Résultats : 230 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 43-44
A MADAME, Sur les Victoires, & sur le Retour de MONSIEUR. SONNET.
Début :
Gagnat une Bataille, & forçant une Ville, [...]
Mots clefs :
Victoires, Philippe, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME, Sur les Victoires, & sur le Retour de MONSIEUR. SONNET.
A MADAME,
Sur les Victoires, & fur le Re.
tour de MONSIEUR.
G
SONNET
Agnant une Bataille,&for
çant une Ville,
YGN
BV
34 LE MERCURE
PHILIPPE Se découvre à nos
jeux tout entiers C'estun Prince, àla Cour, d'hu- meurdouce &civile ,
Qui dansson airgalantnemesle rien de fier f
Mais dans le Champ deMars,
PHIILIPPE est un Achille ,
Il prend l'air &le front d'un terrible Guerriersaler anot
D'un interépide Cœur , &d'une
Ame tranquillet of out.
Ils'avance au Combat , &chargele premier.
ЯМАAM Grande Princeffe , il vient tout P
éclatant degloire ,
A
Son front est couronné des mains dela victoire
Mais c'est peu qu'un Triomphe &finoble &fi beau
GALANT. 35
:
Ordonnez que l'Amour rendant
Son heur extreme,
Four digne Feu de joye allume Son Flambeau ,
Et d'un Myrthe charmant couronnez- le vous-méme.
Sur les Victoires, & fur le Re.
tour de MONSIEUR.
G
SONNET
Agnant une Bataille,&for
çant une Ville,
YGN
BV
34 LE MERCURE
PHILIPPE Se découvre à nos
jeux tout entiers C'estun Prince, àla Cour, d'hu- meurdouce &civile ,
Qui dansson airgalantnemesle rien de fier f
Mais dans le Champ deMars,
PHIILIPPE est un Achille ,
Il prend l'air &le front d'un terrible Guerriersaler anot
D'un interépide Cœur , &d'une
Ame tranquillet of out.
Ils'avance au Combat , &chargele premier.
ЯМАAM Grande Princeffe , il vient tout P
éclatant degloire ,
A
Son front est couronné des mains dela victoire
Mais c'est peu qu'un Triomphe &finoble &fi beau
GALANT. 35
:
Ordonnez que l'Amour rendant
Son heur extreme,
Four digne Feu de joye allume Son Flambeau ,
Et d'un Myrthe charmant couronnez- le vous-méme.
Fermer
Résumé : A MADAME, Sur les Victoires, & sur le Retour de MONSIEUR. SONNET.
Le sonnet célèbre les victoires militaires du prince Philippe, contrastant sa douceur à la cour avec sa bravoure au combat, comparable à Achille. Après une victoire, il revient triomphant. La dame est invitée à célébrer ce triomphe en allumant le flambeau de l'amour et en couronnant Philippe de myrte.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 97-100
« Je suis vieux, Belle Iris, c'est un mal incurable; [...] »
Début :
Je suis vieux, Belle Iris, c'est un mal incurable; [...]
Mots clefs :
Mort, Vieux, Coeur, Charme, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Je suis vieux, Belle Iris, c'est un mal incurable; [...] »
72 LE MERCURE J
E fuis vieux , Belle Iris , c'est
un mal incurable;
Dejour en jour il croît , d'heure enheureil accable :
La mortſeule en guerit , mais fi
dejour en jour Ilme rendplus malpropre àgrof- firvôtre Cour ,
Le tire enfin cefruitde madécrepitude,
Quejevous voySans trouble Sans inquietude ,
Sans batement de cœur , & que ma liberté
Presde tous vos attraits est toute enseureté.
Tel est l'heureux
çoit des années
Secours que reUne ame dont vos loix regloient les deſtinées.
Non que jefois encor bien deſat- coutumé
Des
GALAN Τ. 75
Des douceurs que prodigue un
cœurvrayment charme;
A ce tribut flateur la bienfeance
oblige,
Le Merite l'impose, &la Beauté l'exige,
Nulâge n'en dispense , &fût-on
aux abois,
Ilfaut enfuir la veuë,ouluypa yerſes droits ;
Mais ne me rangez point , alors que j'en foûpire ,
Parmy les Soupirans dont il vous
plaist de rire.
Ecoutez mesfoûpirs ſans les conteràrien,
Iefuis de ces Mourans quiſe portentfort bien,
Ie vis aupres de vous dans une
paixprofonde ,
Et doute , quand j'enfors, fi vous estes au Mondes
Tome 3. D
76 LE MERCURE Pardonnez-moy ce mot qui ſent
le revolté,
Avec le cœurpeut-estre il est mal
concerté,
Vos regards ont pourmoy toûjours lemême charme ,
M'offrent mêmes perils , me don
nent meſme alarme ,
Etie n'espererois aucune queriſon,
Sil'âgeestoit chez vous monſeul
contrepoison.
Mais graces au bonheur de ma
triste avanture ,
Apeine ay-ie loisir d'y sentir ma bleffure.
Graces àvingt Amans dontchez
vousonſe rit,
Dés que vôtre œilmy bleſſe , un
autre œilmyguerit. Souffrez que ie m'enflate, ởqu à
mon tour ie cede
Au chagrinant Rivalqui comme
GALAN T. 77 eux vous obfede,
Qui leurfaitpresque àtous de- Serter vostre Cour ,
Et n'oſe vous parler ny d'Himen
nyd'amour.
Vousledites du moins , &voulez
qu'on le croye ,
Etmon rested'amourvous en croit
avec joye ;
Jefayplus , jele voyſans en estre
jaloux ,
Avoſtre tour m'en croyez-vous?
E fuis vieux , Belle Iris , c'est
un mal incurable;
Dejour en jour il croît , d'heure enheureil accable :
La mortſeule en guerit , mais fi
dejour en jour Ilme rendplus malpropre àgrof- firvôtre Cour ,
Le tire enfin cefruitde madécrepitude,
Quejevous voySans trouble Sans inquietude ,
Sans batement de cœur , & que ma liberté
Presde tous vos attraits est toute enseureté.
Tel est l'heureux
çoit des années
Secours que reUne ame dont vos loix regloient les deſtinées.
Non que jefois encor bien deſat- coutumé
Des
GALAN Τ. 75
Des douceurs que prodigue un
cœurvrayment charme;
A ce tribut flateur la bienfeance
oblige,
Le Merite l'impose, &la Beauté l'exige,
Nulâge n'en dispense , &fût-on
aux abois,
Ilfaut enfuir la veuë,ouluypa yerſes droits ;
Mais ne me rangez point , alors que j'en foûpire ,
Parmy les Soupirans dont il vous
plaist de rire.
Ecoutez mesfoûpirs ſans les conteràrien,
Iefuis de ces Mourans quiſe portentfort bien,
Ie vis aupres de vous dans une
paixprofonde ,
Et doute , quand j'enfors, fi vous estes au Mondes
Tome 3. D
76 LE MERCURE Pardonnez-moy ce mot qui ſent
le revolté,
Avec le cœurpeut-estre il est mal
concerté,
Vos regards ont pourmoy toûjours lemême charme ,
M'offrent mêmes perils , me don
nent meſme alarme ,
Etie n'espererois aucune queriſon,
Sil'âgeestoit chez vous monſeul
contrepoison.
Mais graces au bonheur de ma
triste avanture ,
Apeine ay-ie loisir d'y sentir ma bleffure.
Graces àvingt Amans dontchez
vousonſe rit,
Dés que vôtre œilmy bleſſe , un
autre œilmyguerit. Souffrez que ie m'enflate, ởqu à
mon tour ie cede
Au chagrinant Rivalqui comme
GALAN T. 77 eux vous obfede,
Qui leurfaitpresque àtous de- Serter vostre Cour ,
Et n'oſe vous parler ny d'Himen
nyd'amour.
Vousledites du moins , &voulez
qu'on le croye ,
Etmon rested'amourvous en croit
avec joye ;
Jefayplus , jele voyſans en estre
jaloux ,
Avoſtre tour m'en croyez-vous?
Fermer
Résumé : « Je suis vieux, Belle Iris, c'est un mal incurable; [...] »
Le poème explore la vieillesse et l'amour à travers les yeux d'un narrateur âgé. Ce dernier exprime son malheur croissant avec l'âge, se sentant indigne de la cour d'Iris. Cependant, il affirme voir Iris sans trouble, sa liberté étant assurée face à ses attraits. Il reconnaît les douceurs d'un cœur charmé, mais se distingue des soupirants dont Iris se moque. Il vit près d'elle dans une paix profonde et doute de sa présence au monde lorsqu'il en sort. Le narrateur demande pardon pour ses paroles rebelles, admettant que les regards d'Iris ont toujours le même charme et lui causent les mêmes alarmes. Il ne voit aucun remède à son état, sauf l'âge, qui chez elle serait son seul contrepoison. Grâce à la présence de vingt amants qui se succèdent, il est rapidement guéri de ses blessures. Il cède au rival qui l'obsède et observe qu'Iris dit aimer et vouloir qu'on le croie, ce qu'il accepte avec joie, sans jalousie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
p. 133-135
RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Début :
Et puis, Madame, fiez-vous aux Hommes. A parler / Contre l'Amour voulez-vous vous defendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Hommes, Beau sexe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Etpuis,
Madame, fiez -vous auxHommes.
GALAN T. 97
mes. Aparler finceremétauſſi
bien dans voſtre beau Sexe
que dans le noftre , il y a toû- jours à riſquer ; maisla veuëdu ☐ peril n' pas qu'on ne s'y expoſe , &on ne ſe defend pas d'aimer quand on veut. La complaiſance , les petits foins,
les manieres tendres , autant
d'écüeils pour la liberté. C'eſt ce qu'a dit fort agreablement - l'Illuſtre Madame des Houlie
res dans ce Rondeau que je
vous envoye.
RONDEAU
DE MADAME DESHOVLIERES
à une de ſes Amies.
Ontre l'Amourvoulez-vous
vous defendre ?
Empefchez - vous & de voir &
d'entendre
Tome V. I
98 LE MERCVRE
Gens dont le cœur s'exprime avec
esprit.
Il en est peu de ce genre maudit ,
Et trop encor pourmettre uncœur encendre.
Quand une fois il nous plaiſtde
nous rendre
D'amoureux ſoins, qu'ils prennent un air tendre ,
On lit en vain tout qu'Ovide
écrit
Contre l'Amour.
De la raiſon on ne doit rien attendre;
Trop de malheurs n'ont ſçeu que
trop apprendre Qu'elle n'est rien dés que lecœur
agit;
Lafeule fuite, Iris, nous garantit,
C'estleparty le plus utile àpredre Contre l'Amour.
Madame, fiez -vous auxHommes.
GALAN T. 97
mes. Aparler finceremétauſſi
bien dans voſtre beau Sexe
que dans le noftre , il y a toû- jours à riſquer ; maisla veuëdu ☐ peril n' pas qu'on ne s'y expoſe , &on ne ſe defend pas d'aimer quand on veut. La complaiſance , les petits foins,
les manieres tendres , autant
d'écüeils pour la liberté. C'eſt ce qu'a dit fort agreablement - l'Illuſtre Madame des Houlie
res dans ce Rondeau que je
vous envoye.
RONDEAU
DE MADAME DESHOVLIERES
à une de ſes Amies.
Ontre l'Amourvoulez-vous
vous defendre ?
Empefchez - vous & de voir &
d'entendre
Tome V. I
98 LE MERCVRE
Gens dont le cœur s'exprime avec
esprit.
Il en est peu de ce genre maudit ,
Et trop encor pourmettre uncœur encendre.
Quand une fois il nous plaiſtde
nous rendre
D'amoureux ſoins, qu'ils prennent un air tendre ,
On lit en vain tout qu'Ovide
écrit
Contre l'Amour.
De la raiſon on ne doit rien attendre;
Trop de malheurs n'ont ſçeu que
trop apprendre Qu'elle n'est rien dés que lecœur
agit;
Lafeule fuite, Iris, nous garantit,
C'estleparty le plus utile àpredre Contre l'Amour.
Fermer
Résumé : RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Le texte est une correspondance mettant en garde une dame contre les dangers de l'amour. L'auteur reconnaît que les femmes, malgré leur finesse, sont vulnérables en matière de sentiments. Il souligne que la conscience du danger ne suffit pas à empêcher les gens de tomber amoureux. Les attentions et les tendresses sont décrites comme des pièges pour la liberté. L'auteur cite un rondeau de Madame des Houlières, qui explore la difficulté de se défendre contre l'amour. Le rondeau se demande si éviter de voir et d'entendre des personnes spirituelles peut protéger contre l'amour, mais conclut que ces personnes sont trop nombreuses pour être évitées. Une fois que l'on s'abandonne à des soins amoureux, les conseils contre l'amour deviennent inutiles. La raison est impuissante face aux sentiments du cœur. La fuite est présentée comme la meilleure stratégie pour se protéger de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 5-6
« Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Début :
Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...]
Mots clefs :
Fortune, Amant, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Si les Bergers ſeuls avoient l'avantage de trouver toûjours l'heure qu'on ſouhaite auffi- toſt qu'on commence d'aimer,
on quiteroit ſouvent des Palais
pour venir habiter leurs Ca- banes ; & la plupart de ceux que la Fortune ſemble avoir mis au deſſus des ſouhaits , ſe
croiroient malheureux, & por- teroient envie à leur bonheur.
Il n'eſt rien qu'un Amantbien paffionné ne fit pour toucher l'objet dont ileſt charmé. Rien ne tient dans un cœur plus
GALANT. 5
fortement que l'Amour , & le Madrigalqui fuit fait voir qu'il ſe trouve des Amans qui ne veulent pas guérir de leurs bleffures.
on quiteroit ſouvent des Palais
pour venir habiter leurs Ca- banes ; & la plupart de ceux que la Fortune ſemble avoir mis au deſſus des ſouhaits , ſe
croiroient malheureux, & por- teroient envie à leur bonheur.
Il n'eſt rien qu'un Amantbien paffionné ne fit pour toucher l'objet dont ileſt charmé. Rien ne tient dans un cœur plus
GALANT. 5
fortement que l'Amour , & le Madrigalqui fuit fait voir qu'il ſe trouve des Amans qui ne veulent pas guérir de leurs bleffures.
Fermer
Résumé : « Si les Bergers seuls avoient l'avantage de trouver l'heure [...] »
Le texte évoque la capacité des bergers à trouver l'heure propice à l'amour, rendant leur condition enviable. L'amour passionné incite à tout entreprendre pour séduire. Les amants refusent de guérir de leurs blessures émotionnelles, révélées par les poèmes d'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 23-25
CONTRAINTE d'un Coeur amoureux.
Début :
Voicy d'autres Pieces qui doivent moins à l'esprit. / Qu'un coeur souffre par la contrainte ! [...]
Mots clefs :
Coeur, Contrainte, Pitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONTRAINTE d'un Coeur amoureux.
Voicy d'autres Pieces qui doivent moins à l'eſprit. Il y
ſeroit regardé comme un de- faut s'il y paroiſſoit trop ; & le Cœur doit avoir la meilleure
part aux Ouvrages dont l'A- mour inſpire le deffein.
CONTRAINTE
d'un Cœur amoureux.
V'un cœur fouffre par la contrainte!
Ab qu'il est digne depitié!
S'il commence la moindreplainte,
Il en dit trop de la moitié;
Ilfautque toûjours en luy-meſme.
Il étouffe millefoûpirs.
S'il vent formerquelques defirs ,
Ilcraint d'alarmer ce qu'il aime.
Helas! quefaire en ce moment ?
Tout n'est pour luy qu'un dur martires
GALANT. 19
Q'un cœurſouffre quand ilſoupire ,
Etqu'il aime trop tendrement !
ſeroit regardé comme un de- faut s'il y paroiſſoit trop ; & le Cœur doit avoir la meilleure
part aux Ouvrages dont l'A- mour inſpire le deffein.
CONTRAINTE
d'un Cœur amoureux.
V'un cœur fouffre par la contrainte!
Ab qu'il est digne depitié!
S'il commence la moindreplainte,
Il en dit trop de la moitié;
Ilfautque toûjours en luy-meſme.
Il étouffe millefoûpirs.
S'il vent formerquelques defirs ,
Ilcraint d'alarmer ce qu'il aime.
Helas! quefaire en ce moment ?
Tout n'est pour luy qu'un dur martires
GALANT. 19
Q'un cœurſouffre quand ilſoupire ,
Etqu'il aime trop tendrement !
Fermer
Résumé : CONTRAINTE d'un Coeur amoureux.
Le texte discute de la prééminence du cœur dans les œuvres littéraires inspirées par l'amour. Il présente le poème 'Contrainte d'un Cœur amoureux', qui décrit les tourments d'un cœur amoureux soumis à la contrainte. Ce cœur étouffe ses soupirs par peur d'alarmer l'objet de son amour et souffre en silence avec tendresse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 216-226
MAXIMES D'AMOUR.
Début :
Quoy qu'on fasse passer l'Amour pour la plus violente / Nous voulons qu'un Amant se declare luy-mesme, [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Lois, Déclaration, Roman, Théâtre, Méthode, Secret
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MAXIMES D'AMOUR.
Quoyqu'onfaffe paffer l'A- mour pour la plus violente de
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
Fermer
Résumé : MAXIMES D'AMOUR.
Le texte explore la prééminence de la gloire sur l'amour, affirmant que la quête de gloire incite les individus à privilégier les défis aux plaisirs et à sacrifier ce qui leur est cher. Il se penche ensuite sur les maximes de l'amour, en énonçant plusieurs principes fondamentaux. Un amant doit se déclarer lui-même sans susciter de méfiance, car une défiance injustifiée peut entraîner la perte de l'être aimé. Une fois la déclaration faite, chacun doit la respecter. L'amour caché est perçu comme plus doux, et il est conseillé d'aimer en silence. L'absence ne doit pas affaiblir la constance de l'amour, bien que les tristesses soient à éviter. L'amour doit être exprimé avec joie plutôt qu'avec tragédie. Il est recommandé de cacher sa passion et de ne pas la rendre publique. Les signes extérieurs de l'amour, tels que la rougeur ou la pâleur, sont déconseillés. Les désespoirs excessifs et les poisons sont interdits. La curiosité en amour est jugée néfaste, car elle révèle souvent des infidélités. Enfin, les transports jaloux doivent être évités pour préserver la fidélité et le bonheur dans l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 301-303
RONDEAU.
Début :
Je finis, Madame, mais ne grondez point, je vous prie, / Contre l'Amour voulez-vous vous defendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Tendre, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RONDEAU.
Je finis , Madame, mais ne gron- dez point,je vous prie , ſi je finis ſans vous tenir parole ſur un ſecond Idylle de Madame des Houlieres.
Pour vous appaiſer ,je vous envoye un ſecond Rondeau qu'elle a fait
d'un ſtile fortdifférent de celuy que vous avez déja veu. Il a fait naiſtre une grande conteftation pour (çavoir lequel des deux devoit eſtre preferé.
Vous en entendrez parler au premier jour , &vous fcaurez les ſentimens d'une infinité de perſonnes d'eſpric qua ce différent a partagées. Jugez- en cependant vous- mefme. Jevous envoye avec le nouveau celuy que vousautiez la peine d'aller chercher dans ma Lettre du Mois de Iuillet.
Onm'en avoit donné une Copie fi défigurée ,qu'il eſt bon que vous le yoyez en meilleur état ; & d'ailleurs
GALANT. 215
s'agiſſant de les comparer , il ne les faut pas éloigner l'un de l'autre.
RONDEAV.
Ontre l'Amour voulez
vous deffendre ?
-
Vous
Empeſchez-vous & de voir &d'en- tendre
Gens dont le cœur s'explique avec
esprit.
Il en estpeude ce genre maudit ,
Mais trop encorpour mettre un caur
en cendre.
Quand une fois il leur plaiftde nous rendre
D'amoureuxfoins,qu'ils prennent un
air tendre ,
On lit en vain tout ce qu'Ovide écrit
Contre l'Amour.
Dela Raiſon on ne doit rien attendre.
Trop de malheurs n'ont ſçeu que trop
apprendre Qu'elle n'est riendés que le cœur agit,
Lafeulefuite,Iris ,nous garantit ,
Tiij
216 LE MERCVRE
C'est le party leplus utile à prendre Contrel'Amour.
Pour vous appaiſer ,je vous envoye un ſecond Rondeau qu'elle a fait
d'un ſtile fortdifférent de celuy que vous avez déja veu. Il a fait naiſtre une grande conteftation pour (çavoir lequel des deux devoit eſtre preferé.
Vous en entendrez parler au premier jour , &vous fcaurez les ſentimens d'une infinité de perſonnes d'eſpric qua ce différent a partagées. Jugez- en cependant vous- mefme. Jevous envoye avec le nouveau celuy que vousautiez la peine d'aller chercher dans ma Lettre du Mois de Iuillet.
Onm'en avoit donné une Copie fi défigurée ,qu'il eſt bon que vous le yoyez en meilleur état ; & d'ailleurs
GALANT. 215
s'agiſſant de les comparer , il ne les faut pas éloigner l'un de l'autre.
RONDEAV.
Ontre l'Amour voulez
vous deffendre ?
-
Vous
Empeſchez-vous & de voir &d'en- tendre
Gens dont le cœur s'explique avec
esprit.
Il en estpeude ce genre maudit ,
Mais trop encorpour mettre un caur
en cendre.
Quand une fois il leur plaiftde nous rendre
D'amoureuxfoins,qu'ils prennent un
air tendre ,
On lit en vain tout ce qu'Ovide écrit
Contre l'Amour.
Dela Raiſon on ne doit rien attendre.
Trop de malheurs n'ont ſçeu que trop
apprendre Qu'elle n'est riendés que le cœur agit,
Lafeulefuite,Iris ,nous garantit ,
Tiij
216 LE MERCVRE
C'est le party leplus utile à prendre Contrel'Amour.
Fermer
Résumé : RONDEAU.
L'auteur s'excuse auprès d'une dame de ne pas lui fournir une seconde idylle de Madame des Houlières, mais lui envoie un second rondeau de cette dernière. Ce rondeau diffère du précédent et a suscité une controverse sur la préférence entre les deux œuvres. L'auteur promet à la dame qu'elle entendra parler de cette controverse et des diverses opinions qu'elle a suscitées. Il lui envoie également une version améliorée d'un rondeau précédent pour permettre une comparaison juste entre les deux textes. Le rondeau en question aborde l'amour et la difficulté de s'en défendre. Il souligne que même les personnes les plus spirituelles peuvent être touchées par l'amour. Le texte affirme que la raison est impuissante face aux sentiments amoureux et que la meilleure défense contre l'amour est la fuite.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 106-108
CONFITURES DONNEES.
Début :
La Dame qui donnoit la Collation, fut celle pour qui / Trouveroit-on, Iris, des ames assez dures [...]
Mots clefs :
Confitures, Douceur, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CONFITURES DONNEES.
La Dame qui donnoit la Col- lation , fut celle pour qui le ſe- cond eut à faire un Inpromptu,
& il en prit le ſujet ſur la profu- fion de ſes Confitures...
CONFITURES DONNE ES.
TRORouveroit-on , Iris , des ames affez
dures
Pour ne pas adorer &vous &vos bien- faits ?
Vous joignez la douceur de vos divins
attraits ,
Acelle de vos Confitures.
Cependant n'en déplaiſe à toutes vosfam
veurs ,
68 LE MERCVRE
Lemeplains au milieude mes bonnesfortunes:
Aulieu de medonner , Iris ,tant dedouceurs,
Helas! dites-men quelques-unes.
Vosappasfont doux àmes yeux ,
VosConfituresàmabouche
Mais mon cœur merite bien mieux
Quelqu'autre douceur qui le touche.
& il en prit le ſujet ſur la profu- fion de ſes Confitures...
CONFITURES DONNE ES.
TRORouveroit-on , Iris , des ames affez
dures
Pour ne pas adorer &vous &vos bien- faits ?
Vous joignez la douceur de vos divins
attraits ,
Acelle de vos Confitures.
Cependant n'en déplaiſe à toutes vosfam
veurs ,
68 LE MERCVRE
Lemeplains au milieude mes bonnesfortunes:
Aulieu de medonner , Iris ,tant dedouceurs,
Helas! dites-men quelques-unes.
Vosappasfont doux àmes yeux ,
VosConfituresàmabouche
Mais mon cœur merite bien mieux
Quelqu'autre douceur qui le touche.
Fermer
Résumé : CONFITURES DONNEES.
Lors d'une collation, Iris offre des confitures au poète, qui admire leur douceur. Il regrette cependant un manque de douceur plus profonde malgré les bienfaits d'Iris. Il souhaite une douceur qui toucherait son cœur, au-delà des confitures et des appas d'Iris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 108-109
PASSION NAISSANTE.
Début :
Le Nom de la troisiéme Dame fut tiré par un / Quoy déja d'un amour si tendre [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PASSION NAISSANTE.
Lenom de la troiſiéme Dame
fut tiré par un Cavalier qui ne P'avoitjamais veuë avant ce jour là. Elle eft blonde ,a le teint vif,
&les yeux ſi perçans , qu'en ayant eſté charmé d'abord, il ne s'en falloit guere qu'il ne luy euſt déja fait une declaration en for
me. Ce fut là-deſſus qu'il fit ces
Vers.
PASSION NAISSANTE.
roy déja d'un armour si rendre lemeſens le cœur enflame!
Deux велиxyeux dez l'abord ont- ils dû
meSurprendre !
GALAN T. 69
C'est trop tost en estre charmé.
Pourquoy ne me pas mieux defendre?
Aimerois-je autrement quand je ferois aimé?
fut tiré par un Cavalier qui ne P'avoitjamais veuë avant ce jour là. Elle eft blonde ,a le teint vif,
&les yeux ſi perçans , qu'en ayant eſté charmé d'abord, il ne s'en falloit guere qu'il ne luy euſt déja fait une declaration en for
me. Ce fut là-deſſus qu'il fit ces
Vers.
PASSION NAISSANTE.
roy déja d'un armour si rendre lemeſens le cœur enflame!
Deux велиxyeux dez l'abord ont- ils dû
meSurprendre !
GALAN T. 69
C'est trop tost en estre charmé.
Pourquoy ne me pas mieux defendre?
Aimerois-je autrement quand je ferois aimé?
Fermer
Résumé : PASSION NAISSANTE.
Un cavalier rencontre la troisième Dame, une blonde au regard perçant. Captivé, il compose 'Passion Naissante', exprimant son émoi et son interrogation sur la nature de son amour. Le texte se termine par la signature 'GALAN T. 69'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 159-160
REPROCHE AMOUREUX.
Début :
Il faut choisir bien heureusement, pour se pouvoir assurer du / Lors que nous sommes seuls, quelquefois ma soufrance [...]
Mots clefs :
Souffrance, Coeur, Tendresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPROCHE AMOUREUX.
Il faut choifir bienheureuſement,pour ſe pouvoir affurer du dernier ,
car le cœurdes Belles eft quel- quefois un peu fugitif, & telle qui affure unAmantde ſa ten- dreſſe quand elle n'a que luy à
qui parler, nes'en ſouvientgué- re dans le temps qu'elle voit groffir ſa Cour. Jugez - en par la Plainte qui a eſté faite là- deffus.
GALANT. 103
REPROСНЕ
AMOUREUX.
LorsquenousSommesſeuls, quelque.
foismaſouffrance
Rappelle dans ton cœur ta tendreſſe
tafoy ;
Maisapres cela j'apperçoy ,
Infidelle, que mapréſence
Fait le mesme effet que l'absence
Quandlafoule est aupres de toy.
car le cœurdes Belles eft quel- quefois un peu fugitif, & telle qui affure unAmantde ſa ten- dreſſe quand elle n'a que luy à
qui parler, nes'en ſouvientgué- re dans le temps qu'elle voit groffir ſa Cour. Jugez - en par la Plainte qui a eſté faite là- deffus.
GALANT. 103
REPROСНЕ
AMOUREUX.
LorsquenousSommesſeuls, quelque.
foismaſouffrance
Rappelle dans ton cœur ta tendreſſe
tafoy ;
Maisapres cela j'apperçoy ,
Infidelle, que mapréſence
Fait le mesme effet que l'absence
Quandlafoule est aupres de toy.
Fermer
Résumé : REPROCHE AMOUREUX.
Le texte explore l'inconstance des sentiments amoureux. Les femmes peuvent manifester leur tendresse en privé, mais l'oublient en public. Un poème exprime la douleur d'un amant face à cette volatilité. La présence de l'amant est équivalente à son absence lorsqu'elle est entourée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 48-55
L'AMANT TROMPÉ
Début :
Apres ces tristes Nouvelles, voudrez-vous bien, / Degoûté pour toûjours des Beautez de la Cour, [...]
Mots clefs :
Amour, Cour, Retraite, Berger, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMANT TROMPÉ
Apres ces triſtes Nouvelles,
voudrez-vous bien, Madame,
écouter les Plaintes d'un Malheureux , que plus d'une infi- delité ſoufferte n'a pû guerir de la foibleſſe d'engager toûjours fon cœur ? Il les fait avec affez
d'eſprit pour meriter que vous perdiez un peu de temps à
l'entendre ; & quoy que vous vous ſoyez renduë inſenſible
aux maux de l'Amour , la maniere dont il exprime les fiens vous pourra toucher.
32 LE MERCVRE
L'AMANT
TROMP Ε΄ .
DEgoûté delapour Courtoujours , des Beautez
le pestois hautement contre leurincon- Stance ,
Et d'un Homine, ennemy declaré de l'Amour,
L'affectois en tous lieux l'heurense In- diference.
LaChaſſe meplaiſoit, &toûjoursdans
lesBois,
Pour mieux me garantir des ſurpriſes
desBelles,
L'évitois avec ſoinlepiegedes Ruellles,
Et la Retraite estoit mon dernier
choix ,
Si mes traits poursuivoient quelque Bestesauvage,
GALANT. 33 Ien'apprehendois point d'en eſtre mal- traité,
Et des Oyſeaux,
tendre ramage,
d'accord dans leur
L'enviois lafidelité
Deleur commerce heureux le tranquille
avantage,
Mefaisoitplaindre le malheur D'un Amant qui ſurpris d'une douce langueur,
Sur la foy d'unbel œil imprudemment
s'engage ۱
Ariſquer en aimant , le repos defon
cœur.
Le mienque les dehors d'une belle ap
parence As'en laiſſer duper avoient cent fois reduit ,
-En retiroit au moinscefruit
Qu'une affez longue experience Le mettoit en estat de n'estre plus Seduit.
Mais pour ne pas aimer quandlepan- chantypousse,
By
34 LE MERCVRE En vain nous employons nosfoins;
C'est une habitude fi douce ,
Qu'on la reprend lors qu'on le croit le
moins.
Vn jour affis fur la Fougere ,
Ie prenois des Zéphirs lefrais délicieux ,
Quand j'aperceus une jeune Bergere Dont l'éclat ébloüit mes yeux.
Bart ne luy prestoit rien ; sa beauté
naturelle
Brilloit avec tant d'agrément ,
Queplein d'un douxſaiſiſſement ,
Auperil de nefaire encor qu'une Infidelle
Ie courus rendre hommage à cet Objet
charmant.
Quel bonheurfut le mien ! nos cœurs
d'intelligence Se trouverent tous deux en mefmetemps charmez ;
Ilſembloit que l'Amour jaloux de fa
puissance ,
L'unpour l'autre les eust formez.
GALANT 35 Depuis ce temps , unis par lesplus bel- les chaînes ,
Nous ignorons l'usage des soupirs;
Et dans leur pureté ,fansmélange de
peines ,
Nous goustions lesplus douxplaiſirs.
Nosflames chaque jour devenoient plus ardentes ,
Tout nous rendoit heureux dans ce
charmantSéjour ;
Etdespaffions violentes ,
Nous n'ySentions que celle de l'Amour.
L'amepleinement satisfaite ,
Ien'enviois lefort ny des Rois, nydes Dieux,
Etje préferois la Houlette
AuDestin leplus glorienx.
Vn Habit de Berger m'en donnoit l'innocence,
Ie ne dédaignois point de garder des Troupeaux ,
Et d'accorder des Chalumeaux ,
Favorisé de l'Ombre &du Silence
Au doux murmure des Ruiſſeaux.
Bvj
36 LE MERCVRE
Tel Iupiterdeſcendu ſur laTerre ,
Quitta l'éclat pompeux de ſa Divi- nité,
Etfit hommagedu Tonnerre
Auxpieds d'une jeune Beauté.
L'Amourcaufa cette métamorphose D'Apollon il fit un Pasteur ,
Et fur ce grand Exemple il n'est rien que l'on n'ofe Pourse rendremaiſtre d'un cœur.
I'aurois plus fait encorpour toucherma
Bergere.
Falloit-il qu'un Rivalvinst corrompre Safoy Oudevoit-il affez luy plaire Pour partager des vœuxqui n'estoient deus qu'àmoy
L'Ingrate me trahit ; Dieux, qui l'au- roit pü croire ?
Monfeu se repoſoitſurſafimplicité;
Cent fermens m'aſſuroient elle enperd Lamémoire,
Et court àl'infidelité.
GALANT. 37
Pourmevangerde l'Inhumaine ,
En vain d'un vif dépit j'écoute le transport.
I'aybeaum'abandonner tout entier àla haine,
L'Amourest toûjours le plus fort.
Monfort a bien changé,iepers tout ce
que j'aime ,
Ladouceur d'eſtre aimé rempliſſoit mes
defirs;
Onme l'ofte , & le Ciel dans mon malheurextréme
Me condamne peut- eftre à d'eternels foupirs.
Amour,toy qui d'abord mefusfifavo
rable ,
Dans cette triſte extremité ,
Rens-moy cette belle Coupable,
Ou ma premiere liberté.
voudrez-vous bien, Madame,
écouter les Plaintes d'un Malheureux , que plus d'une infi- delité ſoufferte n'a pû guerir de la foibleſſe d'engager toûjours fon cœur ? Il les fait avec affez
d'eſprit pour meriter que vous perdiez un peu de temps à
l'entendre ; & quoy que vous vous ſoyez renduë inſenſible
aux maux de l'Amour , la maniere dont il exprime les fiens vous pourra toucher.
32 LE MERCVRE
L'AMANT
TROMP Ε΄ .
DEgoûté delapour Courtoujours , des Beautez
le pestois hautement contre leurincon- Stance ,
Et d'un Homine, ennemy declaré de l'Amour,
L'affectois en tous lieux l'heurense In- diference.
LaChaſſe meplaiſoit, &toûjoursdans
lesBois,
Pour mieux me garantir des ſurpriſes
desBelles,
L'évitois avec ſoinlepiegedes Ruellles,
Et la Retraite estoit mon dernier
choix ,
Si mes traits poursuivoient quelque Bestesauvage,
GALANT. 33 Ien'apprehendois point d'en eſtre mal- traité,
Et des Oyſeaux,
tendre ramage,
d'accord dans leur
L'enviois lafidelité
Deleur commerce heureux le tranquille
avantage,
Mefaisoitplaindre le malheur D'un Amant qui ſurpris d'une douce langueur,
Sur la foy d'unbel œil imprudemment
s'engage ۱
Ariſquer en aimant , le repos defon
cœur.
Le mienque les dehors d'une belle ap
parence As'en laiſſer duper avoient cent fois reduit ,
-En retiroit au moinscefruit
Qu'une affez longue experience Le mettoit en estat de n'estre plus Seduit.
Mais pour ne pas aimer quandlepan- chantypousse,
By
34 LE MERCVRE En vain nous employons nosfoins;
C'est une habitude fi douce ,
Qu'on la reprend lors qu'on le croit le
moins.
Vn jour affis fur la Fougere ,
Ie prenois des Zéphirs lefrais délicieux ,
Quand j'aperceus une jeune Bergere Dont l'éclat ébloüit mes yeux.
Bart ne luy prestoit rien ; sa beauté
naturelle
Brilloit avec tant d'agrément ,
Queplein d'un douxſaiſiſſement ,
Auperil de nefaire encor qu'une Infidelle
Ie courus rendre hommage à cet Objet
charmant.
Quel bonheurfut le mien ! nos cœurs
d'intelligence Se trouverent tous deux en mefmetemps charmez ;
Ilſembloit que l'Amour jaloux de fa
puissance ,
L'unpour l'autre les eust formez.
GALANT 35 Depuis ce temps , unis par lesplus bel- les chaînes ,
Nous ignorons l'usage des soupirs;
Et dans leur pureté ,fansmélange de
peines ,
Nous goustions lesplus douxplaiſirs.
Nosflames chaque jour devenoient plus ardentes ,
Tout nous rendoit heureux dans ce
charmantSéjour ;
Etdespaffions violentes ,
Nous n'ySentions que celle de l'Amour.
L'amepleinement satisfaite ,
Ien'enviois lefort ny des Rois, nydes Dieux,
Etje préferois la Houlette
AuDestin leplus glorienx.
Vn Habit de Berger m'en donnoit l'innocence,
Ie ne dédaignois point de garder des Troupeaux ,
Et d'accorder des Chalumeaux ,
Favorisé de l'Ombre &du Silence
Au doux murmure des Ruiſſeaux.
Bvj
36 LE MERCVRE
Tel Iupiterdeſcendu ſur laTerre ,
Quitta l'éclat pompeux de ſa Divi- nité,
Etfit hommagedu Tonnerre
Auxpieds d'une jeune Beauté.
L'Amourcaufa cette métamorphose D'Apollon il fit un Pasteur ,
Et fur ce grand Exemple il n'est rien que l'on n'ofe Pourse rendremaiſtre d'un cœur.
I'aurois plus fait encorpour toucherma
Bergere.
Falloit-il qu'un Rivalvinst corrompre Safoy Oudevoit-il affez luy plaire Pour partager des vœuxqui n'estoient deus qu'àmoy
L'Ingrate me trahit ; Dieux, qui l'au- roit pü croire ?
Monfeu se repoſoitſurſafimplicité;
Cent fermens m'aſſuroient elle enperd Lamémoire,
Et court àl'infidelité.
GALANT. 37
Pourmevangerde l'Inhumaine ,
En vain d'un vif dépit j'écoute le transport.
I'aybeaum'abandonner tout entier àla haine,
L'Amourest toûjours le plus fort.
Monfort a bien changé,iepers tout ce
que j'aime ,
Ladouceur d'eſtre aimé rempliſſoit mes
defirs;
Onme l'ofte , & le Ciel dans mon malheurextréme
Me condamne peut- eftre à d'eternels foupirs.
Amour,toy qui d'abord mefusfifavo
rable ,
Dans cette triſte extremité ,
Rens-moy cette belle Coupable,
Ou ma premiere liberté.
Fermer
Résumé : L'AMANT TROMPÉ
Un amant malheureux exprime son dégoût pour la cour et les beautés artificielles, préférant la solitude et la chasse. Il tombe amoureux d'une bergère dont la beauté naturelle l'éblouit. Leur amour est intense et heureux, mais cette idylle est brisée par l'infidélité de la bergère. Malgré sa colère et sa haine, l'amant reste prisonnier de son amour. Il exprime son désespoir et demande à l'amour de lui rendre soit la bergère infidèle, soit sa liberté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 89-116
Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Début :
Je sçay, Madame, que ces témoignages de joye & de [...]
Mots clefs :
Amour, Iris, Apollon, Indifférent, Conversion, Aimer, Livres, Lecture, Vers, Ecolière, Coeur, Madame, Aimable, Apprendre, Esprit, Lettre, Pétrarque, Laure, Amant, Belle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Je ſçay , Madame , que ces témoignages de joye & de ref- pect rendus à ce grand Mini- ſtre , n'auront rien de ſurpre
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
Fermer
Résumé : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Le texte décrit la transformation amoureuse d'un homme initialement connu pour son indifférence et son détachement philosophique. Cet homme rencontre une jeune femme cultivée et aimable, ce qui marque le début de leur relation. Leur lien se renforce à travers des échanges littéraires et des poèmes. La jeune femme, après avoir écrit des vers, reçoit des lettres d'Apollon et d'Amour, chacun affirmant être l'inspirateur de ses poèmes. Après réflexion, elle reconnaît l'influence d'Apollon sur ses vers tout en admettant l'impact d'Amour. Le texte se conclut par une comparaison avec l'histoire de Pétrarque et Laure, soulignant la beauté poétique de cette intrigue amoureuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 26-27
AIR NOUVEAU.
Début :
Quelque agreable Chanson que la Musete fasse ressentir, elle aura / Le coeur tout déchiré par un secret martyre, [...]
Mots clefs :
Coeur, Tendresse, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
uelque agreable Chanfon quela Mufete faſſe retentir , elle aura peine à
égaler ces belles Paroles de
l'incomparable Madame
Deshoulieres. Elles ont
efté mifes en Air par un
Homme de qualité de fes
Amis. Vous m'en ferez
fçavoir voftre fentiment
quand vous enaurez appris
la Note,
GALANT: 27
AIR NOUVEAU.
E cœur tout déchiréparunfecret
martyre,
Je nedemandepoint, Amour,
Quefouston tyrannique empire
L'infenfible Tirfis s'engage quelquejour.
Pourpunirfon ame orgueilleuse
Del'eternel affront qu'ilfait à mes
attraits,
N'arme point contre luy ta main
victorieufes
Sa tendreſſe pour moy feroit plus
dangereuse
Que tousles mauxque tu mefais.
égaler ces belles Paroles de
l'incomparable Madame
Deshoulieres. Elles ont
efté mifes en Air par un
Homme de qualité de fes
Amis. Vous m'en ferez
fçavoir voftre fentiment
quand vous enaurez appris
la Note,
GALANT: 27
AIR NOUVEAU.
E cœur tout déchiréparunfecret
martyre,
Je nedemandepoint, Amour,
Quefouston tyrannique empire
L'infenfible Tirfis s'engage quelquejour.
Pourpunirfon ame orgueilleuse
Del'eternel affront qu'ilfait à mes
attraits,
N'arme point contre luy ta main
victorieufes
Sa tendreſſe pour moy feroit plus
dangereuse
Que tousles mauxque tu mefais.
Fermer
Résumé : AIR NOUVEAU.
Le texte évoque une chanson intitulée 'Galant', dont les paroles sont attribuées à Madame Deshoulières et mises en musique par un ami. La chanson exprime une douleur amoureuse, avec un cœur déchiré par un secret martyre. Le narrateur préfère endurer cette souffrance plutôt que risquer la tendresse de l'être aimé, jugée plus dangereuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 296-298
REPONSE DE GRISETTE A TATA.
Début :
Comment osez.vous me conter [...]
Mots clefs :
Amour, Chatte, Coeur, Maîtresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE DE GRISETTE A TATA.
REPONSE
DE GRISETTE.
A TATA.
cOmment oft.-OU.s¡n conter
Lespertes que nom avezfaites?
