Résultats : 6 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 241-243
« J'allois fermer ma Lettre, lors que j'ay reçeu la [...] »
Début :
J'allois fermer ma Lettre, lors que j'ay reçeu la [...]
Mots clefs :
Lettre, Article, Harangues, Premiers présidents, Curiosité, Beaux endroits, Ouvrage, Fragments, Placer
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « J'allois fermer ma Lettre, lors que j'ay reçeu la [...] »
Jallois fermer ma Lettre, lors
quejayreceu la voſtre l'avouë.
qu'elle m'embaraffe' , & il vous fera aiſé de le connoiſtre, puif- que j'avois paffé legerementfur Article que vous me deman- dez. Je ne fuis point ſurpris que les Harangues qui ont esté fai- tes au Roy à fon retour par Meffieurs les Premiers Prefidens ayent fait affez de bruit,
pour vous infpirer la curiofité d'enſçavoir les principales pen- fées mais quandvous m'ordon-
158 LE MERCVRE nez de la fatisfaire , je ne vous déguiſe pointqueje ne ſçay pas où m'y prendre : car que vous puis-je dire làdeſſus qui appro- che de la beauté de ce que vous
me demandez Vous ſçavez ,
Madame , que les plus beaux endroits d'un Ouvrage paroif- ſent toûjours moins en fragmés,
que lors qu'ils font placez oùils doivent eſtre; cequi les devan- ce ou ce qui les fuit , leurdonne ſouvent des graces qu'ils n'au- roient pas fans cela , &tout ce que l'on endit lors qu'on ne les fait pas voir de fuite eft toû jours infiniment au deſſous de ce qu'il feroit dans le corps en- tier de l'Ouvrage, le defere pourtant trop à vos ſentimeris,
pour ne pas faire dés aujour- d'huyunepartie de ce quevous ſouhaitez Jewaydonavonsdire
GALANT. 159 ce que je ſçay de deuxHaran- gues ſeulement , en attendant que je puiſſe m'informer plus particulierement des autres.
quejayreceu la voſtre l'avouë.
qu'elle m'embaraffe' , & il vous fera aiſé de le connoiſtre, puif- que j'avois paffé legerementfur Article que vous me deman- dez. Je ne fuis point ſurpris que les Harangues qui ont esté fai- tes au Roy à fon retour par Meffieurs les Premiers Prefidens ayent fait affez de bruit,
pour vous infpirer la curiofité d'enſçavoir les principales pen- fées mais quandvous m'ordon-
158 LE MERCVRE nez de la fatisfaire , je ne vous déguiſe pointqueje ne ſçay pas où m'y prendre : car que vous puis-je dire làdeſſus qui appro- che de la beauté de ce que vous
me demandez Vous ſçavez ,
Madame , que les plus beaux endroits d'un Ouvrage paroif- ſent toûjours moins en fragmés,
que lors qu'ils font placez oùils doivent eſtre; cequi les devan- ce ou ce qui les fuit , leurdonne ſouvent des graces qu'ils n'au- roient pas fans cela , &tout ce que l'on endit lors qu'on ne les fait pas voir de fuite eft toû jours infiniment au deſſous de ce qu'il feroit dans le corps en- tier de l'Ouvrage, le defere pourtant trop à vos ſentimeris,
pour ne pas faire dés aujour- d'huyunepartie de ce quevous ſouhaitez Jewaydonavonsdire
GALANT. 159 ce que je ſçay de deuxHaran- gues ſeulement , en attendant que je puiſſe m'informer plus particulierement des autres.
Fermer
Résumé : « J'allois fermer ma Lettre, lors que j'ay reçeu la [...] »
L'auteur répond à une demande concernant les harangues faites au roi à son retour. Il reconnaît la difficulté de fournir une réponse précise, car les passages les plus marquants d'un ouvrage se comprennent mieux dans leur contexte. Il admet ne pas pouvoir offrir une description complète mais accepte de partager les informations qu'il possède sur deux harangues, en attendant d'en savoir plus sur les autres. L'auteur exprime son respect pour les sentiments de la destinataire et s'engage à fournir une partie des informations demandées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 144-172
Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Début :
Voyez, Madame, comme je me laisse insensiblement emporter à l'enchaînement [...]
Mots clefs :
Juges, Parlement, Harangues, Ouverture, Messe, Cour des aides, Présidents, Avocat général, Satyre, Audiences, Premier président, Avocats, Séances, Justice, Barreau, Monarque, Mercuriale, Mr de Lamoignon, Procureur général, Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Voyez , Madame, comme je me laiſſe inſenſiblement em- porter à l'enchaînement de la matiere. Je vous devois faire
part dés le Mois paffé des Ce- remonies qui s'obſervent à l'ouverture
GALANT. 97
verture du Parlement. Le nou -
veau fuccés des armes du Roy en Allemagne dont j'ay eu à
vous écrire , me les ayant fait remettre juſqu'à celuy-cy , cet Article ſembloit devoir eſtre un
des premiers de ma Lettre , &
je ne vous en ay pas encore dit la moindre choſe. On ſçait que la couſtume eſt tous les *
1896*
ans de faire des Harangues à
cette Ouverture. Ceux qui n'y vont point n'en ſçavent rien davantage , & peut-eſtre même que la plupart de ceux qui y
vont n'en reviennent gueres plus ſçavans. Voicy par ordre tout ce qui s'y paffe.
Le lendemain de la Saint
Martin , le Parlement en Corps &en Robes rouges entend la Meſſe dans la GrandSalle du
Palais. C'eſt toûjours un EvêTome X. E
98 LE MERCVRE que qui la dit. Elle a eſté ce-- lebrée cette année par celuy de S. Omer. Le Parlement rentre
apres l'avoir entenduë , &re- mercie l'Eveſque , qui luy té- moigne de fon,coſte tenir à
honneur d'avoir eſté choiſi
pour cette Ceremonie par un fi Auguſte Corps. Les Avocats &ales Procureurs preſtent le Serment en ſuite; apres quoy Monfieur le Premier Preſident
traite une partie de la Com- pagnie , & quelques - uns de Meſſieurs des Enqueſtes. Les Séances ne recommencent
que le Lundy de la huitaine franche d'apres la S. Martin. -
Le meſme jour de cette Ou- verture , Meſſieurs de la Cour
desAydes fontdes Harangues entr'eux qu'on peut appeller Mercuriales, puisqu'elles n'ont EQUE DELA
GALANT. 99 A
Conſeil TO THEOU
pour but que de faire voir en quoy les Juges manquent , &
ce qu'ils doivent faire pour ré- pondre dignement aux obliga- tions de leurs Charges. Mef- fieurs les Preſidens &
lers de cette Cour s'eſtant af
ſemblez cette année à leur or
dinaire,Monfieur le Camusqui en eſt le Chefprit la parole ,&
apres s'eſtre long-temps étendu ſur la difference qu'ily avoit de l'integrité &de la pureté devie des Siecles paſſez , à la corru- ption qui s'eſt gliſſée dans ce- -Iuy-cy , &avoir montré parun diſcours fort net & fort éloquent, que nous eſtions tres- éloignez de cette candeur qui eſtoit inséparable de tout ce qui ſe faiſoit dans ces temps heureux, il fit voir les deſordres
qui naiſſent des Jugemens trop
*
E ij
100 LE MERCVRE
précipitez , & marqua forte- ment que les Juges ne pou- voient apporter trop de pré- caution avant que de pronon-- cer ſur l'intereſt des Parties.
Voicy une comparaiſon dont il ſe ſervit. Souvenez-vous , Маdame, que tout ce que je vous dis eſt fort imparfait, & que les penſées que je vous explique perdentbeaucoup de leurgrace,
dénüées des vives expreſſions qui les mettoient dans leur
jour.
De meſme , dit - il , que les Eaux qui fe répandent dansles Campagnes par divers détours,
y portent la fertilité & l'abondance , ainſi quand lcs Magi- ſtrats accompagnent leurs Iu- gemens de toutes les reflexions neceſſaires pourdéveloper avec ſoin les differens intereſts des
GALAN T. 101
Particuliers , leurs Arreſts ſe trouvent ſoûtenus de cette
équité dont Dieu recommande
aux Hommes de ne s'éloigner jamais. Au contraire lors que cesEauxſe débordent avecl'impétuoſité d'un Torrent , elles les gaſtent , elles y mettent la ſterilité, ce qui eſt en quelque façon l'image des Juges, qui ſe laiſſant emporter au premier feu de leur génie , & ne pre- nant pour reglede leurs Déci- fions que leur enteſtement, &
leur opiniâtreté , confondent le
bon droit avec le mauvais , &
font injuſtement des malheureux.
Le ſujet que M. du Boiſme- nillet , Avocat General de la
Cour des Aydes , prit pour fon Diſcours , fut la connoiſſance
de la Verité. Il montra qu'elle Eij
1102 LE MERCVRE
*étoit fi neceffaire aux Juges, que fans elle ils ne pouvoientgoûter * de veritable plaifir danslemon- de , ny joüir d'une fortune affurée. Il fit voir que ce que l'Homme appelle Fortune, con- fiftoit dans la ſeule elevation,
que nous cherchions cette éle- *vation par tout , &que nous tâ- chions de nous la procurer à
1nous-mefme, en abaiffant ceux en qui nous décotivtions plus de merite qu'en notis , ce qui eftoit caufe qu'il nous fachoit naturellement d'entendre loüer,
-au lieu que la Satyre nons don- noit toûjours de la joye , parce qu'elle a l'adreſſe de changer les vertus en defauts , & que nous ne trouvons point d'abaif- ſement pour les autres qui ne nous ſemble une eſpece d'éle- vation pour nous ; mais qu'en
GALAN T. 103 fin cette Fortune eſtoit injuſte fans la connoiſſance de la Verité. Il adjoûta que la Fortune & les Plaiſirs eſtoient les deux
principaux motifs qui nous fai- *foient agir dans la vie , quec'é- toit ſur eux que tous les autres rouloient , & que nous eſtions *obligez de prendre party. Ce raiſonnement fut ſuivy d'un grand Eloge de Monfieur le Chancelier, qui attira un ap- - plaudiſſement general.
Le Lundy quele Parlement recommence ſes Séances,qui eſt le jour où les Audiances font ouvertes , & qu'on appelle lour - des Harangues , M. le Premier Prefident parle aux Avocats, &
apres leur avoir fait connoiſtre
leur devoir il finit en adreſſant
la parole aux Procureurs. C'eſt ce qui s'eſt toûjours pratiqué ,
Eij
104 LE MERCVRE
& ce qui ſe pratiqua encor la derniere fois. Monfieur de Lamoignon , avec cette gravité de Magiſtrat fi digne de celuy qui tient le premier rang dans ce grand Corps , dit d'abord que c'eſtoit pour la vingtième fois qu'il voyoit renouveller l'an- cienne Ceremonie depuis que la Iuftice s'expliquoit par ſa bouche ſur toutes les obliga- tions que les Avocats avoient contractées avec elle par le
Serment de fidelité qu'ils luy avoient folemnellement juré;
que dans cette longue révolu- tion d'années qui avoit paſſé comme un fonge , il avoit veu changer preſque tout le Bar- reau , & qu'à peine y reftoit- il encor quelques - uns de ceux qui estoient alors dans une ſi haute reputation , & que l'age
GALANT. 105 ou l'infirmité avoient contraints
d'abandonner un employ fi labourieux. Il exagera fort le merite de ces Avocats celebres,
&dit qu'il ſembloit qu'ils n'euf- ſent pas eu plus de durée que cos Etoilles élementaires qu'on
voit ſe détacher du Ciel dans
un temps calme , qui marquent par une trace de lumiere leur chute précipitée & qui ſe per- dent pour jamaisdansl'obſcuri- té dela nuit. Il les compara en fuite à des Torches ardentes
qui jettent une fort grande lueur, qu'on ne voit paroiſtre quepour la voirs'évanoüir dans lemeſme temps. Il adjoûta que leur memoire vivroit toûjours dans le Parlement , où l'idée en eſtoit fi forte , & le ſouvenir fi
agreable, qu'il eſtoit comme im- poſſible de ne pas croire qu'ils
Ev
1106 LE MERCVRE
fuffent encor prefens , &qu'on *entendiſt leur voix parmy cette multitude d'Avocats qui ve- noient en foule pour écouter. Il *les exhorta tous à ſe rendre infatigables dans leur employ comme avoient fait ceux dont
il leur parloit , & leur fit voir qu'ils estoient d'autant plusobli- gez de s'en acquiterdignement,
que noftre grandMonarque, au *milieu des foins qui demandoiet totute ſon application pour ce qui regardoit la Guerre , ne * perdoir jamais celuyde confer- ver l'éclat de la Justice & de
*maintenir ſes intereſts , ce qu'il avoit encor fait paroiſtre depuis *peu de jours en luy donnant pour Chefun grand Homme -dontle choix avoiteſté prévenu par les vœux de toute la France,
&fuivy de fes plus finceres ac- clamations.
GALANT. 107
M. l'Avocat General Lamoignon ſon Fils parla apres luy , M. Talon eftant tout cou- vert de la gloire que ces fortes de Harangues font acquerir.
Son Exorde fut que ſi les Dif- cours que la couſtume veut qu'on faſſe en de pareils temps n'eſtoient confiderez que com- me des Effais d'Eloquence ſem- blables à ces Concerts de Muſique qui flatent l'oreille ſans pe- netrer le cœur , ce feroit un
abus de porter la parole dans un ſi Auguſte Parlement pour maintenir les intereſts de la Juſtice, en repreſentant aux Avo-- cats à quoy les oblige le Ser- ment qu'ils renouvellent tous Ies ans. Il pourſuivit en faiſant connoiſtre que la perfection de ce Serment confiftoit dans la
-verité,la juſtice &le jugement ;
Evj
108 LE MERCVRE
Que fans ces trois conditions
tous les Sermens estoient des
Parjures, &les Parjures, la four- cede tous les malheurs; Qu'ainfi les Payens avoient dévoie à la colere du Ciel , &àl'execration
de la Terre , ceux qui ſe trou- voient coupables des deux plus grands crimes qu'on puiſſe commettre dans le monde , l'un d'avoir mépriſé la Divinité qui préſide aux Sermens , &l'autre d'avoir violé la Verité , ſans la.-
quelle les plus ſages Legiſlateurs marquoient qu'il n'y avoit point deReligion parmy les Hommes,
ny de fidelité parmy les Dieux.
Il finit par une peinture de l'honneſte Hommequ'il exhor- ta les Avocats de ſe propofer pour modelle , afin que s'ap- pliquant avec plus d'ardeur à
rendre juſtice qu'à chercher les
GALAN T. 109
occafions de s'enrichir , ils euffent unzele parfait à défendre la verité.
LeMercredy ſuivant on tient la Mercuriale. M le Premier
Preſident parle à Meſſieurs les Gens du Roy , qui luy ayant adreſſé la parole enſuite , con- tinuent en l'adreſſant aux Juges en general. M. de Lamoignon,
Chefde ce grand Corps,tourna fonDiſcours la derniere fois fur
la Verité. Il dit que les Juges eſtoient dans une obligation in- diſpenſable de la chercher ſans ſe mettre enpeine de la calom- nie , ny de ce qu'on pourroit dire contre eux quand ils fe- roiet leur devoir; Qu'ils étoient dans un rang élevé , mais expo- ſe àtout,Qu'en cherchant cette Verité , ils devoient craindre
qu'on ne les perfuadat trop ai
TIO LE MERCVRE
fément ; Que chacun croyant avoir droit , croyoit en même- temps que la Verité eſtoit pour luy , & que cependant elle ne pouvoit eftre que d'un coſté ;
Que pour la bien découvrir au travers des voiles qui l'envelopent , ils devoient tout enten- dre , ne rebuter perſonne , & fi cela ſe peut dire , écouter juf- qu'àl'injuſtice meſme, pour n'avoir aucune negligence à ſe re- procher ; Que tout leurdevant eſtre ſuſpects , ils le devoient eſtre à eux-meſmes ; que les Amis ſe laiſſant aveugler par leurs Amis, tâchoient àperfua- der des injuftices aux Iuges ,
dans la penſée qu'ils ne leurde- -< mandoient rien que de juſte, &
qu'ainſi ils avoient ſujet de fe défier de tout , &particulierement d'un Sexe qui ayant des
GALANT. III
privileges particuliers , vouloit toûjours eftre crû , & ne prioit jamais qu'avec quelque forte d'autorité. Il finit par quantité de belles choses qu'il dit ſur la grandeur du Roy , &fur la fide- lité que les Juges doivent à leur
confcience , à ſa Majesté , & à
leur miniſtere.
Monfieur de Harlay Procu- reur General parla en ſuite. II dit que le repos faiſoit fubfifter toute la Nature ; Que Dieu même en avoit étably un jour dans chaque Semaine; que les Corps apres avoir travaillé tout lejour,
eſtoient obligez de ſe délaſſer
*la nuit pour reprendre de nou- velles forces , & qu'ainſi on avoit ordonné lesVacations afin
que l'Eſprit ſe repoſaſt des fati- gues de l'année , & puſt s'ap- pliquer aux Affaires avec une
112 LE MERCVRE
nouvelle vigueur ; mais qu'au lieu d'employer ce relâchement à l'uſage auquel on l'a deſtiné,
beaucoup de Juges rentroient auffi crus qu'auparavant , il ex- plique ce terme,adjoûtant qu'ils n'avoient point aſſez digeré les preſſans devoirs qui leur font impoſez par leurs Charges , &
qu'ils ne s'eſtoint pointmis dans l'eſtat oùil faut eſtre pour s'en acquiter ; Qu'il les conjuroit de mieux profiter du temps, &que ce fuſt pour la derniere fois ,
s'ils remarquoient qu'ils en euſſent jamais abuſé.Apres cela il entra dans le détail de ce que doit ſçavoir un Juge , & ayant parlé des Ordonnances , du Droit Ciuil , & de quelques autres dont la connoiſſance luy eſtoit abfolument neceſſaire , il tomba furlafoibleſſe des Hom-
GALANT. 113 mes ſi ſujets à ſe tromper eux- meſmes , ou àſe laiſſer tromper.
Il leur fit connoiſtre que la pré- vention eſtoit lachoſedu monde la plusdangereuſe , puis que l'Innocence en pouvoit ſuffrir ;
&leur ayant marqué ce defaut comme undes plus grands &
des plus préjudiciables qu'ils puſſent avoit , il les exhorta à
fonger ſerieuſement à s'en de- fendre , &à ne donner jamais deJugement fans avoir examiné juſqu'aux moindres circonſtan- cesdes Affaires ſur leſquelles ils avoient à prononcer.
Je vous ay déja priće ,Mada- me , de ne regarder ce quej'a- vois àvous dire ſurcette matiere , que comme une ébauche qui a eftéfaite confufément fur des Portraits achevez. Ce ſont
moins en effet les penſeées de
114 LE MERCVRE
ces grands Hommes , que quel- que choſe de leurs penſées. Ils leur ont donné un tour qu'il ne m'eſt pas poſſible de trouver ,
*& j'en laiſſe beaucoup que la memoire de ceux qui les ont Sentenduës avec admiration ne
m'apûfournir.
part dés le Mois paffé des Ce- remonies qui s'obſervent à l'ouverture
GALANT. 97
verture du Parlement. Le nou -
veau fuccés des armes du Roy en Allemagne dont j'ay eu à
vous écrire , me les ayant fait remettre juſqu'à celuy-cy , cet Article ſembloit devoir eſtre un
des premiers de ma Lettre , &
je ne vous en ay pas encore dit la moindre choſe. On ſçait que la couſtume eſt tous les *
1896*
ans de faire des Harangues à
cette Ouverture. Ceux qui n'y vont point n'en ſçavent rien davantage , & peut-eſtre même que la plupart de ceux qui y
vont n'en reviennent gueres plus ſçavans. Voicy par ordre tout ce qui s'y paffe.
Le lendemain de la Saint
Martin , le Parlement en Corps &en Robes rouges entend la Meſſe dans la GrandSalle du
Palais. C'eſt toûjours un EvêTome X. E
98 LE MERCVRE que qui la dit. Elle a eſté ce-- lebrée cette année par celuy de S. Omer. Le Parlement rentre
apres l'avoir entenduë , &re- mercie l'Eveſque , qui luy té- moigne de fon,coſte tenir à
honneur d'avoir eſté choiſi
pour cette Ceremonie par un fi Auguſte Corps. Les Avocats &ales Procureurs preſtent le Serment en ſuite; apres quoy Monfieur le Premier Preſident
traite une partie de la Com- pagnie , & quelques - uns de Meſſieurs des Enqueſtes. Les Séances ne recommencent
que le Lundy de la huitaine franche d'apres la S. Martin. -
Le meſme jour de cette Ou- verture , Meſſieurs de la Cour
desAydes fontdes Harangues entr'eux qu'on peut appeller Mercuriales, puisqu'elles n'ont EQUE DELA
GALANT. 99 A
Conſeil TO THEOU
pour but que de faire voir en quoy les Juges manquent , &
ce qu'ils doivent faire pour ré- pondre dignement aux obliga- tions de leurs Charges. Mef- fieurs les Preſidens &
lers de cette Cour s'eſtant af
ſemblez cette année à leur or
dinaire,Monfieur le Camusqui en eſt le Chefprit la parole ,&
apres s'eſtre long-temps étendu ſur la difference qu'ily avoit de l'integrité &de la pureté devie des Siecles paſſez , à la corru- ption qui s'eſt gliſſée dans ce- -Iuy-cy , &avoir montré parun diſcours fort net & fort éloquent, que nous eſtions tres- éloignez de cette candeur qui eſtoit inséparable de tout ce qui ſe faiſoit dans ces temps heureux, il fit voir les deſordres
qui naiſſent des Jugemens trop
*
E ij
100 LE MERCVRE
précipitez , & marqua forte- ment que les Juges ne pou- voient apporter trop de pré- caution avant que de pronon-- cer ſur l'intereſt des Parties.
Voicy une comparaiſon dont il ſe ſervit. Souvenez-vous , Маdame, que tout ce que je vous dis eſt fort imparfait, & que les penſées que je vous explique perdentbeaucoup de leurgrace,
dénüées des vives expreſſions qui les mettoient dans leur
jour.
De meſme , dit - il , que les Eaux qui fe répandent dansles Campagnes par divers détours,
y portent la fertilité & l'abondance , ainſi quand lcs Magi- ſtrats accompagnent leurs Iu- gemens de toutes les reflexions neceſſaires pourdéveloper avec ſoin les differens intereſts des
GALAN T. 101
Particuliers , leurs Arreſts ſe trouvent ſoûtenus de cette
équité dont Dieu recommande
aux Hommes de ne s'éloigner jamais. Au contraire lors que cesEauxſe débordent avecl'impétuoſité d'un Torrent , elles les gaſtent , elles y mettent la ſterilité, ce qui eſt en quelque façon l'image des Juges, qui ſe laiſſant emporter au premier feu de leur génie , & ne pre- nant pour reglede leurs Déci- fions que leur enteſtement, &
leur opiniâtreté , confondent le
bon droit avec le mauvais , &
font injuſtement des malheureux.
