bien,dit
l'Agioteur; en Jepressantde
luy direquiestoit
cethomme si desinteressé.
Le bon Picard
-- en s'en allant
comme un homme
presse.expose la franchise&
le desinteressement
de Mr Franchard
avec des circonflances
a faire apetit au plus
degoustéAgioteur d'agioter
avec Monsieur
Franchard.Il lâche ensuite
comme par abondance
de coeur & de
verbiage les tenants ,
les aboutissants, la ruë
•
& le logis de Monsieur
Franchatd,disant qu'il
va au plus viste recevoir
son argent, & laisse
nostre Agioteur dans
les reflexions 8c dans
l'im patience de lier
commerce avec un
homme si bon & si
facile. Il prend dans
son Bureaupour quinze
mille francs de papier
, pour aller faire
conoissance avec Monseur
Franchard. Pendant
que nostre Agioteur
va chercher fortune,
il faut vous instruire
qu'clles estoient les
bonnes gens avec qui--
il alloit negocier.
Monsieur Franchard
&le Picardprelsé de
partir estoient chefs de
cinq ou six Filoux dela
haute volée, de ceux
qui par un long apprentissagedans
l'exercicedespetitsvols
acquierentl'habilite&
les moyens d'en faire
de plus grands.
-
Il y avoit autrefois
à Paris un grand nombre
de ces Filoux; mais
à present la Police y
met bon ordre,& ceux
cy ne porteront pas
loin le tour qu'ils ont
fait à nostre Agioteur.
Monsieur Franchard
avoit Joué depuis quelques
mois un grand
Cabinet garni d'Armoires
avec des Clorsons
à barreaux, en y
joignantquelquesTables,
de vieux Cosses
forts, & des Balances,
il en avoit fait
un Bureau en forme. Il
avoir assemblé force
Registresovieux& nouveaux
&force sacs bien
ronds, bien numerotez
& de riche apparence.
Ces Régistres & ces
sacs arrangez dans ces
Armoires formoient
une Bibliothèque de
Financier des mieux
assortie. Avec cetestalage
& le secours de lès
Compagnons qui se
deguisoient tantost en
gens d'affaires,tantost
en porteurs d'argent
pour achalander le B ureau
,
il avoit estably
son credit chez son hoftesse
& dans [on voisinage.,
ce quiluy produisit
de petits gains
courants d'Agiotage
qui payoient leurs dépens
; mais ilsattendoient
du hazardquelques
bonnes qcaGQn-s)
celle cyen fut une>
Commenostre Agioteuresoit
tres défiant,
il demanda le logis
de Monsieur Franchard
a toutes les Boutiques
du voisinage
pour avoir occasion de
s'informer finement
quel homme c'estoit ;
maisplus il s'informa
&plus il fust trompé
,
car
car tous les voisins
estoient prévenus pour
luy. Il arrive au logis
de MonsieurFranchard
dont il reconut l'hotesse;
elle avoit esté autrefois
de ses am ies.Il
avoit grande confiance
en elle, & elle en avoit
tant en son hoste qu'elle
ne pouvoit s'en taire.
Il luy avoitfait mille
plaisirsc'étoitun hoste
charmant. Il n'y avoit
qu'une incommodité
avecluy , c'estqu'estant
logée directement
fous son Bureau elle
avoit la teste rompuë
de la quantité d'argent
qu'on y remuoit à la
pelle. Eneffet,ilavoit
deux ou trois sacs de
bon argent blanc avec
quoy il faisoit le plus
de bruit qu'il pouvoit;
passons laconversation
de l'hosteste & de l'Agioteur.
Elle court le
presenter à son hoste
, qui promet tout à sa
consideration : elle les
laisse parler d'affaire,
& s'en va. Monsieur
Franchard l'amusa par
des discoursvagues sur
le courant de l'Agiotage
,
& l'amufoit à
dessein, car il ne pouvoit
faire son coup
qu'il n'entendit pour
signalun Carossearriver
à grand bruit à sa
porte. Pendant que
Monsieur Franchard
étale en verbiage sa
probité& sa Franchise,
l'Agioteur leconfidere
de la teste aux
pieds;ilest charméde
saphisionomie,C'estoit
un de ces visages
pleins, unis, faits de
façon qu'on croit les
connoistre de vue parce
qu'on, en voit souvent
de semblables; sa
taille étoit courte &
ronde, des épaules, du
ventre,jambes renforcées
,
jarrets bas, bras
courts, &C main large;
main à compter les
écus dix à dix, vray
moule de Caissier ; enfin,
homme devant lequel
vous vous mettriez
a genoux pour
luy faire prendre vostre
argent la veille
d'un déeri.
Voici un Carossequi
arrive;c'estoit le signal:
venons au fait, dit
franchard. Lefaitest,
répond l'Agioteur,que
j'aylà pour quinze
mille francs deBillets,
& sur ce qu'un Marchand
d'Amiens m'a
ditque vous en aviez
pris à trente pour cent.
Qu'estce à dire ?
interrompit l'autre *
avec un air de franchise
brusque
, vous mocquez-
vous ? ils font à
trente cinq, tout ce
que je puis faire en faveur
de mon hostesse,
c'est de perdre un pour
cent.
Ils en estoientlà
qnand un petit Filou
quiestoit venudans le
Carosse vint faire le
personnage d'un jeune
Ecolieren Droit à qui
sa Mere achete un'!-
Charge de Conseiller
en Province. C'estoit
un petit .Blondin ar
voix gresle, graffoyant
un peu & ricanant
beaucoup. Il entre étourdiementsans
se fai,.
te annoncer , &£ d'un
air é1 vaporéIl court cmbrasser
Franchard en
luy criant avec joye
qu'il avoit conclu le
marché de sa Charge.
Il
Il me faudra luy ditil
, vingt mille francs
deBillets de Monnoye.
Je les prendray de vous
sur le pied que vous
voudrez, je vous ay
tantd'obligationsd'ailleurs
: autres embrassades
, mais cenest pas
le tout, il faut dans le
moment quatre sacs de
mille francs à ma mere
pourm'acheterun Carosse.
Monsieur Franchard
ne répond qu'en
tirant quatre sacs d'une
Armoire comme un
homme qui les donnoit
aussi facilement que
l'autre donnoit des embrassades.
Il en ouvre
un ,
& le répand sur sa
table pour le compter:
Vous vous mocquez
Je moy , s écrie le petit
Conseiller, a-t'on jamais
compté aprésMr
Franchard ? Donnezmoy
une plume que je
vous fasse mon Billet.
Vostremere m'en fera
un tantost dit froidement
Franchard, vous
estes trop jeune pour
signer, emportez toujours,
nous souperons
cesoir ensemble.Deux
5 grands Laquais s'avancent,
prennent les sacs,
& le jeune homme s'en
-
vacourant & cabriolant
comme il estoit
entré. P ij
Je ne reconduis point
Ics jeunes étourdis
5
sécrie
Franchard, jen'ay
pas assez de jambes
pour les suivre.Ensuite
se tournant vers l'Agioteur
,
l'occasion effc
heureuse pour vous, luy dit-il, je luy feray
prendre vos Billetsde
Monnoye à trentedeux
pour cent; c'est
trois de gain pour
vous. Je veux bien fairece
plaisir à mon hostesse
aux dépens d'un
jeune fol qui jette l'argent
par les fenestres ;
ça voyons vos Billets.
Pendant que l'Agioteur
les tire de sa poche
en faisant mille remerciements
, Franchard
arrange plusieurs
sacs sur une autretable,
en prend un
qu'il renverse sur le
comptoir. Comptez ,
dit-il, à l'Agioteur,je
vais examiner vos Billets.
L'Agioteur com pte,
& Franchard prend
la liasse. Pendant qu'il
la feüilletoit sans la dc_e
lier, nostre jeune Cf-,
tourdy rentre avec une
Dame venerable qu'il
tenoitsur le poing, 6C
riant de toute sa force,
conte àFranchard comme
une chose fort plaisante
que samere qui
n'avoit pas voulu monter
la premiere fois de
peur de le déranger,venoit
par excez d'exact*
tude luy faire son Billet.
Franchard court au
devant d'elle, se fasche
de cette exactitude offençante
pour luy, jure
qu'il ne recevra le Billet
qu'en luy donnant à
souper. La Dame venerab
le cede de peur de
le fascher
, & regagne
son Carosse, où Franchard
, plus ceremonieux
avec les Dames
qu'avec les jeunes ef-
Tourdis, voulut absolument
la reconduire.
Il la suit, tenant toujours
à la main la liasse
deBillets & l'Agioteur
rcfte iàns se defier
de rien. Il compte toûjours
son sac pour gagner
du temps;maisil
n'osa pas toucher aux
autres quen prsience
de Franchard
, trèsfasché
mesmed'avoir
trouvé deux Ecus de
manque dans le sac,
car l'ayant compté sans
témoins,il prenoit déjà
laresolution de perdre
deuxEcuspar politesse.
-
Il s'assit
,
& attendit
fort tranquilement pen
dantun quart d'heure;
c'est le moins que puissent
durer les Corn-*
phmentsd'une femme
à qui on précèdet~<
gent.
Voyons cepen dant si
nosFiloux munis des
quinzemi lle francs en
Billets sont montez en
Carosse.Non,ils s'ex.
quivent plus finemenr;
ils laissent le Carosse de
louage à la porte, ô£
Franchard feignant
d'accompagner la Dame;
jusques chez un
Notaire voisin, la suit
à pied jusques dans une
rue tournante où un
autre Carosse les attendoit,
& touche Cocher
, voila les quinze
mille francs partis.
Imaginez vous l'impatience
inquiété da
l'Agioteur & de l'hôtessequi
le fut rejoin.
dre au Bureau pour
voir s'il étoit content
de son hoste. Leur con..
fiance étoit si bien establie
que les sou p çons
ne leur vinrent que
pardegrez; mais il fallutenfinen
veniraux
craintes, aux éclaircisfements,
auxalarmes,
l'Agioteur veut emporter
quinze sacs y 1hostessè s'y oppose, il
faut des formalitez. Je
parte fous silence l'arrivée
du Commissaire,
l'ouverture des sacs;
remplis de cailloux 6C
de ronds d'ardoise. Je
ne vous diray point
quelsfurent à cet afpeét
les fremissements
& les mines de l'Agioteur
dupé; vous imaginerez
le dénouement
de tout cela plus plaisamment
que je ne
pourrois vous le décrire.
Le mot d'Agioteur
vient du mot Italien
Adgio Supplément ou
Ajustement.Adjiuflamento,
Ajustement ou
Convention d'interest
entre les Agents de
Change ou Banquiers.
Quel vantaggio chési da
o ricevé per adjoustamenodella
valuta diunamoneta
aquelta d'unaltra.
tous les mois quelque
Historiette ou
Françoise ou Espagnole,
ou mesme quelque
Conte Arabe. On m'a
promis des Mémoires
pour tout cela, outre
lesAvantures du temps
que je prefereray toûjours
aux autres; en
voicy une.
Dans le mois dernier
un Agioteur aesté
trompé par des Filoux,
J'ay voulu m'assurerxactement
descirconstances
en me faisant
raconter le fait par plufleurs
personnes. Il
m'est arrivé ce qui arrive
toûjours en cas pareil.
Unechose se passe
en presence de plulieurs,
& cependant
elleest racontée differemment
par chacun
des spectateurs.
L'AGIOTEUR
DUPE.
Un deces Juifs Parisiens,
non pas de ceux
qui dans la Synagogue
des Halles sçavent faire
d'un vieux Manteau
deux Justaucorps
neufs; mais de ceux
qui achetant, revendant
& rachetant le
mesmepapier plu sieurs
fois en un jour, en gagnent
la valeur en
moins d'un mois. Un
de ces Juifs, dis-je , qu'on nomme depuis
peu Agioteurs, des plus
rafinez, des plus avides
& des plus défiants,
calculoitunjour sur le
midy le gain de sa matinée
en attendant pratique
nouvelle.
Arrive un Picard,
franc Gaulois par la
mine, homme grossier
en apparente,& foy
disant pressé de faire de
l'argent d'un Billet de
Change pour s'en retourner
àAmiens.L'Agioteur
luy dit qu'il a
de l'argent à son service
; mais que depuis
deux jours les Billets
font à trente-cinqpour
cent. Le bon Picard fait
l'étonné
,
luy aflUla':l('\
qu'hier encore mCI"
Franchard n'avoit pris
di luy que-trente poup
cent. Cela ne Ce peut
luy dit l'Agioteur ;
mais quiest donc Mr
Franchard? Si je n'étois
pas si pressé de partir
, continua naïvement
le Picard, je ferois
retourne a luy;
mâisil loge bien loin
d'icy* : ça Monsieur
voyons viste si vous me
voulez faire aussi bon
marché que luy. Je
m'en garderay bien,dit
l'Agioteur; en Jepressantde
luy direquiestoit
cethomme si desinteressé.
Le bon Picard
-- en s'en allant
comme un homme
presse.expose la franchise&
le desinteressement
de Mr Franchard
avec des circonflances
a faire apetit au plus
degoustéAgioteur d'agioter
avec Monsieur
Franchard.Il lâche ensuite
comme par abondance
de coeur & de
verbiage les tenants ,
les aboutissants, la ruë
•
& le logis de Monsieur
Franchatd,disant qu'il
va au plus viste recevoir
son argent, & laisse
nostre Agioteur dans
les reflexions 8c dans
l'im patience de lier
commerce avec un
homme si bon & si
facile. Il prend dans
son Bureaupour quinze
mille francs de papier
, pour aller faire
conoissance avec Monseur
Franchard. Pendant
que nostre Agioteur
va chercher fortune,
il faut vous instruire
qu'clles estoient les
bonnes gens avec qui--
il alloit negocier.
Monsieur Franchard
&le Picardprelsé de
partir estoient chefs de
cinq ou six Filoux dela
haute volée, de ceux
qui par un long apprentissagedans
l'exercicedespetitsvols
acquierentl'habilite&
les moyens d'en faire
de plus grands.
-
Il y avoit autrefois
à Paris un grand nombre
de ces Filoux; mais
à present la Police y
met bon ordre,& ceux
cy ne porteront pas
loin le tour qu'ils ont
fait à nostre Agioteur.
Monsieur Franchard
avoit Joué depuis quelques
mois un grand
Cabinet garni d'Armoires
avec des Clorsons
à barreaux, en y
joignantquelquesTables,
de vieux Cosses
forts, & des Balances,
il en avoit fait
un Bureau en forme. Il
avoir assemblé force
Registresovieux& nouveaux
&force sacs bien
ronds, bien numerotez
& de riche apparence.
Ces Régistres & ces
sacs arrangez dans ces
Armoires formoient
une Bibliothèque de
Financier des mieux
assortie. Avec cetestalage
& le secours de lès
Compagnons qui se
deguisoient tantost en
gens d'affaires,tantost
en porteurs d'argent
pour achalander le B ureau
,
il avoit estably
son credit chez son hoftesse
& dans [on voisinage.,
ce quiluy produisit
de petits gains
courants d'Agiotage
qui payoient leurs dépens
; mais ilsattendoient
du hazardquelques
bonnes qcaGQn-s)
celle cyen fut une>
Commenostre Agioteuresoit
tres défiant,
il demanda le logis
de Monsieur Franchard
a toutes les Boutiques
du voisinage
pour avoir occasion de
s'informer finement
quel homme c'estoit ;
maisplus il s'informa
&plus il fust trompé
,
car
car tous les voisins
estoient prévenus pour
luy. Il arrive au logis
de MonsieurFranchard
dont il reconut l'hotesse;
elle avoit esté autrefois
de ses am ies.Il
avoit grande confiance
en elle, & elle en avoit
tant en son hoste qu'elle
ne pouvoit s'en taire.
Il luy avoitfait mille
plaisirsc'étoitun hoste
charmant. Il n'y avoit
qu'une incommodité
avecluy , c'estqu'estant
logée directement
fous son Bureau elle
avoit la teste rompuë
de la quantité d'argent
qu'on y remuoit à la
pelle. Eneffet,ilavoit
deux ou trois sacs de
bon argent blanc avec
quoy il faisoit le plus
de bruit qu'il pouvoit;
passons laconversation
de l'hosteste & de l'Agioteur.
Elle court le
presenter à son hoste
, qui promet tout à sa
consideration : elle les
laisse parler d'affaire,
& s'en va. Monsieur
Franchard l'amusa par
des discoursvagues sur
le courant de l'Agiotage
,
& l'amufoit à
dessein, car il ne pouvoit
faire son coup
qu'il n'entendit pour
signalun Carossearriver
à grand bruit à sa
porte. Pendant que
Monsieur Franchard
étale en verbiage sa
probité& sa Franchise,
l'Agioteur leconfidere
de la teste aux
pieds;ilest charméde
saphisionomie,C'estoit
un de ces visages
pleins, unis, faits de
façon qu'on croit les
connoistre de vue parce
qu'on, en voit souvent
de semblables; sa
taille étoit courte &
ronde, des épaules, du
ventre,jambes renforcées
,
jarrets bas, bras
courts, &C main large;
main à compter les
écus dix à dix, vray
moule de Caissier ; enfin,
homme devant lequel
vous vous mettriez
a genoux pour
luy faire prendre vostre
argent la veille
d'un déeri.
Voici un Carossequi
arrive;c'estoit le signal:
venons au fait, dit
franchard. Lefaitest,
répond l'Agioteur,que
j'aylà pour quinze
mille francs deBillets,
& sur ce qu'un Marchand
d'Amiens m'a
ditque vous en aviez
pris à trente pour cent.
Qu'estce à dire ?
interrompit l'autre *
avec un air de franchise
brusque
, vous mocquez-
vous ? ils font à
trente cinq, tout ce
que je puis faire en faveur
de mon hostesse,
c'est de perdre un pour
cent.
Ils en estoientlà
qnand un petit Filou
quiestoit venudans le
Carosse vint faire le
personnage d'un jeune
Ecolieren Droit à qui
sa Mere achete un'!-
Charge de Conseiller
en Province. C'estoit
un petit .Blondin ar
voix gresle, graffoyant
un peu & ricanant
beaucoup. Il entre étourdiementsans
se fai,.
te annoncer , &£ d'un
air é1 vaporéIl court cmbrasser
Franchard en
luy criant avec joye
qu'il avoit conclu le
marché de sa Charge.
Il
Il me faudra luy ditil
, vingt mille francs
deBillets de Monnoye.
Je les prendray de vous
sur le pied que vous
voudrez, je vous ay
tantd'obligationsd'ailleurs
: autres embrassades
, mais cenest pas
le tout, il faut dans le
moment quatre sacs de
mille francs à ma mere
pourm'acheterun Carosse.
Monsieur Franchard
ne répond qu'en
tirant quatre sacs d'une
Armoire comme un
homme qui les donnoit
aussi facilement que
l'autre donnoit des embrassades.
Il en ouvre
un ,
& le répand sur sa
table pour le compter:
Vous vous mocquez
Je moy , s écrie le petit
Conseiller, a-t'on jamais
compté aprésMr
Franchard ? Donnezmoy
une plume que je
vous fasse mon Billet.
Vostremere m'en fera
un tantost dit froidement
Franchard, vous
estes trop jeune pour
signer, emportez toujours,
nous souperons
cesoir ensemble.Deux
5 grands Laquais s'avancent,
prennent les sacs,
& le jeune homme s'en
-
vacourant & cabriolant
comme il estoit
entré. P ij
Je ne reconduis point
Ics jeunes étourdis
5
sécrie
Franchard, jen'ay
pas assez de jambes
pour les suivre.Ensuite
se tournant vers l'Agioteur
,
l'occasion effc
heureuse pour vous, luy dit-il, je luy feray
prendre vos Billetsde
Monnoye à trentedeux
pour cent; c'est
trois de gain pour
vous. Je veux bien fairece
plaisir à mon hostesse
aux dépens d'un
jeune fol qui jette l'argent
par les fenestres ;
ça voyons vos Billets.
Pendant que l'Agioteur
les tire de sa poche
en faisant mille remerciements
, Franchard
arrange plusieurs
sacs sur une autretable,
en prend un
qu'il renverse sur le
comptoir. Comptez ,
dit-il, à l'Agioteur,je
vais examiner vos Billets.
L'Agioteur com pte,
& Franchard prend
la liasse. Pendant qu'il
la feüilletoit sans la dc_e
lier, nostre jeune Cf-,
tourdy rentre avec une
Dame venerable qu'il
tenoitsur le poing, 6C
riant de toute sa force,
conte àFranchard comme
une chose fort plaisante
que samere qui
n'avoit pas voulu monter
la premiere fois de
peur de le déranger,venoit
par excez d'exact*
tude luy faire son Billet.
Franchard court au
devant d'elle, se fasche
de cette exactitude offençante
pour luy, jure
qu'il ne recevra le Billet
qu'en luy donnant à
souper. La Dame venerab
le cede de peur de
le fascher
, & regagne
son Carosse, où Franchard
, plus ceremonieux
avec les Dames
qu'avec les jeunes ef-
Tourdis, voulut absolument
la reconduire.
Il la suit, tenant toujours
à la main la liasse
deBillets & l'Agioteur
rcfte iàns se defier
de rien. Il compte toûjours
son sac pour gagner
du temps;maisil
n'osa pas toucher aux
autres quen prsience
de Franchard
, trèsfasché
mesmed'avoir
trouvé deux Ecus de
manque dans le sac,
car l'ayant compté sans
témoins,il prenoit déjà
laresolution de perdre
deuxEcuspar politesse.
-
Il s'assit
,
& attendit
fort tranquilement pen
dantun quart d'heure;
c'est le moins que puissent
durer les Corn-*
phmentsd'une femme
à qui on précèdet~<
gent.
Voyons cepen dant si
nosFiloux munis des
quinzemi lle francs en
Billets sont montez en
Carosse.Non,ils s'ex.
quivent plus finemenr;
ils laissent le Carosse de
louage à la porte, ô£
Franchard feignant
d'accompagner la Dame;
jusques chez un
Notaire voisin, la suit
à pied jusques dans une
rue tournante où un
autre Carosse les attendoit,
& touche Cocher
, voila les quinze
mille francs partis.
Imaginez vous l'impatience
inquiété da
l'Agioteur & de l'hôtessequi
le fut rejoin.
dre au Bureau pour
voir s'il étoit content
de son hoste. Leur con..
fiance étoit si bien establie
que les sou p çons
ne leur vinrent que
pardegrez; mais il fallutenfinen
veniraux
craintes, aux éclaircisfements,
auxalarmes,
l'Agioteur veut emporter
quinze sacs y 1hostessè s'y oppose, il
faut des formalitez. Je
parte fous silence l'arrivée
du Commissaire,
l'ouverture des sacs;
remplis de cailloux 6C
de ronds d'ardoise. Je
ne vous diray point
quelsfurent à cet afpeét
les fremissements
& les mines de l'Agioteur
dupé; vous imaginerez
le dénouement
de tout cela plus plaisamment
que je ne
pourrois vous le décrire.
Le mot d'Agioteur
vient du mot Italien
Adgio Supplément ou
Ajustement.Adjiuflamento,
Ajustement ou
Convention d'interest
entre les Agents de
Change ou Banquiers.
Quel vantaggio chési da
o ricevé per adjoustamenodella
valuta diunamoneta
aquelta d'unaltra.
Fermer
Résumé : L'AGIOTEUR DUPÉ.
Le texte narre l'histoire d'un agioteur parisien, spécialisé dans l'achat et la revente de papiers financiers, qui est trompé par des escrocs. L'agioteur, en train de calculer ses gains à midi, est abordé par un Picard souhaitant échanger un billet de change. L'agioteur propose un taux de 35%, mais le Picard affirme avoir obtenu 30% auprès de Monsieur Franchard. Intrigué, l'agioteur décide de rencontrer Franchard. Ce dernier, avec l'aide de complices déguisés, parvient à convaincre l'agioteur de lui confier quinze mille francs en billets. Pendant que Franchard distrait l'agioteur avec des discussions et des mises en scène, ses complices s'échappent avec l'argent. L'agioteur, trompé par les apparences et les témoignages des voisins, ne se méfie pas. Finalement, il découvre que les sacs d'argent contiennent des cailloux et des rondelles d'ardoise. Le terme 'agioteur' est expliqué comme provenant de l'italien 'adgio', signifiant ajustement ou convention d'intérêt entre agents de change.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
s. p.
MEMOIRES sur ces deux morts.
Début :
Le Vendredy 12. Février 1712. Marie-Adelaïde de Savoye, Epouse de [...]
Mots clefs :
Dauphin, Dauphine, Gardes, Princesse, Duc d'Orléans, Corps du prince, Carrosse, Choeur, Saint-Denis, Évêque de Senlis, Mort, Duchesse, Armes, Lit de parade, Versailles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRES sur ces deux morts.
MEMOIRES
fur ces deux morts.
LeVendredy 12. Février
1712. Marie-Adelaïde da
Savoye , Epoufe de Monfeigneur Louis , Dauphin
de France , mourut aprés
avoir receu fes Sacrements
le jour précedent avec une
parfaite refignation auxvolontez de Dieu & de grands
fentiments de pieté. Sitoft
qu'elle fut décédée ce mefme jour 12. Février à huit
heures & demie du foir , le
Roy fe retira à Marly où
de Mon(Eignearlyfetc
f'on tranfporta Monfeis
gneur le Dauphin malade
le Samedy 13. Février à
fept heures du matin. La
mort d'une Epoufe quiluy
eftoitfi chere rendit la ma
ladie mortelle ; il expira le
Jeudy 18. du mefme mois.
Parlons d'abord de ce
qui fe paffa au premier de
ces deux funeftes évenements. Ce ne furent que
cris & que larmes dans
tout le Chasteau de Verfailles. On peigna la Prin
ceffe , onla coëffa en linger
uni avec des rubans noirs
MORTA
& blancs , & en cet eftat
elle fut exposée au public
tout le Samedyfuivant.
Le Samedy 13. au ſoir
fort tard , elle fut enfevelie
& mife dans fon cercuel
par Madame la Ducheffe
du Lude , & Madame la
Marquile de Mailly , cellelà tenant la tefte , celle- cy
les pieds.
Elle refta tout le Dimanche fur fon lit dans fon
cercueil fans aucun appareil que fix cierges , parce
qu'on préparoit dans la
chambre d'auprés fon lit
de Monfeigneur, & c.
de parade où elle fut mife
le Lundy 15. & exposée au
public.
1
Le Jeudy 18. Monfei
gneur le Dauphin n'ayant
fait paroiftre d'autre in
quietude pendant toute la
nuit précedente que celle
de parvenir aumoment au
quelil pourroit entendre la
Meffe & recevoir le Saint
Sacrement, fon inquietude
ceffa quandil eut fatisfait à
ces deux devoirs , il mou
rut ( aprés avoir recom
mandéfon ameà Dieu , &
l'avoir ptié de conſerver
MORTAS
long temps la perfonne fa
crée du Roy , pour l'intel
reft de les peuples, ) à huit
heures & demie du matin.
Le Roy fe retira dans le
penultiéme Pavillon de
Marly à gauche , & dés que
Monfeigneur le Dauphin
pur eftre enseveli , on l'ap.
porta à Versailles , & on le
mit dans le mefme lit de
parade avec Madame la
Dauphine. Les deux grilles
de Versailles eftoient ten
dues de noir fans écuffons.
Toutes les arcades du ve
fabule , le grand efcalier ,
de Monfeigneur, &c.
la premiere Salle des Gar
des & tout l'appartement
de Madame la Dauphine
eftoient tendus jufqu'au
plafond : deux bandes d'E
cuffons regnoient depuis
les dehors de la Cour juf
ques à la Chambre où le
Prince & la Princeffe ef
toient expoſez.h mung
Un concours infini de
peuple , vint pendant tout
le temps que les corps du
Prince & de la Princeffe
furent expoſez , & paffoit
au travers du Salon , par
la Galerie , jufques à une
MORT
barriere qu'on avoit faite
pour ne donner paffago
que par l'autre Salle des
Gardes , & cela dura juf
qu'au Mardyà midy , qua
tre Pores de la Miffion
quatre Peres Feuillants , &
quatre Peres Recollets ,
avoient veillé jour & nuit
autour du lit de parade ,
& fur les cinq heures du
foir du Mardy 23. Mon
feigneur le Duc d'Orleans
qui avoit efté Mercredyi
17.. donner l'eaubenifte au
Corps de Madame la Dauphine , deyant conduire la
pompe
de Monfeigneur , &c.
"
pompe funebre , vint en
donner avant la levée des
corps du Prince & de la
Princeffe. Meffeigneurs les
Evefques ayant auffi donné
de l'eau benite fur lescorps
du Prince & de la Princeffe , Monfeigneur l'Evef
que de Senlis, accompagné
de Meffeigneurs les Evel
ques de Montauban , de
Tournay , & d'Autun , des
Aumofniers du Curé de
la Paroiffe de Versailles en
furplis & en étole , ayant
entonné Exultabunt , plufieurs Peres de la Miffion ,
Février 1712 .
A
MORTb
commencerent à chanter
le Miferere. Monseigneur
le Duc d'Orleans , Monfieur le Marquis de Dangeau , Chevalier d'Honneur , Monfieur
le Maréchal de Teffé , premier
Ecuyer, les Dames d'Honneur , & les Dames du
Palais qui estoient dans
la Chambreoù la Princeffe
s'avancerent eftoit morte ,
dans celle du lit de parade :
fçavoir , Madame la Ducheffe du Lude , & Madame la Comteffe de Mailly ,
Dames d'Honneur, les Da-
de Monfeigneur , &c.
mes du Palais , Meldames
Ja Marquifel de Dangeau,
deRoucyde Nogaret,d'O,
de Mongon , de Levy, d'Eftrées , ayant à leur tefte
Madame la Grande Ducheffe , Madame la Prin
ceffe de Conty , Madame
la Ducheffe de Vendofme,
&Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon. Toutes cés
Dames fuivoient les corps
du Prince & de la Princeffé, portez par dix Gardes
-dusCorps à chaque cercueil , & deux à chaque
quaiffe , où eftoient renA ij
MORT
fermées les entrailles ; lorf
qu'ils furent fur l'escalier ,
la Mufique entonna un De
profundis en faux bourdon ,
qui dura à peu prés le
temps que les deux cercueils & les deux quaiffes
furent pofez dans le Char
funebre , les Gardes Françoifes & Suiffes eftoient
fous les armes alors on
commença à défiler en cet
ordre. Premierement:
Cent Pauvres habillez
d'une cape grife & claire ,
pliffée , qui leur deſcendoit
jufqu'aux pieds , avec un
de Monfeigneur , &c.
cocluchon & une ceintures
ayant chacun un flambeau
ala main. Une Compagnie
des Gardes du Corps; cent
Vingt Moufquetaires , foixante de chaque Compa
gnie , fuivis de celles des
Gendarmes & ChevauxLegers , aprés lefquels fuivoient lesCaroffes de deuil,
de Meffieurs les Officiers ,
de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , ceux de Monfeigneur le Dauphin, & de
Madame la Dauphine , fuivis de leurs Valets de pied ;
tous ces Caroffes eftoient à
huit chevaux. A iij.
MORTAM
Premier Caroffe de Madame la Dauphine.
S. A. S. Madame la Du
cheffe Pa
Madame la Ducheſſe du
Lude, Dame d'Honneur.
Madame la Ducheffe d'Harcour.
Madame la Ducheffe de
Duras.
Madame la Marquife de
Rouffy, Damedu Palais.
Madame la Marquise de
Mailly , Dame du Palais.
Madame la Marquife de
Laigle , Dame d'Honneur de
Madame la Ducheſſe.
de Monfeigneur, &c.
Second Caroffe.me
S. A. S. Madame la Ducheffe de Vendofme.
Madame la Ducheffe d'E
firées.od
Madame la Princeffe de
Chimay.
Madame de Nogaret.
Madame de Moufereaut.
Madame la Marquife de
Braffac, Dame d'Honneur de
Madame de Vendofme.
Troifiéme Caroffe.
S. A. S. Mademoiſelle de
Conti.
Madame la Duchesse de
Sully
N
A iiij
MORT
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Marquise de
Nangy.
Madame la Marquife de
la Vrilliere
Madame la Marquife da
Liftenay.
Quatriéme Carolfe.
S.AS. Mademoiſelle de la
Rochefur Yon.
Madamela Comtesse d'Egmont.
Madame la Princesse de
Talmont.
Madame de Clermont
Madame la Marquise de
Polignac.
de Monfeigneur, &c.
Madame la Marquife de
la Vrilliere.
Madame la Marquife de
Chambouard.
Cinquiéme Caroffe.
Madame la Grand-Duchefse feule dans le fond avec
Madamela Comteffe de Mail
ly.
Et enfuite fuivirent les Pages de Monfeigneur le
Dauphin &de Madame la
Dauphine. Le Garoffe en
fuite de Monſeigneur le
Ducd'Orleans , où il eftoit
feul dans le fond avec
Monfienr le Marquis de
MORT
la Fare fon premier Capitaine des Gardes , &Mon.
fieur le Comte d'Estampes
fecond Capitaine des Gardes. Dans les autres Caroffes de fa fuite , eftoient
Meffieurs d'Armentieres ,
de Simiane , de Marivat.
Tousces équipages & corteges furent fuivis des Pa
du Roy avec les livrées
du Roy fans deüil , ayant
tous unflambeauà la main,
auffi bien que Meffieurs les
Moufquetaires , Gendarál
Chevaux Legers
ges
mes
qui tous avoient leur ha
de Monseigneur, &c.
bit d'ordonnance, à la tefte
de ce défilé , les caroffes
dans lefquels eftoient Mr
l'Evefque de Senlis , premier Aumofnier de Mada
me la Dauphine , Mr l'Evefque de Tournay , Mr.
l'Evefque de faint Omer ,
Mr. l'Evefque de Montau
ban, & Mrl'Evefque d'Au
tun , au milieu Mr le Curé
de Verfailles en Eftole d'un
cofté , le Pere de la Ruë de
le Pere Martineau, celuy
là Confeffeur de Madame
la Dauphine , celui- cy de
Monfeigneur le Dauphing
MORT
de l'autre cofté: enfuite parurent les quatre Heraults
d'armes avec le Roy d'ar
mes à leur tefte. Le Char
eftoit accompagné de qua
tre Aumofniers en rochet ,
manteau & bonnet carré,
tous quatre à cheval , te
nants chacun un des quatre coins dupoële , ce Char
eftoit attelé de huit cheyaux caparaçonnez. Les
Recollets de Verſailles accompagnerent le convoy
juſqu'à l'avenuë. Il entra
dans Paris à deux heures &
demie aprés minuit, toute
de Monfeigneur, & c.
la rue faint Honoré, où les
Feuillants , les Capucins ,
les Quinze - vingts , faint
Honoré, firent leurs Prieres avec chacun leur Clergé, ayant leurs Croix &
leurs chandeliers , fe prefenterent au paffage pour
chanter un De profundis.
Sitoft qu'on apperceut de
faint Denys les premiers
flambeaux, l'on fonna un
bourdon durant un quart
d'heure pour fignal à toutes les Eglifes de faint Denys , Collegiales , Paroil
fest & Communautez
MORTASÍ
,
d'hommes pour ſe préparer à aller au devant avec
les Religieux de faint De
nys. Tout le Clergé des
autres Eglifes s'eftant rendu dans celle de l'Abbaye ,
on fonna une ſeconde fois
un bourdon feul , pour fe
préparer àpartir. On avoit
commenceà dire des baffes
Meffes dés quatre heures
du matin , dans les Chapelles du Chevet , Chever
c'eft la partie haute de l'Eglife de faint Denys , derriere le chœur , & le lieu
oùferont expoſez pendant
de Monseigneur , &c.
quarante jours les corps du
Prince & de la Princeffe ,
tout le cortege paroiffoir
s'approcher le Clergé de
faint Denys , ayant les Religieux à leur tefte , en formerent un confiderable ,
& allerent au devant du
convoy juſques à la porte
de Paris , qui cftoit tendue avec deux rangées d'Ecuffons , auffi bien que la
premiere porte d'entrée
fur le parvis. Le Convoy
ayant joint , ils entonnerent le Libera Tout défila
furla place oùeftoient plu-
SM ORTA A
Leurs Compagnies des
Gardes Françoiles & Suif
fes ,fous les armes , les pauvres entrerent dans l'Eglife avec leurs flambeaux.
Monfieur de Dreux ; &
Monfieur Defgranges , fi
rent difpofer les fieges &
les carreaux dans le Chœur.
pour les Dames.
Monseigneur le Duc
d'Orleans , Monfieur le
Marquis de Dangeau , &
Monfieur le Maréchal de
Teffé , s'allerent placerd'abord au Choeur ; enfin le
Clergé & les Religieux
eftant
de Monfeigneur, &c.
eftant entrés, le Char eftant
arrivé devant la porte de
l'Eglife , Mr. l'Evefque de
Senlis emchape & en mitre, le Prieur de Saint Denis
enchape , accompagné de
deux Religieux en Dalmatiques , attendirent que les
deux cercueils fuffent apportés fur deux tables l'un
auprés de l'autre , placés
au milieu , fous la plateformeàl'entrée pour com
mencer leurs Harangues.
Ces deux harangues finies , Madame la grande
Ducheffe eftant revenue
Février 1712.
B
MaO RUTAsh
du Chœur au lieu où elles
fe firent pour reprefenter
auprés de Madame la Dauphine, on avoit mis fur les
cercueils de plomb enfermez dans un cercueil de
bois de chefne , & couvert
d'un velours croisé d'une
moire d'argent , à travers
lequel paffoient trois an
neaux de chaque cofté ,
un poëlle noir avec une
Croix herminée , tout le
poëfle bordé d'hermine de
la hauteur de dix pouces ,
& par deffus ce poëlle une
autre de drap d'or avec les
de Monfeigneur, c.
Ecuffons brodez de Mon
feigneur le Dauphin , auf
quels eftoient jointes les
Armes de Madamela Dau
phine fans brifures , n'y
ayant que celles deSavoye
qui font de gueules à und
Croixd'argent, ainfi qu'el
les paroiffoient alternativement dans les Ecus de
velours , chargez d'Ecuffons qui regnoient autour
du Chœur jufqu'à l'Autel,
celles de Monfeigneur le
Dauphin feuls , alternati
A
vement jointes à celles de
Madame la Dauphine. En
Bij
MAORT..
07
fuite on avança' dans le
Chœur, les Gardesducorps
eurent ordre du Maiftre
des ceremonies , de prendre le corps de Madame la
Dauphine le premier, pour
le porter fur une eftrade de
trois degrez qui eftoit dans
le Choeur, & celuy de Monfeigneur le Dauphin , lef
quels eftant placez fur deux
tables , le poëfle de drap
d'or feulement eſtendu
deffus , cinq douzaines de
cierges autour , furmonté
d'un dais en l'air . le Mifer
rere achevé , on chanta le
.
de Monfeigneur,&C.
Subvenite , Kyrie eleifon , Pa
ter nofter , pendant quoy
Mr l'Evefque de Senlis jetta l'eau benifte autour, en
cenfa, & le Pere Prieur enfuite, & Mrde Senlis ayant
fini l'Abfolution , ce qui
conduifit jufqu'à fept heu
res trois quarts ; on s'alla
repofer une demi - heure
aprés laquelle Mr de Senlis vint commencer la
grand Meffe qui dura juſ
ques à neuf heures trois
1quarts.
MORTV
Les cœurs de Monfeigneur.le Dauphin , & de
Madamela Dauphine , fu
rent portez au Val de Gras
ce le Vendredy au foir. Ils
yarriverent à minuit.de
En attendant un détail
de cette ceremonie voicy
le Difcours que fit Mada+
me l'Abbeffe du Val de
Grace en les recevant
fur ces deux morts.
LeVendredy 12. Février
1712. Marie-Adelaïde da
Savoye , Epoufe de Monfeigneur Louis , Dauphin
de France , mourut aprés
avoir receu fes Sacrements
le jour précedent avec une
parfaite refignation auxvolontez de Dieu & de grands
fentiments de pieté. Sitoft
qu'elle fut décédée ce mefme jour 12. Février à huit
heures & demie du foir , le
Roy fe retira à Marly où
de Mon(Eignearlyfetc
f'on tranfporta Monfeis
gneur le Dauphin malade
le Samedy 13. Février à
fept heures du matin. La
mort d'une Epoufe quiluy
eftoitfi chere rendit la ma
ladie mortelle ; il expira le
Jeudy 18. du mefme mois.
Parlons d'abord de ce
qui fe paffa au premier de
ces deux funeftes évenements. Ce ne furent que
cris & que larmes dans
tout le Chasteau de Verfailles. On peigna la Prin
ceffe , onla coëffa en linger
uni avec des rubans noirs
MORTA
& blancs , & en cet eftat
elle fut exposée au public
tout le Samedyfuivant.
Le Samedy 13. au ſoir
fort tard , elle fut enfevelie
& mife dans fon cercuel
par Madame la Ducheffe
du Lude , & Madame la
Marquile de Mailly , cellelà tenant la tefte , celle- cy
les pieds.
Elle refta tout le Dimanche fur fon lit dans fon
cercueil fans aucun appareil que fix cierges , parce
qu'on préparoit dans la
chambre d'auprés fon lit
de Monfeigneur, & c.
de parade où elle fut mife
le Lundy 15. & exposée au
public.
1
Le Jeudy 18. Monfei
gneur le Dauphin n'ayant
fait paroiftre d'autre in
quietude pendant toute la
nuit précedente que celle
de parvenir aumoment au
quelil pourroit entendre la
Meffe & recevoir le Saint
Sacrement, fon inquietude
ceffa quandil eut fatisfait à
ces deux devoirs , il mou
rut ( aprés avoir recom
mandéfon ameà Dieu , &
l'avoir ptié de conſerver
MORTAS
long temps la perfonne fa
crée du Roy , pour l'intel
reft de les peuples, ) à huit
heures & demie du matin.
Le Roy fe retira dans le
penultiéme Pavillon de
Marly à gauche , & dés que
Monfeigneur le Dauphin
pur eftre enseveli , on l'ap.
porta à Versailles , & on le
mit dans le mefme lit de
parade avec Madame la
Dauphine. Les deux grilles
de Versailles eftoient ten
dues de noir fans écuffons.
Toutes les arcades du ve
fabule , le grand efcalier ,
de Monfeigneur, &c.
la premiere Salle des Gar
des & tout l'appartement
de Madame la Dauphine
eftoient tendus jufqu'au
plafond : deux bandes d'E
cuffons regnoient depuis
les dehors de la Cour juf
ques à la Chambre où le
Prince & la Princeffe ef
toient expoſez.h mung
Un concours infini de
peuple , vint pendant tout
le temps que les corps du
Prince & de la Princeffe
furent expoſez , & paffoit
au travers du Salon , par
la Galerie , jufques à une
MORT
barriere qu'on avoit faite
pour ne donner paffago
que par l'autre Salle des
Gardes , & cela dura juf
qu'au Mardyà midy , qua
tre Pores de la Miffion
quatre Peres Feuillants , &
quatre Peres Recollets ,
avoient veillé jour & nuit
autour du lit de parade ,
& fur les cinq heures du
foir du Mardy 23. Mon
feigneur le Duc d'Orleans
qui avoit efté Mercredyi
17.. donner l'eaubenifte au
Corps de Madame la Dauphine , deyant conduire la
pompe
de Monfeigneur , &c.
"
pompe funebre , vint en
donner avant la levée des
corps du Prince & de la
Princeffe. Meffeigneurs les
Evefques ayant auffi donné
de l'eau benite fur lescorps
du Prince & de la Princeffe , Monfeigneur l'Evef
que de Senlis, accompagné
de Meffeigneurs les Evel
ques de Montauban , de
Tournay , & d'Autun , des
Aumofniers du Curé de
la Paroiffe de Versailles en
furplis & en étole , ayant
entonné Exultabunt , plufieurs Peres de la Miffion ,
Février 1712 .
A
MORTb
commencerent à chanter
le Miferere. Monseigneur
le Duc d'Orleans , Monfieur le Marquis de Dangeau , Chevalier d'Honneur , Monfieur
le Maréchal de Teffé , premier
Ecuyer, les Dames d'Honneur , & les Dames du
Palais qui estoient dans
la Chambreoù la Princeffe
s'avancerent eftoit morte ,
dans celle du lit de parade :
fçavoir , Madame la Ducheffe du Lude , & Madame la Comteffe de Mailly ,
Dames d'Honneur, les Da-
de Monfeigneur , &c.
mes du Palais , Meldames
Ja Marquifel de Dangeau,
deRoucyde Nogaret,d'O,
de Mongon , de Levy, d'Eftrées , ayant à leur tefte
Madame la Grande Ducheffe , Madame la Prin
ceffe de Conty , Madame
la Ducheffe de Vendofme,
&Mademoiſelle de la Roche-fur-Yon. Toutes cés
Dames fuivoient les corps
du Prince & de la Princeffé, portez par dix Gardes
-dusCorps à chaque cercueil , & deux à chaque
quaiffe , où eftoient renA ij
MORT
fermées les entrailles ; lorf
qu'ils furent fur l'escalier ,
la Mufique entonna un De
profundis en faux bourdon ,
qui dura à peu prés le
temps que les deux cercueils & les deux quaiffes
furent pofez dans le Char
funebre , les Gardes Françoifes & Suiffes eftoient
fous les armes alors on
commença à défiler en cet
ordre. Premierement:
Cent Pauvres habillez
d'une cape grife & claire ,
pliffée , qui leur deſcendoit
jufqu'aux pieds , avec un
de Monfeigneur , &c.
cocluchon & une ceintures
ayant chacun un flambeau
ala main. Une Compagnie
des Gardes du Corps; cent
Vingt Moufquetaires , foixante de chaque Compa
gnie , fuivis de celles des
Gendarmes & ChevauxLegers , aprés lefquels fuivoient lesCaroffes de deuil,
de Meffieurs les Officiers ,
de Monfeigneur le Duc
d'Orleans , ceux de Monfeigneur le Dauphin, & de
Madame la Dauphine , fuivis de leurs Valets de pied ;
tous ces Caroffes eftoient à
huit chevaux. A iij.
MORTAM
Premier Caroffe de Madame la Dauphine.
S. A. S. Madame la Du
cheffe Pa
Madame la Ducheſſe du
Lude, Dame d'Honneur.
Madame la Ducheffe d'Harcour.
Madame la Ducheffe de
Duras.
Madame la Marquife de
Rouffy, Damedu Palais.
Madame la Marquise de
Mailly , Dame du Palais.
Madame la Marquife de
Laigle , Dame d'Honneur de
Madame la Ducheſſe.
de Monfeigneur, &c.
Second Caroffe.me
S. A. S. Madame la Ducheffe de Vendofme.
Madame la Ducheffe d'E
firées.od
Madame la Princeffe de
Chimay.
Madame de Nogaret.
Madame de Moufereaut.
Madame la Marquife de
Braffac, Dame d'Honneur de
Madame de Vendofme.
Troifiéme Caroffe.
S. A. S. Mademoiſelle de
Conti.
Madame la Duchesse de
Sully
N
A iiij
MORT
Madame la Duchesse de
la Ferté.
Madame la Marquise de
Nangy.
Madame la Marquife de
la Vrilliere
Madame la Marquife da
Liftenay.
Quatriéme Carolfe.
S.AS. Mademoiſelle de la
Rochefur Yon.
Madamela Comtesse d'Egmont.
Madame la Princesse de
Talmont.
Madame de Clermont
Madame la Marquise de
Polignac.
de Monfeigneur, &c.
Madame la Marquife de
la Vrilliere.
Madame la Marquife de
Chambouard.
Cinquiéme Caroffe.
Madame la Grand-Duchefse feule dans le fond avec
Madamela Comteffe de Mail
ly.
Et enfuite fuivirent les Pages de Monfeigneur le
Dauphin &de Madame la
Dauphine. Le Garoffe en
fuite de Monſeigneur le
Ducd'Orleans , où il eftoit
feul dans le fond avec
Monfienr le Marquis de
MORT
la Fare fon premier Capitaine des Gardes , &Mon.
fieur le Comte d'Estampes
fecond Capitaine des Gardes. Dans les autres Caroffes de fa fuite , eftoient
Meffieurs d'Armentieres ,
de Simiane , de Marivat.
Tousces équipages & corteges furent fuivis des Pa
du Roy avec les livrées
du Roy fans deüil , ayant
tous unflambeauà la main,
auffi bien que Meffieurs les
Moufquetaires , Gendarál
Chevaux Legers
ges
mes
qui tous avoient leur ha
de Monseigneur, &c.
bit d'ordonnance, à la tefte
de ce défilé , les caroffes
dans lefquels eftoient Mr
l'Evefque de Senlis , premier Aumofnier de Mada
me la Dauphine , Mr l'Evefque de Tournay , Mr.
l'Evefque de faint Omer ,
Mr. l'Evefque de Montau
ban, & Mrl'Evefque d'Au
tun , au milieu Mr le Curé
de Verfailles en Eftole d'un
cofté , le Pere de la Ruë de
le Pere Martineau, celuy
là Confeffeur de Madame
la Dauphine , celui- cy de
Monfeigneur le Dauphing
MORT
de l'autre cofté: enfuite parurent les quatre Heraults
d'armes avec le Roy d'ar
mes à leur tefte. Le Char
eftoit accompagné de qua
tre Aumofniers en rochet ,
manteau & bonnet carré,
tous quatre à cheval , te
nants chacun un des quatre coins dupoële , ce Char
eftoit attelé de huit cheyaux caparaçonnez. Les
Recollets de Verſailles accompagnerent le convoy
juſqu'à l'avenuë. Il entra
dans Paris à deux heures &
demie aprés minuit, toute
de Monfeigneur, & c.
la rue faint Honoré, où les
Feuillants , les Capucins ,
les Quinze - vingts , faint
Honoré, firent leurs Prieres avec chacun leur Clergé, ayant leurs Croix &
leurs chandeliers , fe prefenterent au paffage pour
chanter un De profundis.
Sitoft qu'on apperceut de
faint Denys les premiers
flambeaux, l'on fonna un
bourdon durant un quart
d'heure pour fignal à toutes les Eglifes de faint Denys , Collegiales , Paroil
fest & Communautez
MORTASÍ
,
d'hommes pour ſe préparer à aller au devant avec
les Religieux de faint De
nys. Tout le Clergé des
autres Eglifes s'eftant rendu dans celle de l'Abbaye ,
on fonna une ſeconde fois
un bourdon feul , pour fe
préparer àpartir. On avoit
commenceà dire des baffes
Meffes dés quatre heures
du matin , dans les Chapelles du Chevet , Chever
c'eft la partie haute de l'Eglife de faint Denys , derriere le chœur , & le lieu
oùferont expoſez pendant
de Monseigneur , &c.
quarante jours les corps du
Prince & de la Princeffe ,
tout le cortege paroiffoir
s'approcher le Clergé de
faint Denys , ayant les Religieux à leur tefte , en formerent un confiderable ,
& allerent au devant du
convoy juſques à la porte
de Paris , qui cftoit tendue avec deux rangées d'Ecuffons , auffi bien que la
premiere porte d'entrée
fur le parvis. Le Convoy
ayant joint , ils entonnerent le Libera Tout défila
furla place oùeftoient plu-
SM ORTA A
Leurs Compagnies des
Gardes Françoiles & Suif
fes ,fous les armes , les pauvres entrerent dans l'Eglife avec leurs flambeaux.
Monfieur de Dreux ; &
Monfieur Defgranges , fi
rent difpofer les fieges &
les carreaux dans le Chœur.
pour les Dames.
Monseigneur le Duc
d'Orleans , Monfieur le
Marquis de Dangeau , &
Monfieur le Maréchal de
Teffé , s'allerent placerd'abord au Choeur ; enfin le
Clergé & les Religieux
eftant
de Monfeigneur, &c.
eftant entrés, le Char eftant
arrivé devant la porte de
l'Eglife , Mr. l'Evefque de
Senlis emchape & en mitre, le Prieur de Saint Denis
enchape , accompagné de
deux Religieux en Dalmatiques , attendirent que les
deux cercueils fuffent apportés fur deux tables l'un
auprés de l'autre , placés
au milieu , fous la plateformeàl'entrée pour com
mencer leurs Harangues.
Ces deux harangues finies , Madame la grande
Ducheffe eftant revenue
Février 1712.
B
MaO RUTAsh
du Chœur au lieu où elles
fe firent pour reprefenter
auprés de Madame la Dauphine, on avoit mis fur les
cercueils de plomb enfermez dans un cercueil de
bois de chefne , & couvert
d'un velours croisé d'une
moire d'argent , à travers
lequel paffoient trois an
neaux de chaque cofté ,
un poëlle noir avec une
Croix herminée , tout le
poëfle bordé d'hermine de
la hauteur de dix pouces ,
& par deffus ce poëlle une
autre de drap d'or avec les
de Monfeigneur, c.
Ecuffons brodez de Mon
feigneur le Dauphin , auf
quels eftoient jointes les
Armes de Madamela Dau
phine fans brifures , n'y
ayant que celles deSavoye
qui font de gueules à und
Croixd'argent, ainfi qu'el
les paroiffoient alternativement dans les Ecus de
velours , chargez d'Ecuffons qui regnoient autour
du Chœur jufqu'à l'Autel,
celles de Monfeigneur le
Dauphin feuls , alternati
A
vement jointes à celles de
Madame la Dauphine. En
Bij
MAORT..
07
fuite on avança' dans le
Chœur, les Gardesducorps
eurent ordre du Maiftre
des ceremonies , de prendre le corps de Madame la
Dauphine le premier, pour
le porter fur une eftrade de
trois degrez qui eftoit dans
le Choeur, & celuy de Monfeigneur le Dauphin , lef
quels eftant placez fur deux
tables , le poëfle de drap
d'or feulement eſtendu
deffus , cinq douzaines de
cierges autour , furmonté
d'un dais en l'air . le Mifer
rere achevé , on chanta le
.
de Monfeigneur,&C.
Subvenite , Kyrie eleifon , Pa
ter nofter , pendant quoy
Mr l'Evefque de Senlis jetta l'eau benifte autour, en
cenfa, & le Pere Prieur enfuite, & Mrde Senlis ayant
fini l'Abfolution , ce qui
conduifit jufqu'à fept heu
res trois quarts ; on s'alla
repofer une demi - heure
aprés laquelle Mr de Senlis vint commencer la
grand Meffe qui dura juſ
ques à neuf heures trois
1quarts.
MORTV
Les cœurs de Monfeigneur.le Dauphin , & de
Madamela Dauphine , fu
rent portez au Val de Gras
ce le Vendredy au foir. Ils
yarriverent à minuit.de
En attendant un détail
de cette ceremonie voicy
le Difcours que fit Mada+
me l'Abbeffe du Val de
Grace en les recevant
Fermer
Résumé : MEMOIRES sur ces deux morts.
En février 1712, Marie-Adélaïde de Savoie, épouse du Dauphin Louis de France, décéda après avoir reçu les sacrements avec résignation et piété. Le roi se retira à Marly, et le Dauphin, gravement affecté par la perte de son épouse, mourut le 18 février. Les funérailles de Marie-Adélaïde eurent lieu le 13 février. Elle fut exposée au public, habillée de lingerie unie avec des rubans noirs et blancs. Le Dauphin, quant à lui, mourut après avoir reçu les derniers sacrements et recommandé son âme à Dieu. Les corps furent exposés à Versailles, avec des grilles et des arcades tendues de noir. Un grand concours de peuple vint voir les dépouilles. Les cérémonies funéraires inclurent des messes et des prières, avec la participation de nombreux ecclésiastiques et dignitaires. Les corps furent ensuite transportés à l'abbaye de Saint-Denis, où ils furent inhumés après des harangues et des prières. Les cœurs du Dauphin et de Marie-Adélaïde furent portés au Val-de-Grâce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 19-24
MORT du dernier Dauphin.
Début :
Le 8. de Mars Monseigneur le Dauphin se trouvant en [...]
Mots clefs :
Dauphin, Aumônier, Corps, Duchesse de Ventadour, Carrosse, Mort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORT du dernier Dauphin.
MORT
:
du dernier Dauphin.,
Le 8. de Mars Mon seigneur le Dauphin se trouvant en grand peril de mort,
reçut les Cérémonies du
Biptesme par les mains de
l'Evvesque de Mets, premier
Aumônier
;
il fut nommé
Louis par le Comte de la
Motte & par Madame la
Duchesse de Ventadour
Gouvernante des Enfans de
France, & il mourut le même jour.
Le 10. son corps fut porté à Saint Denis,avec un
cortege de trois Carosses &
de six-vingt flambeaux,
portez par plusieurs Gardes
du Corps & par plusieurs
Pages; dans ïun desquels
estoit le corps.
Mrl'Evsque deMets qui
portoit le cœur.
Madame la Duchesse de
Ventadour.
Mr le Duc de Mortcmar,
premier Gentilhomme de la
Chambre.
Medela Lande Sous gouvernante.
Mrl'Abbédu Cambour,
Aumônier du Roy.
M' le Curé de Versailles.
Un autre Carosse où
estoient huit Gentilshommes ordinaires, qui avoient
porté le cercuëil
,
qui étoient:
Mr de Saint-Olon.
Mrde Chasteau du Bois,
M' Roland.
Mr Charmois.
Mr de la Bussiere.
Mr de la Quiche.
MrBour delin.
Mr Messier.
Suivoit le Carosse des
Femmes de Chambre.
Ces trois Carrossesétoient
suivis de ceux de M. l'Eves-
<|ue de Mets ;de c la Duchesse de Ventadour, & d-c
Mr le Duc de Mortemar.
-:.:
L'Evêque de Mets presenta leCorps au Prieur de l'A'Q.
biye,>ôc fit un très -
beau
Discours
;
après quoy il fie
l'inhumation.
On avoit preparé une
estrade de trois degrez
,
avec un Pavillon de satin
blanc
,
l'espace seulement
depuis Charles le Chauve,
jjjfques aux premiers degrez du Sanctuaire, garnie
de tapis blancs; le Corps
placé sur cette Repre fcnia
tion - on chantaDomini efi
terra. Aprés quoy Mr l E
vesgue de Mets ayant chanté l'Oraison convenable&
mis un peu de terre sur le
Poesse qui envelopoit le
Çerçiicil
,
sans Requiem ny
Kyrie eleïson
,
on descendit
le Corps du Dauphin avec
ses entrailles dans le Caveau,
& fut placé auprès du Corps
de Monseigneur le Duc de
Bretagnesonaîné*, mort le
à 3. Avril 1705.
Les Religieux retirent le
Poëste qui eU de moëre d'argent.
Mr l'Evêque de Mets &
Me la Duchesse de Ventadour à peu-prés avec le
mesme cortege, avec lequel
on y a
porté ceux de
Monseigneur le Dauphin
& deMadame la Dauphine,
porterent en partant de S.
Denis à dix heures du soir,
le cœur du Dauphinau Valde- Grace.
:
du dernier Dauphin.,
Le 8. de Mars Mon seigneur le Dauphin se trouvant en grand peril de mort,
reçut les Cérémonies du
Biptesme par les mains de
l'Evvesque de Mets, premier
Aumônier
;
il fut nommé
Louis par le Comte de la
Motte & par Madame la
Duchesse de Ventadour
Gouvernante des Enfans de
France, & il mourut le même jour.
Le 10. son corps fut porté à Saint Denis,avec un
cortege de trois Carosses &
de six-vingt flambeaux,
portez par plusieurs Gardes
du Corps & par plusieurs
Pages; dans ïun desquels
estoit le corps.
Mrl'Evsque deMets qui
portoit le cœur.
Madame la Duchesse de
Ventadour.
Mr le Duc de Mortcmar,
premier Gentilhomme de la
Chambre.
Medela Lande Sous gouvernante.
Mrl'Abbédu Cambour,
Aumônier du Roy.
M' le Curé de Versailles.
Un autre Carosse où
estoient huit Gentilshommes ordinaires, qui avoient
porté le cercuëil
,
qui étoient:
Mr de Saint-Olon.
Mrde Chasteau du Bois,
M' Roland.
Mr Charmois.
Mr de la Bussiere.
Mr de la Quiche.
MrBour delin.
Mr Messier.
Suivoit le Carosse des
Femmes de Chambre.
Ces trois Carrossesétoient
suivis de ceux de M. l'Eves-
<|ue de Mets ;de c la Duchesse de Ventadour, & d-c
Mr le Duc de Mortemar.
-:.:
L'Evêque de Mets presenta leCorps au Prieur de l'A'Q.
biye,>ôc fit un très -
beau
Discours
;
après quoy il fie
l'inhumation.
On avoit preparé une
estrade de trois degrez
,
avec un Pavillon de satin
blanc
,
l'espace seulement
depuis Charles le Chauve,
jjjfques aux premiers degrez du Sanctuaire, garnie
de tapis blancs; le Corps
placé sur cette Repre fcnia
tion - on chantaDomini efi
terra. Aprés quoy Mr l E
vesgue de Mets ayant chanté l'Oraison convenable&
mis un peu de terre sur le
Poesse qui envelopoit le
Çerçiicil
,
sans Requiem ny
Kyrie eleïson
,
on descendit
le Corps du Dauphin avec
ses entrailles dans le Caveau,
& fut placé auprès du Corps
de Monseigneur le Duc de
Bretagnesonaîné*, mort le
à 3. Avril 1705.
Les Religieux retirent le
Poëste qui eU de moëre d'argent.
Mr l'Evêque de Mets &
Me la Duchesse de Ventadour à peu-prés avec le
mesme cortege, avec lequel
on y a
porté ceux de
Monseigneur le Dauphin
& deMadame la Dauphine,
porterent en partant de S.
Denis à dix heures du soir,
le cœur du Dauphinau Valde- Grace.
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Résumé : MORT du dernier Dauphin.
Le 8 mars, le Dauphin, fils du roi de France, fut baptisé par l'évêque de Metz et nommé Louis par le comte de la Motte et la Duchesse de Ventadour, avant de décéder le même jour. Le 10 mars, son corps fut transporté à l'abbaye de Saint-Denis dans un cortège composé de trois carrosses et de soixante flambeaux, portés par des Gardes du Corps et des Pages. L'évêque de Metz portait le cœur du Dauphin. Le cortège incluait également la Duchesse de Ventadour, le duc de Mortemar, Madame Lande, l'abbé du Cambour et le curé de Versailles. Un autre carrosse transportait huit gentilshommes ayant porté le cercueil. L'évêque de Metz remit le corps au prieur de l'abbaye, qui prononça un discours avant l'inhumation. Le corps du Dauphin, avec ses entrailles, fut placé dans le caveau auprès du duc de Bretagne, son aîné, décédé en 1705. Après la cérémonie, l'évêque de Metz et la Duchesse de Ventadour transportèrent le cœur du Dauphin au Val-de-Grâce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 3-45
LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Début :
Une Dame jolie, enjoüée, & de beaucoup d'esprit, vertueuse [...]
Mots clefs :
Blonde, Brune, Languedoc, Mari absent, Galanterie, Maîtresse, Soupçon, Amant jaloux, Convalescence, Paris, Abbesse, Conseiller, Amour, Carrosse, Abbaye, Veuve, Couvent, Tromperie, Jalousie, Cheveux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
LA BLONDE BRUNE
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
femme & maistreffe.
UNeDame jolie , enjouée , & de beaucoup
d'efprit , vertueufe dans
le fond , mais aimant le
Septembre 1712. Aij
4 MERCURE
monde , & les amufe->
ments d'une galanterie
fans vice , ne put s'empefcher de fuivre cette
maniere de vie pendant
l'abfence de fon mary ,
que d'importantes affai
res avoient appellé dans
le Languedoc pour quelque temps. Il eftoit tresnouveau marić , & avoit
épousé la femme par un
accommodement de famille , & ne l'avoit pas
veuë plus de deux outrois
GALANT.
jours avant ſon mariage,
& avoit efté contraint de
partir peu de jours après.
Il aima d'abord cette
femme ; mais foit jaloufic , foit delicateffe fcrupuleufe fur le point
d'honneuril eftoit un
peu trop fevere für fa
conduite ; & il luy recommanda en partant
une regularité devivie
fort efloignée des innocentes libertez qu'elle s'eftoit donnée eftant fille ,
Aiij
6 MERCURE
& qu'elle s'eftoit promis
de continuer après fon
mariage , ainfi fe voyant
maitreffe de fes actions
par ce départ , elle oùblia tous les fcrupules
qu'onlui avoit donnez en
partant , elle eftoit née
pour la vie agréable ,
l'occafion eftoit belle
elle crut qu'il luy eftoit
permis de s'en fervir ,
pourveu qu'elle évitaft
l'éclat ; elle ne vouloit
point recevoir de vifites
GALANT.
7
chez elle , mais elle avoit
des amis & des amies de
fon humeur , on la vit ,
elle plut & n'en fut point
fafchée. On lui fit de tendres déclarations , elle les
reçeut en femme d'efprit
qui veut eftre aimée &
ne point aimer, elle ne fe
faſchoit de rien, pourveu
qu'onne paffaft point les
bornes qu'elles s'eftoit
prefcrites conformément
à un fond de fageffe qui
ne pourroit eftre alteré ,
*
A iiij
8 MERCURE
les plus médifans one
pouvoient avoir que des
foupçons mal fondez , &
ceux qui eftoient les plus
entreprenans s'aperceurent bien - toft qu'il n'y
avoit à efperer d'elle que
l'agrément de la focieté
generale , ils l'en eſtimerent davantage & n'en
curent pas moins d'empreffement à la voir, car
elle plaifoit , mefme aux
femmes qui fe fentoient
un merite inferieur au
GALANT
fien , tout alloit bien jufque là mais un de ces
jeunes conquerants qui
ne veulent des femmes
que la gloire de s'en eſtre
fait aimer , prétendit un
jour eftre aimé d'elle
plus férieufement qu'elle
ne vouloit , elle le regarada fierement , changea
de ftile , prit un air fevere
& rabbatit tellement fa
vanité , qu'elle s'en fit un
ennemi tres- dangereux
il examina de prés toutes
10 MERCURE
fes demarches , la vit de
facile accès à tous ceux
qu'il regardoit comme
fes rivaux , & fans fonger qu'ils ne luy avoient
pas donné les mefmes fujets de plainte que luy , il
les mit tous fur fon compte , il prit confeil de fa
jaloufie , & ne fongea
plus qu'à fe vanger , il en
trouva une occafion toute autre qu'il ne l'efpe
roit.
La Dame eftoit allée à
GALANT.
IF
une Campagne pour
quelques jours avec une
amie;
par malheur pour
elle fon mary revint
justement de Languedoc le lendemain du
départ de fa femme , &
fut fort défagreablement
furpris de nela point
trouver chez elle en arrivant. Le premier homme qu'il vit en fortant
de chez luy ce fut l'amant jaloux , avec qui
il avoit toujours vécu
12 MERCURE
affez familierement , le
mary luy confia le chagrin qu'il avoit contre ſa
femme; il prit cette occafionpour la juftifier de la
maniere dont les prudes
medifent ordinairement
de leurs émules , c'eſtà- dire en excufant malignement les fautes qu'on
ignoreroit fans elle; il entra dans le détail de toutes les connoiffances qu
elleavoit faites depuisfon
départ , & de toutes les
GALANT. 13
parties où elles'étoit trouvée, en louant une vertu
qui pouvoit eftre à l'épreuve de tout cela , mais
cette vertu eftoit ce qui
frappoit moins le mary
les épreuves où elle s'eftoit mife le frappoient
bien davantage , en un
motil l'enviſageacomme
tres-coupable, il s'emporte, il fulmine, & il auroit
pris quelque refolution
violente, fi quelques amis
mieux intentionnez
MERCURE
n'cuffent un peu adouci
le venin que le premier
avoit infinue dans le
cœur de ce pauvre mari ,
cependant tout ce que
ceux- cy purent gagner
ce fut qu'en attendant
un éclairciſſement plus
ample cette femme iroit,
fous quelque prétexte
qu'ils trouverent , paffer
quelques femaines dans
un Couvent à quinze
lieues de Paris , dont par
bonheur l'Abeffe fe trouE
GALANT. S
foeur d'un de ces prudents amis , & la femme
va
executa cette retraite demivolontaire dès qu'elle
fut de retour ; & deux
parentes du maryfechargerent de l'y conduire.
La voila donc dans le
Couvent , fes manieres
engageantes & flateufes
la rendirent bien- toft intime amie de l'Abbeffe ,
elle fe fit aimer de tout le
Couvent, c'eftoit une neceffité pour elle que la
stoleg
16 MERCURE
vie gaye , elle fe fit des
plaifirs de tout ce qui en
peut donner dans la retraite , & elle fit amitié
avec une jeune Provençale, parente de l'Abbeſſe
qui eftoit aufli dans le
Couvent pour paſſer la
premiere année de fon
veuvage, mais elle eftoit
auffi gaye que celle - cy
qui n'eftoit pas veuve
celle - cy eut une fantaifie fi forte d'apprendre
le Provençal qu'elle le
parloit
GALANT. 17
parloit au bout de quelque temps auffi bien que
cette veuve qu'elle ne
quittoit pas d'un moment.
Le temps de cette retraite dura prés d'une an
née au lieu de quelques
femaines › parce que le
mary fut obligé de retourner en Languedoc
& qu'il ne voulut pas la
laiffer feule à Paris une
feconde fois. Pendant ce
temps là elle eut la petite
Septembre 1712. B
18 MERCURE
verole , & n'en fut prefque point marquée, mais
il fe fit un petit changementdans les traits defon
de temps vifage , en peu
la convalefcence joignit
de l'embonpoint à fa taille qui eftoit fort menuë ;
& fon teint s'éclaircit
beaucoup , elle perdit de
beaux cheveux blonds
qu'elle avoit , en forte
que mettant un jour en
badinant une coifure de
la veuve , qui eftoit bru
GALANT 19
ne , elle fe trouva fi jolic
en brun & en mefme
temps fi diférente de ce
qu'elle eftoit en blond
avant fa petite verolo
que joignant à cela le
langage Provençal, qu'el
le s'eftoit rendu naturel ,
ellecrutpouvoir fatisfaire
une fantaiſie qui luyvint;
c'eftoit d'accompagner
fan amie dans un pe
tit voyage qu'elle alloit
faire à Paris , & d'y paſfer
incognito pour une Pra
Bij
20 MERCURE
vençale parente de cette
veuve , elle en obtint la
permiffion de l'Abbeffe
& du frere de cetteAbbef
fe, qui eftoit, commej'ay
dit , le vray ami de confiance du mary , & qui
avoit mefme affez d'af1
cendant fur luy pour ſe
charger de ce qui pourroit arriver , lorſque par
hazard elle feroit reconnuë par quelqu'un. En
unmot , il ne put refuſer
cette petite confolation
GALANT. 28
d'aller voir Paris , à une
femme qu'il fçavoit innocente , & que fon mary qui menaçoit d'eftre
encore trois mois en Lan
guedoc, avoit déja laiffé
un an dans le Couvent ,
il partit donc avec la veritable & la fauffe brune,
qu'il mena en arrivant à
Paris chez unvieux Confeiller dont la femme eftoit tres vertueuse , il ne
pouvoit la placer mieux
pour la fureté du mary.
22 MERCURE
Il fit croire aifément au
vieux Confeiller & à fa
femme qu'elle eftoit Provençale & parente de la
veuve.
Nos deux brunes firent pendant quelques
jours l'admiration du petit nombre de gens que
voyoit la Confeillere , &
elles eftoient un jourtoutes trois avec le Confeiller dans fon Cabinet en
fortant de Table , lorfqu'un Soliciteur impa
}
GALANT. 27
que
tes
tient ne trouvant perfonne pour l'annoncer, parce
gens difnoient
entra dans le Cabinet du
Confeiller. Qui pourroit
imaginer la bizarerie de
cette incident , le mary
jaloux eftoit revenu en
poſté pour un procèsimportant dont ce Confeil
ler venoit d'eftre nommé
Rapporteur , il eſtoit encore aux compliments
avec le Confeiller quand
la parole luy manqua
&
24 MERCURE
tout à coup , par la ref
femblance eftonnante
qui le frappa malgré les
changemens dont j'ay
parlé ; le Conſeiller luy
dit ce qu'il croyoit de
bonne foy , que cette
belle Provençale eftoit
arrivée de Provence depuis deux jours avec la
veuve. Le mary ne put
s'empefcher contre lá
bienséance mefme de s'avancer vers les deux Dames , il leur marqua là
caufe
GALANT.
caufedefoneftonnement,
& il cuftfansdoutereconneu fa femme fans la préfence d'efprit qu'elle cut
de neparler que Provençal , comme fi elle n'euft
pas fceu bien parler
François , ce jargon dépayfa encore le mary qui
s'en tint à l'eftonnement
d'une telle reffemblance
entre une brune & fa
femme qui eftoit blonde.
En ce moment l'ami qui
avoit difné avec les DaSeptembre 1712, C
26 MERCURE
mes, & qui eftoit reſté un
moment dans le Jardin ,
fut eftonnéen remontant
de trouver dans l'antichambre un Laquais de
fon ami qu'il croyoit encore en Languedoc , &
fut bien plus furpris encore quand ce Laquais
lui dit que fon Maiſtre
eftoit dans le Cabinet du
Confeiller , il entra fort
allarmé , mais la fcene
qu'il y trouva l'ayant un
peu raffuré , lui fit naiſtre
GALANT
. 17
en grossune idée qu'il
perfectionna dans la fuite , & aprés avoir appuyé
ta folicitation de fon ami
auprès du Conſeiller , il
fortit avec luy , le fortifia dans l'idée de la
reffemblance , & lui promit pour la rareté dufait
de luy faire voir le lende-
-main cette brune, & dès
le foir mefme il prévint
ola Confeillere en lui contant la verité de tout , &
luy faiſant approuver le
C ij
& MERCURE
deffein qu'il avoit , car
foupçonnoit desja le mary d cftre un peu amoureux de fa femme traveftie. ?
La vifite du lendemain
fe pafla plus gayement
que la premiere entreveuë, car la femme ayant
concertéfon perfonnage,
le fouftint à merveille, &
dit à fon mary en langage Provençal cent jolies
chofes , que la veuve lui
interpretoit à mefure ,
GALANT. 29
elle interpretoit enfuite
la femme ce que fon mary lui difoit bon François : ce jeu donna à l'amyla fene du monde la
en
plus divertiflante , & le
maryfortit delà fì amouBeux , que fon amy n'en
douta plus ; mais il fe
garda bien de lui tefmoi
gner qu'il s'en apperceut,
de peur de le de le contraindre. Le fingulier de cett
avanture , c'eft qu'en certains momens le maryreCij
30 MERCURE
connoiffoit fi fort fa femme, que cela refroidiffoit
un peueu fon amour, toutes les differences qu'il
trouvoit le frappant , enfuite fon amour redoubloit , & les fcrupules lui
prenoient , il vit ainfi plufieurs fois fa femme, mais
le jour de fon départ eftoit arrivé , on dit hautement qu'elle retournoit
en Provence, & elle partit
pour fe rendre au Cou
vent.
ALANT 31
Ce départ mit le mary
dans un tel abbatement
qu'il ne put s'empeſcher
de faire confidence àa fon
amy du cruel cftat où
cette feparation l'avoit
que
mis. Alors Famylui confeilla de profiter de la reffemblance, de taſcher
fa femme remplaçaft cette perte dans fon cœur.
Ils partirent tous deux
pour aller au Couvent ,
où la femme redevenue
blonde , prit des ajuſte
C iiij
32 MERCURI
ments if differents de
ceux qu'elle avoit cftant
brune , que le mary crup
voirune autre perfonne ,
il y trouvoit pourtant
quelques uns des mefmes
charmes , mais celle - cy
ne fervoit qu'à lui faire
regreter l'autre , en lus
en reveillant lidée. vio
Sur ces entrefaites un
courier vint apporter une
lettre à l'amy & cette
lettre eftoit de la veuve,
qui de concert avec lui
CALANTI #
cftoit allée à une terre
qu'avoit le Confeiller à
quatre lieues du Cou
vent, cette lettre portoit,
que la belle brune s'erant
trouvée indifposée &
cette femme fe trouvant
fur la route du Langue
doc elle y séjourneroit
deux où trois jours. Il
montra le commencement de cette lettre au
mary , qui en lut en mef.
me temps la fin , où la
veuve marquoit à l'amy
34 MERCURE
comme par une espece de
confidence , que l'indif
pofition de la brune n'eftoit qu'un prétexte pour
taſcher de retournerà Paris , pour revoir fon amy
pour qui elle avoit le
cœur pris. Jugez de l'effet que cette fin de lettre
fit fur le pauvre mary .
l'amy reprit fa lettre fans
lui parler davantage de
la veuve ni de fa compagne , & dit enfuite qu'ef
tant obligé de refter deux
GALANT. 35
ou trois jours avec la
foeur Abbeffe ; il lui
donnoit fon Caroffe pour
s'en retourner à Paris ; le
mary fut charmé de cet
incident & profita du
Caroffe , il gagna le Cocher & marcha droit
vers la terre où il croyoit
trouver la brune , & c'eft
ce que l'amy avoit prévû,
la blonde partit àl'inftant
par un chemin de traverfe avec une Chaife de
pofte , & l'amy à Che-
36 MERCURE
val , ils arriverent une
heure avant le Caroffe
dont le Cocher avoit ordre d'aller fort douce,
ment, & la blonde cut
tout le loifir de le faire
brune ,
avant que fon
maryfuftarrivé, l'amyfe
fit cacher dans le Chaf
teau , & cette entreveuë
fut fi vive qu'il y eut déclaration d'amour depart
&
d'autre , car le mary
eut la tefte fi troublée de
puis la lecture de la lettre,
GALANT. 37-
qu'il fut incapable d'aucune reflexion fur l'infi- .
delitéqu'il faifoit à fa femme dans le moment
qu'ils eftoient dans le fort
de leur tendreffe l'amy
parut , la brune feignit
?
d'eftre furpriſe & troublée , fe retira avec précipitation & laiffa les
deux amis feuls enfemble , alors l'amy prenant
un ton fort fevere , dite
au mary qu'il s'etoit bien
douté de l'infidelité qu'il
38 MERCURE
vouloit faire à fa femme,
& qu'il lui avoit exprés
laiffé fon Carroffe pour
avoir lieu de le furprendre , & de lui faire cent
reproches des mauvais
procedez qu'il avoit eus
avec fa femme fur de
fimples apparences , lorf
qu'il eftoit réellement infidelle. Ce mary fut tres
honteux , fon amy avoit
beaucoupd'afcendant fur
fon efprit , il lui fit promettre qu'il ne reverroit
CALANT. 39
pas
་
jamaistla brune ?, ible
promit , mais ce n'eftoit
là ce qu'on vouloit
de lui , l'amy reprit avec
lui le chemin de l'Abbaye , & le détermina à
reprendre fa femme pour
la remener à Paris , il le
promit , mais il eut befoin de toute fa raiſon &
de toute celle de fon amy
pour faire un tel effort
fur lui-mefme. Il arriva à
l'Abbaye dans un eſtat
qui cuft fait pitié à tout
40 MERCURE
a
autre qu'à cet amy. Ils
prirent leurs mefures en
arrivant à l'Abbaye pour
pouvoir partir le lendemain pour Paris , la femme eftoit à l'Abbaye avant eux , & par le mefme chemin qu'elle avoit
pris pour aller , elle en
eftoit revenue , & reparut en blonde , mais ce
n'eftoit plus cette blonde
foumife , gracieuſe , &
fuppliante que le maryy
avoit laiffée le matin , elle
prit
GALANT 41
prit un autre ton , elle fit
la ferme jaloufe , & en
prétence de l'Abbofle dé
clara qu'elle fçavoit l'in ,
fidelité de fon mary , l'amy & l'Abbele joue
rent fr bien leur perfonnage , & feconderent fi
bien les juftes reproches
de la femme irritée , quo
le mary veritablement
convaincu de fon tort refolut fincerement de tafa
cher debien vivre avec fa
femme & d'oublier la
Septembre 1712.
D.
42 MERCURE
Provençale , il le promit,
mais la femme feignit de
ne fe fier pas à fes promeffes , de vouloir refter
au Couvent , & fe retira
fierement. L'Abbeffe, l'a
my, & le mary difnerent
fort triftement , & on le
fit refter à table autant de
temps qu'il fallut pour
donner le loifir à la blonde de redevenir brune ;
elle n'oublia rien cette
derniere fois pour plaire
à fon amant mary , il fut
GALANT
fort furpris de la voir entrer dans le parloir où ils
mangcoient, l'Abbeffe &
l'amyfeignirent auffi d'eftre furpris , la fcene qui
fe paffa s'imagine mieux
qu'elle ne fe peut écrire ,
jamais mary ne s'eft trou
vé dans un pareil embar
ras , car l'Abbeffe & l'amyne pouvoient traiter
la chofe fi férieuſement
qu'ils ne leur échapaft
quelques éclats de rire ,
ils eftoient dans cette fi
Dij
44 MERCURE
tuation lorfque la Pro
vençale commença à par
ler bon François , & à
déclarer ouvertementfon
amour , fans lui dire encore qu'elle eftoit fa fenrme, & ils firentprudem
ment de tromper le mari
par degrez, car s'ileuft appris tout d'un coup que
celle qu'il aimoit fi pafs
fionnément alloit eftre en
fa poffeffion , il en feroit
mort de joye. Enfin le
dénouement fut mené
GALANT. 45
de maniere , que le mary
fut auffi amoureux aprés
Féclairciffement , & mef
me plus qu'il ne l'avoit
eftéavant & dans la fuitele mary devenant
moins amoureux &
moins jaloux , & la femme devenant plus refervée cela fit un très bon
menage : enfin l'amy fut
remercié de la tromperie
innocente comme du
meilleure office qu'il
pouvoit rendre au mary
& à la femme
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Résumé : LA BLONDE BRUNE femme & maistresse.
Le texte raconte l'histoire d'une femme mariée, décrite comme jolie, enjouée et spirituelle, mais vertueuse. En septembre 1712, son mari, nouvellement marié et parti pour le Languedoc, lui recommande de mener une vie régulière. Libérée de la surveillance de son mari, la femme oublie les recommandations et profite de sa liberté tout en évitant les scandales. Elle reçoit des déclarations d'amour mais reste maîtresse de ses actions. Un jeune homme, jaloux et offensé par son refus, décide de se venger en révélant au mari les fréquentations de sa femme. Furieux, le mari envoie sa femme dans un couvent. Là, elle se lie d'amitié avec une jeune veuve provençale et apprend le provençal. Après avoir contracté la variole, elle change d'apparence et décide de se faire passer pour une Provençale. Avec l'aide de l'abbé et du frère de l'abbesse, elle retourne à Paris incognito. Par un hasard extraordinaire, son mari la rencontre sans la reconnaître. Grâce à une lettre trompeuse, le mari découvre la supercherie et retrouve sa femme. L'histoire se termine par une réconciliation et une déclaration d'amour entre les époux. Parallèlement, une intrigue complexe implique le mari, sa femme et un ami. Lors d'un moment d'intimité entre le mari et sa femme, cette dernière, déguisée en brune, feint la surprise et se retire, laissant les deux amis seuls. L'ami, prenant un ton sévère, accuse le mari d'infidélité et lui révèle qu'il a laissé son carrosse pour le surprendre. Le mari, honteux, promet de ne plus revoir la brune. L'ami le convainc de reprendre sa femme pour la ramener à Paris. À l'abbaye, la femme, désormais blonde, joue la jalouse et accuse son mari d'infidélité. L'ami et l'abbé jouent leur rôle pour convaincre le mari de son tort. La femme feint de ne pas croire aux promesses du mari et se retire au couvent. Pendant le dîner, la femme redevient brune et surprend son mari. L'ami et l'abbesse parviennent à tromper le mari par degrés, révélant progressivement l'amour de la femme. Finalement, le mari devient encore plus amoureux après l'éclaircissement. La situation évolue vers un ménage harmonieux, avec le mari moins jaloux et la femme plus réservée. L'ami est remercié pour sa tromperie innocente, considérée comme un service précieux rendu au couple.
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9
p. 285-288
Nouvelles de Paris.
Début :
Le 23. Octobre on chanta le Te Deum dans l'Eglise [...]
Mots clefs :
Paris, Te Deum, Carrosse, Église
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles de Paris.
Nouvelles de Paris.
Le 2 3. Octobre on chanta
le Te Deum dans l'Eglife
Metropolitaine en action
de graces de la prife du
Quefnoy. Le Cardinal de
Noailles , Archevefque de
Paris officia , & les Prelats
qui eftoient à Paris s'y trou
verent , le Chancelier de
France y affifta , de mefme
que les Cours fuperieures
qui y avoient efté invitées
par le fieur des Granges
Maistre des ceremonies le
>
286 MERGURE
27 on fit la mefme ceremonie en action de graces de
la prife de Bouchain.
*
Le fieur Cornelio Bentivoglio , Archeveſque de
Carthage, Nonce ordinaire
du Pape , fit fon entrée pu
blique en cette Ville Di,
manche 23 Octobre.
Le Comte d'Harcourt &
le Chevalier de Sainctor ,
Introducteur des Ambaffadeurs allerent le prendre
dans le Caroffe du Roy au
Monaftere de Picpus , la
marche fe fit en cet ordre.
Le Caroffe de l'Introducteur.
GALANT 287
Celuy du Comte d'HarCourt.
La Livrée du Nonce à
pied , fon Ecuyer & fes
Pages à Cheval.
Le Caroffe du Roy.
Celuy de Monfeigneur
le Duc de Berry.
Celuy de Madame la
Ducheffe de Berry.
Celuy de Madame..
Celuy de Monfieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la
Ducheffe d'Orleans.
Ceux de la Princeffe de
Condé, de la Ducheffe de
288 MERCURE
Bourbon , de la Princeffe
Douairiere de Conty , de la
Princeffe de Conty & du
Prince de Conty.
Ceux de Monfieur le
Duc du Maine , de Madame
la Ducheffe du Maine , de
Madame la Ducheffe de
Vendofme , de Monfieur le
Comte de Touloufe , &
celuy du Marquis de Torcy,
Miniftre & Secretaire d'Etat;
enfuite ceux du Nonce.
Le 25. il fut conduit à
Verfailles par Mr. Sainctor,
oùl'on fit à fon arrivée les
ceremonies accoutumées,
Le 2 3. Octobre on chanta
le Te Deum dans l'Eglife
Metropolitaine en action
de graces de la prife du
Quefnoy. Le Cardinal de
Noailles , Archevefque de
Paris officia , & les Prelats
qui eftoient à Paris s'y trou
verent , le Chancelier de
France y affifta , de mefme
que les Cours fuperieures
qui y avoient efté invitées
par le fieur des Granges
Maistre des ceremonies le
>
286 MERGURE
27 on fit la mefme ceremonie en action de graces de
la prife de Bouchain.
*
Le fieur Cornelio Bentivoglio , Archeveſque de
Carthage, Nonce ordinaire
du Pape , fit fon entrée pu
blique en cette Ville Di,
manche 23 Octobre.
Le Comte d'Harcourt &
le Chevalier de Sainctor ,
Introducteur des Ambaffadeurs allerent le prendre
dans le Caroffe du Roy au
Monaftere de Picpus , la
marche fe fit en cet ordre.
Le Caroffe de l'Introducteur.
GALANT 287
Celuy du Comte d'HarCourt.
La Livrée du Nonce à
pied , fon Ecuyer & fes
Pages à Cheval.
Le Caroffe du Roy.
Celuy de Monfeigneur
le Duc de Berry.
Celuy de Madame la
Ducheffe de Berry.
Celuy de Madame..
Celuy de Monfieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la
Ducheffe d'Orleans.
Ceux de la Princeffe de
Condé, de la Ducheffe de
288 MERCURE
Bourbon , de la Princeffe
Douairiere de Conty , de la
Princeffe de Conty & du
Prince de Conty.
Ceux de Monfieur le
Duc du Maine , de Madame
la Ducheffe du Maine , de
Madame la Ducheffe de
Vendofme , de Monfieur le
Comte de Touloufe , &
celuy du Marquis de Torcy,
Miniftre & Secretaire d'Etat;
enfuite ceux du Nonce.
Le 25. il fut conduit à
Verfailles par Mr. Sainctor,
oùl'on fit à fon arrivée les
ceremonies accoutumées,
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Résumé : Nouvelles de Paris.
En octobre, plusieurs événements marquants eurent lieu à Paris. Le 23 octobre, un Te Deum fut célébré à la cathédrale métropolitaine pour commémorer la prise de la ville de Quesnoy. Le cardinal de Noailles, archevêque de Paris, présida la cérémonie en présence de prélats, du chancelier de France et des cours supérieures. Le 27 octobre, une cérémonie similaire fut organisée pour la prise de Bouchain. Le 23 octobre, l'archevêque de Carthage, Cornelio Bentivoglio, nonce ordinaire du Pape, fit son entrée publique à Paris. Il fut accueilli par le comte d'Harcourt et le chevalier de Sainctor, qui l'accompagnèrent depuis le monastère de Picpus. La procession inclut les carrosses des dignitaires et des membres de la famille royale, ainsi que la suite du nonce. Le 25 octobre, le nonce fut conduit à Versailles par Monsieur Sainctor, où les cérémonies habituelles furent observées à son arrivée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 139-154
ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
Début :
Monsieur de la Vieuville, Bailly, Grand-Croix, Ambassadeur Extraordinaire de [...]
Mots clefs :
Chevalier de la Vieuville, Ordre de Malthe, Bailly, Ambassadeur de Malthe, Cérémonial, Carrosse, Gardes du corps, Discours, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
ENT R E £
de Monsieur le Chevalier de la ViçuviU:
Ambassadeur de A4-alîhe.
;
Monsieur de la Vieuville, Bailly
,
Grand Croix ,
Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malthe
près Sa M ajesté,fit sonentréepubliqueencetteVille
le quatre decemois.
Plusieurs personnes curieuses ducérémonial qui..
s'observe dans ces occa,q.
*
sions, seront bienaises devoir ce que j'en rapporte
icy ,-gui fera d'autant plur
de plaisir que tout Paris a
trouvé cette Entrée toute
des plus belles.
Monsieur rAmbafTadeu*
de Malthe se rendit le Dimanche matin quatriéme
Decembre au Convent dePiquepus pour y recevoir
les compliments des Princes & Princesses du Sang,
&ceux des Ministres Etrangers. Il estoit accom pagné
de ses deux camarades
d'Ambassade,de Monsieur
le Commandeur Perrot,
Lieutenant cta GrandPrieur
,
& Receveur dudit
Ordre, de Messieurs les
Grands- Croix
,
Commandeurs,Chevaliers Profez &
Novices
,
qui pour faire
honneur à leur Religion &
à Monsieur l'Ambassadeur
estoient venus le trouver
audit Convent de Piquepus ,
où Monsieur le Mareschal de Besons vint de
la parc du Roy Ty prendre
dans lecarrosse de Sa Majesté avec Monsieur le Chevalier de Saintot Introduc-
teur des Ambassadeurs.
Le Mareschal de France
sità l'Ambassadeur l'honneur du carrosse du Roy::
la marche se fitainsi.
La Mareschaussee à cheval.
Le carrosse de l'Introducteur..
Celuy du Mareschal de
France.
La Livrée de l'Ambassadeur
,
après son Escuyer
& les pages à cheval.
Le carrosse du Roy oir
estoient l'Ambassadeur
,
le
Mareschal de France, l'In-
troducteur
,
le Commandeur de Balincour & le
Commandeur de Frenoy
camarades d'Ambassade, ôc leCommandeur Perrot.
Le carrosse de Monseigneur leDuc de Berry.
De Madame la Duchesse
de Berry.
Le carrosse de Madame,
Celuy de Monsieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la Duchesse d'Orléans.
Celuy de la Princesse de
Condé.
De la Princesse de Bour- bon.*)
D.; la Princesse Dbiiairiere de Concy.
De la Princesse de Conty.
Celuy du pricvcc de Conty.
Ceux de Monsieur le
Duc du Maine.
De Madame la Duchesse
du Maine."*
DeMadamela Duchesse
deVandosme.
•
De Monsieur le Comte
de Thoulouse.
Celuy du Marquis de
Torcy Ministre & Secretaire d'Estat.
Ensuite venoient lesquatrecarrosses del'AmbassV
deur,
deur, dont le bon goust &
la magnificence dans une
conjoncture comme cellecy, se sont entierement attirez l'admiration du public. Il est vrayque le
nombreux cortege des
Grands-Croix
,
Commandeurs, & Chevaliers qui
suivoientles carrosses de
l'Ambassadeur dans plus de
quarante à sixchevaux y
donnoient un air de grandeur & de distinction, qui
a
fait de cetteEntrée le
plus magnifique spectacle
qui ait esté veudepuis long-
temps; il y avoit mesme
plus de cinquante ans qu'il
n'y avoit eu à Paris d'Entréed'Ambassadeur de
Malthe.
Lesix suivant son Excellence fut à Versailles dans
le carrosse duRoy, accompagné du mesme Mareschal de France,& conduit
par l'Introducteur des Ambassadeurs,où les Gardss
de
la Porte, les Gardes de la
Prévosté estoient fous les
armes, les Cent Suisses en
haye sur le grand Escalier,
dans leur habitdecérémo-
nie, leurs hallebardes à la
main, les Gardes du Corps
fous les armes dans leur
Salle, à la porte de laquelle
le Mareschal Duc d Harcour Capitaine des Gardes
du Corps du Roy en quartier
,
vint recevoir Monsieur l'Ambassadeur & le
conduisit aussi à son Audience. Sa Majesté le voyant arriver dans sa chambre se tint debout & découvert:l'Ambassadeur y entrant fit une profonde reverence, & passa au milieu
de ce nombreux cortege
qui l'avoir précedé dans là
marche; il en fit encore
deux autres à differentes
distances, puisil entra seul
dans l'alcove du lit du Roy
où Sa Majesté estoit avec
les Princes de sa Maison &
ses
1
princi paux Officiers;
elle luy marqua de se couvrir lors qu'il commença
sa Harangue qu'Elle écouta debout enfuire Elle y
respondit, & ordonnaune
feconde fois à l'Ambassadeur qui s'estoit découvert,
deserecouvrir. Pendantce
temps-Jates termes dont
Sa Majesté se servit pour le
remercier,estoient si avantageux pour l'Ordre de
Malthe
,
& si remplis de
bonté pour l'Ambassadeur,
qu'il en sortit penetrédela
plus vive reconnoissance
;
il fut reconduit dans le meime ordre par le Capitaine
des Gardes du Corps julaques à
la porte de la Salle
des Gardes, & retrouva sur
son passage les mesmes
honneurs qu'il avoit eus en
allant. Monsieurl'Ambassadeur descendu dans la
Salle des Ambassadeurs y
-
attendit l'heure que Monsieur l'Introducteur - avoit
prise pour aller chez Monseigneur le Dauphin où il
fut receu à la porte de la
SaHe par l'Exempt des Gardes du Corps qui est auprès
du Prince. Ensuite il alla
chez Monseigneur le Duc
de Berry
,
chez Madame
laDuchessede Berry,chez
Madame, chez Monsieur
le Duc d'Orleans, chez
Madame laDuchesse d'Orleans
,
où il receut tous les
honneurs accoustumez &
deus à soncaractere..
L'heure du disner arrivce son Excellence passa
dans la Salle du traitement
où il y eut deux tables de
vingt-cinq couverts chacune magnifiquementservie,
& en mesme tempsqui su
rent remplies des GrandsCroix, Commandeurs
,
f,
Chevaliers qui avoient esté
du correge de Monsieur
l'Ambassadeur, qui alla
a
prés ce superbe disnéchez
Monsieur le Marquis de
Torcy
,
& sur ensuite ramené en son Hostel dans
le carrosse du Roy parMon-
fleur l'Introducteur dee
Ambassadeurs.
Lanoblesse avec laquelle
ils'acquitta de ces différentes fonctions n'ont fait
qu'augmenter l'estime que
son Ordre & le public avoient pour luy.
OJI joint icy sonDiscours
au IUyy qui a
pieu infiniment à tous ceux qui l'ont
entendu, Ôc que vous serez aussi bien aise de voir.
SIRE,
Le seul objet du Grand
Mastre de l'Ordre de Aialthe
efiant de donner à
Sa Majesté
des marques continuelles de sa
parfaite obeïssance Cm de son
reJpeÛ
,
m'a choisi pour avoir
l'honneur de luy enrenouveller
les asseurances, & luy demander la continuation de sa Royale proicé-lion;je m'en acquitte,
SIRE
,
avec confiance en la
honte qu'Elle a eu d'agréer mes
services pour ce
glorieux employ. Quel bonheur pour un
Ordre aussi attaché aux interefis de VostreMajesté, &
pour un sujet qui luy est auss
dévoilé de luy rendre ses treShumbles hommages dans le
temps que la Victoirese Journée
à
la justice deses Armes.
Puissent ces
heureux fucce"{).
SIRE
,
suivis de plusieurs
autres, nous laisser admirer
pendant une longue fuite d'années
ce que peut un Prince que
Dieu protege, & qu'il a
formé pour estre dans les temps t
venir le njraj modelle des plus
grands Rois
de Monsieur le Chevalier de la ViçuviU:
Ambassadeur de A4-alîhe.
;
Monsieur de la Vieuville, Bailly
,
Grand Croix ,
Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malthe
près Sa M ajesté,fit sonentréepubliqueencetteVille
le quatre decemois.
Plusieurs personnes curieuses ducérémonial qui..
s'observe dans ces occa,q.
*
sions, seront bienaises devoir ce que j'en rapporte
icy ,-gui fera d'autant plur
de plaisir que tout Paris a
trouvé cette Entrée toute
des plus belles.
Monsieur rAmbafTadeu*
de Malthe se rendit le Dimanche matin quatriéme
Decembre au Convent dePiquepus pour y recevoir
les compliments des Princes & Princesses du Sang,
&ceux des Ministres Etrangers. Il estoit accom pagné
de ses deux camarades
d'Ambassade,de Monsieur
le Commandeur Perrot,
Lieutenant cta GrandPrieur
,
& Receveur dudit
Ordre, de Messieurs les
Grands- Croix
,
Commandeurs,Chevaliers Profez &
Novices
,
qui pour faire
honneur à leur Religion &
à Monsieur l'Ambassadeur
estoient venus le trouver
audit Convent de Piquepus ,
où Monsieur le Mareschal de Besons vint de
la parc du Roy Ty prendre
dans lecarrosse de Sa Majesté avec Monsieur le Chevalier de Saintot Introduc-
teur des Ambassadeurs.
Le Mareschal de France
sità l'Ambassadeur l'honneur du carrosse du Roy::
la marche se fitainsi.
La Mareschaussee à cheval.
Le carrosse de l'Introducteur..
Celuy du Mareschal de
France.
La Livrée de l'Ambassadeur
,
après son Escuyer
& les pages à cheval.
Le carrosse du Roy oir
estoient l'Ambassadeur
,
le
Mareschal de France, l'In-
troducteur
,
le Commandeur de Balincour & le
Commandeur de Frenoy
camarades d'Ambassade, ôc leCommandeur Perrot.
Le carrosse de Monseigneur leDuc de Berry.
De Madame la Duchesse
de Berry.
Le carrosse de Madame,
Celuy de Monsieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la Duchesse d'Orléans.
Celuy de la Princesse de
Condé.
De la Princesse de Bour- bon.*)
D.; la Princesse Dbiiairiere de Concy.
De la Princesse de Conty.
Celuy du pricvcc de Conty.
Ceux de Monsieur le
Duc du Maine.
De Madame la Duchesse
du Maine."*
DeMadamela Duchesse
deVandosme.
•
De Monsieur le Comte
de Thoulouse.
Celuy du Marquis de
Torcy Ministre & Secretaire d'Estat.
Ensuite venoient lesquatrecarrosses del'AmbassV
deur,
deur, dont le bon goust &
la magnificence dans une
conjoncture comme cellecy, se sont entierement attirez l'admiration du public. Il est vrayque le
nombreux cortege des
Grands-Croix
,
Commandeurs, & Chevaliers qui
suivoientles carrosses de
l'Ambassadeur dans plus de
quarante à sixchevaux y
donnoient un air de grandeur & de distinction, qui
a
fait de cetteEntrée le
plus magnifique spectacle
qui ait esté veudepuis long-
temps; il y avoit mesme
plus de cinquante ans qu'il
n'y avoit eu à Paris d'Entréed'Ambassadeur de
Malthe.
Lesix suivant son Excellence fut à Versailles dans
le carrosse duRoy, accompagné du mesme Mareschal de France,& conduit
par l'Introducteur des Ambassadeurs,où les Gardss
de
la Porte, les Gardes de la
Prévosté estoient fous les
armes, les Cent Suisses en
haye sur le grand Escalier,
dans leur habitdecérémo-
nie, leurs hallebardes à la
main, les Gardes du Corps
fous les armes dans leur
Salle, à la porte de laquelle
le Mareschal Duc d Harcour Capitaine des Gardes
du Corps du Roy en quartier
,
vint recevoir Monsieur l'Ambassadeur & le
conduisit aussi à son Audience. Sa Majesté le voyant arriver dans sa chambre se tint debout & découvert:l'Ambassadeur y entrant fit une profonde reverence, & passa au milieu
de ce nombreux cortege
qui l'avoir précedé dans là
marche; il en fit encore
deux autres à differentes
distances, puisil entra seul
dans l'alcove du lit du Roy
où Sa Majesté estoit avec
les Princes de sa Maison &
ses
1
princi paux Officiers;
elle luy marqua de se couvrir lors qu'il commença
sa Harangue qu'Elle écouta debout enfuire Elle y
respondit, & ordonnaune
feconde fois à l'Ambassadeur qui s'estoit découvert,
deserecouvrir. Pendantce
temps-Jates termes dont
Sa Majesté se servit pour le
remercier,estoient si avantageux pour l'Ordre de
Malthe
,
& si remplis de
bonté pour l'Ambassadeur,
qu'il en sortit penetrédela
plus vive reconnoissance
;
il fut reconduit dans le meime ordre par le Capitaine
des Gardes du Corps julaques à
la porte de la Salle
des Gardes, & retrouva sur
son passage les mesmes
honneurs qu'il avoit eus en
allant. Monsieurl'Ambassadeur descendu dans la
Salle des Ambassadeurs y
-
attendit l'heure que Monsieur l'Introducteur - avoit
prise pour aller chez Monseigneur le Dauphin où il
fut receu à la porte de la
SaHe par l'Exempt des Gardes du Corps qui est auprès
du Prince. Ensuite il alla
chez Monseigneur le Duc
de Berry
,
chez Madame
laDuchessede Berry,chez
Madame, chez Monsieur
le Duc d'Orleans, chez
Madame laDuchesse d'Orleans
,
où il receut tous les
honneurs accoustumez &
deus à soncaractere..
L'heure du disner arrivce son Excellence passa
dans la Salle du traitement
où il y eut deux tables de
vingt-cinq couverts chacune magnifiquementservie,
& en mesme tempsqui su
rent remplies des GrandsCroix, Commandeurs
,
f,
Chevaliers qui avoient esté
du correge de Monsieur
l'Ambassadeur, qui alla
a
prés ce superbe disnéchez
Monsieur le Marquis de
Torcy
,
& sur ensuite ramené en son Hostel dans
le carrosse du Roy parMon-
fleur l'Introducteur dee
Ambassadeurs.
Lanoblesse avec laquelle
ils'acquitta de ces différentes fonctions n'ont fait
qu'augmenter l'estime que
son Ordre & le public avoient pour luy.
OJI joint icy sonDiscours
au IUyy qui a
pieu infiniment à tous ceux qui l'ont
entendu, Ôc que vous serez aussi bien aise de voir.
SIRE,
Le seul objet du Grand
Mastre de l'Ordre de Aialthe
efiant de donner à
Sa Majesté
des marques continuelles de sa
parfaite obeïssance Cm de son
reJpeÛ
,
m'a choisi pour avoir
l'honneur de luy enrenouveller
les asseurances, & luy demander la continuation de sa Royale proicé-lion;je m'en acquitte,
SIRE
,
avec confiance en la
honte qu'Elle a eu d'agréer mes
services pour ce
glorieux employ. Quel bonheur pour un
Ordre aussi attaché aux interefis de VostreMajesté, &
pour un sujet qui luy est auss
dévoilé de luy rendre ses treShumbles hommages dans le
temps que la Victoirese Journée
à
la justice deses Armes.
Puissent ces
heureux fucce"{).
SIRE
,
suivis de plusieurs
autres, nous laisser admirer
pendant une longue fuite d'années
ce que peut un Prince que
Dieu protege, & qu'il a
formé pour estre dans les temps t
venir le njraj modelle des plus
grands Rois
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Résumé : ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
Le 4 décembre, Monsieur de la Vieuville, Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malte, fit une entrée solennelle à Paris. Plusieurs observateurs jugèrent cette entrée comme l'une des plus belles. Le matin du 4 décembre, l'ambassadeur se rendit au Convent de Piquepus pour recevoir les compliments des princes et princesses du sang ainsi que des ministres étrangers. Il était accompagné de membres de son ordre, incluant le Commandeur Perrot et divers Grands-Croix, Commandeurs, Chevaliers Profès et Novices. La procession fut organisée avec un ordre précis : elle débuta avec la Maréchaussée à cheval, suivie du carrosse de l'Introducteur, celui du Maréchal de France, la livrée de l'ambassadeur, et plusieurs carrosses de personnalités importantes, tels que le Duc de Berry, la Duchesse de Berry, Madame, le Duc d'Orléans, et d'autres princes et princesses. Le cortège comptait plus de quarante carrosses à six chevaux, ainsi qu'un nombreux cortège de Grands-Croix, Commandeurs et Chevaliers. L'ambassadeur se rendit ensuite à Versailles dans le carrosse du roi, accompagné du Maréchal de France et conduit par l'Introducteur des Ambassadeurs. Il fut reçu par le roi, qui se tint debout et découvert, et écouta la harangue de l'ambassadeur. Le roi invita à deux reprises l'ambassadeur à se couvrir. L'ambassadeur fut ensuite reconduit dans le même ordre et reçut les honneurs accoutumés lors de ses visites au Dauphin, au Duc de Berry, à la Duchesse de Berry, à Madame, au Duc d'Orléans et à la Duchesse d'Orléans. L'ambassadeur dîna dans la Salle du traitement, où deux tables de vingt-cinq couverts furent magnifiquement servies. Il se rendit ensuite chez le Marquis de Torcy avant de retourner à son hôtel dans le carrosse du roi. La noblesse avec laquelle il s'acquitta de ses fonctions augmenta l'estime que son ordre et le public avaient pour lui. Le discours de l'ambassadeur au roi exprima la dévotion de l'Ordre de Malte et demanda la continuation de la protection royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 183-201
QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
Début :
Un jeune Officier, plein de merite, trés-riche et trés-genereux, [...]
Mots clefs :
Aventure, Carnaval, Officier, Avarice, Traiteur, Santé, Logis, Café, Carrosse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
QJJI REP 0 N D
paye.
AvMtmt du Carnaval. i uN jeune Officier;
plein de mérité, trés-riche
& très-genereux,
nais sujet à oublier les
parties de plaisir, parce
q1u'il en avoit trop à choi- sir,s'etant rencontre'ddepuis
quelques jours chez
une Dame de qualité,
quiregaloit plusieurs d
ses amies & de ses amis
fut prié de la fête par u
ami conlrnun" de cett
Dame&delui.Cetam
étoit aussijeune,riche, 8
avoit quelque mérité
mais il étoit d'une ava
rice qui n'auroit pas me
meété pardonnable à un
vieillard. Ce jeuneavar
étoit amoureux d'un
veuve, amie de la Da
me, qui donnoit souven
des foupers,& c'est pou
cela
cèla qu'il en avoit procuré
la connoissance à
celle qu'il aimoit beaucoup:
mais pas assez pour
se résoudre à lui donner
des cadeaux à ses dépens.
Toute son étude
étoit de; lui en procurer
:jui ne lui coûtassent
tien, Revenons au jeune
Pfhcier..,.. Iln'étoit pas
lâché de donner des repas
: mais il n'écoit pas
rien aised'être la dupe
le l'autre.lts étoient
tous deux du souper de
la Dame, & la bonne
chere qu'on y fit donna
occasion au jeune avare
de louer celle que le jeune
liberal faisoit ordinairement
à ses amis:
ensuite, pour l'engager
, L£.' dl\. 'J - a offrir a dîner a la com
pagnie dont sa maîtresse
étoit, il donna envie aux
Dames d'aller voir un
appartement que l'autre
avoit fait nouvellement
ajuster.Undîner dans
cet appartement fut offert
; &; le jour étant
pris, l'on se donna rendez-
vous chez la Dame
où l'on étoit, pour aller
tous ensemble au dîner
promis. Comme il y avoit
eu deux jours d'intervale,
le dîner fut oublié
par l'Officier: mais
il ne le fut pas par le
jeune avare, qui eut foin
de rassembler tous les
convives chez la Dame,
comme on en etoit convenu
,8c tous ensemble
furent de-,,tré's - bonne
heure, cest- à
-
dire dés
midi, pour voir à loisir
l'appartement & les nouveaux
ajustemens avant
l'heure du dîner. Chacun
monta en carosse,
& l'on se rendit à la maison
, où l'on ne trouva
qu'un laquais & sa cuisîniere
,
qui assurerent
que leur maître nevient
droit pas dîner chez luï
Quelques-uns de la com
pagnie rirent beaucoup
d'un pareil oubli; quelques
autres en furent fâchez
: Se le jeune ava- re, qui prenoitlibrement
& genereusement
son parti chez autrui,
dit à la compagnie qu'
elle ne s'embarassât pas,
& qu'il seroit les honneurs
de la maison de
son ami ; qu'on n'avait
qu'à voir l'appartement,
6c que le dîner viendroit
ensuite.Toute la
compagnie accepta ce
parti; car on connoissoit
le maître de la maison
pour homme qui eti.
tendoit raillerie, & qui
ne se fâcheroit pas qu'-
on l'eût puni de son oubli.
Le jeune avare fut
chez un grand Traiteur,
qui n'etoit pas loin de
là, dont se servoit fouT
vent son ami, & dont
il se servoit lui -mêtra
une fois par an quand il
y étoit forcé. Il cotai
manda un repas magni.
fique, qu'il répondit de
payer au Traiteur,en
casque celui qui le donnoit
ne le payât pas. Il
croyoit bien ne rien risquer,
8c comptoit fort
sur la generofîcé de son
ami.Ledîner fut préparé
, & porté dans l'appartement,
où l'on n'épargna
rienpour sebien
réjouir. La fanté de l'hâte
absent fut bûë plusieurs
fois, & l'on fit venir
violons & hautbois
pour danser jusqu'au
foir. Lemaîtredulogis
revint chez lui dans le
fort de laréjoüissance;
& comme il oublioit
parfaitement ce qu'il oublioit,
il fut trés-surpris
de trouver une espece de
noce dans sa maison , qu'il avoit laissée le matin
si tranquille : mais
dés qu'il vit la compagnie,
sa surprisesetourna
bientôten joye.Il
fit
sit de son mieux, & augmenta
le plaisirdes autres
, en le partageant de
bonne grace: mais il ne
laissa pas de méditer une
cfpece de vengeance de
celui qui avoit fait si librement
les honneurs de
chezlui.Il feignit d'avoir
une petite affaire pour
une demi - heure seulement;
aprés quoy ilrevint
chez lui passer encore
quelques heures,
& pria ensuitela compagnieque
la fête ceL;,
fât surlesneuf oudix
heures, de peur que les
violons dans un temps
decarnaval ne 14 atçii
rassent les masques. On
cessa donc de danser, &
l'h,ô,ce: proposa au jeune
avare de donner ducaffé
chez lui: ce qu'il acceptat
de bon coeur ; car il n'é-
£oit plus questionde souper
aprés un si grand repas,
& de plus, il se piquoit
d'avoir un offiçi.y|
quifaisoitle meilleur
caffé de Paris, S>C il prenoit
sa revanche encaffé
de tous les grands repas
qu'on lui donnoit.
On remonta donc en
carosse, on arriva chez
lui sur lesdix heures.
Il descendit le premier,
& pensa tomber de son
haut,à l'ouverture de
sa porte,quandilvitsa
cour, sonsalon & son
jardin éclairez d'une itlumination.
Toute la
compagnie lui fie des
complimens de sa galanterie
:mais il étoit muet
d'étonnement; & ce sut
bien autrement, quand
il vit en entrant dans sa
sale une table servie superbement,
un busses
magnifiquement, orné
< ëC qu'il entendit un moment
apras les violon
dans son jardin. La si
tuation où il setrouvoit
ne se peut gueres bien
imaginer;car toutesle
Dames étoient surprises
de bonne foy de voir la
fête que cet avare leur
avoit preparée, & lui
n'avoit pas la force d'en
recevoir, ni d'en refuser
les complimens. Il prit
son homme un moment
en particulier
, & lui demanda
si c'étoit lui ou le
diable qui avoit préparé
cette fête sans son ordre.
La premiere réponse que
son homme lui fit fut
de luirire au nez;car il
s'étaitdéjà enyvré au
buffetv?&: fqn3 m?iftrc
ne put tcirerdeluid'autreréponse
que,Ne
'llOJfJ",fâchezpasMonsieur,
ilne vouf en coû-,
tera rien. Un autre valet
moinsyvre :lui-,c6hfirma
lamêmechose, en
lui disant Quiert effet il
îveiui en-cotîtcroicrien,
s'ilnevouloit.Ilseconsolaun
moment,dans
ecxetptleieqsupeerrcaentctee,é&ncsigemfiet.,
On lui dit qu'onavoit
raitapporter coût cela
chez lui par un hommes
quiétoit en effet un diablepour
les impromptu ;
que le Traiteur s'étoit
jointàcet homme, &
que l'amichez qui il avoit
dîné avoit répondue
à cesgens là du payementdetoutes
choses.
il salutealler rejoindre
les Dames;qui demandoientà
cor & à cri ce..¡
lui qui les regaloitsimagnifiquement.
On étoit
déja à table 5iI futcontraint
des'y mettre, plus
troublé&plusagité que
s'il eût eu chez luiàdej
voleurs. Enfin l'auteur
de ce regal éclaircitle
fait à forcede plaisanteries,
& commençaà
l'assurerqu'il neluien
coûteroit pas un
fouJ
puis qu'il avoitrépondu
de toute la dépense qui
se feroit chez lui: mais
lui dit-il un
moment
âpres•, vous avez aussi
promis de payer toute
la dépense de mon dîner,
si je ne la payois pas,
&je vous protc'fie que
si je paye vôtre souper,
dont j'ai répondu,vous
payerez mon dîner, qu'-
on nY'.a1 preparé que par
vos ordres, S£ rien n'est
plus juste: payeQ.
paye.
AvMtmt du Carnaval. i uN jeune Officier;
plein de mérité, trés-riche
& très-genereux,
nais sujet à oublier les
parties de plaisir, parce
q1u'il en avoit trop à choi- sir,s'etant rencontre'ddepuis
quelques jours chez
une Dame de qualité,
quiregaloit plusieurs d
ses amies & de ses amis
fut prié de la fête par u
ami conlrnun" de cett
Dame&delui.Cetam
étoit aussijeune,riche, 8
avoit quelque mérité
mais il étoit d'une ava
rice qui n'auroit pas me
meété pardonnable à un
vieillard. Ce jeuneavar
étoit amoureux d'un
veuve, amie de la Da
me, qui donnoit souven
des foupers,& c'est pou
cela
cèla qu'il en avoit procuré
la connoissance à
celle qu'il aimoit beaucoup:
mais pas assez pour
se résoudre à lui donner
des cadeaux à ses dépens.
Toute son étude
étoit de; lui en procurer
:jui ne lui coûtassent
tien, Revenons au jeune
Pfhcier..,.. Iln'étoit pas
lâché de donner des repas
: mais il n'écoit pas
rien aised'être la dupe
le l'autre.lts étoient
tous deux du souper de
la Dame, & la bonne
chere qu'on y fit donna
occasion au jeune avare
de louer celle que le jeune
liberal faisoit ordinairement
à ses amis:
ensuite, pour l'engager
, L£.' dl\. 'J - a offrir a dîner a la com
pagnie dont sa maîtresse
étoit, il donna envie aux
Dames d'aller voir un
appartement que l'autre
avoit fait nouvellement
ajuster.Undîner dans
cet appartement fut offert
; &; le jour étant
pris, l'on se donna rendez-
vous chez la Dame
où l'on étoit, pour aller
tous ensemble au dîner
promis. Comme il y avoit
eu deux jours d'intervale,
le dîner fut oublié
par l'Officier: mais
il ne le fut pas par le
jeune avare, qui eut foin
de rassembler tous les
convives chez la Dame,
comme on en etoit convenu
,8c tous ensemble
furent de-,,tré's - bonne
heure, cest- à
-
dire dés
midi, pour voir à loisir
l'appartement & les nouveaux
ajustemens avant
l'heure du dîner. Chacun
monta en carosse,
& l'on se rendit à la maison
, où l'on ne trouva
qu'un laquais & sa cuisîniere
,
qui assurerent
que leur maître nevient
droit pas dîner chez luï
Quelques-uns de la com
pagnie rirent beaucoup
d'un pareil oubli; quelques
autres en furent fâchez
: Se le jeune ava- re, qui prenoitlibrement
& genereusement
son parti chez autrui,
dit à la compagnie qu'
elle ne s'embarassât pas,
& qu'il seroit les honneurs
de la maison de
son ami ; qu'on n'avait
qu'à voir l'appartement,
6c que le dîner viendroit
ensuite.Toute la
compagnie accepta ce
parti; car on connoissoit
le maître de la maison
pour homme qui eti.
tendoit raillerie, & qui
ne se fâcheroit pas qu'-
on l'eût puni de son oubli.
Le jeune avare fut
chez un grand Traiteur,
qui n'etoit pas loin de
là, dont se servoit fouT
vent son ami, & dont
il se servoit lui -mêtra
une fois par an quand il
y étoit forcé. Il cotai
manda un repas magni.
fique, qu'il répondit de
payer au Traiteur,en
casque celui qui le donnoit
ne le payât pas. Il
croyoit bien ne rien risquer,
8c comptoit fort
sur la generofîcé de son
ami.Ledîner fut préparé
, & porté dans l'appartement,
où l'on n'épargna
rienpour sebien
réjouir. La fanté de l'hâte
absent fut bûë plusieurs
fois, & l'on fit venir
violons & hautbois
pour danser jusqu'au
foir. Lemaîtredulogis
revint chez lui dans le
fort de laréjoüissance;
& comme il oublioit
parfaitement ce qu'il oublioit,
il fut trés-surpris
de trouver une espece de
noce dans sa maison , qu'il avoit laissée le matin
si tranquille : mais
dés qu'il vit la compagnie,
sa surprisesetourna
bientôten joye.Il
fit
sit de son mieux, & augmenta
le plaisirdes autres
, en le partageant de
bonne grace: mais il ne
laissa pas de méditer une
cfpece de vengeance de
celui qui avoit fait si librement
les honneurs de
chezlui.Il feignit d'avoir
une petite affaire pour
une demi - heure seulement;
aprés quoy ilrevint
chez lui passer encore
quelques heures,
& pria ensuitela compagnieque
la fête ceL;,
fât surlesneuf oudix
heures, de peur que les
violons dans un temps
decarnaval ne 14 atçii
rassent les masques. On
cessa donc de danser, &
l'h,ô,ce: proposa au jeune
avare de donner ducaffé
chez lui: ce qu'il acceptat
de bon coeur ; car il n'é-
£oit plus questionde souper
aprés un si grand repas,
& de plus, il se piquoit
d'avoir un offiçi.y|
quifaisoitle meilleur
caffé de Paris, S>C il prenoit
sa revanche encaffé
de tous les grands repas
qu'on lui donnoit.
On remonta donc en
carosse, on arriva chez
lui sur lesdix heures.
Il descendit le premier,
& pensa tomber de son
haut,à l'ouverture de
sa porte,quandilvitsa
cour, sonsalon & son
jardin éclairez d'une itlumination.
Toute la
compagnie lui fie des
complimens de sa galanterie
:mais il étoit muet
d'étonnement; & ce sut
bien autrement, quand
il vit en entrant dans sa
sale une table servie superbement,
un busses
magnifiquement, orné
< ëC qu'il entendit un moment
apras les violon
dans son jardin. La si
tuation où il setrouvoit
ne se peut gueres bien
imaginer;car toutesle
Dames étoient surprises
de bonne foy de voir la
fête que cet avare leur
avoit preparée, & lui
n'avoit pas la force d'en
recevoir, ni d'en refuser
les complimens. Il prit
son homme un moment
en particulier
, & lui demanda
si c'étoit lui ou le
diable qui avoit préparé
cette fête sans son ordre.
La premiere réponse que
son homme lui fit fut
de luirire au nez;car il
s'étaitdéjà enyvré au
buffetv?&: fqn3 m?iftrc
ne put tcirerdeluid'autreréponse
que,Ne
'llOJfJ",fâchezpasMonsieur,
ilne vouf en coû-,
tera rien. Un autre valet
moinsyvre :lui-,c6hfirma
lamêmechose, en
lui disant Quiert effet il
îveiui en-cotîtcroicrien,
s'ilnevouloit.Ilseconsolaun
moment,dans
ecxetptleieqsupeerrcaentctee,é&ncsigemfiet.,
On lui dit qu'onavoit
raitapporter coût cela
chez lui par un hommes
quiétoit en effet un diablepour
les impromptu ;
que le Traiteur s'étoit
jointàcet homme, &
que l'amichez qui il avoit
dîné avoit répondue
à cesgens là du payementdetoutes
choses.
il salutealler rejoindre
les Dames;qui demandoientà
cor & à cri ce..¡
lui qui les regaloitsimagnifiquement.
On étoit
déja à table 5iI futcontraint
des'y mettre, plus
troublé&plusagité que
s'il eût eu chez luiàdej
voleurs. Enfin l'auteur
de ce regal éclaircitle
fait à forcede plaisanteries,
& commençaà
l'assurerqu'il neluien
coûteroit pas un
fouJ
puis qu'il avoitrépondu
de toute la dépense qui
se feroit chez lui: mais
lui dit-il un
moment
âpres•, vous avez aussi
promis de payer toute
la dépense de mon dîner,
si je ne la payois pas,
&je vous protc'fie que
si je paye vôtre souper,
dont j'ai répondu,vous
payerez mon dîner, qu'-
on nY'.a1 preparé que par
vos ordres, S£ rien n'est
plus juste: payeQ.
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Résumé : QUI RÉPOND paye. Avanture du Carnaval.
Le texte narre une histoire impliquant deux jeunes hommes, un officier généreux et un avare, ainsi qu'une dame de qualité et ses amis. L'officier, bien que riche et généreux, a tendance à oublier les engagements liés aux plaisirs. Lors d'une fête chez la dame, l'avare, amoureux d'une veuve amie de la dame, cherche à obtenir des cadeaux sans dépenser. Lors du souper, l'avare complimente les repas offerts par l'officier et propose une visite de son nouvel appartement, suivie d'un dîner. L'officier oublie le dîner, mais l'avare rassemble les convives et organise un repas somptueux chez un traiteur, comptant sur la générosité de l'officier pour payer. Lorsqu'ils arrivent à l'appartement, ils trouvent un festin préparé par l'avare. L'officier, surpris, se joint à la fête et décide de se venger. Il invite tout le monde chez lui pour le café, mais à leur arrivée, ils découvrent une table somptueusement dressée et des musiciens. L'avare, stupéfait, apprend que le traiteur et un ami ont organisé cette fête à ses frais. L'auteur du repas révèle finalement que l'avare avait promis de payer le dîner de l'officier s'il ne le faisait pas, et vice versa. Ainsi, les deux jeunes hommes se retrouvent à devoir payer chacun les dépenses de l'autre.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 268-272
Entrée du Duc d'Aumont, Ambassadeur Extraordinaire à la Cour de Londres.
Début :
Mercredy 12. Juillet le Duc d'Aumont, Ambassadeur Extraordinaire de France [...]
Mots clefs :
Duc d'Aumont, Londres, Ambassadeur extraordinaire, Cérémonie, Reine, Cavalcade, Carrosse, Acclamations, Audience Royale
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texteReconnaissance textuelle : Entrée du Duc d'Aumont, Ambassadeur Extraordinaire à la Cour de Londres.
Entrée du DHCijiumont,
dmbdfiadur Extraordinare
à la Cour de Londres.
Mercredy12. Juillet 1c
Duc d'Aumont, Ambassadeur
Extraordinaire de France
fit son Entrée publique à
Londres. Il fût recju à Greenvich
par le Comte dc;
Scarfdale que la Reine de la
Grande Breragne avoit nom
mé pour faire les honneurs
Il par le Maistrede Ceremonies;
ensuite il fut conduit
dans la Barge de la
Reine à la Tour,reçû &
complimenté par le Gouverneur.
& salué par une déchar
ge detoute l Artillerie.
La Cavalcade commença
vers les quatre heures aprés
midy a la Tour, & traver sa
la Ville. Le Ministre estoit
dans un Carosse de la Reine
avec le sieur Nadal, Secretaire
de l'Ambassade & lc
Ministre des Ceremonies.
Le Carosse estoit precedé
de huit Officiers de son Excellence
à cheval, de quatre
Suisses à Cheval, de trente
Valets de pieds, douze
Pages à Cheval, & d'un
grand nombrc de Gentilshommes
Cheval. l estoit suivi d'un autre
Carosse de la Reine aussi à
six chevaux, par cinq autres
tres-magnifiques de ce Ministre,
attelez chacun de
huit chevaux richement harnachez
, & par plus de cinquante,
à six chevaux, des
principaux Seigneurs.
II y avoir pres de cent:
hommes habillez d'une magnifiquc
livrec: Ccrrc En- ;
treeest une des plus belles
gp'on aic jamais vue.
Son Excellence arriva sur
les six heures au Palais de
Sommerset aux acclamations
d'un nombreindini de peuple
à qui il fit de grandes
largesses.
II fut reçû par le Capitaine
à la teste de la Garde
qui ettoit sous les armes, &
conduit dans l'appartement
par le Maistre des Ceremonies
où il fut complimenté
par Lord Windsor de la
part de la Reine, & regale
magnifiqucmcnt avec toute
sa suire pendant trois jours
aux dépens de sa Majesté.
Le 1 5 Sa Majeste la Reine
de la Grande Bretagne luy
donna Audiance au Palais
de S. James.
dmbdfiadur Extraordinare
à la Cour de Londres.
Mercredy12. Juillet 1c
Duc d'Aumont, Ambassadeur
Extraordinaire de France
fit son Entrée publique à
Londres. Il fût recju à Greenvich
par le Comte dc;
Scarfdale que la Reine de la
Grande Breragne avoit nom
mé pour faire les honneurs
Il par le Maistrede Ceremonies;
ensuite il fut conduit
dans la Barge de la
Reine à la Tour,reçû &
complimenté par le Gouverneur.
& salué par une déchar
ge detoute l Artillerie.
La Cavalcade commença
vers les quatre heures aprés
midy a la Tour, & traver sa
la Ville. Le Ministre estoit
dans un Carosse de la Reine
avec le sieur Nadal, Secretaire
de l'Ambassade & lc
Ministre des Ceremonies.
Le Carosse estoit precedé
de huit Officiers de son Excellence
à cheval, de quatre
Suisses à Cheval, de trente
Valets de pieds, douze
Pages à Cheval, & d'un
grand nombrc de Gentilshommes
Cheval. l estoit suivi d'un autre
Carosse de la Reine aussi à
six chevaux, par cinq autres
tres-magnifiques de ce Ministre,
attelez chacun de
huit chevaux richement harnachez
, & par plus de cinquante,
à six chevaux, des
principaux Seigneurs.
II y avoir pres de cent:
hommes habillez d'une magnifiquc
livrec: Ccrrc En- ;
treeest une des plus belles
gp'on aic jamais vue.
Son Excellence arriva sur
les six heures au Palais de
Sommerset aux acclamations
d'un nombreindini de peuple
à qui il fit de grandes
largesses.
II fut reçû par le Capitaine
à la teste de la Garde
qui ettoit sous les armes, &
conduit dans l'appartement
par le Maistre des Ceremonies
où il fut complimenté
par Lord Windsor de la
part de la Reine, & regale
magnifiqucmcnt avec toute
sa suire pendant trois jours
aux dépens de sa Majesté.
Le 1 5 Sa Majeste la Reine
de la Grande Bretagne luy
donna Audiance au Palais
de S. James.
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Résumé : Entrée du Duc d'Aumont, Ambassadeur Extraordinaire à la Cour de Londres.
Le 12 juillet, le Duc d'Aumont, Ambassadeur Extraordinaire de France, fit son entrée publique à Londres. Il fut d'abord reçu à Greenwich par le Comte de Scarfdale, nommé par la Reine de Grande-Bretagne. Ensuite, il fut conduit à la Tour de Londres, où il fut accueilli par le Gouverneur et salué par une décharge d'artillerie. Vers seize heures, la cavalcade débuta, traversant la ville. Le Duc d'Aumont voyageait dans un carrosse de la Reine, accompagné du sieur Nadal et du ministre des cérémonies. Le cortège comprenait huit officiers à cheval, quatre Suisses, trente valets de pied, douze pages à cheval, et de nombreux gentilshommes. Près de cent hommes étaient vêtus de livrées magnifiques. Le Duc arriva au Palais de Somerset vers dix-huit heures, acclamé par une foule à qui il fit de grandes largesses. Il fut reçu par le capitaine de la garde et complimenté par Lord Windsor au nom de la Reine. Il fut régalé magnifiquement pendant trois jours aux dépens de Sa Majesté. Le 15 juillet, la Reine de Grande-Bretagne accorda une audience au Duc d'Aumont au Palais de Saint James.
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13
p. 280-288
Supplement aux nouvelles.
Début :
On écrit de Hambourg que les dernieres lettres de Copenhague [...]
Mots clefs :
Roi, Carrosse, Hommes, Cour, Combat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Supplement aux nouvelles.
Supplement aux nouvelles.
On écrit de Hambourg
que les dernieres lettres de
Copenhague portoient que
'armée du Roy de Danne
mark
GALANT. 281
marck ſe monte à trente
mille hommes , qu'aprés
les obſeques de la Reine
ſa Mere , il eſt revenu de
Rofſchild à Copenhague.
Cette Princeſſe étoit Fille
de Guillaume VI. Langgrave
de Heſſe- Caffel, elle
étoit née le 27. Avril 1650 .
elle épouſa le 15. Juin 1667.
Chreftien V. Roy de Dannemarck
, dont elle a eu
ſeptEnfans, deſquels qua
tre font morts. Les trois autres
font (Frederic IV. à
preſent, regnant , né le
Octobre 1671. Sophie Ed-
May 1714. Aa
282 MERCURE
vvige née le 28. Août 1677.
Charles né le 25. Octobre
1680. On dit qu'il y a eu un
combat en Finlande ,où les
Mofcovites ont eu l'avantage
; d'autres affûrent que
le Czar à la tête de so.
mille hommes fait le tour
de la mer de Bothnie, pour
s'avancer dans la Suede
malgré la longueur du
chemin, & la difficulté des
paſlages enfin le bruir
court qu'il y a eu un com
bat naval entre les Suedois
& les Danois , & que les
Danois ontétébattus : mais
1
GALANT. 22.8833
on n'ajoûte pas beaucoup
de foy à toutes ces nouvelles.
On mande de Vienne
du 13. May que les Comtes
de Goës & de Seilern , Plenipotentiaires
de l'Empereur
, font partis le 6. pour
ſe rendre à Bade en Suiſſe.
La priſon de l'Hoſpodar de
Valaquie , qu'on a arrêté
avec ſes trois fils, ſans qu'on
en ſcache la caufe , fait
fonner bien du monde.
L'Hiſtoire de la victoire du
Bacha de Bagdad n'eſt pas.
veritable : mais il eſt vray
rai-
Aa ij
284 MERCURE
1
qu'il a été battu par les
Bachas de Damas & d'A
dep. skisthanos πο
De Madridale 15. May.
Le vieux Alcade Hali qui
commandoit depuis quinze
ans les fiege de Ceuta eſt
enfin mort. Un des Fils du
Roy de Maroc a pris fa
place, fon audace , & plus
de 20. mille hommes d'aumentation
qu'il a reçûs ,
font apprehender qu'il ne
tienne à ſon pere la parole
qu'il lui a donnée de prendre
cette place en quinze
jours. Ces menaces ont dé
1
GALANT. 285
,
terminé la Cour à envoyer
en Andaloufie avec un
renfort confiderable de
troupes , une groſſe quantité
de toutes fortes de proviſions,
pour les faire paf
fer à Ceura. Il y a quelque
temps qu'on n'a reçû ici
aucune nouvelle confide
rable du camp devantBarcelonne.
On mande ſeulement
que le BrigadierDon
Geronimo de Solis eft for
ti de Tarragone avec un
gros détachement pour en
joindre un plus fort àVil
lefranche de Panados,&
286 MERCURE
aller attaquer un corps de
rebeiles, qui s'eſt retranché
au pont d'Armentera
le Cayano, th
fur
De Rome le 5. May. Les
differens entre les Genois
& cette Cour à l'occaſion
des cenfures , publiées
contre le Pere Granelli ,
Religieux de l'Ordre de S.
François , ne paroiffent ,
point encore en termes
d'accommodement. LeRoi
de Sicile ne veut rien relâcher
de ſes droits à cette
Cour. L'audiance que les
Cardinal Aquaviva eut du
GALANT. 287
1
Pape le 25. Avril ſur les dif
ferens que la Cour deMadrid
a avec celle- ci , paroît
n'être d'aucune utilité , ni
pour l'un ni pour l'autre.
Le mariage du Prince de
Paleſtrin Barbarin avec la
Fille de las Princeſſe de
Piombino a été conclu ;
c'eſt le Cardinal Ottoboni
qui'en a fait lademande au
nomdu Prince.
De Paris. Le 27. de ce
mois M. Buys & M. de Goflinga
, Ambaſſadeurs extraordinaires
de Hollande ,
firent leur entrée publique
:
288 MERCURE
en cette ville , ſuivis d'un
cortege des plus magnifiques.
Les 2. Secretaires de
l'ambaffade étoient dans le
2. caroffe deM. Buys . Les4.
Gentilshommes de l'Ambaffadeurdans
le caroffe de
Madame. Les 2.fous Secre
taires de l'ambaſſade dans le
3. caroffe de M. de Goflinga.
Dans le 3. caroffe de M. Buys
eroitM. ſon fils, avec les 2. Au.
móniers de l'abaſlade. La ſuite
deMM. les Ambaſladeurs étoit
cõpoſée de 8. Pages, 2. Ecuyers,
&15. caroffes à fix chevaux , de
pluſieurs Gentilshommes, de 2.
Suites à cheval,& de 36. Valets
depied, tons richement habillez.
FIN.
On écrit de Hambourg
que les dernieres lettres de
Copenhague portoient que
'armée du Roy de Danne
mark
GALANT. 281
marck ſe monte à trente
mille hommes , qu'aprés
les obſeques de la Reine
ſa Mere , il eſt revenu de
Rofſchild à Copenhague.
Cette Princeſſe étoit Fille
de Guillaume VI. Langgrave
de Heſſe- Caffel, elle
étoit née le 27. Avril 1650 .
elle épouſa le 15. Juin 1667.
Chreftien V. Roy de Dannemarck
, dont elle a eu
ſeptEnfans, deſquels qua
tre font morts. Les trois autres
font (Frederic IV. à
preſent, regnant , né le
Octobre 1671. Sophie Ed-
May 1714. Aa
282 MERCURE
vvige née le 28. Août 1677.
Charles né le 25. Octobre
1680. On dit qu'il y a eu un
combat en Finlande ,où les
Mofcovites ont eu l'avantage
; d'autres affûrent que
le Czar à la tête de so.
mille hommes fait le tour
de la mer de Bothnie, pour
s'avancer dans la Suede
malgré la longueur du
chemin, & la difficulté des
paſlages enfin le bruir
court qu'il y a eu un com
bat naval entre les Suedois
& les Danois , & que les
Danois ontétébattus : mais
1
GALANT. 22.8833
on n'ajoûte pas beaucoup
de foy à toutes ces nouvelles.
On mande de Vienne
du 13. May que les Comtes
de Goës & de Seilern , Plenipotentiaires
de l'Empereur
, font partis le 6. pour
ſe rendre à Bade en Suiſſe.
La priſon de l'Hoſpodar de
Valaquie , qu'on a arrêté
avec ſes trois fils, ſans qu'on
en ſcache la caufe , fait
fonner bien du monde.
L'Hiſtoire de la victoire du
Bacha de Bagdad n'eſt pas.
veritable : mais il eſt vray
rai-
Aa ij
284 MERCURE
1
qu'il a été battu par les
Bachas de Damas & d'A
dep. skisthanos πο
De Madridale 15. May.
Le vieux Alcade Hali qui
commandoit depuis quinze
ans les fiege de Ceuta eſt
enfin mort. Un des Fils du
Roy de Maroc a pris fa
place, fon audace , & plus
de 20. mille hommes d'aumentation
qu'il a reçûs ,
font apprehender qu'il ne
tienne à ſon pere la parole
qu'il lui a donnée de prendre
cette place en quinze
jours. Ces menaces ont dé
1
GALANT. 285
,
terminé la Cour à envoyer
en Andaloufie avec un
renfort confiderable de
troupes , une groſſe quantité
de toutes fortes de proviſions,
pour les faire paf
fer à Ceura. Il y a quelque
temps qu'on n'a reçû ici
aucune nouvelle confide
rable du camp devantBarcelonne.
On mande ſeulement
que le BrigadierDon
Geronimo de Solis eft for
ti de Tarragone avec un
gros détachement pour en
joindre un plus fort àVil
lefranche de Panados,&
286 MERCURE
aller attaquer un corps de
rebeiles, qui s'eſt retranché
au pont d'Armentera
le Cayano, th
fur
De Rome le 5. May. Les
differens entre les Genois
& cette Cour à l'occaſion
des cenfures , publiées
contre le Pere Granelli ,
Religieux de l'Ordre de S.
François , ne paroiffent ,
point encore en termes
d'accommodement. LeRoi
de Sicile ne veut rien relâcher
de ſes droits à cette
Cour. L'audiance que les
Cardinal Aquaviva eut du
GALANT. 287
1
Pape le 25. Avril ſur les dif
ferens que la Cour deMadrid
a avec celle- ci , paroît
n'être d'aucune utilité , ni
pour l'un ni pour l'autre.
Le mariage du Prince de
Paleſtrin Barbarin avec la
Fille de las Princeſſe de
Piombino a été conclu ;
c'eſt le Cardinal Ottoboni
qui'en a fait lademande au
nomdu Prince.
De Paris. Le 27. de ce
mois M. Buys & M. de Goflinga
, Ambaſſadeurs extraordinaires
de Hollande ,
firent leur entrée publique
:
288 MERCURE
en cette ville , ſuivis d'un
cortege des plus magnifiques.
Les 2. Secretaires de
l'ambaffade étoient dans le
2. caroffe deM. Buys . Les4.
Gentilshommes de l'Ambaffadeurdans
le caroffe de
Madame. Les 2.fous Secre
taires de l'ambaſſade dans le
3. caroffe de M. de Goflinga.
Dans le 3. caroffe de M. Buys
eroitM. ſon fils, avec les 2. Au.
móniers de l'abaſlade. La ſuite
deMM. les Ambaſladeurs étoit
cõpoſée de 8. Pages, 2. Ecuyers,
&15. caroffes à fix chevaux , de
pluſieurs Gentilshommes, de 2.
Suites à cheval,& de 36. Valets
depied, tons richement habillez.
FIN.
Fermer
Résumé : Supplement aux nouvelles.
Le texte relate divers événements politiques et militaires en Europe. À Hambourg, l'armée danoise compte trente mille hommes, et le roi est revenu à Copenhague après les funérailles de sa mère, la reine Sophie Amalie, née en 1650 et épouse de Christian V depuis 1667. Ils ont eu sept enfants, dont trois survivants : Frédéric IV, Sophie Edwige et Charles. En Finlande, des combats opposent Moscovites et Suédois, mais les détails restent incertains. À Vienne, les comtes de Goës et de Seilern se rendent en Suisse. L'arrestation de l'Hospodar de Valachie et de ses fils soulève des questions. À Madrid, la mort de l'Alcade Hali à Ceuta et les menaces du fils du roi du Maroc poussent la cour à envoyer des renforts. En Espagne, des troupes sont déployées contre des rebelles près de Barcelone. À Rome, des différends entre les Génois et la cour pontificale persistent, notamment concernant le Père Granelli. Le mariage du Prince de Palestrina avec la fille de la Princesse de Piombino est annoncé. Enfin, à Paris, les ambassadeurs extraordinaires de Hollande, M. Buys et M. de Goslinga, font une entrée publique magnifiquement orchestrée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 14-100
HISTOIRE nouvelle.
Début :
Je suis bien aise, Monsieur, de vous envoyer l'histoire [...]
Mots clefs :
Maison, Homme, Frères, Hommes, Filles, Palais, Amour, Honneur, Amis, Camarades, Guerre, Dieu, Traître, Amis, Yeux, Liberté, Carrosse, Esprit, Violence, Soldat, Circonstances, Sentinelle, Sentiments, Malheur, Seigneur, Troupes, Jardin, Ville, Victime, Cave
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE nouvelle.
HISTOIRE
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
JE fuis bich aife, Mon
ſieur, devous envoyer l'hif
toire des quatrespionniers
mois desterco campagne,
し
GALANT. 15
avant que l'armée du Prince
Eugene nous enferme
dans Mantouë, bu olorist
Ne vous imaginez pas
fur ce titre que je veüille
vous entretenir à preſent
de mille actions de valeur
qui ſe font , & s'oublient
ici tous les jours, Rienn'eſt
ſi commun que ces nouvelles;
parce que , qui dit
homme de guerre dic
homme d'honneur. Ilaya
preſqueperſonne qui n'aille
la guerre , par confequent
preſque tout le mondea
de l'honneur , & le heroif.
ف
16 MERCURE
me eſt la vertu detous les
hommes : maisje veux vous
faire le détail d'une intrigue
, dont les caprices du
fort femblent n'avoir amené
tous les incidens qui la
compoſent , que pour en
rendre les circonstances bizarres&
galantes plus intereſſantes
aux lecteurs.
Nous étions moüillez jufqu'aux
os , nos tentes& nos
barraques culbutées la
pluie , la grêle & le ton.
nerre avoient en plein Eté
répandu une effroyable nuit
au milieu du jour : nous
avions
GALANT
avions enfin marché dans
les tenebres pendant plus
de trois quarts d'heure ,
pour trouver quelque azi
le , lorſque nous arriva
mes, deux de mes amis &
moy , à la porte d'une caffine
à deux mille de Mani
touë. SainteColombe, Lieu
tenant de dragons dans
Fimarcon ,& Mauvilé, Capitained'infanterie
comme
moy , étoient les deux bra
vesquim'accompagnoient.
Désque nous eûmes gagné
cette amaiſon , nous fon
geâmes a nous charger de
Juin 714 .
1
18 MERCURE
1
javelles de ſarmens dont la
grange étoit pleine , pour
aller plutôt ſecher nos
habits. D'ailleurs , nous
croyions cette caffine del
ferte, comme elles l'étoient
preſque toutes aux envi
rons de Mantouë : mais en
ramaſſant les fagots que
nous deſtinions à nous fer
cher , nous fûmes, bien furpris
de trouver ſous nos
pieds des bayonnettes ,des
fufils& des piſtolets chars
gez , & quatre hommes
morts étendus ſous ounc
couche de foin Nous ting
GALANT. 19
2
mes auffitôt un petit conſeil
de guerre entre nous
trois , & en un moment
nous conclûmes que nous
devions nous munir premierement
des armes que
nous avions trouvées &
faire enfuite la viſite de
cette caffine. Cette refolution
priſe , nous arrivâmes
àune mauvaiſe porte , que
nous trouvâmes fermée.
Unbruit confus de voix&
de cris nous obligea à prêter
foreille. A l'inſtant nous
entendîmes un homme qui
difoit à fes camarades en
Bij
20 MERCURE
jurant : Morbleu la pitié eſt
une vertu qui ſied bien à
des gens indignes comme
vous ! Qui eſt-ce qui nous
ſçaura bon gré de nôtre
compaffion ? Ce ne ſera tout
au plus que nos méchantes
femmes , que ces chiens- là
deshonorent tous les jours.
Pour moy , mon avis eft
que nous égorgions tout à
l'heure celui- ci. Mais d'où
te vient tant de lâcheté,
Barigelli? Tu n'es pas content
d'avoir ſurpris ce François
avec ta femme,tuveux
apparemment qu'il y re
GALANT. 21
tourne. Non non , dit Barigelli,
à Dieu ne plaiſe que
je laiſſe cet outrage impuni
; je ſuis maintenant le
maître de ma victime , elle
ne m'échapera pas : mais
je veux goûter à longs traits
le plaiſir de ma vengeance.d
Mon infidelle eſt enchaî
née dans ma cave ; je veux
que ce traître la voye expirer
de rage & de faim dans
les ſupplices que je lui def
tine , & qu'auprés d'elle ,
chargé de fers , il meure de
lamême mort qu'elle, Surat
le champ la compagnic ap-
J
22 MERCURE
7
prouva ce bel expedient
mais nous ne donnâmes
pas à ces Meſſieurs le loifir
de s'en applaudir longtemps.
Du premier coup
nous briſames la porte , &
nous fimes main baſſe , la
bayonnette au bout du fu
fil , fur ces honnêtes gens ,
qui ne s'attendoient pas à
cet aſſaut. Ils étoient quatre.
Nous lesbleſſames tous,
ſans en tuer un ; nous leur
liâmes les mains derriere
le dos , nous délivrâmes le
malheureux qu'ils alloient
1.
facrifier comme ja viens
GALANT. 23
de vous dire , nous lui donnâmes
des armes , & tous
enſemble nous allames
joindre un Capitaine de
nos amis , qui étoit détaché
avec cinquante hommes
à un mille de la caf
fine où nous étions , dans
une tour qui eft au milieu
d'un foffé plein d'eau , à la
moitié du chemin de la
montagne noire à Mand
Dés que nous fûmes ar
rivez à cette tour, le fenti
nelle avancé appella la gar
de qui vint nous recevoir,
24 MERCURE
1
Nous paſſames auffitôt a
vec tout notre monde au
corps de garde de l'Offi
cier , qui nous dit en riant :
Je ne ſçai quelle chere vous
faire,Meſſieurs ; vôtre com
pagnie eſt ſi nombreuſe ,
qu'à moins qu'on ne vous
trouve quelque choſe à
manger , vous pourrez bien
jeûner juſqu'à demain.
Mais , continua stil , en
m'adreſſant la parole , que
ſignifie ce triomphe ? Eltce
pour ſignaler davantage
vôtre arrivée dans matour ,
qué vous m'amenézpçes
capGALANT.
25
captifs enchaînez. Il n'eſt
pas , lui dis je , maintenant
queſtion du détail de ces
raiſons. Nous vous confignons
premierement ces
priſonniers , & en ſecond
lieu nous vous prions de
faire allumer du feu pour
nous ſecher , de faire apporter
du vin pour nous rafraîchir
, & d'envoyer à
cent pas d'ici nous acheter
poulets & dindons , pour
les manger à votre mode
morts ou vifs. Nous vous
dirons enſuite tout ce que
vous avez envie d'appren-
Juin 1714. C
26 MERCURE
dre. A peine l'Officier eur
ordonné à un de ſes ſoldats
d'aller nous chercher ces
denrées , que nous entendîmes
tirer un coup de fufil.
Auſfitôt on crie , à la
garde. Un Caporal & deux
foldats vont reconnoître
d'où vient cette alarme. Un
moment aprés on nous
amene une jeune fille fort
belle , &un jeune homme,
que le ſentinelle avoit bleſſé
du coup de fufil que nous
avions entendu tirer. L'imprudent
qui couroit aprés
cette fille ne s'étoit pas ar
GALANT.
27
rêté ſur le qui vive du foldat
en faction. On le panſa
fur le champ , & la fille ſe
retira avec nous dans la
chambre de l'Officier. Elle
ſe mit ſur un lit de paille
fraîche , où nous la laiſiames
repofer & foûpirer ,
juſqu'à ce que l'on nous cût
accommodé la viande que
le foldat nous apporta. Nous
fimes donner du pain & du
vin à nos prifonniers ; & de
nôtre côté , pendant que
nous mangions un fort
mauvais ſoupé avec beaucoupd'appetit,
la jeune fille,
Cij
28 MERCURE
qui n'en avoit gueres , m'a
dreſſa le beau difcours que
vous allez lire .
Eſt il poſſible,traître, dit.
elle , en me regardant avec
des yeux pleins d'amour&
de colere,&tenant à lamain
un de nos coûteaux qu'elle
ayoit pris ſur la table , que
tu ayes tant de peine à me
reconnoître ? Oui eſt il poffible
que tu me traites avec
tant de rigueur , & que tu
fois auſſi inſenſible que tu
l'es aux perils où je m'expoſe
pour toy Je ſuis bien
faché , lui disje , en lui ôGALANT.
29
!
tant doucement le coûteau
della main que vous me
donniez les noms de traître
& d'inſenſible ; je ne les
merite en verité point , &
je vous affure que depuis
que je ſuis en Italie , je n'ai
encore été ni amoureux ,
ni cruel. Comment , lâche,
tu ofes me dire en face
que
tu n'es pas amoureux ? Ne
t'appelles tu pas Olivier de
la Barriere ? Ne viens tu pas
loger à vingt pas de la porte
Pradelle , lorſque tu ne
couches pas au camp ? Ne
t'es tu pas arrêté trente fois
C iij
30
MERCURE
1
la nuit à ma grille ? Ne
m'as - tu pas écrit vingt lettres
, que j'ai cachées dans
nôtre jardin & ne reconnois-
tu pas enfin Vefpafia
Manelli ? En verité lui dis
je , quoique je fois perfuade
depuis long temps que vous
êtes une des plus belles
perſonnes de l'Italie , je ne
vous croyois pas encore fi
belle que vous l'êtes , & je
ne m'imaginois pas que
vous euffiez des ſentimens
fi avantageux pour moy .
Je ne vous ai jamais vûë
que la nuit à travers uneja
GALANT.
31
loufie affreuſe ; & comme
je n'établis gueres de préjugez
ſur des conjectures ,
je pouvois ( à la mode de
France ) vous dire & vous
écrire ſouvent que vous
êtes belle , que je vous aime
, & que je meurs pour
vous , ſans m'en ſouvenir
un quart - d'heure aprés
vous l'avoir dit : mais à prefent
, je vous jure devant
ces Meffieurs , qui font mes
camarades & mes amis ,
que je ne l'oublirai jamais.
Ajoûte , infolent , me ditelle
, tranſportée de fureur
C iiij
32
MERCURE
& de depit , ajoûte la raillerie
à l'outrage. Où ſuisje
, & que deviendrai - je ,
grand Dieu ! fi tes amis ,
qui te voyent & qui m'entendent
, font auffi ſcelerats
que toy ?
Mauvilé, que ce diſcours
attendriſſoit déja , me regarda
, pour voir ſi j'approuverois
qu'il lui proposât
des expediens pour la
dedommager de mon infidelité
pretenduë : mais le
ſens froid exceffif que j'affectois
avec une peine infinie
, n'étoit qu'un foible
GALANT.
33
voile dont je m'efforçois
de me fervir , pour eſſayer
de dérober à mes camarades
la connoiſſance de l'a
mour dont je commençois
à brûler pour elle Je temoignai
neanmoins à Mauvilé
que je ne deſapprouverois
point ce qu'il lui diroit
pour m'en défaire , ou
pour la conſoler. Ainſi jugeant
de mes ſentimens
par mes geftes : Mademoifelle
, lui dit- il en Italien
qu'il parloit à merveille ,
nous ſommes d'un pays où
tout ce qu'on appelle infi
34
MERCURE
delité ici eſt ſi bien établi ,
qu'il ſemblequ'on ne puiſſe
pas nous ôter la liberté de
changer , ſans nous ôter en
même temps le plus grand
agrément de la galanterie.
La conſtance eſt pour nous
autres François d'un uſage
ſi rare ou fi difficile , qu'on
diroit que nous avons attaché
une eſpece de honte
à nous en piquer : cependant
vous êtes ſi belle, que ,
fans balancer , je renoncerois
à toutes les modes de
mon pays , pour m'attacher
uniquement à vous , fi ,
GALANT.
35
guerie des tendres ſentimens
que vous avez pour
mon ami , vous me permettiez
de vous offrir un coeur
incapable des legeretez du
ſien. Je ne ſçai , lui répon-,
dit- elle , affectant une fermeté
mépriſante , ce que je
ne ferois pas pour me vanger,
ſi je le croyois ſenſible
aux offres que vous me faites
: mais , Monfieur , quelque
emportement que j'aye
marqué , il ne s'agit pas
maintenant d'amour , & je
ne ſuis venuë ici ni pour
yous ni pour lui. Enfin
56 MERCURE
lorſque j'ai fongé à profiter
de l'orage qu'il a fait au
jourd'hui , pour me délivrer
de la plus injuſte perfecu
tion du monde, je n'ai point
regardé cette tour comme
un lieu qui dût me ſervir
d'azile;& fans l'imprudence
du jeune homme qui m'a
poursuivie ,j'aurois pris ſur
la droite , j'aurois évité vôtre
fentinelle , & je ſerois à
preſent arrivée à une maifon
, où j'aurois trouvé plus
de commodité , plus de re
pos , & autant de fûreté qu'-
ici. J'ai ſeulement une gra
GALANT. 37
ce à vous demander ; je prie
l'Officier qui commande
dans ce fort de garder pendant
trois jours le jeune
homme que le ſentinelle a
bleffé , & de me laiſſer de.
main fortir ſeule de cette
tour avant le lever du ſoleil.
Elle nous acheva dette petite
harangue d'un air
touchant & fi naturel , que
je ne fus pas le maître de
mon premier mouvement.
Enfin il me fut impoffible
de diffimuler plus longtemps
, & de ne lui pas dire
avec chaleur : Non , belle
38 MERCURE
Vefpafie , je ne vous quitte
rai pas , je veux vous ſuivre
où vous irez , courir la même
fortune que vous , &
vous ſervir juſqu'à la mort.
Helas , me dit- elle , en mé
jettant , avec un ſoûpir , un
regard d'étonnements jus'il
vous eſt ſi facile de paffer
de l'indifference à l'amour,
ne dois-je pas apprehender
que vous ne repaffiez éga
lement bientôt de l'amour
à l'indifference ? Maisquoy
quilen
qu'il en puiſſe être , vous ne
ſçauriez me propoſer rien
que je n'accepte. Où pouGALANT.
39
vez- vous me ſuivre ? où me
voulez vous conduire?Tout
ce pays eft couvert d'enne
mis, les Imperiaux ont deux
ponts de bateaux fur le Pô ;
Borgoforte , Guastalla , &
San Benedetto , qui font
lesſeules portes par où nous
pourrions fortir , font les
poftes qu'ilsoccupent.Non,
lui dis-je , non , charmante
Vefpafie,ne cherchons point
de ces retraites ſcandaleuſes
dont l'uſage eſt impra.
ticable à des gens d'honneur.
C'eſt à Mantouë que
vous devez retourner avec
40 MERCURE
moy. Nous y entrerons par
la porte del Té. Ce ſera demain
unCapitaine de nôtre
regiment qui y montera la
garde , je prendrai avec lui
de juftes meſures pour vous
introduire dans la ville,ſans
que perſonne vous y voye
entrer , & je vous donnerai
un appartement , où je vous
aſſure qu'on ne viendra pas
yous troubler. Mais , mon
Dieu ! reprit elle , je tremble
que mes freres ne ſçachent
où je ſerai : ahd s'ils
me découvrent , je ſuis à jamais
perduë. Ne vous inquietez
GALANTA
41
quierez pointis lui dis -je
nous mettrons bon ordre à
vôtre fûreté , & je vous ret
pons que la maiſon de nôtre
General ne fera pas mieux
gardéeque la vôtre. Prenez
maintenant un eſprit de
confiance & de liberté , &
contez nous , s'il vous plaît,
par quel hazard vous vous
êtes ſauvée juſques dans
Cette tour.
T
Vous ſçavez , dit alors
Vefpafie , que je demeure à
vingt pas de la porte Pradelle:
mais vous ne sçauriez
vous imaginer dans quel
Juin 1714. D
42 MERCURE
esclavage j'ai vécu depuis
mon enfance juſqu'à preſent.
Je ſuis fille de Julio
Lanzilao . Cette Maiſon eft
ſi conue en Italie , que ce
nom ſuffit pour vous donner
une juſte idée de ma
naiſſance. Je n'avois que
quinze ans lorſque mon
pere mourut ; il y en a trois
depuis ſa mort , que deux
freres que j'ai , s'imaginant
avoir herité de l'autorité
que mon pere avoit fur
moy , comme des biens de
nôtre famille , ſe ſont rendus
les tyrans de ma liberté.
GALANT.
43
Ils ont contracté depuis
long-temps une amitié fi
étroite avec un Gentilhom
me de Mantouë , qu'on appelle
Valerio Colucci , ( que
je n'ai jamais pû ſouffrir )
qu'il y a deux ans qu'ils
sacharnent à vouloir me
rendre la victime de la
tendreſſe qu'ils ont pour
lui. Ma froideur & mes
mépris ont ſouvent rompu
toutes leurs meſures : mais
les mauvais traitemens qu'-
ils m'ont faits ne l'ont que
trop vangé de mon indifference.
Enfin laffé lui-
Dij
44
MERCURE
même de l'injustice de mes
freres , qui lui avoient donné
la liberté de me venir
voir quand il lui plairoit ,
il me dit , en entrant un
ſoir dans ma chambre , à
une heure où je n'avois
jamais vû perſonne : Je ne
ſçai , Mademoiselle , ſous
quel titre me preſenter à
vos yeux ; c'eſt moy ( qui
ſuis l'objet de vôtre haine )
que vous accuſez de la rigueur
de vos freres : mais
je veux , pour vous détromper
, être plus genereux à
vôtre endroit ,qu'ils ne font
GALANT.
45
obſtinez à vous perfecuter.
Secondez moy , & vous
verrez qu'inceſſamment je
vous affranchirai du joug
qu'ils vous ont impoſe.
Vo
Voicy mon deſſein. Vous
avez à un mille & demi de
la Madona della gratia² , un
Palais où demeure vôtre
tante , qui vous aime , &
dans la ville le Convent de
SainteTherese ; ( qui n'eſt pas
lazile le moins libre que
vous puiffiez trouver ) choifiſſez
l'une de ces deux
maiſons. Si je dois , lui disje
, compter de bonne foy
46 MERCURE
fur le ſecours dont vous me
flatez , mettez - moy entre
les mains de ma tante ; elle
eſt ſouveraine dans ſon Palais
, elle n'aime pas mes
freres , & je vivrai certainement
mieux avec elle
qu'ailleurs. Cela étant , me
répondit- il , affectez en leur
prefence plus de complaiſance
pour moy, & ne vous
effrayez plus tant de la propoſition
qu'ils vous feront
encore de nous unir enſemble.
Ecrivez cependant
à vôtre tante de vous en.
voyer aprés demain fon
GALANT.
47
caroſſe à la porte del Té. Je
lui ferai tenir vôtre lettre
par un inconnu , j'écarterai
les gardes qui vous envi
ronnent, je vous aiderai à
ſortir d'ici ; enfin , quoy
quoy qu'il m'en coûte , je
vous eſcorterai juſqu'au
rendez- vous , plus content,
dans mon malheur , d'être
moy-même la victime du
ſacrifice que je vous fais ,
que de vous voir plus longtemps
l'objet de la rigueur
de vos freres. Je reſtai plus
d'une heure fans pouvoir
me refoudre. Je me mis
:
48 MERCURE
moy-même à la place d'un
amant toûjours haï , tou
jours malheureux , & j'eus
une peine extreme à pou
voir accorder des foins fi
genereux avec un amour
fi malrecompensé : mais il
échape toûjours quelque
choſe à nos reflexions ;
ce qu'on ſouhaite fait oublier
ce qu'on riſque , &
nôtre bonne foy determine
ſouvent nôtre eſprit à ne
gliger les raifons de nôtre
défiance. Je ne fongeai pas
feulement qu'ile fuffifoit ,
pour me faire un procés
crimi.
GALANT.
49
criminel avec mes freres ,
qu'ils me ſoupçonnaſſent
d'avoir écrit à ma tante. En
un mot je donnai dans le
piege , &je confiai ce billet
àmon fourbe.
Jene vous fais part qu'en
tremblant , Madame , du plus
important fecret de ma vie :
jevais enfin fortir d'esclavage.
Valerio Colucci , que j'ai tou
jours crû d'intelligence avec
mes freres ,fe charge lui-même
duſoin de me remettre en vos
mains , pourveu que vôtre caroſſe
m'attende aprés demain
Juin 1714.
E
50
MERCURE
1
aufoir à la porte del Té.Jene
fçaipas ce que je ferai s'il me
tient parole : mais je m'imagine
que je vousprierai de me permettre
d'être aufſſi genercuſeque
lui , s'il fatisfait l'impatience
que j'ai de me rendre à vous.
Il reçut cette lettre fatale
de ma main ; il la baiſa
avec mille tranſports , &
fur le champ il s'en alla ,
aprés m'avoir dit encore :
J'en ai maintenant plus
qu'il n'en faut , belle Vefpafie
, pour vous tirer inceffamment
de la ſerviGALANT.
SI
tude où vous vivez .
Il n'y avoit alors , conti
nua telle en s'adreſſant à
moy , que quatre ou cinq
jours que vous m'aviez écrit,
Seigneur Olivier, que
l'on vous envoyoit avec vôtre
compagnie à la Madona
della gratia , où vous apprehendiez
fort de refter deux
ou trois mois en garniſon.
Le defir de m'approcher de
vous , l'intention de vous
écrire , & l'efperance de
vous voir m'avoient determinée
à preferer la maiſon
dema tante au Convent de
1
E ij
St MERCURE
fainte Thereſe. Ce n'étoit
même qu'à votre confideration
, & que pour enga
ger davantage Valerio Con
lucci dans mes interêts, que
je l'avois flaté dans lebillet
que je lui avois confié , de
l'eſpoir d'être auffi genereuſe
que lui : mais il ne fit
de ce malheureux billet ni
l'uſage que j'en aurois ap
prehendé du côté de mes
freres , ni celui que j'en au
rois eſperé du mien. Il s'en
fervit ſeulement pour rendre
ce gage de ma credulité
le garant de ſa précaus
GALANT!
53
tion. Le jour marqué pour
ma fuire , il fit tenir un caroſſe
ſur l'avenue decla
porte del Té, derriere lePalais
de Son Alteſſe Serenif.
ſime , où je m'étois renduë
d'affez bonne heure avec
Leonor,malheureuſe épouſe
d'un nommé Barigelli, à qui
j'avois fait confidence de
cette entrepriſe. Nous nous
étions retirées toutes deux
dans un cabinet fombre &
frais , en attendantValerio ,
lorſque vous arrivâtes aſſez
a propos avec Monfieur *
* Sainte Colombe.
Eiij
54
MERCURE
pour nous délivrer d'un
danger où nous aurions
peut- être ſuccombé fans
vous. Les promptes & funeſtes
circonstances dont
fut fuivie l'action que vous
fites pour nous vous priverent
du plaifir de connoître
les gens que vous veniez
de fauver , & nous de
la fatisfaction de vous en
marquer nôtre reconnoif
fance.
Vous êtes deux ici qui
m'entendez : mais ce que
je viens de dire eſt peutêtre
pour ces autres Mef
GALANT.
55
ſieurs une énigme , que je
vais leur débroüiller.
Quoique vous ſoyez étrangers
dans ce pays , il y
a déja ſi long- temps que
vous campez ſur le glacis
de Mantouë , & que vos
troupes font en garnifon
dans cette ville, que je croy
qu'il n'y a pas un François
parmi vousquineconnoiffe
à merveille toutes les maifons
de Son Alteſſe , & fur
tout le Palais del Tés ; aufli
nevous en parlerai- je point;
mais je vais vous raconter
ce qui m'arriva derniere
E inj
36 MERCURE
ment dans le jardin de ce
Palais .
Je m'étois , comme je
vous ai dit , retirée avec
Leonordans un cabinet ſom
bre , d'où ( l'eſprit rempli
d'inquietudes ) j'attendois
que Valerio vinſt me faire
fortir , pour me conduire au
caroſſe de ma tante ', qui
devoit me mener à laMadona.
Je commençois déja
même à m'ennuyer de ne
le pas voir arriver , lorſque
tout à coup je fus laiſie de
crainte & d'horreur , à la
vûë d'un ſerpent + d'une
GALANT. 57
groffeur énorme. Je vis ce
terrible animal fortir d'un
trou , qu'il avoit apparemment
pratiqué ſous le piéd'eſtal
d'une ſtatuë de Diane
, qui étoit à deux pas de
la porte du cabinet oùj'étois.
Je pouſſai auffitôt un
grand cri , qui lui fit tourner
la tête de mon côté ;
je tombai à l'inſtant , &je
m'évanoüis. Cependant ces
Meſſieurs * , qui ſe promenoient
alors affez prés du
cabinet , vinrent à mon ſecours.
J'ai ſçû de Leonor
* Olivier & Sainte Colombe.
58
MERCURE
qui eut plus de fermeré que
moy , ce que vous allez apprendre.
Le ferpent ne s'effraya
point de voir deux
hommes courir ſur lui l'é
péeà la main ; au contraire
il s'éleva de plus de deux
pieds de terre pour s'élancer
ſur ſes ennemis , qui
m'entendent , & qu'il auroit
certainement fort embaraſſez
, quelque braves
qu'ils foient , ſi dans le moment
qu'il fit ſon premier
faut le Seigneur Olivier n'avoit
pas eu l'adreſſe de lui
couper la tête , qui alla fur
GALANT.
59
le champ faire trois ou quatre
bonds à deux pas de lui,
pendant que le reſte de ſon
corps ſembloit le menacer
encore : mais à peine cette
action hardie fut achevée ,
que le perfide Valerio me
joignit avec trois eftafiers
qu'il avoit amenez avec lui .
Les morceaux difperfez du
ſerpent qui venoit d'être
tué , le defordre où il me
trouva , & deux hommes
- qu'il vit l'épée à la main à
la porte du lieu où j'érois ;
tout ce ſpectacle enfin ex-
-cita dans ſon ame de ſi fu60
MERCURE
ne dis
rieux mouvemens de ja
louſie , qu'aprés avoir abattu
mon voile ſur mon vi
ſage , il me prit bruſquement
par le bras , & me fir
fortir du jardin , ſans me
donner le loiſir , je ne
pas de remercier mes liberateurs
d'un ſi grand fervice
, mais même de me
faire reconnoître à leurs
yeux. Il me fit auſſitôt monter
avec Leonor dans le
caroffe qu'il nous avoit deftiné
; & au lieu de me me.
ner à la maiſon de ma tante
, il nous eſcorta avec ſes
GALANT. 61
eftafiers qui alloient avec
lui , tantôt devant , tantôt
derriere ,juſqu'à une caffine
qui eft à un mille d'ici , &
dont il étoit le maître : mais
il fut bien trompé , en arri
vantà la maison , d'y trouver
des hôtes qu'il n'y avoit
pas mandez. Une troupe de
deferteurs ( ou de bandits ,
ſijene metrompe ) en avoit
la veille enfoncé les portes;
elle en avoit afſommé le
fermier , pillé la baſſe cour,
la cuiſine ,la cave & le grenier,&
mis en un mottouse
lacaffinedansun fi grand
62 MERCURE
fi
defordre , que Valerio ne
put s'empêcher de ſe plaindre
de leur violence , & de
les menacer de les faire
punir.Ces furieuxà l'inftant
lechargerent lui &les fiens
cruellement , qu'aprés
l'avoirtué avecſes eſtafiers,
ils le jetterent avec ſes armes
, fon bagage & ſa compagnie
à l'entréede la grange.
Ils couvrirent ces corps
de quelques bottes de foin,
enſuite ils vinrent à nôtre
caroffe , où ils nous trouverent
effrayées mortellement
de tout ce que nous
GALANT.
63
venions de voir. Ils nous
tinrent d'abord pluſieurs
diſcours inutiles pour nous
raffurer ; puis ils nous firent
deſcendre dans la ſalle où
ils étoient , & dont la table
& le plancher étoient auſſi
mouillez du vin qu'ils avoient
répandu , que leurs
mains l'étoient encore du
ſang qu'ils venoient de verfer.
Cependant un d'entr'eux
', moins brutal que
- les autres , s'approcha de
. moy , & me dit d'un air
d'honnête homme: Je vous
trouverois , Madame , bien
64
MERCURE
plus à plaindre que vous ne
l'êtes , d'être tombée entre
nosmains , ſi je n'avois pas
ici une autorité que qui que
ce ſoit n'oſe me diſputer, &
fi toutes les graces que je
vois dans vôtre perſonne
ne me déterminoient pas à
vous conduire tout àl'heure
dansun lieu plus commode,
plus honnête & plus fûr.
Remontez en caroffe , &
laiſſez vous mener à la Cafa
bianca., C'est une maiſon
fort jolie , entourée d'eaux
de tous côtez , ſituée au
milieu d'un petit bois , derriere
GALANT 5
riere la montague noire :
en un mot c'eſt une elpece
de citadelle qu'on ne peut
preſque inſulter fans canón
Vous y prendrez,Madame,
le parti qui vous plaira , dés
que vous vous ferez remife
de la frayeur que vous ve
nez d'avoir. Au reſte , il me
paroît, à vôtre contenance,
que nous ne vous avons
pas fait grand tort de vous
délivrer des infolens qui
vous ont conduite ici : cependant
ſi nous vous avons
offenſée , apprencz-nous a
reparer cette offense ; ou fi
Juin 1714. F
!
66 MERCURE
nous vous avons rendu
ſervice , nous sommes prêts
à vous en rendre encore. Je
ne ſçai , lui dis - je , quel
nom donner à preſent à ce
que vous venez de faire ,
quoique vôtre diſcours
commence à me raffurer :
maisj'eſperetout dufecours
que vous m'offrez . Vous
avez raiſon , Madame , reprit
il, de compter ſur moy;
je ne veux être dans vôtre
eſprit que ce que vous pouvez
vous imaginer de meil.
leur. Hâtons - nous ſeulement
de nous éloigner d'ici,
GALANT. 67
quoique la nuit commence
à devenir fort noire , & ne
vous effrayez point de vous
voir accompagnée de gens
qui vous eſcorteront peutêtre
mieux que ne pourroit
faire une troupe de milice
bien diſciplinée. Ainſi nous
marchâmes environ deux
heures avant que d'arriver
à la Caſa bianca , où nous
entrâmes avec autant de
ceremonie,que fi on nous
avoit reçûs de nuit dans une
ville de guerre. Alors le
Commandant de cette petite
Place,qui étoit le même
Fij
68 MERCURE
homme qui depuis la maifon
de Valerio juſqu'à fon
Fort m'avoit traitée avec
tant de politeffe , me de
manda ſije voulois lui faire
l'honneur de fouper avec
lui. Je lui répondis qu'il
étoit le maître , que cependant
j'avois plus beſoin de
repos que de manger , &
que je lui ferois obligée s'il
vouloit plûtôt me permet
tre de m'enfermer &de me
coucher dans la chambre
qu'il me deſtinoit. Volontiers
, Madame , me dit il ;
vous pouvez vous coucher
GALANT. 69
quand il vous plaira , cela
ne vous empêchera pas de
fouper dans votre lit. Auffitôt
il nous mena ,Leonor
&moy, dansune chambre
perduë , où nous trouvâmes
deux lits affez propres.
Voila , me dit-il , le vôtre ,
Madame , & voila celui
de vôtre compagne. Pour
moy , vous me permettrez
de paſſer la nuit ſurun fiege
auprés de vous ; les partis
qui battent continuelle
ment la campagner nous.
obligent à veiller prefque
toutes les nuits &rib ne
70 MERCURE
fera pas mal à propos que
je ne m'éloigne pas de
vous , pour vous guerir des
frayeurs que pourroient
vous caufer certaines furprites
auſquelles je ne vous
croy gueres accoûtumées.
Je vais cependant , en attendant
le ſouper , placer
mes fentinelles , & donner
les ordres qui conviennent
pour prévenir mille accidens
dont nous ne pouvons
nous mettre à couvert que
par un excés de précaution.
Dés qu'il nous eut quitté ,
Leonormedit en ſoûpirant:
GALANT.
71
Eſt- il poffible qu'un ſi hơn.
nête homme faſſe unmétier
auſſi étrange que celuici
, & que nous joüions à
preſent dans le monde le
rôle que nous joions dans
cette maiſon . Je cours de
moindres riſques que vous,
n'étant ni ſi jeune , ni fi
belle : mais quand tout ſeroit
égal entre nous deux ,
eſt-il rien d'horrible comme
les projets que vos freres
&mon mari forment à
preſent contre nous ? De
quels crimes peut on ne
nous pas croire coupables ,
72
MERCURE
ſi l'on ſçait jamais tout ce
qui nous arrive aujourd'hui
? A peine échapées
d'un peril nous retombons
dans un autre plus grand.
Vous fuyez la tyrannie de
vos freres , un ſerpent nous
menace , deux avanturiers
nous en délivrent ; võrre
amant vous trahit , des fol
dats l'affomment ; une trou
pe d'inconnus nous entraî
ne au milieu d'un bois , ou
nous enferme dans une
maiſon , où tout nous me
nace de mille nouveau
malheurs. Que ne peut-ik
pas
GALANT.
73.
pas nous arriver encore ?
Tout cela neanmoins ſe
paſſe en moins d'un jour.
Enfin reſoluës le matin à
tenter une avanture qui
nous paroît raiſonnable ,
nous ſommes expolées &
determinées le ſoir à en affronter
mille étonnantes.
Les reflexions que je fais ,
lui dis-je, ne ſont pas moins
funeſtes que les vôtres , &
la mort me paroît moins
affreuſe que tous les perils
que j'enviſage : mais nous
n'avons qu'une nuit à paf
fer pour voir la fin de ce
Juin1714 G
74 MERCURE
defordre. Efperons , ma
chere Leonor, efperons tout
de l'humanité d'unhomme,
peut être affez malheureux
lui même pour avoir pitié
des miferables. Il eſt ( fuje
ne me trompe ) le chefdes
brigans qui font ici : mais
l'autorité qu'il a fur eux ,
& l'attention qu'il a pour
nous , nous mettent à l'a
bri de leurs inſultes. Je ne
İçai , reprit Leonor , d'où
naiſſent mes frayeurs : mais
je ſens qu'il n'y ariend'aſſez
fort en moy pour diffiper
Thorreur des preſſentimens.
A
GALANT.
75
qui m'environnent.Ce n'eft
pas d'aujourd'hui que je
connois le vilage de nôtre
hôte , & je ſuis fort trompée
s'il n'eſt pas le frere
d'un jeune homme dont je
vous ai parlé pluſieurs fois.
Demandez lui , ſitôt qu'il
ſera revenu , deiquelle ville
il eft , & s'il ne connoît pas
Juliano Foresti , natifdeCarpi
7 dans le Modenois . Ce
Juliano elt fils d'un François
& d'une Françoiſe , qui
auroient fort mal paffé leur
temps avec l'Inquifition, fi
Sun Dominiquain ne les
Gij
76 MERCURE
avoit pas aidez à ſe ſauver
de Modene avec leur fa
mille, le jour même qu'elle
avoit reſolu de les faire ar
rêter. Oui , dit-il,Madame,
en pouffant la porte avec
Violence,
violence , oui je ſuis le frere
deJuliano Foresti dont vous
parlez. J'ai entendu toute
vôtre converſation , & vos
dernieres paroles ne m'ont
que trop appris d'où naiffent
vos inquietudes : mais
ce frere , dont vous êtes en
prine , & qui paffe pour
François aufli bien que
moy, va vous coûter dee
GALANT.
77
ſoins bien plus importans ,
s'il n'arrive pas demaindici
avant la fin du jour. Vous
têtes Madame Leonor de
Guaſtalla , femme du Signor
Barigelli , citadin de Mantouë
: Dieu ſoit loüé , je
retrouverai peut- être mon
frere par vôtre moyen ; ou
du moins s'il eſt tombé
entre les mains de vôtre
époux , comme on me l'a
dit hier au foir , vous me
ſervirez d'ôtage pour lui.
Mais pourquoy , lui ditelle
, voudriez - vous me
rendre reſponſable d'un
Giij
78
MERCURE
malheur où je n'aurois aucune
part ? Si vôtre frere
s'intereſſoit en ma fortune ,
comme il paroît que vous
l'apprehendez , vous ne ſeriez
pas maintenant à la
peine de vous inquieter de
fon fort. Il feroit au contraire
à preſent ici , puiſque
je l'ai fait avertir il y a trois ly
jours de le tenir aujourd'hui
fur l'avenuë de la Madona ,
où nous comptions ce matin
, Vefpafie & moy , d'arriver
ce ſoir : mais nous
avons eſſuyé en une demijournée
tant d'horribles
GALANT.
79
1
avantures,que tout ce qu'on
peut imaginer de plus facheux
ne peut nous rendre
gueres plus malheureuſes
que nous le ſommes.
Sur ces entrefaites , un
foldat entra d'un air effrayé
dans la chambre où nous
étions. Il parla un moment
àl'oreillede ſon General ; II
prit un petit coffre qui étoit
fous le lit que j'occupois ,
il l'emporta,&s'en alla .Nôtre
hôte nous dit alors,avec
une contenance de fermeté
que peu de gens conſerveroient
comme lui dans une
Giij
80 MERCURE
pareille conjoncturesJe ne
Içai pas quelle ſeraila fin
de tout ceci : mais à bon
compte , Madame , tenezvous
prête à executer ſur le
champ , pour vôtre ſalut ,
tout ce que je vous dirai ,
ou tout ce que je vous en
verrai dire , fi mes affaires
m'appellent ailleurs.21On
vient de m'avertir qu'il
m'arrivoit ce ſoir une com
pagnie dont je me pafferois
fortbien: maisil n'importe,
je vais ſeulement efſayer
d'empêcher que les gens
qui nous rendent viſite ſi
GALANT S
,
tard , ne nous en rendent
demain marin une autre.
Nous avons pour nous de
ſecours de la nuit cette
maiſon, dontl'accés eft difficile
, un bon ruiſſeau qui
la borde , & des hommes
refolusd'endéfendre vigou.
reuſement tous les paſſages.
Ne vous alarmez point d'a
vance , & repoſez vous fur
moy du ſoin de vous tirer
de cette affaire , quelque
fuccés qu'elle ait Alors il
nous quitta , plus effrayées
des nouveaux malheurs
dont nous étions menacées
82 MERCURE
que perfuadées par fon eloquence
de l'execution de
ſes promeſſes. En moins
d'une heure nous entendîmes
tirer plus de cent coups
de fufil ; le bruit & le va-
.carme augmenterent bien.
tôt avec tant de fureur, que
nous ne doutâmes plus que
mille nouveaux ennemis ne
fuſſent dans la maifon: Leo
nor diſparut à l'inftant , ſoit
qu'elle eût trouvé quelque
azile d'où elle ne vouloit
pas répondre àmes cris, de
peur que je ne contribuaffe
à nous faire découvrir plû
GALANT. 83
tốt , ou ſoit que la crainte
lui eût ôté la liberténde
m'entendre. Cependant à
force de chercher & de
tâtonner dans la chambre ,
je trouvai ſous une natte de
jonc, qui ſervoit de tapif
ſerie , une eſpace de la hauteur
& de la largeur d'une
porte pratiquée dans la muraille.
J'y entrai auſſitôt en
tremblant ; àdeux pas plus
loin je reconnus que j'étois
ſur un escalier , dont je def
cendis tous les degrez , au
pied deſquels j'apperçus de
loin une perite lumiere
84 MERCURE
(
qu'on avoit eu la précaution
d'enfermer ſous un
tonneau. Je m'en approchai
d'abord afin de la
prendre pour m'aider à
fortir de cette affreuſe ca
verne : mais le bruit & le
defordre ſe multipliant
avec mes frayeurs , je l'é
teignis par malheur. Neanmoins
le terrain où j'étois
me paroiſſant aſſez uni , je
marchai juſqu'à ce qu'enfin
je rencontrar une ouverture
à moitié bouchée d'un
monceau de fumier. Alors
j'apperçus heureuſement
GALANT. 85
une étoile , dont la lueur
me ſervit de guide pour me
tirer avec bien de la peine
de ce trou , où je venois de
faire un voyage épouvantable.
Je repris courage ;
&aprés m'être avancée un
peu plus loin ,je me trouvai
àl'entrée d'un petit marais
fec ,& plein d'une infinité
de gros roſeaux beaucoup
plus hauts quemoy.Enfin
accablée de laffitude & de
peur je crusque je ne
pouvois rencontrer nulle
part un azile plus favorable
que celui- là en attendant
86 MERCURE
le jour : ainſi je m'enfonçai
dans ce marais , juſqu'à ce
que je ſentis que la terre ,
plus humide en certains
endroits , moliſſoitſous mes
pieds. Je m'aflis , &je prêtai
pendant deux heures atten.
tivement l'oreille à tout le
bruir qui ſortoit de la maifon
dont je venois de me
ſauver fix heureuſement.
J'entendis alors des hurlemens
effroyables , qui me
furent d'autant plus fenfibles
, que je crus mieux reconnoître
la voix de Leonor.
Cependant au point du
GALANT 87
jour cette maiſon, qui avoit
été pendant toute la nuitun
champ de carnage & d'horreurs
,me parut auſſi tran.
quille , que fielle n'avoit
jamais étéhabitée. Dés que
je me crus affez afſurée que
le filence regnoit dans ce
funeſte lieu ,je fortis de mes
roſeaux , pour gagner à
travers la campagne un
village qui n'en est éloigné
que de quelques centaines
de pas . J'y trouvai un bon
vieillard , que les perils
dont onnefticontinuellement
menacé dansunpays
88 MERCURE
occupé par deux armées
ennemies , n'avoient pû
determiner à abandonner
ſa maiſon comme ſes voi
fins. Cebon-homme , autant
reſpectablepar le nom.
bre de ſes ans , qu'il l'eſt
dis-je pleu
par fontexperience & fa
vertu , étoit affis fur une
pierre àſa porte lorſque je
parus àſes yeux. Mon pere,
lui dis je auflitouren pleurant
ayez pitié de moy;
je me meurs de laffitude ,
de frayeur & de faim. En-
-tez dans ma maiſon , ma
Elle une répondit- il , &
vous
GALANT
89
vous y repoſez , en attendant
que mon fils revienne
avec ma petite proviſion
qu'il eſt allé chercher. Il
me fit aſſeoir ſur ſon lit ,
où il m'apporta du pain &
du vin , que je trouvai excellent.
Peu à peu le courage
me revint ,&je m'endormis.
A mon réveil il me
fit manger un petit morceau
de la provifion que
ſon fils avoit apportée ; il
me pria enſuire de lui conter
tout ce que vous venez
d'entendre. La ſatisfaction
qu'il eut de m'avoir ſecou-
Juin 1714 H
१०
MERCURE
ruë ſi à propos le fit pleurer
de joyc. Enfin il me promit
de me donner ( lorſque je
voudrois ſortir de ſa maiſon
) ſon fils & ſa mule pour
meconduire chez matante.
Je reſtai neanmoins trois
jours enfermée & cachée
chez lui , & le quatriéme ,
qui eſt aujourd'hui , j'ai crû
que je ne pouvois point
trouver une occafion plus
favorable que celle de l'orage
qu'il a fait tantôt ,
pourme ſauver au Palais de
ma tante , ſans rencontrer
fur les chemins perſonne
:
GALANT
qui put me nuire : mais à
pcine ai je été avec mon
guide àun mille de la mai
fon de ce bon vieillard ,
que nous avons été atta
quez par le jeune homme
que votreſentinelle ableſſé.
C'eſt le plus jeune de mes
freres , qui ayant appris
apparemment que je n'étois
point chez ma tante ,
m'a attendue ſur les ave-
-nuës de ſon Palais , juſqu'à
- ce qu'il m'ait rencontrée :
mais heureuſement mon
conducteur a lutte contre
lui avec beaucoup de cou
Hij
$2 MERCURE
rage , pour me donner le
temps de me ſauver . J'ai
auſfitôt lâché la bride à ma
mule , qui m'a emportée à
travers les champsaved
tant de violence , qu'elle
m'a jettée par terre à cent
pas du ſentinelle qui m'a
remiſe entre vos mains. Je
vous prie maintenant de
vous informer de l'état où
font mon pauvre guide , fa
mule & mon frere: bab
Alors nous la remerciâ.
mes tous de la peine qu'elle
avoit priſe de nous conter
une histoire auſſi intereſſanGALANTA
dou
to quedaficine ; && dont le
recit ad contribua pas peu
à me revidre ſur le champ
éperdûment amoureux d'elle.
Cependantnous ne
tâmes point que Barigelli ,
qui étoit un de nos prifonniersine
pût nous apprendre
le reste de l'avanture de
Leonor.Nous le fîmes monterànôtre
chambreavec ſes
camarades , où aprés l'avoir
traité avec beaucoup de
douceur & d'honnêteté,
nous lui demandâmes ce
qu'étoit devenuë ſa femme.
Meffieurs,nous dit-il , i
94
MERCURE
yla plus de trois mois que
le perfide Juliano Foreſti ,
que vous avez aujourd'hui
dérobé à ma vangeance ,
& qui eft maintenant, aflis
auprés de vous , cherche à
me deshonorer. J'ai furpris
pluſieurs lettres , qui ne
m'ont que trop inſtruit de
•l'intelligence criminelle
qu'il entretient avec ma
femme , j'ai ſçû la partie
que la ſcelerate avoit faite
pour voir ce traître , ſous
le pretexte de conduire la
Signora Veſpaſia chez ſa
tante. J'ai été parfaitement
GALANTM
informé de tous leurs pas ;
& fans avoir pû m'attendre
àce qui leur est arrivé dans
la maiſon du malheureux
Valerio Colucci , je n'ai pas
laiſſé de prendre toutes les
meſures imaginables , &
d'aſſembler une trentaine
-de payſans bien armez pour
lui arracher mon infidelle.
Je me ſuis mis en embuscade
aux environs de la
Caſa bianca , queje ſçavois
être l'unique retraite de
Juliano , de ſon frere , &
de tous les brigans du pays.
J'ai attaqué la maison &
96 MERCURE
tous ceux qui la défendoient
; je les ai mis tous ,
avec mes troupes, en pieces
& en fuite ; j'ai enfin retrouvé
ma perfide époufe ,
que j'ai enchaînée dans ma
cave , &j'ai été à peine forti
de chez moy , que j'ai rencontré
le perfide Juliano,
qui ne ſçavoit encore rien
de ce qui s'étoit paffé 1t
nuit chez fon frere. Il n'y
avoit pas une heure que je
l'avois pris , lorſque vous
nous avez ſurpris nous mê
mes dans la caſſine de Va
lerio.
:
SciGALANT.
97
Seigneur Barigelli, lui dit
Veſpaſia,vôtre femmen'eſt
point coupable , & la for
tune qui nous a perlecutées
depuis quelques jours d'une
façon toute extraordinaire,
a caufé elle ſeule tous les
malheurs qui vous ont rendu
ſa fidelitéſuſpecte. Enfin
nous determinâmes Bari
gelli à faire grace à la femme
, nous gardames Juliano
dans la tour , pour sçavoir
par ſon moyen des nouvel
les de ſon frere& des bandits,
dont le pays Mantoüan
étoit couvert
Juin 714.
& dont il
1
98 MERCURE
étoit le chef. Nous fimes
envaintous nosefforts pour
rendre plus docile le frere
de Vefpafie , il fut toûjours
intraitable à ſon égard. Le
Commandant de la Tous
voyant que nous n'en pouvions
rien tirer , s'empara
de ſa perſonne pour les trois
jours que fa foeur nous avoit
demandez . Enfin charmé
de toutes les bonnes qua
litez,de cette belle fille jo
la remenaiàlaville,comme
je le lui avois promis ; je lui
trouvai une maiſon fûre &
je la fisfor
commode, d'ou
LYON
* 1893
GALANT
THEQUR
tirun mois aprés, pote
voyer avec unde mes
dans la Principauté d'Orange
, aprés l'avoir épouléc
ſecretement à Mantouë.
Je profiterai de la premiere
occafion pour vous
envoyer l'histoire du
malheureux Sainte Colombe
* , qui vient d'être
*Quelque extraordinaires que foient
les circonstances de cette h ſtoire , il y
avoit plus de10. ou 12. mille hommes
de nos troupes dans Mantouë lors
qu'elle arriva ainſi on peut compter
quoique je n apprehende pas que per-
Iſonne dopoſe contre moy , pour m'accufer
de fuppofer des faits inventez ,
que je la rendrai fidelement comme
elle eft. Ii
100 MERCURE
aſſaſſiné par un marijatoux.
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Résumé : HISTOIRE nouvelle.
Le texte relate plusieurs intrigues militaires et amoureuses se déroulant pendant la campagne de Mantoue. Un officier et deux de ses amis, Sainte-Colombe et Mauvilé, cherchent refuge dans une ferme après une marche éprouvante sous une pluie torrentielle. Ils découvrent des armes et des cadavres dans la grange, ce qui les pousse à explorer la ferme. Ils surprennent alors un groupe d'hommes discutant de la vengeance à infliger à un prisonnier français. Les officiers interviennent, libèrent le prisonnier et capturent les assaillants. Ils se rendent ensuite dans une tour où ils rencontrent une jeune femme, Vespasia Manelli, et un jeune homme blessé. Vespasia révèle qu'elle est amoureuse de l'officier, Olivier de la Barrière, et exprime sa colère face à son indifférence apparente. Après des échanges tendus, Olivier avoue ses sentiments et propose à Vespasia de la protéger en la ramenant à Mantoue. Vespasia accepte et raconte son évasion de sa maison où elle vivait dans l'esclavage. Le texte décrit également la situation d'une jeune femme de dix-huit ans, dont le père est décédé trois ans auparavant. Ses deux frères, s'imaginant héritiers de l'autorité paternelle, se comportent en tyrans envers elle. Ils entretiennent une amitié étroite avec Valerio Colucci, un gentilhomme de Mantoue, que la jeune femme n'apprécie pas. Depuis deux ans, ses frères et Colucci cherchent à la marier contre son gré. La jeune femme, lassée de cette situation, accepte un plan de Colucci pour l'emmener chez sa tante. Cependant, le jour prévu pour la fuite, un serpent apparaît et effraie la jeune femme. Deux hommes, Olivier et Sainte-Colombe, viennent à son secours et tuent le serpent. Colucci arrive alors avec des estafiers et emmène la jeune femme dans une maison où ils sont attaqués par des bandits. Ces derniers, après avoir maîtrisé Colucci, offrent à la jeune femme de l'emmener dans une maison plus sûre, la Casa Bianca. La jeune femme accepte et est escortée jusqu'à cette demeure, où elle passe la nuit en sécurité. Le texte relate également les aventures de Leonor et Galant, menacés par des brigands et des ennemis. Leonor exprime ses craintes et ses réflexions sur les événements qui se succèdent rapidement. Un homme, qui se révèle être le frère de Juliano Foresti, les aide à se protéger. Leonor reconnaît cet homme et lui demande des informations sur son frère. L'homme révèle qu'il est à la recherche de son frère et qu'il utilise Leonor comme otage. Leonor explique qu'elle a tenté de prévenir Juliano des dangers, mais qu'ils ont rencontré de nombreux obstacles. Une nuit, Leonor se cache dans une caverne et entend des hurlements effroyables. Le matin suivant, elle se rend dans un village où un vieillard l'accueille et la protège. Après trois jours, elle décide de se rendre au palais de sa tante, mais est attaquée par son frère. Elle parvient à s'échapper et est finalement ramenée en sécurité. Le texte se termine par l'arrivée de Barigelli, qui raconte comment il a découvert la trahison de sa femme et de Juliano Foresti, et comment il a tenté de les capturer. Enfin, le texte mentionne des événements survenus en juin 714, impliquant des figures politiques et militaires. Une femme, dont la fidélité a été mise en doute, est à l'origine de divers malheurs. Bari Gelli obtient une grâce pour cette femme, tandis que Juliano est retenu dans une tour pour obtenir des informations sur son frère et les bandits qui sévissent dans le pays mantouan, dont il est le chef. Des efforts sont déployés pour rendre le frère de Vespasie plus docile, mais sans succès. Le commandant de la tour le retient alors pendant trois jours. Une jeune fille, appréciée pour ses qualités, est ramenée en ville et installée dans une maison sûre et confortable. Quelques mois plus tard, elle est envoyée en secret dans la Principauté d'Orange. Le narrateur mentionne également l'intention d'envoyer l'histoire du malheureux Sainte-Colombe, assassiné par un marijatoux. Lors des événements, environ 10 000 à 12 000 hommes des troupes étaient présents à Mantoue. Le narrateur assure qu'il relatera fidèlement les faits, sans inventer de détails.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 1989
AUTRE.
Début :
Avec sept pieds je ne suis bon à rien, [...]
Mots clefs :
Carrosse
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texteReconnaissance textuelle : AUTRE.
AUTR E.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez- en le nom.
Vec fept pieds je ne fuis bon à rien
Si l'on ne m'en donne huit autres ;
Sans mon ſecond , je fuis le fuperbe ſoûtien
De plus de cent riches Apôtres.
En cet état tranchez ma tête ,
Je change bien de fituation ,
Je ne fuis plus qu'une mauvaiſe bête ;
Lecteur , devinez- en le nom.
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16
p. 2211
Enigme, Logogryphe, [titre d'après la table]
Début :
La Broche est le mot de l'Enigme du mois dernier. On a dû expliquer les deux [...]
Mots clefs :
Broche, Carrosse, Milan
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Enigme, Logogryphe, [titre d'après la table]
La Broche est le mot de l'Enigme du
mois dernier. On a dû expliquer les deux
Logogryphes par Milan & Caroffe.
mois dernier. On a dû expliquer les deux
Logogryphes par Milan & Caroffe.
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17
p. 781-782
POLOGNE.
Début :
Le 27. Fevrier, l'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur, eut [...]
Mots clefs :
Envoyé extraordinaire, Audience publique, Carrosse, Cheval arabe, Hongrie, Traité d'Oliva
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texteReconnaissance textuelle : POLOGNE.
POLOGNE.
E 27. Fevrier , l'Envoyé Extraordinaire du
Grand Seigneur , eut son Audience de congé
avec les ceremonies observées le jour de sa premiere
Audience publique. Ce Ministre alla dîner
ensuite chez le Grand - Maréchal de la Couronne.
Le Roi et la République lui ont fait present d'un
très - beau Carosse attelé de six Mules . Il a fait
au Roi , de la part du G. S. et du Gr. Viz. de six
Chevaux de Selle , pami lesquels il y a un Cheval
Arabe , qu'on estime 2000. Ducats . Leurs Harnois
sont à la Turque et d'une grande magnificence.
Le Roi a envoyé en Hongrie un Capitaine dus
Regiment de Saxe Weimar , pour lever oo. Hus-
Sats
82 MERCURE DE FRANCE
sars que l'Empereur lui a permis de prendre à son
service.
Le Ministre de la Czarine a donné au Primat
du Royaume un Memoire contenant les prétentions
de S. M. Cz . Les principales sont la repetition
des sommes avancées à la République par le
feu Czar Pierre I. et qu'on fait monter à prés de
huit millions , la demande qu'elle fait de l'entiere
execution du Traité d'Oliva , tant au sujet des
Privileges accordez aux Protestans de ce Royaume
, que par rapport à la liberté du Duché de
Curlande , qu'elle ne veut pas permettre qu'on
divise en Palatinats.
E 27. Fevrier , l'Envoyé Extraordinaire du
Grand Seigneur , eut son Audience de congé
avec les ceremonies observées le jour de sa premiere
Audience publique. Ce Ministre alla dîner
ensuite chez le Grand - Maréchal de la Couronne.
Le Roi et la République lui ont fait present d'un
très - beau Carosse attelé de six Mules . Il a fait
au Roi , de la part du G. S. et du Gr. Viz. de six
Chevaux de Selle , pami lesquels il y a un Cheval
Arabe , qu'on estime 2000. Ducats . Leurs Harnois
sont à la Turque et d'une grande magnificence.
Le Roi a envoyé en Hongrie un Capitaine dus
Regiment de Saxe Weimar , pour lever oo. Hus-
Sats
82 MERCURE DE FRANCE
sars que l'Empereur lui a permis de prendre à son
service.
Le Ministre de la Czarine a donné au Primat
du Royaume un Memoire contenant les prétentions
de S. M. Cz . Les principales sont la repetition
des sommes avancées à la République par le
feu Czar Pierre I. et qu'on fait monter à prés de
huit millions , la demande qu'elle fait de l'entiere
execution du Traité d'Oliva , tant au sujet des
Privileges accordez aux Protestans de ce Royaume
, que par rapport à la liberté du Duché de
Curlande , qu'elle ne veut pas permettre qu'on
divise en Palatinats.
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Résumé : POLOGNE.
Le 27 février, l'Envoyé Extraordinaire du Grand Seigneur a eu son audience de congé avec les cérémonies observées lors de sa première audience publique. Il a ensuite dîné chez le Grand-Maréchal de la Couronne. Le Roi et la République lui ont offert un carrosse attelé de six mules. En retour, le Ministre a offert au Roi, de la part du Grand Seigneur et du Grand Vizir, six chevaux de selle, dont un cheval arabe estimé à 2000 ducats, avec des harnais turcs magnifiques. Le Roi a envoyé un capitaine du régiment de Saxe-Weimar en Hongrie pour lever 800 hussards, avec la permission de l'Empereur de les prendre à son service. Le Ministre de la Czarine a remis au Primat du Royaume un mémoire détaillant les prétentions de Sa Majesté Czarine. Les principales revendications incluent la répétition des sommes avancées à la République par le feu Czar Pierre Ier, estimées à près de huit millions, et la demande de l'exécution complète du Traité d'Oliva. Cela concerne les privilèges accordés aux protestants du Royaume et la liberté du Duché de Curlande, que la Czarine ne souhaite pas voir divisé en palatinats.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 260-264
MEMOIRE lû à l'Academie des Sciences, le 24 Novembre 1731. par M. du Quet.
Début :
Train de Carrosse inversable, par conséquent moins dangereux, et pour [...]
Mots clefs :
Carrosse, Voitures, Chevaux, Train, Roues, Académie des sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MEMOIRE lû à l'Academie des Sciences, le 24 Novembre 1731. par M. du Quet.
MEMOIRE là l'Academie des
Sciences , le 24 Novembre 1731. par
M. du Quet.
>
Rain de Carrosse inversable , par
conséquent moins dangereux , et
pour être porté aussi doucement que dans
un Batteau , beaucoup plus en seureté
sur lequel on pourra lire et écrire , sans
être interrompu par le bruit , que les
Roues causent en roulant sur le pavé,
quoiqu'on aille aussi vîte que sur les Carosses ordinaires.
-Les
FEVRIER. 1732. 267
Les Roues qui servent actuellement
quoique tres- utiles , ont pourtant des défauts tres-considérables lorsqu'elles roulent sur le pavé, ou à cause de son inégalité , elles sont obligées de rouler toujours en sautillant , outre que ce sautillement continuel oblige de faire le Train
et le Corps du Carosse plus fort pour y
résister; il faut encore suspendre le Corps,
y ajouter une quantité de fers qui rend
tout cet assemblage tres- pesant et ébranle le pavé ; les Essieux d'un autre côté ,
qui sont sujets à casser par cet ébranlement continuel , ajoutent encore un
poids de plusieurs quintaux , qui se fait
sentir tres - rudement , lorsque les Carrosses montent sur un plan incliné , plus
ou moins , selon l'inclinaison du plan.
,
Ce ne sont pas là les seuls deffauts des
Rouës , leur propre pesanteur lorsqu'elles
montent est un surcroît de difficulté
pour les Chevaux , parce qu'ils portent
la moitié de tout le fardeau , lorsqu'ils
montent sur un plan , dont la ligne est
entre la perpendiculaire et l'horisontale ;
d'ailleurs les Roues étant faites de bois ,
sont sujettes à la pourriture , et il arrive
souvent que les rayes des Roues étant parvenues à un certain dégré de pourriture
imprévoyable,elles se brisent et tout tombe
262 MERCURE DE FRANCE
be, en grand danger de faire périr ceux
qui sont dans le Carosse; ces accidens n'arrivent que trop souvent.
Les Hollandois , considerant le fracas
que ces Roues causent par la destruction
des plans où elles passent en y faisant de
profondes ornieres , considerant aussi la
dépense qu'elles obligent de faire , et la
peine des Chevaux , lorsqu'ils sont obligez de monter les plans inclinez , en ont
secoué le joug , en appliquant le corps
du Carosse sur des Traineaux , de même
que nous voyons icy trainer les Balots
de Marchandises, ce qui doit être de tresmauvaise grace à l'œil.
La figure du Train que j'ai l'honneur”
de presenter , éleve le corps du Carosse
à la même hauteur que ceux dont on se
sert actuellement , et l'on y peut donner
tel ornement qu'on voudra , en faisant
travailler les ouvriers qui auront dugoût
pour cela. Il faut remarquer que le corps
du Carosse et le Train , ne faisant ensemble qu'un seul et mêmecorps, les Chevaux qui le traîneront n'auront pas plus
de peine qu'aux Carosses ordinaires sur le
pavé de niveau , et ils en auront moins
en montant qu'avec les autres , à cause de
la legereté de ces nouvelles voitures et de
pesanteur des Carosses ordinaires , qui la
avec
FEVRIER. 1732. 263
avec leur Train , pesent au moins le triple , et que les frotemens ne sont que
par rapport à la pesanteur ou à la pres
sion.
Le plan incliné , sur lequel j'ai appliqué une portion de représentation de pa
vé , peut faire aisément connoître la différence qu'il y a entre rouler et traîner
puisque l'on voit qu'un même poids fait
monter ce modele plus facilement , en le
traînant sur ce plan incliné , qu'en le
faisant monter avec les rouës.
Les Cochers qui sont assis sur les petites Rouës , qui sautillent davantage que
les grandes , gouverneront ces voitures
beaucoup plus à leur aise. Les Laquais seront aussi portez plus doucement ; ainsi
on peut conclure que les Maîtres et leurs
Domestiques seront plus en seureté sur
ces nouvelles voitures , que sur celles de
l'ordinaire , et avec plus de commodité.
Le Roy , les Proprietaires des Maisons
et le public ont interêr que ces nouvelles
voitures soient en usage dans Paris , dont
le pavé humecté toute l'année , convient
parfaitement à ce tirage.
L'interêt du Roy s'y trouve , par rap
port au roulage,qui ébranle le pavé, qu'il
ne faudroit pas renouveller aussi souvent,
les Proprietaires des Maisons , à cause que
cet
264 MERCURE DE FRANCE
cet ébranlement peut endommager les fon--
demens de leurs Bâtimens ; le public, par
rapport au bruit du roulage et du danger
qu'il y a lorsqu'un Carosse verse pour
ceux qui passent à côté , soit qu'un des
Essieux manque , soit une des Rouës.
On peut encore ajouter à l'avantage de
ces nouvelles voitures , que lorsque les
Chevaux prennent le mors aux dents ,
ceux qui seront dans ces voitures , pourront sortir hors du Carosse , sans courir
le même danger du funeste accident qui
est arrivé à Madame la Présidente de la
Chaise , et à bien d'autres personnes de
distinction qui ont péri , faute de l'usade ces nouvelles voitures.
ge
On doit encore représenter que lorsque
les Chevaux prennent le mors aux dents ,
le Carosse allant à leur gré , et sans pouvoir être gouverné par le Cocher , il est
exposé à se heurter contre la premiere
borne , qui cause un choc , qui fait quitter la Cheville ouvriere , alors le Cocher
est en danger de perdre la vie , sans parler du fracas qui arrive au corps du Carosse et au Train , et du danger que les
personnes de pied courent d'être surprises à la rencontre d'un pareil accident.
O
Sciences , le 24 Novembre 1731. par
M. du Quet.
>
Rain de Carrosse inversable , par
conséquent moins dangereux , et
pour être porté aussi doucement que dans
un Batteau , beaucoup plus en seureté
sur lequel on pourra lire et écrire , sans
être interrompu par le bruit , que les
Roues causent en roulant sur le pavé,
quoiqu'on aille aussi vîte que sur les Carosses ordinaires.
-Les
FEVRIER. 1732. 267
Les Roues qui servent actuellement
quoique tres- utiles , ont pourtant des défauts tres-considérables lorsqu'elles roulent sur le pavé, ou à cause de son inégalité , elles sont obligées de rouler toujours en sautillant , outre que ce sautillement continuel oblige de faire le Train
et le Corps du Carosse plus fort pour y
résister; il faut encore suspendre le Corps,
y ajouter une quantité de fers qui rend
tout cet assemblage tres- pesant et ébranle le pavé ; les Essieux d'un autre côté ,
qui sont sujets à casser par cet ébranlement continuel , ajoutent encore un
poids de plusieurs quintaux , qui se fait
sentir tres - rudement , lorsque les Carrosses montent sur un plan incliné , plus
ou moins , selon l'inclinaison du plan.
,
Ce ne sont pas là les seuls deffauts des
Rouës , leur propre pesanteur lorsqu'elles
montent est un surcroît de difficulté
pour les Chevaux , parce qu'ils portent
la moitié de tout le fardeau , lorsqu'ils
montent sur un plan , dont la ligne est
entre la perpendiculaire et l'horisontale ;
d'ailleurs les Roues étant faites de bois ,
sont sujettes à la pourriture , et il arrive
souvent que les rayes des Roues étant parvenues à un certain dégré de pourriture
imprévoyable,elles se brisent et tout tombe
262 MERCURE DE FRANCE
be, en grand danger de faire périr ceux
qui sont dans le Carosse; ces accidens n'arrivent que trop souvent.
Les Hollandois , considerant le fracas
que ces Roues causent par la destruction
des plans où elles passent en y faisant de
profondes ornieres , considerant aussi la
dépense qu'elles obligent de faire , et la
peine des Chevaux , lorsqu'ils sont obligez de monter les plans inclinez , en ont
secoué le joug , en appliquant le corps
du Carosse sur des Traineaux , de même
que nous voyons icy trainer les Balots
de Marchandises, ce qui doit être de tresmauvaise grace à l'œil.
La figure du Train que j'ai l'honneur”
de presenter , éleve le corps du Carosse
à la même hauteur que ceux dont on se
sert actuellement , et l'on y peut donner
tel ornement qu'on voudra , en faisant
travailler les ouvriers qui auront dugoût
pour cela. Il faut remarquer que le corps
du Carosse et le Train , ne faisant ensemble qu'un seul et mêmecorps, les Chevaux qui le traîneront n'auront pas plus
de peine qu'aux Carosses ordinaires sur le
pavé de niveau , et ils en auront moins
en montant qu'avec les autres , à cause de
la legereté de ces nouvelles voitures et de
pesanteur des Carosses ordinaires , qui la
avec
FEVRIER. 1732. 263
avec leur Train , pesent au moins le triple , et que les frotemens ne sont que
par rapport à la pesanteur ou à la pres
sion.
Le plan incliné , sur lequel j'ai appliqué une portion de représentation de pa
vé , peut faire aisément connoître la différence qu'il y a entre rouler et traîner
puisque l'on voit qu'un même poids fait
monter ce modele plus facilement , en le
traînant sur ce plan incliné , qu'en le
faisant monter avec les rouës.
Les Cochers qui sont assis sur les petites Rouës , qui sautillent davantage que
les grandes , gouverneront ces voitures
beaucoup plus à leur aise. Les Laquais seront aussi portez plus doucement ; ainsi
on peut conclure que les Maîtres et leurs
Domestiques seront plus en seureté sur
ces nouvelles voitures , que sur celles de
l'ordinaire , et avec plus de commodité.
Le Roy , les Proprietaires des Maisons
et le public ont interêr que ces nouvelles
voitures soient en usage dans Paris , dont
le pavé humecté toute l'année , convient
parfaitement à ce tirage.
L'interêt du Roy s'y trouve , par rap
port au roulage,qui ébranle le pavé, qu'il
ne faudroit pas renouveller aussi souvent,
les Proprietaires des Maisons , à cause que
cet
264 MERCURE DE FRANCE
cet ébranlement peut endommager les fon--
demens de leurs Bâtimens ; le public, par
rapport au bruit du roulage et du danger
qu'il y a lorsqu'un Carosse verse pour
ceux qui passent à côté , soit qu'un des
Essieux manque , soit une des Rouës.
On peut encore ajouter à l'avantage de
ces nouvelles voitures , que lorsque les
Chevaux prennent le mors aux dents ,
ceux qui seront dans ces voitures , pourront sortir hors du Carosse , sans courir
le même danger du funeste accident qui
est arrivé à Madame la Présidente de la
Chaise , et à bien d'autres personnes de
distinction qui ont péri , faute de l'usade ces nouvelles voitures.
ge
On doit encore représenter que lorsque
les Chevaux prennent le mors aux dents ,
le Carosse allant à leur gré , et sans pouvoir être gouverné par le Cocher , il est
exposé à se heurter contre la premiere
borne , qui cause un choc , qui fait quitter la Cheville ouvriere , alors le Cocher
est en danger de perdre la vie , sans parler du fracas qui arrive au corps du Carosse et au Train , et du danger que les
personnes de pied courent d'être surprises à la rencontre d'un pareil accident.
O
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Résumé : MEMOIRE lû à l'Academie des Sciences, le 24 Novembre 1731. par M. du Quet.
Le 24 novembre 1731, M. du Quet présente à l'Académie des Sciences un mémoire proposant un nouveau type de carrosse inversable, conçu pour être plus sûr et plus confortable que les modèles traditionnels. Les roues des carrosses actuels présentent plusieurs inconvénients : elles provoquent des secousses sur les pavés inégaux, nécessitent des structures lourdes et des suspensions, et sont sujettes à la casse et à la pourriture. Les Hollandais ont déjà adopté des traîneaux pour pallier ces problèmes. Le nouveau modèle de carrosse proposé par M. du Quet élève le corps du véhicule à la même hauteur que les carrosses actuels, mais il est plus léger et plus facile à traîner, notamment sur les plans inclinés. Ce modèle offre un trajet plus doux et plus sûr pour les cochers et les laquais. Le roi, les propriétaires de maisons et le public ont intérêt à adopter ces nouvelles voitures, car elles réduisent l'ébranlement du pavé, le bruit et les dangers liés aux accidents de carrosse. En cas de fuite des chevaux, les occupants pourront sortir en sécurité, évitant ainsi des accidents mortels comme celui survenu à Madame la Présidente de la Chaise. Le document met également en lumière les dangers pour les piétons en cas de choc du carrosse contre une borne.
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19
p. 397-400
MORTS ET MARIAGES.
Début :
Dame Louise de Prunet de Boissel, veuve de M. J. Baptiste du Deffand, Marquis de [...]
Mots clefs :
Armées du roi, Princesse de Conti, Veuve, Corps, Cardinal de Rohan, Marquis, Carrosse, Madame de France, Maladie
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texteReconnaissance textuelle : MORTS ET MARIAGES.
MO RTS ET MARIAGES.
Louise de Prunet de Boissel , veuve
Dde M. J. Baptifte du Deffand , Marquis de
la Lande , Lieutenant General des Armées du
Roy et Gouverneur du Neuf- Brisack , mourut
à Montpellier le 20. Janvier..
Arthur , Comte de Dillon , Lieutenant General
des Armées du Roy , mourut à S. Germain
en Laye le s . Fevrier , âgé de 63 ans.
Dame Françoise - Magdelaine- Claude de Warigniés
de Blanville , veuve de, M. Bernard de
la Guiche , Comte de S. Geran , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, mourut à Paris le 8. de ce mois , âgée de
78. ans ; elle avoit été Dame du Palais de la
feue Reine.
D. Marie Baillot , veuve de M. Philippe Triboulleau
, Ecuyer , Seigneur de Bondi , President
des Tresoriers de France , mourut le 12. âgée
d'environ so. ans .
D. Louise- Magdeleine Brulard du Broussin ,
Epouse de M. François de la Vergne , Chevalier,
Marquis de Tressan, auparavant veuve de M..
François fulles du Bousset , Chevalier, Marquis de
Roquepine , Brigadier des Armées du Roy et
Mestre de Camp de Cavalerie , mourut à Paris
le 13. de ce mois , âgée de 63. ans.
D. Anne Berthelot , veuve de M. Louis de
I v Beau
}
398 MERCURE DE FRANCE
Beauvais Gouverneur des Châteaux de Madrid
et de la Muette , Capitaine des Chasses de la
Plaine de S. Denis er du Bois de Boulogne ,
mourut le 13. âgéè de 70. ans.
M. François de Jullienne , cy-devant Entre
preneur de la Manufacture Royale de Draps et
Teintures en Ecarlatte , établie près les Gobelins
à Paris , mourut le 15. Fevrier dans la 79. année
de son âge : les grandes charités qu'il répandoit
sur les pauvres du fauxbourg S. Marcel
le font géneralement regretter.
Du Regne de Louis XIV . sous le Ministere
de M. Colbert , il lui fut accordé en 169 1. des .
Lettres Patentes registrées en Parlement pour
l'établissement d'une Manufacture de Draps fins ,
façon d'Espagne , d'Angleterre et de Hollande ,
qui fut joint à celui de feu M. Glucq , son beaufrere
, aussi pourvu en 1667. de Lettres Patentes
portant établissement dans toutes les Villes du
Royaume pour les Teintures en Ecarlatte et coulears
hautes , à la façon de Hollande dont il
étoit natif.
Ces deux grands Etablissemens ont été réunis
par Arrêts du Conseil en 1721. en la personne
du sieur Jean de Jullienne , neveu des sieurs
Glucq et François de Jullienne , qui a toujours
travaillé à perfectionner lesdits Etablissemens
qui sont en très - grande réputation.
La maladie de Madame de France , troisieme
fille de L. M. commença le 13. de ce mois. Les.
differens remedes qu'on employa les jours suivans
n'ayant eu aucun succès , et le 18. au soir
cette Princesse s'étant trouvée à l'extrêmité
P'Abbé de la Garlaie, Aumônier du Roy en quar
tier , en présence du Curé de la Paroisse du
Château de Versailles , lui suppléa les céremonics
FEVRIER . 1733 . 399
nies du Baptême , et elle fut nommée Louise-
Marie , par le Duc de Tallard et par la Duchesse
de Tallard , Gouvernante des Enfans de France.
Le 19 , vers les trois heures du matin , cette
Princesse mourut , âgée de 4. ans 6. mois et 21.
jours , étant née le 28. Juillet 1728. Le même
jour son Corps fut exposé dans son lit,à visage
découvert.
Le 20 , il fut ouvert et embaumé , et après l'avoir
mis dans le cercueil on l'exposa dans sa
Chambre , où il demeura jusqu'au 23. au soir
qu'il fut porté à l'Eglise de l'Abbaye Royale de
S. Denis. La marche se fit dans l'ordre suivant.
Deux Carosses du Roy , dans lesquels étoient
les femmes de Chambre de la Princesse ; un troisiéme
Carosse de S. M. où étoient les huit Gentilshommes
ordinaires , destinez à porter le cerr
cueil et les quatre coins du poele de drap d'argent
qui le couvroit : un détachement de so .
Mousquetaires de la seconde Compagnie ; un
pareil détachement de la premiere Compagnie ;
o Chevaux-Legers ; des Pages de la grande et
de la petite Ecurie du Roi , et des Pages de la
Reine , étoient à cheval devant le Carosse du
Roi , dans lequel étoit le Corps de la Princesse ;
des Valets de pied de L. M. entouroient le Carosse
, après lequel marchoient le détachement
des Gardes du Corps et ro Gendarmes ; ils portoient
tous des flambeaux. Le Cardinal de Rohan
, Grand- Aumônier de France ; qui faisoit la
Céremonie , étoit dans le Carosse du Corps à la
droite , et il portoit le Coeur la Princesse de
Conty , choisie par le Roy pour accompagner
le Corps , étoit à la gauche , et elle avoit avec
elle la Princesse de Rohan ; la Duchesse de Tallard
, Gouvernante des Enfans de France , étoit
Lvj vis
:
+
400 MERCURE DE FRANCE
vis- à- vis le Cardinal de Rohan , et la Dame de
la Lande , Sous - Gouvernante , et l'Abbé de la
Garlaie , Aumônier du Roy , étoient aux portieres.
Les Carosses de la Princesse de Conty et celui
du Cardinal de Rohan fermoient la marche.
Le Convoy passa par Paris entre onze heures
et minuit , et il arriva à l'Abbaye de S Denis à
deux heures du matin. Le Cardinal de Rohan
présenta le Corps au Prieur de l'Abbaye , eril
fit l'inhumation. Après cette Céremónie, le coeur
fut porté dans le même Carosse à l'Abbaye
Royalle du Val- de-Grace .
Ď. Marie- Elizabeth de Creil , veuve de Char¬
les-Nicolas Comte d'Hautefort , Marêchal des
Camps et Armées du Roy et Sous - Lieutenant
de la seconde Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roy , mourut le 21. dans la 60
année de son âge.
N. de la Salle , Ingenieur en chef à S. Omer ,
Capitaine au Regiment de Normandie , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , mourut
le 22. âgé de 63. ans environ .
·
Jean- Baptiste de Rochechouart , Comte de
Mortemart , fils de Jean- Baptiste , Comte de
Rochechouart , Marquis de Blainville &c . et de
D. Marie Magdeleine Colbert de Blainville ,
épousa le 10 Fevrier D. Eleonor- Gabrielle Louise
- Françoise de Crux , fille d'Armand - Gabriel
de Crux , Marquis de Montaigu &c. et de D.
Angelique-Marie- Damaris Eleonor Turpin de
Crissé. Le Roy et la Reine avoient figné au Cong
tract de Mariage deux jours auparavant.
Louise de Prunet de Boissel , veuve
Dde M. J. Baptifte du Deffand , Marquis de
la Lande , Lieutenant General des Armées du
Roy et Gouverneur du Neuf- Brisack , mourut
à Montpellier le 20. Janvier..
Arthur , Comte de Dillon , Lieutenant General
des Armées du Roy , mourut à S. Germain
en Laye le s . Fevrier , âgé de 63 ans.
Dame Françoise - Magdelaine- Claude de Warigniés
de Blanville , veuve de, M. Bernard de
la Guiche , Comte de S. Geran , Chevalier des
Ordres du Roy , Lieutenant General de ses Armées
, mourut à Paris le 8. de ce mois , âgée de
78. ans ; elle avoit été Dame du Palais de la
feue Reine.
D. Marie Baillot , veuve de M. Philippe Triboulleau
, Ecuyer , Seigneur de Bondi , President
des Tresoriers de France , mourut le 12. âgée
d'environ so. ans .
D. Louise- Magdeleine Brulard du Broussin ,
Epouse de M. François de la Vergne , Chevalier,
Marquis de Tressan, auparavant veuve de M..
François fulles du Bousset , Chevalier, Marquis de
Roquepine , Brigadier des Armées du Roy et
Mestre de Camp de Cavalerie , mourut à Paris
le 13. de ce mois , âgée de 63. ans.
D. Anne Berthelot , veuve de M. Louis de
I v Beau
}
398 MERCURE DE FRANCE
Beauvais Gouverneur des Châteaux de Madrid
et de la Muette , Capitaine des Chasses de la
Plaine de S. Denis er du Bois de Boulogne ,
mourut le 13. âgéè de 70. ans.
M. François de Jullienne , cy-devant Entre
preneur de la Manufacture Royale de Draps et
Teintures en Ecarlatte , établie près les Gobelins
à Paris , mourut le 15. Fevrier dans la 79. année
de son âge : les grandes charités qu'il répandoit
sur les pauvres du fauxbourg S. Marcel
le font géneralement regretter.
Du Regne de Louis XIV . sous le Ministere
de M. Colbert , il lui fut accordé en 169 1. des .
Lettres Patentes registrées en Parlement pour
l'établissement d'une Manufacture de Draps fins ,
façon d'Espagne , d'Angleterre et de Hollande ,
qui fut joint à celui de feu M. Glucq , son beaufrere
, aussi pourvu en 1667. de Lettres Patentes
portant établissement dans toutes les Villes du
Royaume pour les Teintures en Ecarlatte et coulears
hautes , à la façon de Hollande dont il
étoit natif.
Ces deux grands Etablissemens ont été réunis
par Arrêts du Conseil en 1721. en la personne
du sieur Jean de Jullienne , neveu des sieurs
Glucq et François de Jullienne , qui a toujours
travaillé à perfectionner lesdits Etablissemens
qui sont en très - grande réputation.
La maladie de Madame de France , troisieme
fille de L. M. commença le 13. de ce mois. Les.
differens remedes qu'on employa les jours suivans
n'ayant eu aucun succès , et le 18. au soir
cette Princesse s'étant trouvée à l'extrêmité
P'Abbé de la Garlaie, Aumônier du Roy en quar
tier , en présence du Curé de la Paroisse du
Château de Versailles , lui suppléa les céremonics
FEVRIER . 1733 . 399
nies du Baptême , et elle fut nommée Louise-
Marie , par le Duc de Tallard et par la Duchesse
de Tallard , Gouvernante des Enfans de France.
Le 19 , vers les trois heures du matin , cette
Princesse mourut , âgée de 4. ans 6. mois et 21.
jours , étant née le 28. Juillet 1728. Le même
jour son Corps fut exposé dans son lit,à visage
découvert.
Le 20 , il fut ouvert et embaumé , et après l'avoir
mis dans le cercueil on l'exposa dans sa
Chambre , où il demeura jusqu'au 23. au soir
qu'il fut porté à l'Eglise de l'Abbaye Royale de
S. Denis. La marche se fit dans l'ordre suivant.
Deux Carosses du Roy , dans lesquels étoient
les femmes de Chambre de la Princesse ; un troisiéme
Carosse de S. M. où étoient les huit Gentilshommes
ordinaires , destinez à porter le cerr
cueil et les quatre coins du poele de drap d'argent
qui le couvroit : un détachement de so .
Mousquetaires de la seconde Compagnie ; un
pareil détachement de la premiere Compagnie ;
o Chevaux-Legers ; des Pages de la grande et
de la petite Ecurie du Roi , et des Pages de la
Reine , étoient à cheval devant le Carosse du
Roi , dans lequel étoit le Corps de la Princesse ;
des Valets de pied de L. M. entouroient le Carosse
, après lequel marchoient le détachement
des Gardes du Corps et ro Gendarmes ; ils portoient
tous des flambeaux. Le Cardinal de Rohan
, Grand- Aumônier de France ; qui faisoit la
Céremonie , étoit dans le Carosse du Corps à la
droite , et il portoit le Coeur la Princesse de
Conty , choisie par le Roy pour accompagner
le Corps , étoit à la gauche , et elle avoit avec
elle la Princesse de Rohan ; la Duchesse de Tallard
, Gouvernante des Enfans de France , étoit
Lvj vis
:
+
400 MERCURE DE FRANCE
vis- à- vis le Cardinal de Rohan , et la Dame de
la Lande , Sous - Gouvernante , et l'Abbé de la
Garlaie , Aumônier du Roy , étoient aux portieres.
Les Carosses de la Princesse de Conty et celui
du Cardinal de Rohan fermoient la marche.
Le Convoy passa par Paris entre onze heures
et minuit , et il arriva à l'Abbaye de S Denis à
deux heures du matin. Le Cardinal de Rohan
présenta le Corps au Prieur de l'Abbaye , eril
fit l'inhumation. Après cette Céremónie, le coeur
fut porté dans le même Carosse à l'Abbaye
Royalle du Val- de-Grace .
Ď. Marie- Elizabeth de Creil , veuve de Char¬
les-Nicolas Comte d'Hautefort , Marêchal des
Camps et Armées du Roy et Sous - Lieutenant
de la seconde Compagnie des Mousquetaires
de la Garde du Roy , mourut le 21. dans la 60
année de son âge.
N. de la Salle , Ingenieur en chef à S. Omer ,
Capitaine au Regiment de Normandie , Chevalier
de l'Ordre Militaire de S. Louis , mourut
le 22. âgé de 63. ans environ .
·
Jean- Baptiste de Rochechouart , Comte de
Mortemart , fils de Jean- Baptiste , Comte de
Rochechouart , Marquis de Blainville &c . et de
D. Marie Magdeleine Colbert de Blainville ,
épousa le 10 Fevrier D. Eleonor- Gabrielle Louise
- Françoise de Crux , fille d'Armand - Gabriel
de Crux , Marquis de Montaigu &c. et de D.
Angelique-Marie- Damaris Eleonor Turpin de
Crissé. Le Roy et la Reine avoient figné au Cong
tract de Mariage deux jours auparavant.
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Résumé : MORTS ET MARIAGES.
En février 1733, plusieurs décès notables ont été enregistrés. Louise de Prunet de Boissel, veuve du Marquis de la Lande, est décédée à Montpellier le 20 janvier. Arthur, Comte de Dillon, Lieutenant Général des Armées du Roi, est mort à Saint-Germain-en-Laye le 8 février à l'âge de 63 ans. Françoise-Magdelaine-Claude de Warigniés de Blanville, veuve du Comte de Saint-Géran et ancienne Dame du Palais de la feue Reine, est décédée à Paris le 8 février à 78 ans. Marie Baillot, veuve de Philippe Triboulleau, Président des Trésoriers de France, est morte à 60 ans le 12 février. Louise-Magdeleine Brulard du Broussin, épouse de François de la Vergne, Marquis de Tressan, est décédée à Paris le 13 février à 63 ans. Anne Berthelot, veuve de Louis de Beauvais, Gouverneur des Châteaux de Madrid et de la Muette, est morte le 13 février à 70 ans. François de Jullienne, ancien entrepreneur de la Manufacture Royale de Draps et Teintures, est décédé le 15 février à 79 ans. Il était reconnu pour ses œuvres de charité envers les pauvres du faubourg Saint-Marcel. Le texte mentionne également la maladie et le décès de Madame de France, troisième fille du Roi, née le 28 juillet 1728. Elle est morte le 19 février à l'âge de 4 ans, 6 mois et 21 jours. Son corps a été exposé et inhumé à l'Abbaye Royale de Saint-Denis le 23 février. Marie-Elisabeth de Creil, veuve du Comte d'Hautefort, est décédée le 21 février à 60 ans. Nicolas de la Salle, Ingénieur en chef à Saint-Omer et Chevalier de l'Ordre Militaire de Saint-Louis, est mort le 22 février à environ 63 ans. Par ailleurs, Jean-Baptiste de Rochechouart, Comte de Mortemart, a épousé Éléonore-Gabrielle-Louise-Françoise de Crux le 10 février. Le Roi et la Reine avaient signé le contrat de mariage deux jours auparavant.
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20
p. 595-596
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Début :
Le 24. Février, le Cardinal Alamanno Salviati, mourut à Rome, âgé de près de 65. ans, [...]
Mots clefs :
Cardinal, Église, Pape, Cardinaux, Carrosse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MORTS DES PAYS ETRANGERS.
MORTS DES PAYS ETRANGERS.
Liati,
E 24. Février , le Cardinal Alamanno Salmourut
à Rome , âgé de près de 65 .
ans , étant né à Florence le 20. d'Avril 1668 , II
avoit été fait Cardinal le 8. Février 1730. par
le Pape Benoît XIII qui lui donna le Titre de
Sainte Marie d'Ara- Coeli , et le fit Préfet de la
Signature de Justice. Le 25. le Corps de ce Cardinal
fut porté à l'Eglise de Sainte Marie d'Ara
Coli, dans un Carosse , accompagné de plusieurs
autres où étoient ses Gentilshommes ; le lendemain
, 21. Cardinaux assisterent à ses Obseques
qui furent celebrées avec beaucoup de solemnité.
Le 5. Mars après midi , Muley Achmet , petitfils
du feu Roy de Maroc , et neveu du Roy regnant
, fut baptisé par le Cardinal Guadagni ,
dans l'Eglise de S. Pierre du Vatican , où le Čardinat
Belluga , qui a pris soin de l'instruction de
ce Prince depuis qu'il est à Rome , le conduisit
dans son Carosse ; il eut pour Parrein le Prince
Don Barthelemi Corsini , frere du Cardinal de ce
nom , et neveu du Pape. Il fut nommé Laurent-
Barthelemi-Trajan-Louis. Le Cardinal Annibal
Albani de S. Clement , lui administra le Sacrement
de Confirmation , et l'exhorta par un Discours
très-touchant , à demeurer fidele anx obligations
qu'il contractoit en embrassant la Reli
gion Catholique, Le Chevalier de S. George assista
à cette Ceremonie , qui se fit en presence de
17. Cardinaux et de la plus grande partie de la
principale
1
596 MERCURE DE FRANCE
principale Noblesse , après quoy le Prince nouvellement
baptisé fut conduit par le Cardinal
Belluga , à l'Audience de S. S. qui le reçut avec
beaucoup de marques de tendresse , et l'assura
d'une protection particuliere .
Liati,
E 24. Février , le Cardinal Alamanno Salmourut
à Rome , âgé de près de 65 .
ans , étant né à Florence le 20. d'Avril 1668 , II
avoit été fait Cardinal le 8. Février 1730. par
le Pape Benoît XIII qui lui donna le Titre de
Sainte Marie d'Ara- Coeli , et le fit Préfet de la
Signature de Justice. Le 25. le Corps de ce Cardinal
fut porté à l'Eglise de Sainte Marie d'Ara
Coli, dans un Carosse , accompagné de plusieurs
autres où étoient ses Gentilshommes ; le lendemain
, 21. Cardinaux assisterent à ses Obseques
qui furent celebrées avec beaucoup de solemnité.
Le 5. Mars après midi , Muley Achmet , petitfils
du feu Roy de Maroc , et neveu du Roy regnant
, fut baptisé par le Cardinal Guadagni ,
dans l'Eglise de S. Pierre du Vatican , où le Čardinat
Belluga , qui a pris soin de l'instruction de
ce Prince depuis qu'il est à Rome , le conduisit
dans son Carosse ; il eut pour Parrein le Prince
Don Barthelemi Corsini , frere du Cardinal de ce
nom , et neveu du Pape. Il fut nommé Laurent-
Barthelemi-Trajan-Louis. Le Cardinal Annibal
Albani de S. Clement , lui administra le Sacrement
de Confirmation , et l'exhorta par un Discours
très-touchant , à demeurer fidele anx obligations
qu'il contractoit en embrassant la Reli
gion Catholique, Le Chevalier de S. George assista
à cette Ceremonie , qui se fit en presence de
17. Cardinaux et de la plus grande partie de la
principale
1
596 MERCURE DE FRANCE
principale Noblesse , après quoy le Prince nouvellement
baptisé fut conduit par le Cardinal
Belluga , à l'Audience de S. S. qui le reçut avec
beaucoup de marques de tendresse , et l'assura
d'une protection particuliere .
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Résumé : MORTS DES PAYS ETRANGERS.
En février et mars, deux événements marquants ont eu lieu à Rome. Le 24 février, le cardinal Alamanno Salviati est décédé à Rome à l'âge de près de 65 ans. Né à Florence le 20 avril 1668, il avait été créé cardinal le 8 février 1730 par le pape Benoît XIII, qui lui avait attribué le titre de Sainte-Marie d'Ara-Coeli et la fonction de préfet de la Signature de Justice. Ses obsèques, auxquelles ont assisté 21 cardinaux, ont été célébrées avec solennité le 25 février à l'église Sainte-Marie d'Ara-Coeli. Le 5 mars, Muley Achmet, petit-fils du défunt roi du Maroc et neveu du roi régnant, a été baptisé par le cardinal Guadagni dans l'église Saint-Pierre du Vatican. Le cardinal Belluga, responsable de son instruction, l'a conduit à la cérémonie. Le prince a été nommé Laurent-Barthélemy-Trajan-Louis et a eu pour parrain le prince Don Barthélemi Corsini. Le cardinal Annibal Albani lui a administré le sacrement de confirmation. La cérémonie, à laquelle ont assisté 17 cardinaux et une grande partie de la noblesse, s'est déroulée en présence du chevalier de Saint-Georges. Après le baptême, le cardinal Belluga a conduit le prince à l'audience du pape, qui l'a reçu avec tendresse et lui a assuré une protection particulière.
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21
p. 814-816
« Le jour du Jeudi Saint, 2. Avril, le Roy entendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Riviere, [...] »
Début :
Le jour du Jeudi Saint, 2. Avril, le Roy entendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Riviere, [...]
Mots clefs :
Poncet de la Rivière, Duc d'Orléans, Roi, Carrosse, Détachement, Duc d'Anjou
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le jour du Jeudi Saint, 2. Avril, le Roy entendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Riviere, [...] »
L
E jour du Jeudi Saint , 2. Avril , le Roy en
tendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Ri
iere , Grand- Vicaire de l'Evêque de Sécz , après
quoi l'Evêque de Dijon fit l'Absoute. Ensuite le
Roy lava les pieds à douze pauvres , et S. M.
les servit à tacle, Le Duc de Bourbon , Grand-
Maître de la Maison du Roy , à la tête des Maîtres
d'Hôtel , précedoit le Service , dont les plats
étoient portez par le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes , le Comte d'Eu et par les principaux
Officiers de S. M. Après cette Ceremonie
le Roy se rendit à la Chapelle du Château , ou
S. M. entendit la grande Messe , et assista à la
Procession et ensuite aux Vêpres .
Monseigneur le Duc d'Anjou mourut à Versailles
le 7. de ce mois vers les neuf heures du
matin , âgé de deux ans , sept mois et huit jours ,
étant né le 30. Août 1730. Le Roy et la Reine ,
qui avoient donné de grandes marques de sensibilité
à la mort de Madame de France , ont été
extrémement touchez de la perte de ce Prince.
Son Corps fut porté le même jour au soir , de
Versailles au Palais des Tuilleries . Le lendemain
'A VRÍL .
1733. 815
fat ouvert , embaumé , et mis dans le cercueil .
Le 9. vers les 7. heures du soir , il fut porté à
l'Abbaye Royale de S. Denis. La marche se fit
dans l'ordre suivant : Deux carosses du Roi , dans
lesquels étoient les femmes de Chambre de Mon
seigneur le Duc d'Anjou ; un troisième carosse
de S. M. où étoient les huit Gentilshommes otdinaires
, destinez à porter le Cercueil , et les
quatre coins du Poële de drap d'argent , qui le
couvroit. Un détachement de la seconde Compagnie
des Mousquetaires ; un pareil détachement
de la premiere Compagnie ; un détachement da
Quartier des Chevaux-Legers ; des Pages de la
grande et de la petite Ecurie du Roy , et des Pa
ges de la Reine , étoient à cheval devant le Carosse
dans lequel étoit le Corps'; des Valets de
pied de L. M. entouroient ce Ĉarosse , après lequel
marchoient un détachement des Gardes du
Corps et celui du Quartier des Gendarmes ; ils
portoient tous des flambeaux.
M. le Duc d'Orleans menoit le deüil ; M. l'Abbe
de Bellefonds , Aumônier du Roy de Quartier,
étoit à la droite dans le fond , portant le coeur z
M. le Duc d'Orleans à sa gauche , Mad. la Du
chesse de Tallard , Gouvernante des Enfans de
France , étoit vis - à- vis le Coeur. M: le Due de
Brissac , vis-à- vis de M. le Duc d'Orleans , avec
qui il étoit. A la Portiere droite , M. l'Abbé de
Brancas , Aumônier du Roy , et à la gauche
Mad, de Villefort , Sous- Gouvernante des Enfans
de France. Après le Carosse du Corps , celui de
M. le Duc d'Orleans , celui de Mad. la Duchesse
de Tallard , et celui de M. le Duc de Brissac fermoit
le Cortege. Les Carosses de la suite formoient
devant le même ordre.
Le Convoi arriva à l'Abbaye de S. Denis vers
I iij les
816 MERCURE DE FRANCE
les dix heures du soir ; l'Abbé de Bellefonds , pré
senta le Corps au Prieur de l'Abbaye , et il fit
Pinhumation. Après cette Ceremonie , le Coeur
fut porté dans le même Carosse à l'Abbaye Roya
le du Val de Grace.
E jour du Jeudi Saint , 2. Avril , le Roy en
tendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Ri
iere , Grand- Vicaire de l'Evêque de Sécz , après
quoi l'Evêque de Dijon fit l'Absoute. Ensuite le
Roy lava les pieds à douze pauvres , et S. M.
les servit à tacle, Le Duc de Bourbon , Grand-
Maître de la Maison du Roy , à la tête des Maîtres
d'Hôtel , précedoit le Service , dont les plats
étoient portez par le Comte de Charolois , le
Comte de Clermont , le Prince de Conty , le Prince
de Dombes , le Comte d'Eu et par les principaux
Officiers de S. M. Après cette Ceremonie
le Roy se rendit à la Chapelle du Château , ou
S. M. entendit la grande Messe , et assista à la
Procession et ensuite aux Vêpres .
Monseigneur le Duc d'Anjou mourut à Versailles
le 7. de ce mois vers les neuf heures du
matin , âgé de deux ans , sept mois et huit jours ,
étant né le 30. Août 1730. Le Roy et la Reine ,
qui avoient donné de grandes marques de sensibilité
à la mort de Madame de France , ont été
extrémement touchez de la perte de ce Prince.
Son Corps fut porté le même jour au soir , de
Versailles au Palais des Tuilleries . Le lendemain
'A VRÍL .
1733. 815
fat ouvert , embaumé , et mis dans le cercueil .
Le 9. vers les 7. heures du soir , il fut porté à
l'Abbaye Royale de S. Denis. La marche se fit
dans l'ordre suivant : Deux carosses du Roi , dans
lesquels étoient les femmes de Chambre de Mon
seigneur le Duc d'Anjou ; un troisième carosse
de S. M. où étoient les huit Gentilshommes otdinaires
, destinez à porter le Cercueil , et les
quatre coins du Poële de drap d'argent , qui le
couvroit. Un détachement de la seconde Compagnie
des Mousquetaires ; un pareil détachement
de la premiere Compagnie ; un détachement da
Quartier des Chevaux-Legers ; des Pages de la
grande et de la petite Ecurie du Roy , et des Pa
ges de la Reine , étoient à cheval devant le Carosse
dans lequel étoit le Corps'; des Valets de
pied de L. M. entouroient ce Ĉarosse , après lequel
marchoient un détachement des Gardes du
Corps et celui du Quartier des Gendarmes ; ils
portoient tous des flambeaux.
M. le Duc d'Orleans menoit le deüil ; M. l'Abbe
de Bellefonds , Aumônier du Roy de Quartier,
étoit à la droite dans le fond , portant le coeur z
M. le Duc d'Orleans à sa gauche , Mad. la Du
chesse de Tallard , Gouvernante des Enfans de
France , étoit vis - à- vis le Coeur. M: le Due de
Brissac , vis-à- vis de M. le Duc d'Orleans , avec
qui il étoit. A la Portiere droite , M. l'Abbé de
Brancas , Aumônier du Roy , et à la gauche
Mad, de Villefort , Sous- Gouvernante des Enfans
de France. Après le Carosse du Corps , celui de
M. le Duc d'Orleans , celui de Mad. la Duchesse
de Tallard , et celui de M. le Duc de Brissac fermoit
le Cortege. Les Carosses de la suite formoient
devant le même ordre.
Le Convoi arriva à l'Abbaye de S. Denis vers
I iij les
816 MERCURE DE FRANCE
les dix heures du soir ; l'Abbé de Bellefonds , pré
senta le Corps au Prieur de l'Abbaye , et il fit
Pinhumation. Après cette Ceremonie , le Coeur
fut porté dans le même Carosse à l'Abbaye Roya
le du Val de Grace.
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Résumé : « Le jour du Jeudi Saint, 2. Avril, le Roy entendit le Sermon de l'Abbé Poncet de la Riviere, [...] »
Le 2 avril, le roi écouta un sermon lors du Jeudi Saint, suivi de l'absoute par l'évêque de Dijon. Il lava ensuite les pieds de douze pauvres et les servit à table, une cérémonie dirigée par le duc de Bourbon et des nobles tels que le comte de Charolois et le comte de Clermont. Après cette cérémonie, le roi se rendit à la chapelle du château pour la messe, la procession et les vêpres. Le 7 avril, le duc d'Anjou mourut à Versailles à l'âge de deux ans, sept mois et huit jours. Le roi et la reine montrèrent une grande sensibilité à cette perte. Le corps du duc fut transporté aux Tuileries pour être embaumé et mis en cercueil. Le 9 avril, le cercueil fut transporté à l'Abbaye Royale de Saint-Denis, accompagné de plusieurs carrosses et détachements militaires. Le duc d'Orléans menait le deuil, accompagné de l'abbé de Bellefonds, de la duchesse de Tallard et du duc de Brissac. Le cœur du duc d'Anjou fut ensuite transporté à l'Abbaye Royale du Val-de-Grâce.
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p. 54-55
LOGOGRYPHE.
Début :
Avec sept pieds le destin m'a fait naître ; [...]
Mots clefs :
Carrosse