En amour ccjlmal débuter,
Et je ne flot) que moy qui voulust
écouter
Vnpareil(jonteur defleurettes. Ifa!fy(diroientnonchalamment
rn tas de Chattesprétieuses)
Fy,mes Cheres, d'un telAmant;
Crsij'ose, TAt¡t, vousparler librement,
Chattes aux airspanchez font lesplus
amoureuses.
Mdthcurchez,elles auxMatous
AuJJï disgraciezquevous.
Tour moy qu'un heureux sortfit
naiflre tendre sage,
le "rous quitte aisémentdessolides
plaisirs.
jFdifom de nostreamourunplusgalant
Il cft un
c
harmant badinage
Qui ne taritjamais lasource desdesîrs.
Jerenoncepour vous à toutes les GouttiereSy
Où(joit dit en pdrint)je riayjamais
esté.
le fuis de ces MinetteslÙres
Quidonnent auxgrands airs, aux galantes maniérés.
I-feLti! ce futpar L; que mon cœurfut
tenté.
Quandj'appris ce qu'avoit contê
De yos appas, de vostre adresse,
Jrcjlre incomparable Maistresse,
Depuis ce dangereux moment,
PLine de vous autant qu'on lepeut
estre,
le fis dessein de vousfaire connoistre
Par un doucereux compliment,
L'amour que dans mon cœur ce recit
afait naistre. ( 7rers
Vous mavezconfirmépar d'agréailes
Tout ce qu'on m'avoit ditde vos charmes divers.
.A[a,ç:rto,/lÎe fllfte tr:p.?fje,
Onyvoit, cher Tata,briller un air
galant.
Lesmiensrépondrontmal à leur dêlicatesse,
Ecrire bienn'estpas nostretalent.
Ilestrare,diton, parmy les sommes
mesine.
Mais dequoyvais-je m'allarmer?
Vousyverrez que je yous aime,
C'est assez pour quisçait aimer.
DE GRISETTE.
A TATA.
cOmment oft.-OU.s¡n conter
Lespertes que nom avezfaites?
En amour ccjlmal débuter,
Et je ne flot) que moy qui voulust
écouter
Vnpareil(jonteur defleurettes. Ifa!fy(diroientnonchalamment
rn tas de Chattesprétieuses)
Fy,mes Cheres, d'un telAmant;
Crsij'ose, TAt¡t, vousparler librement,
Chattes aux airspanchez font lesplus
amoureuses.
Mdthcurchez,elles auxMatous
AuJJï disgraciezquevous.
Tour moy qu'un heureux sortfit
naiflre tendre sage,
le "rous quitte aisémentdessolides
plaisirs.
jFdifom de nostreamourunplusgalant
Il cft un
c
harmant badinage
Qui ne taritjamais lasource desdesîrs.
Jerenoncepour vous à toutes les GouttiereSy
Où(joit dit en pdrint)je riayjamais
esté.
le fuis de ces MinetteslÙres
Quidonnent auxgrands airs, aux galantes maniérés.
I-feLti! ce futpar L; que mon cœurfut
tenté.
Quandj'appris ce qu'avoit contê
De yos appas, de vostre adresse,
Jrcjlre incomparable Maistresse,
Depuis ce dangereux moment,
PLine de vous autant qu'on lepeut
estre,
le fis dessein de vousfaire connoistre
Par un doucereux compliment,
L'amour que dans mon cœur ce recit
afait naistre. ( 7rers
Vous mavezconfirmépar d'agréailes
Tout ce qu'on m'avoit ditde vos charmes divers.
.A[a,ç:rto,/lÎe fllfte tr:p.?fje,
Onyvoit, cher Tata,briller un air
galant.
Lesmiensrépondrontmal à leur dêlicatesse,
Ecrire bienn'estpas nostretalent.
Ilestrare,diton, parmy les sommes
mesine.
Mais dequoyvais-je m'allarmer?
Vousyverrez que je yous aime,
C'est assez pour quisçait aimer.
Fermer
Résumé : REPONSE DE GRISETTE A TATA.
Dans une lettre d'amour, Grisette s'adresse à Tata, exprimant d'abord son regret des pertes subies par cette dernière et son désir de lui parler librement. Grisette affirme que les chattes aux airs penchés sont les plus amoureuses et qu'elle a choisi de quitter des plaisirs solides pour un amour plus galant et un badinage charmant. Elle renonce pour Tata à toutes les gouttières où elle n'a jamais été et fuit les minettes légères. Grisette révèle que son cœur a été tenté après avoir entendu parler des appas et de l'adresse de Tata. Depuis, elle a décidé de lui faire connaître son amour par un compliment doux. Tata a confirmé les charmes divers qu'on lui avait décrits, et Grisette a vu briller un air galant en elle. Bien que Grisette reconnaisse que ses lettres ne sont pas délicates, elle assure à Tata qu'elle l'aime, ce qui suffit pour être aimée en retour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 65-72
ELEGIE.
Début :
Cette Devise ne vous doit pas estre inconnuë, puis que / Genéreux Licidas, Amy sage & fidelle [...]
Mots clefs :
Raison, Amour, Douceurs, Berger, Sagesse, Amants, Ennemis, Esprit, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELEGIE.
Cette Devise ne vous
doit pas estre inconnuë,
puis que je l'ay fait graver
parmy cellesquiont été faites
pour des Cachets, &qui
sont dans le sixiéme Extra-.-
ordinaire que je vous eiï^
voyayle 15. de ce Mois. Cependant
si vous voulez voir
de quelle maniere en doivent
user les aimables Fieres
qui cherchent à se défendre
d'aimer par raison,
vous n'avez qu'à lire l'E-:
legie qui fuit. Vous y trouverez
une peinture aussi
agréable que délicate, des
sentimens d'une Belle dont
le coeur pourroit devenir
sensible, si elle l'abandonnoit
à son panchant. Je ne
vous puis dire qui la fait
parler, mais je lçay bic4
que peu d'Ouvrages de
cette nature ont d'aussi
grandes beautez.
ELEG 1E.
GEnéreux LicidllJ, Amyfage
1 &fidelie,
Dont l'effrit cfisijufic, & dont
l'ame estsibelle,
Vous, de qui la Raison nefaitplus'
de fauxpas,
Ha,qu'ilvous est aiséde dire, n'aimezpas!
£)uand on connoiifl*Amour, j'es-,
- - caprices,sespeines,
Jguand onfiait comme vousce qti&
pesentseschaînes,
àagcparjes malheurs, on meprijt
aisément
Les douceurs dont ilflate un trop
crédule Amants
Mau quandon n'apointfaitla trifieexpérience
Desjalo/iflsfureurs,deschagrins
de l'absence,
£htepourfiiirefentirde redoutablesfeux
iIll ne ppaarrooii/?fusuinivjyy que ddeesr BRlwû* à*
desJeux,
JOttun coeur reftHe malàfinpou- voirréme!
Jt>ue defoins, que d'effortspour em
pefiherqu'iln'aime!
Jejfay ce qu'ilencou/le, (7ptllfefh&
jamais
JLyJmourn'acontre un coeurémoufi
tant de traits.
Jnfinfiblekl'honneur de fixerun
Volage,
On deforcerd'aimer.l'Ame la plus
sauvage.
Je n'ayjamdJU tombédans, ces vaines
erreurs,
Jj>uidonnent devrais mauxpour
desausses douceurs;
Mesfenssurma, raifin n'ontjamais
eu d'empire,
Et mon tranquille cættr ne feait.
comme onsoupire, Ill'ignore,Berger,mais nepréùnJumez,
pas tendre engagementfuflpour
luysansappas.
Ce coeur que le Cielfitdélicat &-
ftncére,
N'aimeroitquetrop bien,sije le
laissoisfaire?
Mais grace aux Immorteli, une
heureusefierté
Surunsidouxprancbantl'atoujours
anforle.
Sans cesse je me dis qu'une forte
tendrcffe
Bfimalgrétous nos foins l'écueit
de la SagejJè,
J>hfon s'y trompe toujours-, & qu'il:
faut s'allarmer
Des qu'unBerger paroisspropre i
sefaire aimer.
Comme unsubtilpoisonjeregarde
l'efiime,
Beje crains l'Amitié, quoy qu'elle
foitsans crime.
Fourfauver ma. vertu de ces égaremens,
Je ne veux point d'Amis quipbiffent
eflreAmans.
Jjhiandpar mon peu d'appas ma
raison eflféUuite,
Je cherche leurs défauts,j'impose à
leur mérite,
Rienpour les ménager ne meparoifi
permIS)
Et dans tous mes Amansjevois mes-
Ennemis
A l'abry d'une longue ¿""JètÎre indiférence,
De leurs tendres tranflorts je voir
la violence;
L'Ej;,itlibre defoins, & l'Ame
sans amour,
Dans lesacré Valon je passe tout
lejour, J) cueille avec flaifir cent& cent
fleurs nouvÍ."_,S
braverontdu tanps lesitteintet
cruellesi
Etfourfuivre unpanchant quej'ay
recetJ des Cieux,
Je consacre ces fleurs auplusgalant
des Dieux.
far unjufle retour on dit qu'ilffait
répandre
Sur toutce quej'écris un air toti?
chant & tendre;
je no/e allerplus loin, &sur lafoy
d'autruy
Je chante tous lesjours&pour, &
contre luys
Heureufcsiles maux dontjefeins'
d'eflre atteinter
Pour mon timide coeurfont toujours
une feinte.
doit pas estre inconnuë,
puis que je l'ay fait graver
parmy cellesquiont été faites
pour des Cachets, &qui
sont dans le sixiéme Extra-.-
ordinaire que je vous eiï^
voyayle 15. de ce Mois. Cependant
si vous voulez voir
de quelle maniere en doivent
user les aimables Fieres
qui cherchent à se défendre
d'aimer par raison,
vous n'avez qu'à lire l'E-:
legie qui fuit. Vous y trouverez
une peinture aussi
agréable que délicate, des
sentimens d'une Belle dont
le coeur pourroit devenir
sensible, si elle l'abandonnoit
à son panchant. Je ne
vous puis dire qui la fait
parler, mais je lçay bic4
que peu d'Ouvrages de
cette nature ont d'aussi
grandes beautez.
ELEG 1E.
GEnéreux LicidllJ, Amyfage
1 &fidelie,
Dont l'effrit cfisijufic, & dont
l'ame estsibelle,
Vous, de qui la Raison nefaitplus'
de fauxpas,
Ha,qu'ilvous est aiséde dire, n'aimezpas!
£)uand on connoiifl*Amour, j'es-,
- - caprices,sespeines,
Jguand onfiait comme vousce qti&
pesentseschaînes,
àagcparjes malheurs, on meprijt
aisément
Les douceurs dont ilflate un trop
crédule Amants
Mau quandon n'apointfaitla trifieexpérience
Desjalo/iflsfureurs,deschagrins
de l'absence,
£htepourfiiirefentirde redoutablesfeux
iIll ne ppaarrooii/?fusuinivjyy que ddeesr BRlwû* à*
desJeux,
JOttun coeur reftHe malàfinpou- voirréme!
Jt>ue defoins, que d'effortspour em
pefiherqu'iln'aime!
Jejfay ce qu'ilencou/le, (7ptllfefh&
jamais
JLyJmourn'acontre un coeurémoufi
tant de traits.
Jnfinfiblekl'honneur de fixerun
Volage,
On deforcerd'aimer.l'Ame la plus
sauvage.
Je n'ayjamdJU tombédans, ces vaines
erreurs,
Jj>uidonnent devrais mauxpour
desausses douceurs;
Mesfenssurma, raifin n'ontjamais
eu d'empire,
Et mon tranquille cættr ne feait.
comme onsoupire, Ill'ignore,Berger,mais nepréùnJumez,
pas tendre engagementfuflpour
luysansappas.
Ce coeur que le Cielfitdélicat &-
ftncére,
N'aimeroitquetrop bien,sije le
laissoisfaire?
Mais grace aux Immorteli, une
heureusefierté
Surunsidouxprancbantl'atoujours
anforle.
Sans cesse je me dis qu'une forte
tendrcffe
Bfimalgrétous nos foins l'écueit
de la SagejJè,
J>hfon s'y trompe toujours-, & qu'il:
faut s'allarmer
Des qu'unBerger paroisspropre i
sefaire aimer.
Comme unsubtilpoisonjeregarde
l'efiime,
Beje crains l'Amitié, quoy qu'elle
foitsans crime.
Fourfauver ma. vertu de ces égaremens,
Je ne veux point d'Amis quipbiffent
eflreAmans.
Jjhiandpar mon peu d'appas ma
raison eflféUuite,
Je cherche leurs défauts,j'impose à
leur mérite,
Rienpour les ménager ne meparoifi
permIS)
Et dans tous mes Amansjevois mes-
Ennemis
A l'abry d'une longue ¿""JètÎre indiférence,
De leurs tendres tranflorts je voir
la violence;
L'Ej;,itlibre defoins, & l'Ame
sans amour,
Dans lesacré Valon je passe tout
lejour, J) cueille avec flaifir cent& cent
fleurs nouvÍ."_,S
braverontdu tanps lesitteintet
cruellesi
Etfourfuivre unpanchant quej'ay
recetJ des Cieux,
Je consacre ces fleurs auplusgalant
des Dieux.
far unjufle retour on dit qu'ilffait
répandre
Sur toutce quej'écris un air toti?
chant & tendre;
je no/e allerplus loin, &sur lafoy
d'autruy
Je chante tous lesjours&pour, &
contre luys
Heureufcsiles maux dontjefeins'
d'eflre atteinter
Pour mon timide coeurfont toujours
une feinte.
Fermer
Résumé : ELEGIE.
Le texte présente une devise et une élégie. La devise est mentionnée dans un extra-ordinaire du 15 du mois. Pour comprendre comment les femmes fières cherchent à se défendre d'aimer par raison, il est suggéré de lire l'élégie intitulée 'l'Élégie qui fuit'. Cette élégie décrit les sentiments d'une belle dont le cœur pourrait devenir sensible si elle l'abandonnait à son penchant. L'auteur souligne que peu d'ouvrages de cette nature possèdent autant de beautés. L'élégie est adressée à un homme généreux, aimable et fidèle, doté d'un esprit judicieux et d'une belle âme. Elle évoque les caprices et les peines de l'amour, ainsi que la difficulté de résister à ses charmes. La narratrice affirme n'avoir pas succombé aux erreurs vaines de l'amour et que son cœur reste tranquille. Elle craint l'amitié, de peur qu'elle ne se transforme en amour, et préfère voir des ennemis dans ses amants. Elle passe ses journées dans un vallon, cueillant des fleurs pour braver le temps et les consacre au plus galant des dieux. Elle conclut en chantant les maux dont elle feint d'être atteinte, pour son cœur timide.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 39-40
A MADAME DES HOULIERES, INPROMPTU.
Début :
Les Ballades que je vous ay envoyées dans mes deux dernieres / Ouy, je l'ay dit sans hyperbole, [...]
Mots clefs :
Vainqueur, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME DES HOULIERES, INPROMPTU.
Les Ballades que je vous ay
envoyées dans mes deux dernieL , ' res ettres , m engagent a vot1s.
faire part de deux Madrigaux
qt1'on m'a donnez, & qt1i en fon~
·une fuite. Le pre1nicr cft de M..
le Duc de S.Aignan. .
•
•
•
\
•
• •
MERCURE
A MADAME
•
DES HOULIERES;. •
•
IN PR 0 M PTU ..
?Jy , jt t,11y dit fans hyptr~
boit t
YoJU écrive'{ d'un tiir qui pa.r loNt
· tjl v11inqueur.
1e veux bien confejfer 1u'it me reft~ tJ,, cœur,
Maù je àemet,re fans parole
envoyées dans mes deux dernieL , ' res ettres , m engagent a vot1s.
faire part de deux Madrigaux
qt1'on m'a donnez, & qt1i en fon~
·une fuite. Le pre1nicr cft de M..
le Duc de S.Aignan. .
•
•
•
\
•
• •
MERCURE
A MADAME
•
DES HOULIERES;. •
•
IN PR 0 M PTU ..
?Jy , jt t,11y dit fans hyptr~
boit t
YoJU écrive'{ d'un tiir qui pa.r loNt
· tjl v11inqueur.
1e veux bien confejfer 1u'it me reft~ tJ,, cœur,
Maù je àemet,re fans parole
Fermer
18
p. 6-7
ETRENNE DE QUATORZE LOUIS A LOUIS LE GRAND. SONNET.
Début :
Le premier des Louis estois trop debonnaire ; [...]
Mots clefs :
Louis, Coeur, Fils, Père, Ciel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ETRENNE DE QUATORZE LOUIS A LOUIS LE GRAND. SONNET.
ETRENNE
DE QUATORZE LOUIS
A
LOUIS LE GRAND .
L
SONNE T.
E premier des LOVIS eftois
trop debonnaire ;
Le Second le Troifiéme , & Louis
d'Outremer ,
Ne firent rien de propre à fe faire
eftimer ;
Le Cinquième eft marqué pour n'avoir
fçû rien faire.
Louis le Gros en Fils fut plus heureux
qu'en Pere ;
Le Ieune fe croifant , vit les Chrê–
tiens armer
,
GALAN T.
Lion par fon grand coeur fe fit ainfe
nommers
Et fon Fils Saint Louis à Dieu feul
voulut plaire.
On ne vit que quatre ans regner
Louis Hutin ;
Louis Onziémefut, & trop , & trop
peu fin ;
Et le Pere du Peuple eut unfort plus
angufte.
Ces douze effaisfinis, du Héros qu'on
attend
L'heure arrive ; & le Ciel , apres
Louis le Iufte ,
Acheva le Chef - d'oeuvre , & fit
LOUIS LE GRAND .
DE QUATORZE LOUIS
A
LOUIS LE GRAND .
L
SONNE T.
E premier des LOVIS eftois
trop debonnaire ;
Le Second le Troifiéme , & Louis
d'Outremer ,
Ne firent rien de propre à fe faire
eftimer ;
Le Cinquième eft marqué pour n'avoir
fçû rien faire.
Louis le Gros en Fils fut plus heureux
qu'en Pere ;
Le Ieune fe croifant , vit les Chrê–
tiens armer
,
GALAN T.
Lion par fon grand coeur fe fit ainfe
nommers
Et fon Fils Saint Louis à Dieu feul
voulut plaire.
On ne vit que quatre ans regner
Louis Hutin ;
Louis Onziémefut, & trop , & trop
peu fin ;
Et le Pere du Peuple eut unfort plus
angufte.
Ces douze effaisfinis, du Héros qu'on
attend
L'heure arrive ; & le Ciel , apres
Louis le Iufte ,
Acheva le Chef - d'oeuvre , & fit
LOUIS LE GRAND .
Fermer
Résumé : ETRENNE DE QUATORZE LOUIS A LOUIS LE GRAND. SONNET.
Le poème énumère les rois de France nommés Louis. Louis Ier est trop bon. Louis II, III, IV et d'Outremer n'ont rien accompli. Louis V est inactif. Louis VI est plus chanceux en tant que fils. Louis IX participe à la croisade. Philippe Auguste, le Lion, est courageux. Son fils, Saint Louis, est dévot. Louis X règne quatre ans. Louis XI est rusé mais peu fin. Henri IV a une fin tragique. Le texte attend Louis XIV, le Grand.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 29-35
PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Début :
Le mot de Chien est pris fort souvent pour un terme de mépris ; / Bonjour & bonne anné à ma belle Maistresse. [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Chien
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le mot de Chien eft pris fort
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
Fermer
Résumé : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le poème 'Étrennes' est adressé à une demoiselle par une chienne nommée Petonne. Petonne exprime son amour pour sa maîtresse et sa jalousie envers un autre chien, Bichon, qui semble préféré. Elle décrit les attentions et les souffrances de l'amant rejeté, contrastant avec les faveurs accordées à Bichon. Petonne observe les comportements de Bichon et note qu'il imite les humeurs de la maîtresse, sauf en ce qui concerne l'amour. Elle conclut en demandant à la maîtresse de considérer l'amour sincère de l'amant borné et de laisser Bichon à Petonne. Le poème utilise un langage familier et des jeux de mots pour exprimer les émotions et les désirs des personnages.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 154-156
STANCES.
Début :
Le Sort ayant favorisé dans ces jours de Réjouïssance, une / Aimable Enfant, on vient de dire, [...]
Mots clefs :
Enfant, Empire, Rois, Sort, Sang, Nature, Domination, Amour, Clémence, Cruauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
Le Sort ayant favorisé dans
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
Fermer
Résumé : STANCES.
Le poème est adressé à une jeune femme d'une grande beauté, dont la mère est également charmante. Composé par un cavalier spirituel lors d'une fête, il célèbre la beauté et la noblesse de la jeune femme, soulignant que son sang royal lui confère le droit de régner. Cependant, il met en garde contre la tyrannie, rappelant la cruauté des ancêtres de la jeune femme. Le cavalier conseille à la jeune femme de gouverner avec clémence et amour pour éviter les chagrins et les malheurs. Il exprime des doutes sur la véritable nature de la jeune femme, craignant qu'elle n'hérite pas de la douceur de sa mère. Le poème se termine par un avertissement contre la cruauté, exhortant la jeune femme à ne pas reproduire les erreurs de ses ancêtres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 182-184
A MADAME L'ABBESSE DE LA VIRGINITÉ.
Début :
Voicy un Sonnet qui a esté fait sur ce sujet. / Mortels, vous admirez la fatale vaillance [...]
Mots clefs :
Vaillance, Coeur, Ambition, Humilité chrétienne, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME L'ABBESSE DE LA VIRGINITÉ.
Voicy un Sonnet qui a eſté
fait fur ce fujet .
A MADAME L'ABBESSE
DE LA VIRGINITE
Mor
Ortels, vous admire la fatale
vaillance
D'Alexandre le Grand , ce Héros
furieux .
GALANT.
183
C'est un feu de Comete , il éclate à
nos yeux ,
Mais il fait reffentir ſa maligne
influence.
A des coeurs modere donnez la préference,
L'ambition n'eft plus un vice glorieux
;
Depuis qu'un Dieu fait Homme eft
defcendu des Cieux,
L'Humilité Chrétienne a la préeminence
.
Incomparable Abbeffe , à vos rares
Vertus
Mille titres d'honneur, mille éloges
font dûs ;
Vousfuivez l'Evangile avec exactitude
.
L'exemple du Sauveur est pour vous
une Loy ;
i84
MERCURE
Si vous ne voulez pas quiter la folitude,
C'est qu'il s'y retira de crainte d'être
Roy.
fait fur ce fujet .
A MADAME L'ABBESSE
DE LA VIRGINITE
Mor
Ortels, vous admire la fatale
vaillance
D'Alexandre le Grand , ce Héros
furieux .
GALANT.
183
C'est un feu de Comete , il éclate à
nos yeux ,
Mais il fait reffentir ſa maligne
influence.
A des coeurs modere donnez la préference,
L'ambition n'eft plus un vice glorieux
;
Depuis qu'un Dieu fait Homme eft
defcendu des Cieux,
L'Humilité Chrétienne a la préeminence
.
Incomparable Abbeffe , à vos rares
Vertus
Mille titres d'honneur, mille éloges
font dûs ;
Vousfuivez l'Evangile avec exactitude
.
L'exemple du Sauveur est pour vous
une Loy ;
i84
MERCURE
Si vous ne voulez pas quiter la folitude,
C'est qu'il s'y retira de crainte d'être
Roy.
Fermer
Résumé : A MADAME L'ABBESSE DE LA VIRGINITÉ.
Le sonnet loue une abbesse pour ses vertus chrétiennes et son humilité. Il critique l'ambition excessive d'Alexandre le Grand et prône la modération depuis l'incarnation du Christ. L'abbesse est exemplaire, suivant l'Évangile et évitant les tentations du pouvoir par la solitude.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 184-200
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
J'ay à vous apprendre une Avanture que vous trouverez fort [...]
Mots clefs :
Veuve, Tante, Cavalier, Mariage, Nièce, Amour, Galant, Sentiments, Estime, Coeur, Maîtresse, Déclaration, Amants, Chagrin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
J'ay à vous apprendre une
Avanture que vous trouverez
fort fingulière. Elle eft arrivée
icy depuis peu de temps . Un Cavalier
fort bien fait , fpirituel ,´
jeune & riche , aprés avoir joüé
pendant cinq ou fix années , tous
les perfonnages que
font aupres
des belles Perfonnes , ceux qui
font prodigues de douceurs , &
que les plus fortes proteftations
qu'ils viennent de faire , n'empefchent
point de jurer encore
ailleurs qu'ils ont de l'amour , fe
fentit enfin veritablement touché
de la beauté d'une aimable Brune
qu'il trouva un jour chez une
Veuve , qui quoy qu'elle paffaft
GALANT.
185
quarante ans , n'en avoüoit que
vingt huit , & qui par de certains
airs du monde qui luy étoient
naturels , reparoit avec affez d'agrément
ce qui luy manquoit du
cofté de la jeuneffe . La belle
Brune joignoit à des traits piquans
, une modeſtie qui charma
le Cavalier. Il fçut auffitoft qu'elle
eftoit voifine de la Veuve , &
les fentimens d'eftime qu'il prit
dés l'abord pour elle , l'engageant
à fouhaiter d'avoir un entier
éclairciffement fur ce qui la regardoit
, il apprit par ceux qu'il
chargea du foin de s'en informer,
qu'elle dépendoit d'un Pere affez
peu accommodé , qui ne fouffroit
point qu'elle reçuft de vifites ;
qu'on ne la voyoit que chez une
vieille Tante qui eftant fort riche
, prometoit de luy donner
une Partie de fon bien ; qu'ainfi
}
186 MERCURE
1
•
tout ce qu'elle avoit d'Amans
faifoit la cour à la Tante , & que
c'eftoit d'elle qu'il faloit obtenir.
Le Cavalier inftruit de ces chofes
, voulut connoiftre le coeur
de la Belle, avant que de prendre
aucunes mefures . Sçachant qu'elle
voyoit fort ſouvent la Veuve ,
il fe rendit affidu chez elle . Toutes
ſes viſites furent reçues agréablement
, & l'on vit avec plaifir
qu'elles devenoient fréquentes.
La Belle fe trouvoit de temps en
temps avec fon Amie , qui l'eftoit
auffi de la vieille Tante , & tout
ce qu'elle difoit , faifoit paroître
tant de jugement , & tant de fageffe
au Cavalier que quoy qu'il
ne marquaft rien qui puft décou
vrir ce qui fe paffoit dans fon
coeur pour elle , il s'affermiffoit
de plus en plus dans la réfolution
d'en faire fon unique attacheGALANT.
187
ment . Cependant à force de voir
la Veuve , il ne s'appercevoit pas
qu'il luy donnoit lieu de croire
qu'il en eftoit amoureux. Elle en
demeura perfuadée , & pour l'obliger
à fe déclarer plus fortement
, elle faifoit pour luy dest
avances , dont il auroit connu le
deffein , s'il n'eut pas efté remply
d'une paffion qui l'aveugloit
1 fur toute autre chofe. Apres
quelques entreveuës , dans lefaquelles
il crût avoir remarqué
que faperfonne ne déplaifoit pas
à la belle Brune , il réfolut de luy
faire part de fon deffein , & de
fçavoir d'elle- même , quels fentimens
elle avoit pour luy. Dans
cette penſée il alla l'attendre à
une Eglife , où il apprit qu'elle
alloit tous les matins , & l'abordant
lors qu'elle en fortoit , il la
remena chez elle , & pendant ce
1.
188 MERCURE
1
temps , il luy fit une fi tendre & fi
férieufe déclaration , qu'elle connût
aifément qu'un véritable &
fincére amour le faifoit parler.
Le party luy eftoit affez avantageux
de toutes maniéres pour
l'engager à répondre avec des
marques d'eftime qui luy fiffent
concevoir qu'il n'auroit aucune
peine à luy infpirer quelque chofe
de plus fort. Elle luy dit qu'el
le dépendoit d'un Pere à qui
elle obéiroit fans répugnance
en tout ce qu'il luy voudroit ordonner
en fa faveur , mais qu'il
n'étoit pas le feul qu'il y euft à
s'acquerir dans une affaire de
cette importance ; qu'une Tante
qui luy promettoit de partager
fon bien avec elle , s'étoit chargée
en quelque façon du ſoin de
la marier , & que toutes les démarches
que l'on pourroit faire
GALANT. 189
pour réüffir dans ce qu'il luy propofoit
, feroient inutiles , fi l'on
n'avoit fon confentement.Le Cavalier
fort ravy de voir que fa
Maîtreffe ne s'oppofoit point à fon
bonheur , ne fongea plus qu'à
gagner la Tante. Ce qui luy donnoit
de l'inquietude , c'eft qu'il
avoit fçeu qu'elle aimoit le monde
, & qu'elle amuſoit tous ceux
qui pretendoient à fa Niéce , par
le plaifir de fe voir long - temps
faire la Cour. Il crût cependant
qu'étant plus riche que tous fes
Rivaux , & peut- eftre auffi plus
confiderable par d'autres endroits
, on pourroit craindre de
le laiffer échaper , & que cette
crainte feroit terminer plûtoft fes
affaires. Pour les avancer ,
il ne
trouva point de plus fur moyen
que de parler à la Veuve , qui
pouvoit beaucoup fur l'efprit de
190 MERCURE
cette Tante . Ainfi la rencontrant
feule dés le mefme jour , il
luy dit avec des yeux tout brillans
du feu qui l'animoit , qu'il
avoit pris chez elle un mal dangereux
, dont la guerifon dépen
doit de fon fecours , & qu'il efperoit
qu'ayant pour luy autant de
bonté qu'elle en avoit toûjours
fait paroiftre , elle voudroit bien
entrer dans les fentimens pour le
fuccés d'un deffein tres - legitime .
La Veuve perfuadée par les affi
duitez du Cavalier , qu'elle eftoit
l'objet de tous fes defirs , eut tant
de joye de luy entendre tenir ce
langage , que fans luy donner le
temps de s'expliquer mieux , elle
l'interrompit pour luy dire , que
ce qu'il avoit à luy apprendre ,
luy étoit déja connu qu'elle
n'étoit point d'un âge à s'effrayer
d'une declaration d'amour ; que
GALANT. 191
fes foins l'avoient inftruite de fa
paffion ; que l'état de Veuve la
mettant en droit de difpofer d'elle-
mefme , elle y répondoit avec
plaifir , & qu'elle ne ſouhaitoit
autre choſe de fa complaifance,
finon que pour quelque intereft
de famille qu'elle achevoit de regler.
il vouluft bien attendre trois
mois à faire le Mariage ; que cependant
elle luy donnoit ,parole
de n'écouter perfonne à fon prejudice
& qu'elle eftoit prefte à
bannir tous ceux dont les vifites
luy feroient ſuſpectes . Imaginezvous
dans quelle furpriſe fe trouva
le Cavalier. Elle fut telle que
ne la pouvant cacher tout- à- fait,
il fe trouva obligé de s'excufer de
fon trouble fur fon exceffive joye,
qui en refferrant fon coeur , le
rendoit comme interdit. Vous
jugez bien qu'il confentit fans
1.92
MERCURE
aucune peine que fon pretendu
Mariage avec la Veuve fuft differé
de trois mois. Il luy laiffa un
pouvoir entier fur cet article , mais
il vit en mefme temps tous les
embarras que luy cauferoit le
peu de précaution qu'il avoit pris
avec elle. Il n'y avoit plus à eſperer
qu'elle le ferviſt auprès de la
Tante . Au contraire , il luy étoit
important que cette Tante ne
fçuſt rien de fon amour. La Veuve
auroit pû l'apprendre par elle,
& c'euft efté s'attirer une Ennemie
qui euft tout mis en ufage ,
pour empefcher qu'on ne l'euft
rendu heureux . Parmy toutes ces
contraintes , il devint réveur &
inquiet , & il le fut encore plus
quand la belle Brune, ne voulant
pas qu'il s'imaginaſt que la declaration
qu'il luy avoit faite, luy
fift chercher avec plus d'empreffement
GALANT. 193
fement l'occafion de le voir , rendit
à la Veuve des vifites moins
frequentes. Il en devina la cauſe
par les manieres honneftes &
pleines d'eftime qu'elle avoit
pour luy , toutes les fois qu'il la
trouvoit à l'Eglife , & ne pût blâmer
une referve qui marquoit un
coeur fenfible à la gloire.La Veuamour
,
qui remarquoit fon chagrin ,
ne l'impuroit qu'aux trois mois
de terme qu'elle avoit voulu qu'il
luy donnaſt , & touchée de l'impatience
où elle s'imaginoit qu'un
fi long retardement euft mis fon
elle tâchoit d'adoucir fa
peine , en l'affurant que fes diligences
redoublées la tireroient
d'embarras plûtoft qu'elle n'avoit
crû. Toutes ces chofes porterent
le Cavalier à prendre une refolution
qui le délivraft de crainte.
Il communiqua à ſa Maîtreffe le
Ianvier 1685. I
194
MERCURE
deffein où il étoit de l'époufer,
fans en rien dire à fa Tante , &
de renoncer aux avantages qu'elle
en pouvoit efperer , parce
qu'en l'avertiffant de fa recherche,
la Veuve qui le fçauroit auffitoft
, l'obligeroit de traîner fon
Mariage en longueur ; à quoy la
Tante feroit affez portée d'ellemefme
pour fon intereft particulier
, & peut - eftre mefme obtiendroit
d'elle qu'elle fe declaraft
contre luy. Il s'épargnoit par
là beaucoup de traverſes , ou du
moins plufieurs reproches , qu'il
ne craignoit point quand il feroit
marié. La Belle ayant confenty
à ce qu'il vouloit , il alla trouver
fon Pere , luy exagera la force de
fon amour,le conjura de luy vouloir
accorder fa Fille , & luy expliqua
toutes les raifons qui luy
faifoient fouhaiter un entier fe
GALANT. 195
cret fur fon Mariage . Le Pere qui
connoiffoit les grands Biens du
Cavalier , ne balança rien à conclure
toutes chofes de la manicře
qu'il le propofoit . Le Notaire
vint,& le Contract fut figné ,fans
que perfonne en eût connoiffance.
Cependant , comme il n'y a
rien de fi caché qui ne le découvre
, le jour qui preceda celuy
qu'on avoit choisi pour le
Mariage , une Servante de cette
Maiſon ayant foupçonné la verité
à quelques aprefts que
l'on y
faifoit , en inftruific la Suivante
de la Veuve , qui alla en meſme
temps le redire à fa Maîtreffe ,
avec qui la Veuve étoit . L'une
& l'autre fut dans une colere
inconcevable. La Veuve , qui
pretendoit que le Cavalier luy
euft engagé fa foy, traita fa nouvelle
paffion de trahison & de
1 2
196 MERCURE
·
perfidie ; & la Tante ne pouvoit
fe confoler de ce qu'ayant promis
de faire à fa Niéce de grands
avantages, on la marioit fans luy
en parler. Elle jura que fi elle
ne pouvoit venir à bout de rompre
le Mariage , du moins les
longs obftacles qu'elle trouveroit
moyen d'y mettre , feroient foufrir
ceux qui oublioient ce qu'on
luy devoit. Elle réva quelque
temps, & quitta la Veuve , en luy
difant qu'elle viendroit luy donner
de les nouvelles le foir ,
quelque heure que ce fuft . Sitoft
qu'elle fut fortie , elle mit des
Efpions en campagne , & aprit
enfin avec certitude , que le Mariage
fe devoit faire à deux heures
apres minuit . Lors qu'il en fut
dix du foir , elle monta en Carroffe
, & fe rendit chez fa Niéce.
La Belle apprenant qu'elle eftoit
GALANT. .197
à la porte, fe trouva embarraffée,
par la crainte que fa vifite ne
fuft un peu longue , & ne retardaft
quelques petits foins qu'elle
avoit à prendre . Elle fut tirée de
fon embarras , lors qu'on la vint
avertir que fa Tante la prioit de
luy venir parler un moment. Elle
y courut auffi- toft , & entra dans
fon Carroffe , pour entendre ce
qu'elle avoit à luy dire . Elle n'y
fut pas plûtoft , que le Cocher
qu'on avoit inftruit , pouffa fes
Chevaux à toute bride , paffa
par diverfes Ruës , pour tromper
ceux qui auroient voulu le fuivre
, & vint s'arrefter à la porte
de la Veuve , chez qui la Tante
fit entrer la Niece. Ce qui venoit
d'arriver l'avoit jettée dans une
grande furprife ; mais elle augmenta
beaucoup , lors qu'étant
montée , elles luy firent toutes
I
3
198 MERCURE
deux connoiftre qu'elles eftoient
informées de fon Mariage.Je paffe
les reproches qu'on luy fit fur
cette Affaire. La Tante , qui la
laiffa en la garde de la Veuve , retourna
chez elle , où l'on vint
luy demander ce que fa Niéce
eftoit devenue. Elle répondit
qu'elle en rendroit compte quand
il feroit temps , & qu'elle prenoit
affez d'intereft en elle , pour ne
l'avoir confiée qu'à des Perfonnes
chez qui elle eftoit en fûreté . Le
Cavalier apprenant ce changemét,
tomba dans un defefpoir qui
ne fe peut croire.ll alla trouver la
Tante , luy fit les foûmiffions les
plus capables de la toucher , &
noublia rien de ce qui pouvoit la
fatisfaire ; mais elle fut inflexible
à fes prieres & à fon amour. Le
Pere qui eftoit bien aiſe d'éviter
l'éclat , employa toutes les voyes
GALANT 199
de douceur qui
à la gagner. Pendant
LYO
Cervir
imps ,
la Tante & la Veuve inventérent
mille chofes pour noircir le Ca
valier auprés de la Belle ; mais
rien ne put effacer dans fon efprit
les favorables impreffions que fon
amour & fon mérite y avoient
faites. Elle perfifta dans fes premiers
fentimens pour luy ; & enfin
malgré toutes les précautions
que l'on avoit prifes pour cacher
le lieu où elle eftoit , les Domeftiques
parlérent . Si - tôt qu'on
fçût qu'elle avoit efté laiffée entre
les mains de la Veuve , il ne fut
pas malaifé de l'obliger à la rendre.
Elle la remit entre celles de
fon Pere , qui fit de nouveaux
efforts pour apaifer la colere de
la Tante ; mais tout cela s'eftant
trouvé inutile , on ne garda plus
aucun fecret pour le Mariage . On
I 4.
200 MERCURE
en arrefta le jour , & il fut fait
avec autant de joye des Amans
traverſez injuftement , que de
chagrin pour la Tante & pour la
Veuve.
Avanture que vous trouverez
fort fingulière. Elle eft arrivée
icy depuis peu de temps . Un Cavalier
fort bien fait , fpirituel ,´
jeune & riche , aprés avoir joüé
pendant cinq ou fix années , tous
les perfonnages que
font aupres
des belles Perfonnes , ceux qui
font prodigues de douceurs , &
que les plus fortes proteftations
qu'ils viennent de faire , n'empefchent
point de jurer encore
ailleurs qu'ils ont de l'amour , fe
fentit enfin veritablement touché
de la beauté d'une aimable Brune
qu'il trouva un jour chez une
Veuve , qui quoy qu'elle paffaft
GALANT.
185
quarante ans , n'en avoüoit que
vingt huit , & qui par de certains
airs du monde qui luy étoient
naturels , reparoit avec affez d'agrément
ce qui luy manquoit du
cofté de la jeuneffe . La belle
Brune joignoit à des traits piquans
, une modeſtie qui charma
le Cavalier. Il fçut auffitoft qu'elle
eftoit voifine de la Veuve , &
les fentimens d'eftime qu'il prit
dés l'abord pour elle , l'engageant
à fouhaiter d'avoir un entier
éclairciffement fur ce qui la regardoit
, il apprit par ceux qu'il
chargea du foin de s'en informer,
qu'elle dépendoit d'un Pere affez
peu accommodé , qui ne fouffroit
point qu'elle reçuft de vifites ;
qu'on ne la voyoit que chez une
vieille Tante qui eftant fort riche
, prometoit de luy donner
une Partie de fon bien ; qu'ainfi
}
186 MERCURE
1
•
tout ce qu'elle avoit d'Amans
faifoit la cour à la Tante , & que
c'eftoit d'elle qu'il faloit obtenir.
Le Cavalier inftruit de ces chofes
, voulut connoiftre le coeur
de la Belle, avant que de prendre
aucunes mefures . Sçachant qu'elle
voyoit fort ſouvent la Veuve ,
il fe rendit affidu chez elle . Toutes
ſes viſites furent reçues agréablement
, & l'on vit avec plaifir
qu'elles devenoient fréquentes.
La Belle fe trouvoit de temps en
temps avec fon Amie , qui l'eftoit
auffi de la vieille Tante , & tout
ce qu'elle difoit , faifoit paroître
tant de jugement , & tant de fageffe
au Cavalier que quoy qu'il
ne marquaft rien qui puft décou
vrir ce qui fe paffoit dans fon
coeur pour elle , il s'affermiffoit
de plus en plus dans la réfolution
d'en faire fon unique attacheGALANT.
187
ment . Cependant à force de voir
la Veuve , il ne s'appercevoit pas
qu'il luy donnoit lieu de croire
qu'il en eftoit amoureux. Elle en
demeura perfuadée , & pour l'obliger
à fe déclarer plus fortement
, elle faifoit pour luy dest
avances , dont il auroit connu le
deffein , s'il n'eut pas efté remply
d'une paffion qui l'aveugloit
1 fur toute autre chofe. Apres
quelques entreveuës , dans lefaquelles
il crût avoir remarqué
que faperfonne ne déplaifoit pas
à la belle Brune , il réfolut de luy
faire part de fon deffein , & de
fçavoir d'elle- même , quels fentimens
elle avoit pour luy. Dans
cette penſée il alla l'attendre à
une Eglife , où il apprit qu'elle
alloit tous les matins , & l'abordant
lors qu'elle en fortoit , il la
remena chez elle , & pendant ce
1.
188 MERCURE
1
temps , il luy fit une fi tendre & fi
férieufe déclaration , qu'elle connût
aifément qu'un véritable &
fincére amour le faifoit parler.