Le ſujet que M. du Boiſme- nillet , Avocat General de la
Cour des Aydes , prit pour fon Diſcours , fut la connoiſſance
de la Verité. Il montra qu'elle Eij
1102 LE MERCVRE
*étoit fi neceffaire aux Juges, que fans elle ils ne pouvoientgoûter * de veritable plaifir danslemon- de , ny joüir d'une fortune affurée. Il fit voir que ce que l'Homme appelle Fortune, con- fiftoit dans la ſeule elevation,
que nous cherchions cette éle- *vation par tout , &que nous tâ- chions de nous la procurer à
1nous-mefme, en abaiffant ceux en qui nous décotivtions plus de merite qu'en notis , ce qui eftoit caufe qu'il nous fachoit naturellement d'entendre loüer,
-au lieu que la Satyre nons don- noit toûjours de la joye , parce qu'elle a l'adreſſe de changer les vertus en defauts , & que nous ne trouvons point d'abaif- ſement pour les autres qui ne nous ſemble une eſpece d'éle- vation pour nous ; mais qu'en
GALAN T. 103 fin cette Fortune eſtoit injuſte fans la connoiſſance de la Verité. Il adjoûta que la Fortune & les Plaiſirs eſtoient les deux
principaux motifs qui nous fai- *foient agir dans la vie , quec'é- toit ſur eux que tous les autres rouloient , & que nous eſtions *obligez de prendre party. Ce raiſonnement fut ſuivy d'un grand Eloge de Monfieur le Chancelier, qui attira un ap- - plaudiſſement general.
Le Lundy quele Parlement recommence ſes Séances,qui eſt le jour où les Audiances font ouvertes , & qu'on appelle lour - des Harangues , M. le Premier Prefident parle aux Avocats, &
apres leur avoir fait connoiſtre
leur devoir il finit en adreſſant
la parole aux Procureurs. C'eſt ce qui s'eſt toûjours pratiqué ,
Eij
104 LE MERCVRE
& ce qui ſe pratiqua encor la derniere fois. Monfieur de Lamoignon , avec cette gravité de Magiſtrat fi digne de celuy qui tient le premier rang dans ce grand Corps , dit d'abord que c'eſtoit pour la vingtième fois qu'il voyoit renouveller l'an- cienne Ceremonie depuis que la Iuftice s'expliquoit par ſa bouche ſur toutes les obliga- tions que les Avocats avoient contractées avec elle par le
Serment de fidelité qu'ils luy avoient folemnellement juré;
que dans cette longue révolu- tion d'années qui avoit paſſé comme un fonge , il avoit veu changer preſque tout le Bar- reau , & qu'à peine y reftoit- il encor quelques - uns de ceux qui estoient alors dans une ſi haute reputation , & que l'age
GALANT. 105 ou l'infirmité avoient contraints
d'abandonner un employ fi labourieux. Il exagera fort le merite de ces Avocats celebres,
&dit qu'il ſembloit qu'ils n'euf- ſent pas eu plus de durée que cos Etoilles élementaires qu'on
voit ſe détacher du Ciel dans
un temps calme , qui marquent par une trace de lumiere leur chute précipitée & qui ſe per- dent pour jamaisdansl'obſcuri- té dela nuit. Il les compara en fuite à des Torches ardentes
qui jettent une fort grande lueur, qu'on ne voit paroiſtre quepour la voirs'évanoüir dans lemeſme temps. Il adjoûta que leur memoire vivroit toûjours dans le Parlement , où l'idée en eſtoit fi forte , & le ſouvenir fi
agreable, qu'il eſtoit comme im- poſſible de ne pas croire qu'ils
Ev
1106 LE MERCVRE
fuffent encor prefens , &qu'on *entendiſt leur voix parmy cette multitude d'Avocats qui ve- noient en foule pour écouter. Il *les exhorta tous à ſe rendre infatigables dans leur employ comme avoient fait ceux dont
il leur parloit , & leur fit voir qu'ils estoient d'autant plusobli- gez de s'en acquiterdignement,
que noftre grandMonarque, au *milieu des foins qui demandoiet totute ſon application pour ce qui regardoit la Guerre , ne * perdoir jamais celuyde confer- ver l'éclat de la Justice & de
*maintenir ſes intereſts , ce qu'il avoit encor fait paroiſtre depuis *peu de jours en luy donnant pour Chefun grand Homme -dontle choix avoiteſté prévenu par les vœux de toute la France,
&fuivy de fes plus finceres ac- clamations.
GALANT. 107
M. l'Avocat General Lamoignon ſon Fils parla apres luy , M. Talon eftant tout cou- vert de la gloire que ces fortes de Harangues font acquerir.
Son Exorde fut que ſi les Dif- cours que la couſtume veut qu'on faſſe en de pareils temps n'eſtoient confiderez que com- me des Effais d'Eloquence ſem- blables à ces Concerts de Muſique qui flatent l'oreille ſans pe- netrer le cœur , ce feroit un
abus de porter la parole dans un ſi Auguſte Parlement pour maintenir les intereſts de la Juſtice, en repreſentant aux Avo-- cats à quoy les oblige le Ser- ment qu'ils renouvellent tous Ies ans. Il pourſuivit en faiſant connoiſtre que la perfection de ce Serment confiftoit dans la
-verité,la juſtice &le jugement ;
Evj
108 LE MERCVRE
Que fans ces trois conditions
tous les Sermens estoient des
Parjures, &les Parjures, la four- cede tous les malheurs; Qu'ainfi les Payens avoient dévoie à la colere du Ciel , &àl'execration
de la Terre , ceux qui ſe trou- voient coupables des deux plus grands crimes qu'on puiſſe commettre dans le monde , l'un d'avoir mépriſé la Divinité qui préſide aux Sermens , &l'autre d'avoir violé la Verité , ſans la.-
quelle les plus ſages Legiſlateurs marquoient qu'il n'y avoit point deReligion parmy les Hommes,
ny de fidelité parmy les Dieux.
Il finit par une peinture de l'honneſte Hommequ'il exhor- ta les Avocats de ſe propofer pour modelle , afin que s'ap- pliquant avec plus d'ardeur à
rendre juſtice qu'à chercher les
GALAN T. 109
occafions de s'enrichir , ils euffent unzele parfait à défendre la verité.
LeMercredy ſuivant on tient la Mercuriale. M le Premier
Preſident parle à Meſſieurs les Gens du Roy , qui luy ayant adreſſé la parole enſuite , con- tinuent en l'adreſſant aux Juges en general. M. de Lamoignon,
Chefde ce grand Corps,tourna fonDiſcours la derniere fois fur
la Verité. Il dit que les Juges eſtoient dans une obligation in- diſpenſable de la chercher ſans ſe mettre enpeine de la calom- nie , ny de ce qu'on pourroit dire contre eux quand ils fe- roiet leur devoir; Qu'ils étoient dans un rang élevé , mais expo- ſe àtout,Qu'en cherchant cette Verité , ils devoient craindre
qu'on ne les perfuadat trop ai
TIO LE MERCVRE
fément ; Que chacun croyant avoir droit , croyoit en même- temps que la Verité eſtoit pour luy , & que cependant elle ne pouvoit eftre que d'un coſté ;
Que pour la bien découvrir au travers des voiles qui l'envelopent , ils devoient tout enten- dre , ne rebuter perſonne , & fi cela ſe peut dire , écouter juf- qu'àl'injuſtice meſme, pour n'avoir aucune negligence à ſe re- procher ; Que tout leurdevant eſtre ſuſpects , ils le devoient eſtre à eux-meſmes ; que les Amis ſe laiſſant aveugler par leurs Amis, tâchoient àperfua- der des injuftices aux Iuges ,
dans la penſée qu'ils ne leurde- -< mandoient rien que de juſte, &
qu'ainſi ils avoient ſujet de fe défier de tout , &particulierement d'un Sexe qui ayant des
GALANT. III
privileges particuliers , vouloit toûjours eftre crû , & ne prioit jamais qu'avec quelque forte d'autorité. Il finit par quantité de belles choses qu'il dit ſur la grandeur du Roy , &fur la fide- lité que les Juges doivent à leur
confcience , à ſa Majesté , & à
leur miniſtere.
Monfieur de Harlay Procu- reur General parla en ſuite. II dit que le repos faiſoit fubfifter toute la Nature ; Que Dieu même en avoit étably un jour dans chaque Semaine; que les Corps apres avoir travaillé tout lejour,
eſtoient obligez de ſe délaſſer
*la nuit pour reprendre de nou- velles forces , & qu'ainſi on avoit ordonné lesVacations afin
que l'Eſprit ſe repoſaſt des fati- gues de l'année , & puſt s'ap- pliquer aux Affaires avec une
112 LE MERCVRE
nouvelle vigueur ; mais qu'au lieu d'employer ce relâchement à l'uſage auquel on l'a deſtiné,
beaucoup de Juges rentroient auffi crus qu'auparavant , il ex- plique ce terme,adjoûtant qu'ils n'avoient point aſſez digeré les preſſans devoirs qui leur font impoſez par leurs Charges , &
qu'ils ne s'eſtoint pointmis dans l'eſtat oùil faut eſtre pour s'en acquiter ; Qu'il les conjuroit de mieux profiter du temps, &que ce fuſt pour la derniere fois ,
s'ils remarquoient qu'ils en euſſent jamais abuſé.Apres cela il entra dans le détail de ce que doit ſçavoir un Juge , & ayant parlé des Ordonnances , du Droit Ciuil , & de quelques autres dont la connoiſſance luy eſtoit abfolument neceſſaire , il tomba furlafoibleſſe des Hom-
GALANT. 113 mes ſi ſujets à ſe tromper eux- meſmes , ou àſe laiſſer tromper.
Il leur fit connoiſtre que la pré- vention eſtoit lachoſedu monde la plusdangereuſe , puis que l'Innocence en pouvoit ſuffrir ;
&leur ayant marqué ce defaut comme undes plus grands &
des plus préjudiciables qu'ils puſſent avoit , il les exhorta à
fonger ſerieuſement à s'en de- fendre , &à ne donner jamais deJugement fans avoir examiné juſqu'aux moindres circonſtan- cesdes Affaires ſur leſquelles ils avoient à prononcer.
Je vous ay déja priće ,Mada- me , de ne regarder ce quej'a- vois àvous dire ſurcette matiere , que comme une ébauche qui a eftéfaite confufément fur des Portraits achevez. Ce ſont
moins en effet les penſeées de
114 LE MERCVRE
ces grands Hommes , que quel- que choſe de leurs penſées. Ils leur ont donné un tour qu'il ne m'eſt pas poſſible de trouver ,
*& j'en laiſſe beaucoup que la memoire de ceux qui les ont Sentenduës avec admiration ne
m'apûfournir.
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est passé de remarquable au Parlement le lendemain de la S. Martin, le jour des Harangues & celuy des Mercuriales. [titre d'après la table]
Le texte décrit les cérémonies observées lors de l'ouverture du Parlement, initialement retardées par les succès militaires du roi en Allemagne. Les événements débutent le lendemain de la Saint-Martin avec une messe, suivie des serments des avocats et procureurs. Les séances reprennent le lundi suivant. Les harangues, appelées 'mercuriales', rappellent aux juges leurs obligations et les erreurs à éviter. Monsieur le Premier Président et Monsieur du Boisménillet, Avocat Général, insistent sur l'intégrité et la prudence dans les jugements. Monsieur de Lamoignon, Premier Président, adresse une harangue aux avocats, les exhortant à imiter les grands avocats du passé et à servir la justice avec dévouement. Monsieur Talon, Avocat Général, met l'accent sur la vérité, la justice et le jugement comme fondements du serment des avocats. Le mercredi suivant, une autre mercuriale est tenue, où Monsieur de Lamoignon parle de la nécessité de chercher la vérité sans se soucier des calomnies. Monsieur de Harlay, Procureur Général, conclut en exhortant les juges à bien utiliser les vacances pour se préparer aux affaires judiciaires et à éviter les préventions.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 132-151
Harangues faites à Dunkerque, à Gravelines, & à l'Isle, qui avoient esté oubliées dans la premiere Partie du Voyage de Flandres, avec quelques nouvelles particularités. [titre d'après la table]
Début :
Je croyois ne devoir plus vous parler d'aucune des Villes [...]
Mots clefs :
Dunkerque, Gravelines, Lille, Ville, Harangues, Roi, Ambassadeurs, Lieutenant, Compliment, Joie, Invincible monarque, Magistrat, Échevins, Amitié, Vin, Seigneurs, Troupes, Fortifications, Cérémonie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Harangues faites à Dunkerque, à Gravelines, & à l'Isle, qui avoient esté oubliées dans la premiere Partie du Voyage de Flandres, avec quelques nouvelles particularités. [titre d'après la table]
Je croyois ne devoir plus
vous parler d'aucune des Vil
les de Flandre où les Ambaſ
fadeurs ont eſté ; cependant
je ne puis me difpenferdevous
entretenir encore de Gravelines
, de Dunquerque & de
l'Iſle , dont il me reſte pluſieurs
chofes à vous dire, &
les harangues àvous envoyer,
le defir que j'ay eu de fatisfaire
voſtre curioſité , ayant
eſté cauſe que je vous ay écrit
avant que tous mes me-
1
des Amb de Siam. 133
moires ſuſſent arrivez . Ainfi
pour rendre juſtice à tous
ceux qui le meritent , je vais
encore vous apprendre quelques
particularitez de ce qui
s'eſt fait dans ces troisVilles,
mais ſans vous rien repeter
de ce que je vous ay déja dit.
Quoique Gravelines ne fuft
point du nombre de celles
que les Ambaſſadeurs devoient
voir , & qu'elle n'ait
fçû qu'ils y devoient dîner
que deux heures avant qu'ils
y arrivaſſent, comme on n'eſt
jamais ſurpris dans lesPlaces
duRoy, tout s'eſt paffé dans
134 IV. P. du Voyage
د
cette Ville là de la même ma
niere que dans les autres.
M Benoist Lieutenant
de Roy , reçût les Ambafſadeurs
avec l'Etat Major.
Les Troupes qui eſtoient en
haye eſtoient le Regimentde
Foreft, commandé parMde
Cleran , & les Compagnies
de Meuſnier & de Manuel ,
du Regiment d'Erlac. M. de
la Puiſade avec un Lieutenant
, & so hommes eſtoit
de garde au logis qui leur
avoit eſté preparé . M.le Prevoſt
Bailly à la teſte de Mles
Mayeur & Eſchevins , leur
A
des Amb. de Siam. 135
offrit les Vins de Ville, & leur
fit le compliment que je vous
envoye , auquel il avoit eſté
obligé de ſe preparer pref
que fur le champ.
MESSEIGNEVRS ,
Les Magistrats , aussi bien que
tout le Peuplede Graveline, reffentant
une joye extrême de ce qu'il
a plû à vos Excellences , d'honorer
cette ville de leurs illuftres presences
,
vous viennent en donner
des marques, en vous afſeurant qu'-
ils en auront une eternelle reconnoiffance
. Ils souhaiteroient avec
paffion, pouvoirpar un difcours accomply,
&par des Presens magnifiques,
témoigner les respects qu'ils
136 IV. P. du Voyage
ont pour vos Excellences, qui com
me Ambassadeurs reprefentent la
Majesté d'un grand Roy , pourlequel
ils auront toûjours toute la
veneration , qui est deuë à un Allié
de nostre Auguste &Invincible
Monarque ; mais n'ayant rien quż
Soit digne de vos Excellences , ils
leur offrent leurs coeurs pour leur
faire voir combien ils fontſenſibles
à la grace qu'ils reçoivent & ces
Vins de Ville , pour un effet de
leur Zele.
Mrs du Clergé les haranguerent
enſuite. Tous ces
compliments eftant finis , les
Ambaſſadeurs dirent , qu'ils
avoient trouvé les Troupes fi
desAmb. de Siam. 137
leftes &fi belles , qu'ilsfouhaitoient
de les revoir. On ordonna
à Mª de Cleran , Lieutenant
Colonel de Foreft , de
les faire défiler. Tous les OfficiersFrançois&
Suiffes,faluerent
de la Pique avec beaucoup
de grace, & un air qui
furprit les Ambaſſadeurs ,
quoiqu'ils fuſſent accoûtumez
à recevoir tous les jours
de pareils faluts. Comme
le temps eſtoit fort vilain, &
que d'ailleurs ils eſtoient preffez
de partir , ils ne purent
viſiter les Fortifications de la
Place; mais ils en demande-
M
138 IV. P. du Voyage
rent le Plan, qu'ils regarde
rent avec beaucoup de plaifir
& d'attention , juſqu'à ce
qu'ils ſe miſſent à table. Ils
dirent en l'examinant , que
s'estoit avecjustice que cettePlace
avoit une fi grande reputation.
ParmylesDames deBourbourg
qui estoient venues
pour les voir dîner, & celles
de Gravelines qui eurent la
même curiofité, ils en trouverent
de trés-belles , du
nombre deſquelles furent
Meſdemoiselles Charpentier
& de Seine ; auffi reçûrentelles
de grandes honeſtere,z
des Amb. de Siam. 139
des Ambaſſadeurs , qui leur
donnerent des fruits.
J'adjoûteray peu de choſes
à ce que je vous ay déja
dit de leur séjour àDunkerque.
Ils furent conduits dans
la grande Chambre deJuſtice
de l'Hôtel de Ville , où Mrs
du Magiftrat les vinrent
complimenter . A la teſte
anarchoient les quatre Sergens
du Baillage , vêtus de
leurs Caſaques de ceremonie,
& ayant leurs Halebardes fur
leurs épaules. Aprés eux entrerent
leBailly , le Bourguemeſtre,
les Echevins, les trois
міj
140 IV. P. du Voyage
t
Penſionnaires de la Ville , le
Greffier , le Treforier & les
Conſeillers; ceux qui compofent
le Corps du Magiſtrat les
fuivoient en robbes &
avoient aprés eux les quatre
Huiffiers de la Chambre du
Magiftrat , reveſtus auſſi de
leurs Manteaux de ceremonie.
Aprés que le Magiftrat
eut fait les reverences ordinaires
, le ſieur Alonſe Laurent
de Briſe , l'un des trois
Penſionnaires , prononça ce
compliment par ordre de M
Coppens,Bourguemeſtre, fuivant
l'ancien uſage du Païs,
r
desAmb. de Siam. 141
MESSEIGNEVRS ,
Les Bailly , Bourguemestre , Echevins
& Conseillers de cette ville
de Dunkerque ,sçachant aussi bien
que tous les Peuples de l'Europe,
avec combien de joye le Roy Louis
le Grand noftre trés-Auguste &Invincible
Monarque, vous a recens
enſesEtats, &l'eftime trés-particuliere
qu'il fait de l'amitié du puiffant
Royde Siam voſtre Souverain,
ont voulu s'aquiter de leur devoir,
en presentant à vos Excellences
leurs trés-humbles respects &fervices,
avec offre de Vin de Ville.
1
L'Ambaſſadeur répondit ,
qu'ils estoient fort obligez à
Ms du Magistrat , de leurs
142 IV. P. du Voyage
civilitez, &que leur Present
leur feroit fort agreable. Ils
fouperent en public , & M*
Coppens leur députa MSOmair
& Blomme , Echevins
qui leur preſenterent de la
part duMagiſtrat fix douzai
nes de bouteilles du plus excellent
Vin de Champagne,
qu'on euſt pû trouver , pour
Preſent du Vin de Ville.
Les Ambaſſadeurs ayant veu
les Ouvrages de la Marine
qui font àDunkerque, le Fort
du Rifban , & les Fortifications
de la Ville, come je vous
l'ay marqué dans la troifié
desAmb. de Siam. 143
me partie de cette Relation ,
partirent le 31. Octobre au
bruit du Canon , & au fon
des Cloches qui carrillonnerent
tant qu'ils les purent entendre.
Ils prirent leur route
par le Canal de Bergues pour
aller à Ypres, & l'on fit marcher
leurs Carroſſes vuides
par la Digue le long du Canal.
Le Magiſtrat avoit commandé
la Barque ou Yack de
laVille, pour les conduire par
caujuſqu'àlaVilledeBergues.
Cette Barque eft fort propre
&baſtie en forme de Fregate.
Je vous aydéja parlé fi am
144 IV. P.du Voyage
plement de la reception qui
leur a eſté faite à Lifle , que
ne retouchant cet article
que pour la harangue , tout
ce que j'y puis adjouter, c'eſt
que les principaux Officiers
de la Garniſon allerent environ
une lieuë au devant d'eux
avec les Gardes de M.le Marêchal
de Humiere , le reſte
ſe paſſa.comme je vous l'ay
déja maqué à l'égard de la
Gendarmerie. Voicy le compliment
que leur fit au nom
de la VilleM de Broide, Seigneur
de Gondecourt, & pre
mierConfeiller Penſionnaire.
ILLVS
des Amb. de Siam. 145
ILLYSTRES SEIGNEURS,
Les augustes qualitez , & les
triomphes de nôtre trés Haut, trés-
Magnanime & trés - Invincible Monarque
, ne vous avoient parû que
par ce que vous en avoit appris lakenommée
en publiant ses heroïques
exploits ; mais depuis que vous avez
eu l'honneur de ſes Audiences , que
vous avez veu la magnificence de
Sa Cour, la grandeur desa Puiſſance
& l'étendue de ſon Empire, &deſes
glorieuses conquêtes , vous aurez reconnu
au dessus de cette reputation
tout ce que vous aviezconceu de la
personne de cet Auguste Conquerant,
unegrandeurdAme incomparable une
Sageſſe ſurprenante en toutes choses,
& une prudence qui na pono d'é
N
146 IV. P. du Voyage
gale dons le Gouvernement de fes
Etats. Les penibles fatigues & les
travaux que vous avez effuyez dans
ce long trajet de vastes Mers ; l'inconstance
des vents &le dangerdes
écueils où vous vous estes exposez
pour luy rendre les honneurs qui luy
font dûs , & pour rechercher Son
amitié, nous font connoître l'admiration
où vous eſtes de le voir comblé
de gloire. Le commandement que
SaMajesténous afaitde vous recevoir
avec tous leshonneurs qu'on doit aux
personnes de vôtre caractere, marque
l'estime qu'Elle fait de la persoune
des merites du très- Puiſſant & tres-
Excellent Prince le Roy de Siam.
Nous ne doutons point, Illuftres Seigneurs
, que vous n'ayez receu tous
les temoignages que vous attendiez
du Zele de la France, pour la réuffite
des Amb. de Siam. 147
de l'union que vous désirez . Ce zele
n'est point particulier; il est commun
à tous les bons&fideles Suiets do
Roy , & principalement aux Magistrats
& au Peuple de cette ville de
Lifle, qui ne peuvent affez exprimer
la joye qu'ils reçoiventde l'honneur
de vôtre presence. Ils admirent
estiment , Meffeigneurs, vôtre generositéde
paſſer des extrêmitez de l'Ovient
dans ces contrées au peril de
vôtre vie, & ils tiennentcettefera
veur pour une preuve aſſurée de la
finceritéde vos affections. Cette inf
piration de l'Auguste Roy de Siam,
à rechercher l'amitié de ſa Majesté,
preferablement à tous autres , leur
paroit un effet de la Divine Provi
dence , qui leur preſage que cette
union perfuadera plus fortement le
Roy votre Maitre , d'embrasfer la
Nij
148 IV.P du Voyage
même creance, &de sefaire instruire
de la veritéde laReligion Chreftienne.
Noussouhaitons , Meſſeigneurs, que
cette penséefuit lafin heureuse &le
fruit de vôtre Voyage & de vosglorieux
travaux , à l'exemple de ce
Roy très- Pieux&très- Chieſtien, qui
apres avoir heureusement foûtenu la
Guerre ,& donné glorieusement la
Paix à l'Europe , s'applique avec
tous les soins imaginables , à faire
regnersouverainementla Loy du vray
Dieu. Enfin nous souhaitons au Roy
de Siam fous les auspices de cette
Divinité infinie & éternelle , l'accroiſſement
de sa grandeur &prof
perité, & que vous soyez auffi heureux
sous son Regne, que nous le
Sommes fous celuy du plus Sage , du
plus luſte & du plus parfait de tous
les Rois. Aggreez, Illustres Seigneurs,
des Amb. de Siam. 149
tes voeux de vos très-humbles &
três- obeiſſans Serviteurs ."
Pendant le ſéjour que les
Ambaffadeurs firent à Lifle,
ils eurent cent Hommes de
garde à leur logis , & les ruës
furent éclairées le ſoir & toute
la nuit. Ils allerent viſiter
l'Eglife Collegiale de S. Pierre
, & celle des Dominicains,
qui eſt une des plus belles
Eglifes de la Ville , & qu'ils
examinerent avec beaucoup
de ſoin. Je vous ay déja par- .
lé de l'Hôpital Comteſſe, où
ces Ambaſſadeurs allerent
Ninj
150 IV. P. du Voyage
auſſi ; mais je ne vous ay pas
dit qu'il eft ainſi nommé
parcequ'il a eſté fondé par
une Comteffe de Flandres .
Lorſque la Prieure leur preſenta
des Bouquets de Fleurs
de ſoye , comme je vous l'ay
marqué dans ma Relation
précedente , elle leur dit que
la couleur n'en changeroit ja
mais , & garderoit toûjours le
mesme éclat ; & les pria en
meſme temps de ſe ſouvenir
d'elle. Aquoy l'Ambaſſadeur
répondit qu'il s'enfſouviendroit
auſſi longtemps que les Fleurs
qu'elle leur avoit preſentées
des Amb de Siam. 151
garderoient leur couleur.
vous parler d'aucune des Vil
les de Flandre où les Ambaſ
fadeurs ont eſté ; cependant
je ne puis me difpenferdevous
entretenir encore de Gravelines
, de Dunquerque & de
l'Iſle , dont il me reſte pluſieurs
chofes à vous dire, &
les harangues àvous envoyer,
le defir que j'ay eu de fatisfaire
voſtre curioſité , ayant
eſté cauſe que je vous ay écrit
avant que tous mes me-
1
des Amb de Siam. 133
moires ſuſſent arrivez . Ainfi
pour rendre juſtice à tous
ceux qui le meritent , je vais
encore vous apprendre quelques
particularitez de ce qui
s'eſt fait dans ces troisVilles,
mais ſans vous rien repeter
de ce que je vous ay déja dit.
Quoique Gravelines ne fuft
point du nombre de celles
que les Ambaſſadeurs devoient
voir , & qu'elle n'ait
fçû qu'ils y devoient dîner
que deux heures avant qu'ils
y arrivaſſent, comme on n'eſt
jamais ſurpris dans lesPlaces
duRoy, tout s'eſt paffé dans
134 IV. P. du Voyage
د
cette Ville là de la même ma
niere que dans les autres.
M Benoist Lieutenant
de Roy , reçût les Ambafſadeurs
avec l'Etat Major.
Les Troupes qui eſtoient en
haye eſtoient le Regimentde
Foreft, commandé parMde
Cleran , & les Compagnies
de Meuſnier & de Manuel ,
du Regiment d'Erlac. M. de
la Puiſade avec un Lieutenant
, & so hommes eſtoit
de garde au logis qui leur
avoit eſté preparé . M.le Prevoſt
Bailly à la teſte de Mles
Mayeur & Eſchevins , leur
A
des Amb. de Siam. 135
offrit les Vins de Ville, & leur
fit le compliment que je vous
envoye , auquel il avoit eſté
obligé de ſe preparer pref
que fur le champ.
MESSEIGNEVRS ,
Les Magistrats , aussi bien que
tout le Peuplede Graveline, reffentant
une joye extrême de ce qu'il
a plû à vos Excellences , d'honorer
cette ville de leurs illuftres presences
,
vous viennent en donner
des marques, en vous afſeurant qu'-
ils en auront une eternelle reconnoiffance
. Ils souhaiteroient avec
paffion, pouvoirpar un difcours accomply,
&par des Presens magnifiques,
témoigner les respects qu'ils
136 IV. P. du Voyage
ont pour vos Excellences, qui com
me Ambassadeurs reprefentent la
Majesté d'un grand Roy , pourlequel
ils auront toûjours toute la
veneration , qui est deuë à un Allié
de nostre Auguste &Invincible
Monarque ; mais n'ayant rien quż
Soit digne de vos Excellences , ils
leur offrent leurs coeurs pour leur
faire voir combien ils fontſenſibles
à la grace qu'ils reçoivent & ces
Vins de Ville , pour un effet de
leur Zele.
Mrs du Clergé les haranguerent
enſuite. Tous ces
compliments eftant finis , les
Ambaſſadeurs dirent , qu'ils
avoient trouvé les Troupes fi
desAmb. de Siam. 137
leftes &fi belles , qu'ilsfouhaitoient
de les revoir. On ordonna
à Mª de Cleran , Lieutenant
Colonel de Foreft , de
les faire défiler. Tous les OfficiersFrançois&
Suiffes,faluerent
de la Pique avec beaucoup
de grace, & un air qui
furprit les Ambaſſadeurs ,
quoiqu'ils fuſſent accoûtumez
à recevoir tous les jours
de pareils faluts. Comme
le temps eſtoit fort vilain, &
que d'ailleurs ils eſtoient preffez
de partir , ils ne purent
viſiter les Fortifications de la
Place; mais ils en demande-
M
138 IV. P. du Voyage
rent le Plan, qu'ils regarde
rent avec beaucoup de plaifir
& d'attention , juſqu'à ce
qu'ils ſe miſſent à table. Ils
dirent en l'examinant , que
s'estoit avecjustice que cettePlace
avoit une fi grande reputation.
ParmylesDames deBourbourg
qui estoient venues
pour les voir dîner, & celles
de Gravelines qui eurent la
même curiofité, ils en trouverent
de trés-belles , du
nombre deſquelles furent
Meſdemoiselles Charpentier
& de Seine ; auffi reçûrentelles
de grandes honeſtere,z
des Amb. de Siam. 139
des Ambaſſadeurs , qui leur
donnerent des fruits.
J'adjoûteray peu de choſes
à ce que je vous ay déja
dit de leur séjour àDunkerque.
Ils furent conduits dans
la grande Chambre deJuſtice
de l'Hôtel de Ville , où Mrs
du Magiftrat les vinrent
complimenter . A la teſte
anarchoient les quatre Sergens
du Baillage , vêtus de
leurs Caſaques de ceremonie,
& ayant leurs Halebardes fur
leurs épaules. Aprés eux entrerent
leBailly , le Bourguemeſtre,
les Echevins, les trois
міj
140 IV. P. du Voyage
t
Penſionnaires de la Ville , le
Greffier , le Treforier & les
Conſeillers; ceux qui compofent
le Corps du Magiſtrat les
fuivoient en robbes &
avoient aprés eux les quatre
Huiffiers de la Chambre du
Magiftrat , reveſtus auſſi de
leurs Manteaux de ceremonie.
Aprés que le Magiftrat
eut fait les reverences ordinaires
, le ſieur Alonſe Laurent
de Briſe , l'un des trois
Penſionnaires , prononça ce
compliment par ordre de M
Coppens,Bourguemeſtre, fuivant
l'ancien uſage du Païs,
r
desAmb. de Siam. 141
MESSEIGNEVRS ,
Les Bailly , Bourguemestre , Echevins
& Conseillers de cette ville
de Dunkerque ,sçachant aussi bien
que tous les Peuples de l'Europe,
avec combien de joye le Roy Louis
le Grand noftre trés-Auguste &Invincible
Monarque, vous a recens
enſesEtats, &l'eftime trés-particuliere
qu'il fait de l'amitié du puiffant
Royde Siam voſtre Souverain,
ont voulu s'aquiter de leur devoir,
en presentant à vos Excellences
leurs trés-humbles respects &fervices,
avec offre de Vin de Ville.
1
L'Ambaſſadeur répondit ,
qu'ils estoient fort obligez à
Ms du Magistrat , de leurs
142 IV. P. du Voyage
civilitez, &que leur Present
leur feroit fort agreable. Ils
fouperent en public , & M*
Coppens leur députa MSOmair
& Blomme , Echevins
qui leur preſenterent de la
part duMagiſtrat fix douzai
nes de bouteilles du plus excellent
Vin de Champagne,
qu'on euſt pû trouver , pour
Preſent du Vin de Ville.
Les Ambaſſadeurs ayant veu
les Ouvrages de la Marine
qui font àDunkerque, le Fort
du Rifban , & les Fortifications
de la Ville, come je vous
l'ay marqué dans la troifié
desAmb. de Siam. 143
me partie de cette Relation ,
partirent le 31. Octobre au
bruit du Canon , & au fon
des Cloches qui carrillonnerent
tant qu'ils les purent entendre.
Ils prirent leur route
par le Canal de Bergues pour
aller à Ypres, & l'on fit marcher
leurs Carroſſes vuides
par la Digue le long du Canal.
Le Magiſtrat avoit commandé
la Barque ou Yack de
laVille, pour les conduire par
caujuſqu'àlaVilledeBergues.
Cette Barque eft fort propre
&baſtie en forme de Fregate.
Je vous aydéja parlé fi am
144 IV. P.du Voyage
plement de la reception qui
leur a eſté faite à Lifle , que
ne retouchant cet article
que pour la harangue , tout
ce que j'y puis adjouter, c'eſt
que les principaux Officiers
de la Garniſon allerent environ
une lieuë au devant d'eux
avec les Gardes de M.le Marêchal
de Humiere , le reſte
ſe paſſa.comme je vous l'ay
déja maqué à l'égard de la
Gendarmerie. Voicy le compliment
que leur fit au nom
de la VilleM de Broide, Seigneur
de Gondecourt, & pre
mierConfeiller Penſionnaire.
ILLVS
des Amb. de Siam. 145
ILLYSTRES SEIGNEURS,
Les augustes qualitez , & les
triomphes de nôtre trés Haut, trés-
Magnanime & trés - Invincible Monarque
, ne vous avoient parû que
par ce que vous en avoit appris lakenommée
en publiant ses heroïques
exploits ; mais depuis que vous avez
eu l'honneur de ſes Audiences , que
vous avez veu la magnificence de
Sa Cour, la grandeur desa Puiſſance
& l'étendue de ſon Empire, &deſes
glorieuses conquêtes , vous aurez reconnu
au dessus de cette reputation
tout ce que vous aviezconceu de la
personne de cet Auguste Conquerant,
unegrandeurdAme incomparable une
Sageſſe ſurprenante en toutes choses,
& une prudence qui na pono d'é
N
146 IV. P. du Voyage
gale dons le Gouvernement de fes
Etats. Les penibles fatigues & les
travaux que vous avez effuyez dans
ce long trajet de vastes Mers ; l'inconstance
des vents &le dangerdes
écueils où vous vous estes exposez
pour luy rendre les honneurs qui luy
font dûs , & pour rechercher Son
amitié, nous font connoître l'admiration
où vous eſtes de le voir comblé
de gloire. Le commandement que
SaMajesténous afaitde vous recevoir
avec tous leshonneurs qu'on doit aux
personnes de vôtre caractere, marque
l'estime qu'Elle fait de la persoune
des merites du très- Puiſſant & tres-
Excellent Prince le Roy de Siam.
Nous ne doutons point, Illuftres Seigneurs
, que vous n'ayez receu tous
les temoignages que vous attendiez
du Zele de la France, pour la réuffite
des Amb. de Siam. 147
de l'union que vous désirez . Ce zele
n'est point particulier; il est commun
à tous les bons&fideles Suiets do
Roy , & principalement aux Magistrats
& au Peuple de cette ville de
Lifle, qui ne peuvent affez exprimer
la joye qu'ils reçoiventde l'honneur
de vôtre presence. Ils admirent
estiment , Meffeigneurs, vôtre generositéde
paſſer des extrêmitez de l'Ovient
dans ces contrées au peril de
vôtre vie, & ils tiennentcettefera
veur pour une preuve aſſurée de la
finceritéde vos affections. Cette inf
piration de l'Auguste Roy de Siam,
à rechercher l'amitié de ſa Majesté,
preferablement à tous autres , leur
paroit un effet de la Divine Provi
dence , qui leur preſage que cette
union perfuadera plus fortement le
Roy votre Maitre , d'embrasfer la
Nij
148 IV.P du Voyage
même creance, &de sefaire instruire
de la veritéde laReligion Chreftienne.
Noussouhaitons , Meſſeigneurs, que
cette penséefuit lafin heureuse &le
fruit de vôtre Voyage & de vosglorieux
travaux , à l'exemple de ce
Roy très- Pieux&très- Chieſtien, qui
apres avoir heureusement foûtenu la
Guerre ,& donné glorieusement la
Paix à l'Europe , s'applique avec
tous les soins imaginables , à faire
regnersouverainementla Loy du vray
Dieu. Enfin nous souhaitons au Roy
de Siam fous les auspices de cette
Divinité infinie & éternelle , l'accroiſſement
de sa grandeur &prof
perité, & que vous soyez auffi heureux
sous son Regne, que nous le
Sommes fous celuy du plus Sage , du
plus luſte & du plus parfait de tous
les Rois. Aggreez, Illustres Seigneurs,
des Amb. de Siam. 149
tes voeux de vos très-humbles &
três- obeiſſans Serviteurs ."
Pendant le ſéjour que les
Ambaffadeurs firent à Lifle,
ils eurent cent Hommes de
garde à leur logis , & les ruës
furent éclairées le ſoir & toute
la nuit. Ils allerent viſiter
l'Eglife Collegiale de S. Pierre
, & celle des Dominicains,
qui eſt une des plus belles
Eglifes de la Ville , & qu'ils
examinerent avec beaucoup
de ſoin. Je vous ay déja par- .
lé de l'Hôpital Comteſſe, où
ces Ambaſſadeurs allerent
Ninj
150 IV. P. du Voyage
auſſi ; mais je ne vous ay pas
dit qu'il eft ainſi nommé
parcequ'il a eſté fondé par
une Comteffe de Flandres .
Lorſque la Prieure leur preſenta
des Bouquets de Fleurs
de ſoye , comme je vous l'ay
marqué dans ma Relation
précedente , elle leur dit que
la couleur n'en changeroit ja
mais , & garderoit toûjours le
mesme éclat ; & les pria en
meſme temps de ſe ſouvenir
d'elle. Aquoy l'Ambaſſadeur
répondit qu'il s'enfſouviendroit
auſſi longtemps que les Fleurs
qu'elle leur avoit preſentées
des Amb de Siam. 151
garderoient leur couleur.
Fermer
Résumé : Harangues faites à Dunkerque, à Gravelines, & à l'Isle, qui avoient esté oubliées dans la premiere Partie du Voyage de Flandres, avec quelques nouvelles particularités. [titre d'après la table]
Le texte décrit la visite des ambassadeurs de Siam dans plusieurs villes de Flandre. À Gravelines, les ambassadeurs furent accueillis par M. Benoist, lieutenant du roi. Les troupes présentes comprenaient le régiment de Forezt, commandé par M. de Cleran, ainsi que les compagnies de Meusnier et de Manuel du régiment d'Erlac. Les magistrats et le peuple exprimèrent leur joie et leur reconnaissance. Les ambassadeurs admirèrent les troupes et demandèrent à voir les fortifications, mais en raison du mauvais temps, ils se contentèrent d'examiner le plan de la place. Ils furent également impressionnés par les dames présentes. À Dunkerque, les ambassadeurs furent conduits à l'Hôtel de Ville où ils reçurent les compliments du magistrat. Ils visitèrent les ouvrages de la marine et les fortifications avant de partir pour Ypres via le canal de Bergues. Le magistrat de Dunkerque leur offrit du vin de Champagne. À Lille, les ambassadeurs furent accueillis par les principaux officiers de la garnison et reçurent une harangue de M. de Broide, seigneur de Gondecourt. La ville fut illuminée pendant leur séjour. Ils visitèrent plusieurs églises et l'hôpital Comtesse, fondé par une comtesse de Flandres. La prieure de l'hôpital leur offrit des bouquets de fleurs en soie et leur demanda de se souvenir d'elle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 189-214
Tout ce qui s'est passé au Seminaire des Missions Etrangeres, le jour que les Ambassadeurs y ont esté regalez, avec les cinq Harangues qui leur ont esté faites dans ce Seminaire. [titre d'après la table]
Début :
Les Ambassadeurs ayant témoigné plusieurs fois à Mr l'Abbé [...]
Mots clefs :
Séminaire des Missions étrangères, Ambassadeurs, Harangues, Séminaire, Roi de Siam, Admirer, Vrai dieu, Compliments, Joie, Personnes, Monde, Langue, Artus de Lionne, Abbé, Compliment, Hébreu, Hommes, Maison, Devoir, Mérite
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé au Seminaire des Missions Etrangeres, le jour que les Ambassadeurs y ont esté regalez, avec les cinq Harangues qui leur ont esté faites dans ce Seminaire. [titre d'après la table]
Les Ambaſſadeurs ayant
témoigné pluſieurs fois à M
l'Abbé de Lionne , & à r
de Brifacier, Superieur du Seminaire
des miſſions Eftrangeres
, le deſir qu'ils avoient
depuis longtemps de leur
rendre viſite dans leur mаі
fon, en fixerent enfin le jour
190 IV. P. du Voyage
au 10. Decembre . Comme le
premier Ambaſſadeur eſtoit
allé ce jour là ſeul avec M
Torf à Versailles , pour conferer
avec Mle Marquis de
Seignelay, on alla fur les trois
heures aprés midy, propoſer
aux deux autres de venir voir
la Maiſon des Incurables. Ils
répondirent ſans hefiter qu'ils
ne vouloient point ſe partager ce
jour-là , qu'ils ne fortiroient que
pour aller au Seminaire, o que
s'ils avoient ſuivy leur inclination
, ils ſe ſeroient acquittez
beaucoup pluſtoſt de ce devoir .
Si-tôt qu'on apprit qu'ils ardes
Amb . de Siam. 191
rivoient , on alla les recevoir
à la defcente de leur Carroffes
, & on les conduiſit dans
un lieu où M l'Abbé de
Choiſi leur preſenta du Thé
dans les petits Vaſes d'or &
d'argent , que M Conſtance
luy a donnez à Siam , & fit
brûler du bois d'Aquila qui
parfuma l'air enun moment.
Il eſtoit fix heures lorſque le
Premier Ambaſſadeur revint
de Verſailles ; il les trouva
en converſation avec M'PEvêque
Duc de Laon , qu'ils
avoient veu à la Fére où , ce
Prelat estoit allé exprés pour
192 IV.P.du Voyage
les ſaluer au retour de leur
Voyage deFlandre.M leMarquis
de Coeuvres ſon Frere,
qu'ils ſçavoient eſtre le beaufrere
deM l'Abbé deLionne,
eſtoit auſſi avec eux, ainſi que
-M¹ d'Aligre, Ms lesAbbez le
Pelletier & de Neſmond , les
Peres Couplet & Spinola Jefuîtes
, &quelques autres perſonnes
de merite que l'on
avoit eu ſoin d'inviter.
La converſation ayant eſté
interrompuë, il ſe fit d'abord
un peu de filence , & M² de
Brifacier accompagné des
Eccleſiaſtiques de fa maiſon,
prit
des Amb. de Siam. 193
prit cet intervalle pour faire
un compliment fort court ,
qui prepara l'eſprit des Ambaſſadeurs
à en entendre quatre
autres en diverſesLangues.
Voicy les termes de ce com
pliment.
MESSEIGNEVRS,
Vn meriteauſſi univerſel & auſſi
univerſellement reconnu que levôtre,
devroit estre publié en toutes for
tes de Langues , & nous souhaiterions
pouvoir aſſembler icy les differentes
Nations de l'Europe ,pour honorer
par leur bouche vôtre Grand
Roy dans vos Excellences , de mème
que ce puiſſant Prince a honoré
R
194 IV. P. duVoyage
à Siampar la deputation des divers
Peuples de l'Orient nôtre Incompaparable
Monarque dans la personne
defon Ambassadeur extraordinaire.
Mais fansformerde vains deſirs &
Sans rien emprunter des Royaumes
étrangers , fouffrez, Meffeigneurs ,
que plusieurs Prestres de cette Maifon
, qui vous vont complimenter
aprés moy ,se partagent entre eux
pour lover en plus d'une maniere
les talents& la conduiteque tout le
monde admire en vous , &qu'ils employent
ce que l'Hebreu a desçavant,
ce que leGrec a de poly , ce que le Latin
a de grave , & ce que le Siamois
doit avoir d'agréable à vôtre égard,
pour rendre Séparement & diverſement
à vos Eminentes qualitezles
profonds refpects qui leur font dûs ,
pour repondre à l'honneur de vôdes
Amb. de Siam. 195
tre visite , & aux marques de vos
bontez par les témoignages finceres
d'une estime & d'une reconnoiſſance
éternelle.
Ils furent enſuite compli
mentez en Hebreu au nom
des Penſionnaires du Seminaire
, & à la fin de chaque
compliment , on liſoit la traduction
Siamoiſe qui en a
voit eſté faite , partie par le
ſieur Antoine Pinto , Acolyte
du Seminaire de Siam , & partie
par le ſieur Gervaiſe , l'un
des Ecclefiaftiques François ,
que feu Me l'Eveſque d'Heliopolis
avoit menez avec luy
Rij
196 IV. P. du Voyage
dans fon dernier voyage aux
Indes. Voicy la traduction
de ce compliment Hebreu
en nôtre Langue.
MESSEIGNEVRS ,
Cette maison reçoit aujourd'huy un
honneur qu'elle n'eût jamais ofé efperer.
Elle est établie pour envoyer
des hommes Apostoliques dans les
Royaumes les plus éloignez, & c'est
ce qu'elle a toûjours fait depuis fon
établiſſement. Mais qu'elle dût recevoirjamais
trois Illuftres Ambaffadeurs
venus des extremitez de la
terre , c'est ce qu'elle apeine à croire ,
quand même elle le voit. Dans l'excez
delajoye qui la transporte , elle.
ne peut , Meſſeigneurs , que vous
des Amb. de Siam. 197
:
conjurer d'être tres-perfuadez de ſa
reconnoiſſance respectueuse , & de
Pardeur continuelle qu'elle a à prier
Le Dieu du Ciel & de la Terre , qu'il
ajoûte aux biens dont il a déja comblé
vos Excellences la parfaite connoiſſance
de celuy qui les leur afaits .
L'Hebreu fut ſuivy du
Grec , & on leur fit ce troifiéme
compliment au nom de
ceux qu'on éleve dans cette
Maiſon pour les Miſſions étrangeres
. Voicy comme il a
eſté rendu en nôtre Langue,
MESSEIGNEURS,
Entre toutes les Perſonnes qui de-
Riij
198 IV. P. du Voyage
meurent dans cetteMaison que vous
avezbien voulu honorer aujourd'hui
devotre prefence, nous croyons que
nul n'a reſſenti plus de joye quenous
qui y sommes pour nous rendre dignes
depoffer dans votre Païs,quand
nos Supericurs voudrontbien nous y
envoyer. Ce qui nousy porte , c'est le
defir de procurer au Royaume de
Siam qui a toutes les autres richeßes,
daseule qui luy manque , &fans laquelle
toutes les autres luy seroient
inutiles , c'est la connoiffance & l'aour
du vray Dieu, Createur du Ciel
& de la Terre ; & rien ne pourroit
nous donner plus de joye & d'efpevance
de réüſſir dans ce deffein que
toutes ces excellentes qualitez que
la France admire en vos perſonnes.
Cette douceur & cette affabilité que
Vous aveztémoignée envers tout le
des Amb. de Siam. 199
monde, ne nous laiſſe pas lieu de douter
que les Peuples de Siam ne reçoi
ventfavorablement ceux qui confacreront
leur vie & leurs travaux
pour leur porter les lumieres de l'Evangile
de I. C. & cette merveilleuſe
penetration d'esprit que vous
avez faitparoître en toutes fortes de
rencontres nous fait concevoir la facilité
, avec laquelle ces mêmes Peuplesse
laiſſeront perfuader des veritez
que nous deprons leur enfeigner.
Votre équité , vôtre modération
, vôtreſageſſe , &toutes vos autres
vertus jointes à celles- cy , nous
rempliſſent de veneration pour vos
Excellentces , aussi bien que de joye
en nous mêmes ; & nous portent
avec encore plus d'ardeur à demander
inceffamment au vray Dieu tout
puiſſant,&infinimentbon, de vous
>
Rimj
200 IV P. du Voyage
conferver toûjoursdans uneparfaite
Santé, de vous accorder un heureux
retour dans votre Patrie ,& la joye
de retrouver'le Roy de Siam comblé
d'un nouvel excés de gloire. Mais
fur tout, nous ne ceſſerons jamais de
demander à ce Dieu éternel , & qui
diſpoſe des coeurs des hommes comme
il luy plaiſt , qu'il vousfaffe la grace
dele connoître&de l'aimer ,&d'étre
éternellement comblez de joye
avec luy.
Aprés cela , ils furent com
plimentez en Latin au nom
des Eccleſiaſtiques du Seminaire
qui doivent partir avant
les Ambaſſadeurs. Comme la
Langue Latine eſt entenduë
preſque de tout le monde,j'ay
des Amb. de Siam. 201
crû devoir mettre ce compli
compil
ment tel qu'il a eſté pronon
cé.
Viex hâcdomoquam nuncveftrâ
preſentiâfummoperè illuf
tratis, Viri Excellentiffimi, Siamum
vobiscum profecturi sunt , eandemquè
Claffem , vel fortè etiam eandemNavim
confcenfuri, precipuam
fibi hodiè , tùm erga Excellentias
veftras Reverentiam , tum pre cateris
latitiam exhibendam effe ar
bitrantur. Habent etenim in hodierno
, quo nos afficitis , honore , velut
pignus quoddam future veftra in
ipsos benignitatis : dulciffima converfationis
in via : fortiffime tuitionis
in Patria : ubique benevolentia
fingularis. Latantur autem
202 IV. P. du Voyage
maximè , cum mente pertractant,
jam-jamquepreripiunt, quam egregia,
quàm grandia de vobis vel invitis
, in Regno Siamensi poterunt
nuntiare ; palàm nempè faciendo
meritis extollendo laudibus quicquid
alioquin veftra modeftia reticuiffet
: fummam , quam apud nos
oftendiftis , ingenj magnitudinem,
-aquabilitatem animi, in tuendo Siamenfi
nomine dignitatem : ut fuiftis
in tractandis negotijs folertes ,
in extricandis difficultatibus dexteri,
in folvendis quæftionibus prudentes,
in reſponſis mille, velferid,
vel jocosè dandis , prout res poftulabat,
femperparatiffimi : ut noftis
denique vivere cum Optimatibus
comitèr , cum Plebeijs humaniter,
cum Regijs Ministris ſapienter, cum
Principibus dignè & magnifice, &
desAmb. de Siam. 203
(quod omnium fummum eft | LVDOVICI
MAGNI laudem &gratiam
demereri . Ita ut duobus tantum
Gens Siamensis & Gallica jam
inter se diſtare videantur , Patriâ
fcilicet &Religione ; quarum altera,
perfædus initum inter potentiffimos
Reges, deinceps communis erit,
altera verò ( faxit Deus Optimus
Maximus ) prorsus una.
M l'Abbé de Lionne finit
en Siamois, au nom des Ouvriers
Apoftoliques qui travaillent
à Siam , & dans les
Royaumes voiſins . Voicy ce
qu'il dit en certe Langue.
Vſqu'icy, MESSEIGNEVRS,
j'ay vû avec une extrême joie,
204 IV. P. du Voyage
L'empressement extraordinaire que
toute la France a fait paroître à vous
témoigner l'estime,le refpest l'admiration
qu'elle a pour le très-Puif-
Sant Roy, votre Maître, &pour vous
en particulier , qui foûtenez icy fi
excellemment faDignité. Voicy l'unique
occasion où j'aye pû mêler ma
voix aux applaudſſemens publics,&
vous marquer quelque chose de mes
Sentimensfur cesujet. l'ofe dire qu'ils
Surpaffint ceux de tout le reſte des
hommes; &pour en convenir, vous
n'avez qu'à faire reflexion aux vaifons
fingulieres & personnelles que
j'ay de parler ainsi. Les autres connoiſſent
à la verité le Roy de Siam ,
Sur ce que la Renommée a publiéde
fes grandes qualitez ; mais quoiqu'-
elle ait dit du rang éminent qu'il
tient entre tous les Princes de l'o-
4
desAmb. de Siam. 205
1
ment ,
vient , de la richeſſe de ſes tresors .
de la penetration étonnante deſon efprit,
de la ſageſſe de ſon Gouvernede
l'application infatigable
qu'ildonne aux affaires de son Etat,
deson difcernement &de son amour
pour le veritable merite , de cette
merveilleuse ardeur qu'il a de tout
connoître & de tout sçavoir, de cette
affabilité qui , sans rien diminuer
de sa grandeur , luy apprend à se
proportionner à toutle monde, &qui
attire chez lay ce prodigieux nom.
bre d'Etrangers ; & ce qui nous touche
de plus prés , de cette bontépar
ticuliere qu'il a pour les Ministres
du Vray Dieu ; tout cela, dis-je, quelque
grand qu'il soit , n'est- il pas
encore au deſſous de ce que découvrent
dansſa perſonne Royale, tous ceux qui
ont le bonheur de l'approcher , & ce
206 IV. P. du Voyage
que j'y ay découvert tant de fois
moy- même ? Il en est ainsi à proporsion
des jugemens avantageux que
l'on a portez icy de vos Excellences.
On a admiré , par exemple , & l'on
n'oubliera jamais la juſteſſe&lasubtilité
de vos reponses ; cependant on
na souvent connu que la moindre
partie de leur beautè , elles en perdoient
beaucoup dans le paſſage d'une
langue à l'autre , & moy-méme
j'avois une espece d'indignation de
me voir dans l'impoſſibilité de leur
donner tout leur agrément & toute
Leur force. On a admiré ce fond de
politeſſe , qui vous rend capables
d'entrer (i aiſement dans les manieres
particulieres de chaque Nation,
quelques differentes que toutes les
Nations foient entre elles. On a admiré
cette prodigieuse égalité d'ame
• des Amb de Siam. 207
& cette Paix qui ne se trouble jamais
de rien ; on a admiré enfin cent
autres qualitez excellentes qui éclatent
tous les jours dans vos perſonnes
; cependant ceux qui en ont
esté touchez, ne vous ont vû que
comme en paſſant; qu'auroit- ce esté,
s'ils avoient eu le moyen de vous
confiderer plus à loiſir&deplus près ?
Les ordres du tres-Grand Roy de
Siam m'ont procure cét avantage ,
lorſqu'il a joint à tous les témoignages
de bonté qu'il m'avoit déja donnez
, celuy de ſouhaiter que je vous
accompagnaſſe en France . Vous y avez
ajouſté mille marques touchanres
de vôtre amitié , & la Nature
Seule qui inſpire à tous les hommes
la reconnoiſſance , suffiroit pour me
donner les fentimens les plus reſpectueux
pour votre Grand Prince,les
208 IV . P.du Voyage
plus tendres pour vos personnes , &
les plus Zelez pour votre Nation :
mais Dieu , dont la Providence conduit
tout avec une fageffe & une
bonte admirable, a pris foin luy-meme
de fortifier infiniment ces fentimens
dans mon coeur , en me confirmant
dans le defſſein de paſſer ma
vie avec vous, &de la consacrer à
vôtre ſervice, pour tâcher de contri
buer à vôtre bonheur eternel.
La lecture de tous ces
Complimens eftant finie , te
premier Ambaſſadeur dit ,
qu'ils estoient trés - obligez au
Seminaire des honneſtetez qu'il
leurfaifoit ; qu'ils luy donnoient
avec plaifir par leur viſite une
nouvelle marque de leur eftimes
des Amb. de Siam. 209
que le Roy leur Maistre , leur
avoit ordonné de prendre confiance
en ceux qui gouvernoient
cette Maison ; qu'ils rendroient
un compte exact à Sa Majesté,
des ſervices importans qu'ils recevoient
d'eux tous les jours depuis
leur arrivée à Paris ; qu'ils
n'avoient eſté en aucun lieuplus
volontiers que chez eux ; &que
s'ilspouvoient quelque jour dans
Ieur Pays donner à leurs Miffionnaires
des témoignages effectifs
de leur affection & de leur
reconnoiffance, ils le feroient avec
la plus grande joye du monde.
Apeine eut-il ceffé de par-
S
210 IV. P. du Voyage
/
ler, qu'on vint avertir que la
Table eſtoit ſervie . C'eſtoit
uneTable ovale à vingt couverts,
placez dans un Refectoire
qui estoit fort éclairé
de bougies. Le Repas fut un
Ambigu , où il y eut , pour
marque de distinction
double Service devant les
,
un
Ambaſſadeurs , & où l'abondance,
la delicateffe &la propreté
parurent également par
tout. La dépenſe en fut faite
par une Perſonne de pieté,
qui ayant appris l'honneur
que les Ambaſſadeurs vouloient
faire au Seminaire de
des Amb. de Siam . 211
le vifiter , & l'embarras où ſe
trouvoit le Superieur fur la
maniere de les recevoir ( parcequ'il
ne croyoit pas que
ſelon leurs idées il convinſt à
l'humilité de ſa profeffion,
ny à la pauvreté de ſa Maifon
, de faire un Repas qui
répondiſt à la grandeur de
leur caractere , & au merite
de leurs perſonnes ) le pri
de ne ſe mettre en peine de
rien , & fe chargea genereufement
de pourvoir à tout.
Chaque Ambaſſadeur & chaque
Mandarin avoit derriere
luy un Homme appliqué u-
Sij
212 IV. P. du Voyage
niquement à le ſervir , & on
donna de ſi bons ordres pour
tout le reſte, que tout ſe paffa
fans confufion & fans bruit.
Ainſi la tranquilité qui regna
toûjours , fit affez voir qu'on
eſtoit dans une Communauté
reglée. M¹ deBrifacier qui
n'ignoroit pas combien les
Ambaſſadeurs font choquez
des dépenses que font des
Preftres , jugea qu'il eſtoit à
propos de leur declarer de
bonne foy la chofe comme
elle eſtoit , & de leur dire,
pour les prévenir, en les conduiſant
au Refectoire,que s'ils
des Amb. de Siam. 213
trouvoient dans la Collation
qu'on leur alloit faire , quelque
forte de magnificence , ils n'en
devoient pas estre ſcandalisez
comme d'un excezcondamnable
dans une Maison Eccleſiaſtique,
mais qu ils devoient pluſtoſt l'agréer
comme un effet loüable du
Zele d'une Perſonne dont il n'avoit
pas crû devoir borner la generofité
dans une occafion, où il
ne penſoit pas qu'on pûst trop
faire pour eux. Pendant que
les Maiſtres estoient àTable,
on en ſervit une autre à fix
couverts , dans un lieu tout
proche , pour les Interpretes
274 IV. P. du Voyage
& les Secretaires . Les Gens
mangerent enfuite , & avant
dix heures les Ambaſſadeurs
ſe retirerent dans leur Hoſtel
avec de grandes marques de
fatisfaction .
témoigné pluſieurs fois à M
l'Abbé de Lionne , & à r
de Brifacier, Superieur du Seminaire
des miſſions Eftrangeres
, le deſir qu'ils avoient
depuis longtemps de leur
rendre viſite dans leur mаі
fon, en fixerent enfin le jour
190 IV. P. du Voyage
au 10. Decembre . Comme le
premier Ambaſſadeur eſtoit
allé ce jour là ſeul avec M
Torf à Versailles , pour conferer
avec Mle Marquis de
Seignelay, on alla fur les trois
heures aprés midy, propoſer
aux deux autres de venir voir
la Maiſon des Incurables. Ils
répondirent ſans hefiter qu'ils
ne vouloient point ſe partager ce
jour-là , qu'ils ne fortiroient que
pour aller au Seminaire, o que
s'ils avoient ſuivy leur inclination
, ils ſe ſeroient acquittez
beaucoup pluſtoſt de ce devoir .
Si-tôt qu'on apprit qu'ils ardes
Amb . de Siam. 191
rivoient , on alla les recevoir
à la defcente de leur Carroffes
, & on les conduiſit dans
un lieu où M l'Abbé de
Choiſi leur preſenta du Thé
dans les petits Vaſes d'or &
d'argent , que M Conſtance
luy a donnez à Siam , & fit
brûler du bois d'Aquila qui
parfuma l'air enun moment.
Il eſtoit fix heures lorſque le
Premier Ambaſſadeur revint
de Verſailles ; il les trouva
en converſation avec M'PEvêque
Duc de Laon , qu'ils
avoient veu à la Fére où , ce
Prelat estoit allé exprés pour
192 IV.P.du Voyage
les ſaluer au retour de leur
Voyage deFlandre.M leMarquis
de Coeuvres ſon Frere,
qu'ils ſçavoient eſtre le beaufrere
deM l'Abbé deLionne,
eſtoit auſſi avec eux, ainſi que
-M¹ d'Aligre, Ms lesAbbez le
Pelletier & de Neſmond , les
Peres Couplet & Spinola Jefuîtes
, &quelques autres perſonnes
de merite que l'on
avoit eu ſoin d'inviter.
La converſation ayant eſté
interrompuë, il ſe fit d'abord
un peu de filence , & M² de
Brifacier accompagné des
Eccleſiaſtiques de fa maiſon,
prit
des Amb. de Siam. 193
prit cet intervalle pour faire
un compliment fort court ,
qui prepara l'eſprit des Ambaſſadeurs
à en entendre quatre
autres en diverſesLangues.
Voicy les termes de ce com
pliment.
MESSEIGNEVRS,
Vn meriteauſſi univerſel & auſſi
univerſellement reconnu que levôtre,
devroit estre publié en toutes for
tes de Langues , & nous souhaiterions
pouvoir aſſembler icy les differentes
Nations de l'Europe ,pour honorer
par leur bouche vôtre Grand
Roy dans vos Excellences , de mème
que ce puiſſant Prince a honoré
R
194 IV. P. duVoyage
à Siampar la deputation des divers
Peuples de l'Orient nôtre Incompaparable
Monarque dans la personne
defon Ambassadeur extraordinaire.
Mais fansformerde vains deſirs &
Sans rien emprunter des Royaumes
étrangers , fouffrez, Meffeigneurs ,
que plusieurs Prestres de cette Maifon
, qui vous vont complimenter
aprés moy ,se partagent entre eux
pour lover en plus d'une maniere
les talents& la conduiteque tout le
monde admire en vous , &qu'ils employent
ce que l'Hebreu a desçavant,
ce que leGrec a de poly , ce que le Latin
a de grave , & ce que le Siamois
doit avoir d'agréable à vôtre égard,
pour rendre Séparement & diverſement
à vos Eminentes qualitezles
profonds refpects qui leur font dûs ,
pour repondre à l'honneur de vôdes
Amb. de Siam. 195
tre visite , & aux marques de vos
bontez par les témoignages finceres
d'une estime & d'une reconnoiſſance
éternelle.
Ils furent enſuite compli
mentez en Hebreu au nom
des Penſionnaires du Seminaire
, & à la fin de chaque
compliment , on liſoit la traduction
Siamoiſe qui en a
voit eſté faite , partie par le
ſieur Antoine Pinto , Acolyte
du Seminaire de Siam , & partie
par le ſieur Gervaiſe , l'un
des Ecclefiaftiques François ,
que feu Me l'Eveſque d'Heliopolis
avoit menez avec luy
Rij
196 IV. P. du Voyage
dans fon dernier voyage aux
Indes. Voicy la traduction
de ce compliment Hebreu
en nôtre Langue.
MESSEIGNEVRS ,
Cette maison reçoit aujourd'huy un
honneur qu'elle n'eût jamais ofé efperer.
Elle est établie pour envoyer
des hommes Apostoliques dans les
Royaumes les plus éloignez, & c'est
ce qu'elle a toûjours fait depuis fon
établiſſement. Mais qu'elle dût recevoirjamais
trois Illuftres Ambaffadeurs
venus des extremitez de la
terre , c'est ce qu'elle apeine à croire ,
quand même elle le voit. Dans l'excez
delajoye qui la transporte , elle.
ne peut , Meſſeigneurs , que vous
des Amb. de Siam. 197
:
conjurer d'être tres-perfuadez de ſa
reconnoiſſance respectueuse , & de
Pardeur continuelle qu'elle a à prier
Le Dieu du Ciel & de la Terre , qu'il
ajoûte aux biens dont il a déja comblé
vos Excellences la parfaite connoiſſance
de celuy qui les leur afaits .
L'Hebreu fut ſuivy du
Grec , & on leur fit ce troifiéme
compliment au nom de
ceux qu'on éleve dans cette
Maiſon pour les Miſſions étrangeres
. Voicy comme il a
eſté rendu en nôtre Langue,
MESSEIGNEURS,
Entre toutes les Perſonnes qui de-
Riij
198 IV. P. du Voyage
meurent dans cetteMaison que vous
avezbien voulu honorer aujourd'hui
devotre prefence, nous croyons que
nul n'a reſſenti plus de joye quenous
qui y sommes pour nous rendre dignes
depoffer dans votre Païs,quand
nos Supericurs voudrontbien nous y
envoyer. Ce qui nousy porte , c'est le
defir de procurer au Royaume de
Siam qui a toutes les autres richeßes,
daseule qui luy manque , &fans laquelle
toutes les autres luy seroient
inutiles , c'est la connoiffance & l'aour
du vray Dieu, Createur du Ciel
& de la Terre ; & rien ne pourroit
nous donner plus de joye & d'efpevance
de réüſſir dans ce deffein que
toutes ces excellentes qualitez que
la France admire en vos perſonnes.
Cette douceur & cette affabilité que
Vous aveztémoignée envers tout le
des Amb. de Siam. 199
monde, ne nous laiſſe pas lieu de douter
que les Peuples de Siam ne reçoi
ventfavorablement ceux qui confacreront
leur vie & leurs travaux
pour leur porter les lumieres de l'Evangile
de I. C. & cette merveilleuſe
penetration d'esprit que vous
avez faitparoître en toutes fortes de
rencontres nous fait concevoir la facilité
, avec laquelle ces mêmes Peuplesse
laiſſeront perfuader des veritez
que nous deprons leur enfeigner.
Votre équité , vôtre modération
, vôtreſageſſe , &toutes vos autres
vertus jointes à celles- cy , nous
rempliſſent de veneration pour vos
Excellentces , aussi bien que de joye
en nous mêmes ; & nous portent
avec encore plus d'ardeur à demander
inceffamment au vray Dieu tout
puiſſant,&infinimentbon, de vous
>
Rimj
200 IV P. du Voyage
conferver toûjoursdans uneparfaite
Santé, de vous accorder un heureux
retour dans votre Patrie ,& la joye
de retrouver'le Roy de Siam comblé
d'un nouvel excés de gloire. Mais
fur tout, nous ne ceſſerons jamais de
demander à ce Dieu éternel , & qui
diſpoſe des coeurs des hommes comme
il luy plaiſt , qu'il vousfaffe la grace
dele connoître&de l'aimer ,&d'étre
éternellement comblez de joye
avec luy.
Aprés cela , ils furent com
plimentez en Latin au nom
des Eccleſiaſtiques du Seminaire
qui doivent partir avant
les Ambaſſadeurs. Comme la
Langue Latine eſt entenduë
preſque de tout le monde,j'ay
des Amb. de Siam. 201
crû devoir mettre ce compli
compil
ment tel qu'il a eſté pronon
cé.
Viex hâcdomoquam nuncveftrâ
preſentiâfummoperè illuf
tratis, Viri Excellentiffimi, Siamum
vobiscum profecturi sunt , eandemquè
Claffem , vel fortè etiam eandemNavim
confcenfuri, precipuam
fibi hodiè , tùm erga Excellentias
veftras Reverentiam , tum pre cateris
latitiam exhibendam effe ar
bitrantur. Habent etenim in hodierno
, quo nos afficitis , honore , velut
pignus quoddam future veftra in
ipsos benignitatis : dulciffima converfationis
in via : fortiffime tuitionis
in Patria : ubique benevolentia
fingularis. Latantur autem
202 IV. P. du Voyage
maximè , cum mente pertractant,
jam-jamquepreripiunt, quam egregia,
quàm grandia de vobis vel invitis
, in Regno Siamensi poterunt
nuntiare ; palàm nempè faciendo
meritis extollendo laudibus quicquid
alioquin veftra modeftia reticuiffet
: fummam , quam apud nos
oftendiftis , ingenj magnitudinem,
-aquabilitatem animi, in tuendo Siamenfi
nomine dignitatem : ut fuiftis
in tractandis negotijs folertes ,
in extricandis difficultatibus dexteri,
in folvendis quæftionibus prudentes,
in reſponſis mille, velferid,
vel jocosè dandis , prout res poftulabat,
femperparatiffimi : ut noftis
denique vivere cum Optimatibus
comitèr , cum Plebeijs humaniter,
cum Regijs Ministris ſapienter, cum
Principibus dignè & magnifice, &
desAmb. de Siam. 203
(quod omnium fummum eft | LVDOVICI
MAGNI laudem &gratiam
demereri . Ita ut duobus tantum
Gens Siamensis & Gallica jam
inter se diſtare videantur , Patriâ
fcilicet &Religione ; quarum altera,
perfædus initum inter potentiffimos
Reges, deinceps communis erit,
altera verò ( faxit Deus Optimus
Maximus ) prorsus una.
M l'Abbé de Lionne finit
en Siamois, au nom des Ouvriers
Apoftoliques qui travaillent
à Siam , & dans les
Royaumes voiſins . Voicy ce
qu'il dit en certe Langue.
Vſqu'icy, MESSEIGNEVRS,
j'ay vû avec une extrême joie,
204 IV. P. du Voyage
L'empressement extraordinaire que
toute la France a fait paroître à vous
témoigner l'estime,le refpest l'admiration
qu'elle a pour le très-Puif-
Sant Roy, votre Maître, &pour vous
en particulier , qui foûtenez icy fi
excellemment faDignité. Voicy l'unique
occasion où j'aye pû mêler ma
voix aux applaudſſemens publics,&
vous marquer quelque chose de mes
Sentimensfur cesujet. l'ofe dire qu'ils
Surpaffint ceux de tout le reſte des
hommes; &pour en convenir, vous
n'avez qu'à faire reflexion aux vaifons
fingulieres & personnelles que
j'ay de parler ainsi. Les autres connoiſſent
à la verité le Roy de Siam ,
Sur ce que la Renommée a publiéde
fes grandes qualitez ; mais quoiqu'-
elle ait dit du rang éminent qu'il
tient entre tous les Princes de l'o-
4
desAmb. de Siam. 205
1
ment ,
vient , de la richeſſe de ſes tresors .
de la penetration étonnante deſon efprit,
de la ſageſſe de ſon Gouvernede
l'application infatigable
qu'ildonne aux affaires de son Etat,
deson difcernement &de son amour
pour le veritable merite , de cette
merveilleuse ardeur qu'il a de tout
connoître & de tout sçavoir, de cette
affabilité qui , sans rien diminuer
de sa grandeur , luy apprend à se
proportionner à toutle monde, &qui
attire chez lay ce prodigieux nom.
bre d'Etrangers ; & ce qui nous touche
de plus prés , de cette bontépar
ticuliere qu'il a pour les Ministres
du Vray Dieu ; tout cela, dis-je, quelque
grand qu'il soit , n'est- il pas
encore au deſſous de ce que découvrent
dansſa perſonne Royale, tous ceux qui
ont le bonheur de l'approcher , & ce
206 IV. P. du Voyage
que j'y ay découvert tant de fois
moy- même ? Il en est ainsi à proporsion
des jugemens avantageux que
l'on a portez icy de vos Excellences.
On a admiré , par exemple , & l'on
n'oubliera jamais la juſteſſe&lasubtilité
de vos reponses ; cependant on
na souvent connu que la moindre
partie de leur beautè , elles en perdoient
beaucoup dans le paſſage d'une
langue à l'autre , & moy-méme
j'avois une espece d'indignation de
me voir dans l'impoſſibilité de leur
donner tout leur agrément & toute
Leur force. On a admiré ce fond de
politeſſe , qui vous rend capables
d'entrer (i aiſement dans les manieres
particulieres de chaque Nation,
quelques differentes que toutes les
Nations foient entre elles. On a admiré
cette prodigieuse égalité d'ame
• des Amb de Siam. 207
& cette Paix qui ne se trouble jamais
de rien ; on a admiré enfin cent
autres qualitez excellentes qui éclatent
tous les jours dans vos perſonnes
; cependant ceux qui en ont
esté touchez, ne vous ont vû que
comme en paſſant; qu'auroit- ce esté,
s'ils avoient eu le moyen de vous
confiderer plus à loiſir&deplus près ?
Les ordres du tres-Grand Roy de
Siam m'ont procure cét avantage ,
lorſqu'il a joint à tous les témoignages
de bonté qu'il m'avoit déja donnez
, celuy de ſouhaiter que je vous
accompagnaſſe en France . Vous y avez
ajouſté mille marques touchanres
de vôtre amitié , & la Nature
Seule qui inſpire à tous les hommes
la reconnoiſſance , suffiroit pour me
donner les fentimens les plus reſpectueux
pour votre Grand Prince,les
208 IV . P.du Voyage
plus tendres pour vos personnes , &
les plus Zelez pour votre Nation :
mais Dieu , dont la Providence conduit
tout avec une fageffe & une
bonte admirable, a pris foin luy-meme
de fortifier infiniment ces fentimens
dans mon coeur , en me confirmant
dans le defſſein de paſſer ma
vie avec vous, &de la consacrer à
vôtre ſervice, pour tâcher de contri
buer à vôtre bonheur eternel.
La lecture de tous ces
Complimens eftant finie , te
premier Ambaſſadeur dit ,
qu'ils estoient trés - obligez au
Seminaire des honneſtetez qu'il
leurfaifoit ; qu'ils luy donnoient
avec plaifir par leur viſite une
nouvelle marque de leur eftimes
des Amb. de Siam. 209
que le Roy leur Maistre , leur
avoit ordonné de prendre confiance
en ceux qui gouvernoient
cette Maison ; qu'ils rendroient
un compte exact à Sa Majesté,
des ſervices importans qu'ils recevoient
d'eux tous les jours depuis
leur arrivée à Paris ; qu'ils
n'avoient eſté en aucun lieuplus
volontiers que chez eux ; &que
s'ilspouvoient quelque jour dans
Ieur Pays donner à leurs Miffionnaires
des témoignages effectifs
de leur affection & de leur
reconnoiffance, ils le feroient avec
la plus grande joye du monde.
Apeine eut-il ceffé de par-
S
210 IV. P. du Voyage
/
ler, qu'on vint avertir que la
Table eſtoit ſervie . C'eſtoit
uneTable ovale à vingt couverts,
placez dans un Refectoire
qui estoit fort éclairé
de bougies. Le Repas fut un
Ambigu , où il y eut , pour
marque de distinction
double Service devant les
,
un
Ambaſſadeurs , & où l'abondance,
la delicateffe &la propreté
parurent également par
tout. La dépenſe en fut faite
par une Perſonne de pieté,
qui ayant appris l'honneur
que les Ambaſſadeurs vouloient
faire au Seminaire de
des Amb. de Siam . 211
le vifiter , & l'embarras où ſe
trouvoit le Superieur fur la
maniere de les recevoir ( parcequ'il
ne croyoit pas que
ſelon leurs idées il convinſt à
l'humilité de ſa profeffion,
ny à la pauvreté de ſa Maifon
, de faire un Repas qui
répondiſt à la grandeur de
leur caractere , & au merite
de leurs perſonnes ) le pri
de ne ſe mettre en peine de
rien , & fe chargea genereufement
de pourvoir à tout.
Chaque Ambaſſadeur & chaque
Mandarin avoit derriere
luy un Homme appliqué u-
Sij
212 IV. P. du Voyage
niquement à le ſervir , & on
donna de ſi bons ordres pour
tout le reſte, que tout ſe paffa
fans confufion & fans bruit.
Ainſi la tranquilité qui regna
toûjours , fit affez voir qu'on
eſtoit dans une Communauté
reglée. M¹ deBrifacier qui
n'ignoroit pas combien les
Ambaſſadeurs font choquez
des dépenses que font des
Preftres , jugea qu'il eſtoit à
propos de leur declarer de
bonne foy la chofe comme
elle eſtoit , & de leur dire,
pour les prévenir, en les conduiſant
au Refectoire,que s'ils
des Amb. de Siam. 213
trouvoient dans la Collation
qu'on leur alloit faire , quelque
forte de magnificence , ils n'en
devoient pas estre ſcandalisez
comme d'un excezcondamnable
dans une Maison Eccleſiaſtique,
mais qu ils devoient pluſtoſt l'agréer
comme un effet loüable du
Zele d'une Perſonne dont il n'avoit
pas crû devoir borner la generofité
dans une occafion, où il
ne penſoit pas qu'on pûst trop
faire pour eux. Pendant que
les Maiſtres estoient àTable,
on en ſervit une autre à fix
couverts , dans un lieu tout
proche , pour les Interpretes
274 IV. P. du Voyage
& les Secretaires . Les Gens
mangerent enfuite , & avant
dix heures les Ambaſſadeurs
ſe retirerent dans leur Hoſtel
avec de grandes marques de
fatisfaction .
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est passé au Seminaire des Missions Etrangeres, le jour que les Ambassadeurs y ont esté regalez, avec les cinq Harangues qui leur ont esté faites dans ce Seminaire. [titre d'après la table]
Le 10 décembre, les ambassadeurs de Siam visitèrent le Séminaire des Missions Étrangères. Initialement, ils souhaitaient rencontrer l'abbé de Lionne et M. de Brifacier, mais ces derniers étaient occupés à Versailles. À leur retour, les ambassadeurs furent accueillis par l'abbé de Choisi, qui leur offrit du thé et brûla du bois d'Aquila pour parfumer l'air. Ils rencontrèrent également plusieurs personnalités, dont le duc de Laon et le marquis de Coeuvres. M. de Brifacier, accompagné d'ecclésiastiques, prononça un compliment préparatoire, suivi de compliments en hébreu, grec, latin et siamois. Chaque compliment soulignait l'honneur de recevoir les ambassadeurs et exprimait des vœux de santé et de succès pour leur mission. Le compliment en latin fut prononcé en entier, tandis que les autres furent traduits en siamois par Antoine Pinto et Gervaise. L'abbé de Lionne conclut en siamois, exprimant la joie de la France et son admiration pour le roi de Siam et les ambassadeurs. Il souligna les qualités exceptionnelles des ambassadeurs et leur capacité à représenter dignement leur roi. Les ambassadeurs exprimèrent leur gratitude pour l'accueil et les honneurs reçus, promettant de rendre compte au roi de Siam des services rendus par le Séminaire. Lors du repas, les missionnaires témoignèrent de leur affection et de leur reconnaissance. La table, ovale et pouvant accueillir vingt convives, était placée dans un réfectoire bien éclairé. Le repas, qualifié d'ambigu, se distinguait par un double service pour les ambassadeurs et se caractérisait par son abondance, sa délicatesse et sa propreté. La dépense fut prise en charge par une personne pieuse, qui avait appris la visite des ambassadeurs et l'embarras du supérieur du séminaire concernant la manière de les recevoir. Chaque ambassadeur et mandarin avait un serviteur dédié, et tout se déroula sans confusion ni bruit, démontrant l'ordre de la communauté. Monsieur de Brifacier expliqua aux ambassadeurs que la magnificence du repas était due à la générosité d'une personne et non à un excès condamnable. Pendant que les maîtres étaient à table, un autre repas fut servi aux interprètes et secrétaires. Les ambassadeurs se retirèrent satisfaits avant dix heures.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 287-316
Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Début :
Ils retournerent à Versailles deux jours aprés pour prendre leur [...]
Mots clefs :
Versailles, Roi, Ambassadeurs, Audience de congé, Audiences, Harangues, Prince, Maître, Duc, France, Majesté, Qualités, Duc, Congé, Apprendre, Admiration, Honneur, Audience, Vertus, Amitié, Ordres, Orient, Roi de Siam, Ciel, Retour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Ils retournerent àVerſailles
deux jours aprés pour prendre
leur Audience de congé
dn Roy. L'Ambaſſadeur &
M le Duc de la Feuillade eurent
une converſation fort
288 IV.P.duVoyage
vive fur les Figures debronze
qui font en France ,&fur celles
de divers metaux , qu'on
dit qui font à Siam , & ce Duc
fit connoître que perſonne ne
luy peut rien apprendre fur
ce qui regarde la fonte des
metaux. La converſation
ayant changé de ſujet , l'Am
baſſadeur dit que toutes les fors
qu'il avoit esté à Versailles , il
avoit eu le coeur plein de joye
en pensant qu'il alloit voir te
Roy ,qu'à fon retour il eſtoit
chagrin , & que fa tristeſſe ſe
diffipoit, dans la pensée qu'il re-
Derroit encore Sa Majesté, mais
que
des Amb. de Siam. 283
que lors qu'il faisoit reflexion que
cet eſpoir ne luy seroit plus permis
, il eſtoit dans un abatement
inconcevable , qu'il falloit
qu'il mist toute ſa confolation
dans le plaifirqu'il auroit bientoft
de raconter au Roy de Siam
les magnificences , les bontés,&
les vertus du Roy , &que fi
aprés cela , on le renvoyoit en
France , ily viendroit volontiers
luy &toute fa famille , poury
paſſer autant d'années qu'ilplai
roit au Roy ſon Maistre.
** Je ne vous repete point les
Ceremonies qui ont eſté obſervées
à cette Audience de
Bb
29 IV.P. du Voyage
2
1
11
congé , puiſqu'elles ont eſté
les meſmes que celles de la
premiere Audience , & que le
Roy l'a donnée dans le même
lieu, ſur le même Trône , &
accompagné des mêmes perfonnes.
Apres que l'Ambaſſadeur
eûtfair fon compliment
en Siamois , Me l'Abbé de
Lionne l'expliqua ainfiennôtre
Langue.
GRAND ROY,
NOVS venons icy pour
demander à vôtre Majesté ta
permiffion de nous en retourner
da
des Amb. de Siam. 297
est
vers leRoy nôtre Maître. L'im
patience où nous ſcavons qu'il
d'apprendre le ſuccés de nôtre
Ambaſſade , les merveilles
que nous avons à luy racconter,
les gages precieux que nous luy
portons de l'estime finguliere
que vôtre Majesté a pour luy ,
fur tout , l'affeurance que
nous luy devons donner de la
Royale amitié qu'Elle contracte
pourjamais avec luy ; tout cela
beaucoup plus encore que les Vents
de la ſaiſon , nous invite enfin
àpartir, pendant que les bons
traitemens que nous recevons icy
de toutes parts par les ordres de
Bb ij
292 IV. P. du Voyage
vôtre Majesté, seroient capables
de nousfaire oublier notrePatrie,
si nous l'ofons dire, les ordres
mesme de notre Prince ; mais
fur le point de nous éloigner
de vostre Perſonne Royale , nous
n'avons point de paroles qui
puiffent exprimer les ſentimens
de respect, d'admiration & de
reconnoiſſance , dont nous fommes
penetrez. Nous nous estions
bien attendus à trouver dans
voſtreMajesté des grandeurs &
des qualitez extraordinaires ;
L'effety a pleinement répondu ,
a même ſurpaffé de beaucoup
noftre attente , mais nous
des Amb. de Siam. 193
fommes obligezde l'avoüer, nous
n'avions pas crú y trouver l'accés
, la douceur, l'affabilité que
nousy avons rencontrée ; nous
ne jugions pas mêmes que des
qualitezqui paroiſſent ſi opposées
, puffent compatir dans une
même personne , & qu'on pust
accorder enſemble tant deMajesté
&tant de bonté. Nous nefommesplusfurpris
que vos Peuples,
trop heureux de vivre fous vôtre
Empire, faffent paroiftre par
tout l'amour & la tendreſſe
qu'ils ont pour vostre RoyalePer-
Sonne. Pour nous , grand Roy,
comblezde vos biens faits, char
Bb iij
294 IV.P.du Voyage
mez de vos vertus , touchez
jusqu'aufonddu coeur de vos bon
tez , ſaiſis d'étonnement à la
veuë de vôtre haute fageffe , &
de tous les miracles de vostre
Régne ; noſtre vie nous paroist
trop courte , & le monde entier
trop petit , pour publier ce que
nous en penfons : Noftre memoire
auroit peine à retenir tant de
chofes ; c'est ce qui nous a fait
recueillirdans des Regiſtres fidelles
tout ceque nous avons pûramaſſer,
&nous le terminerons
par une protestation fincere, que
quoyque nous en diſions beaucoup,
il nous en a encore plus échapé
desAmb. de Siam. 295
Ces Memoires feront confacrez
à la poſterité, & mis en dépost
entre les monumens les plus rares
& les plus precieux de l'Etat.
LeRoy noftre Maistre les
envoyera pourprefens aux Prin
cesſes Alliez, &par la l'Orient
Sçaura bien- toft, &tous les Siecles
à venir apprendront les
vertus incomprehenſibles de Loüis
leGrand. Nous porterons enfin
l'heureuſe nouvelle de la ſanté
parfaite de vostre Majesté ,
lefoin que le Ciel apris de continüer
le cours d'une vie qui ne
devroit jamais finir.
Bb iiij
296 IV. P. du Voyage
CetteHarangue receut de
fi grands applaudiſſemens ,
que des perſonnes à qui l'on
ne peut rien refuſer, en ayant
demandé des copies , il s'en
fit un fort grand nombre, de
forte que la Cour en fut remplie
dés ce même jour. En
vous marquant que tout s'eſt
paſſé dans cette Audience de
congé, avec les meſmes ceremonies
que dans la premiere,
je dois vous dire que Me le
Marquisde laSalleMaîtrede la
Garderobe, eſtoit ſur le Trône
derriere le Roy, avecMi le
des Amb de Siam. 297
Grand Maître de la Garderobe
, & les perſonnes que
je vous ay déja nommez , à
qui leurs Charges donnent
cét honneur. Les Ambaſladeurs
eurent ſeize autres Audiences
le meſme jour , à
commencer par celle de Monſeigneur.
Voicy le compli
ment qu'ils luy firent.
TRES-GRAND PRINCE ,
Les ordres du Roy nôtre Maile
temps propre à la Navigation
, nous obligent enfin à
tre ,
1
venir prendre congé de vous.
ف
298 IV. P. du Voyage
Nous compterons éternellement
entre les avantages extraordinaires
que nous avons trouvez
en cette Ambaſſade , l'honneur
que nous avons eu de connoître
par nous-mêmes , & de pouvoir
faire connoîtreà tout l'Orient un
Prince fi accompli , fi genereux ,
fi bien-faiſant , si propre àfe ga
gner tous les coeurs , fi digne enfin
d'estre le Fils de LOVIS
LE GRAND. Que de joye
nous allons donner au Roy nôtre
Maître,quand nous luy apprendrons
plus à fond quelle est
voſtre grandeur d'ame , quelle est
L'étendue de vostre genie : en un
desAmb. de Siam. 299
mot tout ce que vous estes , &
quels font les Enfants que le
Dieu du Ciel vous a donnez,
qui font autant de precieux gages
, que l'amitié que nous fommes
venus contracter avec la
Francefubfistera durant tous les
Siècles.
Ils parlerent ainſi àMadame
laDauphine.
TRES-GRANDE PRINCESSE ,
Il est temps que nous portions
à la Princeſſe Reine , qui nous
avoit fait l'honneur de nous chargerdefes
ordres auprés de vous ,
300 IV. P du oyage
les nouvelles qu'elle defire fans
doute avec ardeur. Celles que
nous avons à luy apprendre, luy
feront fi agreables, que nous confeffons
, qu'il nousferoit difficile
de nepas reſſentirquelque empres
fement de les luy porter. Nous
n'oublirons pas de luy marquer
les nouvelles faveurs que le Ciel
prendplaisir àrépandrefur voftre
Auguste Alliance avec le
Fils unique de LOVIS LE
GRAND. Nous en avons
eſté témoins , &nous en avons
reffenty les premiers une joye extréme.
Mais nous rempliransfon
eſprit & toute la Cour de Siam
des Amb. de Siam. 301
d'admiration , quand nous raconterons
les merveilleuses qualitez
que toute l'Europe admire
en vous , & que vous foûtenez
par un air de Majesté , qui decouvre
d'abord à ceux- meſmes
qui ne vous connoistroient pas
encore , tout ce que vous estes.
Cefera pour la Princeffe Reyne
nne fatisfaction que nous ne
pouvons exprimer , d'apprendre
qu'elle est dans l'estime
l'amitié d'une Princeffefi élevée
fi accomplie.
dans
* Je vous envoye les autres
Harangues dans l'ordre qu'
elles furent faites.
1
302 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE
GRAND PRINCE quifes
rez un jour la gloire
Fornement de tout l'Univers,
Nous allons préparer dans l'Orient
les voyes à la Renommée,
qui y portera dans peu d'années
le recit de vos Victoires de
vos grandes Actions. Si nous
vivons encore alors , le témoi
gnage que nous rendions de ce
que nous avons découvert en
vous , fera croire tout ce qui
des Amb. de Siam. 303
dans vos exploits, poura paroître
incroyable. Nous l'avons vû ,
dirons nous , ce Prince encore
Enfant, & dés ce temps là toute
fon Ame paroiffant fur fon
front & dansses yeux , nous le
jugions capable de faire un jour
tout ce qu'il fait aujourd'huy.
Ce qui comblera de joye leRoy
noftre Maitre,fera l'affeurance
que nous luy donnerons , que le
Royaume de Siam trouvera en
vous un ferme appuy de l'amitié
que nous sommes venus contrac
ter avec la France.
304 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
GRANDPRINCE, qui ferez
éprouver un jour aux
Ennemis de la France , la force
de vostre bras , & la grandeur
de vostre courage , ce que nous
dirons au Roy noſtre Maître,des
grandes efperances que vous donnez,
& des marques d'efprit,
de generofité de grandeur, qui
brillent en vous au travers des
nuages de l'Enfance , luy fera
ſouhaiterd'entendre bien-toſtparler
de vos glorieux exploits.
des Amb. de Siam. 305
Nous ferons ravis plus que tout
le reste des hommes de les apprendre
, parceque nous nous
fouviendrons de l'honneur que
nous avons eu de vous faluer
de la part du Roy nostre Maistre,
&de vous prefenter par nous
meſmes nos profonds reſpects.
A MONSEIGNEUR ,
LE DUC DE BERRY .
GRAND PRINCE à qui
le Ciel referve des Victoires
& des Conquêtes , Nous aurons
l'avantage de porter au Roy
Cc
306 IV. P. du Voyage
VOUS
noftre Maître la premiere nouvelle
qu'il ait jamais receüe de
& nous le remplirons
de joge en luy marquant le bonheur
que nous avons eu de
vous voir naître ,& l'heureux
préfageque l'on a tiréde cetteAmbaſſade
pour vostre Grandeurfuture.
Noussouhaitons que vostre
reputation nous ſuive de prés ,
paffe bien-toſt les Mers aprés
nous , pour répandre l'allegreſſe
dans une Cour & dans
Royaume , où vousferezparfaitement
honoré.
un
;
des Amb. de Siam. 307
১
A MONSIEUR ,
TRES-GRAND PRINCE .
Nous diſpoſant à retourner
vers le Roy noftre Maistre , nous
venons vous afſurer que nous
remportons avec nous une profonde
reconnoiffance pour les bontez
que vous nous avez fait
P'honneur de nous témoigner,
une idée la plus haute& laplus
excellente qu'on puiſſe avoir de
toutes les qualitez heroïques qui
brillent en vostre personne ,
qui vous font admirer dans l'VCcij
308 IV . P. du Voyage
nivers. Nous nous estimonsheureux
de ce que nous allons contribuer
à augmenter cette admiration
, non-feulement à la Cours
& dans le Royaume de Siam ,
mais encore dans toutes les Cours,
dans tous les Royaumes de
L'Orient , où le bruit de cetteAmbaſſade
s'est déja ſans doute répandu
, & ou le recit que nous
feronsde tout cequi s'y eft paffé,
& de tout ce que nous avsns
vû , ne manquera pas auſſi deſe
répandre . Vostre Illustre Nom
occupera dans nos Relations la
place qui luy est deüe , comme il
L'occupe dés-a-preſent dans nos
des Amb. de Siam. 309
efprits & dans nos coeurs par la
respect & la veneration que nous
conſerverons éternellement pour
vostre Auguste Personne.
A MADAME.
GRANDE PRINCESSE.
د
LeSéjourque nous avonsfait
en France nous a donné lieu
d'augmenter la haute effime, dont
nous estions déja prevenus pour
toutes les grandes qualitez qu'on
admire en vous . Ce n'estpas un
petit ſujet de conſolation pour
nous , que le long voyage que
310 IV. P. du Voyage
nous avons entrepris en Europe,
er que nôtre retour dans l'Afie
puiffent estre utiles à votre
gloire , en nous fourniſſant l'occafion
de repandre de plus enplus
vôtre nom juſques dans les
Royaumes les plus éloignez.
Nous publironsfur tout dans le
ce que nous connoiſſons
de vos grandeurs , & du merite
éclatant qui vous distingue ,
bien-tôt vous tiendrezle mesme
rang dans l'estime du Roy notre
Maître , &de la Princeffe
Reyne , que vous tenez icy dans
l'esprit & dans le coeur de
LOVIS LE GRAND.
nôtre
2
des Amb. de Siam. zit
A MONSIEUR
LE DUC 1
DE CHARTRES.
GRAND PRINCE,
Rien ne pouvoit estre plus
agreable pour nous dans notre
retour aupres du Roy nostre
Maître , que d'avoir à luy
dire , en luy rendant compte
du floriſſant estat , ou nous
le
, que
avons trouvé la Maison Royanous
avons admire
en vous des qualitez beaucoup
au - deffus de vostre âge ,
beaucoup au - dessus des bom312
IV. P. du Voyage
mes , & qu'on ne peut voir
fans étonnement la vivacité de
vôtre esprit , la nobleffe de vos
Sentimens , l'élevation de vostre
courage , & toutes les marques
que vous donnez d'une
grande ame. Nous lui ferons
connoître que c'est avec justice
que la France a déja concen de
vous de tres -hautes efperances ,
qu'il peut s'aſſurer de trouver
un jour en voſtre perfonne,
un amy auffi genercux que tout
I'Univers y trouvera un Prince
Grand & Magnanime.
desAmb. de Siam. 313
1
A MADEMOISELLE .
GRANDE PRINCESSE ,
Vos vertus & vos rares
qualitez qui croiffent de jour
en jour , ont auffi fait croître
dans nos efprits , le respect
l'admiration que nous avons
conceue dés la premiere fois
que nous avons eu l'honneurde
vous rendre nos devoirs. C'est
dans cesſentimens que nouspar
tons & que nous allons vous
faire connoître en tous lieux,
principalemet àlaCour de Siam
Dd
314 IV . P. du Voyage
où vousserez regardée désor
mais comme l'exemple & le
modelle de toutes lesjeunesPrinceffes
.
Ils firent auſſi compliment
le meſme jour à Mademoiſelle
d'Orleans , à Madame la
Princeffe, à Monfieur le Duc,
à Madame la Princeſſe de
Conty& à Monfieur lePrince
de Conty. Il vous eft aisé
de connoiſtre par les Complimens
que vous venez de
lire , ceux qui ont eſté faits
aux Princes & Princeſſes que
je viens de vous nommer.
des Amb de Siam. 315
Toutes les réponſes faites aux
uns&aux autres, ont eſté fur
des marques d'affection pour
le Roy de Siam , & d'eſtime
pour les Ambaſſadeurs. Ils
allerent le mefme jour pren
dre congé de Me de Crouffy,
& ce Miniſtre continüa de
leur parler en faveur de la
Religion Chreftienne , comme
il avoit déja fait dans
pluſieurs autres Audiences,
d'une maniere ſi éloquente
&fi perfuafive, qu'il s'eſt toûjours
attiré l'admiration de
tous ceux qui s'y font trouvé
prefens. Ils allerent auſſi
Ddij
316 IV. P. du Voyage
chezM. de Seignelay,& lors
qu'ils commençoient à luy
faire compliment, il leur en
fit un luy-meſme,fur lareputation
qu'ils remportoient
de France ; aprés quoy ils
parlerent d'affaires.
deux jours aprés pour prendre
leur Audience de congé
dn Roy. L'Ambaſſadeur &
M le Duc de la Feuillade eurent
une converſation fort
288 IV.P.duVoyage
vive fur les Figures debronze
qui font en France ,&fur celles
de divers metaux , qu'on
dit qui font à Siam , & ce Duc
fit connoître que perſonne ne
luy peut rien apprendre fur
ce qui regarde la fonte des
metaux. La converſation
ayant changé de ſujet , l'Am
baſſadeur dit que toutes les fors
qu'il avoit esté à Versailles , il
avoit eu le coeur plein de joye
en pensant qu'il alloit voir te
Roy ,qu'à fon retour il eſtoit
chagrin , & que fa tristeſſe ſe
diffipoit, dans la pensée qu'il re-
Derroit encore Sa Majesté, mais
que
des Amb. de Siam. 283
que lors qu'il faisoit reflexion que
cet eſpoir ne luy seroit plus permis
, il eſtoit dans un abatement
inconcevable , qu'il falloit
qu'il mist toute ſa confolation
dans le plaifirqu'il auroit bientoft
de raconter au Roy de Siam
les magnificences , les bontés,&
les vertus du Roy , &que fi
aprés cela , on le renvoyoit en
France , ily viendroit volontiers
luy &toute fa famille , poury
paſſer autant d'années qu'ilplai
roit au Roy ſon Maistre.
** Je ne vous repete point les
Ceremonies qui ont eſté obſervées
à cette Audience de
Bb
29 IV.P. du Voyage
2
1
11
congé , puiſqu'elles ont eſté
les meſmes que celles de la
premiere Audience , & que le
Roy l'a donnée dans le même
lieu, ſur le même Trône , &
accompagné des mêmes perfonnes.
Apres que l'Ambaſſadeur
eûtfair fon compliment
en Siamois , Me l'Abbé de
Lionne l'expliqua ainfiennôtre
Langue.
GRAND ROY,
NOVS venons icy pour
demander à vôtre Majesté ta
permiffion de nous en retourner
da
des Amb. de Siam. 297
est
vers leRoy nôtre Maître. L'im
patience où nous ſcavons qu'il
d'apprendre le ſuccés de nôtre
Ambaſſade , les merveilles
que nous avons à luy racconter,
les gages precieux que nous luy
portons de l'estime finguliere
que vôtre Majesté a pour luy ,
fur tout , l'affeurance que
nous luy devons donner de la
Royale amitié qu'Elle contracte
pourjamais avec luy ; tout cela
beaucoup plus encore que les Vents
de la ſaiſon , nous invite enfin
àpartir, pendant que les bons
traitemens que nous recevons icy
de toutes parts par les ordres de
Bb ij
292 IV. P. du Voyage
vôtre Majesté, seroient capables
de nousfaire oublier notrePatrie,
si nous l'ofons dire, les ordres
mesme de notre Prince ; mais
fur le point de nous éloigner
de vostre Perſonne Royale , nous
n'avons point de paroles qui
puiffent exprimer les ſentimens
de respect, d'admiration & de
reconnoiſſance , dont nous fommes
penetrez. Nous nous estions
bien attendus à trouver dans
voſtreMajesté des grandeurs &
des qualitez extraordinaires ;
L'effety a pleinement répondu ,
a même ſurpaffé de beaucoup
noftre attente , mais nous
des Amb. de Siam. 193
fommes obligezde l'avoüer, nous
n'avions pas crú y trouver l'accés
, la douceur, l'affabilité que
nousy avons rencontrée ; nous
ne jugions pas mêmes que des
qualitezqui paroiſſent ſi opposées
, puffent compatir dans une
même personne , & qu'on pust
accorder enſemble tant deMajesté
&tant de bonté. Nous nefommesplusfurpris
que vos Peuples,
trop heureux de vivre fous vôtre
Empire, faffent paroiftre par
tout l'amour & la tendreſſe
qu'ils ont pour vostre RoyalePer-
Sonne. Pour nous , grand Roy,
comblezde vos biens faits, char
Bb iij
294 IV.P.du Voyage
mez de vos vertus , touchez
jusqu'aufonddu coeur de vos bon
tez , ſaiſis d'étonnement à la
veuë de vôtre haute fageffe , &
de tous les miracles de vostre
Régne ; noſtre vie nous paroist
trop courte , & le monde entier
trop petit , pour publier ce que
nous en penfons : Noftre memoire
auroit peine à retenir tant de
chofes ; c'est ce qui nous a fait
recueillirdans des Regiſtres fidelles
tout ceque nous avons pûramaſſer,
&nous le terminerons
par une protestation fincere, que
quoyque nous en diſions beaucoup,
il nous en a encore plus échapé
desAmb. de Siam. 295
Ces Memoires feront confacrez
à la poſterité, & mis en dépost
entre les monumens les plus rares
& les plus precieux de l'Etat.
LeRoy noftre Maistre les
envoyera pourprefens aux Prin
cesſes Alliez, &par la l'Orient
Sçaura bien- toft, &tous les Siecles
à venir apprendront les
vertus incomprehenſibles de Loüis
leGrand. Nous porterons enfin
l'heureuſe nouvelle de la ſanté
parfaite de vostre Majesté ,
lefoin que le Ciel apris de continüer
le cours d'une vie qui ne
devroit jamais finir.
Bb iiij
296 IV. P. du Voyage
CetteHarangue receut de
fi grands applaudiſſemens ,
que des perſonnes à qui l'on
ne peut rien refuſer, en ayant
demandé des copies , il s'en
fit un fort grand nombre, de
forte que la Cour en fut remplie
dés ce même jour. En
vous marquant que tout s'eſt
paſſé dans cette Audience de
congé, avec les meſmes ceremonies
que dans la premiere,
je dois vous dire que Me le
Marquisde laSalleMaîtrede la
Garderobe, eſtoit ſur le Trône
derriere le Roy, avecMi le
des Amb de Siam. 297
Grand Maître de la Garderobe
, & les perſonnes que
je vous ay déja nommez , à
qui leurs Charges donnent
cét honneur. Les Ambaſladeurs
eurent ſeize autres Audiences
le meſme jour , à
commencer par celle de Monſeigneur.
Voicy le compli
ment qu'ils luy firent.
TRES-GRAND PRINCE ,
Les ordres du Roy nôtre Maile
temps propre à la Navigation
, nous obligent enfin à
tre ,
1
venir prendre congé de vous.
ف
298 IV. P. du Voyage
Nous compterons éternellement
entre les avantages extraordinaires
que nous avons trouvez
en cette Ambaſſade , l'honneur
que nous avons eu de connoître
par nous-mêmes , & de pouvoir
faire connoîtreà tout l'Orient un
Prince fi accompli , fi genereux ,
fi bien-faiſant , si propre àfe ga
gner tous les coeurs , fi digne enfin
d'estre le Fils de LOVIS
LE GRAND. Que de joye
nous allons donner au Roy nôtre
Maître,quand nous luy apprendrons
plus à fond quelle est
voſtre grandeur d'ame , quelle est
L'étendue de vostre genie : en un
desAmb. de Siam. 299
mot tout ce que vous estes , &
quels font les Enfants que le
Dieu du Ciel vous a donnez,
qui font autant de precieux gages
, que l'amitié que nous fommes
venus contracter avec la
Francefubfistera durant tous les
Siècles.
Ils parlerent ainſi àMadame
laDauphine.
TRES-GRANDE PRINCESSE ,
Il est temps que nous portions
à la Princeſſe Reine , qui nous
avoit fait l'honneur de nous chargerdefes
ordres auprés de vous ,
300 IV. P du oyage
les nouvelles qu'elle defire fans
doute avec ardeur. Celles que
nous avons à luy apprendre, luy
feront fi agreables, que nous confeffons
, qu'il nousferoit difficile
de nepas reſſentirquelque empres
fement de les luy porter. Nous
n'oublirons pas de luy marquer
les nouvelles faveurs que le Ciel
prendplaisir àrépandrefur voftre
Auguste Alliance avec le
Fils unique de LOVIS LE
GRAND. Nous en avons
eſté témoins , &nous en avons
reffenty les premiers une joye extréme.
Mais nous rempliransfon
eſprit & toute la Cour de Siam
des Amb. de Siam. 301
d'admiration , quand nous raconterons
les merveilleuses qualitez
que toute l'Europe admire
en vous , & que vous foûtenez
par un air de Majesté , qui decouvre
d'abord à ceux- meſmes
qui ne vous connoistroient pas
encore , tout ce que vous estes.
Cefera pour la Princeffe Reyne
nne fatisfaction que nous ne
pouvons exprimer , d'apprendre
qu'elle est dans l'estime
l'amitié d'une Princeffefi élevée
fi accomplie.
dans
* Je vous envoye les autres
Harangues dans l'ordre qu'
elles furent faites.
1
302 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE
GRAND PRINCE quifes
rez un jour la gloire
Fornement de tout l'Univers,
Nous allons préparer dans l'Orient
les voyes à la Renommée,
qui y portera dans peu d'années
le recit de vos Victoires de
vos grandes Actions. Si nous
vivons encore alors , le témoi
gnage que nous rendions de ce
que nous avons découvert en
vous , fera croire tout ce qui
des Amb. de Siam. 303
dans vos exploits, poura paroître
incroyable. Nous l'avons vû ,
dirons nous , ce Prince encore
Enfant, & dés ce temps là toute
fon Ame paroiffant fur fon
front & dansses yeux , nous le
jugions capable de faire un jour
tout ce qu'il fait aujourd'huy.
Ce qui comblera de joye leRoy
noftre Maitre,fera l'affeurance
que nous luy donnerons , que le
Royaume de Siam trouvera en
vous un ferme appuy de l'amitié
que nous sommes venus contrac
ter avec la France.
304 IV. P. du Voyage
A MONSEIGNEUR
LE DUC D'ANJOU.
GRANDPRINCE, qui ferez
éprouver un jour aux
Ennemis de la France , la force
de vostre bras , & la grandeur
de vostre courage , ce que nous
dirons au Roy noſtre Maître,des
grandes efperances que vous donnez,
& des marques d'efprit,
de generofité de grandeur, qui
brillent en vous au travers des
nuages de l'Enfance , luy fera
ſouhaiterd'entendre bien-toſtparler
de vos glorieux exploits.
des Amb. de Siam. 305
Nous ferons ravis plus que tout
le reste des hommes de les apprendre
, parceque nous nous
fouviendrons de l'honneur que
nous avons eu de vous faluer
de la part du Roy nostre Maistre,
&de vous prefenter par nous
meſmes nos profonds reſpects.
A MONSEIGNEUR ,
LE DUC DE BERRY .
GRAND PRINCE à qui
le Ciel referve des Victoires
& des Conquêtes , Nous aurons
l'avantage de porter au Roy
Cc
306 IV. P. du Voyage
VOUS
noftre Maître la premiere nouvelle
qu'il ait jamais receüe de
& nous le remplirons
de joge en luy marquant le bonheur
que nous avons eu de
vous voir naître ,& l'heureux
préfageque l'on a tiréde cetteAmbaſſade
pour vostre Grandeurfuture.
Noussouhaitons que vostre
reputation nous ſuive de prés ,
paffe bien-toſt les Mers aprés
nous , pour répandre l'allegreſſe
dans une Cour & dans
Royaume , où vousferezparfaitement
honoré.
un
;
des Amb. de Siam. 307
১
A MONSIEUR ,
TRES-GRAND PRINCE .
Nous diſpoſant à retourner
vers le Roy noftre Maistre , nous
venons vous afſurer que nous
remportons avec nous une profonde
reconnoiffance pour les bontez
que vous nous avez fait
P'honneur de nous témoigner,
une idée la plus haute& laplus
excellente qu'on puiſſe avoir de
toutes les qualitez heroïques qui
brillent en vostre personne ,
qui vous font admirer dans l'VCcij
308 IV . P. du Voyage
nivers. Nous nous estimonsheureux
de ce que nous allons contribuer
à augmenter cette admiration
, non-feulement à la Cours
& dans le Royaume de Siam ,
mais encore dans toutes les Cours,
dans tous les Royaumes de
L'Orient , où le bruit de cetteAmbaſſade
s'est déja ſans doute répandu
, & ou le recit que nous
feronsde tout cequi s'y eft paffé,
& de tout ce que nous avsns
vû , ne manquera pas auſſi deſe
répandre . Vostre Illustre Nom
occupera dans nos Relations la
place qui luy est deüe , comme il
L'occupe dés-a-preſent dans nos
des Amb. de Siam. 309
efprits & dans nos coeurs par la
respect & la veneration que nous
conſerverons éternellement pour
vostre Auguste Personne.
A MADAME.
GRANDE PRINCESSE.
د
LeSéjourque nous avonsfait
en France nous a donné lieu
d'augmenter la haute effime, dont
nous estions déja prevenus pour
toutes les grandes qualitez qu'on
admire en vous . Ce n'estpas un
petit ſujet de conſolation pour
nous , que le long voyage que
310 IV. P. du Voyage
nous avons entrepris en Europe,
er que nôtre retour dans l'Afie
puiffent estre utiles à votre
gloire , en nous fourniſſant l'occafion
de repandre de plus enplus
vôtre nom juſques dans les
Royaumes les plus éloignez.
Nous publironsfur tout dans le
ce que nous connoiſſons
de vos grandeurs , & du merite
éclatant qui vous distingue ,
bien-tôt vous tiendrezle mesme
rang dans l'estime du Roy notre
Maître , &de la Princeffe
Reyne , que vous tenez icy dans
l'esprit & dans le coeur de
LOVIS LE GRAND.
nôtre
2
des Amb. de Siam. zit
A MONSIEUR
LE DUC 1
DE CHARTRES.
GRAND PRINCE,
Rien ne pouvoit estre plus
agreable pour nous dans notre
retour aupres du Roy nostre
Maître , que d'avoir à luy
dire , en luy rendant compte
du floriſſant estat , ou nous
le
, que
avons trouvé la Maison Royanous
avons admire
en vous des qualitez beaucoup
au - deffus de vostre âge ,
beaucoup au - dessus des bom312
IV. P. du Voyage
mes , & qu'on ne peut voir
fans étonnement la vivacité de
vôtre esprit , la nobleffe de vos
Sentimens , l'élevation de vostre
courage , & toutes les marques
que vous donnez d'une
grande ame. Nous lui ferons
connoître que c'est avec justice
que la France a déja concen de
vous de tres -hautes efperances ,
qu'il peut s'aſſurer de trouver
un jour en voſtre perfonne,
un amy auffi genercux que tout
I'Univers y trouvera un Prince
Grand & Magnanime.
desAmb. de Siam. 313
1
A MADEMOISELLE .
GRANDE PRINCESSE ,
Vos vertus & vos rares
qualitez qui croiffent de jour
en jour , ont auffi fait croître
dans nos efprits , le respect
l'admiration que nous avons
conceue dés la premiere fois
que nous avons eu l'honneurde
vous rendre nos devoirs. C'est
dans cesſentimens que nouspar
tons & que nous allons vous
faire connoître en tous lieux,
principalemet àlaCour de Siam
Dd
314 IV . P. du Voyage
où vousserez regardée désor
mais comme l'exemple & le
modelle de toutes lesjeunesPrinceffes
.
Ils firent auſſi compliment
le meſme jour à Mademoiſelle
d'Orleans , à Madame la
Princeffe, à Monfieur le Duc,
à Madame la Princeſſe de
Conty& à Monfieur lePrince
de Conty. Il vous eft aisé
de connoiſtre par les Complimens
que vous venez de
lire , ceux qui ont eſté faits
aux Princes & Princeſſes que
je viens de vous nommer.
des Amb de Siam. 315
Toutes les réponſes faites aux
uns&aux autres, ont eſté fur
des marques d'affection pour
le Roy de Siam , & d'eſtime
pour les Ambaſſadeurs. Ils
allerent le mefme jour pren
dre congé de Me de Crouffy,
& ce Miniſtre continüa de
leur parler en faveur de la
Religion Chreftienne , comme
il avoit déja fait dans
pluſieurs autres Audiences,
d'une maniere ſi éloquente
&fi perfuafive, qu'il s'eſt toûjours
attiré l'admiration de
tous ceux qui s'y font trouvé
prefens. Ils allerent auſſi
Ddij
316 IV. P. du Voyage
chezM. de Seignelay,& lors
qu'ils commençoient à luy
faire compliment, il leur en
fit un luy-meſme,fur lareputation
qu'ils remportoient
de France ; aprés quoy ils
parlerent d'affaires.
Fermer
Résumé : Ils retournerent deux jours aprés à Versailles, pour leur Audiance de congé. Ils en eurent dix-sept le même jour. Tout ce qui s'est passé à ces Audiances avec toutes les Harangues. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam retournèrent à Versailles deux jours après leur première audience pour prendre congé du roi. Lors de cette audience, l'ambassadeur et le duc de la Feuillade discutèrent des figures de bronze en France et des métaux utilisés à Siam. Le duc affirma sa maîtrise en fonte des métaux. La conversation porta ensuite sur les émotions de l'ambassadeur, qui exprima sa joie à l'idée de voir le roi et sa tristesse à l'idée de partir, mais aussi sa détermination à raconter les magnificences et les vertus du roi de France au roi de Siam. L'audience de congé se déroula avec les mêmes cérémonies que la première audience. L'ambassadeur fit un compliment en siamois, traduit par l'abbé de Lionne. Il demanda la permission de retourner auprès de leur roi, exprimant l'impatience de ce dernier d'apprendre le succès de l'ambassade et les merveilles à raconter. Les ambassadeurs soulignèrent les qualités extraordinaires du roi de France, sa majesté, sa douceur et son affabilité, et exprimèrent leur admiration et leur reconnaissance. Après cette harangue, qui reçut de grands applaudissements, les ambassadeurs eurent seize autres audiences le même jour, commençant par celle de Monseigneur. Ils adressèrent des compliments à divers membres de la famille royale, louant leurs qualités et exprimant leur admiration. Ils promirent de rapporter ces compliments et ces admiractions à leur roi et de publier les vertus du roi de France dans l'Orient. Les ambassadeurs rencontrèrent également Mademoiselle d'Orléans, Madame la Princesse, Monsieur le Duc, Madame la Princesse de Conti et Monsieur le Prince de Conti. Les compliments échangés reflétaient l'affection pour le roi de Siam et l'estime pour les ambassadeurs. Le même jour, ils prirent congé de Monsieur de Croissy, qui parla de la religion chrétienne de manière éloquente et persuasive, suscitant l'admiration des présents. Ils se rendirent également chez Monsieur de Seignelay, qui les complimenta sur la réputation qu'ils emportaient de France avant de discuter d'affaires.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 654-671
EXTRAIT de deux Harangues Latines sur la Naissance de Monseigneur le Dauphin, prononcées au College de Louis le Grand par les Professeurs de Rhetorique.
Début :
Il y a quelques mois qu'on a imprimé les deux Harangues dont nous [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Harangues, Dauphin, Professeurs de rhétorique, Collège Louis le Grand, Roi, Prince, Peuples, Orateur, Bonheur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT de deux Harangues Latines sur la Naissance de Monseigneur le Dauphin, prononcées au College de Louis le Grand par les Professeurs de Rhetorique.
EXTRAIT de deux Harangues Latines
fur la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin , prononcées au College de
Louis le Grand par les Profeffeurs de
Rhetorique.
Ly a quelques mois qu'on a imprimé
les deux Harangues dont nous
donnons ici l'Extrait ; l'une fut prononcée
par le P.Charles Porée le 14.Septembre
1729 vers le commencement desVacances,
l'autre par le P.Xavier de la Sante le 15. Decembre
fuivant , quelque tems après qu'on
eut repris les exercices ordinaires du College.
Le premier crut ne pouvoir mieux
finir fon année , & le fecond mieux commencer
la fienne , qu'en félicitant le Public
fur un évenement fi intereffant pour
la France & pour toute l'Europe. Nous
croyons faire plaifir à nos Lecteurs en leur
donnant un Abregé de ces deux Difcours,
qui répondent parfaitement à la réputation
des Auteurs.
La
AVRIL 1730. 655
>
›
3
La Harangue du P. Porée commence
par feliciter le Roi de la Naiffance de
fon augufte Fils. Il n'eft point d'homme ,
dit l'Orateur , de quelque condition qu'il
foit , qui ne fouhaite de laiffer fon nom
ou fes biens à un fils plutôt qu'à une ou
à plufieurs filles ; celles ci perdent ce
nom en entrant dans d'autres familles
où il meurt bientôt avec elles. Il fe perpetuë
dans la perfonne d'un fils
en fe
perpetuant il devient plus illuftre , & acquiert
une efpece d'immortalité , dont
l'efperance feule flatte un pere qui s'ima
gine devoir vivre en quelque forte éternellement
dans une nombreuſe pofterité.
Mais qui doit être plus touché de ce
plaifir qu'un Prince , un Monarque , un
Roi de France , & un Roi de la Maiſon
des Bourbons ? nom fi ancien , fi glorieux
que tant de Grands Hommes ont porté
& honoré. Par une fucceffion non interrompue
, il vient de Louis IX . jufqu'à
Louis XV, il a été illuftré par tous les
genres de mérite ; il a étendu fa domination
dans un Royaume voiſin , d'où il fe
fait refpecter jufques dans le nouveau
monde ; il eft confacré par la Religion &
placé jufques dans le Ciel , où nous lui
rendons de juftes hommages. Tel eft le
nom que Louis tranfmet à fon fils : un
jour celui-ci en foutiendra la gloire , &
656 MERCURE
DE FRANCE
રે
la fera paffer à une longue fuite de Heros .
Il n'en fut pas ainfi du nom des Cefars;
depuis le Grand Jules il ne fubfifta que
par l'adoption , par l'élection , fouvent
même par l'ufurpation ; il périt dès qu'il
fut élevé fur le Trône ; quand il devint le
nom des Empereurs , il paffa à des Etrangers
, & ceffa d'être celui d'une même
famille.
Tout peré aime encore à laiffer un fils
heritier de fes biens , quelques médiocres
, quelque peu confiderables
qu'ils
foient ; on femble alors les quitter fans
c'eft les perdre deux
regret , au lieu que
fois , que de les voir paffer en d'autres
mains. Quel eft donc le bonheur de Louis ,
à qui le Ciel accorde un fils , auquel il
pourra remettre , non pas fimplement un
riche heritage , non pas des titres glorieux
, mais le plus beau Royaume , le
plus floriffant , le plus ancien de l'Europe
! Augufte n'eut pas cet avantage ; il
etendit les bornes de l'Empire ; mais il
fut obligé de fe chercher un heritier hors
de fa Maiſon ; il s'entendit appeller Pere
de la Patrie par tous les Citoyens ; mais
jamais il n'entendit fortir ce doux nom
de pere de la bouche d'un fils . La même
confolation fut refufée non-feulement aux
Nerons , aux Caligula , aux Domitiens ,
humain
il étoit de l'interêt du genre
que
de
AVRIL
1730.
657
de tels monftres périffent tout entiers ;
mais elle fut refufée aux Tites & aux
Trajans , ces Princes adorables qui faifoient
les délices de l'Univers.
Notre Roi plus heureux que tous ces
Empereurs a déja merité d'être appellé le
Pere de fon Peuple , comme un très- petit
nombre d'entr'eux ; il eſt déja comme
quelques-uns pere de plufieurs Princeffes;
mais ce qui n'arriva à aucun d'eux , aujourd'hui
il fe voit pere d'un fils ; & à
quel âge a- t'il ce bonheur ? Remontons
dans les fiécles paffés ; parcourons la fuite
de tous nos Rois ; jettons les yeux fur
toutes les Cours Etrangeres, ici nous trouverons
des Princes qui envient le fort de
Louis , là nous n'en trouverons point qui
ait eu fi tôt le même bonheur,
Les meres ne font pas moins charmées
d'avoir un fils que les peres mêmes ; l'amour
qu'elles ont pour leurs Epoux eft
la meſure de la joye que leur cauſe la
Naiffance d'un fils qui le repréſente d'une
maniere plus parfaite que des tableaux
muets. Cette raifon generale convient
encore mieux à une grande Reine qui revere
toûjours la perfonne de fon Roi dans
celle de fon Epoux , & dont la tendreffe
eft temperée par le refpect . Quelque
grand , quelque fincere que foit l'amour
de part & d'autre , les dehors en font
B Lou
658 MERCURE DE FRANCE
toujours reglés par la dignité des auguftes
Epoux , & la majefté tempere une vivacité
permife à des perfonnes privées. Le
Dauphin repréſentera à fa mere tous les
traits de Louis ; mais dépouillés de cette
vive lumiere qui fait qu'on n'ofe fixer
trop long- tems fur lui fes regards ; elle
pourra le contempler à loifir , lui prodiguer
fes careffes , à peu près comme nos
yeux qui ne fçauroient foutenir la clarté
du Soleil , contemplent avec plaifir ſon
image , s'il vient à fe peindre dans une
Nuée brillante.
D'autres raifons que l'Orateur touche
avec beaucoup de délicateffe , c'eft que
la Naiffance du Dauphin affure à la Reine
le coeur de fon augufte Epoux , & augmente
en quelque forte fon autorité. A
la verité , elle n'avoit pas befoin de cel
gage pour s'attacher le coeur d'un Prince
, dont toutes les inclinations font reglées
par la raifon , tous les goûts fubordonnés
au devoir , tous les defirs moderés
par la fageffe ; il avoit reçû avec
joye les trois Princeffes que la Reine lui
avoit données jufqu'ici ; il les accable tous
les jours des careffes qu'elles peuvent attendre
du pere le plus tendre. Ce n'eſt
pas qu'il ne defirât un heritier de fes Etats
auffi ardemment que fes Peuples le fouhaitoient
, mais il l'attendoit plus patiemment,
AVRIL. 1730. 659
tiemment , & avec une plus grande foumiffion
aux ordres du Ciel. Quelle joye
pour notre Reine d'avoir enfin comblé
des voeux fi juftes & fi fages !
Quelle joye d'avoir donné à toute la
France ce qui faifoit l'objet de fon attente
, & de l'avoir ainfi payée avec uſure
de tout ce qu'elle en a reçû ! Il eſt vrai
que fa vertu eft au - deffus des honneurs
que nous lui rendons ; mais fon grand .
coeur n'a voulu les recevoir que pour
faire notre bonheur ; elle fe les reproche
roit ſi ſon élevation n'étoit utile qu'à ellemême
; par le Dauphin qu'elle donne à
la France , elle lui rend plus qu'elle ne
lui a donné ; elle en a reçû la Couronne
& elle donne un Prince qui la foutiendra
un jour glorieufement.
La feconde Partie eft adreffée au Dauphin
mème , que le R. P. Porée félicite
fur fon bonheur. Pour en tirer des préfages
certains , il ne lui eft pas neceffaire
de recourir aux chimeres de l'Aftrologie
, à de vaines fupputations , & du moment
de fa naiffance , & du cours des
Aftres ; il n'a pas recours aux Fables des
Poëtes , adoptées quelquefois par les Orateurs
en femblables occafions. Des raifons
plus folides fur lefquelles il fe fonde
font les Royales qualités du pere ,
qui ne promettent pas moins qu'un He
Bij LOS
660 MERCURE DE FRANCE.
ros ; l'ordre de fa naiffance qui le fait feul
heritier de tout le Royaume ; la maniere
dont il a été obtenu du Ciel . L'Orateur
dans ce dernier article nous repréſente le
voyage que la pieté fit entreprendre l'année
derniere à la Reine. Il ne nous eft
pas
permis de toucher au Portrait qu'il fait
du Roi , nous craindrions de le defigurer
en quelque forte. Renvoyant donc
pour cette partie à la Piece même , nous
paffons à la troifiéme , où le R. P. Porée
félicite les Peuples d'un évenement qui
les intereffoit infiniment.
III. Il remarque d'abord qu'il eft bien
rare qu'on puiffe feliciter le Peuple fur
l'accompliffement de fes voeux ; ce font
ordinairement des voeux temeraires ou
nuifibles , il ne voit jamais les premiers
accomplis ; fi les autres le font quelquefois
, ce n'eft que pour fon malheur. Il
n'en eft pas ainfi de ceux que nous formions
pour la naiffance d'un Dauphin ;
rien n'étoit plus fage , & ne devoit nous
être plus avantageux ; notre impatience
même , quoiqu'elle fut trop vive , &
qu'elle allat à nous faire abfolument defefperer
ce que nous n'avions pas obtenu
tout d'un coup , avoit quelque choſe de
raifonnable , fufques dans fa bizarrerie.
C'eft que nous fouhaitions non- feule- ,
ment de voir à notre Roi un heritier de ,
fes
1
AVRIL. 1730. 661
fes Etats , mais encore de le lui voir naî
tre dans fa jeuneffe , afin que ce Prince
pût être élevé fous fes yeux , afin qu'il
pût par fes grands exemples s'inftruire
long- tems dans l'art de regner. Nous
fçavons que toutes les minorités des Rois
ne font pas auffi tranquilles que l'a
été celle de Louis XV. Il eft difficile que
des Princes aufquels pour premiere leçon
on apprend qu'ils font maîtres de ceux
qui les inftruiſent , profitent bien de l'éducation
qu'on leur donne. Il faudroit
pour cela naître avec un caractere ferieux ,
amateur de l'ordre , avec une fageffe naturelle
, & dans la plus tendre enfance
n'avoir rien de la legereté de cet âge ; il
faudroit être tel , en un mot , que Louis
le Grand & fon digne fucceffeur.
Enfin ce qui intereffoit non - feulement
les François , mais tous les Peuples de
l'Europe , & leur faifoit formes les mêmes
voeux qu'à nous , c'eft qu'un Dauphin
de France femble affurer la tranquillité
de tous les Etats voifins auffibien
que la notre. Cette tranquillité fait
l'unique objet des foins de notre jeune
Monarque ; après un David guerrier ,
nous avons en lui un pacifique Salomon.
Le fage Miniftre auquel il donne toute
fa confiance , & qu'il appelle à tous fes
Confeils , eft un Ange de paix ; le fils
B iij qu'il
>
:
662 MERCURE DE FRANCE
1
le
partage
qu'il vient d'obtenir du Ciel peut être
appellé en quelque forte le Prince de la
Paix ; cet augufte enfant diffipe les allarmes
que nous pourrions avoir de ces
guerres qui fe font pour la fucceffion &
des grands Royaumes , Guerres
veritablement plus que civiles dont
nous avons un exemple dans ce qui s'eft
paffé dans l'Europe au commencement
de ce Siecle. Le R. P. Porée en fait une
deſcription vive & frappante , qu'on lira
avec d'autant plus de plaifir , que la naiffance
du Dauphin nous empêche de crain.
dre rien de Temblable..
II. DISCOURS..
R.P. La Harangue du R. P. De la Sante eft
moins fur la Naiffance du Dauphin qu'un
préfage de ce que doit être ce Prince ,
qui croft pour la fortune la plus brillante
& pour la felicité des Peuples. S'il
avoit voulu fe borner à celebrer cet heureux
évenement , il n'auroit pas attendu
fi long- tems ; mais fon Collegue l'ayant
fait avec fuccès , il a crû devoir donner
un autre tour à fon Difcours. Dans la
premiere Partie il montre ce que le Dauphin
promet à la France ; dans la feconde
, ce que la France promer au Dauphin
.
I. Pour fçavoir , dit l'Orateur , les ma
gnifiques
AVRIL. 1730.
663
,
gnifiques efperances que nous pouvons
concevoir de cet augufte Enfant , il nous
fuffit de faire reflexion qu'il eft fils d'un
Roi Bourbon & fils d'un Roi Très-
Chrétien . Ces deux titres nous apprennent
ce que nous devons en attendre
Fun nous affure du bonheur du Royaume
, l'autre nous promet un appui pour
la Religion.
Le P. De la Sante commence la
preuve de la premiere Propofition par un
éloge des Bourbons qu'il fait avec autant
d'art que le R. P. Porée , quoique le tour
en foit different. L'efprit du Lecteur aime
à trouver le même morceau d'Eloquence,
traité par deux grands Maîtres qui ne fe
copient pas l'un l'autre . On peut encore
voir le même éloge dans la troifiéme Harangue
du P. Coffart , Jefuite & prédeceffeur
de ces deux Peres dans l'emploi
qu'ils rempliffent fi dignement.
Enfuite defcendant dans le détail , if
parcourt tous les grands Rois qu'a don
nés cette maifon ,. & commence par Louis
IX. qui en eft la tige . Quel Monarque
s'appliqua jamais avec plus de zele à pro
curer le bonheur de fes Peuples , c'eſt-àdire
, à pacifier les troubles domeftiques
à repouffer les Ennemis Etrangers , à adminiftrer
la juftice à fes Sujets & à l'éta
blir folidement par les Ordonnances les
plus
B. iiij.
664 MERCURE DE FRANCE
plus fages. Pour faire toutes ces chofes
avec le fuccés qu'il eut , il falloit être le
Pere de fes Peuples , plutôt que leur Roi;
fe regarder comme leur Pafteur plutôt
que comme leur Chef. Pour foûtenir les
traverfes qu'il effuya pendant fa vie , il
falloit une vertu plus qu'humaine ; la
conftance des Heros ne va pas jufques là:
il falloit être un Saint.
L'Orateur paffe auffi- tôt à Henri le
Grand , Prince veritablement digne de ce
nom , dans quelque point de vue qu'on
l'envifage ; conquerant d'un Royaume fur
lequel il avoit feul un droit inconteftable
, à confiderer avec quelle bonté il
gouvernoit fes Peuples , avec quelle affection
& quel zele on lui obéïffoit , il fembloit
qu'il ne dût le Sceptre ni à ſa naiſfance
, ni à fon épée , mais à un choix libre
qui lui donnoit tous les coeurs .
Cette même bonté , cette facilité fut
le caractere qui diftingua le fils d'Henri
le Grand ; ce Monarque fit affeoir fur fon
Trône la Juftice & la Pieté ; la Sageffe
préfida à tous fes Confeils , aucun Roi
n'a été plus heureux dans le choix de fes
Miniftres ; fon Regne établit la tranquillité
au dedans de la France , étoufa jufqu'aux
femences des diffenfions domeftiques
, fit refpecter notre puiffance à des
voifins jaloux , & feroit peut-être le plus
glorieux
AVRIL. 1730.
865
'glorieux de tous les Regnes , fi ce Prince
n'avoit eu un prédeceffeur & un fucceffeur
,tous deux plus grands que lui.
Ici l'Orateur fait un portrait achevé de
Louis le Grand , ce Heros fi noblement
łoüé pendant la vie , & ce qui eft moins
équivoque , encore mieux loué après fa
mort par les regrets , non des feuls François
, mais des Nations étrangeres & ennemies.
Nous craindrions d'affoiblir cet
éloge fi nous nous contentions d'en rap--
porter quelques traits ; il faut le voir tout
entier dans la Piece.
L'arriere- petit- fils de ce Prince fait au
jourd'hui fon unique étude de conferver
la paix qu'il avoit glorieufement établie
fur la fin de fon Regne. Louis XV. fe
propofe de gouverner for Royaume felon
les maximes de Louis XIV. & met
fa félicité dans celle des Peuples. Le bonheur
de ce Monarque c'eft que le bruit
des armes n'a pas troublé les jeux de fon
enfance; fa gloire, c'eft qu'à la fleur de fes
années , & dans la plus tendre jeuneffe
-il fe voit l'arbitre de la paix , & choifi
pour Médiateur par tous les Princes de
l'Europe. Dans ces divers caracteres , l'adreffe
de l'Orateur confifte à ne point
laiffer perdre de vûë fon principal objet.
C'eft ce que fait le P. De la Sante , en
rappellant fans ceffe l'idée du nouveau
Bv Dauphin
666 MERCURE DE FRANCE
Dauphin dans les Portraits qu'il fait de
fes Ayeux.
Il parle enfuite de l'attachement que tous
les Rois Bourbons ont témoigné pour la
Religion , & prouve que le nom de Rois
Très-Chrétiens n'a pas été en eux un vain
titre.. Ici comme dans la premiere induction
, il commence par S. Louis ; tout le
monde fçait le zele qu'il témoigna pour
l'extirpation de l'herefie des Albigeois ;:
ce zele le tranfporta deux fois au - delà
des mers , plutôt pour la propagation de
la Foi , qu'en vûe d'étendre fon Empire,
ou pour fatisfaire un efprit d'inquiétude :
qui fut l'ame de la plupart des projets de
cette nature ..
Henri IV. avoit eu le malheur de fe
laiffer aller au parti de l'Herefie ; il ne
fut pas plutôt fur le Trône qu'il l'abjura:
fincerement , & la & la preuve de cette fincerité
, c'eft ce qu'il fit pour ramener à la
verité ceux du parti qu'il avoit abandonné.
On fçait que ce Prince d'un coeur veritablement
droit , témoignoit plus de
joye lorfqu'on lui apprenoit que quelqu'un
des Chefs de la Religion Protef
tante étoit retourné au ſein de l'Eglife ,
que lorsqu'on lui annonçoit que quelque
Ligueur étoit rentré dans fon obéillance..
Le plus bel Ouvrage de Louis le Jufte
eft l'abaiffement de ce même parti ; la
prife
AVRIL 1730. 667
prife de La Rochelle qui réduifit les fac
tieux à leur devoir,fera toujours regardée
dans nos Faftes comme la plus glorieufe
action d'un Regne conftamment glorieux;
la confommation de ce grand Ouvrage
étoit refervée à fon fils , heritier de fa pieté
& de fon zele pour la foi. Louis le
Grand a enfin détruit dans fon Royaume
le Calvinisme , la feule herefie qui eut été
tolerée depuis la fondation de la Monarchie
par Clovis le premier Roi Très - Chrétien
.
Enfin ce même efprit de Religion a paſfé
dans le Monarque qui nous gouverne,
ce jeune Prince femble avoir été nourri
par la pieté, il en a fuccé le lait dès l'enfance
; fon refpect pour les chofes faintes a
éclaté en lui dès fes premieres années ; on
l'admire encore dans le feu d'une brillante
jeuneffe ; il paroît moins attentif à
faire refpecter la Majefté Royale qu'à fou
tenir dans fes Etats les interêts de la Reli
gion.
Tels font les Ayeux de notre Dauphin,
reprend l'Orateur , pouvons - nous douter
qu'il ne croiffe pour le bonheur de la
France , pour la deffenfe des Autels En
vain on diroit que tous les fils n'heritent
des vertus de leurs peres ,que lesVefpa
fiens n'ont pas toujours desTites pour fucceffeurs
; quand nous voyons que ce dou
BВ vj
pas
ble
668 MERCURE DE FRANCE
ble efprit de juftice & de pieté , d'amour
du bien public & de zele pour les interêts
de l'Eglife, s'eft perpetué dans tous les
Rois Bourbons pendant un fr long eſpace
d'années , nous pouvons nous tenir affurez.
qu'il ne fe démentira pas dans le
Prince qui vient de naître , & qu'il formera
fon caractere.
II. Partie.
Les François promettent au Dauphin
leur amour & leurs voeux dans fon enfance
; la Cour dont il fera les délices
pendant la jeuneffe , lui promet toutes
fortes de complaifances & d'agrémens;
enfin dès-à-prefent les Peuples lui voüent
pour le temps de la vieilleffe , leur obéïffance
& leurs fervices. Plaiſe an Ciel que
nos defirs foient accomplis dans tous ces
points ! qu'il arrive à une heureuſe vieil
Leffe , pendant laquelle il donnera la Loi,
& qu'il ne la donne pas avant ce temps !
Mais que dis -je , reprend l'Orateur ,
lui promettons pas feulement
notre amour & nos voeux ; dès ce jour il
a le coeur de tous les François , il a déja
reçu les hommages de tous les Ordres de
nous ne
Etat. Les Prélats qui font la plus noble
portion du premier de ces Ordres , fe
font diftinguez parmi tous les autres ; ils
ne fe font pas contentez de porter leurs
voeux
AVRIL 1730 . 669
voeux au pied du Trône & au Berceau
de l'augufte Enfant ; ils les ont confacrez
par la Religion , & rendus ainfi plus efficaces
; ils ont fanctifié ceux de tous les
Peuples en ordonnant des Prieres folemnelles
pour la profperité du Dauphin.
Qu'il a été heureux en particulier pour le
Paſteur du premier Troupeau du Royaume
, notre illuftre Archevêque , que le
premier exercice de fon miniftere qu'il ait
fait en cette Ville, ait été de recevoir fon
Roi , & de joindre fes actions de graces
à celles de ce Monarque ! Delà le P. de
La Sante prend occafion de faire un compliment
également jufte & ingenieux au
Prélat , qui étoit prefent.
Les Fêtes qui ont été faites dans toute
la France font une partie des hommages
qui ont été rendus au Dauphin . Par
là les Villes entieres , les Seigneurs du
Royaume , les Princes Etrangers par leurs
Ambaffadeurs , marquent les fouhaits
qu'ils font pour ce Prince. Le Peuple
même par la part qu'il a prife à ces Réjoüiffances
, par l'aimable folie à laquelle
il s'eft livré en cette occafion , lui témoi
gne fon amour & fon zele..
Qui voudra fçavoir les fentimens que
l'on aura pour le Dauphin de France , les
devoirs que lui rendront les François ,
lorſque dans un âge plus avancé , il fera
Pornement
670 MERCURE DE FRANCE
Pornement de la Cour n'a qu'à fe reffou
venir de l'affection des Peuples , du refpect
des Grands pour le premier Dauphin
, fils de Louis XIV. qu'il fe rappelle
la confiance qu'on avoit dans le Duc de
Bourgogne; la veneration qu'on avoit pour
lui & du vivant de fon Pere , & encore
plus lorfqu'il fut devenu l'Heritier immediat
de la Couronne . L'Orateur promet
avec affurance au Fils de Louis XV.
les mêmes honneurs , la même affection ,
la même foumiffion. Dans cette condition
, pourfuit - il , plus glorieufe que celle
de plufieurs Souverains , il apprendra à
commander , il s'inftruira par les exemples
& les Confeils de fon Pere dans l'Art de
regner.
Nous pouvons , ajoûte- t- il , lui pro
mettre qu'il regnera effectivement unt
jour , mais de la maniere la plus heureufe
& la plus confolante ; c'eft que , comme
un Poëte le difoit du fils d'un Empereur
Romain , dans un âge déja avancé , il parragera
l'autorité avec fon Pere , déja vieux.
Ce que difoit par pure flatterie ce vain
Panegyrifte , & ce qui ne pouvoit s'accomplir
qu'en accordant des fiecles entiers
à cet Empereur , nous pouvons le
dire de Louis avec confiance . Tout femble
lui promettre une longue vie & une
fanté conftante; c'eft le Prix que la Pro
vidence
AVRIL 1730. 671"
vidence a établi ici-bas pour la fageffe &
pour la vertu. Avant même qu'il foit fort
avancé en âge , fon augufte Fils aura toute
la maturité neceffaire au commandement.
Le Roi pourra le charger d'une partie des
affaires , moins pour s'en débarraffer, que
pour lui marquer la confiance..
Quelque temps avant que ces Pieces ayent
été imprimées, les R. P. Jefuites, toujours prêts
à fignaler leur zele pour la Maiſon Royale
avoient fait paroître un Recueil contenant
plufieurs Pieces de Vers François & La- `
tins , qui étoient toutes d'un excellent gout ,
chacune dans fon genre.
fur la Naiffance de Monfeigneur
le Dauphin , prononcées au College de
Louis le Grand par les Profeffeurs de
Rhetorique.
Ly a quelques mois qu'on a imprimé
les deux Harangues dont nous
donnons ici l'Extrait ; l'une fut prononcée
par le P.Charles Porée le 14.Septembre
1729 vers le commencement desVacances,
l'autre par le P.Xavier de la Sante le 15. Decembre
fuivant , quelque tems après qu'on
eut repris les exercices ordinaires du College.
Le premier crut ne pouvoir mieux
finir fon année , & le fecond mieux commencer
la fienne , qu'en félicitant le Public
fur un évenement fi intereffant pour
la France & pour toute l'Europe. Nous
croyons faire plaifir à nos Lecteurs en leur
donnant un Abregé de ces deux Difcours,
qui répondent parfaitement à la réputation
des Auteurs.
La
AVRIL 1730. 655
>
›
3
La Harangue du P. Porée commence
par feliciter le Roi de la Naiffance de
fon augufte Fils. Il n'eft point d'homme ,
dit l'Orateur , de quelque condition qu'il
foit , qui ne fouhaite de laiffer fon nom
ou fes biens à un fils plutôt qu'à une ou
à plufieurs filles ; celles ci perdent ce
nom en entrant dans d'autres familles
où il meurt bientôt avec elles. Il fe perpetuë
dans la perfonne d'un fils
en fe
perpetuant il devient plus illuftre , & acquiert
une efpece d'immortalité , dont
l'efperance feule flatte un pere qui s'ima
gine devoir vivre en quelque forte éternellement
dans une nombreuſe pofterité.
Mais qui doit être plus touché de ce
plaifir qu'un Prince , un Monarque , un
Roi de France , & un Roi de la Maiſon
des Bourbons ? nom fi ancien , fi glorieux
que tant de Grands Hommes ont porté
& honoré. Par une fucceffion non interrompue
, il vient de Louis IX . jufqu'à
Louis XV, il a été illuftré par tous les
genres de mérite ; il a étendu fa domination
dans un Royaume voiſin , d'où il fe
fait refpecter jufques dans le nouveau
monde ; il eft confacré par la Religion &
placé jufques dans le Ciel , où nous lui
rendons de juftes hommages. Tel eft le
nom que Louis tranfmet à fon fils : un
jour celui-ci en foutiendra la gloire , &
656 MERCURE
DE FRANCE
રે
la fera paffer à une longue fuite de Heros .
Il n'en fut pas ainfi du nom des Cefars;
depuis le Grand Jules il ne fubfifta que
par l'adoption , par l'élection , fouvent
même par l'ufurpation ; il périt dès qu'il
fut élevé fur le Trône ; quand il devint le
nom des Empereurs , il paffa à des Etrangers
, & ceffa d'être celui d'une même
famille.
Tout peré aime encore à laiffer un fils
heritier de fes biens , quelques médiocres
, quelque peu confiderables
qu'ils
foient ; on femble alors les quitter fans
c'eft les perdre deux
regret , au lieu que
fois , que de les voir paffer en d'autres
mains. Quel eft donc le bonheur de Louis ,
à qui le Ciel accorde un fils , auquel il
pourra remettre , non pas fimplement un
riche heritage , non pas des titres glorieux
, mais le plus beau Royaume , le
plus floriffant , le plus ancien de l'Europe
! Augufte n'eut pas cet avantage ; il
etendit les bornes de l'Empire ; mais il
fut obligé de fe chercher un heritier hors
de fa Maiſon ; il s'entendit appeller Pere
de la Patrie par tous les Citoyens ; mais
jamais il n'entendit fortir ce doux nom
de pere de la bouche d'un fils . La même
confolation fut refufée non-feulement aux
Nerons , aux Caligula , aux Domitiens ,
humain
il étoit de l'interêt du genre
que
de
AVRIL
1730.
657
de tels monftres périffent tout entiers ;
mais elle fut refufée aux Tites & aux
Trajans , ces Princes adorables qui faifoient
les délices de l'Univers.
Notre Roi plus heureux que tous ces
Empereurs a déja merité d'être appellé le
Pere de fon Peuple , comme un très- petit
nombre d'entr'eux ; il eſt déja comme
quelques-uns pere de plufieurs Princeffes;
mais ce qui n'arriva à aucun d'eux , aujourd'hui
il fe voit pere d'un fils ; & à
quel âge a- t'il ce bonheur ? Remontons
dans les fiécles paffés ; parcourons la fuite
de tous nos Rois ; jettons les yeux fur
toutes les Cours Etrangeres, ici nous trouverons
des Princes qui envient le fort de
Louis , là nous n'en trouverons point qui
ait eu fi tôt le même bonheur,
Les meres ne font pas moins charmées
d'avoir un fils que les peres mêmes ; l'amour
qu'elles ont pour leurs Epoux eft
la meſure de la joye que leur cauſe la
Naiffance d'un fils qui le repréſente d'une
maniere plus parfaite que des tableaux
muets. Cette raifon generale convient
encore mieux à une grande Reine qui revere
toûjours la perfonne de fon Roi dans
celle de fon Epoux , & dont la tendreffe
eft temperée par le refpect . Quelque
grand , quelque fincere que foit l'amour
de part & d'autre , les dehors en font
B Lou
658 MERCURE DE FRANCE
toujours reglés par la dignité des auguftes
Epoux , & la majefté tempere une vivacité
permife à des perfonnes privées. Le
Dauphin repréſentera à fa mere tous les
traits de Louis ; mais dépouillés de cette
vive lumiere qui fait qu'on n'ofe fixer
trop long- tems fur lui fes regards ; elle
pourra le contempler à loifir , lui prodiguer
fes careffes , à peu près comme nos
yeux qui ne fçauroient foutenir la clarté
du Soleil , contemplent avec plaifir ſon
image , s'il vient à fe peindre dans une
Nuée brillante.
D'autres raifons que l'Orateur touche
avec beaucoup de délicateffe , c'eft que
la Naiffance du Dauphin affure à la Reine
le coeur de fon augufte Epoux , & augmente
en quelque forte fon autorité. A
la verité , elle n'avoit pas befoin de cel
gage pour s'attacher le coeur d'un Prince
, dont toutes les inclinations font reglées
par la raifon , tous les goûts fubordonnés
au devoir , tous les defirs moderés
par la fageffe ; il avoit reçû avec
joye les trois Princeffes que la Reine lui
avoit données jufqu'ici ; il les accable tous
les jours des careffes qu'elles peuvent attendre
du pere le plus tendre. Ce n'eſt
pas qu'il ne defirât un heritier de fes Etats
auffi ardemment que fes Peuples le fouhaitoient
, mais il l'attendoit plus patiemment,
AVRIL. 1730. 659
tiemment , & avec une plus grande foumiffion
aux ordres du Ciel. Quelle joye
pour notre Reine d'avoir enfin comblé
des voeux fi juftes & fi fages !
Quelle joye d'avoir donné à toute la
France ce qui faifoit l'objet de fon attente
, & de l'avoir ainfi payée avec uſure
de tout ce qu'elle en a reçû ! Il eſt vrai
que fa vertu eft au - deffus des honneurs
que nous lui rendons ; mais fon grand .
coeur n'a voulu les recevoir que pour
faire notre bonheur ; elle fe les reproche
roit ſi ſon élevation n'étoit utile qu'à ellemême
; par le Dauphin qu'elle donne à
la France , elle lui rend plus qu'elle ne
lui a donné ; elle en a reçû la Couronne
& elle donne un Prince qui la foutiendra
un jour glorieufement.
La feconde Partie eft adreffée au Dauphin
mème , que le R. P. Porée félicite
fur fon bonheur. Pour en tirer des préfages
certains , il ne lui eft pas neceffaire
de recourir aux chimeres de l'Aftrologie
, à de vaines fupputations , & du moment
de fa naiffance , & du cours des
Aftres ; il n'a pas recours aux Fables des
Poëtes , adoptées quelquefois par les Orateurs
en femblables occafions. Des raifons
plus folides fur lefquelles il fe fonde
font les Royales qualités du pere ,
qui ne promettent pas moins qu'un He
Bij LOS
660 MERCURE DE FRANCE.
ros ; l'ordre de fa naiffance qui le fait feul
heritier de tout le Royaume ; la maniere
dont il a été obtenu du Ciel . L'Orateur
dans ce dernier article nous repréſente le
voyage que la pieté fit entreprendre l'année
derniere à la Reine. Il ne nous eft
pas
permis de toucher au Portrait qu'il fait
du Roi , nous craindrions de le defigurer
en quelque forte. Renvoyant donc
pour cette partie à la Piece même , nous
paffons à la troifiéme , où le R. P. Porée
félicite les Peuples d'un évenement qui
les intereffoit infiniment.
III. Il remarque d'abord qu'il eft bien
rare qu'on puiffe feliciter le Peuple fur
l'accompliffement de fes voeux ; ce font
ordinairement des voeux temeraires ou
nuifibles , il ne voit jamais les premiers
accomplis ; fi les autres le font quelquefois
, ce n'eft que pour fon malheur. Il
n'en eft pas ainfi de ceux que nous formions
pour la naiffance d'un Dauphin ;
rien n'étoit plus fage , & ne devoit nous
être plus avantageux ; notre impatience
même , quoiqu'elle fut trop vive , &
qu'elle allat à nous faire abfolument defefperer
ce que nous n'avions pas obtenu
tout d'un coup , avoit quelque choſe de
raifonnable , fufques dans fa bizarrerie.
C'eft que nous fouhaitions non- feule- ,
ment de voir à notre Roi un heritier de ,
fes
1
AVRIL. 1730. 661
fes Etats , mais encore de le lui voir naî
tre dans fa jeuneffe , afin que ce Prince
pût être élevé fous fes yeux , afin qu'il
pût par fes grands exemples s'inftruire
long- tems dans l'art de regner. Nous
fçavons que toutes les minorités des Rois
ne font pas auffi tranquilles que l'a
été celle de Louis XV. Il eft difficile que
des Princes aufquels pour premiere leçon
on apprend qu'ils font maîtres de ceux
qui les inftruiſent , profitent bien de l'éducation
qu'on leur donne. Il faudroit
pour cela naître avec un caractere ferieux ,
amateur de l'ordre , avec une fageffe naturelle
, & dans la plus tendre enfance
n'avoir rien de la legereté de cet âge ; il
faudroit être tel , en un mot , que Louis
le Grand & fon digne fucceffeur.
Enfin ce qui intereffoit non - feulement
les François , mais tous les Peuples de
l'Europe , & leur faifoit formes les mêmes
voeux qu'à nous , c'eft qu'un Dauphin
de France femble affurer la tranquillité
de tous les Etats voifins auffibien
que la notre. Cette tranquillité fait
l'unique objet des foins de notre jeune
Monarque ; après un David guerrier ,
nous avons en lui un pacifique Salomon.
Le fage Miniftre auquel il donne toute
fa confiance , & qu'il appelle à tous fes
Confeils , eft un Ange de paix ; le fils
B iij qu'il
>
:
662 MERCURE DE FRANCE
1
le
partage
qu'il vient d'obtenir du Ciel peut être
appellé en quelque forte le Prince de la
Paix ; cet augufte enfant diffipe les allarmes
que nous pourrions avoir de ces
guerres qui fe font pour la fucceffion &
des grands Royaumes , Guerres
veritablement plus que civiles dont
nous avons un exemple dans ce qui s'eft
paffé dans l'Europe au commencement
de ce Siecle. Le R. P. Porée en fait une
deſcription vive & frappante , qu'on lira
avec d'autant plus de plaifir , que la naiffance
du Dauphin nous empêche de crain.
dre rien de Temblable..
II. DISCOURS..
R.P. La Harangue du R. P. De la Sante eft
moins fur la Naiffance du Dauphin qu'un
préfage de ce que doit être ce Prince ,
qui croft pour la fortune la plus brillante
& pour la felicité des Peuples. S'il
avoit voulu fe borner à celebrer cet heureux
évenement , il n'auroit pas attendu
fi long- tems ; mais fon Collegue l'ayant
fait avec fuccès , il a crû devoir donner
un autre tour à fon Difcours. Dans la
premiere Partie il montre ce que le Dauphin
promet à la France ; dans la feconde
, ce que la France promer au Dauphin
.
I. Pour fçavoir , dit l'Orateur , les ma
gnifiques
AVRIL. 1730.
663
,
gnifiques efperances que nous pouvons
concevoir de cet augufte Enfant , il nous
fuffit de faire reflexion qu'il eft fils d'un
Roi Bourbon & fils d'un Roi Très-
Chrétien . Ces deux titres nous apprennent
ce que nous devons en attendre
Fun nous affure du bonheur du Royaume
, l'autre nous promet un appui pour
la Religion.
Le P. De la Sante commence la
preuve de la premiere Propofition par un
éloge des Bourbons qu'il fait avec autant
d'art que le R. P. Porée , quoique le tour
en foit different. L'efprit du Lecteur aime
à trouver le même morceau d'Eloquence,
traité par deux grands Maîtres qui ne fe
copient pas l'un l'autre . On peut encore
voir le même éloge dans la troifiéme Harangue
du P. Coffart , Jefuite & prédeceffeur
de ces deux Peres dans l'emploi
qu'ils rempliffent fi dignement.
Enfuite defcendant dans le détail , if
parcourt tous les grands Rois qu'a don
nés cette maifon ,. & commence par Louis
IX. qui en eft la tige . Quel Monarque
s'appliqua jamais avec plus de zele à pro
curer le bonheur de fes Peuples , c'eſt-àdire
, à pacifier les troubles domeftiques
à repouffer les Ennemis Etrangers , à adminiftrer
la juftice à fes Sujets & à l'éta
blir folidement par les Ordonnances les
plus
B. iiij.
664 MERCURE DE FRANCE
plus fages. Pour faire toutes ces chofes
avec le fuccés qu'il eut , il falloit être le
Pere de fes Peuples , plutôt que leur Roi;
fe regarder comme leur Pafteur plutôt
que comme leur Chef. Pour foûtenir les
traverfes qu'il effuya pendant fa vie , il
falloit une vertu plus qu'humaine ; la
conftance des Heros ne va pas jufques là:
il falloit être un Saint.
L'Orateur paffe auffi- tôt à Henri le
Grand , Prince veritablement digne de ce
nom , dans quelque point de vue qu'on
l'envifage ; conquerant d'un Royaume fur
lequel il avoit feul un droit inconteftable
, à confiderer avec quelle bonté il
gouvernoit fes Peuples , avec quelle affection
& quel zele on lui obéïffoit , il fembloit
qu'il ne dût le Sceptre ni à ſa naiſfance
, ni à fon épée , mais à un choix libre
qui lui donnoit tous les coeurs .
Cette même bonté , cette facilité fut
le caractere qui diftingua le fils d'Henri
le Grand ; ce Monarque fit affeoir fur fon
Trône la Juftice & la Pieté ; la Sageffe
préfida à tous fes Confeils , aucun Roi
n'a été plus heureux dans le choix de fes
Miniftres ; fon Regne établit la tranquillité
au dedans de la France , étoufa jufqu'aux
femences des diffenfions domeftiques
, fit refpecter notre puiffance à des
voifins jaloux , & feroit peut-être le plus
glorieux
AVRIL. 1730.
865
'glorieux de tous les Regnes , fi ce Prince
n'avoit eu un prédeceffeur & un fucceffeur
,tous deux plus grands que lui.
Ici l'Orateur fait un portrait achevé de
Louis le Grand , ce Heros fi noblement
łoüé pendant la vie , & ce qui eft moins
équivoque , encore mieux loué après fa
mort par les regrets , non des feuls François
, mais des Nations étrangeres & ennemies.
Nous craindrions d'affoiblir cet
éloge fi nous nous contentions d'en rap--
porter quelques traits ; il faut le voir tout
entier dans la Piece.
L'arriere- petit- fils de ce Prince fait au
jourd'hui fon unique étude de conferver
la paix qu'il avoit glorieufement établie
fur la fin de fon Regne. Louis XV. fe
propofe de gouverner for Royaume felon
les maximes de Louis XIV. & met
fa félicité dans celle des Peuples. Le bonheur
de ce Monarque c'eft que le bruit
des armes n'a pas troublé les jeux de fon
enfance; fa gloire, c'eft qu'à la fleur de fes
années , & dans la plus tendre jeuneffe
-il fe voit l'arbitre de la paix , & choifi
pour Médiateur par tous les Princes de
l'Europe. Dans ces divers caracteres , l'adreffe
de l'Orateur confifte à ne point
laiffer perdre de vûë fon principal objet.
C'eft ce que fait le P. De la Sante , en
rappellant fans ceffe l'idée du nouveau
Bv Dauphin
666 MERCURE DE FRANCE
Dauphin dans les Portraits qu'il fait de
fes Ayeux.
Il parle enfuite de l'attachement que tous
les Rois Bourbons ont témoigné pour la
Religion , & prouve que le nom de Rois
Très-Chrétiens n'a pas été en eux un vain
titre.. Ici comme dans la premiere induction
, il commence par S. Louis ; tout le
monde fçait le zele qu'il témoigna pour
l'extirpation de l'herefie des Albigeois ;:
ce zele le tranfporta deux fois au - delà
des mers , plutôt pour la propagation de
la Foi , qu'en vûe d'étendre fon Empire,
ou pour fatisfaire un efprit d'inquiétude :
qui fut l'ame de la plupart des projets de
cette nature ..
Henri IV. avoit eu le malheur de fe
laiffer aller au parti de l'Herefie ; il ne
fut pas plutôt fur le Trône qu'il l'abjura:
fincerement , & la & la preuve de cette fincerité
, c'eft ce qu'il fit pour ramener à la
verité ceux du parti qu'il avoit abandonné.
On fçait que ce Prince d'un coeur veritablement
droit , témoignoit plus de
joye lorfqu'on lui apprenoit que quelqu'un
des Chefs de la Religion Protef
tante étoit retourné au ſein de l'Eglife ,
que lorsqu'on lui annonçoit que quelque
Ligueur étoit rentré dans fon obéillance..
Le plus bel Ouvrage de Louis le Jufte
eft l'abaiffement de ce même parti ; la
prife
AVRIL 1730. 667
prife de La Rochelle qui réduifit les fac
tieux à leur devoir,fera toujours regardée
dans nos Faftes comme la plus glorieufe
action d'un Regne conftamment glorieux;
la confommation de ce grand Ouvrage
étoit refervée à fon fils , heritier de fa pieté
& de fon zele pour la foi. Louis le
Grand a enfin détruit dans fon Royaume
le Calvinisme , la feule herefie qui eut été
tolerée depuis la fondation de la Monarchie
par Clovis le premier Roi Très - Chrétien
.
Enfin ce même efprit de Religion a paſfé
dans le Monarque qui nous gouverne,
ce jeune Prince femble avoir été nourri
par la pieté, il en a fuccé le lait dès l'enfance
; fon refpect pour les chofes faintes a
éclaté en lui dès fes premieres années ; on
l'admire encore dans le feu d'une brillante
jeuneffe ; il paroît moins attentif à
faire refpecter la Majefté Royale qu'à fou
tenir dans fes Etats les interêts de la Reli
gion.
Tels font les Ayeux de notre Dauphin,
reprend l'Orateur , pouvons - nous douter
qu'il ne croiffe pour le bonheur de la
France , pour la deffenfe des Autels En
vain on diroit que tous les fils n'heritent
des vertus de leurs peres ,que lesVefpa
fiens n'ont pas toujours desTites pour fucceffeurs
; quand nous voyons que ce dou
BВ vj
pas
ble
668 MERCURE DE FRANCE
ble efprit de juftice & de pieté , d'amour
du bien public & de zele pour les interêts
de l'Eglife, s'eft perpetué dans tous les
Rois Bourbons pendant un fr long eſpace
d'années , nous pouvons nous tenir affurez.
qu'il ne fe démentira pas dans le
Prince qui vient de naître , & qu'il formera
fon caractere.
II. Partie.
Les François promettent au Dauphin
leur amour & leurs voeux dans fon enfance
; la Cour dont il fera les délices
pendant la jeuneffe , lui promet toutes
fortes de complaifances & d'agrémens;
enfin dès-à-prefent les Peuples lui voüent
pour le temps de la vieilleffe , leur obéïffance
& leurs fervices. Plaiſe an Ciel que
nos defirs foient accomplis dans tous ces
points ! qu'il arrive à une heureuſe vieil
Leffe , pendant laquelle il donnera la Loi,
& qu'il ne la donne pas avant ce temps !
Mais que dis -je , reprend l'Orateur ,
lui promettons pas feulement
notre amour & nos voeux ; dès ce jour il
a le coeur de tous les François , il a déja
reçu les hommages de tous les Ordres de
nous ne
Etat. Les Prélats qui font la plus noble
portion du premier de ces Ordres , fe
font diftinguez parmi tous les autres ; ils
ne fe font pas contentez de porter leurs
voeux
AVRIL 1730 . 669
voeux au pied du Trône & au Berceau
de l'augufte Enfant ; ils les ont confacrez
par la Religion , & rendus ainfi plus efficaces
; ils ont fanctifié ceux de tous les
Peuples en ordonnant des Prieres folemnelles
pour la profperité du Dauphin.
Qu'il a été heureux en particulier pour le
Paſteur du premier Troupeau du Royaume
, notre illuftre Archevêque , que le
premier exercice de fon miniftere qu'il ait
fait en cette Ville, ait été de recevoir fon
Roi , & de joindre fes actions de graces
à celles de ce Monarque ! Delà le P. de
La Sante prend occafion de faire un compliment
également jufte & ingenieux au
Prélat , qui étoit prefent.
Les Fêtes qui ont été faites dans toute
la France font une partie des hommages
qui ont été rendus au Dauphin . Par
là les Villes entieres , les Seigneurs du
Royaume , les Princes Etrangers par leurs
Ambaffadeurs , marquent les fouhaits
qu'ils font pour ce Prince. Le Peuple
même par la part qu'il a prife à ces Réjoüiffances
, par l'aimable folie à laquelle
il s'eft livré en cette occafion , lui témoi
gne fon amour & fon zele..
Qui voudra fçavoir les fentimens que
l'on aura pour le Dauphin de France , les
devoirs que lui rendront les François ,
lorſque dans un âge plus avancé , il fera
Pornement
670 MERCURE DE FRANCE
Pornement de la Cour n'a qu'à fe reffou
venir de l'affection des Peuples , du refpect
des Grands pour le premier Dauphin
, fils de Louis XIV. qu'il fe rappelle
la confiance qu'on avoit dans le Duc de
Bourgogne; la veneration qu'on avoit pour
lui & du vivant de fon Pere , & encore
plus lorfqu'il fut devenu l'Heritier immediat
de la Couronne . L'Orateur promet
avec affurance au Fils de Louis XV.
les mêmes honneurs , la même affection ,
la même foumiffion. Dans cette condition
, pourfuit - il , plus glorieufe que celle
de plufieurs Souverains , il apprendra à
commander , il s'inftruira par les exemples
& les Confeils de fon Pere dans l'Art de
regner.
Nous pouvons , ajoûte- t- il , lui pro
mettre qu'il regnera effectivement unt
jour , mais de la maniere la plus heureufe
& la plus confolante ; c'eft que , comme
un Poëte le difoit du fils d'un Empereur
Romain , dans un âge déja avancé , il parragera
l'autorité avec fon Pere , déja vieux.
Ce que difoit par pure flatterie ce vain
Panegyrifte , & ce qui ne pouvoit s'accomplir
qu'en accordant des fiecles entiers
à cet Empereur , nous pouvons le
dire de Louis avec confiance . Tout femble
lui promettre une longue vie & une
fanté conftante; c'eft le Prix que la Pro
vidence
AVRIL 1730. 671"
vidence a établi ici-bas pour la fageffe &
pour la vertu. Avant même qu'il foit fort
avancé en âge , fon augufte Fils aura toute
la maturité neceffaire au commandement.
Le Roi pourra le charger d'une partie des
affaires , moins pour s'en débarraffer, que
pour lui marquer la confiance..
Quelque temps avant que ces Pieces ayent
été imprimées, les R. P. Jefuites, toujours prêts
à fignaler leur zele pour la Maiſon Royale
avoient fait paroître un Recueil contenant
plufieurs Pieces de Vers François & La- `
tins , qui étoient toutes d'un excellent gout ,
chacune dans fon genre.
Fermer
Résumé : EXTRAIT de deux Harangues Latines sur la Naissance de Monseigneur le Dauphin, prononcées au College de Louis le Grand par les Professeurs de Rhetorique.
Le texte relate deux harangues prononcées par les professeurs de rhétorique du Collège Louis-le-Grand à l'occasion de la naissance du Dauphin, fils de Louis XV. La première harangue, prononcée par le Père Charles Porée le 14 septembre 1729, félicite le roi pour la naissance de son fils, soulignant l'importance de transmettre le nom et les biens à un héritier mâle. Le Père Porée compare la succession des Bourbons à celle des Césars, mettant en avant la continuité et la gloire de la dynastie française. Il évoque également la joie des parents royaux et les avantages politiques et religieux de la naissance du Dauphin, qui assure la tranquillité du royaume et de l'Europe. La seconde harangue, prononcée par le Père Xavier de la Sante le 15 décembre suivant, se concentre sur les promesses que le Dauphin représente pour la France. Le Père de la Sante souligne que le Dauphin, en tant que fils d'un roi Bourbon et d'un roi Très-Chrétien, garantit le bonheur du royaume et un soutien à la religion. Il rappelle les vertus des grands rois de la maison des Bourbons, comme Louis IX et Henri IV, et les espérances qu'ils ont suscitées pour le peuple français. Le texte décrit les qualités et les actions des rois de la dynastie des Bourbons, mettant particulièrement en lumière la bonté et la justice de Louis XIII, fils d'Henri IV. Ce monarque a établi la tranquillité en France, étouffé les dissensions domestiques et fait respecter la puissance française à l'étranger. Son règne aurait été le plus glorieux si ce n'était pour ses prédécesseurs et successeurs plus grands que lui. L'orateur loue également Louis XIV, surnommé Louis le Grand, pour ses actions héroïques et son influence positive, même après sa mort. Louis XV, arrière-petit-fils de Louis XIV, s'efforce de conserver la paix et de gouverner selon les maximes de son aïeul. Il est loué pour son rôle de médiateur en Europe et son attachement à la religion. Le texte souligne l'attachement des Bourbons à la religion, mentionnant Saint Louis, Henri IV et Louis XIV pour leurs efforts contre l'hérésie. Louis XV est décrit comme un monarque pieux, respectueux des choses saintes et attentif aux intérêts de la religion. L'orateur exprime l'espoir que le Dauphin, fils de Louis XV, héritera des vertus de ses ancêtres et contribuera au bonheur de la France et à la défense des autels. Les Français, la Cour et les peuples promettent leur amour et leur soutien au Dauphin, avec des prières et des fêtes en son honneur. L'orateur compare l'affection portée au Dauphin à celle accordée aux précédents Dauphins et promet au fils de Louis XV les mêmes honneurs et affection. Il prédit que le Dauphin régnera de manière heureuse et confiante, avec le soutien de son père.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer