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1
p. 8-26
« Tout le monde rendit à ce nouveau genre de Sonnet [...] »
Début :
Tout le monde rendit à ce nouveau genre de Sonnet [...]
Mots clefs :
Mercure galant, Jeux d'esprit, Marquise , Pièces, Livre, Article, Curiosité, Historiette, Nouvelle, Provinces, Sciences, Galanteries, Cours étrangères, Privilège, Gazette
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texteReconnaissance textuelle : « Tout le monde rendit à ce nouveau genre de Sonnet [...] »
Tout le monde rendic à ce
nouveau genre de Sonnet
lajufticequiluy eftoicdeue,
& l’on admira (ùr rout la
juftefle avec laquelle les
G A L A N T . 9
mots qui fervoient d’Echo
enrroient dans le fens des
Vers. Vous aviez raifon de
dire que l’invention en eftoitheureule, reprit la DachefTe en regardant la Marquife ; Mais ce que je trouve de fâcheux pour ces
Jeux d’efprit, & d’autres petitesPiecesGalantes qui paroiïfent de temps en temps,
c’eft que tour cela fe perd,
faute de trouver quelqu’un
aflez zélé pour prendre le
foin tous les ans de nous en
donner un Reciieil. Sçavez-vous, Madame, repric
c
10 LE MERCURE
la Marquife, dans quel Livre ces petites Pièces dont
vous me parlez auroient admirablement bien trouvé
leur place pour eftre con-
. fervées: C’eft dans le Mercure Galant,dont il y a quatre ou cinq ans qu’on nous
donnaCx Volumes. Je m’étonne que cet Ouvrage ait
efté abandonné, carledeffèinen eftoitagreable, & il
plaifoit tellement, qu’on
m’a dit qu’il n’a pas efté
feulement imprimé dans la ■
plus grande partie des Provinces de France, mais
G A L A N T . il
aufli dans les Pais Etrangers, où l’on fe fait une joye
1 de nos plus particulières
‘ Nouvelles: Cequejefçay,
c’eft que tant de Gens en
' demandoient tous les jours
/ la Suite, qu’il n’y a peut-
' eftre point de Livre dont le
fuccés fut plus alluré. Je
me luis étonné comme
vous, repartit la Duchellè,
de la difeontinuation de
cet Ouvrage-, & quand j’en
ay demandé la raifon,quelqu’un m’a dit que l’Autheur
avoir eu une longue Maladie, & des Affaires qui l’a-
U LE MERCURE
voient empefché d’y travailler; mais pour peuqu il
fut prefentement à luymefme, je luy confeillerois
fort de le reprendre, il eft
capable de beaucoup d’agrémens par la diverfité des
Matières, & c’eft ce qui
me fait dire qu’il n’y a point
à douter qu’il ne re'üftit, le
malheur de la plupart des
Livres n’arrivant que parce
qu’il eft impoflible dechoifir un Sujet qui foit allez du
gouft de tout le monde,
pour eftre generalemenç
approuve’; au lieu que n’y
I
■*,
(S A L A N T . 13
ayant rien qui ne pût entrer en celuy-cy, chacun y
trouvèrent au moins par
quelque Article dequoy fatisfaire la curiofité. On y
parleroit de Guerre,-d’Amour, deM ort, de Mariages, d’Abbayes, d’EveC
chez ; On aflaifonneroit
cela de quelque petite
Nouvelle Galante, s’il arrivoit quelque chofe d’extraordinaire qui pût eftre tourné en Hifioriette, & l’on
pourroit mtfme nous donner quelque leger Examen
de tous les Ouvrages dEf-
i
4
LE MERCURE
prie qui fe feraient. Mais
vous nefongezpas, Madame, interrompit le mefme
on s’expoieroit par l’Exa
men que vous demandez?
Les Autheurs ont une de'-
licatefle inconcevable fur
ce Chapitre ; & ils font tel- -
lement contens de tout ce
qu’ils font, qu’on ne fçauroit trouver le moindre defaut dans leurs Livres, qu’ils
ne fulminent au fil-tofl contre l’ignorant qui les re- .
prend. Je ne voudrais pas
aufli, adjoûta la Ducheffe,
r
G A L A N T . v
que l’Autheur du Mercure
Galant nous donna fon fentiment particulier, il y auroit de la préfomption à
s établir Juge dans une
Caufe où on pourroit dire
en quelque forte qu’il feroit Partie intereflëe^ car
tous ceux qui fe niellent
d écrire font naturellement
jaloux les uns des autres:
Mais pourveu qu’il ne fit
que recueillir lesfentimens
du Public, je ne vov pas que
Meilleurs les Autheurs
pûlfènt avoir rien à luy imputer, au contraire je croy
i6 LE MERCURE
qu’ils luy (croient obligez,
puis quils recevroicnt la
récompenfe de leur travail,
parce qu’il feroit connoiftrece qu’il y auroic de
beau dans leurs Ouvrages, O ’
& qu’ils apprendroient à fe
corriger pour d’autres de
ce qu’ils fçauroient que le '
Public y auroit condamné.
Pour moy, dit la jeune Mar-,
quife, fi le Mercure Galant
lecontinuoit, j’y demanderois un Article particulier
pour les Modes, afin que ’
j’ypûfle renvoyer quelques
Amies de Provinces, qui
G A L A N T . 17
m’accablent continuelle -
ment de leurs Lettres, pour
fçavoir comment on s’habille, de quelles Etoffes on
feferr, & mille autres chofes qui regardent l’ajuftement des Femmes. Les
Etrangers y pouroient trouver leur compte, & fe ne
fçay pas mefme fi beaucoup de Perfonnesqui demeurent à Paris nefe ferviroient pas volontiers des
Avis qu’on leur donneroit
là-deffus. Jefuisravy, Mefdames, de vous voir dans
ce fentiment, dit alors un
18 LE M ERCURE
Chevalier de Malthe Gui
avoir e'couté toute cette
Converfation fans rien
dire; l’Aurheur du Mercure
Galant elt de mes plus particuliers Amis, & je l’ay tellement prefle par toutes les
railons que vous venez d’aporter, qu’il s’eft enfin refolu de le pourfuivre: ainfi
vous aurez bientoft le premier Tome du Nouveau
Mercure-Galant, qu’il appelle Nouveau, à caufe des
fix autres qu’il a déjà fait
imprimer, & dont celuy-cy
ne fera pas tout-à-fait la
G A L A N T . i<?
faite, puis qu’il ne traitera
que de ce qui s’eft païTé
dans les trois premiers
Mois de cette Année. Chacun ayant témoigné de la
joye de cette nouvelle ; Je
puis dire, adjoûtale Chevalier, que ce Livre fera pour
tout le monde: Outre les
choies curieufes dont on le
remplira, & qui pouront
fervir de mémoire à ceux
qui travailleront un jour à
l’Hiftoire de noftre Siecle,
on n y oublîra rien de ce
que vous avez demandé;
On y femera toutes les pe-
2,0 LE M ERCURE
cites Pièces agréables qui
auront cours dans le monde; O n y parlera des Livres, des Sciences, des M odes , des Galanteries, du
mérité de ceux qui en ont;
on feraconnoiftre enquoy
ils excellent; & peut-eftre
qu’au bout de quelques années, il n’y aura pas unePerfonne confiderable donc
ceux qui auront cous les Volumes du Mercure ne puiffenc trouver l’Eloge, celuy
de chaque Particulier pouvant donner lieuà s écendre
fur fa Famille. A l égard du
,
z O \
*
G A L A N T . xï
beau Sexe, toutes celles
que l’Efprit, & la Beauté
1
rendent dignes qu’on les
diftingue des autres, y trouveront leur Portrait, & je ne
defcfpere pas qu'avec le
temps nous n’y apprenions
les Galanteries des Cours
Etrangères, & de quel mérité peuvent eftre ceux qui
y tiennent le premierRang.
Mais, dit quelqu’un, n’y at-il rien à craindre du collé Z A *
de ceux qui ont le Privilège
de la Gazette? car il faudra
necefTairementquele Mercure employé quelque s uns
u LE MERCURE
de leurs Articles. Vous
faites bien de dire quelques-uns, répondit le Chevalier, car le nombre en
fera petit. La Gazette ne
parle, ny des Modes, ny
des Affaires du Parnaffe, l
qui jointes aux Pièces Galantesqui auront cours dans
le monde, & qui feront en
quelque réputation, rempliront prefque tout le
Mercure. Cela n’empef-
. chera pas, pourfuivit-il,
qu’on ne fe ferve de quelque Article de Gazette;
mais comme ce ne fera ja-
G A L A N T . z;
mais qu’apres quelle en
aura parlé, & que ce que
nous avons vendu, & donc
nous avons reçeu l'argent
n’eftplus à nous, ces M eilleurs n’auront aucun fujet
de fe plaindre-, mais ces
Articles mefmes ne laifleront pas d’avoir quelque
choie de nouveau, puis
qu’on y trouvera des particularitez que la Gazette ne
peut expliquer à cauie de
’ la quantité de Nouvelles
donc elle eft remplie , &
c’eft à quoy le Mercure (upléera, en faifant voir 1’0 -
z4
LE MERCURE
rigine de la plus grande
* partie des chofes dont
il y fera parlé. Ce qui
doit fatisfaire fur tout les
Curieux, c’eft que l’Autheur qui n’en donna d’abord les premiers Volumes
que dans des temps allez
éloignez , en donnera un O
Tome immancablement,
(fi je puis m’expliquerainfi)
le premier jour de chaque
Mois, & vous voyez par là
que vous n’aurez pas encor
longtemps à attendre celuy
qui fera le premier du Nouveau Mercure. Jevoudrois,
reprit ,
G A L A N T . xy
reprit laDuchefle, que fon
.j braire me le voulut vendre dés aujourd’huy, carje
meurs d’envie de voir ce
qu’il dira de certaines Gens
dont il ne fe difpenferapas
de parler. Puis que vous
elles fi curicufe, répondit
le Chevalier, voyez fi vous .
pourez vous réfoudre à
jouer une heure plus tard;
car l’Autheur m’a confié < * •'
toutes les Feüilles imprimées de fon Livre, & il ne
tiendra qu’à vous que je
ne vous en faffe la leéture.
Toute la Compagnie joi-
• ■ > C
i
16 LE MERCURE
gnit fes prières à celles que
fit la Duchelfe au Clieva- • - ** *
lier de leur vouloir donner
ce divertiffement, & il
commença de cette forte.
nouveau genre de Sonnet
lajufticequiluy eftoicdeue,
& l’on admira (ùr rout la
juftefle avec laquelle les
G A L A N T . 9
mots qui fervoient d’Echo
enrroient dans le fens des
Vers. Vous aviez raifon de
dire que l’invention en eftoitheureule, reprit la DachefTe en regardant la Marquife ; Mais ce que je trouve de fâcheux pour ces
Jeux d’efprit, & d’autres petitesPiecesGalantes qui paroiïfent de temps en temps,
c’eft que tour cela fe perd,
faute de trouver quelqu’un
aflez zélé pour prendre le
foin tous les ans de nous en
donner un Reciieil. Sçavez-vous, Madame, repric
c
10 LE MERCURE
la Marquife, dans quel Livre ces petites Pièces dont
vous me parlez auroient admirablement bien trouvé
leur place pour eftre con-
. fervées: C’eft dans le Mercure Galant,dont il y a quatre ou cinq ans qu’on nous
donnaCx Volumes. Je m’étonne que cet Ouvrage ait
efté abandonné, carledeffèinen eftoitagreable, & il
plaifoit tellement, qu’on
m’a dit qu’il n’a pas efté
feulement imprimé dans la ■
plus grande partie des Provinces de France, mais
G A L A N T . il
aufli dans les Pais Etrangers, où l’on fe fait une joye
1 de nos plus particulières
‘ Nouvelles: Cequejefçay,
c’eft que tant de Gens en
' demandoient tous les jours
/ la Suite, qu’il n’y a peut-
' eftre point de Livre dont le
fuccés fut plus alluré. Je
me luis étonné comme
vous, repartit la Duchellè,
de la difeontinuation de
cet Ouvrage-, & quand j’en
ay demandé la raifon,quelqu’un m’a dit que l’Autheur
avoir eu une longue Maladie, & des Affaires qui l’a-
U LE MERCURE
voient empefché d’y travailler; mais pour peuqu il
fut prefentement à luymefme, je luy confeillerois
fort de le reprendre, il eft
capable de beaucoup d’agrémens par la diverfité des
Matières, & c’eft ce qui
me fait dire qu’il n’y a point
à douter qu’il ne re'üftit, le
malheur de la plupart des
Livres n’arrivant que parce
qu’il eft impoflible dechoifir un Sujet qui foit allez du
gouft de tout le monde,
pour eftre generalemenç
approuve’; au lieu que n’y
I
■*,
(S A L A N T . 13
ayant rien qui ne pût entrer en celuy-cy, chacun y
trouvèrent au moins par
quelque Article dequoy fatisfaire la curiofité. On y
parleroit de Guerre,-d’Amour, deM ort, de Mariages, d’Abbayes, d’EveC
chez ; On aflaifonneroit
cela de quelque petite
Nouvelle Galante, s’il arrivoit quelque chofe d’extraordinaire qui pût eftre tourné en Hifioriette, & l’on
pourroit mtfme nous donner quelque leger Examen
de tous les Ouvrages dEf-
i
4
LE MERCURE
prie qui fe feraient. Mais
vous nefongezpas, Madame, interrompit le mefme
on s’expoieroit par l’Exa
men que vous demandez?
Les Autheurs ont une de'-
licatefle inconcevable fur
ce Chapitre ; & ils font tel- -
lement contens de tout ce
qu’ils font, qu’on ne fçauroit trouver le moindre defaut dans leurs Livres, qu’ils
ne fulminent au fil-tofl contre l’ignorant qui les re- .
prend. Je ne voudrais pas
aufli, adjoûta la Ducheffe,
r
G A L A N T . v
que l’Autheur du Mercure
Galant nous donna fon fentiment particulier, il y auroit de la préfomption à
s établir Juge dans une
Caufe où on pourroit dire
en quelque forte qu’il feroit Partie intereflëe^ car
tous ceux qui fe niellent
d écrire font naturellement
jaloux les uns des autres:
Mais pourveu qu’il ne fit
que recueillir lesfentimens
du Public, je ne vov pas que
Meilleurs les Autheurs
pûlfènt avoir rien à luy imputer, au contraire je croy
i6 LE MERCURE
qu’ils luy (croient obligez,
puis quils recevroicnt la
récompenfe de leur travail,
parce qu’il feroit connoiftrece qu’il y auroic de
beau dans leurs Ouvrages, O ’
& qu’ils apprendroient à fe
corriger pour d’autres de
ce qu’ils fçauroient que le '
Public y auroit condamné.
Pour moy, dit la jeune Mar-,
quife, fi le Mercure Galant
lecontinuoit, j’y demanderois un Article particulier
pour les Modes, afin que ’
j’ypûfle renvoyer quelques
Amies de Provinces, qui
G A L A N T . 17
m’accablent continuelle -
ment de leurs Lettres, pour
fçavoir comment on s’habille, de quelles Etoffes on
feferr, & mille autres chofes qui regardent l’ajuftement des Femmes. Les
Etrangers y pouroient trouver leur compte, & fe ne
fçay pas mefme fi beaucoup de Perfonnesqui demeurent à Paris nefe ferviroient pas volontiers des
Avis qu’on leur donneroit
là-deffus. Jefuisravy, Mefdames, de vous voir dans
ce fentiment, dit alors un
18 LE M ERCURE
Chevalier de Malthe Gui
avoir e'couté toute cette
Converfation fans rien
dire; l’Aurheur du Mercure
Galant elt de mes plus particuliers Amis, & je l’ay tellement prefle par toutes les
railons que vous venez d’aporter, qu’il s’eft enfin refolu de le pourfuivre: ainfi
vous aurez bientoft le premier Tome du Nouveau
Mercure-Galant, qu’il appelle Nouveau, à caufe des
fix autres qu’il a déjà fait
imprimer, & dont celuy-cy
ne fera pas tout-à-fait la
G A L A N T . i<?
faite, puis qu’il ne traitera
que de ce qui s’eft païTé
dans les trois premiers
Mois de cette Année. Chacun ayant témoigné de la
joye de cette nouvelle ; Je
puis dire, adjoûtale Chevalier, que ce Livre fera pour
tout le monde: Outre les
choies curieufes dont on le
remplira, & qui pouront
fervir de mémoire à ceux
qui travailleront un jour à
l’Hiftoire de noftre Siecle,
on n y oublîra rien de ce
que vous avez demandé;
On y femera toutes les pe-
2,0 LE M ERCURE
cites Pièces agréables qui
auront cours dans le monde; O n y parlera des Livres, des Sciences, des M odes , des Galanteries, du
mérité de ceux qui en ont;
on feraconnoiftre enquoy
ils excellent; & peut-eftre
qu’au bout de quelques années, il n’y aura pas unePerfonne confiderable donc
ceux qui auront cous les Volumes du Mercure ne puiffenc trouver l’Eloge, celuy
de chaque Particulier pouvant donner lieuà s écendre
fur fa Famille. A l égard du
,
z O \
*
G A L A N T . xï
beau Sexe, toutes celles
que l’Efprit, & la Beauté
1
rendent dignes qu’on les
diftingue des autres, y trouveront leur Portrait, & je ne
defcfpere pas qu'avec le
temps nous n’y apprenions
les Galanteries des Cours
Etrangères, & de quel mérité peuvent eftre ceux qui
y tiennent le premierRang.
Mais, dit quelqu’un, n’y at-il rien à craindre du collé Z A *
de ceux qui ont le Privilège
de la Gazette? car il faudra
necefTairementquele Mercure employé quelque s uns
u LE MERCURE
de leurs Articles. Vous
faites bien de dire quelques-uns, répondit le Chevalier, car le nombre en
fera petit. La Gazette ne
parle, ny des Modes, ny
des Affaires du Parnaffe, l
qui jointes aux Pièces Galantesqui auront cours dans
le monde, & qui feront en
quelque réputation, rempliront prefque tout le
Mercure. Cela n’empef-
. chera pas, pourfuivit-il,
qu’on ne fe ferve de quelque Article de Gazette;
mais comme ce ne fera ja-
G A L A N T . z;
mais qu’apres quelle en
aura parlé, & que ce que
nous avons vendu, & donc
nous avons reçeu l'argent
n’eftplus à nous, ces M eilleurs n’auront aucun fujet
de fe plaindre-, mais ces
Articles mefmes ne laifleront pas d’avoir quelque
choie de nouveau, puis
qu’on y trouvera des particularitez que la Gazette ne
peut expliquer à cauie de
’ la quantité de Nouvelles
donc elle eft remplie , &
c’eft à quoy le Mercure (upléera, en faifant voir 1’0 -
z4
LE MERCURE
rigine de la plus grande
* partie des chofes dont
il y fera parlé. Ce qui
doit fatisfaire fur tout les
Curieux, c’eft que l’Autheur qui n’en donna d’abord les premiers Volumes
que dans des temps allez
éloignez , en donnera un O
Tome immancablement,
(fi je puis m’expliquerainfi)
le premier jour de chaque
Mois, & vous voyez par là
que vous n’aurez pas encor
longtemps à attendre celuy
qui fera le premier du Nouveau Mercure. Jevoudrois,
reprit ,
G A L A N T . xy
reprit laDuchefle, que fon
.j braire me le voulut vendre dés aujourd’huy, carje
meurs d’envie de voir ce
qu’il dira de certaines Gens
dont il ne fe difpenferapas
de parler. Puis que vous
elles fi curicufe, répondit
le Chevalier, voyez fi vous .
pourez vous réfoudre à
jouer une heure plus tard;
car l’Autheur m’a confié < * •'
toutes les Feüilles imprimées de fon Livre, & il ne
tiendra qu’à vous que je
ne vous en faffe la leéture.
Toute la Compagnie joi-
• ■ > C
i
16 LE MERCURE
gnit fes prières à celles que
fit la Duchelfe au Clieva- • - ** *
lier de leur vouloir donner
ce divertiffement, & il
commença de cette forte.
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Résumé : « Tout le monde rendit à ce nouveau genre de Sonnet [...] »
Le texte traite de l'admiration pour un nouveau genre de sonnet et de la justice de son écriture. La Duchesse et la Marquise regrettent l'absence de petites pièces galantes et d'autres jeux d'esprit, faute de recueil annuel. Elles évoquent le *Mercure Galant*, un ouvrage populaire qui a été abandonné en raison de la maladie et des affaires de son auteur. La Duchesse suggère de reprendre cette publication, soulignant sa diversité de matières et son potentiel à satisfaire la curiosité du public. La Marquise propose d'ajouter un article sur les modes. Un Chevalier de Malte, ami de l'auteur, annonce que le *Nouveau Mercure Galant* sera publié, couvrant les événements des trois premiers mois de l'année. Le Chevalier assure que le recueil inclura des pièces agréables, des livres, des sciences, des modes, des galanteries, et des éloges de personnes méritantes. Il mentionne également que le *Mercure* utilisera certains articles de la Gazette, mais ajoutera des particularités absentes de celle-ci. Le premier tome sera publié le premier jour de chaque mois. La Duchesse exprime son impatience de lire le recueil, et le Chevalier propose de leur en faire la lecture immédiate.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 92-112
DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
Début :
Messieurs de l'Académie Royale d'Arles ont fait depuis / Messieurs, Comme c'est le prix & le merite [...]
Mots clefs :
Mérite, Académie royale d'Arles, Sciences, Ouvrages, Honneur, Savants, Vertu, Moeurs, Religion, Hérésie, Ignorance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
Meffieurs de l'Académie
Royale d'Arles ont fait depuis
peu une une acquifition tresconfidérable
, en recevant
M ' Magnin dans leur Corps .
Son mérite vous eft connu
par tant d'Ouvrages que je .
vous ay envoyez de luy, qu'il
me feroit inutile de vous en
parler. Voicy le Remerci
ment qu'il leur a fait.
GALANT. 93
SSSS SSS2 Ssess 522
DISCOURS
DE M MAGNINI
A MESSIEURS
Ꭰ Ꭼ .
L'ACADEMIE ROYALE
M
D'ARLE S...
ESSIEURS,
Comme c'est le prix & le merite
des graces , qui regle la mefure&
le degré de la reconnoiffance
, celle
que je dois avoir de
l'honneur que vous m'avez fait,
م ت
94 MERCURE
en m'accordant une place parmy.
Vous , ne sçauroit avoir , ny plus
defenfibilité, ny plus d'étendue;
mais fi c'est auffi par ce mefme
prix qu'on doit juger de la diffi
culté qu'il y a d'en faire un jufte
Remerciment , vous vous perfuaderezfans
peine , que je n'ayrien
entrepris de ma vie de fi difficile à
bien executer, que celuy que j'ofe
& que je dois vous faire aujourd'huy
. Le Titre glorieux d'Academicien
Royal , étonne mes idées
au lieu d'élever mon efprit , &
me met dans un jour dont la furprife
m'éblouit , au lieu de m'éclairer.
GALANT.
9 ནྡ
di-
Vous le fçavez par vous - mefmes
, Meffieurs , vous le fçavez;
ilfuppofe un meriteſolide &
fingué , un génie heureux , une
fçavante fine politeſſe ,
mille autres talens que je reconnois
, que je revere , & que tout
le monde admire en chacun de
vous .
Comment pourrois- je donc ,
quand je ne fens & ne puis fairs
remarquer aucun de ces avanta
ges en moy , me perfuader que
jauray celuy de foutenir dignement
un Titre dont on doit avoir
une idée fi noble & fi élevée ?
Que je ferois heureux , Mef
96 MERCURE
fieurs , que je ferois heureux , fi
dans une occafion fi effencielle à
mon devoir, à ma reputation,
je pouvois de bonne foy & fans
Supercherie , me dispenfer de vous
faire un aveu fi propre
propre à vous
donner un jufte repentir du choix
que vous venez de faire ! Que
je ferois heureux encore unefois
fije pouvois me flater un moment
que cette déclaration ſi honteuse
& fi fincere toutefois , paſſera
pour une de ces figures ingenieufes
qui fervent à faire valoir le
merite à force de le defavoüer ,
& quirehauffent la réputation de
l'esprit par celle de la modeftie!
Mais
GALANT.
97
Mais quand je confidere à
quoy je suis engagé par le Titre
d'Académicien Royal dans cette
premiere action ; quand je meſu
re mes pensées & mes expreſſions
à la hauteur des merveilles que
j'entrevois , & qui devroient entrer
dans monfujet, fi j'avois l'adreffe
de les ranger , je ſens bien
que je n'auray dit que trop vray,
que le prétexte de l'Art , &
de la Figure ne fera rien à mon
avantage.
Diſpenſez-moy donc , Meffieurs
, difpenfez-moy de la néceffité
que le Titre que vous m'avezfait
l'honneurde me donner,
Fevrier
1685. I
98 MERCURE
femble m'impofer , de repafferfur
tant de beaux traits , qui rehauf
fent le merite & la gloire de
l'Academie Royale , dans mille
circonftances toutes plus avanta
geuſes l'une que l'autre , & qui
la ménent à l'immortalité , par la
mefme route & par le mefme
l'Academie Françoiſe
voeu que
qui la reconnoît
pour fa Fille
atnée
, eft depuis
fi long- temps
en
droit d'y afpirer
. Qu'ajouterois
-je
à tout ce que ceux qui m'ont
de
vancé
, vous
ont dit de riche
, de
fçavant
& de poly ,fur la dignité
du Titre
Royal
que vous
portez
?
Nefçait- on pas que fi les Noms
GALANT. 99
que le Créateur voulut impofer à
fes Ouvrages , exprimoient les
qualitez la nature des chofes
nommées , Louis LE GRAND
dont la conduite eft une Image fi
wifible de la Sageffe du Tout-
Puiffant , n'a donné le furnom de
Royale à l'Academie d'Arles,
que pour exprimer par ce beau
Titre l'excellence des foins , aufquels
il l'a deftinée , &parce
la Gloire & les Merveilles
de for Regne le plus floriffant
le plus augufte qui fut jamais
, devoient eftre l'objet de fes
veilles , de fes études , & de fes
ouvrages?
que
$21
I ij
Too MERCURE
Certes , ce grand Roy qui con
noift fi diftinctement , & ce qui a
manqué aux Regnesprécedens,
ce qui peut fervir à la gloire du
fien , apres avoir par des Con
questes qui ont étonné l'Univers
par la force invincible de leur rapidité,
étendu & affure fes Fron
tieres , a bien jugé que le repose
le bon-heur de fes Etats & de
fes Sujets , dépendoit de l'établiſfement
des Sciences , & de la
Culture des beaux Arts , & remontant
par l'esprit de cette Sa
geffe , qui voit & penetre tout
dans unfi bel ordre , juſques à la
fource de l'Herefie , dont l'extir
GALANT. IOI
n'a
pation fait le plus cher, le plus
conftant, & le plus affidu de tous
fesfoins , il s'eft bien aperceu que
cette Cangréne fi maligne dans
fon origine , & fifunefte dansfon
progrez, ne s'eft introduite
pris racine dans fes Etats , qu'à la
faveur de l'ignorance , & pour
combatre un malfidangereux &*
fi opiniâtre par un reméde conve
nable , il ménage , il foûtient , it
protége les Sciences par des établiffemens
commodes ,
beralitez genereuſes & néceſſaires
, & les a mifes , enfin en état
de triompher par tout des piéges
des fuites de l'erreur & du
des li-
I iij
102 MERCURE
"
menfonge & de faire comprendre
à tout ce qui n'a pas abandonné
le party de la raison & du
bon fens , que celuy de l'Herefie
n'a plus que l'obstination pour
toute défenſe.
Apres que les Sciences auront
fecondé les pieufes intentions de
Louis LE GRAND , en
foutenant les Droits Sacrez de la
Religion & de l'Eglife ,qui n'aja
mais eu , n'aura jamais de plus.
ferme appuy que fon Fils aîné,
ellesferviront encore avantageufement
au deffein qu'il a d'infpirer
à tous fes Sujets , l'amour &
la pratique des vertus morales,
GALANT. 103
& des moeurs honneftes . Elles
forment le coeur en éclairant l'efprit.
La lumiere du Soleil dans
l'ordre naturel précede la cha
leur, & les connoiffances doivent
difpofer l'ame à l'amour , & à la
poursuite du bien; c'eft pourquoy
Dieu qui en est la fource immenfe
, ne sçauroit eftre fouveraine
ment aimé , comme parle faint
Denis , qu'il ne foit parfaitement
aimé.
Que vous concevez bien ,
Meffeurs , le merite , la grandeur
& l'excellence de vos foins,
& de vos applications , & dans
leur principe , dans leur objet !
د ن ن ز
I
104 MERCURE
"
Vous n'étes pas à la Cour & fous
la vue augufte & Royale de
LOUIS LE GRAND , mais Louis
vous ne laiffez pas de reffentir les
effets glorieux de fes foins & de
fafageffe. Le Soleil produit les
plus riches Metaux, au delà de la
portée de fes rayons , fes vertus
s'infinüent où fa lumiere ne penetre
pas ; ce Monarque Augufte
, le Soleil non feulement de
fes Etats , mais de plufieurs Mondes
s'il y en avoit , fait fentir les
influences de fa fageffe par tout.
Elle eft immenfe dans fes foins ,
dansfes operations , comme fa
puiffance eft invincible dans fes
entrepriſes.
GALANT. 105
ques
Il fçait que les Sciences font
dans Arles comme dans leur centre,
qu'elles yfont naturalifées depuis
plufieurs Siécles . Les Obelifles
Arénes , les Amphitéatres
, & tant d'autres Antiquitez
dont elle mõtre encore aujourd'huy
les magnifiques monumens , font
affez connoistre de quelle confideration
elle a efté dans tous les
tems . Qui voudroit remonterjufques
aux plus anciens & moins
connus , découvriroit fans doute
que la politeffe y régnoit , avant
mefme que les Romains y euffent
élevé tant de marques , de la
magnificence de leur Empire ,
106 MERCURE
de l'eftime qu'ils faifoient de fon
Sejour; qu'aparemment la Co
lonie des Grecs qui vint aborder à
Marſeille , & qui vint àpropos
pour polir les moeurs des premiers
Gaulois , eut fes premiers établiffemens
dans la Ville d' Arles ; &
LOUIS LE GRAND qui recherche
jufques à la fource les femences
des beaux Arts, n'y afans
doute étably l' Academie Royale ,
que parce qu'il a jugé que
dans un
air , où les Sciences font en commerce
depuis fi long- temps , elles
ne manqueroient pas de faire un
progrés éclatant , & digne de la
glaire de fon Regne.
GALANT. 107
Jouiffez, Meffieurs , jouiſſez
des beaux jours qu'enfantent aux
deffeins de vos veilles , des aufpices
fi heureux , fi conftans & fi
magnifiques. Vous vivez , graces
auxfoins & à la faveur du
plusparfait des Roys ; vous vivez
d'une vie glorieufe & fpirituelle,
dont unfeuljour vaut mieux que
les plus longues années de l'ignorance.
Vous aprenez au Monde
tout ce qu'il y a de plus curieux à
fçavoir , des moeurs , de la Police
de la Religion des Anciens.
Vous tirez des ruines qui vous
environnent , mille monumens
d'antiquité, propres àfaire admi108
MERCURE
que
rer la penetration fçavante de
vos recherches. Que n'avez- vous
pas dit de curieux , fur la verité
de cette belle & fameufe Statue
Diane & Venus ont difpu.
tée fi long- temps , & d'une mamiere
fi fine & fi fpirituelle , &
qui enfin fous le nom de Venus,
doit eftre placée avec tant d'autres
, qui font venuës de tous les
endroits du Monde , pour rendre
hommage à Louis Le Grand,
dans la Galerie de Verfailles ?
Vivez , Meffieurs , vivez heureux
dans le noble foin qui vous
occupe. Vousfervez aux deffeins
d'un Monarque qui vient renouGALANT.
10g
veler la face du Monde , &
finir tous ces grands deffeins, que
ceux qui l'ont précedé n'ont fait
qu'ébaucher. Afpirez à la gloire
immortelle qu'il vous propoſe ; rien
ne vous manque pour y arriver.
Vous avez de fa main , & par
fon choix , un Protecteur, illuftre
par fa naiffance , diftingué parfa
faveur , recommandable parfon
merite , qui fçait allier avec tant
d'art & tant d'agrément, la plus
douce , la plus fine , & la plus
fçavante delicateffe des Mufes,
avec la fiere intrepidité de Mars,
en qui l'on voit la belle ame , le
bel efprit , & la grandeur de
110 MERCURE
courage , dans un fi noble & fe
doux accord, que les Sçavans &
les Guerriers peuvent également
y trouver un modéle pour fefor
mer l'esprit & le coeur.
Que je trouverois , tout foible
que je fuis , Meffieurs , que je
trouverois de chofes à repreſenter,
s'il m'étoit permis de m'abandonner
à tout ce qui vient s'offrir à
mes idées , & fi je pouvois ou
blier , que ne pouvant vous donner
des marques d'érudition &
d'efprit , je dois au moins vous
en donner de ma retenuë ! Ge
fera , Meffieurs , en étudiant
me formerfur voftre merite , &
GALANT. III
Jur tant de nobles & avantageufes
qualitez , qui vous diftin.
guent parmy les Sçavans , que je
puis efperer d'aprendre àfurmonter
une partie des defaurs qui me
rendent indigne de l'honneur que
vous m'avezfait , & cette rudeffe
que je fens mieux dans mes
expreffions , que je ne lafçay corriger.
le méditerayfur la beauté
de vos Ouvrages , pour m'inftruire
àpolir les miens ; & comme
ceux qui marchent au Soleil
font colorezfans qu'ils y penfent,
je fortifieray mes connoiffances à
force de ftre éclairépar vos lumie-
Dans la paffion que j'ay
res.
112. MERCURE
toûjours euë, & que j'auray tant
que je vivray , de faire diftinguer
ma voix parmy tant d'autres , qui
chantent & fans ceffe, & fi bien
la gloire , les vertus , les tra
vaux de Louis LE GRAND ,
j'eſſayeray de regler mes tons fur
vos doux accens , d'adoucir mes
Chalumeaux , en étudiant les ac
cordsfçavans de vos Luts ; &ne
pouvant meriter l'honneur de
voftre aprobation par aucune production
d'efprit, jeferayfoigneux
de meriter celuy de vos bonnes graces
, & de vostre eftime , par le
respect & la fincere foumifsion
que j'auray toûjourspour vous.
Royale d'Arles ont fait depuis
peu une une acquifition tresconfidérable
, en recevant
M ' Magnin dans leur Corps .
Son mérite vous eft connu
par tant d'Ouvrages que je .
vous ay envoyez de luy, qu'il
me feroit inutile de vous en
parler. Voicy le Remerci
ment qu'il leur a fait.
GALANT. 93
SSSS SSS2 Ssess 522
DISCOURS
DE M MAGNINI
A MESSIEURS
Ꭰ Ꭼ .
L'ACADEMIE ROYALE
M
D'ARLE S...
ESSIEURS,
Comme c'est le prix & le merite
des graces , qui regle la mefure&
le degré de la reconnoiffance
, celle
que je dois avoir de
l'honneur que vous m'avez fait,
م ت
94 MERCURE
en m'accordant une place parmy.
Vous , ne sçauroit avoir , ny plus
defenfibilité, ny plus d'étendue;
mais fi c'est auffi par ce mefme
prix qu'on doit juger de la diffi
culté qu'il y a d'en faire un jufte
Remerciment , vous vous perfuaderezfans
peine , que je n'ayrien
entrepris de ma vie de fi difficile à
bien executer, que celuy que j'ofe
& que je dois vous faire aujourd'huy
. Le Titre glorieux d'Academicien
Royal , étonne mes idées
au lieu d'élever mon efprit , &
me met dans un jour dont la furprife
m'éblouit , au lieu de m'éclairer.
GALANT.
9 ནྡ
di-
Vous le fçavez par vous - mefmes
, Meffieurs , vous le fçavez;
ilfuppofe un meriteſolide &
fingué , un génie heureux , une
fçavante fine politeſſe ,
mille autres talens que je reconnois
, que je revere , & que tout
le monde admire en chacun de
vous .
Comment pourrois- je donc ,
quand je ne fens & ne puis fairs
remarquer aucun de ces avanta
ges en moy , me perfuader que
jauray celuy de foutenir dignement
un Titre dont on doit avoir
une idée fi noble & fi élevée ?
Que je ferois heureux , Mef
96 MERCURE
fieurs , que je ferois heureux , fi
dans une occafion fi effencielle à
mon devoir, à ma reputation,
je pouvois de bonne foy & fans
Supercherie , me dispenfer de vous
faire un aveu fi propre
propre à vous
donner un jufte repentir du choix
que vous venez de faire ! Que
je ferois heureux encore unefois
fije pouvois me flater un moment
que cette déclaration ſi honteuse
& fi fincere toutefois , paſſera
pour une de ces figures ingenieufes
qui fervent à faire valoir le
merite à force de le defavoüer ,
& quirehauffent la réputation de
l'esprit par celle de la modeftie!
Mais
GALANT.
97
Mais quand je confidere à
quoy je suis engagé par le Titre
d'Académicien Royal dans cette
premiere action ; quand je meſu
re mes pensées & mes expreſſions
à la hauteur des merveilles que
j'entrevois , & qui devroient entrer
dans monfujet, fi j'avois l'adreffe
de les ranger , je ſens bien
que je n'auray dit que trop vray,
que le prétexte de l'Art , &
de la Figure ne fera rien à mon
avantage.
Diſpenſez-moy donc , Meffieurs
, difpenfez-moy de la néceffité
que le Titre que vous m'avezfait
l'honneurde me donner,
Fevrier
1685. I
98 MERCURE
femble m'impofer , de repafferfur
tant de beaux traits , qui rehauf
fent le merite & la gloire de
l'Academie Royale , dans mille
circonftances toutes plus avanta
geuſes l'une que l'autre , & qui
la ménent à l'immortalité , par la
mefme route & par le mefme
l'Academie Françoiſe
voeu que
qui la reconnoît
pour fa Fille
atnée
, eft depuis
fi long- temps
en
droit d'y afpirer
. Qu'ajouterois
-je
à tout ce que ceux qui m'ont
de
vancé
, vous
ont dit de riche
, de
fçavant
& de poly ,fur la dignité
du Titre
Royal
que vous
portez
?
Nefçait- on pas que fi les Noms
GALANT. 99
que le Créateur voulut impofer à
fes Ouvrages , exprimoient les
qualitez la nature des chofes
nommées , Louis LE GRAND
dont la conduite eft une Image fi
wifible de la Sageffe du Tout-
Puiffant , n'a donné le furnom de
Royale à l'Academie d'Arles,
que pour exprimer par ce beau
Titre l'excellence des foins , aufquels
il l'a deftinée , &parce
la Gloire & les Merveilles
de for Regne le plus floriffant
le plus augufte qui fut jamais
, devoient eftre l'objet de fes
veilles , de fes études , & de fes
ouvrages?
que
$21
I ij
Too MERCURE
Certes , ce grand Roy qui con
noift fi diftinctement , & ce qui a
manqué aux Regnesprécedens,
ce qui peut fervir à la gloire du
fien , apres avoir par des Con
questes qui ont étonné l'Univers
par la force invincible de leur rapidité,
étendu & affure fes Fron
tieres , a bien jugé que le repose
le bon-heur de fes Etats & de
fes Sujets , dépendoit de l'établiſfement
des Sciences , & de la
Culture des beaux Arts , & remontant
par l'esprit de cette Sa
geffe , qui voit & penetre tout
dans unfi bel ordre , juſques à la
fource de l'Herefie , dont l'extir
GALANT. IOI
n'a
pation fait le plus cher, le plus
conftant, & le plus affidu de tous
fesfoins , il s'eft bien aperceu que
cette Cangréne fi maligne dans
fon origine , & fifunefte dansfon
progrez, ne s'eft introduite
pris racine dans fes Etats , qu'à la
faveur de l'ignorance , & pour
combatre un malfidangereux &*
fi opiniâtre par un reméde conve
nable , il ménage , il foûtient , it
protége les Sciences par des établiffemens
commodes ,
beralitez genereuſes & néceſſaires
, & les a mifes , enfin en état
de triompher par tout des piéges
des fuites de l'erreur & du
des li-
I iij
102 MERCURE
"
menfonge & de faire comprendre
à tout ce qui n'a pas abandonné
le party de la raison & du
bon fens , que celuy de l'Herefie
n'a plus que l'obstination pour
toute défenſe.
Apres que les Sciences auront
fecondé les pieufes intentions de
Louis LE GRAND , en
foutenant les Droits Sacrez de la
Religion & de l'Eglife ,qui n'aja
mais eu , n'aura jamais de plus.
ferme appuy que fon Fils aîné,
ellesferviront encore avantageufement
au deffein qu'il a d'infpirer
à tous fes Sujets , l'amour &
la pratique des vertus morales,
GALANT. 103
& des moeurs honneftes . Elles
forment le coeur en éclairant l'efprit.
La lumiere du Soleil dans
l'ordre naturel précede la cha
leur, & les connoiffances doivent
difpofer l'ame à l'amour , & à la
poursuite du bien; c'eft pourquoy
Dieu qui en est la fource immenfe
, ne sçauroit eftre fouveraine
ment aimé , comme parle faint
Denis , qu'il ne foit parfaitement
aimé.
Que vous concevez bien ,
Meffeurs , le merite , la grandeur
& l'excellence de vos foins,
& de vos applications , & dans
leur principe , dans leur objet !
د ن ن ز
I
104 MERCURE
"
Vous n'étes pas à la Cour & fous
la vue augufte & Royale de
LOUIS LE GRAND , mais Louis
vous ne laiffez pas de reffentir les
effets glorieux de fes foins & de
fafageffe. Le Soleil produit les
plus riches Metaux, au delà de la
portée de fes rayons , fes vertus
s'infinüent où fa lumiere ne penetre
pas ; ce Monarque Augufte
, le Soleil non feulement de
fes Etats , mais de plufieurs Mondes
s'il y en avoit , fait fentir les
influences de fa fageffe par tout.
Elle eft immenfe dans fes foins ,
dansfes operations , comme fa
puiffance eft invincible dans fes
entrepriſes.
GALANT. 105
ques
Il fçait que les Sciences font
dans Arles comme dans leur centre,
qu'elles yfont naturalifées depuis
plufieurs Siécles . Les Obelifles
Arénes , les Amphitéatres
, & tant d'autres Antiquitez
dont elle mõtre encore aujourd'huy
les magnifiques monumens , font
affez connoistre de quelle confideration
elle a efté dans tous les
tems . Qui voudroit remonterjufques
aux plus anciens & moins
connus , découvriroit fans doute
que la politeffe y régnoit , avant
mefme que les Romains y euffent
élevé tant de marques , de la
magnificence de leur Empire ,
106 MERCURE
de l'eftime qu'ils faifoient de fon
Sejour; qu'aparemment la Co
lonie des Grecs qui vint aborder à
Marſeille , & qui vint àpropos
pour polir les moeurs des premiers
Gaulois , eut fes premiers établiffemens
dans la Ville d' Arles ; &
LOUIS LE GRAND qui recherche
jufques à la fource les femences
des beaux Arts, n'y afans
doute étably l' Academie Royale ,
que parce qu'il a jugé que
dans un
air , où les Sciences font en commerce
depuis fi long- temps , elles
ne manqueroient pas de faire un
progrés éclatant , & digne de la
glaire de fon Regne.
GALANT. 107
Jouiffez, Meffieurs , jouiſſez
des beaux jours qu'enfantent aux
deffeins de vos veilles , des aufpices
fi heureux , fi conftans & fi
magnifiques. Vous vivez , graces
auxfoins & à la faveur du
plusparfait des Roys ; vous vivez
d'une vie glorieufe & fpirituelle,
dont unfeuljour vaut mieux que
les plus longues années de l'ignorance.
Vous aprenez au Monde
tout ce qu'il y a de plus curieux à
fçavoir , des moeurs , de la Police
de la Religion des Anciens.
Vous tirez des ruines qui vous
environnent , mille monumens
d'antiquité, propres àfaire admi108
MERCURE
que
rer la penetration fçavante de
vos recherches. Que n'avez- vous
pas dit de curieux , fur la verité
de cette belle & fameufe Statue
Diane & Venus ont difpu.
tée fi long- temps , & d'une mamiere
fi fine & fi fpirituelle , &
qui enfin fous le nom de Venus,
doit eftre placée avec tant d'autres
, qui font venuës de tous les
endroits du Monde , pour rendre
hommage à Louis Le Grand,
dans la Galerie de Verfailles ?
Vivez , Meffieurs , vivez heureux
dans le noble foin qui vous
occupe. Vousfervez aux deffeins
d'un Monarque qui vient renouGALANT.
10g
veler la face du Monde , &
finir tous ces grands deffeins, que
ceux qui l'ont précedé n'ont fait
qu'ébaucher. Afpirez à la gloire
immortelle qu'il vous propoſe ; rien
ne vous manque pour y arriver.
Vous avez de fa main , & par
fon choix , un Protecteur, illuftre
par fa naiffance , diftingué parfa
faveur , recommandable parfon
merite , qui fçait allier avec tant
d'art & tant d'agrément, la plus
douce , la plus fine , & la plus
fçavante delicateffe des Mufes,
avec la fiere intrepidité de Mars,
en qui l'on voit la belle ame , le
bel efprit , & la grandeur de
110 MERCURE
courage , dans un fi noble & fe
doux accord, que les Sçavans &
les Guerriers peuvent également
y trouver un modéle pour fefor
mer l'esprit & le coeur.
Que je trouverois , tout foible
que je fuis , Meffieurs , que je
trouverois de chofes à repreſenter,
s'il m'étoit permis de m'abandonner
à tout ce qui vient s'offrir à
mes idées , & fi je pouvois ou
blier , que ne pouvant vous donner
des marques d'érudition &
d'efprit , je dois au moins vous
en donner de ma retenuë ! Ge
fera , Meffieurs , en étudiant
me formerfur voftre merite , &
GALANT. III
Jur tant de nobles & avantageufes
qualitez , qui vous diftin.
guent parmy les Sçavans , que je
puis efperer d'aprendre àfurmonter
une partie des defaurs qui me
rendent indigne de l'honneur que
vous m'avezfait , & cette rudeffe
que je fens mieux dans mes
expreffions , que je ne lafçay corriger.
le méditerayfur la beauté
de vos Ouvrages , pour m'inftruire
àpolir les miens ; & comme
ceux qui marchent au Soleil
font colorezfans qu'ils y penfent,
je fortifieray mes connoiffances à
force de ftre éclairépar vos lumie-
Dans la paffion que j'ay
res.
112. MERCURE
toûjours euë, & que j'auray tant
que je vivray , de faire diftinguer
ma voix parmy tant d'autres , qui
chantent & fans ceffe, & fi bien
la gloire , les vertus , les tra
vaux de Louis LE GRAND ,
j'eſſayeray de regler mes tons fur
vos doux accens , d'adoucir mes
Chalumeaux , en étudiant les ac
cordsfçavans de vos Luts ; &ne
pouvant meriter l'honneur de
voftre aprobation par aucune production
d'efprit, jeferayfoigneux
de meriter celuy de vos bonnes graces
, & de vostre eftime , par le
respect & la fincere foumifsion
que j'auray toûjourspour vous.
Fermer
Résumé : DISCOURS DE Mr MAGNIN A MESSIEURS DE L'ACADEMIE ROYALE D'ARLES.
M. Magnin adresse un discours de remerciement à l'Académie Royale d'Arles pour son admission. Il exprime son honneur et son humilité face à cette distinction, reconnaissant la difficulté de rendre justice à un tel honneur. Magnin souligne que le titre d'Académicien Royal implique des qualités telles que le mérite solide, le génie et la politesse savante, qu'il admire chez les membres de l'Académie. Il mentionne également la grandeur de Louis le Grand, qui a fondé l'Académie pour promouvoir les sciences et les arts, et pour combattre l'hérésie par l'éducation et la culture. Magnin loue Arles pour son riche passé et ses contributions aux arts et aux sciences. Il conclut en exprimant son désir de s'améliorer et de mériter l'honneur qui lui a été accordé, en étudiant et en admirant les œuvres des membres de l'Académie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 162-181
Suite de ce qui s'est fait à Paris touchant la Thériaque ; avec les discours qui ont esté prononcez sur ce sujet, [titre d'après la table]
Début :
Comme tout ce qui regarde la santé est toûjours fort bien receu, [...]
Mots clefs :
Santé, Thériaque, Avantages, Mr Rouvière, Discours, Médecins, Faculté de médecine de Paris, Galien, Admiration, Ouvrages, Magistrats, Monarques, Traité, Antidote, Sciences, Remède, Pharmacie, Charlatans, Gloire, Professeurs, Critiques, Drogues, Doyen, Assemblée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de ce qui s'est fait à Paris touchant la Thériaque ; avec les discours qui ont esté prononcez sur ce sujet, [titre d'après la table]
Comme tout ce quiregarde
la ſanté eſt toûjours fort
bien receu , & qu'il n'y a rien
qui ſoit écouté plus volontiers
je ne m'étonne pas fi
د
ce que je vous
ay mandé
dans ma derniere Lettre touchant
la Theriaque , vous a
donné autant de plaifir qu'à
GALANT. 163
quantité de Perſonnes qui
l'ont leu , puis qu'outre la fatisfaction
d'apprendre ce qui
peut contribuer à la choſe du
monde qui nous doit eſtre la
plus prétieuſe , on a encore
eu l'avantage de ſe voir inſtruit
de pluſieurs circonſtances
curieuſes , dont on
n'avoit peut- eſtre jamais en
tendu parler ,& qu'on n'aappriſes
qu'avec des morceaux
d'Hiſtoire qui les rendent remarquables
, & qui font connoiftre
, non ſeuleme les.
grandes merveilles de la
S Theriaque , mais encore l'e-
Oij
164 MERCURE
flime que l'on en doit faire
Le ſuccez qu'elle aleti ,
parmy le Public, & dans ma
derniere Lettre a eſté cauſe
que je me ſuis informé avec
plus de ſoin de tout ce qui
s'eſt paffé à Paris , à l'égard
de cétancien & grand reme
de. J'ay trouvé que le dif
cours deM' de Rouviere quia
une approbasion fi genérale,
& que je vous ay envoyé,
n'avoit pas eſté le ſeul que
l'on euft fait fur cette matie
re,& qu'un autre avoit efte
auſſi prononcé en préſence
de M'de la Reynie &deM
GALANT 165
Robert Procureur du Roy,
par Mi Lienard Medecin or
dinaire deSaMajesté,Docteur
&ancien Doyen de laFaculté
de Medecine de Paris , à pré
fent Profeffeuren Pharmacie
de lameſme Faculté Com
me il manqueroit quelque
choſe à l'Histoire de la The
riaque faire en cette grande
Ville , fi ce Diſcours qui en
quisen
eft une des plus confidéras
bles parties ne tenoit ſa placa
dans ma Lettre de ce mois,
je vous l'envoye,parce que je
fçais qu'il vous plaira , & que
je le vois d'ailleurs, fouhaité
166 MERCURE
par tout ce qu'il y a icy deCurieux.
En voicy les termes.
MESSIEURS,
Si Galien dans le Traité de
La Thériaque qu'il adreſſe à Pi-
Son , eſtime cét Illustre Romain fi
digne de toute fon admiration
des grands éloges qquu''iill lluuyy donne
Taddee ce que se relâchant un peu des
grandes occupations dont il eſtoit
chargé pour le ſalut de la Republique,
il lisoit avec tant d'atrention
le petit Ouvrage qu'Andromachus
fort celebre Medecin,
en avait fait autrefois , & s'ilfe
1
GALANT. 167
Louë endes termes fi pompeux
fi magnifiques de la bonnefortune
de fon fiecle de ce qu'il voyoit
ce grand Homme fi attaché aux
chofes qui regardoientparticulierement
la santé de fes Concitoyens
, avec combien plus de jaſtice
de raison devons-nous
aujourd'huy honorer de nos. éloges
less plus forts , les deux grands
Magiftrats que nous voyons pour
quatrième fois en moins de fix
moisse dérober aux emplois les plus
augustes les plus honorables où
Les Conſeils importans de noftre
incomparable Monarque les appel-
Jem ordinairement auprès de lays
La
T
168 MERCURE
ς
pour vacquer , non pas comme ce
Romain àla lecture moins utile
que curieuse d'un fimple Traité
de la Thériaque , mais à l'affaire
laplus ſerieuse&la plus digre
de la Police qu'ils exercent dans
leRoyaume , qui est la composttion
exacte & fidelle de ce Remede
de cét Antidote par excellense
, puis qu'elle regarde le
falut general particulier de
tous les Sujets du Roy. Disos donc,
&nous écrions avec Galien au
fujer de ces deux vigilans Magi-
Strats , comme il faisoit autrefois
àRome àl'égard de Pifon. Satisne
magnas poffumus ha
bere
GALANT. 169
bere noſtri temporis fortunæ
gratias , quòd vos , ô ſummi
Magiftratus, ufque adeo Medicinæ
ac Theriacæ ſtudioſos
confpiciamus ? En effet , Meffieurs
,quel plus grand bonheur
que celuy de nostre fiecle de vi
vre fous un Prince , dont l'application
incroyable aux plus petits
comme aux plus confiderables be.
foins de fes Sujets , réveille dans
tous les Arts & dans toutes les
-Sciences l'étude l'industrie de
ceux qui les profeſſent , pour les
- pouffer à leur souveraine perfection.
C'est donc l'exemple mefme
du Roy , le plus laborieux
Avril 1685. P
170 MERCURE
Prince qui fut jamais , qui porte
aujourd ' buy les Profeffeurs de la
Medecine de la Pharmacie de
Paris, àfaire fous LOUISle
Grand, plus grandque les Antoi
nes,que les Antonins, &que tous
les Cefars ensemble, pourqui l'on
faisoit fifolemnellement ce Remede
à Rome, dans la Capitale du
Royaume auffi celebre que cette
Superbe Ville lefut autrefois , à la
veuë &en la présence de l'IlluftreM
Daquin premier Medecin
de Sa Majesté , qui ne cede
en rien aux Andromachus premiers
Medecins de ces Princes
de ces Empereurs , avec lesecours
1
GALANT. 171
des meilleurs &des plus experi
mentez Artistes de la France,
les Geoffroy , * les fofon , les
Bolduc,les Rouviere , auffiéclai
rez que l'estoient anciennement
les Critons & les Damocrate,
premiers Pharmaciens de leurfiecle
; àfaire, dis-je,fous LOUIS
le Grand, une Thériaque dont on
n'entreprenoit jamais la compofition
à Rome , que ſous les aufpices
de ſes Empereurs , ſans la
leur voüer & consacrer comme
la choſe du monde la plus im
portante la plus falutaire à
** Ce font les quatre Apoticaires qui depuis
fix mois ont fait à leurs frais la Thériaque à
Paris.
Pij
172 MERCURE
1
leurs Etats. Prenons donc,Mes
fieurs , pour noftre Devise , celle
qui devroit l'eftre aujourd'huy de
toute la France. Ludovico Magno
felicitas parta. Réjoüif
fons- nous de ce que nous voyons,
pour ainſi dire , guerir dans Paris
la letargie des fiecles paſſez , qui
par une indolence ou une indiffe
rence condamnable , pour ne pas
dire quelque chose de pis, ontjuf
ques icy presque toûjours deu , ou
àdes Nations étrangeres , comme
à Rome & à Venise , ou à des
Provinces éloignées د
comme à
Montpellier , la composition d'un
Remededontils ne devoient avoir
تم
GALANT. 173
obligation qu'à eux- mesmes , &
àleur propre Patrie , & qui ont
presque toûjours emprunté d'au.
truy ce qu'ils ne devoient avoir
ny tenir que de leur riche fonds,
de leur induſtrieuse capacité ,
de leurhabileté laborieuse.
Loñons nous , Meffieurs , de
noſtre bonheur , de ce que le
Royaume joüira doreſnavant
par la vigilance de nos Magiſtrats
de Police , appliquez
attentifs à toutes choses , d'une
Panacée veritable ,fans fraude,
Sans alteration , &fans le rifque
d'en voir deformais debiter
enFrance aucune ny vicieuse ny
Piij
174 MERCURE
falfifiée,telle queGalien ſe plai
gnoit dés le temps qu'il estoit à
Rome , que plusieurs Impoſteurs ,
Charlatans, Monteurs de Thea
tre
د Vendeurs de Mithridat,
Cr
veritables Triacleurs en di
ſtribuoient contre l'intention des
Magistrats publics à grand prix
d'argent er fort cherement , auffi
bien qu'à la ruine e au détriment
de la fantédes Peuples ignorants
& crédules pour l'ordinai
en ces fortes de matieres qui
regardent la Medecine , & les
Remedes qu'on voile ſouvent de
nomsſpécieux de Secrets , afin de
les mieuxtromper. Multæ quipre
GALANT: 175
pe fiunt , écrit- il , ab Impoftoribus
hac etiam in re frau
des , vulgufque ſolaTheriace
famâ deceptum, abiftis, qui,
bus ars eft Mercenaria , non
recte compofitam Antido
tum multâ pecuniâ redimit
Loüons-nous encore unefois
Meffieurs , de ce que par lesfoins
bienfaiſans de ces meſmes Magi
ftrats, nous joüiffons aujourd'huy,
à la faveur de nostre veritable
Thériaque , ſous l'empire de
LOUIS le Grand , du mesme.
bien & du mesme avantage dont
les Empereurs gratifioient autre
fois leursſujets à Rome. Qui l
Piij
176 MERCURE
benter, ditle mefme Galien,in
univerfos omnia bona , deos
imitati , conferunt , tantum
que gaudium concipiunt,
quantò populi majorem fuerint
incolumitatem ab ipfis
confecuti , maximam impe
ran di partem arbitrantes,
communis falutis procurationem
; quæ res me magis
in ipforum admirationem traxit.
Ce ſontſes propres termes .
C'est lesujet , Meſſieurs , qui
m'a aujourd'huy engagé, en qualitéde
Profeſſeur en Pharmacie
de la Faculté de Medecine de
Paris , à vous faire ce petitDifGALANT.
177
rs
cours ,pour un témoignage affuré
de reconnoiſſance publique &
particuliere envers Ms nosMagiftrats
, pour une marqueſenſible
de l'obligation que nous avons à
M le premier Medecin , de vou
loir bien honorerdeſa préſence la
compoſition d'un Remede qui en tirera
afſurément beaucoup de gloire
, de credit &d'authorité , &
pour un préjugéſouhaitable de ta
confervation en ſon entier de la
bonne Medecine de Paris , & du
parfait rétabliſſementde la meil
leure Pharmacieà l'avenir, con
tre les vains efforts & les tentatives
inutiles des envieux ou des
2
178 MERCURE
ennemis de l'une de l'autre,
& de tous ceux qui voudroient
temérairement dans lafuite s'yopposer
, & les troubler dans leur
exercice dans leur ancienne
poffeffion.
Ce Diſcours fut prononcé
le 12. de Mars , & le Lundy
prononce
ſuivant , M² de Rouviere s'attacha
particulierement au 1 .
poids des Drogues dont il
avoit fait auparavant un juſte
choix pour la compoſition
de ſon Ouvrage, & qu'ilavoit
expoſées au Public , feur que
leur beauté& leur bonne qualité
le défendroient contre les
GALANT. 179
Critiques & les Envieux. Il fit
ce jour là un fort beau Dif
cours ſur la Vipere , & fur la
nature de la Theriaque , & il
expliqua fi bien la maniere
dont les fermentations ſe
font, qu'il fut genéralement
applaudy. Il peſa enſuite ſes
ر
Drogues en préſence de M
le Doyen de la Faculté , de
Mrs les Profeffeurs en Pharmacie
, & de M'Boudin , l'un
des premiers Apoticaires
du Roy. Toutes ces Dro
gues furent brifées , & mêlées
enſemble confufément
devant toute l'Aſſemblée qui
180 MERCURE
n'eſtoit pas moins nombreuſe
qu'elle avoit eſté les autres
jours. Il en falut huit entiers
pour les pulverifer , aprés
quoy les Curieux revinrent
au meſme lieu , pour
eſtre témoins du mélange
qu'on appelle Mixtion , ce
qui fit donner de nouvelles
loüanges à M' de Rouviere.
Ce fut alors que M² Pilon,
Doyen de la Faculté , & qui
dés ſa plus grande jeuneſſe a
ſceu s'acquerir le nom d'Orateur
, fit un Diſcours tresdigne
de luv, pour fermer ce
grand Ouvrage. La crainte
r
GALANT. 181
de vous entretenir trop longtemps
ſur vne meſme matiere,
m'oblige à ne vous enrien
dire de plus aujourd'huy.
Vous voudrez bien cepen.
dant que j'ajoûte , en faveur
de la Theriaque , que lors
que l'on en fait à Veniſe , le
Senaty aſſiſte en Corps , &
que dans tous les lieux où l'on
ſe donne la peine de rechercher
tout ce qu'il faut pour
cette fameuse compoſition,
elle ſe fait avec le meſme
eclat , &en préſence des Souverains
Magiſtrats .
la ſanté eſt toûjours fort
bien receu , & qu'il n'y a rien
qui ſoit écouté plus volontiers
je ne m'étonne pas fi
د
ce que je vous
ay mandé
dans ma derniere Lettre touchant
la Theriaque , vous a
donné autant de plaifir qu'à
GALANT. 163
quantité de Perſonnes qui
l'ont leu , puis qu'outre la fatisfaction
d'apprendre ce qui
peut contribuer à la choſe du
monde qui nous doit eſtre la
plus prétieuſe , on a encore
eu l'avantage de ſe voir inſtruit
de pluſieurs circonſtances
curieuſes , dont on
n'avoit peut- eſtre jamais en
tendu parler ,& qu'on n'aappriſes
qu'avec des morceaux
d'Hiſtoire qui les rendent remarquables
, & qui font connoiftre
, non ſeuleme les.
grandes merveilles de la
S Theriaque , mais encore l'e-
Oij
164 MERCURE
flime que l'on en doit faire
Le ſuccez qu'elle aleti ,
parmy le Public, & dans ma
derniere Lettre a eſté cauſe
que je me ſuis informé avec
plus de ſoin de tout ce qui
s'eſt paffé à Paris , à l'égard
de cétancien & grand reme
de. J'ay trouvé que le dif
cours deM' de Rouviere quia
une approbasion fi genérale,
& que je vous ay envoyé,
n'avoit pas eſté le ſeul que
l'on euft fait fur cette matie
re,& qu'un autre avoit efte
auſſi prononcé en préſence
de M'de la Reynie &deM
GALANT 165
Robert Procureur du Roy,
par Mi Lienard Medecin or
dinaire deSaMajesté,Docteur
&ancien Doyen de laFaculté
de Medecine de Paris , à pré
fent Profeffeuren Pharmacie
de lameſme Faculté Com
me il manqueroit quelque
choſe à l'Histoire de la The
riaque faire en cette grande
Ville , fi ce Diſcours qui en
quisen
eft une des plus confidéras
bles parties ne tenoit ſa placa
dans ma Lettre de ce mois,
je vous l'envoye,parce que je
fçais qu'il vous plaira , & que
je le vois d'ailleurs, fouhaité
166 MERCURE
par tout ce qu'il y a icy deCurieux.
En voicy les termes.
MESSIEURS,
Si Galien dans le Traité de
La Thériaque qu'il adreſſe à Pi-
Son , eſtime cét Illustre Romain fi
digne de toute fon admiration
des grands éloges qquu''iill lluuyy donne
Taddee ce que se relâchant un peu des
grandes occupations dont il eſtoit
chargé pour le ſalut de la Republique,
il lisoit avec tant d'atrention
le petit Ouvrage qu'Andromachus
fort celebre Medecin,
en avait fait autrefois , & s'ilfe
1
GALANT. 167
Louë endes termes fi pompeux
fi magnifiques de la bonnefortune
de fon fiecle de ce qu'il voyoit
ce grand Homme fi attaché aux
chofes qui regardoientparticulierement
la santé de fes Concitoyens
, avec combien plus de jaſtice
de raison devons-nous
aujourd'huy honorer de nos. éloges
less plus forts , les deux grands
Magiftrats que nous voyons pour
quatrième fois en moins de fix
moisse dérober aux emplois les plus
augustes les plus honorables où
Les Conſeils importans de noftre
incomparable Monarque les appel-
Jem ordinairement auprès de lays
La
T
168 MERCURE
ς
pour vacquer , non pas comme ce
Romain àla lecture moins utile
que curieuse d'un fimple Traité
de la Thériaque , mais à l'affaire
laplus ſerieuse&la plus digre
de la Police qu'ils exercent dans
leRoyaume , qui est la composttion
exacte & fidelle de ce Remede
de cét Antidote par excellense
, puis qu'elle regarde le
falut general particulier de
tous les Sujets du Roy. Disos donc,
&nous écrions avec Galien au
fujer de ces deux vigilans Magi-
Strats , comme il faisoit autrefois
àRome àl'égard de Pifon. Satisne
magnas poffumus ha
bere
GALANT. 169
bere noſtri temporis fortunæ
gratias , quòd vos , ô ſummi
Magiftratus, ufque adeo Medicinæ
ac Theriacæ ſtudioſos
confpiciamus ? En effet , Meffieurs
,quel plus grand bonheur
que celuy de nostre fiecle de vi
vre fous un Prince , dont l'application
incroyable aux plus petits
comme aux plus confiderables be.
foins de fes Sujets , réveille dans
tous les Arts & dans toutes les
-Sciences l'étude l'industrie de
ceux qui les profeſſent , pour les
- pouffer à leur souveraine perfection.
C'est donc l'exemple mefme
du Roy , le plus laborieux
Avril 1685. P
170 MERCURE
Prince qui fut jamais , qui porte
aujourd ' buy les Profeffeurs de la
Medecine de la Pharmacie de
Paris, àfaire fous LOUISle
Grand, plus grandque les Antoi
nes,que les Antonins, &que tous
les Cefars ensemble, pourqui l'on
faisoit fifolemnellement ce Remede
à Rome, dans la Capitale du
Royaume auffi celebre que cette
Superbe Ville lefut autrefois , à la
veuë &en la présence de l'IlluftreM
Daquin premier Medecin
de Sa Majesté , qui ne cede
en rien aux Andromachus premiers
Medecins de ces Princes
de ces Empereurs , avec lesecours
1
GALANT. 171
des meilleurs &des plus experi
mentez Artistes de la France,
les Geoffroy , * les fofon , les
Bolduc,les Rouviere , auffiéclai
rez que l'estoient anciennement
les Critons & les Damocrate,
premiers Pharmaciens de leurfiecle
; àfaire, dis-je,fous LOUIS
le Grand, une Thériaque dont on
n'entreprenoit jamais la compofition
à Rome , que ſous les aufpices
de ſes Empereurs , ſans la
leur voüer & consacrer comme
la choſe du monde la plus im
portante la plus falutaire à
** Ce font les quatre Apoticaires qui depuis
fix mois ont fait à leurs frais la Thériaque à
Paris.
Pij
172 MERCURE
1
leurs Etats. Prenons donc,Mes
fieurs , pour noftre Devise , celle
qui devroit l'eftre aujourd'huy de
toute la France. Ludovico Magno
felicitas parta. Réjoüif
fons- nous de ce que nous voyons,
pour ainſi dire , guerir dans Paris
la letargie des fiecles paſſez , qui
par une indolence ou une indiffe
rence condamnable , pour ne pas
dire quelque chose de pis, ontjuf
ques icy presque toûjours deu , ou
àdes Nations étrangeres , comme
à Rome & à Venise , ou à des
Provinces éloignées د
comme à
Montpellier , la composition d'un
Remededontils ne devoient avoir
تم
GALANT. 173
obligation qu'à eux- mesmes , &
àleur propre Patrie , & qui ont
presque toûjours emprunté d'au.
truy ce qu'ils ne devoient avoir
ny tenir que de leur riche fonds,
de leur induſtrieuse capacité ,
de leurhabileté laborieuse.
Loñons nous , Meffieurs , de
noſtre bonheur , de ce que le
Royaume joüira doreſnavant
par la vigilance de nos Magiſtrats
de Police , appliquez
attentifs à toutes choses , d'une
Panacée veritable ,fans fraude,
Sans alteration , &fans le rifque
d'en voir deformais debiter
enFrance aucune ny vicieuse ny
Piij
174 MERCURE
falfifiée,telle queGalien ſe plai
gnoit dés le temps qu'il estoit à
Rome , que plusieurs Impoſteurs ,
Charlatans, Monteurs de Thea
tre
د Vendeurs de Mithridat,
Cr
veritables Triacleurs en di
ſtribuoient contre l'intention des
Magistrats publics à grand prix
d'argent er fort cherement , auffi
bien qu'à la ruine e au détriment
de la fantédes Peuples ignorants
& crédules pour l'ordinai
en ces fortes de matieres qui
regardent la Medecine , & les
Remedes qu'on voile ſouvent de
nomsſpécieux de Secrets , afin de
les mieuxtromper. Multæ quipre
GALANT: 175
pe fiunt , écrit- il , ab Impoftoribus
hac etiam in re frau
des , vulgufque ſolaTheriace
famâ deceptum, abiftis, qui,
bus ars eft Mercenaria , non
recte compofitam Antido
tum multâ pecuniâ redimit
Loüons-nous encore unefois
Meffieurs , de ce que par lesfoins
bienfaiſans de ces meſmes Magi
ftrats, nous joüiffons aujourd'huy,
à la faveur de nostre veritable
Thériaque , ſous l'empire de
LOUIS le Grand , du mesme.
bien & du mesme avantage dont
les Empereurs gratifioient autre
fois leursſujets à Rome. Qui l
Piij
176 MERCURE
benter, ditle mefme Galien,in
univerfos omnia bona , deos
imitati , conferunt , tantum
que gaudium concipiunt,
quantò populi majorem fuerint
incolumitatem ab ipfis
confecuti , maximam impe
ran di partem arbitrantes,
communis falutis procurationem
; quæ res me magis
in ipforum admirationem traxit.
Ce ſontſes propres termes .
C'est lesujet , Meſſieurs , qui
m'a aujourd'huy engagé, en qualitéde
Profeſſeur en Pharmacie
de la Faculté de Medecine de
Paris , à vous faire ce petitDifGALANT.
177
rs
cours ,pour un témoignage affuré
de reconnoiſſance publique &
particuliere envers Ms nosMagiftrats
, pour une marqueſenſible
de l'obligation que nous avons à
M le premier Medecin , de vou
loir bien honorerdeſa préſence la
compoſition d'un Remede qui en tirera
afſurément beaucoup de gloire
, de credit &d'authorité , &
pour un préjugéſouhaitable de ta
confervation en ſon entier de la
bonne Medecine de Paris , & du
parfait rétabliſſementde la meil
leure Pharmacieà l'avenir, con
tre les vains efforts & les tentatives
inutiles des envieux ou des
2
178 MERCURE
ennemis de l'une de l'autre,
& de tous ceux qui voudroient
temérairement dans lafuite s'yopposer
, & les troubler dans leur
exercice dans leur ancienne
poffeffion.
Ce Diſcours fut prononcé
le 12. de Mars , & le Lundy
prononce
ſuivant , M² de Rouviere s'attacha
particulierement au 1 .
poids des Drogues dont il
avoit fait auparavant un juſte
choix pour la compoſition
de ſon Ouvrage, & qu'ilavoit
expoſées au Public , feur que
leur beauté& leur bonne qualité
le défendroient contre les
GALANT. 179
Critiques & les Envieux. Il fit
ce jour là un fort beau Dif
cours ſur la Vipere , & fur la
nature de la Theriaque , & il
expliqua fi bien la maniere
dont les fermentations ſe
font, qu'il fut genéralement
applaudy. Il peſa enſuite ſes
ر
Drogues en préſence de M
le Doyen de la Faculté , de
Mrs les Profeffeurs en Pharmacie
, & de M'Boudin , l'un
des premiers Apoticaires
du Roy. Toutes ces Dro
gues furent brifées , & mêlées
enſemble confufément
devant toute l'Aſſemblée qui
180 MERCURE
n'eſtoit pas moins nombreuſe
qu'elle avoit eſté les autres
jours. Il en falut huit entiers
pour les pulverifer , aprés
quoy les Curieux revinrent
au meſme lieu , pour
eſtre témoins du mélange
qu'on appelle Mixtion , ce
qui fit donner de nouvelles
loüanges à M' de Rouviere.
Ce fut alors que M² Pilon,
Doyen de la Faculté , & qui
dés ſa plus grande jeuneſſe a
ſceu s'acquerir le nom d'Orateur
, fit un Diſcours tresdigne
de luv, pour fermer ce
grand Ouvrage. La crainte
r
GALANT. 181
de vous entretenir trop longtemps
ſur vne meſme matiere,
m'oblige à ne vous enrien
dire de plus aujourd'huy.
Vous voudrez bien cepen.
dant que j'ajoûte , en faveur
de la Theriaque , que lors
que l'on en fait à Veniſe , le
Senaty aſſiſte en Corps , &
que dans tous les lieux où l'on
ſe donne la peine de rechercher
tout ce qu'il faut pour
cette fameuse compoſition,
elle ſe fait avec le meſme
eclat , &en préſence des Souverains
Magiſtrats .
Fermer
4
p. 312-336
Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
Début :
Je passe à un Article que vous n'attendiez pas sans doute [...]
Mots clefs :
Société royale des sciences de Montpellier, Assemblée des États de Languedoc, Sciences, Mr. de Basville, Gouttes puantes, Confrères, Académiciens, Aiguille, Aimant, Pôles, Satellites, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
e paffe à un Article que
vous n'attendiez pas fans doute
ce mois-cy ; mais fçachant
voftre curiofité fur ce qui regarde la Societé Royale des
Sciences de Montpellier , j'ay
fi bien pris mes mefures que
je vous en envoye un Article
digne
GALANT 313
digne de voftre curiofité &
de celle de tout le Public. Cette Societé a tenu fa Seance publique pendant l'Affemblée
des Etats de Languedoc , qui
l'ont honorée de leur prefence.
Mr de Bafville Confeiller d'Etat &Intendant de Languedoc
y prefida comme Academicien
Honoraire; & il en fit l'ouverture par un Difcours qui reçûr de grands aplaudiffemens.
Il parla des Sciences en general
& de l'utilité que les hommes
recevoient à s'y attacher ; il
s'apliqua fur tout à prouver
le bien que fit l'étude de la
Fanvier 1710.
Dd
314 MERCURE
Philofophie. Dans les premiers
fiecles du Paganifme , dit-il ,
cette étude faifoit les délices des
grands hommes de ces temps éloignez e même dans la naiffance
du Chriftianifme l'estime fut fi
prodigieufe pour Platon qu'on
regardoit alors comme l'Oracle de
la Philofophie , qu'on le mettoit
prefque enparallele avec les Prophetes,& qu'on pritfe:Ouvrages
pour des Commentaires de l'E
criture , puifqu'on conçut longtemps la nature du Verbe, comme
il l'avoit conçue. Il remarqua
enfuite que rien ne pouvoit .
tant contribuer au progrés
GALANT 315
des Sciences que les Affemblées des gens de Lettres ; il
parcourut tous les ficcles où
l'on en avoit vû ; & il dit qu'il
y avoit du temps des Empereurs
Romains diverfes Chapelles de
Minerve à Rome qui fervoient à
fortes d'Affemblées , & où
les Orateurs recitoient leurspieces,
& c'eſt ce que le Scholiafte d'Horace nomme Athenæa , felon la
coûtume defon temps , auquel ce
mot fignifioit un Auditoire.
L'Empereur Adrien dans le
deuxième fiecle fit bâtir un Auditoire qu'on nomma auſſi. Athenæum , & il continua d'avoir
Ddij
316 MERCURE
foin des Ecoles publiques à l'imi
·tation & Augufte le fecond des
Cefars qui avoit fait bâtir l'Ecole d'Octavie jointe à unportique ainsi que le R. P. Ardouin
Jefuite nous l'aprend dans fes
Stavantes notes fur Pline
avantluy le celebre GerardJean
Voffius , dansfon Lirure de l'Imitation. En parlant enfuite des.
travaux de la Societé Royale,
il dit qu'elle ne prononce point de
decifions , & qu'elle ne forme
point de fyfteme ; mais qu'elle
propofe des experiences & des
obfervations, laiffant aupublic le
foin de les rectifier , & la liberté
GALANT 317
de les contre-dire pour aller plus
loin dans le Pays des découvertes.
Rien en effect, ajouta- t - il n'eſt
pluspropre à contribuerau progrés
des Sciences , que des experiences
repetées réiterées. Par là on
avance par degrez ; l'on marche
àpas lents , il eft vray ; mais
auffi ils fontplus furs
Mr de Bafville après avoir
fait un détail des travaux de la
Societé Royale pendant l'année derniere , & de ceux auf
quels elle s'attacheroit dans le
cours de celle cy , finit par
l'Eloge du Roy à qui cette
Compagnie doit fon établiſſeDd iij
318 MERCURE
ment & le nom qu'elle s'eft
déja faite parmi tous les Sçavans de l'Europe. Ce Monarque , dit-il , parmi les foins &
lesfatigues d'une guerre onereuſe
& dans laquelle la plus grande
partie de l'Europe eft conjurée contre luy, n'a pas perdu pour cela
le defir qu'il a eu depuis les premieres années de fonregne defaire
fleurirles Sciences dans fes États.
On a sú fe former fous ce regne
glorieux , àjamais memorable
un grand nombre d'Academies
oùſe forment tous les jours lés
jeunes nourriffons des Mules
quis'y exercent pour immortali-
GALANT 319
fer le nom François. Ce grand
Monarque ne fe contente pas ,
ajouta t -il , d'accorder des Privileges , & des établiſſemens confiderables aux Compagnies dont
la culture des Sciences fait tout
L'objet, il les anime encore au travail par fes bienfaits & parſa
Royale liberalité. Le titre de Sçavant en eft un legitime auprés de
ce grandPrince , pour avoir part
àfesgraces & àfes faveurs. On
fe contentoit dans les fiecles precedens d'admirer ces grands genies
pour qui la nature ſembloit s'eſtre
épuisée , mais comme fi on eut
craint qu'une honnefte abondance
320 MERCURE
eut fait perdre la moitié de leur
merite , on les laiffoit dans une
honteuse indigence ; des paroles
des paroles flattenfes eftoient tout
le prixde leurs travaux ; on n'alloitpasplus loin, on auroit crû
en leur faifant du bien les expofer à la tentation de ne plus rien
faire de tomber dans un repos
oifife plein de molleffe . Mais
aujourd'buy graces au grand
Prince qui gouverne la France,les
chofes font bien changées. La récompenfe fuit toujours à prefent
le travail , elle eft accordée fi
à propos & avec tant de prudence
que bien loin de former une ten-
GALANT 321
tation délicate pour celuy qui l'ob
tient , elle ne luyfert que d'aiguil
lon pour avancer dans le progrés
des Sciences. Piquez d'une noble
émulation par les bienfaits du
Prince , ceux qui en font l'objet
ne s'appliquent qu'à les meriter
encore davantage.
Mr Bon le fils , premier
Prefident, en furvivance de Mr
fon pere, de la Cour des Aydes
de Montpellier , parla enfuite;
& aprés avoir loué en peu de
mots Mrde Bafville , qui venoit de parler fi fçavamment
de l'utilité des Sciences , il entretint l'auguſte Aſſemblée qui
322 MERCURE
l'entendoit , d'une découverte
qu'il avoit faite , & dont il
rapporta plufieurs experiences.
Ce fut fur les araignées qu'il
parla long- temps. Ces petits
animaux , dit cet habile Magiſtrat , & ſçavant Academicien , filent une foye qui eft propre aux mefmes usages que celle
des vers , vulgairement appellez
vers à foye ; & il prouva fenfiblement que la føye des araignées eft beaucoup plus abondante celle des vers , pufqu'outre que ceux- cy , dit-il , ne
font que so. œufs , qu'on appelle
vulgairement cocons , les arail
que
GALANT 323
gnées en font 400. Il est vray
qu'à l'égard des araignées , la
moitié franche de leurs œufs fe
perd à caufe de leur petiteffe , &
qu'elles n'achevent leurfoye qu'en
2. ans ; mais enfin quand on reduiroit , à cause de la diminution
causée par la perte ou inutilité de
ces œufs , les 400. à la moitié,
il en refteroit toujours 200.
qu'à cause de la longueur du
temps que les araignées mettent à
filer leurføye , on reduiſe encore
ces 200. œufs à 100. pour faire
quelque comparaison avec ceux
des vers , il fuivra toûjours toutes chofes égaless il en concludque
324 MERCURE
par
les versfaifant so. œufs les araignées 100. celles - cy produisent le
double des vers. Que d'ailleurs
l'avantage que la foye des araignées a pardeffus celle des vers ,
eft qu'elle eft plus fine ,
confequent incomparablement plus
belle. On en a filé par ordre de
Mr le Duc de Noailles pour
faire une paire de bas de foye ,
qui ont efté faits en Languedoc,
&que ce Ducaprefentez à Madame la Ducheffe de Bourgogne.
Cette Princeffe, ainfi que toute la
Cour,les ont trouvez d'une grande beauté &on a avoué qu'on
ne pouvoit rien ajoûter à la fr
GALANT 325
neffe de cet Ouvrage. D'ailleurs
il faut remarquer qu'il n'eft icy
queftion quedes araignées des jardins de celles qui travaillent
en pleine campagne , & les plus
groffes font les meilleures. Mais
la foye n'est pas la feule richeffe
qu'on tire de ces petits animaux,
& MrBon n'apas borné là fes
recherches. On a fait une Analyfe
exacte de ces petits animaux , &
on en a voulu découurir toutes les
proprietez , & ce n'a pas eftéfans
une grande ſurpriſe mêlée de
beaucoup de joye qu'on a éprouvéaprès une Analyfe faite avec
tous les foins imaginables qu'on
土
326 MERCURE
peut tirer des araignées une cau
qui a des vertus admirables , &
dont on peutfaire des gouttes qui
pafferont mefme en bonté celles
d'Angleterre, qui font fi vantées,
dont onfait unfi grand nombre d'ufages. Ce feront des
gouttes aromatiques , reprit ce
fçavant Magiftrat , qui feront
admirables pour la gravelle &
pour les retentions d'urine
faifant vuider le fable. Elles
feront auffi admirables pour fortifier les poulmons foibles ; & ce
feront d'excellentes eaux pulmonaires on pretend , & ce
n'eft pas fans l'avoir éprouvé,
. ,
en
GALANT 327
qu'elles feront auffi bonnes pour
tapoplexie que l'eau des Carmes
fi vantéejufqu'icy. On a décou
vert à l'égard de deux Paralytiques & d'un Epileptique , qu'elLes font tres-propres à ces maladies dangereufes , & contre lef
quelles il y afi peu de remedes.
Tous ceux qui font fujets aux
coliques & aux maux qui les
caufent,ferontfoulagez en ufant
de ces gouttes , avecquelqué methode un certain regime que
la Societe Royale preferira dans
une petite Differtation qu'un habile Medecin de fon Corps fera
fur ce fujet. A l'égard des per-
328 MERCURE
fonnes qui jouiffent d'une fanté
parfaite , elles en peuvent auffi
ufer; elles purifient le fang, &
Le font circuler ; elles fortifient
l'eftomach , elles facilitent la
digeftion. Ceux qui font fujets
à la migraine en peuvent user,
& ils peuvent compter d'eftre
foulagezfur le champ, en obfervant cependant le regime qui fera
marqué dans la Differtation qui
paroiftra au premier jour. Enfin
pour marquer les effets merveilleux de ces gouttes , il n'y a qu'à
dire qu'elles operent & avec autant de fuccés & avec autant de
promptitude que les gouttes d'An-
GALANT 329
gleterre,qu'on nomme les Gouttes
puantes, dont on nefefert cependant que dans les maux defefperez. Mr Bon a donné à ces
gouttes le nom de Gouttes de
Montpellier, & diverfes experiences qu'on a faites de leurs
vertus & de leurs qualitez, leur
ont déja attiré ce nom. Mr
Bon finit fon Difcours en applaudiffant tous les Academiciens fes Confreres , d'avoir
fait une fi belle découverte
dans la naiffance de leur Societé; & il dit qu'un fecret fifalutaire luy faifoit bien augurer
des travaux de tant de fçavans
Janvier 1710. E e
330 MERCURE
hommes qui compofent cette ilLuftre Compagnie. Ce difcours
fut generalement applaudi.
Le P. Vanier Jefuite , habile Poëte, & qui fait imprimer à Lyon un Dictionnaire
Poëtique , a fait une Eglogue
adreffée à Mr Bon , dont je
viens de parler ; dans laquelle
il le felicite fur la belle découverte qu'il vient de faire.
Cette Eglogue eft Latine , ce
qui m'empefche de vous l'envoyer. Elle eft parfaitement
belle.
La declinaifon de l'Aiguille
aimantée fit la matiere d'un
GALANT 331
Difcours qui fuivit celuy de
Mr Bon; & qui fut prononcé
par Mr Clopinel. Cette Declinaiſon eſt un Phenomene des
plus étonnans & dont la connoiffance est en même temps
tres neceffaire pour la Navigation , puifque fi elle varie felon les lieux & felon les temps ,
les Pilotes peuvent fe tromper confiderablement dans le
coursd'une Navigation &dans
la route, qu'ils font tenir aux
Vaiffeaux. On n'embraffa pas
tout-à-fait dans ce Difcours le
Systême de Mr Defcartes , qui
prétend qu'il fort des Poles de
Ecij
33²´MERCURE
la terre une matiere fubtile ime
palpable & inviſible qui circulant autour d'elle fur le plan
des Meridiens y rentre par les
Pole oppofé à celuy d'où elle
eft fortie. La matiere canelée
trouvant dans la ficuation
des pores de l'Aiman un paf
fage pour le traverler , fait
que l'Aiman a deux Poles auffi bien que la Terre ; ainfi
cette matiere rentrant par un
Pole attire le fer. Mais elle
peut changer fon cours felon
la difpofition des parties à travers lefquelles elle s'ouvre un
paffage , & elle en peut eſtre
GALANI 333
détournée felon la figure & la
difpofition de l'Aiguille qui ent
eft touchée. D'ailleurs on a re
marqué que les Obfervations
qu'on peut faire de la variation de l'Aiguille dans les Vaifſeaux font fujettes à beaucoup
d'erreurs à cauſe du fer qui y
eft en grande quantité. Ce Dif
cours fut trouvé plein de recherches & d'érudition.
Le Difcours fuivant & qui
termina l'Aſſemblée , regarda
les Satellites de Saturne , & fut
prononcé par Mr Aftruc. Les
Anciens , dit-il , ne comptoient
que fept Planettes dans noſtre
334 MERCURE
a
Tourbillon , & nous en avons
neuf, quatre Satellites de Fupiter
& cingde Saturne. Galileé à dé
couvert ceux deJupiter, MrCaſ
fini quatre & Mr Huiguens at
taché aufeu Roy Guillaume , un.
Ce dernier foupçonnoit qu'ily
avoit unfixiéme entre la quatriéme e la cinquième , parce que
diftance entre ces Satellites eft trop
grande à proportion des autres.
C'est par les Satellites de Jupiter
que les Aftronomes ont eu le bonheur de trouver les Longitudes
par leurs emerfions & leurs immerfions. L'ufage qu'on tirera de
ceux de Saturne ne fera pas moins
la
1
GALANT 335
confiderable , parce quefiJupiter
n'eſt pas fur l'horiſon pendant la
nuit Saturne y pourra eftre , & en
ce cas les Satellites fuperieurs feront trouver les Longitudes , les
deux premiers eftant fi proches de
la Planette qu'ilsfont prefque im
perceptibles. D'ailleurs leurs revolutions fontficourtes &leurs ċerclesſipreſſez qu'à noftre égard , il
eft rare qu'ilsfortent des rayons de
Saturne étant de plus dans unéloignement du Soleil double de ceux
de Jupiter. Ce Difcours renfermoit plufieurs autres Remarques d'Aftronomie qui plurent
fort à l'illuftre Affemblée. Mi
336 MERCURE
de Bafville refuma à la fin de
chaque Difcours tout ce qui
avoit eſté dit de plus curieux &
de plus intereffant , & il fit admirer en cette occafion la netteté de fon efprit
vous n'attendiez pas fans doute
ce mois-cy ; mais fçachant
voftre curiofité fur ce qui regarde la Societé Royale des
Sciences de Montpellier , j'ay
fi bien pris mes mefures que
je vous en envoye un Article
digne
GALANT 313
digne de voftre curiofité &
de celle de tout le Public. Cette Societé a tenu fa Seance publique pendant l'Affemblée
des Etats de Languedoc , qui
l'ont honorée de leur prefence.
Mr de Bafville Confeiller d'Etat &Intendant de Languedoc
y prefida comme Academicien
Honoraire; & il en fit l'ouverture par un Difcours qui reçûr de grands aplaudiffemens.
Il parla des Sciences en general
& de l'utilité que les hommes
recevoient à s'y attacher ; il
s'apliqua fur tout à prouver
le bien que fit l'étude de la
Fanvier 1710.
Dd
314 MERCURE
Philofophie. Dans les premiers
fiecles du Paganifme , dit-il ,
cette étude faifoit les délices des
grands hommes de ces temps éloignez e même dans la naiffance
du Chriftianifme l'estime fut fi
prodigieufe pour Platon qu'on
regardoit alors comme l'Oracle de
la Philofophie , qu'on le mettoit
prefque enparallele avec les Prophetes,& qu'on pritfe:Ouvrages
pour des Commentaires de l'E
criture , puifqu'on conçut longtemps la nature du Verbe, comme
il l'avoit conçue. Il remarqua
enfuite que rien ne pouvoit .
tant contribuer au progrés
GALANT 315
des Sciences que les Affemblées des gens de Lettres ; il
parcourut tous les ficcles où
l'on en avoit vû ; & il dit qu'il
y avoit du temps des Empereurs
Romains diverfes Chapelles de
Minerve à Rome qui fervoient à
fortes d'Affemblées , & où
les Orateurs recitoient leurspieces,
& c'eſt ce que le Scholiafte d'Horace nomme Athenæa , felon la
coûtume defon temps , auquel ce
mot fignifioit un Auditoire.
L'Empereur Adrien dans le
deuxième fiecle fit bâtir un Auditoire qu'on nomma auſſi. Athenæum , & il continua d'avoir
Ddij
316 MERCURE
foin des Ecoles publiques à l'imi
·tation & Augufte le fecond des
Cefars qui avoit fait bâtir l'Ecole d'Octavie jointe à unportique ainsi que le R. P. Ardouin
Jefuite nous l'aprend dans fes
Stavantes notes fur Pline
avantluy le celebre GerardJean
Voffius , dansfon Lirure de l'Imitation. En parlant enfuite des.
travaux de la Societé Royale,
il dit qu'elle ne prononce point de
decifions , & qu'elle ne forme
point de fyfteme ; mais qu'elle
propofe des experiences & des
obfervations, laiffant aupublic le
foin de les rectifier , & la liberté
GALANT 317
de les contre-dire pour aller plus
loin dans le Pays des découvertes.
Rien en effect, ajouta- t - il n'eſt
pluspropre à contribuerau progrés
des Sciences , que des experiences
repetées réiterées. Par là on
avance par degrez ; l'on marche
àpas lents , il eft vray ; mais
auffi ils fontplus furs
Mr de Bafville après avoir
fait un détail des travaux de la
Societé Royale pendant l'année derniere , & de ceux auf
quels elle s'attacheroit dans le
cours de celle cy , finit par
l'Eloge du Roy à qui cette
Compagnie doit fon établiſſeDd iij
318 MERCURE
ment & le nom qu'elle s'eft
déja faite parmi tous les Sçavans de l'Europe. Ce Monarque , dit-il , parmi les foins &
lesfatigues d'une guerre onereuſe
& dans laquelle la plus grande
partie de l'Europe eft conjurée contre luy, n'a pas perdu pour cela
le defir qu'il a eu depuis les premieres années de fonregne defaire
fleurirles Sciences dans fes États.
On a sú fe former fous ce regne
glorieux , àjamais memorable
un grand nombre d'Academies
oùſe forment tous les jours lés
jeunes nourriffons des Mules
quis'y exercent pour immortali-
GALANT 319
fer le nom François. Ce grand
Monarque ne fe contente pas ,
ajouta t -il , d'accorder des Privileges , & des établiſſemens confiderables aux Compagnies dont
la culture des Sciences fait tout
L'objet, il les anime encore au travail par fes bienfaits & parſa
Royale liberalité. Le titre de Sçavant en eft un legitime auprés de
ce grandPrince , pour avoir part
àfesgraces & àfes faveurs. On
fe contentoit dans les fiecles precedens d'admirer ces grands genies
pour qui la nature ſembloit s'eſtre
épuisée , mais comme fi on eut
craint qu'une honnefte abondance
320 MERCURE
eut fait perdre la moitié de leur
merite , on les laiffoit dans une
honteuse indigence ; des paroles
des paroles flattenfes eftoient tout
le prixde leurs travaux ; on n'alloitpasplus loin, on auroit crû
en leur faifant du bien les expofer à la tentation de ne plus rien
faire de tomber dans un repos
oifife plein de molleffe . Mais
aujourd'buy graces au grand
Prince qui gouverne la France,les
chofes font bien changées. La récompenfe fuit toujours à prefent
le travail , elle eft accordée fi
à propos & avec tant de prudence
que bien loin de former une ten-
GALANT 321
tation délicate pour celuy qui l'ob
tient , elle ne luyfert que d'aiguil
lon pour avancer dans le progrés
des Sciences. Piquez d'une noble
émulation par les bienfaits du
Prince , ceux qui en font l'objet
ne s'appliquent qu'à les meriter
encore davantage.
Mr Bon le fils , premier
Prefident, en furvivance de Mr
fon pere, de la Cour des Aydes
de Montpellier , parla enfuite;
& aprés avoir loué en peu de
mots Mrde Bafville , qui venoit de parler fi fçavamment
de l'utilité des Sciences , il entretint l'auguſte Aſſemblée qui
322 MERCURE
l'entendoit , d'une découverte
qu'il avoit faite , & dont il
rapporta plufieurs experiences.
Ce fut fur les araignées qu'il
parla long- temps. Ces petits
animaux , dit cet habile Magiſtrat , & ſçavant Academicien , filent une foye qui eft propre aux mefmes usages que celle
des vers , vulgairement appellez
vers à foye ; & il prouva fenfiblement que la føye des araignées eft beaucoup plus abondante celle des vers , pufqu'outre que ceux- cy , dit-il , ne
font que so. œufs , qu'on appelle
vulgairement cocons , les arail
que
GALANT 323
gnées en font 400. Il est vray
qu'à l'égard des araignées , la
moitié franche de leurs œufs fe
perd à caufe de leur petiteffe , &
qu'elles n'achevent leurfoye qu'en
2. ans ; mais enfin quand on reduiroit , à cause de la diminution
causée par la perte ou inutilité de
ces œufs , les 400. à la moitié,
il en refteroit toujours 200.
qu'à cause de la longueur du
temps que les araignées mettent à
filer leurføye , on reduiſe encore
ces 200. œufs à 100. pour faire
quelque comparaison avec ceux
des vers , il fuivra toûjours toutes chofes égaless il en concludque
324 MERCURE
par
les versfaifant so. œufs les araignées 100. celles - cy produisent le
double des vers. Que d'ailleurs
l'avantage que la foye des araignées a pardeffus celle des vers ,
eft qu'elle eft plus fine ,
confequent incomparablement plus
belle. On en a filé par ordre de
Mr le Duc de Noailles pour
faire une paire de bas de foye ,
qui ont efté faits en Languedoc,
&que ce Ducaprefentez à Madame la Ducheffe de Bourgogne.
Cette Princeffe, ainfi que toute la
Cour,les ont trouvez d'une grande beauté &on a avoué qu'on
ne pouvoit rien ajoûter à la fr
GALANT 325
neffe de cet Ouvrage. D'ailleurs
il faut remarquer qu'il n'eft icy
queftion quedes araignées des jardins de celles qui travaillent
en pleine campagne , & les plus
groffes font les meilleures. Mais
la foye n'est pas la feule richeffe
qu'on tire de ces petits animaux,
& MrBon n'apas borné là fes
recherches. On a fait une Analyfe
exacte de ces petits animaux , &
on en a voulu découurir toutes les
proprietez , & ce n'a pas eftéfans
une grande ſurpriſe mêlée de
beaucoup de joye qu'on a éprouvéaprès une Analyfe faite avec
tous les foins imaginables qu'on
土
326 MERCURE
peut tirer des araignées une cau
qui a des vertus admirables , &
dont on peutfaire des gouttes qui
pafferont mefme en bonté celles
d'Angleterre, qui font fi vantées,
dont onfait unfi grand nombre d'ufages. Ce feront des
gouttes aromatiques , reprit ce
fçavant Magiftrat , qui feront
admirables pour la gravelle &
pour les retentions d'urine
faifant vuider le fable. Elles
feront auffi admirables pour fortifier les poulmons foibles ; & ce
feront d'excellentes eaux pulmonaires on pretend , & ce
n'eft pas fans l'avoir éprouvé,
. ,
en
GALANT 327
qu'elles feront auffi bonnes pour
tapoplexie que l'eau des Carmes
fi vantéejufqu'icy. On a décou
vert à l'égard de deux Paralytiques & d'un Epileptique , qu'elLes font tres-propres à ces maladies dangereufes , & contre lef
quelles il y afi peu de remedes.
Tous ceux qui font fujets aux
coliques & aux maux qui les
caufent,ferontfoulagez en ufant
de ces gouttes , avecquelqué methode un certain regime que
la Societe Royale preferira dans
une petite Differtation qu'un habile Medecin de fon Corps fera
fur ce fujet. A l'égard des per-
328 MERCURE
fonnes qui jouiffent d'une fanté
parfaite , elles en peuvent auffi
ufer; elles purifient le fang, &
Le font circuler ; elles fortifient
l'eftomach , elles facilitent la
digeftion. Ceux qui font fujets
à la migraine en peuvent user,
& ils peuvent compter d'eftre
foulagezfur le champ, en obfervant cependant le regime qui fera
marqué dans la Differtation qui
paroiftra au premier jour. Enfin
pour marquer les effets merveilleux de ces gouttes , il n'y a qu'à
dire qu'elles operent & avec autant de fuccés & avec autant de
promptitude que les gouttes d'An-
GALANT 329
gleterre,qu'on nomme les Gouttes
puantes, dont on nefefert cependant que dans les maux defefperez. Mr Bon a donné à ces
gouttes le nom de Gouttes de
Montpellier, & diverfes experiences qu'on a faites de leurs
vertus & de leurs qualitez, leur
ont déja attiré ce nom. Mr
Bon finit fon Difcours en applaudiffant tous les Academiciens fes Confreres , d'avoir
fait une fi belle découverte
dans la naiffance de leur Societé; & il dit qu'un fecret fifalutaire luy faifoit bien augurer
des travaux de tant de fçavans
Janvier 1710. E e
330 MERCURE
hommes qui compofent cette ilLuftre Compagnie. Ce difcours
fut generalement applaudi.
Le P. Vanier Jefuite , habile Poëte, & qui fait imprimer à Lyon un Dictionnaire
Poëtique , a fait une Eglogue
adreffée à Mr Bon , dont je
viens de parler ; dans laquelle
il le felicite fur la belle découverte qu'il vient de faire.
Cette Eglogue eft Latine , ce
qui m'empefche de vous l'envoyer. Elle eft parfaitement
belle.
La declinaifon de l'Aiguille
aimantée fit la matiere d'un
GALANT 331
Difcours qui fuivit celuy de
Mr Bon; & qui fut prononcé
par Mr Clopinel. Cette Declinaiſon eſt un Phenomene des
plus étonnans & dont la connoiffance est en même temps
tres neceffaire pour la Navigation , puifque fi elle varie felon les lieux & felon les temps ,
les Pilotes peuvent fe tromper confiderablement dans le
coursd'une Navigation &dans
la route, qu'ils font tenir aux
Vaiffeaux. On n'embraffa pas
tout-à-fait dans ce Difcours le
Systême de Mr Defcartes , qui
prétend qu'il fort des Poles de
Ecij
33²´MERCURE
la terre une matiere fubtile ime
palpable & inviſible qui circulant autour d'elle fur le plan
des Meridiens y rentre par les
Pole oppofé à celuy d'où elle
eft fortie. La matiere canelée
trouvant dans la ficuation
des pores de l'Aiman un paf
fage pour le traverler , fait
que l'Aiman a deux Poles auffi bien que la Terre ; ainfi
cette matiere rentrant par un
Pole attire le fer. Mais elle
peut changer fon cours felon
la difpofition des parties à travers lefquelles elle s'ouvre un
paffage , & elle en peut eſtre
GALANI 333
détournée felon la figure & la
difpofition de l'Aiguille qui ent
eft touchée. D'ailleurs on a re
marqué que les Obfervations
qu'on peut faire de la variation de l'Aiguille dans les Vaifſeaux font fujettes à beaucoup
d'erreurs à cauſe du fer qui y
eft en grande quantité. Ce Dif
cours fut trouvé plein de recherches & d'érudition.
Le Difcours fuivant & qui
termina l'Aſſemblée , regarda
les Satellites de Saturne , & fut
prononcé par Mr Aftruc. Les
Anciens , dit-il , ne comptoient
que fept Planettes dans noſtre
334 MERCURE
a
Tourbillon , & nous en avons
neuf, quatre Satellites de Fupiter
& cingde Saturne. Galileé à dé
couvert ceux deJupiter, MrCaſ
fini quatre & Mr Huiguens at
taché aufeu Roy Guillaume , un.
Ce dernier foupçonnoit qu'ily
avoit unfixiéme entre la quatriéme e la cinquième , parce que
diftance entre ces Satellites eft trop
grande à proportion des autres.
C'est par les Satellites de Jupiter
que les Aftronomes ont eu le bonheur de trouver les Longitudes
par leurs emerfions & leurs immerfions. L'ufage qu'on tirera de
ceux de Saturne ne fera pas moins
la
1
GALANT 335
confiderable , parce quefiJupiter
n'eſt pas fur l'horiſon pendant la
nuit Saturne y pourra eftre , & en
ce cas les Satellites fuperieurs feront trouver les Longitudes , les
deux premiers eftant fi proches de
la Planette qu'ilsfont prefque im
perceptibles. D'ailleurs leurs revolutions fontficourtes &leurs ċerclesſipreſſez qu'à noftre égard , il
eft rare qu'ilsfortent des rayons de
Saturne étant de plus dans unéloignement du Soleil double de ceux
de Jupiter. Ce Difcours renfermoit plufieurs autres Remarques d'Aftronomie qui plurent
fort à l'illuftre Affemblée. Mi
336 MERCURE
de Bafville refuma à la fin de
chaque Difcours tout ce qui
avoit eſté dit de plus curieux &
de plus intereffant , & il fit admirer en cette occafion la netteté de fon efprit
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Résumé : Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
Lors d'une séance publique de la Société Royale des Sciences de Montpellier, tenue pendant l'Assemblée des États de Languedoc, Monsieur de Basville, Conseiller d'État et Intendant de Languedoc, présida la séance en tant qu'Académicien Honoraire. Il prononça un discours sur l'utilité des sciences, soulignant l'importance des assemblées de gens de lettres pour le progrès scientifique. Il cita des exemples historiques comme les chapelles de Minerve à Rome et l'Athénée construit par l'empereur Adrien. Monsieur de Basville évoqua également les travaux de la Société Royale, qui se concentrent sur des expériences et des observations, laissant au public le soin de les rectifier. Il loua le roi pour son soutien aux sciences et aux académies, ainsi que pour les privilèges accordés aux savants. Monsieur Bon, fils du premier président de la Cour des Aides de Montpellier, présenta ensuite ses découvertes sur les araignées. Il démontra que la soie des araignées est plus abondante et fine que celle des vers à soie, et rapporta des expériences menées sur ordre du duc de Noailles. Il mentionna également une huile extraite des araignées, utilisée pour fabriquer des gouttes médicinales efficaces contre diverses maladies. Le Père Vanier, jésuite et poète, composa une églogue en latin pour féliciter Monsieur Bon. La séance se poursuivit avec des discours de Monsieur Clopinel sur la déclinaison de l'aiguille aimantée et de Monsieur Astruc sur les satellites de Saturne. Ces discours apportèrent des connaissances essentielles pour la navigation et l'astronomie. À la fin de chaque discours, une personne nommée Bafville résumait les points les plus intéressants et marquants abordés, mettant en évidence la clarté et la vivacité de son esprit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 145-206
PARAPHRASE ou Explication du Tableau de la Vie humaine de Cebés Tébain de Grece disciple de Socrate, & Philosophe moral. Où l'on a suivi le sens de l'Autheur le plus exactement qu'il a esté possible, sans s'éloigner de l'esprit general de tous les peuples.
Début :
Cebés nous represente d'abord la vie humaine sous la [...]
Mots clefs :
Paraphrase, Cébès, Tableau de la vie humaine, Philosophes, Hommes, Vertus, Maux, Sciences, Chemin, Femmes, Monde, Savoir, Génie, Fortune, Courtisanes, Vices, Malheur, Moeurs et coutumes, Félicité, Leçons, Santé, Esprit, Conception, Volonté
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PARAPHRASE ou Explication du Tableau de la Vie humaine de Cebés Tébain de Grece disciple de Socrate, & Philosophe moral. Où l'on a suivi le sens de l'Autheur le plus exactement qu'il a esté possible, sans s'éloigner de l'esprit general de tous les peuples.
PARAPHRASE
on Explication du Tableau
de la Vie humaine de Cebés
Tébain de Grece , difciple
de Socrate ,
moral.
Philofophe
Où l'on a fuivi lefens de l'Autheur le plus exactement
qu'il a efté poffible , fans
s'éloigner de l'efprit general
de tous les peuples.
CEbés nous reprefente
d'abord la vie humainefous
la figure d'un grand parc
qui renferme plufieurs reduits , avec des perfonnes
1712. Octobre. N
146 MERCURE
de toutes efpeces , tant à
l'entrée qu'au dedans de
chacun. Mais avant que de
propofer fon embléme , de
l'intelligence duquel il prétend que dépend noftre
bonheur ou noftre malheur ;il prend foin de nous
avertir , que noftre ignorance eft une espece de
Sphinx à noftre égard , par
la connoiffance obfcure &
ambiguë qu'elle nous propoſe du bien & du mal, ou
de ce qui peut eftre regardé comme de foy - mefme
indifferent. Car cette con-
GALANT. 147
noiffance devient pour
nous une énigme , laquelle
faute de pouvoir eftre penetrée, nous rend malheureux le reste de nos jours.
Au lieu que fi nous nous
appliquons à en découvrir
le fecret , nous pouvons efperer une vie exempte de
tous maux & veritable
ment heureuſe.
Noftre Philofophe nous
fait voir enſuite une grande multitude d'hommes &
de femmes à la porte de de
parc , qui fe preſentent
pour y entrer , & qui nous
Nij
148 MERCURE
marquent les enfans avant
qu'ils fortent du ventre de
leur mere pour venir au
monde. Au milieu de cet- :
te multitude on voit le Genie ou l'Intelligence , à qui
l'Autheur de la nature a
commis ( felon Cebés ) le
foin de noftre naiſſance ,
fous la figure d'un fagevieillard , qui enfeigne aux
uns & aux autres la maniere dont ils doivent fe
comporter lorfqu'ils feront
entrez dans la vie , & le
chemin qu'ils doivent teir pour y eftre heureux,
3
GALANT. 149
Mais à peine ces nouveaux
nez ont-ils paffé la porte
du parc , qu'ils oublient en
peu de temps les bonnes
leçons qu'ils ont receuës de
leur Genie ; car la convoitife qu'ils rencontrent
l'entrée de ce lieu , dont
elle eft comme la Reine , &
où elle préfide comme
dans fon throfne , les feduit bien - toft en leur faifant avaler dans une coupe qu'elle leur prefente ,
l'erreur & Pignorance. Les
nouveaux nez munis de ces
deux paffeports , s'avancent
N iij
150 MERCURE
**
dans le parc comme des
hommes enchantez les uns
plus les autres moins , à
proportion qu'ils en ont
beu. Mais ils ne vont pas
fort loin , que voicy une
troupe de femmes agreables de toutes fortes de figures qui les environnent ,
& les embraffent avec empreffement ; & ce font les
opinions , les defirs , & les
delices , par lesquelles ils
fe laiffent tous entraifner.
Les unes les emmennent
dans le chemin de la felicité , les autres dans celuy
GALANT. II
du malheur & de la perdition après les avoir feduites. Car les unes & les autres leur promettent à la
verité une vie heureuſe &
tranquille ; mais parce qu'
ils ont avalé le poiſon de
l'ignorance & de l'erreur ,
ceux qui ont efté feduits
paffent leur vie à errer ça
& là comme des perfonnes yvres , fans pouvoir jamais trouver le chemin qui
devroit les conduire au vrai
bonheur.
Cebés nous fait voir enfuite au milieu du Parcune
N iiij
152 MERCURE
eſpece de Divinité ſous la
figure d'une femme , que
l'aveuglement des hommes
a dépeinte fans yeux , &
comme fourde , & mefme
capricieuſe , parce qu'elle
enrichit les uns des biens
de ce monde , & qu'elle
ofte aux autres ceux mefme qu'elle leur avoit donnez & cela felon fa volonté, & fuivant des decrets
impenetrables. Ils l'ont
nommée la Fortune , & ont
figuré l'inconftance de fes
faveurs par une boule fur
laquelle ils la font mar-
GALANT. 153
cher à caufe des difgraces
qu'éprouvent tous les jours
ceux qui mettent leur efperance dans les biens de la
vie. Il nous reprefente donc
cette fortune comme environnée d'une grande multitude de ces hommes enyvrez du poiſon de la convoitife, qu'il nomme les ambitieux. Tous luy preſentent leurs requeſtes , mais
elle écoute les uns & rejette les autres , ce qui rend
leurs vifages tous differens ;
les uns paroiffants tres -joyeux , & les autres fort
154 MERCURE
triftes . Les premiers ſont
ceux dont les demandes
ont efté receuës favorablement , & ceux-cy la nomment bonne fortune. Les
derniers au contraire levent leurs mains vers elle
tout éplorez , parce qu'elle leur a mefme ofté ce
qu'elle leur avoit autrefois
accordé , pour le donner à
d'autres , & à caufe de cela
ils l'appellent mauvaiſe fortune. Ornoftre Philoſophe
nous fait remarquer que
ces biens qui attriſtent fi
fort les uns & réjoüiſſent
1
GALANT. ISS
4
tant les autres , font les richeffes , les honneurs , la
qualité , les defcendants ,
les commandements , les
Couronnes , & generalement tous les biens temporels ou du corps , qu'il
prétend n'eftre pas de veritables biens ; parce qu'ils
ne nous rendent en rien
plus parfaits , comme il effaye de le démontrer fur
la fin de fon emblême.
༣.
De là il nous conduit à
un premier reduit , & nous
fait voir plufieurs femmes
à la porte , parées comme
156 MERCURE,
des courtisannes , l'une fe
nomme l'intemperance ,
l'autre la luxure , une autre
l'avarice , une autre l'ambition , &c. Elles font toutes
là comme en ſentinelle ,
pour remarquer ceux à qui
la Fortune a efté favorable ,
& qu'elle a enrichis de fes
dons. Dès qu'elles en apperçoivent quelqu'un , elles
courent à luy , elles le careffent & l'embraffent , &
font tant par leurs flatteries , qu'elles l'engagent à
entrer dans leur azile, en lui
promettant une vie tran-
GALANT. 157
quille , exempte de tout ennuy , & remplie de delices.
Ceux qui font affez inconfiderez pour fe laiffer aller
No
aux promeffes de ces Sirenes , gouftent à la verité
les plaifirs de la vie pendant
un temps , ou du moins
croyent les goufter ; mais
quand par la fuite du temps
ils réfléchiffent ferieufe-'
ment fur cette maniere de
vivre , ils s'apperçoivent
qu'ils ont efté feduits ; que
ce qu'ils ont creu de folides plaiſirs , n'en avoient
tout au plus que l'apparen-
158 MERCURE
ce ; & qu'en un mot ils en
font la dupe , par la honte
qu'ils leur ont attirée , & les
malheurs où ils les ont précipitez. Car aprés avoir
confommé avec ces Courtiſannes tous les biens qu'ils
avoient receuës de la Fortune , ils fe trouvent malheureuſement reduits à devenir leurs efclaves , & à
commettre toutes les baf
feffes, & tous les crimes auf
quels ces cruelles maiftreffes les engagent. Ainfi ils
deviennent des affronteurs,
des facrileges, des parjures,
GALANT. 159
des traiftres , des larrons
& tout ce qu'on peut imaginer de plus mauvais,
A
#
>
Enfin cette vie mifera
ble n'a qu'un temps , mefme fouvent fort court
après lequel ( dit Cébés ) la
vengeance du Ciel éclate
fur eux ; alors il les livre à
la punition , que ce Philofophe nous reprefente fous
la figure d'une femme couverte de haillons , & fort
défigurée , tenant un foüet
en la main. Elle paroift
dans ce premier reduit à la
porte d'une efpece de ca-
>
160 MERCURE
chot , ou lieu ténebreux ,
dont l'afpect fait horreur ,
ayant pour compagnes la,
trifteffe , & l'angoiffe. I '
nous dépeint la premiere
la tefte panchée jufques fur
fes genoux , & la derniere
s'arrachant les cheveux.
Elle a encore pour, voiſins
les pleurs & le defefpoir
qui font des perfonnages
difformes , extenuez , tous
nuds , & horribles à voir.
C'eft entre les mains de
ces derniers qu'ils font li
vrez en dernier reffort ,
après avoir effuyé toute la
fureur
GALANT. 161
fureur des premieres . Alors
ils fe voyent accablez de
tourments & de maux , &
reduits à paffer le refte de
leurs jours dans ce cachot
affreux de la maniere la
plus miferable ; c'eſt pour
cela qu'il nomme cette pri
fon le fejour du malheur
Dans ce funefte eftat no
ftre Philofophe ne leur laiffe qu'une feule reſſource
fçavoir qu'enfin le Ciel ait
pitié d'eux , & leur envoye
le repentir pour les retirer
du gouffre de malheur où
ils fontplongez. Or le preOctobre. 1712. O
162 MERCURE
mier effet que cet heureux
repentir produit en eux , eft
de chaffer ces mauvaiſes
préventions dont ils s'eftoient laiffez préoccuper
dans leur jeuneffe , & de
leur fuggerer de plus juftes
opinions , & des defirs plus
raifonnables. Alors ils fe
trouvent avoir de l'eftime
& de l'inclination pour les
ſciences ; heureux s'ils font
affez aviſez pour choiſir la
veritable , je veux dire celle
qui enfeigne aux hommes
à regler leurs mœurs , &
qu'on appelle pour cette
GALANT. 163
raifon la Morale ! car cette
morale les purifie infailliblement de toutes leurs ha
bitudes vicieuſes , & les met
en eftat de paffer le reſte
de leur vie dans le repos &
dans la felicité , à l'abry de
tous leurs maux paffez.
Mais s'ils font au contraire affez imprudens pour
fe laiffer efbloüir par l'éclat
de la vaine ſcience , & de
la fauffe reputation , noſtre
Philofophe nous fait voir
un fecond reduit , à l'entrée.
duquel paroift une femme
fort parée , & tres- enga
O ij
164 MERCURE
geante, que les petits efprits
& le commun des hommes
nomment la ſcience , quoyque ce ne foit que la vaine
fcience. Car la plupart de
ceux qui dès l'entrée de la
vie ont fuivi la bonne route , ou ceux que le repentir
a retirez de la maifon du
malheur , defirant s'occuper le refte de leur vie aux
ſciences , donnent ordinai.
rement dans cette fauffe
ſcience. Auffi cet afile eftil rempli de Poëtes , d'Orateurs , de Dialecticiens ,
de Muficiens , d'Arithme
GALANT. 165
ticiens,de Géometres, d'Af
trologues, d'Epicuriens , de
Peripateticiens , de Critiques , & de quantité de
gens de cette nature , par-.
mi lefquels on voit encore
de ces Courtifannes du premier reduit , comme l'incontinence , l'intemperance , & leurs autres compagnes. Car ces fortes de
Sçavants en font auffi fouvént les esclaves , quoyque
plus rarement, parce qu'ils
ont plus de foin de s'occuper que les autres . Les préventions ou fauffes opi-
166 MERCURE
nions s'y meſlent auſſi , à
caufe dupoifon que la convoitife leur a fait avaler en
entrant dans la vie , qui les
empefche de connoiſtre
leur ignorance, pour ne pas
dire leur erreur. Et il n'y a
point pour eux , ſelon noftre Philofophe , d'autre
moyen de s'arracher des
pieges de ces mauvaiſes
amies , que de renoncer
pour jamais à la vaine ſcience ; car avec fon feul fe-.
cours ils ne doivent pas efperer de s'affranchir jamais
de leur joug , ny d'éviter les
GALANT. 167
malheurs de la vie.
Mais s'ils font affez heureux de rentrer dans le chemin de la verité , elle leur
fera ( dit - il ) goufter d'un
breuvage qui les purgera de
tous leurs vices , & de toutes leurs erreurs , & qui enfin les mettra dans un eſtat
de fecurité. C'eftpour cela
que noftre Philofophe nous
fait enviſager dans fon tableau un troifiéme reduit
plus élevé que les précedents , mais defert , & habité d'un tres-petit nombre
d'hommes ; la porte en eft
168 MERCURE
*
eftroite , & le chemin pour
y arriver fort ferré , & peu
frequenté ; il paroiſt de
plus difficile & efcarpé.
C'eft le chemin de la veritable ſcience , duquel l'af
pect a quelque chofe de
rude & d'effrayant. Il nous
reprefente à l'entrée de ce
lieu deux femmes d'une
fantéparfaite, pleines d'embonpoint & de vigueur
affifes fur une roche élevée ,
& escarpée de tous coſtez ,
qui tendent la main aux
paffants d'un air affable , &
avec un viſage plein de ſerenité :
f
GALANT. 169
renité ; l'une d'elle fe nomme la conftance , & l'autre
la continence. Ce font deux
fœurs toutes aimables , qui
invitent les paſſants à s'approcher d'elles , à s'armer
de courage , & à ne ſe laiffer
pas vaincre par une laſche
timidité , leur promettant
de les faire entrer dans un
chemin de delices , aprés
qu'ils auront furmonté
quelques legeres difficultez , qui feront bien toft
diffipées . Et pour leur en
faciliter le moyen , elles
veulent bien defcendre
Octobre.
1712. Р
170 MERCURE
quelques marches de ce
précipice où elles font , afin
de leur donner la main , &
de les attirer au deffus.
Là elles les font reſpirer
en leur donnant pour compagnes la force & l'efperance , & leur promettant
de les faire bien- toft arri-:
ver à la veritable ſcience.
Et pour les encourager davantage , elles leur font enviſager combien le chemin
en eft agréable , aisé , &
exempt de tous dangers.
Ce chemin conduit à un
quatriéme & dernier re-
GALANT. 171
*
duit renfermé dans le précedent; c'eft un fejour char-
'mantfemblable à une grande prairie , & fort éclairée
des rayons du Soleil ; on le
nomme le fejour des hom
mes heureux , parce que
toutes les vertus y habitent ,
& que c'est la demeure de
la felicité. Il paroiſt à l'entrée une Dame fort gra
cieuſe avec un viſage égal ,
& dans un âge peu avancé;
fon habit eft fimple &fans
ornemens eftrangers ; elle
eft affife fur une pierre ferme & d'une large affiette ;
Pij
172 MERCURE
c'efl la veritableſcience qui
eft accompagnée de ces
deux filles , dont une s'ap-:
pelle la verité , & l'autre la
perfuafion. Son fiege tefmoigne affez qu'il eft feur
de le fier à elle , & que fes
biens font conftants. Mais
qui font ces biens ( dit Cebés ) ce font la confiance ,
la privation d'ennuis , la
conviction que rien ne peut
deformais leur nuire. Or
cette honnefte mere eft à
l'entrée de cet afile pour
guerir les hoftes qui luy arrivent , enleur faifant pren-
GALANT. 173
-dreune potion cordiale qui
les purifie de toutes les imperfections qu'ils avoient
contractées en paſſant par
les premiers reduits , telles
que l'ignorance , l'erreur ,
la prévention , l'arrogance,
l'incontinence , la colere ,
l'avarice , & les autres vices : après quoy elle les
fait entrer dans le fejour
des vertus.
Or noftre Philofophe
nous reprefente ces vertus
fous la forme de Damesfages & belles , fans aucun
fard ny ajuftemens , en un
P iij
174 MERCURE
motfort differentes des premieres ; on les nomme la
pieté , la juftice , l'integrité , la temperance , la modeftie , la liberalité , la clemence , &c. Après donc
que les vertus ont admis
ces nouveaux hoftes dans
leur focieté , elles n'en demeurent pas là ; mais Cebés nous fait enviſager une
eſpece de donjon en forme
de citadelle au milieu de
ce dernier reduit , & fur
l'endroit le plus eflevé ; c'eſt
le palais de la felicité , la
mere de toutes les vertus ;
GALANT. 175
c'eft dans ce fejour heureux qu'elles les introduifent pour les prefenter à
leur mere. Au refte il dépeint cette mere comme
une Reine affife fur un
throfne à l'entrée de fon
palais , qui eftant parfaitement belle , & dans un âge
de confiſtance , eſt ornée
d'une manière honnefte ;
& fans fafte , ayant la tefte
ceinte d'une couronne de
fleurs , avecun air plein de
majefté. Cette Dame &
fes filles les vertus couronnent ceux qui s'élevent juf
P
iiij
176 MERCURE
ques à elles , comme des
Héros qui ont remporté de
grandes victoires fur diffe .
rens monftres qui leur faifoient la guerre ; & elles
leur adjouftent de nouvelles forces pour domptér
des ennemis , qui auparavant les reduifoient en fervitude , & les dévoroient
aprés leur avoir fait fouffrir
plufieurs divers tourments.
Ces monftres font l'ignorance & l'erreur , la douleur , & la trifteffe , l'avarice , l'intemperance , & en
general tous les vices. Ce
GALANT. 177
font là les ennemis aufquels
ils commandent dorefnavant; bien loin de leur obeir
&de leur eftre foumis comme autrefois. Mais ce n'eft
pas tout cette couronne
que nos Héros ont receuë ,
outre la force qu'elle leur
donne , les rend encore
bienheureux, & les affran
chit de tous les maux de la
vie , en leur apprenant à ne
plus mettre leur felicité
dans les biens paffagers ,
mais uniquement dans la
poffeffion de la vertu , &
dans la joye de la bonne
confcience.
178 MERCURE
Apres que ces hommes
vertueux ont efté ainfi couronnez , Cebés les fait revenir accompagnez de toutes les vertus dans les lieux
par où ils ont paffé autrefois. Là ces fages guides
leur font voir tous ceux qui
menent une vie miſerable,
errants çà là , tousjours
prefts à faire nauffrage , &
tousjours esclaves de leurs
ennemis , les uns de l'incontinence , d'autres de la
fuperbe , les autres de l'avarice , ou du defir de la
vaine gloire , d'autres enfin
GALANT. 179
"
par d'autres vices fans
pouvoir jamais d'eux- meſmes s'affranchir de leur fervitude , ny parvenir au ſejour des vertus , & au palais de la felicité.. La caufe de ce malheur , ( dit noſtre Philofophe ) vient de
ce qu'ils ont oublié le chemin que leur Génie tuter
laire leur avoit enfeigné, &
les préceptes qu'il leur avoit
donnez avant qu'ils entraf
fent dans le monde. C'eſt
alors que ces nouveaux éleves prennent une veritable connoiffance du bien
180 MERCURE
& du mal ; au lieu de l'ignorance & de l'erreur où
ils avoient vefcu pendant
leur aveuglement , qui leur
faifoit eftimer un bien ce
qui veritablement eftoit un
mal , & prendre pour un
mal ce qui eftoit un bien ,
& les engageoit par là dans
une vie déreglée & perverfe , & cette connoiffance
regle leurs mœurs , & les
fait profiter des folies des
autres. Aprés quoy , dit
Cebés , ils peuvent aller
fans crainte où ils veulent ,
parce qu'ils font par tout
GALANT. 181
,
à l'abri de leurs ennemis ,
& qu'en quelque lieu qu'ils
aillent ils font affeurez d'y
vivre dans la droiture de
cœur & dans l'amour de
la vertu , exempts de tout
peril & de toutes fortes de
maux. De plus chacun fe
fait un plaifir, de les recevoir, comme un malade en
reffent lorfque fon medecin
le vient voir. Outre qu'ils
n'ont plus à craindre ces
beftes fauvages qui leur faifoient auparavantuneguerre fi cruelle ; puifque ny
la douleur , ny les chagrins,
182 MERCURE
ny l'incontinence , ny l'avarice, ny la pauvreté n'ont
plus aucun pouvoir fur leur
efprit pour luy faire perdre
l'amour de la verité.
Cebés nous fait remarquer enfuite une autre ef
pece d'hommes qui defcendent auffi de l'afile des vertus fans aucunes couronnes , mais au contraire avec
des vifages de defefperez ,
des cheveux arrachez , &
quifont enchaifnez par des
femmes. Ce font ou ceux
qui eftant arrivez à la veritable ſcience , en ont efté
GALANT. 18 ;
mal receus , comme en eftant indignes ; ou ceux qui
ont manqué de courage
lorfqu'ils ontvoulu s'eflever
fur la roche , où la conf
tance les invitoit de monter , & qui ayant lafché le
pied honteufement , demeurent vagabonds , fans
fçavoir où ils doivent aller.
Les uns & les autres de-.
viennent la proye des chagrins , des angoiffes , dul
deſeſpoir, de la honte & de
l'ignorance ; & pour furcroift de malheur ils retournent au parc de la lu-
184 MERCURE
xure & de l'intemperance ,
oùces infenfez maudiffent
le refte de leurs jours la
veritable ſcience , & les ve
ritables fçavants, regardant
ces derniers comme des
malheureux, qui ne fçavent
pas goufter les plaifirs , &
joüir de la vie comme eux ,
bien loin de fentir euxmefmes l'eftat déplorable
où ils fe font plongez, Car
la brutalité dont ils font
aveuglez , fait qu'ils mettent leur fouverain bien
dans la gourmandiſe , dans
le luxe & dans l'incontiEnfin nence.
GALANT. 185
Enfin noftre Philofophe
entre dans un plus grand
détail fur ce qu'il prétend
que le Génie de chaque
homme luy infinuë avant
fa naiffance. Premieremenp
il leur donne avis ( dit-il
de s'armer de courage , &
de conftance, comme ayant
plufieurs combats à fouftenir dans le monde lorfqu'ils
y
feront entrez : feconde-l
ment il les exhorte à né
point mettre leur efperance dans les biens temporels & paffagers , que la
fortune donne & ofte à fon
Octobre. 1712,
C
i
186 MERCURE
gré , & parconfequent de
ne s'abandonner point à la
joye , quand elle nous les
envoye , ou à la trifteffe
quand elle les retire , parce
qu'elle en ufe comme d'un
bien qui eft à elle , & non
pasà nous. C'eſt pourquoy
il nous avertit de ne reffembler pas ces mauvais Banquiers qui ayant receu.
Fargent d'autruy , le regardent comme leur appartenant, & en ont la meſme
joye que s'il eftoid à eux en
propre , & qui quand on
le repete s'en trouvent auſſi
GALANT. 187
offenfez, & en conçoivent
autant de chagrin que fi
on le leur raviffoit mais
de recevoir au contraire
avec reconnoiffance les
biens temporels qu'il luy
plaiſt de nous départir , &
de nous en fervir pour ar
river en hafte à la fource
feconde & certaine de tous
les biens, qui eft la veritable
fcience , c'est-à - dire , la
fcience qui peut nous rendre heureux. Ainfi nous
devons ( dit il ) éviter d'abord foigneusement les
courtiſannes done on apar-
-
Q ij
188 MERCURE
lé , fçavoir l'intemperance,
la luxure , & les autres vi-
& prendre garde de ces
nous laiffer enchanter de
leurs attraits. ។
A l'égard de la vaine
ſcience nous pouvons luy
donner , felon luy , quelques années de notre vie ,
& prendre quelques -unes
de fes leçons pour nous aider à paffer outre , car nous
devons nous hafter d'arriver à la veritable ſcience ,
& à la pratique des vertus
le pluftoft que nous pourrons , & regarder tout le
GALANT. 189
temps que nous employons
à autre chofe , comme autant de rabbatu fur la durée de noftre felicité.
Tous les emblefmes eftant finis , Cebés examine
quelles font les leçons qu'-
on peut tirer de la vaine
fcience, & conclud que ce
font les Lettres & les autres
difciplines , que Platon dit
eftre le frein des fougues
de la jeuneffe. Il prétend
au refte que ces leçons ne
font point abfolument neceffaires pour acquerir la
morale , & qu'on doit les
190 MERCURE
regarderſeulement comme
des moyens pour y arriver
plus communément, mais
qui ne nousfervent de rien
pour augmenteren nous la
vertu: &la raiſon qu'il en ap
porte, c'eſt qu'on peut eftre
vertueux fans elles , comme
l'experience journaliere le
confi me. On ne doit pas
cependant, felon luy,les re
garder commeinutiles . Car
(dit il ) quoy qu'on puiſſe
abſolument entendre une
langue estrangere avec le
fecours feul d'un Interpre
te , on ne laiſſe pas de trou-
GALANT. 191
ver quelque foulagement
& quelque ſatisfaction lors
qu'on peut encore y joindre fa propre connoiffan
ce. Il en eft de mefme de
la vaine fcience qu'on ne
doit regarder que comme
un fecours pour arriver plus
aisément à la veritable.
De là noſtre Philoſophe
tire cette fafcheufe confequence contre les faux fçavants , qui prétendent s'attribuer quelque préference
fur les autres hommes , fçavoir qu'ils n'ont là aucun avantage pour devenir
par
192 MERCURE
plus parfaits qu'eux ; puifqu'il eft conftant qu'ils ne
jugent pas plus fainement
du bien & du mal que le
refte des hommes , & qu'ils
font fujets aux meſmes vices; car qui empefche ( ditil ) d'eftre lettré , de poffe
der toutes les fciences vaines , & d'eftre cependant
toujours un yvrogne , un
intemperant , un avaricieux , un calomniateur, un
traiftre , & en un mot un
infensé, puifque ces fortes
de fciences ne s'occupent
point à la connoiffance des
vertus ,
GALANT. 193
7
vertus & des vices La cau
fe de ce malheur , dit noftre Philofophe , vient de
ce que ces fortes de fça
vants ont la vanité de croi
re fçavoir ce qu'effectivement ils ignorent : c'eft ce
qui les rend indociles &
pareffeux à fe faire inftruire de la veritable ſcience,
D'un autre cofté ils font
fujets comme le reſte des
hommes à fe laiffer emporter par leurs fauffes préventions qui les rendent
opiniaftres & intraitables.
De forte qu'ils ne ſçauOctobre 1712.
R
194 MERCURE
roient fe flatter d'avoir aucun avantage ſur eux ,
moins que le Ciel ne leur
à
envoye quelque rayon de
lumiere qui leur faffe connoiftre la vanité de leur
fcience , & les porte à rechercher la verité.
Enfin Cebés prouve la
propofition qu'il a avancée au commencement de
fon difcours , fçavoir que
les dons de lafortune, com+
me la vie , la fanté , les richeffes , la nobleſſe , les
honneurs , les victoires , &
les autres biens temporels
GALANT. 195
ne font pas de veritables
biens ; ny par confequent
les maux qui leur font oppofez, commeles maladies,
la mort mefme , &c. ne
font pas deveritables maux;
maisil prétend aucontraire
que toutes ces chofes d'elles-mefmesfont indifferentes pour noftre perfection.
La vie , dit - il , eft un bien
à celuy qui vit bien , & c'eſt
fans doute unmal à l'égard
de celuy qui fe comporte
mal, par les maux aufquels
elle l'expofe toft ou tard.
D'un autre cofté la vie eft
R ij
196 MERCURE
commune aux meſchants
comme aux bons , aux malheureux commeà ceux qui
font heureux , d'où il conclud que la vie en elle meſme eft une chofe indifferente. De mefme que de
couper un bras à un hom-
-me qui fe porte bien , eft
pour luy un mal ; & c'eſt
rau contraire un bien à celuy
qui a la gangrenne , d'où il
fuit que l'amputation d'un
bras eft une chofe qui n'eft
abfolument parlant , ou en
foy, nybonne n'y mauvaiſe.
Il rafonne de melme des
GALANT. 197
richeffes , de la fanté, & des
autres biens du corps : car
ilferoit, dit il , tres- louvent
à defirer pour celuy qui a
fait un mauvais coup , qu'il
euft efté malade pendant le
temps qu'il l'a fait ; c'eft
pourquoy la fanté eft en
ce cas un vray mal pour
luy , quoyque ce foit d'ailleurs un bien pour les honneftes gens. A l'égard des
richeffes on voit fouvent.
que ceux qui les poffedent
ne font pas les plus heureux ny les plus honneftes.
gens ; d'où il faut conclure
Riij.
198 MERCURE
&
qu'elles ne fervent de rien
pour noftre felicité
qu'ainfi par elles mefmes
elles ne font pas un bien
pluftoft qu'un mal , puifqu'il feroit à fouhaitter pour
ceux qui n'en fçavent pas
ufer , qu'ils en fuffent privez à caufe des miferes qu'-
elles leur attirent.
Noftre Philofophe conclud en difant qu'on peut
appeller les biens temporels, des biens pourceux qui
fçavent s'en bien fervir , &
des maux à l'égard de ceux
qui en font un mauvais ufa-
GALANT. 199
ge , & finit en remarquant
que ce qui nous trouble &
nous agite en cette vie c'eft
le faux jugement que nous
portons fur les biens & fur
les maux temporels , fur lequelfauxjugement nous reglons enfuite toute la conduite de noftre vie pour le
bien ou pour le mal; & cela
parce que nous ne travaillons pas affez à connoiſtre
l'un & l'aure.
On connoift affez au
refte par cet exposé que les
mefmes inclinations & les
mefmes vices qui dominent
R iiij
200 MERCURE
aujourd'huy , regnoient dès
ces premiers temps , & que
la Providence a toujours eu
foin de faire naiftre des
hommes , qui au milieu de
la corruption de leur fiecle
rendiſſent teſmoignage à
la vertu & aux veritez morales , afin qu'elles n'en
fuffent pas entierement étouffées , & afin que les
hommes dépravez n'euffent pas à fe plaindre d'avoir manqué d'inftructions,
& mefme d'exemples pour
les mettre en pratique , &
d'avertiffements pour con-
GALANT. 201
noiftre les fuites fafcheufes
des paffions & des vices ,
& pour en concevoir de
l'horreur. Mais ce que nous
devions , ce mefemble , admirer icy le plus , ce font
ces repentirs & ces rayons
de lumiere que Cebés reconnoift eftre envoyez du
Ciel pour retirer les hommes de l'esclavage de leurs
paffions , & les faire rentrer dans le fein des vertus. Certes fila chofe eftoit
telle dans ces temps du pai
ganisme , plus de trois cens
ans avant la venue du Mef-
202 MERCURE
fie , comme il femble qu'on
n'en puiffe douter , par le
recit de cet autheur , je ne
crois pas qu'on puiſſe douter auffi que le Ciel n'exerçaft fes mifericordes fur
ces peuples corrompus , de
mefme que fur le peuple
Juif: car effectivement que
peut il y avoir qu'une lumiere divine qui faffe connoiftre à l'efprit de l'homme la vanité des voluptez ,
& qui luy faffe diftinguer
la vaine ſcience de la veri
table , & les vicès des vertus ? L
GALANT. 203
A l'égard du Génie que
Cebés a creu préfider à noftre conception , & nous
inftruire dès le ventre de
noftre mere de nos devoirs
pour la vie à laquelle nous
fommes deftinez , on ne
fçauroit , ce me femble ,
penfer que ce foit autre
que la lumiere de la
raifon où l'ame raiſonnable que Dieu met dans le
corps dés qu'elle peut y
exercer fes fonctions , la
quelle lumiere feroit fuffifante pour nous faire éviter
tous les écueils des paffions
chofe
204 MERCURE
& des vices , fans les fauffes
préventions aufquelles nous
nous abandonnons pendant la jeuneffe , au lieu de
confulter la lumiere de noftre raison. Quand à la fortune qui, felon luy , difpenfe les biens temporels & les
maux à fon gré , on voit
affez qu'on ne peut entendre par là , que la Provi
dence qui a créé toutes chofes , à qui par confequent
toutes chofes appartiennent en propre , & qui ef
tant la maiftrelle du fort
des hommes , en peut difC
GALANT. 203
poſer felon fa volonté. De
plus lorsqu'il nous dit que
la douleur , les chagrins , la
pauvreté , &c. n'ont plus
d'empire fur l'homme devenu vertueux , il nous fait
connoiftre combien eftoit
grande la fecurité , la confiance , la conſtance , & là
tranquillité de l'efprit de
l'honnefte homme , & que
les hommes vertueux de ce
temps là participoient dès
ce monde aux recompenfes des veritablesChrêtiens,
parce qu'ils pratiquoientles
-mefmes bonnes œuvres.
206 MERCURE
Car quoyqu'ils ne conneuffent pas Dieu auffi clairement , & qu'ils ne le creuffent peut-eftre pas auffi prefent à toutes leurs démarches que nous , ils ne laiffoient pas d'envisager la
vertucomme la loy de l'Autheur de la nature , gravée
dans le cœur des hommes,
& d'eftre perfuadez que
ceux- là offenfoient Dieu
qui trahiſſoient la vertu
ainfi ils pratiquoient la ver.
tu dans la veuë de plaire à
Dieu , d'où naiflóit dès ce
monde la joye & la ferenité de leur conſcience.
on Explication du Tableau
de la Vie humaine de Cebés
Tébain de Grece , difciple
de Socrate ,
moral.
Philofophe
Où l'on a fuivi lefens de l'Autheur le plus exactement
qu'il a efté poffible , fans
s'éloigner de l'efprit general
de tous les peuples.
CEbés nous reprefente
d'abord la vie humainefous
la figure d'un grand parc
qui renferme plufieurs reduits , avec des perfonnes
1712. Octobre. N
146 MERCURE
de toutes efpeces , tant à
l'entrée qu'au dedans de
chacun. Mais avant que de
propofer fon embléme , de
l'intelligence duquel il prétend que dépend noftre
bonheur ou noftre malheur ;il prend foin de nous
avertir , que noftre ignorance eft une espece de
Sphinx à noftre égard , par
la connoiffance obfcure &
ambiguë qu'elle nous propoſe du bien & du mal, ou
de ce qui peut eftre regardé comme de foy - mefme
indifferent. Car cette con-
GALANT. 147
noiffance devient pour
nous une énigme , laquelle
faute de pouvoir eftre penetrée, nous rend malheureux le reste de nos jours.
Au lieu que fi nous nous
appliquons à en découvrir
le fecret , nous pouvons efperer une vie exempte de
tous maux & veritable
ment heureuſe.
Noftre Philofophe nous
fait voir enſuite une grande multitude d'hommes &
de femmes à la porte de de
parc , qui fe preſentent
pour y entrer , & qui nous
Nij
148 MERCURE
marquent les enfans avant
qu'ils fortent du ventre de
leur mere pour venir au
monde. Au milieu de cet- :
te multitude on voit le Genie ou l'Intelligence , à qui
l'Autheur de la nature a
commis ( felon Cebés ) le
foin de noftre naiſſance ,
fous la figure d'un fagevieillard , qui enfeigne aux
uns & aux autres la maniere dont ils doivent fe
comporter lorfqu'ils feront
entrez dans la vie , & le
chemin qu'ils doivent teir pour y eftre heureux,
3
GALANT. 149
Mais à peine ces nouveaux
nez ont-ils paffé la porte
du parc , qu'ils oublient en
peu de temps les bonnes
leçons qu'ils ont receuës de
leur Genie ; car la convoitife qu'ils rencontrent
l'entrée de ce lieu , dont
elle eft comme la Reine , &
où elle préfide comme
dans fon throfne , les feduit bien - toft en leur faifant avaler dans une coupe qu'elle leur prefente ,
l'erreur & Pignorance. Les
nouveaux nez munis de ces
deux paffeports , s'avancent
N iij
150 MERCURE
**
dans le parc comme des
hommes enchantez les uns
plus les autres moins , à
proportion qu'ils en ont
beu. Mais ils ne vont pas
fort loin , que voicy une
troupe de femmes agreables de toutes fortes de figures qui les environnent ,
& les embraffent avec empreffement ; & ce font les
opinions , les defirs , & les
delices , par lesquelles ils
fe laiffent tous entraifner.
Les unes les emmennent
dans le chemin de la felicité , les autres dans celuy
GALANT. II
du malheur & de la perdition après les avoir feduites. Car les unes & les autres leur promettent à la
verité une vie heureuſe &
tranquille ; mais parce qu'
ils ont avalé le poiſon de
l'ignorance & de l'erreur ,
ceux qui ont efté feduits
paffent leur vie à errer ça
& là comme des perfonnes yvres , fans pouvoir jamais trouver le chemin qui
devroit les conduire au vrai
bonheur.
Cebés nous fait voir enfuite au milieu du Parcune
N iiij
152 MERCURE
eſpece de Divinité ſous la
figure d'une femme , que
l'aveuglement des hommes
a dépeinte fans yeux , &
comme fourde , & mefme
capricieuſe , parce qu'elle
enrichit les uns des biens
de ce monde , & qu'elle
ofte aux autres ceux mefme qu'elle leur avoit donnez & cela felon fa volonté, & fuivant des decrets
impenetrables. Ils l'ont
nommée la Fortune , & ont
figuré l'inconftance de fes
faveurs par une boule fur
laquelle ils la font mar-
GALANT. 153
cher à caufe des difgraces
qu'éprouvent tous les jours
ceux qui mettent leur efperance dans les biens de la
vie. Il nous reprefente donc
cette fortune comme environnée d'une grande multitude de ces hommes enyvrez du poiſon de la convoitife, qu'il nomme les ambitieux. Tous luy preſentent leurs requeſtes , mais
elle écoute les uns & rejette les autres , ce qui rend
leurs vifages tous differens ;
les uns paroiffants tres -joyeux , & les autres fort
154 MERCURE
triftes . Les premiers ſont
ceux dont les demandes
ont efté receuës favorablement , & ceux-cy la nomment bonne fortune. Les
derniers au contraire levent leurs mains vers elle
tout éplorez , parce qu'elle leur a mefme ofté ce
qu'elle leur avoit autrefois
accordé , pour le donner à
d'autres , & à caufe de cela
ils l'appellent mauvaiſe fortune. Ornoftre Philoſophe
nous fait remarquer que
ces biens qui attriſtent fi
fort les uns & réjoüiſſent
1
GALANT. ISS
4
tant les autres , font les richeffes , les honneurs , la
qualité , les defcendants ,
les commandements , les
Couronnes , & generalement tous les biens temporels ou du corps , qu'il
prétend n'eftre pas de veritables biens ; parce qu'ils
ne nous rendent en rien
plus parfaits , comme il effaye de le démontrer fur
la fin de fon emblême.
༣.
De là il nous conduit à
un premier reduit , & nous
fait voir plufieurs femmes
à la porte , parées comme
156 MERCURE,
des courtisannes , l'une fe
nomme l'intemperance ,
l'autre la luxure , une autre
l'avarice , une autre l'ambition , &c. Elles font toutes
là comme en ſentinelle ,
pour remarquer ceux à qui
la Fortune a efté favorable ,
& qu'elle a enrichis de fes
dons. Dès qu'elles en apperçoivent quelqu'un , elles
courent à luy , elles le careffent & l'embraffent , &
font tant par leurs flatteries , qu'elles l'engagent à
entrer dans leur azile, en lui
promettant une vie tran-
GALANT. 157
quille , exempte de tout ennuy , & remplie de delices.
Ceux qui font affez inconfiderez pour fe laiffer aller
No
aux promeffes de ces Sirenes , gouftent à la verité
les plaifirs de la vie pendant
un temps , ou du moins
croyent les goufter ; mais
quand par la fuite du temps
ils réfléchiffent ferieufe-'
ment fur cette maniere de
vivre , ils s'apperçoivent
qu'ils ont efté feduits ; que
ce qu'ils ont creu de folides plaiſirs , n'en avoient
tout au plus que l'apparen-
158 MERCURE
ce ; & qu'en un mot ils en
font la dupe , par la honte
qu'ils leur ont attirée , & les
malheurs où ils les ont précipitez. Car aprés avoir
confommé avec ces Courtiſannes tous les biens qu'ils
avoient receuës de la Fortune , ils fe trouvent malheureuſement reduits à devenir leurs efclaves , & à
commettre toutes les baf
feffes, & tous les crimes auf
quels ces cruelles maiftreffes les engagent. Ainfi ils
deviennent des affronteurs,
des facrileges, des parjures,
GALANT. 159
des traiftres , des larrons
& tout ce qu'on peut imaginer de plus mauvais,
A
#
>
Enfin cette vie mifera
ble n'a qu'un temps , mefme fouvent fort court
après lequel ( dit Cébés ) la
vengeance du Ciel éclate
fur eux ; alors il les livre à
la punition , que ce Philofophe nous reprefente fous
la figure d'une femme couverte de haillons , & fort
défigurée , tenant un foüet
en la main. Elle paroift
dans ce premier reduit à la
porte d'une efpece de ca-
>
160 MERCURE
chot , ou lieu ténebreux ,
dont l'afpect fait horreur ,
ayant pour compagnes la,
trifteffe , & l'angoiffe. I '
nous dépeint la premiere
la tefte panchée jufques fur
fes genoux , & la derniere
s'arrachant les cheveux.
Elle a encore pour, voiſins
les pleurs & le defefpoir
qui font des perfonnages
difformes , extenuez , tous
nuds , & horribles à voir.
C'eft entre les mains de
ces derniers qu'ils font li
vrez en dernier reffort ,
après avoir effuyé toute la
fureur
GALANT. 161
fureur des premieres . Alors
ils fe voyent accablez de
tourments & de maux , &
reduits à paffer le refte de
leurs jours dans ce cachot
affreux de la maniere la
plus miferable ; c'eſt pour
cela qu'il nomme cette pri
fon le fejour du malheur
Dans ce funefte eftat no
ftre Philofophe ne leur laiffe qu'une feule reſſource
fçavoir qu'enfin le Ciel ait
pitié d'eux , & leur envoye
le repentir pour les retirer
du gouffre de malheur où
ils fontplongez. Or le preOctobre. 1712. O
162 MERCURE
mier effet que cet heureux
repentir produit en eux , eft
de chaffer ces mauvaiſes
préventions dont ils s'eftoient laiffez préoccuper
dans leur jeuneffe , & de
leur fuggerer de plus juftes
opinions , & des defirs plus
raifonnables. Alors ils fe
trouvent avoir de l'eftime
& de l'inclination pour les
ſciences ; heureux s'ils font
affez aviſez pour choiſir la
veritable , je veux dire celle
qui enfeigne aux hommes
à regler leurs mœurs , &
qu'on appelle pour cette
GALANT. 163
raifon la Morale ! car cette
morale les purifie infailliblement de toutes leurs ha
bitudes vicieuſes , & les met
en eftat de paffer le reſte
de leur vie dans le repos &
dans la felicité , à l'abry de
tous leurs maux paffez.
Mais s'ils font au contraire affez imprudens pour
fe laiffer efbloüir par l'éclat
de la vaine ſcience , & de
la fauffe reputation , noſtre
Philofophe nous fait voir
un fecond reduit , à l'entrée.
duquel paroift une femme
fort parée , & tres- enga
O ij
164 MERCURE
geante, que les petits efprits
& le commun des hommes
nomment la ſcience , quoyque ce ne foit que la vaine
fcience. Car la plupart de
ceux qui dès l'entrée de la
vie ont fuivi la bonne route , ou ceux que le repentir
a retirez de la maifon du
malheur , defirant s'occuper le refte de leur vie aux
ſciences , donnent ordinai.
rement dans cette fauffe
ſcience. Auffi cet afile eftil rempli de Poëtes , d'Orateurs , de Dialecticiens ,
de Muficiens , d'Arithme
GALANT. 165
ticiens,de Géometres, d'Af
trologues, d'Epicuriens , de
Peripateticiens , de Critiques , & de quantité de
gens de cette nature , par-.
mi lefquels on voit encore
de ces Courtifannes du premier reduit , comme l'incontinence , l'intemperance , & leurs autres compagnes. Car ces fortes de
Sçavants en font auffi fouvént les esclaves , quoyque
plus rarement, parce qu'ils
ont plus de foin de s'occuper que les autres . Les préventions ou fauffes opi-
166 MERCURE
nions s'y meſlent auſſi , à
caufe dupoifon que la convoitife leur a fait avaler en
entrant dans la vie , qui les
empefche de connoiſtre
leur ignorance, pour ne pas
dire leur erreur. Et il n'y a
point pour eux , ſelon noftre Philofophe , d'autre
moyen de s'arracher des
pieges de ces mauvaiſes
amies , que de renoncer
pour jamais à la vaine ſcience ; car avec fon feul fe-.
cours ils ne doivent pas efperer de s'affranchir jamais
de leur joug , ny d'éviter les
GALANT. 167
malheurs de la vie.
Mais s'ils font affez heureux de rentrer dans le chemin de la verité , elle leur
fera ( dit - il ) goufter d'un
breuvage qui les purgera de
tous leurs vices , & de toutes leurs erreurs , & qui enfin les mettra dans un eſtat
de fecurité. C'eftpour cela
que noftre Philofophe nous
fait enviſager dans fon tableau un troifiéme reduit
plus élevé que les précedents , mais defert , & habité d'un tres-petit nombre
d'hommes ; la porte en eft
168 MERCURE
*
eftroite , & le chemin pour
y arriver fort ferré , & peu
frequenté ; il paroiſt de
plus difficile & efcarpé.
C'eft le chemin de la veritable ſcience , duquel l'af
pect a quelque chofe de
rude & d'effrayant. Il nous
reprefente à l'entrée de ce
lieu deux femmes d'une
fantéparfaite, pleines d'embonpoint & de vigueur
affifes fur une roche élevée ,
& escarpée de tous coſtez ,
qui tendent la main aux
paffants d'un air affable , &
avec un viſage plein de ſerenité :
f
GALANT. 169
renité ; l'une d'elle fe nomme la conftance , & l'autre
la continence. Ce font deux
fœurs toutes aimables , qui
invitent les paſſants à s'approcher d'elles , à s'armer
de courage , & à ne ſe laiffer
pas vaincre par une laſche
timidité , leur promettant
de les faire entrer dans un
chemin de delices , aprés
qu'ils auront furmonté
quelques legeres difficultez , qui feront bien toft
diffipées . Et pour leur en
faciliter le moyen , elles
veulent bien defcendre
Octobre.
1712. Р
170 MERCURE
quelques marches de ce
précipice où elles font , afin
de leur donner la main , &
de les attirer au deffus.
Là elles les font reſpirer
en leur donnant pour compagnes la force & l'efperance , & leur promettant
de les faire bien- toft arri-:
ver à la veritable ſcience.
Et pour les encourager davantage , elles leur font enviſager combien le chemin
en eft agréable , aisé , &
exempt de tous dangers.
Ce chemin conduit à un
quatriéme & dernier re-
GALANT. 171
*
duit renfermé dans le précedent; c'eft un fejour char-
'mantfemblable à une grande prairie , & fort éclairée
des rayons du Soleil ; on le
nomme le fejour des hom
mes heureux , parce que
toutes les vertus y habitent ,
& que c'est la demeure de
la felicité. Il paroiſt à l'entrée une Dame fort gra
cieuſe avec un viſage égal ,
& dans un âge peu avancé;
fon habit eft fimple &fans
ornemens eftrangers ; elle
eft affife fur une pierre ferme & d'une large affiette ;
Pij
172 MERCURE
c'efl la veritableſcience qui
eft accompagnée de ces
deux filles , dont une s'ap-:
pelle la verité , & l'autre la
perfuafion. Son fiege tefmoigne affez qu'il eft feur
de le fier à elle , & que fes
biens font conftants. Mais
qui font ces biens ( dit Cebés ) ce font la confiance ,
la privation d'ennuis , la
conviction que rien ne peut
deformais leur nuire. Or
cette honnefte mere eft à
l'entrée de cet afile pour
guerir les hoftes qui luy arrivent , enleur faifant pren-
GALANT. 173
-dreune potion cordiale qui
les purifie de toutes les imperfections qu'ils avoient
contractées en paſſant par
les premiers reduits , telles
que l'ignorance , l'erreur ,
la prévention , l'arrogance,
l'incontinence , la colere ,
l'avarice , & les autres vices : après quoy elle les
fait entrer dans le fejour
des vertus.
Or noftre Philofophe
nous reprefente ces vertus
fous la forme de Damesfages & belles , fans aucun
fard ny ajuftemens , en un
P iij
174 MERCURE
motfort differentes des premieres ; on les nomme la
pieté , la juftice , l'integrité , la temperance , la modeftie , la liberalité , la clemence , &c. Après donc
que les vertus ont admis
ces nouveaux hoftes dans
leur focieté , elles n'en demeurent pas là ; mais Cebés nous fait enviſager une
eſpece de donjon en forme
de citadelle au milieu de
ce dernier reduit , & fur
l'endroit le plus eflevé ; c'eſt
le palais de la felicité , la
mere de toutes les vertus ;
GALANT. 175
c'eft dans ce fejour heureux qu'elles les introduifent pour les prefenter à
leur mere. Au refte il dépeint cette mere comme
une Reine affife fur un
throfne à l'entrée de fon
palais , qui eftant parfaitement belle , & dans un âge
de confiſtance , eſt ornée
d'une manière honnefte ;
& fans fafte , ayant la tefte
ceinte d'une couronne de
fleurs , avecun air plein de
majefté. Cette Dame &
fes filles les vertus couronnent ceux qui s'élevent juf
P
iiij
176 MERCURE
ques à elles , comme des
Héros qui ont remporté de
grandes victoires fur diffe .
rens monftres qui leur faifoient la guerre ; & elles
leur adjouftent de nouvelles forces pour domptér
des ennemis , qui auparavant les reduifoient en fervitude , & les dévoroient
aprés leur avoir fait fouffrir
plufieurs divers tourments.
Ces monftres font l'ignorance & l'erreur , la douleur , & la trifteffe , l'avarice , l'intemperance , & en
general tous les vices. Ce
GALANT. 177
font là les ennemis aufquels
ils commandent dorefnavant; bien loin de leur obeir
&de leur eftre foumis comme autrefois. Mais ce n'eft
pas tout cette couronne
que nos Héros ont receuë ,
outre la force qu'elle leur
donne , les rend encore
bienheureux, & les affran
chit de tous les maux de la
vie , en leur apprenant à ne
plus mettre leur felicité
dans les biens paffagers ,
mais uniquement dans la
poffeffion de la vertu , &
dans la joye de la bonne
confcience.
178 MERCURE
Apres que ces hommes
vertueux ont efté ainfi couronnez , Cebés les fait revenir accompagnez de toutes les vertus dans les lieux
par où ils ont paffé autrefois. Là ces fages guides
leur font voir tous ceux qui
menent une vie miſerable,
errants çà là , tousjours
prefts à faire nauffrage , &
tousjours esclaves de leurs
ennemis , les uns de l'incontinence , d'autres de la
fuperbe , les autres de l'avarice , ou du defir de la
vaine gloire , d'autres enfin
GALANT. 179
"
par d'autres vices fans
pouvoir jamais d'eux- meſmes s'affranchir de leur fervitude , ny parvenir au ſejour des vertus , & au palais de la felicité.. La caufe de ce malheur , ( dit noſtre Philofophe ) vient de
ce qu'ils ont oublié le chemin que leur Génie tuter
laire leur avoit enfeigné, &
les préceptes qu'il leur avoit
donnez avant qu'ils entraf
fent dans le monde. C'eſt
alors que ces nouveaux éleves prennent une veritable connoiffance du bien
180 MERCURE
& du mal ; au lieu de l'ignorance & de l'erreur où
ils avoient vefcu pendant
leur aveuglement , qui leur
faifoit eftimer un bien ce
qui veritablement eftoit un
mal , & prendre pour un
mal ce qui eftoit un bien ,
& les engageoit par là dans
une vie déreglée & perverfe , & cette connoiffance
regle leurs mœurs , & les
fait profiter des folies des
autres. Aprés quoy , dit
Cebés , ils peuvent aller
fans crainte où ils veulent ,
parce qu'ils font par tout
GALANT. 181
,
à l'abri de leurs ennemis ,
& qu'en quelque lieu qu'ils
aillent ils font affeurez d'y
vivre dans la droiture de
cœur & dans l'amour de
la vertu , exempts de tout
peril & de toutes fortes de
maux. De plus chacun fe
fait un plaifir, de les recevoir, comme un malade en
reffent lorfque fon medecin
le vient voir. Outre qu'ils
n'ont plus à craindre ces
beftes fauvages qui leur faifoient auparavantuneguerre fi cruelle ; puifque ny
la douleur , ny les chagrins,
182 MERCURE
ny l'incontinence , ny l'avarice, ny la pauvreté n'ont
plus aucun pouvoir fur leur
efprit pour luy faire perdre
l'amour de la verité.
Cebés nous fait remarquer enfuite une autre ef
pece d'hommes qui defcendent auffi de l'afile des vertus fans aucunes couronnes , mais au contraire avec
des vifages de defefperez ,
des cheveux arrachez , &
quifont enchaifnez par des
femmes. Ce font ou ceux
qui eftant arrivez à la veritable ſcience , en ont efté
GALANT. 18 ;
mal receus , comme en eftant indignes ; ou ceux qui
ont manqué de courage
lorfqu'ils ontvoulu s'eflever
fur la roche , où la conf
tance les invitoit de monter , & qui ayant lafché le
pied honteufement , demeurent vagabonds , fans
fçavoir où ils doivent aller.
Les uns & les autres de-.
viennent la proye des chagrins , des angoiffes , dul
deſeſpoir, de la honte & de
l'ignorance ; & pour furcroift de malheur ils retournent au parc de la lu-
184 MERCURE
xure & de l'intemperance ,
oùces infenfez maudiffent
le refte de leurs jours la
veritable ſcience , & les ve
ritables fçavants, regardant
ces derniers comme des
malheureux, qui ne fçavent
pas goufter les plaifirs , &
joüir de la vie comme eux ,
bien loin de fentir euxmefmes l'eftat déplorable
où ils fe font plongez, Car
la brutalité dont ils font
aveuglez , fait qu'ils mettent leur fouverain bien
dans la gourmandiſe , dans
le luxe & dans l'incontiEnfin nence.
GALANT. 185
Enfin noftre Philofophe
entre dans un plus grand
détail fur ce qu'il prétend
que le Génie de chaque
homme luy infinuë avant
fa naiffance. Premieremenp
il leur donne avis ( dit-il
de s'armer de courage , &
de conftance, comme ayant
plufieurs combats à fouftenir dans le monde lorfqu'ils
y
feront entrez : feconde-l
ment il les exhorte à né
point mettre leur efperance dans les biens temporels & paffagers , que la
fortune donne & ofte à fon
Octobre. 1712,
C
i
186 MERCURE
gré , & parconfequent de
ne s'abandonner point à la
joye , quand elle nous les
envoye , ou à la trifteffe
quand elle les retire , parce
qu'elle en ufe comme d'un
bien qui eft à elle , & non
pasà nous. C'eſt pourquoy
il nous avertit de ne reffembler pas ces mauvais Banquiers qui ayant receu.
Fargent d'autruy , le regardent comme leur appartenant, & en ont la meſme
joye que s'il eftoid à eux en
propre , & qui quand on
le repete s'en trouvent auſſi
GALANT. 187
offenfez, & en conçoivent
autant de chagrin que fi
on le leur raviffoit mais
de recevoir au contraire
avec reconnoiffance les
biens temporels qu'il luy
plaiſt de nous départir , &
de nous en fervir pour ar
river en hafte à la fource
feconde & certaine de tous
les biens, qui eft la veritable
fcience , c'est-à - dire , la
fcience qui peut nous rendre heureux. Ainfi nous
devons ( dit il ) éviter d'abord foigneusement les
courtiſannes done on apar-
-
Q ij
188 MERCURE
lé , fçavoir l'intemperance,
la luxure , & les autres vi-
& prendre garde de ces
nous laiffer enchanter de
leurs attraits. ។
A l'égard de la vaine
ſcience nous pouvons luy
donner , felon luy , quelques années de notre vie ,
& prendre quelques -unes
de fes leçons pour nous aider à paffer outre , car nous
devons nous hafter d'arriver à la veritable ſcience ,
& à la pratique des vertus
le pluftoft que nous pourrons , & regarder tout le
GALANT. 189
temps que nous employons
à autre chofe , comme autant de rabbatu fur la durée de noftre felicité.
Tous les emblefmes eftant finis , Cebés examine
quelles font les leçons qu'-
on peut tirer de la vaine
fcience, & conclud que ce
font les Lettres & les autres
difciplines , que Platon dit
eftre le frein des fougues
de la jeuneffe. Il prétend
au refte que ces leçons ne
font point abfolument neceffaires pour acquerir la
morale , & qu'on doit les
190 MERCURE
regarderſeulement comme
des moyens pour y arriver
plus communément, mais
qui ne nousfervent de rien
pour augmenteren nous la
vertu: &la raiſon qu'il en ap
porte, c'eſt qu'on peut eftre
vertueux fans elles , comme
l'experience journaliere le
confi me. On ne doit pas
cependant, felon luy,les re
garder commeinutiles . Car
(dit il ) quoy qu'on puiſſe
abſolument entendre une
langue estrangere avec le
fecours feul d'un Interpre
te , on ne laiſſe pas de trou-
GALANT. 191
ver quelque foulagement
& quelque ſatisfaction lors
qu'on peut encore y joindre fa propre connoiffan
ce. Il en eft de mefme de
la vaine fcience qu'on ne
doit regarder que comme
un fecours pour arriver plus
aisément à la veritable.
De là noſtre Philoſophe
tire cette fafcheufe confequence contre les faux fçavants , qui prétendent s'attribuer quelque préference
fur les autres hommes , fçavoir qu'ils n'ont là aucun avantage pour devenir
par
192 MERCURE
plus parfaits qu'eux ; puifqu'il eft conftant qu'ils ne
jugent pas plus fainement
du bien & du mal que le
refte des hommes , & qu'ils
font fujets aux meſmes vices; car qui empefche ( ditil ) d'eftre lettré , de poffe
der toutes les fciences vaines , & d'eftre cependant
toujours un yvrogne , un
intemperant , un avaricieux , un calomniateur, un
traiftre , & en un mot un
infensé, puifque ces fortes
de fciences ne s'occupent
point à la connoiffance des
vertus ,
GALANT. 193
7
vertus & des vices La cau
fe de ce malheur , dit noftre Philofophe , vient de
ce que ces fortes de fça
vants ont la vanité de croi
re fçavoir ce qu'effectivement ils ignorent : c'eft ce
qui les rend indociles &
pareffeux à fe faire inftruire de la veritable ſcience,
D'un autre cofté ils font
fujets comme le reſte des
hommes à fe laiffer emporter par leurs fauffes préventions qui les rendent
opiniaftres & intraitables.
De forte qu'ils ne ſçauOctobre 1712.
R
194 MERCURE
roient fe flatter d'avoir aucun avantage ſur eux ,
moins que le Ciel ne leur
à
envoye quelque rayon de
lumiere qui leur faffe connoiftre la vanité de leur
fcience , & les porte à rechercher la verité.
Enfin Cebés prouve la
propofition qu'il a avancée au commencement de
fon difcours , fçavoir que
les dons de lafortune, com+
me la vie , la fanté , les richeffes , la nobleſſe , les
honneurs , les victoires , &
les autres biens temporels
GALANT. 195
ne font pas de veritables
biens ; ny par confequent
les maux qui leur font oppofez, commeles maladies,
la mort mefme , &c. ne
font pas deveritables maux;
maisil prétend aucontraire
que toutes ces chofes d'elles-mefmesfont indifferentes pour noftre perfection.
La vie , dit - il , eft un bien
à celuy qui vit bien , & c'eſt
fans doute unmal à l'égard
de celuy qui fe comporte
mal, par les maux aufquels
elle l'expofe toft ou tard.
D'un autre cofté la vie eft
R ij
196 MERCURE
commune aux meſchants
comme aux bons , aux malheureux commeà ceux qui
font heureux , d'où il conclud que la vie en elle meſme eft une chofe indifferente. De mefme que de
couper un bras à un hom-
-me qui fe porte bien , eft
pour luy un mal ; & c'eſt
rau contraire un bien à celuy
qui a la gangrenne , d'où il
fuit que l'amputation d'un
bras eft une chofe qui n'eft
abfolument parlant , ou en
foy, nybonne n'y mauvaiſe.
Il rafonne de melme des
GALANT. 197
richeffes , de la fanté, & des
autres biens du corps : car
ilferoit, dit il , tres- louvent
à defirer pour celuy qui a
fait un mauvais coup , qu'il
euft efté malade pendant le
temps qu'il l'a fait ; c'eft
pourquoy la fanté eft en
ce cas un vray mal pour
luy , quoyque ce foit d'ailleurs un bien pour les honneftes gens. A l'égard des
richeffes on voit fouvent.
que ceux qui les poffedent
ne font pas les plus heureux ny les plus honneftes.
gens ; d'où il faut conclure
Riij.
198 MERCURE
&
qu'elles ne fervent de rien
pour noftre felicité
qu'ainfi par elles mefmes
elles ne font pas un bien
pluftoft qu'un mal , puifqu'il feroit à fouhaitter pour
ceux qui n'en fçavent pas
ufer , qu'ils en fuffent privez à caufe des miferes qu'-
elles leur attirent.
Noftre Philofophe conclud en difant qu'on peut
appeller les biens temporels, des biens pourceux qui
fçavent s'en bien fervir , &
des maux à l'égard de ceux
qui en font un mauvais ufa-
GALANT. 199
ge , & finit en remarquant
que ce qui nous trouble &
nous agite en cette vie c'eft
le faux jugement que nous
portons fur les biens & fur
les maux temporels , fur lequelfauxjugement nous reglons enfuite toute la conduite de noftre vie pour le
bien ou pour le mal; & cela
parce que nous ne travaillons pas affez à connoiſtre
l'un & l'aure.
On connoift affez au
refte par cet exposé que les
mefmes inclinations & les
mefmes vices qui dominent
R iiij
200 MERCURE
aujourd'huy , regnoient dès
ces premiers temps , & que
la Providence a toujours eu
foin de faire naiftre des
hommes , qui au milieu de
la corruption de leur fiecle
rendiſſent teſmoignage à
la vertu & aux veritez morales , afin qu'elles n'en
fuffent pas entierement étouffées , & afin que les
hommes dépravez n'euffent pas à fe plaindre d'avoir manqué d'inftructions,
& mefme d'exemples pour
les mettre en pratique , &
d'avertiffements pour con-
GALANT. 201
noiftre les fuites fafcheufes
des paffions & des vices ,
& pour en concevoir de
l'horreur. Mais ce que nous
devions , ce mefemble , admirer icy le plus , ce font
ces repentirs & ces rayons
de lumiere que Cebés reconnoift eftre envoyez du
Ciel pour retirer les hommes de l'esclavage de leurs
paffions , & les faire rentrer dans le fein des vertus. Certes fila chofe eftoit
telle dans ces temps du pai
ganisme , plus de trois cens
ans avant la venue du Mef-
202 MERCURE
fie , comme il femble qu'on
n'en puiffe douter , par le
recit de cet autheur , je ne
crois pas qu'on puiſſe douter auffi que le Ciel n'exerçaft fes mifericordes fur
ces peuples corrompus , de
mefme que fur le peuple
Juif: car effectivement que
peut il y avoir qu'une lumiere divine qui faffe connoiftre à l'efprit de l'homme la vanité des voluptez ,
& qui luy faffe diftinguer
la vaine ſcience de la veri
table , & les vicès des vertus ? L
GALANT. 203
A l'égard du Génie que
Cebés a creu préfider à noftre conception , & nous
inftruire dès le ventre de
noftre mere de nos devoirs
pour la vie à laquelle nous
fommes deftinez , on ne
fçauroit , ce me femble ,
penfer que ce foit autre
que la lumiere de la
raifon où l'ame raiſonnable que Dieu met dans le
corps dés qu'elle peut y
exercer fes fonctions , la
quelle lumiere feroit fuffifante pour nous faire éviter
tous les écueils des paffions
chofe
204 MERCURE
& des vices , fans les fauffes
préventions aufquelles nous
nous abandonnons pendant la jeuneffe , au lieu de
confulter la lumiere de noftre raison. Quand à la fortune qui, felon luy , difpenfe les biens temporels & les
maux à fon gré , on voit
affez qu'on ne peut entendre par là , que la Provi
dence qui a créé toutes chofes , à qui par confequent
toutes chofes appartiennent en propre , & qui ef
tant la maiftrelle du fort
des hommes , en peut difC
GALANT. 203
poſer felon fa volonté. De
plus lorsqu'il nous dit que
la douleur , les chagrins , la
pauvreté , &c. n'ont plus
d'empire fur l'homme devenu vertueux , il nous fait
connoiftre combien eftoit
grande la fecurité , la confiance , la conſtance , & là
tranquillité de l'efprit de
l'honnefte homme , & que
les hommes vertueux de ce
temps là participoient dès
ce monde aux recompenfes des veritablesChrêtiens,
parce qu'ils pratiquoientles
-mefmes bonnes œuvres.
206 MERCURE
Car quoyqu'ils ne conneuffent pas Dieu auffi clairement , & qu'ils ne le creuffent peut-eftre pas auffi prefent à toutes leurs démarches que nous , ils ne laiffoient pas d'envisager la
vertucomme la loy de l'Autheur de la nature , gravée
dans le cœur des hommes,
& d'eftre perfuadez que
ceux- là offenfoient Dieu
qui trahiſſoient la vertu
ainfi ils pratiquoient la ver.
tu dans la veuë de plaire à
Dieu , d'où naiflóit dès ce
monde la joye & la ferenité de leur conſcience.
Fermer
Résumé : PARAPHRASE ou Explication du Tableau de la Vie humaine de Cebés Tébain de Grece disciple de Socrate, & Philosophe moral. Où l'on a suivi le sens de l'Autheur le plus exactement qu'il a esté possible, sans s'éloigner de l'esprit general de tous les peuples.
Le texte présente une allégorie philosophique de la vie humaine, comparée à un grand parc avec divers réduits symbolisant les étapes et expériences de la vie. Cebés, disciple de Socrate, utilise cette métaphore pour illustrer les défis et les choix que les individus doivent affronter. Au début de la vie, les individus sont guidés par une intelligence qui leur enseigne comment être heureux, mais ils oublient rapidement ces leçons à cause de la convoitise et de l'ignorance, personnifiées par une reine séductrice. Dans ce parc, la Fortune, une divinité aveugle et capricieuse, distribue des biens temporels. Les ambitieux la supplient, mais elle favorise certains et rejette d'autres, créant ainsi des joies et des tristesses. Ces biens temporels ne sont pas considérés comme de vrais biens, car ils ne rendent pas les hommes plus parfaits. Le parc comporte plusieurs réduits. Le premier est gardé par des femmes représentant des vices comme l'intempérance et l'avarice, qui séduisent ceux que la Fortune a favorisés. Ces individus goûtent des plaisirs éphémères avant de tomber dans le malheur et la misère. Leur seule ressource est le repentir, qui les conduit vers des opinions plus justes et un intérêt pour les sciences, notamment la morale. Un second réduit est habité par ceux qui se laissent séduire par la fausse science, représentée par des poètes, orateurs, et autres savants. Ces individus sont souvent esclaves de leurs vices et de leurs erreurs. Un troisième réduit, plus élevé et difficile d'accès, mène à la véritable science. À son entrée, deux femmes, la Constance et la Continence, aident les passants à surmonter les difficultés. Ce chemin conduit à un quatrième réduit, le séjour des hommes heureux, où habitent toutes les vertus et la véritable science, accompagnée de la Vérité et de la Persuasion. Le texte décrit également une allégorie où les âmes, appelées 'Cébés', traversent divers états pour atteindre la vertu et la félicité. À l'entrée de ce chemin, une 'honnête mère' purifie les âmes des imperfections comme l'ignorance, l'erreur, et l'arrogance, les préparant ainsi à entrer dans le séjour des vertus. Ces vertus sont représentées par des dames sages et belles, telles que la piété, la justice, l'intégrité, et la tempérance. Après avoir été admises dans cette société, les âmes sont conduites vers un donjon en forme de citadelle, le palais de la félicité, où règne une Reine assise sur un trône. Cette Reine et ses filles, les vertus, couronnent les âmes vertueuses, leur donnant force et bonheur, et les libérant des maux de la vie. Ces âmes, désormais héroïques, dominent les monstres symbolisant les vices et vivent dans la droiture et l'amour de la vertu. Le texte distingue également ceux qui, ayant atteint la véritable science, sont mal reçus ou manquent de courage, devenant ainsi des esclaves des chagrins et des vices. Ces derniers maudissent la véritable science et les savants, préférant les plaisirs matériels. Le philosophe Cebés enseigne que les biens temporels, comme la vie, la santé, et les richesses, ne sont ni véritables biens ni véritables maux en eux-mêmes. Ils dépendent de l'usage que l'on en fait. Il exhorte à ne pas se réjouir ou se lamenter excessivement face à ces biens, mais à les utiliser pour atteindre la véritable science et la vertu.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 155-173
LETTRE à Monsieur B ....
Début :
Puisque vous souhaitez, Monsieur, que je vous apprenne l'Histoire de [...]
Mots clefs :
Académie, Lyon, Égypte, Syrie, Sciences, Belles-lettres, Conférences, Érudition, Académiciens, Publications
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à Monsieur B ....
LETTRE
- àMonsieurB.
Puisque
vous souhaitez,
Monsieur,que je vous apprenne
l'Histoire de l'Académieétablie
à Lyon, je
vais tascher de satisfaire
vôtre curiosité.
Cette Académie est digne
de cette Villecélébre,
elle a pour objet les Sciences
& les belles Lettres:
elle aété formée au mois
de Janvier de l'année1708.
& n'estoit d'abord composée
que de six personnes
quisont les Reverends
Peres Jesuites Brun & de
Colonia
,
Mr Dugas le
Président, Mr Villemot
Curé de la Guillotiere, Mr
de Puget, & Mr Falconnet.
La maison de ce dernier
Academicienétait le lieu
des conferences;ils joüissaient
des plaisirs les plus
purs que peut produire la
societé des esprits, lorsque
MrTrudaine Intendant de
cette Ville, sollicité par
l'amour qu'il a pour les
Sciences & les beaux Arts,
souhaita d'entrer dans ces
conferences. On s'assembla
chez lui, mais le gran d
concours du monde qui
sabordait chez ce Magistrat
) troublant la liberté
des assem blées
) on jugea
sa propos de se rendre chez
[Mr de la Valette en Belleà
cour, qui a une très- bell
Bibliothèque. Le nombr
des Académiciens s'aug
mentaalors, on reçut NI
de la Valecte le Pere & M
de la Valette le fils, Mr d
Serre, Mr Brossette, M
l'Abbé de Gouverner, M
Mahudel&Mrl'AbbéTi^
caut de Bellont. L'anné
suivante 1 710. on recei
Mr de Sainsonds.
Mr de Trudaine ~ayan été appellé à rintendanc
de Bourgogne, Mr de M^
lian qui fut nommé à
place ,succeda à l'inclind
tion que Mr de Trudaine
avait pour l'Académie, il
est fort assidu aux conférences.
On a receu depuis en
1711 Mr Aubert&Mrde
Glatigni. Je ne garde aucun
ordre encre les Académiciens
,
je les nommeà
mesure qu'ils se presentent
à mon esprit Je ferois ravi
de les faire connaîtrepar
des éloges personnels: mais
ennemis des loüanges les
plus legitimes,ils me de£.-
fendent de leur payer un
tribut auquel l'équité ellemême
m'avait assujetti.
J'ay la liberté de parler de
Mr dePuget que la mort
a ravi à la Republique des
Lettres; il estoit connu de
tous les Sçavans par ses
experiences sur l'Aymanc,
& par ses découvertes dans
cette partie de la Physique.
J'exprimerais ici son caractere
si tous les Journalistes
ne m'avaientprévenu.
Ils ont saisi tous les
traits de ce Sçavant celebre,
ils n'en ont laissé aucun
à peindre.
On sJalfenlbIe régulierement
rement tous les Lundis sur
les trois heures du soir, la
conférence dure environ
trois heures. Les Académiciens
y exercent leur érudition
sur toutes fortes
de sujets.
Mr de Villemot a parlé
premièrement des erreurs
populaires en matiere de
Physique & de Mathématique.
Secondement de l'Idolatrie,
de son origine & de
son progrez.
Troisièmement de 'la
force des nerfs.
Quatrièmement des pré-
Adamites
,
du Deluge ôc
de son universalité.
Cinquièmement, de la
confession publique qui se
faisoit dans les premiers
siecles de l'Eglise.
Mr Brossette a fait deux
discours, le premier de la
Peinture, dela Sculpture,
de l'Architecture, de leur
origine, de leur progrès,
& de leur perfection.
Le fecond
,
de la sepulture
des Anciens.
Mr le Président Dugas
a fait un discours sur le bon
goût en matiere de belles
Lettres.
Le Pere Brun a fait quatre
Dissertations.
La premiere, sur les fausses
Decretales.
La seconde, sur l'unité,
qui, selon les Platoniciens,
est le principe de la beauté.
La troisième,sur les vents.
La quatrième
,
sur les
vrais miracles.
- Mr Mahudel a traité prémièrement
desMomies&
des superstitions des Egyptiens.
Secondement, des quesrions
Philologiques sur la
Paillon deJesusChrist.
Troisiémement.,des Talismans.
Quatrièmement
,
des
Fontaines.
Mr Aubert, lejourdesa
reception
,
fit un discours
sur le Bejaune ou sur la
Bienvenuë.
Il a encore fait deux autres
discours.
Le premier, sur la Manumission
des Esclaves.
Et le second sur un Canon
du Concile d'Elvire.
LePere de Colonia a fait
plusieurs Disserrations.
Premierement
,
sur les
Textes originaux de l'Ecrirure
fainte.
Secondement, sur la verion
des Septante.
Troisiémement,sur les
choses vrayes qui ne sont
pas vraisemblables.
Quatrièmement, sur le
l'Infini créé.
Cinquièmement, sur l'origine
& les variations du
jeusne du Caresme.
Sixiémement, sur la Rcgale,
la Pragmatique Sandion
& le Concordat.
Septiememcnt,sur les plus
beaux endroits des Auteurs
du siecle d'Auguste.
Huitièmement, sur les
plus belles Epitaphes des
Grecs, des Latins& des
François.
Neuvièmement
,
sur la
Cabale &surla Massore.
Dixiémement, sur l'antiquité
des Temps.
Onzièmement, sur les
Catacombes.
Mr l'Abbé de Gouver.
net a fait deux discours.
Le premier, sur Cassiodore
e Apollonius de
Thiane.
Le [econd) sur laverité
les Miracles.
Mr l'Abbé Tricaut a
arlé fut les persecutions
e FEgliic.
L'on voit que toutes les
ciences,l'antique,le moerne,
le sacre, & le profane
J tout est embrasse par
ces nouveaux Académiciens.
Ils agitent plusieurs
questions fut la Langue
Françoise.
Quoyque je doive ceder
du moins pour un temps
à la loy qu'ils m'ont prescrite
de ne les point louer,
je ne puis m'empescher d^
dire icy que plusieurs d'entr'eux
ont donné des ouvrages
au public, qui leur
ont acquis de la reputa.
tion parmy les Sçavans.
Mr de Villemor a don.
né un nouveau Systeme,
ou une nouvelle Explication
des mouvemens des
Planettes. Cet ouvrage qui
est rempli de vûës ingenieufès
fait honneur à la
Philosophie de Descartes.
Mr Brofetreacomposé
une Table des Titres des
Livres du Droite une Histoire
stoireparticulière de Lyon,
comme il estoit fore lié
avec Despreaux,ce fameux
Auteur luy a découvert
confidemment les secrets
de son stile, & il la conduit
souvent à lasource où
il puisoit toutes ses pensées
heureuses.
Mr l'Abbé de Gouvernet
qui est fort distingué
par sa naissance,est grand
Vicaire de ce Diocese ; il
a donné au public un Commentaire
sur laGenere. Je
succomberois facilementà
la tentation de le louer, si
je m'arrestois davantage
surce sujet. -4..
Le Pere de Colonia a mis
en lumiere des ouvrages
dans plusieurs genres d'érudition
; il a composé plusieurs
Tragedies Françoises
qu'il a alliées avec la
faintere de son estat. Il a
fait present au public d'une
Rhetoriquelatine. Il presensa
àMonfeigneur leDuc
de Bourgogne decedéDauphin
de France,un ouvrage
qui a pour titre les Annquitez
sacrées & profanes
d{.; Lyon. Il a fait une Die:
fertation sur le Taurobole
découvertàLyon en 1704.
Il a fait encore plusieurs
dissèrtations sur divers moninnens
antiques.C'est un
genie vasse & universel , Sce trait delouange m'échape.
Il a un des plus
beaux cabinets de Medailes
que la curiosité la plus
riche & la plus fçavance
uifJè assembler ; il. a une
suite de Médaillés Consuaires
de Rome en argent; il a la fuite des Empereurs
Romains en grand, moyen
m petit bronze une fuite
des Rois de SyrieJune luite
des Rois d'Egypte, une
fuite des Medailles de laSicile&
de la grande Grece
en argent & en bronze. Il
a plusieurs Idoles de l'Egypte,
de la Grece, de Rome;
des Lampes antiques
en bronze; une Histoire
métallique des Papes en
argent&en or;une partie
de la vie du Roy en argent,
desmonnoyesdargent des
trois races de nos Rois.
Je m'interromps moy.
mesme,& jecesse de 1erdecette par
lerdecetteAAccaaddéémmiieeasi
des sujets qui la composent
: car malgré la loy
qu'on m'a imposée je serois
porté à louër le rare
sçavoir & la profondemodeftie
du Pere Brun & le
mérité de Mr Dugas, du
Président & des autres Academiciens.
RELATION
- àMonsieurB.
Puisque
vous souhaitez,
Monsieur,que je vous apprenne
l'Histoire de l'Académieétablie
à Lyon, je
vais tascher de satisfaire
vôtre curiosité.
Cette Académie est digne
de cette Villecélébre,
elle a pour objet les Sciences
& les belles Lettres:
elle aété formée au mois
de Janvier de l'année1708.
& n'estoit d'abord composée
que de six personnes
quisont les Reverends
Peres Jesuites Brun & de
Colonia
,
Mr Dugas le
Président, Mr Villemot
Curé de la Guillotiere, Mr
de Puget, & Mr Falconnet.
La maison de ce dernier
Academicienétait le lieu
des conferences;ils joüissaient
des plaisirs les plus
purs que peut produire la
societé des esprits, lorsque
MrTrudaine Intendant de
cette Ville, sollicité par
l'amour qu'il a pour les
Sciences & les beaux Arts,
souhaita d'entrer dans ces
conferences. On s'assembla
chez lui, mais le gran d
concours du monde qui
sabordait chez ce Magistrat
) troublant la liberté
des assem blées
) on jugea
sa propos de se rendre chez
[Mr de la Valette en Belleà
cour, qui a une très- bell
Bibliothèque. Le nombr
des Académiciens s'aug
mentaalors, on reçut NI
de la Valecte le Pere & M
de la Valette le fils, Mr d
Serre, Mr Brossette, M
l'Abbé de Gouverner, M
Mahudel&Mrl'AbbéTi^
caut de Bellont. L'anné
suivante 1 710. on recei
Mr de Sainsonds.
Mr de Trudaine ~ayan été appellé à rintendanc
de Bourgogne, Mr de M^
lian qui fut nommé à
place ,succeda à l'inclind
tion que Mr de Trudaine
avait pour l'Académie, il
est fort assidu aux conférences.
On a receu depuis en
1711 Mr Aubert&Mrde
Glatigni. Je ne garde aucun
ordre encre les Académiciens
,
je les nommeà
mesure qu'ils se presentent
à mon esprit Je ferois ravi
de les faire connaîtrepar
des éloges personnels: mais
ennemis des loüanges les
plus legitimes,ils me de£.-
fendent de leur payer un
tribut auquel l'équité ellemême
m'avait assujetti.
J'ay la liberté de parler de
Mr dePuget que la mort
a ravi à la Republique des
Lettres; il estoit connu de
tous les Sçavans par ses
experiences sur l'Aymanc,
& par ses découvertes dans
cette partie de la Physique.
J'exprimerais ici son caractere
si tous les Journalistes
ne m'avaientprévenu.
Ils ont saisi tous les
traits de ce Sçavant celebre,
ils n'en ont laissé aucun
à peindre.
On sJalfenlbIe régulierement
rement tous les Lundis sur
les trois heures du soir, la
conférence dure environ
trois heures. Les Académiciens
y exercent leur érudition
sur toutes fortes
de sujets.
Mr de Villemot a parlé
premièrement des erreurs
populaires en matiere de
Physique & de Mathématique.
Secondement de l'Idolatrie,
de son origine & de
son progrez.
Troisièmement de 'la
force des nerfs.
Quatrièmement des pré-
Adamites
,
du Deluge ôc
de son universalité.
Cinquièmement, de la
confession publique qui se
faisoit dans les premiers
siecles de l'Eglise.
Mr Brossette a fait deux
discours, le premier de la
Peinture, dela Sculpture,
de l'Architecture, de leur
origine, de leur progrès,
& de leur perfection.
Le fecond
,
de la sepulture
des Anciens.
Mr le Président Dugas
a fait un discours sur le bon
goût en matiere de belles
Lettres.
Le Pere Brun a fait quatre
Dissertations.
La premiere, sur les fausses
Decretales.
La seconde, sur l'unité,
qui, selon les Platoniciens,
est le principe de la beauté.
La troisième,sur les vents.
La quatrième
,
sur les
vrais miracles.
- Mr Mahudel a traité prémièrement
desMomies&
des superstitions des Egyptiens.
Secondement, des quesrions
Philologiques sur la
Paillon deJesusChrist.
Troisiémement.,des Talismans.
Quatrièmement
,
des
Fontaines.
Mr Aubert, lejourdesa
reception
,
fit un discours
sur le Bejaune ou sur la
Bienvenuë.
Il a encore fait deux autres
discours.
Le premier, sur la Manumission
des Esclaves.
Et le second sur un Canon
du Concile d'Elvire.
LePere de Colonia a fait
plusieurs Disserrations.
Premierement
,
sur les
Textes originaux de l'Ecrirure
fainte.
Secondement, sur la verion
des Septante.
Troisiémement,sur les
choses vrayes qui ne sont
pas vraisemblables.
Quatrièmement, sur le
l'Infini créé.
Cinquièmement, sur l'origine
& les variations du
jeusne du Caresme.
Sixiémement, sur la Rcgale,
la Pragmatique Sandion
& le Concordat.
Septiememcnt,sur les plus
beaux endroits des Auteurs
du siecle d'Auguste.
Huitièmement, sur les
plus belles Epitaphes des
Grecs, des Latins& des
François.
Neuvièmement
,
sur la
Cabale &surla Massore.
Dixiémement, sur l'antiquité
des Temps.
Onzièmement, sur les
Catacombes.
Mr l'Abbé de Gouver.
net a fait deux discours.
Le premier, sur Cassiodore
e Apollonius de
Thiane.
Le [econd) sur laverité
les Miracles.
Mr l'Abbé Tricaut a
arlé fut les persecutions
e FEgliic.
L'on voit que toutes les
ciences,l'antique,le moerne,
le sacre, & le profane
J tout est embrasse par
ces nouveaux Académiciens.
Ils agitent plusieurs
questions fut la Langue
Françoise.
Quoyque je doive ceder
du moins pour un temps
à la loy qu'ils m'ont prescrite
de ne les point louer,
je ne puis m'empescher d^
dire icy que plusieurs d'entr'eux
ont donné des ouvrages
au public, qui leur
ont acquis de la reputa.
tion parmy les Sçavans.
Mr de Villemor a don.
né un nouveau Systeme,
ou une nouvelle Explication
des mouvemens des
Planettes. Cet ouvrage qui
est rempli de vûës ingenieufès
fait honneur à la
Philosophie de Descartes.
Mr Brofetreacomposé
une Table des Titres des
Livres du Droite une Histoire
stoireparticulière de Lyon,
comme il estoit fore lié
avec Despreaux,ce fameux
Auteur luy a découvert
confidemment les secrets
de son stile, & il la conduit
souvent à lasource où
il puisoit toutes ses pensées
heureuses.
Mr l'Abbé de Gouvernet
qui est fort distingué
par sa naissance,est grand
Vicaire de ce Diocese ; il
a donné au public un Commentaire
sur laGenere. Je
succomberois facilementà
la tentation de le louer, si
je m'arrestois davantage
surce sujet. -4..
Le Pere de Colonia a mis
en lumiere des ouvrages
dans plusieurs genres d'érudition
; il a composé plusieurs
Tragedies Françoises
qu'il a alliées avec la
faintere de son estat. Il a
fait present au public d'une
Rhetoriquelatine. Il presensa
àMonfeigneur leDuc
de Bourgogne decedéDauphin
de France,un ouvrage
qui a pour titre les Annquitez
sacrées & profanes
d{.; Lyon. Il a fait une Die:
fertation sur le Taurobole
découvertàLyon en 1704.
Il a fait encore plusieurs
dissèrtations sur divers moninnens
antiques.C'est un
genie vasse & universel , Sce trait delouange m'échape.
Il a un des plus
beaux cabinets de Medailes
que la curiosité la plus
riche & la plus fçavance
uifJè assembler ; il. a une
suite de Médaillés Consuaires
de Rome en argent; il a la fuite des Empereurs
Romains en grand, moyen
m petit bronze une fuite
des Rois de SyrieJune luite
des Rois d'Egypte, une
fuite des Medailles de laSicile&
de la grande Grece
en argent & en bronze. Il
a plusieurs Idoles de l'Egypte,
de la Grece, de Rome;
des Lampes antiques
en bronze; une Histoire
métallique des Papes en
argent&en or;une partie
de la vie du Roy en argent,
desmonnoyesdargent des
trois races de nos Rois.
Je m'interromps moy.
mesme,& jecesse de 1erdecette par
lerdecetteAAccaaddéémmiieeasi
des sujets qui la composent
: car malgré la loy
qu'on m'a imposée je serois
porté à louër le rare
sçavoir & la profondemodeftie
du Pere Brun & le
mérité de Mr Dugas, du
Président & des autres Academiciens.
RELATION
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Résumé : LETTRE à Monsieur B ....
L'Académie de Lyon, fondée en janvier 1708, se consacre aux sciences et aux belles-lettres. Initialement composée de six membres, dont les Pères Jésuites Brun et de Colonia, Mr Dugas, Mr Villemot, Mr de Puget et Mr Falconnet, elle se réunissait chez ce dernier. À la demande de Mr Trudaine, Intendant de Lyon, les réunions se tinrent ensuite chez lui avant de se déplacer chez Mr de La Valette en raison de l'affluence croissante. L'Académie s'agrandit avec l'ajout de nouveaux membres tels que Mr de La Valette père et fils, Mr de Serre, Mr Brossette, l'Abbé de Gouvernet, Mr Mahudel et l'Abbé Tricaut de Bellont. En 1710, Mr de Sainsonds et en 1711, Mr Aubert et Mr de Glatigni rejoignirent l'Académie. Les académiciens se réunissent régulièrement chaque lundi à 15 heures pour des conférences durants trois heures, abordant divers sujets. Parmi les contributions notables, Mr de Villemot parla des erreurs populaires en physique et mathématiques, de l'idolâtrie, de la force des nerfs, des pré-adamites, du déluge et de la confession publique dans les premiers siècles de l'Église. Mr Brossette discourut sur la peinture, la sculpture, l'architecture et les sépultures des Anciens. Mr Dugas traita du bon goût en matière de belles-lettres. Le Père Brun disserta sur les fausses décrétales, l'unité selon les Platoniciens, les vents et les vrais miracles. Mr Mahudel aborda les momies, les superstitions égyptiennes, les questions philologiques sur le paillon de Jésus-Christ, les talismans et les fontaines. Mr Aubert parla du bejaune, de la manumission des esclaves et d'un canon du Concile d'Elvire. Le Père de Colonia fit plusieurs dissertations sur des sujets variés, allant des textes originaux de l'Écriture sainte aux catacombes. L'Académie embrasse toutes les sciences, anciennes et modernes, sacrées et profanes. Plusieurs membres ont publié des ouvrages notables, comme Mr de Villemot sur les mouvements des planètes, Mr Brossette sur le droit et l'histoire de Lyon, et le Père de Colonia sur divers sujets d'érudition. L'Académie possède également une riche collection de médailles et d'objets antiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 339-351
Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Début :
MEMOIRES pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres dans la Republique [...]
Mots clefs :
Auteurs, Roi, Mémoires, Hommes illustres, Ouvrages, Histoire, Belles-lettres, Savants, Guillaume Budé, Sciences
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texteReconnaissance textuelle : Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Mémoires pour servira l'Histoire
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres > avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , tome 8 . de 40 8 . pages
fans les Tables. A Paris , chez. Bnaffon „
rué S. làcques , a la Science. 1730.
. A la tête de ce 8 e. volume est un coure
Avertissement , qui apprend au Lecteut
une chose auíïl agréable que nécessaire á
l'égard de ceux qui aiment Inexactitude Sc
la perfection dans les entreprises Litté
raires. L' Auteur de ces Mémoires se pré
pare, nous dit-on , à donner dans le di
xième vol. qui paroîtra fur la fin du mois
de Décembre 1729. les corrections fur les
neuf vol. qui le précédent ^ avec les Ad
ditions qu'on lui a déja données. Il invite
de plus ceux qui auront reconnu quelque
faute , quelque îegere qu'elle puisse être ,
ou qui sçauront <juelques faits oubliez ,
ou enfin qui auront quelques Additions, à
les lui communiquer , se chargeant d'in
struire le Public du nom de ceux dont il
auxar
34© MERCURE Í)E FRANGÉ,
aura receu des remarques utiles. On aver»
tic aussi que le dixième vol. contiendra en
core des Tables générales , Alphabéti
que, Nécrologique ì 6c selon l'ordre des
Matières de ce qui est contenu dans les
neuf premiers vol enfin qu'on pourrs
s'addrefler au Libraire qui vend ce Livre ^
pour tout ce qu'on voudra faire tenir ìt
l'Auteur.
Nous profiterons de l'invitation conte
nue dans cet Avertissement , pour conti
nuer de parler avec franchise en faveur de
la vérité, & pour fa perfection de cet~Ou->
Vrage , quand l'occaíìon s'en présentera.1
Le 7e. vol. en offroit une , mais il n'étfoit
pas encore rems de publier notre Re
niai que , qui n'auroit pu passer alors que
pour une conjecture. Nous. avons depuisdécouvert
que cette Remarque peut être
solidement appuyée. Voici de quoi il s'a
git1. Dans le Catalogue des Ouvrages
d'André Ducheshe , qui est à la fin du
Mémoire quile concerne dans le 7e. tome
pag. 32}'. on trouve art. 6. le Titre qui
fuit : Les Antiquitez. & Recherches des
Villes , Châteaux & Places remarquables
de toute la France■", suivant l'ordre des huit
Parlement. Paris i (íi&. in-%. On ajoute
que' cettepremiere Edition a été suivie de
celles dis années 16 14. 1611. 1619.
iôji. 1637. úv8. Item, rêvât s corri'
g"*
Lévrier. 1730. 3 4 r
gées & augmentées par François Ducbejhe.
Paris 1 £47. in 8.& 166%. z. vol.in-ii.'
L'Arciclc finit par ces paroles Ce Livre
est mal écrit , mais il contient des choses;
curieuses , la derniere Edition que Duchesne
le Fils a procure'e est la meilleure.*
Nous avons toujours cru que cet Ou
vrage, quoique publié sous le nom d'An
dré Duchesne , n'étoit point de ce célèbre'
Auteur. II ne faut que le lire avec une*'
médiocre attention pour s'en appercevoic
: Mauvais stile, défaut de critique ,>
excès de crédulité , tout sent une maint*
qui ne cherche qu'à accumuler des Phra
ses , pour produire enfin un Livre com
posé de choses communes , & qu'on trou
ve dans plusieurs autres Ouvrages', eo-'
qui est bien éloigné du génie & de la ca
pacité d'André Duchesne.
Mais ce qui a achevé de nous con
vaincre fur ce point , c'est le témoignage
d'un Sçavant du premier ordre & des plus
respectables. Il faut d'abord observer que
la première Edition de ce Livre n'est pas
celle de.i 6 l e. marquée ci dessus par no
tre Editeur. Il s'en trouve une autre de
1609. dont il y a un exemplaire dans la
Bibliothèque de S. Germain des Prez ,
faite à Paris, chez Jean Petit Pas. En
second lieu, on lit à la tête de cet Exem
plaire de 1609. les paroles qui suivent,
cuites -
$4* MERCURE DE FRANGÉ,
éiîrites de la main du célèbre Dom' Lire
Dachery ^ contemporain & ami d' André?
Ducheíne.
Ce présent Livre n'ejì point de M. Ditchefìte
, je Pai ffudesà propre bouche r
ifant venu voir quelque chose k notre Bibliothequei
On P a mis fous son nom pour
le mieux vendre , parce que de soi il nevaut
rien , ni pour l' Histoire ni pour le
Stile. Le 19. Avril 1640.
Après une attestation si précise , on ne
peut s'empêcher de convenir de ^impo
sture , laquelle a continué àvec plus d»
facilité après la mort de l' Auteur dans:
les Editions qui ont suivi , jusqu'à sou
tenir que les deux dernieres ont été re
vues & corrigées par F. Duchesne sort
Fils, &c. Quand même il seroit vrai que
le Fils ait eu quelque part à ces dernieres
Editions , ce qui est extrêmement dou
teux , il doit toujours passer pour certaia
que l'Ouvrage original n'est point de son
Père : Au reste l' Auteur des Mémoires
n'a erré Ià dessus qu'après le P. le Long ,
qui l'acopié fur l'article d'André Duches
ne , & après plusieurs autres.
Ce n'est pas la première fois que les1
Libraires , même quelques Auteurs en
ont imposé au Public , en mettant ut»
fiom respectable à la tête d'un Ouvrage
médiocre dans la vue de l'acrediter : C'est
ainsi
FEVRIER. 1730. î4j
•insi qu'on a vu paroître en l'année
1719. un Livre fort superficiel, sous le
nom de M. l'Abbé de Bellegarde , qui
ccrit si poliment , & qui a donné tant de
bons Ouvrages , lequei nous a assure' n'a»-
voir aucune part à celui dor.t on vient de
parler. Mais revenons à notre 8e. vol.
des Mémoires pour l'Histoire des Hom
mes Illustres , Sec. Ce vol. contient la
Vie & le Catalogue des Ouvrages de 37.
Sçavans, dont voici les noms.
Léon Allatius , Emeri Bigot , Lazare
André Bocquillot , Guillaume Budé , Ni*
col. Calliachi , Charles du Cange , Jean
Cocceius , Jacques Cujas , Jean Donne ,
Caffandre Fedele , Claude Fleury , Théo*
phi le Foltngo , Jean Gallois , Th. Qatar
keryijean Gravi us , Nicol. Hartfoel(er ,
Jean Htnn Hottinger , Jacques le Paulmier
de Grantemefnil , Barth. Platine ,
Jean Jovien Pontan , Louis Pontico VirUr
nio , Guill. Poftcl > Etien. Rajficod , Abel
de sainte Marthe Père & Fils , jîbel Louis
de sainte Marthe , Charles de sainte Mar
the , Claude de sainte Marthe , Pierre Sce-r
vole de sainte Marthe , Scevole de saints
Marthe , Scevole & Louis de sainte Mar
the , Jacques Sannazar , Jean-Marie de
la Marque Tilladet , Sebafiien Vaillants
Çharles'VerarÂQ. ..f . '. . v .1
1/ Article. de Guillaume Budé nous »
fan»
tajf. MERCURE* DE PRANOS.
j>aru être l'un des plus curieux de ce vdj.
'& nous croyons que nos Lecteurs nous
^■sçauront gré de le trouver ici , tel que
l'Auteur des Mémoires Ta présenté au
public. Guillaume Budé , ( en Latin Budoeus)
naquit à Paris l'an 14.67. de Jeajn
JBudé , Seigneur d'Yerre , de Villers fur
Marne , & de Marly , Grand-Audianciex
en la Chancellerie de France , & de Ca
therine le Picart*
\ On lui donna des Maîtres dès-qu'il pa,-
lut capable d'apprendre quelque choses
mais la barbarie qui regnoit alors dans lc$
.Collèges , le dégoûta , Ôc l'empêcha de
faire de grands progr.es. C'étoit la cou
tume de pafler à l'étude da Droit , dè$
qu'on sçavoit un peu de Latin , il la sui
vit comme les autres, & alla à Orléans
pour ce sujet ; mais il . y demeura trois ans
fans y rien apprendre. Il n'entendoit pres-
,que point les Auteurs Latins , il n'çtoit
J>as par conséquent eu état de comprendre
es Ecrits & les Leçons de ses Professeurs.
Ainsi il revint à Paris a,ussi ignorant qu'il
,«n éroit parti , & plus dégoûté de l'étude
jqu'il ne l'étoit auparavant. ' . ■
Les plaisirs firent alors toute son occu
pation , ôc il s'adonna particulièrement £
îa chaffe ; mais lorsque le premier feu de
la jeunesse se fût rallenti en lui , il se sentit
coat d'un coup saisi d'une oasEon si vios
FEVRIER. 175©. ?4I
tente pour l'étude , qu'il s'y donna avec
une ardeur inexprimable. Il renonça dès*
j lors à tous les divertissemens & à toutes
j les compagnies ; & regardant comme per
du tout le tems qui n'étoit point employé
àl'étude , il regrettoitles heures qu'il étoit
obligé de donner à (es repas & à son som
meil.
Ce qu'il y a voit de fâcheux pour lui t
1 c'est qu'il n'avoit personne qui pût le dí*
íiger dans ses études, & lui montrer la
route qu'il devojt tenir pour ne poinc
perdre un tems qui lui étoit si précieux»
îl ne fçavoit quels étoient les Auteurs
qu'il de voit lire les premiers , & il se trompoit
souvent dans le choix qu'il en faisoit.
Ce ne fut que dans la fuite , qu'il
apprit par fa propre expérience , & pat
son propre gout , ceux qu'il devoit préfé
rer aux autres. Ainsi il ne dut qu'à luimême
les progtès qu'il fit , par son appli-
I cation assidue dans les Belles-Lettres.
II ne fut non plus redevable qu'à son
travail de la connoissance qu'il acquk de
ia Langue Grecque , il eût, à la vérité, un
Maître nommé George Hermonyme , qui
L se disok natif de Lacédémone , "mais qui
ne sçachant pas grand chose ., ne pouvoit
lui en apprendre beaucoup. Quelques en
tretiens qu'il eut avec Jean Lascaris lui
furent plus utiles , . & les instructions dç
* 4* MERCURE DE FRANCE,
ce grand homme lui soumirent les moy em
d'avancer avec plus de succès dans les
çonnoiffances qu'il s'étoit proposé d'ac
quérir.
Les Belles -Lettres ne l'occuperent pas
jtellement, qu'il négligeât les autres Scien
ces» U apprit les Mathématiques de Jean
Faber, dont il épuisa bientôt le sçavoir ,
par la facilité qu'il ayoit à comprendre
tout ce qu'il lui disoit.
Cependant son Père n« le vòïoit qu'ar
yec peine attaché si fort à l'ctude , appré
hendant que cer attachement ne préjudifiât
à ses affaires domestiques , & ne nui
sît à fa santé ; mais tout ce qu'il pût lui
dire fur ce sujet fut inutile , fa passion
l'emporta fur les remontrances. Au reste
íes craintes de son Pere n'eureqt lieu qu'en
partie ; car il ne négligea jamais ses affai
res , il eut foin au contraire de se parta
gé» entre-elles & ses études. Mais fa santé
en souffrit , car son assiduité au travail lui
procura une maladie , qui le tourmenta à
différentes reprises , pendant plus de vingt
»ns , &c qui le rendit mélancolique & cha
grin. Le triste état où il se trouv,oit alors,
n'étoit point capable de le dégoûter de
J'érude , il profìtojt des niomens de relâ
che qu'il avoit, pour s'y livrer de nou
veau. C'est même pendant cc tems - là
qu'il a composé la plupart de ses QuÏJWgefe
Quelque*
TEVR1ER. 1730. ?4f
Quelques Auteurs on mis en question :
S'il étoit à propos pour un Homme de
Lettres de íe marier , & se sont servi de
Pexemple de Budé pour soutenir l'affirmative.
Il se maria en effet , & si l'on et»
croit un de ces Auteurs > fa femme bienloin
de l'empêcher d'étudier , lui servoit
de second , en lui cherchant les passages ,
& les Livres dont il avoit «besoin, Il falloir,
^u'il l'eût connue de ce goût-là des avant
ion mariage , puisque, le jeùr même de
ses noces il se de'roba trois heures ait
moins , pour les passer avec ses Livres.
Louis le Roy , de'crit ainsi la manière,
dont il avoit coutume de passer lá jour
née : En se levant, il se mettoit au travail,
& étudioit jusqu'à l'heure de dîner j avant
que de se mettre à table , il fáisoit un peu
d'exercice pour se donner de l'appetit.
Après le repas, il passoit deux heures »
Causer avec sa famille , ou ses amis , après
quoi il recommençoit à travailler jusqu'à»
souper. Comme ce repas íe saisott ordi
nairement fort tard , i! ne faisoit jamais
rien après. Ii avoit une Maison de Cam
pagne à saint Maur , où il demeuroic assez
volontiers , parce que son e'rude n'y étoiç
point interrompue par des visites , com
me à la Ville.
t II vécut fort long-tems dans l'obscuriré
{Le son Cabinet , mais son rne'rir,e j'eq tira:
$4 S MERCURE DE FRANCE.
Qay de Rochefort , Chancelier de Fran.
çe , le fit çonnoître au Roy Charles VIII.»
qui voalut le voir , Sc le fie venir auprès
de luiî mais il ne vécut pas assez après
çela, pour lui faire du bien, .. i
Louis XIL successeur de Charles, l'en»,
voya deux fois en Italie pour quelques;
négociations , & le mit ensuite au nombre,
de íes Secrétaires. 11 youlur aussi le fairç,
Conseiller au, Parlement de Paris ; maiç.
Budé refusa cette Charge , qui lui aurpir^
çauíé trop de distractions, ÔC qui lui auroit
enlevé un tems , qu'il aimoit mieu%
donner à ses études.
II se vit cependanc dans la fuite exposd
à ces distractions qu'il craignoit. Le Roy
Fcançois I. qui aimoit les Gens de Lettres,
k fit venir auprès de lui à Ardres » où
5'e'toit rendu en 1520. pour s'aboucher,
avec le Roy d'Angleterre. L' Auteur de fa.
vie remarque , que ce fut alors pour 1%
première fois que Budé eut accès auprès
de lui : ce qui détruit cç que Yarillas aavancé
dans son Histoire da François I<
(a) que ce Prince l'envoya à Rome etj
Ambassade en iji 5. auprès du Pap©
Léon X. fait suppose par cet Auteur ,
qu'iL accompagne d'une reflexion , qui
n'est pas plus vraie. » Budé, dit-il , n'ér
«toit pas mal adroit co négociation ,
Çà) 144$ u fi i -; "---.-< -i
\i'i.< C « quoiqu'il
I 'J TE V RIE R. 17300 j4f
B'qqoiqu'il eut vécu dans Paris , fans au-
» cre conversation que celle de ses Livres, «c
| -Comment Varillas a-r-il pu parler ainsi,
puisque Budé avoit déja e'té deux fois ea
! Italie pour différentes négociations ?
I François I. ayant pris gout à la convec*
/ation de Budé , voulut ,1'avoir toujours
attprès de lui , lui confia le foin de fa Bi
bliothèque , & lui donna une Charge de
Maître des Requêtes , dont il fut pourvu
}e2 I. Août 1522. La. Ville de Paris l'é*
lût la même anne'e Prevôc des Mar»
chands. . • ,
• Il aimoit trop les Sciences , pour ne pas
faire servir à leur avantage le crédit qu'il
> atoit auprès du Roy > il fut un des prin
cipaux Promoteurs de l'érection du CoU
lege Royal , & de la Fondation des Chai-s
res , qui y fur faite fous le Règne ^ de
François I.
, Il se brouilla avec Antoine du Prat t
Chancelier de France , ce qui l'obligea
pendant quelque temsà n'aller à la Cour,
qu'autanc que le devoir de fa Charge l'y
engageoit. M? is ce tems ne dura pas ; car
Guillaume. Po;;et qui l'aimoit , ayant e'té
fait Chancelier , voulut qu'il demeurât
continuellement auprès de lui.
Un voyage qu'il fit avec lui en 15 40.
fur les côres de Normandie , à la fuite duj!
&oy , qui y alloit chercher du rafraîchisr.,
. ^ * G ij sèment
^5<> MERCURE DE FRANCBj
íement dans les chaleurs excessives da
cette année , lui fut funeste. Il y ga*
gna une fièvre , qui lui paroissant dan»
gereuse , lui fit naître l'envie de se faire
porter chez lui , pour mourir du moins
au milieu de fa Famille.
De retour à Paris , il vit bien tôt son
mal s'augmenter , & il mourut le 23,
Août de la même année 1540. âgé de 73.
ans. Plusieurs Auteurs se sont trompés fut
la datte de fa mort La Croix du Maine
en la fixant au z 5. Août. S ponde , en la
mettant au 2©. Août , & Pierre de saint
Romuald, en l'avançant au $. Août de
la même année. Le P. Garasse dans fa
Doctrine curieuse , le fait mourir en 1 5 ; 9.
L'erreurde M. de Launoy est encore plus
considérable , puisqu'il recule (a) sa mort
jusqu'au premier Septembre 1 ç 7 3.
Budé fut enterré le x6 . Août à saint Ni»
colas des Champs 3 fans aucune pompe ,
comme il l'avoit ordonné par son Testa»
ment , ou il dit : m Je veux être porté en
«•terre de nuit , & íans semonce , à une
» Torche , ou à deux seulement , & ne
» veux être proclamé à l'Eglise , ne à la
» Ville , ne alors que je ferai inhumé s ne
>le lendemain; car je n'approuverai ja-
>mais la coutume des cérémonies lugu-
» bres , & pompes funèbres*. . . Je détens
(s) Hijì. Gjmn. ì{*v»rr. f» 8.8 xì. . -
*■ # qu'or*
LEVRIER, i^rjd. jç»
»qn'on m'en fasse, tant pour ce, quepout
»autres choses , qui ne se peuvent faire
asans scandale ; & si je ne veux qu'il y aie
^cérémonie funèbre , ne autre Représerr.
Mtarion à l'entour du lieu où je serai en*
«terré , le long de l'anne'e de mon trépas ,
«parce qu'il me semble imitation des Ce-
Dnotaphes , donc les Gentils ancienne-*
»xment ont asé#
C'étoit ici le lieu de placer rEpigram»
me , que fit Melain de saint Gelais , à
l'oecasion de la mort de Budé, & de la
disposition Testamentaire qu'on vient de
lire. 11 est à croire que l'Editeur des Mé
moires ne l'a pas connue > on ne fera pas
fâché de la trouver ici.
Qui est celui que tout le monde fuit >
tas ! c'est Budé au Cercueil étendu.
Pourquoi n'ont fait les Cloches plus grand]
bruk?
Son nom fans Cloche est aflez épanda;
Que n'a-t on plus en Torches dépendu í
Suivant la mode accoutumée & sainte »
Afin qu'il sut par l'obscur entendu
Que des François la lumière est éteinte*
Nous donnerons dans le prochain Mer*
Cure la fuite de ce Mémoire*
des Hommes Illustres dans la République
des Lettres > avec un Catalogue raisonné
de leurs Ouvrages , tome 8 . de 40 8 . pages
fans les Tables. A Paris , chez. Bnaffon „
rué S. làcques , a la Science. 1730.
. A la tête de ce 8 e. volume est un coure
Avertissement , qui apprend au Lecteut
une chose auíïl agréable que nécessaire á
l'égard de ceux qui aiment Inexactitude Sc
la perfection dans les entreprises Litté
raires. L' Auteur de ces Mémoires se pré
pare, nous dit-on , à donner dans le di
xième vol. qui paroîtra fur la fin du mois
de Décembre 1729. les corrections fur les
neuf vol. qui le précédent ^ avec les Ad
ditions qu'on lui a déja données. Il invite
de plus ceux qui auront reconnu quelque
faute , quelque îegere qu'elle puisse être ,
ou qui sçauront <juelques faits oubliez ,
ou enfin qui auront quelques Additions, à
les lui communiquer , se chargeant d'in
struire le Public du nom de ceux dont il
auxar
34© MERCURE Í)E FRANGÉ,
aura receu des remarques utiles. On aver»
tic aussi que le dixième vol. contiendra en
core des Tables générales , Alphabéti
que, Nécrologique ì 6c selon l'ordre des
Matières de ce qui est contenu dans les
neuf premiers vol enfin qu'on pourrs
s'addrefler au Libraire qui vend ce Livre ^
pour tout ce qu'on voudra faire tenir ìt
l'Auteur.
Nous profiterons de l'invitation conte
nue dans cet Avertissement , pour conti
nuer de parler avec franchise en faveur de
la vérité, & pour fa perfection de cet~Ou->
Vrage , quand l'occaíìon s'en présentera.1
Le 7e. vol. en offroit une , mais il n'étfoit
pas encore rems de publier notre Re
niai que , qui n'auroit pu passer alors que
pour une conjecture. Nous. avons depuisdécouvert
que cette Remarque peut être
solidement appuyée. Voici de quoi il s'a
git1. Dans le Catalogue des Ouvrages
d'André Ducheshe , qui est à la fin du
Mémoire quile concerne dans le 7e. tome
pag. 32}'. on trouve art. 6. le Titre qui
fuit : Les Antiquitez. & Recherches des
Villes , Châteaux & Places remarquables
de toute la France■", suivant l'ordre des huit
Parlement. Paris i (íi&. in-%. On ajoute
que' cettepremiere Edition a été suivie de
celles dis années 16 14. 1611. 1619.
iôji. 1637. úv8. Item, rêvât s corri'
g"*
Lévrier. 1730. 3 4 r
gées & augmentées par François Ducbejhe.
Paris 1 £47. in 8.& 166%. z. vol.in-ii.'
L'Arciclc finit par ces paroles Ce Livre
est mal écrit , mais il contient des choses;
curieuses , la derniere Edition que Duchesne
le Fils a procure'e est la meilleure.*
Nous avons toujours cru que cet Ou
vrage, quoique publié sous le nom d'An
dré Duchesne , n'étoit point de ce célèbre'
Auteur. II ne faut que le lire avec une*'
médiocre attention pour s'en appercevoic
: Mauvais stile, défaut de critique ,>
excès de crédulité , tout sent une maint*
qui ne cherche qu'à accumuler des Phra
ses , pour produire enfin un Livre com
posé de choses communes , & qu'on trou
ve dans plusieurs autres Ouvrages', eo-'
qui est bien éloigné du génie & de la ca
pacité d'André Duchesne.
Mais ce qui a achevé de nous con
vaincre fur ce point , c'est le témoignage
d'un Sçavant du premier ordre & des plus
respectables. Il faut d'abord observer que
la première Edition de ce Livre n'est pas
celle de.i 6 l e. marquée ci dessus par no
tre Editeur. Il s'en trouve une autre de
1609. dont il y a un exemplaire dans la
Bibliothèque de S. Germain des Prez ,
faite à Paris, chez Jean Petit Pas. En
second lieu, on lit à la tête de cet Exem
plaire de 1609. les paroles qui suivent,
cuites -
$4* MERCURE DE FRANGÉ,
éiîrites de la main du célèbre Dom' Lire
Dachery ^ contemporain & ami d' André?
Ducheíne.
Ce présent Livre n'ejì point de M. Ditchefìte
, je Pai ffudesà propre bouche r
ifant venu voir quelque chose k notre Bibliothequei
On P a mis fous son nom pour
le mieux vendre , parce que de soi il nevaut
rien , ni pour l' Histoire ni pour le
Stile. Le 19. Avril 1640.
Après une attestation si précise , on ne
peut s'empêcher de convenir de ^impo
sture , laquelle a continué àvec plus d»
facilité après la mort de l' Auteur dans:
les Editions qui ont suivi , jusqu'à sou
tenir que les deux dernieres ont été re
vues & corrigées par F. Duchesne sort
Fils, &c. Quand même il seroit vrai que
le Fils ait eu quelque part à ces dernieres
Editions , ce qui est extrêmement dou
teux , il doit toujours passer pour certaia
que l'Ouvrage original n'est point de son
Père : Au reste l' Auteur des Mémoires
n'a erré Ià dessus qu'après le P. le Long ,
qui l'acopié fur l'article d'André Duches
ne , & après plusieurs autres.
Ce n'est pas la première fois que les1
Libraires , même quelques Auteurs en
ont imposé au Public , en mettant ut»
fiom respectable à la tête d'un Ouvrage
médiocre dans la vue de l'acrediter : C'est
ainsi
FEVRIER. 1730. î4j
•insi qu'on a vu paroître en l'année
1719. un Livre fort superficiel, sous le
nom de M. l'Abbé de Bellegarde , qui
ccrit si poliment , & qui a donné tant de
bons Ouvrages , lequei nous a assure' n'a»-
voir aucune part à celui dor.t on vient de
parler. Mais revenons à notre 8e. vol.
des Mémoires pour l'Histoire des Hom
mes Illustres , Sec. Ce vol. contient la
Vie & le Catalogue des Ouvrages de 37.
Sçavans, dont voici les noms.
Léon Allatius , Emeri Bigot , Lazare
André Bocquillot , Guillaume Budé , Ni*
col. Calliachi , Charles du Cange , Jean
Cocceius , Jacques Cujas , Jean Donne ,
Caffandre Fedele , Claude Fleury , Théo*
phi le Foltngo , Jean Gallois , Th. Qatar
keryijean Gravi us , Nicol. Hartfoel(er ,
Jean Htnn Hottinger , Jacques le Paulmier
de Grantemefnil , Barth. Platine ,
Jean Jovien Pontan , Louis Pontico VirUr
nio , Guill. Poftcl > Etien. Rajficod , Abel
de sainte Marthe Père & Fils , jîbel Louis
de sainte Marthe , Charles de sainte Mar
the , Claude de sainte Marthe , Pierre Sce-r
vole de sainte Marthe , Scevole de saints
Marthe , Scevole & Louis de sainte Mar
the , Jacques Sannazar , Jean-Marie de
la Marque Tilladet , Sebafiien Vaillants
Çharles'VerarÂQ. ..f . '. . v .1
1/ Article. de Guillaume Budé nous »
fan»
tajf. MERCURE* DE PRANOS.
j>aru être l'un des plus curieux de ce vdj.
'& nous croyons que nos Lecteurs nous
^■sçauront gré de le trouver ici , tel que
l'Auteur des Mémoires Ta présenté au
public. Guillaume Budé , ( en Latin Budoeus)
naquit à Paris l'an 14.67. de Jeajn
JBudé , Seigneur d'Yerre , de Villers fur
Marne , & de Marly , Grand-Audianciex
en la Chancellerie de France , & de Ca
therine le Picart*
\ On lui donna des Maîtres dès-qu'il pa,-
lut capable d'apprendre quelque choses
mais la barbarie qui regnoit alors dans lc$
.Collèges , le dégoûta , Ôc l'empêcha de
faire de grands progr.es. C'étoit la cou
tume de pafler à l'étude da Droit , dè$
qu'on sçavoit un peu de Latin , il la sui
vit comme les autres, & alla à Orléans
pour ce sujet ; mais il . y demeura trois ans
fans y rien apprendre. Il n'entendoit pres-
,que point les Auteurs Latins , il n'çtoit
J>as par conséquent eu état de comprendre
es Ecrits & les Leçons de ses Professeurs.
Ainsi il revint à Paris a,ussi ignorant qu'il
,«n éroit parti , & plus dégoûté de l'étude
jqu'il ne l'étoit auparavant. ' . ■
Les plaisirs firent alors toute son occu
pation , ôc il s'adonna particulièrement £
îa chaffe ; mais lorsque le premier feu de
la jeunesse se fût rallenti en lui , il se sentit
coat d'un coup saisi d'une oasEon si vios
FEVRIER. 175©. ?4I
tente pour l'étude , qu'il s'y donna avec
une ardeur inexprimable. Il renonça dès*
j lors à tous les divertissemens & à toutes
j les compagnies ; & regardant comme per
du tout le tems qui n'étoit point employé
àl'étude , il regrettoitles heures qu'il étoit
obligé de donner à (es repas & à son som
meil.
Ce qu'il y a voit de fâcheux pour lui t
1 c'est qu'il n'avoit personne qui pût le dí*
íiger dans ses études, & lui montrer la
route qu'il devojt tenir pour ne poinc
perdre un tems qui lui étoit si précieux»
îl ne fçavoit quels étoient les Auteurs
qu'il de voit lire les premiers , & il se trompoit
souvent dans le choix qu'il en faisoit.
Ce ne fut que dans la fuite , qu'il
apprit par fa propre expérience , & pat
son propre gout , ceux qu'il devoit préfé
rer aux autres. Ainsi il ne dut qu'à luimême
les progtès qu'il fit , par son appli-
I cation assidue dans les Belles-Lettres.
II ne fut non plus redevable qu'à son
travail de la connoissance qu'il acquk de
ia Langue Grecque , il eût, à la vérité, un
Maître nommé George Hermonyme , qui
L se disok natif de Lacédémone , "mais qui
ne sçachant pas grand chose ., ne pouvoit
lui en apprendre beaucoup. Quelques en
tretiens qu'il eut avec Jean Lascaris lui
furent plus utiles , . & les instructions dç
* 4* MERCURE DE FRANCE,
ce grand homme lui soumirent les moy em
d'avancer avec plus de succès dans les
çonnoiffances qu'il s'étoit proposé d'ac
quérir.
Les Belles -Lettres ne l'occuperent pas
jtellement, qu'il négligeât les autres Scien
ces» U apprit les Mathématiques de Jean
Faber, dont il épuisa bientôt le sçavoir ,
par la facilité qu'il ayoit à comprendre
tout ce qu'il lui disoit.
Cependant son Père n« le vòïoit qu'ar
yec peine attaché si fort à l'ctude , appré
hendant que cer attachement ne préjudifiât
à ses affaires domestiques , & ne nui
sît à fa santé ; mais tout ce qu'il pût lui
dire fur ce sujet fut inutile , fa passion
l'emporta fur les remontrances. Au reste
íes craintes de son Pere n'eureqt lieu qu'en
partie ; car il ne négligea jamais ses affai
res , il eut foin au contraire de se parta
gé» entre-elles & ses études. Mais fa santé
en souffrit , car son assiduité au travail lui
procura une maladie , qui le tourmenta à
différentes reprises , pendant plus de vingt
»ns , &c qui le rendit mélancolique & cha
grin. Le triste état où il se trouv,oit alors,
n'étoit point capable de le dégoûter de
J'érude , il profìtojt des niomens de relâ
che qu'il avoit, pour s'y livrer de nou
veau. C'est même pendant cc tems - là
qu'il a composé la plupart de ses QuÏJWgefe
Quelque*
TEVR1ER. 1730. ?4f
Quelques Auteurs on mis en question :
S'il étoit à propos pour un Homme de
Lettres de íe marier , & se sont servi de
Pexemple de Budé pour soutenir l'affirmative.
Il se maria en effet , & si l'on et»
croit un de ces Auteurs > fa femme bienloin
de l'empêcher d'étudier , lui servoit
de second , en lui cherchant les passages ,
& les Livres dont il avoit «besoin, Il falloir,
^u'il l'eût connue de ce goût-là des avant
ion mariage , puisque, le jeùr même de
ses noces il se de'roba trois heures ait
moins , pour les passer avec ses Livres.
Louis le Roy , de'crit ainsi la manière,
dont il avoit coutume de passer lá jour
née : En se levant, il se mettoit au travail,
& étudioit jusqu'à l'heure de dîner j avant
que de se mettre à table , il fáisoit un peu
d'exercice pour se donner de l'appetit.
Après le repas, il passoit deux heures »
Causer avec sa famille , ou ses amis , après
quoi il recommençoit à travailler jusqu'à»
souper. Comme ce repas íe saisott ordi
nairement fort tard , i! ne faisoit jamais
rien après. Ii avoit une Maison de Cam
pagne à saint Maur , où il demeuroic assez
volontiers , parce que son e'rude n'y étoiç
point interrompue par des visites , com
me à la Ville.
t II vécut fort long-tems dans l'obscuriré
{Le son Cabinet , mais son rne'rir,e j'eq tira:
$4 S MERCURE DE FRANCE.
Qay de Rochefort , Chancelier de Fran.
çe , le fit çonnoître au Roy Charles VIII.»
qui voalut le voir , Sc le fie venir auprès
de luiî mais il ne vécut pas assez après
çela, pour lui faire du bien, .. i
Louis XIL successeur de Charles, l'en»,
voya deux fois en Italie pour quelques;
négociations , & le mit ensuite au nombre,
de íes Secrétaires. 11 youlur aussi le fairç,
Conseiller au, Parlement de Paris ; maiç.
Budé refusa cette Charge , qui lui aurpir^
çauíé trop de distractions, ÔC qui lui auroit
enlevé un tems , qu'il aimoit mieu%
donner à ses études.
II se vit cependanc dans la fuite exposd
à ces distractions qu'il craignoit. Le Roy
Fcançois I. qui aimoit les Gens de Lettres,
k fit venir auprès de lui à Ardres » où
5'e'toit rendu en 1520. pour s'aboucher,
avec le Roy d'Angleterre. L' Auteur de fa.
vie remarque , que ce fut alors pour 1%
première fois que Budé eut accès auprès
de lui : ce qui détruit cç que Yarillas aavancé
dans son Histoire da François I<
(a) que ce Prince l'envoya à Rome etj
Ambassade en iji 5. auprès du Pap©
Léon X. fait suppose par cet Auteur ,
qu'iL accompagne d'une reflexion , qui
n'est pas plus vraie. » Budé, dit-il , n'ér
«toit pas mal adroit co négociation ,
Çà) 144$ u fi i -; "---.-< -i
\i'i.< C « quoiqu'il
I 'J TE V RIE R. 17300 j4f
B'qqoiqu'il eut vécu dans Paris , fans au-
» cre conversation que celle de ses Livres, «c
| -Comment Varillas a-r-il pu parler ainsi,
puisque Budé avoit déja e'té deux fois ea
! Italie pour différentes négociations ?
I François I. ayant pris gout à la convec*
/ation de Budé , voulut ,1'avoir toujours
attprès de lui , lui confia le foin de fa Bi
bliothèque , & lui donna une Charge de
Maître des Requêtes , dont il fut pourvu
}e2 I. Août 1522. La. Ville de Paris l'é*
lût la même anne'e Prevôc des Mar»
chands. . • ,
• Il aimoit trop les Sciences , pour ne pas
faire servir à leur avantage le crédit qu'il
> atoit auprès du Roy > il fut un des prin
cipaux Promoteurs de l'érection du CoU
lege Royal , & de la Fondation des Chai-s
res , qui y fur faite fous le Règne ^ de
François I.
, Il se brouilla avec Antoine du Prat t
Chancelier de France , ce qui l'obligea
pendant quelque temsà n'aller à la Cour,
qu'autanc que le devoir de fa Charge l'y
engageoit. M? is ce tems ne dura pas ; car
Guillaume. Po;;et qui l'aimoit , ayant e'té
fait Chancelier , voulut qu'il demeurât
continuellement auprès de lui.
Un voyage qu'il fit avec lui en 15 40.
fur les côres de Normandie , à la fuite duj!
&oy , qui y alloit chercher du rafraîchisr.,
. ^ * G ij sèment
^5<> MERCURE DE FRANCBj
íement dans les chaleurs excessives da
cette année , lui fut funeste. Il y ga*
gna une fièvre , qui lui paroissant dan»
gereuse , lui fit naître l'envie de se faire
porter chez lui , pour mourir du moins
au milieu de fa Famille.
De retour à Paris , il vit bien tôt son
mal s'augmenter , & il mourut le 23,
Août de la même année 1540. âgé de 73.
ans. Plusieurs Auteurs se sont trompés fut
la datte de fa mort La Croix du Maine
en la fixant au z 5. Août. S ponde , en la
mettant au 2©. Août , & Pierre de saint
Romuald, en l'avançant au $. Août de
la même année. Le P. Garasse dans fa
Doctrine curieuse , le fait mourir en 1 5 ; 9.
L'erreurde M. de Launoy est encore plus
considérable , puisqu'il recule (a) sa mort
jusqu'au premier Septembre 1 ç 7 3.
Budé fut enterré le x6 . Août à saint Ni»
colas des Champs 3 fans aucune pompe ,
comme il l'avoit ordonné par son Testa»
ment , ou il dit : m Je veux être porté en
«•terre de nuit , & íans semonce , à une
» Torche , ou à deux seulement , & ne
» veux être proclamé à l'Eglise , ne à la
» Ville , ne alors que je ferai inhumé s ne
>le lendemain; car je n'approuverai ja-
>mais la coutume des cérémonies lugu-
» bres , & pompes funèbres*. . . Je détens
(s) Hijì. Gjmn. ì{*v»rr. f» 8.8 xì. . -
*■ # qu'or*
LEVRIER, i^rjd. jç»
»qn'on m'en fasse, tant pour ce, quepout
»autres choses , qui ne se peuvent faire
asans scandale ; & si je ne veux qu'il y aie
^cérémonie funèbre , ne autre Représerr.
Mtarion à l'entour du lieu où je serai en*
«terré , le long de l'anne'e de mon trépas ,
«parce qu'il me semble imitation des Ce-
Dnotaphes , donc les Gentils ancienne-*
»xment ont asé#
C'étoit ici le lieu de placer rEpigram»
me , que fit Melain de saint Gelais , à
l'oecasion de la mort de Budé, & de la
disposition Testamentaire qu'on vient de
lire. 11 est à croire que l'Editeur des Mé
moires ne l'a pas connue > on ne fera pas
fâché de la trouver ici.
Qui est celui que tout le monde fuit >
tas ! c'est Budé au Cercueil étendu.
Pourquoi n'ont fait les Cloches plus grand]
bruk?
Son nom fans Cloche est aflez épanda;
Que n'a-t on plus en Torches dépendu í
Suivant la mode accoutumée & sainte »
Afin qu'il sut par l'obscur entendu
Que des François la lumière est éteinte*
Nous donnerons dans le prochain Mer*
Cure la fuite de ce Mémoire*
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Résumé : Mémoires pour servir à l'Histoire des Hommes Illustres, [titre d'après la table]
Le texte est un extrait des 'Mémoires pour servira l'Histoire des Hommes Illustres dans la République des Lettres', tome 8, publié à Paris en 1730. L'auteur annonce des corrections et des additions pour les neuf volumes précédents dans le dixième volume, prévu pour décembre 1729, et invite les lecteurs à signaler toute erreur ou information erronée. Le septième volume contenait une remarque confirmée depuis, concernant une erreur sur un ouvrage attribué à André Duchesne. Le catalogue des œuvres de Duchesne mentionne 'Les Antiquitez & Recherches des Villes, Châteaux & Places remarquables de toute la France', avec plusieurs éditions. Cependant, l'auteur des Mémoires affirme que cet ouvrage n'est pas de Duchesne, en se basant sur le témoignage de Dom Louis D'Achery, qui a déclaré que le livre n'était pas de Duchesne et avait été publié sous son nom pour mieux se vendre. Le texte mentionne également d'autres cas où des libraires ou des auteurs ont attribué des œuvres médiocres à des noms respectables pour les accréditer. Le huitième volume des Mémoires contient les vies et les catalogues des œuvres de 37 savants, dont Guillaume Budé. La vie de Budé est détaillée, soulignant son parcours académique, son assiduité dans les études, et son rôle dans la promotion des sciences sous le règne de François I. Budé a refusé des charges qui auraient pu le distraire de ses études, mais a finalement été nommé maître des requêtes et prévôt des marchands de Paris. Il a également joué un rôle clé dans la création du Collège Royal et la fondation des chaires sous François I. Le texte relate la mort de Budé, survenue en 1540. Budé, âgé de 73 ans, contracta une fièvre lors d'un séjour en Normandie et décida de retourner à Paris pour mourir entouré de sa famille. Il décéda le 23 août 1540. Plusieurs auteurs ont commis des erreurs sur la date de sa mort, la situant entre le 25 et le 31 août, ou même en 1573. Budé fut enterré le 26 août à Saint-Nicolas-des-Champs sans cérémonie, conformément à ses volontés exprimées dans son testament. Il souhaitait une inhumation discrète, sans pompe funèbre, et sans proclamation à l'église ou à la ville. Il comparait les cérémonies funèbres à des pratiques païennes. Le texte mentionne également une épigramme de Melchior de Saint-Gelais sur la mort de Budé et ses dispositions testamentaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 753-755
Rentrée des Académies.
Début :
MR l'Abbé Bannier, Directeur de l'Académie des Inscriptions [...]
Mots clefs :
Académie, Belles-lettres, Inscriptions, Dissertation, Conquête, Sciences, Géographie, Prix, Mémoire, Chirurgie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Rentrée des Académies.
Rentrée des Academies.
l'Abbé Bannier , Directeur de l'Acadé-
Mimie des Inscriptions et Belles - Lettres , présida
à l'Assemblée publique qui se tient à l'ordinaire
au Louvre , le Mardi 3. Avril .
La Seance commença par la lecture d'une Dissertation
de M. de Chamborty sur la Vie et sur la
Famille de Labienus , l'un des Lieutenans Geneneraux
de Cesar , et celui qui eut le plus de part
F v
754 MERCURE DE FRANCE
à la Conquête des Gaules , dans laquelle il com→
mandoit l'Armée Romaine , sous les ordres de
Cesar. Cette Dissertation fut suivie d'une autre
de M. Bonami , sur le Musaum et sur la Bibliotheque
d'Alexandrie. Ce Museum étoit un espece
de College ou Académie de Gens de Lettre , rassemblez
de toutes les parties de la Grece , par les
soins de Ptolemée , Fondateur du Royaume d'E→
gypte.
La Séance fut terminée par la lecture que fir
M. l'Abbé Fourmont , de la Relation du Voyage
qu'il a fait dans la Grece , par l'ordre du Roi.
Comme il a parcouru avec soin et en homme de
Lettre l'Attique , l'Argolide , la Messenie et le
Pays de Lacedemone , il en a rapporté un trèsgrand
nombre d'Inscriptions qu'il a déterrées
lui-même , et dont le Recueil sera très - interes
cant pour la République des Lettres.
Le Mercredy 19. Avril , l'Académie Royale des
Sciences tint son Assemblée publique , à laquelle
présida M. d'Argenson . M. de Fontenelle ouvrit
la Seance par déclarer que la Piece qui a remporté
le Prix de cette année , est celle de M. Bouguer,
Professeur d'Hydrographie.
M. de Fontenelle lût ensuite l'Eloge de M Géofroy
, Pensionnaire Chimiste , mort dans le dernier
semestre. M. Petit , le Chirurgien , lût après
gela une Dissertation sur les differens moyens
que la Chirurgie a employez jusqu'à present pour
arrêter les Emorragies dans les grandes emputa
tions ; ces moyens sont les Stiptiques , les Escarotiques
, les Caustiques et la compression ; il
préfère à toutes les autres cette derniere qu'il a
perfectionnée,en inventant un Instrument qui sert
de bandage , et dont il donne la description.
M. Buache lût ensuite une Dssertation qui a
pour
AVRIL: 1731. 755
pour titre , Recherches Géographiques sur l'étendue
de l'Empire d'Alexandre et sur les routes
parcourues par ce Prince dans ses differentes Expeditions
, pour servir à la Carte de cet Empire ,
dressée à l'usage du Roi , par feu M. de Lisle.
M. Morand finit la Séance par la lecture d'un'
Memoire sur la maniere de faire l'operation de là
Taille , pratiquée anciennement par Frere Jac
ques , et depuis quelques années rétablie et perfectionnée
par M. Cheselden , celebre Chirurgien-
Anglois , et par M. Morand à Paris , qui depuis
D8. mois la pratique avec grand succès.
On donnera des Extraits de ces Memoires.
l'Abbé Bannier , Directeur de l'Acadé-
Mimie des Inscriptions et Belles - Lettres , présida
à l'Assemblée publique qui se tient à l'ordinaire
au Louvre , le Mardi 3. Avril .
La Seance commença par la lecture d'une Dissertation
de M. de Chamborty sur la Vie et sur la
Famille de Labienus , l'un des Lieutenans Geneneraux
de Cesar , et celui qui eut le plus de part
F v
754 MERCURE DE FRANCE
à la Conquête des Gaules , dans laquelle il com→
mandoit l'Armée Romaine , sous les ordres de
Cesar. Cette Dissertation fut suivie d'une autre
de M. Bonami , sur le Musaum et sur la Bibliotheque
d'Alexandrie. Ce Museum étoit un espece
de College ou Académie de Gens de Lettre , rassemblez
de toutes les parties de la Grece , par les
soins de Ptolemée , Fondateur du Royaume d'E→
gypte.
La Séance fut terminée par la lecture que fir
M. l'Abbé Fourmont , de la Relation du Voyage
qu'il a fait dans la Grece , par l'ordre du Roi.
Comme il a parcouru avec soin et en homme de
Lettre l'Attique , l'Argolide , la Messenie et le
Pays de Lacedemone , il en a rapporté un trèsgrand
nombre d'Inscriptions qu'il a déterrées
lui-même , et dont le Recueil sera très - interes
cant pour la République des Lettres.
Le Mercredy 19. Avril , l'Académie Royale des
Sciences tint son Assemblée publique , à laquelle
présida M. d'Argenson . M. de Fontenelle ouvrit
la Seance par déclarer que la Piece qui a remporté
le Prix de cette année , est celle de M. Bouguer,
Professeur d'Hydrographie.
M. de Fontenelle lût ensuite l'Eloge de M Géofroy
, Pensionnaire Chimiste , mort dans le dernier
semestre. M. Petit , le Chirurgien , lût après
gela une Dissertation sur les differens moyens
que la Chirurgie a employez jusqu'à present pour
arrêter les Emorragies dans les grandes emputa
tions ; ces moyens sont les Stiptiques , les Escarotiques
, les Caustiques et la compression ; il
préfère à toutes les autres cette derniere qu'il a
perfectionnée,en inventant un Instrument qui sert
de bandage , et dont il donne la description.
M. Buache lût ensuite une Dssertation qui a
pour
AVRIL: 1731. 755
pour titre , Recherches Géographiques sur l'étendue
de l'Empire d'Alexandre et sur les routes
parcourues par ce Prince dans ses differentes Expeditions
, pour servir à la Carte de cet Empire ,
dressée à l'usage du Roi , par feu M. de Lisle.
M. Morand finit la Séance par la lecture d'un'
Memoire sur la maniere de faire l'operation de là
Taille , pratiquée anciennement par Frere Jac
ques , et depuis quelques années rétablie et perfectionnée
par M. Cheselden , celebre Chirurgien-
Anglois , et par M. Morand à Paris , qui depuis
D8. mois la pratique avec grand succès.
On donnera des Extraits de ces Memoires.
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Résumé : Rentrée des Académies.
Le 3 avril, l'Abbé Bannier présida l'Assemblée publique des Académies au Louvre. La séance débuta par la lecture d'une dissertation de M. de Chamborty sur la vie et la famille de Labienus, lieutenant général de César, qui joua un rôle crucial dans la conquête des Gaules. M. Bonami présenta ensuite une dissertation sur le Musée et la Bibliothèque d'Alexandrie, un collège ou académie de gens de lettres réunis par Ptolémée. La séance se conclut par la lecture de M. l'Abbé Fourmont, relatant son voyage en Grèce, où il a recueilli de nombreuses inscriptions. Le 19 avril, l'Académie Royale des Sciences tint son assemblée publique sous la présidence de M. d'Argenson. M. de Fontenelle annonça que M. Bouguer avait remporté le prix de l'année et lut l'éloge de M. Géofroy, chimiste pensionnaire récemment décédé. M. Petit, chirurgien, présenta une dissertation sur les moyens d'arrêter les hémorragies dans les grandes amputations, préférant la compression grâce à un instrument qu'il a inventé. M. Buache lut une dissertation sur les recherches géographiques concernant l'Empire d'Alexandre. Enfin, M. Morand conclut la séance avec un mémoire sur l'opération de la taille, pratiquée par M. Cheselden et lui-même à Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 755-758
PRIX proposé par l'Académie Royale des Sciences, pour l'année 1733.
Début :
Feu M. Roüillé de Meslay, ancien Conseiller au Parlement de Paris, ayant conçû le noble [...]
Mots clefs :
Académie, Sciences, Prix, Navigation, Astronomie, Tremblement de terre, Médecin, Manuscrit
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PRIX proposé par l'Académie Royale des Sciences, pour l'année 1733.
PRIX proposé par l'Académie Royale
des Sciences , pour l'année 1733.
Eu M. Rouillé de Meslay , ancien Conseiller
au Parlement de Paris , ayant conçu le noble
dessein de contribuer au progrés des Sciences , et
Putilité que le Public en doit retirer , a legué à
P'Académie Royale des Sciences un fonds pour
deux Prix , qui seront distribuez à ceux , qui au
jugement de cette Compagnie auront le mieux
réussi sur deux differentes sortes de Sujets qu'il a
indiquez dans son Testament , et dont il a donné
des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Sistê
me general du Monde et l'Astronomie Phisique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux ter
mes du Testament , et se distribuer tous les ansi
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne le
donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considerable , il sera de z çoo. livres.
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
& le Commerce,
E vj II
756 MERCURE DE FRANCE.
Il ne se donnera que tous les deux ans , et sera
'de 2000. livres.
L'Académie se conformant aux vûës et aux
intentions du Testateur , propose pour Sujet du
second Prix , qui tombe dans l'année 1733 .
Quelle est la meilleure maniere de mesurer
sur Mer le chemin ou le sillage du Vaisseau ,
indépendamment des observations astronomiques.
Les Sçavans de toutes les Nations sont invitez
à travailler sur ces Sujets , et même les Associez
étrangers de l'Académie. Elle s'est fait la Loi
d'exclure les Académiciens regnicoles de prétendre
aux Prix.
Ceux qui composeront sont invitez à écrire en
François ou en Latin , mais sans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils.
voudront , et l'Académie fera traduire leurs Ouvrages.
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisibles ,
sur tout quand il y aura des Calculs d'Algébre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages
,
mais seulement une Sentence ou Devise. Ils
pourront , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un.
Billet séparé , et cacheté par eux ,
cette même Sentence , leur nom , leurs qualitez
et leur adresse , et ce Billet ne sera ouvert par
l'Académie , qu'en cas que la Piece ait remporté
le Prix.
où seront avec.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresseront
leurs Ouvrages à Paris au Secretaire perpetuel
de l'Académie , ou les lui feront remettre entre
les mains. Dans ce second cas , le Secretaire
en donnera en même tems à celui qui les lui aura.
remis , son Recepissé , où sera marquée la Sentence
de l'Ouvrage et son numero , selon l'ordre
ou lé tems dans lequel il aura été reçû ,
Les
AVRIL:
1731. 757
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1732. exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'aprés
Pâques 1733. proclamera la Piece qui aura remporté
ce Prix..
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la
Piece qui aura remporté le Prix , le Trésorier de
l'Académie délivrera la somme du Prix à celui
qui lui rapportera ce Recepissé . Il n'y aura à cela. ~
Inulle autre formalité.
Sil n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
M. Bouguer, Hidrographe du Roi , au Croisie
en Bretagne , a remporté le Prix de 1731 .
On a reçû par un Bâtiment Anglois arrivé depuist
peu à Genes , des Lettres de S. Christoval de la
Laguna , Capitale de l'Isle . Tenerife , l'une des
Isles Canaries , dattées du 8. Decembre dernier ,
qui portent en substance que le 30. du mois
de Novembre précedent , on avoit ressenti deux
violentes secousses de Tremblement de terre dans
l'Isle Graciosa , située à l'Orient ; qu'à peine eurent-
elles cessé , que la terre s'étoit ouverte en
cinq endroits differens , qu'il en étoit sorti des
tourbillons de flammes , mêlez de pierres calcinées
et de matieres bitumeuses , que le feu s'étant
communiqué aux habitations , elles avoient été
réduites en cendres en moins d'une demie heure ;
que
le premier Decembre vers les neuf heures du
foir , ces Gouffres avoient cessé de jetter du feu
mais que le 2. l'embrasement avoit recommencé
avec tant de violence, que les maisons épargnées
par le premier , avoient été détruites , et que le
vent ayant porté le feu dans une grande Forêt.
voisineelle bruloit encore au départ des Lettres;
que
78 MERCURE DE FRANCE
que le 6. un nouveau Tremblement de terre s'étoit
fait sentir à la pointe Occidentale de l'Isle de
Tenerife , qu'il s'étoit fait une ouverture dans une
Plaine située à dix lieues de la Ville Capitale de
PIsle ; que ce Gouffre s'étant agrandi les jours
suivans , une petite Montagne qui étoit sur le
bord , avoit été ébranlée et étoit tombée dedans,
et qu'il continuoit de sortir beaucoup de fumée
de cette ouverture .
On écrit de Rome , que la Princesse Giustiniani
étant dangereusement malade , sa Famille avoit
fait venir de Bologne le Docteur Pozzi , celebre
Medecin , qui lui avoit ordonné un Bain d'huile,
cette Dame l'a pris deux fois , et la petite Verole
qui étoit presque rentrée , a cû son progrès ordi,
naire , desorte qu'elle est presentement hors de
danger .
des Sciences , pour l'année 1733.
Eu M. Rouillé de Meslay , ancien Conseiller
au Parlement de Paris , ayant conçu le noble
dessein de contribuer au progrés des Sciences , et
Putilité que le Public en doit retirer , a legué à
P'Académie Royale des Sciences un fonds pour
deux Prix , qui seront distribuez à ceux , qui au
jugement de cette Compagnie auront le mieux
réussi sur deux differentes sortes de Sujets qu'il a
indiquez dans son Testament , et dont il a donné
des exemples.
Les Sujets du premier Prix regardent le Sistê
me general du Monde et l'Astronomie Phisique.
Ce Prix devroit être de 2000. livres , aux ter
mes du Testament , et se distribuer tous les ansi
Mais la diminution des Rentes a obligé de ne le
donner que tous les deux ans , afin de le rendre
plus considerable , il sera de z çoo. livres.
Les Sujets du second Prix regardent la Navigation
& le Commerce,
E vj II
756 MERCURE DE FRANCE.
Il ne se donnera que tous les deux ans , et sera
'de 2000. livres.
L'Académie se conformant aux vûës et aux
intentions du Testateur , propose pour Sujet du
second Prix , qui tombe dans l'année 1733 .
Quelle est la meilleure maniere de mesurer
sur Mer le chemin ou le sillage du Vaisseau ,
indépendamment des observations astronomiques.
Les Sçavans de toutes les Nations sont invitez
à travailler sur ces Sujets , et même les Associez
étrangers de l'Académie. Elle s'est fait la Loi
d'exclure les Académiciens regnicoles de prétendre
aux Prix.
Ceux qui composeront sont invitez à écrire en
François ou en Latin , mais sans aucune obligation.
Ils pourront écrire en telle Langue qu'ils.
voudront , et l'Académie fera traduire leurs Ouvrages.
On les prie que leurs Ecrits soient fort lisibles ,
sur tout quand il y aura des Calculs d'Algébre.
Ils ne mettront point leur nom à leurs Ouvrages
,
mais seulement une Sentence ou Devise. Ils
pourront , s'ils veulent , attacher à leur Ecrit un.
Billet séparé , et cacheté par eux ,
cette même Sentence , leur nom , leurs qualitez
et leur adresse , et ce Billet ne sera ouvert par
l'Académie , qu'en cas que la Piece ait remporté
le Prix.
où seront avec.
Ceux qui travailleront pour le Prix , adresseront
leurs Ouvrages à Paris au Secretaire perpetuel
de l'Académie , ou les lui feront remettre entre
les mains. Dans ce second cas , le Secretaire
en donnera en même tems à celui qui les lui aura.
remis , son Recepissé , où sera marquée la Sentence
de l'Ouvrage et son numero , selon l'ordre
ou lé tems dans lequel il aura été reçû ,
Les
AVRIL:
1731. 757
Les Ouvrages ne seront reçûs que jusqu'au premier
Septembre 1732. exclusivement.
L'Académie à son Assemblée publique d'aprés
Pâques 1733. proclamera la Piece qui aura remporté
ce Prix..
S'il y a un Recepissé du Secretaire pour la
Piece qui aura remporté le Prix , le Trésorier de
l'Académie délivrera la somme du Prix à celui
qui lui rapportera ce Recepissé . Il n'y aura à cela. ~
Inulle autre formalité.
Sil n'y a pas de Recepissé du Secretaire , le
Trésorier ne délivrera le Prix qu'à l'Auteur même
, qui se fera connoître , ou au Porteur d'une
Procuration de sa part.
M. Bouguer, Hidrographe du Roi , au Croisie
en Bretagne , a remporté le Prix de 1731 .
On a reçû par un Bâtiment Anglois arrivé depuist
peu à Genes , des Lettres de S. Christoval de la
Laguna , Capitale de l'Isle . Tenerife , l'une des
Isles Canaries , dattées du 8. Decembre dernier ,
qui portent en substance que le 30. du mois
de Novembre précedent , on avoit ressenti deux
violentes secousses de Tremblement de terre dans
l'Isle Graciosa , située à l'Orient ; qu'à peine eurent-
elles cessé , que la terre s'étoit ouverte en
cinq endroits differens , qu'il en étoit sorti des
tourbillons de flammes , mêlez de pierres calcinées
et de matieres bitumeuses , que le feu s'étant
communiqué aux habitations , elles avoient été
réduites en cendres en moins d'une demie heure ;
que
le premier Decembre vers les neuf heures du
foir , ces Gouffres avoient cessé de jetter du feu
mais que le 2. l'embrasement avoit recommencé
avec tant de violence, que les maisons épargnées
par le premier , avoient été détruites , et que le
vent ayant porté le feu dans une grande Forêt.
voisineelle bruloit encore au départ des Lettres;
que
78 MERCURE DE FRANCE
que le 6. un nouveau Tremblement de terre s'étoit
fait sentir à la pointe Occidentale de l'Isle de
Tenerife , qu'il s'étoit fait une ouverture dans une
Plaine située à dix lieues de la Ville Capitale de
PIsle ; que ce Gouffre s'étant agrandi les jours
suivans , une petite Montagne qui étoit sur le
bord , avoit été ébranlée et étoit tombée dedans,
et qu'il continuoit de sortir beaucoup de fumée
de cette ouverture .
On écrit de Rome , que la Princesse Giustiniani
étant dangereusement malade , sa Famille avoit
fait venir de Bologne le Docteur Pozzi , celebre
Medecin , qui lui avoit ordonné un Bain d'huile,
cette Dame l'a pris deux fois , et la petite Verole
qui étoit presque rentrée , a cû son progrès ordi,
naire , desorte qu'elle est presentement hors de
danger .
Fermer
Résumé : PRIX proposé par l'Académie Royale des Sciences, pour l'année 1733.
En 1733, l'Académie Royale des Sciences annonça deux prix, financés par un legs de M. Rouillé de Meslay, ancien conseiller au Parlement de Paris. Le premier prix, doté de 2 000 livres tous les deux ans, portait sur le système général du monde et l'astronomie physique. Le second prix, également de 2 000 livres, concernait la navigation et le commerce. Pour l'année 1733, le sujet du second prix était la meilleure manière de mesurer sur mer le chemin ou le sillage d'un vaisseau, indépendamment des observations astronomiques. L'Académie invita les savants de toutes les nations à soumettre leurs travaux, en français ou en latin, sans obligation de langue. Les auteurs devaient utiliser une devise anonyme et pouvaient inclure un billet cacheté avec leur identité, à ouvrir en cas de victoire. Les œuvres devaient être soumises au secrétaire perpétuel de l'Académie avant le 1er septembre 1732. Le prix serait attribué lors de l'assemblée publique après Pâques 1733. En 1731, M. Bouguer, hydrographe du Roi, avait remporté le prix. Par ailleurs, des lettres de Tenerife rapportaient des tremblements de terre et des éruptions volcaniques dans les îles Canaries. À Rome, la princesse Giustiniani, soignée par le docteur Pozzi, était hors de danger après avoir contracté la petite vérole.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 1074-1086
PROJET D'un Traité complet du Droit Public.
Début :
Feu M. le Marêchal d'Huxelles, auroit fort souhaité de voir paroître [...]
Mots clefs :
Europe, Sciences, Philosophie, Athées, Traité du Droit Public, Art de commander, Art de civiliser les hommes
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texteReconnaissance textuelle : PROJET D'un Traité complet du Droit Public.
PROJET
D'un Traité complet du Droit Public.
Eu M. le Maréchal d'Huxelles , au-
Froit fort souhaité de voir paroître
pendant sa vie un Traité du Droit public.
Le besoin qu'il en avoit éprouvé à
la Guerre , dans ses Gouvernemens , et
dans les Conseils du Roy , excitoit son
zéle là - dessus. Il disoit que la litterature
étoit féconde en livres excellens ; mais
que , pour le malheur du monde , le plus
excellent de tous les livres , celui qui devoit
apprendre aux hommes à comman
der et à obeir , étoit encore à désirer.
Entrons ici dans la plainte de ce grand
Ministre. Elle est juste , et peut -être
va-t'elle devenir utile. L'Europe se plaît
à mettre les sciences dans leur plus haut
éclat , et elle ne daigne pas jetter les yeu
sur celle- cy. Les Académies retentissent
des bruits harmonieux de la Philosophie,
de la Medecine , du Droit Civil ; Il est
peu d'Ecoles pour le Droit Public. Les
Sages de tous les tems semblent s'être entendus
à ne nous en donner que de simples
notions ; rien n'est achevé à cet égard
dans
MA Y. 1737. 1075
peu
dans leurs ouvrages. Le grand Legisla
teur , qui a si dignement parlé du Droit
divin , et du Droit humain , n'a touché
que legerement le Droit public; et le
qui lui en est échapé ,forme à peine quelque
partie du Droit particulier des Juifs.
Platon et Aristote ne nous ont pas donné
des Traitez complets de politique. Les
belles parties qu'ils nous en ont laissées ,
font seulement desirer un tout accompli
Leurs maximes d'ailleurs sont souvent
accommodées à leurs tems , à leurs pays ,
à leurs moeurs , et ne portent guére audelà
du Danube , et du Gange. Les Romains
, qui dans les liens de l'Empire ou
de l'alliance , contenoient tous les Peuples
de la Terre devoient à leur gloire
un corps du Droit public , comme ils en
ont donné un excellent du Droit particu
fier. Ils ne manquoient ni de grands Maitres
ni d'habiles Praticiens. Les Scipions
et les Papiniens naissoient chez eux à
l'ombre des faisseaux et des lauriers . Cependant
les Romains ont été steriles sur
le Droit public, et leur zéle si vanté pour
le bien commun , n'a pas excedé les bornes
de la patrie . Les politiques d'aprés
eux , ceux , qui dans la ruine de leur Êmpire
, ont recueilli les restes de leur sagesse
; Les Morus , les Campanelle , les Bodim
1076 MERCURE DE FRANCE .
din , les Grotius , les Puffendorff , tous
ces heritiers de leur sçavoir , se sont contentez
de nous transmettre quelques parties
du Droit public. Nul d'entre- eux ne
nous en a donné le corps achevé. Une prévention
même a resisté chez eux à l'en
treprise ; c'est qu'à l'exemple des Grecs ,
ils se sont asservis aux pays , et aux moeurs.
Le Droit public entre leurs mains est devenu
une politique Européene . Les peuples
éloignés , les voisins , les Turcs même
ont refusé d'y souscrire , et ce qui est
affligeant , les Sauvages n'ont pas été instruits
, et les Athées ( s'il fût jamais des
Athées au monde ) sont demeurés dans
leurs illusions.
Il manque donc à la terre un Traité du
Droit Public , qui soit universel , et que
nul homme ne puisse décliner. Ce Droit
estau- dessus des temps,des lieux , des conjonctures
, des usages. Il part du sein de
la Divinité , et raporte tout à la Divinité,
C'est lui qui nous découvre un premier
Etre invisible à nos sens , visible à nôtre
esprit , qui a tout fait , qui conserve tour
etqui appelle tout à lui . C'est lui qui nous
apprend que la Loi de ce premier Erre
est stable comme l'axe du monde : qu'elle
est douce , interessante , propre à lier les
Nations , les familles , les Personnes ; ca←
pable
MAY. 1731 . 1077
1
pable d'assurer la paix , de prévenir la
discorde , de faire régner le paisible travail
, et le repos laborieux ; propre à concilier
l'homme avec son auteur , et avec
lui même. C'est lui enfin qui dégageant
l'ame du poids de la cupidité , et des passions
, l'éleve à la pureté de son état , et
à la possession du bien souverain.
Ces hautes prérogatives m'ont presque
fait rencherir sur le zéle du Marêchal
d'Huxelles. J'ai souhaité de voir le Droit
public non seulement dans l'état des autres
Sciences ; mais dans un état plus facile
, plus agréable , plus simple ; tel que
les Maîtres du monde , ceux qui peuvent
le devenir , les Magistrats , les personnes
de toutes conditions , de tout sexe , de
tout age , en recherchassent avidement la
connoissance. J'ai attendu ce Chef- d'oeu
vre du celebre M. Domat , qui sembloit
l'avoir promis , et qui étoit si capable de
l'accomplir. Une mort trop prompte nous
l'a enlevé. Mes esperances ont tourné du
côté du Barreau , et de l'Académie , où
la vertu ne céde en rien à la science ; Mais
les Illustres de ces ordres ont été , comme
les Demosténes et les Cicerons , jettés
par leur merite dans le torrent des affaires
; et le Droit public est demeuré.
Ainsi lassé d'attendre , et d'ailleurs persuadé
T078 MERCURE DE FRANCE.
>
suadé par une longue meditation , que
l'ouvrage , quelque grand qu'il paroisse
n'est pas impossible , et que même il est
facile et agreable à quiconque ose l'entreprendre
; je fais moi- même ce que mes
voeux ont long-temps déferé aux autres ,
et j'offre à l'Univers le Traité complet du
Droit Public.
Pour le presenter dignement , je crois
en devoir tirer ici l'Analise , et la faire
passer dans tous les pays , où la raison est
connuë, afin que les sages soient par tout
invitez à m'honorer de leurs avis critiques
, et à me communiquer leurs lumieres,
Le Droit public est l'Art de commander
et d'obéir ; on peut encore le définir Art
de civiliser les hommes et de les conduire au
souverain bien.
Il se divise en quatre parties, la premicre
a pour objet la constitution des Etats ,
et des Ordres qui les composent,
La seconde traite du Gouvernement
interieur des Etats.
La troisième du Gouvernement exterieur.
La quatrième de la Guerre et de la Paix.
PREMIERE
MAY. 1079 1731
Premiere Partie,de la Constitution des Etats,
et des Ordres qui les composent.
1 Chap. L'ordre de l'Univers est là
régle fondamentale du Droit public , et
de la Politique.
2. La destination des hommes dans
l'ordre de l'Univers , est de cultiver la
terre , et d'aspirer au souverain bien.
3. Pour accomplir cette destination ,
les hommes ont besoin de s'unir en so
cieté .
4. Pour s'unir en societé les hommes
sont obligés d'ériger au dessus d'eux une
puissance publique,
5. Droits de la puissance publique sur
les hommes qui l'ont érigée.
6. Ces droits s'étendent sur quelques.
hommes même qui ne l'ont pas érigée.
7. Ressorts de la puissance publique.
8. La puissance publique est déférée à
un seul homme ou à plusieurs ensemble
ou séparement.
9. la puissance publique est déférée à
une femme.
10. Engagemens de celui et de ceux
à qui la puissance publique est déferée ..
11. Engagemens de ceux qui ont déferé
la puissance publique ,, et de leurs
successeurs..
12
1080 MERCURE DE FRANCE
12. Portrait d'un Prince accompli.
13. Portrait d'un sage Citoyen.
14. Le dépôt de la puissance publique
forme un Corps politique appellé Etat.
15. Etat Monarchique.
16. Etat Aristocratique .
17. Etat Démocratique ou populaire .
18. Etat composé.
19. Parallele de ces différens Etats .
20. Splendeur , variation décadence ,
dissolution des Etats.
21. Des Monarques , Rois , Chefs_de
Nations .
22. Des Rois mineurs.
23. De la Tutele , Curatele et éduca
sation des Rois mineurs.
24. De la Régence des Royaumes pendant
la minorité , la maladie , l'absence ,
la détention des Rois .
25. Du pouvoir des Régens .
26. Du Sacre et Couronnement des
Rois.
27. De la majorité des Rois .
28. Du Mariage des Rois .
29. Des Epouses des Rois.
30. Du Mariage des Reines , qui regnent
par elles -mêmes .
31. Des Epoux de ces Reines .
32. De l'union des Rois , et des Reines,
de leur résidence , et du raport de leurs
Etats. 33.
MAY. 17317 1081
.
33. Des Conseils des Rois.
34. Des Ministres des Rois.
35. Des Confidens des Rois.
36. Des Amis et des Favoris des Rois.
37. Des Courtisans.
38. Des Magistrats , Chefs de Républiques
, de leur pouvoir et de leurs personnes.
39. De la veneration due à tous ceux
qui exercent la puissance publique par
eux-mêmes ou par commission.
40. Des égards dûs aux Palais , et à
tous les lieux où s'exerce la puissance
publique.
41. Des infirmitez naturelles et accidentelles
de quelques Rois.
42. Des Absences , Voyages et Caprivité
des Rois.
43. Des Cessions et Abdications des
Rois , et de leur retour à la Couronne .
44. Des Testamens des Rois.
45. De la Mort des Rois.
46. Des Enfans des Rois et des Reines,
et de leur maniere de succeder aux Couronnes
paternelles et maternelles.
47. Des Heritiers Patrimoniaux , Légitimes
, Testamenraires , Directs et Collateraux
des Rois.
48. Des Princes et Princesses du Sang
des Rois.
49.
1082 MERCURE DE FRANCE
49. Des Prêtres.
fo . Des Juges .
51. Des Guerriers.
52. Des Officiers , Vicerbis et Gouverneurs
de Villes et de Provinces.
53. Des Nobles.
54. Des Bourgeois.
55. Des Agriculteurs et Laboureurs.
56. Des Artisans .
57. Des Serviteurs et Esclaves , où il
est démontré , contre les Loix Romaines ,
que l'Esclavage est contraire , non- seulement
au Droit naturel , mais au Droit
des Gens .
Voila exactement l'Analyse de la premiere
Partie dans le sens et l'ordre que je
destine à l'impression , si je ne suis réformé
par quelque judicieux avis . Je ne
donnerai pas les semblables Analyses des
trois autres ies.
Idée de la seconde Partie.
Le Gouvernement interieur des Etats
est le culte de Dieu , la Législation , l'execution
et la dispense des Loix , la Jurisdiction
, la clémence publique , la distribution
des Emplois , des rangs , des dignitez
, des honneurs , des graces ; l'institution
et la destitution des Officiers , la
direction des moeurs , le soin du repos
public ,
MAY. 17318 1083
public , de l'abondance du travail , de
l'Agriculture , du Commerce domestique
et étranger , des chemins , de la Navigation
, de l'industrie , des Monnoyes , du
Patrimoine public , des Subsides , des
Sciences , des Arts , des Métiers, de la santé
, de la décoration , des plaisirs publics.
Idée de la troisième Partie,
Le Gouvernement exterieur consiste
principalement à régir les affaires étrangeres
, à regler les limites , à entretenir
correspondances avec les Puissances Etrangeres
, à négocier avec ces Puissances , à
former des Ligues , des Alliances , des
Mariages , des Traitez de Commerce et
de Neutralité ; à nommer et à instruire
des Ambassadeurs , des Envoyez , des
Consuls , des Résidens , des Agens , des
Procureurs , des Secretaires ; à proteger
les Nations opprimées ; à porter chez les
Peuples barbares ou sauvages ; la connoissance
du Créateur et l'usage de la
raison.
Idée de la quatrième Partie,
Le Droit de la Guerre et de la Paix ,
est le pouvoir de fortifier et munir les
Places , de lever les Milices , de construire
et d'armer les Vaisseaux , de donner
les Sauf-conduits , les Amnisties , les réprésailles
1084 MERCURE DE FRANCE
pré sailles ; de déclarer une Guerre juste
ou injuste , de la dénoncer à l'Ennemi ,
de commander l'Armée , d'exercer les
hostilitez , d'user du droit de conquête ,
de pardonner aux Vaincus, de reconnoître
le Vainqueur , de récompenser les Guerriers
, d'évacuer les Places , de licentier
l'Armée , de proposer , accepter ou refuser
des Préliminaires de Paix , de faire des
Tréves , de donner et recevoir des ôtages,
de négocier , arrêter et executer des conditions
de Paix.
SUR cela je prens la liberté de demander
, 1º . S'il paroît que mon Systême soit
complet , et que toutes les parties du
Droit public y soient exactement renfermées.
2º . Si la division en est juste ; ou s'il
s'en peut imaginer une plus simple , plus
sensible , plus génerale.
3. Les quatre Analyses des quatre premiers
Chapitres cy- dessus , sont des principes
très nouveaux qui paroissent pour
la premiere fois dans la Litterature. Ils
influent sur toutes les parties du Droit
public dont ils sont la source évidente,
Leur plénitude fait naître une infinité de
principes sous ordonnez et des conséquences
aussi graves que lumineuses , qui
·
n'éMAY.
1085 1731.
n'échapperont pas aux hommes accoutu
mez à penser. Ce sont ces hommes que
je consulte singulierement ici , et que je
prie de ne me pas refuser leur sentiment
sur ces quatre Analyses.
4°. Comme mon entreprise est grande
et que je suis en tout sens fort borné , je
prie les Sçavans de m'accorder une libre
entrée dans leurs Cabinets , pour y puiser
les lumières , les conseils , les Livres ,
les Monumens , les Actes , les Memoires
qui peuvent me manquer sur les impor
tantes matieres que je traite , par rapport
seulement à la politique,
5°. J'ay fait et je continuerai de faire
très- volontiers lecture de mes Ouvrages
à ceux qui voudront bien se donner la
peine de les entendre dans mon Cabinet..
Il y en a provision pour une juste critique.
Si mon entreprise est goûtée , je donnerai
la premiere Partie de l'Ouvrage en
un volume in 4. dans l'année prochaine
1732. La seconde en un pareil volume
en 1733. La troisiéme en 1734. La quatrième
et derniere en 1735. et si Dieu
soutient mon zele , j'oserai en 1736 presenter
à Monseigneur le Dauphin le Droit
Public de la France avec ses Preuves,
Heureux si par ce travail je parviens
à glorifier Dieu , à servir mon Roi et à
rendre
"
1086 MERCURE DE FRANCE
rendre aux hommes le tribut d'amour et
de reconnoissance que je confesse leur
devoir .
Par M. Pasquier , Avocat au Parlement
, Conseiller au Conseil Souverain de
Dombes.
D'un Traité complet du Droit Public.
Eu M. le Maréchal d'Huxelles , au-
Froit fort souhaité de voir paroître
pendant sa vie un Traité du Droit public.
Le besoin qu'il en avoit éprouvé à
la Guerre , dans ses Gouvernemens , et
dans les Conseils du Roy , excitoit son
zéle là - dessus. Il disoit que la litterature
étoit féconde en livres excellens ; mais
que , pour le malheur du monde , le plus
excellent de tous les livres , celui qui devoit
apprendre aux hommes à comman
der et à obeir , étoit encore à désirer.
Entrons ici dans la plainte de ce grand
Ministre. Elle est juste , et peut -être
va-t'elle devenir utile. L'Europe se plaît
à mettre les sciences dans leur plus haut
éclat , et elle ne daigne pas jetter les yeu
sur celle- cy. Les Académies retentissent
des bruits harmonieux de la Philosophie,
de la Medecine , du Droit Civil ; Il est
peu d'Ecoles pour le Droit Public. Les
Sages de tous les tems semblent s'être entendus
à ne nous en donner que de simples
notions ; rien n'est achevé à cet égard
dans
MA Y. 1737. 1075
peu
dans leurs ouvrages. Le grand Legisla
teur , qui a si dignement parlé du Droit
divin , et du Droit humain , n'a touché
que legerement le Droit public; et le
qui lui en est échapé ,forme à peine quelque
partie du Droit particulier des Juifs.
Platon et Aristote ne nous ont pas donné
des Traitez complets de politique. Les
belles parties qu'ils nous en ont laissées ,
font seulement desirer un tout accompli
Leurs maximes d'ailleurs sont souvent
accommodées à leurs tems , à leurs pays ,
à leurs moeurs , et ne portent guére audelà
du Danube , et du Gange. Les Romains
, qui dans les liens de l'Empire ou
de l'alliance , contenoient tous les Peuples
de la Terre devoient à leur gloire
un corps du Droit public , comme ils en
ont donné un excellent du Droit particu
fier. Ils ne manquoient ni de grands Maitres
ni d'habiles Praticiens. Les Scipions
et les Papiniens naissoient chez eux à
l'ombre des faisseaux et des lauriers . Cependant
les Romains ont été steriles sur
le Droit public, et leur zéle si vanté pour
le bien commun , n'a pas excedé les bornes
de la patrie . Les politiques d'aprés
eux , ceux , qui dans la ruine de leur Êmpire
, ont recueilli les restes de leur sagesse
; Les Morus , les Campanelle , les Bodim
1076 MERCURE DE FRANCE .
din , les Grotius , les Puffendorff , tous
ces heritiers de leur sçavoir , se sont contentez
de nous transmettre quelques parties
du Droit public. Nul d'entre- eux ne
nous en a donné le corps achevé. Une prévention
même a resisté chez eux à l'en
treprise ; c'est qu'à l'exemple des Grecs ,
ils se sont asservis aux pays , et aux moeurs.
Le Droit public entre leurs mains est devenu
une politique Européene . Les peuples
éloignés , les voisins , les Turcs même
ont refusé d'y souscrire , et ce qui est
affligeant , les Sauvages n'ont pas été instruits
, et les Athées ( s'il fût jamais des
Athées au monde ) sont demeurés dans
leurs illusions.
Il manque donc à la terre un Traité du
Droit Public , qui soit universel , et que
nul homme ne puisse décliner. Ce Droit
estau- dessus des temps,des lieux , des conjonctures
, des usages. Il part du sein de
la Divinité , et raporte tout à la Divinité,
C'est lui qui nous découvre un premier
Etre invisible à nos sens , visible à nôtre
esprit , qui a tout fait , qui conserve tour
etqui appelle tout à lui . C'est lui qui nous
apprend que la Loi de ce premier Erre
est stable comme l'axe du monde : qu'elle
est douce , interessante , propre à lier les
Nations , les familles , les Personnes ; ca←
pable
MAY. 1731 . 1077
1
pable d'assurer la paix , de prévenir la
discorde , de faire régner le paisible travail
, et le repos laborieux ; propre à concilier
l'homme avec son auteur , et avec
lui même. C'est lui enfin qui dégageant
l'ame du poids de la cupidité , et des passions
, l'éleve à la pureté de son état , et
à la possession du bien souverain.
Ces hautes prérogatives m'ont presque
fait rencherir sur le zéle du Marêchal
d'Huxelles. J'ai souhaité de voir le Droit
public non seulement dans l'état des autres
Sciences ; mais dans un état plus facile
, plus agréable , plus simple ; tel que
les Maîtres du monde , ceux qui peuvent
le devenir , les Magistrats , les personnes
de toutes conditions , de tout sexe , de
tout age , en recherchassent avidement la
connoissance. J'ai attendu ce Chef- d'oeu
vre du celebre M. Domat , qui sembloit
l'avoir promis , et qui étoit si capable de
l'accomplir. Une mort trop prompte nous
l'a enlevé. Mes esperances ont tourné du
côté du Barreau , et de l'Académie , où
la vertu ne céde en rien à la science ; Mais
les Illustres de ces ordres ont été , comme
les Demosténes et les Cicerons , jettés
par leur merite dans le torrent des affaires
; et le Droit public est demeuré.
Ainsi lassé d'attendre , et d'ailleurs persuadé
T078 MERCURE DE FRANCE.
>
suadé par une longue meditation , que
l'ouvrage , quelque grand qu'il paroisse
n'est pas impossible , et que même il est
facile et agreable à quiconque ose l'entreprendre
; je fais moi- même ce que mes
voeux ont long-temps déferé aux autres ,
et j'offre à l'Univers le Traité complet du
Droit Public.
Pour le presenter dignement , je crois
en devoir tirer ici l'Analise , et la faire
passer dans tous les pays , où la raison est
connuë, afin que les sages soient par tout
invitez à m'honorer de leurs avis critiques
, et à me communiquer leurs lumieres,
Le Droit public est l'Art de commander
et d'obéir ; on peut encore le définir Art
de civiliser les hommes et de les conduire au
souverain bien.
Il se divise en quatre parties, la premicre
a pour objet la constitution des Etats ,
et des Ordres qui les composent,
La seconde traite du Gouvernement
interieur des Etats.
La troisième du Gouvernement exterieur.
La quatrième de la Guerre et de la Paix.
PREMIERE
MAY. 1079 1731
Premiere Partie,de la Constitution des Etats,
et des Ordres qui les composent.
1 Chap. L'ordre de l'Univers est là
régle fondamentale du Droit public , et
de la Politique.
2. La destination des hommes dans
l'ordre de l'Univers , est de cultiver la
terre , et d'aspirer au souverain bien.
3. Pour accomplir cette destination ,
les hommes ont besoin de s'unir en so
cieté .
4. Pour s'unir en societé les hommes
sont obligés d'ériger au dessus d'eux une
puissance publique,
5. Droits de la puissance publique sur
les hommes qui l'ont érigée.
6. Ces droits s'étendent sur quelques.
hommes même qui ne l'ont pas érigée.
7. Ressorts de la puissance publique.
8. La puissance publique est déférée à
un seul homme ou à plusieurs ensemble
ou séparement.
9. la puissance publique est déférée à
une femme.
10. Engagemens de celui et de ceux
à qui la puissance publique est déferée ..
11. Engagemens de ceux qui ont déferé
la puissance publique ,, et de leurs
successeurs..
12
1080 MERCURE DE FRANCE
12. Portrait d'un Prince accompli.
13. Portrait d'un sage Citoyen.
14. Le dépôt de la puissance publique
forme un Corps politique appellé Etat.
15. Etat Monarchique.
16. Etat Aristocratique .
17. Etat Démocratique ou populaire .
18. Etat composé.
19. Parallele de ces différens Etats .
20. Splendeur , variation décadence ,
dissolution des Etats.
21. Des Monarques , Rois , Chefs_de
Nations .
22. Des Rois mineurs.
23. De la Tutele , Curatele et éduca
sation des Rois mineurs.
24. De la Régence des Royaumes pendant
la minorité , la maladie , l'absence ,
la détention des Rois .
25. Du pouvoir des Régens .
26. Du Sacre et Couronnement des
Rois.
27. De la majorité des Rois .
28. Du Mariage des Rois .
29. Des Epouses des Rois.
30. Du Mariage des Reines , qui regnent
par elles -mêmes .
31. Des Epoux de ces Reines .
32. De l'union des Rois , et des Reines,
de leur résidence , et du raport de leurs
Etats. 33.
MAY. 17317 1081
.
33. Des Conseils des Rois.
34. Des Ministres des Rois.
35. Des Confidens des Rois.
36. Des Amis et des Favoris des Rois.
37. Des Courtisans.
38. Des Magistrats , Chefs de Républiques
, de leur pouvoir et de leurs personnes.
39. De la veneration due à tous ceux
qui exercent la puissance publique par
eux-mêmes ou par commission.
40. Des égards dûs aux Palais , et à
tous les lieux où s'exerce la puissance
publique.
41. Des infirmitez naturelles et accidentelles
de quelques Rois.
42. Des Absences , Voyages et Caprivité
des Rois.
43. Des Cessions et Abdications des
Rois , et de leur retour à la Couronne .
44. Des Testamens des Rois.
45. De la Mort des Rois.
46. Des Enfans des Rois et des Reines,
et de leur maniere de succeder aux Couronnes
paternelles et maternelles.
47. Des Heritiers Patrimoniaux , Légitimes
, Testamenraires , Directs et Collateraux
des Rois.
48. Des Princes et Princesses du Sang
des Rois.
49.
1082 MERCURE DE FRANCE
49. Des Prêtres.
fo . Des Juges .
51. Des Guerriers.
52. Des Officiers , Vicerbis et Gouverneurs
de Villes et de Provinces.
53. Des Nobles.
54. Des Bourgeois.
55. Des Agriculteurs et Laboureurs.
56. Des Artisans .
57. Des Serviteurs et Esclaves , où il
est démontré , contre les Loix Romaines ,
que l'Esclavage est contraire , non- seulement
au Droit naturel , mais au Droit
des Gens .
Voila exactement l'Analyse de la premiere
Partie dans le sens et l'ordre que je
destine à l'impression , si je ne suis réformé
par quelque judicieux avis . Je ne
donnerai pas les semblables Analyses des
trois autres ies.
Idée de la seconde Partie.
Le Gouvernement interieur des Etats
est le culte de Dieu , la Législation , l'execution
et la dispense des Loix , la Jurisdiction
, la clémence publique , la distribution
des Emplois , des rangs , des dignitez
, des honneurs , des graces ; l'institution
et la destitution des Officiers , la
direction des moeurs , le soin du repos
public ,
MAY. 17318 1083
public , de l'abondance du travail , de
l'Agriculture , du Commerce domestique
et étranger , des chemins , de la Navigation
, de l'industrie , des Monnoyes , du
Patrimoine public , des Subsides , des
Sciences , des Arts , des Métiers, de la santé
, de la décoration , des plaisirs publics.
Idée de la troisième Partie,
Le Gouvernement exterieur consiste
principalement à régir les affaires étrangeres
, à regler les limites , à entretenir
correspondances avec les Puissances Etrangeres
, à négocier avec ces Puissances , à
former des Ligues , des Alliances , des
Mariages , des Traitez de Commerce et
de Neutralité ; à nommer et à instruire
des Ambassadeurs , des Envoyez , des
Consuls , des Résidens , des Agens , des
Procureurs , des Secretaires ; à proteger
les Nations opprimées ; à porter chez les
Peuples barbares ou sauvages ; la connoissance
du Créateur et l'usage de la
raison.
Idée de la quatrième Partie,
Le Droit de la Guerre et de la Paix ,
est le pouvoir de fortifier et munir les
Places , de lever les Milices , de construire
et d'armer les Vaisseaux , de donner
les Sauf-conduits , les Amnisties , les réprésailles
1084 MERCURE DE FRANCE
pré sailles ; de déclarer une Guerre juste
ou injuste , de la dénoncer à l'Ennemi ,
de commander l'Armée , d'exercer les
hostilitez , d'user du droit de conquête ,
de pardonner aux Vaincus, de reconnoître
le Vainqueur , de récompenser les Guerriers
, d'évacuer les Places , de licentier
l'Armée , de proposer , accepter ou refuser
des Préliminaires de Paix , de faire des
Tréves , de donner et recevoir des ôtages,
de négocier , arrêter et executer des conditions
de Paix.
SUR cela je prens la liberté de demander
, 1º . S'il paroît que mon Systême soit
complet , et que toutes les parties du
Droit public y soient exactement renfermées.
2º . Si la division en est juste ; ou s'il
s'en peut imaginer une plus simple , plus
sensible , plus génerale.
3. Les quatre Analyses des quatre premiers
Chapitres cy- dessus , sont des principes
très nouveaux qui paroissent pour
la premiere fois dans la Litterature. Ils
influent sur toutes les parties du Droit
public dont ils sont la source évidente,
Leur plénitude fait naître une infinité de
principes sous ordonnez et des conséquences
aussi graves que lumineuses , qui
·
n'éMAY.
1085 1731.
n'échapperont pas aux hommes accoutu
mez à penser. Ce sont ces hommes que
je consulte singulierement ici , et que je
prie de ne me pas refuser leur sentiment
sur ces quatre Analyses.
4°. Comme mon entreprise est grande
et que je suis en tout sens fort borné , je
prie les Sçavans de m'accorder une libre
entrée dans leurs Cabinets , pour y puiser
les lumières , les conseils , les Livres ,
les Monumens , les Actes , les Memoires
qui peuvent me manquer sur les impor
tantes matieres que je traite , par rapport
seulement à la politique,
5°. J'ay fait et je continuerai de faire
très- volontiers lecture de mes Ouvrages
à ceux qui voudront bien se donner la
peine de les entendre dans mon Cabinet..
Il y en a provision pour une juste critique.
Si mon entreprise est goûtée , je donnerai
la premiere Partie de l'Ouvrage en
un volume in 4. dans l'année prochaine
1732. La seconde en un pareil volume
en 1733. La troisiéme en 1734. La quatrième
et derniere en 1735. et si Dieu
soutient mon zele , j'oserai en 1736 presenter
à Monseigneur le Dauphin le Droit
Public de la France avec ses Preuves,
Heureux si par ce travail je parviens
à glorifier Dieu , à servir mon Roi et à
rendre
"
1086 MERCURE DE FRANCE
rendre aux hommes le tribut d'amour et
de reconnoissance que je confesse leur
devoir .
Par M. Pasquier , Avocat au Parlement
, Conseiller au Conseil Souverain de
Dombes.
Fermer
Résumé : PROJET D'un Traité complet du Droit Public.
Le texte présente un projet de traité complet sur le Droit Public, initié par le Maréchal d'Huxelles. Ce projet est motivé par le besoin d'un ouvrage essentiel pour apprendre à commander et à obéir, un besoin ressenti par le Maréchal durant ses expériences militaires, administratives et au sein des conseils royaux. Le texte souligne que, malgré la floraison des sciences, le Droit Public reste négligé. Les grandes figures historiques, telles que les législateurs, philosophes et juristes, n'ont pas fourni de traité complet sur ce sujet, se contentant souvent de notions partielles adaptées à leurs contextes spécifiques. Le Droit Public est décrit comme universel, au-dessus des temps et des lieux, et lié à une divinité. Il vise à civiliser les hommes et à les conduire au souverain bien. Le traité proposé se divise en quatre parties : la constitution des États, le gouvernement intérieur, le gouvernement extérieur et le droit de la guerre et de la paix. La première partie, détaillée dans le texte, couvre des sujets tels que l'ordre de l'univers, la constitution des États, les droits de la puissance publique, et les différents types de gouvernements (monarchique, aristocratique, démocratique, composé). Le texte invite les sages et les savants à critiquer et à enrichir ce projet, promettant de publier les différentes parties du traité entre 1732 et 1736. L'auteur exprime son espoir de voir ce traité adopté et apprécié par les maîtres du monde, les magistrats et toutes les conditions de personnes. Le texte est une dédicace adressée au public de la France. L'auteur exprime son souhait de glorifier Dieu, de servir son roi et de témoigner de son amour et de sa reconnaissance envers les hommes. Il s'agit d'un travail publié en 1086 par les éditions Mercure de France. L'auteur est identifié comme M. Pasquier, avocat au Parlement et conseiller au Conseil Souverain de Dombes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 1241-1251
LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
Début :
J'ay enfin, Monsieur, entre les mains de l'Ouvrage dont vous avez entendu [...]
Mots clefs :
Rétablissement de la santé, Espagne, Ambassadeur, Madrid, Médecin, Épître, Théologie, Arts, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
.I. Vol.
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
LET
JUIN 1731. 1241
}
****************
LETTRE de M. D. L. R. sur un
Ouvrage du R. P. Feijoo , Benedictin
Espagnol.
.
entre les
傻
l'Ouvrage dont vous avez entendu
parler. C'est M. Boyer , Docteur en Me
decine de la Faculté de Montpellier , et
Docteur- Régent en celle de Paris , qui l'a
apporté d'Eſpagne , depuis peu de tems .
Vous sçavez que ce Medecin partit d'ici
sur la fin du mois de Juillet dernier pour
le rétablissement de la santé de M. le
Marquis de Brancars , Ambassadeur de
France à la Cour de S. M. Catholique ;
vous sçavez aussi qu'il a fait un voyage
heureux, et qu'il a ramené M. l'Ambassa
deur parfaitement guéri.
Mais vous pouvez ignorer que notre
Medecin , toujours attentif sur la Litte
rature , et mettant tout à profit à cet
égard , quand il est obligé de voyager ,
n'a pas manqué d'apporter plusieurs Li
vres Espagnols , des meilleurs et des plus
nouveaux. Celui pour lequel vous vous
interessez , ne pouvoit pas être oublié ;
en voici le Titre.
I. Vol. THEA
1242 MERCURE DE FRANCE
THEATRO CRITICO , UNIVERSAL,
O Discursos varios en toto genero de Ma
terias para desengano de Errores comunes.
Dedicado A RP P. Fr. Joseph de Bar
nuero , General de la Congregacion de San
Benito de Espana , Inglaterra , & c. Escrito
por El M. R. P. M. Fr. Benito Jeronymo
Feijoo , Maestro General de la Religion de
San Benito , y Cathedratico de Visperas de
Theologia de la Universidad de Oviedo.
Tercera Impression En Madrid : En la
Imprenta de Francisco del Hierro , Anno de
M. DCC . XXIX . C'est-à -dire , THEA
TRE CRITIQUE UNIVERSEL , ou Discours
divers sur toute sorte de sujets pour désa
buser les hommes des erreurs communes
et ordinaires . Dédié au Reverendissime
Pere General de la Congrégation de saint
Benoît , établie en Espagne , en Angle
terre, &c. Composé par le R. P. BENOIST
JEROSME FEIJOO , Maître ou Professeur
General dans la même Congrégation ,
Professeur en Thélogie de l'Université
d'Oviedo; quatre Volumes in 4% Troisiéme
Edition. A Madrid , de l'Imprimerie de
François del Hierro , M. DCC. XXIX .
On trouve à la tête du premier Vo
lume une Epitre Dédicatoire fort bien
tournée , adressée au R. P. General Jo
seph de Barnuero , lequel , outre cette
I.Vol.
qualité
JUIN. 1731. 1243
qualité , avoit été le Maître des Etudes
de Théologie de l'Auteur , dans l'Uni
versité de Salamanque. Les Approba
tions de divers Docteurs suivent cette
Dédicace.
Une courte Préface qui déclare les in
tentions du P. Feijoo , et qui fait voir
l'ordre et la disposition de tout son Ou
vrage , est précedée d'une Lettre de Don
Louis de Salazar , Commandeur de l'Or
dre de Calatrava , Conseiller du Conseil
Royal des Ordres , et premier Historio
graphe de Castille et des Indes . Cette
Lettre écrite à notre Auteur le 11. Août
1726. est un Eloge raisonné de son Théa
tre critique ; on peut dire que le suffrage
de ce Seigneur en a entraîné quantité
d'autres , et qu'il n'avoit paru depuis
long- temps de Livre en Espagne plus ge
neralement estimé. D'un autre côté le
R. P. Jean de Champverd , de la Com
pagnie de Jesus , Docteur et Professeur
en Théologie de l'Université d'Alcala ,
Théologien du Roi , et Examinateur Sy
nodal de l'Archevêché de Tolede , pa
roît si content de cet Ouvrage , qu'il nous
assure dans son Approbation , que son
Auteur devoit être appellé le Maître Ge
neral de tous les Arts et des Sciences.
Ce premier Volume de 400. pages
I. Vol. contient
1244 MERCURE DE FRANCE
contient seize Discours divisez chacun en
plusieurs Paragraphes ou Articles . Le
1. Discours est intitulé la Voix du Peuple.
Le II. la Vertu et le Vice. Le III . L'ob
scurité et la haute fortune. IV. La plus
fine Politique. V. La Medecine. VI. Ré
gime pour la conservation de la santé.
VII. La Deffense de la Profession Litte
raire. VIII. L'Astrologie Judiciaire et les
Almanachs. IX. Les Eclipses. X. Les Co
metes. XI. Les Années Climateriques .
XII. La Vieillesse du Monde. XIII . Con
tre les Philosophes modernes . XIV. La
Musique des Eglises . XV. Parallele des
Langues. XVI . Apologie des femmes.
Toutes ces Dissertations fournissent une
lecture agréable et variée , elles sont bien
écrites , et instruisent de beaucoup de
choses. Les Medecins ne sont pas bien
traitez dans la V. s'ils s'avisent de mar
quer à notre Auteur quelque ressenti
ment , les Femmes , et sur tout les Fem
mes sçavantes et vertueuses , seront obli
gées , par reconnoissance , de prendre sa
deffense ; car rien n'est plus recherché
plus obligeant , plus étendu dans le I.Vo
lume , que la XVI. et derniere Disserta
tion , qui est toute employée à la deffense
du beau Sexe. Vous en jugerez si je puis
un jour vous en procurer la lecture .
I. Vol
Passons
JUIN. 1731.
1245
S
1
e.
Passons cependant au second Volume.
T.II. seconde Edition M. DCC . XXX .
Ce volume , comme le précedent, est orné
d'une Dedicace , addressée à un autre
Mecéne , et munie d'Approbations ma
gnifiques. La plus étendue et la plus fla
teuse , est sans doute celle du R. P. Este
van de la Torre , Professeur géneral des
Benedictins d'Espagne , Abbé de S. Vin
cent d'Oviedo , Professeur en Théologie ,
et de l'Ecriture Sainte en l'Université de
la même Ville , lequel paroît si prévenu
du merite de cet ouvrage , et de la haute
capacité de son Autheur , qu'il ne fait
point de difficulté de lui appliquer ce que
le Sçavant P. Mabillon a dit de l'ouvrage
de S. Bernard , de Consideratione , addressé
au Pape Eugene. Hac sane fuit Bernardi
dexteritas , ut , quam primum ejus Libri de
Consideratione in publicum prodiere , eos
certatim exquisierunt , lectitarunt , amave
runt universi. L'Approbateur ne doutant
point qu'il n'arrive la même chose à l'égard
de ce second volume , n'oublie pas dans
cette occasion d'appliquer aussi à nôtre
Autheur ce passage connu de l'Ecriture .
Faciendi plures Libros nullus eft finis.
Ecclesiast. C. 12.v. 12. C'est , dit- il , sui
vre à la lettre le conseil du Sage , on ne
doit , pour ainsi dire , point finir quand
1. Vol. on
1246 MERCURE DE FRANCE
on écrit des livres qui enseignent à dé
tromper les hommes de leurs erreurs , et
à établir des veritez . Enfin le R. P. Joseph
Navajas, Trinitaire, Professeur en Théo
logie , et Examinateur de l'Archevêché
de Toléde , en donnant aussi son attache
et ces éloges à ce livre , ne craint pas de
rien exagerer en le nommant une Biblio
theque entiere.
Hic liber est , Lector , librorum magna sup→
pellex.
Et non exigua Bibliotheca , lege.
Les Dissertations contenues dans ce
second Tome de plus de 400. pages , sont
précedées d'une assés courte Preface , la
quelle a deux principaux Objets : le pre
mier de remercier le public du favorable
accueil qu'il a fait au premier volume ,
le second de parler de quelques envieux ,
qui ont publié des écrits peu mésurés
contre ce livre. Chose inévitable et arri
vée dans tous les temps , à l'égard même
des Autheurs du premier merite. Sur
quoy le P. Feijoo nous parle des disgra
ces qu'eurent à essuyer en France deux cé
lebres Académiciens , sçavoir Pierre Cor
neille et Jean -Louis de Balzac , que les
suffrages du public dédomagerent ample
I. Vol. ment
JUIN. 1731 1247
ment, sur tout , dit- il , le grand Corneille,
qui ne succomba point sous le poids du
credit d'un fameux Ministre , et de la
censure de l'Academie el formidable Cuer
po
de la Academia Francesa , non pas , ajoû
te-t'il, qu'il veuille se comparer à ces deux
grands Genies , mais rappellant seulement
ce fameux exemple,à cause de la parité de
situation où la Fortune le met aujour
d'hui . Il se justifie ensuite sur le titre de
son Ouvrage,où il ne trouve rien de cette
présomption que ses Adversaires luy ont
reprochée. Il a jugé à propos , nous dit-il ,
enfin , par le conseil de personnes sages ,
de publier à la fin de ce second Tome
les deux réponses Apologetiques qu'on y
trouvera. Celle qui regarde le Docteur
Ros est en latin , parceque ce Docteur l'a
attaqué en la même Langue . Il a aussi fait
imprimer la lettre Apologetique du Doc
teur Martinez , crainte, dit il , que ce trait
précieux de sa plume ne soit enseveli dans
l'oubli , tout ce que ce sage et éloquent
Autheur écrit étant digne de l'immorta
lité ; c'est ainsi que nôtre autheur parle
de son Adversaire . A l'égard de la criti
que du Docteur Ros , elle étoit trop lon
gue pour l'imprimer pareillement à la
fin de ce second volume.
>
Les Dissertations qui le composent sont
4. Vol.
au
1248 MERCURE DE FRANCE
au nombre de quinze , dont je me con
tenterai de vous rapporter les titres. I.
Les Guerres Philosophiques . II . L'Histoi
re Naturelle. III. L'Art Divinatoire.
I V. Les Propheties supposées. V. L'Usage
de la Magie . VI. Les modes. VII. La
Vieillesse Morale du Genre Humain .
VIII. La Science Aparente et Superfi
ciele. IX. L'Antipathie entre les Fran
çois et les Espagnols. X. Les Jours Cri
tiques. XI. Le Poids de l'Air. XII . La
Sphere du Feu. XIII. L'Antiperistase .
XIV. Paradoxes Phisiques . XV. Table
contenant la comparaison des Nations..
Ces quinze Discours sont suivis de trois
morceaux de Critique anoncés dans la
Préface, qui ont été composez dépuis l'im
pression du premier volume , lequel en a été
l'occasion.Le premier est intituléCarta De
fensiva & c. ou , Lettre Apologetique de
Don Martin Martinez Docteur en Mede
cine , Medecin de la Maison du Roy, Pro
fesseur d'Anatomie , et actuellement Presi
dent de la Societé Royale des Sciences de
Seville & c.Sur le premier Tome du Thea
tre critique universel du R. P. Feijoo . Il y a
de trés bonnes choses dans cette Lettre ,
elle donne our ainsi dire , un nouveau
lustre au Theatre critique , sur lequel l'Au
theur avoit prié le Medecin de lui mar
I.Vol.
quer
JUIN. 1731. 1249
quer ses sentimens. Il s'en acquitte en
parcourant toutes les dissertations , et en
discourant sommairement sur chacune.
Il paroît que ce Docteur a réservé toute
son érudition , et toute sa critique , à
l'égard de celle qui regarde la Medecine.
Le P. Feijoo a dû s'y attendre aprés tout
ce qu'il a dit de cette science dans sa V.
Dissert. du premier vol. M. Martinez fait
non seulement l'Apologie de la Medeci
ne et des Medecins , mais l'Eloge de cette
Science , et de ceux qui l'ont professée
dans tous les temps ; sur quoy ce Doc
teur nous étale une grande lecture et des
Recherches singulieres. Je vais en éfleurer
quelques -unes. Les Egyptiens , dit il
faisoient des Medecins leurs Prêtres , et
des Prêtres leurs Rois , sur quoy les an
ciens Historiens nous ont conservé cette
formule. Medicus non es ; nolo te constitue
re Regem. Giges et Sapor Rois des Medes
ont été Medecins , sans parler des Prin
ces qui l'ont pareillement été parmi les
Perses , les Arabes , les Syriens & c . La lis
te de ces Rois ou Princes Medecins , est
longue chez nôtre Docteur , et on est tout
étonné d'y trouver des Sujets d'un grand
nom , mais peu connus de côté la ; par
exemple , Hercule , Alexandre le Grand ,
l'Empereur Hadrien &c. Vous jugez bien ,
I. Vol.
Monsieur
1250 MERCURE DE FRANCE
Monsieur que le Pere de la Medecine
Grecque , le Prince , et le Chef de tous'
les Medecins qui sont venus depuis , je
veux dire, Hippocrate , n'est pas oublié;
il finit par lui sa liste et ses éloges , en re
marquant que les Grecs rendirent à ce
grand Homme des honneurs divins , et les
mêmes qu'ils rendoient à Hercule. M.
Martinez pouvoit ajoûter qu'on frappa
aussi pour lui des Medailles ; vous avez
vû . Monsieur , chez
chez moy la
gravure
d'une de ces Medailles où l'on voit d'un
côté la tête d'Hippocrate et autour IП...
TOY et sur le Revers le fameux Baton
d'Esculape entouré d'un Serpent avec ce
mot KION , pour signifier que la
Medaille a été frappée par les habitans de
l'Isle de Cos , Patrie d'Hippocrate , sur
quoy je vous entretiendrai un jour plus
précisement dans un autre Ecrit .
,
Les Medecins chrétiens d'un rang il
lustre , sont joints à ceux du Paganisme.
L'Auteur prend les choses de bien haut ,
il trouve dans des temps posterieurs des
Papes , des Cardinaux , des Prelats Me
decins ; je vous renvoye là dessus au livre
même.
Le second morceau de critique est la Ré
ponse du P. Feijoo à la lettre dont je viens
de vous donner une idée du Docteur
I. Vol. Martinez
JUIN. 1731.
7251
Martinez. Cette Réponse est sage et ac
compagnée de tous les égards , et de tous
les ménagemens qui ne se rencontrent
guéres ordinairement entre des Sçavans
qui écrivent l'un contre l'autre , pour
soutenir des opinions differentes . L'habi
le et poli Benedictin avoue même obli
geamment à son Antagoniste , qu'il ne
fait aucun doute que dans cette contesta
tion litteraire ils ne soient au fond tous
deux de même sentiment ; car , dit- il ,
vous ne disconvenez point que la Mede
cine ne soit accompagnée d'incertitude ,
et moi je n'ay jamais nié positivement
l'utilité de cette Science. Quoique la
Réponse dont il s'agit icy soit addressée
au Docteur Martinez même , elle est pré
cedée d'une Epitre Dedicatoire à l'Illus
triss. Don Fr. Joseph Garcia , Evêque de
Siguenza , pour le remercier de l'accueil
favorable qu'il a fait au premier vol . du
Theatre Critique, et pour le prier de pro
teger également et l'ouvrage et l'Autheur.
Je ne vous dirai rien de la derniere
Piece , parce qu'elle roule a peu prés sur
le même sujet , et que je suis bien aise
que vous en jugiez un jour par vous mê
me ; je me prépare cependant à vous ren
dre compte de la suite de cet Ouvrage
et je suis toujours. & c.
A Paris ce 19. Fevrier 1731 .
Fermer
Résumé : LETTRE de M. D. L. R. sur un Ouvrage du R. P. Feijoo, Benedictin Espagnol.
En juin 1731, une lettre fait référence à un ouvrage du Père Benito Jerónimo Feijoo, bénédictin espagnol, intitulé 'Théâtre critique universel'. Cet ouvrage, composé de plusieurs volumes, vise à corriger les erreurs communes chez les hommes à travers divers discours. Le premier volume, dédié au Père Joseph de Barnuero, contient seize discours abordant des sujets tels que la médecine, l'astrologie et la défense des femmes. Le second volume, dédié à un autre mécène, comprend quinze discours ainsi que des réponses apologétiques à des critiques. L'ouvrage a été bien accueilli par plusieurs docteurs et professeurs, qui ont souligné son mérite et son utilité. Par exemple, le Docteur Martinez a écrit une lettre apologétique en réponse à la critique de la médecine dans le premier volume. Le Père Feijoo a répondu à cette lettre de manière respectueuse et mesurée. Une lettre datée du 19 février 1731 à Paris mentionne également cet ouvrage. L'auteur de cette lettre indique qu'il ne commentera pas la dernière pièce, car elle traite d'un sujet similaire à une œuvre précédente et préfère que le destinataire se forme sa propre opinion. Il se prépare toutefois à fournir un compte rendu de la suite de l'ouvrage. La lettre se termine par une formule de politesse, indiquant la continuité de la correspondance.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1705-1713
COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
Début :
Le lundi 2. de ce mois M. Lemery, Médecin de la Faculté de Paris, [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Cours de Chimie , Premier médecin du roi, Intendant du jardin royal, Réflexions, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
COURS DE CHYMIE ,
DISCOURS.
E lundi 2. de ce mois M. Lemery ,
LMédecin de la Faculté de Paris ,
Conseiller Médecin ordinaire du Roy ,
de l'Académie Royale des Sciences , nouvellement
reçû Professeur de Chymie au
Jardin Royal , à la place de feu M. Geoffroy
, y fit l'ouverture du Cours de Chymie.
Il avoit annoncé publiquement ,
qu'avant que d'entrer dans ce qu'il appelle
la Pratique de cette Science , c'està
- dire , les differentes préparations Chymiques
, il feroit plusieurs Discours sur
sa Théorie ; ce qu'il a executé en cinq
Discours differents , dont on n'avoit
point coutume avant lui de faire préceder
les démonstrations Chymiques : Mais
avant que d'entrer en matiere , il débuta
par un Discours oratoire , où M. Chirac ,
premier Médecin du Roy , et Intendant
du Jardin Royal , entre naturellement
pour beaucoup. Et ce qu'il y a d'heureux
pour l'Orateur , et de glorieux pour celui
dont on fait l'Eloge , c'est qu'il n'y
Dv entre
1706 MERCURE DE FRANCE
entre point aux dépens de la verité. Le
Public pourra en juger par la lecture du
Discours même, le voici :
Que ne puis-je oublier , Messieurs , que
ne pouvez- vous oublier vous -mêmes , quels
hommes ont rempli avant moi la place que·
j'occupe ! je paroîtrois ici avec moins de confusion
; et peut-être appercevriez- vous moins
ce qui me manque , si d'autres ne vous
avoient fait voir dans cette place toutes les
grandes qualités qu'elle demande. Vous avez
eu le plaisir d'y admirer plus d'une fois
te Collegue illustre à qui j'ai l'honneur de
succeder; il vous a appris , M". , à quoy.
vous deviés vos applaudissemens ; it
n'est plus possible de les surprendre , et
la difficulté de les meriter, ne me fait que
trop sentir le besoin que j'ai de vôtre indulgence..
C'est un usage établi de prouver
d'abord
l'utilité
d'une Science
dont on doit trai
ter. Je pourrois , M" vous faire voir que·
ce qu'on sçait sur la composition naturelle
des liqueurs differentes qui font partie de
nos corps , sur les alterations dont elles sont
susceptibles , sur la maniere dont elles se
dérangent , sur la nature des Remedes vége
Baux , animaux , et mineraux , n'est veriablement
dû qu'à la Chymie ; mais ce détail
, dont la preuve et l'éclaircissement nous
meneroient
JUILLET. 1731. 1707
meneroient un peu loin , se manifestera assés
par les Réflexions que nous aurons occasion
de faire sur les Operations Chymiques , qui
se feront en vôtre présence dans la suite de
ce Cours. D'ailleurs , qu'est-il nécessaire de
prouver l'utilité de la Chymie quel est
Phomme de bon sens qui en doute ? la Médecine
désavoitera- t- elle les secours qu'elle en
tire ? la Physique niera -t- elle qu'elle ne doive
une partie de ses progrés aux experiences
et aux raisonnemens qu'elle lui fournit ? et
n'est-ce pas en consequence de cette utilité
reconnue , que notre Auguste Monarque
qui ne se méprend point dans la protection
qu'il donne aux Sciences , accorde à celleci
une retraite honorable en ces lieux , et luž
prodigue des secours dignes de sa magnificen
ce , et de son discernement.
C'est à bajustesse de ce discernement qu'est
dû le choix du Chef illustre sous les auspices
et la direction duquel se font les Exercices
du Jardin Royal : Sa Majesté ne pouvoit
mieux faire sentir le cas qu'elle fair
de ces exercices , et son attention particuliere
2
lesfaire fleurir , par une administration
sage et éclairée , qu'en chargeant de cette
administration un anffi grand Maître que
Fest M. Chirac dans chacune des parties
de Médecine qui s'y enseignent , etpar là
aussi capable qu'il l'est de s'acquitter di-
D vj gnement
1708 MERCURE DE FRANCE
gnement d'un emploi de cette nature .
Cet employ , Messieurs , qui avant que
M. Chirac en eût été pourvû , avoit toujours
été une espece d'apanage des premiers
Médecins , est devenu entre ses mains le
gage du merite qu'on lui récennoissoit d'avance
, pourremplir unjour la premiere plaee
, et ce gage l'y désignoit dès-lors en quelque
maniere
Cette désignation , M" , se trouve aus
jourd'huy heureusement accomplie , et nous
voyons avec d'autant plus de joye , l'Intendance
du Jardin Royal réunie à la place de
premier Medecin , que cette intendance en
est naturellement une dépendance ou une attribution
, et qu'elle n'en avoit été dans la
personne de M. Chirac qu'une distraction
pour quelques années.
Arrêtons-nous un moment , M" , sur ce
dernier évênement , qui fait à la fois l'Elo
ge de la justice du Roy, la gloire de celui qui
en a receu les effets , et la satisfaction de
Doute la France , qui n'a plus d'allarmes sur
la plus précieuse santé de l'Univers , depuis
qu'elle la voit entre les mains du plus par
fait , et du plus digne de tous les Médecins
Les Places éminentes de la Médecine
s'obtiennent rarement sans beaucoup de sollicitations
et de brigues ; si le merite se joins
aux efforts qu'on fait pour réussir , ce merite
fait
JUILLET. 1731. 1709
fait quelquefois pencher la Balance de son
côté , d'autrefois et le plus souvent il dessert,
L'envie qui le regarde comme son plus grand
ennemi , ne manque guére à lui susciter les
obstacles les plus puissants, et par là vient
ordinairement à bout d'en triompher.
Delà le découragement de ceux qui moins
occupés de se procurer des protections brillantes
et utiles , que de multiplier le nombre de
leurs connoissances , et de se perfetionner de
plus en plus dans la Médecine , se voyent
frustrés injustement des récompenses qui der
voient naturellement les regarder , et qui pas
sent souvent entre les mains de gens aussi peu
versés dans la Théorie et la Pratique de leur
Art , que ceux qui en ont été exclus l'y font
beaucoup.
Delà vient encore que ceux en qui l'envie
de s'élever l'emporte de beaucoup sur
Le goût de leur profession , seul capable de
former degrands sujets , quand on s'y livre
tout entier , donnent tous leurs soins à se mênager
les secours que les veues de leur ambition
leur suggerent , et négligent d'autant
l'Etude d'une Science dont la vaste étendue
plusque suffisante pour occuper uniquement,
et sans partage , permet à peine quelques
moments de relache et de délassement.
Ces exemples pernicieux dont le frequent
succès
$710 MERCURE DE FRANCE
succès tout contraire qu'il est au bon ordre ,
et à la droite raison , produit tant d'imitateurs
, ne perdront- ils point de leur credit ?
et ne changera-t-on point de conduite en
considerant celle que l'illustre M. Chirac
a toujouts tenuë , et qui lui a si beureusement
et si glorieusement réussi.
Ennemi déclaré de ces souplesses , et de ces
sollicitations indignes qui ne deshonorent pas
moins ceux qui s'en laissent séduire , que
ceux qui ont la bassesse de les faire , on l'a
toujours vû le même dans tous les tems de sa
vie , il n'a point été audevant de la fortune
par des routes illegitimes , il l'a laissé agir
en sa faveur, ou s'il a cherché à se la rendrefavorable
, ce n'a été qu'à force d'étude
et de travail. $
+
C'est dans une Célèbre Faculté , où il a
professé avec éclat pendant plusieurs an
nées , qu'il a commencé àfaire ses preuves.
On l'y a vu uniquement occupe de guerir
on d'enseigner à le faire , travailler continuellement
et sans relâche , aux progrès et
à la perfection de la Médecine , et communiquer
liberalement , et sans reserve tout ce
qu'il sçavoit , à une foule d'Auditeurs , qui
venoient de toutes parts puiser dans cette
Sourceféconde , les lumieres dont ils avoient
Besoin.
C'est ainsi que M. Chirac a scû se faire
un
JUILLET. 1731. 1751
un si grand nombre de Partisans dans le Public
;C'est là la maniere dont il a crû pouvoir
briguer leurs suffrages , eh ! comment
ne seroit-il pas venu à bout de les obtenir?
les Eloges que la multitude de ses Disciples:
faisoient de leur Maître dans les differents
endroits de leur résidence , ne pouvoient être
suspects ils étoient unanimes ; la réconnoissance
et la verité les dictoient. D'ailleurs on
en trouvoit en quelque maniere la garantie
dans plusieurs de ces Disciples , le merite
qui les distinguoit , et qu'ils ne tenoient que
de lui , annonçoit la superiorité du sien ..
Il étoit bien difficile qu'une réputation
aussi brillante , aussi solide , et aussi justement
acquise que l'étoit celle de M.Chirac, ne
travaillat pas , même à son insçu,en sa faveur.
Quoique ceux qui dispensent lesgraces , Souvent
peu capables de le faire avec connoissance
de cause ou trop susceptibles de préventions
, n'accordent que trop ordinairement
aux importunitez et à la cabale , ce que la
justice réclame d'un autre côté ; il en est d'au
tres plus rares , à la verité , et plus judicieux ,
que le goût des Sciences,et l'étude qu'ils en ont
faite , a rendus plus clair- voyants, plus diffim
ciles à tromper , plus attachés au vray merite
et qui se trouvent par là plus à portée de
ne pas confondre les faux ou les demi Sçavants
avec ceux du premier ordre..
Tel
1712 MERCURE DE FRANCE
*
Tel étoit le grand Prince ami des Scien
ces , et Protecteur des Sçavants , qui jugeant
M. Chirac digne du dépost précieux de sa
santé , l'appella auprès de S. A. R. l'hon
nora de son estime et de toute sa confiance
et le recompensa par là des services que jus➡
qu'alors il avoit rendus au Public.
Cette nouvelle Dignité ne fut point changer
de conduite à M. Chirac ; il auroit pû
Pombre de ses Lauriers jouird'un repos merité
par ses travaux passés ; il auroit même pŵ
profiterhabilement de ce repos pour cultiver à
Loisir et plus sûrement un certain nombre d'a
mis , utiles dans l'occasion; mais il s'étoit livré
de trop bon coeur au Public, et à sa Profession
pour succomber à des vies de cette nature ;
d'ailleurs il sçavoit mieux qu'un autre , que
•quelque progrès qu'on aitfait dans la Médecine
, ce qu'on sçait est toujours fort au
dessous de ce qui reste à sçavoir, et que
quand on s'arrête au milieu de sa carriere ,
et qu'on n'est plus dans l'exercice actuel
non- seulement on n'avance plus , mais que
trace de ce qu'on sçavoit le mieux s'affoiblit
insensiblement faute d'être renouvellée ou enpar
la répetition des mêmes objets,
On chancelle quand il s'agit de se déterminer,
On s'enrouille petit àpetit , et le plus grand·
Praticien devient souvent par là un Méder
cin assés médiocre.
tretenuë
·la
C'est
JUILLET . 1731. 1713
C'estpour éviter une chute semblable
que
M. Chirac arrivé à Paris , où sa grande
réputation l'avoit déja de beaucoup devancé ,
s'y est prêté aussi-tôt à tous ceux qui ont eu
recours à ses lumieres ; on l'y a vû justifier
pleinement par ses discours , et par le succès
de sa pratique , tout ce que la rénommée
avoit publié en sa faveur. Loin de se rébuter
des fatigues inséparables d'un aufſt grand
employ que celui où il s'y est trouvé , fon ardeurpour
le travail s'est toujours accrue par
la multitude de ses affaires , et il s'y est donné
tout entier et sans partage , pendant une
longue suite d'années ; c'eft en primant aux
yeux du Public , et de l'aveu même de ses
Confreres , dans l'exercice de sa profession ,
qu'il est arrivé à ce baut degré de gloire ,
où Sa Majesté lui a fait l'honneur de l'appeller.
La brigue qu'il a toujours détestée ,
et qui n'avoit en aucune part à sa place
de premier Médecin de feu M. le Duc
d'Orleans , n'en a pas a pas eû davantage à selle
de premier Médecin du Roy. Quel bonheur !
si un si bel exemple pouvoit engager à ne
suivre dorénavant en pareil cas d'autre route
que celle qui a été tenue et tracée par M.
Chirac; le merite rentreroit bien- tôt par
dans tous les droits qui lui appartiennent
et dont il se voit presque toujours déchû
La cabale et par l'injustice.
DISCOURS.
E lundi 2. de ce mois M. Lemery ,
LMédecin de la Faculté de Paris ,
Conseiller Médecin ordinaire du Roy ,
de l'Académie Royale des Sciences , nouvellement
reçû Professeur de Chymie au
Jardin Royal , à la place de feu M. Geoffroy
, y fit l'ouverture du Cours de Chymie.
Il avoit annoncé publiquement ,
qu'avant que d'entrer dans ce qu'il appelle
la Pratique de cette Science , c'està
- dire , les differentes préparations Chymiques
, il feroit plusieurs Discours sur
sa Théorie ; ce qu'il a executé en cinq
Discours differents , dont on n'avoit
point coutume avant lui de faire préceder
les démonstrations Chymiques : Mais
avant que d'entrer en matiere , il débuta
par un Discours oratoire , où M. Chirac ,
premier Médecin du Roy , et Intendant
du Jardin Royal , entre naturellement
pour beaucoup. Et ce qu'il y a d'heureux
pour l'Orateur , et de glorieux pour celui
dont on fait l'Eloge , c'est qu'il n'y
Dv entre
1706 MERCURE DE FRANCE
entre point aux dépens de la verité. Le
Public pourra en juger par la lecture du
Discours même, le voici :
Que ne puis-je oublier , Messieurs , que
ne pouvez- vous oublier vous -mêmes , quels
hommes ont rempli avant moi la place que·
j'occupe ! je paroîtrois ici avec moins de confusion
; et peut-être appercevriez- vous moins
ce qui me manque , si d'autres ne vous
avoient fait voir dans cette place toutes les
grandes qualités qu'elle demande. Vous avez
eu le plaisir d'y admirer plus d'une fois
te Collegue illustre à qui j'ai l'honneur de
succeder; il vous a appris , M". , à quoy.
vous deviés vos applaudissemens ; it
n'est plus possible de les surprendre , et
la difficulté de les meriter, ne me fait que
trop sentir le besoin que j'ai de vôtre indulgence..
C'est un usage établi de prouver
d'abord
l'utilité
d'une Science
dont on doit trai
ter. Je pourrois , M" vous faire voir que·
ce qu'on sçait sur la composition naturelle
des liqueurs differentes qui font partie de
nos corps , sur les alterations dont elles sont
susceptibles , sur la maniere dont elles se
dérangent , sur la nature des Remedes vége
Baux , animaux , et mineraux , n'est veriablement
dû qu'à la Chymie ; mais ce détail
, dont la preuve et l'éclaircissement nous
meneroient
JUILLET. 1731. 1707
meneroient un peu loin , se manifestera assés
par les Réflexions que nous aurons occasion
de faire sur les Operations Chymiques , qui
se feront en vôtre présence dans la suite de
ce Cours. D'ailleurs , qu'est-il nécessaire de
prouver l'utilité de la Chymie quel est
Phomme de bon sens qui en doute ? la Médecine
désavoitera- t- elle les secours qu'elle en
tire ? la Physique niera -t- elle qu'elle ne doive
une partie de ses progrés aux experiences
et aux raisonnemens qu'elle lui fournit ? et
n'est-ce pas en consequence de cette utilité
reconnue , que notre Auguste Monarque
qui ne se méprend point dans la protection
qu'il donne aux Sciences , accorde à celleci
une retraite honorable en ces lieux , et luž
prodigue des secours dignes de sa magnificen
ce , et de son discernement.
C'est à bajustesse de ce discernement qu'est
dû le choix du Chef illustre sous les auspices
et la direction duquel se font les Exercices
du Jardin Royal : Sa Majesté ne pouvoit
mieux faire sentir le cas qu'elle fair
de ces exercices , et son attention particuliere
2
lesfaire fleurir , par une administration
sage et éclairée , qu'en chargeant de cette
administration un anffi grand Maître que
Fest M. Chirac dans chacune des parties
de Médecine qui s'y enseignent , etpar là
aussi capable qu'il l'est de s'acquitter di-
D vj gnement
1708 MERCURE DE FRANCE
gnement d'un emploi de cette nature .
Cet employ , Messieurs , qui avant que
M. Chirac en eût été pourvû , avoit toujours
été une espece d'apanage des premiers
Médecins , est devenu entre ses mains le
gage du merite qu'on lui récennoissoit d'avance
, pourremplir unjour la premiere plaee
, et ce gage l'y désignoit dès-lors en quelque
maniere
Cette désignation , M" , se trouve aus
jourd'huy heureusement accomplie , et nous
voyons avec d'autant plus de joye , l'Intendance
du Jardin Royal réunie à la place de
premier Medecin , que cette intendance en
est naturellement une dépendance ou une attribution
, et qu'elle n'en avoit été dans la
personne de M. Chirac qu'une distraction
pour quelques années.
Arrêtons-nous un moment , M" , sur ce
dernier évênement , qui fait à la fois l'Elo
ge de la justice du Roy, la gloire de celui qui
en a receu les effets , et la satisfaction de
Doute la France , qui n'a plus d'allarmes sur
la plus précieuse santé de l'Univers , depuis
qu'elle la voit entre les mains du plus par
fait , et du plus digne de tous les Médecins
Les Places éminentes de la Médecine
s'obtiennent rarement sans beaucoup de sollicitations
et de brigues ; si le merite se joins
aux efforts qu'on fait pour réussir , ce merite
fait
JUILLET. 1731. 1709
fait quelquefois pencher la Balance de son
côté , d'autrefois et le plus souvent il dessert,
L'envie qui le regarde comme son plus grand
ennemi , ne manque guére à lui susciter les
obstacles les plus puissants, et par là vient
ordinairement à bout d'en triompher.
Delà le découragement de ceux qui moins
occupés de se procurer des protections brillantes
et utiles , que de multiplier le nombre de
leurs connoissances , et de se perfetionner de
plus en plus dans la Médecine , se voyent
frustrés injustement des récompenses qui der
voient naturellement les regarder , et qui pas
sent souvent entre les mains de gens aussi peu
versés dans la Théorie et la Pratique de leur
Art , que ceux qui en ont été exclus l'y font
beaucoup.
Delà vient encore que ceux en qui l'envie
de s'élever l'emporte de beaucoup sur
Le goût de leur profession , seul capable de
former degrands sujets , quand on s'y livre
tout entier , donnent tous leurs soins à se mênager
les secours que les veues de leur ambition
leur suggerent , et négligent d'autant
l'Etude d'une Science dont la vaste étendue
plusque suffisante pour occuper uniquement,
et sans partage , permet à peine quelques
moments de relache et de délassement.
Ces exemples pernicieux dont le frequent
succès
$710 MERCURE DE FRANCE
succès tout contraire qu'il est au bon ordre ,
et à la droite raison , produit tant d'imitateurs
, ne perdront- ils point de leur credit ?
et ne changera-t-on point de conduite en
considerant celle que l'illustre M. Chirac
a toujouts tenuë , et qui lui a si beureusement
et si glorieusement réussi.
Ennemi déclaré de ces souplesses , et de ces
sollicitations indignes qui ne deshonorent pas
moins ceux qui s'en laissent séduire , que
ceux qui ont la bassesse de les faire , on l'a
toujours vû le même dans tous les tems de sa
vie , il n'a point été audevant de la fortune
par des routes illegitimes , il l'a laissé agir
en sa faveur, ou s'il a cherché à se la rendrefavorable
, ce n'a été qu'à force d'étude
et de travail. $
+
C'est dans une Célèbre Faculté , où il a
professé avec éclat pendant plusieurs an
nées , qu'il a commencé àfaire ses preuves.
On l'y a vu uniquement occupe de guerir
on d'enseigner à le faire , travailler continuellement
et sans relâche , aux progrès et
à la perfection de la Médecine , et communiquer
liberalement , et sans reserve tout ce
qu'il sçavoit , à une foule d'Auditeurs , qui
venoient de toutes parts puiser dans cette
Sourceféconde , les lumieres dont ils avoient
Besoin.
C'est ainsi que M. Chirac a scû se faire
un
JUILLET. 1731. 1751
un si grand nombre de Partisans dans le Public
;C'est là la maniere dont il a crû pouvoir
briguer leurs suffrages , eh ! comment
ne seroit-il pas venu à bout de les obtenir?
les Eloges que la multitude de ses Disciples:
faisoient de leur Maître dans les differents
endroits de leur résidence , ne pouvoient être
suspects ils étoient unanimes ; la réconnoissance
et la verité les dictoient. D'ailleurs on
en trouvoit en quelque maniere la garantie
dans plusieurs de ces Disciples , le merite
qui les distinguoit , et qu'ils ne tenoient que
de lui , annonçoit la superiorité du sien ..
Il étoit bien difficile qu'une réputation
aussi brillante , aussi solide , et aussi justement
acquise que l'étoit celle de M.Chirac, ne
travaillat pas , même à son insçu,en sa faveur.
Quoique ceux qui dispensent lesgraces , Souvent
peu capables de le faire avec connoissance
de cause ou trop susceptibles de préventions
, n'accordent que trop ordinairement
aux importunitez et à la cabale , ce que la
justice réclame d'un autre côté ; il en est d'au
tres plus rares , à la verité , et plus judicieux ,
que le goût des Sciences,et l'étude qu'ils en ont
faite , a rendus plus clair- voyants, plus diffim
ciles à tromper , plus attachés au vray merite
et qui se trouvent par là plus à portée de
ne pas confondre les faux ou les demi Sçavants
avec ceux du premier ordre..
Tel
1712 MERCURE DE FRANCE
*
Tel étoit le grand Prince ami des Scien
ces , et Protecteur des Sçavants , qui jugeant
M. Chirac digne du dépost précieux de sa
santé , l'appella auprès de S. A. R. l'hon
nora de son estime et de toute sa confiance
et le recompensa par là des services que jus➡
qu'alors il avoit rendus au Public.
Cette nouvelle Dignité ne fut point changer
de conduite à M. Chirac ; il auroit pû
Pombre de ses Lauriers jouird'un repos merité
par ses travaux passés ; il auroit même pŵ
profiterhabilement de ce repos pour cultiver à
Loisir et plus sûrement un certain nombre d'a
mis , utiles dans l'occasion; mais il s'étoit livré
de trop bon coeur au Public, et à sa Profession
pour succomber à des vies de cette nature ;
d'ailleurs il sçavoit mieux qu'un autre , que
•quelque progrès qu'on aitfait dans la Médecine
, ce qu'on sçait est toujours fort au
dessous de ce qui reste à sçavoir, et que
quand on s'arrête au milieu de sa carriere ,
et qu'on n'est plus dans l'exercice actuel
non- seulement on n'avance plus , mais que
trace de ce qu'on sçavoit le mieux s'affoiblit
insensiblement faute d'être renouvellée ou enpar
la répetition des mêmes objets,
On chancelle quand il s'agit de se déterminer,
On s'enrouille petit àpetit , et le plus grand·
Praticien devient souvent par là un Méder
cin assés médiocre.
tretenuë
·la
C'est
JUILLET . 1731. 1713
C'estpour éviter une chute semblable
que
M. Chirac arrivé à Paris , où sa grande
réputation l'avoit déja de beaucoup devancé ,
s'y est prêté aussi-tôt à tous ceux qui ont eu
recours à ses lumieres ; on l'y a vû justifier
pleinement par ses discours , et par le succès
de sa pratique , tout ce que la rénommée
avoit publié en sa faveur. Loin de se rébuter
des fatigues inséparables d'un aufſt grand
employ que celui où il s'y est trouvé , fon ardeurpour
le travail s'est toujours accrue par
la multitude de ses affaires , et il s'y est donné
tout entier et sans partage , pendant une
longue suite d'années ; c'eft en primant aux
yeux du Public , et de l'aveu même de ses
Confreres , dans l'exercice de sa profession ,
qu'il est arrivé à ce baut degré de gloire ,
où Sa Majesté lui a fait l'honneur de l'appeller.
La brigue qu'il a toujours détestée ,
et qui n'avoit en aucune part à sa place
de premier Médecin de feu M. le Duc
d'Orleans , n'en a pas a pas eû davantage à selle
de premier Médecin du Roy. Quel bonheur !
si un si bel exemple pouvoit engager à ne
suivre dorénavant en pareil cas d'autre route
que celle qui a été tenue et tracée par M.
Chirac; le merite rentreroit bien- tôt par
dans tous les droits qui lui appartiennent
et dont il se voit presque toujours déchû
La cabale et par l'injustice.
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Résumé : COURS DE CHYMIE, DISCOURS.
Le 2 juillet, Louis Lemery, médecin de la Faculté de Paris, conseiller du roi et professeur de chimie au Jardin Royal, a inauguré son cours de chimie en remplacement de M. Geoffroy. Avant d'aborder la pratique, Lemery a prononcé cinq discours théoriques, une méthode nouvelle. Il a débuté par un hommage à M. Chirac, premier médecin du roi et intendant du Jardin Royal, tout en restant fidèle à la vérité. Lemery a mis en avant l'importance de la chimie pour la médecine et la physique, soulignant que cette science est soutenue par le roi. Il a également loué la sagesse et la gestion éclairée de M. Chirac au Jardin Royal, notant que cette fonction est naturellement liée à celle de premier médecin. Le texte évoque la difficulté d'accéder à des postes éminents en médecine en raison des sollicitations et des intrigues. Lemery critique ceux qui recherchent des protections plutôt que de se consacrer à l'étude et à la perfection dans la médecine. Il admire M. Chirac pour son dévouement, son travail acharné et sa générosité dans le partage de ses connaissances, ce qui lui a valu une grande réputation et la confiance du roi. Malgré sa nouvelle dignité, Chirac a continué à se consacrer à sa profession, évitant la complaisance et les sollicitations indignes. Il a été reconnu pour ses compétences et son mérite, et non pour des faveurs ou des cabales. Lemery espère que l'exemple de Chirac encouragera d'autres à suivre une voie similaire, basée sur le mérite et le travail.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1979-1980
Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Début :
Le Cours des Sciences, in folio, par le Pere Buffier, dont le Projet fut publié il y a un an, [...]
Mots clefs :
Sciences, Édition, Électeurs, Religion
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Le Cours des Sciences , in folio , par le Pere
Buffier , dont le Projet fut publié il y a un an ,
est achevé d'imprimer , l'Edition est des plus
belles. Elle est de plus de deux cens feuilles , Caractère
de S. Augustin , parmi lesquelles il sa
trouve la valeur de trente à quarante feuilles,Caracteres,
partie de Cicero , partie de petit Romain,
aussi beaux et aussi neufs que le S. Augustin,
L'Auteur a fait employer ces Caracteres differens
pour certains endroits moins necessaires à la suite
des choses ou qui demandent plus d'attention que
le commun des Lecteurs en France , n'est dispos
૩૬
1980 MERCURE DE FRANCE
en donner. On a employé en particulier le petit
Romain , afin de ne point doubler les lignes aux
endroits où il y a des Vers ; ce qui d'ordinaire
produit à la vue de l'embarras et un mauvais effet.
L'Ouvrage par - là contient plus de matiere que
l'Auteur n'avoit promis. Au reste ce qui fait la
derniere quatriéme Partie de l'in folio n'avoit
point encore paru , sçavoir , 1 ° . l'Exposition des
preuves les plus sensibles de la veritable Religion.
2 ° . Eclaircissemens de plusieurs difficul
tez proposez à l'Auteur , sur la plupart des
Traitez qu'il avoit d'abord imprimez in 12.
3°. Un Discours sur l'étude et sur la Méode des
Sciences . 4. Sept ou huit Dissertations , qui font
chacune autant de petits Traitez sur des choses
dont on parle ou dont on a fort parlé dans le
monde , comme , 1º, de la nature du goût. 2 ° Si
nous sommes bien en état de décider sur les
beautez ou sur les deffauts d'Homere et des ani
ciens Poëtes . 3 °. L'Apologie du fameux Vers de
Lucain. Victrix causa diis placuit , sed vicia
Catoni. 4° . Si les regles et les beautez de la
Musique tont arbitraires ou réelles ; cette quatriéine
Dissertation renferme une Métode ensiere
d'apprendre soi-même la musique et de
l'enseigner à ceux qui n'en auroient Jamais
eu nulle idée. Quand nous serons plus instruits ,
nous en marquerons plus de particularitez ; cependant
l'infolio se distribuera le mois de Septembre
à ceux qui en avoient retenu des Exemplaires
, chez le sieur de la Mesle , Imprimeur de
Ï'Ouvrage , rue de la vieille Bouclerie ; et se vendra
chez les sieurs Cavelier et Giffart , Libraires
, rue S. Jacques.
Buffier , dont le Projet fut publié il y a un an ,
est achevé d'imprimer , l'Edition est des plus
belles. Elle est de plus de deux cens feuilles , Caractère
de S. Augustin , parmi lesquelles il sa
trouve la valeur de trente à quarante feuilles,Caracteres,
partie de Cicero , partie de petit Romain,
aussi beaux et aussi neufs que le S. Augustin,
L'Auteur a fait employer ces Caracteres differens
pour certains endroits moins necessaires à la suite
des choses ou qui demandent plus d'attention que
le commun des Lecteurs en France , n'est dispos
૩૬
1980 MERCURE DE FRANCE
en donner. On a employé en particulier le petit
Romain , afin de ne point doubler les lignes aux
endroits où il y a des Vers ; ce qui d'ordinaire
produit à la vue de l'embarras et un mauvais effet.
L'Ouvrage par - là contient plus de matiere que
l'Auteur n'avoit promis. Au reste ce qui fait la
derniere quatriéme Partie de l'in folio n'avoit
point encore paru , sçavoir , 1 ° . l'Exposition des
preuves les plus sensibles de la veritable Religion.
2 ° . Eclaircissemens de plusieurs difficul
tez proposez à l'Auteur , sur la plupart des
Traitez qu'il avoit d'abord imprimez in 12.
3°. Un Discours sur l'étude et sur la Méode des
Sciences . 4. Sept ou huit Dissertations , qui font
chacune autant de petits Traitez sur des choses
dont on parle ou dont on a fort parlé dans le
monde , comme , 1º, de la nature du goût. 2 ° Si
nous sommes bien en état de décider sur les
beautez ou sur les deffauts d'Homere et des ani
ciens Poëtes . 3 °. L'Apologie du fameux Vers de
Lucain. Victrix causa diis placuit , sed vicia
Catoni. 4° . Si les regles et les beautez de la
Musique tont arbitraires ou réelles ; cette quatriéine
Dissertation renferme une Métode ensiere
d'apprendre soi-même la musique et de
l'enseigner à ceux qui n'en auroient Jamais
eu nulle idée. Quand nous serons plus instruits ,
nous en marquerons plus de particularitez ; cependant
l'infolio se distribuera le mois de Septembre
à ceux qui en avoient retenu des Exemplaires
, chez le sieur de la Mesle , Imprimeur de
Ï'Ouvrage , rue de la vieille Bouclerie ; et se vendra
chez les sieurs Cavelier et Giffart , Libraires
, rue S. Jacques.
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Résumé : Le Cours des Sciences par le P. Buffier, [titre d'après la table]
Le texte annonce l'achèvement de l'impression du 'Cours des Sciences' en folio, rédigé par le Père Buffier. Cette édition, de haute qualité, comprend plus de deux cents feuilles et utilise divers caractères typographiques comme le Saint-Augustin, le Cicéron et le petit Romain. Ces caractères sont employés pour des sections moins essentielles ou nécessitant une attention particulière. L'ouvrage contient plus de matière que prévu initialement. La dernière partie, non encore publiée, inclut plusieurs sections : une exposition des preuves de la véritable religion, des éclaircissements sur des difficultés soulevées dans les traités précédents, un discours sur l'étude et la méthode des sciences, ainsi que sept ou huit dissertations sur divers sujets. Parmi ces dissertations figurent des discussions sur la nature du goût, l'évaluation des œuvres d'Homère, une apologie d'un vers de Lucain, et une discussion sur les règles de la musique. L'ouvrage sera distribué en septembre chez l'imprimeur de la Mesle et vendu par les libraires Cavelier et Giffart.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 2727-2744
DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
Début :
On est si prévenu aujourd'hui en faveur de l'Italie, qu'il a paru nécessaire [...]
Mots clefs :
Italie, Dissertation critique, Gens de Lettres, Livourne, Milan, Sciences, Théologiens, Humanités, Théologie scolastique, Physique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
DISSERTATION CRITIQUE , sur
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
l'Etat present de l'Italie , concernant les
Sciences et les Arts.
O
,
N est si prévenu aujourd'hui en
faveur de l'Italie , qu'il a paru nécessaire
de détromper quantité de Personnes
là- dessus. On entend les gens
raisonnables , car pour les entêtez qui
n'ont rapporté pour tout fruit de leurs
Voyages , que beaucoup de prévention
qu'ils communiquent à tout le monde
ou qui ont contracté ce mauvais goût
avec gens de leur caractere ; franchement
ce seroit peine perduë ; mais les Personnes
judicieuses me sçauront gré de les
avoir mises au fait sur tout le merveil
leux qu'on leur débite touchant l'Italie.
Un Voyage de plus de deux ans en ce
Pays-là , et quelque pratique dans les
Arts , peuvent assurer le Lecteur de la
certitude de ce qu'on avance et lui
faire esperer qu'il y trouvera de l'utilité.
Les Italiens ont eû comme toutes les
autres Nations , de grands Hommes dans
les Sciences et dans les Arts. On peut
leur reprocher en general , qu'ils n'ont
1. Vol. Bvj ja-
>
2728 MERCURE DE FRANCE
1.
jamais autant approfondi les Sciences que
les Allemands , les Anglois et les François.
Un peu trop paresseux de leur naturel
, ils prennent pour excuse la chaleur
excessive de leur climat.
On étudie presentement à Rome le
Droit Canon , à Venise la Politique ,
Florence , Boulogne et Padouë , autrefois
si fameuses par leurs Académies ,
n'offrent plus rien presentement que de
médiocre. Les Gens de Lettres , et les
Professeurs qui les composent sont la
plûpart Etrangers. Pour les Villes de Naples
, de Milan , Genes et Livourne , on
n'y parle que de commerce. Les autres
Villes suivent assez ce Plan general .
Les Sciences.
›
pen Tout le monde sçait qu'ils ont eû
de Théologiens depuis environ 2oo . ans ,
( terme que l'on s'est prescrit dans cette
Dissertation. ) On distingue Jerôme Savanarolle
, de Ferrare en 1452. Corneille
Musso , de Plaisance en 1511. le Cardinal
Bellarmin en 1621. Le Cardinal
Laurent Brancati , de Laurea , en 1681.
et le Cardinal Noris en 1704. Le Droit
Canon est aujourd'hui le seul objet des
gens d'Eglise , et ce dont ils ont le plus
I.Vol.
,
de
DECEMBRE. 1731. 2729
de besoin pour s'avancer dans la Chambre
Ecclesiastique. Les Jesuites même ne
s'attachent gueres qu'à la Politique et
aux humanitez. Les seuls Dominicains
du Couvent de la Minerve s'appliquent à
la Théologie Scholastique ; rien n'est
plus ignorant que les autres Moines ; cela
est si vrai , que quand il est question de
décider quelque Dogme de l'Eglise , on
fait venir des Espagnols et des Théologiens
Etrangers.
Ils ont eû quelques fameux Jurisconsultes
, comme Philippe Dece , de Milan
, en 1535. André Alciat , aussi Milanois
, en 1549. Tibere Decian , de
Frioul , en 1581. et Jean Vincent Gra
Calabrois en 1718. Aujourd'hui
leurs Avocats à la Rotte n'étudient que
le Droit écrit , et ne produisent point de
ces beaux Plaidoyers. Rien n'est plus
rare que de voir des ouvrages nouveaux
sur cette matiere .
vina , >
Leurs Philosophes , depuis deux siécles
, sont Jean-Baptiste Platina , de Cremone
, en 1481. Alexandre Picolomini
de Sienne , en 1508. Jerôme Cardan
Padoüan , en 1576. Thomas Campanella ,
Calabrois , mort en 1639. Fortunio Liceti
, Genois , en 1656. et Ulysse Aldrovandus
, Boulonnois , en 1605. qui s'est
I. Vol. dis2730
MERCURE DE FRANCE
distingué par ses beaux ouvrages sur
la Physique et sur l'Histoire naturelle.
Il y a encore cû Angeliste Torricelli ,
mort en 1647. et François Redi , Florentin
, en 1697. On ne voit presque plus
actuellement de Philosophes en Italie.
Il y a quelques Medecins à Padouë et à
Pise , chez qui j'ai trouvé des Cabinets
touchant l'Histoire Naturelle .
,
La Grammaire et l'Eloquence, comptent
parmi ses plus habiles gens , Jean
Bocace , Toscan , en 1313 Ange Politien
, de Florence , en 1494. François
Philelphe , de la Marche d'Anconne , en
1500. le Cardinal Guido Bentivoglio ,
Ferrarois , en 1579. François Panigarole ,
Milanois , Evêque d'Aste en 1582 .
Pierre -Victor , Florentin , en 1585. Jean-
François Loredano , noble Venitien , en
1606. Gabriel Bonarelli , Malvelzi , Gregorrio
, Leti , et Jean Mario Crezinbeni ,
mort depuis peu . L'Académie de la Crus
ca de Florence se soutient encore par
quelques bons ouvrages ; son seul Dictionnaire
l'a renduë fameuse.
Ils ont eû de bons Historiens . Le Cardinal
Pierre Bembo , Venitien , en 1470 .
François Guichardin , Florentin en 1480.
Jean-Baptiste Platina , de Cremone , en
1481. Paul Joue , Milanois , en 1552 .
I. Vol. FraDECEMBR
E. 1731. 2791
Frapaolo , Venitien , en 1552. Onuphre
Panvinius , Veronois , en 1568. le Čardinal
Baronius , Napolitain , en 1607.
Faminius Strada , Jesuite Romain , en
1649. et Bap. Nani , noble Venitien , en
1676.
On s'est toujours attaché en Italie à la
recherche de l'Antiquité , par la nécessité
d'expliquer les beaux restes qui s'y trouvent
de tous côtez . On leur connoît Fulvius
Ursinus , Romain , en 1597. Laurent
Pignoria , Padouan , en 1571. Raphaël
Fabretti , le Pere Kirker , Nardini ,
Donati , Bellori , Mezzabarba , Bonani ,
Rossi. Aujourd'hui cette Science a passé
à des gens qui en font métier public ; on
les appelle Ciceroni.
"
Les meilleurs Medecins qu'ils ayent eû
depuis deux siècles , sont Antonio Francantiani
, en 1500. Jerôme Mercurialis
de Forli , en 1530. Pierre- André Mathiole
, de Sienne , en 1554. Jerôme Fracastor
, de Verone , en 1549. Jules - Paul
Crasso , de Padouë , en 1600. Louis Septal
, Milanois , en 1628. Sanctorius , en
16 11. et Bernardin Ramazzini , en 1714 .
On éprouve presentement à Rome plus
qu'ailleurs , l'incertitude de cette Science
conjecturale la Reine de Pologne en
1714. pensa mourir par l'assistance de
1. Vol. deux
2732 MERCURE DE FRANCE
deux ( 1 ) Medecins que Clement XI. lui
envoya. Heureusement pour elle , un Medecin
Etranger qui voyageoit , et qui
passoit par Rome , la tira d'affaire.
,
On distingue dans l'Anatomie Gabriel
Fallope , de Modene en 1562 , il étoit
aussi très-bon Medecin. Pour la Chirurgie
, les Princes Italiens font venir dans
les grandes operations , des François ,
qui ont porté , comme l'on sçait , cet Art
à un grand degré de perfection.
La Pharmacie est un peu plus cultivée
en Italie , où le soin de la santé occupe
tout le monde. Les laboratoires y sont
fournis de tout. On connoit Hiacinto
Cestoni , en 1713. Les Jardins de simples
sont par tout negligez ; il y en a un à Padoue
un peu en meilleur état ; l'on y fait
peu de Demonstrations publiques . Fabio
Columna Lyncei , Napolitain , s'est distingué
en 1592. et Prosper Alpini , Venitien
, en 1616. Ce n'est pas faute de Professeurs
; ce sont les Disciples qui manquent.
Les Mathématiques ne fournissent pas
d'aussi grands hommes que les autres
Sciences. Ils ont eû Galilée Galilei , de
Florence , en 1642. Cassini , Astronome ,
(1) Jean-Marie Lancisi , Medecin de Clement
XI.
I.Vol.
qui
DECEMBRE 1731 2733
›
qui s'est venu établir en France , Vincent
Viviani , Florentin de l'Académie des
Sciences de France , en 1703. et Bianchini
, Prélat domestique de Clement XI ,
bon Astronome , mort depuis peu . Actuellement
les Professeurs du College de
la Sapience sont presque tous Etrangers.
Le Cavalier Fontana s'est distingué dans
les machines qu'il a inventées du tems
de Sixte V, pour élever ces fameux Obelisques.
Il est aisé de voir par les Profils
qu'il en a donnés , qu'on feroit aujourd'hui
les mêmes Operations , en retranchant
la moitié des mouvemens et de la
dépense. Augustin Ramelli a donné un
Traité de Fontaines et de Machines hydrauliques.
Nous avons le Théatre de
Vittorio Zonca : Torelli et Vigarani , se
sont distinguez en France par leurs belles
Inventions pour le Théatre et pour
les Fontaines.
La Poësie est la Science qui est à present
la mieux cultivée en Italie , mais quel
Parallele à faire de leurs Poëtes d'aujourd'hui
avec ceux qu'ils ont perdus ? Ce
Tasse , fameux Auteur d'un Poëme Epique
que l'on compare à l'Eneïde , Dante
Alighiri , l'Arioste , Petrarque Pietro
Aretino , Sanazar , Fluvio Testi , Joan.
Bap. Marini , Guarini , Scipio Maffei , et
I. Vol.
Joan.
›
2734 MERCURE DE FRANCE
Joan. Georg. Trissino , dont les Livres
sont entre les mains dé tout le monde .
En quoi consiste ce talent d'aujourd'hui ?
Est- ce à produire de beaux Poëmes , des
Pieces de Théatre bien travaillées ? Non :
c'est en Saillies , en pointes d'Esprit , en
Concetti , qui étourdissent le Lecteur , saisissent
d'abord son esprit , l'ébranlent , et
enfin il revient , par la réfléxion de ce
faux merveilleux.
J
La Poësie Italienne ayant des mots élevez
qui ne servent point dans le Discours
ordinaire et qui lui sont , pour ainsi
dire , consacrez devient plus aisée en
cette Langue qu'en toute autre, où il faut
s'écarter des paroles usitées , et s'élever
infiniment pour plaire. Leurs Tragedies
ou Operas sont l'ouvrage de quinze jours.
On prend un sujet pour Cannevas ; on y
larde des ariettes sur l'Amour sur la
jalousie , sur l'inconstance , sur la beauté ,
en un mot , sur quantité de lieux communs
, dont un Poëte a toujours provision
dans son Magazin , et que l'on peut
appeller des selles à tous chevaux . Il n'en
coute qu'un peu de recitatif pour coudre
,
le tout ensemble ; voilà au naturel le travail
d'une Tragedie en musique. Je fus
témoin en 1714 que Carto Sigismondo
Capeci , Académicien de l'Arcadia , et
I. Vol. SecreDECEMBRE
1731. 2735
Secretaire de la Reine de Pologne , composa
deux Tragedies en moins d'un mois.
Quand les Ariettes ne plaisent pas , on
en remet d'autres sur le champ , cela ne
coute rien . Un petit Sonnet , un Madrigal
faux dans la pensée , pourvû qu'il ait
une pointe , suffit pour élever un Italien ,
et l'admettre aux Académies .
Qu'on ne me reproche point de parler
en homme qui a quelque aigreur contre
les Italiens j'en ai reçu tout ce que je
pouvois souhaitter. Clement XI . m'a fait
Chevalier Romain , et les Académiciens
de l'Arcadia m'admirent dans leur corps
sur un petit ouvrage que je leur presentay.
J'allois deux fois la semaine à leurs
conférences , qui se passoient à parler de
nouvelles , et à lire quelque Sonnet . Peutêtre
me taxera-t'on , d'un autre côté, d'ingratitude
c'est la verité qui me fait
agir en cette occasion , et l'envie seule de
détromper bien des gens trop prévenus
pour I'Italie , en lisant à quel degré étoit
montée son ancienne gloire dans les Arts
et les Sciences , sans songer à l'état present
où elle se trouve . ( 1 )
( 1 ) Le Journal Litteraire d'Italie , qui paroit
depuis deux ou trois années , malgré son
Emphase , hors des Poëtes et des Antiquaires ,
produit peu d'autres Sçavans.
I. Vol. Les
2736 MERCURE DE FRANCE
Les Arts paroissent d'abord avoir moins
perdu que les Sciences en Italie cepen- ;
dant c'est l'endroit le plus foible ; je n'en
excepte que la Musique.
>
L'Architecture a été portée fort loin ,“
et ils ont eû de fort habiles gens . Je ne
parle pas de Vitruve , et des anciens Romains
qui la tenoient des Grecs , je parle
depuis deux siècles , à commencer par
Bramante,Michel Ange Buonarotta,Jule ,
Romain , Le Vignole , Sansovino , Charles
Maderno , Palladio , Scamozzi , Serlio
, Fontana , Porta , Le Bernin , l'Algarde
, Guarini , Rainaldi et Le Borromini.
Ce dernier par la bizarrerie de ses
Profils a corrompu tout le bon goût des
anciens et des modernes , affectant de ne
jamais employer une ligne droite dans ses
corniches et dans ses couronnements. Ces
idées extravagantes , pour s'écarter de la
route ordinaire , ont frayé une fort mauvaise
voie qui n'est que trop suivie para
les Architectes du temps. Il faut avoir les
yeux bien bouchez pour ne les pas ouvrir
sur tous ces grands modeles qui sont de
vant eux . Ce Pantheon admirable pour
les proportions , ce Colisée pour la gran
de Ordonnance le Temple de la Paix
pour la magnificence de ses voutes , les
Arcs de Septime Severe et de Titus pour
I.Vol.
و
leurs
DECEMBRE 1731. 2737
,
leurs belles Colonnes , les Temples de la
Fortune virile , de Vesta , d'Antonin et
= de Faustine , un reste d'un Temple de
Minerve dans le Campo Vacino et le
Portique de Septimius dans le Marché
aux Poissons , si élegants pour l'Ordonnance
, les Chapiteaux et les belles Corniches
, avec des morceaux d'une Sculp-
4ture excellente. Leurs Palais presentement
sont d'un goût mesquin dans les Ringhieres
les couronnements et les Pourtours
des Croisées. Rien n'est si mal distribué
pour les Escaliers et pour les commoditez
de la vie ; il semble que la Façade
soit faite aux dépens du dedans.
,
و
Pour la Peinture , c'est peut-être en cet
Art où les Italiens ont le plus perdu. Dégenerez
de cet ancien lustre , où Raphaël
et Jule- Romain l'avoient porté à
Rome , Michel- Ange à Florence , le Titien
à Venise , Le Correge à Parme , et
les Carraches à Boulogne , ils n'ont pas
aujourd'hui un Peintre qu'ils puissent citer.
Andrea Sacchi , Carlo Marati , et Benedetto
Lutti, ont soutenu pendant que !-
que temps la Peinture à Rome , Sebastien
( 1 ) Ricci à Venise , Carlo Cigniani
à Boulogne , et Solimene à Naples ; ils ne
sont plus.
(1) Le Ricci est très -vieux , et ne travaille
plus.
I. Vol . Est2738
MERCURE DE FRANCE
, Est- ce un Sebastien Concha à Rome
un Crespi à Boulogne , un Piazetti à Venise
, qui étayeront la réputation de ces
grands hommes ? Trop foibles Dessinateurs
, ou trop mauvais Coloristes , personne
ne les en croira capables. Quels reproches
tacites ne leur font pas tous les
beaux morceaux de Peinture qu'ils possedent
à commencer par le grand Raphaël
; il est vrai que la plus grande partie
en est effacée ou retouchée ; mais on y
trouve toujours les pensées fines de ce
grand Peintre , les beaux contours
la
partie du coloris où il étoit le plus foible ,
est celle qui a le plus perdu . Le petit (1)
Palais Farnese en est une preuve , ayant
été retouché par Carlomarati , qui ayant
couvert tous les fonds d'Outremer , en a
ôté l'accord , et a rendu la couleur des
chairs plus noires et tirant sur la brique.
Les douze grands morceaux peints à Fresque
dans les salles du Vatican , ont été
la plupart rétouchez , et les autres sont
si noircis par le temps , qu'on a de la peine
à en jouir , excepté dans quelques heures
de la journée. Qui ne se rappelle à regret
,
(x) Raphaël y a peint un plafond , en deux
grands morceaux , le Banquet des Dieux pour
Les nopces de Psyché , l'autre leur assamblée
pour la déïfier.
I. Vol. Cette
DECEMBRE . 1731. 2739
י ז
.
Cette fameuse Ecole d'Athénes , la dispute
du Saint Sacrement , l'Incendie du
Bourg S. Pierre , le Mont Parnasse , la
Prison de S. Pierre , et le morceau que
tous les curieux connoissent sous le nom.
de la Messe ?
La grande Bataille de Constantin contre
le Tyran Maxence , peinte par Jule Romain,
est bien conservée , et est un grand
objet à imiter pour les caracteres. Les ( 1)
Loges du Vatican étant exposées à l'injure
des temps dans les trois étages , sont
fort effacées cependant on y découvre
une grande maniere , capable de former
un habile homme qui y feroit les réfléxions
nécessaires .
Sans parler des Tableaux de Chevalet qui
se trouvent en grand nombre dans tous
les Palais ; quel beau modele n'est - ce pas
pour un Peintre , que le ( 2 ) Plafond du
Palais Barberin , peint par Pierre de Cors
tonne; rien de plus grand, rien de mieux
( 1 ) Ces Loges représentent au premier étage
des feuillages et des Oyseaux. Au second , qui
est le plus beau ; c'est l'histoire de l'ancien et
du nouveau Testament . Le troisiéme Etage est
peint en sujet d'histoire , d'ornemens , avec des
Paisages et des Cartes Géographiques .
( Onnyy voit le Triomphe de la Gloire , ac
compagné des Vertus et d'autres Figures allé,
goriques à l'histoire d'Urbain VIII.
1. Vol
pensé
2740 MERCURE DE FRANCE.
pensé ne se peut imaginer. La belle touche
, le grand ton de couleur y égalent la
correction. L'Eglise de S. André Dellavallé
, offre ( 3 ) quatre Angles du Dominiquain
, qui sont des Morceaux admirables
et bien conservez , et un Dôme , où
le Cavalier Lanfranc a representé le Paradis
, d'une force et d'un caractere inimitables.
و
>
A Venise , ce sont des Paul Véronese ,
des Tintoret , et des Bassans qui enchantent
et qui paroissent tout neufs , hors
les Titien qui sont un peu gâtez.
A Naples , on voit des Fresques de Lucas
Jordans et de Solimene , qui éton
nent ; ainsi que des morceaux de Ribera
ou l'Espagnolet. Florence offre des Peintures
de quelques Maîtres Florentins , as -
sez bons ; mais la Galerie du Grand Duc
est remplie de tant de belles choses , que
c'est un Trésor pour un Peintre.
Parme est enrichie des Ouvrages du
Parmesan; il ne faut plus parler des beaux
Correges qui étoient dans les Eglises , le
temps les a entierement ruinez . Modéne ,
dans le Palais du Duc , en est encore toute
remplie. Boulogne est celebre par les
beaux Caraches . Milan et Gênes possedent
des Fresques étonnans de Bibiena , de
( 3 ) Ce sont les quatre Evangelistes .
I. Vol. Carlone
DECEMBRE 1731. 2741
Carlone , de Francischini et de Quaini,
Tous ces beaux Monumens font le procès
à l'ignorance actuelle des Italiens.
Sans parler de Michel -Ange , de Bacio
Bandinelli , de Sansovino , du Sardi, Donatelli
, Francesco Rustichi , Daniel de
Volterre , Jean Bologna , l'Algarde , le
Cavalier Bernin , Domenico Guidi , et
Camille Rusconi , qui est le dernier mort,
On peut dire qu'ils n'ont pas actuellement
un bon Sculpteur. Les François et
les autres Etrangers y suppléent depuis
long- temps ( 1 ) .
Ce n'est pas manque de beaux Morceaux
antiques: Quels exemples à suivre que les
Colonnes Trajanne et Antonine , les Basreliefs
de l'Arc de Constantin et les belles
Figures qui sont à Belvedere , pour ne
pas entrer dans un plus grand détail.
Il ne faut pas parler des Graveurs Italiens
modernes , aussi ne s'en piquent-ils
pas. Ce sont ordinairement des François
2 ) et des Allemans , qui s'y viennent
établir. Tout le monde sçait qu'ils ont eu
autrefois le fameux Marc- Antoine , Graveur
de Raphaël , Augustin Vénitien
Eneas Vicus , Sylvestre de Ravenne,Jule
( 1 ) Le Gros , Théodon , François Flamant,
dit le Quenoy , Bouchardon.
( 2 ) Jacques Freii.
I. Vol.
C Be2742
MERCURE DE FRANCE
Bonasone , Suavius , Augustin Carache
Villamena , Martin Rota , les Mantuans
Cherubin- Albert , et Pietro Sancti Barto'i.
Le Vigarani et l'Algardi ont imaginé
autrefois d'assez beaux Jardins , avec des
Fontaines ingénieuses ; présentement les
Ducs de Parme et de Modéne , ainsi que
le Roy de Sardaigne , ont fait venir des
Jardiniers François. Les Jardins de Tivoli
, de Frescati , de Colorne , Sassuolo,
Pratolino et la Vénerie , qui sont les plus
fameux Jardins d'Italie , sont d'un goût
fort mesquin , et ceux à Rome qui se distinguent
le plus, comme les Vignes Pamphile
et Ludovisi , sont du dessein de le
Nôtre.
La Musique est la partie des Arts la
mieux cultivée en Italie , et c'est celle où
f'on réussit le mieux. On sçait assez qu'elle
est la ressource des Faineans. Comme
l'on paye bien les Musiciens , chacun s'efforce
à réussir ; les parens y sacrifient la
virilité de leurs garçons. Nous avons de
beaux morceaux de Bassani , de Carissimi,
du fameux Corelli , Albinoni , Vivaldi
Scarlatti , Valentini et autres ; rien ne les
gêne dans leurs caprices; on ne s'embarasse
point de suivre le sens des paroles et d'en
rendre en Musique l'expression . Le méri-
1.Vol. te
DECEMBRE 1731 2743
que
te de Lully qui a si - bien exprimé les paroles
, y est compté pour rien ; pourva
le Musicien ait une saillie nouvelle et
qui soit tres-vive , on n'en demande pas
davantage , son but n'est pas d'aller au
coeur, il se contente de surprendre l'oreille
; il fait chanter la partie du Violon à la
voix qui se donne bien du tourment pour
y réussir , jusqu'à employer des grimaces
affreuses sur le Théatre ; cela est divin , selon
eux. Albinoni me disoit à Venise
qu'il n'étoit jamais un mois à composer
un Opéra, Il en a fait plus de 200. Il n'y
a point de Choeurs ni de Danses , ce qui
fait le grand travail des Musiciens. Deux
Duo , un Trio , quelquefois un Quatuor ,
se trouvent à la fin ; aussi ces Ouvrages
meurent-ils en naissant,on ne les reprend
jamais ; on veut toujours du nouveau ;
l'ennui qu'ils vous causent n'est pas concevable
, et l'on y dormiroit sans le secours
des Ariettes qui vous reveillent de
temps en temps.
Un Lecteur judicieux après avoir lû
ces Remarques , peut- il encore conserver
sa prévention pour l'Italie , et ne pas
jetter des yeux desinterressez sur les belles
choses qu'il trouve en son Païs et dans
les autres Parties de l'Europe. Combien y
en a - t - il en France , en Angleterre , en
1. Vol. Cij Es
2744 MERCURE DE FRANCE
Espagne , en Portugal , en Hollande et en
Flandres ? Pourquoi ne pas rendre justice
à tant d'habiles gens qui habitent ces differens
Climats ? Ils ne sont pas Italiens , je
l'avouë , il ne reste plus qu'à examiner ,
s'il ne valent pas mieux qu'eux dans la
Litterature et dans les Arts qu'ils professent.
C'est une compensation de mérite
que la justice doit faire , sans avoir égard aut
Païs.J'aime le beau ,disoit un de nos grands
(i ) Curieux , mais le Beau de tout Païs.
( 1 ) Feu M. de Montarsis , Garde des Pierres
vies de la Couronne.
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Résumé : DISSERTATION CRITIQUE, sur l'Etat present de l'Italie, concernant les Sciences et les Arts.
La dissertation critique sur l'état présent de l'Italie concernant les sciences et les arts vise à corriger les perceptions erronées sur la supériorité italienne. L'auteur, ayant voyagé en Italie pendant plus de deux ans et ayant une pratique des arts, reconnaît que les Italiens ont eu des grands hommes dans les sciences et les arts, mais note qu'ils n'ont pas autant approfondi les sciences que les Allemands, les Anglais et les Français. Les Italiens sont souvent perçus comme paresseux, ce que l'auteur attribue à la chaleur excessive de leur climat. À Rome, les études se concentrent principalement sur le droit canon, tandis que Venise se focalise sur la politique. Florence, Boulogne et Padoue, autrefois célèbres pour leurs académies, offrent aujourd'hui des résultats médiocres. Les villes de Naples, Milan, Gênes et Livourne sont principalement tournées vers le commerce. Les sciences en Italie ont connu des figures notables comme Jérôme Savonarole, le Cardinal Bellarmin et Jean-Baptiste Platina, mais actuellement, les philosophes et les théologiens sont rares. Les juristes italiens se limitent au droit écrit, et les ouvrages nouveaux sur cette matière sont rares. En médecine, des noms comme Antonio Francantiani et Jérôme Mercurialis sont célèbres, mais la pratique médicale actuelle est incertaine. Les mathématiques ont vu des figures comme Galilée et Cassini, mais les professeurs actuels sont souvent étrangers. La poésie est la science la mieux cultivée, mais elle se limite souvent à des saillies et des points d'esprit plutôt qu'à des œuvres profondes. Les tragédies et opéras sont produits rapidement et sans grande originalité. Les arts, bien que moins affectés que les sciences, montrent des signes de déclin. L'architecture a connu des maîtres comme Bramante et Michel-Ange, mais le goût actuel est corrompu par des idées extravagantes. La peinture, autrefois illustre avec des noms comme Raphaël et le Titien, ne compte plus de grands peintres contemporains. Les palais italiens actuels sont critiqués pour leur mauvais goût et leur mauvaise distribution intérieure. De nombreux tableaux, y compris ceux de Raphaël, ont été retouchés ou effacés. Les fresques du Vatican, bien que noircies par le temps, conservent des éléments remarquables. À Venise, les œuvres de Paul Véronèse, Tintoret et Bassano sont bien conservées, tandis que celles de Titien sont légèrement endommagées. Naples, Florence, Parme, Modène, Boulogne, Milan et Gênes possèdent des fresques et des tableaux de maîtres renommés. Le texte critique l'absence de sculpteurs italiens contemporains de renom, notant que les Français et autres étrangers les suppléent. La musique, bien que superficielle, reste excellente. Le texte invite à reconnaître les talents artistiques dans d'autres pays européens, soulignant que la qualité des arts ne dépend pas de l'origine géographique.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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15
p. 107-112
Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
Début :
LE COUR DES SCIENCES par le Pere Buffier, se distribue [...]
Mots clefs :
Sciences, Cours, Traité, Principes, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
LE COUR DES SCIENCES par le Pere
Buffier , se distribue présentement au public , nous en avons indiqué le dessein selon le plan de l'Auteur avant l'impression
Depuis que l'ouvrage paroît , le titre de
CoursdesSciences sur des Principes nouveaux
simples , se justifie très bien . Chacun
des Traités des Sciences n'est , pour ainsi
dire , que
le développement
d'une
propo
sition
qui
se fait
sentir
d'elle
même
, et qui
sert
de
principe
: par
exemple
, le
principe
general
de
la Grammaire
, est
qu'il
faut
parler
selon
l'usage
établi
dans
la Nation
de
chaque
pays
; et que
dans
les
langues
de
toutes
les
nations
il se
trouve
quelque
chose
qui
leur
est
commun
, sçavoir
. 1 ,
Un
sujet
dont
on
énonce
quelque
chose
( ce
qui
s'appelle
nom
. ) 2 ° . Ce
qu'on
énonce
de
ce sujet
, ( ce qui
s'appelle
Verbe
)
3 °. La
maniere
ou
les
particularitez
du
su
fet
et
de
ce
qu'on
en
énonce
; ce
que
le
Pere
Buffier
appelle
modificatif
. Mais
ces
trois
chefs
se
diversifient
dans
chaque
Langue
en
tant
de
façons
par
la bizarerie
de
l'usage
, que
c'est
ce
qui
fait
la difficulté
d'apprendre
les
Langues
. D'ailleurs
comme
une
Langue
se fait
entendre
à l'oreille
et
qu'un
livre
ne
se fait
entendre
qu'aux
yeux
, la Grammaire
imprimée
d'une
Lan
gue
est
toujours
un
peu
épineuse
à apFij
prendre
08 MERCURE DE FRANCE
prendre, mais en recompense , en l'appre
nant comme on la donne ici , elle est la
semence des auttes Sciences en faisant conzoître et discerner la valeur des mots qui
sont les images de nos pensées.
LePrincipe dansle traité del'Eloquence,
est encore plus simple ; sçavoir , qu'elle
consiste , non , dans les regles , mais dans
le talent d'inspirer aux autres les sentimens que nous prétendons ; de sorte que
pour y réussir , il faut bien moins d'étu
de que du talent naturel et de l'usage acquis par l'exercice et par les exemples.
La simplicité des principes dans les
Sciences de l'entendement est encore
plus sensible et plus importante. Dans la
Metaphisique on reduit la premiere source de nos connoissances et des premieres
veritez au sens.commun répandu, non pas
dans la plupart des hommes , mais dans le
plus grand nombre des hommes , réunis
dans une même opinion.
Ce principe appliqué , à ce qui est veritablementbeau , fait découvrir une chose singuliere ; c'est quebien qu'il se trouve
beaucoup plus de personnes laides que de
belles, cependant il n'est point de conforation de visage plus commune que celle
qui fait la beauté. Sur une centaine de
acz me , par exemple , il n'y en aura que
vingt
JANVIER. 1732. 1 !
و
vingt de bien faits ; mais qui seront sur le
ême modele au lieu que des quatro
vingt autres malfaits , il s'en trouvera à
peine quatre our cinq sur le mêmemodele
de difformité : Cette pensée de l'Auteur
dans un point de Metaphisique pourroit
amuser ceuxqui sont le moins capables de
Metaphisique etde reflexions abstraites.
Le principe de la Logique en ce cours des
Sciences semble congedier toutes les regles
fatigantes qu'on enseigne depuis si longtéms dans les Ecoles ; la Logique ayant
pour but essentiel , de tirer une conséquence juste d'une connoissance anterieure, ( appellée principe par rapport à la conséquence , le Pere Buffier donne pour uni
que regle,qu'on ait bien presente à l'espri
cette connoissance anterieure ou principe. Si j'ai , dit-il , bien présente à l'esprit
Ta connoissance ou l'idée du noir , il sera
impossible d'en conclure que c'est du blanc
ou du rouge ; un homme vous avertit de
ne le pas toucherparce que vous le casseriez..
Vous croyez que cet homme raisonne en
fou , et il raisonne très-juste , et la consé
quence deson principe est très - legitime :c'est qu'il se croit de verre ; posé
ee principe qui , ( à la verité est fou) la
conséquence est raisonnable que vous pour
riez le. casser. Certainement les Sciences
E iij ex
110 MERCURE DE FRANCE
exposées sous ce jour peuvent servir à la
curiosité de l'esprit , quand elles ne serviroient pas à sa justesse erà sa solidité.
Le principe du traité de la Societé Civile est aussi facile et encore plus interessant,
le voici : Je veux être heureux ; mais vi◄
vant avec des hommes qui veulent être heureux chacun de leur côté , je dois cherchermon
bonheur sans nuire en rien à celui des autres;
voilà le fondement de toute la vertu moralé et humaine. Telle est la simplicité et
la nouveauté des principes. que l'Auteur
donne aux Sciences , il les traite sous un
jour qui n'ôte rien à la clarté et à la sensibilité des principes.
Ontrouve ici des notes critiques sur des .
Ouvrages renommez d'Ecrivains anciens
et modernes qui ont traité les mêmes
Sciences. L'Auteur y ajoute des éclaircissemens aux difficultez proposées contre
certains endroits de ses ouvrages , telles
que nous en avons inseré il y a quelques.
années dans notre Mercure.
Un Discours particulier touchant l'étude et la methode des Sciences contient encore des reflexions utiles et nouvelles ; on
y montre l'abus de vouloir donner unemethode generale pour acquerir les Sciences : il ne se trouvera qu'à peine deux esprits dit le Pere Buffier , qui ayent acquis
JANVIER. 1737. TFU
quis la mêine sorte de Science par la mê
me methode , chacunse fait et se doit faire
la sienne selon le caractere particulier de
son genie , de son goût , de son état et de
ses besoins. On indique en ce discours divers exercices qui peuvent abreger ou faciliter l'étude des Sciences. On recommande
de s'attacher d'abord dans l'étude des Langues à interpreter beaucoup plus qu'à composer. Dans l'exercice de la Rhetorique et
de l'éloquence, à faire l'analise de Discours
excellens , et de tâcher au bout d'un tems.
à le remplir soi - même pour le comparer
avec son modele: dans l'exercice de la Poësie, de ne s'y point arrêter quand on ne s'y
trouve pas un talent singulier ; dans la Mc--
thaphysique et la Logique de choisir un
maître qui forme sesEleves à n'admetre que
ce qu'ils conçoivent nettement et indépen
damment des mots et des expressions, &c.
Le volume finit par plusieurs petits Trai
tez ou Dissertations sur differents dujets ,
pour examiner 1 °. En quoi consiste la nature du goût : 2 si nous sommes en état
de bien juger des défauts d'Homere : 3º ..
si quelques gens d'esprit ont eu raison de
décrier le vers de Lucain , victrix causa,,
&c. Les Dieux sont pourCésar , mais Caton suit Pompée, &c. 4° . Si les regles et les
beautés de la Musique sont arbitraires ou E iiij. ex-
·
AE MERCURE DE FRANCE
réelles à cette occasion l'Autheur insere
un petit Traité de Musique intelligible à
ceux même qui n'en auroient jamais rien
appris. On expose encore une question
qu'on n'auroit peut- être pas attendue dans
un cours des Sciences, mais elle sert à montrer ici combien elles contribuent à éclaircir des choses dont on entend parler trèscommunément sans les entendre , et qui
deviennent très claires par la maniere de
les exposer , avec le secours des Sciences.
Cette question est celle où l'on demande
quel est le mobile quifait hausser ou baisserce
qui s'appelle le change parmi les commerçans
de l'Europe , dont les Gazettes parlent continuellement.
Buffier , se distribue présentement au public , nous en avons indiqué le dessein selon le plan de l'Auteur avant l'impression
Depuis que l'ouvrage paroît , le titre de
CoursdesSciences sur des Principes nouveaux
simples , se justifie très bien . Chacun
des Traités des Sciences n'est , pour ainsi
dire , que
le développement
d'une
propo
sition
qui
se fait
sentir
d'elle
même
, et qui
sert
de
principe
: par
exemple
, le
principe
general
de
la Grammaire
, est
qu'il
faut
parler
selon
l'usage
établi
dans
la Nation
de
chaque
pays
; et que
dans
les
langues
de
toutes
les
nations
il se
trouve
quelque
chose
qui
leur
est
commun
, sçavoir
. 1 ,
Un
sujet
dont
on
énonce
quelque
chose
( ce
qui
s'appelle
nom
. ) 2 ° . Ce
qu'on
énonce
de
ce sujet
, ( ce qui
s'appelle
Verbe
)
3 °. La
maniere
ou
les
particularitez
du
su
fet
et
de
ce
qu'on
en
énonce
; ce
que
le
Pere
Buffier
appelle
modificatif
. Mais
ces
trois
chefs
se
diversifient
dans
chaque
Langue
en
tant
de
façons
par
la bizarerie
de
l'usage
, que
c'est
ce
qui
fait
la difficulté
d'apprendre
les
Langues
. D'ailleurs
comme
une
Langue
se fait
entendre
à l'oreille
et
qu'un
livre
ne
se fait
entendre
qu'aux
yeux
, la Grammaire
imprimée
d'une
Lan
gue
est
toujours
un
peu
épineuse
à apFij
prendre
08 MERCURE DE FRANCE
prendre, mais en recompense , en l'appre
nant comme on la donne ici , elle est la
semence des auttes Sciences en faisant conzoître et discerner la valeur des mots qui
sont les images de nos pensées.
LePrincipe dansle traité del'Eloquence,
est encore plus simple ; sçavoir , qu'elle
consiste , non , dans les regles , mais dans
le talent d'inspirer aux autres les sentimens que nous prétendons ; de sorte que
pour y réussir , il faut bien moins d'étu
de que du talent naturel et de l'usage acquis par l'exercice et par les exemples.
La simplicité des principes dans les
Sciences de l'entendement est encore
plus sensible et plus importante. Dans la
Metaphisique on reduit la premiere source de nos connoissances et des premieres
veritez au sens.commun répandu, non pas
dans la plupart des hommes , mais dans le
plus grand nombre des hommes , réunis
dans une même opinion.
Ce principe appliqué , à ce qui est veritablementbeau , fait découvrir une chose singuliere ; c'est quebien qu'il se trouve
beaucoup plus de personnes laides que de
belles, cependant il n'est point de conforation de visage plus commune que celle
qui fait la beauté. Sur une centaine de
acz me , par exemple , il n'y en aura que
vingt
JANVIER. 1732. 1 !
و
vingt de bien faits ; mais qui seront sur le
ême modele au lieu que des quatro
vingt autres malfaits , il s'en trouvera à
peine quatre our cinq sur le mêmemodele
de difformité : Cette pensée de l'Auteur
dans un point de Metaphisique pourroit
amuser ceuxqui sont le moins capables de
Metaphisique etde reflexions abstraites.
Le principe de la Logique en ce cours des
Sciences semble congedier toutes les regles
fatigantes qu'on enseigne depuis si longtéms dans les Ecoles ; la Logique ayant
pour but essentiel , de tirer une conséquence juste d'une connoissance anterieure, ( appellée principe par rapport à la conséquence , le Pere Buffier donne pour uni
que regle,qu'on ait bien presente à l'espri
cette connoissance anterieure ou principe. Si j'ai , dit-il , bien présente à l'esprit
Ta connoissance ou l'idée du noir , il sera
impossible d'en conclure que c'est du blanc
ou du rouge ; un homme vous avertit de
ne le pas toucherparce que vous le casseriez..
Vous croyez que cet homme raisonne en
fou , et il raisonne très-juste , et la consé
quence deson principe est très - legitime :c'est qu'il se croit de verre ; posé
ee principe qui , ( à la verité est fou) la
conséquence est raisonnable que vous pour
riez le. casser. Certainement les Sciences
E iij ex
110 MERCURE DE FRANCE
exposées sous ce jour peuvent servir à la
curiosité de l'esprit , quand elles ne serviroient pas à sa justesse erà sa solidité.
Le principe du traité de la Societé Civile est aussi facile et encore plus interessant,
le voici : Je veux être heureux ; mais vi◄
vant avec des hommes qui veulent être heureux chacun de leur côté , je dois cherchermon
bonheur sans nuire en rien à celui des autres;
voilà le fondement de toute la vertu moralé et humaine. Telle est la simplicité et
la nouveauté des principes. que l'Auteur
donne aux Sciences , il les traite sous un
jour qui n'ôte rien à la clarté et à la sensibilité des principes.
Ontrouve ici des notes critiques sur des .
Ouvrages renommez d'Ecrivains anciens
et modernes qui ont traité les mêmes
Sciences. L'Auteur y ajoute des éclaircissemens aux difficultez proposées contre
certains endroits de ses ouvrages , telles
que nous en avons inseré il y a quelques.
années dans notre Mercure.
Un Discours particulier touchant l'étude et la methode des Sciences contient encore des reflexions utiles et nouvelles ; on
y montre l'abus de vouloir donner unemethode generale pour acquerir les Sciences : il ne se trouvera qu'à peine deux esprits dit le Pere Buffier , qui ayent acquis
JANVIER. 1737. TFU
quis la mêine sorte de Science par la mê
me methode , chacunse fait et se doit faire
la sienne selon le caractere particulier de
son genie , de son goût , de son état et de
ses besoins. On indique en ce discours divers exercices qui peuvent abreger ou faciliter l'étude des Sciences. On recommande
de s'attacher d'abord dans l'étude des Langues à interpreter beaucoup plus qu'à composer. Dans l'exercice de la Rhetorique et
de l'éloquence, à faire l'analise de Discours
excellens , et de tâcher au bout d'un tems.
à le remplir soi - même pour le comparer
avec son modele: dans l'exercice de la Poësie, de ne s'y point arrêter quand on ne s'y
trouve pas un talent singulier ; dans la Mc--
thaphysique et la Logique de choisir un
maître qui forme sesEleves à n'admetre que
ce qu'ils conçoivent nettement et indépen
damment des mots et des expressions, &c.
Le volume finit par plusieurs petits Trai
tez ou Dissertations sur differents dujets ,
pour examiner 1 °. En quoi consiste la nature du goût : 2 si nous sommes en état
de bien juger des défauts d'Homere : 3º ..
si quelques gens d'esprit ont eu raison de
décrier le vers de Lucain , victrix causa,,
&c. Les Dieux sont pourCésar , mais Caton suit Pompée, &c. 4° . Si les regles et les
beautés de la Musique sont arbitraires ou E iiij. ex-
·
AE MERCURE DE FRANCE
réelles à cette occasion l'Autheur insere
un petit Traité de Musique intelligible à
ceux même qui n'en auroient jamais rien
appris. On expose encore une question
qu'on n'auroit peut- être pas attendue dans
un cours des Sciences, mais elle sert à montrer ici combien elles contribuent à éclaircir des choses dont on entend parler trèscommunément sans les entendre , et qui
deviennent très claires par la maniere de
les exposer , avec le secours des Sciences.
Cette question est celle où l'on demande
quel est le mobile quifait hausser ou baisserce
qui s'appelle le change parmi les commerçans
de l'Europe , dont les Gazettes parlent continuellement.
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Résumé : Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente le 'Cours des Sciences' du Père Buffier, un ouvrage caractérisé par la simplicité et la clarté de ses principes. Chaque traité de science est structuré autour d'une proposition fondamentale. En grammaire, le principe général est de parler selon l'usage établi dans chaque nation, tout en reconnaissant des éléments communs à toutes les langues, tels que le nom, le verbe et le modificatif. La grammaire imprimée, bien que difficile à apprendre, est essentielle pour comprendre les autres sciences en discernant la valeur des mots. En éloquence, le principe est que cette discipline repose davantage sur le talent naturel et l'usage acquis par l'exercice que sur les règles. En métaphysique, les connaissances et les vérités premières sont réduites au sens commun répandu parmi le plus grand nombre des hommes. La logique est simplifiée en se concentrant sur la clarté des connaissances antérieures. Le traité sur la société civile repose sur le principe de chercher son bonheur sans nuire à celui des autres, fondement de la vertu morale et humaine. L'ouvrage inclut également des notes critiques sur des ouvrages renommés et des éclaircissements sur les difficultés proposées. Un discours particulier sur l'étude et la méthode des sciences met en garde contre l'abus de vouloir imposer une méthode générale, chaque individu devant adapter son approche selon son génie et ses besoins. Le volume se termine par des dissertations sur divers sujets, tels que la nature du goût, les défauts d'Homère, les vers de Lucain, les règles de la musique, et le mobile du change parmi les commerçants européens. Ces sujets montrent comment les sciences peuvent éclaircir des questions couramment discutées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 116-130
Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
Début :
BIBLIOTEQUE ITALIQUE, ou Histoire Litteraire de l'Italie. May, Juin, [...]
Mots clefs :
Italie, Histoire littéraire, Journal de Venise, Académies d'Italie, Venise, Sciences, Journal des savants
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texteReconnaissance textuelle : Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
BIBLIOTEQUE ITALIQUE оц
Histoire Litteraire de l'Italie. May , Juin,
Juillet , Août 1728. Tome II. AGeneve ,
chezMM.Bousquet et Compagnie in 12, de
335. pages , et se trouve à Paris , ruë S.
Jacques chezGuerin. Le
JANVIER 1732 HT
Le premier article de ce second volume.
de la Bibliotheque Italique presente un
ouvrage considerable du Docteur Hiacinthe Gimma , Napolitain , sous le titre de
IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA ,
&c. ou Idée de l'Histoire Litteraire de l'Italie , &c. Par Don Hiacinte Gimma , &c.
en deux Tomes in 4. contenant 913. pages
sans l'Epitre Dedicatoire et la Preface. A
Naples , chez Felix Mosca 1723,
Avant que d'entrer en matiere sur cette
Histoire, les Auteurs du nouveau Journal,
ont cru devoir en porter le jugement que
voici. » Si Don H. Gimma avoit fait une
»Histoire methodique de l'étatdes Sciences
»et des Arts en Italie depuis le quinziéme
»siecle , il auroit mieux satisfait les vrais
» Sçavans , et auroit fait beaucoup plus
» d'honneur à sa Patrie , qu'en publiant
» un ouvrage indigeste. et trop, chargé,
» d'une infinité de choses qui paroissent
»peu necessaires pour un tel dessein. Il
» semble que ce Sçavant Homme ait voulu
» faire un pompeux étalage de ses lectures,
>> et montrer qu'il n'ignore aucun des sujets
»sur lesquels les Anciens et les Modernes.
»ont écrit. Il s'étoit déja fait connoître.
»sur le même pied par quelques autres ou
vrages , qui lui ont acquis beaucoup de
»réputation en Italie et dans les Pays ouses
13 MERCURE DE FRANCE
ses Livres ont passé. Il auroit pû , s'il
navoit voulu, imiter quelques Sçavans Ita-
»liens du premier ordre , dont la plûpart
»sont de ses amis , et dont les ouvrages
» dépouillés d'inutilités , ne laissent pas
» d'être très- curieux et très - instructifs, &c.
Cette critique , poussée encore plus loin.
par nos Journalistes,neles empêche pas de.
convenir que l'ouvrage de M. Gimma
merite toute l'attention des gens de Lettres , sur tout de ceux qui vivent en deçà
des Monts , et qui sont peu au fait de ce
qui se passe en Italie à l'égard desSciences
et des beaux Arts. Il contient quantité de
choses que l'on chercheroit envain ailleurs. En voici le plan et une idée , telle
que nous pouvons la donner , sans exceder les bornes qui nous conviennent.
*
L'ouvrage est divisé en 50. Chapitres
dont 34. forment le premier Tome , qui
comprend l'Histoire des Sciences et des
Arts depuis Adam jusqu'au quatorziéme
siecle inclusivement. Le second Tome
commence au quinziéme siecle et finit à
P'année 1723. Dom Gaspar Campanile ,
ami de l'Auteur , et Membre de l'Acadé
mie de Rossano a fait la Préface. Il y explique le dessein du Docteur Gimma qui est
demontrer que l'Italie a toujours été laMere
et la Maitresse du sçavoir. L'Auteur s'explique
JANVIER. 1732. 119
plique ensuite lui même dans l'introduction,sur le but qu'il s'est proposé. Il a voulu justifier ses Compatriotes et faire voir
que c'est à tort qu'on accuse les Italiens
d'ignorance , et que l'on debite chez les
Etrangers qu'on ne fait en Italie que copier des ouvrages déja imprimés , &c. Il
oppose à cette accusation entre autres
moyens de défense , le Journal Litteraire
de Venise , qui est en effet une preuve recente et authentique que l'Italie cultive
les Sciences et qu'elle enrichit la Republique des Lettres de son propre fond.
Le premier Tome , qui contient un
grand détail, finit par l'histoire dela Peinture , de la Sculpture , de l'Architecture,.
et de l'Art de Graver en bois et en cuivre;
par les noms et les ouvrages des Sçavans du
14. siecle , et par l'étude de la Langue , et
de l'éloquence Grecque et Latine , renou .
vellée par les Italiens de ce tems- là.
Dans le second Tome , encore plus ample que le premier , on trouve l'histoire -
des trois derniers siecles , et de la pa tie
qui s'est écoulée de celui dans lequel nous
vivons. On y parle des Académies d'Italie , de la Philoso hie moderne, de la Geographie , des Mathematiques , de la Medecine , et de toutes ses parties , de l'Histoire Naturelle , de la Phisique experi
mentale;
120 MERCURE DE FRANCE
mentale , et de quantité d'inventions , et
de découvertes , qui ont été faites premierement en Italie , d'où elles ont passé
ensuite chez les autres Nations. Quoique
nos journalistes abrégent assez tout ce
détail dans leur Extrait , nous ne sçaurions les suivre sans tomber dans une longueur excessive Disons cependant , d'après nos Auteurs , un mot des Académies
d'Italie.
On a vû près de 500 Académies , sous
des noms fort bizarres , commencer et finir en Italie , depuis le renouvellement
des Sciences. La plupart n'ont eu pour
objet que la Poësie ; principalement la
Poësie Toscane. D'autres , en plus petit
nombre , se sont attachées aux Belles Lettres en général ; et quelques - unes enfin
onttravaillé pour l'avancementdes Sciences. Il y en eut de cet Ordre au seizième
siécle , dont le but et l'institution ont été
suivis par toutes les Académies des Sciences , qui fleurissent aujourd'hui en divers endroits de l'Europe.
Entre les Académies nouvelles , on doit
donner le premier rang , après l'Institut
de Bologne , à celle de Mad. la Comtesse
Dona CLELIE GRILLO- BORROME'E , l'une
dés plus sçavantes Dames de ce siècle , et
grandé Protectrice des Gens de Lettres ,
tant
JANVIER 1737.
127
rant en Italie , qu'ailleurs. C'est à cetto
Dame que notre Auteur a dédié son Histoire Litteraire d'Italie. Elle avoit établi
depuis peu une Académie de Philosophie
experimentable dans son Palais à Milan.
M. Antoine Vallisnieri , premier Professeur en Médecine Théoretique , dans l'Université de Padoue , en étoit désigné
Président. Il en avoit même déja dressé
les Réglemens ; mais on vient d'apprendre que cet Etablissement n'a pu encore
avoir lieu, pour des raisons que nous
ignorons.
Nous n'obmettrons pas icy de dire pour
la gloire du beau sexe Italien, que la Prin
cesse Therese Grillo-Pamfili , sœur de la
Comtesse Borromée , dont on vient de
parler , brille aussi par de grandes qualitez, sur tout du côté des Letttes. Elle parle sept Langues , entre lesquelles sont la
Latin , Anglois , le François , l'Allemand
et l'Espagnol; elle a aussi étudié , avec
beaucoup de soin , l'Histoire naturelle, la
Philosophie experimentale , la Théologie,
l'Histoire ancienne et moderne , et les
Mathématiques ; son érudition est vaste
sa mémoire prodigieuse , et ses raisonne
mens solides et profonds. Dona Therese ,
outre une infinité de connoissances , peu
communes aux7 personnes de son sexe,,
>
écrit:
T22 MERCURE DE FRANCE
écrit sçavamment et élégamment en Prose
et en Vers. Elle est nommée Irene Pamisie
entre les Arcadi , et elle fait un des plus
beaux ornemens de cette célebre Académie de Poësie, qui embrasse presque toute
Italie , par ses diverses Colonies. Cette:
sçavante Dame a une autre sœur , sçavoir
la Comtesse Dona Genevra , qui sçait la
Philosophie, et qui écrit fort élegamment
en latin. On peut joindre à ces trois illus
tres Personnes Mademoiselle Marie Selvagia Borghini , de Pise , dont les Poësies
sont d'une élégance et d'un gout si fin ,
que Redi , bon connoisseur , ne fait pas
difficulté de la comparer au fameux Pétrarque. Cette Sçavante a fait une belle
Traduction de Tertullien en langue Toscane. A l'occasion de cette Demoiselle, les
Auteurs de cette Bibliotheque nous ap
prennent qu'il y a à Sienne une Acadé
mie de Dames , qui ont pris le nom d'As--
sicurate , ce qui n'est pas un petit surcroit
de gloire pour l'Italie.
Au reste, il y a lieu d'être surpris que
Auteur d'un Ouvrage aussi étendu que
celui qui donne lieu à cet Extrait , ne
rapporte pas du moins les noms de toutes les Académies établies en Italie depuis
le rétablissement des Sciences , dont le
nombre , selon M. Gimma , se monte à
près
JANVIER. 1731. 1233
prèsde cinq cent. Nous n'entreprendrons
pas de suppléer entierement à ce deffaut ,.
mais le Public nous sçaura peut-êtee quelque gré si nous donnons icy un dénombrement des établissemens Académiques.
qui sont venus notre connoissance ; sur
tout de ces Académies qui ont pris des
noms qui paroissent bizares.
Ce dénombrement sera fait non pas selon l'ordre des temps , ni selon le rang
des Villes Académiques , mais suivant
que les noms se presentent dans nos Mémoires , en attendant l'arrangement que
nous pourrons leur donner un jour dans
un Ouvrage plus médité.
NOMS de quelques. Academies
d'Italie.
Les Endormis , Addormentati , de Genes..
Les Ardens , Ardenti , de Naples.
Les Immobiles , Immobili , d'Alexandrie.
Les Fantasques , Fantastici , et Humoristi,
de Rome.
Les Opiniatres , Ostinaii , de Viterbe.
Les Etourdis , ou les Lourdauts , Intronati', de Sienne.
Les Insensez , Insensati , de Pérouse.
Les Oisifs Otiosi , de Boulogne et de
Naples.
Les:
124 MERCURE DE FRANCE
Les Cachez , Nascostt, de Milan.
Les Obscurcis ou Embroüillez , Caligi
nati , d'Ancone.
Les Amoureux , Invaghiti , de Mantouë,
Les Faciles ,,ou Accommodans , Adagia
ti , de Rimini.
Les Enchaînez , Catenati , de Macerata.
Les Humides, Humidi , de Florence, dont
les premiers Membres furent appellez
Humecté,le Gelé, le Froid, le Trempé , le
Transi, le Trouble, le Brochet,le Bouueux
le Rocher, l'Ecumeux , le Cygne.
Les Steriles , Infecondi , de Rome.
Les Etrangers , Pellegrini , de Rome.
Les Offusquez , Offuscati , de Cesene.
Les Désunis , Disuniti , de Fabriano.
Les Absurdes , Assorditi, de Citta di Cas
tello.
Les Cachez , Occulti , de Bresse.
Les Perseverans , Perseveranti , de Trévire.
Les Fantasques , Humorosi, de Cortonne.
Les Obscurs , Oscuri , de Lucques.
Les Agitez , Aggirati , de
Les Assurez , Affidati , de Pavie.
Les Attaquez , Affrontati , de Ferme.›
Les Sanssouci , Spensierati , de Rossano.:
Les Tracez , Orditi , de Padoüe.
Les Harmonieux ou Amateurs de l'Har
monie , Filarmonici , de Veronne..
Less
JANVIER 1732. 125
Les Lincées , Lincei , de Rome.
On peut ajoûter à ces Académies , dont
les Noms paroissent extraordinaires, celles
de Faticosi , de Milan ; Della Fuschina,
de Messine , des Appatisti , de Florence
des Olympici , de Vicence , des Dodonei ,
de Venise , et des Infuriati , de Naples
sans compter Los Desconfiados , de Barcelone ; et si l'on veut , nos Lanternistes, de
Toulouse, qui semblent avoir voulu s'impatiser avec l'Italie à cet égard-là.
›
Cependant comme il ne faut jamais rien
censurer sur de simples apparences , et
comme on doit présumer que des Italiens,
naturellement spirituels , et des Italiens
Gens de Lettres , n'auront pas donné au
hazard des Noms pareils à leurs établisse
mens Académiques ; il est bon de suspendre notre jugement iusqu'à ce qu'il vienne là- dessus quelque bonne instruction .
En attendant , voicy l'Extrait d'une Lettre qui nous a été écrite par un ( a ) Italien , Homme d'esprit de mérite et fort connu à Paris.
» J'aurai l'honneur de vous dire , Mon-
>> sieur , que les Noms dont vous m'avez
(a)Le fieur Riccoboni , dit Lélio, premier Ac- teur de la Comédie Italienne de Paris, Auteur d'une
Histoire du Théatre Italien , &c. imprimée depuis
peu à Paris.
-parlé
126 MERCURE DE FRANCE S
parlé qui vous semblent bizares , et në
>> gueres convenir à des Académies, ne sont
>> pas tels dans le fonds : pour se convain-
>>>c re de cette verité il faudroit sçavoir tous
» les Emblêmes et toutes les devises que
» nos Académies ont inventées , et qu'el-
»les se sont appropriées pour se caracte-
» riser particulierement et pour se distin-
>> guer les unes des autres. Je n'ai pointici
les Livres où ces éclaircissemens pour-
»roient se trouver, mais je puis vous fournir un exemple qui servira peut être à
nous faire rendre justice sur cette ma-
» tiere.
»Nous avons à Boulogne l'Académie de
»I. Diffetuosi , les Deffectueux , dont mon
» Epouse à l'honneur d'être , lesquels s'ap-
» pliquent particulierement à la Poesie : si
>> ces Messieurs, dira- t'on, sont deffectueux,
>ils doivent être fort mauvais Poëtes. Co
«jugementseroit precipité, mais on en re-
» vient quand on sçait que cette Académie
» apris pourEmbleme dans un tableau une
>> Ourse qui leche son petit , et qui d'une
» masse de chair informe , fait voir enfin
» un animal proportionné et parfait. On
» lit au dessus Sic format lingua , et au bas
>> le nom de l'Académie ou des Académiciens , J.. Diffetuosi. Vous devez conve
nir qu'il ni a rien de si joli et de si expressif
JANVIER. 1732. 127
prersifpour une Societé de de Let- gens
» tres et de Poëtes. Si nous avions les De-
» vises de toutes les autres Académies d'I-
» talie , vous trouveriez de même que ces
» noms ne sont point si bizares ni si ab-
»surdes ; javoue qu'ils paroissent tels , ri-
» dicules même , et qu'un Ecrivain Fran-
» çois n'a pas eu tout à fait tort de dire que
la plupart de ces noms conviendroient
» fort bien à des chevaux de Manege dans
>> une Académie d'exercice. En attendant donc qu'il vienne la dessus de l'Italie
même une instruction plus détaillée et qui
satisfasse , le public éclairé ; Risum teneatis Amici.
Cet article des Académies Italiennes s'é
tant un peu allongé , nous finirons ce qui
nous reste à dire ici de l'ouvrage de M.
Gimma , qui y a donné lieu , par exposer en peu de mots d'après les Auteurs de
la Bibliotheque Italique , ce qu'il dit des
differens Journaux d'Italie.
Nousavons toujours pensé que la gloire de l'invention des Journaux Litteraires étoit dûe à la France , et en particulier
à M. Sallo Conseiller au Parlement de Paris , lequel en l'année 1665. commença
dans cette Ville le premier de tous les
Journeaux sous le titre deJournal des Scavans , et sous le nom du Sieur d'Hedouville
128 MERCURE DE FRANCEville son Domestique. M. Gimma semble
nous envier cette primauté , en soutenant
que c'est en Italic que l'on a connu la
miere idée d'une invention si utile aux
gens de Lettres.
preCe fut à Venise , dit-il , où l'on commença de publier les Nouvelles Litteraires , en feuilles volantes , qu'on nomma
Gazettes , du nom d'une petite Piece de
Monnoye de Venise ; qui en étoit le prix.
Le Sçavant Magliabechi Bibliotequaire du
G. Duc de Toscane , conservoit quelques
volumes de ces Gazettes qui étoient toutes
du XVI. siecle. Notre Historien ajoute que
ces feuilles volantes ne se distribuoient
que Manuscrites, & que cet usage subsiste
encore à Venise. Ce sont des particuliers
qui -les dictent à 30. ou 40. Copistes à la
la fois. Une seule reflexion suffit pour concilier les choses à cet égard , et pour constater la verité.Quelle difference en effet ne
doit-on pas faire entre ces Nouvelles Litteraires manuscrites et un veritable Journal des Sçavans , tel que celui de M. Sallo,
reconnu à bon droit le premier de tous
par toute l'Europe sçavante.
M. Gimma lui- même semble reconnoitre cette verité, en disant tout de suite, que
les Sçavans d'Italie suivirent bientôt l'exemple de ceux qui les premiers donne-
JANVIER. 1732. 129
rent un Journal des Sçavans au Public
Voici ce qu'il dit ensuite de ces Journaux
Italiens , et qui servira à rectifier ce qui
pourroit se trouver de deffectueux dans ce
qu'on a écrit ailleurs sur cet article.
Il parut un Journal à Rome l'an 1668.
lequel fut continué jusqu'en 1679 sous le
titre de Giornale de Letterati. L'Abbé François Nazari de Bergame le composoit sous
le direction de l'Abbé Ricci , qui fut ensuite Cardinal. Il s'en fit un second à Ro
me sous la direction de M. Ciampini , lequel fut une continuation du précedent
jusques à l'an 1681.
- Le P. B. Bacchini , Abbé des Benedic
tins , à Parme , publia un autre Journal
dans cette Ville-là , depuis l'an 1686. jus
ques en 1690. Il le continua ensuite à Mo
déne dès l'an 1692. jusques en 1697.
Le P. Manzani,Provincial duTiers- Or
dre de S. François , fit aussi à Parme l'an
1682. un Journal en Latin , sous le titre
de Synopsis Biblica.
Le Giornale Veneto , d'un stile extraor
dinaire , dura à Venise depuis 1671. jusqu'en 1589. Le Giornale di Ferrara in 4.
dura seulement pendant 1688, et 1689..
On y publia un autre Journal in 8. dès
1671. Albrizzi , Imprimeur et Libraite
publia à Venise dès l'an 1696. un JourG nál
130 MERCURE DE FRANCE
nal in fol. sous le titre de Galleria di Minerva. Il y en a sept volumes. On y trou
ve quantité de Pieces sçavantes, outre l'Extrait de divers Livres.
Mais tous ces Journaux ayant discontinué , ou manquant des qualitez requises,M.Apostolo Zeno se joignit à quelques
Sçavans de ses amis pourdonner un Journal qui pût suppléer au défaut des autres.
Cet ouvrage,commencé en 17 10. a été continuédepuis avec un applaudissement general. Il a été publié depuis environ 1719.
sous la direction du P. Dom Pierre Catterino Zeno,Clerc Regulier de la Congregation de Somasque , Frere d'Apostolo
zeno qui fut appellé à Vienne pour y remplir la place d'Historien et de Poëte de
l'Empereur.
L'Abbé Jerôme Leone publie depuis
quelques années un Supplement au Journal de Venise, dont il a déja paru 3. ou
Volumes. Il l'a formé de plusieurs Dissertations et autres Pieces curieuses , qui ne
pouvoient pas entrer facilement dans le
Journal.
Nous renvoyons à un autre Mercure ce qui
nous reste à dire de ce second Tome de la Bibliotheque Italique
Histoire Litteraire de l'Italie. May , Juin,
Juillet , Août 1728. Tome II. AGeneve ,
chezMM.Bousquet et Compagnie in 12, de
335. pages , et se trouve à Paris , ruë S.
Jacques chezGuerin. Le
JANVIER 1732 HT
Le premier article de ce second volume.
de la Bibliotheque Italique presente un
ouvrage considerable du Docteur Hiacinthe Gimma , Napolitain , sous le titre de
IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA ,
&c. ou Idée de l'Histoire Litteraire de l'Italie , &c. Par Don Hiacinte Gimma , &c.
en deux Tomes in 4. contenant 913. pages
sans l'Epitre Dedicatoire et la Preface. A
Naples , chez Felix Mosca 1723,
Avant que d'entrer en matiere sur cette
Histoire, les Auteurs du nouveau Journal,
ont cru devoir en porter le jugement que
voici. » Si Don H. Gimma avoit fait une
»Histoire methodique de l'étatdes Sciences
»et des Arts en Italie depuis le quinziéme
»siecle , il auroit mieux satisfait les vrais
» Sçavans , et auroit fait beaucoup plus
» d'honneur à sa Patrie , qu'en publiant
» un ouvrage indigeste. et trop, chargé,
» d'une infinité de choses qui paroissent
»peu necessaires pour un tel dessein. Il
» semble que ce Sçavant Homme ait voulu
» faire un pompeux étalage de ses lectures,
>> et montrer qu'il n'ignore aucun des sujets
»sur lesquels les Anciens et les Modernes.
»ont écrit. Il s'étoit déja fait connoître.
»sur le même pied par quelques autres ou
vrages , qui lui ont acquis beaucoup de
»réputation en Italie et dans les Pays ouses
13 MERCURE DE FRANCE
ses Livres ont passé. Il auroit pû , s'il
navoit voulu, imiter quelques Sçavans Ita-
»liens du premier ordre , dont la plûpart
»sont de ses amis , et dont les ouvrages
» dépouillés d'inutilités , ne laissent pas
» d'être très- curieux et très - instructifs, &c.
Cette critique , poussée encore plus loin.
par nos Journalistes,neles empêche pas de.
convenir que l'ouvrage de M. Gimma
merite toute l'attention des gens de Lettres , sur tout de ceux qui vivent en deçà
des Monts , et qui sont peu au fait de ce
qui se passe en Italie à l'égard desSciences
et des beaux Arts. Il contient quantité de
choses que l'on chercheroit envain ailleurs. En voici le plan et une idée , telle
que nous pouvons la donner , sans exceder les bornes qui nous conviennent.
*
L'ouvrage est divisé en 50. Chapitres
dont 34. forment le premier Tome , qui
comprend l'Histoire des Sciences et des
Arts depuis Adam jusqu'au quatorziéme
siecle inclusivement. Le second Tome
commence au quinziéme siecle et finit à
P'année 1723. Dom Gaspar Campanile ,
ami de l'Auteur , et Membre de l'Acadé
mie de Rossano a fait la Préface. Il y explique le dessein du Docteur Gimma qui est
demontrer que l'Italie a toujours été laMere
et la Maitresse du sçavoir. L'Auteur s'explique
JANVIER. 1732. 119
plique ensuite lui même dans l'introduction,sur le but qu'il s'est proposé. Il a voulu justifier ses Compatriotes et faire voir
que c'est à tort qu'on accuse les Italiens
d'ignorance , et que l'on debite chez les
Etrangers qu'on ne fait en Italie que copier des ouvrages déja imprimés , &c. Il
oppose à cette accusation entre autres
moyens de défense , le Journal Litteraire
de Venise , qui est en effet une preuve recente et authentique que l'Italie cultive
les Sciences et qu'elle enrichit la Republique des Lettres de son propre fond.
Le premier Tome , qui contient un
grand détail, finit par l'histoire dela Peinture , de la Sculpture , de l'Architecture,.
et de l'Art de Graver en bois et en cuivre;
par les noms et les ouvrages des Sçavans du
14. siecle , et par l'étude de la Langue , et
de l'éloquence Grecque et Latine , renou .
vellée par les Italiens de ce tems- là.
Dans le second Tome , encore plus ample que le premier , on trouve l'histoire -
des trois derniers siecles , et de la pa tie
qui s'est écoulée de celui dans lequel nous
vivons. On y parle des Académies d'Italie , de la Philoso hie moderne, de la Geographie , des Mathematiques , de la Medecine , et de toutes ses parties , de l'Histoire Naturelle , de la Phisique experi
mentale;
120 MERCURE DE FRANCE
mentale , et de quantité d'inventions , et
de découvertes , qui ont été faites premierement en Italie , d'où elles ont passé
ensuite chez les autres Nations. Quoique
nos journalistes abrégent assez tout ce
détail dans leur Extrait , nous ne sçaurions les suivre sans tomber dans une longueur excessive Disons cependant , d'après nos Auteurs , un mot des Académies
d'Italie.
On a vû près de 500 Académies , sous
des noms fort bizarres , commencer et finir en Italie , depuis le renouvellement
des Sciences. La plupart n'ont eu pour
objet que la Poësie ; principalement la
Poësie Toscane. D'autres , en plus petit
nombre , se sont attachées aux Belles Lettres en général ; et quelques - unes enfin
onttravaillé pour l'avancementdes Sciences. Il y en eut de cet Ordre au seizième
siécle , dont le but et l'institution ont été
suivis par toutes les Académies des Sciences , qui fleurissent aujourd'hui en divers endroits de l'Europe.
Entre les Académies nouvelles , on doit
donner le premier rang , après l'Institut
de Bologne , à celle de Mad. la Comtesse
Dona CLELIE GRILLO- BORROME'E , l'une
dés plus sçavantes Dames de ce siècle , et
grandé Protectrice des Gens de Lettres ,
tant
JANVIER 1737.
127
rant en Italie , qu'ailleurs. C'est à cetto
Dame que notre Auteur a dédié son Histoire Litteraire d'Italie. Elle avoit établi
depuis peu une Académie de Philosophie
experimentable dans son Palais à Milan.
M. Antoine Vallisnieri , premier Professeur en Médecine Théoretique , dans l'Université de Padoue , en étoit désigné
Président. Il en avoit même déja dressé
les Réglemens ; mais on vient d'apprendre que cet Etablissement n'a pu encore
avoir lieu, pour des raisons que nous
ignorons.
Nous n'obmettrons pas icy de dire pour
la gloire du beau sexe Italien, que la Prin
cesse Therese Grillo-Pamfili , sœur de la
Comtesse Borromée , dont on vient de
parler , brille aussi par de grandes qualitez, sur tout du côté des Letttes. Elle parle sept Langues , entre lesquelles sont la
Latin , Anglois , le François , l'Allemand
et l'Espagnol; elle a aussi étudié , avec
beaucoup de soin , l'Histoire naturelle, la
Philosophie experimentale , la Théologie,
l'Histoire ancienne et moderne , et les
Mathématiques ; son érudition est vaste
sa mémoire prodigieuse , et ses raisonne
mens solides et profonds. Dona Therese ,
outre une infinité de connoissances , peu
communes aux7 personnes de son sexe,,
>
écrit:
T22 MERCURE DE FRANCE
écrit sçavamment et élégamment en Prose
et en Vers. Elle est nommée Irene Pamisie
entre les Arcadi , et elle fait un des plus
beaux ornemens de cette célebre Académie de Poësie, qui embrasse presque toute
Italie , par ses diverses Colonies. Cette:
sçavante Dame a une autre sœur , sçavoir
la Comtesse Dona Genevra , qui sçait la
Philosophie, et qui écrit fort élegamment
en latin. On peut joindre à ces trois illus
tres Personnes Mademoiselle Marie Selvagia Borghini , de Pise , dont les Poësies
sont d'une élégance et d'un gout si fin ,
que Redi , bon connoisseur , ne fait pas
difficulté de la comparer au fameux Pétrarque. Cette Sçavante a fait une belle
Traduction de Tertullien en langue Toscane. A l'occasion de cette Demoiselle, les
Auteurs de cette Bibliotheque nous ap
prennent qu'il y a à Sienne une Acadé
mie de Dames , qui ont pris le nom d'As--
sicurate , ce qui n'est pas un petit surcroit
de gloire pour l'Italie.
Au reste, il y a lieu d'être surpris que
Auteur d'un Ouvrage aussi étendu que
celui qui donne lieu à cet Extrait , ne
rapporte pas du moins les noms de toutes les Académies établies en Italie depuis
le rétablissement des Sciences , dont le
nombre , selon M. Gimma , se monte à
près
JANVIER. 1731. 1233
prèsde cinq cent. Nous n'entreprendrons
pas de suppléer entierement à ce deffaut ,.
mais le Public nous sçaura peut-êtee quelque gré si nous donnons icy un dénombrement des établissemens Académiques.
qui sont venus notre connoissance ; sur
tout de ces Académies qui ont pris des
noms qui paroissent bizares.
Ce dénombrement sera fait non pas selon l'ordre des temps , ni selon le rang
des Villes Académiques , mais suivant
que les noms se presentent dans nos Mémoires , en attendant l'arrangement que
nous pourrons leur donner un jour dans
un Ouvrage plus médité.
NOMS de quelques. Academies
d'Italie.
Les Endormis , Addormentati , de Genes..
Les Ardens , Ardenti , de Naples.
Les Immobiles , Immobili , d'Alexandrie.
Les Fantasques , Fantastici , et Humoristi,
de Rome.
Les Opiniatres , Ostinaii , de Viterbe.
Les Etourdis , ou les Lourdauts , Intronati', de Sienne.
Les Insensez , Insensati , de Pérouse.
Les Oisifs Otiosi , de Boulogne et de
Naples.
Les:
124 MERCURE DE FRANCE
Les Cachez , Nascostt, de Milan.
Les Obscurcis ou Embroüillez , Caligi
nati , d'Ancone.
Les Amoureux , Invaghiti , de Mantouë,
Les Faciles ,,ou Accommodans , Adagia
ti , de Rimini.
Les Enchaînez , Catenati , de Macerata.
Les Humides, Humidi , de Florence, dont
les premiers Membres furent appellez
Humecté,le Gelé, le Froid, le Trempé , le
Transi, le Trouble, le Brochet,le Bouueux
le Rocher, l'Ecumeux , le Cygne.
Les Steriles , Infecondi , de Rome.
Les Etrangers , Pellegrini , de Rome.
Les Offusquez , Offuscati , de Cesene.
Les Désunis , Disuniti , de Fabriano.
Les Absurdes , Assorditi, de Citta di Cas
tello.
Les Cachez , Occulti , de Bresse.
Les Perseverans , Perseveranti , de Trévire.
Les Fantasques , Humorosi, de Cortonne.
Les Obscurs , Oscuri , de Lucques.
Les Agitez , Aggirati , de
Les Assurez , Affidati , de Pavie.
Les Attaquez , Affrontati , de Ferme.›
Les Sanssouci , Spensierati , de Rossano.:
Les Tracez , Orditi , de Padoüe.
Les Harmonieux ou Amateurs de l'Har
monie , Filarmonici , de Veronne..
Less
JANVIER 1732. 125
Les Lincées , Lincei , de Rome.
On peut ajoûter à ces Académies , dont
les Noms paroissent extraordinaires, celles
de Faticosi , de Milan ; Della Fuschina,
de Messine , des Appatisti , de Florence
des Olympici , de Vicence , des Dodonei ,
de Venise , et des Infuriati , de Naples
sans compter Los Desconfiados , de Barcelone ; et si l'on veut , nos Lanternistes, de
Toulouse, qui semblent avoir voulu s'impatiser avec l'Italie à cet égard-là.
›
Cependant comme il ne faut jamais rien
censurer sur de simples apparences , et
comme on doit présumer que des Italiens,
naturellement spirituels , et des Italiens
Gens de Lettres , n'auront pas donné au
hazard des Noms pareils à leurs établisse
mens Académiques ; il est bon de suspendre notre jugement iusqu'à ce qu'il vienne là- dessus quelque bonne instruction .
En attendant , voicy l'Extrait d'une Lettre qui nous a été écrite par un ( a ) Italien , Homme d'esprit de mérite et fort connu à Paris.
» J'aurai l'honneur de vous dire , Mon-
>> sieur , que les Noms dont vous m'avez
(a)Le fieur Riccoboni , dit Lélio, premier Ac- teur de la Comédie Italienne de Paris, Auteur d'une
Histoire du Théatre Italien , &c. imprimée depuis
peu à Paris.
-parlé
126 MERCURE DE FRANCE S
parlé qui vous semblent bizares , et në
>> gueres convenir à des Académies, ne sont
>> pas tels dans le fonds : pour se convain-
>>>c re de cette verité il faudroit sçavoir tous
» les Emblêmes et toutes les devises que
» nos Académies ont inventées , et qu'el-
»les se sont appropriées pour se caracte-
» riser particulierement et pour se distin-
>> guer les unes des autres. Je n'ai pointici
les Livres où ces éclaircissemens pour-
»roient se trouver, mais je puis vous fournir un exemple qui servira peut être à
nous faire rendre justice sur cette ma-
» tiere.
»Nous avons à Boulogne l'Académie de
»I. Diffetuosi , les Deffectueux , dont mon
» Epouse à l'honneur d'être , lesquels s'ap-
» pliquent particulierement à la Poesie : si
>> ces Messieurs, dira- t'on, sont deffectueux,
>ils doivent être fort mauvais Poëtes. Co
«jugementseroit precipité, mais on en re-
» vient quand on sçait que cette Académie
» apris pourEmbleme dans un tableau une
>> Ourse qui leche son petit , et qui d'une
» masse de chair informe , fait voir enfin
» un animal proportionné et parfait. On
» lit au dessus Sic format lingua , et au bas
>> le nom de l'Académie ou des Académiciens , J.. Diffetuosi. Vous devez conve
nir qu'il ni a rien de si joli et de si expressif
JANVIER. 1732. 127
prersifpour une Societé de de Let- gens
» tres et de Poëtes. Si nous avions les De-
» vises de toutes les autres Académies d'I-
» talie , vous trouveriez de même que ces
» noms ne sont point si bizares ni si ab-
»surdes ; javoue qu'ils paroissent tels , ri-
» dicules même , et qu'un Ecrivain Fran-
» çois n'a pas eu tout à fait tort de dire que
la plupart de ces noms conviendroient
» fort bien à des chevaux de Manege dans
>> une Académie d'exercice. En attendant donc qu'il vienne la dessus de l'Italie
même une instruction plus détaillée et qui
satisfasse , le public éclairé ; Risum teneatis Amici.
Cet article des Académies Italiennes s'é
tant un peu allongé , nous finirons ce qui
nous reste à dire ici de l'ouvrage de M.
Gimma , qui y a donné lieu , par exposer en peu de mots d'après les Auteurs de
la Bibliotheque Italique , ce qu'il dit des
differens Journaux d'Italie.
Nousavons toujours pensé que la gloire de l'invention des Journaux Litteraires étoit dûe à la France , et en particulier
à M. Sallo Conseiller au Parlement de Paris , lequel en l'année 1665. commença
dans cette Ville le premier de tous les
Journeaux sous le titre deJournal des Scavans , et sous le nom du Sieur d'Hedouville
128 MERCURE DE FRANCEville son Domestique. M. Gimma semble
nous envier cette primauté , en soutenant
que c'est en Italic que l'on a connu la
miere idée d'une invention si utile aux
gens de Lettres.
preCe fut à Venise , dit-il , où l'on commença de publier les Nouvelles Litteraires , en feuilles volantes , qu'on nomma
Gazettes , du nom d'une petite Piece de
Monnoye de Venise ; qui en étoit le prix.
Le Sçavant Magliabechi Bibliotequaire du
G. Duc de Toscane , conservoit quelques
volumes de ces Gazettes qui étoient toutes
du XVI. siecle. Notre Historien ajoute que
ces feuilles volantes ne se distribuoient
que Manuscrites, & que cet usage subsiste
encore à Venise. Ce sont des particuliers
qui -les dictent à 30. ou 40. Copistes à la
la fois. Une seule reflexion suffit pour concilier les choses à cet égard , et pour constater la verité.Quelle difference en effet ne
doit-on pas faire entre ces Nouvelles Litteraires manuscrites et un veritable Journal des Sçavans , tel que celui de M. Sallo,
reconnu à bon droit le premier de tous
par toute l'Europe sçavante.
M. Gimma lui- même semble reconnoitre cette verité, en disant tout de suite, que
les Sçavans d'Italie suivirent bientôt l'exemple de ceux qui les premiers donne-
JANVIER. 1732. 129
rent un Journal des Sçavans au Public
Voici ce qu'il dit ensuite de ces Journaux
Italiens , et qui servira à rectifier ce qui
pourroit se trouver de deffectueux dans ce
qu'on a écrit ailleurs sur cet article.
Il parut un Journal à Rome l'an 1668.
lequel fut continué jusqu'en 1679 sous le
titre de Giornale de Letterati. L'Abbé François Nazari de Bergame le composoit sous
le direction de l'Abbé Ricci , qui fut ensuite Cardinal. Il s'en fit un second à Ro
me sous la direction de M. Ciampini , lequel fut une continuation du précedent
jusques à l'an 1681.
- Le P. B. Bacchini , Abbé des Benedic
tins , à Parme , publia un autre Journal
dans cette Ville-là , depuis l'an 1686. jus
ques en 1690. Il le continua ensuite à Mo
déne dès l'an 1692. jusques en 1697.
Le P. Manzani,Provincial duTiers- Or
dre de S. François , fit aussi à Parme l'an
1682. un Journal en Latin , sous le titre
de Synopsis Biblica.
Le Giornale Veneto , d'un stile extraor
dinaire , dura à Venise depuis 1671. jusqu'en 1589. Le Giornale di Ferrara in 4.
dura seulement pendant 1688, et 1689..
On y publia un autre Journal in 8. dès
1671. Albrizzi , Imprimeur et Libraite
publia à Venise dès l'an 1696. un JourG nál
130 MERCURE DE FRANCE
nal in fol. sous le titre de Galleria di Minerva. Il y en a sept volumes. On y trou
ve quantité de Pieces sçavantes, outre l'Extrait de divers Livres.
Mais tous ces Journaux ayant discontinué , ou manquant des qualitez requises,M.Apostolo Zeno se joignit à quelques
Sçavans de ses amis pourdonner un Journal qui pût suppléer au défaut des autres.
Cet ouvrage,commencé en 17 10. a été continuédepuis avec un applaudissement general. Il a été publié depuis environ 1719.
sous la direction du P. Dom Pierre Catterino Zeno,Clerc Regulier de la Congregation de Somasque , Frere d'Apostolo
zeno qui fut appellé à Vienne pour y remplir la place d'Historien et de Poëte de
l'Empereur.
L'Abbé Jerôme Leone publie depuis
quelques années un Supplement au Journal de Venise, dont il a déja paru 3. ou
Volumes. Il l'a formé de plusieurs Dissertations et autres Pieces curieuses , qui ne
pouvoient pas entrer facilement dans le
Journal.
Nous renvoyons à un autre Mercure ce qui
nous reste à dire de ce second Tome de la Bibliotheque Italique
Fermer
Résumé : Bibliotheque Italique, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente une critique de l'ouvrage 'IDEA della storia dell' ITALIA LETTERATA' du Docteur Hiacinthe Gimma, publié en 1723 à Naples. Cet ouvrage, en deux tomes et 913 pages, couvre l'histoire littéraire de l'Italie depuis Adam jusqu'en 1723. Les critiques estiment que Gimma aurait mieux satisfait les savants en se concentrant sur une histoire méthodique des sciences et des arts en Italie depuis le quinzième siècle, plutôt que de publier un ouvrage trop chargé de détails inutiles. Cependant, ils reconnaissent la valeur de l'ouvrage pour ceux qui souhaitent connaître les avancées scientifiques et artistiques en Italie. L'ouvrage est divisé en 50 chapitres. Les 34 premiers forment le premier tome, qui traite des sciences et des arts jusqu'au quatorzième siècle. Le second tome couvre les trois derniers siècles, incluant les académies d'Italie, la philosophie moderne, la géographie, les mathématiques, la médecine, l'histoire naturelle, et les inventions italiennes. Les critiques mentionnent également l'existence de près de 500 académies en Italie, souvent dédiées à la poésie ou aux belles-lettres, et soulignent le rôle des femmes savantes comme la Comtesse Clelia Grillo-Borromée et la Princesse Therese Grillo-Pamfili. Le texte discute également de l'origine des journaux littéraires, soulignant une controverse entre la France et l'Italie. Traditionnellement, la France est créditée de l'invention des journaux littéraires avec le 'Journal des Sçavans' en 1665. Cependant, M. Gimma affirme que l'idée des journaux littéraires est apparue en Italie, à Venise, où des 'Nouvelles Littéraires' étaient distribuées sous forme de feuilles volantes appelées 'Gazettes' dès le XVIe siècle. Ces feuilles étaient manuscrites et dictées à plusieurs copistes. Le texte liste plusieurs journaux italiens publiés entre le XVIIe et le début du XVIIIe siècle. À Rome, le 'Giornale de Letterati' fut publié de 1668 à 1679, suivi d'une continuation jusqu'en 1681. À Parme, le P. B. Bacchini publia un journal de 1686 à 1690, puis à Modène de 1692 à 1697. Le P. Manzani publia un journal en latin à Parme en 1682. À Venise, le 'Giornale Veneto' dura de 1671 à 1689, et plusieurs autres journaux furent publiés, comme le 'Galleria di Minerva' à partir de 1696. En raison de la discontinuité ou des défauts de ces journaux, Apostolo Zeno et quelques savants créèrent un nouveau journal en 1710, qui fut continué avec succès. Ce journal fut ensuite dirigé par le P. Dom Pierre Catérino Zeno. L'Abbé Jérôme Leone publia également un supplément au journal de Venise, contenant des dissertations et autres pièces curieuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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17
p. 463-469
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Début :
MESSIEURS, Nous venons partager avec vous la joïe que nous [...]
Mots clefs :
Académie de La Rochelle, Établissement, La Rochelle, Société littéraire, Sciences, Public, Amour, Gloire, Province, Postérité, Belles-lettres
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
DISCOURS prononcé dans l'Hôtel
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
467
Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
de Ville de la Rochelle , le 18 Juillet
1732. par M.Regnaud , l'un des Membres
de la nouvelle Académie Royale , à
la tête de la Compagnie.
M
ESSIEURS ,
Nous venons partager avec vous la
joïe que nous cause un Etablissement
aussi glorieux pour cette Ville , qu'il lui
sera utile dans la suite. Cette Société Litteraire
qui s'est formée sous vos yeux, qui
des son commencement a eu l'approba
tion de M. Bignon , Intendant de la Province
, est aujourd'hui honorée de la Protection
de Monseigneur le Prince de
Conti , et érigée en Corps Académique ,
par les Lettres Patentes , qu'il a plû au
Roy de nous accorder .
L'amour de l'Etude avoit fait naître
l'idée de cet Etablissement , la Sagesse
l'a conduit , la Vertu l'a protegé , et l'authorité
Souveraine vient de le rendre stable
, par une de ces graces singulieres que
S. M. ne répand que sur les Villes qui lúi
sont les plus attachées , les plus soumises ,
Ciiij et
464 MERCURE DE FRANCE
et , si je l'ose dire , les plus cheres.
Prérogative bien glorieuse pour nous
mais encore plus interressante ! elle nous
découvre le caractere bienfaisant du Prince,
sous les Loix duquel nous avons le bonheur
de vivre , son zele à étendre l'Empire
des Lettres jusqu'aux extrémitez de la
France , et, ce qui doit nous toucher plus
vivement, son attention à procurer à cette
Ville , tout ce qui peut lui être avantageux.
En effet , MESSIEURS , nos besoins
sont satisfaits , dès qu'il les connoît ; il
sçait que le commerce de cette Ville a
perdu de son activité et de son étenduë
que notre Port est devenu inaccessible
aux Vaisseaux ; il en ordonne le rétablis
sement , l'ouvrage est commencé , et l'expérience
de celui à qui il est confié , nous
assure du succès .
ོ་
བ་
Vraiment Pere de ses Peuples , il veille
sans cesse à leur conservation ; des maladies
Périodiques affligent les habitans de
cette Ville ; il ordonne d'en chercher la
cause, on la découvre, et déja nous voïons
près de cette Digue fameuse , qui sembloit
devoir nous éloigner de la Mer en lui
prescrivant de nouvelles bornes , mille
bras occupez au salut public.
Mieux instruit que nous sommes de
"no"
MARS. 1733.
465
nos propres interêts , il prévient les suites
funestes de cette avidité qui avoit porté
les Contrées voisines à changer l'usage de
leurs Terres , sans faire attention , qu'en
multipliant à l'excès , les fruits d'une
même espece , elles causoient une abondance
capable de ruiner la principale ressource
de cette Province.
Il semble , MESSIEURS , que cet Astre
ne soit placé sur nos têtes que pour
nous faire sentir la douceur de ses influences
; toujours attentif à recompenser
le mérite et les services de ses Sujets , il
vient de répandre un nouveau lustre
sur une Compagnie encore plus - respectable
par les qualitez de l'esprit et
du coeur , que par le nouvel éclat dont
S. M. a bien voulu l'honorer.
Secondant les voeux d'un Corps qué la
piété et le sçavoir ont toujours distingués
il veut , à l'honneur de la Religion élever
des Autels , dignes de sa Magnificence
Royale , dans les mêmes lieux où l'on regrete
encore ceux que la Guerre et l'Hérésie
ont renverses avec tant de fureur.
›
Notre reconnoissance se ranime à la
vûë de tous ces bienfaits ; mais eussionsnous
pû , MESSIEURS la marquer
d'une manière assez éclatante , si la nouvelle
faveur que nous recevons de S. M.
C v
ne
466 MERCURE DE FRANCE
ne nous mettoit en état de la rendre publique
, et de la faire passer jusqu'à la
posterité la plus reculée.
L'amour des Letttes , et leurs progrès
dans un Etat sont des marques assurées
de grandeur et de prosperité , et leur Etablissement
dans une Ville , et pour tous
les Citoiens , une source de gloire , à laquelle
chacun a droit de prétendre,à proportion
de ses talens .
Vous le sçavez , MESSIEURS , et j'ose
le dire , vous le sçavez par expérience
quels sont les avantages que l'on retire de
la connoissance et de l'amour des belles
Lettres ; jamais l'ame n'est mieux préparée
à la vertu que lorsque les Sciences y
ont répandu la lumiere , plus on est instruit
, micux on est en état de remplir ses
devoirs.
Pour nous en convaincre , parcourons
les differens états d'une Ville où les Lettres
et les Sciences sont cultivées ; nous y
verrons tous les Postes également bien
remplis ; l'authorité y esr sans aigreur ;
Pobéissance sans contrainte ; un heureux
Equilibre y entretient l'harmonie et la
paix ; il regne entre ses habitans , " une
émulation sans envie ; des moeurs douces.
et policées y rendent la société agréable ;
les Arts sont portez à leur perfection , la
ReliMAR
S. 1733 .
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Religion est honorée et respectée, les Loix
sont en vigueur, chacun est occupé au milieu
de l'abondance.
.. Ce sont-là , MESSIEURS , les fruits
des Sciences et des Belles - Lettres , dont
vous avez jetté les premieres semences
dans cette Province , par l'établissement
de ces Ecoles publiques , où l'on cultive
sans cesse les biens les plus précieux de la
vie , la sience et la vertu.
De là sont sortis ces grands sentimens ,
ces nobles idées , qui se sont dévelopées
peu à peu , et ausquelles il ne manquoit
que le temps et l'occasion pour éclater.
Telle est aussi , MESSIEURS , l'origine de
cette Société Litteraire , à la gloire de laquelle
vous vous trouvez interressez par
des motifs si pressans.
Jettez les yeux pour un moment , sur
un avenir , qui n'est peut - être pas si
éloigné ; et vous verrez les effets de la
noble émulation que cet établissement
va exciter dans tous les coeurs de nos Concitoiens
; vous verrez que ces Plantes si
cheres que vous cultivez avec tant de précaution
, que ces Enfans , dignes de tout
votre amour , comme de tous vos soins ;
seront les premiets à profiter de tous ces
avantages ; ces genies propres aux plus
grandes choses , cultivez par une heu-
C vi reuse
468 MERCURE DE FRANCE
reuse éducation et animez par des exem-
-ples domestiques , rempliront dignement
la place de leurs Peres , et deviendront.
un jour comme eux l'honneur et la gloire
de leur Patrie.
Si le coeur se porte sans cesse vers l'objet
qu'il aime , avec quelle impatience,
MESSIEURS , n'attendez vous point
ces heureux momens où vous pourrez
faire usage de ces sentimens de générosité
qui vous sont si naturels , et qui conviennent
si - bien au poste que voire mérite
semble vous avoir procuré avant le
temps ?
Vous n'aurez , MESSIEURS, qu'à laisser
agir . votre reconnoissance , envers les
Lettres , nos désirs seront remplis , et
l'Académie aura lieu de se féliciter d'une
si heureuse circonstance.
Tour se déclare en notre faveur ; vous.
connoissez ; MESSIEURS , le prix des
Lettres , et vous en faites la matiere de
vos plus douces occupations , les uns par
d'élégantes traductions que le public attend
avec impatience ; les autres par des
Discours aussi solides qu'éloquens , prononcez
avec grace en diverses occasions ;
d'autres , par des recherches et des Anecdotes
aussi utiles à tous les Etats , que
glorieuses à ceux qui se sont appliquez à
former
MARS. 1733.
469
former ces précieux dépôts. Enfin , MESSIEURS,
Votre gout pour les Sciences et
votre zele pour l'intérêt public , nous
donnent lieu d'esperer que vous contribuerez
de tout votre pouvoir à soutenir
un Etablissement qui ne sauroit être indifferent
à ceux qu'une heureuse éducation
distingne du yulgaire.
La gloire du Roy , celle du Prince
notre Auguste Protecteur, le Bien public,
nos interêts communs . Voilà , MESSIEURS ,
les motifs qui doivent nous réunir , pour
faire éclater notre juste reconnoissance ret
pour apprendre à la postérité que les plus
brillantes Victoires des Regnes précédens
cedenr aux douceurs dont nous
jouissons sous le meilleur de tous les
Rois.
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Résumé : DISCOURS prononcé dans l'Hôtel de Ville de la Rochelle, le 18 Juillet 1732. par M. Regnaud, l'un des Membres de la nouvelle Académie Royale, à la tête de la Compagnie.
Le 18 juillet 1732, M. Regnaud, membre de la nouvelle Académie Royale de La Rochelle, a prononcé un discours célébrant la création d'une société littéraire dans la ville. Cette initiative a été approuvée par M. Bignon, Intendant de la Province, et protégée par Monseigneur le Prince de Conti, avant d'être officialisée par des lettres patentes du roi. L'établissement de cette académie est perçu comme une source de gloire et d'utilité pour La Rochelle. Le discours souligne la bienveillance du roi envers les villes loyales et soumises, mettant en avant son zèle pour l'expansion des lettres et son attention aux besoins de La Rochelle. Le roi a ordonné la restauration du port et la lutte contre les maladies périodiques affectant la ville. Il a également pris des mesures pour prévenir les conséquences néfastes de l'avidité agricole dans les régions voisines. L'académie est vue comme un moyen de promouvoir la vertu et la connaissance, contribuant à une société harmonieuse et prospère. Le discours encourage les membres à cultiver les lettres et les sciences, soulignant leur rôle dans le développement des talents et des vertus civiques. La reconnaissance envers le roi et le prince est exprimée, ainsi que l'espoir de voir les jeunes générations bénéficier de cette éducation et devenir un jour l'honneur de leur patrie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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18
p. 1802-1803
« TRAITÉ de la simplicité de la Foy ; chez Lamesle, ruë de la Vieille-Boucherine ; [...] »
Début :
TRAITÉ de la simplicité de la Foy ; chez Lamesle, ruë de la Vieille-Boucherine ; [...]
Mots clefs :
Académies des sciences et des belles-lettres, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « TRAITÉ de la simplicité de la Foy ; chez Lamesle, ruë de la Vieille-Boucherine ; [...] »
RAITE' de la simplicité de la Foy ;
chez Lamesleruë de la Vieille- Bou
cleries de Heuqueville , ruë Gille- coeur ; et
Henri rue S. Jacqure , 1733. in 12°
EXAMEN DU PYRRONI ME , ancien et
moderne. Par M. de Crouzas , de l'Académie
Royale des Sciences , Gouverneur
de S. A. S. le Prince Frederic de Hesse-
Cassel , dédié à M. le Comte du Luc. A
la Haye , chez Hondt , 1733. in fol. Onke
trouve à Paris chez plusieurs Libraires.
MEMOIRES du Sieur Jean Macky ;
Ecuyer , contenant principalement les
caracteres de la Cour d'Angleterre , sous
les Regnes de Guillaume III.et d'Anne I.
Tracés à la requisition de S.A.R. Sophie,
Electrice d'Hanovre ; et publiez sur le
Manuscrit original de l'Auteur . Traduits
de l'Anglois . A la Haye , chez P. Gosse
et J. Neaulme , 1733. et se vend à Paris ,
ruë S. Jacques , chez J. F. Fosse.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE
où
AOUST. 1733 . 1803
où l'on traite de l'origine et du progrès
de la décadence , et du rétablissement
des Sciences parmi les Gaulois , et parmi
les François ; du goût et du génie des
uns et des autres pour les Lettres en chaque
siecle , de leurs anciennes Ecoles , de
Pétablissement desUniversitez en France ,
des principaux Colleges , des Académies
des Sciences et des Belles Lettres , des
meilleures Bibliotheques , anciennes et
modernes des plus celebres Imprimeries
, et de tout ce qui a un rapport particulier
à la Littérature ; avec les Eloges
Historiques des Gaulois et des François
qui s'y sont fait quelque réputation ; le,
Catalogue et la Chronologie de leurs
Ecrits , des Remarques historiques et
critiques sur les principaux Ouvrages, le
dénombrement des différentes Editions ;
le tout justifié par les citations des Auteurs
originaux . Par des Religieux de la
Congrégation de S. Maur , Tome premier,
Partie premiere, qui comprend les Temps
qui ont précédé la Naissance de J. C. et
les trois premiers siècles de l'Eglise . Partie
seconde , qui comprend le quatriéme
siécle de l'Eglise, 1733. in 4. A Paris ,
Quai des Augustins et rue S. Jacques, chez
Chaubert , Osmont , Huart , Clousier, & c.
chez Lamesleruë de la Vieille- Bou
cleries de Heuqueville , ruë Gille- coeur ; et
Henri rue S. Jacqure , 1733. in 12°
EXAMEN DU PYRRONI ME , ancien et
moderne. Par M. de Crouzas , de l'Académie
Royale des Sciences , Gouverneur
de S. A. S. le Prince Frederic de Hesse-
Cassel , dédié à M. le Comte du Luc. A
la Haye , chez Hondt , 1733. in fol. Onke
trouve à Paris chez plusieurs Libraires.
MEMOIRES du Sieur Jean Macky ;
Ecuyer , contenant principalement les
caracteres de la Cour d'Angleterre , sous
les Regnes de Guillaume III.et d'Anne I.
Tracés à la requisition de S.A.R. Sophie,
Electrice d'Hanovre ; et publiez sur le
Manuscrit original de l'Auteur . Traduits
de l'Anglois . A la Haye , chez P. Gosse
et J. Neaulme , 1733. et se vend à Paris ,
ruë S. Jacques , chez J. F. Fosse.
HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE
où
AOUST. 1733 . 1803
où l'on traite de l'origine et du progrès
de la décadence , et du rétablissement
des Sciences parmi les Gaulois , et parmi
les François ; du goût et du génie des
uns et des autres pour les Lettres en chaque
siecle , de leurs anciennes Ecoles , de
Pétablissement desUniversitez en France ,
des principaux Colleges , des Académies
des Sciences et des Belles Lettres , des
meilleures Bibliotheques , anciennes et
modernes des plus celebres Imprimeries
, et de tout ce qui a un rapport particulier
à la Littérature ; avec les Eloges
Historiques des Gaulois et des François
qui s'y sont fait quelque réputation ; le,
Catalogue et la Chronologie de leurs
Ecrits , des Remarques historiques et
critiques sur les principaux Ouvrages, le
dénombrement des différentes Editions ;
le tout justifié par les citations des Auteurs
originaux . Par des Religieux de la
Congrégation de S. Maur , Tome premier,
Partie premiere, qui comprend les Temps
qui ont précédé la Naissance de J. C. et
les trois premiers siècles de l'Eglise . Partie
seconde , qui comprend le quatriéme
siécle de l'Eglise, 1733. in 4. A Paris ,
Quai des Augustins et rue S. Jacques, chez
Chaubert , Osmont , Huart , Clousier, & c.
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Résumé : « TRAITÉ de la simplicité de la Foy ; chez Lamesle, ruë de la Vieille-Boucherine ; [...] »
En 1733, plusieurs publications notables ont été éditées. Parmi elles, 'RAITE' de la simplicité de la Foy' est disponible chez Lamesleruë de la Vieille-Boucleries de Heuqueville et Henri rue S. Jacques. 'EXAMEN DU PYRRONI ME, ancien et moderne' est écrit par M. de Crouzas, membre de l'Académie Royale des Sciences et gouverneur du Prince Frédéric de Hesse-Cassel. Cet ouvrage est dédié à M. le Comte du Luc et se trouve à La Haye chez Hondt et à Paris chez divers libraires. Les 'MEMOIRES du Sieur Jean Macky' décrivent la cour d'Angleterre sous les règnes de Guillaume III et d'Anne I, à la demande de Sophie, Électrice d'Hanovre, et sont traduits de l'anglais. Ils sont publiés à La Haye chez P. Gosse et J. Neaulme, et se vendent à Paris rue S. Jacques chez J. F. Fosse. Enfin, l''HISTOIRE LITTERAIRE DE LA FRANCE' traite de l'origine et du progrès des sciences chez les Gaulois et les Français, ainsi que des institutions littéraires et des figures marquantes. Cet ouvrage, rédigé par des Religieux de la Congrégation de S. Maur, couvre les périodes antérieures à la naissance de J. C. et les trois premiers siècles de l'Église, ainsi que le quatrième siècle de l'Église. Il est disponible à Paris chez plusieurs libraires, dont Chaubert, Osmont, Huart, et Clousier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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19
p. 2587-2609
DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Début :
Les premiers hommes, avec la seule faculté du langage par les organes [...]
Mots clefs :
Hiéroglyphes, Figures, Hiéroglyphe, Marques, Hommes, Animaux, Religion, Écriture, Sciences, Marque, Monstres, Caractères, Homme, Figure, Chevaux, Terre, Explication, Connaissance , Symbole, Poètes
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texteReconnaissance textuelle : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
DES HIEROGLYPHES , et de
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
leurs usages dans l'Antiquité. Discours
où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de
tous les Monstres et de tous les Animaux
chimeriques dont les Anciens nous ont
parlé. Par M. Beneton de Perrin .
Es premiers hommes , avec la seule
Lfaculté du langage par les organes
de la voix , auroient manqué de moyens
pour s'entretenir absents les uns des
-autres , et n'auroient pû avoir commerce
entre eux que difficilement, Pour remedier
à ces inconveniens , ils inventerent
des figures et convinrent qu'elles serviroient
à représenter leurs pensées , pour
ne les découvrir qu'à ceux qui en auroient
l'intelligence. Les actions et les
passions étant des accidens qui agitent
également la Nature et les hommes ;
ces figures emblêmatiques servirent d'a
bord à exprimer les unes et les autres
de ces choses , et formerent par-là un
langage muet , qui montroit le coeur
de l'homme aux yeux sans le secours
de la parole.
Les Grecs nommerent ces figures Hie-
1. Vol.
roglyphes
2588 MERCURE DE FRANCE
rogliphes , des mots Ιερος et γλύφος , com .
me qui diroit Sacra Sculptura , parce que
ce furent les Prêtres qui les premiers s'en
servirent pour écrire sur la Religion , et
envelopper par là les Mysteres. Le Pere
Kirker dérive le terme d'Hierogliphe des
mots da T. espos na gaúços , ce qui revient
assez à ce que j'ai dit qu'ils servoient
à une Ecriture sacrée , faite pour
être gravée ou taillée sur le bois ou sur
la pierre , Quasi sacra scalpendo ; les Hierogliphes
se multiplierent à mesure que
Part de parler se perfectionna et que les
Sciences se formerent.
Je les distingue en deux classes ; sçavoir
, les Hierogliphes animez , qui se
représentoient sous des formes de bêtes
soit Quadrupedes , Reptiles , Oiseaux ,
"Poissons et Plantes vegétatives , et les
Hierogliphes inanimez , qu'il faut plutôt
nommer Hierogrammes , parce qu'ils n'étoient
que des figures que les hommes
se firent à leur fantaisie , la plupart desquelles
formerent les Lettres qu'on nomma
Alphabetiques , en s'en servant pour
une autre Ecriture que le Hierogliphique
, comme j'aurai occasion de le faire
voir dans la suite. Les Chaldéens ayant
les premiers observé les Cieux et considere
l'ordre que semblent garder entre
I. Vol. elles
DECEMBRE. 1733. 2589
elles les Etoilles rassemblées , comme par
pelotons , dans ce vaste espace , ils tracerent
des figures dans le même arrangement
, et comme dans les choses mises
en confusion , on croit voir tout ce
qu'on a dessein d'y voir ; ils crurent
avoir remarqué dans ces assemblages d'Etoilles
, des formes distinctes d'hommes ,
d'oiseaux et d'animaux , ce qui leur fit
donner à ces amas ou conjonctions d'Astres
, les noms de Sagittaire , de Vierge ,
de Cigne , d'Ours , de Chien , &c. les
marquant des mêmes figures sur leurs
Tables Astronomiques.
>
Les Grecs nommerent aussi beaucoup
'de Constellations , les appellant du nom
de leurs Héros , et sur tout de ceux qui
se distinguerent dans l'Expedition de la
Colchide , sous le nom d'Argonautes
parce que ces Braves ayant été les
miers hommes qui eussent osé s'exposer
en pleine Mer , et ne se guidant que
par les Etoilles , les Poëtes jugerent qu'u
ne pareille hardie se méritoit que ces
Etoilles portassent leurs noms .
pre-
Les Astres une fois personnifiez , firent
naître l'Idolatrie ; on adora non - seulement
l'Astre en original , que l'on croyoit
influer sur un Pays ; mais encore sa figure
taillée et son Symbole ou Hiero-
I. Vol
C gliphes
2890 MERCURE DE FRANCE
gliphes, devinrent une chose respectable.
On alla même encore plus loin dans la
Deification des Corps de l'Univers ; car
la Terre étant deifiée comme les autres
Corps , on partagea sa divinité pour mul
tiplier les Dieux. Chacune de ces productions
eut séparément cet avantage , et
furent symbolisées par de nouveaux Hicrogliphes
, ce qui augmenta considerablement
et le nombre des cultes et celui
des figures.
Enfin le comble de l'Idolatrie fut qu'on
déïfia les hommes , regardant comme
des Dieux les Héros et les Inventeurs des
Sciences et des Arts. Alors on acheva de
faire porter aux Astres les noms des
personnes illustres , et confondant l'homme
et l'Astre , on honora le tout ensemble
sous la Statue ou le Hierogliphe
qui désignoit également ces deux choses
confonduës.
Par exemple , la Lyre , le Serpent ,
le Centaure , étoient des Signes Celestes ,
ces mêmes Signes ou Hierogliphes , désignoient
un Apollon , Pere prétendu
des Poëtes et des Musiciens ; un Esculape ,
Pere de la Médecine , et un Neptune ,
qui le premier dompta des Chevaux pour
s'en servir à la guerre et à la Chasse.
Mais ce qui embroüilla beaucoup la
I, Vol, signifi
DECEMBRE. 1733. 259%
signification des Hierogliphes , et quit
commença à en rendre l'explication malaisée
, c'est que tous les Personnages qui
réüssissoient dans les Sciences , et qui par
conséquent marchoient sur les traces de
ces hommes déïfiez pour en avoir été
les Inventeurs , se disoient leurs Enfans ;
de bons Poëtes et Musiciens étoient dits
Enfans d'Apollon ; un bon Médecin se
disoit fils d'Esculape , et d'habiles Cavaliers
se mettoient au nombre des descendans
de Neptune , le dompteur de
Chevaux. On qualifioit d'Enfans de Vulcain
tous ceux qui travailloient à forger
les Armes et les Outils pour l'Agriculture.
La Fable ne donne qu'un oeil aux
Cyclopes , pour signifier que les Ouvriers
qui travailloient aux Mines dans les en
trailles de la Terre , séjour continuellement
ténebreux , ne joüissoient que
d'un des deux avantages communs aux
autres hommes qui voyent alternativement
la luraiere du Soleil après l'obscu
rité de la nuit ; d'habiles Pilotes et Mariniers
étoient considerez comme fils
d'Eole et de l'Ocean.
Toutes ces personnes désignoient leur
Art sous un Hierogliphe , lequel souvent
les désignoit aussi eux - mêmes. La marque
étoit relative à la Profession et à
1. Vol. Cij l'Ou2592
MERCURE DE FRANCE
l'Ouvrier , et ces deux qualitez à la Divinité
Protectrice de l'Ouvrage , celafait
qu'un même Hierogliphe pouvoit signifier
trois choses bien differentes , une Sacrée ,
comme marque du Dieu d'un Art ; unc
Méchanique , comme marque de l'Art
même ; enfin une simple marque d'Ouvrier
Ainsi le même Hierogliphe qui
désignoit un Dieu , se mettoit souvent
sur le Tombeau d'un homme , pour montrer
la Profession dont il avoit été . Je
me servirai pour donner de cela un exem
ple sensible , d'un usage observé égale
ment par les Payens et par les premiers
Chrétiens en enterrant leurs Morts , les
uns mettoient souvent une hache sur
leurs Tombeaux , ce qui ne désignoit
pas toujours que celui qui étoit renfermé ||
dedans eût été un Ouvrier , ce pouvoit
être une personne de consideration qui
avoit eu pour Patron quelque Dieu Protecteur
d'un Art ou d'une Science , et
la hache étoit alors le Hierogliphe du
Dieu et non pas celui du Mort . Voilà
selon moi , ce qu'on doit entendre par
les Tombeaux érigez Sub ascia. Pan étoit
le Dieu des Campagnes , on n'enterroit
que là ; il a pû se faire que la hache ou
le hoyau , Instrumens propres à couper
les bois ou à remuer les terres
1. Vel
?
>
ont été
Les
DECEMBRE. 1733 2393
les Symboles des Dieux Champêtres , et
én mettant les Morts sous la protection
de ces Dieux , on mettoit leur Symbole
sur les Tombeaux .
A l'égard des Chrétiens , ils gravoient
une Pale sur les Sépulchres de feurs Martyrs
; ce Hierogliphe avoit une double
signification , l'une de passion , qui étoft
la gloire que s'étoient procuré ces Saints
par la souffrance , et l'autre de Religion , *
qui faisoit connoître celle dont ces illustres
avoient été les soutiens .
La représentation de differentes choses
par le même Hierogliphe , est ce qui
rend aujourd'hui presque impossible l'explication
des Monumens écrits avec ces ·
figures.
Comme je m'étendrai plus sur les Hierogliphes
que sur les Hierogrammes
quoique le mêlange des uns avec les
autres servit à fournir plus de moyens
d'exprimer ce qu'on avoit à faire sentir ;
je ne puis m'empêcher de faire une reflexion
qui tombe également sur tou
tes ces marques , c'est qu'il seroit à
souhaiter que les personnes qui s'appliquent
à les étudier , s'attachassent
bien à distinguer les deux especes dont
je parle , et les differents sujets ausquels
elles convenoient. Chacune de
1. Vol. Cij nos
2594 MERCURE DE FRANCE
nos Sciences a ses termes propres , il
en devoit être de même des Sciences
anciennes qui devoient par la même
Taison avoir aussi leurs marques propres.
Je ne dis pas que l'attention que
j'exige des Etudians en Hierogliphes fût
suffisante pour les conduire à une entiere
connoissance de ces figures énig .
matiques , on sçait assez que les Prêtres
et les Philosophes qui se servirent d'elles
depuis que l'on eut les Caracteres alphabetiques
, ne le faisoient que pour ca
cher une partie des choses dont ils ne
vouloient pas que le commun du peuple
fût instruit , mais du moins pár la
distinction des Hierogliphes on pourroit
en apprendre assez pour distinguer dans
les Monumens qui en sont chargez , ce qui
est de sacré d'avec ce qui est de prophane,
on tiendroit par là en bride les Charlatans
de la Litterature , qui trouvant
dans ces Monumens tout ce que leur
imagination y veut mettre , ne font
qu'embrouiller l'Histoire , loin de l'éclaircir
, et ils se trouveroient par ce
moyen hors d'état d'en imposer et d'ébloüir
les ignorans .
Revenons presentement à l'objet prin
cipal de cet Ouvrage , qui est de montrer
qu'entre toutes ces figures dont les
1. Vol. hommes
DECEMBRE. 1733. 2595
hommes se servirent pour expliquer leurs
connoissances , celles qui représentoient
des Animaux de differente nature , devinrent
dans les siecles où l'intelligence
de ces figures se trouva perduë, des Monstres
que l'ignorance fit croire avoir été
ou être existans. Je pense neanmoins que
dès - lors les Sçavans qui voulurent se mêler
de l'explication de ces Emblêmes , le
firent à l'avanture , et n'ont pas eu sur
cela plus d'avantage que ceux qui ont
voulu marcher sur leurs traces dans des
temps posterieurs , tels qu'Horus Apollo,
Pierrius Valerianus , les sieurs Langlois ,
et Dinet , et les Peres Kirker et Caussini
qui ont donné de ces Explications autant
justes qu'il est possible de le faire
dans une matiere aussi obscure ;il ne faut
pas douter que ce nombre infini de marques
de choses , tant animées qu'inanimées
qui se trouvent rangées dans un si bel ordre
sur les vieux Monumens Egyptiens , ne
contiennent des narrations bien suivies
sur differentes choses dont il falloit être
Instruit , tout s'écrivoit ainsi , et la connoissance
de la Religion , des Sciences ,
et de l'Histoire , ne se conservoit que
par le moyen de cette écriture figurée ,
la preuve de cela s'en peut tirer ( selon
moi ) de ce que dans ces longues nar-
L. Vol Ciiij rations
2596 MERCURE DE FRANCE
rations , certains Caracteres y sont répétez
souvent , et d'autres moins ; il y en
a même qui sont uniques , ou qui ne se.
trouvent répétez que deux ou trois fois
dans une longue Inscription ; ce qui devoit
faire la même chose que ce qu'on
peut remarquer dans notre écriture , où
nous avons des Lettres , comme les cinq
Voyelles qui reviennent souvent, pendant
que les K , les X , les Y , et les Z , y pa
roissent bien moins.
Il y avoit des Hyerogliphes qui contenoient
seuls un sens complet , ou une
pensée entiere; d'autres qui étoient d'abréviation
, et d'autres qui pouvoient ne former
que des demi mots et des mots dont
il étoit nécessaire de joindre plusieurs
ensemble,pour en former une expression
ou un sens déterminés de même que nous
employons en écrivant plusieurs mots ,
composés de différentes syllabes , pour
former une Phrase parfaite. J'ai fait cette
remarque en étudiant avec un peu d'attention
l'Obélisque Pamphile , que nous
a donné le Pere Kirker.
On y voit de fréquentes répétitions de
bras posez en fasce , les uns à mains ouvertes
, et les autres à poing fermé ; beaucoup
de signes en ziguezagues ; des Enfans
assis sur leur cul , le Panier de Séra-
1. Vol.
pis
DECEMBRE . 1733 . 2597
pis sur la tête , de Serpents , d'Anubis, de
Cynocéphales , &c. pendant qu'entre toutes
ces marques , souvent répétées , on ne
trouve qu'un seul sautoir , un seul tourteau
, qui est chargé d'une Croix pattée ,
quelques Etoiles , mais en petit nombre ;
tout cela donne lieu de conjecturer que
cet Obélisque contient des Enseignemens
de plusieurs natures , tant de Religion ,
de Science , que de Politique ; et que
chacune de ces choses avoit ses figures
propres à sonexpression ; ce qui fait que
les unes de ces figures paroissent souvent
dans un endroit , et bien moins dans un
autre , où il s'en trouve d'autres qui n'avoient
point encore paru.
Souvent pour donner à un Hyerogli
phe la force d'exprimer une action complete
, ou une pensée entiere , on étoit
obligé de le faire d'un composé de différens
membres d'animaux , et alors cette
figure devenoit monstrueuse ; tels étoient
les Hyérogliphes d'hommes à tête de
Chien , d'Oyseaux à face humaine , de
Corps à plusieurs têtes , et de têtes à plusieurs
visages ; ce dernier qui servit aux
Romains à symboliser leur Dieu Janus
étoit donc un Hyerogliphe plus ancien
qu'eux , il représentoit chez les Perses
Orimase et Arimane , et chez les Egyp-
1. Vola Cv tiens
2598 MERCURE DE FRANCE
tiens Osiris et Tiphon , c'est -à- dire , les
deux principes que les premiers Philosophes
admettoient pour Auteurs de toutes
choses , bonnes et mauvaises.
A l'égard des Hyerogrammes ou marques
fantasques , les plus simples comme
Le Cercle , le Triangle , le Quarré , le
Chevron, la Croix droite et la Croix panchée
composerent dans la suite les Caracteres
Litteraires , comme l'Omicron
le Delta , le Mi , l'Alpha, le Tau , le Chi
et autres , dont on se servit en quittant
P'Ecriture Hyerogliphique. Celle qui étoit
composée de Lettres , paroissant plus aisée
et plus propre à lier les pensées , et
à les produire dans un Discours suivi .
Je me sers de l'exemple des Caracteres
Grecs , parce que c'est par les Grecs que
nous avons la premiere connoissance de
T'usage que les Egyptiens faisoient de
leurs Hyerogliphes.
Les Hiérogrammes joints aux Hyerogliphes
, ne laissoient pas dans les temps où
l'on n'eut que cette sorte d'Ecriture
d'expliquer assez parfaitement les choses
dont les hommes 'devoient être instruits,
le faisant seulement plus en abrégé que
ne le fait l'Ecriture courante , ainsi il faut
croire que l'Ecriture figurée a toujours
été plus difficile à expliquer , sur tout l'étude
des Hyerogliphes Monstres deman-
1. Vol.
doit
DECEMBRE. 1733 2559
doit une grande attention et une grande
connoissance, puisqu'un seul pouvoit renfermer
un mystere de Religion , ou la
maniere de réussir dans un Ouvrage scientifique
, au lieu qu'il auroit fallu plusieurs
Hyérogrammes pour enseigner ces
choses ; cependant ces marques- cy firent
évanouir les autres ; kes Arabes , Mahométans
, à qui la Religion ne permettoit
pas d'écrire avec des figures d'hommes
et d'animaux , ne conserverent que les
Hyérogrammes, et quoiqu'ils eussent des
Caracteres Litteraires , ils se servirent des
premiers pour l'expression plus abrégée
et plus simple de leurs opérations Philosophiques
et Chimiques , continuant
par- là de faire de ces marques le même
usage qu'en faisoient les Egyptiens , qui
étoit de montrer par elles , la maniere de
décomposer et de recomposer les Corps
élémentaires. Ces mêmes marques ont
passé jusqu'à nos Phisiciens , qui les emploient
aux mêmes usages.
Le monde et toutes les sciences qu'on
peut acquerir se symbolisoient sous un
Hyerogliphe de figure tres bizare. C'étoit
un Globe avec des aîles , et des Serpens
autour de son Disque ; ce qui fait appeller
ce Hyérogliphe par le Pere Kirker :
Ali-Sphero Serpenti formem. On le voit
I. Vola
C vj paz
2600 MERCURE DE FRANCE
ན
paroître au haut de presque tous les
Obélisques , et on le mettoit là , comme
un titre , qui annonçoit que tout le Discours
qui alloit suivre , n'étoit que pour
instruire des choses connues dans l'Univers
, dont ce Globe volant étoit le type,
du mouvement , er des actions qui agitent
eet Univers .
Les Phéniciens , les Egyptiens et les
Chinois sont les premiers peuples qui firent
usage des Hyerogliphes , et qui leur
donnerent l'arrangement méthodique
dont je viens de parler , les divisant par
Classes , pour s'en servir aux différentes
applications qu'ils avoient à en faire s
leur figure fut d'abord fort simple dans
les premiers temps ; le trafic ne se faisoit
que par l'échange des Denrées; pour
le faire ( quand on n'étoit pas present )
on n'avoit d'autres moyens que d'envoyer
la figure gravée sur quelque chose
de ce qu'on vouloit vendre , et de ce
qu'on vouloit en retour. Un homme ,
par exemple , qui vouloit vendre un
Boeuf pour des Moutons , envoyoit à un
autre homme la figure d'autant de Moutons
qu'il prétendoit en avoir pour l'échange
du Boeuf, l'échange des Oyseaux
et des fruits de la terre se faisoit de même;
un Arbre se désignoit par un Arbre,
J.Val
DECEMBR E. 1733 . 260
et une personne qui auroit voulu faire
couper des Bois , en envoyoit l'ordre par
un Arbre renversé . On verra facilement
par ces seuls exemples, comment un hom
me pouvoit faire sçavoir ses volontez à
un autre , par le moyen des Hyérogli
phes, qui furent les premieres Monnoyes,
quoiqu'il n'eussent point de valeur en
eux-mêmes ; les accidens avoient leur
marque , la maladie avoit la sienne , une
personne qui vouloit faire consulter le
mal dont elle étoit affligée , envoyoit au
Médecin le symbole general de la maladie
, auquel étoit joint le symbole particulier
de la partie du corps qui étoit affectée
; si c'étoit le coeur , on mettoit un
coeur , et un oeil , ou un pied , si c'érbit
l'oeil ou le pied qui fut malade. Cela se
fait encore à peu près de même chez les
Chinois , qui ont beaucoup de Caracteres
figurez pour les mêmes choses , qu'ils
ont besoin d'exprimer.
Suivant l'explication qu'un de nos Académiciens
a donnée de la Fable des Gorgones
, il paroît que ce n'est qu'une action
de commerce que P'on avoit mis par
écrit en Hyérogliphes , et qu'après qu'on
eut perdu l'intelligence de ces marques,
en voyant des Yeux , des Dents , des Serpens
, qui n'étoient que la Relation du
LVel
voya
2602 MERCURE DE FRANCE
yoyage et l'énumération
des Marchandises
qu'une Flotte , partant de la Mer Méditerranée
, avoit rapporté des Terres situées
sur la Mer Océane , où le commerce
l'avoit attiré. On a cru que c'étoit
toute autre chose : et sur cela les Poëtes
composerent une Fiction Historique , où
de ces Gorgones , qui n'étoient que des
Vaisseaux revenus , chargez de Diamans ',
de Poudre d'or , et de Dents d'Eléphans ;
ils en firent des Filles horribles , qui
avoient la tête pleine de Serpens .
Parmi les Hyérogliphes il y en avoit
de plus simples les uns que les autres ;
les simples étoient les figures naturelles ,
véritables , et sans exagération ; au lieu
que les autres étoient des figures de pure
imagination; c'est ceux - cy qui ont donné
naissance à certains monstres qui ne
peuvent point avoir existé ; plusieurs
choses ont pû occasionner l'invention de
ces figures si extraordinaires ; par exemple
, un Chef de Nation qui vainquoit
différens ennemis , marquoit son triomphe
par une Bête allégorique , à qui on
donnoit autant de têtes que ce Chef avoit
terrassé de Peuples, ennemis. Voilà d'où
viennent les ( 1 ) Amphisbenes , les Cerbe-
( 1 ) Serpent qui pique par les deux extrémitez de
son corps.
1. Vol. ECS,
DECEMBRE. 1733 280g.
res et les Hydres , représentez avec 2 , 3 ,
et jusqu'à 7 têtes.
Apollon fut surnommé Pythiep , pour
avoir tué , disent les Mythologues , le Ser
pent Python , Monstre affreux qui s'étoie
formé du Limon échauffé , que les eaux
du Déluge avoient laissé sur la terre d'Egypte
; mais il est plus croyable que cette
Fable est une allégorie d'un effet naturel
que le Soleil opére tous les ans par sa
chaleur , qui desseche le Limon du Nil
et que les Rayons de l'astre sont les Flé
ches qui détruisent une pourriture , qui
infecteroit la terre sans ce secours annuel,
auquel on donna un mérite particulier
la premiere fois qu'on remarqua ce salutaire
effet , wu , en grec , signifie putrefaction
.
J'ai déja dit qu'entre les Hyérogliphes il
y en avoit de plus propres les uns que
les autres à caractériser certaines choses,
ainsi en suivant ce principe , la Religion
devoit avoir les siens , et les actions et
passions humaines les leurs ; ce que je
viens de remarquer des Gorgones , et de
ces guerriers symbolisés par des Monstres
suffira pour faire voir quels pouvoient
être les Hyérogliphes d'actions. Passons
présentement à la connoissance de quelques-
uns de ceux de passion , pour venir
I. Vol.
enfin
2604 MERCURE DE FRANCE
enfin à connoître quels étoient ceux de
Religion .
Il faut distinguer les passions humaines
en actives et en passives ; c'est nous
qui agissons dans les unes et nous recevons
l'action dans les autres les premiers
se symbolisoient par des marques fort
simples et les secondes par de plus composées,
un seul exemple suffira pour preu
ve de ce qu'étoient les dernieres , qui fera
l'explication du Hyérogliphe de la fortune
; cette Divinité fantasque , qui malgré
ses caprices , a toujours été l'objet
des désirs de tous les hommes , elle se
symbolisoit diversement selon le gout, le
sexe , l'âge et la condition de ses adorateurs
; on la faisoit tantôt homme , tantôt
femme , tantôt vieille et tantôt jeune,
en l'invoquant sous des noms qui avoient
rapport à ces changemens de figures.
>
Comme fortune aimée , fortuna primis
genia , elle étoit proprement le hazard
que quelques Philosophes soutenoient
avoir seul servi au débrouillement duz
Cahos . Les autres surnoms de la fortune
étoient , fortuna obsequens , l'obéissante
patrone des gens heureux ; privata , la
médiocre , qui est celle qui contente les
Sçavans ; fortuna mulier et virgo ; celle des
femmes et des filles,fortuna virilis;celle des
I, Vol
hom
DECEMBRE . 1733. 2605
hommes qui se représentoit de sexe mas
culin , il y avoit même la fortune des
vieillards , représentée avec une longue
barbe , et celle-cy étoit sans doute de
toutes les fortunes celle qu'on honoroit
le plus tard .
Cette Divinité se représentoit en general
avec tout l'appareil significatif des
effets que ses caprices produisoient dans
le monde , montée sur une roue, avec des
aîles sur le dos , un bandeau sur les yeux,
ses cheveux assemblez sur le devant de
la tête , et chauve par derriere , tout cela
pour montrer son instabilité , son inconstance
, son aveuglement dans la dispensation
de ses dons , et la difficulté de
la ratraper quand elle nous a tourné le
dos ; on lui mettoit aussi un Globe en
une main , et un Gouvernail ou une Corne
d'abondance en l'autre , pour mon
trer qu'elle gouverne le Monde , et y répand
les biens à sa volonté , ce qui étoit
encore signifié par un Soleil et une Lune
qui accompagnoient sa tête ; enfin cette
Deïté , qui est , pour ainsi dire, l'ame du
monde , pouvoit- elle manquer d'être fi
gurée par un Hierogliphe des plus composez
? C'est peut- être celui qui donna
l'idée de faire les figures panthées dont
je parlerai bien-tôt.
1. Vet. Quan
2606 MERCURE DE FRANCE
:
Quant aux Hierogliphes des passions
actives qui sont au - dedans de nous - mê
mes , ils étoient tous simples quand on
n'avoit à lés représenter que chacun séparément
; la Genisse , l'Agneau , la Colombe
, la Tourterelle , & c. marquoient
la pureté , l'innocence , l'amitié et la
constance. La virginité paroissoit sous la
marque d'une fille échevelée , vétuë de
blanc , les Vertus étoient symbolisées par
des Animaux de figures aimables , et les
vices , au contraire , étoient figurez par
des Animaux affreux , dont la seule vûe
causoit de l'horreur ; la Religion Chrétienne
a conservé ces usages , on a dé
signé les pechez capitaux par les plus
hideuses bêtes que nous connoissions , à
l'imitation des Anciens qui inventerent
des Monstres qui n'existoient point, pour
dépeindre les vices avec des couleurs plus
effrayantes.
Ils imaginerent un Basilic qui tuë de
son regard ; un Serpent qui empoisonne
de son écume toutes les herbes où il se
traîne; une infinité d'autres bêtes affreuses
étoient les Symboles des deffauts les plus
nuisibles à la Societé , comme la calomnie
, le mensonge et d'autres ; l'Hiene
étoit la marque de la cruauté ; et comme
les femmes ne sont pas exemptes de ce
I. Vol. vice
DECEMBRE . 1733. 2607
vice , on fit cet Animal hermaphrodite.
Toutes ces Images que je viens de représenter
, étoient simples ; mais quand
il falloit caracteriser en un même Symbole
plusieurs vices ou plusieurs vertus ,
il falloit bien composer un Hierogliphe
dans lequel les Symboles particuliers de
toutes ces choses entrassent , et cela formoit
des Panthées de passions , semblables
aux Panthées sacrez.
L'Antiquité eut des Héros et des braves
, qui ainsi que nos Chevaliers Errans
du temps de Charlemagne , se dévoüoient
à passer leur vie en courant le Monde
pour secourir les foibles et purger la Terre
des brigands , qui en étoient les veritables
Monstres ; tels furent parmi les
Gercs Hercule , Thesée , Jason , Persée ,
et autres. Je métonne que les Auteurs
zelez pour la gloire de notre ancienne
Chevalerie , ayent borné son origine
aux Chevaliers Romains , et qu'ils ne
l'ayent pas remontée jusqu'aux demi-
Dieux de la Grece , nos vieux Romanciers
leur en avoient donné l'ouverture ,
par le merveilleux qu'ils ont répandu sur
les avantures de nos valeureux Paladins ,
Renaud , Roland et Amadis , en leur
fournissant à point nommé des montures
diaboliques pour les conduire plus
par
B.I. Vel
prem
2303 MERCURE DE FRANCE
promptement vers les Géants qu'ils devoient
exterminer , à l'exemple des Poëtes
Grecs qui trouvoient des Pégases pour
en fournir fort à propos aux Deffenseurs
des Dames , télles qu'Andromede et Hésione.
Michel de Cervantes et Rabelais , pour
se mocquer des idées folles des Auteurs
de Romans , ont imaginé les Oriflants ,
les Hippogriphes et les Chevillards , don't
ils ont parlé , l'un dans son Don Quichote
, et l'autre dans son Gargantua .
›
Ce sont ces Chevaux ailez de la Fable
qui ont pû persuader qu'il y avoit des
Licornes ( autres animaux aussi fabuleux )
il est aisé de voir de quelle source partoit
cette fausse persuasion . L'Yvoire venoir
, à ce qu'on disoit d'une Corne de
bête qui se trouvoit en Afrique et
Pline dans son Histoire Naturelle ( L. 8.
C. 21. ) admet des Chevaux volants et
des Chevaux à Cornes , à qui il donne
également le nom de Pégase , et les fait
trouver en Ethiopie , Pays voisin des
Monts Athlas , où Persée eut occasion
de se servir d'un de ces Chevaux . Æthiopia
generat , multaque alia Monstro similia
Pennatos equos et Cornibus armatos
quos Pegasos vocant ; ce Passage ne m'empêchera
pas de conclure que , puisque
I. Vol. los
DECEMBRE . 1733. 2609
tes Pégases sont chimeriques , les Licornes
ne le sont pas moins , et la description
que continue d'en faire le méme
Auteur , achevera de prouver que ces
Animaux ne doivent être regardez que
comme des chimeres , ou plutôt ce sont
des Hierogliphes qui ont eu cette forme
, la Licorne a pû êrre une image
Panthée propre à désigner la fécondité
cu les perfections dans le genre animal ,,
elle avoit le corps d'un Cheval , la tête
d'un Cerf , les pieds d'Elephant , sa
queue d'un Sanglier , avec une corne de
deux coudées de long , placée au milieu
du front.
"
L'Auteur promet la suite.
Fermer
Résumé : DES HIEROGLYPHES, et de leurs usages dans l'Antiquité. Discours où l'on fait voir qu'ils sont l'origine de tous les Monstres et de tous les Animaux chimeriques dont les Anciens nous ont parlé. Par M. Beneton de Perrin.
Le texte 'Des hiéroglyphes, et de leurs usages dans l'Antiquité' de M. Beneton de Perrin explore l'origine et l'évolution des hiéroglyphes. Les premiers hommes, limités par la communication orale, inventèrent des figures pour représenter leurs pensées, appelées hiéroglyphes. Ces figures servaient à exprimer les actions et les passions, formant un langage muet. Les Grecs nommèrent ces figures hiéroglyphes, dérivant du terme 'sacra sculptura' car les prêtres les utilisaient pour écrire sur la religion et envelopper les mystères. Les hiéroglyphes se multiplièrent avec le perfectionnement du langage et des sciences. Ils sont distingués en deux classes : les hiéroglyphes animés, représentant des formes de bêtes ou de plantes, et les hiéroglyphes inanimés, ou hiérogrammes, qui étaient des figures fantaisistes formant souvent les lettres alphabétiques. Les Chaldéens, observant les cieux, traçaient des figures correspondant aux constellations, nommant des amas d'étoiles comme le Sagittaire ou la Vierge. Les Grecs nommèrent également des constellations d'après leurs héros, notamment les Argonautes. Cette personnification des astres conduisit à l'idolatrie, où les figures taillées et les symboles hiéroglyphiques devinrent respectables. L'idolatrie s'intensifia avec la déification des hommes illustres, comme Apollon ou Esculape, et des arts qu'ils inventèrent. Les hiéroglyphes devinrent complexes, signifiant parfois trois choses différentes : sacrée, mécanique, et personnelle. Par exemple, une hache sur un tombeau pouvait désigner un ouvrier ou une personne protégée par un dieu. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour conserver la connaissance de la religion, des sciences et de l'histoire. Leur interprétation est rendue difficile par le mélange des hiéroglyphes et des hiérogrammes. Le texte souligne l'importance de distinguer ces figures pour éviter les erreurs historiques et les interprétations trompeuses. Les hiéroglyphes représentaient des concepts complexes et des principes philosophiques, comme Orimase et Arimane chez les Perses, et Osiris et Tiphon chez les Égyptiens, symbolisant les forces du bien et du mal. Les hiérogrammes, des marques plus simples comme le cercle, le triangle, et la croix, ont évolué pour former des caractères littéraires utilisés dans l'écriture courante. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour représenter des idées abstraites et des concepts religieux, souvent difficiles à interpréter et nécessitant une grande connaissance pour être compris. Les Arabes, en raison de leurs restrictions religieuses, ont conservé les hiérogrammes pour des usages philosophiques et chimiques, une pratique adoptée par les physiciens modernes. Le texte mentionne également un hiéroglyphe particulier, un globe ailé avec des serpents, souvent trouvé sur les obélisques, symbolisant l'univers et ses mouvements. Les Phéniciens, les Égyptiens et les Chinois sont cités comme les premiers peuples à avoir utilisé les hiéroglyphes de manière méthodique. Les hiéroglyphes étaient utilisés pour diverses applications, comme le commerce et la médecine. Par exemple, une figure d'un animal ou d'une partie du corps pouvait indiquer une maladie ou une demande de traitement. Les hiéroglyphes étaient également utilisés pour représenter des passions humaines, des vertus et des vices, souvent symbolisés par des animaux. Le texte explore également les hiéroglyphes liés à la fortune, représentée par une divinité capricieuse et instable, souvent figurée avec une roue, des ailes et un bandeau sur les yeux. Les passions actives et passives étaient symbolisées par des marques simples ou composées, respectivement. Enfin, le texte compare les héros grecs, comme Hercule et Thésée, aux chevaliers errants de la chevalerie médiévale, notant les similitudes dans leurs quêtes pour secourir les faibles et combattre les monstres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
20
p. 2819-2834
SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
Début :
Je réponds, Monsieur, le plutôt qu'il m'est possible à la derniere Lettre que [...]
Mots clefs :
Littérature des mahométans, Turcs, Constantinople, Bibliothèque, Histoire, Ignorance, Sciences, Roi, Vérité, Paris, Levant, Lettres, Mosquée, Préjugé, Langues
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
SECONDE Lettre de M. D. L. R.
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
sur la Litterature des Mahometans , et
sur celle des Turcs en particulier.
J
E réponds , Monsieur , le plutôt qu'il
m'est possible à la derniere Lettre que
vous m'avez fait l'honneur de m'écrire
de Constantinople le 30 Mars dernier ,
et je commence par l'Article le plus es
sentiel et que vous me recommandez
particulierement. Vous me demandez si
j'ai prétendu parler bien sérieusement ,
II. Vol.
2820 MERCURE DE FRANCE
du moins s'il n'y a rien d'exagéré dans
la Lettre qui concerne la Litterature des
Mahometans et celle des Turcs en particulier
, que vous avez lue dans le Mercure
de Septembre 1732. ajoûtant que
vous attendez ma réponse pour me développer
les Reflexions que vous avez
faites là-dessus et que dès à présent, c'està-
dire , sans attendre ma Réponse , vous
êtes dans le Préjugé general que les Turcs
sont d'une ignorance crasse ,
très- peu
curieux d'en sortir , &c.
Je vous dirai d'abord , Monsieur , que
j'ai écrit très sérieusement sur le sujet en
question , que je ne crois pas avoir rien
exageré et que je n'ai rien avancé sans
autorité , sur quoi je vous renvoye à ma
Lettre même du Mercure , sans préjudice
des autres autoritez que je puis encore
vous alleguer.
J'ajoûterai à cette affirmation que ce
n'est pas mon Voyage du Levant seul
qui m'a détrompé sur la prétendue ignorance
des Turcs ; je suis allé dans l'Orient
presque avec le même Préjugé où
vous êtes aujourd'hui , et que plusieurs
années de séjour n'ont pas encore détruit
chez vous , Préjugé , pour le dire
en passant , qui empêche , qui ôte l'envie
de s'instruire et de parvenir à la découverte
de la verité.
DECEMBRE . 1733. 2827
Mon voyage ne m'a donné là - dessus
qu'une premiere lueur , mais cette lueur
est devenue lumiere et certitude par les
lectures que j'ai faites depuis mon retour
des ouvrages des Mahometans Anciens et
Modernes , qui fe trouvent dans la Bibliotheque
du Roy et ailleurs , et par le
long commerce que j'ai eû avec plusieurs
sçavans d'élite en érudition orientale ,
qui ont passé une partie de leur vie dans
le Levant et qui sont morts à Paris dans
une haute réputation de vertu , et d'amour
pour la verité. Je n'en nommerai
ici que deux , sçavoir.
François Peris de la Croix Parisien
Sécretaire , Interprete du Roy pour les
Langues Orientales , Professeur en Arabe
au Collège Royal , mort sur la fin de
l'année 1713. M. Colbert le fit passer
dans fa jeunesse et séjourner fuccessivement
à Alep , à Hispaham , à Constantinople
, pour apprendre en perfection les
trois principales Langues , l'Histoire , les
Coutumes & c . des Nations du Levant.
Dans son instruction , dont j'ai une copie,
cette habile Ministre lui ordonne de
s'instruire particulierement à l'égard des
Sciences et des Arts cultivez dans ces differens
Pays. M. Petis en rapporta beaucoup
de doctrine Orientale , dequoi il a
?
11, Vol. donné
822 MERCURE DE FRANCE
·
donné des preuves toute sa vie , et plusieurs
Manuscrits utiles , dont il a tra
duit une bonne partie , entre lesquels est
la curieuse Bibliotheque de Hadgi Calfa,
Turc moderne de Constantinople , * qui
feule est capable de détruire le Préjugé
commun de la prétendue ignorance des
Mahometans & c .
Et Antoine Galland de Noyon , de
PAcadémie Royale des Inscriptions et
des Belles Lettres associé à celle des
Ricovrati de Padoue , Antiquaire du Roy,
Professeur en Arabe au Collège Royal ,
mort au mois de Février 1715 Il suivie
le Marquis de Nointel dans fon Ambassade
de Constantinople , dans son voyage
de la Palestine,et dans sa visite des Echelles
du Levant. De retour en France il fit
encore dux voyages à Constantinople
et au Levant par les ordres de M M. Col
* Ce seul Ouvrage peut détromper bien des gens,
et même quelques Sçavans , qui croyent que les
Turcs et autres Mahometans négligent les Sciences ,
trompez par des Voyageurs , qui ne sçackant pas les
Langues , n'ont pas på conferer avec les Sçavans
des l'ays qu'ils ont parcourus . Cette Bibliotheque
est une veritable Encyclopedie de toutes les Sciences
et de tous les Arts chez les Orientaux . Préface de
P'Histoire de Tamerlan , traduite du Persan pat
M. Peus de la Croix, et donnée au Public après
sa mort. 4. vol. 1 12. Paris 1722.
11. Vol. bert
DECEMBRE . 1733. 2823
1
bert er de Louvois , pour la recherche
des Medalles et des Manuscrits . ce qui
acheva de le perf.ctionner dans l'intelligence
des Langues , et dans la connoissance
de l'Histoire et de tout ce qui concerne
les Orientaux . Il étoit d'ailleurs bon
Critique , excellent Antiquaire et naturellement
Philofophe. Il a composé plusieurs
Ouvrages , dont quelques uns ont
été imprimez. De ses Manuscrits ceux
qui regardent l'Orient ont passé dans la
Bibliotheque du Roy. On lui doit l'Edition
de la Bibliotheque Crientale de
M. d'He belot , faite à Paris en 1697 ,
grand in fol.de 106 pag. et la belle Préface
qui est à la tête . a Preface dont la
(a) On fait quelque grace aux Arabes , et ils
passent pour avoir autrefois cult vé les Sciences aves
grande application. On attribue de la politesse aux
Per ans et on leur rend justice .Mais , par leur nom
seul , les Turcs sont tellement décriez , qu'il suffit
ordinairement de les nommer pour signifier une
Nation grossiere , barbare et d'une ignorance achevée
, et sous leur nom on entend parler de ceux qui
sont sous la domination de l'Empire Ottoman . Cependant
on leur fait injustice ; car sans s'arréter à
Les justifier ici de barbarie et de grossiereté , ce qui
demanderoit un détail .... On peut dire à l'égard
de l'ignorance , qu'ils ne cedent ni aux Arabės ni
aux Iersans dans les Sciences et dans les Belles- Lettrer
, communes à ces trois at.ons , et qu'ils les
cultivent presque dès le commencement de lcur Em-
II. Vol.
scule
2824 ME RCURE DE FRANCE
seule lecture est capable de détruire l'erreur
des Européens qui excluent la cul
ture des Sciences et des beaux Arts de
tout le Mahométisme.
Je pourrois , Monsieur , m'en tenir à
ces autoritez , persuadé qu'elles sont plus
que suffisantes pour confirmer tout ce
que j'ai avancé dans ma premiere Lettres
mais je ne puis omettre un troisiéme Témoin
qui se presente icy bien naturelle.
ment ; Témoin illustre et des plus recevables
sur le sujet qui est en question ;
c'est le fameux Comte de Marsigli, dort
on vient de publier un bel Ouvrage sur
l'Etat (a ) Militaire de l'Empire Ottoman ,
& c.
Ce Seigneur vint à Constantinople avec
pire. La Bibliotheque Orientale en fait foi, et observe
dans leur Histoire une suite continuelle de Docteurs
de leur Religion et de leur Loy , très fameux et
très estimez parmi eux , tant pa . leur Doctrine que
par leurs Ecrits. Ils ont aussi des Historiens trèscelebres
e: très - exacts des Actions de leurs Sultans ,
et on peut compter comme une marque de la délicatesse
de leur esprit le nombre considerable de leurs
Poëtes , qui montoit à 590. vers la fin du siecle
passé , & c. A. Galland , dans son Discours pour
servir de Préface à la Bibliotheque Orientale de
B. d'Herbelot.
(a ) STATO MILITARE dell' Imperio Ottomano
, &c. 1. vol . fol. A la Haye et à Amsterdam
1732.
11. Vol.
DECEM DK E. 1733. 2825
an Ambassadeur de la République de
Venise , n'étant encore âgé que de vingt
ans , dans le dessein de s'instruire à fond,
principalement sur le sujet que je viens
que
de dire , rempli auparavant des préjugez
ordinaires , & c . Il servit ensuite l'Empereur
dans les Guerres de Hongrie . Pris
par les Tartares,qui le vendirent au Pacha
de Témiswar , &c. il sçut mettre à profit
son infortune , pour acquerir toutes les
connoissances qui lui manquoient. Après
avoir recouvré sa liberté , il reprit ses
Emplois dans l'Armée Impériale , et il les
conserva jusqu'à la Paix de Carlowits
à laquelle il servit même utilement ; et ,
après la Paix il fut établi Commissaire
Général pour le Reglement des Limites.
Dans l'Ouvrage qui vient de paroître ,
où il ne s'agit rien moins que de Science
et de Litterature , l'Auteur n'a pû
s'empêcher de rendre là - dessus un témoignage
à la verité. Après avoir dépeint
les Turcs , qu'il dégrade tant qu'il
peut , indolens , mous , oisifs , sur tout
les Asiatiques , n'agissant que par nécessité
, &c. il se récrie contre nos préjugez
sur le point de leurs Etudes. Il par
fe de Constantinople et des autres grandes
Villes , » comme étant remplies de
Personnes instruites dans le Mahome-
II. Vol. Ꭰ tisme
2020 TRANCE
» tisme , qui sçavent au moins les trois
» Langues , le Turc , le Persan et l'A-
» rabe : Esprits cultivez en plus d'un gen-
» re de Litterature , Poëtes délicats , His-
» toriens polis , mais d'une exactitude ,
» scrupuleuse , et par là un peu ennuyeuxs
Dialecticiens subtils , Moralistes pro-
» fonds , Géomêtres , Astronomes , Géographes
, et par dessus tout grands Alchymistes
; ce qu'il a été en état , de :
» prouver par un Catalogue de plus de
» 86000 Ecrivains du dernier siécle , re
>> cueillis dans sa Bibliotheque de Boulogne
, et dont il à fourni une Copie:
» pour celle du Vatican . Si les Turcs
n'impriment pas , ce n'est pas , dit il ,
» qu'il ne leur soit libre de le faire ; leur
» motif est de ne pas empêcher une mul-
>> titude innombrable de Copistes de ga
» gner leur vie. On en comptoit 90009
>> pendant son séjour à Constantinople..
» Une autre sorte d'Etude , selon le mê
» me Auteur , c'est que nul Gouverne,
ment au monde n'est plus appliqué et
plus ponctuel que le Gouvernement
Turc , pour conserver des Registres
A
* Le Comte de Marsigli est de Boulogne , et y a
fondé une Académie . Il est des Académies Royales
des Sciences de Paris et de Montpellier , et de la
Societé Royale de Londres,
II. Vol exacts
DECEM DN E. 1733• 2027
exacts en tout ce qui regarde les Trai-,
a tez avec les Puissances Etrangeres , le..
» Domaine , le Cérémonial , l'Expédi
tion des Ordres , celles des Arrêts ou
Ordonnances et Commandemens ; l'E-
>> tat des Officiers en service , et singulie
☐rement les Finances.
Au reste , Monsieur , je vous connois
un si bon esprit , tant d'amour et de vénération
pour la vérité , pour me servir
de vos termes sur ce sujet , que je ne désespere
pas de vous voir changer un jour
de sentiment , sur tout si vous voulez
vous donner la peine d'apprendre seulement
le Turc , qui n'est pas une Langue
fort difficile, et dans laquelle je vous crois
déja initié;cela vous mettroit en état d'entrer
plus souvent dans cette grande Ville,
de laquelle vous êtes peut - être autant separé
par le préjugé , que par un petit bras
de Mer , et de vous instruire par vousmême
, en conferant avec les Gens de Lettres
, & c. Je ne doute pas que vous
in'ayez trouvé des Turcs d'une ignorance
crasse , et comme vous dites , tres- peu
curieux d'en sortir ; mais ce n'est pas
assez pour affirmet la même chose de
toute la Nation . Où ne trouve- t-on pas
dans l'Europe même , de la rusticité et de
l'ignorance ? On trouve aussi du goûr
II. Vol. Dij de
2808 MENCURE
de la Politesse , et de l'Erudition , quand
rien n'empêche d'en chercher. Mais en
voilà asez sur ce sujet.
Rien n'est plus sensé et plus dans le
vrai que ce que vous me dites , Monsieur,
sur l'impropriété du mot de Sophi , par
lequel les Ecrivains Européens , suivis en
dernier lieu par le a P. du Cerceau , désignent
le Roy de Perse. Vous convenez
qu'à ne consulter que la raison , cette
expression est tout- à fait vicieuse , comme
je l'ai prouvé dans un article de mes
Lettres , auquel votre politesse donne le
nom de Dissertation. La verité est qu'on
n'a point encore décidé dans les formes
que ce terme doive être proscrit parmi
ceux qui se piquent de parler correcte
ment mais en attendant cette décision ,
et malgré la continuation du mauvais
usage par des Ecrivains mal instruits , ou
entêtez , ibn'est pas moins certain qu'on
-he prescrit jamais contre la vérité et contre
la raison , et qu'il est toujours temps
de reclamer en leur faveur. L'usage ,j'en
-conviens ; décide le plus souvent en fait
de langue , au préjudice du bon sens et
des régles, mais c'est quand il ne s'agit
précisément que de la Grammaire. Icy il
( a ) Hissoire de la derniere Révolution de Perse
2 vol . in 12. Paris. 1728,
M. Vel.
s'agie
DECEMBRE . 1733. 2829
s'agit d'un point d'Histoire et de Critique.
J'espere m'étendre davantage sur
ce sujet dans un Ecrit que je prépare , et
qui soutiendra peut- être le titre que vous
voulez bien lui donner par avance .
J'ai enfin reçu depuis peu le beau Jusdam
, ou le Porte Lettres de fabrique
Turque , que vous m'aviez annoncé, orné
d'une broderie parlante ; et si cela se
peut dire , bien obligeante de la part de
ceux qui me font l'honneur de me l'envoyer.
Ils devoient en envoyer aussi l'interprétation
; car je ne sçai si nous aurons
bien réussi à expliquer les deux Vers Persans
qui sont si artistement brodez dessus.
C'est ce que vous pourrez faire examiner
par vos Experts . Voici comment
on a lû et interpreté icy cette galanterie
orientale.
Djah toй hemtchou ni i met ferdaous bi zevăl ,
Felicitas tua sicut gratia Paradisi sine defectu
Umr toй hemtchou middet eflāk bi chumăr,
Atas tua sicut spatium sæculorum sine numero.
On s'est servi de la Langue latine pour
mieux rendre l'original Persan , auquel
les Vers suivans , ajoutez par l'Autheur
ême de la Traduction , pourront servir
de Paraphrase :
II. Vol. Djij N...
2830 MERCURE DE FRANCE
N... qu'un bonheur durable
Soit compagnon de tes travaux ,
Qu'il soit exempt de tous les maux ,
Qu'aux biens du ciel il soit semblable.
Que des jours longs et gracieux
Rendenr ton sort digne d'envie ,
Que le terme du cours des Cieux
Soit aussi celui de ta vie.
J'ai reçu presque en même- tems et da
-même Païs , une très- belle Cornaline ,
qui à, sans doute, servi de Cachet à quelque
dévot Musulman de distinction , car
on y lit ces mots Arabes , tres-bien gravez
en caracteres Persans : Mazhar ila
faiz Aichay , c'est- à-dire , protegé par les
faveurs d'Aichay.
Aichay ou Aischah est une Personne
des plus respectables du Mahométisme
en qualité de troisiéme Femme de Mahomet
, et de Fille d'Abdallah , surnommé
depuis a Abubekre ou Pere de la Pudelle
, parce qu'à son exception , ce faux
Prophete n'a épousé que des Veuves . S'il
y a jamais eu des Héroïnes et des Femmes
sçavantes chez les Musulmans , cel
(a ) Abubckre , successeur immédiat de Mabomet
, et le premier des Califes.
11. Kola
k.
DECEMBRÉ . 1933 . 2831
le-cy doit être considérée comme la plus
celebre et la plus ancienne. Son autorité
dans la Religion fut grande de tout tems
parmi les Sunnites , ou les Orthodoxes
pour avoir retenu et transmis ce grand.
nombre de Paroles prétendues Remarquables
de Mahomet , et de Traditions ,
qui ont fait depuis un corps de Doctrine
appellé la Sunna. Aischah par cette raison
est souvent qualifiée de Nabiah ơs
de Prophétesse , et de Seddika , ou de témoin
fidele et authentique. Ils l'appel
lent aussi la Mere des Fidelles .
Sa renommée n'est gueres moins grande
dans l'Histoire du côté de la Politique
et du Gouvernement , et par la valeur
qu'elle fit enfin paroître à la fatale journée
du (a ) Chameau, dans la Bataille qu'elle
donna contre l'Armée d'Ali , pour vanger
la mort du Kalife - Othman , donnant
par sa présence et par son exemple le
mouvement et le courage à ses Troupes.
Bataille sanglante dans laquelle il y eut
près de zo mille Arabes de tuez sur la
place ; qu'elle perdit cependant avec sa
: ( a ) Ainsi nommée par les Historiens , à cause
du Chameau que montoit Aischah , lequel on ne
put jamais arrêter dans la mêlée , qu'en lui coupant
les Jarrets , ce qui donna lieu à la prise de la
Princesse , et à la déroute de son armée , c. )
II. Vol. D iiij.li2832
MERCURE DE FRANCE
liberté. Ali la lui rendit depuis , en la
renvoyant à Médine, où elle mourut l'an
58 de l'Hégire (a) , c'est à.dire fort âgée,
et fut inhumée auprès de Mahomet son
Epoux.
Je vous envoye avec plaisir, le Plan de
la Principale Face de la Mosquée de sainte
Sophie de Constantinople , gravé icy
par le Sr Surugue , Graveur du Roy , à
l'occasion duquel on a fait en peu de
mots la Description et l'Histoire de ce
fameux Temple, dans le II.Vol.du Mercure
de Juin 1732. Cette Description a
donné lieu à une Critique . M. A .. . de
Marseille , qui a séjourné à Constantinople
, soutient que l'eau de la Mer entre
dans les voutes souterraines , sur les
quelles tout l'Edifice est bâti , et qu'on
peut y aller en Batteau ; circonstance
qu'il ne falloit pas , dit-il , omettre dans
cette Description ; promettant de don
ner là-dessus un Ecrit , qu'il ne donne ce
pendant point.
J'admire , Monsieur , votre complaisance
, laquelle , quoique persuadé du
contraire , par la haute situation où se
trouve cette Mosquée , et par son grand
éloignement du Niveau de la Mer , vous
a porté à vouloir éclaircir ce fait extraor
(a ) 677 de JESUS -CHRIS T.
1x 11. Vol.
diDECEMBRE.
1733. 2833
'dinaire. Cet article de votre Lettre est
réjouissant ; il me semble vor ce vieux
Officier de la Mosquée , chargé du soin
de conduire par tout les Etrangers de
distinction , que vous avez consulté,douter
d'abord , si on lui parloit sérieusement
, puis hausser les épaules , éclater
de rire , et enfin après avoir repris son
sérieux , et bien promené sa main sur sa
barbe , vous assurer gravement qu'il n'y
avoit point d'autre Eau sous Sainte Sophie
, que celle d'une Citerne tres - spacieuse
, d'où on la tire pour l'usage des
Gens attachez au service de la Mosquée ,
par un Puits , dont l'ouverture est dans
le Temple même , et que le reste de ces
Voutes souterraines est divisé en plusieurs
Magazins remplis de Munitions de
Guerre , &c. Cet article mérite d'être
communiqué à M. A... si ses autres Mémoires
sur Constantinople ne sont pas
plus exacts , on ne lui conseille pas de les
mettre au jour.
Au reste j'ai été ravi de voir confirmer
par votre Officier de Sainte Sophie , tout
ce que Guillaume-Joseph Grelor, fameux
Ingénieur François , avoit déja dit de
Eaux souterraines de cette Mosquée
presque dans les mêmes termes , en mar
quant dans ses Plans , la Place précise
II. Vol Dv P
2834 MERCURE DE FRANCE
Puits , de la Citerne , des dégrez pour
descendre aux différens Robiners , & c,
Ce qui marque la grande exactitude de
ce Voyageur , envoyé exprès dans le Levant
par le feu Roy , et dont nous avons
un excellent Ouvrage sur Constantino
ple. Je suis , Monsieur , & c.
A Paris , ce fuillet 1733 .
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Résumé : SECONDE Lettre de M. D. L. R. sur la Litterature des Mahometans, et sur celle des Turcs en particulier.
La lettre de M. D. L. R., datée de 1732, répond à une missive reçue de Constantinople le 30 mars 1732, qui interrogeait la véracité de ses propos sur la littérature des Mahometans et des Turcs, publiés dans le Mercure de Septembre 1732. L'auteur affirme avoir écrit sérieusement et sans exagération, s'appuyant sur des autorités et ses propres lectures. Il mentionne que son voyage au Levant et ses lectures des ouvrages orientaux, ainsi que ses échanges avec des savants comme François Pétis de la Croix et Antoine Galland, l'ont détrompé sur l'ignorance supposée des Turcs. Ces savants ont rapporté des connaissances orientales et des manuscrits précieux, comme la Bibliothèque de Hadji Calfa, qui démontre la culture scientifique et artistique des Orientaux. L'auteur cite également le Comte de Marsigli, dont l'ouvrage sur l'État militaire de l'Empire Ottoman atteste de la culture et des études des Turcs. Il encourage son correspondant à apprendre le turc pour se rendre compte par lui-même de la richesse littéraire et scientifique de cette nation. La lettre se termine par une discussion sur l'impropriété du terme 'Sophi' pour désigner le roi de Perse et l'annonce de la réception d'un porte-lettres turc brodé. Le texte traite également de divers sujets historiques et culturels. Il commence par une traduction en vers français d'un texte persan souhaitant un bonheur durable et exempt de maux. Il mentionne une cornaline gravée en caractères persans, appartenant à un dévot musulman, avec l'inscription 'Mazhar ila faiz Aichay', signifiant 'protégé par les faveurs d'Aichay'. Aichay, ou Aïcha, est identifiée comme la troisième femme de Mahomet et la fille d'Abdallah, surnommé Abou Bakr. Elle est respectée pour son savoir et son rôle dans la transmission des paroles de Mahomet, ce qui lui vaut le titre de 'Mère des Fidèles'. Aïcha est également célèbre pour son intervention dans la bataille du Chameau contre l'armée d'Ali, après l'assassinat du calife Othman. Elle fut capturée et plus tard libérée par Ali, retournant à Médine où elle mourut à un âge avancé. Le texte aborde également la mosquée Sainte-Sophie à Constantinople, en mentionnant une critique de M. A... de Marseille, qui affirme que l'eau de la mer pénètre dans les voûtes souterraines de la mosquée. Cette affirmation est contestée par un officier de la mosquée et confirmée par les observations de Guillaume-Joseph Grelot, un ingénieur français. Le texte se termine par une confirmation de l'exactitude des descriptions de Grelot concernant les eaux souterraines et les installations de la mosquée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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21
p. 548-551
MACHINES approuvées par l'Académie Royale des Sciences, depuis son établissement jusqu'à present. Dessinées et décrites par M. GALLON. Proposées par Souscription. / AVIS touchant le Recueil des Machines et Inventions approuvées par l'Académie Royale des Sciences, gravées en Taille-douce et accompagnées de Descriptions.
Début :
L'Académie Royale des Sciences a toujours regardé la perfection des Arts comme un des [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Machines, Livres, Sciences, Inventions, Descriptions, Jean-Gaffin Gallon
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texteReconnaissance textuelle : MACHINES approuvées par l'Académie Royale des Sciences, depuis son établissement jusqu'à present. Dessinées et décrites par M. GALLON. Proposées par Souscription. / AVIS touchant le Recueil des Machines et Inventions approuvées par l'Académie Royale des Sciences, gravées en Taille-douce et accompagnées de Descriptions.
MACHINES approuvées par l'Académie
Royale des Sciences , depuis son établissement
jusqu'à present . Dessinées et décrites par M.GALLON.
Proposées par Souscription .
AVIS touchant le Recueil des Machines
et Inventions approuvées par l'Académie
Royale des Sciences , gravées en Taille
douce et accompagnées de Descriptions.
Académie Royale des Sciences a toujours
regardé la perfection des Arts comme un des
principaux sujets de son application et de ses recherches.
Elle a par elle-même beaucoup encheri
sur ce que l'on connoissoit auparavant dans ce
genre d'étude ; elle a été secondée de toutes parts
par l'industrie et le travail de plusieurs personnes
ingenieuses, qui l'ont choisie pour Juge d'un
grand nombre de Machines et d'autres Inventions
, dont l'examen demandoit le plus souvent
une fine théorie jointe à une grande connoissanee
des pratiques ordinaires des Arts.
Ол
MARS 1734. 549
On doit souhaiter que cette sorte d'émulation
des choses d'une utilité reconnue ,
pour
continue
dans le Public. Il ne faut que jetter les yeux
sur quesques-uns de nos Arts les plus à portée
de nous , pour être convaincu par les pratiques
actuelles qui y sont en usage , combien la Méchanique
sagement maniée y a de part , et quelle
perfection elle y peut encore apporter.
Mais toutes ces Inventions n'étoient connuës
que d'un petit nombre de personnes ; ce que l'Académie
en marque tous les ans dans son Histoire
, n'est qu'une description succinte , et dans
laquelle on a eu dessein principalement d'indile
de la Machine , son usage , et le
nom de l'Auteur , pour lui assurer la gloire de
l'invention ; c'est cette collection que l'on propose
aujourd'hui au Public .
quer genre
M. Gallon ayant demandé à l'Académie la
permission de faire les Desseins et les Descriptions
de toutes les Machines ou Inventions qui
avoient été présentées à cette illustre Compagnie
, l'a obtenue par une Déliberation expresse
des. 21. et 26. Janvier 1729.
Tous les Desseins ont été présentez à Mrs de
Réaumur et de Mairan , Inspecteurs nommez
par
la Déliberation de l'Académie, et ils sont revêtus
de leur Approbation . Les Libraires qui ont
entrepris ce travail , ont fait graver depuis quatre
ans plus de quatre cent Planches , où les Machines
se trouvent assez développées, pour qu'on
puisse les entendre , et même les faire construire,
si on le jugeoit à propos.
εμ
Dans les Machines un peu composées , on a
soin d'ajouter des Plans de differens profils ,
qui les présentent aux yeux de tous les sens .
Les Descriptions sont assez étenduës pour fai$
50 MERCURE DE FRANCE
re connoître chaque Machine, pour en donner la
construction , et pour en indiquer l'usage . On y
a aussi ajoûté le calcul des forces nécessaires ,
pour faire agir ces Machines , et des effets qu'el
les peuvent produire ; mais on l'a fait seulement
à celles qui ont paru en avoir besoin .
M. Godin , de l'Académie des Sciences , a bien
voulu encore d'office et par amitié pour M. Gallon
, prendre la peine de revoir avec lui ces Des
criptions.
Conditions proposées aux Souscripteurs .
Quoiqu'on ait déja proposé la souscription
dans l'Avis distribué aux Souscripteurs de l'ancien
Recueil de l'Académie , il paroît nécessaire
de le faire séparément pour ceux qui n'ont pas
de Recueil et qui ne voudront achepter que la
Collection des Machines .
Cet Ouvrage contiendra six volumes in quarto;
il y aura 420. Planches ou environ avec leurs
Descriptions. Ces volumes seront de même forme
que ceux des Memoires de l'Académie.
Le prix de la Souscription sera de 72. livres ,
dont le premier payement en souscrivant sera de
36. livres , et le second de pareille somme en reeevant
les six volumes , qui seront fournis dans
le courant de la présente année 1734.
On tirera o Exemplaires seulement dudit
Ouvrage en grand papier. Le Prix sera de 60 .
livres en souscrivant , et 60. livres en recevant
l'Exemplaire.
pour le
Ceux qui n'auront pas souscrit , payeront
ordinaire en
papier
feuilles 120. livres ,
et pour le grand papier.200 . livres.
On pourra souscrire à Paris , chez G. Martin
Coignard
MARS 1734.
551
Coignard fils , et Guerin l'aîné , ruë S. Jacques ;
et dans les autres Villes, chez les principaux Libraires
.
Royale des Sciences , depuis son établissement
jusqu'à present . Dessinées et décrites par M.GALLON.
Proposées par Souscription .
AVIS touchant le Recueil des Machines
et Inventions approuvées par l'Académie
Royale des Sciences , gravées en Taille
douce et accompagnées de Descriptions.
Académie Royale des Sciences a toujours
regardé la perfection des Arts comme un des
principaux sujets de son application et de ses recherches.
Elle a par elle-même beaucoup encheri
sur ce que l'on connoissoit auparavant dans ce
genre d'étude ; elle a été secondée de toutes parts
par l'industrie et le travail de plusieurs personnes
ingenieuses, qui l'ont choisie pour Juge d'un
grand nombre de Machines et d'autres Inventions
, dont l'examen demandoit le plus souvent
une fine théorie jointe à une grande connoissanee
des pratiques ordinaires des Arts.
Ол
MARS 1734. 549
On doit souhaiter que cette sorte d'émulation
des choses d'une utilité reconnue ,
pour
continue
dans le Public. Il ne faut que jetter les yeux
sur quesques-uns de nos Arts les plus à portée
de nous , pour être convaincu par les pratiques
actuelles qui y sont en usage , combien la Méchanique
sagement maniée y a de part , et quelle
perfection elle y peut encore apporter.
Mais toutes ces Inventions n'étoient connuës
que d'un petit nombre de personnes ; ce que l'Académie
en marque tous les ans dans son Histoire
, n'est qu'une description succinte , et dans
laquelle on a eu dessein principalement d'indile
de la Machine , son usage , et le
nom de l'Auteur , pour lui assurer la gloire de
l'invention ; c'est cette collection que l'on propose
aujourd'hui au Public .
quer genre
M. Gallon ayant demandé à l'Académie la
permission de faire les Desseins et les Descriptions
de toutes les Machines ou Inventions qui
avoient été présentées à cette illustre Compagnie
, l'a obtenue par une Déliberation expresse
des. 21. et 26. Janvier 1729.
Tous les Desseins ont été présentez à Mrs de
Réaumur et de Mairan , Inspecteurs nommez
par
la Déliberation de l'Académie, et ils sont revêtus
de leur Approbation . Les Libraires qui ont
entrepris ce travail , ont fait graver depuis quatre
ans plus de quatre cent Planches , où les Machines
se trouvent assez développées, pour qu'on
puisse les entendre , et même les faire construire,
si on le jugeoit à propos.
εμ
Dans les Machines un peu composées , on a
soin d'ajouter des Plans de differens profils ,
qui les présentent aux yeux de tous les sens .
Les Descriptions sont assez étenduës pour fai$
50 MERCURE DE FRANCE
re connoître chaque Machine, pour en donner la
construction , et pour en indiquer l'usage . On y
a aussi ajoûté le calcul des forces nécessaires ,
pour faire agir ces Machines , et des effets qu'el
les peuvent produire ; mais on l'a fait seulement
à celles qui ont paru en avoir besoin .
M. Godin , de l'Académie des Sciences , a bien
voulu encore d'office et par amitié pour M. Gallon
, prendre la peine de revoir avec lui ces Des
criptions.
Conditions proposées aux Souscripteurs .
Quoiqu'on ait déja proposé la souscription
dans l'Avis distribué aux Souscripteurs de l'ancien
Recueil de l'Académie , il paroît nécessaire
de le faire séparément pour ceux qui n'ont pas
de Recueil et qui ne voudront achepter que la
Collection des Machines .
Cet Ouvrage contiendra six volumes in quarto;
il y aura 420. Planches ou environ avec leurs
Descriptions. Ces volumes seront de même forme
que ceux des Memoires de l'Académie.
Le prix de la Souscription sera de 72. livres ,
dont le premier payement en souscrivant sera de
36. livres , et le second de pareille somme en reeevant
les six volumes , qui seront fournis dans
le courant de la présente année 1734.
On tirera o Exemplaires seulement dudit
Ouvrage en grand papier. Le Prix sera de 60 .
livres en souscrivant , et 60. livres en recevant
l'Exemplaire.
pour le
Ceux qui n'auront pas souscrit , payeront
ordinaire en
papier
feuilles 120. livres ,
et pour le grand papier.200 . livres.
On pourra souscrire à Paris , chez G. Martin
Coignard
MARS 1734.
551
Coignard fils , et Guerin l'aîné , ruë S. Jacques ;
et dans les autres Villes, chez les principaux Libraires
.
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Résumé : MACHINES approuvées par l'Académie Royale des Sciences, depuis son établissement jusqu'à present. Dessinées et décrites par M. GALLON. Proposées par Souscription. / AVIS touchant le Recueil des Machines et Inventions approuvées par l'Académie Royale des Sciences, gravées en Taille-douce et accompagnées de Descriptions.
Le texte présente un recueil de machines et inventions approuvées par l'Académie Royale des Sciences, compilé par M. Gallon. L'Académie, préoccupée par la perfection des arts, a examiné de nombreuses inventions complexes nécessitant une fine théorie et une grande connaissance pratique. Ces inventions, initialement connues d'un petit nombre de personnes, sont désormais proposées au public sous forme de dessins et descriptions détaillés. M. Gallon a obtenu la permission de l'Académie pour réaliser ces dessins et descriptions, approuvés par les inspecteurs M. de Réaumur et M. de Mairan. Plus de quatre cents planches ont été gravées, permettant de comprendre et de construire les machines. Les descriptions incluent les plans, les usages, les calculs des forces nécessaires et les effets produits. M. Godin de l'Académie a également revu les descriptions. Le recueil, intitulé 'Machines approuvées par l'Académie Royale des Sciences', sera publié en six volumes in-quarto, contenant environ 420 planches avec leurs descriptions. Le prix de la souscription est de 72 livres, payable en deux versements. Des exemplaires en grand papier seront également disponibles à un prix plus élevé. La souscription est ouverte à Paris et dans d'autres villes auprès des principaux libraires.
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21
MACHINES approuvées par l'Académie Royale des Sciences, depuis son établissement jusqu'à present. Dessinées et décrites par M. GALLON. Proposées par Souscription. / AVIS touchant le Recueil des Machines et Inventions approuvées par l'Académie Royale des Sciences, gravées en Taille-douce et accompagnées de Descriptions.
22
p. 1291-1306
DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Début :
Les Sciences ont leurs révolutions aussi bien que les Empires, il est un [...]
Mots clefs :
Charlemagne, Sciences, Discours critique, Génie, Goût, Maîtres, Savants, Langue, Arts, Hommes, Peuples, Esprit, Jeunesse, Nature, Lumières, Conciles, Sang, Esprits, Politesse
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texteReconnaissance textuelle : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
DISCOURS CRITIQUE ,
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
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Résumé : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Le texte 'Discours critique sur l'état des Sciences dans l'étendue de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne' analyse les fluctuations historiques des sciences, comparées aux révolutions des empires. Les sciences connaissent des périodes de floraison et de déclin, influencées par divers facteurs tels que le goût des peuples, le génie et les maximes de chaque époque. Sous Charlemagne, le goût était corrompu et le génie barbare, ce qui a conduit à un état pitoyable des sciences. Les Gaulois, après l'établissement des Goths, des Bourguignons et des Francs, ont adopté des maximes barbares, perdant ainsi leur douceur et leur goût pour les sciences. Les travaux militaires et la mollesse ont contribué à cet assoupissement intellectuel. L'Église, bien que refuge des sciences, était elle-même plongée dans l'ignorance. Les chanoines et les moines, malgré leurs rôles initiaux, étaient devenus oisifs et ne cultivaient plus les sciences. Les beaux-arts, essentiels aux sciences, étaient presque inconnus avant Charlemagne. Charlemagne a tenté de rétablir les sciences en établissant des écoles dans les chapitres et monastères pour enseigner la lecture, la psalmodie, l'écriture, le calcul et la grammaire. Cependant, les langues, instruments des sciences, étaient également corrompues. La langue latine, autrefois noble, était infectée par des expressions teutoniques, rendant difficile l'expression délicate des pensées. Le texte décrit Charlemagne comme un homme exceptionnel, doté d'un génie supérieur, de hardiesse, de fermeté et de pénétration. Bien que son époque ne lui ait pas permis d'acquérir la politesse et le bon goût, il possédait des vertus héroïques telles que la magnanimité, la droiture, la prudence, la bonté et la religion. Maître d'une partie considérable de l'Europe, il était chéri de ses sujets et admiré dans l'univers. Il entreprit de bannir l'ignorance de ses États, une initiative glorieuse mais confrontée à des obstacles dus au mauvais goût des maîtres et des disciples. Pour pallier l'ignorance et la grossièreté, il fit venir des savants de toute l'Europe, notamment Alcuin, un érudit anglo-saxon versé dans de nombreuses disciplines. Alcuin inspira l'amour des lettres à la cour et dans toute la France, mais son œuvre resta imparfaite en raison du mauvais goût de son siècle. Après avoir suivi la cour, Alcuin se retira à Tours où il continua à former des élèves, contribuant ainsi à la renaissance des sciences dans l'Empire franc. Le texte mentionne également l'établissement d'écoles dans divers monastères et diocèses, conformément aux statuts des conciles provinciaux et aux capitulaires de Charlemagne, marquant le début d'une nouvelle ère pour les sciences dans la monarchie franque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 31-44
FRAGMENT D'un Ouvrage de M. de Marivaux, qui a pour titre : Réflexions sur l'esprit humain, à l'occasion de Corneille & de Racine.
Début :
Il y a deux sortes de grands hommes à qui l'humanité doit ses connoissances & [...]
Mots clefs :
Corneille, Racine, Science, Sciences, Esprit, Esprit humain, Beaux esprits, Génie, Savoir, Société, Vérité, Hommes
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texteReconnaissance textuelle : FRAGMENT D'un Ouvrage de M. de Marivaux, qui a pour titre : Réflexions sur l'esprit humain, à l'occasion de Corneille & de Racine.
FRAGMENT
D'un Ouvrage de M. de Marivaux ,
qui a pour titre : Réflexions fur
l'efprit humain , à l'occafion de
Corneille & de Racine.
L
Il y
a deux fortes de grands hommes à
qui l'humanité doit fes connoiffances &
fes moeurs , & fans qui le paffage de tant
de conquérans auroit condamné la terre
à refter ignorante & féroce : deux fortes
de grands hommes , qu'on peut appeller les
bienfaicteurs du monde , & les répara
teurs de fes vraies pertes.
J'entends par les uns , ces hommes immortels
qui ont pénétré dans la connoiffance
de la vérité , & dont les erreurs mê
me ont fouvent conduit à la lumiere. Ces
Philofophes , tant ceux de l'antiquité dont
les noms font affez connus , que ceux de
notre âge , tels que Defcartes , Newton ,
Mallebranche , Locke , &c .
J'entends par les autres , ces grands génies
qu'on appelle quelquefois beaux efprits
; ces critiques férieux ou badins de
ce que nous fommes ; ces peintres fubli-
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
-
mes des grandeurs & des miferes de l'ame
humaine , & qui même en nous inftruifant
dans leurs ouvrages , nous perfuadent à
force de plaifir , qu'ils n'ont pour objet
que de nous plaire , & de charmer notre
loifir ; & je mets Corneille & Racine parmi
ce qu'il y a de plus refpectable dans
l'ordre de ceux- ci , fans parler de ceux de
nos jours , qu'il n'eft pas tems de nommer
en public , que la postérité dédommagera
du filence qu'il faut qu'on obſerve
aujourd'hui fur eux , & dont l'envie contemporaine
qui les loue à fa maniere , les
dédommage dès à préfent en s'irritant contre
eux.
Communément dans le monde , ce n'eſt
qu'avec une extrême admiration qu'on
parle de ceux que je nomme Philofophes ;
on va jufqu'à la vénération pour eux , &
c'eſt un hommage qui leur eft dû .
On ne va pas fi loin pour ces génies
entre lefquels j'ai compté Corneille &
Racine ; on leur donne cependant de trèsgrands
éloges : on a même auffi de l'admiration
pour eux , mais une admiration
bien moins férieuſe , bien plus familiere
qui les honore beaucoup moins que celle
dont on eft pénétré pour les Philofophes.
Et ce n'eft pas là leur rendre juftice ;
s'il n'y avoit que la raifon qui fe mêlât de
AVRIL. 1755 33
nos jugemens , elle defavoueroit cette inégalité
de ppaarrttaaggee qquuee les Philofophes même
, tout Philofophes qu'ils font , ne rejettent
pas , qu'il leur fiéroit pourtant
de rejetter , & qu'on ne peut attribuer
qu'à l'ignorance du commun des hommes.
Ces hommes , en général , ne cultivent
pas les fciences , ils n'en connoiffent que
le nom qui leur en impofe , & leur imagination
, refpectueufement étonnée des
grandes matieres qu'elles traitent , acheve
de leur tendre ces matieres encore plus
inacceffibles .
De là vient qu'ils regardent les Philofophes
comme des intelligences qui ont
approfondi des myfteres , & à qui feuls
il appartient de nous donner le merveil
leux fpectacle des forces & de la dignité
de l'efprit humain .
A l'égard des autres grands génies ,
pourquoi les met - on dans un ordre inférieur
pourquoi n'a- t-on pas la même
idée de la capacité dont ils ont befoin ?
'C'eft que leurs ouvrages ne font une
énigme pour perfonne ; c'eft que le fujet
fur lequel ils travaillent
, a le défaut d'être
à la portée de tous les hommes.
Il ne s'y agit que de nous , c'est -à - dire
de l'ame humaine que nous connoiffons
Bv .
34
MERCURE
DE FRANCE
.
tant par le moyen de la nôtre , qui nous
explique celle des autres .
Toutes les ames , depuis la plus foible
jufqu'à la plus forte , depuis la plus vile
jufqu'à la plus noble ; toutes les ames ont
une reffemblance générale : il y a de tout
dans chacune d'elles , nous avons tous des
commencemens de ce qui nous manque ,
par où nous fommes plus ou moins en
état de fentir & d'entendre les différences
qui nous diftinguent .
Et c'est là ce qui nous procurant quelques
lumieres communes avec les génies
dont je parle , nous mene à penfer que
leur fcience n'eft pas un grand myftere ,
& n'eft dans le fond que la fcience de
tout le monde.
Il eft vrai qu'on n'a pas comme eux l'heureux
talent d'écrire ce qu'on fçait ; mais à
ce talent près , qui n'eft qu'une maniere
d'avoir de l'efprit , rien n'empêche qu'on
n'en fçache autant qu'eux ; & on voit combien
ils perdent à cette opinion- là .
Auffi tout lecteur ou tout fpectateur ,
avant qu'il les admire , commence- t- il par
être leur juge , & prefque toujours leur
critique ; & de pareilles fonctions ne difpofent
pas l'admirateur à bien fentir la
fupériorité qu'ils ont fur lui ; il a fait trop
de comparaiſon avec eux pour être fort
A V RIL. 1755. 35
étonné de ce qu'ils valent. Et d'ailleurs
de quoi les loue- t- il ? ce n'eſt pas de l'inftruction
qu'il en tire , elle paffe en lui fans
qu'il s'en apperçoive ; c'eft de l'extrême
plaifir qu'ils lui font , & il eft fûr que
ce plaifir là leur nuit encore , ils en paroiffent
moins importans ; il n'y a point
affez de dignité à plaire : c'eft bien le
mérite le plus aimable , mais en général ,
ce n'eft pas le plus honoré.
On voit même des gens qui tiennent
au- deffons d'eux de s'occuper d'un ouvrage
d'efprit qui plaît ; c'eft à cette marque
là qu'ils le dédaignent comme frivole ,
& nos grands hommes pourroient bien devoir
à tout ce que je viens de dire , le titre
familier , & fouvent moqueur , de beaux
efprits , qu'on leur donne pendant qu'ils
vivent , qui , à la vérité , s'annoblit beaucoup
quand ils ne font plus , & qui d'ordinaire
fe convertit en celui de grands
génies , qu'on ne leur difpute pas alors.
Non qu'ils ayent enrichi le monde d'aucune
découverte , ce n'eft pas là ce qu'on
entend les belles chofes qu'ils nous difent
ne nous frappent pas même comme
nouvelles ; on croit toujours les reconnoître
, on les avoit déja entrevues , mais
jufqu'à eux on en étoit refté là , & jamais
on ne les avoit vûes d'affez près , ni affez
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
fixément pour pouvoir les dire ; eux feuls
ont fçu les faifir & les exprimer avec ane
vérité qui nous pénétre , & les ont rendues
conformément aux expériences les plus
intimes de notre ame : ce qui fait un accident
bien neuf & bien original . Voilà
ce qu'on leur attribue .
Ainfi ils ne font fublimes que d'après
nous qui le fommes foncierement autant
qu'eux , & c'eft dans leur fublimité que
nous nous imaginons contempler la nôtre.
Ainfi ils ne nous apprennent rien de nous
qui nous foit inconnu ; mais le portrait le
plus frappant qu'on nous ait donné de ce
que nous fommes , celui où nous voyons le
mieux combien nous fommes grands dans
nos vertus , terribles dans nos paſſions ,
celui où nous avons l'honneur de démêler
nos foibleſſes avec la fagacité la plus fine ,
& par conféquent la plus confolante ; celui
où nous nous fentons le plus fuperbement
étonnés de l'audace , & du courage
, de la fierté , de la fageffe , j'ofe
dire auffi de la redoutable iniquité dont
nous fommes capables ( car cette iniquité ,
même en nous faifant frémir , nous entretient
encore de nos forces ) ; enfin le portrait
qui nous peint le mieux l'importance
& la fingularité de cet être qu'on appelle
homme , & qui eft chacun de nous , c'eſt
AVRIL.' 1755 .
37
deux à qui nous le devons.
Ce font eux , à notre avis , qui nous
avertiffent de tout l'efprit qui eft en nous ,
qui y repofoit à notre infçu , & qui eft
une fecrette acquifition de lumiere & de
fentiment que nous croyons avoir faite ,
& dont nous ne jouiffons qu'avec eux ;
voilà ce que nous en penfons.
De forte que ce n'eft pas précisément
leur efprit qui nous furprend, c'eft l'induftrie
qu'ils ont de nous rappeller le nôtre
; voilà en quoi ils nous charment.
C'est-à-dire que nous les chériffons
parce qu'ils nous vantent , ou que nous
les admirons parce qu'ils nous valent ; au
lieu que nous refpectons les Philofophes
parce qu'ils nous humilient.
Et je n'attaque point ce refpect là , qui
n'eſt d'ailleurs fi humiliant qu'il le pa
pas.
roît.
Ce n'eft pas précisément devant les
Philofophes que nous nous humilions , ilne
faut pas qu'ils l'entendent ainfi ; c'eft
à l'efprit humain , dont chacun de nous a
fa portion , que nous entendons rendre
hommage.
Nous reffemblons à ces cadets qui ;
quoique réduits à une légitime , s'enorgueilliffent
pourtant dans leurs aînés de la
grandeur & des richeffes de leur maison.
38 MERCURE DE FRANCE.
Mais les autres grands génies font- ils
moins dans ce fens nos aînés que les Philofophes
& pour quitter toute comparaifon
, font- ils en effet partagés d'une capacité
de moindre valeur , ou d'une efpéce
inférieure ?
Nous le croyons , j'ai déja dit en paffant
ce qui nous mène à le croire ; ne ferionsnous
pas dans l'erreur ? il y a des choſes
qui ont un air de vérité , mais qui n'en
ont que l'air , & il fe pourroit bien que
nous fiffions injure au don d'efprit peutêtre
le plus rare , au genre de penfée qui
caractériſe le plus un être intelligent.
Je doute du moins que le vrai Philofophe
, & je ne parle pas du pur Géometre
ou du fimple Mathématicien , mais de
l'homme qui penfe , de l'homme capable
de mefurer la fublimité de ces deux différens
ordres d'efprit ; je doute que cet homme
fût de notre fentiment .
Au défaut des réflexions qu'il feroit
là - deffus , tenons- nous en à celles que le
plus fimple bon fens
dicter , & que je
vais rapporter , après avoir encore une fois
établi bien exactement la.queftion.
peut
Une ſcience , je dis celle de nos grands
génies , où nous fommes tous , difonsnous
, plus ou moins initiés , qui n'eft une
énigme pour perfonne , pas même dans fes
A V RI- L. ∙1755 .
39
>
profondeurs qu'on ne nous apprend point ,
qu'on ne fait que nous rappeller comme
fublimes , quand on nous les préfente , &
jamais comme inconnues ; une fcience , au
moyen de laquelle on peut bien nous charmer
mais non pas nous inftruire ; une
fcience qu'on apprend fans qu'on y penſe ,
fans qu'on fçache qu'on l'étudie , ne le cede-
t- elle pas à des fciences fi difficiles , que
le commun des hommes eft réduit à n'en
connoître que le nom , qui donnent à ceux
qui les fçavent , des connoiffances d'une
utilité admirable ; à des fciences apparemment
plus étrangeres à l'efprit humain en
général , puifqu'il faut expreffément & péniblement
les apprendre pour les fçavoir ,
& que peu de gens , après une étude même
affidue , y font du progrès ?
Voilà des objections qui paroiffent fortes
, & c'eſt leur force apparente qui fait
qu'on s'y repofe , & qu'on s'y fie.
Tâchons d'en démêler la valeur.
Le vrai Philofophe dont je parlois toutà-
l'heure , ne voudroit pas qu'on s'y trompât
même en fa faveur : une impoſture de
notre imagination , fi ce que nous penfons
en eft une , n'eft pas digne de lui,
A l'égard de ces hommes qui nous abandonneroient
volontiers à notre illufion làdeffus
, pour profiter de l'injufte & faux
40 MERCURE DE FRANCE.
honneur qu'elle leur feroit , ils ne méri
tent pas qu'on les ménage examinons
donc.
La fcience du coeur humain , qui eft
celle des grands génies , appellés d'abord
beaux efprits , n'eft , dit -on , une énigme
pour perfonne ; tout le monde l'entend
& qui plus eft , on l'apprend fans qu'on y
penſe d'accord. :
Mais de ce qu'il nous eft plus aifé de
l'apprendre que les autres fciences , en
doit-on conclure qu'elle eft par elle-même
moins difficile ou moins profonde que ces
autres fciences ? non , & c'eft ici où eft le
fophifme.
Car cette facilité que nous trouvons
a
l'apprendre
plus ou moins , & qui nous
diffimule fa profondeur
, ne vient point de
fa nature , mais bien de la nature de la
fociété que nous avons enfemble
.
Ce n'eft pas que cette fcience foit effectivement
plus aifée que les autres , c'eſt la
maniere dont nous l'apprenons , qui nous
la fait paroître telle , comme nous le verrons
dans un moment .
D'un autre côté , il faut étudier trèsexpreffément
& très- péniblement les autres
fciences , pour les fçavoir ; d'accord auffi .
Mais ce n'eft pas non plus qu'à force de
profondeur elles ayent par elles-mêmes le
AVRIL. 1755. 41
·
privilege particulier , & comme excluff ,
d'être plus difficiles que la fcience de nos
grands génies . C'eft encore la nature de
notre fociété qui produit cette difficulté
accidentelle , & le travail folitaire & affidu
qu'elles exigent ; on pourroit les acquerir
à moins de frais.
En un mot , c'eſt cette fociété qui nous
oblige à de très-grands efforts pour les fçavoir
, & qui ne nous ouvre point d'autre
voie.
C'eft auffi cette fociété qui nous difpen
fe de ces mêmes efforts pour fçavoir l'autre,
& je vais m'expliquer.
Figurons- nous une fcience d'une pratique
fi urgente , qu'il faut abfolument que
tout homme , quel qu'il foit , la fçache
plus ou moins & de très- bonne heure , fous
peine de ne pouvoir être admis à ce concours
d'intérêts , de relations , & de befoins
réciproques qui nous uniffent les uns & les
autres.
Mais en même tems figurons - nous une
fcience que par bonheur tous les hommes
apprennent inévitablement entr'eux.
Telle eft la fcience du coeur humain ,
celle des grands hommes dont il eft queftion
.
D'une part , la néceffité abfolue de la
fçavoir ; de l'autre , la continuité inévita42
MERCURE DE FRANCE.
ble des leçons qu'on en reçoit de toutes
parts , font qu'elle ne fçauroit refter une
énigme pour perſonne.
Comment , en effet , feroit - il poffible
qu'on ne la fçût pas plus ou moins.
Ce n'eft pas dans les livres qu'on l'apprend
, c'eft elle au contraire qui nous
explique les livres , & qui nous met en
état d'en profiter ; il faut d'avance la fçavoir
un peu pour les entendre .
pour vous en
Elle n'a pas non plus fes profeffeurs à
part , à peine fuffiroient - ils
donner la plus légere idée , & rien de ce
que je dis là n'en feroit une connoiffance
inévitable . C'eft la fociété , c'est toute l'humanité
même qui en tient la feule école
qui foit convenable , école toujours ouverte
, où tout homme étudie les autres ,
& en eft étudié à fon tour ; où tout homme
eſt tour à tour écolier & maître.
Cette fcience réfide dans le commerce
que nous avons tous , & fans exception ;
enfemble.
Nous en commençons l'infenfible & continuelle
étude prefqu'en voyant le jour.
t
Nous vivons avec les fujets de la fcience
, avec les hommes qui ne traitent que
d'elle , avec leurs paffions , qui l'enfeignent
aux nôtres , & qui même en nous
trompant nous l'enfeignent encore ; car c'eſt
AVRIL. 1755. 43
une inftruction de plus que d'y avoir été
trompé il n'y a rien à cet égard là de
perdu avec les hommes.
Voilà donc tout citoyen du monde , né
avec le fens commun , le plus fimple & le
plus médiocre ; le voilà prefque dans l'impoffibilité
d'ignorer totalement la fcience
dont il eft queſtion , puifqu'il en reçoit
des leçons continuelles , puifqu'elles le
pourfuivent , & qu'il ne peut les fuir.
Ce n'eft pas là tout , c'eft qu'à l'impoffibilité
comme infurmontable de ne pas
s'inftruire plus ou moins de cette fcience
qui n'eft que la connoiffance des hommes ,
fe joint pour lui une autre caufe d'inftruc
tion
que je crois encore plus fure , & c'eſt
une néceffité abfolue d'être attentif aux leçons
qu'on lui en donne .
Car où pourroit être fa place ? & que
deviendroit-il dans cette humanité affemblée
, s'il n'y pouvoit ni conquérir ni correfpondre
à rien de ce qui s'y paffe , s'il
n'entendoit rien aux moeurs de l'ame humaine
, ni à tant d'intérêts férieux ou frivoles
, généraux ou particuliers qui , tour
à tour , nous uniffent ou nous divifent ?
Que deviendroit- il fi faute de ces notions
de fentiment que nous prenons entre
nous & qui nous dirigent , fi dans l'ignorance
de ce qui nuit ou de ce qui fert
44 MERCURE DE FRANCE.
dans le monde , & fi par conféquent ex
pofé par là à n'agir prefque jamais qu'à
contre- fens , il alloit miferablement heurtant
tous les efprits , comme un aveugle
va heurtant tous les corps.
Il faut donc néceffairement qu'il con
noiffe les hommes , il ne fçauroit fe foute
tenir parmi eux qu'à cette condition là.
Il y va de tour pour lui d'être à certain
point au fait de ce qu'ils font pour ſçavoir
y accommoder ce qu'il eft , pour ju→
ger d'eux , finon finement , du moins au
dégré fuffifant de jufteffe qui convient à
fon état , & à la forte de liaifon ordinaire
ou fortuite qu'il a avec eux.
•
Ily ya toujours de fa fortune , toujours
de fon repos , fouvent de fon honneur
quelquefois de ſa vie ; quelquefois du re-
'pos , de l'honneur , de la fortune & de la
vie des autres.
D'un Ouvrage de M. de Marivaux ,
qui a pour titre : Réflexions fur
l'efprit humain , à l'occafion de
Corneille & de Racine.
L
Il y
a deux fortes de grands hommes à
qui l'humanité doit fes connoiffances &
fes moeurs , & fans qui le paffage de tant
de conquérans auroit condamné la terre
à refter ignorante & féroce : deux fortes
de grands hommes , qu'on peut appeller les
bienfaicteurs du monde , & les répara
teurs de fes vraies pertes.
J'entends par les uns , ces hommes immortels
qui ont pénétré dans la connoiffance
de la vérité , & dont les erreurs mê
me ont fouvent conduit à la lumiere. Ces
Philofophes , tant ceux de l'antiquité dont
les noms font affez connus , que ceux de
notre âge , tels que Defcartes , Newton ,
Mallebranche , Locke , &c .
J'entends par les autres , ces grands génies
qu'on appelle quelquefois beaux efprits
; ces critiques férieux ou badins de
ce que nous fommes ; ces peintres fubli-
Biv
32 MERCURE DE FRANCE.
-
mes des grandeurs & des miferes de l'ame
humaine , & qui même en nous inftruifant
dans leurs ouvrages , nous perfuadent à
force de plaifir , qu'ils n'ont pour objet
que de nous plaire , & de charmer notre
loifir ; & je mets Corneille & Racine parmi
ce qu'il y a de plus refpectable dans
l'ordre de ceux- ci , fans parler de ceux de
nos jours , qu'il n'eft pas tems de nommer
en public , que la postérité dédommagera
du filence qu'il faut qu'on obſerve
aujourd'hui fur eux , & dont l'envie contemporaine
qui les loue à fa maniere , les
dédommage dès à préfent en s'irritant contre
eux.
Communément dans le monde , ce n'eſt
qu'avec une extrême admiration qu'on
parle de ceux que je nomme Philofophes ;
on va jufqu'à la vénération pour eux , &
c'eſt un hommage qui leur eft dû .
On ne va pas fi loin pour ces génies
entre lefquels j'ai compté Corneille &
Racine ; on leur donne cependant de trèsgrands
éloges : on a même auffi de l'admiration
pour eux , mais une admiration
bien moins férieuſe , bien plus familiere
qui les honore beaucoup moins que celle
dont on eft pénétré pour les Philofophes.
Et ce n'eft pas là leur rendre juftice ;
s'il n'y avoit que la raifon qui fe mêlât de
AVRIL. 1755 33
nos jugemens , elle defavoueroit cette inégalité
de ppaarrttaaggee qquuee les Philofophes même
, tout Philofophes qu'ils font , ne rejettent
pas , qu'il leur fiéroit pourtant
de rejetter , & qu'on ne peut attribuer
qu'à l'ignorance du commun des hommes.
Ces hommes , en général , ne cultivent
pas les fciences , ils n'en connoiffent que
le nom qui leur en impofe , & leur imagination
, refpectueufement étonnée des
grandes matieres qu'elles traitent , acheve
de leur tendre ces matieres encore plus
inacceffibles .
De là vient qu'ils regardent les Philofophes
comme des intelligences qui ont
approfondi des myfteres , & à qui feuls
il appartient de nous donner le merveil
leux fpectacle des forces & de la dignité
de l'efprit humain .
A l'égard des autres grands génies ,
pourquoi les met - on dans un ordre inférieur
pourquoi n'a- t-on pas la même
idée de la capacité dont ils ont befoin ?
'C'eft que leurs ouvrages ne font une
énigme pour perfonne ; c'eft que le fujet
fur lequel ils travaillent
, a le défaut d'être
à la portée de tous les hommes.
Il ne s'y agit que de nous , c'est -à - dire
de l'ame humaine que nous connoiffons
Bv .
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MERCURE
DE FRANCE
.
tant par le moyen de la nôtre , qui nous
explique celle des autres .
Toutes les ames , depuis la plus foible
jufqu'à la plus forte , depuis la plus vile
jufqu'à la plus noble ; toutes les ames ont
une reffemblance générale : il y a de tout
dans chacune d'elles , nous avons tous des
commencemens de ce qui nous manque ,
par où nous fommes plus ou moins en
état de fentir & d'entendre les différences
qui nous diftinguent .
Et c'est là ce qui nous procurant quelques
lumieres communes avec les génies
dont je parle , nous mene à penfer que
leur fcience n'eft pas un grand myftere ,
& n'eft dans le fond que la fcience de
tout le monde.
Il eft vrai qu'on n'a pas comme eux l'heureux
talent d'écrire ce qu'on fçait ; mais à
ce talent près , qui n'eft qu'une maniere
d'avoir de l'efprit , rien n'empêche qu'on
n'en fçache autant qu'eux ; & on voit combien
ils perdent à cette opinion- là .
Auffi tout lecteur ou tout fpectateur ,
avant qu'il les admire , commence- t- il par
être leur juge , & prefque toujours leur
critique ; & de pareilles fonctions ne difpofent
pas l'admirateur à bien fentir la
fupériorité qu'ils ont fur lui ; il a fait trop
de comparaiſon avec eux pour être fort
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étonné de ce qu'ils valent. Et d'ailleurs
de quoi les loue- t- il ? ce n'eſt pas de l'inftruction
qu'il en tire , elle paffe en lui fans
qu'il s'en apperçoive ; c'eft de l'extrême
plaifir qu'ils lui font , & il eft fûr que
ce plaifir là leur nuit encore , ils en paroiffent
moins importans ; il n'y a point
affez de dignité à plaire : c'eft bien le
mérite le plus aimable , mais en général ,
ce n'eft pas le plus honoré.
On voit même des gens qui tiennent
au- deffons d'eux de s'occuper d'un ouvrage
d'efprit qui plaît ; c'eft à cette marque
là qu'ils le dédaignent comme frivole ,
& nos grands hommes pourroient bien devoir
à tout ce que je viens de dire , le titre
familier , & fouvent moqueur , de beaux
efprits , qu'on leur donne pendant qu'ils
vivent , qui , à la vérité , s'annoblit beaucoup
quand ils ne font plus , & qui d'ordinaire
fe convertit en celui de grands
génies , qu'on ne leur difpute pas alors.
Non qu'ils ayent enrichi le monde d'aucune
découverte , ce n'eft pas là ce qu'on
entend les belles chofes qu'ils nous difent
ne nous frappent pas même comme
nouvelles ; on croit toujours les reconnoître
, on les avoit déja entrevues , mais
jufqu'à eux on en étoit refté là , & jamais
on ne les avoit vûes d'affez près , ni affez
B vj
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fixément pour pouvoir les dire ; eux feuls
ont fçu les faifir & les exprimer avec ane
vérité qui nous pénétre , & les ont rendues
conformément aux expériences les plus
intimes de notre ame : ce qui fait un accident
bien neuf & bien original . Voilà
ce qu'on leur attribue .
Ainfi ils ne font fublimes que d'après
nous qui le fommes foncierement autant
qu'eux , & c'eft dans leur fublimité que
nous nous imaginons contempler la nôtre.
Ainfi ils ne nous apprennent rien de nous
qui nous foit inconnu ; mais le portrait le
plus frappant qu'on nous ait donné de ce
que nous fommes , celui où nous voyons le
mieux combien nous fommes grands dans
nos vertus , terribles dans nos paſſions ,
celui où nous avons l'honneur de démêler
nos foibleſſes avec la fagacité la plus fine ,
& par conféquent la plus confolante ; celui
où nous nous fentons le plus fuperbement
étonnés de l'audace , & du courage
, de la fierté , de la fageffe , j'ofe
dire auffi de la redoutable iniquité dont
nous fommes capables ( car cette iniquité ,
même en nous faifant frémir , nous entretient
encore de nos forces ) ; enfin le portrait
qui nous peint le mieux l'importance
& la fingularité de cet être qu'on appelle
homme , & qui eft chacun de nous , c'eſt
AVRIL.' 1755 .
37
deux à qui nous le devons.
Ce font eux , à notre avis , qui nous
avertiffent de tout l'efprit qui eft en nous ,
qui y repofoit à notre infçu , & qui eft
une fecrette acquifition de lumiere & de
fentiment que nous croyons avoir faite ,
& dont nous ne jouiffons qu'avec eux ;
voilà ce que nous en penfons.
De forte que ce n'eft pas précisément
leur efprit qui nous furprend, c'eft l'induftrie
qu'ils ont de nous rappeller le nôtre
; voilà en quoi ils nous charment.
C'est-à-dire que nous les chériffons
parce qu'ils nous vantent , ou que nous
les admirons parce qu'ils nous valent ; au
lieu que nous refpectons les Philofophes
parce qu'ils nous humilient.
Et je n'attaque point ce refpect là , qui
n'eſt d'ailleurs fi humiliant qu'il le pa
pas.
roît.
Ce n'eft pas précisément devant les
Philofophes que nous nous humilions , ilne
faut pas qu'ils l'entendent ainfi ; c'eft
à l'efprit humain , dont chacun de nous a
fa portion , que nous entendons rendre
hommage.
Nous reffemblons à ces cadets qui ;
quoique réduits à une légitime , s'enorgueilliffent
pourtant dans leurs aînés de la
grandeur & des richeffes de leur maison.
38 MERCURE DE FRANCE.
Mais les autres grands génies font- ils
moins dans ce fens nos aînés que les Philofophes
& pour quitter toute comparaifon
, font- ils en effet partagés d'une capacité
de moindre valeur , ou d'une efpéce
inférieure ?
Nous le croyons , j'ai déja dit en paffant
ce qui nous mène à le croire ; ne ferionsnous
pas dans l'erreur ? il y a des choſes
qui ont un air de vérité , mais qui n'en
ont que l'air , & il fe pourroit bien que
nous fiffions injure au don d'efprit peutêtre
le plus rare , au genre de penfée qui
caractériſe le plus un être intelligent.
Je doute du moins que le vrai Philofophe
, & je ne parle pas du pur Géometre
ou du fimple Mathématicien , mais de
l'homme qui penfe , de l'homme capable
de mefurer la fublimité de ces deux différens
ordres d'efprit ; je doute que cet homme
fût de notre fentiment .
Au défaut des réflexions qu'il feroit
là - deffus , tenons- nous en à celles que le
plus fimple bon fens
dicter , & que je
vais rapporter , après avoir encore une fois
établi bien exactement la.queftion.
peut
Une ſcience , je dis celle de nos grands
génies , où nous fommes tous , difonsnous
, plus ou moins initiés , qui n'eft une
énigme pour perfonne , pas même dans fes
A V RI- L. ∙1755 .
39
>
profondeurs qu'on ne nous apprend point ,
qu'on ne fait que nous rappeller comme
fublimes , quand on nous les préfente , &
jamais comme inconnues ; une fcience , au
moyen de laquelle on peut bien nous charmer
mais non pas nous inftruire ; une
fcience qu'on apprend fans qu'on y penſe ,
fans qu'on fçache qu'on l'étudie , ne le cede-
t- elle pas à des fciences fi difficiles , que
le commun des hommes eft réduit à n'en
connoître que le nom , qui donnent à ceux
qui les fçavent , des connoiffances d'une
utilité admirable ; à des fciences apparemment
plus étrangeres à l'efprit humain en
général , puifqu'il faut expreffément & péniblement
les apprendre pour les fçavoir ,
& que peu de gens , après une étude même
affidue , y font du progrès ?
Voilà des objections qui paroiffent fortes
, & c'eſt leur force apparente qui fait
qu'on s'y repofe , & qu'on s'y fie.
Tâchons d'en démêler la valeur.
Le vrai Philofophe dont je parlois toutà-
l'heure , ne voudroit pas qu'on s'y trompât
même en fa faveur : une impoſture de
notre imagination , fi ce que nous penfons
en eft une , n'eft pas digne de lui,
A l'égard de ces hommes qui nous abandonneroient
volontiers à notre illufion làdeffus
, pour profiter de l'injufte & faux
40 MERCURE DE FRANCE.
honneur qu'elle leur feroit , ils ne méri
tent pas qu'on les ménage examinons
donc.
La fcience du coeur humain , qui eft
celle des grands génies , appellés d'abord
beaux efprits , n'eft , dit -on , une énigme
pour perfonne ; tout le monde l'entend
& qui plus eft , on l'apprend fans qu'on y
penſe d'accord. :
Mais de ce qu'il nous eft plus aifé de
l'apprendre que les autres fciences , en
doit-on conclure qu'elle eft par elle-même
moins difficile ou moins profonde que ces
autres fciences ? non , & c'eft ici où eft le
fophifme.
Car cette facilité que nous trouvons
a
l'apprendre
plus ou moins , & qui nous
diffimule fa profondeur
, ne vient point de
fa nature , mais bien de la nature de la
fociété que nous avons enfemble
.
Ce n'eft pas que cette fcience foit effectivement
plus aifée que les autres , c'eſt la
maniere dont nous l'apprenons , qui nous
la fait paroître telle , comme nous le verrons
dans un moment .
D'un autre côté , il faut étudier trèsexpreffément
& très- péniblement les autres
fciences , pour les fçavoir ; d'accord auffi .
Mais ce n'eft pas non plus qu'à force de
profondeur elles ayent par elles-mêmes le
AVRIL. 1755. 41
·
privilege particulier , & comme excluff ,
d'être plus difficiles que la fcience de nos
grands génies . C'eft encore la nature de
notre fociété qui produit cette difficulté
accidentelle , & le travail folitaire & affidu
qu'elles exigent ; on pourroit les acquerir
à moins de frais.
En un mot , c'eſt cette fociété qui nous
oblige à de très-grands efforts pour les fçavoir
, & qui ne nous ouvre point d'autre
voie.
C'eft auffi cette fociété qui nous difpen
fe de ces mêmes efforts pour fçavoir l'autre,
& je vais m'expliquer.
Figurons- nous une fcience d'une pratique
fi urgente , qu'il faut abfolument que
tout homme , quel qu'il foit , la fçache
plus ou moins & de très- bonne heure , fous
peine de ne pouvoir être admis à ce concours
d'intérêts , de relations , & de befoins
réciproques qui nous uniffent les uns & les
autres.
Mais en même tems figurons - nous une
fcience que par bonheur tous les hommes
apprennent inévitablement entr'eux.
Telle eft la fcience du coeur humain ,
celle des grands hommes dont il eft queftion
.
D'une part , la néceffité abfolue de la
fçavoir ; de l'autre , la continuité inévita42
MERCURE DE FRANCE.
ble des leçons qu'on en reçoit de toutes
parts , font qu'elle ne fçauroit refter une
énigme pour perſonne.
Comment , en effet , feroit - il poffible
qu'on ne la fçût pas plus ou moins.
Ce n'eft pas dans les livres qu'on l'apprend
, c'eft elle au contraire qui nous
explique les livres , & qui nous met en
état d'en profiter ; il faut d'avance la fçavoir
un peu pour les entendre .
pour vous en
Elle n'a pas non plus fes profeffeurs à
part , à peine fuffiroient - ils
donner la plus légere idée , & rien de ce
que je dis là n'en feroit une connoiffance
inévitable . C'eft la fociété , c'est toute l'humanité
même qui en tient la feule école
qui foit convenable , école toujours ouverte
, où tout homme étudie les autres ,
& en eft étudié à fon tour ; où tout homme
eſt tour à tour écolier & maître.
Cette fcience réfide dans le commerce
que nous avons tous , & fans exception ;
enfemble.
Nous en commençons l'infenfible & continuelle
étude prefqu'en voyant le jour.
t
Nous vivons avec les fujets de la fcience
, avec les hommes qui ne traitent que
d'elle , avec leurs paffions , qui l'enfeignent
aux nôtres , & qui même en nous
trompant nous l'enfeignent encore ; car c'eſt
AVRIL. 1755. 43
une inftruction de plus que d'y avoir été
trompé il n'y a rien à cet égard là de
perdu avec les hommes.
Voilà donc tout citoyen du monde , né
avec le fens commun , le plus fimple & le
plus médiocre ; le voilà prefque dans l'impoffibilité
d'ignorer totalement la fcience
dont il eft queſtion , puifqu'il en reçoit
des leçons continuelles , puifqu'elles le
pourfuivent , & qu'il ne peut les fuir.
Ce n'eft pas là tout , c'eft qu'à l'impoffibilité
comme infurmontable de ne pas
s'inftruire plus ou moins de cette fcience
qui n'eft que la connoiffance des hommes ,
fe joint pour lui une autre caufe d'inftruc
tion
que je crois encore plus fure , & c'eſt
une néceffité abfolue d'être attentif aux leçons
qu'on lui en donne .
Car où pourroit être fa place ? & que
deviendroit-il dans cette humanité affemblée
, s'il n'y pouvoit ni conquérir ni correfpondre
à rien de ce qui s'y paffe , s'il
n'entendoit rien aux moeurs de l'ame humaine
, ni à tant d'intérêts férieux ou frivoles
, généraux ou particuliers qui , tour
à tour , nous uniffent ou nous divifent ?
Que deviendroit- il fi faute de ces notions
de fentiment que nous prenons entre
nous & qui nous dirigent , fi dans l'ignorance
de ce qui nuit ou de ce qui fert
44 MERCURE DE FRANCE.
dans le monde , & fi par conféquent ex
pofé par là à n'agir prefque jamais qu'à
contre- fens , il alloit miferablement heurtant
tous les efprits , comme un aveugle
va heurtant tous les corps.
Il faut donc néceffairement qu'il con
noiffe les hommes , il ne fçauroit fe foute
tenir parmi eux qu'à cette condition là.
Il y va de tour pour lui d'être à certain
point au fait de ce qu'ils font pour ſçavoir
y accommoder ce qu'il eft , pour ju→
ger d'eux , finon finement , du moins au
dégré fuffifant de jufteffe qui convient à
fon état , & à la forte de liaifon ordinaire
ou fortuite qu'il a avec eux.
•
Ily ya toujours de fa fortune , toujours
de fon repos , fouvent de fon honneur
quelquefois de ſa vie ; quelquefois du re-
'pos , de l'honneur , de la fortune & de la
vie des autres.
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Résumé : FRAGMENT D'un Ouvrage de M. de Marivaux, qui a pour titre : Réflexions sur l'esprit humain, à l'occasion de Corneille & de Racine.
Dans son ouvrage 'Réflexions sur l'esprit humain, à l'occasion de Corneille et de Racine', Marivaux distingue deux catégories de grands hommes ayant contribué aux connaissances et aux mœurs humaines : les philosophes et les génies littéraires. Les philosophes, tels que Descartes, Newton, Malebranche et Locke, sont admirés pour leurs contributions intellectuelles et leurs découvertes de la vérité, même si leurs erreurs ont parfois conduit à la lumière. Les génies littéraires, que Marivaux appelle 'beaux esprits', sont des critiques sérieux ou badins de la condition humaine. Ils instruisent et plaisent à travers leurs œuvres, charmant les lecteurs par leur capacité à peindre les grandeurs et les misères de l'âme humaine. Corneille et Racine sont cités comme exemples éminents de cette catégorie. Cependant, le commun des hommes tend à admirer moins les génies littéraires que les philosophes, en raison de l'ignorance des sciences et de l'imagination respectueuse qu'ils inspirent. Les œuvres des génies littéraires ne sont pas perçues comme des énigmes, car elles traitent de sujets accessibles à tous, comme l'âme humaine. Marivaux souligne que cette distinction est injuste et découle de l'ignorance du public. Il argue que les génies littéraires, bien qu'ils ne découvrent pas de nouvelles vérités, ont le talent de formuler et d'exprimer avec vérité les expériences intimes de l'âme humaine, créant ainsi des œuvres originales et frappantes. En conclusion, Marivaux suggère que les génies littéraires, en rappelant aux hommes leur propre esprit, méritent autant de respect que les philosophes. Il invite à reconsidérer la valeur de ces deux types de contributions à la connaissance humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 77-124
Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Début :
L'intérêt que les bons citoyens prennent à l'Encyclopédie, & le grand nombre de [...]
Mots clefs :
Montesquieu, Encyclopédie, Gloire, Moeurs, Ouvrage, Auteur, Esprit, Hommes, Académie, Parlement de Bordeaux, Académie française, Éloge, De l'esprit des lois, Lettres persanes, Amour, Nations, Malheur, Commerce, Intérêt, Honneur, Étude, Citoyen, Philosophie, Religion, Gouvernement, Roi, Sciences, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Ous ne pouvons mieux ouvrir cet arpar
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
volume de l'Encyclopédie. Qui ſe diſtribue
depuis quelques jours chez Briaffon , David
l'aîné , le Breton , & Durand. Il doit être
d'autant plus intéreffant que M. de Voltaire
y a travaillé les mots , efprit , éloquence
, élégance. Qui pouvoit mieux en
parler ? Le morceau qui paroît à la tête du
même volume , acheve de le rendre précieux
. C'eſt l'éloge de M. de Montesquieu
par M. d'Alembert . On peut dire fans
fadeur que le Panégyrifte eft digne du
héros . Cet éloge nous a paru d'une fi grande
beauté , que nous croyons obliger le
Lecteur de l'inférer ici dans fon entier.
Quant à la note qui fe trouve à la page
huit , comme elle contient elle - feule une
excellente analyſe de l'Efprit des Loix ,
nous avons craint de prodiguer à la fois
tant de richeffes , & par une jufte économie,
nous l'avons réfervée pour en décorer
le premier Mercure de Décembre . Ceux
Diij
78 MERCURE DE FRANCE.
qui n'auront pas le Dictionnaire , feront
charmés de trouver cette piece complette
dans mon Journal , où ils pourront même
la lire plus commodément , puifqu'il eſt
portatif.
Eloge de M. le Préſident de Montefquien.
L'intérêt que les bons citoyens prennent
à l'Encyclopédie, & le grand nombre de
gens de Lettres qui lui confacrent leurs
travaux , femblent nous permettre de la
regarder comme un des monumens les
plus propres à être dépofitaires des fentimens
de la patrie , & des hommages
qu'elle doit aux hommes célebres qui l'ont
honorée . Perfuadés néanmoins que M.
de Montesquieu étoit en droit d'attendre
d'autres Panégyriftes que nous , & que la
douleur publique eût mérité des interpretes
plus éloquens , nous euflions renfermé
au- dedans de nous-mêmes nos juftes
regrets & notre refpect pour fa mémoire ;
mais l'aveu de ce que nous lui devons ,
nous eft trop précieux pour en laiffer le
foin à d'autres. Bienfaicteur de l'humanité
par fes écrits , il a daigné l'être auffi de
cet ouvrage , & notre reconnoiffance ne
veut que tracer quelques lignes au pied de
fa ftatue .
Charles de Secondat , Baron de la Brede
NOVEMBRE. 1755. 79
& de Montesquieu , ancien Préfident à
Mortier au Parlement de Bordeaux , de
l'Académie Françoife, de l'Académie royale
des Sciences & des Belles - Lettres de
Pruffe , & de la Société de Londres , naquit
au Château de la Brede , près de Bordeaux
, le 18 Janvier 1689 , d'une famille
noble de Guyenne. Son trifayeul , Jean de
Secondat , Maître d'Hôtel de Henri II ,
Roi de Navarre , & enfuite de Jeanne ,
fille de ce Roi , qui époufa Antoine de
Bourbon , acquit la terre de Montesquieu
d'une fomme de 10000 livres que cette
Princeffe lui donna par un acte authentique
, en récompenfe de fa probité & de
fes fervices. Henri III , Roi de Navarre ,
depuis Henri IV , Roi de France , érigea
en Baronie la terre de Montefquieu , en
faveur de Jacob de Secondat , fils de Jean ,
d'abord Gentilhomme ordinaire de la
Chambre de ce Prince , & enfuite Meftre
de camp du Régiment de Châtillon.
Jean Gafton de Secondat , fon fecond fils ,
ayant époufé la fille du Premier Préfident
du Parlement de Bordeaux , acquit dans
cette Compagnie une charge de Préfident
à Mortier. Il eut plufieurs enfans , dont
un entra dans le fervice , s'y diftingua ,
& le quitta de fort bonne heure. Ce fut
pere de Charles de Secondat , auteur Le
Div
So MERCURE DE FRANCE.
de l'Efprit des Loix . Ces détails paroîtront
peut- être déplacés à la tête de l'éloge
d'un philofophe dont le nom a fi peu
befoin d'ancêtres ; mais n'envions point
à leur mémoire l'éclat que ce nom répand
fur elle.
Les fuccès de l'enfance préfage quelquefois
fi trompeur , ne le furent point
dans Charles de Secondat : il annonça de
bonne heure ce qu'il devoit être ; & fon
pere donna tous fes foins à cultiver ce génie
naiffant , objet de fon efpérance &
de fa tendreſſe . Dès l'âge de vingt ans , le
jeune Montefquieu préparoit déja les matériaux
de l'Esprit des Loix , par un extrait
raifonné des immenfes volumes qui compofent
le corps du Droit civil ; ainfi autrefois
Newton avoit jetté dès fa premiere
jeuneffe les fondemens des ouvrages qui
l'ont rendu immortel . Cependant l'étude
de la Jurifprudence , quoique moins aride
pour M. de Montefquieu que pour la
plupart de ceux qui s'y livrent , parce qu'il
la cultivoit en philofophe , ne fuffifoit pas
à l'étendue & à l'activité de fon génie ; il
approfondiffoit dans le même temps des
matieres encore plus importantes & plus
délicates , & les difcutoit dans le filence
avec la fageffe , la décence , & l'équité
qu'il a depuis montrées dans fes ouvrages .
NOVEMBRE. 1755 . 81
Un oncle paternel , Préfident à Mortier
au Parlement de Bordeaux , Juge éclairé
& citoyen vertueux , l'oracle de fa compagnie
& de fa province , ayant perdu un
fils unique , & voulant conferver dans fon
Corps l'efprit d'élevation qu'il avoit tâché
d'y répandre , laiffa fes biens & fa charge
à M. de Montefquieu ; il étoit Confeiller
au Parlement de Bordeaux , depuis le 24
Février 1714 , & fut reçu Préſident à
Mortier le 13 Juillet 1716. Quelques années
après , en 1722 , pendant la minorité
du Roi , fa Compagnie le chargea de préfenter
des remontrances à l'occafion d'un
nouvel impôt. Placé entre le thrône & le
peuple , il remplit en fujet refpectueux &
en Magiftrat plein de courage , l'emploi fi
noble & fi peu envié , de faire parvenir
au Souverain le cri des malheureux ; & la
mifere publique repréfentée avec autant
d'habileté que de force , obtint la justice.
qu'elle demandoit . Ce fuccès , il eft vrai ,
par malheur l'Etat bien plus que pour
pour
lui , fut auffi paffager que s'il eût été injufte
; à peine la voix des peuples eût- elle
ceffé de le faire entendre , que l'impôt
fupprimé fut remplacé par un autre ; mais
le citoyen avoit fait fon devoir.
Il fut reçu le 3 Avril 1716 dans l'Académie
de Bordeaux , qui ne faifoit que de
Dy
82 MERCURE DE FRANCE.
naître . Le gout pour la Mufique & pour
les ouvrages de pur agrément , avoit d'abord
raflemblé les membres qui la for
moient. M. de Montefquieu crut avec raifon
que l'ardeur naiffante & les talens de
fes confieres pourroient s'exercer avec encore
plus d'avantage fur les objets de la
Phyfique. Il étoit perfuadé que la nature ,
digne d'être obfervée par -tout , trouvoit
aufli par tout des yeux dignes de la voir ;
qu'au contraire les ouvrages de goût ne
fouffrant point de médiocrité , & la Capitale
étant en ce genre le centre des lumieres
& des fecours , il étoit trop difficile de
rafferobler loin d'elle un affez grand nombre
d'écrivains diftingués ; il regardoit les
Sociétés de bel efprit , fi étrangement multipliées
dans nos provinces , comme une
efpece , ou plutôt comme une ombre de
luxe littéraire qui nuit à l'opulence réelle
fans même en offrir l'apparence . Heureufement
M. le Duc de la Force , par un prix
qu'il venoit de fonder à Bordeaux , avoit
fecondé des vues fi éclairées & fi juftes.
On jugea qu'une expérience bien faite
feront préférable à un difcours foible , ou
à un mauvais poëme ; & Bordeaux eut
une Académie des Sciences .
M. de Montefquieu nullement empreffé
de fe montrer au public , fembloit attenNOVEMBRE.
1755. 83
dre , felon l'expreffion d'un grand génie ,
un âge mur pour écrire ; ce ne fut qu'en
1721 , c'eft -à- dire âgé de trente - deux ans,
qu'il mit au jour les Lettres Perfannes. Le
Siamois des amufemens ferieux & comiques
pouvoit lui en avoir fourni l'idée ; mais
il furpaffa fon modele . La peinture des
moeurs orientales réelles ou fuppofées , de
l'orgueil & du flegme de l'amour aliatique
, n'eft que le moindre objet de ces
Lettres ; elle n'y fert , pour ainfi dire , que
de prétexte à une fatyre fine de nos moeurs,
& à des matieres importantes que l'Auteur
approfondit en paroiffant gliffer fur
elles. Dans cette efpèce de tableau mouvant
, Ufbek expofe fur-tout avec autant
de légereté que d'énergie ce qui a le plus
frappé parmi nous fes yeux pénétrans ;
notre habitude de traiter férieufement les
chofes les plus futiles , & de tourner les
plus importantes en plaifanterie ; nos converfations
fi bruyantes & fi frivoles ; notre
ennui dans le fein du plaifir même ;
nos préjugés & nos actions en contradiction
continuelle avec nos lumieres ; tant
d'amour pour la gloire joint à tant de
refpect pour l'idole de la faveur ; nos
Courtifans fi rampans & fi vains ; notre
politeffe extérieure & notre mépris réel
pour les étrangers , ou notre prédilection
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
affectée pour eux ; la bifarrerie de nos
gouts , qui n'a rien au- deffous d'elle que
l'empreffement de toute l'Europe à les
adopter ; notre dédain barbare pour deux
des plus refpectables occupations d'un citoyen
, le commerce & la magiftrature ;
nos difputes littéraires fi vives & fi inuti
les ; notre fureur d'écrire avant que de
penfer , & de juger avant que de connoître.
A cette peinture vive , mais fans
fiel , il oppofe dans l'apologue des Troglodites
, le tableau d'un peuple vertueux ,
devenu fage par le malheur , morceau
digne du Portique : ailleurs il montre la
philofophie long-tems étouffée , reparoiffant
tout-à- coup , regagnant par les progrès
le tems qu'elle a perdu , pénétrant
jufques chez les Ruffes à la voix d'un génie
qui l'appelle , tandis que chez d'autres
peuples de l'Europe , la fuperftition , femblable
à une atmoſphere épaiffe , empêche
la lumiere qui les environne de toutes
parts d'arriver jufqu'à eux. Enfin , par les
principes qu'il établit fur la nature des
gouvernemens anciens & modernes , il
préfente le germe de ces idées lumineufes
développées depuis par l'Auteur dans fon
grand ouvrage.
Ces différens fujets , privés aujourd'hui
des graces de la nouveauté qu'ils avoient
8
NOVEMBRE. 1755. 85
dans la naiffance des Lettres Perfannes , y
conferveront toujours le mérite du caractere
original qu'on a fçu leur donner ;
mérite d'autant plus réel , qu'il vient ici
du génie feul de l'écrivain , & non du
voile étranger dont il s'eft couvert ; car
Ufbek a pris durant fon féjour en France ,
non feulement une connoiffance fi parfaite
de nos moeurs , mais une fi forte teinture
de nos manieres mêmes , que fon
ftyle fait fouvent oublier fon pays . Ce
léger défaut de vraisemblance peut n'être
fans deffein & fans adreffe : en relevant
nos ridicules & nos vices , il a voulu
fans doute auffi rendre juftice à nos
avantages ; il a fenti toute la fadeur d'un
éloge direct & il s'en eft plus finement
acquitté , en prenant fi fouvent notre ton
pour médire plus agréablement de nous.
pas
Malgré le fuccès de cet ouvrage , M.
de Montefquieu ne s'en étoit point déclaré
ouvertement l'auteur. Peut - être
croyoit- il échapper plus aifément par ce
moyen à la fatyre littéraire , qui épargne
plus volontiers les écrits anonymes , parce
que c'est toujours la perfonne & non l'ouvrage
qui eft le but de fes traits ; peut- être
craignoit- il d'être attaqué fur le prétendu
contrafte des Lettres Perfannes avec l'auférité
de fa place ; efpece de reproche ,
86 MERCURE DE FRANCE.
difoit il , que les critiques ne manquent
jamais, parce qu'il ne demande aucun effort
d'efprit. Mais fon fecret étoit découvert ,
& déja le public le montroit à l'Académie
Françoife. L'événement fit voir combien
le filence de M. de Montefquieu avoit été
fage . Ufbek s'exprime quelquefois affez
librement , non fur le fonds du Chriftianiſme
, mais fur des matieres que trop de
perfonnes affectent de confondre avec le
Chriftianifme même , fur l'efprit de
perfécution
dont tant de Chrétiens ont été
animés ; fur les ufurpations temporelles
de la puiffance eccléfiaftique ; fur la multiplication
exceffive des monafteres , qui
enleve des fujets à l'Etat , fans donner à
Dieu des adorateurs ; fur quelques opinions
qu'on a vainement tenté d'ériger
en dogmes ; fur nos difputes de religion ,
toujours violentes , & fouvent funeftes.
S'il paroît toucher ailleurs à des questions
plus délicates , & qui intéreffent de plus
près la religion chrétienne , fes réflexions
appréciées avec juftice , font en effet trèsfavorables
à la révélation , puifqu'il fe
borne à montrer combien la raifon humaine
, abandonnée à elle-même , eft peu
éclairée fur ces objets. Enfin , parmi les
véritables lettres de M. de Montefquieu ,
l'Imprimeur étranger en avoit inféré quel
NOVEMBRE. 1755. 87
ques -unes d'une autre main , & il eût
fallu du moins , avant que de condamner
l'auteur , démêler ce qui lui appartenoit
en propre. Sans égard à ces confidérations
, d'un côté la haine fous le rom
de zéle , de l'autre le zéle fans difcernement
ou fans lumieres , fe fouleverent &
fe réunirent contre les Lettres Perfannes.
Des délateurs , efpece d'hommes dangereufe
& lâche , que même dans un gouvernement
fage on a quelquefois le malheur
d'écouter , allarmerent par un extrait
infidele la piété du miniftere. M. de Montefquieu
, par le confeil de fes amis , foutenu
de la voix publique , s'étant préſenté
pour la place de l'Académie Françoiſe vacante
par la mort de M. de Sacy , le Miniftre
écrivit à cette Compagnie qué S. M.
ne donneroit jamais fon agrément à l'auteur
des Lettres Perfannes ; qu'il n'avoit
point lu ce livre , mais que des perfonnes
en qui il avoit confiance , lui en avoient
fait connoître le poifon & le danger . M.
de Montefquieu fentit le coup qu'une pareille
accufation pouvoit porter à fa perfonne
, à la famille , à la tranquillité de
fa vie. Il n'attachoit pas affez de prix aux
honneurs littéraires , ni pour les rechercher
avec avidité , ni pour affecter de les
dédaigner quand ils fe préfentoient à lui ,
88 MERCURE DE FRANCE.
:
ni enfin pour en regarder la fimple privation
comme un malheur ; mais l'exclufion
perpétuelle , & fur - tout les motifs de
l'exclufion lui paroiffoient une injure. Il vit
le Miniftre , lui déclara que par des raifons
particulieres il n'avouoit point les
Lettres Perfannes , mais qu'il étoit encore
plus éloigné de defavouer un ouvrage
dont il croyoit n'avoir point à rougir , &
qu'il devoit être jugé d'après une lecture ,
& non fur une délation le Miniftre prit
enfin le parti par où il auroit dû commencer
; il lut le livre , aima l'Auteur , & apprit
à mieux placer fa confiance ; l'Académie
Françoife ne fut point privée d'un de
fes plus beaux ornemens , & la France eut
le bonheur de conferver un fujet que la fuperftition
ou la calomnie étoient prêtes à
lui faire perdre : car M. de Montefquieu
avoit déclaré au Gouvernement qu'après
l'efpece d'outrage qu'on alloit lui faire ,
il iroit chercher chez les étrangers qui lui
tendoient les bras , la fureté , le repos , &
peut-être les recompenfes qu'il auroit dû
efperer dans fon pays. La nation eût déploré
cette perte , & la honte en fut pourtant
retombée fur elle.
Feu M. le Maréchal d'Eftrées , alors Directeur
de l'Académie Françoife , fe conduifit
dans cette circonftance en courtiſan
NOVEMBRE . 1755 . 89
vertueux , & d'une ame vraiment élevée ;
il ne craignit ni d'abufer de fon crédit ni
de le compromettre ; il foutint fon ami &
juftifia Socrate. Ce trait de courage fi précieux
aux Lettres , fi digne d'avoir aujourd'hui
des imitateurs , & fi honorable à
la mémoire de M. le Maréchal d'Eftrées ,
n'auroit pas dû être oublié dans fon éloge.
M. de Montefquieu fut reçu le 24 Janvier
1728. Son difcours eft un des meilleurs
qu'on ait prononcés dans une pareille
occafion ; le mérite en eft d'autant
plus grand , que les Récipiendaires gênés
jufqu'alors par ces formules & ces éloges
d'ufage auxquels une efpece de prefcription
les affujettit , n'avoient encore ofé
franchir ce cercle pour traiter d'autres fujets
, ou n'avoient point penfé du moins à
les y renfermer ; dans cet état même de
contrainte il eut l'avantage de réuffir . Entre
plufieurs traits dont brille fon difcours ,
on reconnoîtroit l'écrivain qui penſe , au
feul portrait du Cardinal de Richelieu
qui apprit à la France le fecret de fes forces ,
& à l'Espagne celui de fa foibleffe , qui ôta
à l'Allemagne fes chaînes , & lui en donna
de nouvelles. Il faut admirer M. de Montefquieu
d'avoir fçu vaincre la difficulté
de fon fujet, & pardonner à ceux qui n'ont
pas eu le même fuccès .
›
90 MERCURE DE FRANCE.
Le nouvel Académicien étoit d'autant
plus digne de ce titre , qu'il avoit peu de
tems auparavant renoncé à tout autre travail
, pour fe livrer entierement à fon
génie & à fon goût . Quelque importante
que fût la place qu'il occupoit , avec quelques
lumieres & quelque intégrité qu'il
en eût rempli les devoirs , il fentoit qu'il
y avoit des objets plus dignes d'occuper
fes talens ; qu'un citoyen eft redevable à
fa nation & à l'humanité de tout le bien
qu'il peut leur faire ; & qu'il feroit plus
utile à l'une & à l'autre , en les éclairant
par fes écrits , qu'il ne pouvoit l'être en
difcutant quelques conteftations particulieres
dans l'obfcurité . Toutes ces réflexions
le déterminerent à vendre fa charge
; il ceffa d'être Magiftrat , & ne fut plus
qu'homme de Lettres .
Mais pour fe rendre utile par fes ouvra
ges aux différentes nations , il étoit néceffaire
qu'il les connût ; ce fut dans cette
vue qu'il entreprit de voyager. Son but
étoit d'examiner partout le phyfique & le
moral , d'étudier les loix & la conftitution
de chaque pays , de vifiter les fçavans , les
écrivains , les artiftes célebres , de chercher
fur- tout ces hommes rares & finguliers
dont le commerce fupplée quelquefois à
plufieurs années d'obfervations & de féNOVEMBRE.
1755. 91
jour. M. de Montefquieu eût pu dire comme
Démocrite. Je n'ai rien oublié pour
» m'inftruire ; j'ai quitté mon pays , & parcouru
l'univers pour mieux connoître
» la vérité : j'ai vu tous les perfonnages
» illuftres de mon tems ; mais il y eût
cette différence entre le Démocrite François
& celui d'Abdere , que le premier
voyageoit pour inftruire les hommes , &
le fecond pour s'en moquer,
Il alla d'abord à Vienne , où il vit fouvent
le célebre Prince Eugene ; ce Héros
fi funefte à la France ( à laquelle il auroit
pû être fi utile ) , après avoir balancé la
fortune de Louis XIV. & humilié la fierté
Ottomane , vivoit fans fafte durant la paix,
aimant & cultivant les Lettres dans une
Cour où elles font peu en honneur , &
donnant à ſes maîtres l'exemple de les protéger.
M. de Montefquieu crut entrevoir
dans fes difcours quelques reftes d'intérêt
pour fon ancienne patrie ; le Prince Eugene
en laiffoit voir furtout , autant que le
peut faire un ennemi , für les fuites funeftes
de cette divifion inteftine qui trouble
depuis fi longtems l'Eglife de France :
l'Homme d'Etat en prévoyoit la durée &
les effets , & les prédit au Philofophe.
M. de Montefquieu partit de Vienne
pour voir la Hongrie , contrée opulente &
92 MERCURE DE FRANCE.
fertile, habitée par une nation fiere & généreufe
, le fléau de fes Tyrans & l'appui de
fes Souverains. Comme peu de perfonnes
connoiffent bien ce pays , il a écrit avec
foin cette partie de fes voyages.
D'Allemagne , il paffa en Italie ; il vit à
Venife le fameux Law , à qui il ne reftoit
de fa grandeur paffée que des projets heureufement
deftinés à mourir dans fa tête ,
& un diamant qu'il engageoit pour jouer
aux jeux de hafard . Un jour la converfation
rouloit fur le fameux fyftème que Law
avoit inventé ; époque de tant de malheurs
& de fortunes , & furtout d'une dépravation
remarquable dans nos moeurs . Comme
le Parlement de Paris , dépofitaire immédiat
des Loix dans les tems de minorité ,
avoit fait éprouver au Miniftre Ecoffois
quelque réfiftance dans cette occafion
M. de Montefquieu lui demanda pourquoi
on n'avoit pas effayé de vaincre cette réfiftance
par un moyen prefque toujours infaillible
en Angleterre , par le grand mobile
des actions des hommes , en un mot
par l'argent : Ce ne font pas , répondit Law,
desgénies auffi ardens & auf dangereux que
mes compatriotes , mais ils font beaucoup plus
incorruptibles. Nous ajouterons fans aucun
préjugé de vanité nationale , qu'un Corps
libre pour quelques inftans , doit mieux
NOVEMBRE. 1755. 93
résister à la corruption que celui qui l'eft
toujours ; le premier , en vendant fa liberté,
la perd ; le fecond ne fait , pour ainfi
dire , que la prêter , & l'exerce même en
l'engageant ; ainfi les circonftances & la
nature du Gouvernement font les vices &
les vertus des Nations.
Un autre perfonnage non moins fameux
que M. de Montefquieu vit encore plus .
fouvent à Venife , fut le Comte de Bonneval
. Cet homme fi connu par fes aventures
, qui n'étoient pas encore à leur terme,
& flatté de converfer avec un juge digne
de l'entendre , lui faifoit avec plaifir le détail
fingulier de fa vie , le récit des actions.
militaires où il s'étoit trouvé , le portrait
des Généraux & des Miniftres qu'il avoit
connus . M. de Montefquieu fe rappelloit,
fouvent ces converfations & en racontoit
différens traits à fes amis.
Il alla de Venife à Rome : dans cette ancienne
Capitale du monde , qui l'eft encore
à certains égards , il s'appliqua furtour
à examiner ce qui la diftingue aujourd'hui
le plus , les ouvrages des Raphaëls ,
des Titiens , & des Michel- Anges : il n'avoit
point fait une étude particuliere des
beaux arts ; mais l'expreffion dont brillent
les chef-d'oeuvres en ce genre , faifit infailliblement
tout homme de génie . Accoutu94
MERCURE DE FRANCE.
mé à étudier la nature , il la reconnoît
quand elle eft imitée , comme un portrait
reffemblant frappe tous ceux à qui l'original
eft familier : malheur aux productions
de l'art dont toute la beauté n'eſt que
pour les Artiſtes.
Après avoir parcouru l'Italie , M. de
Montefquieu vint en Suiffe ; il examina
foigneufement les vaſtes pays arrofés par
le Rhin ; & il ne lui refta plus rien à voir
en Allemagne ; car Frédéric ne regnoit pas
encore. Il s'arrêta enfuite quelque tems
dans les Provinces-Unies , monument admirable
de ce que peut l'induftrie humaine
animée par l'amour de la liberté. Enfin il
fe rendit en Angleterre où il demeura deux
ans : digne de voir & d'entretenir les plus
grands hommes , il n'eut à regretter que
de n'avoir pas fait plutôt ce voyage : Locke
& Newton étoient morts. Mais il eut fouvent
l'honneur de faire fa cour à leur protectrice
, la célebre Reine d'Angleterre ,
qui cultivoit la Philofophie fur le thrône ,
& qui goûta , comme elle devoit , M. de
Montefquieu. Il ne fut pas moins accueilli
par la Nation , qui n'avoit pas befoin fur
cela de prendre le ton de fes maîtres . Il
forma à Londres des liaifons intimes avec
des hommes exercés à méditer , & à ſe préparer
aux grandes chofes par des études
NOVEMBRE. 1755. 95
profondes ; il s'inftruifit avec eux de la nature
du Gouvernement , & parvint à le
bien connoître. Nous parlons ici d'après
les témoignages publics que lui en ont rendu
les Anglois eux-mêmes , fi jaloux de
nos avantages , & fi peu difpofés à reconnoître
en nous aucune fupériorité.
Comme il n'avoit rien examiné ni avec
la prévention d'un enthouſiaſte , ni avec
l'austérité d'un Cynique , il n'avoit rapporté
de les voyages ni un dédain outrageant
pour les étrangers , ni un mépris
encore plus déplacé pour fon propre pays.
Il réfultoit de fes obfervations que l'Allemagne
étoit faite pour y voyager , l'Italie
pour y féjourner , l'Angleterre pour y penfer
, & la France pour y vivre.
De retour enfin dans fa Patrie , M de
Montefquieu fe retira pendant deux ans à
fa terre de la Brede : il y jouit en paix de
cette folitude que le fpectacle & le tumulte
du monde fert à rendre plus agréable ;
il vécut avec lui-même , après en être forti
fi long-tems ; & ce qui nous intéreſſe le
plus , il mit la derniere main à fon ouvrage
fur la caufe de la grandeur & de la déca
dence des Romains , qui parut en 1734.
Les Empires , ainfi que les hommes
doivent croître , dépérir & s'éteindre ; mais
cette révolution néceffaire a fouvent des
96 MERCURE DE FRANCE.
caufes cachées que la nuit des tems nous
dérobe , & que le myftere où leur petiteffe
apparente a même quelquefois voilées aux
yeux des contemporains ; rien ne reſſemble
plus fur ce point à l'Hiftoire moderne
que l'Hiftoire ancienne. Celle des Romains
mérite néanmoins à cet égard quelque exception
; elle préfente une politique raifonnée
, un fyftème fuivi d'aggrandiffement
, qui ne permet pas d'attribuer la
fortune de ce peuple à des refforts obfcurs
& fubalternes. Les caufes de la grandeur
Romaine fe trouvent donc dans l'Hiftoire ,
& c'eft au Philofophe à les y découvrir.
D'ailleurs il n'en eft pas des fyftêmes dans
cette étude comme dans celle de la Phyfique
; ceux-ci font prefque toujours précipités
, parce qu'une obfervation nouvelle
& imprévue peut les renverfer en un inftant
; au contraire , quand on recueille
avec foin les faits que nous tranfmet l'Hif
toire ancienne d'un pays , fi on ne raffemble
pas toujours tous les matériaux qu'on
peut défirer , on ne fçauroit du moins ef
pérer d'en avoir un jour davantage . L'étude
réfléchie de l'Hiftoire , étude fi importante
& fi difficile , confifte à combiner
de la maniere la plus parfaite , ces matériaux
défectueux : tel feroit le métire d'un
Architecte , qui , fur des ruines fçavantes ,
traceroit ,
NOVEMBRE. 1755 . 97
traceroit , de la maniere la plus vraiſemblable
, le plan d'un édifice antique , en
fuppléant , par le génie & par d'heureuſes
conjectures , à des reftes informes & tronqués.
C'eſt fous ce point de vue qu'il faut envifager
l'ouvrage de M. de Montefquieu :
il trouve les caufes de la grandeur des Romains
dans l'amour de la liberté , du travail
& de la patrie , qu'on leur infpiroit
dès l'enfance ; dans la févérité de la difcipline
militaire ; dans ces diffenfions intef
tines qui donnoient du reffort aux efprits ,
& qui ceffoient tout -à coup à la vue de
l'ennemi ; dans cette conftance après le
malheur qui ne défefpéroit jamais de la
république dans le principe où ils furent
toujours de ne faire jamais la paix qu'après
des victoires ; dans l'honneur du triomphe,
fujet d'émulation pour les Généraux ; dans
la protection qu'ils accordoient aux peuples
révoltés contre leurs Rois ; dans l'excellente
politique de laiffer aux vaincus leurs
Dieux & leurs coutumes ; dans celle de
n'avoir jamais deux puiffans ennemis fur
les bras , & de tout fouffrir de l'un juſqu'à
ce qu'ils euffent anéanti l'autre . Il trouve les
caufes de leur décadence dans l'agrandiffement
même de l'Etat , qui changea en
guerres civiles les tumultes populaires ;
E
98 MERCURE DE FRANCE.
dans les guerres éloignées qui forçant les
citoyens à une trop longue abfence , leur
faifoient perdre infenfiblement l'efprit républicain
; dans le droit de Bourgeoifie
accordé à tant de Nations , & qui ne fit
plus du peuple Romain qu'une espece de
monftre à plufieurs têtes ; dans la corrup
tion introduite par le luxe de l'Afie ; dans
les profcriptions de Sylla qui avilirent l'efprit
de la Nation , & la préparerent à l'eſclavage
; dans la néceflité où les Romains
fe trouverent de fouffrir des maîtres , lorfque
leur liberté leur fut devenue à charge ;
dans l'obligation où ils furent de changer
de maximes , en changeant de gouvernement
; dans cette fuite de monftres qui
régnerent , prefque fans interruption , depuis
Tibere jufqu'à Nerva , & depuis Commode
jufqu'à Conftantin ; enfin , dans la
tranflation & le partage de l'Empire , qui
périt d'abord en Occident par la puiffance
des Barbares , & qui après avoir langui plufieurs
ficcles en Orient fous des Empereurs
imbéciles ou féroces , s'anéantit infenfiblement
comme ces fleuves qui difparoiffent
dans des fables.
Un affez petit volume a fuffi à M. de
Montefquieu pour développer un tableau
fi intérellant & fi vafte. Comme l'Auteur
ne s'appefantit point fur les détails , & ne
NOVEMBRE. 1755. 92
faifit que les branches fécondes de fon
ſujet , il a ſçu renfermer en très - peu d'efpace
un grand nombre d'objets diftinctement
apperçus & rapidement préfentés fans
fatigue pour le Lecteur ; en laiffant beaucoup
voir , il laifle encore plus à penſer ,
& il auroit pu intituler fon Livre , Hiftoire
Romaine à l'ufage des Hommes d'Etat & des
Philofophes.
Quelque réputation que M. de Montefquieu
fe fût acquife par ce dernier ouvrage
& par ceux qui l'avoient précédé , il
n'avoit fait que fe frayer le chemin à une
plus grande entreprife , à celle qui doit
immortalifer fon nom & le rendre refpectable
aux fiecles futurs. Il en avoit dès
longtems formé le deffein , il en médita
pendant vingt ans l'exécution ; ou , pour
parler plus exactement , toute fa vie en
avoit été la méditation continuelle . D'abord
il s'étoit fait en quelque façon étranger
dans fon propre pays , afin de le mieux
connoître ; il avoit enfuite parcouru toute
l'Europe , & profondément étudié les différens
peuples qui l'habitent . L'Ifle fameufe
qui fe glorifie tant de fes loix , &
qui en profite fi mal , avoit été pour lui
dans ce long voyage , ce que l'ifle de Crete
fut autrefois pour Lycurgue , une école
où il avoit fçu s'inftruire fans tout approu-
E ij
100
MERCURE DE
FRANCE.
ver ; enfin , il avoit , fi on peut parler ainfi ,
interrogé & jugé les nations & les hommes
célebres qui
n'exiftent plus aujour
d'hui que dans les annales du monde. Ce
fut ainfi qu'il s'éleva par dégrés au plus
beau titre qu'un fage puiffe mériter , celui
de Légiflateur des Nations .
S'il étoit animé par
l'importance de la
matiere , il étoit effrayé en même tems par
fon
étendue il
l'abandonna , & y revint
:
à plufieurs repriſes ; il fentit plus d'une fois,
comme il l'avoue lui- même , tomber les
mains
paternelles .
Encouragé enfin
amis , il ramaffa toutes fes forces , & donfes
par
na l'Esprit des Loix.
Dans cet important ouvrage , M. de
Montefquieu , fans
s'appefantir , à l'exemple
de ceux qui l'ont précédé , fur des difcuffions
métaphyfiques relatives à l'hom
me fuppofé dans un état
d'abſtraction ,
fans fe borner , comme d'autres , à confidérer
certains peuples dans quelques relations
ou
circonftances
particulieres , envifage
les habitans de l'univers dans l'état réel
où ils font , & dans tous les rapports qu'ils
peuvent avoir entr'eux. La plupart des
autres Ecrivains en ce genre font prefque
toujours ou de fimples Moraliftes , ou de
fimples
Jurifconfultes , ou même quelquefois
de fimples
Théologiens;pour lui, l'hom
NOVEMBRE. 1755 . ΙΟΥ
perme
de tous les Pays & de toutes les Nations,
il s'occupe moins de ce que le devoir exige
de nous , que des moyens par lefquels on
peut nous obliger de le remplir , de la
fection métaphyfique des loix , que de celle
dont la nature humaine les rend fufceptibles
, des loix qu'on a faites que de celles
qu'on a dû faire , des loix d'un peuple particulier
que de celles de tous les peuples,
Ainfi en fe comparant lui -mêine à ceux
qui ont couru avant lui cette grande &
noble carriere , il a pu dire comme le Correge
, quand il eut vu les ouvrages de fes
rivaux , & moi auffi je fuis Peintre.
Rempli & pénétré de fon objet , l'Auteur
de l'Efprit des Loix y embraſſe un fi
grand nombre de matieres , & les traite
avec tant de brieveté & de profondeur ,
qu'une lecture affidue & méditée peut feule
faire fentir le mérite ce livre . Elle fervira
fur- tout , nous ofons le dire , à faire difparoître
le prétendu défaut de méthode
dont quelques lecteurs ont accufé M. de
Montefquieu ; avantage qu'ils n'auroient
pas dû le taxer légerement d'avoir négligé
dans une matiere philofophique & dans
un ouvrage de vingt années . Il faut diftinguer
le défordre réel de celui qui n'eft
qu'apparent. Le défordre eft réel , quand
l'analogie & la fuite des idées n'eft point
E iij
102 MERCURE DE FRANCE.
obfervée ; quand les conclufions font érigées
en principes , ou les précedent ; quand
le lecteur , après des détours fans nombre ,
fe retrouve au point d'où il eft parti . Le
defordre n'eft qu'apparent , quand l'Auteur
mettant à leur véritable place les idées dont
il fait ufage , laiffe à fuppléer aux lecteurs
les idées intermédiaires : & c'eſt ainfi que
M. de Montefquieu a cru pouvoir & devoir
en ufer dans un livre deſtiné à des
hommes qui penfent , dont le génie doit
fuppléer à des omiffions volontaires & raifonnées
.
L'ordre qui fe fait appercevoir dans les
grandes parties de l'Efprit des Loix , ne
regne pas moins dans les détails : nous
croyons que plus on approfondira l'ouvrage
, plus on en fera convaincu . Fidele à
fes divifions générales , l'Auteur rapporte
à chacune les objets qui lui appartiennent
exclufivement ; & à l'égard de ceux qui
par différentes branches appartiennent à
plufieurs divifions à la fois , il a placé fous
chaque divifion la branche qui lui appartient
en propre ; par- là on apperçoit ailément
& fans confufion , l'influence que
les différentes parties du fujet ont les unes
fur les autres , comme dans un arbre qu
fyftême bien entendu des connoiffances
humaines , on peut voir le rapport mutuel
NOVEMBRE. 1755. 103
des Sciences & des Arts. Cette comparaifon
d'ailleurs eft d'autant plus jufte , qu'il
en eft du plan qu'on peut fe faire dans
l'examen philofophique des Loix , comme
de l'ordre qu'on peut obferver dans un
arbre Encyclopédique des Sciences : il y
reftera toujours de l'arbitraire ; & tout ce
qu'on peut exiger de l'Auteur , c'eſt qu'il
fuive fans détour & fans écart le fyfteme
qu'il s'eft une fois formé.
Nous dirons de l'obfcurité qu'on peut
fe permetrre dans un tel ouvrage , la même
chofe que du défaut d'ordre ; ce qui feroit
obfcur pour les lecteurs vulgaires , ne l'eft
pas pour ceux que l'Auteur a eu en vue.
D'ailleurs l'obfcurité volontaire n'en eft
point une M. de Montefquieu ayant à
préfenter quelquefois des vérités impor
tantes , dont l'énoncé abfolu & direct auroit
pu
bleffer fans fruit , a eu la prudence
louable de les envelopper , & par cet innocent
artifice , les a voilées à ceux à qui
elles feroient nuifibles , fans qu'elles fuffent
perdues pour les fages.
Parmi les ouvrages qui lui ont fourni
des fecours , & quelquefois des vues pour
le fien , on voit qu'il a furtout profité des
deux hiftoriens qui ont penfé le plus ,
Tacite & Plutarque ; mais quoiqu'un Philofophe
qui a fait ces deux lectures , foit
E iv
104 MERCURE DE FRANCE.
difpenfé de beaucoup d'autres , il n'avoit
pas cru devoir en ce genre rien négliger ni
dédaigner de ce qui pouvoit être utile à
fon objet . La lecture que fuppofe l'Espric
des Loix , eft immenſe ; & l'ufage raiſonné
que l'Auteur a fait de cette multitude pro
digieufe de matériaux , paroîtra encore
plus furprenant , quand on fçaura qu'il
étoit prefqu'entierement privé de la vue ,
& obligé d'avoir recours à des yeux étrangers.
Cette vafte lecture contribue nonfeulement
à l'utilité , mais à l'agrément de
l'ouvrage fans déroger à la majefté de fon
fujet. M. de Montefquieu fçait en tempérer
l'austérité , & procurer aux lecteurs
des momens de repos , foit par des faits
finguliers & peu connus , foit par des allufions
délicates , foit par ces coups de pinceau
énergiques & brillans , qui peignent
d'un feul trait les peuples & les hommes .
Enfin , car nous ne voulons pas jouer ici
le rôle des Commentateurs d'Homere , il
y a fans doute des fautes dans l'efprit des
Loix , comme il y en a dans tout ouvrage
de génie , dont l'Auteur a le premier ofé
fe frayer des routes nouvelles. M. de Montefquieu
a été parmi nous , pour l'étude
des loix , ce que Defcartes a été pour la
Philofophie ; il éclaire fouvent , & fe trompe
quelquefois , & en fe trompant même ,
NOVEMBRE. 1755. 105
il inftruit ceux qui fçavent lire. La pouvelle
édition qu'on prépare , montrera par
les additions & corrections qu'il y a faites,
que s'il eft tombé de tems en tems , il a
fçu le reconnoître & fe relever ; par- là , il
acquerra du moins le droit à un nouvel
examen , dans les endroits où il n'aura pas
été de l'avis de fes cenfeurs ; peut- être
même ce qu'il aura jugé le plus digne de
correction , leur a - t-il abfolument échappé
, tant l'envie de nuire eft ordinairement
aveugle.
Mais ce qui eft à la portée de tout le
monde dans l'Eſprit des Loix , ce qui doit
rendre l'Auteur cher à toutes les Nations ,
ce qui ferviroit même à couvrir des fautes
plus grandes que les fiennes , c'eft l'efprit
de citoyen qui l'a dicté. L'amour du bien
public , le defir de voir les hommes heureux
s'y montrent de toutes parts ; & n'eûtil
que ce mérite fi rare & fi précieux , il
feroit digne par cet endroit feul , d'être
la lecture des peuples & des Rois . Nous
voyons déja , par une heureuſe expérience,
que les fruits de cet ouvrage ne fe bornent
pas dans fes lecteurs à des fentimens ſtériles.
Quoique M. de Montefquieu ait peu
furvécu à la publication de l'Efprit des
Loix , il a eu la fatisfaction d'entrevoir
les effets qu'il commence à produire parmi
Ev
106 MERCURE DE FRANCE.
nous ; l'amour naturel des François pour
leur patrie , tourné vers fon véritable objet
; ce goût pour le Commerce , pour l'Agriculture
, & pour les Arts utiles , qui
fe répand infenfiblement dans notre Nation
; cette lumiere générale fur les principes
du gouvernement , qui rend les peuples
plus attachés à ce qu'ils doivent aimer .
Ceux qui ont fi indécemment attaqué cet
ouvrage , lui doivent peut-être plus qu'ils
ne s'imaginent l'ingratitude , au refte ,
eft le moindre reproche qu'on ait à leur
faire. Ce n'eft pas fans regret , & fans
honte pour notre fiecle , que nous allons
les dévoiler ; mais cette hiftoire importe
trop à la gloire de M. de Montefquieu , &
à l'avantage de la Philofophie , pour être
paffée fous filence. Puiffe l'opprobre qui
couvre enfin fes ennemis , leur devenir
falutaire !
A peine l'Efprit des Loix parut- il , qu'il
fut recherché avec empreffement , fur la
réputation de l'Auteur ; mais quoique
M. de Montesquieu eût écrit pour le bien
du peuple , il ne devoit pas avoir le peuple
pour juge ; la profondeur de l'objet
étoit une fuite de fon importance même.
Cependant les traits qui étoient répandus
dans l'ouvrage , & qui auroient été déplacés
s'ils n'étoient pas nés du fond du fuNOVEMBRE.
1755. 107
jet , perfuaderent à trop de perfonnes qu'il
étoit écrit pour elles : on cherchoit un
Livre agréable , & on ne trouvoit qu'un
Livre utile , dont on ne pouvoit d'ailleurs
fans quelque attention faifir l'enſemble &
les détails. On traita légerement l'Esprit
des Loix ; le titre même fut un fujet de
plaifanterie enfin l'un des plus beaux
monumens littéraires qui foient fortis de
notre Nation, fut regardé d'abord par elle
avec affez d'indifférence. Il fallut que les
véritables juges euffent eu le tems de lire :
bientôt ils ramenerent la multitude toujours
prompte à changer d'avis ; la partie
du Public qui enfeigne , dicta à la partie
qui écoute ce qu'elle devoit penfer & dire ;
& le fuffrage des hommes éclairés , joint
aux échos qui le répéterent , ne forma plus
qu'une voix dans toute l'Europe.
Ce fut alors que les ennemis publics &
fecrets des Lettres & de la Philofophie ( car
elles en ont de ces deux efpeces ) réunirent
leurs traits contre l'ouvrage. De-là cette
foule de brochures qui lui furent lancées
de toutes parts , & que nous ne tirerons
pas de l'oubli où elles font déja plongées.
Sisleurs auteurs n'avoient pas pris de bonnes
mefures pour être inconnus à la poftérité
, elle croiroit que l'Efprit des Loix a
été écrit au milieu d'un peuple de barbares.
E vj
108 MERCURE DE FRANCE.
M. de Montefquieu méprifa fans peine
les Critiques ténébreufes de ces auteurs
fans talent , qui foit par une jaloufie qu'ils
n'ont pas droit d'avoir , foit pour fatisfaire
la malignité du Public qui aime la fatyre
& la méprife , outragent ce qu'ils ne peuvent
atteindre ; & plus odieux par le mal
qu'ils veulent faire , que
redoutables par
celui qu'ils font , ne réuffiffent pas même
dans un genre d'écrire que fa facilité &
fon objet rendent également vil. Il mettoit
les ouvrages de cette efpece fur la
même ligne que ces Nouvelles hebdomadaires
de l'Europe , dont les éloges font
fans autorité & les traits fans effet , que
des Lecteurs oififs parcourent fans y ajouter
foi , & dans lefquelles les Souverains.
font infultés fans le fçavoir , ou fans daigner
fe venger. IIll nnee ffuutt pas auffi indifférent
fur les principes d'irréligion qu'on
l'accufa d'avoir femé dans l'Eſprit des Loix .
En méprifant de pareils reproches , il auroit
cru les mériter , & l'importance de
l'objet lui ferma les yeux fur la valeur de
fes adverfaires. Ces hommes également
dépourvus de zele & également empreffés
d'en faire paroître , également effrayés de
la lumiere que les Lettres répandent , non
au préjudice de la Religion , mais à leur
défavantage , avoient pris différentes forNOVEMBRE.
1755. 109
mes pour lui porter atteinte. Les uns , par
unftratagême auffi puérile que pufillanime,
s'étoient écrit à eux- mêmes ; les autres ,
après l'avoir déchiré fous le mafque de
P'Anonyme , s'étoient enfuite déchirés entr'eux
à fon occafion . M. de Montesquieu,
quoique jaloux de les confondre , ne jugea
pas à propos de perdre un tems précieux à
les combattre les uns après les autres : il fe
contenta de faire un exemple fut celui qui
s'étoit le plus fignalé par fes excès.
par
C'étoit l'auteur d'une feuille anonyme
& périodique , qui croit avoir fuccédé à
Pafcal , parce qu'il a fuccédé à fes opinions;
panégyrifte d'ouvrages que perfonne ne
lit , & apologiſte de miracles que l'autorité
féculiere a fait ceffer dès qu'elle l'a
voulu ; qui appelle impiété & fcandale le
peu
d'intérêt que les gens de Lettres prennent
à fes querelles , & s'eft aliéné ,
une adreffe digne de lui , la partie de la
Nation qu'il avoit le plus d'intérêt de ménager.
Les coups de ce redoutable athlete
furent dignes des vues qui l'infpirerent ; il
accufa M. de Montefquieu & de Spinoffme
& de Déifine ( deux imputations incompatibles
) ; d'avoir fuivi le ſyſtème de
Pope ( dont il n'y avoit pas un mot dans
l'ouvrage ) ; d'avoir cité Plutarque qui n'eft
pas un Auteur Chrétiens de n'avoir point
110 MERCURE DE FRANCE.
parlé du péché originel & de la Grace , Il
prétendit enfin que l'Efprit des Loix étoit
une production de la Conftitution Unigenitus;
idée qu'on nous foupçonnera peut-être
de prêter par dérifion au critique. Ceux
qui ont connu M. de Montefquieu , l'ouvrage
de Clément XI & le fien , peuvent
juger par cette accufation de toutes les
autres.
Le malheur de cet écrivain dut bien le
décourager : il vouloit perdre un fage par
l'endroit le plus fenfible à tout citoyen , il
ne fit que lui procurer une nouvelle gloire
comme homme de Lettres ; la Défense de
l'Esprit des Loix parut. Cet ouvrage , par
la modération , la vérité , la fineffe de
plaifanterie qui y regnent , doit être regardé
comme un modele en ce genre. M.
de Montefquieu , chargé par fon adverfaire
d'imputations atroces , pouvoit le
rendrejodieux fans peine ; il fit mieux , il
le rendit ridicule . S'il faut tenir compte à
l'agreffeur d'un bien qu'il a fait fans le
vouloir , nous lui devons une éternelle
reconnoiffance de nous avoir procuré ce
chef-d'oeuvre : Mais ce qui ajoute encore
au mérite de ce morceau précieux , c'eſt
que l'auteur s'y eft peint lui- même fans y
penfer ; ceux qui l'ont connu , croyent
Î'entendre , & la poſtérité s'affurera , en
NOVEMBRE. 1755 111
lifant fa Défenfe , que fa converfation n'étoit
pas inférieure à fes écrits ; éloge que
bien peu de grands hommes ont mérité.
Une autre circonftance lui affure pleinement
l'avantage dans cette difpute : le
critique qui , pour preuve de fon attachement
à la religion , en déchire les Miniftres
, accufoit hautement le Clergé de
France , & fur-tout la Faculté de Théolo
gie , d'indifférence pour la caufe de Dieu ,
en ce qu'ils ne profcrivoient pas authentiquement
un fi pernicieux ouvrage . La Faculté
étoit en droit de méprifer le repro
che d'un écrivain fans aveu ; mais il s'agif
foit de la religion ; une délicateffe louable
lui a fait prendre le parti d'examiner l'Ef
prit des Loix. Quoiqu'elle s'en occupe depuis
plufieurs années , elle n'a rien prononcé
jufqu'ici ; & fût- il échappé à M. de
Montefquieu quelques inadvertences lé--
geres , prefque inevitables dans une carriere
fi vafte , l'attention longue & fcrupuleufe
qu'elles auroient demandée de la
part du Corps le plus éclairé de l'Eglife ,
prouveroit au moins combien elles feroient
excufables. Mais ce Corps , plein de prudence
, ne précipitera rien dans une fi
importante matiere : il connoit les bornes
de la raifon & de la foi ; il fçait que l'ouvrage
d'un homme de lettres ne doit point
112 MERCURE DE FRANCE.
être examiné comme celui d'un Théologien
que les mauvaifes conféquences
auxquelles une propofition peut donner
lieu par des interprétations odieufes , ne
rendent point blamable la propofition en
elle -même ; que d'ailleurs nous vivons
dans un fiécle malheureux , où les intérêts
de la religion ont befoin d'être ménagés ,
& qu'on peut lui nuire auprès des fimples,
en répandant mal - à - propos fur des genies
du premier ordre le foupçon d'incrédulité;
qu'enfin , malgré cette accufation injuſte ,
M. de Montefquien fut toujours eſtimé ,
recherché & accueilli par tout ce que l'Eglife
a de plus refpectable & de plus grand ;
eût-il confervé auprès des gens de bien la
confidération dont il jouiffoit , s'ils l'euffent
regardé comme un écrivain dangéreux
?
Pendant que des infectes le tourmentoient
dans fon propre pays , l'Angleterre
élevoit un monument à fa gloire. En 1752 ,
M. Daffier , célebre par les médailles qu'il
a frappées à l'honneur de plufieurs hommes
illuftres , vint de Londres à Paris pour
frapper la fienne. M. de la Tour , cet attifte
fi fupérieur par fon talent , & fi eftimable
par fon defintéreffement & l'élévation
de fon ame , avoit ardemment defiré
de donner un nouveau luftre à fon pinNOVEMBRE.
1755. 113
ceau , en tranfmettant à la poftérité le
portrait de l'auteur de l'Efprit des Loix ;
il ne vouloit que la fatisfaction de le peindre
, & il méritoit , comme Apelle , que
cet honneur lui fût réfervé ; mais M. de
Montefquieu , d'autant plus avare du tems
de M. de la Tour que celui - ci en étoit plus
prodigue , fe refufa conftamment & poliment
à fes preffantes follicitations. M. Daf
fier effuya d'abord des difficultés femblables
: Croyez-vous , dit-il enfin à M. de
Montefquieu , » qu'il n'y ait pas autant
d'orgueil à refufer ma propofition qu'à
» l'accepter » ? Defarmé par cette plaifanterie
, il laiffa faire à M. Daflier tout ce
qu'il voulut.
»
L'auteur de l'Esprit des Loix jouiffoit
enfin paisiblement de fa gloire , lorfqu'il
tomba malade au commencement de Février.
Sa fanté , naturellement délicate ,
commençoit à s'altérer depuis long- tems
par l'effet lent & prefque infaillible des
études profondes , par les chagrins qu'on
avoit cherché à lui fufciter fur fon ouvra- ge ; enfin
par le genre
de vie qu'on
le forçoit
de mener
à Paris
, & qu'il
fentoit
lui
être
funefte
. Mais
l'empreffement
avec
le-`
quel
on recherchoit
fa focieté
, étoit
trop
vif pour
n'être
pas
quelquefois
indifcret
on vouloit
, fans
s'en
appercevoir
, jouir
114 MERCURE DE FRANCE.
de lui aux dépens de lui -même. A peine la
nouvelle du danger où il étoit fe fût- elle
répandue , qu'elle devint l'objet des converfations
& de l'inquiétude publique ; fa
maifon ne défempliffoit point de perfonnes
de tout rang qui venoient s'informer
de fon état , les unes par un intérêt véritable
, les autres pour s'en donner l'apparence
, ou pour fuivre la foule. Sa Majefté ,
pénétrée de la ppeerrttee qquuee fon royaume alloit
faire , en demanda plufieurs fois des
nouvelles ; témoignage de bonté & de juftice
qui n'honore pas moins le Monarque
que le fujet. La fin de M. de Montefquieu
ne fut point indigne de fa vie. Accablé de
douleurs cruelles , éloigné d'une famille
à qui il étoit cher , & qui n'a pas eu la
confolation de lui fermer les yeux , entouré
de quelque amis & d'un plus grand
nombre de fpectateurs , il conferva jufqu'au
dernier moment la paix & l'égalité
de fon ame. Enfin , après avoir fatisfait
avec décence à tous fes devoirs , plein de
confiance en l'Etre éternel auquel il alloit.
fe rejoindre , il mourut avec la tranquillité
d'un homme de bien , qui n'avoit jamais
confacré fes talens qu'à l'avantage.
de la vertu & de l'humanité. La France &
l'Europe le perdirent le 10 Février 1755 ,
à l'âge de foixante- fix ans révolus.
NOVEMBRE 1755. 115
Toutes les nouvelles publiques ont annoncé
cet événement comme une calamité.
On pourroit appliquer à M. de Montefquieu
ce qui a été dit autrefois d'un
illuftre Romain ; que perfonne en apprenant
fa mort n'en témoigna de joie , que
perfonne même ne l'oublia dès qu'il ne fut
plus. Les étrangers s'emprefferent de faire
éclater leurs regrets ; & Milord Chefterfield
, qu'il fuffit de nommer , fit imprimer
dans un des papiers publics de Londres
un article à fon honneur , article digne
de l'un & de l'autre ; c'eft le portrait
d'Anaxagore tracé par Périclès . L'Académie
royale des Sciences & des Belles -Lettres
de Pruffe , quoiqu'on n'y foit point
dans l'ufage de prononcer l'éloge des affociés
étrangers , a cru devoir lui faire cet
honneur , qu'elle n'a fait encore qu'à l'illuftre
Jean Bernouilli ; M. de Maupertuis,
tout malade qu'il étoit , a rendu lui-même
à fon ami ce dernier devoir , & n'a voulu
fe repofer fur perfonne d'un foin fi cher &
fi trifte. A tant de fuffrages éclatans en faveur
de M. de Montefquieu , nous croyons
pouvoir joindre fans indifcrétion les éloges
que lui a donné , en préfence de l'un
de nous , le Monarque même auquel cette.
Académie célebre doit fon luftre , Prince
fait pour fentir les pertes de la Philofa116
MERCURE DE FRANCE.
phie , & pour l'en confoler.
Le 17 Février , l'Académie Françoiſe
lui fit , felon l'ufage , un fervice folemnel
, auquel , malgré la rigueur de la faifon
, prefque tous les gens de Lettres de
ce Corps , qui n'étoient point abfens de
Paris , fe firent un devoir d'affifter. On
auroit dû dans cette trifte cérémonie placer
l'Esprit des Loix fur fon cercueil , comme
on expofa autrefois vis - à-vis le cercueil
de Raphaël fon dernier tableau de la
Transfiguration . Cet appareil fimple &
touchant eût été une belle oraifon funébre.
Jufqu'ici nous n'avons confidéré M. de
Montefquieu que comme écrivain & philofophe
; ce feroit lui dérober la moitié
de fa gloire que de paffer fous filence fes
agrémens & fes qualités perfonnelles.
Il étoit dans le commerce d'une douceur
& d'une gaieté toujours égale . Sa
converfation étoit légere , agréable , &
instructive par le grand nombre d'hommes
& de peuples qu'il avoit connus. Elle étoit
coupée comme fon ftyle , pleine de fel &
de faillies , fans amertunie & fans fatyre
; perfonne ne racontoit plus vivement ,
plus promptement , avec plus de grace &
moins d'apprêt. Il fçavoit que la fin d'une
hiftoire plaifante en eft toujours le but ;-
NOVEMBRE. 1755. 117
il fe hâtoit donc d'y arriver , & produifoit
l'effet fans l'avoir promis.
Ses fréquentes diftractions ne le rendoient
que plus aimable ; il en fortoit
toujours par quelque trait inattendu qui
réveilloit la converfation languiffante ;
d'ailleurs elles n'étoient jamais , ni jouées,
ni choquantes , ni importunes : le feu de
fon efprit , le grand nombre d'idées dont
il étoit plein , les faifoient naître , mais il
n'y tomboit jamais au milieu d'un entretien
intéreffant ou férieux ; le defir de
plaire à ceux avec qui il fe trouvoit , le
rendoit alors à eux fans affectation & fans
effort.
Les agrémens de fon commerce tenoient
non feulement à fon caractere & à
fon efprit , mais à l'efpece de régime qu'il
obfervoit dans l'étude. Quoique capable
d'une méditation profonde & long- tems
foutenue , il n'épuifoit jamais fes forces , il
quitroit toujours le travail avant que d'en
reffentir la moindre impreffion de fatigue.
Il étoit fenfible à la gloire , mais il ne
vouloit y parvenir qu'en la méritant ; jamais
il n'a cherché à augmenter la fienne
par ces manoeuvres fourdes , par ces voyes
obfcures & honteufes, qui deshonorent la
perfonne fans ajouter au nom de l'auteur .
Digne de toutes les diftinctions & de
IIS MERCURE DE FRANCE.
toutes les récompenfes , il ne demandoit
rien , & ne s'étonnoit point d'être oublié ;
mais il a ofé , même dans des circonftances
délicates, protéger à la Cour des hommes
de Lettres perfécutés , célebres &
malheureux , & leur a obtenu des graces.
Quoiqu'il vecût avec les grands , foit
par néceffité , foit par convenance , foit
par gout , leur fociété n'étoit pas néceffaire
à fon bonheur. Il fuyoit dès qu'il le
pouvoit à fa terre ; il y retrouvoit avec
joie fa philofophie , fes livres & le repos.
Entouré de gens de la campagne dans fes
heures de loifir , après avoir étudié l'homme
dans le commerce du monde & dans
l'hiftoire des nations , il l'étudioit encore
dans ces ames fimples que la nature feule
a inftruites , & il y trouvoit à apprendre ;
il converfoit gayement avec eux ; il leur
cherchoit de l'efprit comme Socrate ; il
paroiffoit fe plaire autant dans leur entretien
que dans les fociétés les plus brillantes
, furtout quand il terminoit leurs différends
, & foulageoit leurs peines par fes
bienfaits.
Rien n'honore plus fa mémoire que
l'économie avec laquelle il vivoit , &
qu'on a ofé trouver exceffive dans un
monde avare & faftueux , peu fait pour
en pénétrer les motifs , & encore moins
NOVEMBRE. 1755. 119
pour les fentir. Bienfaifant , & par conféqnent
jufte, M. de Montesquieu ne vouloit
rien prendre fur fa famille , ni des
fecours qu'il donnoit aux malheureux ,
ni des dépenfes confidérables auxquels fes
longs voyages , la foibleffe de fa vue &
l'impreffion de fes ouvrages l'avoient
obligé . Il a tranfmis à fes enfans , fans
diminution ni augmentation , l'héritage
qu'il avoit reçu de fes peres ; il n'y a rien
ajouté que la gloire de fon nom & l'exemple
de fa vie.
Il avoit époufé en 1715 Demoifelle
Jeanne de Lartigue, fille de Pierre de Lartigue
, Lieutenant Colonel au Régiment
de Maulévrier ; il en a eu deux filles &
un fils , qui par fon caractere , fes moeurs
& fes ouvrages s'eft montré digne d'un
tel pere.
Ĉeux qui aiment la vérité & la patrie,
ne feront pas fâchés de trouver ici quelques
unes de fes maximes : il penfoit ,
Que chaque portion de l'Etat doit être
également foumife aux loix , mais que
les privileges de chaque portion de l'Etat
doivent être respectés , lorfque leurs effets
n'ont rien de contraire au droit naturel
, qui oblige tous les citoyens à concourir
également au bien public ; que la
poffellion ancienne étoit en ce genre le
120 MERCURE DE FRANCE.
premier des titres & le plus inviolable des
droits , qu'il étoit toujours injufte & quel
quefois dangereux de vouloir ébranler ;
Que les Magiftrats , dans quelque circonftance
& pour quelque grand intérêt
de corps que ce puiffe être , ne doivent
jamais être que Magiftrats , fans parti &
fans paffion , comme les Loix , qui abſolvent
& puniffent fans aimer ni hair.
Il difoit enfin à l'occafion des difputes
eccléfiaftiques qui ont tant occupé les Empereurs
& les Chrétiens Grecs , que les
querelles théologiques, lorfqu'elles ceffent
d'être renfermées dans les écoles , deshonorent
infailliblement une nation aux
yeux des autres en effet , le mépris même
des fages pour ces querelles ne la juftifie
pas , parce que les fages faifant partout
le moins de bruit & le plus petit
nombre , ce n'est jamais fur eux qu'une
nation eft jugée .
L'importance des ouvrages dont nous
avons eu à parler dans cet éloge , nous
en a fait paffer fous filence de moins confidérables
, qui fervoient à l'auteur comme
de délaffement , & qui auroient fuffi
l'éloge d'un autre ; le plus remarquable
eft le Temple de Gnide , qui fuivit d'affez
près les Lettres Perfannes. M. de Montefquieu
, après avoir été dans celle- ci Hopour
race ,
NOVEMBRE . 1755. 121
race , Théophrafte & Lucien , fut Ovide
& Anacréon dans ce nouvel effai : ce n'eſt
plus l'amour defpotique de l'Orient qu'il
fe propofe de peindre , c'eft la délicateffe
& la naïveté de l'amour paftoral , tel qu'il
eſt dans une ame neuve, que le commerce
des hommes n'a point encore corrompue.
L'Auteur craignant peut - être qu'un tableau
fi étrangerà nos moeurs ne parût
trop languiffant & trop uniforme , a cherché
à l'animer par les peintures les plus
riantes ; il tranfporte le lecteur dans des
lieux enchantés , dont à la vérité le fpectacle
intéreffe peu l'amant heureux , mais
dont la defcription flatte encore l'imagination
quand les defirs font fatisfaits . Emporté
par fon fujet , il a répandu dans ſa
profe ce ftyle animé , figuré & poétique ,
dont le roman de Thélemaque a fourni
parmi nous le premier modele. Nous ignorons
pourquoi quelques cenfeurs du temple
de Gnide ont dit à cette occaſion , qu'il
auroit eu befoin d'être en vers. Le ſtyle
poétique , fi on entend , comme on le
doit , par ce mot , un ftyle plein de chaleur
& d'images , n'a pas befoin , pour être
agréable , de la marche uniforme & cadencée
de la verfification ; mais fi on ne
fait confifter ce ftyle que dans une diction
chargée d'épithetes oifives , dans les pein
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tures froides & triviales des aîles & du
carquois de l'amour , & de femblables
objets , la verfication n'ajoutera prefqu'aucun
mérite à ces ornemens ufés ; on
y cherchera toujours en vain l'ame & la
vie. Quoiqu'il en foit , le Temple de Gnide
étant une espece de poëme en profe
c'est à nos écrivains les plus célebres en ce
genre à fixer le rang qu'il doit occuper :
il merite de pareils juges ; nous croyons
du moins que les peintures de cet ouvrage
foutiendroient avec fuccès une des
principales épreuves des defcriptions poétiques
, celle de les repréfenter fur la toile.
Mais ce qu'on doit fur- tout remarquer
dans le Temple de Gnide , c'eft qu'Anacréon
même y est toujours obfervateur &
philofophe. Dans le quatrieme chant , il
paroît décrire les moeurs des Sibarites , &
on s'apperçoit aifément que ces moeurs
font les nôtres. La préface porte fur - tout
l'empreinte de l'auteur des Lettres Perfannes.
En préfentant le Temple de Gnide
comme la traduction d'un manufcrit grec ,
plaifanterie défigurée depuis par tant de
mauvais copiſtes , il en prend occafion de
peindre d'un trait de plume l'ineptie des
critiques & le pédantifme des traducteurs,
& finit par ces paroles dignes d'être rapportées
» Si les gens graves defiroient
NOVEMBRE. 1755. 123
33
de moi quelque ouvrage moins frivole ,
je fuis en état de les fatisfaire : il y a
» trente ans que je travaille à un livre de
» douze pages , qui doit contenir tout ce
que nous fçavons fur la Métaphyfique ,
» la Politique & la Morale , & tout ce
que de très grands auteurs ont oublié
» dans les volumes qu'ils ont publiés fur
» ces matieres » .
Nous regardons comme une des plus
honorables récompenfes de notre travail
l'intérêt particulier que M. de Monteſquieu
prenoit à ce dictionnaire , dont toutes
les reffources ont été jufqu'à préfent
dans le courage & l'émulation de fes auteurs
. Tous les gens de Lettres , felon lui,
devoient s'empreffer de concourir à l'exécution
de cette entrepriſe utile ; il en a
donné l'exemple avec M. de Voltaire , &
plufieurs autres écrivains célebres. Peutêtre
les traverfes que cet ouvrage a ef
fuyées , & qui lui rappelloient les fiennes
propres , l'intéreffoient-elles en notre faveur,
Peut-être étoit- il fenfible , fans s'en
appercevoir , à la juftice que nous avions
ofé lui rendre dans le premier volume de
l'Encyclopédie , lorfque perfonne n'ofoit
encore élever fa voix pour le défendre.
Il nous deftinoit un article fur le Goût, qui
a été trouvé imparfait dans fes papiers ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE.
nous le donnerons en cet état au public ,
& nous le traiterons avec le même refpect
que l'antiquité témoigna autrefois pour
les dernieres paroles de Séneque . La mort
l'a empêché d'étendre plus loin fes bienfaits
à notre égard ; & en joignant nos
propres regrets à ceux de l'Europe entiere ,
nous pourrions écrire fur fon tombeau :
Finis vita cjus nobis luctuofus , Patriæ
triftis , extraneis etiam ignotifque non fine
curâ fuit.
Tacit. in Agricol. c. 43 .
Fermer
Résumé : Eloge de M. le Président de Montesquieu.
Le texte présente un volume de l'Encyclopédie, dans lequel Voltaire a travaillé sur les articles concernant les mots 'esprit', 'éloquence' et 'élégance'. Ce volume inclut également un éloge de Montesquieu écrit par d'Alembert, jugé d'une grande beauté. Une note analysant 'L'Esprit des Lois' est réservée pour le premier Mercure de décembre. Montesquieu, bienfaiteur de l'humanité par ses écrits, a contribué à cet ouvrage, motivant ainsi la reconnaissance des auteurs. Charles de Secondat, Baron de la Brede et de Montesquieu, naquit au Château de la Brede près de Bordeaux le 18 janvier 1689. Sa famille, noble de Guyenne, acquit la terre de Montesquieu grâce à des services rendus à la couronne. Dès son jeune âge, Montesquieu montra des aptitudes remarquables, cultivées par son père. Il préparait déjà les matériaux de 'L'Esprit des Lois' à vingt ans. En parallèle de ses études juridiques, il approfondissait des matières philosophiques. En 1716, il devint Président à Mortier au Parlement de Bordeaux et se distingua par ses remontrances courageuses contre un nouvel impôt. Il fut également membre de l'Académie de Bordeaux et contribua à la création de l'Académie des Sciences. En 1721, il publia les 'Lettres persanes', un ouvrage satirique des mœurs françaises sous le prétexte de la peinture des mœurs orientales. Malgré le succès de cet ouvrage, Montesquieu resta discret sur son authorship pour éviter les critiques littéraires. Les 'Lettres persanes' furent attaquées pour leurs réflexions sur des sujets religieux et ecclésiastiques, provoquant des réactions hostiles. Montesquieu fut accusé et réhabilité concernant ses 'Lettres persanes'. Il rencontra le ministre, déclarant qu'il n'avouait pas les 'Lettres persanes' mais ne les désavouait pas non plus, et demanda que l'ouvrage soit jugé sur sa lecture plutôt que sur des délations. Le ministre lut le livre, apprécia l'auteur et permit à Montesquieu d'être reçu à l'Académie française. Le maréchal d'Estrées soutint Montesquieu avec courage et intégrité. Montesquieu fut reçu à l'Académie le 24 janvier 1728 avec un discours remarquable, où il évita les formules conventionnelles pour traiter de sujets plus larges. Il entreprit des voyages pour étudier les lois et constitutions de divers pays, rencontrer des savants et des artistes célèbres. Ses voyages l'amenèrent en Autriche, en Hongrie, en Italie, en Suisse, aux Provinces-Unies et en Angleterre. De retour en France, Montesquieu se retira à la Brede pour achever son ouvrage sur 'La grandeur et la décadence des Romains', publié en 1734. Il analysa les causes de la grandeur et de la décadence de Rome, mettant en avant des facteurs comme l'amour de la liberté, la discipline militaire et la politique d'expansion. Le texte loue ensuite l'œuvre de Montesquieu, notamment 'L'Esprit des Lois', qui offre une analyse approfondie et vaste de la politique et des lois. Montesquieu a préparé cet ouvrage pendant vingt ans, étudiant divers peuples et lois à travers l'Europe. 'L'Esprit des Lois' est présenté comme un livre destiné aux hommes d'État et aux philosophes, embrassant un grand nombre de matières avec brièveté et profondeur. Le texte défend la structure et la clarté de l'ouvrage, affirmant que l'apparente absence de méthode est en réalité une invitation à la réflexion. Il souligne également l'importance des sources utilisées par Montesquieu, notamment Tacite et Plutarque, et la manière dont il a su rendre l'ouvrage à la fois utile et agréable. Enfin, le texte mentionne les critiques et les attaques subies par 'L'Esprit des Lois' lors de sa publication, mais note que l'œuvre a finalement été reconnue pour sa valeur et son impact sur la pensée politique et philosophique. Montesquieu est accusé d'irréligion et de semer des principes d'irréligion dans son œuvre. Il est comparé à des auteurs de nouvelles hebdomadaires sans autorité ni effet. Ses adversaires, dépourvus de zèle mais cherchant à en montrer, ont utilisé diverses stratégies pour le discréditer. Montesquieu décide de répondre à l'un de ses critiques les plus virulents, auteur d'une feuille anonyme périodique, en le rendant ridicule plutôt que furieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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25
p. 124-132
« CHIMIE médicinale, contenant la maniere de préparer les remedes les plus [...] »
Début :
CHIMIE médicinale, contenant la maniere de préparer les remedes les plus [...]
Mots clefs :
Chimie médicinale, Médecins, Remèdes, Maladies, Chimie, Goût, Médecine, Sciences
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « CHIMIE médicinale, contenant la maniere de préparer les remedes les plus [...] »
CHIMIE médicinale , contenant la
maniere de préparer les remedes les plus
ufités , & la méthode de les employer
pour la guérifon de maladies. Par M.
Malouin , Médecin ordinaire de S. M. la
Reine , Docteur & ancien Profeſſeur de Pharmacie
en la Faculté de Médecine de Paris ,
DECEMBRE. 1755. 125
de l'Académie royale des Sciences , de la Société
royale de Londres , & Cenfeur royal
des Livres. A Paris chez d'Houry , Imprimeur-
Libraire , rue de la Vieille Bouclerie.
Nous avons déja parlé de ce livre , mais
en général , fans en faire l'extrait : il eft
utile de donner une connoiffance plus
particuliere de ce qu'il contient , pour
mettre le Public en état d'en juger.
C'est un Traité de tous les meilleurs
remeđes , & des fimples & des compofés :
M. Malouin en indique le choix & les
propriétés dans les différentes maladies ,
& pour les différens tempéramens ; il en
détermine les dofes , & il y explique la
maniere de les employer , avec le regime
qu'on doit tenir en les prenant.
Cet Ouvrage eft divifé en quatre parties
, qui font contenues en deux volumes
in- 12. imprimés fur du beau papier ,
& en caracteres bien lifibles.
Le premier volume comprend trois
parties , dont la premiere traite des principes
& des termes de Chimie ; « il y a ,
dit l'Auteur , page 27. en Chimie com-
» me dans toutes les Sciences , des ter-
» mes confacrés pour exprimer des cho-
» fes qui font particulieres à cette Scien
» ce. Cela fe trouve dans tous les Arts ,
» & c'eft une chofe reçue partout le
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» monde . il n'y a que par rapport à la
» Médecine , que des efprits faux &
» mal inftruits , qui par prévention haïf-
» fent les Médecins & les tournent en ri-
» dicule , trouvent mauvais que les Mé-
» cins fe fervent des termes de leur Art ,
» en parlant de remedes & de mala-
2 dies , &c. » 23
La feconde partie contient ce qui regarde
les remedes tirés des animaux . Pour
mieux faire connoître cet Ouvrage , nous
rapporterons un paffage de chaque partie ,
& nous le prendrons prefqu'à livre ouvert :
on lit pag. 210. « En général , les re-
» medes volatils , furtout ceux qui font
» tirés du genre des animaux , agiffent en
» excitant la tranſpiration . Il y a fur cela
» une remarque à faire , qui mérite bien
» qu'on y falfe attention , c'eft que quoi-
» que Sanctorius en Italie , Dodart en
France , Keil en Angleterre , ayent fait
» voir qu'entre toutes les évacuations na-
« turelles du corps vivant , celle qui fe
» fait par la tranfpiration, eft la plus grande
& la plus importante , cependant
» il femble que depuis qu'on a mieux
» connu cette fonction du corps , on a
plus négligé dans le traitement des
» maladies , les remedes qui la procu-
» rent , ou qui l'entretiennent.
هد
DECEMBRE. 1755. 127.
» Il faut convenir que l'ufage de ces
fortes de remedes , rend l'exercice de
» la Médecine plus difficile , parce qu'au-
" tant ils font utiles dans certains cas ,
» autant ils font dangereux dans d'autres :
ils ne font pas indifférens comme le
» font la plupart des remedes qu'on emploie
communément dans toutes les
» maladies .
»
"9
» Cette difficulté à difcerner les diffé-
» rentes occafions d'employer les diffé-
» rens moyens de guérir , exclut de la
» bonne pratique de la Médecine quiconque
n'eſt pas véritablement Médecin ,
» & rompt la routine dangereufe de la
pratique , en réveillant continuellement
»l'attention des Médecins.
»
"
» Le nombre & la différence des re-
» medes appliqués à propos , fourniſſent
» un plus grand nombre de reffources aux
» malades pour guérir. Si on étoit affez
30 perfuadé de cette vérité , il refteroit
» moins de malades en langueur , on
» verroit moins de maladies incurables ,
» il y auroit moins de gens qui feroient
» les Médecins , & la Pharmacie feroit
mieux tenue & d'un plus grand fecours.
» En voulant fimplifier la Médecine ,
» non point par un choix plus naturel
» des remedes , mais par un retranche-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
» ment d'un plus grand nombre de nédicamens
, quoique bons , on l'appauvrit
» croyant la ſimplifier ; & alors il y a plus
» de gens qui s'imaginent pouvoir fai-
» gner , purger , & donner des apozemes
, voyant qu'on fait confifter pref-
» que toute la pratique de la Médecine
» dans ces trois chofes. •
" Il est vrai que le Public qui aime
» la nouveauté , qui fait plus de cas de
» ce qu'il connoît moins , & qui eftime
» peu ce qui eft d'un commun ufage , for-
» ce les Médecins d'abandonner de bons
» remedes anciens , en leur montrant
» moins de confiance , & plus de répu-
" gnance pour ces remedes .
"3
" Les Médecins font obligés quelque-
» fois d'ufer de remedes nouveaux , parce
» que ces remedes font fouhaités & au-
» torifés dans les fociétés des malades ,
uniquement par efprit de mode. Le Médecin
feroit foupçonné de ne pas ai-
» mer ces remedes , c'eſt - à- dire , d'être
» prévenu contre , s'il n'en approuvoit
» pas l'ufage pour la perfonne qui a envie
» d'en prendre , parce que quelqu'un de
» fa connoiffance en aura pris avec fuc-
» cès , ou parce que fes amis les lui au-
» ront confeillés avec exagération , à l'or-
» dinaire .
DECEMBRE. 1755. 129
» On doit remarquer que dans ces
» occafions , c'eft faire injuftice à la Méde-
» cine , de lui imputer d'être changeante
puifqu'on l'y force ; elle eft aucon-
» traire une des Sciences humaines qui
a le moins changé : la doctrine d'Hip-
» pocrate fubfifte encore aujourd'hui , &
» c'est en fe perfectionnant qu'elle a paru
» changer.
99
» C'est bien injuftement auffi qu'on
» reproche aux Médecins de fuivre des
» modes dans le traitement des mala-
» dies , puifqu'au contraire une des pei-
» nes de leur état eft de s'oppofer aux mo
» des qu'on veut introduire dans l'ufage
des remedes par les Charlatans ' qui
emploient des moyens extraordinaires ,
» dont on ne connoît point encore les
» inconvéniens : les efprits frivoles s'y
» confient plus qu'aux remedes ordinai-
» res , qui ne font point fenfation , parce
» qu'on y eft accoutumé.
"
Le Public a un goût paffager pour
» les remedes , comme pour toute autre
chofe. La force de l'opinion eft fi gran-
» de , qu'il n'y a perfonne qui ne doive
» fe conformer plus ou moins à la mo-
» de : il n'eft pas au pouvoir du Méde-
» cim d'arrêter ce torrent , il ne peut
qu'ufer de retenue , en s'y prétant.
n
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
"
Cependant lorfque le remede qu'on lui
» propofe , peut - être nuifible au malade ,
» il doit déclarer qu'il eft d'avis contrai-
» re , & expliquer fon fentiment , fans
» pourtant entreprendre de s'opposer à ce
qu'on veut faire , parce que le Méde-
» cin n'eft chargé que du confeil , & non
» de l'exécution. Le Médecin ne doit
» avoir d'autre volonté , que celle de bien
» confeiller , en faifant grande attention à
» la maladie & au malade . Au refte c'eſt
» prendre fur foi mal- à- propos , que de
vouloir affujettir fon Malade à fa vo-
و ر
ود
lonté.
" En général il eft fort mauvais pour
la fociété d'attenter à la liberté des
» autres , il faut , pour être heureux dans
le commerce de la vie , faire la volon-
» té d'autrui , & non pas la fienne . Cela
» eft vrai pour le Médecin comme pour
le Malade : le Médecin doit toujours
» dire avec fincérité , & quelquefois avec
force , fon fentiment , mais il ne doit
point faire de reproches fi on n'a pas
fuivi fon avis ; & il doit continuer de
» donner fes confeils , tant qu'on les lui
» demande , & tant que perfonnellement
» on le traite avec honneur , & c.
"
་
La troifiéme partie de ce livre traite
des plantes & de leurs vertus , des vins ,
DECEMBRE. 1755. 13R
» &c. Il femble , dit Monfieur Malouin ,
» que les vins du Levant ont toutes
» les bonnes qualités , lorfqu'ils ont le
» goût de goudron , parce que c'eft la
» mode... On a la vanité ou la foibleffe
» d'être en cela du goût de tout le mon-
" de... La plupart de ces gens- là trouve-
» roient ce goût de goudron défagréable
» dans le vin , s'ils ne voyoient pas que
» les autres convives le trouvent bon.
» Il en eft du vin , comme de la mufi-
» que , fouvent on veut faire croire qu'on
» y trouve des beautés , quoiqu'on ne les
» fente pas , uniquement parce qu'on
voit les autres faire des démonftrations
» d'admirations. La plupart des hommes
» font faux , juſques dans le plaifir : ils
» veulent paroître avoir du plaifir où les
❞ autres en prennent .. L'opinion maîtriſe
» les fentimens les plus naturels , & elle
tyrannife tout le monde . Il n'eft pas rai- >
» fonnable de blâmer les Médecins de
ce qu'elle a lieu en Médecine ; il feroit
plus jufte de les plaindre de ce que ,
" continuellement attachés à la nature ,
qui dans fa grande variété eft toujours
» la même , on les en diftrait , pour les
" forcer de fe conformer aux ufages nou-
» veaux , mais reçus , c'eft- à - dire , aux
" modes ; fi les Médecins s'opiniâtroient
33
95
99
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
"» à y réfifter , on les regarderoit com-
» me des hommes médiocres qui n'ont
» pas de goût , ou qui ont intérêt à ne
pas laiffer accréditer une chofe qui ne
» vient pas d'eux. Un Médecin fage ne
» doit pas s'expofer inutilement à cette in-
» juſtice ; il faut fe prêter dans la fociété ,
» pour y être bien . «.
»
23
Les perfonnes qui par état , par humanité
, ou par goût feulement , s'occupent
de la fanté , qui eft l'objet le plus
digne des gens fenfés & bons , doivent
avoir cette Chimie médecinale ; ils y trouveront
des connoiffances fuffifantes , &
ils les y trouveront aifément , parce que
ce livre eft fait avec beaucoup d'ordre.
» Il étoit d'autant plus utile , dit l'Au-
» teur , pag. 228 , d'y donner ces connoif-
« fances , qu'elles fe trouvent plus rare-
» ment , & moins complettement ailleurs
» que dans ce livre , qui eft fait pour
» les Chirurgiens , pour les Apothicaires ,
» pour les Médecins , & pour tous ceux
« qui veulent s'occuper utilement , & con-
" noître particulierement ce qui a rap-
» port à la confervation & au rétablife-
» ment de la fanté . »
maniere de préparer les remedes les plus
ufités , & la méthode de les employer
pour la guérifon de maladies. Par M.
Malouin , Médecin ordinaire de S. M. la
Reine , Docteur & ancien Profeſſeur de Pharmacie
en la Faculté de Médecine de Paris ,
DECEMBRE. 1755. 125
de l'Académie royale des Sciences , de la Société
royale de Londres , & Cenfeur royal
des Livres. A Paris chez d'Houry , Imprimeur-
Libraire , rue de la Vieille Bouclerie.
Nous avons déja parlé de ce livre , mais
en général , fans en faire l'extrait : il eft
utile de donner une connoiffance plus
particuliere de ce qu'il contient , pour
mettre le Public en état d'en juger.
C'est un Traité de tous les meilleurs
remeđes , & des fimples & des compofés :
M. Malouin en indique le choix & les
propriétés dans les différentes maladies ,
& pour les différens tempéramens ; il en
détermine les dofes , & il y explique la
maniere de les employer , avec le regime
qu'on doit tenir en les prenant.
Cet Ouvrage eft divifé en quatre parties
, qui font contenues en deux volumes
in- 12. imprimés fur du beau papier ,
& en caracteres bien lifibles.
Le premier volume comprend trois
parties , dont la premiere traite des principes
& des termes de Chimie ; « il y a ,
dit l'Auteur , page 27. en Chimie com-
» me dans toutes les Sciences , des ter-
» mes confacrés pour exprimer des cho-
» fes qui font particulieres à cette Scien
» ce. Cela fe trouve dans tous les Arts ,
» & c'eft une chofe reçue partout le
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
» monde . il n'y a que par rapport à la
» Médecine , que des efprits faux &
» mal inftruits , qui par prévention haïf-
» fent les Médecins & les tournent en ri-
» dicule , trouvent mauvais que les Mé-
» cins fe fervent des termes de leur Art ,
» en parlant de remedes & de mala-
2 dies , &c. » 23
La feconde partie contient ce qui regarde
les remedes tirés des animaux . Pour
mieux faire connoître cet Ouvrage , nous
rapporterons un paffage de chaque partie ,
& nous le prendrons prefqu'à livre ouvert :
on lit pag. 210. « En général , les re-
» medes volatils , furtout ceux qui font
» tirés du genre des animaux , agiffent en
» excitant la tranſpiration . Il y a fur cela
» une remarque à faire , qui mérite bien
» qu'on y falfe attention , c'eft que quoi-
» que Sanctorius en Italie , Dodart en
France , Keil en Angleterre , ayent fait
» voir qu'entre toutes les évacuations na-
« turelles du corps vivant , celle qui fe
» fait par la tranfpiration, eft la plus grande
& la plus importante , cependant
» il femble que depuis qu'on a mieux
» connu cette fonction du corps , on a
plus négligé dans le traitement des
» maladies , les remedes qui la procu-
» rent , ou qui l'entretiennent.
هد
DECEMBRE. 1755. 127.
» Il faut convenir que l'ufage de ces
fortes de remedes , rend l'exercice de
» la Médecine plus difficile , parce qu'au-
" tant ils font utiles dans certains cas ,
» autant ils font dangereux dans d'autres :
ils ne font pas indifférens comme le
» font la plupart des remedes qu'on emploie
communément dans toutes les
» maladies .
»
"9
» Cette difficulté à difcerner les diffé-
» rentes occafions d'employer les diffé-
» rens moyens de guérir , exclut de la
» bonne pratique de la Médecine quiconque
n'eſt pas véritablement Médecin ,
» & rompt la routine dangereufe de la
pratique , en réveillant continuellement
»l'attention des Médecins.
»
"
» Le nombre & la différence des re-
» medes appliqués à propos , fourniſſent
» un plus grand nombre de reffources aux
» malades pour guérir. Si on étoit affez
30 perfuadé de cette vérité , il refteroit
» moins de malades en langueur , on
» verroit moins de maladies incurables ,
» il y auroit moins de gens qui feroient
» les Médecins , & la Pharmacie feroit
mieux tenue & d'un plus grand fecours.
» En voulant fimplifier la Médecine ,
» non point par un choix plus naturel
» des remedes , mais par un retranche-
Fiv
128 MERCURE DE FRANCE .
» ment d'un plus grand nombre de nédicamens
, quoique bons , on l'appauvrit
» croyant la ſimplifier ; & alors il y a plus
» de gens qui s'imaginent pouvoir fai-
» gner , purger , & donner des apozemes
, voyant qu'on fait confifter pref-
» que toute la pratique de la Médecine
» dans ces trois chofes. •
" Il est vrai que le Public qui aime
» la nouveauté , qui fait plus de cas de
» ce qu'il connoît moins , & qui eftime
» peu ce qui eft d'un commun ufage , for-
» ce les Médecins d'abandonner de bons
» remedes anciens , en leur montrant
» moins de confiance , & plus de répu-
" gnance pour ces remedes .
"3
" Les Médecins font obligés quelque-
» fois d'ufer de remedes nouveaux , parce
» que ces remedes font fouhaités & au-
» torifés dans les fociétés des malades ,
uniquement par efprit de mode. Le Médecin
feroit foupçonné de ne pas ai-
» mer ces remedes , c'eſt - à- dire , d'être
» prévenu contre , s'il n'en approuvoit
» pas l'ufage pour la perfonne qui a envie
» d'en prendre , parce que quelqu'un de
» fa connoiffance en aura pris avec fuc-
» cès , ou parce que fes amis les lui au-
» ront confeillés avec exagération , à l'or-
» dinaire .
DECEMBRE. 1755. 129
» On doit remarquer que dans ces
» occafions , c'eft faire injuftice à la Méde-
» cine , de lui imputer d'être changeante
puifqu'on l'y force ; elle eft aucon-
» traire une des Sciences humaines qui
a le moins changé : la doctrine d'Hip-
» pocrate fubfifte encore aujourd'hui , &
» c'est en fe perfectionnant qu'elle a paru
» changer.
99
» C'est bien injuftement auffi qu'on
» reproche aux Médecins de fuivre des
» modes dans le traitement des mala-
» dies , puifqu'au contraire une des pei-
» nes de leur état eft de s'oppofer aux mo
» des qu'on veut introduire dans l'ufage
des remedes par les Charlatans ' qui
emploient des moyens extraordinaires ,
» dont on ne connoît point encore les
» inconvéniens : les efprits frivoles s'y
» confient plus qu'aux remedes ordinai-
» res , qui ne font point fenfation , parce
» qu'on y eft accoutumé.
"
Le Public a un goût paffager pour
» les remedes , comme pour toute autre
chofe. La force de l'opinion eft fi gran-
» de , qu'il n'y a perfonne qui ne doive
» fe conformer plus ou moins à la mo-
» de : il n'eft pas au pouvoir du Méde-
» cim d'arrêter ce torrent , il ne peut
qu'ufer de retenue , en s'y prétant.
n
Fy
130 MERCURE DE FRANCE.
"
Cependant lorfque le remede qu'on lui
» propofe , peut - être nuifible au malade ,
» il doit déclarer qu'il eft d'avis contrai-
» re , & expliquer fon fentiment , fans
» pourtant entreprendre de s'opposer à ce
qu'on veut faire , parce que le Méde-
» cin n'eft chargé que du confeil , & non
» de l'exécution. Le Médecin ne doit
» avoir d'autre volonté , que celle de bien
» confeiller , en faifant grande attention à
» la maladie & au malade . Au refte c'eſt
» prendre fur foi mal- à- propos , que de
vouloir affujettir fon Malade à fa vo-
و ر
ود
lonté.
" En général il eft fort mauvais pour
la fociété d'attenter à la liberté des
» autres , il faut , pour être heureux dans
le commerce de la vie , faire la volon-
» té d'autrui , & non pas la fienne . Cela
» eft vrai pour le Médecin comme pour
le Malade : le Médecin doit toujours
» dire avec fincérité , & quelquefois avec
force , fon fentiment , mais il ne doit
point faire de reproches fi on n'a pas
fuivi fon avis ; & il doit continuer de
» donner fes confeils , tant qu'on les lui
» demande , & tant que perfonnellement
» on le traite avec honneur , & c.
"
་
La troifiéme partie de ce livre traite
des plantes & de leurs vertus , des vins ,
DECEMBRE. 1755. 13R
» &c. Il femble , dit Monfieur Malouin ,
» que les vins du Levant ont toutes
» les bonnes qualités , lorfqu'ils ont le
» goût de goudron , parce que c'eft la
» mode... On a la vanité ou la foibleffe
» d'être en cela du goût de tout le mon-
" de... La plupart de ces gens- là trouve-
» roient ce goût de goudron défagréable
» dans le vin , s'ils ne voyoient pas que
» les autres convives le trouvent bon.
» Il en eft du vin , comme de la mufi-
» que , fouvent on veut faire croire qu'on
» y trouve des beautés , quoiqu'on ne les
» fente pas , uniquement parce qu'on
voit les autres faire des démonftrations
» d'admirations. La plupart des hommes
» font faux , juſques dans le plaifir : ils
» veulent paroître avoir du plaifir où les
❞ autres en prennent .. L'opinion maîtriſe
» les fentimens les plus naturels , & elle
tyrannife tout le monde . Il n'eft pas rai- >
» fonnable de blâmer les Médecins de
ce qu'elle a lieu en Médecine ; il feroit
plus jufte de les plaindre de ce que ,
" continuellement attachés à la nature ,
qui dans fa grande variété eft toujours
» la même , on les en diftrait , pour les
" forcer de fe conformer aux ufages nou-
» veaux , mais reçus , c'eft- à - dire , aux
" modes ; fi les Médecins s'opiniâtroient
33
95
99
F vj
132 MERCURE DE FRANCE.
"» à y réfifter , on les regarderoit com-
» me des hommes médiocres qui n'ont
» pas de goût , ou qui ont intérêt à ne
pas laiffer accréditer une chofe qui ne
» vient pas d'eux. Un Médecin fage ne
» doit pas s'expofer inutilement à cette in-
» juſtice ; il faut fe prêter dans la fociété ,
» pour y être bien . «.
»
23
Les perfonnes qui par état , par humanité
, ou par goût feulement , s'occupent
de la fanté , qui eft l'objet le plus
digne des gens fenfés & bons , doivent
avoir cette Chimie médecinale ; ils y trouveront
des connoiffances fuffifantes , &
ils les y trouveront aifément , parce que
ce livre eft fait avec beaucoup d'ordre.
» Il étoit d'autant plus utile , dit l'Au-
» teur , pag. 228 , d'y donner ces connoif-
« fances , qu'elles fe trouvent plus rare-
» ment , & moins complettement ailleurs
» que dans ce livre , qui eft fait pour
» les Chirurgiens , pour les Apothicaires ,
» pour les Médecins , & pour tous ceux
« qui veulent s'occuper utilement , & con-
" noître particulierement ce qui a rap-
» port à la confervation & au rétablife-
» ment de la fanté . »
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Résumé : « CHIMIE médicinale, contenant la maniere de préparer les remedes les plus [...] »
L'ouvrage 'Chimie médicinale' a été rédigé par M. Malouin, médecin de la Reine et ancien professeur de pharmacie à la Faculté de Médecine de Paris. Publié en décembre 1755, ce traité se concentre sur la préparation et l'emploi des remèdes les plus utiles pour soigner diverses maladies. Il est structuré en quatre parties réparties sur deux volumes. La première partie traite des principes et des termes de la chimie, soulignant l'importance des termes spécifiques à cette science. La deuxième partie aborde les remèdes dérivés des animaux, notant que ces remèdes volatils, bien que utiles, peuvent être dangereux et nécessitent une grande expertise pour être employés correctement. La troisième partie explore les plantes et leurs vertus, ainsi que les vins, en critiquant les modes et les opinions influençant les goûts. L'ouvrage vise à fournir des connaissances détaillées sur les remèdes, leurs propriétés et leur utilisation adaptée aux différents tempéraments et maladies. Il s'adresse aux chirurgiens, apothicaires, médecins et à toute personne intéressée par la conservation et le rétablissement de la santé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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26
p. 145-148
Prix proposés par l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions & Belles-Lettres de Toulouse, pour les années 1756, 1757, & 1758.
Début :
La Ville de Toulouse, célébre par les prix qu'on y distribue depuis longtems [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, Toulouse, Auteurs, Sciences, Académie, Prix, Ouvrages
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texteReconnaissance textuelle : Prix proposés par l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions & Belles-Lettres de Toulouse, pour les années 1756, 1757, & 1758.
Prix propofes par l'Académie Royale des
Sciences , Infcriptions & Felles Lettres
de Toulouse , pour les années 1756 , 1757,
1758.
LA
A Ville de Toulouſe , célébre
par les
prix qu'on y diftribue depuis longtems
à l'Eloquence , à la Poéfie & aux Arts,
voulant
contribuer auffi au progrès des
Sciences & des Lettres , a , fous le bon
plaifir du Roi , fondé un prix de la valeur
de cinq cens livres , pour être diftribué
tous les ans par
l'Académie Royale des
Sciences ,
Infcriptions & Belles- Lettres , à
celui qui , au jugement de cette Compagnie
, aura le mieux traité le fujet qu'elle
aura propofé.
Le fujet doit être
alternativement de
Mathématique , de Médecine & de Littérature.
Le fujet proposé pour le prix double de
cette année 1755 , étoit l'Etat des Sciences
des Arts à Toulouſe fous les Rois Vifigots; &
quellesfurent les Loix & les Moeurs de cette
Villefous le gouvernement de ces Princes.
Quelques - uns des ouvrages préfentés
contiennent des recherches & des conjectures
qui auroient pu mériter le prix , fi
elles avoient été
fuffifamment dirigées vers
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
les principales parties du fujet propofé , &
fi les Auteurs euffent eu foin d'en tirer
tous les avantages qui pouvoient en réfulter.
Mais leur négligence à ces deux égards
a déterminé l'Académie à réferver encore
ce prix double , pour le joindre à celui de
1758 , qui fera de 1500 livres , & pour
lequel elle propofe de nouveau le même
fujet. Ceux qui compoferont pour ce prix ,
doivent s'attacher à déterminer avec le
plus de clarté & de folidité , qu'il fera
poffible , l'état des Loix , des Maurs , des
Sciences & des Arts à Toulouſe , & dans
l'étendue du Royaume dont cette Ville
fut la capitale fous les Rois Vifigots.
Lorfque les Sçavans furent informés
que le fujet du prix double de 1756 feroit
encore de déterminer la direction & la for
me la plus avantageufe d'une digue , pour
qu'elle refifte avec tout l'avantage poffible à
l'effort des eaux , en ayant égard aux diverfes
manieres dont elles tendent à la détruire ,
ils furent avertis que l'Académie n'a pas
moins en vue les digues deftinées à élevet
les eaux , ou à changer leur direction , que
celles qui ont pour objet de défendre les
bords de la mer ou ceux des rivieres .
Quant au prix triple de 1757 , qui a
pour fujet la Théorie de l'Ouie, les Sçavans
furent avertis l'année derniere , que l'ADECEMBRE.
1755. 147
cadémie , en priant les
Auteurs de fe renfermer
dans le fujet
propofé ,
demande
principalement une
expofition
exacte &
prouvée des
fonctions de chaque partie de
l'Oreille pour la
perception du fon.
Les
Auteurs qui ont déja remis des ouvrages
fur ces fujets ,
pourront les préfenter
derechef, après y avoir fait les changemens
qu'ils jugeront
convenables.
Les Sçavans font invités à travailler fur
ces fujets , & même les affociés étrangers
de
l'Académie. Ses autres membres font
exclus de
préténdre au prix.
Ceux qui
compoferont , font priés d'écrire
en
François ou en Latin , & de remettre
une copie de leurs
ouvrages qui foit
bien lisible , furtout quand il y aura des
calculs
algébriques.
Les Auteurs
écriront au bas de leurs
ouvrages une fentence ou devife ; mais ils
n'y mettront point leur nom . Ils pourront
néanmoins
y joindre un billet féparé &
cacheté , qui
contienne la même fentence
ou devife , avec leur nom , leurs qualités
& leur adreffe :
l'Académie exige même
qu'ils prennent cette
précaution , lorfqu'ils
adrefferont leurs écrits au
Secrétaire . Ce
billet ne fera point ouvert , fi la piece n'a
remporté le prix.
Ceux qui
travailleront pour le prix ,
意
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
pourront adreffer leurs ouvrages à M. l'Abbé
de Sapte , Secrétaire perpétuel de l'Académie
, ou les lui faire remettre par
quelque perfonne domiciliée à Toulouſe.
Dans ce dernier cas il en donnera fon récépiffé
, fur lequel fera écrite la fentence
de l'ouvrage , avec fon numero , felon
l'ordre dans lequel il aura été reçu.
Les paquets adreffés au Secrétaire doivent
être affranchis de port .
Les ouvrages ne feront reçus que jufqu'au
dernier Janvier des années pour le
prix defquelles ils auront été compofés.
L'Académie proclamera dans fon affemblée
publique du 25 du mois d'Août de
chaque année , la piece qu'elle aura couronnée.
Si l'ouvrage qui aura remporté le prix ,
a été envoyé au Secrétaire à droiture , le
Tréforier de l'Académie ne délivrera ce
prix qu'à l'Auteur même qui fe fera connoître
, ou au porteur d'une procuration
de fa part.
S'il y a un récépiffé du Secrétaire , le
prix fera délivré à celui qui le repréſentera.
L'Académie qui ne preferit aucunfyftême,
déclare auffi qu'elle n'entend point adopter les
principes des ouvrages qu'elle couronnera.
Sciences , Infcriptions & Felles Lettres
de Toulouse , pour les années 1756 , 1757,
1758.
LA
A Ville de Toulouſe , célébre
par les
prix qu'on y diftribue depuis longtems
à l'Eloquence , à la Poéfie & aux Arts,
voulant
contribuer auffi au progrès des
Sciences & des Lettres , a , fous le bon
plaifir du Roi , fondé un prix de la valeur
de cinq cens livres , pour être diftribué
tous les ans par
l'Académie Royale des
Sciences ,
Infcriptions & Belles- Lettres , à
celui qui , au jugement de cette Compagnie
, aura le mieux traité le fujet qu'elle
aura propofé.
Le fujet doit être
alternativement de
Mathématique , de Médecine & de Littérature.
Le fujet proposé pour le prix double de
cette année 1755 , étoit l'Etat des Sciences
des Arts à Toulouſe fous les Rois Vifigots; &
quellesfurent les Loix & les Moeurs de cette
Villefous le gouvernement de ces Princes.
Quelques - uns des ouvrages préfentés
contiennent des recherches & des conjectures
qui auroient pu mériter le prix , fi
elles avoient été
fuffifamment dirigées vers
II. Vol. G
146 MERCURE DE FRANCE.
les principales parties du fujet propofé , &
fi les Auteurs euffent eu foin d'en tirer
tous les avantages qui pouvoient en réfulter.
Mais leur négligence à ces deux égards
a déterminé l'Académie à réferver encore
ce prix double , pour le joindre à celui de
1758 , qui fera de 1500 livres , & pour
lequel elle propofe de nouveau le même
fujet. Ceux qui compoferont pour ce prix ,
doivent s'attacher à déterminer avec le
plus de clarté & de folidité , qu'il fera
poffible , l'état des Loix , des Maurs , des
Sciences & des Arts à Toulouſe , & dans
l'étendue du Royaume dont cette Ville
fut la capitale fous les Rois Vifigots.
Lorfque les Sçavans furent informés
que le fujet du prix double de 1756 feroit
encore de déterminer la direction & la for
me la plus avantageufe d'une digue , pour
qu'elle refifte avec tout l'avantage poffible à
l'effort des eaux , en ayant égard aux diverfes
manieres dont elles tendent à la détruire ,
ils furent avertis que l'Académie n'a pas
moins en vue les digues deftinées à élevet
les eaux , ou à changer leur direction , que
celles qui ont pour objet de défendre les
bords de la mer ou ceux des rivieres .
Quant au prix triple de 1757 , qui a
pour fujet la Théorie de l'Ouie, les Sçavans
furent avertis l'année derniere , que l'ADECEMBRE.
1755. 147
cadémie , en priant les
Auteurs de fe renfermer
dans le fujet
propofé ,
demande
principalement une
expofition
exacte &
prouvée des
fonctions de chaque partie de
l'Oreille pour la
perception du fon.
Les
Auteurs qui ont déja remis des ouvrages
fur ces fujets ,
pourront les préfenter
derechef, après y avoir fait les changemens
qu'ils jugeront
convenables.
Les Sçavans font invités à travailler fur
ces fujets , & même les affociés étrangers
de
l'Académie. Ses autres membres font
exclus de
préténdre au prix.
Ceux qui
compoferont , font priés d'écrire
en
François ou en Latin , & de remettre
une copie de leurs
ouvrages qui foit
bien lisible , furtout quand il y aura des
calculs
algébriques.
Les Auteurs
écriront au bas de leurs
ouvrages une fentence ou devife ; mais ils
n'y mettront point leur nom . Ils pourront
néanmoins
y joindre un billet féparé &
cacheté , qui
contienne la même fentence
ou devife , avec leur nom , leurs qualités
& leur adreffe :
l'Académie exige même
qu'ils prennent cette
précaution , lorfqu'ils
adrefferont leurs écrits au
Secrétaire . Ce
billet ne fera point ouvert , fi la piece n'a
remporté le prix.
Ceux qui
travailleront pour le prix ,
意
Gij
148 MERCURE DE FRANCE.
pourront adreffer leurs ouvrages à M. l'Abbé
de Sapte , Secrétaire perpétuel de l'Académie
, ou les lui faire remettre par
quelque perfonne domiciliée à Toulouſe.
Dans ce dernier cas il en donnera fon récépiffé
, fur lequel fera écrite la fentence
de l'ouvrage , avec fon numero , felon
l'ordre dans lequel il aura été reçu.
Les paquets adreffés au Secrétaire doivent
être affranchis de port .
Les ouvrages ne feront reçus que jufqu'au
dernier Janvier des années pour le
prix defquelles ils auront été compofés.
L'Académie proclamera dans fon affemblée
publique du 25 du mois d'Août de
chaque année , la piece qu'elle aura couronnée.
Si l'ouvrage qui aura remporté le prix ,
a été envoyé au Secrétaire à droiture , le
Tréforier de l'Académie ne délivrera ce
prix qu'à l'Auteur même qui fe fera connoître
, ou au porteur d'une procuration
de fa part.
S'il y a un récépiffé du Secrétaire , le
prix fera délivré à celui qui le repréſentera.
L'Académie qui ne preferit aucunfyftême,
déclare auffi qu'elle n'entend point adopter les
principes des ouvrages qu'elle couronnera.
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Résumé : Prix proposés par l'Académie Royale des Sciences, Inscriptions & Belles-Lettres de Toulouse, pour les années 1756, 1757, & 1758.
L'Académie Royale des Sciences, Inscriptions & Belles-Lettres de Toulouse a institué des prix pour les années 1756, 1757 et 1758, avec des sujets alternant entre Mathématiques, Médecine et Littérature. Pour l'année 1755, le sujet portait sur l'état des sciences et des arts à Toulouse sous les rois Wisigoths, ainsi que sur les lois et mœurs de la ville durant cette période. Cependant, les travaux présentés n'ont pas suffisamment abordé les aspects principaux du sujet, ce qui a conduit l'Académie à reporter le prix double de 1755 pour l'ajouter à celui de 1758, portant ainsi la valeur du prix à 1500 livres. Pour l'année 1756, le sujet concernait la construction de digues résistantes aux eaux. Les savants ont été informés que l'Académie considérait également les digues destinées à élever ou à changer la direction des eaux. En 1757, le sujet était la théorie de l'ouïe, avec une demande d'exposition exacte et prouvée des fonctions de chaque partie de l'oreille pour la perception du son. Les auteurs peuvent soumettre leurs travaux en français ou en latin, avec une devise mais sans nom. Ils peuvent inclure un billet séparé et cacheté contenant leur nom et leurs coordonnées. Les ouvrages doivent être adressés au Secrétaire perpétuel de l'Académie, M. l'Abbé de Sapte, avant le dernier janvier de l'année concernée. Le prix sera proclamé lors de l'assemblée publique du 25 août et délivré à l'auteur ou à son représentant muni d'une procuration ou d'un récépissé.
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27
p. 196-214
SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
Début :
La Société littéraire ouvrit ses séances par la lecture du remerciement, envoyé [...]
Mots clefs :
Société littéraire de Châlons, Société littéraire, Cadavres, Cimetière, Calomnie, Coeur, Discours, Exhumation, Sciences, Académies
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
SEANCES PARTICULIERES
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
De la Société Littéraire de Châlons
fur Marne.
A Société littéraire ouvrit fes féances
Lpar la lecture du remerciement , envoyé
par M. Desforges- Maillard , l'un de
fes Allociés externes.
Ce difcours eft le fruit du zéle que le
nouvel afſocié a toujours fait paroître pour
le progrès des Sciences & des Lettres , dont
l'utilité eft attaquée dans certains ouvrages
enfantés de nos jours par l'amour de
la fingularité , & par l'envie de paroître.....
M. D. F. M. examine les différens paradoxes
, qui tour à tour ont occupé la ſcene ,
& il expofe avec jufteffe & préciſion ce que
nous devons aux fciences , dont l'origine
a été celle des Arts & de l'induftrie , & aux
Lettres qui font la clef des fciences ....
En vain , pour foutenir une opinion
bizarre , allegue -t'on les abus occafionnés
par les oeuvres de la dépravation du coeur.
M. D. F. M. répond que des abus particuliers
il n'eft pas permis de tirer des conféquences
générales .... J'aimerois autant
qu'on avançat que la création du feu eft
DECEMBRE 1755. 197
pernicieufe , parce qu'il dépend d'un fou
de fe précipiter dans les flammes , & que
le feu venant à manquer à la malice hu
maine, il n'y auroit plus d'incendiaires, &c .
M. D. F. M. paffe à l'examen d'une autre
thefe. Comme une erreur fe renouvelle
ordinairement dans une autre , j'ai vu ,
dit-il , mettre en problême fi la multipli
cité des Académies ne feroit point un jour
la perte des talens.... N'eft- ce pas la même
chofe que fi l'on s'avifoit de dire qu'il feroit
dangereux peut- être que la plûpare
des hommes recherchâffent la vertu , parce
que la poffeffion en devenant trop commune
, il n'y auroit plus de gloire à devenir
vertueux ?
Après avoir fait fentir que ces chimériques
fyftêmes ont pris naiffance chez les
uns dans l'ambition & le défefpoir de parvenir
à la fupériorité littéraire , & chez
les autres dans l'ennui que leur caufe l'étude,
... il déplore le malheur de ces aveugles
nés , qui ne devant jamais voir la lumiere
, voudroient pouvoir l'éteindre de
leur fouffle pour tout le genre humain.
Pour réfoudre ce fecond problême , M.
D. F. M. avance avec vérité
avec vérité que les
Capitales des Royaumes ne font pas les
feuls endroits du monde où il foit permis
I iij
198 MERCURE DE FRANCE.
d'être fçavant & d'avoir de l'efprit.... Il eſt
de tous les païs , de tous les tems , de tous
les fexes , de toutes les conditions..... I
parle toutes les langues , & fructifie partout
où il eft cultivé.... D'où il conclud
que la multiplicité des Académies , loin
de pouvoir nuire aux talens , les éleve au
contraire , les encourage , & les multiplie....
Combien en voyons- nous éclorre ;
qui fe fuffent ignorés eux - mêmes , s'ils
ne s'étoient réveillés au bruit flateur de l'émulation
excitée par la gloire prochaine !
Combien de fçavans fe fuffent ensevelis
dès leur naiffance , privés par la fortune
des fecours néceffaires pour fe rendre dans
la Capitale, loin de laquelle on s'imaginoit
par un faux préjugé, qu'il n'étoit pas poffible
de mettre au jour quelque chofe qui fûr
digne de paroître ! ..
M. D. F. M. examine quelles étoient
les fources de cette prévention fatale , &
en affigne trois principales ; le chagrin de
manquer , dans la Province , d'équitables &
de fages critiques , que l'on pût familiérement
confulter fur fes effais ; le défagrément
de produire de bonnes chofes , fans
avoir d'approbateurs , dans des lieux où les
hommes capables de juger demeuroient
ifolés dans leurs cabinets , & de ne trouDECEMBRE.
1755. 199
ver dans le refte des Citoyens que des ames
infenfibles aux fruits de leurs veilles ....
L'établiſſement des Sociétés Littéraires
dans les Villes les plus confidérables des
Provinces lui paroît avoir levé tous les obftacles
que la distance de la Capitale oppofoit
au progrès des beaux Arts. Il entre
dans le détail des avantages que l'on retire
tous les jours de ces fortes d'établiſſemens,
ce qui le conduit naturellement à l'éloge
de l'Académie Françoife , qu'il nomme
avec autant de juftice que de vérité , la
Reine des Académies ..... Une comparaifon
délicate , heureufement amenée , fournit
à M. D. F. M. l'occafion de marquer fon attachement
au premier Tribunal du Royaume
par un éloge bien mérité de ce Sénat
par excellence.... Nous voudrions pouvoir
communiquer à nos lecteurs toutes les
beautés de ce morceau . Nous terminerons
cet extrait par l'éloge du Prince , Protec
teur.... » Scipion à la guerre , le laurier de.
» Mars le couronne ; Scipion pendant la
paix , il honore les Térences de fon ef-
" time , de fes confeils & de fon amitié....
Parlant enfuite de la réception de ce Prince
à l'Académie Françoife , M. D. F. M. dit.
que cet événement doit être à jamais écrit .
en lettres d'or ; événement qui comble
ود
I iv
200 MERCURE DE FRANCE.
d'honneur , non feulement les Académiciens
vivans , mais dont l'éclat rétroactif
réjaillir fur ceux mêmes qui ont payé le
fatal tribut à la nature.... & c.
A la fuite de ce difcours étoit une ode ,
tirée du Pleaume 45. Deus nofter refugium
& virtus , adjutor in tribulationibus...
M. l'Abbé Suicer , Licencié ès Loix ,
chargé de répondre à ce difcours , fir l'éloge
du nouveau récipiendaire. Nous allons
tranfcrire les principaux traits de ce
morceau, qui nous a paru vrai &bien frappé.
» Où vit - on un génie plus heureux &
» plus fécond , une imagination plus brillante
& plus ornée ? Beauté dans les
» images ; délicateffe dans les fentimens ;
» finelle dans les expreffions.... Quel genre
savez-vous effayé qui n'ait réuffi entre
» vos mains ? .... Perfonne n'écrivit avec
plus de force , ne badina avec plus d'efprit
, ne conta avec plus de légereté....
» L'empreffement que le public a marqué
pour vos ouvrages , à mefure qu'ils
voyoient le jour , n'a rien qui doive fur-
» prendre : il étoit l'effet de ce goût pour
»la belle nature , qui fe trouve toute en-
» tiere avec fes graces naïves dans ces pro-
→ductions admirables , dignes d'un fiecle
plus équitable ou moins prévenu .
DECEMBRE. 1755. 201.
M. l'Abbé Suicer caractériſe enfuite les
Ouvrages qui ont paru fous le nom de
Mile Malerais Delavigne : « Vos charman-
» tes hirondelles ont pris leur vol en
" 1730 ( 1 ) , & fur leurs aîles legeres ont
porté dans toute l'Europe fçavante la réputation
juftement méritée de celui qui
» leur avoit donné l'être....
M. Culoteau de Velie , Avocat du Roi
au Préfidial , Directeur , a lu un difcours
fur l'abus des talens ; fon ouvrage eft divifé
en deux parties : dans la premiere , if
examine quelle peut être la fource de ces
abus , & croit la trouver dans l'amourpropre
& la cupidité : l'un gâte l'efprit ,
l'autre corrompt le coeur ; le premier diminuant
à fes yeux ( de l'homme ) l'idée
de fes propres défauts , augmente en mê
me-tems celle de fon mérite ; la feconde
le foumet à l'empire des paffions : de l'un
naiffent la folle vanité , l'ambition , Penvie
, &c ; de l'autre l'intempérance , la
diffipation , la débauche , &c ; de toutes
les deux fuit la perte de l'homme entier.
M. D. V. parcourt quelques états de la
vie : il y découvre divers abus des talens .
Comme fon deffein eft moins d'entrer dans
(1 ) L'Idylle des hirondelles a été imprimée dans
le Mercure de France , Décembre 1730 , 1 vol. g.
2577
I iv
202 MERCURE DE FRANCE.
un détail fuivi , que de chercher les moyens
de les prévenir , ou d'y remédier ; il effaye
de les déterminer dans la feconde partie.
D'abord il confidere l'homme dans les premieres
années de fa jeuneffe , dans ces
tems heureux où l'efprit cherche à connoître
, & le coeur commence à défirer : invefti
par une multitude d'objets , également
nouveaux & inconnus , peut - être
dangereux , M. D. V. reconnoît qu'un
guide feroit bien utile à l'homme pour
éclairer fon ignorance , former fon goût ,
diriger fes pas incertains.... Il demande ce
guide rempli de zéle.... Il veut qu'il réuniffe
les qualités du coeur aux dons de l'efprit....
M. D. V. confidere enfuite l'homme plus
avancé en âge : dans la fuppofition que les
paffions auront pris le deffus : il indique
trois moyens pour rétablir tout dans l'ordre
: » Aimer la vérité , étudier la fageffe ,
» & chercher dans la fociété des gens de
» bien les fecours néceffaires pour arriver
plus furement à la connoiffance de l'une
» & de l'autre. »> M. D. V. prouve la néceffité
de ces trois points par des exemples
tirés de l'histoire , & par des autorités ref,
pectables.
M. Dupré d'Aulnay , ancien Commiffaire
des Guerres , Chevalier de l'Ordre
DECEMBRE. 1755. 203
de Chriſt , de la Société Littéraire d'Arras ,
lut un Mémoire fur l'écoulement de la matiere
fubtile dans le fer & dans l'aimant
par lequel il combat le fyftême de Descartes,
& de quelques Phyficiens qui l'ont fuivi ,
& qui attribuent la détermination de cet
écoulement dans le fer à des poils qu'ils
fuppofent exiſter dans ce métal , &c. Il explique
de quelle maniere les émanations
du foleil & de l'air fubtil agiffent fur les
corps mols ou folides ; il réfute la prétention
de ceux qui foutiennent que la ma
tiere magnétique fe meut avec plus de facilité
dans le fer que dans l'air , & rapporte
diverfes propriétés de la matiere univerfelle
connue fous différentes dénominations
d'air fubil , d'éther , de matiere
électrique , &c. Sur tous ces articles , l'Auteur
entre dans une infinité de détails phyfiques
qu'il n'eft guere poffible d'abréger.
M. Navier , Docteur en Médecine , Affocié-
Correfpondant de l'Académie Royale
des Sciences de Paris , toujours occupé de
recherches utiles , a lu une differtation
fur le danger des exhumations en général ,
& en particulier fur celle que Pon fe propofoit
de faire des cadavres qui repofent
dans le cimetiere ( 1 ) de la Paroiffe de
S. Alpin de Châlons.
(1 ) On avoit formé le projet d'agrandir la
1 vi
204 MERCURE DE FRANCE.
Ce Mémoire a deux parties ; dans la
premiere M. N. établit les différens degrés
de corruption que parcourent fucceffivement
les corps des animaux deftitués de
vie , & qui doivent les conduire à une
deftruction totale . De ces principes il conclud
que le monftrueux mêlange qui réfulte
de la putréfaction , venant à s'élever
fous la forme d'exhalaifons infectes ,
& pouvant atteindre jufqu'à l'intérieur
des organes tendres & délicats des corps
animés , il y porteroit infailliblement la
deftruction... Ces exhalaifons fe tranfmettroient
plus ou moins à tous ceux qui ſe
trouveroient dans cette atmoſphere ... Nos
liqueurs une fois imprégnées de ces parties
virulentes,ne s'en dépouilleroient qu'avec
peine , & plufieurs fuccomberoient ,
malgré les efforts redoublés que la nature
Place qui eft devant l'Hôtel de Ville, par le retranchement
du Cimetiere de S. Alpin , qui en occupe
une bonne partie . On devoit transporter incelfamment
les cadavres de ce cimetiere dans un autre
également au coeur de la Ville . M. N averti
des préparations que l'on faifoit à cet effet , & prévoyant
les fâcheux accidens auxquels la Ville alloit
être expofée par une exhumation auffi précipitée
, car il y avoit à peine dix-huit mois que
l'on ceffoit d'y enterrer , fe propofa de faire
connoître les funeftes effets qui alloient en réfalter.
DECEMBRE . 1755. 205
pourroit faire pour fecouer le joug d'un
ennemi auffi redoutable.... Le malheur qui
en réfulteroit , ne fe borneroit pas feulement
au court efpace de temps pendant
lequel l'air fe trouveroit alteré. Une partie
des miafmes corrupteurs
qui fe feroient
gliffés dans les corps vivans , y
pourroient féjourner fort long- temps , en
fe tranfmettant
des uns aux autres , ou
même en s'y tenant comme cachés pendant
un certain temps , avant que d'y exercer
leur fureur....
M. N. obferve qu'en telle circonftance
le poifon fe gliffe dans les corps par plus
d'une voie .... Les pores cutanés , la refpiration
, les nourritures , &c , font autant de
moyens qui en facilitent l'introduction ....
Un intervalle de dix huit à vingt mois ne
lui paroît pas un temps fuffifant pour confumer
tous les cadavres d'un cimetiere ,
& pour laiffer aux parties corrompues
dont la terre eft pénétrée , le loifir de
fe diffiper ou de changer entierement de
nature , en reprenant leurs premieres formes
& principes....
Il le prouve , 1 ° . par l'exhumation des
cadavres d'un cimetiere ( 1 ) de Châlons,
,
(1 ) Le cimetiere , dit De la Madeleine , appartenant
à l'Hôtel-Dieu . Cette exhumation fe fit en
1724.
Z06 MERCURE DE FRANCE.
lefquels , quoiqu'au bout de quatre ans
au moins , ne fe trouverent cependant pas
à beaucoup près confumés , exhalant encore
une odeur fi infecte , que l'on avoit
peine d'y réfifter , malgré la quantité d'encens
que l'on brûloit. 2 °. Par le rapport de
différens foffoyeurs , qui tous affurent ,
d'après l'expérience , qu'il y auroit danger
d'ouvrir les tombeaux avant quatre ans.
Il en eft même , ajoute M. N. qui ont
obfervé que la pluie confervoit les corps
morts. 3 °. Par le récit d'un fait , dont luimême
a été témoin tout récemment. Un
foffoyeur , en creufant une foffe ( 1 ) , lui
a fait voir les débris de trois cadavres qui
étoient l'un fur l'autre , encore tous chargés
de fubftance charnue , de cheveux &
d'entrailles , quoiqu'il y eut vingt ans que
le premier étoit inhumé , le ſecond onze
ans , & le troifieme huit.
Dans la feconde partie , M. N. propoſe
les moyens qu'il juge les plus propres pour
garantir de la contagion prefque inévitable
, ceux qui font exposés au mauvais
air des exhumations . Il confeille de les differer
le plus qu'il eft poffible , comme le
(1 ) Dans l'Eglife Collégiale & Paroiffiale de
Notre Dame en Vaux , le foffoyeur avoit été
obligé de quitter plufieurs fois l'ouvrage pour
aller refpirer un nouvel air.
DECEMBRE. 1755. 207
moyen le plus fûr. Si une néceflité extrê
me ne permet aucun délai , il faut prendre
des précautions . La premiere , & une
des plus effentielles , confifte à faire dans
les cimetieres plufieurs petites tranchées ,
que l'on remplira de chaux- vive , fur laquelle
on aura foin de jetter beaucoup
d'eau . L'eau imprégnée des particules
ignées & abforbantes de la chaux , pénétreront
la terre & les reftes des cadavres dont
elles détruiront les miafmes corrupteurs ,
en tout ou en partie .... Réiterer cette opération
plus ou moins , felon la quantité
& l'état des cadavres.... Employer toujours
de la chaux nouvelle , & fort chargée
de parties de feu... 2 °. Choifir pour
l'exhumation , le temps le plus froid de
l'année , celui où le vent du Nord
regnera
le plus.... 3 ° . Allumer de grands feux autour
du cimetiere .... tirer du canon , ou
faire détonner au moins trois ou quatre
fois par jour , tout autre inftrument chargé
de poudre fulminante.... Ces derniers
moyens , dit M. N. ont la propriété de
corriger & de détruire efficacement les
exhalaifons putrides . dont l'atmoſphere
pourroit encore fe trouver chargée ; d'accélerer
les courans de l'air , &c. ( 1 )
•
J
(1) Meffieurs les Officiers municipaux , fur les
représentations qui leur ont été faites par M. N
208 MERCURE DE FRANCE.
Ceux qui fouhaiteront connoître plus à
fonds l'excellence de ces moyens pour les
temps de contagion , peuvent confulter
un ouvrage que M. N. a donné au Public
en 1753 , où il développe le méchanifme,
par lequel ils operent des effets fi prompts
& fi falutaires. Il fe trouve à Paris , chez
Cavelier , rue faint Jacques , au lys d'or.
L'ufage d'enterrer dans les Eglifes , &
d'expofer les offemens de corps morts dans
des Charniers , a donné lieu à M. Navier
de faire des obfervations fur ce double
abus. Dans un fecond mémoire qui est une
fuite du précedent , il s'éleve avec raifon
contre les inhumations dans les Eglifes ,
que l'on permet trop fréquemment , furtout
à Châlons , fous le fpécieux prétexte
de quelque profit qui en revient aux Fabriques.
Il obferve que les enterremens
dans les Eglifes n'ont point été permis
avant le neuvieme fiecle ; que depuis
qu'ils ne font plus défendus , ils ont toujours
occafionné des accidens très -fâcheux.
Il en rapporte quelques-uns , tant anciens
que nouveaux, arrivés à Châlons, à Montpellier,
à Paris , dans les Royaumes étrangers
, &c. Les terres que l'on remue , en
creufant de nouvelles foffes dans les Egli-
, ont ordonné fur le champ de difcontinuer le re
muement des terres du cimetiere de S. Alpin.
DECEMBRE. 1755. 209.
fes, fe trouvant imprégnées d'une grande
quantité de parties corrompues que les
cadavres y ont tranfmis ; il n'eft pas étonnant
qu'il en résulte des effets auffi funeftes....
Si les corps des animaux deftitués
de vie , abandonnés en plein air , occafionnent
fouvent des maladies contagieufes
, quoique l'air libre où ils fe trouvent
expofés , enleve & balaye , pour ainfi dire
continuellement les miafmes putrides qui
s'élevent de ces cadavres , à meſure qu'ils
fe corrompent , que n'y- a- t'il pas à craindre
dans les Eglifes où l'on enterre beaucoup
de monde ? .... Ce font ces parties:
empoifonnées , dont la terre fe trouve imprégnée
, qui ont caufé la mort à une in-.
finité de folloyeurs , en ouvrant des terreins
où même il ne fe trouvoit aucuns:
veftiges de cadavres.... C'eft auffi la raiſon
pour laquelle ils ne peuvent creufer une
foffe qu'en plufieurs reprifes. Interrogezles
, dit M. N. ils vous répondront qu'ils
ſe ſentent comme fuffoqués , lorfqu'ils y
reftent long- temps.... Cet Académicien
attribue , avec Ramazzini , la courte du
rée de leur vie, aux vapeurs infectées qu'ils
reſpirent.
Pour remedier à cet abus , le moyen le
plus efficace , felon M. N. feroit de net
point enterrer dans les Eglifes , ou au210
MERCURE DE FRANCE.
moins de le faire très- rarement. Alors il
recommande d'éteindre beaucoup de chaux
fur les corps , n'y ayant pas de méthode
plus fure pour les détruire promptement ,
fans qu'ils paffent , pour ainfi dire , par
aucun degré de corruption ....
Malgré ces précautions , comme l'air
des Eglifes pourroit toujours être un peu
alteré, M. N. propoſe un moyen bien fimple
pour lui rendre toute fa pureté ; moyen
qui a été indiqué dans les Mémoires de
l'Académie Royale des Sciences de Paris ,
vol. 1748 , pour renouveller l'air des Hôpitaux
: ce feroit de pratiquer des jours
vers les voûtes , à certaines diſtances , en
détachant quelques carreaux de vitres les
plus elevés. Ces petites ouvertures , qui ne
pourroient donner beaucoup de froid ,
procureroient à l'air extérieur une libre
communication avec l'intérieur.
M. N. n'approuve point l'établiſſement
des Charniers. Il nous apprend un fait qui
mérite quelque attention . J'ai fouvent été,
dit-il , vifiter les Charniers dans les divers
endroits où j'ai fait quelque réfidence, & j'y
ai toujours vu des os ( 1 ) chargés de parties
(1) Nous fommes en état de confirmer la vérité
de ce récit , par un autre fait , qui a eu pour
témoin une perfonne de grande confidération.
Elle a vu dans un charnier une tête de mort ,
dont la cervelle dégoutoit encore,
DECEMBRE. 1755 .
21T
charnues & corrompues
.... Ne devroit- on
pas remédier à un tel abus , & défendre ,
fous des peines exemplaires
, d'expofer en
plein air les offemens des cadavres , qui
peuvent toujours l'alterer par des exhalaifons
mal-faifantes , quand bien même ils
ne feroient point chargés de parties charnues....
On ne peut veiller avec trop de
foin à entrenir l'air dans toute fa pureté,
puifque la vie & la fanté en dépendent....
M. N. conclud à la fuppreffion
& deftruction
des Charniers , qui lui paroiffent plus
nuifibles qu'utiles : il defireroit qu'on obligeât
les foffoyeurs à remettre en terre tous
les offemens qu'ils pourroient
trouver en
creufant les foffes....
Nous nous fommes un peu étendus fur
cés deux Mémoires , à caufe de l'importance
des matieres qui y font traitées. Il
feroit à fouhaiter , pour le bien de l'humanité,
que le miniftere public entrât dans
les fages vues de l'Auteur .
M. Viallet , l'un des Ingenieurs
de la
Province, & Membre de la Société , lut
des remarques fur la divifibilité de la matiere
, relatives au fyftême de Needham ,
dans fes obfervations
microfcopiques
; cetre
differtation
, qui eft toute en calculs &
dimenfions
, n'eft pas fufceptible d'extrait.
M. Meunier , Avocat en Parlement
212 MERCURE DE FRANCE.
dans une fuite de réflexions fut la mort ,
s'attacha à montrer l'aveuglement des
hommes qui vivent comme s'ils ne devoient
jamais mourir ; & après avoir fait
connoître , par une expofition touchante
de ce que nous voyons arriver tous les
jours , que la force du tempérament & la
bonté de la complexion ne font point des
titres fur lefquels on puiffe fe promettre
une longue vie , il examina ces deux importantes
queſtions : « Pourquoi dans le mon
» de on a tant de foin d'écarter la pensée
» de la mort ; & pourquoi , tandis que
tout paffe dans la nature , l'homme feul
voudroit toujours demeurer. »
M. l'Abbé Suicer a lu des réflexions en
vers fur le peu de fruit qu'operent aujourd'hui
les Prédications. Il en attribue la
caufe , & au Miniftre qui cherche moins
à convertir, qu'à fe faire un nom ; & aux
Auditeurs , que l'habitude & la curiofité
menent fouvent à l'Eglife , plutôt que le
defir de l'inftruction .
Nous terminerons ce Programme par
l'extrait d'un difcours fur la Calomnie ,
envoyé par M. de la Motte-Conflans ,
Avocat , l'un des Affociés externes.
Le fameux Tableau dans lequel Apelle
repréſenta les attributs de la calomnie , a
fourni la matiere & l'idée de ce difcours.
DECEMBRE. 1755. 213
Voici la defcription que M. D. L. M. C.
fait de la calomnie , d'après ce chef- d'oeuvre
de la Peinture : « L'envie eft preſque
toujours fon motif. La flatterie eft un
reffort qu'elle fait jouer avec le plus funefte
fuccès. Elle porte le feu de la difcorde
, & facrifie la trop foible innocence
avec une fureur impitoyable . C'eſt
» à la crédulité qu'elle s'adreffe : la crédulité
eft la fille de l'ignorance , & l'ignorance
fe livre facilement aux impreffions
du foupçon . Cependant la vérité
» cherche à fe faire jour ; elle s'avance à
lents , & fait marcher le trifte repentir
à la fuite de la calomnie...."
و ر
pas
M. D. L. M. C. ne fe borne point à une
ftérile admiration de ce célebre morceau :
la morale lui fournit des traits lumineux ,
& des leçons utiles pour tous les Etats.
Le Sage regarde la calomnie comme un
avis falutaire qui lui indique les vices
qu'il doit éviter , & le mérite calomnié
acquiert un nouveau luftre... Ces deux réflexions
, dit M. D. L. M. C. fuffifent pour
nous mettre au- deffus des traits d'une fatyre
injufte .... Il s'applique à les développer
dans le cours de fon ouvrage. Nous
ne le fuivrons pas dans fa marche , nous
nous contenterons feulement de copier ici
quelques-unes de ces réflexions.
1
214 MERCURE DE FRANCE.
Le Philofophe faifit toutes les inftructions
avec empreffement . L'amertume qui
les accompagne, ne peut l'effrayer , c'eſt à
la perfection qu'il tend : aucun obſtacle
n'eft capable de le détourner de fon objet.
Une prudente diffimulation & la perfévérance
dans le bien ; telles font les armes
qu'il oppofe à la calomnie .... Cette
leçon eft de pratique.
Le fouffle de la calomnie ne peut jamais
éteindre le flambeau de la vérité , qui fans
ceffe éclaire les démarches de la vertu.
Que le menfonge , pour frapper des coups
plus violens , épuile toutes fes odieufes
reffources , ils viendront tôt ou tard ces
temps heureux , où l'impofture fera forcée
de rendre hommage à la vérité.…... Ceci eſt
la confolation de l'innocence.
En finiffant fa differtation , M. de la
Motte-Conflans obſerve qu'il eft furprenant
que parmi tant de Peintres célebres ,
qui ont fleuri depuis deux fiecles , aucun
n'ait tenté de faire revivre le tableau d'Apelle.
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Résumé : SEANCES PARTICULIERES De la Société Littéraire de Châlons sur Marne.
La Société Littéraire de Châlons-sur-Marne a débuté ses séances par la lecture d'un remerciement de M. Desforges-Maillard, un associé externe. Ce discours met en avant l'importance des sciences et des lettres, souvent critiquées par des ouvrages contemporains cherchant la singularité et l'apparence. M. Desforges-Maillard défend l'utilité des sciences et des lettres, soulignant qu'elles sont à l'origine des arts et de l'industrie. Il réfute les arguments basés sur les abus occasionnés par la dépravation du cœur, affirmant qu'il ne faut pas tirer de conclusions générales à partir d'abus particuliers. Il compare cette idée à celle de condamner la création du feu parce qu'il peut causer des incendies. Le discours aborde ensuite la question de la multiplicité des académies, qui ne devrait pas être perçue comme une perte pour les talents. Au contraire, les académies encouragent et multiplient les talents. M. Desforges-Maillard déplore les préjugés qui limitent la reconnaissance des talents en dehors des capitales et souligne que les sociétés littéraires dans les provinces aident à surmonter ces obstacles. L'Abbé Suicer, licencié en lois, a répondu au discours en louant le génie et la fécondité de M. Desforges-Maillard, soulignant sa maîtrise de divers genres littéraires et l'accueil favorable du public à ses œuvres. M. Culoteau de Velie, avocat du roi, a lu un discours sur l'abus des talents, divisé en deux parties. La première examine les sources de ces abus, qu'il trouve dans l'amour-propre et la cupidité. La seconde propose des moyens pour prévenir ou remédier à ces abus, notamment en formant le goût et en dirigeant les pas incertains des jeunes esprits. M. Dupré d'Aulnay a présenté un mémoire sur l'écoulement de la matière subtile dans le fer et l'aimant, réfutant le système de Descartes et de certains physiciens. Il explique les interactions entre les émanations du soleil et de l'air subtil avec les corps mols ou solides. Enfin, M. Navier, docteur en médecine, a lu une dissertation sur les dangers des exhumations, en particulier celle prévue pour le cimetière de la paroisse de Saint-Alpin à Châlons. Il détaille les degrés de corruption des corps et les risques sanitaires associés aux exhalaisons infectes, proposant un délai minimum de quatre ans avant toute exhumation pour éviter les dangers pour la santé publique. M. Navier rapporte que dans l'église collégiale de Notre-Dame en Vaux, des fossoyeurs ont dû quitter leur travail en raison de l'air vicié. Pour prévenir la contagion lors des exhumations, il recommande de les différer autant que possible et, si nécessaire, de prendre des précautions telles que creuser des tranchées remplies de chaux vive et d'eau pour détruire les miasmes corrupteurs. Il suggère également de choisir le temps le plus froid de l'année, d'allumer des feux autour du cimetière et de tirer du canon pour purifier l'air. M. Navier critique l'usage d'enterrer dans les églises, pratique qui a causé des accidents fâcheux. Il observe que cette pratique, interdite avant le neuvième siècle, a été réintroduite pour des raisons financières. Les terres des cimetières, imprégnées de particules corrompues, provoquent des maladies contagieuses. Pour remédier à cet abus, il propose de cesser les inhumations dans les églises ou de les rendre très rares, et de brûler de la chaux sur les corps pour les détruire rapidement. Il recommande également de pratiquer des ouvertures dans les voûtes des églises pour renouveler l'air. M. Navier s'oppose aux charniers, notant que des os chargés de parties charnues y sont souvent trouvés. Il propose de supprimer et détruire les charniers et d'obliger les fossoyeurs à réenterrer les ossements trouvés. Le texte mentionne également d'autres contributions, comme celles de M. Viallet sur la divisibilité de la matière, de M. Meunier sur la mortalité humaine, et de l'abbé Suicer sur l'inefficacité des prédications. Enfin, M. de la Motte-Conflans présente un discours sur la calomnie, inspirée par un tableau d'Apelle, soulignant que la vérité finit toujours par triompher.
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28
p. 211-213
L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
Début :
Une chose qui doit donner de grandes espérances dans les sciences [...]
Mots clefs :
Sciences, Découvertes, Mutisme, Apprendre à parler, Surdité, M. Ernaud, Guérison, Prononciation, Certificat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
L'ART de faire parler les Sourds & Muets .
UNE chofe qui doit donner de grandes efpérances
dans les fciences & dans les arts , c'est que
l'on y a fouvent fait des découvertes qu'on n'efpéroit
pas y jamais faire , & dont on n'avoit pas
même l'idée. Jufqu'à ces derniers temps , par
exemple , où l'on eft parvenu à faire parler des
muets de naiffance , on n'avoit pas imaginé feulement
la chofe poffible. On regardoit les muets
de naiffance comme moins guériffables qu'aucuns
autres ; il fembloit que la nature elle- même , par
quelque malin vouloir , eût mis un cachet fur
leur langue pour les empêcher éternellement d'articuler.
Cependant ce font ces muets- là même
qu'il eft plus poffible de faire parler , que ceux
qui le font devenus par des accidens : ils ne font
reftés muets que parce qu'ils étoient fourds , les
organes de la parole ne leur manquent pas : ils font
feulement plus embarraffés par le défaut d'exercice.
Comme donc ces muets le font en conféquence
de leur furdité , il faut , pour ainfi dire ,
leur faire voir des fons , puis les exercer à les rendre
. Voilà quel eft l'art de M. Ernaud , qui eft à
Paris depuis quelque temps. L'éleve qu'il a amené
de Bordeaux eft né fourd & muet, & a, outre
la furdité , tous les vices d'organes que la nature
pouvoit cumuler , pour qu'il ne lui reftât aucune
efperance , fi bien que, de l'aveu de plufieurs Médecins
célebres , il ne Pauroit jamais fait intelligiblement
, quand il ne feroit pas né fourd. Il a
212 MERCURE DE FRANCE.
le filet coupé trop avant , il a un embarras dans
le gofier dont on ne connoît pas la caufe immédiate
, il a de la difpofition à bégayer , il manque
de falivation , & pardeffus tout cela , il eft
né Irlandois. M. Ernaud a fçu par fon art vaincre
tous ces obftacles , & l'enfant âgé de 13 ans , qui
n'eft que depuis un an entre fes mains , demande
intelligiblement fes befoins , lit à haute voix quelque
livre qu'on lui préfente , répond jufte aux
queftions qu'on lui fait , foit par écrit ou au mouvement
des levres , à quoi il ne fe trompe pas.
L'Académie des fciences a vu & entendu parler
cet enfant ; M. Morand Secrétaire perpétuel de
l'Académie de Chirurgie , l'a vu & entendu auffi ,
& en a donné fon certificat à . M. Ernaud. M. Er
naud vient d'entreprendre , je ne dirai pas la cure
, mais l'inſtruction d'un ſecond éleve ; car il
n'emploie pour cet effet , ni opérations , ni remédes
; mais beaucoup d'art , une connoiffance
peu commune de tous les fons dont la voix peat
être fufceptible & une patience infinie.
Les fourds & muets ne font pas fi rares qu'on
penfe : on ne les croit rares que parce que ces infortunés
déja fi maltraités de la nature , pour com.
ble de difgrace , font encore rélégués par leurs
parens loin de la fociété des hommes , comme
en étant les rebuts. On cache leur malheur , au
lieu d'y remédier , parce qu'on le croit irremédiable
. C'est donc rendre un bon fervice au public,
que d'indiquer un homme qui y remédie.
M. Ernaud promet de plus au public , de corriger
dans toutes fortes de fujets , muets ou non,
le bégayement , le graffeyement , le défaut de
falivation , & généralement tous les vices de conformation
d'organes. Sa méthode est toujours
également fimple. Quelque difficulté qu'ait un béJANVIER.
1758. 213
gue (pour prouver la vérité de ce qu'il avance ),
il lui fait prononcer aisément & fans grimace
quelques mots que ce foit , & cela dans l'inſtant
même, & en très -peu de temps il les fait parler
auffi-bien que tout autre. Il faut s'adreffer chez
M. Julien , Négociant , rue de la vieille monnoie
à Paris.
UNE chofe qui doit donner de grandes efpérances
dans les fciences & dans les arts , c'est que
l'on y a fouvent fait des découvertes qu'on n'efpéroit
pas y jamais faire , & dont on n'avoit pas
même l'idée. Jufqu'à ces derniers temps , par
exemple , où l'on eft parvenu à faire parler des
muets de naiffance , on n'avoit pas imaginé feulement
la chofe poffible. On regardoit les muets
de naiffance comme moins guériffables qu'aucuns
autres ; il fembloit que la nature elle- même , par
quelque malin vouloir , eût mis un cachet fur
leur langue pour les empêcher éternellement d'articuler.
Cependant ce font ces muets- là même
qu'il eft plus poffible de faire parler , que ceux
qui le font devenus par des accidens : ils ne font
reftés muets que parce qu'ils étoient fourds , les
organes de la parole ne leur manquent pas : ils font
feulement plus embarraffés par le défaut d'exercice.
Comme donc ces muets le font en conféquence
de leur furdité , il faut , pour ainfi dire ,
leur faire voir des fons , puis les exercer à les rendre
. Voilà quel eft l'art de M. Ernaud , qui eft à
Paris depuis quelque temps. L'éleve qu'il a amené
de Bordeaux eft né fourd & muet, & a, outre
la furdité , tous les vices d'organes que la nature
pouvoit cumuler , pour qu'il ne lui reftât aucune
efperance , fi bien que, de l'aveu de plufieurs Médecins
célebres , il ne Pauroit jamais fait intelligiblement
, quand il ne feroit pas né fourd. Il a
212 MERCURE DE FRANCE.
le filet coupé trop avant , il a un embarras dans
le gofier dont on ne connoît pas la caufe immédiate
, il a de la difpofition à bégayer , il manque
de falivation , & pardeffus tout cela , il eft
né Irlandois. M. Ernaud a fçu par fon art vaincre
tous ces obftacles , & l'enfant âgé de 13 ans , qui
n'eft que depuis un an entre fes mains , demande
intelligiblement fes befoins , lit à haute voix quelque
livre qu'on lui préfente , répond jufte aux
queftions qu'on lui fait , foit par écrit ou au mouvement
des levres , à quoi il ne fe trompe pas.
L'Académie des fciences a vu & entendu parler
cet enfant ; M. Morand Secrétaire perpétuel de
l'Académie de Chirurgie , l'a vu & entendu auffi ,
& en a donné fon certificat à . M. Ernaud. M. Er
naud vient d'entreprendre , je ne dirai pas la cure
, mais l'inſtruction d'un ſecond éleve ; car il
n'emploie pour cet effet , ni opérations , ni remédes
; mais beaucoup d'art , une connoiffance
peu commune de tous les fons dont la voix peat
être fufceptible & une patience infinie.
Les fourds & muets ne font pas fi rares qu'on
penfe : on ne les croit rares que parce que ces infortunés
déja fi maltraités de la nature , pour com.
ble de difgrace , font encore rélégués par leurs
parens loin de la fociété des hommes , comme
en étant les rebuts. On cache leur malheur , au
lieu d'y remédier , parce qu'on le croit irremédiable
. C'est donc rendre un bon fervice au public,
que d'indiquer un homme qui y remédie.
M. Ernaud promet de plus au public , de corriger
dans toutes fortes de fujets , muets ou non,
le bégayement , le graffeyement , le défaut de
falivation , & généralement tous les vices de conformation
d'organes. Sa méthode est toujours
également fimple. Quelque difficulté qu'ait un béJANVIER.
1758. 213
gue (pour prouver la vérité de ce qu'il avance ),
il lui fait prononcer aisément & fans grimace
quelques mots que ce foit , & cela dans l'inſtant
même, & en très -peu de temps il les fait parler
auffi-bien que tout autre. Il faut s'adreffer chez
M. Julien , Négociant , rue de la vieille monnoie
à Paris.
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Résumé : L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
Le texte aborde l'art de faire parler les sourds et muets, une découverte récente. Jusqu'à une époque récente, il était considéré comme impossible de faire parler les muets de naissance, jugés moins guérissables que les autres. Cependant, il s'avère que les muets de naissance, n'ayant jamais exercé leurs organes de la parole, peuvent être rééduqués plus facilement que ceux devenus muets par accident. M. Ernaud, à Paris, a développé une méthode pour enseigner la parole aux sourds-muets. Il a réussi à faire parler un enfant né sourd et muet, malgré divers handicaps physiques, en seulement un an. L'Académie des sciences et M. Morand, secrétaire perpétuel de l'Académie de Chirurgie, ont attesté des progrès de l'enfant. M. Ernaud propose également de corriger le bégaiement, le grasillement et autres vices de conformation des organes de la parole. Sa méthode est simple et efficace, permettant aux sujets de prononcer des mots sans grimace et rapidement. Pour plus d'informations, il est possible de s'adresser à M. Julien, négociant, rue de la vieille monnoie à Paris.
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29
p. 132
SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
Début :
M. LE Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, ouvrit [...]
Mots clefs :
Académie, Discours, Directeur, Sciences, Arts, Parlement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
SÉANCE publique de l'Académie Royale
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
des Sciences & Beaux - Arts de
PAU.
M. LE Baron de Navailles Pocyferre,
Chevalier d'honneur au Parlement , ouvrit
la féance par un Difcours fur les
avantages que l'on retire à célébrer les
grands hommes. Avantages également
précieux au coeur & à l'efprit. Il étoit
écrit avec goût & avec éloquence.
On fit lecture enfuite d'un Poëme
qui a remporté le Prix. Le Sujet propofé
étoit le Pacte de famille . M. Le
Mefle , de l'Académie des Sciences
Belles-Lettres & Arts de Rouen en eft
l'Auteur.
M. de Bordenave Caffou , Confeiller
au Parlement , & M. Bourdier de Bauregard,
Directeur des Domaines du Roi
en Bearn, qui avoient été élus pour remplir
deux places vacantes, y prononcerent
leur difcours de remercîment. M. le Directeur
( Navailles Pocyferre ) y répondit
au nom de l'Académie. L'Affemblée
étoit brillante & nombreufe , & applaudit
généralement & au Difcours
AVRIL. 1763. 133.
des Récipiendaires & à ceux du Directeur
qui méritoient les plus juftes éloges.
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Résumé : SÉANCE publique de l'Académie Royale des Sciences & Beaux-Arts de PAU.
En avril 1763, l'Académie Royale des Sciences et Beaux-Arts de Pau a organisé une séance publique. Le Baron de Navailles Pocyferre, Chevalier d'honneur au Parlement, a inauguré la séance par un discours sur les mérites de célébrer les grands hommes, bénéfiques pour le cœur et l'esprit. Ce discours a été salué pour son goût et son éloquence. Par la suite, un poème sur le Pacte de famille, rédigé par M. Le Mesle de l'Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Rouen, a été lu et a remporté le prix. M. de Bordenave Caffou, Conseiller au Parlement, et M. Bourdier de Bauregard, Directeur des Domaines du Roi en Béarn, ont prononcé des discours de remerciement après leur élection pour occuper deux places vacantes. M. le Directeur, Navailles Pocyferre, a répondu au nom de l'Académie. L'assemblée, nombreuse et brillante, a applaudi les discours des récipiendaires et du directeur, jugés dignes des plus grands éloges.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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30
p. 112-116
DE L'ÉDUCATION PUBLIQUE ; avec cette Epigraphe : Populus sapiens, gens magna. Deut. 4. A Amsterdam, 1763, volume in-12. d'environ 250 pages.
Début :
IL faut une éducation publique ; l'affaire est de voir si la nôtre est bonne, pour [...]
Mots clefs :
Auteur, Connaissances, École, Éducation, Sciences
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texteReconnaissance textuelle : DE L'ÉDUCATION PUBLIQUE ; avec cette Epigraphe : Populus sapiens, gens magna. Deut. 4. A Amsterdam, 1763, volume in-12. d'environ 250 pages.
DE L'ÉDUCATION PUBLIQUE; avec
cette Epigraphe : Populus fapiens ,gens
magna. Deut. 4. A Amfterdam, 1763,
volume in- 12. d'environ 250 pages.
IL faut une éducation publique ; l'affaire
eft de voir fi la nôtre eft bonne, pour
la foutenir ; ou fi elle est défectueuſe ,
pour la corriger : & il paroît que c'eft
là le but que s'eft propofé l'Auteur de
la brochure que nous annonçons. Il la
divife en trois parties précédées de quelques
obfervations fur l'éducation en général.
La première partie offre un tableau
méthodique des connoiffances humaines.
La feconde , qui dérive de la première
, contient une diftribution graduelle
des études fcholaftiques . Enfin ,
cherchant les moyens d'étendre & d'affurer
l'éducation publique , il établit
l'ordre & la difcipline des écoles.
Une fous-divifion de ces trois parties
donne lieu à plufieurs paragraphes que
nous ne devons qu'indiquer & percourir.
Dans le tableau des connoiffances
humaines , qui fait le fujet de la pre-
"
MA I. 1763. 113
mière partie de cet Ouvrage philofophique
, on diftingue trois fortes de connoiffances
; les unes font fimplement
inftrumentales ; il y en a d'effentielles ,
& d'autres de convenance. Les premières.
ne font que des moyens d'apprendre ou
de produire ce qu'on fait , tels font la
Grammaire , l'Arithmétique , la Logique
, la Géométrie , & c. L'Auteur définit
ces différentes Sciences , & en fait
voir l'utilité ; les connoiffances effentielles
font la Religion , la Morale & la
Phyfique ; celles de convenances ne font
que les mêmes chofes , mais pouffées
plus loin , & plus ou moins approfondies
, fuivant les états ou les perfonnes.
Toutes les vraies Sciences ont chacu
ne trois parties bien diftinctes , dont la
première eft le fondement de la feconde
, & celle- ci le principe de la troifiéme
, fçavoir l'Hiftoire , c'est- à - dire
le recueil des faits relatifs à la chofe ;
la Théorie qui combine les faits & en
cherche les raifons ; la pratique qui ,
munie des ces fecours , opère avec lumière
, & doit être le principal but de
toute étude .
Cette première partie ainfi divifée &
fous-divifée , forme une espéce d'Encyclopédie
abrégée , où toutes les Sciences
114 MERCURE DE FRANCE.
fontrangées dans l'ordre leplus naturel, ou
du moins dans celui qui s'ajuste le mieux
avec le plan général de l'Auteur. On
fent aisément que la feconde partie
n'entraîne pas dans moins de détails que
la première. L'Auteur prend à huit ou
neuf ans l'enfant qu'il veut élever ; &
revenant fur toutes les connoiffances
dont il a parlé plus haut , il enfeigne la
manière de les apprendre à fon éleve
jufqu'à l'âge de feize ans. Il marque
pour chaque année les livres qu'il lui convient
de lire pour s'inftruire dans chacune
des Sciences indiquées , & le temps qu'il
doit y employer.
Dans la partie qui traite de la difcipline
des écoles , on en diftingue de
plufieurs efpéces. Les unes font pour les
habitans des campagnes , auxquels il
fuffira d'apprendre à lire & à écrire , un
peu d'Arithmétique vulgaire , le Cathéchifme
& un petit Code ruftique , qui
contiendra ce qu'il eft effentiel que des
payfans connoiffent. Les autres font
pour les Bourgs , d'autres pour les petites
Villes , pour les Villes moyennes , pour
les grandes Villes , pour les Capitales ,
De là l'Auteur paffe aux bâtimens des
écoles qu'il veut que l'on place dans des
jours favorables , un air pur , & que.
M. A I. 1763. 115
l'on y entretienne la plus foigneufe
propreté. » Si ce font des maifons de
penfion , il me paroît indifpenfable
» qu'il y ait des couverts d'arbres pour
les récréations des beaux jours , affez
fpacieux pour s'y exercer à l'aife ,
affez bornés pour y être vus de pár
" tout , fans bofquets , fans eaux , fans
» réduits ; & pour les mauvais temps ,
des
» falles fuffifamment vaftes , élevées
» bien percées , accompagnées de quel-
» ques cabinets pour les exercices qui.
» ne fe font pas en commun. Combien
» d'écoles reffemblent à de miférables.
» prifons ! On est étonné furtout à Pa-
" ris de voir prèfque tous les Colléges .
» entaffés parmi des Hôpitaux énormes,
» dans le quartier le plus ferré de cette
» vafte Capitale ; & l'élite de notre jeune
Nobleffe , enfermée pour tout plaifir ,
» entre quatre murs hauts & étroits , &
» obligée au premier rayon de foleil
» ainfi qu'à la première goute de pluie ,
» de fe réfugier dans des chambres fou-
2 vent obfcures & infectes. "
23
La direction des écoles , le choix des
Maîtres , la conduite des éléves donnent
encore bien de détails qui fuppofent,
dans l'Auteur , des vues utiles qu'il feroit
à defirer qu'on exécutât dans toute
116 MERCURE DE FRANCE.
l'étendue du Royaume. L'Ouvrage entier
eft d'un homine inftruit , & qui paroit
defirer bien fincèrement que les autres
hommes le fuffent également.
cette Epigraphe : Populus fapiens ,gens
magna. Deut. 4. A Amfterdam, 1763,
volume in- 12. d'environ 250 pages.
IL faut une éducation publique ; l'affaire
eft de voir fi la nôtre eft bonne, pour
la foutenir ; ou fi elle est défectueuſe ,
pour la corriger : & il paroît que c'eft
là le but que s'eft propofé l'Auteur de
la brochure que nous annonçons. Il la
divife en trois parties précédées de quelques
obfervations fur l'éducation en général.
La première partie offre un tableau
méthodique des connoiffances humaines.
La feconde , qui dérive de la première
, contient une diftribution graduelle
des études fcholaftiques . Enfin ,
cherchant les moyens d'étendre & d'affurer
l'éducation publique , il établit
l'ordre & la difcipline des écoles.
Une fous-divifion de ces trois parties
donne lieu à plufieurs paragraphes que
nous ne devons qu'indiquer & percourir.
Dans le tableau des connoiffances
humaines , qui fait le fujet de la pre-
"
MA I. 1763. 113
mière partie de cet Ouvrage philofophique
, on diftingue trois fortes de connoiffances
; les unes font fimplement
inftrumentales ; il y en a d'effentielles ,
& d'autres de convenance. Les premières.
ne font que des moyens d'apprendre ou
de produire ce qu'on fait , tels font la
Grammaire , l'Arithmétique , la Logique
, la Géométrie , & c. L'Auteur définit
ces différentes Sciences , & en fait
voir l'utilité ; les connoiffances effentielles
font la Religion , la Morale & la
Phyfique ; celles de convenances ne font
que les mêmes chofes , mais pouffées
plus loin , & plus ou moins approfondies
, fuivant les états ou les perfonnes.
Toutes les vraies Sciences ont chacu
ne trois parties bien diftinctes , dont la
première eft le fondement de la feconde
, & celle- ci le principe de la troifiéme
, fçavoir l'Hiftoire , c'est- à - dire
le recueil des faits relatifs à la chofe ;
la Théorie qui combine les faits & en
cherche les raifons ; la pratique qui ,
munie des ces fecours , opère avec lumière
, & doit être le principal but de
toute étude .
Cette première partie ainfi divifée &
fous-divifée , forme une espéce d'Encyclopédie
abrégée , où toutes les Sciences
114 MERCURE DE FRANCE.
fontrangées dans l'ordre leplus naturel, ou
du moins dans celui qui s'ajuste le mieux
avec le plan général de l'Auteur. On
fent aisément que la feconde partie
n'entraîne pas dans moins de détails que
la première. L'Auteur prend à huit ou
neuf ans l'enfant qu'il veut élever ; &
revenant fur toutes les connoiffances
dont il a parlé plus haut , il enfeigne la
manière de les apprendre à fon éleve
jufqu'à l'âge de feize ans. Il marque
pour chaque année les livres qu'il lui convient
de lire pour s'inftruire dans chacune
des Sciences indiquées , & le temps qu'il
doit y employer.
Dans la partie qui traite de la difcipline
des écoles , on en diftingue de
plufieurs efpéces. Les unes font pour les
habitans des campagnes , auxquels il
fuffira d'apprendre à lire & à écrire , un
peu d'Arithmétique vulgaire , le Cathéchifme
& un petit Code ruftique , qui
contiendra ce qu'il eft effentiel que des
payfans connoiffent. Les autres font
pour les Bourgs , d'autres pour les petites
Villes , pour les Villes moyennes , pour
les grandes Villes , pour les Capitales ,
De là l'Auteur paffe aux bâtimens des
écoles qu'il veut que l'on place dans des
jours favorables , un air pur , & que.
M. A I. 1763. 115
l'on y entretienne la plus foigneufe
propreté. » Si ce font des maifons de
penfion , il me paroît indifpenfable
» qu'il y ait des couverts d'arbres pour
les récréations des beaux jours , affez
fpacieux pour s'y exercer à l'aife ,
affez bornés pour y être vus de pár
" tout , fans bofquets , fans eaux , fans
» réduits ; & pour les mauvais temps ,
des
» falles fuffifamment vaftes , élevées
» bien percées , accompagnées de quel-
» ques cabinets pour les exercices qui.
» ne fe font pas en commun. Combien
» d'écoles reffemblent à de miférables.
» prifons ! On est étonné furtout à Pa-
" ris de voir prèfque tous les Colléges .
» entaffés parmi des Hôpitaux énormes,
» dans le quartier le plus ferré de cette
» vafte Capitale ; & l'élite de notre jeune
Nobleffe , enfermée pour tout plaifir ,
» entre quatre murs hauts & étroits , &
» obligée au premier rayon de foleil
» ainfi qu'à la première goute de pluie ,
» de fe réfugier dans des chambres fou-
2 vent obfcures & infectes. "
23
La direction des écoles , le choix des
Maîtres , la conduite des éléves donnent
encore bien de détails qui fuppofent,
dans l'Auteur , des vues utiles qu'il feroit
à defirer qu'on exécutât dans toute
116 MERCURE DE FRANCE.
l'étendue du Royaume. L'Ouvrage entier
eft d'un homine inftruit , & qui paroit
defirer bien fincèrement que les autres
hommes le fuffent également.
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Résumé : DE L'ÉDUCATION PUBLIQUE ; avec cette Epigraphe : Populus sapiens, gens magna. Deut. 4. A Amsterdam, 1763, volume in-12. d'environ 250 pages.
La brochure 'De l'éducation publique', publiée à Amsterdam en 1763, vise à évaluer et améliorer l'éducation publique. Elle est structurée en trois parties, précédées d'observations générales sur l'éducation. La première partie propose un tableau méthodique des connaissances humaines, distinguant trois types de connaissances : instrumentales (comme la grammaire et l'arithmétique), essentielles (comme la religion et la morale) et de convenance (approfondissements selon les états ou personnes). Chaque science est structurée en trois parties : histoire, théorie et pratique. La seconde partie décrit une distribution graduelle des études scolaires de huit à seize ans, avec des livres et des temps d'étude spécifiques pour chaque année. La troisième partie traite de l'organisation et de la discipline des écoles, adaptées aux différents types de populations (campagnes, bourgs, villes, capitales). L'auteur insiste sur l'importance des bâtiments scolaires, recommandant des lieux sains et propres, avec des espaces pour les récréations. Le texte mentionne également la direction des écoles, le choix des maîtres et la conduite des élèves, soulignant des vues utiles pour l'ensemble du royaume. L'auteur apparaît comme une personne instruite, désirant sincèrement l'amélioration de l'éducation.
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31
p. 120-127
ANNONCES DE LIVRES.
Début :
ÉTAT Militaire de France, pour l'année 1763 ; sixiéme édition, par MM. [...]
Mots clefs :
Libraire, Académie, Sciences, Militaire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ANNONCES DE LIVRES.
ANNONCES DE LIVRES.
ÉTAT Militaire de France, pour l'année
1763 ; fixiéme édition , par MM.
de Montandre- Lonchamps , Chevalier
de Montandre , & de Rouffel. Prix , 3
livres relié . A Paris , chez Guillyn
Libraire , quai des Auguftins , du côté
du Pont- Saint-Michel , au Lys d'cr.
Avec approbation , & privilége du Roi .
Avertiffement des Auteurs.
De toutes les éditions que nous avons
données jufqu'ici , celle- ci n'eft pas
la moins curieufe ni la moins intéreffante.
On y trouve la compofition nouvelle
M A I. 1763.
Ι2Ι
4
$
velle de toutes les Troupes Françoifes
ou Etrangères au fervice de France ;
les quartiers des Régimens tels qu'ils
étoient au premier Avril ; leur uniforme,
lès marques diftinctives de chaque grade
, un précis du fervice de l'Officier
des devoirs du Soldat , des appointemens
& folde de l'un & de l'autre ;
en un mot , c'eft un Code complet
qui peut feul donner une idée exacte
de la forme actuelle du Militaire , dont
la conftitution ne doit plus éprouver
de révolutions . L'Ordonnance portant
création de Régimens Provinciaux ,
mérite entr'autres l'admiration & la reconnoiffance
du vrai Citoyen ; en défendant
fa liberté contre les piéges trop
multipliés des Enrôleurs , elle affure à
l'Etat une fource féconde d'hommes
youés à fon fervice par les diftinctions
& le bien - être qu'elle leur procure.
Nous nous fommes propofé de donner
un tableau racourçi , mais fidéle de tous
ces fages établiffemens : nous nous eftimerons
heureux , fi le Public , & particuliérement
les perfonnes intéreffées
dont nous reclamons l'indulgence , nous
jugent fur notre zéle & fur les efforts
que nous avons faits pour remplir nore
objet.
F
122 MERCURE DE FRANCE .
•
Nous aurions fouhaité de joindre ici.
les Ordonnances qui regleront l'état de
la Gendarmerie & des Régimens Suiffes ;
mais l'on nous preffe de donner notre
Ouvrage , afin d'avoir une idée du Militaire
, telle qu'il eft aujourd'hui . Cependant
nous nous engageons , aufſitôt
que ces Ordonnances paroîtront ,
de les faire imprimer dans le même format
, de façon qu'elles puiffent être inférées
à la fin du Code Militaire que
nous donnons. On en diftribuera à toutes
les perfonnes qui en demanderont ,
en repréfentant le livre.
EXPERIENCES & Obfervations fur
l'ufage interne de la Pomme épineufe ,
de la Jufquiame , & de l'Aconit ; par
lefquelles il eft démontré qu'on peut
faire prendre aux hommes ces Plantes
avec fécurité , & qu'elles font très-falutaires
dans beaucoup de maladies qui
ne cédent point à d'autres remédes.
Traduites du Latin d'Antoine Storck ;
Médecin de la Cour de Vienne . Avec
figures en Taille -douce . A Vienne ; &
fe trouve à Paris , chez P. Fr. Didot le
jeune , Libraire , quai des Auguftins ,
près le Pont S. Michel. 1763.
LE CONSERVATEUR de la Santé ,
MA I. 1763. 123
ou avis fur les dangers qu'il importe à
chacun d'éviter , pour fe conferver en
bonne fanté & prolonger fa vie. Par
M. le Begue de Prefle , Docteur-Régent
de la Faculté de Médecine de Paris
& Cenfeur Royal.
Medicina fuit , res fcire nocentes
Quo fibi mortales à re lædente caverent.
Hebenstreit.
In- 12. La Haye , 1763 ; & fe trouve à
Paris , chez P. Fr. Didot le jeune , Libraire
, quai des Auguftins , près le Pont
S. Michel , à S. Auguftin .
JOURNAL hiftorique du voyage fait
au Cap de Bonne-Efpérance , par fen
M. l'Abbé de la Caille , de l'Académic
des Sciences ; précédé d'un diſcours fur
la vie de l'Auteur , fuivi de remarques
& de réfléxions fur les coutumes des
Hottentots & des habitans du Cap,avec
figures. In- 12 . Paris , 1763. Chez Guillyn
, Libraire , quai des Auguftins, près
le Pont S. Michel , au Lys d'or.
AMBASSADES de MM. de Noailles
en Angleterre. Rédigées par feu M.ÞÄ¿-
bé de Vertot. In- 12 . Leyde , 5 volumes ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
& fe trouve à Paris chez Defaint &
Saillant
, Libraires , rue S. Jean de
Beauvais , vis - à- vis le Collége , & chez
Durand , Libraire , rue du Foin .
Nous parlerons plus amplement de
cet Ouvrage , qui mérite toute l'attention
des Amateurs de notre Hiftoire .
ÉLÉMENS de Jurifprudence , par M.
R *** In- 12. Paris , 1762. Chez Delormel
, rue du Foin , à l'Image Ste Géneviéve
, Cellot , Imprimeur-Libraire ,
Grande- Salle du Palais , près l'Escalier
de la Cour des Aydes.
,
LE DANGER des liaiſons , ou Mémoires
de la Baronne de Blemon . Par
Madame la M.... de S. A.... Tome 3 &
dernier. In- 12 . Genéve 1763 ; & fe
trouve à Paris chez les Libraires qui
vendent les Nouveautés. Nous avons
promis l'Extrait de cet Ouvrage des
qu'il feroit fini. C'eft un engagement
que nous remplirons avec plaifir.
OEUVRES diverfes de M. l'Abbé
Delamarre. In - 12 . Paris , 1763. Se
trouvent chez les mêmes Libraires.
ALMANACH des Beaux-Arts Ou
M A I. 1763. 125
Defcription d'Architecture , Peinture ,
Sculpture , Gravure , Hiftoire Natureile ,
Antiquités , & dates des Etabliffemens
de Paris , pour l'année 1763. Dédié à
M. le Marquis de Marigny. 1 liv. 4 f.
broché . A Paris , chez Grangé & Dufour
, au Magafin Littéraire de la Nouveauté
, Pont Notre-Dame , proche la
Pompe.
L'ANTI-URANIE , ou le Déifme
comparé au Chriftianiſme , Epîtres à
M. de Voltaire ; fuivies de Réfléxions
critiques fur plufieurs Ouvrages de ce.
célébre Auteur ; Par L. P. B. C. In- 12.
Avignon , 1763. Et fe trouve à Paris ,
chez la veuve Valleyre , à l'entrée du
quai de Gêvres , à la Nouveauté ; &
chez Cailleau , rue S. Jacques , près les
Mathurins , à S. André,
LA BONNE FILLE , ou le Mort vivant
; Piéce à Spectacle , en façon de
Tragédie. Parodie de Zelmire. Amfterdam
, 1763 ; & fe trouve à Paris chez
les mêmes Libraires. Prix , 1 liv . 4 f.
PREDICTIONS Philofophiques , pour
l'année 1763. Envoyées à Mde de ****
Par M. F.... Brochure in- 12 , Londres
1763. Chez les mêmes.
Fin
126 MERCURE DE FRANCE.
LE JARDINIER d'Artois , ou les
Elémens de la culture des Jardins Potagers
& fruitiers par F. Bonnelle , de
l'Ordre des Chanoines Réguliers de la
Ste Trinité dits Mathurins, pour la Rédemption
des Captifs . Volume in- 8 °.
Prix , 50 f. broché. Ce volume contient
deux parties. Dans la première il donne
la defcription , la culture & la propriété
de chaque légume. Dans la feconde il
traite des meilleures efpéces de fruits ,
de la taille des arbres & de la manière
de les planter. Il donne un Traité fur la
manière d'élever des couches pour avoir
des champignons pendant l'hyver &
pendant l'été. Il fait enfuite une longue
& fçavante differtation fur le figuier.
Il parle en connoiffeur de la façon de
cultiver l'oranger , de la manière d'élever:
les orangers de grains du tems de les écuffonner
, des terres qui leur font propres
, de la defcription des caiffes , des
arrofemens particuliers , des inconvéniens
qui leur arrivent , de la conftru-
Etion d'une bonne fèrre , & c . On trou
ve à la fin de ce Volume un Traité fur
la giroflée & un autre fur l'oeillet. Cet
Ouvrage a paru mériter l'attention du
Public. Il fe vend à Arras chez Michel
Nicolas , Imprimeur- Libraire , vis -à -vis
M A I. 1763.
1127
C
les Etats ; chez Laureau , Libraire , rue
des Jéfuites , près le Marché aux Poiffons
; & à Paris , chez Leclerc , Libraire
, quai des Auguſtins.
29
DESCRIPTION hiftorique & naturelle
du Groenland , par Edge , traduite
du Danois , avec la Carte & 11 figures,
8°. fous preffe , papier fin.- dit .
pap. moyen collé. dit. pap. non-collé.
*
-
DICTIONNAIRE de Commerce , par
Savary , avec beaucoup d'additions
&c. 4 vol. in fol . G. P. - Tome 5º , qui
contiendra le commerce de chaque
Pays , & les Compagnies de Commerce,
avec beaucoup d'additions. On payera
pour les 5 volumes , jufqu'à ce qu'ils
foient finis en 1763 , 54 liv. enfuite
67 liv. 10 f. Petit Dictionnaire portatif
, ou abrégé de Savary , 8°. 7 vol.
G. P. 18. liv.
ทาย Ces Ouvrages font fous preffe chez
les Frères C. & A. Philibert , Imprimeurs-
Libraires , à Coppenhague & à
Genève. On peut foufcrire à Paris chez
MM. Defaint & Saillant , Libraires , rue
S. Jean de Beauvais.
ÉTAT Militaire de France, pour l'année
1763 ; fixiéme édition , par MM.
de Montandre- Lonchamps , Chevalier
de Montandre , & de Rouffel. Prix , 3
livres relié . A Paris , chez Guillyn
Libraire , quai des Auguftins , du côté
du Pont- Saint-Michel , au Lys d'cr.
Avec approbation , & privilége du Roi .
Avertiffement des Auteurs.
De toutes les éditions que nous avons
données jufqu'ici , celle- ci n'eft pas
la moins curieufe ni la moins intéreffante.
On y trouve la compofition nouvelle
M A I. 1763.
Ι2Ι
4
$
velle de toutes les Troupes Françoifes
ou Etrangères au fervice de France ;
les quartiers des Régimens tels qu'ils
étoient au premier Avril ; leur uniforme,
lès marques diftinctives de chaque grade
, un précis du fervice de l'Officier
des devoirs du Soldat , des appointemens
& folde de l'un & de l'autre ;
en un mot , c'eft un Code complet
qui peut feul donner une idée exacte
de la forme actuelle du Militaire , dont
la conftitution ne doit plus éprouver
de révolutions . L'Ordonnance portant
création de Régimens Provinciaux ,
mérite entr'autres l'admiration & la reconnoiffance
du vrai Citoyen ; en défendant
fa liberté contre les piéges trop
multipliés des Enrôleurs , elle affure à
l'Etat une fource féconde d'hommes
youés à fon fervice par les diftinctions
& le bien - être qu'elle leur procure.
Nous nous fommes propofé de donner
un tableau racourçi , mais fidéle de tous
ces fages établiffemens : nous nous eftimerons
heureux , fi le Public , & particuliérement
les perfonnes intéreffées
dont nous reclamons l'indulgence , nous
jugent fur notre zéle & fur les efforts
que nous avons faits pour remplir nore
objet.
F
122 MERCURE DE FRANCE .
•
Nous aurions fouhaité de joindre ici.
les Ordonnances qui regleront l'état de
la Gendarmerie & des Régimens Suiffes ;
mais l'on nous preffe de donner notre
Ouvrage , afin d'avoir une idée du Militaire
, telle qu'il eft aujourd'hui . Cependant
nous nous engageons , aufſitôt
que ces Ordonnances paroîtront ,
de les faire imprimer dans le même format
, de façon qu'elles puiffent être inférées
à la fin du Code Militaire que
nous donnons. On en diftribuera à toutes
les perfonnes qui en demanderont ,
en repréfentant le livre.
EXPERIENCES & Obfervations fur
l'ufage interne de la Pomme épineufe ,
de la Jufquiame , & de l'Aconit ; par
lefquelles il eft démontré qu'on peut
faire prendre aux hommes ces Plantes
avec fécurité , & qu'elles font très-falutaires
dans beaucoup de maladies qui
ne cédent point à d'autres remédes.
Traduites du Latin d'Antoine Storck ;
Médecin de la Cour de Vienne . Avec
figures en Taille -douce . A Vienne ; &
fe trouve à Paris , chez P. Fr. Didot le
jeune , Libraire , quai des Auguftins ,
près le Pont S. Michel. 1763.
LE CONSERVATEUR de la Santé ,
MA I. 1763. 123
ou avis fur les dangers qu'il importe à
chacun d'éviter , pour fe conferver en
bonne fanté & prolonger fa vie. Par
M. le Begue de Prefle , Docteur-Régent
de la Faculté de Médecine de Paris
& Cenfeur Royal.
Medicina fuit , res fcire nocentes
Quo fibi mortales à re lædente caverent.
Hebenstreit.
In- 12. La Haye , 1763 ; & fe trouve à
Paris , chez P. Fr. Didot le jeune , Libraire
, quai des Auguftins , près le Pont
S. Michel , à S. Auguftin .
JOURNAL hiftorique du voyage fait
au Cap de Bonne-Efpérance , par fen
M. l'Abbé de la Caille , de l'Académic
des Sciences ; précédé d'un diſcours fur
la vie de l'Auteur , fuivi de remarques
& de réfléxions fur les coutumes des
Hottentots & des habitans du Cap,avec
figures. In- 12 . Paris , 1763. Chez Guillyn
, Libraire , quai des Auguftins, près
le Pont S. Michel , au Lys d'or.
AMBASSADES de MM. de Noailles
en Angleterre. Rédigées par feu M.ÞÄ¿-
bé de Vertot. In- 12 . Leyde , 5 volumes ;
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
& fe trouve à Paris chez Defaint &
Saillant
, Libraires , rue S. Jean de
Beauvais , vis - à- vis le Collége , & chez
Durand , Libraire , rue du Foin .
Nous parlerons plus amplement de
cet Ouvrage , qui mérite toute l'attention
des Amateurs de notre Hiftoire .
ÉLÉMENS de Jurifprudence , par M.
R *** In- 12. Paris , 1762. Chez Delormel
, rue du Foin , à l'Image Ste Géneviéve
, Cellot , Imprimeur-Libraire ,
Grande- Salle du Palais , près l'Escalier
de la Cour des Aydes.
,
LE DANGER des liaiſons , ou Mémoires
de la Baronne de Blemon . Par
Madame la M.... de S. A.... Tome 3 &
dernier. In- 12 . Genéve 1763 ; & fe
trouve à Paris chez les Libraires qui
vendent les Nouveautés. Nous avons
promis l'Extrait de cet Ouvrage des
qu'il feroit fini. C'eft un engagement
que nous remplirons avec plaifir.
OEUVRES diverfes de M. l'Abbé
Delamarre. In - 12 . Paris , 1763. Se
trouvent chez les mêmes Libraires.
ALMANACH des Beaux-Arts Ou
M A I. 1763. 125
Defcription d'Architecture , Peinture ,
Sculpture , Gravure , Hiftoire Natureile ,
Antiquités , & dates des Etabliffemens
de Paris , pour l'année 1763. Dédié à
M. le Marquis de Marigny. 1 liv. 4 f.
broché . A Paris , chez Grangé & Dufour
, au Magafin Littéraire de la Nouveauté
, Pont Notre-Dame , proche la
Pompe.
L'ANTI-URANIE , ou le Déifme
comparé au Chriftianiſme , Epîtres à
M. de Voltaire ; fuivies de Réfléxions
critiques fur plufieurs Ouvrages de ce.
célébre Auteur ; Par L. P. B. C. In- 12.
Avignon , 1763. Et fe trouve à Paris ,
chez la veuve Valleyre , à l'entrée du
quai de Gêvres , à la Nouveauté ; &
chez Cailleau , rue S. Jacques , près les
Mathurins , à S. André,
LA BONNE FILLE , ou le Mort vivant
; Piéce à Spectacle , en façon de
Tragédie. Parodie de Zelmire. Amfterdam
, 1763 ; & fe trouve à Paris chez
les mêmes Libraires. Prix , 1 liv . 4 f.
PREDICTIONS Philofophiques , pour
l'année 1763. Envoyées à Mde de ****
Par M. F.... Brochure in- 12 , Londres
1763. Chez les mêmes.
Fin
126 MERCURE DE FRANCE.
LE JARDINIER d'Artois , ou les
Elémens de la culture des Jardins Potagers
& fruitiers par F. Bonnelle , de
l'Ordre des Chanoines Réguliers de la
Ste Trinité dits Mathurins, pour la Rédemption
des Captifs . Volume in- 8 °.
Prix , 50 f. broché. Ce volume contient
deux parties. Dans la première il donne
la defcription , la culture & la propriété
de chaque légume. Dans la feconde il
traite des meilleures efpéces de fruits ,
de la taille des arbres & de la manière
de les planter. Il donne un Traité fur la
manière d'élever des couches pour avoir
des champignons pendant l'hyver &
pendant l'été. Il fait enfuite une longue
& fçavante differtation fur le figuier.
Il parle en connoiffeur de la façon de
cultiver l'oranger , de la manière d'élever:
les orangers de grains du tems de les écuffonner
, des terres qui leur font propres
, de la defcription des caiffes , des
arrofemens particuliers , des inconvéniens
qui leur arrivent , de la conftru-
Etion d'une bonne fèrre , & c . On trou
ve à la fin de ce Volume un Traité fur
la giroflée & un autre fur l'oeillet. Cet
Ouvrage a paru mériter l'attention du
Public. Il fe vend à Arras chez Michel
Nicolas , Imprimeur- Libraire , vis -à -vis
M A I. 1763.
1127
C
les Etats ; chez Laureau , Libraire , rue
des Jéfuites , près le Marché aux Poiffons
; & à Paris , chez Leclerc , Libraire
, quai des Auguſtins.
29
DESCRIPTION hiftorique & naturelle
du Groenland , par Edge , traduite
du Danois , avec la Carte & 11 figures,
8°. fous preffe , papier fin.- dit .
pap. moyen collé. dit. pap. non-collé.
*
-
DICTIONNAIRE de Commerce , par
Savary , avec beaucoup d'additions
&c. 4 vol. in fol . G. P. - Tome 5º , qui
contiendra le commerce de chaque
Pays , & les Compagnies de Commerce,
avec beaucoup d'additions. On payera
pour les 5 volumes , jufqu'à ce qu'ils
foient finis en 1763 , 54 liv. enfuite
67 liv. 10 f. Petit Dictionnaire portatif
, ou abrégé de Savary , 8°. 7 vol.
G. P. 18. liv.
ทาย Ces Ouvrages font fous preffe chez
les Frères C. & A. Philibert , Imprimeurs-
Libraires , à Coppenhague & à
Genève. On peut foufcrire à Paris chez
MM. Defaint & Saillant , Libraires , rue
S. Jean de Beauvais.
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Résumé : ANNONCES DE LIVRES.
Le document de 1763 présente diverses annonces de livres. Parmi les ouvrages mentionnés, l'« État Militaire de France » pour l'année 1763 est une édition révisée qui détaille la composition des troupes françaises et étrangères au service de la France. Elle inclut les quartiers des régiments, les uniformes, les marques distinctives des grades, ainsi qu'un précis des devoirs des officiers et des soldats. Cette édition met également en avant l'ordonnance sur la création des régiments provinciaux, visant à protéger la liberté des citoyens contre les enrôleurs et à assurer une force d'hommes dévoués au service de l'État. Les auteurs expriment leur intention de publier prochainement les ordonnances régissant la gendarmerie et les régiments suisses. Le document mentionne également des travaux médicaux, tels que les « Expériences & Observations » sur l'usage de plantes comme la pomme épineuse, la jusquiame et l'aconit, traduites du latin par Antoine Storck. Un autre ouvrage médical notable est « Le Conservateur de la Santé » par le Begue de Presle, qui offre des conseils pour éviter les dangers et préserver la santé. Des ouvrages historiques et de voyage sont également listés, comme le « Journal historique du voyage fait au Cap de Bonne-Espérance » par l'Abbé de la Caille, et les « Ambassades de MM. de Noailles en Angleterre » rédigées par l'abbé de Vertot. Enfin, le texte liste divers autres ouvrages, allant des éléments de jurisprudence aux almanachs des beaux-arts, en passant par des œuvres littéraires et des traités sur la culture des jardins.
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