Le party luy eftoit affez avantageux
de toutes maniéres pour
l'engager à répondre avec des
marques d'eftime qui luy fiffent
concevoir qu'il n'auroit aucune
peine à luy infpirer quelque chofe
de plus fort. Elle luy dit qu'el
le dépendoit d'un Pere à qui
elle obéiroit fans répugnance
en tout ce qu'il luy voudroit ordonner
en fa faveur , mais qu'il
n'étoit pas le feul qu'il y euft à
s'acquerir dans une affaire de
cette importance ; qu'une Tante
qui luy promettoit de partager
fon bien avec elle , s'étoit chargée
en quelque façon du ſoin de
la marier , & que toutes les démarches
que l'on pourroit faire
GALANT. 189
pour réüffir dans ce qu'il luy propofoit
, feroient inutiles , fi l'on
n'avoit fon confentement.Le Cavalier
fort ravy de voir que fa
Maîtreffe ne s'oppofoit point à fon
bonheur , ne fongea plus qu'à
gagner la Tante. Ce qui luy donnoit
de l'inquietude , c'eft qu'il
avoit fçeu qu'elle aimoit le monde
, & qu'elle amuſoit tous ceux
qui pretendoient à fa Niéce , par
le plaifir de fe voir long - temps
faire la Cour. Il crût cependant
qu'étant plus riche que tous fes
Rivaux , & peut- eftre auffi plus
confiderable par d'autres endroits
, on pourroit craindre de
le laiffer échaper , & que cette
crainte feroit terminer plûtoft fes
affaires. Pour les avancer ,
il ne
trouva point de plus fur moyen
que de parler à la Veuve , qui
pouvoit beaucoup fur l'efprit de
190 MERCURE
cette Tante . Ainfi la rencontrant
feule dés le mefme jour , il
luy dit avec des yeux tout brillans
du feu qui l'animoit , qu'il
avoit pris chez elle un mal dangereux
, dont la guerifon dépen
doit de fon fecours , & qu'il efperoit
qu'ayant pour luy autant de
bonté qu'elle en avoit toûjours
fait paroiftre , elle voudroit bien
entrer dans les fentimens pour le
fuccés d'un deffein tres - legitime .
La Veuve perfuadée par les affi
duitez du Cavalier , qu'elle eftoit
l'objet de tous fes defirs , eut tant
de joye de luy entendre tenir ce
langage , que fans luy donner le
temps de s'expliquer mieux , elle
l'interrompit pour luy dire , que
ce qu'il avoit à luy apprendre ,
luy étoit déja connu qu'elle
n'étoit point d'un âge à s'effrayer
d'une declaration d'amour ; que
GALANT. 191
fes foins l'avoient inftruite de fa
paffion ; que l'état de Veuve la
mettant en droit de difpofer d'elle-
mefme , elle y répondoit avec
plaifir , & qu'elle ne ſouhaitoit
autre choſe de fa complaifance,
finon que pour quelque intereft
de famille qu'elle achevoit de regler.
il vouluft bien attendre trois
mois à faire le Mariage ; que cependant
elle luy donnoit ,parole
de n'écouter perfonne à fon prejudice
& qu'elle eftoit prefte à
bannir tous ceux dont les vifites
luy feroient ſuſpectes . Imaginezvous
dans quelle furpriſe fe trouva
le Cavalier. Elle fut telle que
ne la pouvant cacher tout- à- fait,
il fe trouva obligé de s'excufer de
fon trouble fur fon exceffive joye,
qui en refferrant fon coeur , le
rendoit comme interdit. Vous
jugez bien qu'il confentit fans
1.92
MERCURE
aucune peine que fon pretendu
Mariage avec la Veuve fuft differé
de trois mois. Il luy laiffa un
pouvoir entier fur cet article , mais
il vit en mefme temps tous les
embarras que luy cauferoit le
peu de précaution qu'il avoit pris
avec elle. Il n'y avoit plus à eſperer
qu'elle le ferviſt auprès de la
Tante . Au contraire , il luy étoit
important que cette Tante ne
fçuſt rien de fon amour. La Veuve
auroit pû l'apprendre par elle,
& c'euft efté s'attirer une Ennemie
qui euft tout mis en ufage ,
pour empefcher qu'on ne l'euft
rendu heureux . Parmy toutes ces
contraintes , il devint réveur &
inquiet , & il le fut encore plus
quand la belle Brune, ne voulant
pas qu'il s'imaginaſt que la declaration
qu'il luy avoit faite, luy
fift chercher avec plus d'empreffement
GALANT. 193
fement l'occafion de le voir , rendit
à la Veuve des vifites moins
frequentes. Il en devina la cauſe
par les manieres honneftes &
pleines d'eftime qu'elle avoit
pour luy , toutes les fois qu'il la
trouvoit à l'Eglife , & ne pût blâmer
une referve qui marquoit un
coeur fenfible à la gloire.La Veuamour
,
qui remarquoit fon chagrin ,
ne l'impuroit qu'aux trois mois
de terme qu'elle avoit voulu qu'il
luy donnaſt , & touchée de l'impatience
où elle s'imaginoit qu'un
fi long retardement euft mis fon
elle tâchoit d'adoucir fa
peine , en l'affurant que fes diligences
redoublées la tireroient
d'embarras plûtoft qu'elle n'avoit
crû. Toutes ces chofes porterent
le Cavalier à prendre une refolution
qui le délivraft de crainte.
Il communiqua à ſa Maîtreffe le
Ianvier 1685. I
194
MERCURE
deffein où il étoit de l'époufer,
fans en rien dire à fa Tante , &
de renoncer aux avantages qu'elle
en pouvoit efperer , parce
qu'en l'avertiffant de fa recherche,
la Veuve qui le fçauroit auffitoft
, l'obligeroit de traîner fon
Mariage en longueur ; à quoy la
Tante feroit affez portée d'ellemefme
pour fon intereft particulier
, & peut - eftre mefme obtiendroit
d'elle qu'elle fe declaraft
contre luy. Il s'épargnoit par
là beaucoup de traverſes , ou du
moins plufieurs reproches , qu'il
ne craignoit point quand il feroit
marié. La Belle ayant confenty
à ce qu'il vouloit , il alla trouver
fon Pere , luy exagera la force de
fon amour,le conjura de luy vouloir
accorder fa Fille , & luy expliqua
toutes les raifons qui luy
faifoient fouhaiter un entier fe
GALANT. 195
cret fur fon Mariage . Le Pere qui
connoiffoit les grands Biens du
Cavalier , ne balança rien à conclure
toutes chofes de la manicře
qu'il le propofoit . Le Notaire
vint,& le Contract fut figné ,fans
que perfonne en eût connoiffance.
Cependant , comme il n'y a
rien de fi caché qui ne le découvre
, le jour qui preceda celuy
qu'on avoit choisi pour le
Mariage , une Servante de cette
Maiſon ayant foupçonné la verité
à quelques aprefts que
l'on y
faifoit , en inftruific la Suivante
de la Veuve , qui alla en meſme
temps le redire à fa Maîtreffe ,
avec qui la Veuve étoit . L'une
& l'autre fut dans une colere
inconcevable. La Veuve , qui
pretendoit que le Cavalier luy
euft engagé fa foy, traita fa nouvelle
paffion de trahison & de
1 2
196 MERCURE
·
perfidie ; & la Tante ne pouvoit
fe confoler de ce qu'ayant promis
de faire à fa Niéce de grands
avantages, on la marioit fans luy
en parler. Elle jura que fi elle
ne pouvoit venir à bout de rompre
le Mariage , du moins les
longs obftacles qu'elle trouveroit
moyen d'y mettre , feroient foufrir
ceux qui oublioient ce qu'on
luy devoit. Elle réva quelque
temps, & quitta la Veuve , en luy
difant qu'elle viendroit luy donner
de les nouvelles le foir ,
quelque heure que ce fuft . Sitoft
qu'elle fut fortie , elle mit des
Efpions en campagne , & aprit
enfin avec certitude , que le Mariage
fe devoit faire à deux heures
apres minuit . Lors qu'il en fut
dix du foir , elle monta en Carroffe
, & fe rendit chez fa Niéce.
La Belle apprenant qu'elle eftoit
GALANT. .197
à la porte, fe trouva embarraffée,
par la crainte que fa vifite ne
fuft un peu longue , & ne retardaft
quelques petits foins qu'elle
avoit à prendre . Elle fut tirée de
fon embarras , lors qu'on la vint
avertir que fa Tante la prioit de
luy venir parler un moment. Elle
y courut auffi- toft , & entra dans
fon Carroffe , pour entendre ce
qu'elle avoit à luy dire . Elle n'y
fut pas plûtoft , que le Cocher
qu'on avoit inftruit , pouffa fes
Chevaux à toute bride , paffa
par diverfes Ruës , pour tromper
ceux qui auroient voulu le fuivre
, & vint s'arrefter à la porte
de la Veuve , chez qui la Tante
fit entrer la Niece. Ce qui venoit
d'arriver l'avoit jettée dans une
grande furprife ; mais elle augmenta
beaucoup , lors qu'étant
montée , elles luy firent toutes
I
3
198 MERCURE
deux connoiftre qu'elles eftoient
informées de fon Mariage.Je paffe
les reproches qu'on luy fit fur
cette Affaire. La Tante , qui la
laiffa en la garde de la Veuve , retourna
chez elle , où l'on vint
luy demander ce que fa Niéce
eftoit devenue. Elle répondit
qu'elle en rendroit compte quand
il feroit temps , & qu'elle prenoit
affez d'intereft en elle , pour ne
l'avoir confiée qu'à des Perfonnes
chez qui elle eftoit en fûreté . Le
Cavalier apprenant ce changemét,
tomba dans un defefpoir qui
ne fe peut croire.ll alla trouver la
Tante , luy fit les foûmiffions les
plus capables de la toucher , &
noublia rien de ce qui pouvoit la
fatisfaire ; mais elle fut inflexible
à fes prieres & à fon amour. Le
Pere qui eftoit bien aiſe d'éviter
l'éclat , employa toutes les voyes
GALANT 199
de douceur qui
à la gagner. Pendant
LYO
Cervir
imps ,
la Tante & la Veuve inventérent
mille chofes pour noircir le Ca
valier auprés de la Belle ; mais
rien ne put effacer dans fon efprit
les favorables impreffions que fon
amour & fon mérite y avoient
faites. Elle perfifta dans fes premiers
fentimens pour luy ; & enfin
malgré toutes les précautions
que l'on avoit prifes pour cacher
le lieu où elle eftoit , les Domeftiques
parlérent . Si - tôt qu'on
fçût qu'elle avoit efté laiffée entre
les mains de la Veuve , il ne fut
pas malaifé de l'obliger à la rendre.
Elle la remit entre celles de
fon Pere , qui fit de nouveaux
efforts pour apaifer la colere de
la Tante ; mais tout cela s'eftant
trouvé inutile , on ne garda plus
aucun fecret pour le Mariage . On
I 4.
200 MERCURE
en arrefta le jour , & il fut fait
avec autant de joye des Amans
traverſez injuftement , que de
chagrin pour la Tante & pour la
Veuve.
Fermer
Résumé : Histoire, [titre d'après la table]
Un jeune cavalier, riche et spirituel, est séduit par une aimable brune rencontrée chez une veuve charmante. La brune, modeste et belle, dépend d'un père sévère et d'une tante riche. Le cavalier, désirant connaître ses sentiments, lui déclare son amour et obtient une réponse favorable, sous réserve du consentement de son père et de sa tante. Il cherche alors à gagner la faveur de la tante en passant par la veuve, qui accepte de l'aider mais impose un délai de trois mois pour le mariage. La brune, pour éviter les soupçons, réduit ses visites à la veuve. Le cavalier décide d'épouser la brune sans informer la tante pour éviter les obstacles. Il obtient le consentement du père de la brune et signe le contrat de mariage en secret. Cependant, une servante découvre la vérité et informe la veuve, qui entre en colère. La tante, furieuse, enlève la brune et la confie à la veuve pour contrecarrer le mariage. Le cavalier tente en vain de raisonner la tante et le père. La tante et la veuve cherchent à discréditer le cavalier auprès de la brune, mais celle-ci reste fidèle à ses sentiments. Finalement, la brune est rendue à son père, et le mariage est célébré malgré les tentatives de la tante et de la veuve pour l'empêcher.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
23
p. 3-4
I. L'Honnête Homme.
Début :
L'Honneste Homme est à tour, singulis, omnibus, [...]
Mots clefs :
Honnête homme, Coeur, Téméraire, Épée, Charme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : I. L'Honnête Homme.
I.
L'Honnête Homme.
LLYON
1893
'Honnefte Homme eft à tout, fingulis,
omnibus,
C'est toujours à propos qu'ilrit, ou
qu'ilfe fâche,
Son coeurferme & conftantfur rien
nefe relâche ,
Il eft de tous les rangs , de toutes
les Tribus .
Sa
On ne le voitjamais téméraire ny là .
che,
A ij
4
Extraordinaire
Ilparle galamment , fans qu'il parle
Phoebus,
Pour la belle dépenfe ilferre le quibus,
Iljeûne aux Quatre-Temps, au Carnaval
il mâche.
S&
D'un compte captieux ilfçait regler
/ Item ,
Et de tous les Meftiers connoift le tu
autem ,
Son couroux, s'il en a , ne va pas juf
qu'à l'Ire ,
Se
Il fait tracer un Camp , & conju
guer amo ;
Sefert bien d'une Epée, & charme
avecfa Lyre,
Et s'efcrime en tout temps armis &
calamo
.
L'Honnête Homme.
LLYON
1893
'Honnefte Homme eft à tout, fingulis,
omnibus,
C'est toujours à propos qu'ilrit, ou
qu'ilfe fâche,
Son coeurferme & conftantfur rien
nefe relâche ,
Il eft de tous les rangs , de toutes
les Tribus .
Sa
On ne le voitjamais téméraire ny là .
che,
A ij
4
Extraordinaire
Ilparle galamment , fans qu'il parle
Phoebus,
Pour la belle dépenfe ilferre le quibus,
Iljeûne aux Quatre-Temps, au Carnaval
il mâche.
S&
D'un compte captieux ilfçait regler
/ Item ,
Et de tous les Meftiers connoift le tu
autem ,
Son couroux, s'il en a , ne va pas juf
qu'à l'Ire ,
Se
Il fait tracer un Camp , & conju
guer amo ;
Sefert bien d'une Epée, & charme
avecfa Lyre,
Et s'efcrime en tout temps armis &
calamo
.
Fermer
Résumé : I. L'Honnête Homme.
L'Honnête Homme est une figure idéale et polyvalente, appropriée en toute situation. Il appartient à tous les rangs, parle avec élégance et gère les comptes avec ruse. Il connaît tous les métiers, sait se battre à l'épée et charmer à la lyre. Sa colère ne dépasse pas l'irritation. Il excelle aussi bien avec les armes qu'avec la plume.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
24
p. 98-99
X.
Début :
Est-ce un resve, Mercure, & me suis-je méprise, [...]
Mots clefs :
Cerise, Coeur, Valeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : X.
X.
St-ce un refve , Mercure, & mefuis-je
méprife,
Quand j'ay cru que d'une Cerife
Vous eftes venu m'étrener?
Dans la Saifonqu'il eft, c'eſt un Préſent
bien rare,
Et cependant un coeur avare
D'un mépris évident le pourroitprofaneri
Mais pour moy, jefais trop d'eftime
De ce qui vient de vostre part .
Jefçay quece n'eft point par un coup du
hazard,
Que vous en avez fait un choixfort légitime,
Et qu'ilfaut eftre enfin un rigoureux Ceng
feur
du Mercure Galant.
DOYON
DELA
VILLE,
Pour ne pas eftimerfon prix & fa
leur.
La mefme.
St-ce un refve , Mercure, & mefuis-je
méprife,
Quand j'ay cru que d'une Cerife
Vous eftes venu m'étrener?
Dans la Saifonqu'il eft, c'eſt un Préſent
bien rare,
Et cependant un coeur avare
D'un mépris évident le pourroitprofaneri
Mais pour moy, jefais trop d'eftime
De ce qui vient de vostre part .
Jefçay quece n'eft point par un coup du
hazard,
Que vous en avez fait un choixfort légitime,
Et qu'ilfaut eftre enfin un rigoureux Ceng
feur
du Mercure Galant.
DOYON
DELA
VILLE,
Pour ne pas eftimerfon prix & fa
leur.
La mefme.
Fermer
Résumé : X.
Un personnage s'adresse à Mercure, incertain de la valeur d'un présent reçu. Il reconnaît sa rareté et sa précieuse origine divine, mais craint qu'un cœur avare puisse le mépriser. Il affirme que ce choix n'est pas fortuit et doit être apprécié à sa juste valeur. Le texte se termine par les noms 'DOYON DE LA VILLE' et 'Pour ne pas eftimerfon prix & fa leur'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 157-163
SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Début :
Quelle fortune est la plus satisfaisante en Amour, celle d'un Amant dont [...]
Mots clefs :
Sentiments, Fortune, Amant, Bonheur, Beauté, Martyre, Plaisirs, Larmes, Amour, Liberté, Voeux, Passion, Coeur, Agonie, Raison, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
SENTIMENS
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
SUR TOUTES LES QUESTIONS
PROPOSEES DANS LE DERNIER
EXTRAORDINAIRE.
QUELLE FORTUNE EST
la plus fatisfaifante en Amour,
celle d'un Amant dont les foins
font receus d'abord agreablement
, & prefque auffi toft re.
compenfez , ou le bonheur de
celuy qui apres avoir aimé
quelque temps fans efpérance ,
trouve enfin le coeur de fa
Maiftreffe fenfible .
Lo
Ors que dans l'Amoureux Empire
Sans efpoir un Amant foûpire,
Et qu'enfin la Beauté qu'il aime tendrement
158
Extraordinaire
Paroiftfenfible à fon martyre,
Pour ce tendre & fidelle Amant
C'eft fans doute un plaifir charmant.
Cependant, ma chere Sylvie,
Ilne flatte point mon envies
Unplaifir en Amour trop long- temps
attendu
N'a pour moy que defoibles charmes ,
Je ne puis m'empêcher de fonger qu'il
m'eft dû
Apres de longs ennuis , des foûpirs, &.
des larmes.
Je commence à fentirpour vous
Tout ce qu'Amour a de plus doux,
Fen reffens en un mot toute la violence;
Si vous voulez de bonne intelligence
Me donner un plaifir divin,
C'eft de m'entémoigner voftre reconnoiffance
Aujourd'huyplûtoft que demain.
du Mercure Galant. 159
Si l'entiere liberté de le voir peut
long-temps entretenir l'Amour
dans toute fa force,
Quandje voyois Philis à toute heure
- Pour luy parlerde mon amour,
Rien ne s'oppofoit à ma flâme,
Je la voyoisfacilement,
Mais auffifentois-je en mon ame
Que c'eftoitfans empreſſement,
Et que l'amour que cette Belle
Avoitfçu m'inspirer pour elle,
Diminuoit fenfiblement.
Aujourd'huy c'est toute autre chofe,
Tout fait obftacle à mes plaifirs,
Et plus je reconnois qu'à mes voeux l'on
s'oppoſe,
Plus je fens croiftre mes defirs .
Un Amant eft bafty d'une certaine forte,
Qu'ilnepeut long-temps vivre enpaixi
Le trouble a pour luy tant d'attraits,
Qu'il rendfa paffion plusforte.
160 Extraordinaire
Il ne peut goufter la douceur
D'un bien qu'il poffe defans peine ;
Ilfaut qu'ilfoit traversé dans fa chaine,
Pour qu'il enfaffe fon bonheur.
Enfin je connois par moy-mefme,
Qu'un Amant dansfes fers vent eftre inquieté,
Et qu'il n'auroit jamais une conftance extréme
Parmy trop de tranquilité.
Si un honneſte Homme eft excufable
, d'eftre affez Efclave
de fa paffion pour continuer
d'aimér une Perfonne qui le
pouffe à faire une lâcheté.
J
Aime Philis de tout mon coeur,
Enfin autant qu'elle eſt aimable;
Mais malgré toute mon ardeur,
Je ne croiray jamais que jefuffe excufable,
Sipour tousfes appas je perdois mon bonneur.
Cetteperte eftindubitable
du Mercure Galant. 1611
Enfaifant une lâcheté,
Et qui plus eft, irréparable;
Ce n'eft pascomme une Beauté.
Je n'ay qu'un honneur en partage,
Des Maiftreffes, vingt ſi je veuxs :
Ainfi , lors que Philism'engage
A le perdre pourfesbeaux yeux,
Je ne puis, je croy , faire mieux,
Que de me titer d'esclavage.
Un Homme en mourant a deux
Amis auprés de luy , il en fait
retirer un parce que fa préfence
l'afflige , & il fait demeurer
l'autre , par ce que
préfence le confole . On demande
lequel il aime davantage.
J E ſuppoſe eſtre à l'agonie,
Car, Dieu-mercy, je mefens pleinde
vie;
Si j'eftois dans un bon Repas,
Q. de Fanvier 1685,
fa
162 Extraordinaire-
1
Ou-bien auprés de ma Sylvie,
Sans doute Lapétit ne me manqueroit pass
Enfin je ne croy point aller fi- teft là- bas.
Selon l'ordre de la Nature
Je franchirois trop vite un fi dangereux
Pas;
Mais toutes ces raisons ne me font rien.
conclure.
Ilfaut que je pofe le cas
Que la Parque me tend les bras ,
(O Ciel, quelle horrible figure! )
Et que deux bons Amis , Damon, & Licidas,
Sont les triftes Témoins dù tourment quej'endure.
Dans une telle occafion ·
Faygrand befoin de confolation,
Et quipeut m'en donner, m'obliges
C'eft Damon Licidas m'afflige,.
;
Lors que je n'ay déja que trop d'affliction.
Ainfi dans cet étatfunefte
Je lefais retirer, & l'autre feul me refte,.
L'en aimay-je mieux pour cela?
La Queftion eft difficiles
du Mercure Galant: 163
Je ne lefais demeurer là,
Que parce qu'il me femble utile .
Mon coeur pour Licidas s'intéreſſe plus
fort,
Jefens une Amitiéplus belle & plus conftante;
Et lors que je veux qu'il s'abfente,
C'est quedu coup tout preft à me donner la
mort
Je crains trop qu'il neſe reſſente.
DIEREVILLE
Fermer
Résumé : SENTIMENS SUR TOUTES LES QUESTIONS PROPOSEES DANS LE DERNIER EXTRAORDINAIRE.
Le texte, extrait du Mercure Galant de 1685, explore divers sentiments amoureux et dilemmes moraux. L'auteur compare deux types de bonheur en amour : celui d'un amant dont les désirs sont immédiatement satisfaits et celui qui, après avoir aimé sans espoir, voit finalement son amour réciproque. Il préfère le bonheur immédiat, trouvant peu d'attrait à un amour longuement attendu. L'auteur évoque ensuite sa relation avec Sylvie, exprimant son désir de voir sa reconnaissance sans délai. Il compare cette situation à son amour pour Philis, qu'il voyait librement mais sans empressement, contrairement à maintenant où les obstacles augmentent ses désirs. Il réfléchit sur la nature de l'amour, affirmant qu'un amant est troublé et que la passion est plus forte lorsqu'elle est contrariée. Il se demande si un homme est excusable de sacrifier son honneur pour l'amour, concluant qu'il ne le serait pas. Enfin, l'auteur utilise une métaphore de la mort pour illustrer la difficulté de choisir entre deux amis en fin de vie, soulignant que son cœur s'intéresse davantage à Licidas, malgré la présence de Damon. Il conclut que son choix est dicté par l'utilité et la crainte de blesser Licidas.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
26
p. 167-168
V.
Début :
Je suis jeunette & délicate, [...]
Mots clefs :
Beauté, Coeur, Printemps, Amour, Douceur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : V.
V...
of
Efuis jeunette & délicate,
Ma beauté mefait rechercher;
Et quoy que mon teint vif éclate,
Fay pourtant le coeur de Rocher .
03
Maispour ma beauté naturelle ·
Je n'affecte point le Printemps ;
Je fuis toujours aimable & belle,.
Je rends mille coeurs mé- contens .
**
Apres moy pourtant tout foûpire,
Et les plus grands me font la cour;..
divers Amansj'attire,
Je n'ay cependant point d'amours
Bien
que
Avecque ma douceur charmante,
Et toute contraire à mon coeur,
Fefuis extrémement galante,
Et toujours de tres-belle humeur.
સ
Que la Griote déguisée-
Couronne lafin du Repas ,
168 Extraordinaire
Elle eft quelquefois mépriſée ,
Maisde moy toûjours onfait cas .
Mademoiſelle de Grands- Prez,
on
La Belle Infenfible de la Cité..
of
Efuis jeunette & délicate,
Ma beauté mefait rechercher;
Et quoy que mon teint vif éclate,
Fay pourtant le coeur de Rocher .
03
Maispour ma beauté naturelle ·
Je n'affecte point le Printemps ;
Je fuis toujours aimable & belle,.
Je rends mille coeurs mé- contens .
**
Apres moy pourtant tout foûpire,
Et les plus grands me font la cour;..
divers Amansj'attire,
Je n'ay cependant point d'amours
Bien
que
Avecque ma douceur charmante,
Et toute contraire à mon coeur,
Fefuis extrémement galante,
Et toujours de tres-belle humeur.
સ
Que la Griote déguisée-
Couronne lafin du Repas ,
168 Extraordinaire
Elle eft quelquefois mépriſée ,
Maisde moy toûjours onfait cas .
Mademoiſelle de Grands- Prez,
on
La Belle Infenfible de la Cité..
Fermer
Résumé : V.
Le texte décrit une jeune femme délicate et belle, surnommée 'La Belle Infénissable de la Cité'. Son teint vif et sa douceur attirent de nombreuses avances, mais elle reste insensible et indépendante des saisons. Elle est comparée à une griotte, appréciée malgré le mépris initial. Son cœur est qualifié de 'Rocher', rendant 'mille cœurs mécontents'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 174-176
III.
Début :
L'Autre jour dans un Bois où régne le silence, [...]
Mots clefs :
Bois, Charme, Tristesse, Destin, Coeur, Mot
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : III.
III.
' Autre jour dans un Bois où régne le
filence,
Je fongeoisaux rigueurs dont la charmante-
Fris
Depuis prés de deux ansfatigue ma conftance,
Sans vouloir d'unfeul mot adoucir mes
ennuis..
de
Non, difois-je , emporté de rage & do
colere,
Je ne veux plus l'aimer, & deformais fes
yeux
Ne me reverront plus en deffein de luy
plaire,
Mefoumettre à desfers & peſans & honteux
.
Ils ne me verront plus en Amant trop
fidelle,
du Mercure Galant,
175
Prodiguer vainement mes foûpirs & mes
pleurs,
Et peut - eftre qu'un jour je verray la
Cruelle d
Sans appuy, fans Amant, éprouver mes
malheurs.
Je me teus un moment , pour calmer ma
trifteffe,
Quand j'apercens Iris qui venoit àgrands
pas,
En me difant ces Vers dictez par la tendreffe,
Et dont chaque parole eut pour moy mille
appas.
Enfin, moncher Damon , je cède àta conftance;
Et fi jufques icy mon deftin rigoureux
A retenu mon coeur & mon ame en balance,
Apprens que deformais je veux te rendre
beureux.
Enachevant ces Mots , qui me rendoient
la vie,
Elle vint m'embraffer d'un air charmant
& doux.
176
Extraordinaire
Jugez apres cela du bonheur de ma vie,
Et s'il ne me doit pas faire mille jaloux.
Du MONT, ou le Cadet aîné,
de Vitré en Bretagne.
' Autre jour dans un Bois où régne le
filence,
Je fongeoisaux rigueurs dont la charmante-
Fris
Depuis prés de deux ansfatigue ma conftance,
Sans vouloir d'unfeul mot adoucir mes
ennuis..
de
Non, difois-je , emporté de rage & do
colere,
Je ne veux plus l'aimer, & deformais fes
yeux
Ne me reverront plus en deffein de luy
plaire,
Mefoumettre à desfers & peſans & honteux
.
Ils ne me verront plus en Amant trop
fidelle,
du Mercure Galant,
175
Prodiguer vainement mes foûpirs & mes
pleurs,
Et peut - eftre qu'un jour je verray la
Cruelle d
Sans appuy, fans Amant, éprouver mes
malheurs.
Je me teus un moment , pour calmer ma
trifteffe,
Quand j'apercens Iris qui venoit àgrands
pas,
En me difant ces Vers dictez par la tendreffe,
Et dont chaque parole eut pour moy mille
appas.
Enfin, moncher Damon , je cède àta conftance;
Et fi jufques icy mon deftin rigoureux
A retenu mon coeur & mon ame en balance,
Apprens que deformais je veux te rendre
beureux.
Enachevant ces Mots , qui me rendoient
la vie,
Elle vint m'embraffer d'un air charmant
& doux.
176
Extraordinaire
Jugez apres cela du bonheur de ma vie,
Et s'il ne me doit pas faire mille jaloux.
Du MONT, ou le Cadet aîné,
de Vitré en Bretagne.
Fermer
Résumé : III.
Dans un bois, le narrateur exprime sa souffrance et sa colère face à un amour non réciproque qu'il endure depuis deux ans. Il décide de ne plus aimer cette personne et de ne plus chercher à lui plaire, refusant des efforts humiliants. Il imagine même la voir souffrir de son absence. Cependant, après un moment de tristesse, il aperçoit Iris, qui lui déclare son amour en récitant des vers tendres. Iris avoue céder à sa confiance et souhaite désormais le rendre heureux. Elle l'embrasse, lui rendant la vie. Le narrateur exprime alors son bonheur extrême et invite à en juger par soi-même. Le texte est signé Du Mont, originaire de Vitré en Bretagne.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
28
p. 189-216
L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Début :
Il y a déja quelque temps que l'on m'a mis / L'Amour se plait souvent à faire voir sa bizarrerie aussi [...]
Mots clefs :
Amour, Bizarrerie, Veuve, Qualités, Mariage, Prétendants, Indépendance, Plaisirs de la vie, Fête, Amants, Cavalier, Hasard, Émotions, Jalousie, Honneur, Injustice, Discours, Coeur, Mariage, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Ily a déja quelque temps que l'on
m'a mis entre les mains l' Hiftoire dont
je vay vousfaire part . Je la laiffe dans
les mefmestermes que je l'ayreceuë.
190
Extraordinaire
255 :22222 2522 : 2222
L'AMOUR BIZARRE
HISTOIRE VERITABLE.
L
'Amour fe plaift ſouvent ài
faire voir fa bizarrerie auffi
bien que fa puiffance . Dans la
Capitale d'une des meilleures-
Provinces du Royaume , demeu
roit une jeune Veuve , bellë , ri .
che , noble , & mefine qui paf
foit pour fort fpirituelle. Il n'eft
pas difficile de s'imaginer qu'avec
toutes ces bonnes qualitez ,.
elle ne manquoit pas d'Adorateurs.
Elle avoit tous les jours.
chez elle ce qu'on appelle le
beau Monde d'une Ville , & quoy
di Mercure Galant: 1971
qu'elle euft témoigné qu'elle n'avoit
aucune inclination pour un
fecond Mariage , on ne laiffoit
pas neanmoins de luy propofer
toûjours quelque nouveau Par.
ty. La joye qu'elle avoit de fe
voir maîtreffe d'elle- même ,aprés
avoir obeï à un Homme , qu'on
dit qu'elle n'avoit épousé que
pour obeïr à fes Parens , luy avoit
fair prendre la refolution de demeurerVeuvele
refte de fes jours .
Elle ne pouvoir pourtant honneftement
refufer les vifites de ceux
que fon efprit & fa beauté luy
attiroient , mais c'eftoit à condi
rion qu'on ne luy parleroit poin
d'amour , ce qu'on obfervoit fort
malcar il eftoit difficile de la
voir fans l'aimer , & tous les Amans
n'ont pas affez de retenue
192 Extraordinaire
Le pour ne fe point déclarer.
grand deuil eftant paffé , car il y
avoit déja plus d'un an qu'elle
avoit perdu fon Mary , elle commença
à vivre avec un peu plus de
liberté qu'elle n'avoit fait depuis.
fa mort , & entra dans tous ces
petits plaifirs innocens , qui font
l'occupation de la vie . On luy
propofoit tous lesjours de nouvelles
parties de divertiffement,
& comme l'on eftoit alors dans
la faifon du Carnaval , on la fol.-
licita plufieurs fois pourla mener
aux Affemblées qui fe faifoient
chez les Principaux de la Ville,
où aprés les Repas qu'ils fe don
noient les uns aux autres , chacun
à leur tour , on faifoit venir les
Violons , & on paffoit agreable..
ment une partie de la nuit à dan
CCE
du Mercure Galant.
193
fer. Comme elle croyoit qu'elle
ne devoit pas encore prendre
part à ces fortes de plaifirs , elle
s'eftoit toûjours défenduë d'y aller.
Enfin un jour que c'eftoit
à un Frere qu'elle avoit à donner
le regale , fes Amies la follicite
rent fi fortement , & fon Frere
luy fit fi bien comprendre qu'elle
ne blefferoit point fon devoir , &
que cela ne tireroit à aucune
confequence , qu'elle luy promit
de s'y trouver. L'Affemblée fut
ce foir là nombreuſe & magnifique.
Je ne m'arrefteray point à
décrire la fomptuofité du Feftin,
ny la propreté de la Salle où il
fe fit. Il luffit de fçavoir que les
plus délicats fur cette matiere eurent
affez dequoy fe contenter.
Aprés le repas on paffa dans une
2. deJanvier 1685. R
ད
194
Extraordinaire
autre Salle qu'on trouva riche
ment meublée , & éclairée par
une grande quantité de lumieres.
Le Bal commença pour lors , &
pendant que les uns danfoient,
les autres s'entretenoient avec les
Perfonnes qui leur plaifoient le
plus . On fait que c'est là que
les Amans ont droit de fe plaindre
des peines que l'Amour leur
fait fouffrir & que ceux qui
n'ont aucune veritable paffion
pour le beau Sexe , ne laiffènt pas
de vouloir paroiftre amoureux ;
Les Galants en conterent beau
coup , & les Belles furent obli
gées d'en écouter autant. Cependant
il y avoit des Perfonnes
qui fouffroient effectivement , &
a jeune Veuve avoit donné de
'amour à plufieurs qui s'emprefdu
Mercure Galant . 195
C
foient à l'envy l'un de l'autre , de
luy perfuader la forte paffion
qu'ils fentoient pour elle. Elle
lès écoutoit tous indifferemment,
& leur témoignoit que l'Amour
n'auroit jamais aucun pouvoir ſur
fon coeur ; mais il luy fit bientoft
connoiftre qu'on ne le méprife
guere impunément ; car
un jeune Cavalier fort propre
qui n'avoit point efté du repas,
l'eftant venu prendre pour danfer
, elle reffentit à ſon abord ce
certain je ne fçay quoy qui ne fe
peut expliquer. Quand elle fut
revenue à fa place , ce mefme
Cavalier vint le mettre à fes genoux,
& avec un air engageant &
des manieres honneſtes & refpe-
& ueuſes , il luy jura plufieurs fois
qu'il n'avoit jamais veu une plus
Rij
196 Extraordinaire
belle Perfonne . Elle luy répon
doit comme à tous les autres,
quoy qu'elle commençaſt déja
de le confiderer d'une autre maniere.
En effet , on remarqua
qu'elle l'examinoit attentivement
, qu'elle luy addreffoit la
parole plus fouvent qu'aux autres
fur tout ce qui fe paffoit
dans la Salle & mefme un
Homme qui l'aimoit effectivement
beaucoup , ne put s'empef
cher de luy en faire la guerre.
Dans la converfation ce Cavalier
luy dit , que puis qu'il avoit
efté affez heureux de voir une
auffi aimable Perfonne , il luy
demandoit la permiffion d'aller
chez elle luy rendre ce que tout
le monde luy devoit , & l'affeurer
que fa plus grande paffion fedu
Mercure Galant. 197
1
roit d'eftre capable de luy pou
voir rendre quelque fervice. Le
Bal finy , la Compagnie fe fepara
, & la Veuve fortit un peu
émeuë , par la veuë de l'Inconnu
, qui de fon coſté avoit
paru avoir beaucoup de difpofition
à l'aimer. Deux jours aprés
elle fut furpriſe de le voir venir
chez elle . Ils eurent enfemble
un entretien plus, reglé , & apres
avoir parlé de l'occafion de leur
connoiffance , elle s'informa s'it
eftoit de la Province , & par quel
hazard il s'eftoit trouvé à cette
Affemblée . Il répondit à toutes
fes demandes & luy dit qu'il
s'appelloit Lycidas , qu'il demeu
roit ordinairement à une Terre
qu'il avoit à la Campagne , que
quelques affaires d'affez peu de
R iij
Extraordinaire
Conféquence l'avoient attiré à la ·
Ville , mais qu'il s'en faifoit alors
une fort grade d'y demeurer pour
achever de faire connoiffance
avec une Perfonne , à laquelle il
avoit reconnu tant d'efprit &
tant de merite. Ces paroles flatoientagréablement
Cloris , ainfi
s'appelloit la Veuve qui s'eftoit
un peu laiffée toucher par la
bonne mine de Lycidas , & qui
fouhaitoit dans fon coeur que ce
fuft un homme d'une condition
proportionnée à la fienne , car
elle commençoit déja de quiter la
refolution qu'elle fembloit avoir
priſe de demeurer Veuve . Il fit fa
vifite un peu plus longue que ne le
font ordinairement
les premieres ,
& revint la voir dés le lende .
main . Ces deux vifites , & la
GOTHEQUE
TELA
VILLELYON
13
du Mercure Galant.
maniere dont on recevoit
nouveau venu , allarmérent un
peu les foupirans ordinaires . Il
y en eut un entr'autres qu'on appelloit
Alcidon , intime Amy du
Frére de Cloris qui ne put s'empefcher
de luy témoigner qu'il
s'appercevoit qu'elle avoit plus
d'empreffement de voir cét
Homme , que tous ceux qui alloient
chez elle . Comme il l'ai
moit fortement , la jalousie luy
faifoit penetrer jufques dans le
coeur de la Maiftreffe. I luy
avoit fouvent déclaré fa paffion ,
& avoit fait agir fon Frere pour
porter à l'époufer ; mais comla
me elle luy avoit dit qu'elle n'avoit
aucun deffein de fe remarier
, les chofes en eftoient demeurées
là , & Alcidon qui ne
R iiij
200 Extraordinaire
s'eftoit pû défaire de fon amour,
continuoit à la voir tous les jours
affiduëment. Jufques alors Cloris
n'avoit point trouvé ſes viſites
incommodes ; car ne
manquant
pas d'efprit , il fervoit chez elle à
rendre les
converfations plus
agréables ; mais depuis qu'elle
eut connu Lycidas , elle euft fort
fouhaité ne plus voir.que luy.
Ces deux Rivaux fe trouvant
tous les jours enfemble , ne pouvoient
s'empefcher de fe contredire
fur tous les fujets dont on ye.
noit à parler. Ils ne s'accordoient
qu'en une feule chofe , qui
eftoit de trouver Cloris la plus
charmante
Perfonne qu'on puft
voir. Ces petites difputes la chagrinoient
un peu , & comme elle
en apprehendoit
les fuites , elle
du Mercure Galant. 201
voulut un jour entretenir Alcidon
en particulier . Elle l'affeura
plus fortement que jamais , que
fa recherche eftoit inutile ; qu'-
elle avoit pris fa réfolution ; qu'-
elle luy confeilloit de ne plus
perdre tant de temps à venir
chez elle ; & qu'unauffi honnefte
Homme que luy , pouvoit mieux
l'employer auprés d'une autre,
qui auroit peut- eftre plus de difpofition
à reconnoiftre l'honneur
qu'il luy vouloit faire . Vous
pouvez pepfer que ces raifons ne
firent pas grande impreffion fur
l'efprit d'un Homme auffi amoureux
qu'Alcidon . Auffi cut- il
toûjours le mefme empreffement
de la voir. Le difcours qu'elle
luy avoir tenu ne fervit qu'à luy
faire examiner davantage toutes
202 Extraordinaire
4
Sa
fes actions , & il creut remarquer
qu'elle avoit beaucoup plus d'inclination
pour Lycidas , que
pour tous ceux qui la recherchoient
depuis long- temps. En
effet , il ne fe trompoit pas.
bonne mine avoit tellement touché
le coeur de la Veuve , qu'elle
luy avoit déja fait parler de
Mariage , par une Amie qui faci.
litoit le commerce qu'ils avoient
enfemble ; mais il luy avoit fait
dire qu'il avoit alors des raifons
qui l'empefchoient de devenir le
plus heureux Homme du mon
de , en poffedant celle qu'il ai
moit plus que fa vie . Cela ne fit
qu'augmenter l'Amour de la
Veuve , & un jour qu'elle luy
parla elle mefme fur cette matiere
croyant ne pouvoir eftre -•
du Mercure Galant . 203
>
entendue de perfonne , Alcidon
qui eftoit dans l'Antichambre,
& qui par quelques mots de leur
converfation , devina à peu prés
ce que c'eftoit , entra brufquement
dans le lieu où ils eftoient ,
& reprocha à Cloris l'injuftice
qu'elle luy faifoit de luy préferer
un nouveau venu un Homme
qu'elle ne connoiffoit pas , dont
elle ignoroit & les biens & la
naiffance , & il dit mefme quelques
paroles un peu faſcheufes à
Lycidas , qui n'eftant pas accou
tumé à rien fouffrir , luy répondit
auffi un peu aigrement. Ils alloient
s'échauffer , & ils fe feroient dit
peut - eftre quelque chofe de plus
choquant , fans une Dame de
confideration qui arriva affez à
propos. Cette Dame ayant fait
204
Extraordinaire
Alcidon changer le difcours
fortit un peu aprés avec le reffentiment
d'avoir appris que fon
Rival luy eftoit préferé. Il fe
promena quelque temps autour
de la Maiſon de Cloris , comme
pour fonger à ce qu'il avoit à fai
re , & lors qu'il vit fortir Lycidas
, il courut droit à luy , & mettant
l'épée à la main . Tu as eu,
luy dit-il , trop de facilité à ga.
gner le coeur de ta Maiftreffe ,
tu ne l'eftimeras pas affez s'il ne
t'en coûte quelques gouttes de
fang , puis qu'il ne t'en a point
coûté de larmes. Lycidas fe vit
obligé de fe défendre , & on ne
put les feparer fi toft , qu'Alcidon
n'euft déja receu deux coups
d'épée , dont l'on crut alors l'un
qui eftoit au cofté allez dangedu
Mercure Galant. 205
reux , Lycidas prévoyant que ce
combat luy alloit attirer de fâ.
cheufes affaires , dans une Ville
dont les principaux eftoient tous
proches parens d'Alcidon crut
qu'il eftoit à propos d'en fortir.
Il monta à Cheval , aprés avoir
écrit un Billet à Cloris dans le
' quel il s'excufoit de ce qui s'é
toit paffé , fur la neceffité de fe
défendre contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer en furieux,
& la prioit de fe fouvenir de luy ,
l'affeurant qu'il n'aimeroit jamais
perfonne qu'elle . Il fe retira à la
Campagne chez un de fes Amis,
par le moyen duquel il fceut tout
ce qui fe paffoit à la Ville . Dés
le lendemain il donna de fes nouvelles
à fa Veuve , qui avoit paffé
une tres - méchante nuit ; car elle
206 Extraordinaire
il ne vint à
apprehendoit que l'affaire qui
eftoit arrivée éloignant d'elle
fon cher Amant
l'oublier , fa Lettre la remit un
peu. Elle luy fit auffi - toſt réponſe
, & luy apprit que les bleffures
d'Alcidon n'eftoient pas
mortelles , mais qu'il fe tinft toújours
caché , parce qu'on faifoit
des pourfuites contre luy , & qu'
encore que fon affaire ne fuſt
pas fort criminelle de s'eftre défendu
contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer ; neanmoins
comme les parens de fon
Rival eftoient ſes Juges , ils luy
auroient fait garder long- temps
la Priſon . Pendant leur com-
>
merce lors qu'Alcidon eftoit
encore au lit , le Frere de Cloris ,
qui comme j'ay déja dit , eſtoit
du
Mercure Galant. .207
fon intime Amy , alla la trouver,
& aprés luy avoir reproché la
conduite , & le peu d'honneur
qu'elle avoit de s'attacher à un
Homme qu'elle ne connoiffoit
pas , il finit en luy difant qu'il ne
la reverroit jamais , fi elle ne
luy promettoit d'oublier Lycidas
, & d'époufer Alcidon fi - toft
qu'il feroit guery. Ces menaces
Fallarmérent un peu , mais comme
elle croyoit eftre Maiſtreffe
d'elle mefme , elle réfolut d'é
couter toûjours les mouvemens
de fon coeur. On travailloit cependant
au procez de l'Amant
abfent , & elle apprehendoit plus
de le perdre par ce moyen , que
par aucun autre , car le bruit
couroit qu'on le banniroit à jamais
de la Ville . La crainte qu'
208 .
Extraordinaire
elle en eut , & les preffantes fol
licitations de fes Amies qui la
prioient de promettre d'époufer
Alcidon , en luy difant que le
temps pourroit apporter du chan.
gement à fes affaires , jointes à la
paffion qu'elle avoit de revoir ce
qu'elle aimoit le plus au monde,
fut caufe qu'elle promit tout ce
qu'on voulut , mais fans deffein
de tenir parole , à condition
qu'on feroit ceffer toutes fortes
de pourfuites contre Lycidas , &
qu'on le raccommoderoit avec
Alcidon. Quand ce malheureux
Amant eut appris ce qui
avoit efté arrefté , quoy qu'il euft
des raifons fecrettes , & qu'on
apprendra dans la fuite , de n'ê .
tre pas tant allarmé de la voir la
Femme d'un autre , il ne laiffa
du Mercure Galant, 209
pas de faire mille plaintes contie
elle ; car il ignoroit fes veritables
deffeins , il l'accufa d'infidelité &
d'inconftance , & quoy que peu
aprés elle luy mandaft que ce
qu'elle en avoit fait , eftoit afin
de terminer le procez qu'il avoit
avec Alcidon ; neanmoins il revint
à la Ville avec un chagrin
qu'il ne put s'empefcher de témoigner
à Cloris. Aprés s'eftre
déclaré l'un à l'autre la joye
qu'ils avoient de fe revoir , elle
luy confirma de bouche que la
parole qu'elle avoit donnée d'époofer
Alcidon , ne luy devoit
rien faire apprehender ; qu'il fçavoir
ce qu'elle luy avoit propofé
plufieurs fois ; qu'il ne tenoit
qu'à luy qu'elle ne devinft fa
Femme & que leur Mariage
Q. deFanvier 1685.
S
210 Extraordinaire
ofteroit à íon Rival toute forte
d'efpérance. Le mot de Mariage
allarmoit Lycidas , & Cloris.
ne pouvoit comprendre pourquoy
; Car enfin , difoit - elle en
elle-mefme lors qu'il l'eut quittée
, s'il m'aime veritablement
comme il me le veut perſuader,
& comme je n'ay pas de peine à
le croire , Qu'elle difficulté fait
il de m'épouter ? Quelle raiion
peut- il avoir à Je rifque bien da
vantage , moy qui ne connoift
que fa Perfonne , & qui en fais
choix contre l'avis & le confentement
de tous mes proches. Il
eft vray que je fuis maiftreffe de
moy ; mais enfin s'il arrive queje
découvre un jour que Lycidas
eft un Homme qui n'a ny biens.
py naiffance , avec toute la bondu
Mercure Galant. 211
ne mine que je luy trouve , quel
le confufion auray- je de l'avoirpréféré
àune Perfonne dont tous
tes les qualitez me font connuës?
Cependant Alcidon guery ,
preffoit de s'acquitter de la parole
qu'elle luy avoit donnée , &
elle trouvoit un grand fujet d'embarras
entre un Amant dont elle
eftoit aimée , mais qu'elle n'ai.
moit point , qui la follicitoit de
l'époufer , & un autre qu'elle aimoit
& dont elle eftoit aimée,,
qui refufoit d'eftre fon Mary,
fans luy en donner aucune bon
ne raifon , Enfin ſe trouvantper
fecutée par Alcidon , par fes Parens
& par fes Amies , & voyant
que Lycidas refufoit de faire ce
quelle fouhaitoit , elle prit réfo
lution de prendre le party qu'el
Sij
212 Extraordinaire
le auroit le moins fouhaité , qui
eftoit d'époufer celuy qu'elle
n'aimoit pas ; le Contract fut
dreffé , les Articles fignez , les
habits de Nopces faits , le jour
pris pour la cérémonie. Lycidas
fe voyant alors fi prés de perdre
pour jamais celle qu'il aimoit
avec tant de paſion , ſe réſolut à
faire ce qu'il n'auroit jamais ofé
penfer, I alla trouver Cloris,
& aprés luy avoir reproché l'em.
preffement qu'elle avoit de fe
jetter entre les bras d'un autre,
il luy dit que fi elle eftoit toû
jours la mefme , il eftoit dans le
deffein de faire tout ce qu'elle
voudroit. Ces paroles , la comblérent
de joye , & quoy que.
l'engagement qu'elle avoit avec
Alcidon fuft fi confidérable , elle
du Mercure Galand. 213
ne fut pas un moment à balancer.
de le rompre , la difficulté eftoit
d'en trouver les moyens. Ils réfolurent
qu'elle feroit quelque
temps la malade , & que cependapt
ils verroient quelles mefures
ils auroient à prendre. Alci
don attribua ce retardement à
une veritable indifpofition. Il ne
crut pas qu'en eftant venus fi
avant , elle euft voulu fe dédire.
Il continua fes affiduitez auprés
d'elle , mais comme elle s'en
trouvoit embarraffée , parce que
cela empefchoit Lycidas de ve.
nir la voir , elle prit le party de fe
retirer à la Campagne , fous prétexte
d'aller prendre l'air. Lycidas
alla la trouver accompagné
d'une Amie de Cloris , & là ils
s'épouférent fans aucune ceré
214
Extraordinaire's
monie. Alcidon en ayant appris
la nouvelle , s'emporta beaucoup
au commencement contr'eux.
Il eut plufieurs fois la penfée de
s'aller battre encore une fois con
tre Lycidas , mais eftant revenu
de fon premier emportement,
fes Amis luy firent comprendre
qu'il n'auroit jamais eu aucune
fatisfaction d'époufer une Fem
me qui avoit difpofe de fon cocur
en faveur d'un autre. Sa colere
diminua peu à peu , & comme il
n'eftoit pas témoin de leur prés
tendu bonheur , il luy fat plus.
facile de fe confoler. Il en eut
un plus grand fujet cinq ou fix
jours aprés , lors qu'il apprit que·
Cloris avoit fait arrefter Lycidas
prifonnier , qui l'ayant recher
chée depuis tant de temps , &
du Mercure Galant.
218
=
ayant toûjours paffé pour un
Homme , avoit efté enfin contrainte
de luy avouer que ce n'étoit
qu'une fille qu'elle avoit
épousée . Elle luy dit que dés la
premiere fois qu'elle la vit à cet.
te Affemblée , dont nous avons
parlé , elle devint éperduëment
amoureuſe de fes belles qualitez ,
fans fonger où cette paffion la
devoit porter ; que la feule crainte
qu'elle avoit euë de la voir la
Femme d'un autre , l'avoit fait
réfoudre de fe marier avec elle,
pour ſe conſerver l'amitié qu'elle
luy portoit , & qu'un Mary luy
auroit apparemment fait perdre.
Cloris que ces raifons ne pou
voient fatisfaire , la remit entre
les mains de la Justice ; & on at
tend avec impatience ce qu'elle
2.16
Extraordinaire
ordonnera pour un tel crime
Cependant elle s'eft retirée dans
un Convent , où felon toutes les
apparences elle doit demeurer le
refte de les jours , aprés un acci
dent pareil à celuy qui luy eſt
arrivé.
m'a mis entre les mains l' Hiftoire dont
je vay vousfaire part . Je la laiffe dans
les mefmestermes que je l'ayreceuë.
190
Extraordinaire
255 :22222 2522 : 2222
L'AMOUR BIZARRE
HISTOIRE VERITABLE.
L
'Amour fe plaift ſouvent ài
faire voir fa bizarrerie auffi
bien que fa puiffance . Dans la
Capitale d'une des meilleures-
Provinces du Royaume , demeu
roit une jeune Veuve , bellë , ri .
che , noble , & mefine qui paf
foit pour fort fpirituelle. Il n'eft
pas difficile de s'imaginer qu'avec
toutes ces bonnes qualitez ,.
elle ne manquoit pas d'Adorateurs.
Elle avoit tous les jours.
chez elle ce qu'on appelle le
beau Monde d'une Ville , & quoy
di Mercure Galant: 1971
qu'elle euft témoigné qu'elle n'avoit
aucune inclination pour un
fecond Mariage , on ne laiffoit
pas neanmoins de luy propofer
toûjours quelque nouveau Par.
ty. La joye qu'elle avoit de fe
voir maîtreffe d'elle- même ,aprés
avoir obeï à un Homme , qu'on
dit qu'elle n'avoit épousé que
pour obeïr à fes Parens , luy avoit
fair prendre la refolution de demeurerVeuvele
refte de fes jours .
Elle ne pouvoir pourtant honneftement
refufer les vifites de ceux
que fon efprit & fa beauté luy
attiroient , mais c'eftoit à condi
rion qu'on ne luy parleroit poin
d'amour , ce qu'on obfervoit fort
malcar il eftoit difficile de la
voir fans l'aimer , & tous les Amans
n'ont pas affez de retenue
192 Extraordinaire
Le pour ne fe point déclarer.
grand deuil eftant paffé , car il y
avoit déja plus d'un an qu'elle
avoit perdu fon Mary , elle commença
à vivre avec un peu plus de
liberté qu'elle n'avoit fait depuis.
fa mort , & entra dans tous ces
petits plaifirs innocens , qui font
l'occupation de la vie . On luy
propofoit tous lesjours de nouvelles
parties de divertiffement,
& comme l'on eftoit alors dans
la faifon du Carnaval , on la fol.-
licita plufieurs fois pourla mener
aux Affemblées qui fe faifoient
chez les Principaux de la Ville,
où aprés les Repas qu'ils fe don
noient les uns aux autres , chacun
à leur tour , on faifoit venir les
Violons , & on paffoit agreable..
ment une partie de la nuit à dan
CCE
du Mercure Galant.
193
fer. Comme elle croyoit qu'elle
ne devoit pas encore prendre
part à ces fortes de plaifirs , elle
s'eftoit toûjours défenduë d'y aller.
Enfin un jour que c'eftoit
à un Frere qu'elle avoit à donner
le regale , fes Amies la follicite
rent fi fortement , & fon Frere
luy fit fi bien comprendre qu'elle
ne blefferoit point fon devoir , &
que cela ne tireroit à aucune
confequence , qu'elle luy promit
de s'y trouver. L'Affemblée fut
ce foir là nombreuſe & magnifique.
Je ne m'arrefteray point à
décrire la fomptuofité du Feftin,
ny la propreté de la Salle où il
fe fit. Il luffit de fçavoir que les
plus délicats fur cette matiere eurent
affez dequoy fe contenter.
Aprés le repas on paffa dans une
2. deJanvier 1685. R
ད
194
Extraordinaire
autre Salle qu'on trouva riche
ment meublée , & éclairée par
une grande quantité de lumieres.
Le Bal commença pour lors , &
pendant que les uns danfoient,
les autres s'entretenoient avec les
Perfonnes qui leur plaifoient le
plus . On fait que c'est là que
les Amans ont droit de fe plaindre
des peines que l'Amour leur
fait fouffrir & que ceux qui
n'ont aucune veritable paffion
pour le beau Sexe , ne laiffènt pas
de vouloir paroiftre amoureux ;
Les Galants en conterent beau
coup , & les Belles furent obli
gées d'en écouter autant. Cependant
il y avoit des Perfonnes
qui fouffroient effectivement , &
a jeune Veuve avoit donné de
'amour à plufieurs qui s'emprefdu
Mercure Galant . 195
C
foient à l'envy l'un de l'autre , de
luy perfuader la forte paffion
qu'ils fentoient pour elle. Elle
lès écoutoit tous indifferemment,
& leur témoignoit que l'Amour
n'auroit jamais aucun pouvoir ſur
fon coeur ; mais il luy fit bientoft
connoiftre qu'on ne le méprife
guere impunément ; car
un jeune Cavalier fort propre
qui n'avoit point efté du repas,
l'eftant venu prendre pour danfer
, elle reffentit à ſon abord ce
certain je ne fçay quoy qui ne fe
peut expliquer. Quand elle fut
revenue à fa place , ce mefme
Cavalier vint le mettre à fes genoux,
& avec un air engageant &
des manieres honneſtes & refpe-
& ueuſes , il luy jura plufieurs fois
qu'il n'avoit jamais veu une plus
Rij
196 Extraordinaire
belle Perfonne . Elle luy répon
doit comme à tous les autres,
quoy qu'elle commençaſt déja
de le confiderer d'une autre maniere.
En effet , on remarqua
qu'elle l'examinoit attentivement
, qu'elle luy addreffoit la
parole plus fouvent qu'aux autres
fur tout ce qui fe paffoit
dans la Salle & mefme un
Homme qui l'aimoit effectivement
beaucoup , ne put s'empef
cher de luy en faire la guerre.
Dans la converfation ce Cavalier
luy dit , que puis qu'il avoit
efté affez heureux de voir une
auffi aimable Perfonne , il luy
demandoit la permiffion d'aller
chez elle luy rendre ce que tout
le monde luy devoit , & l'affeurer
que fa plus grande paffion fedu
Mercure Galant. 197
1
roit d'eftre capable de luy pou
voir rendre quelque fervice. Le
Bal finy , la Compagnie fe fepara
, & la Veuve fortit un peu
émeuë , par la veuë de l'Inconnu
, qui de fon coſté avoit
paru avoir beaucoup de difpofition
à l'aimer. Deux jours aprés
elle fut furpriſe de le voir venir
chez elle . Ils eurent enfemble
un entretien plus, reglé , & apres
avoir parlé de l'occafion de leur
connoiffance , elle s'informa s'it
eftoit de la Province , & par quel
hazard il s'eftoit trouvé à cette
Affemblée . Il répondit à toutes
fes demandes & luy dit qu'il
s'appelloit Lycidas , qu'il demeu
roit ordinairement à une Terre
qu'il avoit à la Campagne , que
quelques affaires d'affez peu de
R iij
Extraordinaire
Conféquence l'avoient attiré à la ·
Ville , mais qu'il s'en faifoit alors
une fort grade d'y demeurer pour
achever de faire connoiffance
avec une Perfonne , à laquelle il
avoit reconnu tant d'efprit &
tant de merite. Ces paroles flatoientagréablement
Cloris , ainfi
s'appelloit la Veuve qui s'eftoit
un peu laiffée toucher par la
bonne mine de Lycidas , & qui
fouhaitoit dans fon coeur que ce
fuft un homme d'une condition
proportionnée à la fienne , car
elle commençoit déja de quiter la
refolution qu'elle fembloit avoir
priſe de demeurer Veuve . Il fit fa
vifite un peu plus longue que ne le
font ordinairement
les premieres ,
& revint la voir dés le lende .
main . Ces deux vifites , & la
GOTHEQUE
TELA
VILLELYON
13
du Mercure Galant.
maniere dont on recevoit
nouveau venu , allarmérent un
peu les foupirans ordinaires . Il
y en eut un entr'autres qu'on appelloit
Alcidon , intime Amy du
Frére de Cloris qui ne put s'empefcher
de luy témoigner qu'il
s'appercevoit qu'elle avoit plus
d'empreffement de voir cét
Homme , que tous ceux qui alloient
chez elle . Comme il l'ai
moit fortement , la jalousie luy
faifoit penetrer jufques dans le
coeur de la Maiftreffe. I luy
avoit fouvent déclaré fa paffion ,
& avoit fait agir fon Frere pour
porter à l'époufer ; mais comla
me elle luy avoit dit qu'elle n'avoit
aucun deffein de fe remarier
, les chofes en eftoient demeurées
là , & Alcidon qui ne
R iiij
200 Extraordinaire
s'eftoit pû défaire de fon amour,
continuoit à la voir tous les jours
affiduëment. Jufques alors Cloris
n'avoit point trouvé ſes viſites
incommodes ; car ne
manquant
pas d'efprit , il fervoit chez elle à
rendre les
converfations plus
agréables ; mais depuis qu'elle
eut connu Lycidas , elle euft fort
fouhaité ne plus voir.que luy.
Ces deux Rivaux fe trouvant
tous les jours enfemble , ne pouvoient
s'empefcher de fe contredire
fur tous les fujets dont on ye.
noit à parler. Ils ne s'accordoient
qu'en une feule chofe , qui
eftoit de trouver Cloris la plus
charmante
Perfonne qu'on puft
voir. Ces petites difputes la chagrinoient
un peu , & comme elle
en apprehendoit
les fuites , elle
du Mercure Galant. 201
voulut un jour entretenir Alcidon
en particulier . Elle l'affeura
plus fortement que jamais , que
fa recherche eftoit inutile ; qu'-
elle avoit pris fa réfolution ; qu'-
elle luy confeilloit de ne plus
perdre tant de temps à venir
chez elle ; & qu'unauffi honnefte
Homme que luy , pouvoit mieux
l'employer auprés d'une autre,
qui auroit peut- eftre plus de difpofition
à reconnoiftre l'honneur
qu'il luy vouloit faire . Vous
pouvez pepfer que ces raifons ne
firent pas grande impreffion fur
l'efprit d'un Homme auffi amoureux
qu'Alcidon . Auffi cut- il
toûjours le mefme empreffement
de la voir. Le difcours qu'elle
luy avoir tenu ne fervit qu'à luy
faire examiner davantage toutes
202 Extraordinaire
4
Sa
fes actions , & il creut remarquer
qu'elle avoit beaucoup plus d'inclination
pour Lycidas , que
pour tous ceux qui la recherchoient
depuis long- temps. En
effet , il ne fe trompoit pas.
bonne mine avoit tellement touché
le coeur de la Veuve , qu'elle
luy avoit déja fait parler de
Mariage , par une Amie qui faci.
litoit le commerce qu'ils avoient
enfemble ; mais il luy avoit fait
dire qu'il avoit alors des raifons
qui l'empefchoient de devenir le
plus heureux Homme du mon
de , en poffedant celle qu'il ai
moit plus que fa vie . Cela ne fit
qu'augmenter l'Amour de la
Veuve , & un jour qu'elle luy
parla elle mefme fur cette matiere
croyant ne pouvoir eftre -•
du Mercure Galant . 203
>
entendue de perfonne , Alcidon
qui eftoit dans l'Antichambre,
& qui par quelques mots de leur
converfation , devina à peu prés
ce que c'eftoit , entra brufquement
dans le lieu où ils eftoient ,
& reprocha à Cloris l'injuftice
qu'elle luy faifoit de luy préferer
un nouveau venu un Homme
qu'elle ne connoiffoit pas , dont
elle ignoroit & les biens & la
naiffance , & il dit mefme quelques
paroles un peu faſcheufes à
Lycidas , qui n'eftant pas accou
tumé à rien fouffrir , luy répondit
auffi un peu aigrement. Ils alloient
s'échauffer , & ils fe feroient dit
peut - eftre quelque chofe de plus
choquant , fans une Dame de
confideration qui arriva affez à
propos. Cette Dame ayant fait
204
Extraordinaire
Alcidon changer le difcours
fortit un peu aprés avec le reffentiment
d'avoir appris que fon
Rival luy eftoit préferé. Il fe
promena quelque temps autour
de la Maiſon de Cloris , comme
pour fonger à ce qu'il avoit à fai
re , & lors qu'il vit fortir Lycidas
, il courut droit à luy , & mettant
l'épée à la main . Tu as eu,
luy dit-il , trop de facilité à ga.
gner le coeur de ta Maiftreffe ,
tu ne l'eftimeras pas affez s'il ne
t'en coûte quelques gouttes de
fang , puis qu'il ne t'en a point
coûté de larmes. Lycidas fe vit
obligé de fe défendre , & on ne
put les feparer fi toft , qu'Alcidon
n'euft déja receu deux coups
d'épée , dont l'on crut alors l'un
qui eftoit au cofté allez dangedu
Mercure Galant. 205
reux , Lycidas prévoyant que ce
combat luy alloit attirer de fâ.
cheufes affaires , dans une Ville
dont les principaux eftoient tous
proches parens d'Alcidon crut
qu'il eftoit à propos d'en fortir.
Il monta à Cheval , aprés avoir
écrit un Billet à Cloris dans le
' quel il s'excufoit de ce qui s'é
toit paffé , fur la neceffité de fe
défendre contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer en furieux,
& la prioit de fe fouvenir de luy ,
l'affeurant qu'il n'aimeroit jamais
perfonne qu'elle . Il fe retira à la
Campagne chez un de fes Amis,
par le moyen duquel il fceut tout
ce qui fe paffoit à la Ville . Dés
le lendemain il donna de fes nouvelles
à fa Veuve , qui avoit paffé
une tres - méchante nuit ; car elle
206 Extraordinaire
il ne vint à
apprehendoit que l'affaire qui
eftoit arrivée éloignant d'elle
fon cher Amant
l'oublier , fa Lettre la remit un
peu. Elle luy fit auffi - toſt réponſe
, & luy apprit que les bleffures
d'Alcidon n'eftoient pas
mortelles , mais qu'il fe tinft toújours
caché , parce qu'on faifoit
des pourfuites contre luy , & qu'
encore que fon affaire ne fuſt
pas fort criminelle de s'eftre défendu
contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer ; neanmoins
comme les parens de fon
Rival eftoient ſes Juges , ils luy
auroient fait garder long- temps
la Priſon . Pendant leur com-
>
merce lors qu'Alcidon eftoit
encore au lit , le Frere de Cloris ,
qui comme j'ay déja dit , eſtoit
du
Mercure Galant. .207
fon intime Amy , alla la trouver,
& aprés luy avoir reproché la
conduite , & le peu d'honneur
qu'elle avoit de s'attacher à un
Homme qu'elle ne connoiffoit
pas , il finit en luy difant qu'il ne
la reverroit jamais , fi elle ne
luy promettoit d'oublier Lycidas
, & d'époufer Alcidon fi - toft
qu'il feroit guery. Ces menaces
Fallarmérent un peu , mais comme
elle croyoit eftre Maiſtreffe
d'elle mefme , elle réfolut d'é
couter toûjours les mouvemens
de fon coeur. On travailloit cependant
au procez de l'Amant
abfent , & elle apprehendoit plus
de le perdre par ce moyen , que
par aucun autre , car le bruit
couroit qu'on le banniroit à jamais
de la Ville . La crainte qu'
208 .
Extraordinaire
elle en eut , & les preffantes fol
licitations de fes Amies qui la
prioient de promettre d'époufer
Alcidon , en luy difant que le
temps pourroit apporter du chan.
gement à fes affaires , jointes à la
paffion qu'elle avoit de revoir ce
qu'elle aimoit le plus au monde,
fut caufe qu'elle promit tout ce
qu'on voulut , mais fans deffein
de tenir parole , à condition
qu'on feroit ceffer toutes fortes
de pourfuites contre Lycidas , &
qu'on le raccommoderoit avec
Alcidon. Quand ce malheureux
Amant eut appris ce qui
avoit efté arrefté , quoy qu'il euft
des raifons fecrettes , & qu'on
apprendra dans la fuite , de n'ê .
tre pas tant allarmé de la voir la
Femme d'un autre , il ne laiffa
du Mercure Galant, 209
pas de faire mille plaintes contie
elle ; car il ignoroit fes veritables
deffeins , il l'accufa d'infidelité &
d'inconftance , & quoy que peu
aprés elle luy mandaft que ce
qu'elle en avoit fait , eftoit afin
de terminer le procez qu'il avoit
avec Alcidon ; neanmoins il revint
à la Ville avec un chagrin
qu'il ne put s'empefcher de témoigner
à Cloris. Aprés s'eftre
déclaré l'un à l'autre la joye
qu'ils avoient de fe revoir , elle
luy confirma de bouche que la
parole qu'elle avoit donnée d'époofer
Alcidon , ne luy devoit
rien faire apprehender ; qu'il fçavoir
ce qu'elle luy avoit propofé
plufieurs fois ; qu'il ne tenoit
qu'à luy qu'elle ne devinft fa
Femme & que leur Mariage
Q. deFanvier 1685.
S
210 Extraordinaire
ofteroit à íon Rival toute forte
d'efpérance. Le mot de Mariage
allarmoit Lycidas , & Cloris.
ne pouvoit comprendre pourquoy
; Car enfin , difoit - elle en
elle-mefme lors qu'il l'eut quittée
, s'il m'aime veritablement
comme il me le veut perſuader,
& comme je n'ay pas de peine à
le croire , Qu'elle difficulté fait
il de m'épouter ? Quelle raiion
peut- il avoir à Je rifque bien da
vantage , moy qui ne connoift
que fa Perfonne , & qui en fais
choix contre l'avis & le confentement
de tous mes proches. Il
eft vray que je fuis maiftreffe de
moy ; mais enfin s'il arrive queje
découvre un jour que Lycidas
eft un Homme qui n'a ny biens.
py naiffance , avec toute la bondu
Mercure Galant. 211
ne mine que je luy trouve , quel
le confufion auray- je de l'avoirpréféré
àune Perfonne dont tous
tes les qualitez me font connuës?
Cependant Alcidon guery ,
preffoit de s'acquitter de la parole
qu'elle luy avoit donnée , &
elle trouvoit un grand fujet d'embarras
entre un Amant dont elle
eftoit aimée , mais qu'elle n'ai.
moit point , qui la follicitoit de
l'époufer , & un autre qu'elle aimoit
& dont elle eftoit aimée,,
qui refufoit d'eftre fon Mary,
fans luy en donner aucune bon
ne raifon , Enfin ſe trouvantper
fecutée par Alcidon , par fes Parens
& par fes Amies , & voyant
que Lycidas refufoit de faire ce
quelle fouhaitoit , elle prit réfo
lution de prendre le party qu'el
Sij
212 Extraordinaire
le auroit le moins fouhaité , qui
eftoit d'époufer celuy qu'elle
n'aimoit pas ; le Contract fut
dreffé , les Articles fignez , les
habits de Nopces faits , le jour
pris pour la cérémonie. Lycidas
fe voyant alors fi prés de perdre
pour jamais celle qu'il aimoit
avec tant de paſion , ſe réſolut à
faire ce qu'il n'auroit jamais ofé
penfer, I alla trouver Cloris,
& aprés luy avoir reproché l'em.
preffement qu'elle avoit de fe
jetter entre les bras d'un autre,
il luy dit que fi elle eftoit toû
jours la mefme , il eftoit dans le
deffein de faire tout ce qu'elle
voudroit. Ces paroles , la comblérent
de joye , & quoy que.
l'engagement qu'elle avoit avec
Alcidon fuft fi confidérable , elle
du Mercure Galand. 213
ne fut pas un moment à balancer.
de le rompre , la difficulté eftoit
d'en trouver les moyens. Ils réfolurent
qu'elle feroit quelque
temps la malade , & que cependapt
ils verroient quelles mefures
ils auroient à prendre. Alci
don attribua ce retardement à
une veritable indifpofition. Il ne
crut pas qu'en eftant venus fi
avant , elle euft voulu fe dédire.
Il continua fes affiduitez auprés
d'elle , mais comme elle s'en
trouvoit embarraffée , parce que
cela empefchoit Lycidas de ve.
nir la voir , elle prit le party de fe
retirer à la Campagne , fous prétexte
d'aller prendre l'air. Lycidas
alla la trouver accompagné
d'une Amie de Cloris , & là ils
s'épouférent fans aucune ceré
214
Extraordinaire's
monie. Alcidon en ayant appris
la nouvelle , s'emporta beaucoup
au commencement contr'eux.
Il eut plufieurs fois la penfée de
s'aller battre encore une fois con
tre Lycidas , mais eftant revenu
de fon premier emportement,
fes Amis luy firent comprendre
qu'il n'auroit jamais eu aucune
fatisfaction d'époufer une Fem
me qui avoit difpofe de fon cocur
en faveur d'un autre. Sa colere
diminua peu à peu , & comme il
n'eftoit pas témoin de leur prés
tendu bonheur , il luy fat plus.
facile de fe confoler. Il en eut
un plus grand fujet cinq ou fix
jours aprés , lors qu'il apprit que·
Cloris avoit fait arrefter Lycidas
prifonnier , qui l'ayant recher
chée depuis tant de temps , &
du Mercure Galant.
218
=
ayant toûjours paffé pour un
Homme , avoit efté enfin contrainte
de luy avouer que ce n'étoit
qu'une fille qu'elle avoit
épousée . Elle luy dit que dés la
premiere fois qu'elle la vit à cet.
te Affemblée , dont nous avons
parlé , elle devint éperduëment
amoureuſe de fes belles qualitez ,
fans fonger où cette paffion la
devoit porter ; que la feule crainte
qu'elle avoit euë de la voir la
Femme d'un autre , l'avoit fait
réfoudre de fe marier avec elle,
pour ſe conſerver l'amitié qu'elle
luy portoit , & qu'un Mary luy
auroit apparemment fait perdre.
Cloris que ces raifons ne pou
voient fatisfaire , la remit entre
les mains de la Justice ; & on at
tend avec impatience ce qu'elle
2.16
Extraordinaire
ordonnera pour un tel crime
Cependant elle s'eft retirée dans
un Convent , où felon toutes les
apparences elle doit demeurer le
refte de les jours , aprés un acci
dent pareil à celuy qui luy eſt
arrivé.
Fermer
Résumé : L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Le texte narre une histoire d'amour complexe impliquant une jeune veuve noble et riche, résidant dans une capitale provinciale. Cette veuve, connue pour son esprit et sa beauté, attire de nombreux admirateurs malgré sa déclaration de ne pas vouloir se remarier. Elle accepte les visites de ces hommes à condition qu'ils ne lui parlent pas d'amour. Lors d'une assemblée carnavalesque, un jeune cavalier nommé Lycidas attire son attention. Après avoir dansé avec elle, Lycidas exprime son admiration et obtient la permission de lui rendre visite. Ses visites fréquentes suscitent la jalousie d'Alcidon, un autre admirateur de la veuve et ami intime de son frère. La veuve, nommée Cloris, avoue à Alcidon qu'elle préfère Lycidas. Alcidon, jaloux et blessé, provoque Lycidas en duel. Lycidas, blessé, quitte la ville pour éviter des ennuis judiciaires, car les parents d'Alcidon sont influents. Cloris, inquiète pour Lycidas, lui écrit pour le rassurer sur l'état d'Alcidon. Pendant ce temps, le frère de Cloris menace de ne plus la voir si elle n'épouse pas Alcidon. Cloris accepte de se marier avec Alcidon pour protéger Lycidas et mettre fin au procès, mais informe Lycidas de ses véritables intentions. Lycidas, ignorant ses motivations, est accablé de chagrin. Cloris, malgré son amour pour Lycidas, se trouve pressée par Alcidon, ses parents et ses amies de respecter sa promesse. Elle finit par décider d'épouser Alcidon, mais Lycidas, réalisant qu'il risque de perdre Cloris, accepte finalement de se marier avec elle. Ils se marient secrètement à la campagne. Alcidon, apprenant la nouvelle, est d'abord furieux mais finit par se consoler. Quelques jours plus tard, Cloris révèle à Alcidon que Lycidas est en réalité une femme. Choqué, Alcidon apprend que Cloris a fait arrêter Lycidas. Cloris, insatisfaite des explications de Lycidas, la remet à la justice. Lycidas se retire ensuite dans un couvent, où elle est destinée à passer le reste de ses jours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
29
p. 236-237
PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Début :
Se broüiller quelques fois avec l'Objet qu'on aime, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Amant, Fidélité, Engagement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
PLAISIRS D'UN AMANT..
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
Fermer
Résumé : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Le sonnet 'PLAISIRS D'UN AMANT' décrit un amant qui alterne entre brouilles et réconciliations avec sa bien-aimée. Il feint des changements d'humeur et utilise l'ivresse pour paraître infidèle. Extérieurement indifférent, il cache un ardent désir pour Cloris. Son objectif est de tromper les apparences et de révéler sa souffrance à travers autrui. Ces actions représentent les plaisirs les plus doux de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
30
p. 242-254
SONGE D'ARISTE. A PHILEMON. Sur le Projet de la Médaille de BEL ESPRIT.
Début :
Je ne me souviens point Philemon, d'avoir fait de Songe [...]
Mots clefs :
Duc, Songe, Dames, Maison de campagne, Nature, Savants, Tragédie, Bel esprit, Âme, Émotions, Coeur, Auteurs, Médaille, Ouvrages, Honneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SONGE D'ARISTE. A PHILEMON. Sur le Projet de la Médaille de BEL ESPRIT.
SONGE D'ARISTE .
I
A PHILEMON.
Sur le Projet de la Médaille de
- BEL ESPRIT.
E ne me fouviens point Philemon
, d'avoir fait de Songe
plus agréable , que celuy que je
fis l'année derniere à .... Mai.
fon de Plaisance de M' le Duc
de .... éloignée de Paris de cinq
lieuës . Le recit en a paru fi nouveau
& fi fingulier , que je me fuis
trouvé engagé d'en faire plufieurs
Copies , pour fatisfaire les
Dames fçavantes que vous connoiffez.
du Mercure Galant.
243
La Saifon ne pouvoit eftre alors
plus agréable pour paffer quelque
temps à la Campagne , ny
le lieu où je me trouvois plus délicieux
pour en joüir. La Maifon
de ce Duc eft baftie fur une
éminence. Il y a des Jardins, des
Bois , des Plaines & des Colines,
& cette forte de décoration ne
peut eftre plus belle , parce qu'
elle ne peut eftre plus diverfifiée.
Elle prefente tantoft toutes ces
chofes enſemble à la veuë &
tantoft en particulier , & avec
tant de plaifir , que la veuë mef
me en demeure quelquefois confuſe
, ne fçachant de quelle maniere
elle doit fe divertir le plus .
Entre les beautez de cette Maifon
, on compte de tres- grandes
décentes d'efcalier , ornées de
X ij
244
Extraordinaire
baluftres , qui fe détachant ma
jeftueufement de ce Bâtiment fuperbe
, par un double rang , dé
cendent par une grande longueur
de chemin , prefque jufqu'au
bord de la Seine , qui en
ferpentant doucement , s'écoule
dans la Plaine , & par une fuite
affez lente , & par plufieurs détours
va agréablement chercher
fon lit. Comme il y a plufieurs
terraffes les unes fur les autres , les
veuës y font fi belles & fi étéduës,
que plufieurs fois elles font au
delà de la portée de la veuë même
& les dernieres femblent toûjours
eftre plus agreables & plus
charmantes que les premieres.
C'eft dans ce fejour enchanté que
j'ay fait le Songe dont vous allez
lire le recit.
du Mercure Galant.
245
peut
Je m'imaginay entendre plu
fieurs Sçavans qui difputoient enfemble
fur la connoiffance des
veritables beautez de la Tragedie.
On difoit
que ce n'eftoit pas affez
que la Tragédie fe fervift des avantures
les plus touchantes , & les
plus terribles que l'Histoire
fournir , pour exciter dans le
coeur les mouvemens qu'elle prétend
, afin de guerir l'efprit des
vaines frayeurs , qui font capables
de le troubler , & des fottes
compaffions qui le peuvent amolir.
Il faut encore , difoit on,
que le Poëte mette en ufage ces
grands objets de terreur & de pitié
, comme les deux plus puiffans
refforts qu'ait l'Art pour pro
duire le plaifir que peut donner
la Tragedie , & ce plaifir qui eft
"
X iij
246
Extraordinaire
proprement celuy de l'efprit ,
confifte dans l'agitation de l'ame
émeuë par les paffions . La Tragédie
ne devient agréable au
Spectateur , que parce qu'il de.
vient luy-mefme fenfible à tout
ce qu'on luy repréfente ; qu'il entre
dans tous les differens fentimens
des Acteurs ; qu'il s'intereſ
fe dans leurs avantures ; qu'il
craint & qu'il efpére ; qu'il s'afflige
, & qu'il fe réjoüit avec eux .
Le Theatre eft froid & languiffant
dés qu'il ceffe de produire
ces mouvemens dans l'ame des
Spectateurs , mais comme de toutes
les paffions la crainte & la pitié
font celles qui font de plus
grandes impreffions fur le coeur
de l'Homme , par la difpofition
naturelle qu'il à à s'épouvanter
du Mercure Galant. 247
> & à s'attendrir Ariftote les a
choifies entre les autres pour tou
cher davantage les efprits , par
ces fentimens tendres qu'elles
caufent quand le coeur s'en laiffe
penétrer. En effet , dés que l'ame
eft ébranlée par des mouvemens
fi naturels & fi humains,
toutes les impreffions qu'elle reffent
luy deviennent agréables.
Son trouble luy plaift , & ce qu'-
elle.reffent d'émotion , eft pour
elle une espéce de charme qui la
jette dans une douce & profonde
réverie , & qui la fait entrer infenfiblement
dans tous les intérefts
qui jouent fur le Theatre.
C'est alors que le coeur s'abandonne
à tous les objets qu'on luy
propofe , que toutes les Images
le frappent , qu'il époufe tous les
X iiij
248
Extraordinaire
fentimens de tous ceux qui parlent
, & qu'il devient fufceptible
de toutes les paffions qu'on luy
montre , parce qu'il eft émeu , &
c'eſt dans cette émotion que confifte
tout le plaifir qu'on eft capable
de recevoir en voyant repréfenter
une Tragédie , car l'efprit
de l'Homme fe plaift aux mouvemens
differens que luy caufent
les differens objets , & les diver-
Les paffions qu'on luy expofe.
C'eſt par cét Art admirable que
L'Oedipe de Sophocle ( dont Ariftote
parle toûjours comme du
modelle le plus achevé de la Tragedie
) faifoit de fi grands effets
fur le Peuple d'Athénes lors
qu'on le repréfentoit , & ce n'eft
pas fans raifon que.... Ces régles
& ces remarques font fort juſtes,
du Mercure Galant. 249
1
;
mais
interrompit quelqu'un de la
Compagnie , & l'exemple d'Oe.
dipe eft tout à fait beau
tout le Monde ne peut pas porter
la gloire de la compofition auffi
haut que les illuftres Corneilles
& Racine. Il eft quantité de jeu
nes. Autheurs & de Plumes naiffantes
, qui n'afpirent pas à la
gloire de Virgile ny d'Horace ,
mais cependant chacun d'eux a
fon talent different , & fon merite
particulier , & quoy que plu .
Leurs.Perfonnes n'ayent pas l'efprit
tout à fait fublime , ny du
premier ordre , ils ne laiffent
pas
de prétendre aux honneurs du
Parnaffe à proportion de ce
qu'on les eftime . On dit à ce fujet
que quelques Académies d'Italie
ont étably un Ordre , qui eft une
250 Extraordinaire
certaine marque d'honneur qu'on
appelle Médaille de Bel Efprit. Elle
eft d'or. Il y a d'un coſté le
Portrait du Prince , & de l'autre
la Devife de l'Académie de la
Ville . On la donne , ou l'on permet
d'en acheter à ceux , qui de
temps en temps ont fait part au
Public de quelques Ouvrages en
Vers ou en Profe ; les Dames mefme
n'en font point excluës . On
porte cette Médaille avec un
Cordon bleu paffé en Baudrier
entre leJufte-au- corps & laVeſte,
& ceux qui ont moins de vanité
la portent feulement attachée à
une
boutonniere du Jufte-aucorps
, & les Dames à l'endroit
où elles mettent ordinairement
la Croix de Diamants. On la reçoit
des mains du Protecteur de
du Mercure Galant. 251
l'Académie , avec les Lettres Patentes
qui donnent permiffion de
la porter publiquement .
Cette Médaille a de grands
priviléges d'honneur . Elle fert
de paffe -port pour l'entrée libre
dans toutes les Maifons des Princes
aux cerémonies , & aux feftes.
publiques . On doit remarquer
qu'il faut que les ajuſtemens des
habits foient d'une telle propretė
ou régularité , qu'ils ne faffent
point de tort aux Chevaliers du
Mont Parnaffe ; car nous fommes
dans un Siecle où les Sçavans qui
paroiffent indigens , n'ont pas un
accez fort facile dans la Maifon
des Princes.
Cette marque d'honneur
n'eſt
point heréditaire
, & ne peut fervir
qu'à celuy qui a merité de la
2.5,2
Extraordinaire
porter pendant la vie . Parla fuite
des temps , on peut avoir place
dans l'Académie , & l'on eft
choififans qu'il foit néceſſaire de
briguer , ny de s'expliquer fur ce
deffein . On ne connoift la pluf
part des Autheurs que de nom
& par leurs Ouvrages , & leur
viſage eft fouvent inconnu ; mais
cette glorieuſe marque de diftination
les fait reconnoiftre de tout
le monde , envier de quelques-
& eftimer des autres . Cela
fert d'émulation
à pluſieurs pour
meriter cette récompenfe
de
merite.Il feroit à fouhaiter, reprit
un autre , que cette glorieuſe Intitution
paffaft jufqu'en France.
On ne prétendroit pas tourner la
chofe en artifice , pour ufurper le
droit que plufieurs Perfonnes ont
uns ,
du Mercure Galant. 253
de porter des marques de leur
- qualité , & les Médailles de Bel
Esprit feroient formées de telle
maniere , qu'elles feroient aifément
reconnues de tout le Monde
pour ce qu'on prétendroit feulement
qu'elles fignifiaffent.
Chacun parut approuver ce
deffein , & délibera de la maniere
de dreffer un élegant Placet pour
préfenter au Roy.
Uue Etoille brillante , qui porta
fa lumiere fur mes yeux , m'éveilla
dans ce moment , & depuis
j'ay conté mon Songe à bien
des Gens qui ne defefperent pas
de la réüffite du projet , pourveu
que les beaux Efprits qui font
en faveur , y prennent part . En
effet, Philemon , l'expérience fait
voir que les chofes qui flattent
254
Extraordinaire
& la vanité , l'amour propre
troduifent aifément.
C. D. S.
I
A PHILEMON.
Sur le Projet de la Médaille de
- BEL ESPRIT.
E ne me fouviens point Philemon
, d'avoir fait de Songe
plus agréable , que celuy que je
fis l'année derniere à .... Mai.
fon de Plaisance de M' le Duc
de .... éloignée de Paris de cinq
lieuës . Le recit en a paru fi nouveau
& fi fingulier , que je me fuis
trouvé engagé d'en faire plufieurs
Copies , pour fatisfaire les
Dames fçavantes que vous connoiffez.
du Mercure Galant.
243
La Saifon ne pouvoit eftre alors
plus agréable pour paffer quelque
temps à la Campagne , ny
le lieu où je me trouvois plus délicieux
pour en joüir. La Maifon
de ce Duc eft baftie fur une
éminence. Il y a des Jardins, des
Bois , des Plaines & des Colines,
& cette forte de décoration ne
peut eftre plus belle , parce qu'
elle ne peut eftre plus diverfifiée.
Elle prefente tantoft toutes ces
chofes enſemble à la veuë &
tantoft en particulier , & avec
tant de plaifir , que la veuë mef
me en demeure quelquefois confuſe
, ne fçachant de quelle maniere
elle doit fe divertir le plus .
Entre les beautez de cette Maifon
, on compte de tres- grandes
décentes d'efcalier , ornées de
X ij
244
Extraordinaire
baluftres , qui fe détachant ma
jeftueufement de ce Bâtiment fuperbe
, par un double rang , dé
cendent par une grande longueur
de chemin , prefque jufqu'au
bord de la Seine , qui en
ferpentant doucement , s'écoule
dans la Plaine , & par une fuite
affez lente , & par plufieurs détours
va agréablement chercher
fon lit. Comme il y a plufieurs
terraffes les unes fur les autres , les
veuës y font fi belles & fi étéduës,
que plufieurs fois elles font au
delà de la portée de la veuë même
& les dernieres femblent toûjours
eftre plus agreables & plus
charmantes que les premieres.
C'eft dans ce fejour enchanté que
j'ay fait le Songe dont vous allez
lire le recit.
du Mercure Galant.
245
peut
Je m'imaginay entendre plu
fieurs Sçavans qui difputoient enfemble
fur la connoiffance des
veritables beautez de la Tragedie.
On difoit
que ce n'eftoit pas affez
que la Tragédie fe fervift des avantures
les plus touchantes , & les
plus terribles que l'Histoire
fournir , pour exciter dans le
coeur les mouvemens qu'elle prétend
, afin de guerir l'efprit des
vaines frayeurs , qui font capables
de le troubler , & des fottes
compaffions qui le peuvent amolir.
Il faut encore , difoit on,
que le Poëte mette en ufage ces
grands objets de terreur & de pitié
, comme les deux plus puiffans
refforts qu'ait l'Art pour pro
duire le plaifir que peut donner
la Tragedie , & ce plaifir qui eft
"
X iij
246
Extraordinaire
proprement celuy de l'efprit ,
confifte dans l'agitation de l'ame
émeuë par les paffions . La Tragédie
ne devient agréable au
Spectateur , que parce qu'il de.
vient luy-mefme fenfible à tout
ce qu'on luy repréfente ; qu'il entre
dans tous les differens fentimens
des Acteurs ; qu'il s'intereſ
fe dans leurs avantures ; qu'il
craint & qu'il efpére ; qu'il s'afflige
, & qu'il fe réjoüit avec eux .
Le Theatre eft froid & languiffant
dés qu'il ceffe de produire
ces mouvemens dans l'ame des
Spectateurs , mais comme de toutes
les paffions la crainte & la pitié
font celles qui font de plus
grandes impreffions fur le coeur
de l'Homme , par la difpofition
naturelle qu'il à à s'épouvanter
du Mercure Galant. 247
> & à s'attendrir Ariftote les a
choifies entre les autres pour tou
cher davantage les efprits , par
ces fentimens tendres qu'elles
caufent quand le coeur s'en laiffe
penétrer. En effet , dés que l'ame
eft ébranlée par des mouvemens
fi naturels & fi humains,
toutes les impreffions qu'elle reffent
luy deviennent agréables.
Son trouble luy plaift , & ce qu'-
elle.reffent d'émotion , eft pour
elle une espéce de charme qui la
jette dans une douce & profonde
réverie , & qui la fait entrer infenfiblement
dans tous les intérefts
qui jouent fur le Theatre.
C'est alors que le coeur s'abandonne
à tous les objets qu'on luy
propofe , que toutes les Images
le frappent , qu'il époufe tous les
X iiij
248
Extraordinaire
fentimens de tous ceux qui parlent
, & qu'il devient fufceptible
de toutes les paffions qu'on luy
montre , parce qu'il eft émeu , &
c'eſt dans cette émotion que confifte
tout le plaifir qu'on eft capable
de recevoir en voyant repréfenter
une Tragédie , car l'efprit
de l'Homme fe plaift aux mouvemens
differens que luy caufent
les differens objets , & les diver-
Les paffions qu'on luy expofe.
C'eſt par cét Art admirable que
L'Oedipe de Sophocle ( dont Ariftote
parle toûjours comme du
modelle le plus achevé de la Tragedie
) faifoit de fi grands effets
fur le Peuple d'Athénes lors
qu'on le repréfentoit , & ce n'eft
pas fans raifon que.... Ces régles
& ces remarques font fort juſtes,
du Mercure Galant. 249
1
;
mais
interrompit quelqu'un de la
Compagnie , & l'exemple d'Oe.
dipe eft tout à fait beau
tout le Monde ne peut pas porter
la gloire de la compofition auffi
haut que les illuftres Corneilles
& Racine. Il eft quantité de jeu
nes. Autheurs & de Plumes naiffantes
, qui n'afpirent pas à la
gloire de Virgile ny d'Horace ,
mais cependant chacun d'eux a
fon talent different , & fon merite
particulier , & quoy que plu .
Leurs.Perfonnes n'ayent pas l'efprit
tout à fait fublime , ny du
premier ordre , ils ne laiffent
pas
de prétendre aux honneurs du
Parnaffe à proportion de ce
qu'on les eftime . On dit à ce fujet
que quelques Académies d'Italie
ont étably un Ordre , qui eft une
250 Extraordinaire
certaine marque d'honneur qu'on
appelle Médaille de Bel Efprit. Elle
eft d'or. Il y a d'un coſté le
Portrait du Prince , & de l'autre
la Devife de l'Académie de la
Ville . On la donne , ou l'on permet
d'en acheter à ceux , qui de
temps en temps ont fait part au
Public de quelques Ouvrages en
Vers ou en Profe ; les Dames mefme
n'en font point excluës . On
porte cette Médaille avec un
Cordon bleu paffé en Baudrier
entre leJufte-au- corps & laVeſte,
& ceux qui ont moins de vanité
la portent feulement attachée à
une
boutonniere du Jufte-aucorps
, & les Dames à l'endroit
où elles mettent ordinairement
la Croix de Diamants. On la reçoit
des mains du Protecteur de
du Mercure Galant. 251
l'Académie , avec les Lettres Patentes
qui donnent permiffion de
la porter publiquement .
Cette Médaille a de grands
priviléges d'honneur . Elle fert
de paffe -port pour l'entrée libre
dans toutes les Maifons des Princes
aux cerémonies , & aux feftes.
publiques . On doit remarquer
qu'il faut que les ajuſtemens des
habits foient d'une telle propretė
ou régularité , qu'ils ne faffent
point de tort aux Chevaliers du
Mont Parnaffe ; car nous fommes
dans un Siecle où les Sçavans qui
paroiffent indigens , n'ont pas un
accez fort facile dans la Maifon
des Princes.
Cette marque d'honneur
n'eſt
point heréditaire
, & ne peut fervir
qu'à celuy qui a merité de la
2.5,2
Extraordinaire
porter pendant la vie . Parla fuite
des temps , on peut avoir place
dans l'Académie , & l'on eft
choififans qu'il foit néceſſaire de
briguer , ny de s'expliquer fur ce
deffein . On ne connoift la pluf
part des Autheurs que de nom
& par leurs Ouvrages , & leur
viſage eft fouvent inconnu ; mais
cette glorieuſe marque de diftination
les fait reconnoiftre de tout
le monde , envier de quelques-
& eftimer des autres . Cela
fert d'émulation
à pluſieurs pour
meriter cette récompenfe
de
merite.Il feroit à fouhaiter, reprit
un autre , que cette glorieuſe Intitution
paffaft jufqu'en France.
On ne prétendroit pas tourner la
chofe en artifice , pour ufurper le
droit que plufieurs Perfonnes ont
uns ,
du Mercure Galant. 253
de porter des marques de leur
- qualité , & les Médailles de Bel
Esprit feroient formées de telle
maniere , qu'elles feroient aifément
reconnues de tout le Monde
pour ce qu'on prétendroit feulement
qu'elles fignifiaffent.
Chacun parut approuver ce
deffein , & délibera de la maniere
de dreffer un élegant Placet pour
préfenter au Roy.
Uue Etoille brillante , qui porta
fa lumiere fur mes yeux , m'éveilla
dans ce moment , & depuis
j'ay conté mon Songe à bien
des Gens qui ne defefperent pas
de la réüffite du projet , pourveu
que les beaux Efprits qui font
en faveur , y prennent part . En
effet, Philemon , l'expérience fait
voir que les chofes qui flattent
254
Extraordinaire
& la vanité , l'amour propre
troduifent aifément.
C. D. S.
Fermer
Résumé : SONGE D'ARISTE. A PHILEMON. Sur le Projet de la Médaille de BEL ESPRIT.
Le texte 'SONGE D'ARISTE' est une lettre adressée à Philemon, dans laquelle l'auteur décrit un rêve agréable qu'il a fait à la campagne, dans la maison du Duc de..., située à cinq lieues de Paris. Cette demeure, construite sur une éminence, offre une vue diversifiée et agréable sur les jardins, bois, plaines et collines. Elle est également ornée de grandes descentes d'escalier avec des balustres, menant jusqu'à la Seine. Dans ce rêve, l'auteur assiste à une dispute entre savants sur les beautés de la tragédie. Les savants discutent de l'importance des mouvements du cœur et des passions, notamment la crainte et la pitié, pour rendre une tragédie agréable. Selon Aristote, ces passions touchent davantage les esprits et causent des impressions agréables sur l'âme. La conversation aborde également la diversité des talents et des mérites des auteurs. Elle mentionne la 'Médaille de Bel Esprit', décernée par certaines académies italiennes pour récompenser les œuvres en vers ou en prose. Cette médaille, portée avec fierté, offre des privilèges d'honneur et n'est pas héréditaire. Elle stimule l'émulation parmi les auteurs. L'auteur exprime le souhait que cette institution soit adoptée en France afin de reconnaître et honorer les beaux esprits. Un éclair le réveille, et il partage son rêve avec plusieurs personnes, espérant que les beaux esprits en faveur soutiendront le projet.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
31
p. 262-263
IV.
Début :
C'est aimer foiblement d'aimer sans jalousie. [...]
Mots clefs :
Aimer, Jalousie, Âme, Coeur, Amant, Lanterne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IV.
IV .
C'Eftaimerfoiblementd'aimerſansjalonfie.
Sans raison quelquefois une ame en eft
faifie,
Mais quelquefois auffi l'on ne fe trompe
pas,
Quand le coeur eft épris d'un objet plein
d'appas.
Le Berger Alcidonremply defa Mai
treſſe
du Mercure Galant.
263
Soupçonnant qu'un Rival partagefa tendreffe,
Voulant s'en éclaircir aformé le deffein
D'examiner de prés quel ferafon deftin.
Je veux, dit le Berger, me mettre enfentinelle
Auprés dela Maifon d'Iris mon Infidelle ..
Je m'y rendray de nuit, car c'eft dans ce
moment
Que pour cacherfaflame on reçoit un
Amant,
J'auray pour me conduire une Sourde
Lanterne
Si je ne la ſurprens, je veux que l'on me
berne.
DE LA GIRAULDIERE
Ruë Maubué .
C'Eftaimerfoiblementd'aimerſansjalonfie.
Sans raison quelquefois une ame en eft
faifie,
Mais quelquefois auffi l'on ne fe trompe
pas,
Quand le coeur eft épris d'un objet plein
d'appas.
Le Berger Alcidonremply defa Mai
treſſe
du Mercure Galant.
263
Soupçonnant qu'un Rival partagefa tendreffe,
Voulant s'en éclaircir aformé le deffein
D'examiner de prés quel ferafon deftin.
Je veux, dit le Berger, me mettre enfentinelle
Auprés dela Maifon d'Iris mon Infidelle ..
Je m'y rendray de nuit, car c'eft dans ce
moment
Que pour cacherfaflame on reçoit un
Amant,
J'auray pour me conduire une Sourde
Lanterne
Si je ne la ſurprens, je veux que l'on me
berne.
DE LA GIRAULDIERE
Ruë Maubué .
Fermer
Résumé : IV.
Le poème 'C'Eftaimerfoiblementd'aimersansjalonfie' de La Giraudière, publié dans le Mercure Galant, relate l'amour du Berger Alcidon pour Iris. Alcidon, jaloux, se rend secrètement chez Iris de nuit pour vérifier ses soupçons de trahison. Il utilise une lanterne sourde pour éviter d'être vu. L'auteur réside rue Maubué.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
32
p. 307-310
PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
Début :
Loin de vous je languis & je resve toûjours ; [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Beauté, Amants, Languir
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
PROBLEMĘ SAMOURELUX
1
DECIDEllias
ENNY cik inot 2102 36 trat jmp THOI
Oin de pausje languis
&
Fe fuis bien par tout où vous etes
Auprés de vous, Iris, de mes plus triftes
jours
Jefais mes plaiſirs & mesfestess
Waftre taille, voftre air, le fon de vostre
voix,
Ont jo-ne-feay-quoy qui m'enchante:
Jefens naiſtre enmon coeur d'abord que je
carrulyvous vois,
Une tendreffe languiffante
Qui me réduit prefque aux aboier
Ah! pour peu que cela s'augmente,
Vous aimeray-je ? Je le cross
Jefçais qu'un Homme de mon ages
Qui prétend de toucheruncoeur,
Rarement de ce badinage.
Se peut tireravec honneur..
C.c.ij
308 Extraordinaire
Vous me verrez tendre & fidelle,
Languiffant, abatu , malheureux comme
un Chien,
Et cependant, jeune Rebelle,
***M*aimerez-vous ? Je n'en crois rien.
Hélas! anfortde ma tendreffe
Je verray mille Amans de vos appas épris,
Goguenarderfur ma vieilleffe,
Et railler de mes cheveux gris.
Peut- eftre encor, pour croistre monfup .
plice,
Leurferez- vous un facrifice
Des foins de mon amour, cruelle? Et tou
tefois
Ŝ
Malgré cette extréme injuſtice,'
Vous aimeray-je ? Je le crois.
Après mille dures épreuves,
Mille foupirs, mille langueurs ,
Enfin vous connoftrèz partant & tantde
preuves,
Que vous caufez tous mes malheurs,
Et que c'est pour vous queje meurs.
Tandis que ma douleur & fidelle & cachés
du Mercure Galant. 309
Fera mon plus cher entretien,
Senfible à la pitié, de tant de maux touchée,
M'aimerez-vous? Je n'en crois rien.
83
Quand on aime beaucoup une Beautéfevere,
Le plus dur des tourmens c'eft de voirun
Rival
Ecouté d'une autre maniere ;
Quipeut voircelafans colere,.
Sans eftre jaloux, aime mal .
Lors que je vous verray, pour augmenter
mapeine,
Au préjudice de mes droits,
De quelque jeune Amantfaire unindigne
choix,
Injufte, infenfible, inhumaine ,
Vous aimeray -je ? je le crois.
03
S'il arrivoit, pour me vanger.
De ce choix cruel & perfage,
Que cet Amant foible & leger
De fon coeur à quelque autre allaſt faire
un hommage,
LO
Extraordinaine
Cet amourinconftant , fi diférent du mien,
Feroit ilfaireau voftre un retour équi
JUTNEZ AJ Я02 323
Erimi voj autfidello ansantque miférable,
27 44'aimerez- vouse, Je m'en crois rieniup
, sados 3D vz15 ]
Maisde mon tristefort pourquoyfaireun
Probléme?
En vain j'en ferois alarme, I
Voftre coeur eft injufte , & le mien eft
-3 charme; alit acitflegetai
Tris, c'est bien affez pour decider vouseve
Drivemeſme,
Et conclurre que je vous aime
Sans espérance d'eftre aimé...
1
DECIDEllias
ENNY cik inot 2102 36 trat jmp THOI
Oin de pausje languis
&
Fe fuis bien par tout où vous etes
Auprés de vous, Iris, de mes plus triftes
jours
Jefais mes plaiſirs & mesfestess
Waftre taille, voftre air, le fon de vostre
voix,
Ont jo-ne-feay-quoy qui m'enchante:
Jefens naiſtre enmon coeur d'abord que je
carrulyvous vois,
Une tendreffe languiffante
Qui me réduit prefque aux aboier
Ah! pour peu que cela s'augmente,
Vous aimeray-je ? Je le cross
Jefçais qu'un Homme de mon ages
Qui prétend de toucheruncoeur,
Rarement de ce badinage.
Se peut tireravec honneur..
C.c.ij
308 Extraordinaire
Vous me verrez tendre & fidelle,
Languiffant, abatu , malheureux comme
un Chien,
Et cependant, jeune Rebelle,
***M*aimerez-vous ? Je n'en crois rien.
Hélas! anfortde ma tendreffe
Je verray mille Amans de vos appas épris,
Goguenarderfur ma vieilleffe,
Et railler de mes cheveux gris.
Peut- eftre encor, pour croistre monfup .
plice,
Leurferez- vous un facrifice
Des foins de mon amour, cruelle? Et tou
tefois
Ŝ
Malgré cette extréme injuſtice,'
Vous aimeray-je ? Je le crois.
Après mille dures épreuves,
Mille foupirs, mille langueurs ,
Enfin vous connoftrèz partant & tantde
preuves,
Que vous caufez tous mes malheurs,
Et que c'est pour vous queje meurs.
Tandis que ma douleur & fidelle & cachés
du Mercure Galant. 309
Fera mon plus cher entretien,
Senfible à la pitié, de tant de maux touchée,
M'aimerez-vous? Je n'en crois rien.
83
Quand on aime beaucoup une Beautéfevere,
Le plus dur des tourmens c'eft de voirun
Rival
Ecouté d'une autre maniere ;
Quipeut voircelafans colere,.
Sans eftre jaloux, aime mal .
Lors que je vous verray, pour augmenter
mapeine,
Au préjudice de mes droits,
De quelque jeune Amantfaire unindigne
choix,
Injufte, infenfible, inhumaine ,
Vous aimeray -je ? je le crois.
03
S'il arrivoit, pour me vanger.
De ce choix cruel & perfage,
Que cet Amant foible & leger
De fon coeur à quelque autre allaſt faire
un hommage,
LO
Extraordinaine
Cet amourinconftant , fi diférent du mien,
Feroit ilfaireau voftre un retour équi
JUTNEZ AJ Я02 323
Erimi voj autfidello ansantque miférable,
27 44'aimerez- vouse, Je m'en crois rieniup
, sados 3D vz15 ]
Maisde mon tristefort pourquoyfaireun
Probléme?
En vain j'en ferois alarme, I
Voftre coeur eft injufte , & le mien eft
-3 charme; alit acitflegetai
Tris, c'est bien affez pour decider vouseve
Drivemeſme,
Et conclurre que je vous aime
Sans espérance d'eftre aimé...
Fermer
Résumé : PROBLEME : AMOUREUX DECIDÉ.
Dans cette lettre poétique, un homme mûr exprime son admiration pour une femme nommée Iris, dont la beauté et la voix l'enchantent. Il ressent une tendresse languissante qui le tourmente dès qu'il la voit. Il doute de la réciprocité de ses sentiments, craignant que sa vieillesse et ses cheveux gris ne le rendent ridicule face à de jeunes rivaux. Malgré cette injustice, il affirme qu'il continuera à l'aimer, même après mille épreuves et souffrances. Il anticipe la douleur de la voir préférer un autre homme et se demande si elle pourrait un jour le récompenser de son amour. Il conclut en affirmant qu'il l'aime sans espérance d'être aimé en retour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
33
p. 312-313
SENTIMENS D'UNE BELLE qui se repent de n'avoir pas conservé une Conqueste qu'elle avoit faite. / MADRIGAL.
Début :
Lors que Tircis bruloit d'amour, [...]
Mots clefs :
Amour, Art de plaire, Serments, Changement, Mal, Coeur, Vengeance, Martyre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SENTIMENS D'UNE BELLE qui se repent de n'avoir pas conservé une Conqueste qu'elle avoit faite. / MADRIGAL.
SENTIMENS D'UNE BELLE
qui fe repent de n'avoir pas confervé
une Conquefte qu'elle:
avoit faite.
MADRIGAL.
Ors
que
Queje
Tircis bruloit d'amour,
Que je le voyais chaque jour
Avec empressement chercher l' Art de me
plaire,
Et qu'il me paroiffoitfincere:
Que parmillefermens, mais fermensfu
perfluss
du Mercure Galant. 31
Il me juroit d'eftre fidelle & tendre,
Et queles yeux m'en difoient encor plus,
Il avoit beau parler, je ne daignois l'en...
tendre:
Et par un changement queje nepuis comprendre,
Si- toft que més mépris l'ont forcé de
changer,
L'Amour, pour le vanger,
M'afait connoistreque je l'aime,
Et je me veux un mal extréme,
D'avoir pû voirfon coeur fe dégager.
Je m'en repens , Amour , ceffe demou
trager,
Soulage unfi cruel martires,
Et fi jamais dans ton Empire
Fe puis charmer quelque Berger,
Je te promets, Amour , de le bien ménager.
DIEREVILLE
qui fe repent de n'avoir pas confervé
une Conquefte qu'elle:
avoit faite.
MADRIGAL.
Ors
que
Queje
Tircis bruloit d'amour,
Que je le voyais chaque jour
Avec empressement chercher l' Art de me
plaire,
Et qu'il me paroiffoitfincere:
Que parmillefermens, mais fermensfu
perfluss
du Mercure Galant. 31
Il me juroit d'eftre fidelle & tendre,
Et queles yeux m'en difoient encor plus,
Il avoit beau parler, je ne daignois l'en...
tendre:
Et par un changement queje nepuis comprendre,
Si- toft que més mépris l'ont forcé de
changer,
L'Amour, pour le vanger,
M'afait connoistreque je l'aime,
Et je me veux un mal extréme,
D'avoir pû voirfon coeur fe dégager.
Je m'en repens , Amour , ceffe demou
trager,
Soulage unfi cruel martires,
Et fi jamais dans ton Empire
Fe puis charmer quelque Berger,
Je te promets, Amour , de le bien ménager.
DIEREVILLE
Fermer
Résumé : SENTIMENS D'UNE BELLE qui se repent de n'avoir pas conservé une Conqueste qu'elle avoit faite. / MADRIGAL.
Le madrigal 'Sentimens d'une belle' relate les regrets d'une femme d'avoir repoussé Tircis, un homme amoureux. Après l'avoir dédaigné, elle réalise son amour pour lui. Elle supplie l'Amour de soulager ses souffrances et promet de mieux traiter un futur amant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
34
p. 314
TRADUCTION De la 61e Epigramme du 3e Livre, Qui commence par Elle nihil dicis, &c.
Début :
Tircis, tu dis que c'est un rien [...]
Mots clefs :
Coeur, Demande, Tircis, Martial
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION De la 61e Epigramme du 3e Livre, Qui commence par Elle nihil dicis, &c.
TRADUCTION
De la 61º Epigramme du 3º Livre,
T
Qui commence par
•par
..
Elle nihil dicis , & c.
* Ircis , tu dis que c'eſt un rien
Dontton coeur mefait la demande,
Si c'eft un rien, Tircis, hé-bien,
Je ne refufe rien à qui me le demande.
De la 61º Epigramme du 3º Livre,
T
Qui commence par
•par
..
Elle nihil dicis , & c.
* Ircis , tu dis que c'eſt un rien
Dontton coeur mefait la demande,
Si c'eft un rien, Tircis, hé-bien,
Je ne refufe rien à qui me le demande.
Fermer
35
p. 137-138
AIR NOUVEAU.
Début :
Je vous envoye un Air nouveau que vous aimerez, / C'en est fait, la raison a chassé de mon coeur [...]
Mots clefs :
Musique, Raison, Coeur, Martyre, Froideur, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
Je vous envoye un Air nɔu--
veau que vous aimerez , & :
Fevrier 1685 ,
M.
138 MERCURE
par
la beauté de la Mufique,
& par celle des paroles qui
font d'un fort bon Autheur.
AIR NOUEVAU.
C
En eftfait la raifon a chaffe de
mon coeur
L'ingrat qui faifoit mon martyre,
Fe veux le revoir , pour luy dire
Que je ne fens pour luy qu'une ex
éme froideur. 1
Mais pourquoy l'affeurer de mon indiference?
Sije n'ay point d'amour , cesfoinsfont
Superflies.
Ah, c'eft aimerplus qu'on nepense
Que de dire qu'on n'aime plus.
veau que vous aimerez , & :
Fevrier 1685 ,
M.
138 MERCURE
par
la beauté de la Mufique,
& par celle des paroles qui
font d'un fort bon Autheur.
AIR NOUEVAU.
C
En eftfait la raifon a chaffe de
mon coeur
L'ingrat qui faifoit mon martyre,
Fe veux le revoir , pour luy dire
Que je ne fens pour luy qu'une ex
éme froideur. 1
Mais pourquoy l'affeurer de mon indiference?
Sije n'ay point d'amour , cesfoinsfont
Superflies.
Ah, c'eft aimerplus qu'on nepense
Que de dire qu'on n'aime plus.
Fermer
Résumé : AIR NOUVEAU.
En février 1685, une lettre présente un nouvel air musical intitulé 'Air nouveau'. L'air est loué pour sa musique et ses paroles, écrites par un auteur de qualité. Le texte exprime des sentiments contradictoires envers une personne ingrate. Le narrateur souhaite lui avouer une froideur simulée, tout en se demandant pourquoi affirmer son indifférence. Il conclut que dire qu'on n'aime plus est une manière d'aimer plus qu'on ne le pense.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
36
p. 138-146
A MADAME DE ***
Début :
Le Mariage dont vous me parlez est fait. L'aimable Personne / Rien n'est plus certain, Madame. L'Anglois qui a [...]
Mots clefs :
Amour, Mariage, Langue, Angleterre, Coeur, Langage, Hyménée , Amants
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MADAME DE ***
Le Mariage dont vous me
parlez eft fait . L'aimable PerGALANT
139
e
kurt juin Leute , you
rez bien aife de voir. En voi-
Mij
cy une Copie.
128 MERCURE
f
1
S
ariage dont vous me
ft fait. L'aimable PerGALANT.
139
7
*
fonne, à l'avantage de qui vô
tre Parente vous a écrit tant
de chofes , s'eft réfoluë à paffer
fa vie en Angleterre , où
elle a fuivy l'Anglois qui a
fceu toucher fon coeur. Ce
qu'il y a de particulier , c'eſt
qu'aucun des deux n'entendant
la Langue de l'autre , ils
feront réduits pendant quelque
temps à ne fe parler que
par Interprétes . Un Amy de
la Mariée qui s'eft rencontré
à Londres , lors qu'elle y eft
arrivée , a écrit là deffus une
fort jolie Lettre , que vous ferez
bien- aiſe de voir. En voi-
Mij
cy une Copie.
140 MERCURE
255:22222 2522: 2222
A MADAME DE *** :
R
dame.
ne
Ien n'eft plus certain , Madame.
L'Anglois qui a
époufé Mademoiselle de ***
parle point notre Langue , &
Mademoiselle de *** ne sçait
pas un mot d'Anglois . Cela paroift
d'abord affez bizarre , mais
c'eft faute de bien confiderer ce
dont il s'agit.
Dés le moment qu'un cour
foûpire ,
On connoift en tous lieux ce que
cela veut dire ,.
GALANT. 141
Et malgré Babel & fa Tour,
Dans le Climat le plus fauvage,
Ne demandez que de l'amour ,
On entendra voſtre langage .
La Terre en mille Etats à beau fe
partager;
En Afie, en Afrique, en Europe,
il n'importe
L'Amour n'eft jamais Eträger
En quelque Païs qu'on le
porte .
Comme il eft Pere de tous les
Hommes , il eft entendu de tous
fes Enfans. Il eft vray que quand
"il veut faire quelque mauvais
coup , comme ilfaut qu'il fe maf
que et qu'il se déguife , il faut
auffi qu'il fe ferve de la Langue
#
142 MERCURE
du Pais ; mais quand il eft conduit
par l'Hymenée ,fans lequel
il ne peut estre recen chez les
honneftes Gens , il luyfuffit defe
montrer pourfe faire entendre.
En quelque Langue qu'il s'exprime,
On fçait d'abord ce qu'il prétend
;
Et dés qu'il peut parler fans
crime,
Une honnefte Fille l'entend.
La raison de cela , c'eſt que
la Langue d'Amour n'eft
qu'une tradition tres fimple &
tres aifée , dont la Nature eft dépofitaire
, & qu'elle ne manque
GALANT. 143
jamais de reveler à toutes les
Filles quand elles en ont besoin.
Parmy toutes les Nations
Si toft que l'on en vient aux pri
vautez fecretes ,
L'Hymen en ces occafions
A certaines expreffions
Quin'ont point befoin d'interpretes.
que
Ne vous étonnez donc point
deux Perfonnes Etrangeres ,
d'un langagefidiférent, ayent
pú fe résoudre de fe marier enfemble
, & croyez comme un Article
de Foy naturelle, que
fortes de myfleres , tout le monde
parle François . Ajoûtez à cela
dans ces
144 MERCURE
que de jeunes Epoux ont leur
maniere particuliere de s'entretenir
indépendamment de toutes.
les Langues de la Terre.
Les plus beaux difcours qu'on
entend,
Pour des cours enflamez font des -
contes frivoles ,
Et l'Amour pour eftre content
,
Ne s'amufe pas aux paroles .
L'Amour est la feule de tou--
tes les Divinitez dont le fervice
n'a jamais changé ; fon culte est
encore à préfent tel qu'il eftoit au
commencement du Monde. On
luy adreffe les mefmes voeux , on
luy
GALANT. 145
luy fait les mefmes Sacrifices ; on
luy immole les mefmes Victimes ;
quand deux Amans veulent
bien affifter en perfonne à fes
Mifteresfecrets , on n'en a pas fitoft
chaffe les Prophanes , que
pleins de ce Dieu qui les poffede,
ils en comprennent en un moment
toutes les Ceremonies , &
tout ce qui fe fait en fon honneur.
Si vous faifiez ce for Argument
à Thomas Diafoirus ; Vos
deux Epoux ne parlent pas
la mefme Langue ; Ergo , ils
ne s'entendent pas. Il vous
répondroit. Diftinguo , Made-
Février 1685.
N
146 MERCURE
moifelle. Ils ne s'entendent
pas le jour. Concedo , Mademoifelle.
Ils ne s'entendent
pas la nuit. Nego , Mademoifelle
. Or s'entendre la nuit , c'eft
s'entendre la moitié de la vie,
c'est beaucoup pour des Mariez.
Teconnois bien des Gens, &
vous auffi , qui parlent tres bon
François , & qui n'en demanderoient
pas d'avantage.
Qu'un Mariage eft plein d'appas
Quand la nuit un Epoux peur
contenter la Alame,
Et que le jour il n'entend pas
Les fottifes que dit fa Femme.
parlez eft fait . L'aimable PerGALANT
139
e
kurt juin Leute , you
rez bien aife de voir. En voi-
Mij
cy une Copie.
128 MERCURE
f
1
S
ariage dont vous me
ft fait. L'aimable PerGALANT.
139
7
*
fonne, à l'avantage de qui vô
tre Parente vous a écrit tant
de chofes , s'eft réfoluë à paffer
fa vie en Angleterre , où
elle a fuivy l'Anglois qui a
fceu toucher fon coeur. Ce
qu'il y a de particulier , c'eſt
qu'aucun des deux n'entendant
la Langue de l'autre , ils
feront réduits pendant quelque
temps à ne fe parler que
par Interprétes . Un Amy de
la Mariée qui s'eft rencontré
à Londres , lors qu'elle y eft
arrivée , a écrit là deffus une
fort jolie Lettre , que vous ferez
bien- aiſe de voir. En voi-
Mij
cy une Copie.
140 MERCURE
255:22222 2522: 2222
A MADAME DE *** :
R
dame.
ne
Ien n'eft plus certain , Madame.
L'Anglois qui a
époufé Mademoiselle de ***
parle point notre Langue , &
Mademoiselle de *** ne sçait
pas un mot d'Anglois . Cela paroift
d'abord affez bizarre , mais
c'eft faute de bien confiderer ce
dont il s'agit.
Dés le moment qu'un cour
foûpire ,
On connoift en tous lieux ce que
cela veut dire ,.
GALANT. 141
Et malgré Babel & fa Tour,
Dans le Climat le plus fauvage,
Ne demandez que de l'amour ,
On entendra voſtre langage .
La Terre en mille Etats à beau fe
partager;
En Afie, en Afrique, en Europe,
il n'importe
L'Amour n'eft jamais Eträger
En quelque Païs qu'on le
porte .
Comme il eft Pere de tous les
Hommes , il eft entendu de tous
fes Enfans. Il eft vray que quand
"il veut faire quelque mauvais
coup , comme ilfaut qu'il fe maf
que et qu'il se déguife , il faut
auffi qu'il fe ferve de la Langue
#
142 MERCURE
du Pais ; mais quand il eft conduit
par l'Hymenée ,fans lequel
il ne peut estre recen chez les
honneftes Gens , il luyfuffit defe
montrer pourfe faire entendre.
En quelque Langue qu'il s'exprime,
On fçait d'abord ce qu'il prétend
;
Et dés qu'il peut parler fans
crime,
Une honnefte Fille l'entend.
La raison de cela , c'eſt que
la Langue d'Amour n'eft
qu'une tradition tres fimple &
tres aifée , dont la Nature eft dépofitaire
, & qu'elle ne manque
GALANT. 143
jamais de reveler à toutes les
Filles quand elles en ont besoin.
Parmy toutes les Nations
Si toft que l'on en vient aux pri
vautez fecretes ,
L'Hymen en ces occafions
A certaines expreffions
Quin'ont point befoin d'interpretes.
que
Ne vous étonnez donc point
deux Perfonnes Etrangeres ,
d'un langagefidiférent, ayent
pú fe résoudre de fe marier enfemble
, & croyez comme un Article
de Foy naturelle, que
fortes de myfleres , tout le monde
parle François . Ajoûtez à cela
dans ces
144 MERCURE
que de jeunes Epoux ont leur
maniere particuliere de s'entretenir
indépendamment de toutes.
les Langues de la Terre.
Les plus beaux difcours qu'on
entend,
Pour des cours enflamez font des -
contes frivoles ,
Et l'Amour pour eftre content
,
Ne s'amufe pas aux paroles .
L'Amour est la feule de tou--
tes les Divinitez dont le fervice
n'a jamais changé ; fon culte est
encore à préfent tel qu'il eftoit au
commencement du Monde. On
luy adreffe les mefmes voeux , on
luy
GALANT. 145
luy fait les mefmes Sacrifices ; on
luy immole les mefmes Victimes ;
quand deux Amans veulent
bien affifter en perfonne à fes
Mifteresfecrets , on n'en a pas fitoft
chaffe les Prophanes , que
pleins de ce Dieu qui les poffede,
ils en comprennent en un moment
toutes les Ceremonies , &
tout ce qui fe fait en fon honneur.
Si vous faifiez ce for Argument
à Thomas Diafoirus ; Vos
deux Epoux ne parlent pas
la mefme Langue ; Ergo , ils
ne s'entendent pas. Il vous
répondroit. Diftinguo , Made-
Février 1685.
N
146 MERCURE
moifelle. Ils ne s'entendent
pas le jour. Concedo , Mademoifelle.
Ils ne s'entendent
pas la nuit. Nego , Mademoifelle
. Or s'entendre la nuit , c'eft
s'entendre la moitié de la vie,
c'est beaucoup pour des Mariez.
Teconnois bien des Gens, &
vous auffi , qui parlent tres bon
François , & qui n'en demanderoient
pas d'avantage.
Qu'un Mariage eft plein d'appas
Quand la nuit un Epoux peur
contenter la Alame,
Et que le jour il n'entend pas
Les fottifes que dit fa Femme.
Fermer
Résumé : A MADAME DE ***
Le texte décrit un mariage entre une jeune femme française et un homme anglais. Les époux ne parlent pas la même langue, ce qui les contraint à utiliser des interprètes pour communiquer. Un ami de la mariée, rencontré à Londres, a rédigé une lettre relatant cette situation. Le texte met en avant que l'amour surmonte les barrières linguistiques, permettant aux jeunes mariés de se comprendre malgré leurs différences. Il souligne que l'amour est universel et que les couples trouvent des moyens uniques de communiquer, particulièrement dans l'intimité. Le texte conclut en affirmant que se comprendre la nuit est suffisant pour un couple marié.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
37
p. 72-76
Lettre en Vers, [titre d'après la table]
Début :
L'autre Lettre a esté écrite par l'Autheur à un de ses Amis, / Mon cher Lisis, j'ay receu le Billet [...]
Mots clefs :
Naissance, Mardi gras, Coeur, Joie, Père, Fils, Enfant, Honneur, Festin, Réjouissances
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre en Vers, [titre d'après la table]
L'autre Lettre a efté écrite.
par l'Autheur à un de fes
Amis,
GALANT. 73
Amis , de qui la Femme accoucha
d'un Garçon le jour
du Mardy Gras.
On cher Lifis , j'ay receu le
Billet
Mo
Que m'aporta ton verdoyant Valet;
Et quoy qu'ennuy de tous coffez m'aboye,
Moncoeur pourtant a treffailly de joye,
Pour avoirfçu que ta chere Moitié,
Apres douleurs qui font moult grand
pitié,
Enfin t'avoit de rechefrendu Père.
l'heureux Fils ! ©fortune profpere!
o Cielbenin , que de contentement
Vous promettez à ce nouvel Enfant!
Un Mardy- Gras éclairefa naiſſances
Les Ieux, les ris, les Feftins, & la
Dance,
Semblent par tout venirfaire la cour
Mars 1685. G
74 MERCURE
Au bel Enfant qui par toy voit lejour.
O qu'ilfera grand amateur d'Epices!
Langues de Boeuf, Saucissons & San
ciffes,
Iambonsfumez, gros & courts Cervelas
Feront unjour l'honneur de fes Repas?
Goute de vin ne lairra dans fa Couppe,
Agrosmonceaux mettra lefel en Soupe,
Et neferajamais dansfon Tonneau,
Pour le remplir,y répandre de l'eau.
Plante, croy-moy , pour cet Enfant infigne
Le meilleurplan de la meilleure Vigne
O quel transport ! O quel plaifant
foulas,
Quand ii verra courber les Echalas
Sous le fardeau de mainte & mainte
Grappe,
Etgros Flacons arangezfur la Nappe!
Mais garde- toy que celle qui nourrit
GALANT. 75
Cet Enfançon à qui Mardy- Grasrit,
Faffe Carefme, & mange de Molüe.
Prens les Chapons les plus gras de la
Müe,
Iarret de Veau, longe, éclanche &
roignon,
Fais fairefauce, ou d'Ail , ou - bien
d'Oignon,
Et
Et fois certain que cette nourriture
Aide beaucoup à la bonne nature,
que l'Enfant qui fucce de ce lait ,
Un temps viendraferamaître Poulet,
Etneferapar amour d'abftinence,
Affront aujour qui luy donna naif-
Sance.
Mais j'en dis trop pour un Homme
chagrin,
Quipourrimer n'eft pas en trop bon
train.
Un malde dents, douleur des plus
cruelle,
Gij
76 MERCURE
Quejour, que nuit me devore & bou
relle .
Atends ; adicu. Si j'obtiens guériſon,
I'iray te voir en ta belle Maifon,
M'yfaluft - il courre à beaupiedfans
Lance;
Onquesje n'eus tant de réjouissance,
Quej'en auray de prendre entre mes
... bras
Ce bel Enfant, ce Fils du Mardy-
Gras.
par l'Autheur à un de fes
Amis,
GALANT. 73
Amis , de qui la Femme accoucha
d'un Garçon le jour
du Mardy Gras.
On cher Lifis , j'ay receu le
Billet
Mo
Que m'aporta ton verdoyant Valet;
Et quoy qu'ennuy de tous coffez m'aboye,
Moncoeur pourtant a treffailly de joye,
Pour avoirfçu que ta chere Moitié,
Apres douleurs qui font moult grand
pitié,
Enfin t'avoit de rechefrendu Père.
l'heureux Fils ! ©fortune profpere!
o Cielbenin , que de contentement
Vous promettez à ce nouvel Enfant!
Un Mardy- Gras éclairefa naiſſances
Les Ieux, les ris, les Feftins, & la
Dance,
Semblent par tout venirfaire la cour
Mars 1685. G
74 MERCURE
Au bel Enfant qui par toy voit lejour.
O qu'ilfera grand amateur d'Epices!
Langues de Boeuf, Saucissons & San
ciffes,
Iambonsfumez, gros & courts Cervelas
Feront unjour l'honneur de fes Repas?
Goute de vin ne lairra dans fa Couppe,
Agrosmonceaux mettra lefel en Soupe,
Et neferajamais dansfon Tonneau,
Pour le remplir,y répandre de l'eau.
Plante, croy-moy , pour cet Enfant infigne
Le meilleurplan de la meilleure Vigne
O quel transport ! O quel plaifant
foulas,
Quand ii verra courber les Echalas
Sous le fardeau de mainte & mainte
Grappe,
Etgros Flacons arangezfur la Nappe!
Mais garde- toy que celle qui nourrit
GALANT. 75
Cet Enfançon à qui Mardy- Grasrit,
Faffe Carefme, & mange de Molüe.
Prens les Chapons les plus gras de la
Müe,
Iarret de Veau, longe, éclanche &
roignon,
Fais fairefauce, ou d'Ail , ou - bien
d'Oignon,
Et
Et fois certain que cette nourriture
Aide beaucoup à la bonne nature,
que l'Enfant qui fucce de ce lait ,
Un temps viendraferamaître Poulet,
Etneferapar amour d'abftinence,
Affront aujour qui luy donna naif-
Sance.
Mais j'en dis trop pour un Homme
chagrin,
Quipourrimer n'eft pas en trop bon
train.
Un malde dents, douleur des plus
cruelle,
Gij
76 MERCURE
Quejour, que nuit me devore & bou
relle .
Atends ; adicu. Si j'obtiens guériſon,
I'iray te voir en ta belle Maifon,
M'yfaluft - il courre à beaupiedfans
Lance;
Onquesje n'eus tant de réjouissance,
Quej'en auray de prendre entre mes
... bras
Ce bel Enfant, ce Fils du Mardy-
Gras.
Fermer
Résumé : Lettre en Vers, [titre d'après la table]
L'auteur écrit à un ami pour célébrer la naissance de son fils, survenue le jour du Mardi Gras. Il exprime sa joie malgré un certain ennui et anticipe une vie prospère pour l'enfant. Il imagine un avenir où le garçon sera entouré de festins et de danses, savourant des mets délicats et des vins fins. L'auteur conseille à son ami de bien nourrir l'enfant pour qu'il devienne robuste et évite les privations. Cependant, il mentionne une douleur dentaire persistante qui l'empêche de se réjouir pleinement. Il espère se rétablir pour rendre visite à son ami et voir l'enfant.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
38
p. 108-126
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
Il est dangereux de forcer l'amour à se tourner en fureur ; [...]
Mots clefs :
Belle, Cavalier, Amour, Mariage, Demoiselle, Amants, Adorateur, Coeur, Destin funeste, Scrupule, Charme, Passion, Obstacle, Promesses, Gloire, Désespoir, Jalousie, Honneur, Blessures , Malheur, Peine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
Il eſt dangereux de forcer
l'amour à le tourner en fu
reur ; il en arrive ordinairement
des fuites funeftes , &
ce qui s'eft paffé depuis peu
de temps dans une des plus
grandes Villes du Royaume,.
confirme les fanglans exemples
que nous en trouvons
dans les Hiftoires. Une jeu
ne Demoiselle naturellement
fenfible à la gloire , & pleine
de cette louable & noble
fierté , qui donne un nouveau
merite aux belles Perfonnes
, vivoit dans une con--
duite qui la mettoit à cou
GALANT. 109
vert de toute cenfure. L'agrément
de ſes manieres , joint
à un brillant d'efprit qui la
diftinguoit avec beaucoup
d'avantage , luy attiroit des
Amans de tous côtez . Elle
recevoit leurs foins , fans
marquer de préférence , &
confervoit une égalité , qui
n'en rebutant aucun leur
faifoit connoître qu'elle vouloit
fe donner le temps de
choifir. C'eftoit en effet fon
but ; elle gardoit avec eux
la plus éxacte regularité ; ne
leur permettant ny vifites
affidues , ny empreffemens
110 MERCURE
trop remarquables
. Ainſi la
bienséance
régloit tous les
égards complaifans
qu'elle
croyoit leur devoir ; & la raifon
demeurant
toûjours maîtreffe
de fes fentimens
, elle
attendoit qu'elle connût aſſez
bien leurs differens caractepour
pouvoir faire un
res
-
heureux , fans fe rendre
malheureuſe , ou qu'il s'offrist
un Party plus confiderable
, qui déterminaft fon
choix. Elle approchoit de
vingt ans , quand un Cavalier
affez bienfait vint fe méler
parmy fes Adorateurs
GALANT. I
Comme il n'avoit ny plus de
naiffance , ny plus de bien
que les autres il ne reçût
la mefme honne .
d'elle
que
fteté
qu'elle
avoit
pour
tous
;
& cette
maniere
trop
indifferente
l'auroit
fans
doute
obligé
de
renoncer
à la voir
,
fi par
une
vanité
que
quelques
bonnes
fortunes
luy
avoient
fait
prendre
, il n'euſt
trouvé
de
la
honte
à ne
pas
venir
à bout
de
toucher
un
coeur
qui
avoit
toûjours
paru
infenfible
. C'eftoit
un
homme
d'un
efprit
infinuant
, &
qui
fçavoit
les
moyens
de
112 MERCURE
plaire mieux que perfonne
du monde , quand il vouloit
les mettre en ufage. Il feignit
d'eftre content des conditions
que luy préſcrivit la
Belle , & fans fe plaindre du
peu de liberté qu'elle luy laiffoit
pour les vifites , il la vit
encore plus rarement qu'elle
ne parut le fouhaiter. Il eſt
vray qu'il repara
le manque
d'empreffement qu'il fembloit
avoir pour elle , par le
foin qu'il prit de ſe trouver
aux lieux de devotion où elle
alloit ordinairement . Il la faluoit
fans luy parler que des
GALANT. 113
1
yeux , & ne manquoit pas .
dans la premiere entreveuë ,
de faire valoir d'une maniere
galante le facrifice qu'il luy
avoit fait en s'impofant la
contrainte de ne luy rien dire
, pour ne pas donner ma--
tiere à fes fcrupules. Il prenoit
d'ailleurs un plaifir par--
ticulier à élever fon merite :
devant tous ceux qui la connoiffoient
, & ce qu'elle en
apprenoit la flatoit en même
temps , & luy donnoir de l'e
ftime pour le Cavalier . Tou--
tes ces chofes firent l'effet
qu'il avoit prévû. On fou-
Mars 1685. KA
114 MERCURE
haita de s'en faire aimer. I
s'en apperçût ; & rendit des
foins un peu plus frequens,
en proteſtant que fon refpect
luy en feroit toûjours retrancher
ce qu'on trouveroit contre
les regles . La Belle qui
commençoit à eftre touchée,
adoucit en fa faveur la feve
rité de fes maximes . Elle apprehenda
qu'il n'euft trop d'exactitude
à luy, obéir , fi elle
vouloit s'opposer à ſes affi
duitez & trouvant dans fa
converfation un charme fecret
qu'elle n'avoit point fen
ty dans celle des autres , elle
GALANT. 115
crût que ce feroit ufer de:
trop de rigueur envers eile .
même , que de fe refoudre à
s'en priver. Tous fes Amans
eurent bientôt remarqué le
progrés avantageux que le
Cavalier faifoit dans fon
coeur. Ils le voyoient applaudy
fur toutes chofes ; & le
dépit les forçant d'éteindre
leur paffion , ils fe retirerent,
& laifferent leur Rival fansaucun
obftacle qui puft troubler
fes deffeins . Ce fut alors
la Belle ouvrit les yeuxque
fur le pas qu'elle avoit fait.
Le Cavalier demeuré feul au-
Kij
116 MERCURE
prés d'elle , fit examiner le
changement que l'Amour
mettoit dans fa conduite .
Toute la Ville en parla ; &
ce murmure l'ayant obligée
à s'expliquer avec luy , il
luy répondit qu'elle devoit
peu s'embaraffer de ce qu'on
penfoit de l'un & de l'autre ,
fi elle l'aimoit affez pour
vouloir bien devenir fa Fem-
; que c'eftoit dans cette
veuë qu'il avoit pris de l'attachement
pour elle ; & que·
ne fouhaitant rien avec plus
d'ardeur que de l'époufer , il
luy demandoit feulement un
me
GALANT. 117
peu
de temps pour obtenir
le confentement d'un Oncle
dont il efperoit quelque a .
vantage . Je ne puis vous dire
s'il parloit fincerement ; ce
qu'il y a de certain , c'est que
la Belle fe laiffa perfuader ..
Les promeffes que luy fit le:
Cavalier la fatisfirent &%
croyant n'avoir befoin de reputation
que pour luy , elle
fe mit peu en peine d'eftre
juftifiée envers le Public
pourvûqu'un homme qu'elle
regardoit comme fon Mary,
n'euft point fujet de fe plaindre.
Une année entiere fe
;
118 MERCURE
paffa de cette forte . Elle par
la plufieurs fois d'accomplir
le Mariage , & le fâcheux
obftacle d'un Oncle difficile
à ménager empéchoit toû
jours qu'on n'éxecutaft ce
qu'on luy avoit promis . Cependant
le Cavalier qui ne
s'eftoit obftiné à cette conquefte
, que par un vain ſentiment
de gloire , s'en dégoûta
quand elle fut faite.
L'amour de la Belle ne pouvant
plus s'augmenter , il
ceffa d'avoir pour elle les
mêmes empreffemens qui
faifoient d'abord tout fon
GALANT. 119
bonheur. Elle s'en plaignit ,
& il rejetta fur fes plaintes
trop continuelles les manie
res froides qu'il ne pouvoit
s'empécher de laiffer paroître.
Elles luy fervirent même
de prétexte pour eftre moins
affidu. Les reproches redoublerent
; & leurs converfations
n'eftant plus remplies
que de chofes chagrinantes
,
le Cavalier s'éloigna entierement.
Ce fut pour la Belle un
fujet de defefpoir qu'on ne
fçauroit exprimer . Elle envoya
plufieurs perfonnes
chez luy , elle y alla elle mê120
MERCURE
me ; & fes réponſes eſtant
toûjours qu'il l'épouferoit fitôt
qu'il auroit gagné l'efprit
de fon Oncle , elle luy fit
propofer un mariage fecret .
Il rejetta cette propofition
d'une maniere qui fit connoiſtre
à la Belle , qu'elle
efperoit inutilement luy faire
tenir parole . L'excés de fon
déplaifir égala celuy de fon
amour. Elle aimoit le Cavalier
éperdument ; & quand
elle cuft pû changer cet amour
en haine , aprés l'éclat
qu'avoient fait les chofes ,
l'intereft de fon honneur l'auroit
GALANT. 121
roit obligé à l'époufer. Toutes
les voyes de douceur
ayant manqué de fuccez,
elle forma une refolution qui
n'eftoit pas de fon fexe . Elle
employa quelque temps à
s'y affermir , & s'informa cependant
de ce que faiſoit ſon
Infidele. Elle découvrit qu'il
voyoit ſouvent une jeune
Veuve , chez qui il paffoit la
plupart des foirs. La jaloufie
augmentant fa rage , elle prit
un habit d'homme , & encouragée
par fon amour &
par la juftice de fa cauſe , elle
alla l'attendre un foir dans
Mars 1685.
L
{
122 MERCURE
une affez large ruë où elle
fçavoit qu'il devoit paffer. La
Lune eftoit alors dans fon
༣ ་
plein , & favorifoit fon entre
prife. Le Cavalier revenant
chez luy comme de coûtume
, elle l'aborda ; & à peine
luy euft- elle dit quelques paroles
, qu'il la connût à fa
voix. Il plaifanta fur cette
metamorphofe ; & la Belle .
luy déclarant d'un ton refo
lu , qu'il faloit fur l'heure ve
nir luy figner un contract de
mariage , ou luy arracher la
vie , il continua de plaifanter .
La Belle outrée de fes raille
GALANT. 123
3
ries , éxecuta ce qu'elle avoit
refolu . Elle mit l'épée à la
main ; & le contraignant de
l'y mettre auffi , elle l'attaqua
avec tant de force , que
quelque foin qu'il prît de
parer , il fut percé de deux
coups qui le jetterent par
terre. Il tomba , en difant
qu'il eftoit mort. La Belle fa.
tisfaite & defefperée en méme
temps de fa vengeance ,
cria au fecours fans vouloir
prendre la fuite . Les Voifins
parurent , & on porta
Bleffé chez un Chirurgien
qui demeuroit à vingt pas
·le
Lij
124 MERCURE
de là. Les bleffures du Cava
lier eftant mortelles , il n'eut
que le temps de déclarer
qu'il meritoit fon malheur;
qu'il avoit voulu tromper la
Belle , & qu'il en eſtoit juftement
puny. Il ajouta qu'-
elle eftoit fa Femme par la
promeffe qu'il luy avoit faite
plufieurs fois de l'époufer;
qu'il vouloit qu'on la reconnuft
pour telle , & qu'il la
prioit de luy pardonner les
déplaifirs que fon injuſtice
luy avoit caufez. Il mourut
en achevant ces paroles , &
la laiffa dans une douleur qui
GALANT. 125
paffe tout ce qu'on peut s'en
imaginer. Le repentir qu'il
avoit marqué luy rendit tout
fon amour ; & le defefpoir
où elle tomba , ne fit que
trop voir combien il avoit de
violence. Jugez de la ſurpriſe
de ceux qui eftoient preſens,
dé voir une Fille ` déguifée en
Homme , & qui demandoit
par grace qu'on vängeaſt ſur
elle la mort d'un Amant qu'
elle avoit dû facrifier à fa
gloire. Elle dit les chofes du
monde les plus touchantes ;
& il n'y eut perfonne qui ne
partageât la peine . Je n'ay
Liij
126 MERCURE
point fçeû ce que la Justice
avoit ordonné contre elle .
Son crime eft de ceux que
l'honneur fait faire , & il en
eft peu qui ne femblent excufables
, quand ils partent
d'une caufe dont on n'a point
les
à rougir.
l'amour à le tourner en fu
reur ; il en arrive ordinairement
des fuites funeftes , &
ce qui s'eft paffé depuis peu
de temps dans une des plus
grandes Villes du Royaume,.
confirme les fanglans exemples
que nous en trouvons
dans les Hiftoires. Une jeu
ne Demoiselle naturellement
fenfible à la gloire , & pleine
de cette louable & noble
fierté , qui donne un nouveau
merite aux belles Perfonnes
, vivoit dans une con--
duite qui la mettoit à cou
GALANT. 109
vert de toute cenfure. L'agrément
de ſes manieres , joint
à un brillant d'efprit qui la
diftinguoit avec beaucoup
d'avantage , luy attiroit des
Amans de tous côtez . Elle
recevoit leurs foins , fans
marquer de préférence , &
confervoit une égalité , qui
n'en rebutant aucun leur
faifoit connoître qu'elle vouloit
fe donner le temps de
choifir. C'eftoit en effet fon
but ; elle gardoit avec eux
la plus éxacte regularité ; ne
leur permettant ny vifites
affidues , ny empreffemens
110 MERCURE
trop remarquables
. Ainſi la
bienséance
régloit tous les
égards complaifans
qu'elle
croyoit leur devoir ; & la raifon
demeurant
toûjours maîtreffe
de fes fentimens
, elle
attendoit qu'elle connût aſſez
bien leurs differens caractepour
pouvoir faire un
res
-
heureux , fans fe rendre
malheureuſe , ou qu'il s'offrist
un Party plus confiderable
, qui déterminaft fon
choix. Elle approchoit de
vingt ans , quand un Cavalier
affez bienfait vint fe méler
parmy fes Adorateurs
GALANT. I
Comme il n'avoit ny plus de
naiffance , ny plus de bien
que les autres il ne reçût
la mefme honne .
d'elle
que
fteté
qu'elle
avoit
pour
tous
;
& cette
maniere
trop
indifferente
l'auroit
fans
doute
obligé
de
renoncer
à la voir
,
fi par
une
vanité
que
quelques
bonnes
fortunes
luy
avoient
fait
prendre
, il n'euſt
trouvé
de
la
honte
à ne
pas
venir
à bout
de
toucher
un
coeur
qui
avoit
toûjours
paru
infenfible
. C'eftoit
un
homme
d'un
efprit
infinuant
, &
qui
fçavoit
les
moyens
de
112 MERCURE
plaire mieux que perfonne
du monde , quand il vouloit
les mettre en ufage. Il feignit
d'eftre content des conditions
que luy préſcrivit la
Belle , & fans fe plaindre du
peu de liberté qu'elle luy laiffoit
pour les vifites , il la vit
encore plus rarement qu'elle
ne parut le fouhaiter. Il eſt
vray qu'il repara
le manque
d'empreffement qu'il fembloit
avoir pour elle , par le
foin qu'il prit de ſe trouver
aux lieux de devotion où elle
alloit ordinairement . Il la faluoit
fans luy parler que des
GALANT. 113
1
yeux , & ne manquoit pas .
dans la premiere entreveuë ,
de faire valoir d'une maniere
galante le facrifice qu'il luy
avoit fait en s'impofant la
contrainte de ne luy rien dire
, pour ne pas donner ma--
tiere à fes fcrupules. Il prenoit
d'ailleurs un plaifir par--
ticulier à élever fon merite :
devant tous ceux qui la connoiffoient
, & ce qu'elle en
apprenoit la flatoit en même
temps , & luy donnoir de l'e
ftime pour le Cavalier . Tou--
tes ces chofes firent l'effet
qu'il avoit prévû. On fou-
Mars 1685. KA
114 MERCURE
haita de s'en faire aimer. I
s'en apperçût ; & rendit des
foins un peu plus frequens,
en proteſtant que fon refpect
luy en feroit toûjours retrancher
ce qu'on trouveroit contre
les regles . La Belle qui
commençoit à eftre touchée,
adoucit en fa faveur la feve
rité de fes maximes . Elle apprehenda
qu'il n'euft trop d'exactitude
à luy, obéir , fi elle
vouloit s'opposer à ſes affi
duitez & trouvant dans fa
converfation un charme fecret
qu'elle n'avoit point fen
ty dans celle des autres , elle
GALANT. 115
crût que ce feroit ufer de:
trop de rigueur envers eile .
même , que de fe refoudre à
s'en priver. Tous fes Amans
eurent bientôt remarqué le
progrés avantageux que le
Cavalier faifoit dans fon
coeur. Ils le voyoient applaudy
fur toutes chofes ; & le
dépit les forçant d'éteindre
leur paffion , ils fe retirerent,
& laifferent leur Rival fansaucun
obftacle qui puft troubler
fes deffeins . Ce fut alors
la Belle ouvrit les yeuxque
fur le pas qu'elle avoit fait.
Le Cavalier demeuré feul au-
Kij
116 MERCURE
prés d'elle , fit examiner le
changement que l'Amour
mettoit dans fa conduite .
Toute la Ville en parla ; &
ce murmure l'ayant obligée
à s'expliquer avec luy , il
luy répondit qu'elle devoit
peu s'embaraffer de ce qu'on
penfoit de l'un & de l'autre ,
fi elle l'aimoit affez pour
vouloir bien devenir fa Fem-
; que c'eftoit dans cette
veuë qu'il avoit pris de l'attachement
pour elle ; & que·
ne fouhaitant rien avec plus
d'ardeur que de l'époufer , il
luy demandoit feulement un
me
GALANT. 117
peu
de temps pour obtenir
le confentement d'un Oncle
dont il efperoit quelque a .
vantage . Je ne puis vous dire
s'il parloit fincerement ; ce
qu'il y a de certain , c'est que
la Belle fe laiffa perfuader ..
Les promeffes que luy fit le:
Cavalier la fatisfirent &%
croyant n'avoir befoin de reputation
que pour luy , elle
fe mit peu en peine d'eftre
juftifiée envers le Public
pourvûqu'un homme qu'elle
regardoit comme fon Mary,
n'euft point fujet de fe plaindre.
Une année entiere fe
;
118 MERCURE
paffa de cette forte . Elle par
la plufieurs fois d'accomplir
le Mariage , & le fâcheux
obftacle d'un Oncle difficile
à ménager empéchoit toû
jours qu'on n'éxecutaft ce
qu'on luy avoit promis . Cependant
le Cavalier qui ne
s'eftoit obftiné à cette conquefte
, que par un vain ſentiment
de gloire , s'en dégoûta
quand elle fut faite.
L'amour de la Belle ne pouvant
plus s'augmenter , il
ceffa d'avoir pour elle les
mêmes empreffemens qui
faifoient d'abord tout fon
GALANT. 119
bonheur. Elle s'en plaignit ,
& il rejetta fur fes plaintes
trop continuelles les manie
res froides qu'il ne pouvoit
s'empécher de laiffer paroître.
Elles luy fervirent même
de prétexte pour eftre moins
affidu. Les reproches redoublerent
; & leurs converfations
n'eftant plus remplies
que de chofes chagrinantes
,
le Cavalier s'éloigna entierement.
Ce fut pour la Belle un
fujet de defefpoir qu'on ne
fçauroit exprimer . Elle envoya
plufieurs perfonnes
chez luy , elle y alla elle mê120
MERCURE
me ; & fes réponſes eſtant
toûjours qu'il l'épouferoit fitôt
qu'il auroit gagné l'efprit
de fon Oncle , elle luy fit
propofer un mariage fecret .
Il rejetta cette propofition
d'une maniere qui fit connoiſtre
à la Belle , qu'elle
efperoit inutilement luy faire
tenir parole . L'excés de fon
déplaifir égala celuy de fon
amour. Elle aimoit le Cavalier
éperdument ; & quand
elle cuft pû changer cet amour
en haine , aprés l'éclat
qu'avoient fait les chofes ,
l'intereft de fon honneur l'auroit
GALANT. 121
roit obligé à l'époufer. Toutes
les voyes de douceur
ayant manqué de fuccez,
elle forma une refolution qui
n'eftoit pas de fon fexe . Elle
employa quelque temps à
s'y affermir , & s'informa cependant
de ce que faiſoit ſon
Infidele. Elle découvrit qu'il
voyoit ſouvent une jeune
Veuve , chez qui il paffoit la
plupart des foirs. La jaloufie
augmentant fa rage , elle prit
un habit d'homme , & encouragée
par fon amour &
par la juftice de fa cauſe , elle
alla l'attendre un foir dans
Mars 1685.
L
{
122 MERCURE
une affez large ruë où elle
fçavoit qu'il devoit paffer. La
Lune eftoit alors dans fon
༣ ་
plein , & favorifoit fon entre
prife. Le Cavalier revenant
chez luy comme de coûtume
, elle l'aborda ; & à peine
luy euft- elle dit quelques paroles
, qu'il la connût à fa
voix. Il plaifanta fur cette
metamorphofe ; & la Belle .
luy déclarant d'un ton refo
lu , qu'il faloit fur l'heure ve
nir luy figner un contract de
mariage , ou luy arracher la
vie , il continua de plaifanter .
La Belle outrée de fes raille
GALANT. 123
3
ries , éxecuta ce qu'elle avoit
refolu . Elle mit l'épée à la
main ; & le contraignant de
l'y mettre auffi , elle l'attaqua
avec tant de force , que
quelque foin qu'il prît de
parer , il fut percé de deux
coups qui le jetterent par
terre. Il tomba , en difant
qu'il eftoit mort. La Belle fa.
tisfaite & defefperée en méme
temps de fa vengeance ,
cria au fecours fans vouloir
prendre la fuite . Les Voifins
parurent , & on porta
Bleffé chez un Chirurgien
qui demeuroit à vingt pas
·le
Lij
124 MERCURE
de là. Les bleffures du Cava
lier eftant mortelles , il n'eut
que le temps de déclarer
qu'il meritoit fon malheur;
qu'il avoit voulu tromper la
Belle , & qu'il en eſtoit juftement
puny. Il ajouta qu'-
elle eftoit fa Femme par la
promeffe qu'il luy avoit faite
plufieurs fois de l'époufer;
qu'il vouloit qu'on la reconnuft
pour telle , & qu'il la
prioit de luy pardonner les
déplaifirs que fon injuſtice
luy avoit caufez. Il mourut
en achevant ces paroles , &
la laiffa dans une douleur qui
GALANT. 125
paffe tout ce qu'on peut s'en
imaginer. Le repentir qu'il
avoit marqué luy rendit tout
fon amour ; & le defefpoir
où elle tomba , ne fit que
trop voir combien il avoit de
violence. Jugez de la ſurpriſe
de ceux qui eftoient preſens,
dé voir une Fille ` déguifée en
Homme , & qui demandoit
par grace qu'on vängeaſt ſur
elle la mort d'un Amant qu'
elle avoit dû facrifier à fa
gloire. Elle dit les chofes du
monde les plus touchantes ;
& il n'y eut perfonne qui ne
partageât la peine . Je n'ay
Liij
126 MERCURE
point fçeû ce que la Justice
avoit ordonné contre elle .
Son crime eft de ceux que
l'honneur fait faire , & il en
eft peu qui ne femblent excufables
, quand ils partent
d'une caufe dont on n'a point
les
à rougir.
Fermer
Résumé : Histoire, [titre d'après la table]
Le texte narre l'histoire d'une jeune demoiselle résidant dans une grande ville du royaume. Réputée pour sa sensibilité à la gloire et sa fierté, elle attire de nombreux admirateurs grâce à son charme et son esprit brillant. Elle veille à maintenir une conduite irréprochable, évitant les visites fréquentes et les démonstrations excessives, tout en laissant le temps à ses admirateurs de la convaincre. Parmi ses admirateurs, un cavalier se distingue par son esprit fin et ses bonnes fortunes. Bien qu'il feigne de se conformer aux règles de la jeune femme, il utilise divers stratagèmes pour gagner son affection, tels que la fréquenter dans des lieux de dévotion et la flatter publiquement. La jeune femme finit par s'attacher à lui, adoucissant ses principes. Ses autres admirateurs, jaloux, se retirent, laissant le champ libre au cavalier. Après une année de promesses de mariage, le cavalier, lassé par son succès, commence à négliger la jeune femme. Elle tente de le retenir, mais il refuse de s'engager. Désespérée, elle décide de le confronter déguisée en homme et le blesse mortellement lors d'un duel. Avant de mourir, le cavalier reconnaît ses torts et demande pardon, confirmant leur union par promesse. La jeune femme, dévastée, est laissée dans un état de profond désespoir.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 177-186
LE RUISSEAU. IDYLE. DE MADAME DES HOULIERES.
Début :
Préparez[-]vous, Madame, à battre des mains. Je vous / Ruisseau, nous paroisosns avoir un mesme sort, [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Nature, Coeur, Vieillesse, Poissons, Nourrir, Animaux, Empire, Homme, Sein
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE RUISSEAU. IDYLE. DE MADAME DES HOULIERES.
réparez-vous , Madame,,
à battre des mains. Je vous
envoye un Ouvrage de l'Il
luftreMadame desHoulieres.
Ce Nom vous promet quel
que chofe d'achevé ; vous le
trouverez affeurément , & fi
cette expreffion peut rien.
178 MERCURE
fouffrir qui aille au delà, vous
pouvez attendre plus , fans
crainte d'eftré trompée. Tout
eſt penſé delicatement, tout
eft exprimé de mefme, & il y
a par tout fujet d'admirer.
SSSSSSS: 25S2535
LE RUISSEAU.
IDYLE.
DE MADAME DES HOULIERES..
avoir Viffeau, nous paroiffons at
Rifleme unefmeefort yo ,
D'un coursprécipité nous allons l'un
&l'autre,
Vous à la Mer, nous à la mort;
Maishélas !que d'ailleursje voyper
de rapport
GALANT. 179
Entre voftre courfe &la noſtre!
Vous vous abandonnez fans remords,
fansterreur,
Avoftrepente naturelle;
Pointde Loyparmy vous ne la rend
criminelle,
La vicilleffe chez vous n'a rien qui
faffe horreur.
Présde lafin de vostre courſe
Vous cftesplus fort &plus beau
Que vous n'eftes à vôtrefource,
Vous retrouvez toûjours quelque agrément nouveau.
Side ces paisibles Bocages
Lafraifcheurde vos eaux augmente
tes
oppas,
Koftre bienfaitnefeperdpasi
Par de délicieux ombrages
Ils embelliffent vos rivages.
Sur unfable brillant, entre des Freza.
fleuris
180 MERCURE
Coule voftre Onde toûjours pure,
Mille &mille Poiſons dans votre
fein nourris
Ne vous attirent point de chagrins, de 1
mépris.
Avectantde bonheur d'où vient vôtre
murmure?
Hélas ! voftrefortestfi doux.
Taifez- vous, Ruiffeau , c'est à nous
Anousplaindrede la Nature.
De tantdepaffions que nourrit noftre
cœur,
Aprenez qu'iln'en est pas une
Qui ne traifne apresfoy le trouble,
la douleur,
Le repentir, ou l'infortune.
Elles déchirent nuit &jour
Les cœurs dontellesfont maîtreffes;
Mais de cesfatalesfoibleffes
La plus à craindre, c'est l' Amour,
Ses douceursmefmefont cruelles.
GALANT. 181
Elles font cependant l'objet de tous les
vœux,
Tous les autres plaiſirs ne touchent
pointfans elles;
Mais des plusforts liens le temps ufe
les nœuds,
Et le cœur le plus amoureux
Devient tranquille , ou paffe à des
Amours nouvelles.
Ruiffeau, que vous eftes heureux! 5.
In'estpointparmy vous deRuiffeaux
infidelles!
Lors que les ordres abfolus
De l'Eftre indépendant qui gouverne
le Monde,
Fontqu'un autreRuiffeaufe mefle avec
voftre Onde,
Quandvous eftes unis, vous ne vous
quitter plus.
Ace que vous voulezjamais il ne
sopofe,
182 MERCURE
Dans votrefein ilcherche às'abîmer,
Vous&luyjufques à la Mer
Vousn'eftes qu'une mefme chofe.
De toutesfortes d'unions
Que noftre vie est éloignée!
De trahisons, d'horreurs, & de diffentions
Elle est toujours accompagnée.
Qu'avez- vousmerité, Ruiſſeau tranquile & doux,
Poureftre mieuxtraitéque nous?
Qu'on neme vantepoint ces Biens
imaginaires,
Ces Prérogatives, ces Droits,
Qu'inventa noftre orgueilpour masquernosmiferes;
C'estluyfeul qui nous dit que par un
jufte choix
LeCielmitenformant les Hommes,
Lesautres Eftres fous leurs loix.
Anenouspointflaier, nousfommes
GALANT. 183
Leurs Tyransplutoft queleursRoys.
Pourquoy vous mettre à la torture?
Pourquoy vous renfermer dans cent
Canaux divers,
Etpourquoy renverser l'ordre de la
Nature
En vousforçant àjaillir dans les
airs?
Si tout doitobeirà nos ordresfuprémes,
Si toutestfaitpour nous, s'il nefaut
que vouloir,
Que n'employons nous mieux cefouverainpouvoir?
Que ne regnons- nousfur nousmefmes?
Maishélas! defesfens Efclavemalheureux,
L'Hommeofefedire le Maistre
Des Animaux, quifontpeut eftre
Plus libres qu'il ne l'est, plus doux,
plus genéreux,
184 MERCURE
Etdont la foibleffe afait naiftre
Cet Empire infolentqu'il ufurpefur reux .
Mais quefais -je? Où vamecon- duire
Lapitié des rigueurs dontcontre eux
nous ufons?
Ay -je quelque efpoir de détruire
Des erreurs où nous nous plaifons?
Non, pour l'orgueil &pour les injuftices
Le cœur humainfemble eftre fait.
Tandis qu'on fe pardonne aiſément
tous les vices,
On n'en peutfouffrir le portrait.
Hélas !on n'a plus rien à craindre,
Les vices n'ont plus de Cenfeurs,
Le Monde n'estremply que de lâches
Flateurs,
Sçavoir vivre,c'eftfçavoirfeindre.
Ruiffeau,ce n'eftplus que chez vous
GALANT. 185
Qu'ontrouve encordelafranchiſe,
any voitla laideurou la beauté qu'en
nous
La bizarre Nature amife,
Aucun defaut ne s'y déguife ,
Aux Roys comme aux Bergers vous
les reprochez tous.
Auffi ne confulte- tion guere
De vos tranquiles eaux lefidele cristal.
On évite de même un Amy tropfincere.·
Cedéplorablegouft eft legouftgenéral..
Lesleçonsfont rougir, perfonne ne less
foufre,
Le Fourbe veutparoiftre Hommede~
probité;
Enfin dans cethorrible gouffre
De mifere & de vanité,
Fe meperds ; &plusj'envisage
La foibleffe de l'Homme &fa mali--
gnités
Et moins delaDivinité
Mars 1685, Q
186 MERCURE
·En luyje reconnois l'Image,
Courez, Ruiſſeau, courez,fuyez- nou
reportez
Vos Ondesdanslefein des Mers dont
vaus fortez,
.
Tandis que pour remplir la dure de...
ftinée
Oùnoussommes affujettis,
Nous irons reporter la vie infortunée
Que le hazardnous a donnée,
Dans le fein du ncantd'où nousfom.
mesfortis.
à battre des mains. Je vous
envoye un Ouvrage de l'Il
luftreMadame desHoulieres.
Ce Nom vous promet quel
que chofe d'achevé ; vous le
trouverez affeurément , & fi
cette expreffion peut rien.
178 MERCURE
fouffrir qui aille au delà, vous
pouvez attendre plus , fans
crainte d'eftré trompée. Tout
eſt penſé delicatement, tout
eft exprimé de mefme, & il y
a par tout fujet d'admirer.
SSSSSSS: 25S2535
LE RUISSEAU.
IDYLE.
DE MADAME DES HOULIERES..
avoir Viffeau, nous paroiffons at
Rifleme unefmeefort yo ,
D'un coursprécipité nous allons l'un
&l'autre,
Vous à la Mer, nous à la mort;
Maishélas !que d'ailleursje voyper
de rapport
GALANT. 179
Entre voftre courfe &la noſtre!
Vous vous abandonnez fans remords,
fansterreur,
Avoftrepente naturelle;
Pointde Loyparmy vous ne la rend
criminelle,
La vicilleffe chez vous n'a rien qui
faffe horreur.
Présde lafin de vostre courſe
Vous cftesplus fort &plus beau
Que vous n'eftes à vôtrefource,
Vous retrouvez toûjours quelque agrément nouveau.
Side ces paisibles Bocages
Lafraifcheurde vos eaux augmente
tes
oppas,
Koftre bienfaitnefeperdpasi
Par de délicieux ombrages
Ils embelliffent vos rivages.
Sur unfable brillant, entre des Freza.
fleuris
180 MERCURE
Coule voftre Onde toûjours pure,
Mille &mille Poiſons dans votre
fein nourris
Ne vous attirent point de chagrins, de 1
mépris.
Avectantde bonheur d'où vient vôtre
murmure?
Hélas ! voftrefortestfi doux.
Taifez- vous, Ruiffeau , c'est à nous
Anousplaindrede la Nature.
De tantdepaffions que nourrit noftre
cœur,
Aprenez qu'iln'en est pas une
Qui ne traifne apresfoy le trouble,
la douleur,
Le repentir, ou l'infortune.
Elles déchirent nuit &jour
Les cœurs dontellesfont maîtreffes;
Mais de cesfatalesfoibleffes
La plus à craindre, c'est l' Amour,
Ses douceursmefmefont cruelles.
GALANT. 181
Elles font cependant l'objet de tous les
vœux,
Tous les autres plaiſirs ne touchent
pointfans elles;
Mais des plusforts liens le temps ufe
les nœuds,
Et le cœur le plus amoureux
Devient tranquille , ou paffe à des
Amours nouvelles.
Ruiffeau, que vous eftes heureux! 5.
In'estpointparmy vous deRuiffeaux
infidelles!
Lors que les ordres abfolus
De l'Eftre indépendant qui gouverne
le Monde,
Fontqu'un autreRuiffeaufe mefle avec
voftre Onde,
Quandvous eftes unis, vous ne vous
quitter plus.
Ace que vous voulezjamais il ne
sopofe,
182 MERCURE
Dans votrefein ilcherche às'abîmer,
Vous&luyjufques à la Mer
Vousn'eftes qu'une mefme chofe.
De toutesfortes d'unions
Que noftre vie est éloignée!
De trahisons, d'horreurs, & de diffentions
Elle est toujours accompagnée.
Qu'avez- vousmerité, Ruiſſeau tranquile & doux,
Poureftre mieuxtraitéque nous?
Qu'on neme vantepoint ces Biens
imaginaires,
Ces Prérogatives, ces Droits,
Qu'inventa noftre orgueilpour masquernosmiferes;
C'estluyfeul qui nous dit que par un
jufte choix
LeCielmitenformant les Hommes,
Lesautres Eftres fous leurs loix.
Anenouspointflaier, nousfommes
GALANT. 183
Leurs Tyransplutoft queleursRoys.
Pourquoy vous mettre à la torture?
Pourquoy vous renfermer dans cent
Canaux divers,
Etpourquoy renverser l'ordre de la
Nature
En vousforçant àjaillir dans les
airs?
Si tout doitobeirà nos ordresfuprémes,
Si toutestfaitpour nous, s'il nefaut
que vouloir,
Que n'employons nous mieux cefouverainpouvoir?
Que ne regnons- nousfur nousmefmes?
Maishélas! defesfens Efclavemalheureux,
L'Hommeofefedire le Maistre
Des Animaux, quifontpeut eftre
Plus libres qu'il ne l'est, plus doux,
plus genéreux,
184 MERCURE
Etdont la foibleffe afait naiftre
Cet Empire infolentqu'il ufurpefur reux .
Mais quefais -je? Où vamecon- duire
Lapitié des rigueurs dontcontre eux
nous ufons?
Ay -je quelque efpoir de détruire
Des erreurs où nous nous plaifons?
Non, pour l'orgueil &pour les injuftices
Le cœur humainfemble eftre fait.
Tandis qu'on fe pardonne aiſément
tous les vices,
On n'en peutfouffrir le portrait.
Hélas !on n'a plus rien à craindre,
Les vices n'ont plus de Cenfeurs,
Le Monde n'estremply que de lâches
Flateurs,
Sçavoir vivre,c'eftfçavoirfeindre.
Ruiffeau,ce n'eftplus que chez vous
GALANT. 185
Qu'ontrouve encordelafranchiſe,
any voitla laideurou la beauté qu'en
nous
La bizarre Nature amife,
Aucun defaut ne s'y déguife ,
Aux Roys comme aux Bergers vous
les reprochez tous.
Auffi ne confulte- tion guere
De vos tranquiles eaux lefidele cristal.
On évite de même un Amy tropfincere.·
Cedéplorablegouft eft legouftgenéral..
Lesleçonsfont rougir, perfonne ne less
foufre,
Le Fourbe veutparoiftre Hommede~
probité;
Enfin dans cethorrible gouffre
De mifere & de vanité,
Fe meperds ; &plusj'envisage
La foibleffe de l'Homme &fa mali--
gnités
Et moins delaDivinité
Mars 1685, Q
186 MERCURE
·En luyje reconnois l'Image,
Courez, Ruiſſeau, courez,fuyez- nou
reportez
Vos Ondesdanslefein des Mers dont
vaus fortez,
.
Tandis que pour remplir la dure de...
ftinée
Oùnoussommes affujettis,
Nous irons reporter la vie infortunée
Que le hazardnous a donnée,
Dans le fein du ncantd'où nousfom.
mesfortis.
Fermer
Résumé : LE RUISSEAU. IDYLE. DE MADAME DES HOULIERES.
Le texte est une lettre accompagnant un ouvrage de Madame Deshoulières, une poétesse. L'auteur exprime son admiration pour l'œuvre et invite la destinataire à l'apprécier. L'œuvre en question est une idylle intitulée 'Le Ruisseau'. Dans ce poème, le ruisseau est personnifié et comparé à la vie humaine. Le poème souligne la pureté et la constance du ruisseau, contrastant avec les passions humaines qui apportent trouble et douleur. L'amour est particulièrement mis en avant comme une passion destructrice. Le texte critique également les actions humaines qui perturbent l'ordre naturel, comme la canalisation des ruisseaux. L'auteur exprime une réflexion sur la condition humaine, marquée par l'orgueil et les injustices. La lettre se conclut par une contemplation de la faiblesse humaine et de la divinité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
40
p. 93-99
A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Début :
On croit quelquefois rire de la Mort quand elle est / Il est donc vray, Damon, vous aimez Celimene, [...]
Mots clefs :
Fièvre, Amies, Gentilhomme, Muses, Ardeur , Gloire, Amour, Empire, Charmes, Beauté, Iris, Mémoire, Coeur, Jeunesse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
On croit quelquefois rire
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
94 MERCURE
de la Mort quand elle eſtfore
proche. C'eſt ce qui eſt arrivé
à une jeune Perſonne, qui
n'ayant qu'un peu de Fievre ,
dit en badinant à un galant
Homme qui luy rendoit des
foins affidus , que quand elle.
feroitmorte, elle vouloit qu'il
donnaſt ſon coeur àune de ſos
Amies , qu'elle luy nomma.
SaFievre ayant augmenté,elle
mourut peu de jours aprés.
Un jeune Gentilhomme que
les affaires n'empêchét point
de ſonger de temps en temps
à faire ſa Cour aux Mufes,2
fait deſſus les Vers queje
vous envoye
GALANT S
5555 5552 55255522
A DAMON.
Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné
en mourant d'aimer Celimene,
I
Lest donc vray, Damon ,
mez Celimene,
,vousai-
Foſtre Iris en mourantfit naiſtre ceive
ardeur,
Lors que par Testament, pourferrer
cette chaîne,
Elle luy laiſſa voſtre coeur..
Se
IeSçayqu'il eſtoit defagloire
Deplacer en bor lieu vos voeux;
Maishonorez - vousſa mémoire?
Voussentez- vous bien amoureux?
S2
Plus vousferezſenſible à cetteAmor
nouvelle
96 MERCURE
Dontpourvous Iris afait choix ,
Etplus vous montrerez de zéle
Aremplirſes dernieres loix .
Se
Non, non, ne craignez rien , on n'en
Sçauroit médire,
Aimez en touteseureté;
Iris avantſa mort voulut bienySoufcrire.
Si vous tournez vos voeux vers un
autre coſté,
C'est la marque de ſon Empire,
Nonde vostre legereté.
S2
Malgréce changement d'hommage
Vostre coeur ne s'estpointmépris;
Mais croyez-moy, Damon,pourn'estre
pointvolage,
DansCelimene ilfaut que vous aimiez
Iris.
Lors
GALANT. 97
1
Se
Lors qu'àvoſtrejeune Maistreffe
Vous rendrez des soins à l'écart,
Plein d' Iris , conduisezfibien voftre
tendresse,
Qu'elle en ait la meilleure part.
52
L'Affaire eft affez délicate,
Gardez de vous tromper, gardez de la
trahir.
Pour un nouvel Objet quandvoſtre
amour éclate,
Nefaites-vous rien qu'obeïr?
Se
Onfçait qu'à prendrefeu vostre ame
est affez prompte,
Qu'un bel oeil peutbeaucoup fur
vous.
Celimene faitvoir cent charmes des
plusdoux,
Avril 1685. I
98 MERCURE
Ne l'aimeriez- vous point tout- à-fait
pourson compte?
८८
Les Vivans, ce dit- on,font oublierles
Morts.
Ces derniers n'ont rien que deſom
bre.
Me trompay-je, Damon?je croy qu'un
jolyCorps
Vous accommode mieux qu'une
Ombre?
52
Voulez- vousypenſerſouvent?
Dans Celimene, Iris doit eftre regardée.
Ce raport eft aisé ; mais ce n'estqu'une
idée,
Et l'amourveutplus que du vent.
22
Comme d'une viande legere
Levostre affezmalse nourrit,
i
GALANT. 99
Pour le mieuxfoûtenir, ilfaut que la
:
matiere
Accoure ausecours de l'esprit.
52
LuySeul ne rendroit pas uneflame
conftante;
Etquand celuy d' Iris est remonté là
baut,
Une belle &jeune Vivante
Estbeaucoup mieux ce qu'il vous
faut.
Se
Cepedant voulez -vous m'en croire,
Prendre leparty le meilleur?
Qu' Iris ait toute la mémoire,
Et Celimene tout le coeur.
Se
Vousy trouverez vostre affaire,
Et ce partagefaitainsi
Atoutes deux vous laiſſantfatisfaire,
Vous vousfatisferezauffi .
Fermer
Résumé : A DAMON. Sur ce qu'Iris luy avoit ordonné en mourant d'aimer Celimene.
Le texte présente deux récits distincts. Le premier raconte l'histoire d'une jeune personne souffrant d'une légère fièvre qui plaisante avec un galant homme en lui demandant de donner son cœur à une de ses amies après sa mort. La fièvre s'aggravant, elle décède peu après. Le second récit est une correspondance poétique entre Damon et un galant homme. Iris, avant de mourir, ordonne à Damon d'aimer Célimène. Le galant homme conseille à Damon de respecter la mémoire d'Iris tout en aimant Célimène, soulignant que les vivants font oublier les morts. Il l'encourage à voir Iris dans Célimène, mais aussi à apprécier les charmes de cette dernière. Le texte se conclut par un conseil à Damon de partager son cœur entre la mémoire d'Iris et l'amour pour Célimène, afin de se satisfaire pleinement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
41
p. 131-133
« Mettre dans un beau jour les plus foibles pensées, [...] »
Début :
Mettre dans un beau jour les plus foibles pensées, [...]
Mots clefs :
Défauts, Auteur, Chanson, Coeur, Ardeur , Grandeur, Mr d'Ambruis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Mettre dans un beau jour les plus foibles pensées, [...] »
MEttre dans un beau jour les
plus foibles penjees ,
Réparerpar des tous les defauts d'un
Autheur,
122 MERCURE
Toucherd'une Chanson le moinsfen
fible coeur,
Et redonner la vie àdes choses paſſées.
25
Avec un tour galanı , des manieres
aisées
Peindre les paffionszen inſpirer l'ardeur,
Faire d'un beausujet éclater la gran
deur,
Etsçavoirménager les choses op...
pofées.
Sz
Travaillerfans relache, eftre toûjours
nouveau,
C'eſt montrerce que l' Art a de rare o
de beaus
Etce quejusqu'icy peu de Gens ont
Soeufaire:
25
Mais joindre àces talens un esprit
bientourné,
)
GALANT. 133
Pour plaire également en plus d'un
caractére
Ce n'estqu'au ſeuld' Ambruis quele
Ciel l'a donné.
plus foibles penjees ,
Réparerpar des tous les defauts d'un
Autheur,
122 MERCURE
Toucherd'une Chanson le moinsfen
fible coeur,
Et redonner la vie àdes choses paſſées.
25
Avec un tour galanı , des manieres
aisées
Peindre les paffionszen inſpirer l'ardeur,
Faire d'un beausujet éclater la gran
deur,
Etsçavoirménager les choses op...
pofées.
Sz
Travaillerfans relache, eftre toûjours
nouveau,
C'eſt montrerce que l' Art a de rare o
de beaus
Etce quejusqu'icy peu de Gens ont
Soeufaire:
25
Mais joindre àces talens un esprit
bientourné,
)
GALANT. 133
Pour plaire également en plus d'un
caractére
Ce n'estqu'au ſeuld' Ambruis quele
Ciel l'a donné.
Fermer
42
p. 149-162
LE TRIOMPHE DE VÉNUS.
Début :
Vous vous souvenez de la Dispute qui s'est élevée / Sur le bord de l'Arar, ma Muse solitaire, [...]
Mots clefs :
Statue, Vénus, Muse, Amour, Sommeil, Triomphe, Courtisans, Glorieux, Grâces, Jeux, Coeur, Grandeur, Lumière, Charme, Héros, Heureux, Louis le Grand
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE TRIOMPHE DE VÉNUS.
Vous vous ſouvenez de la
Diſpute qui s'eſt élevée entre
les Sçavans touchant la Statuë
de la Viile d'Arles , pour
fçavoir fi elle repreſentoit
Venus , ou Diane. La décifion
de Sa Majesté qui s'eft
déclarée pour la premiere,
ayant terminé ce differend,
M' Magnin de l'Academie
Royale d'Arles , a fait làdeſſus
le galantOuvrage que
je vous envoye.bon
Nij
150 MERCURE
?
:
52555255-52552 555
LE TRIOMPHE
DE VENUS .
Urte bord de l'Arar ,ma Mase
Jolitaire
Cher espoirde mes derniers jours
M'offroitde quelques vers leSterite
Lecours,
Et révoit à ſon ordinaire,
Quandles Feux,les Ris,lesAmours
Vinvent troubler en foule, avecque I
leursTambours رد مرا
Leurs chants, leur Haut-bois , lour
Musette,
Lefilence dema Retraite.
52
ол
LeDieu qui fait aimer , l'air gay , le
teintvermeil,
GALANT. 151
M'aborde, s'avanceà leurteste,
Etme dit,fors de cesommeil,
Qui,filoin des plaisirs , &t'endort,
&i'arreste.
Venus triomphe enfin,je t'invite à la
feſte;
Ala Cour de LOVIS, on enfait l'appareil,
Ettout en estjusqu'au Soleil.
Se
Dianeabeaufaire lafiere,
Ellen'a plusde Courtisans,
Etfesplus zelez Partiſans
Ontabandonnéla carriere.
S2
SurunSujetfi glorieux
Nous avons raisonné , mais foibles
quenoussommes,
Dis-je alors , n'est- cepas au plusparfaitdes
Hommes
Adireſon avissur l'interèt desDieux?
N iiij
152 MERCURE
LOVIS aprononcé, c'est à tuy de ré-
Soudre,
Il estdans un degréfihaut chez les
Humains,
Que quandmesme ces Dieux luy préteraient
lafoudre,
Apeine croiroit on qu'elle custchangé
demains.
Se
Aprésque ce Heros a vuidé la querolle
Ilnefautplus disputer,
Venus le doitemporter,
Les Muſes deformais vivront bien
avec elle..
Prés de LOVIS le Grand, eltesfont
enfaveur,
P
Les Graces pour Venus ont un zele
fidelte
Enſemble de ce vainqueur
Chantantlagloire immortelle
GALANT 153
Ellesfe feront honneur
Den'avoirqu'un mesme coeur.
Se :
Les Gracesme répondirent,
Ilnetiendrapoint ànous
Les Feux,les Ris repartirent,
Quepeut- on fairefansvous,
Fillesde Venus difcrettes ?
Tout ce que gouſtent de doux
Lesamours les plusparfaites ,
N'est-cepasvousquile faites?
Que peut onfairefans vous,
Filles de Venus difcrettes?
52
Entrez dans'le Palais du plusgrand
Roy du monde,
Admirezſaſageſſe , & tranquile&
profonde,
Entrez , Mere des Amours ,
Vous triomphez , & Diane
Qui vous traitoit de Propbanes
:
154 MERCURE
N'eutjamais de fibeauxjours.
८८
Aces cris d'allegreffe
LesMuſes à leurtour
Vinrent fendre la preſſe,
Etpourfaire leur cour
Meſlons nosvoix , dirent- elles,
Ala gloire du Heros,
Dont les grandeurs immortelles,
Nous donnent en cejour unsi noble
repos.
Se
Leparty plut d'abord , lesGraces l'ac
cepterent,
Etfan's perdre de temps en recitsfuflus,
Voicy comme elles chanterent
LeTriomphe de Venus.
LES GRACES.
Venus a l'airtouchant,&d'elleonpeut
apprendre
1
GALANT. 155
Amefler aux Lauriers les Myrthes
amoureux .
Venus ne gaste rien audeſtin des
heureux,
En eft.on moins Heros , pouravoir le
coeur tendre?
LES MUSES .
Quand on donnedes loix aux plus
grands des Humains,
Toûjours vainqueur, &toûjours
équitable,
Etque demille Souverains
On tient lefort entre ses mains,
Pour avoir l'amefiere, en est- on moins
aimable?
LES GRACES.
Dans un degréde gloire , ou rien ne
peutatteindre,
Ilfautsçavoirdécendre , il fautſca-
いいvoir charmer
Il est beau dese faire craindre
156 MERCURE
Ilestdoux dese faire aimer.
LES MUSES ...
Si Venus maintenant d'une Pomme
eftornée,
Del'air dont elle la tient
Onvoitqu'ellesefouvient
DuHeros qui l'a donnéc.
LES GRACES.
Celle qu'elle recent de ce Bergervolage
Qui causa d'Ilion lefuneste ravage
Eftoit- elle de ceprix?
LOUIS a le rare avantage
De ne pouvoir estresurpris;
Iljointpar unheureux , &charmant
affemblage
Alafiertéd' Hector les charmes de
Paris. 6
LES MUSES .
Son régnefiplein de merveilles
Est la gloire de l'Univers .
i
GALANT. 157
LES GRACES .
Il est l'entretien de vosveilles
Il estle charme de vos Vers.
LES MUSES .
:
Certesfafaveurfouveraine
Nous tient lieu detout aujourd'huy.
LES GRACES.
Il estAuguste , il est Macene,
Vous n'avez affaire qu'à luy.
LES MUSES .
Qui peut nous troubler ? de la
guerre
On a fermé les Esendars
LES GRACES .
Flore peut reduire en parterre
Tout le terrain du Champ de Mars.
LES MUSES .
Plusde Canons , plus de Carcaffes,
Ne troublent l'accord de nos voix.
MULES GRACES.
Ilfautlaiſſer rive les Graces,
158 MERCURE
LOVIS les remet dans leurs
droits.
LES MUSES .
Dianen'estpoint abaiffée ;
Que cede- t'elle icy dufien?
LES GRACES .
Elle estla premiereplacée,
Venusne luy dérobe rien.
LES MUSES .
Sous le Heros quiles aſſemble
Qu'elles aurontdejours heureux!
LES GRACES.
Puißent-elles toûjours enſemble
L'accompagner dans tous fes
vaux.
... LES MUSES.
Puiffent elles d'intelligence
De charmerdans ses petits Fils.
LES GRACES!
Puiffent- elles toûjours en France
Faire la culture des •
GALANT 159
LES MUSES .
Venez ,heureuſes Destinées
Venez ſeconderſes defirs.
LES GRACES .
Neveillez queſurſes années,
Neménagezqueses plaisirs.
LES MUSES .
Fieres Beautez , Venus vous preffe
Devous enflamer en ce jour.
LES GRACES.
Que toutse rendeà latendreſſe;
Quefaire d'un coeurfans amour?
LES MUSES .
-Sans amourseroit- il poſſible
D'avoir des plaiſirs accomplis?
LES GRACES.
QuAmarilisfoitinſenſible,
C'est tant pis pour Amarilis.
LES MUSES.
Venus triomphe, tout le monde
Doit estresoumis àses loix.
160 MERCURE
LES GRACES .
Elle enflame laterre & l'onde,
Peut - on avoir de plus grands
droits?
Se
Merucilledufiecle ou nnoouussfommes
Dit l'Amour , fi Venus voit rétablir
Ses droits,
N'est- ce pas par la voix
Du plus parfait des Hommes,
plus grand des Rois? Etdu
は
Son triomphe estfiny , Sa gloire estaccomplie
Sa place estoit marquée , &le fera
toujours,
Pouvoit elle eftre mieux remplie
rlaMeredes Que parla
Se
Amours?
Allez à vostre tour, allez prendre vos
GALANT. 161
!
Dans ce Palais auguſte , il ne vous
manque rien
Etpourfinirvoſtre entretien
Apprenez à tous ceux qui plaignoients
vos disgraces,
Que les Muses, &les Graces
Nefurentjamaissibien.
SS
Rag છે
Allez par toute laterre
Aſſemblervos Favoris,
Lebruit affreux de la guerre
Netroublera plus vos cris..
Signalons noftre allegreffe
Regnons dansce Siecle heureux,
C'estl'amourqui nous en preſſe,
Direntles Ris,&les feux.
Allonsfaire éclaterfur laTerre&fur
l'onde,
Allons , & ne tardóns plus,
Au nom du Maistre du monde
162 MERCURE
Le triomphe de venus.
S&
Acesmots ils difparurem wiel
Sur leurs pas les Zephirs de la Plaine
coarurent
A
Etreftantfeulje dis en soupirant,
Tropheureux qui vous peutfuivre
Dans cet airfi triomphant;
Mais plus beureux qui peutvivre
Auprés de LOUIS le Grand!
Diſpute qui s'eſt élevée entre
les Sçavans touchant la Statuë
de la Viile d'Arles , pour
fçavoir fi elle repreſentoit
Venus , ou Diane. La décifion
de Sa Majesté qui s'eft
déclarée pour la premiere,
ayant terminé ce differend,
M' Magnin de l'Academie
Royale d'Arles , a fait làdeſſus
le galantOuvrage que
je vous envoye.bon
Nij
150 MERCURE
?
:
52555255-52552 555
LE TRIOMPHE
DE VENUS .
Urte bord de l'Arar ,ma Mase
Jolitaire
Cher espoirde mes derniers jours
M'offroitde quelques vers leSterite
Lecours,
Et révoit à ſon ordinaire,
Quandles Feux,les Ris,lesAmours
Vinvent troubler en foule, avecque I
leursTambours رد مرا
Leurs chants, leur Haut-bois , lour
Musette,
Lefilence dema Retraite.
52
ол
LeDieu qui fait aimer , l'air gay , le
teintvermeil,
GALANT. 151
M'aborde, s'avanceà leurteste,
Etme dit,fors de cesommeil,
Qui,filoin des plaisirs , &t'endort,
&i'arreste.
Venus triomphe enfin,je t'invite à la
feſte;
Ala Cour de LOVIS, on enfait l'appareil,
Ettout en estjusqu'au Soleil.
Se
Dianeabeaufaire lafiere,
Ellen'a plusde Courtisans,
Etfesplus zelez Partiſans
Ontabandonnéla carriere.
S2
SurunSujetfi glorieux
Nous avons raisonné , mais foibles
quenoussommes,
Dis-je alors , n'est- cepas au plusparfaitdes
Hommes
Adireſon avissur l'interèt desDieux?
N iiij
152 MERCURE
LOVIS aprononcé, c'est à tuy de ré-
Soudre,
Il estdans un degréfihaut chez les
Humains,
Que quandmesme ces Dieux luy préteraient
lafoudre,
Apeine croiroit on qu'elle custchangé
demains.
Se
Aprésque ce Heros a vuidé la querolle
Ilnefautplus disputer,
Venus le doitemporter,
Les Muſes deformais vivront bien
avec elle..
Prés de LOVIS le Grand, eltesfont
enfaveur,
P
Les Graces pour Venus ont un zele
fidelte
Enſemble de ce vainqueur
Chantantlagloire immortelle
GALANT 153
Ellesfe feront honneur
Den'avoirqu'un mesme coeur.
Se :
Les Gracesme répondirent,
Ilnetiendrapoint ànous
Les Feux,les Ris repartirent,
Quepeut- on fairefansvous,
Fillesde Venus difcrettes ?
Tout ce que gouſtent de doux
Lesamours les plusparfaites ,
N'est-cepasvousquile faites?
Que peut onfairefans vous,
Filles de Venus difcrettes?
52
Entrez dans'le Palais du plusgrand
Roy du monde,
Admirezſaſageſſe , & tranquile&
profonde,
Entrez , Mere des Amours ,
Vous triomphez , & Diane
Qui vous traitoit de Propbanes
:
154 MERCURE
N'eutjamais de fibeauxjours.
८८
Aces cris d'allegreffe
LesMuſes à leurtour
Vinrent fendre la preſſe,
Etpourfaire leur cour
Meſlons nosvoix , dirent- elles,
Ala gloire du Heros,
Dont les grandeurs immortelles,
Nous donnent en cejour unsi noble
repos.
Se
Leparty plut d'abord , lesGraces l'ac
cepterent,
Etfan's perdre de temps en recitsfuflus,
Voicy comme elles chanterent
LeTriomphe de Venus.
LES GRACES.
Venus a l'airtouchant,&d'elleonpeut
apprendre
1
GALANT. 155
Amefler aux Lauriers les Myrthes
amoureux .
Venus ne gaste rien audeſtin des
heureux,
En eft.on moins Heros , pouravoir le
coeur tendre?
LES MUSES .
Quand on donnedes loix aux plus
grands des Humains,
Toûjours vainqueur, &toûjours
équitable,
Etque demille Souverains
On tient lefort entre ses mains,
Pour avoir l'amefiere, en est- on moins
aimable?
LES GRACES.
Dans un degréde gloire , ou rien ne
peutatteindre,
Ilfautsçavoirdécendre , il fautſca-
いいvoir charmer
Il est beau dese faire craindre
156 MERCURE
Ilestdoux dese faire aimer.
LES MUSES ...
Si Venus maintenant d'une Pomme
eftornée,
Del'air dont elle la tient
Onvoitqu'ellesefouvient
DuHeros qui l'a donnéc.
LES GRACES.
Celle qu'elle recent de ce Bergervolage
Qui causa d'Ilion lefuneste ravage
Eftoit- elle de ceprix?
LOUIS a le rare avantage
De ne pouvoir estresurpris;
Iljointpar unheureux , &charmant
affemblage
Alafiertéd' Hector les charmes de
Paris. 6
LES MUSES .
Son régnefiplein de merveilles
Est la gloire de l'Univers .
i
GALANT. 157
LES GRACES .
Il est l'entretien de vosveilles
Il estle charme de vos Vers.
LES MUSES .
:
Certesfafaveurfouveraine
Nous tient lieu detout aujourd'huy.
LES GRACES.
Il estAuguste , il est Macene,
Vous n'avez affaire qu'à luy.
LES MUSES .
Qui peut nous troubler ? de la
guerre
On a fermé les Esendars
LES GRACES .
Flore peut reduire en parterre
Tout le terrain du Champ de Mars.
LES MUSES .
Plusde Canons , plus de Carcaffes,
Ne troublent l'accord de nos voix.
MULES GRACES.
Ilfautlaiſſer rive les Graces,
158 MERCURE
LOVIS les remet dans leurs
droits.
LES MUSES .
Dianen'estpoint abaiffée ;
Que cede- t'elle icy dufien?
LES GRACES .
Elle estla premiereplacée,
Venusne luy dérobe rien.
LES MUSES .
Sous le Heros quiles aſſemble
Qu'elles aurontdejours heureux!
LES GRACES.
Puißent-elles toûjours enſemble
L'accompagner dans tous fes
vaux.
... LES MUSES.
Puiffent elles d'intelligence
De charmerdans ses petits Fils.
LES GRACES!
Puiffent- elles toûjours en France
Faire la culture des •
GALANT 159
LES MUSES .
Venez ,heureuſes Destinées
Venez ſeconderſes defirs.
LES GRACES .
Neveillez queſurſes années,
Neménagezqueses plaisirs.
LES MUSES .
Fieres Beautez , Venus vous preffe
Devous enflamer en ce jour.
LES GRACES.
Que toutse rendeà latendreſſe;
Quefaire d'un coeurfans amour?
LES MUSES .
-Sans amourseroit- il poſſible
D'avoir des plaiſirs accomplis?
LES GRACES.
QuAmarilisfoitinſenſible,
C'est tant pis pour Amarilis.
LES MUSES.
Venus triomphe, tout le monde
Doit estresoumis àses loix.
160 MERCURE
LES GRACES .
Elle enflame laterre & l'onde,
Peut - on avoir de plus grands
droits?
Se
Merucilledufiecle ou nnoouussfommes
Dit l'Amour , fi Venus voit rétablir
Ses droits,
N'est- ce pas par la voix
Du plus parfait des Hommes,
plus grand des Rois? Etdu
は
Son triomphe estfiny , Sa gloire estaccomplie
Sa place estoit marquée , &le fera
toujours,
Pouvoit elle eftre mieux remplie
rlaMeredes Que parla
Se
Amours?
Allez à vostre tour, allez prendre vos
GALANT. 161
!
Dans ce Palais auguſte , il ne vous
manque rien
Etpourfinirvoſtre entretien
Apprenez à tous ceux qui plaignoients
vos disgraces,
Que les Muses, &les Graces
Nefurentjamaissibien.
SS
Rag છે
Allez par toute laterre
Aſſemblervos Favoris,
Lebruit affreux de la guerre
Netroublera plus vos cris..
Signalons noftre allegreffe
Regnons dansce Siecle heureux,
C'estl'amourqui nous en preſſe,
Direntles Ris,&les feux.
Allonsfaire éclaterfur laTerre&fur
l'onde,
Allons , & ne tardóns plus,
Au nom du Maistre du monde
162 MERCURE
Le triomphe de venus.
S&
Acesmots ils difparurem wiel
Sur leurs pas les Zephirs de la Plaine
coarurent
A
Etreftantfeulje dis en soupirant,
Tropheureux qui vous peutfuivre
Dans cet airfi triomphant;
Mais plus beureux qui peutvivre
Auprés de LOUIS le Grand!
Fermer
43
p. 182-187
LE COQ D'INDE DÉPLUMÉ. FABLE.
Début :
L'Envie est un grand defaut, & il n'y a rien de plus / Un jour les Oyseaux de nos Bois [...]
Mots clefs :
Envie, Défauts, Oiseaux, Voix, Chanter, Air, Rossignol, Victoire, Corbeau, Coq d'Inde, Prix, Coeur, Honneur, Beauté, Estime
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE COQ D'INDE DÉPLUMÉ. FABLE.
L'Envie eſt un grand defaut
, & il n'y a rien de plus
dangereux que de l'écouter.
La Fable qui fuit nous le fait
aſſez connoiſtre .
GALANT. 183
25522-5252552-2555
LE COQ D'INDE
DEPLUME' .
FABLE.
Njourles Oyseauxdenos
Bois
Diſputerent entr'eux de la plus belle
voix.
Ils'agiffoit d'acquerir de l'eſtime ;
On déterminal' Airque l'on devoit
chanter.
C'estoit unAir grand &fublime ,
On vintde toutes parts àdeſſein d'écouter,
Etpourjugerde cette Affaire.
Un Chardonnet d'abordyparutfur
1
lesvangs,
(
184 MERCURE
Maissa voix estoitsi vulgaire,
Quenonobstantſes Partisans,
Ellen'eutpas ledonde plaire.
Un Reffignolfurvient, mais un des
plusfçavans,
Etd'une voix auffi douce quefortes
Ses tonsſemblentfi beaux,sijustes,
Sitouchans,
Que de cent Piques il l'emporte,
Etmesme de l'aveu des autres Prétendans
Chacun luy donne la victoire.
Ilest vray qu'un Corbeau voulutternirsa
gloire;
Mais malgré ses croaſſemens,
On rendit justice au mérite.
Luy, par une prudente & modefte
conduite,
Auffi-tostse casha, de peur des Complimens.
La Diſpute estoit doncfinie,
GALANT. 185
1
Lors qu'un vicux Poulet d'Inde, émû
dejalousie,
Ofa bien la recommencer....
Quelques Poulettesfes Voisines,
Sans eſprit,fansbon goust, inquiettes,..
chagrines,
A cela le vinrent pouffer...
Adisputer le Prix fortement il s'en
gages
CeChantre du dernier étage,
Qui n'avoit jamais dit que pi, pi,
pia,pia,
Du Vainqueur hardiment condamna
le ramages
LeRoffignolleſceut,&peu s'enfoucia..
Afon aise il luy laiſſa dire
Tout ce qu'il avoit fur le coear.
Le Coq d'Inde, au lien de lay nuive,
Nelayfit qu'un fort grand hon-.
neur. 33
CetOyseau népour la Cuisine
Avril 1685.
186 MERCURE
Nepouvoit, diſoit il,fouffrirces rou
lemens,
Ces fredons redoublez, & ces faux
agrémens
Qui nesefont que parroutine.
Ilaimoit dans le Chant cettefimpli
cité
Qui n'a rienqui ſoit affecté.
Ses plaintespar tout retentiſſent;
Ases raisons d'abord les Oyfons
applaudiſſent.
On fait donc affembler les Oyfeaux
d'alentour,
Pourjuger de la Voix charmante.
Ilvintdes Epreviers, avec quelque
Vautour,
Gensſujets àla paraquante. )
Mesme on invita des Coucous
Des Chauveſouris, des Hibous,
Pourrendre la Troupe nombreuse.
En leurpréſence enfin le Coqd' Inde
chanta,
GALANT. 187
Etfa voix leur parut fi rude &fi piteuse
Qu'en un moment chacun d'eux
secanta
Cependant noftre Chantre estoittout
horsd'haleine,..
1
Lors qu'un grandEprevierde couroux:
s'enflama,
Sautafur luy, le dépluma,
Pour luy faire payer la peine.
Ainsi l'on voit deſottes Gens ,
Enteſtez de leur propre eftime,.
Qui ,foiten Profe,foit en Rime,
Veulent qu'on rie à leurs dépens..
, & il n'y a rien de plus
dangereux que de l'écouter.
La Fable qui fuit nous le fait
aſſez connoiſtre .
GALANT. 183
25522-5252552-2555
LE COQ D'INDE
DEPLUME' .
FABLE.
Njourles Oyseauxdenos
Bois
Diſputerent entr'eux de la plus belle
voix.
Ils'agiffoit d'acquerir de l'eſtime ;
On déterminal' Airque l'on devoit
chanter.
C'estoit unAir grand &fublime ,
On vintde toutes parts àdeſſein d'écouter,
Etpourjugerde cette Affaire.
Un Chardonnet d'abordyparutfur
1
lesvangs,
(
184 MERCURE
Maissa voix estoitsi vulgaire,
Quenonobstantſes Partisans,
Ellen'eutpas ledonde plaire.
Un Reffignolfurvient, mais un des
plusfçavans,
Etd'une voix auffi douce quefortes
Ses tonsſemblentfi beaux,sijustes,
Sitouchans,
Que de cent Piques il l'emporte,
Etmesme de l'aveu des autres Prétendans
Chacun luy donne la victoire.
Ilest vray qu'un Corbeau voulutternirsa
gloire;
Mais malgré ses croaſſemens,
On rendit justice au mérite.
Luy, par une prudente & modefte
conduite,
Auffi-tostse casha, de peur des Complimens.
La Diſpute estoit doncfinie,
GALANT. 185
1
Lors qu'un vicux Poulet d'Inde, émû
dejalousie,
Ofa bien la recommencer....
Quelques Poulettesfes Voisines,
Sans eſprit,fansbon goust, inquiettes,..
chagrines,
A cela le vinrent pouffer...
Adisputer le Prix fortement il s'en
gages
CeChantre du dernier étage,
Qui n'avoit jamais dit que pi, pi,
pia,pia,
Du Vainqueur hardiment condamna
le ramages
LeRoffignolleſceut,&peu s'enfoucia..
Afon aise il luy laiſſa dire
Tout ce qu'il avoit fur le coear.
Le Coq d'Inde, au lien de lay nuive,
Nelayfit qu'un fort grand hon-.
neur. 33
CetOyseau népour la Cuisine
Avril 1685.
186 MERCURE
Nepouvoit, diſoit il,fouffrirces rou
lemens,
Ces fredons redoublez, & ces faux
agrémens
Qui nesefont que parroutine.
Ilaimoit dans le Chant cettefimpli
cité
Qui n'a rienqui ſoit affecté.
Ses plaintespar tout retentiſſent;
Ases raisons d'abord les Oyfons
applaudiſſent.
On fait donc affembler les Oyfeaux
d'alentour,
Pourjuger de la Voix charmante.
Ilvintdes Epreviers, avec quelque
Vautour,
Gensſujets àla paraquante. )
Mesme on invita des Coucous
Des Chauveſouris, des Hibous,
Pourrendre la Troupe nombreuse.
En leurpréſence enfin le Coqd' Inde
chanta,
GALANT. 187
Etfa voix leur parut fi rude &fi piteuse
Qu'en un moment chacun d'eux
secanta
Cependant noftre Chantre estoittout
horsd'haleine,..
1
Lors qu'un grandEprevierde couroux:
s'enflama,
Sautafur luy, le dépluma,
Pour luy faire payer la peine.
Ainsi l'on voit deſottes Gens ,
Enteſtez de leur propre eftime,.
Qui ,foiten Profe,foit en Rime,
Veulent qu'on rie à leurs dépens..
Fermer
44
p. 256-272
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
On m'a conté une chose fort particuliere, arrivée icy sur [...]
Mots clefs :
Carnaval, Déguisements, Cavalier, Dame, Filles, Richesse, Honnêteté, Soeurs, Coeur, Charme, Belle, Correspondance, Mariage, Passion, Comédie, Galanterie, Bal, Assemblée, Amour, Divertissement, Amants, Hasard, Masques, Attaque, Diamant, Bourse, Mémoire, Jugement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
On m'a conté une choſe
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
fort particuliere , arrivée icy
ſur la fin du Carnaval. C'eſt
la ſaiſon des Déguiſemens , &
par conféquent des Avantures.
Un Cavalier d'une Province
éloignée, eſlant venu à
Paris pour y acquerir d'air de
liberté & de politeffe qui diftingue
ceux qui ont veu le
monde , prit habitude chez
uneDame tres ſpirituelle, qui
cultiva cette connoiſſance
GALANT. 297
Voit
avec tout le ſoin qu'elle de-
Elle avoit deux Filles,
toutes deuxbien faites , & la
fortune ne luy ayant pascité
favorable , il eſtoit de l'inte
reſt de l'une & de l'autre que
ſa politique ménageaft ceux
que desviſites un peu affidues
pouvoient engager à prendre
feu Le Cavalier eſtoit
tiche , & cette ſeule raifon
euſtportéla Dame àtous les
égards qu'elle avoit pour luy,
quand mesme il n'auroit efte
confiderable par aucun merite.
Il n'eut pendant quel
que temps que des complai
Avril 1685. Y
258 MERCURE
fances genérales que l'hon
neſteté oblige d'avoir pour
toutes les Dames. On le recevoit
agréablement ,& les
deux Soeurs a l'envy luy faifoient
paroiſtre toute l'eſtime
que la bien ſéance leur pou
voit permettre , fans qu'aucunempreſſement
particulier
pour l'une ou pour l'autremarquaft
le choix de ſon coeur,
mais enfin il s'attacha à l'Aînée,&
l'égalité d'humeur qu'il
luy trouva fut pour luy un fi
grand charme qu'il mit
tous ſes foins à s'en faire
,
aimer. Vous jugez bien qu'il
GALANT. 259
n'eut pas de peine à y reüf
fir. La Belle eſtoit dans des
dipoſitions qui avoient en
quelque forte prévenu fess
voeux , & la Mere authori--
ſant la correſpondance que le
Cavalier luy demandoit, il cute
le plaifir de ſe voir aimé dés
qu'il ſe fut déclaré Amant.
Oneuſtbien voulu qu'il euſt
arreſté le Mariage , mais ill
eſtoit dangereux de l'en pref
fer , & on jugea à propos
d'attendre que fa paflion
mieux affermie l'euft mis en
état de ne point examiner les
peu d'avantage qu'il devoit
2
Yij
260 MERCURE
tirer de cette alliance. 10Gefie
pendant ce ne furent plus
que des Parties de plaifire Le
Cavalier voulant divertir das
belle Maiſtreſſe , la menoit
ſouvent à la Comédie ou à
l'Opera , & cherchoit d'ail
leurs tout ce qui pouvoit
contribuer à luy donner de la
joye. Le temps de la Foire
eſtant venu , ils yallérent
pluſieurs fois enſemble ,& ild
luy faifoir toûjours quelque
Preſent. La Mere avoit part
à ſes liberalitez , & comme il
aidoit à entretenir le Jeu chez
elle, ſes viſites affiduës luy
GALANT.261
eſtoient utiles de bien des
manieres. La fin du Carna
val approchoit , & la Belle
ayant un jour témoigné qu'
elle avoit envie de courir le
Bal , le Cavalier ſongea aufh
toftà la fatisfaire. Il alla cher ) {
cher des habits fort riches,
les fit porter chez la Dame,
& chacun choifit ce qu'il
voulut. Les deux Filles s'habillerenten
Hommes à la
Françoiſe avec des écharpes
magnifiques ,& les autres ornemens
qui pouvoient ſervin
à leur donner de l'éclat &
a. Mere & le Cavalier ſe dé262
MERCURE
guiférenten Arméniens. La
galanterie eſtoit jointe, à la
propreté & cette petite
Troupe meritoit bien qu'on
la regardaft. Le Cavalier
qui aimoit le jeu , ayant
accoûtumé de porter beaucoup
d'argent , la Belle vouloit
qu'il laiſſaſt ſa bourſe.
La Mere dit là deſſus , que
puis qu'on croyoit qu'il n'y
euſt pas feureté entiere à ſe
trouver le foir dans lesRuës,
elle aimoit mieux rompre la
Partie , que de s'expoſer
à une mauvaiſe rencontre...
Le Cavalier ne manqua pas
GALANT. 263
de répondre , qu'elle estoit fi
peu à craindre , par le bon
ordre que les Magittrats y
avoient mis , que quand il
auroit mille piſtoles , il iroit
luy ſeul par tout Paris , aufli
ſeurement que s'il eſtoit efcorté
de tous les Archersdu
Guet. En meſme temps il
donna à la Belle un Diamant
qui estoit de prix , pour tenir
fon Maſque , & ils montérent
tous en Carroffe, pour
aller dans le Fauxbourg Saint
Germain , où ils apprirent
qu'il y avoit une tres - belle
Affemblée. L'affluence des
264 MERCURE
Maſques leur permit à peine
d'y entrer , mais enfin le Ca
valier s'eſtant fait jour dans
la foule , ils arrivérent juſqu'à
la Salle du Bal. Les Luftres
dont elle eſtoit éclairée , relevoient
merveilleuſement la
beautéde leurs Habits. Toute
Affemblée les remarqua, &
cela fut cauſe qu'on les fic
d'abord dancer. Ils s'en aqui
térent avec une grace qui leur
attira de grandes honnettetez
du Maistre de la Mifon...
Il leur fit donner des ſiéges,
& le Cavalier prit place au
prés de la Belle. Tandis que
l'Amour
GALANT 265
!
l'Amour leur fourniffoit le
ſujetd'un entretien agréable,
la Mere & la Soeur n'estoient
occupées qu'à regarder ; &
s'ennuyant d'eftre toûjours
dans le meſme endroit , elles
ſe firent un divertiſſement
d'aller dans toute la Salle
nouer converſation avec les
Maſques qu'elles y trouvé
rent. On en voyoit fans cefle
entrer de nouveaux ,
confufiony devint fi grande,
qu'onfut enfin obligé de faire
ceffer les Violons. Les deux
Amans ſe leverent , & aprés
avoir cherché inutilement la
Avril1685. Z
&
266MERCURE
1
T
Mere & la Soeur , ils defoendirent
en bas , croyant les y
rencontrer. Ils n'y furent pas
plûtoſt qu'ils les apperceu
rent. Le Cavalier prit la Mere
par la main & fit paſſer
les deux Sceoeurs devant. On
ne fongea qu'à fe hater de
fortir , & ils monterent tous
quatre en Carroſſe, ſans ſe
dire rien . Le Cocher , qui
en partant du Logis avoit cu
ordre de les mener à un ſecond
Bal , en prit le chemin.
Apeine avoit il fait deux cens
pas , que le Cavalier ofta fon
maſque , pour demander à
}
GALANT. 267
7
la Mere fi elle s'estoit un peu
divertie. Cette Mere préten
düe fut fort ſurpriſe d'enten
dre une voix qu'elle ne cong
noiffoit point. Elle cria au
Cocher qu'il arreſtaſt ; & le
Cavalier & fa Maiſtreſſe ne fu
rent pas moins étonnez que
les deux autres, d'une mépriſe
qui les mettoit tous dans un
parcil embarras. Le hazard
avoit voulu qu'unHomme di
ſtingué dans la Robe, s'eſtoir
déguisé avec ſa Femme , ſa
Soeur, & fa Fille, delamesmo
forte que le Cavalier & lesq
trois Femmes dont il s'eſtoit
Zij
268 MERCURE
fait le Conducteur , c'eſt à
dire , deux en Arméniens,
&deux en habits à la Françoife.
Ils s'eſtoiem perdus
parmy la foule des Maſques,
&dans la confufion la Femme
& la Fille de l'Homme
de Robe , avoient pris le Cat
valier & la Belle pour les
deux Perſonnes qu'elles cherchoient.
Il fut queſtion de
retourner à ce premier Bal,
pour tirer de peine ceux qu'-
on y avoit laiſſez ; & lon
prenoit deja cette route , lors
que dix Hommes maſquez
approchérent duCarroffe. Ils
10
GALANT 269
forcérent le Cocher à quiter
le ſiege , & l'un d'eux s'y
eftant mis , conduiſit le Cavalier
& les trois Dames aſſez
loin dans le Fauxbourg. Le
Carroſſe s'eſtant enfin arrefté,
ceux qui l'eſcortoient leur
dirent qu'il y alloit de leur
vie s'ils faifoient du bruit , &
qu'on n'en vouloit qu'à leurs
Habits . La réſiſtance auroit
efté inutile. Ainſi le meilleur
Party qu'ils virent à prendre,
fut de defcendre fort paifiblement
, & d'entrer dans
une Maiſon de peu d'apparence,
qui leur fut ouverte
•
Z iij
270 MURCURE
Lalces Maſques un peu trop
officielux prirent la peine de
les décharger de tous d'équi
page qui avoit ſervy ales dé
guifer , & les revétirentà peu
de frais ,&feulementpourles
garantir du froid Quredes
Habits la Belle laiſſa fon Dia,
mant, de Cavalier fa bourfe,
&une fort belle Montre , &&
les deux Dames , ce qu'elles
avoient qui valoin la peine
d'eſtregardé. Apres les avoin
ainſi dépoüillez , ces Voleurs
leur demandérent où ils vou
loient qu'onlesreménaſt. Le
Cavalier & laDame ſe nom
上
GALANIM 271
mérent,&on les remit chez
eux. L'Homme de Robe ayat
retrouvé la Femmes, felper
ſuada que le Cavalier n'avoir
imité fon déguisement que
pour faire réüffir le vol qui
venoit d'eſtre commis ,& ne
doutant point qu'il n'euft
efté d'intelligence avec les
Voleurs , il commença con
tre luy des procédures qui
apparemment auront de la
fuires De l'autre coſtéle Cab
valier touché de fa perre, ſe
mit dans l'efprit que la Mere
della Belle n'avoit témoigné
vouloir rompre la partic
•
272MERCURE
€
quand on luy avoit propoſe
de laiſſer ſabourſe , que pour
Fobliger à la porter , &s'ima
ginant qu'elle s'eftoit cachée
àdeſſein parmy les Maſques
pour l'engager à fortir fans
elle, il la crut complice de
fon avanture. Ainfi fon chagrin
ayant étouffé l'amour , il
fait contr'elle les mefmes
pourſuites que fait contre luy
PHomme de Robe. L'acharnement
eft grand à plaider
de part & d'autre. Voila,
Madame , ce que portemon
Memoire.On m'aſſeure qu'il
eft vray dans toutes les cir
conſtances.
Fermer
45
p. 296
AIR NOUVEAU.
Début :
Le second Air que je vous envoye est du / En vain tu peins nos Champs des plus vives couleurs, [...]
Mots clefs :
Champs, Couleurs, Peinture, Fleurs, Gazons, Saison, Beauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
Le ſecond Air que je vous
envoyed eſt du meſme M'
d'Ambruis , dont je vous ay
parlé amplement dans un des
articles de ma Lettre .
AIR NOUEVAU.
E
Nvaintu peinsnosChamps
desplus vives couleurs ,
• Printemps je ne voy point tes Gazons
ny tes Fleurs,
Jenesuis pointtouché d'une Saifon
fibelle,
Iris me permet de la voir
Deſaſeule beautémon coeurfent le
pouvoir,
Etjen'aydes yeux que pourelle.
envoyed eſt du meſme M'
d'Ambruis , dont je vous ay
parlé amplement dans un des
articles de ma Lettre .
AIR NOUEVAU.
E
Nvaintu peinsnosChamps
desplus vives couleurs ,
• Printemps je ne voy point tes Gazons
ny tes Fleurs,
Jenesuis pointtouché d'une Saifon
fibelle,
Iris me permet de la voir
Deſaſeule beautémon coeurfent le
pouvoir,
Etjen'aydes yeux que pourelle.
Fermer
46
p. 180-185
AVIS DONNÉ A MADEMOISELLE ........... de l'infidelité que luy faisoit sont Amant.
Début :
On croit peut tout ce qu'on nous dit [...]
Mots clefs :
Secret, Vérité, Âme, Injustice, Crime, Jalousie, Coeur, Amant, Charme, Clémence
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS DONNÉ A MADEMOISELLE ........... de l'infidelité que luy faisoit sont Amant.
AVIS DONNE' A MADEMOISELLE
de l'infidelit que
1iiy faisoit son Amant. ONcroit peu tout ce qu'on nomdit.
Contre le cher Objet de mftre tendre
flâme, -
Et la Vérité mesme, à convaincre mftre
Ame,
:AHrqjt bien de la peine, &feroitfmr
créditNoflrecoeur
en secret qui pour luy s'interesse,
NsUl dit que ceftpeut-eifreunpiege qui
luydresse
P'n fourbe, un calomniateur,
Quetoutsoncrimeefifonmalheur,
Quon luy fait injuflice,& qu'a tort
on l'accuse.
Nom foupfonnonsfowvent le Dénonciateur,
Ou de haine, ou d'envie, ou de jaloufc
rufeÔ
Nous le jugeonstoujours trop credule*,
r. l'erreur
D'uneapparence, ou vaine, outràmpeu*
Je
, ou cotifttfe.
Tout eji fufpecl, tout efl abus
On le , juge innocent p&rcequ'on lefouhaitte,
On demande une preuve & plus claire
-& plus nette , On se flatteon balance,en doute tout
au plus,
.duplus hommede biennotre foy, se rifuft;,
Et de ce crime enfin
}
malgrénous anvaincus,
Vn resse de tendresse on l'ébfiiut, ou t'ex~
cufe®. 0- Jeneconnaisquetroplepéril cfutje cours,
Mdis bien plus que la peur vofire imereft
me touche,
Et ne pouvant de quelques jours
Vousfaireentendre par ma èmche
Uinconfiancede€Udamû,
- .:'
J'ay crû qu'an moins parcette Lettre
se dévots au plîetofi vous en donner "V
Et que vous pouviez, me permettra
Cette petite liberté,
Qu'après toutje ne prens que pour vofire
fervtce.
Heureux dans mon dessein pourveu qu'il
reussisse!
Cependantjemefuisflatté
Que mon zele ardent & sincere,
Et mesmea voftrecoeurutile&faiutaire,
N'aveit rien qui dufi vous diplairl
4Vy qui pufi contremoy vouscar.fer du
dépit.
J$olcy donc, belle Iris, ce secret a'importance
Et le v,eritable recit
Defaprodigieufe & nouvelleinconfiance- CT Tantofiriennesi si doux, rien si beau
que vos yeux,
Tantofi cefont vos 'blonds cheveux
R.i meritent cette louange;
TantofifiIon en croit cet infidelleAmanti
Voflre teint efi celuy d'un Angeil ; revienne dans un moment,
Par un contrairesentiment
* Il dira qu'il n'efi rien qui vAillel
Et vofireport & vofire taille;
Aujourd'huyvefire belle humeur
L?enchante& luy ravit, le coeur;
Ce fera demain autre chose,
Il voudra me/me que la Rose
N'aitpoint f(u'àvcftre ce brillant coloris
bouche; que le lys
Y,usle cede dabord, & confesseà
honte
Quevofireblancheur le fUrTnDnt
yous diray-je ce quil me dit
Lundy matindevostre espritt
Ce ntjlo't que delicilteffi.
Quelumiere
} que politesse
Que , complaisance
, que douceur,
Et le foir changeant de langage>
Que rien negalotvostre coeur>
Quifourfes vrais stmis estoit plein de
chaleur; •'Que le tour de vostre visage
Avoit je ne sçay quels appas
Que toutes les autres n'ont pas.
Helas! mon cher Tircis, ajoûta-t-il tllcore
, -Que la charmante Iris que j'aime, que
j'adore,
A de grace en ce qu'elle fait!
Mais pour achever ce Portrait
Qui me semble peu digne d'elle,
Ah! quefon Ame estgrande! Ah! qu'-
elle est bonne & belle! m
Enfincest ainsi chaque jour
Que ce trop aimable volage
Entre vous mesmese partage,
Et que tous vosappasl'engageans tout à :
tour,
Il change & d'objet &- d'amour.
Hê bien, Iris, hé bien d'une telle incon--
fiance
Que dit tout bas vofirecouroux?
Le zele qui m'attache a vous,
Devvitilgarder le silence ?
Ma;! je le dis encor, tout criminel qu'il 4
On a peine à punir un coupable qui
pla-fl1- El le coeur en secret qui veut son iJmo-
-
cence, 1 Pesant soncrime & son amour, ttant de feux dans la balance
Qu'avec cette prompte ajfifls.nce
Le Baffm qui levait se rab/ffe à [on.
-tour
YIS le cossé de la clrmttJce.
de l'infidelit que
1iiy faisoit son Amant. ONcroit peu tout ce qu'on nomdit.
Contre le cher Objet de mftre tendre
flâme, -
Et la Vérité mesme, à convaincre mftre
Ame,
:AHrqjt bien de la peine, &feroitfmr
créditNoflrecoeur
en secret qui pour luy s'interesse,
NsUl dit que ceftpeut-eifreunpiege qui
luydresse
P'n fourbe, un calomniateur,
Quetoutsoncrimeefifonmalheur,
Quon luy fait injuflice,& qu'a tort
on l'accuse.
Nom foupfonnonsfowvent le Dénonciateur,
Ou de haine, ou d'envie, ou de jaloufc
rufeÔ
Nous le jugeonstoujours trop credule*,
r. l'erreur
D'uneapparence, ou vaine, outràmpeu*
Je
, ou cotifttfe.
Tout eji fufpecl, tout efl abus
On le , juge innocent p&rcequ'on lefouhaitte,
On demande une preuve & plus claire
-& plus nette , On se flatteon balance,en doute tout
au plus,
.duplus hommede biennotre foy, se rifuft;,
Et de ce crime enfin
}
malgrénous anvaincus,
Vn resse de tendresse on l'ébfiiut, ou t'ex~
cufe®. 0- Jeneconnaisquetroplepéril cfutje cours,
Mdis bien plus que la peur vofire imereft
me touche,
Et ne pouvant de quelques jours
Vousfaireentendre par ma èmche
Uinconfiancede€Udamû,
- .:'
J'ay crû qu'an moins parcette Lettre
se dévots au plîetofi vous en donner "V
Et que vous pouviez, me permettra
Cette petite liberté,
Qu'après toutje ne prens que pour vofire
fervtce.
Heureux dans mon dessein pourveu qu'il
reussisse!
Cependantjemefuisflatté
Que mon zele ardent & sincere,
Et mesmea voftrecoeurutile&faiutaire,
N'aveit rien qui dufi vous diplairl
4Vy qui pufi contremoy vouscar.fer du
dépit.
J$olcy donc, belle Iris, ce secret a'importance
Et le v,eritable recit
Defaprodigieufe & nouvelleinconfiance- CT Tantofiriennesi si doux, rien si beau
que vos yeux,
Tantofi cefont vos 'blonds cheveux
R.i meritent cette louange;
TantofifiIon en croit cet infidelleAmanti
Voflre teint efi celuy d'un Angeil ; revienne dans un moment,
Par un contrairesentiment
* Il dira qu'il n'efi rien qui vAillel
Et vofireport & vofire taille;
Aujourd'huyvefire belle humeur
L?enchante& luy ravit, le coeur;
Ce fera demain autre chose,
Il voudra me/me que la Rose
N'aitpoint f(u'àvcftre ce brillant coloris
bouche; que le lys
Y,usle cede dabord, & confesseà
honte
Quevofireblancheur le fUrTnDnt
yous diray-je ce quil me dit
Lundy matindevostre espritt
Ce ntjlo't que delicilteffi.
Quelumiere
} que politesse
Que , complaisance
, que douceur,
Et le foir changeant de langage>
Que rien negalotvostre coeur>
Quifourfes vrais stmis estoit plein de
chaleur; •'Que le tour de vostre visage
Avoit je ne sçay quels appas
Que toutes les autres n'ont pas.
Helas! mon cher Tircis, ajoûta-t-il tllcore
, -Que la charmante Iris que j'aime, que
j'adore,
A de grace en ce qu'elle fait!
Mais pour achever ce Portrait
Qui me semble peu digne d'elle,
Ah! quefon Ame estgrande! Ah! qu'-
elle est bonne & belle! m
Enfincest ainsi chaque jour
Que ce trop aimable volage
Entre vous mesmese partage,
Et que tous vosappasl'engageans tout à :
tour,
Il change & d'objet &- d'amour.
Hê bien, Iris, hé bien d'une telle incon--
fiance
Que dit tout bas vofirecouroux?
Le zele qui m'attache a vous,
Devvitilgarder le silence ?
Ma;! je le dis encor, tout criminel qu'il 4
On a peine à punir un coupable qui
pla-fl1- El le coeur en secret qui veut son iJmo-
-
cence, 1 Pesant soncrime & son amour, ttant de feux dans la balance
Qu'avec cette prompte ajfifls.nce
Le Baffm qui levait se rab/ffe à [on.
-tour
YIS le cossé de la clrmttJce.
Fermer
47
p. 187-191
CAPRICE.
Début :
Les Vers que vous allez lire sont fort estimez. Il ne / Quels sont encor les maux que le Ciel me prepare ? [...]
Mots clefs :
Coeur, Trouble, Aimable, Cruel, Malheurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CAPRICE.
Les Vers que vous allez
lire font fort estimez. Il ne faut pas s'étonner s'ils plaisent» puis qu'ils font de Mademoiselle- des Houlieres.
CAPRICE. Q
.;..J
Velssontencorles maux que le
Cielmepréparé?
ou vient que je verse des
pleurs? -
,
D'un Destin cruel & hizart
le nay désa que trop éprouvéles
rigueurs.
JOueje te crains, Amourîtu meparois terrible.
Tournesurdautres cœurs tes invincibles traits ;
Ames malheurs rens-toy sensibley
Mt de mon faible cœur ne trouble
- pointlapaix.
A ton orçueill'Vnivers "Ditjù¡;'
fire,
TIIfournetsà ton gré les hommes &
lesDieux
Vn cœur de plut fous ton Enfr
pire
Te renduat-ilplus glorieux?
Afranchis-moy de cette Loy commune
,
Et laisseà Caveugle Fortune
Lesoin de mepersecuter.
Unisy Dieu cruel, voudroit-tu me
surprendre?
Quelstransports iuconnus me viennent agiter?
Le trouble dans mon coeur commente
,
à se répandre, i
Héraism sur l'amour travaills à
l'emporter
Tu nesçauroispour me défendre
Et pour m'empescher de me rendre,
Tefaire ajJe'f:tost écouter.
&
Sans cesse une idée agreable
Vient dans mon ame attaquerton
pouvoiry
oronte me paroisttous lesjours plu*,
aimable,
Etje ne puissanspeineestrre unjour
sanslevoir.
Jjht'Orente,helas, est redoutable
llaifln ,combasplus vivement,
Tu ne peussuçcombersans honte,
Redouble mesfrayeurs par un engagement
Où tout est dupArty d'Oronte.
Ainsi s'entretenoit unjour
L'aimable Iris au bord d'une Fontaine.
Ses charmes,ses malheurs ont redoublé la haine
Quej'avois déjà pour l'A
lire font fort estimez. Il ne faut pas s'étonner s'ils plaisent» puis qu'ils font de Mademoiselle- des Houlieres.
CAPRICE. Q
.;..J
Velssontencorles maux que le
Cielmepréparé?
ou vient que je verse des
pleurs? -
,
D'un Destin cruel & hizart
le nay désa que trop éprouvéles
rigueurs.
JOueje te crains, Amourîtu meparois terrible.
Tournesurdautres cœurs tes invincibles traits ;
Ames malheurs rens-toy sensibley
Mt de mon faible cœur ne trouble
- pointlapaix.
A ton orçueill'Vnivers "Ditjù¡;'
fire,
TIIfournetsà ton gré les hommes &
lesDieux
Vn cœur de plut fous ton Enfr
pire
Te renduat-ilplus glorieux?
Afranchis-moy de cette Loy commune
,
Et laisseà Caveugle Fortune
Lesoin de mepersecuter.
Unisy Dieu cruel, voudroit-tu me
surprendre?
Quelstransports iuconnus me viennent agiter?
Le trouble dans mon coeur commente
,
à se répandre, i
Héraism sur l'amour travaills à
l'emporter
Tu nesçauroispour me défendre
Et pour m'empescher de me rendre,
Tefaire ajJe'f:tost écouter.
&
Sans cesse une idée agreable
Vient dans mon ame attaquerton
pouvoiry
oronte me paroisttous lesjours plu*,
aimable,
Etje ne puissanspeineestrre unjour
sanslevoir.
Jjht'Orente,helas, est redoutable
llaifln ,combasplus vivement,
Tu ne peussuçcombersans honte,
Redouble mesfrayeurs par un engagement
Où tout est dupArty d'Oronte.
Ainsi s'entretenoit unjour
L'aimable Iris au bord d'une Fontaine.
Ses charmes,ses malheurs ont redoublé la haine
Quej'avois déjà pour l'A
Fermer
Résumé : CAPRICE.
Le poème 'Caprice' explore les tourments amoureux de son auteur. Le narrateur pleure et attribue ses larmes à un destin cruel. Il craint l'amour et souhaite qu'il épargne son cœur, tout en se demandant si un autre cœur pourrait rendre l'amour plus glorieux. Il implore d'être libéré de cette loi commune et de ne pas être persécuté par la Fortune. Le narrateur exprime également sa crainte d'être surpris par un dieu cruel et le trouble qui agite son cœur. Il reconnaît que l'amour le submerge et qu'il ne peut résister à une idée agréable qui attaque son âme. Oronte, une figure aimable mais redoutable, apparaît dans ses pensées, augmentant ses frayeurs par un engagement trompeur. Le poème se conclut par une scène où Iris, au bord d'une fontaine, entretient ces pensées, et dont les charmes et les malheurs redoublent la haine du narrateur pour l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
48
p. 159-175
EPITRE CHAGRINE, AU R. P. de la Chaise.
Début :
Des marques de pieté aussi éclatantes que celles dont je / Sous le debris de vos attraits [...]
Mots clefs :
Coeur, Dévots, Imposteurs, Intérêt, Hypocrite, Louis, Péché, Cabale, Débauche, Ciel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EPITRE CHAGRINE, AU R. P. de la Chaise.
Des marques de picté auffi
éclatantes que celles dont je
viens de vous parler, font d'une grande édification pour
les peuples. Heureux qui ne
les donne point par hypocrific , & qui eft dans l'ame
ce qu'il paroiſt au dehors . Si
ceux qui ont le cœur veritablement touché des veritez
que la Religion nous enfei-
160 MERCURE
gne font tres eftimables , il
n'y a rien de plus dangereux
que les faux Deyors , qui
n'ayant en veuë que leurs interefts , font feulement pieux
par grimace , & trouvent l'art
de faire fervir à leurs paffions
les apparences trompeufes
qu'ils employent pour perfuader que l'Esprit de Dieu regle
leur conduite. Vous verrez
leur caractere admirablement
dépeint dans l'excellent Ouvrage que vous allez lite . Il
eft de l'Illuftre Madame des
Houlieres , que la beauté de
fes Vers , & le tour heureux
GALANT. 161
& delicat qu'elle donne à fes
penfées , mettent au deffus de
toute loüange.
SS22222252 SSE2527
EPITRE CHAGRINE,
Au R. P. de la Chaife.
SONSOus le debris de vos attraits
Voulez- vous demeurer toujours enfe--
velie ?
M'aditquelqu'un , d'un nom quepar
raifon je tais ,
Qui s'est imaginé que mamélancolie
Vient moins d'une fanté dés longtemps affaiblie,
Que du reproche amer qu'en fecres
je me fais ,
Mars 1692
162 MERCURE
De n'eftre plus affezjolie
Pourfaire naiftre encor quelque tendre folie
Frivole honneur , fur quòy je ne
comptayjamais.
2
Apprenez , me difoit ce quelqu'un
Anonime ,
Que lorsque ce qu'on ade beau
Eftdu ou des maux devenu la temps victime ,
Il faut , pour acquerir une nouvelle
eftime,
Se faire un merite nouveau;
Que c'eft ne vivre plus que de vi.
vre inutile;
?
Qu'ilfaut dans quelque rang
qu'onfait,
Que jusqu'au dernierjour une perJonne babile
Tienne au monde par quelque endroit.
GALANT. 163
Vous nerépondez point ! d'où vient
voftrefilence?
Il vient , luy dis-je alors exprés pour
découvrir
où tendoit cette belle &fage remontrance.
De ce qu'en moy-mefmeje pense
Quel merite nouveau je pourrois ac--
querir.
Je n'en vois points tant jefuis
fotte.
Abus , s'êcria-t-il ! bé, devenez devote.
Ne le devient-on pas à la ville , à la
Cour?
Moy devote ! qui moy ?m'écriay-je à
mon tour
L'efprit bleßé d'un terme employé
d'ordinaire
Lors que d'un Hypocrite onparle avic
détour?
Oij
164 MERCURE
Ony , vous, repliqua-t-il ; vous ne
Scauriez mieux faire
De la devotion ayez moins defrayeur.
Elle eft rude pour le vulgaire,
Mais pour nous il ne faut qu'un peu
d'exterieur.
Allez pourfoutenir le devot caractere,
Il n'en coutera pas beaucoup à vostre
cœur. 2
Tout ce que la fortune a pour vous.
d'injustices
Par là pourroitfe réparer.
·Regardez vos Parens vieillir fans
Benefices.
Songez qu'à voftre Epoux cinquante
ans defervices
N'ont encor pû rien procurer;
Qu'un tas de Creanciers à votre
portegronde,
Et que chez les Devots , biens , honneurs. tout abonde.
GALANT. 165
Que la mode eftpour eux , & peus
longtemps durer,
Et qu'outre ces raisons fur quoy cha
cunfe fonde,
Vous aurez droit de cenfurer
Les actions de tout le monde.
S
Allons doucement, s'il vousplaift,,
Luy dis-je , &fupposé qu'à vos leçonsfidelle
Fe prenne aux jeux du monde une
forme nouvelle
Par une raifon d'intereft ,
LOVIS , éclairé comme il eft,
Quoy que vous vfiezmepromettre,
Connoiftra ma fourbe; il penetre
Au delà de ce qui paroift.
Aquoy m'aura fervy, ma devote grimace,
Qu'à m'en faire moins eftimer;
Malheur dont la fimple menace.
166 MERCURE
Plus
quela mort peut m'alarmer?
S
Quand, me repliqua-t- il , on eft à
voftre place ,
Il nefautpas avoir tant de précaution ;
Mais dûtpour vous lefort-ne changer
point deface,
Certain air de devotion ,
Lorsque l'on n'estplusjeune , a toû→
jours bonne grace;
Redoublez votre attention.
Voyez quel privilege au noftre peut
atteindre.
Avec des mots choifis auffi doux que
le miel;
Sur les gens d'un merite à craindre
on répand àgrandsflots lefiel.
On peut impunément pour l'intereft
du Ciel
Eire dur, fe vanger ,faire des injufti
ces.
GALANT. 167.
Tout n'eft pour les Devots quepeché
veniel.
Nous fçavons en vertu transformer
tous les vices ,
De ladevotion c'est là l'effentiel.
2
Taifez- vous , Scelerat , m'écriay-je
irritée ,
Tout commerce eft fini pour jamais.
entre nous.
Fen aurois avec un Athée,
Millefois pluftoft qu'avec vous.
Mais tandis qu'en difcours ma colere
s'exhale ,
Ce faux, ce dangereux Ami ,
Sort de mon cabinet , traverse cham
bre &falle
D'un air brufque & confus , d'un
pas mal affermi ,
Et me laiffe une horreur , qu'aucune
horreur n'égale.
168 MERCURE
Ah ! c'est unDevot de cabale,
Mais qui ne fait encor fon mestier
qu'à demi.
Il faut de l'art au choix des raiſons
qu'on eftale.
Auffi les habiles Devots
Selon lesgens ont leur morale ,
Et nefe livrentpas ainfimalàpropos,
2
Qu'ilsfont à redouter ! Sur une bagatelle
Leurdonne-t- on le moindre ennui,
Leur vangeance est toujours cruelle.
On n'apoint avec eux de legere querelle..
Fafche-t-on un Devot , c'eft Dien
qu'on fafche en luy.
Ces Apoftre du temps , qui des premiers Apoftres
Nenousfontpoint r effouvenir,
Pardonnent
GALANT.. 169
Pardonnent bien moins que nous
autres.
Contr'eux vent-onfe maintenir,
Empefcher qu'à leurs biens ils ne
joignent les noftres ,
C'est une impieté qu'on ne peut trop
punit.
De la Religion c'est ainsi qu'ils fe
joüent ,
Ils ont un air pieux répandu fur le
front
Que leurs actions defavouënt ,
Ils fontfauxen tout ce qu'ilsfont.
2
Le mestierde Devot, ou plustoft d'Hypocrite,
Devient presque toujours la reſource
des
gens,
Qu'une longue débauche a rendus.
indigens;
Des. Femmes que là beauté quitte ,
Mars 1692 P
170 MERCURE
Ou qui d'un mauvais bruit n'ontpú
Sepreferver,
Dés
Et de ceux qui pour s'élever
N'ont qu'un mediocre merite.
que du Cagotifme on fait profeffion,
De tout ce qu'on a fait la memoire
s'efface.
C'eft fur la réputation
Un excellent vernis qu'on paffè.
Sijepouvois trouver d'affe noires
couleurs ,
Que j'aimerais à faire une fidelle
image
Du fondde leurs perfides cœurs,
Moy qui hais le fard dans les
mœurs
Encor plus quefurle visage,
Et quifçais tous les tours que mettent
en usage
Nosplus celebres impoßicurs !
GALANT. 171
Quelplaifir pourmoy! quellejoye,
De demafquer ces fcelerats ,
Aquile vray merite eft tous lesjours
en proye
Et qui pour l'accabler par une feure
voye
De l'intereft du Ciel couvrent leurs
attentats !
2
Mais, me pourradire un Critique,
Voftre efprit s'égare , arrestez
Quandpour les faux Devots voftre
haine s'explique,
Songez bien contre vous quelles gens
vous mettez.
Pour affaiblir les coups quefur eux
vous portez ,
Ils vous peindront au Roy comme
une libertine.
Je fremisdes ennuis que vous vous
appreftez.
Pij
172 MERCURE
Croyez- moy, contre vous que rien ne
les chagrine.
2
Non, non, dirois-je à ce Cenfeur,
Je fuis leur ennemie , &fais gloire
de l'eftre ,
Et s'ils ofoientfur moy répandre leur
noirceur ,
Quelque Ouvrage pourroit paroi
Stre,
Où je les traiterois avec moins de
douccur ,
Etpar leurs noms enfinje les ferois
connoiftre.
Hé quoy donc,parce que le Roy
Detoutes les vertus donne de grands
exemples,
Quepieux , charitable , affidu dans
nosTemples ,
Il aime le Seigneur , lefert de bonne
foy›
GALANT. 173
Que pour les interests il foûtiens
feul la guerre,
Qu'il a planté la Croix aux deux
bouts de la terre ,
Et
que des libertins il fut toujours
l'effroy ,
On n'ofera parler contre les Hypocrites ?
Hé, qu'ont-ils de commun avec un
un tel Heros ?
Cenfeur , fur ce que vous me dites
Fay Sprit dans un plein repos.
2
Ovous, qui de Louis heureux &facré guide ,
Luy difpenfez du Ciel les celeftes
trefors ,
Vous dont la pietéfolide,
Loin d'étaler aux yeux de faftueux
dehors ,
Et d'avoir d'indifcrets tranfports,
Piij
174 MERCURE
Et pourjuger d'autruy toujours lente
& timide,
Vous enfin dont la probité
Dufang dont vous fortez égale la
noblesse ,
Daignez auprés du Prince aider la
verité,
Si quelque Hypocrite irrité
En luy parlant de moy la bliffe.
De mafoy , de mes mœurs vous éftes
fatisfait.
Vous ne l'eftes pas tant, peut- eftre,
De mafoumiffion pour le Souverain
Eftre,
Dans les maux que fouvent la furtune mefait';
Mais fije nefuis pas dans un eftat
parfait,
Je sens quej'y voudrois bien eftre.
Ony, je voudrois pouvoir , comme
vous le voulez,
GALANT. 175.
Sanctifier les maux qui me livrent
la guerre.
Ah! que mon cœur n'est- il de ces
cœurs ifolez
Qui par aucun endroit ne tiennent
à la terre,
Quifont à leurs devoirsfans referve immolez,
A qui la Grace affure une pleine victoire ,
Es qui d'un divin feu brûlez,
A la poffeffion de l'Eternelle Gloire
Ne font pas en vain appellez!
éclatantes que celles dont je
viens de vous parler, font d'une grande édification pour
les peuples. Heureux qui ne
les donne point par hypocrific , & qui eft dans l'ame
ce qu'il paroiſt au dehors . Si
ceux qui ont le cœur veritablement touché des veritez
que la Religion nous enfei-
160 MERCURE
gne font tres eftimables , il
n'y a rien de plus dangereux
que les faux Deyors , qui
n'ayant en veuë que leurs interefts , font feulement pieux
par grimace , & trouvent l'art
de faire fervir à leurs paffions
les apparences trompeufes
qu'ils employent pour perfuader que l'Esprit de Dieu regle
leur conduite. Vous verrez
leur caractere admirablement
dépeint dans l'excellent Ouvrage que vous allez lite . Il
eft de l'Illuftre Madame des
Houlieres , que la beauté de
fes Vers , & le tour heureux
GALANT. 161
& delicat qu'elle donne à fes
penfées , mettent au deffus de
toute loüange.
SS22222252 SSE2527
EPITRE CHAGRINE,
Au R. P. de la Chaife.
SONSOus le debris de vos attraits
Voulez- vous demeurer toujours enfe--
velie ?
M'aditquelqu'un , d'un nom quepar
raifon je tais ,
Qui s'est imaginé que mamélancolie
Vient moins d'une fanté dés longtemps affaiblie,
Que du reproche amer qu'en fecres
je me fais ,
Mars 1692
162 MERCURE
De n'eftre plus affezjolie
Pourfaire naiftre encor quelque tendre folie
Frivole honneur , fur quòy je ne
comptayjamais.
2
Apprenez , me difoit ce quelqu'un
Anonime ,
Que lorsque ce qu'on ade beau
Eftdu ou des maux devenu la temps victime ,
Il faut , pour acquerir une nouvelle
eftime,
Se faire un merite nouveau;
Que c'eft ne vivre plus que de vi.
vre inutile;
?
Qu'ilfaut dans quelque rang
qu'onfait,
Que jusqu'au dernierjour une perJonne babile
Tienne au monde par quelque endroit.
GALANT. 163
Vous nerépondez point ! d'où vient
voftrefilence?
Il vient , luy dis-je alors exprés pour
découvrir
où tendoit cette belle &fage remontrance.
De ce qu'en moy-mefmeje pense
Quel merite nouveau je pourrois ac--
querir.
Je n'en vois points tant jefuis
fotte.
Abus , s'êcria-t-il ! bé, devenez devote.
Ne le devient-on pas à la ville , à la
Cour?
Moy devote ! qui moy ?m'écriay-je à
mon tour
L'efprit bleßé d'un terme employé
d'ordinaire
Lors que d'un Hypocrite onparle avic
détour?
Oij
164 MERCURE
Ony , vous, repliqua-t-il ; vous ne
Scauriez mieux faire
De la devotion ayez moins defrayeur.
Elle eft rude pour le vulgaire,
Mais pour nous il ne faut qu'un peu
d'exterieur.
Allez pourfoutenir le devot caractere,
Il n'en coutera pas beaucoup à vostre
cœur. 2
Tout ce que la fortune a pour vous.
d'injustices
Par là pourroitfe réparer.
·Regardez vos Parens vieillir fans
Benefices.
Songez qu'à voftre Epoux cinquante
ans defervices
N'ont encor pû rien procurer;
Qu'un tas de Creanciers à votre
portegronde,
Et que chez les Devots , biens , honneurs. tout abonde.
GALANT. 165
Que la mode eftpour eux , & peus
longtemps durer,
Et qu'outre ces raisons fur quoy cha
cunfe fonde,
Vous aurez droit de cenfurer
Les actions de tout le monde.
S
Allons doucement, s'il vousplaift,,
Luy dis-je , &fupposé qu'à vos leçonsfidelle
Fe prenne aux jeux du monde une
forme nouvelle
Par une raifon d'intereft ,
LOVIS , éclairé comme il eft,
Quoy que vous vfiezmepromettre,
Connoiftra ma fourbe; il penetre
Au delà de ce qui paroift.
Aquoy m'aura fervy, ma devote grimace,
Qu'à m'en faire moins eftimer;
Malheur dont la fimple menace.
166 MERCURE
Plus
quela mort peut m'alarmer?
S
Quand, me repliqua-t- il , on eft à
voftre place ,
Il nefautpas avoir tant de précaution ;
Mais dûtpour vous lefort-ne changer
point deface,
Certain air de devotion ,
Lorsque l'on n'estplusjeune , a toû→
jours bonne grace;
Redoublez votre attention.
Voyez quel privilege au noftre peut
atteindre.
Avec des mots choifis auffi doux que
le miel;
Sur les gens d'un merite à craindre
on répand àgrandsflots lefiel.
On peut impunément pour l'intereft
du Ciel
Eire dur, fe vanger ,faire des injufti
ces.
GALANT. 167.
Tout n'eft pour les Devots quepeché
veniel.
Nous fçavons en vertu transformer
tous les vices ,
De ladevotion c'est là l'effentiel.
2
Taifez- vous , Scelerat , m'écriay-je
irritée ,
Tout commerce eft fini pour jamais.
entre nous.
Fen aurois avec un Athée,
Millefois pluftoft qu'avec vous.
Mais tandis qu'en difcours ma colere
s'exhale ,
Ce faux, ce dangereux Ami ,
Sort de mon cabinet , traverse cham
bre &falle
D'un air brufque & confus , d'un
pas mal affermi ,
Et me laiffe une horreur , qu'aucune
horreur n'égale.
168 MERCURE
Ah ! c'est unDevot de cabale,
Mais qui ne fait encor fon mestier
qu'à demi.
Il faut de l'art au choix des raiſons
qu'on eftale.
Auffi les habiles Devots
Selon lesgens ont leur morale ,
Et nefe livrentpas ainfimalàpropos,
2
Qu'ilsfont à redouter ! Sur une bagatelle
Leurdonne-t- on le moindre ennui,
Leur vangeance est toujours cruelle.
On n'apoint avec eux de legere querelle..
Fafche-t-on un Devot , c'eft Dien
qu'on fafche en luy.
Ces Apoftre du temps , qui des premiers Apoftres
Nenousfontpoint r effouvenir,
Pardonnent
GALANT.. 169
Pardonnent bien moins que nous
autres.
Contr'eux vent-onfe maintenir,
Empefcher qu'à leurs biens ils ne
joignent les noftres ,
C'est une impieté qu'on ne peut trop
punit.
De la Religion c'est ainsi qu'ils fe
joüent ,
Ils ont un air pieux répandu fur le
front
Que leurs actions defavouënt ,
Ils fontfauxen tout ce qu'ilsfont.
2
Le mestierde Devot, ou plustoft d'Hypocrite,
Devient presque toujours la reſource
des
gens,
Qu'une longue débauche a rendus.
indigens;
Des. Femmes que là beauté quitte ,
Mars 1692 P
170 MERCURE
Ou qui d'un mauvais bruit n'ontpú
Sepreferver,
Dés
Et de ceux qui pour s'élever
N'ont qu'un mediocre merite.
que du Cagotifme on fait profeffion,
De tout ce qu'on a fait la memoire
s'efface.
C'eft fur la réputation
Un excellent vernis qu'on paffè.
Sijepouvois trouver d'affe noires
couleurs ,
Que j'aimerais à faire une fidelle
image
Du fondde leurs perfides cœurs,
Moy qui hais le fard dans les
mœurs
Encor plus quefurle visage,
Et quifçais tous les tours que mettent
en usage
Nosplus celebres impoßicurs !
GALANT. 171
Quelplaifir pourmoy! quellejoye,
De demafquer ces fcelerats ,
Aquile vray merite eft tous lesjours
en proye
Et qui pour l'accabler par une feure
voye
De l'intereft du Ciel couvrent leurs
attentats !
2
Mais, me pourradire un Critique,
Voftre efprit s'égare , arrestez
Quandpour les faux Devots voftre
haine s'explique,
Songez bien contre vous quelles gens
vous mettez.
Pour affaiblir les coups quefur eux
vous portez ,
Ils vous peindront au Roy comme
une libertine.
Je fremisdes ennuis que vous vous
appreftez.
Pij
172 MERCURE
Croyez- moy, contre vous que rien ne
les chagrine.
2
Non, non, dirois-je à ce Cenfeur,
Je fuis leur ennemie , &fais gloire
de l'eftre ,
Et s'ils ofoientfur moy répandre leur
noirceur ,
Quelque Ouvrage pourroit paroi
Stre,
Où je les traiterois avec moins de
douccur ,
Etpar leurs noms enfinje les ferois
connoiftre.
Hé quoy donc,parce que le Roy
Detoutes les vertus donne de grands
exemples,
Quepieux , charitable , affidu dans
nosTemples ,
Il aime le Seigneur , lefert de bonne
foy›
GALANT. 173
Que pour les interests il foûtiens
feul la guerre,
Qu'il a planté la Croix aux deux
bouts de la terre ,
Et
que des libertins il fut toujours
l'effroy ,
On n'ofera parler contre les Hypocrites ?
Hé, qu'ont-ils de commun avec un
un tel Heros ?
Cenfeur , fur ce que vous me dites
Fay Sprit dans un plein repos.
2
Ovous, qui de Louis heureux &facré guide ,
Luy difpenfez du Ciel les celeftes
trefors ,
Vous dont la pietéfolide,
Loin d'étaler aux yeux de faftueux
dehors ,
Et d'avoir d'indifcrets tranfports,
Piij
174 MERCURE
Et pourjuger d'autruy toujours lente
& timide,
Vous enfin dont la probité
Dufang dont vous fortez égale la
noblesse ,
Daignez auprés du Prince aider la
verité,
Si quelque Hypocrite irrité
En luy parlant de moy la bliffe.
De mafoy , de mes mœurs vous éftes
fatisfait.
Vous ne l'eftes pas tant, peut- eftre,
De mafoumiffion pour le Souverain
Eftre,
Dans les maux que fouvent la furtune mefait';
Mais fije nefuis pas dans un eftat
parfait,
Je sens quej'y voudrois bien eftre.
Ony, je voudrois pouvoir , comme
vous le voulez,
GALANT. 175.
Sanctifier les maux qui me livrent
la guerre.
Ah! que mon cœur n'est- il de ces
cœurs ifolez
Qui par aucun endroit ne tiennent
à la terre,
Quifont à leurs devoirsfans referve immolez,
A qui la Grace affure une pleine victoire ,
Es qui d'un divin feu brûlez,
A la poffeffion de l'Eternelle Gloire
Ne font pas en vain appellez!
Fermer
Résumé : EPITRE CHAGRINE, AU R. P. de la Chaise.
Le texte explore la distinction entre la véritable piété et l'hypocrisie religieuse, mettant en garde contre les faux dévots qui exploitent la religion pour des intérêts personnels. Ces hypocrites sont décrits comme dangereux, utilisant des apparences trompeuses pour convaincre les autres de leur dévotion sincère. L'auteur mentionne un ouvrage de Madame des Houlières, appréciant la beauté de ses vers et la délicatesse de ses pensées. Ensuite, une épître adressée au R. P. de la Chaise est présentée. Une voix anonyme suggère à l'auteur de se faire un nouveau mérite pour acquérir une nouvelle estime, en devenant dévote par intérêt. L'auteur refuse, trouvant le terme 'dévote' offensant et associé à l'hypocrisie. La voix anonyme insiste sur les avantages matériels et sociaux de la dévotion, mais l'auteur reste sceptique, craignant que sa feinte dévotion ne soit démasquée par le roi Louis, connu pour sa piété et son discernement. L'auteur exprime son désir de sanctifier ses maux et de vivre dans un état parfait, tout en reconnaissant ses imperfections. Le texte critique sévèrement les faux dévots, les décrivant comme des personnes qui utilisent la religion pour masquer leurs vices et leurs intérêts égoïstes. Il exprime le souhait de démasquer ces hypocrites et de révéler leur véritable nature.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
49
p. 99-105
BOUQUET.
Début :
Vous envoyer des Vers de l'Illustre Madame des Houlieres, / Il est aujourd'huy vostre Feste, [...]
Mots clefs :
Abbé, Grâce, Muses, Bel esprit, Coeur, Faiblesse, Femme, Éternelle vie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BOUQUET.
Vous envoyer des Vers de
l'Illuftre Madame des Houlicres , c'eſt vous faire un vray
prefent En voicy de fa façon,
pour M' l'Abbé de Lavau ,
au jour de S. Loüis , qui eftoit
celuy de la Feſte.
I ij
100 MERCURE
IL
BOUQUET.
Left aujourd'huy voftre Feste,
Et de ces agreables fleurs,
Dont le temps ne sçauroit effacer les
couleurs ,
Ma main devroit , Abbé , couronner
voftre tefte.
Mais belas ! depuis quelquesjours
Je cherche en vain fur le Parnaffe
Ces vives fleurs, que rien n'efface,
Et que vous y cueillez toujours.
Quevous donner donc en leur
place?
Un fimple bonjour? C'est trop
рец.
Mon cœur? C'est un peu trop , quoy
que fafaifon paffe,
Il ne faut mefmepas , de vostre pro
pre aveu ,
GALANT: IoÏ
1
L
Que jamais defon cœur mon Sexe
Se défaffe Et d'ailleurs, dans le train oùvous a
mis la Grace,
Train , qui chez vous n'eſt point
un jeu
Le prefent d'un cœur embaraſſe.
2
Fe çay que depuis quelque temps
On donne pour Bouquet des Bijoux
importans ;
4
Mais quand vous verrez la for
tune,
Demandez-luy fi dans ces lieux
Où les Mufes chantent le mieux;
Elle daigne en mettre quelqu'une
En pouvoir de donner des Bijoux
precieux.
23
Pas une des neufSaurs par elle n'eft aidée .
I iij
102 MERCURE
Abbé, le nom de bel efprit
Icy ne donne point d'idée ,
De gloire , d'aife , de credit ,
Comme decertains noms , qui d'abord
qu'on les dit ,
Tout pauvres qu'ilsfontpareuxmeſmes ;
Rempliffent l'efprit de trefors ,
De voluptez, d'honneurs Suprêmes;
Par tout excellens paffe- ports 着
Des vices de l'ame &du corps.
S
Je m'égare , & je moralife
Peut- eftre un peu hors de faifon.
Qu'y faire ? malgré la raison ,
Dans tout ce qu'on écrit onfe caracterife.
Cependant revenons à nous,
Tâchons par des fouhaits à nous titer
d'affaire.
Jefçay que c'eft ne donnerguere,
*
i
GALANT 103
Mais ceux que la Nature a formez
comme nous ,
D'un limou moins groffier que le li
mon vulgaire ,
Trouvent des charmes auffi doux
Dans les fouhaits d'nn cœur fin-
·cere ,
Que dans les plus riches Bijoux.
S
Ce n'eft nydu Sçavoir, ny de l'efprit
folide,
Ny de la pieté qu'il faut vous fou
haiter,
Vous en avez affez , Abbé , pour en
préter.
Eft ce une conduite rigide ?
Eft- ce une probité ſur quoy pouvoir
compter?
Encor moins ; voftre cœur jamais ne
vous expofe.
Auxdéreglemen's › aux noirceurs,
I iiij
104 MERCURE
Que la foibleffe humaine cauſe,´
Etfur le merite & les mœurs
On pourroit défier les plus fins Con
noiffeurs
· De vous fouhaiter quelque chofe
2
Tout ce qu'une Femme refout,
Arrive , bien ou mal, comme il eft
dans fa tefte.
Fe veux par des fouhaits celebrer
voftre Feste,
Etj'en trouve un àfaire enfinſelon
mon goust.
Je ne fçay s'it fera du voftre.
Abbé, le voicy fans façon.
Saint Louis eft voftre Patrons
Louis le Grand en eſt un autre,
Augré debien des gens pourle moins
auffi bon.
Que pour vous faire un fort qui
foit digne d'envie,
GALANT 105
Leurs foins à votre égardfe parta
gent ainsi.
Que l'un, lors qu'à centans vousfortirez, d'icy,
Vous procure les biens de l'Eternelle
Vie,
Et que l'autre vous rende heureux
dans celle-cy.
l'Illuftre Madame des Houlicres , c'eſt vous faire un vray
prefent En voicy de fa façon,
pour M' l'Abbé de Lavau ,
au jour de S. Loüis , qui eftoit
celuy de la Feſte.
I ij
100 MERCURE
IL
BOUQUET.
Left aujourd'huy voftre Feste,
Et de ces agreables fleurs,
Dont le temps ne sçauroit effacer les
couleurs ,
Ma main devroit , Abbé , couronner
voftre tefte.
Mais belas ! depuis quelquesjours
Je cherche en vain fur le Parnaffe
Ces vives fleurs, que rien n'efface,
Et que vous y cueillez toujours.
Quevous donner donc en leur
place?
Un fimple bonjour? C'est trop
рец.
Mon cœur? C'est un peu trop , quoy
que fafaifon paffe,
Il ne faut mefmepas , de vostre pro
pre aveu ,
GALANT: IoÏ
1
L
Que jamais defon cœur mon Sexe
Se défaffe Et d'ailleurs, dans le train oùvous a
mis la Grace,
Train , qui chez vous n'eſt point
un jeu
Le prefent d'un cœur embaraſſe.
2
Fe çay que depuis quelque temps
On donne pour Bouquet des Bijoux
importans ;
4
Mais quand vous verrez la for
tune,
Demandez-luy fi dans ces lieux
Où les Mufes chantent le mieux;
Elle daigne en mettre quelqu'une
En pouvoir de donner des Bijoux
precieux.
23
Pas une des neufSaurs par elle n'eft aidée .
I iij
102 MERCURE
Abbé, le nom de bel efprit
Icy ne donne point d'idée ,
De gloire , d'aife , de credit ,
Comme decertains noms , qui d'abord
qu'on les dit ,
Tout pauvres qu'ilsfontpareuxmeſmes ;
Rempliffent l'efprit de trefors ,
De voluptez, d'honneurs Suprêmes;
Par tout excellens paffe- ports 着
Des vices de l'ame &du corps.
S
Je m'égare , & je moralife
Peut- eftre un peu hors de faifon.
Qu'y faire ? malgré la raison ,
Dans tout ce qu'on écrit onfe caracterife.
Cependant revenons à nous,
Tâchons par des fouhaits à nous titer
d'affaire.
Jefçay que c'eft ne donnerguere,
*
i
GALANT 103
Mais ceux que la Nature a formez
comme nous ,
D'un limou moins groffier que le li
mon vulgaire ,
Trouvent des charmes auffi doux
Dans les fouhaits d'nn cœur fin-
·cere ,
Que dans les plus riches Bijoux.
S
Ce n'eft nydu Sçavoir, ny de l'efprit
folide,
Ny de la pieté qu'il faut vous fou
haiter,
Vous en avez affez , Abbé , pour en
préter.
Eft ce une conduite rigide ?
Eft- ce une probité ſur quoy pouvoir
compter?
Encor moins ; voftre cœur jamais ne
vous expofe.
Auxdéreglemen's › aux noirceurs,
I iiij
104 MERCURE
Que la foibleffe humaine cauſe,´
Etfur le merite & les mœurs
On pourroit défier les plus fins Con
noiffeurs
· De vous fouhaiter quelque chofe
2
Tout ce qu'une Femme refout,
Arrive , bien ou mal, comme il eft
dans fa tefte.
Fe veux par des fouhaits celebrer
voftre Feste,
Etj'en trouve un àfaire enfinſelon
mon goust.
Je ne fçay s'it fera du voftre.
Abbé, le voicy fans façon.
Saint Louis eft voftre Patrons
Louis le Grand en eſt un autre,
Augré debien des gens pourle moins
auffi bon.
Que pour vous faire un fort qui
foit digne d'envie,
GALANT 105
Leurs foins à votre égardfe parta
gent ainsi.
Que l'un, lors qu'à centans vousfortirez, d'icy,
Vous procure les biens de l'Eternelle
Vie,
Et que l'autre vous rende heureux
dans celle-cy.
Fermer
Résumé : BOUQUET.
L'auteur adresse une lettre poétique à l'Abbé de Lavau pour la fête de Saint-Louis. Elle exprime son désir de lui offrir un bouquet de fleurs, mais ne pouvant en trouver, elle envisage d'autres présents. Elle mentionne que les bijoux sont désormais offerts comme bouquets, mais doute que la fortune permette à quiconque de les offrir. L'auteur s'attarde sur la vanité des noms et des titres, se livrant à des réflexions morales. Elle formule ensuite des vœux pour l'Abbé, souhaitant qu'il soit protégé par Saint-Louis pour la vie éternelle et par Louis le Grand pour le bonheur terrestre. Elle conclut en espérant que ses vœux soient à son goût.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer