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1
p. 44-87
III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Début :
Je vous ay déja fait voir deux Lettres du sçavant Mr / Je réponds à la vostre, à la maniére du Cardinal [...]
Mots clefs :
Poète, Alexandre le Grand, Langue hébraïque, Livre, Verset, Ancien Testament, Prince barbare, Langue, Articulation, Voyelles, Consonnes, Prononciation, Lettres, Écho, Voix, Langue syriaque, Reliure, Imprimerie, Langue chinoise, Chapitre, Genèse
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texteReconnaissance textuelle : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Je vous ay déja fait voir
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
deux Lettres du fçavant M
Comiers fur les Langues. En
voicy une troifiéme
› que
vous ne trouverez pas moins
curieufe que les autres.
豬
GALANT 45
255:22222 2522: 2222
III.
LETTRE
Concernant les
Langues , les
Lettres
les
Ecritures.
A M' DE S..... SDIKS .
Imaniere
laco-
E répons à la veftre , à la
maniére du Cardinal d'Offat
, article par article ,
niquement , mais je m'explique
en telle forte , que vous n'avez
lien de dire comme S. Jerôme
, en lifant le Poëte Perfe . Si
tu ne veux pas eftre entendu,
tu ne dois pas eftre lû.
pas
46 MERCURE
que
les
Fe fouhaiterois vous pouvoir répondre
auffi brièvement
Lacedémoniens , qui par la feule
Lettre S , qui fignifie Non , répondirent
à la longue Epiftre dos
demandes de Philippe , Pere
d'Alexandre le Grand.
La Langue Sainte , c'est à
dire l'Hebraique , a 22 Lettres,
autant qu'il y a de Livres dans
l'ancien Teftament , dans lequel
l'ordre des Lettres Hebraïques y
eft repeté 21 fois.
L'ay remarqué dans la 273
page du 26 Tome extraordinairs
du Mercure Galant, que Les trois
versets 19, 20 & 21 du 14 char
GALANT. 47
pitre de l'Exode , contiennent
chacun 72 Lettres , par le mélange
defquelles les Kabaliftes forment
les 72 noms de Dieu , tous
terminez en AH ou en EL , c'eft
pourquoy aprés le nom de l'office
d'un Ange , la Sainte Ecriture
ajoûte ELi ainfi Michaël , Raphaël
, Gabriël.
Toutes les 22 Lettres Hebrai
ques font contenues dans le 25
verfet dus chapitre du Prophéte
Ifaye.
Toutes les Lettres Grecques,
font dans les verfets 19 & 20 du
3 chapitre de la premiere Epiftre
de S. Pierre
48 MERCURE
Toutes les Lettres Latines
font dans ce Vers.
Gaza frequens Lybicos duxit
Kartago triumphos.
Atticus le Fils du Sophifte
Herodes , ne pût jamais aprendre
l'Alphabet.
Un jeune Prince Barbare
eftant venu étudier dans Athénes,
ne pût aprendre que les trois
premieres Lettres de l'Alphabet,
qu'il prononça d'un ton fi digne
de fon efprit & de fa Nation ,
que le Préteur ceffa de haranguer;
c'est pourquoy les Barbares
ramenérent en Triomphe leur
Prince , difant qu'il avoit vaincu
le
GALANT. 49
Le plus éloquent d´s Grecs .
La langue est presque le principal
inftrument de l'articulation,
car les confones labiales n'ont pas
befoin de l'office de la langue,
elle a dix mouvemens , fix droits
en rond. Les levres ont
&
quatre
auſſi
jusques
à fix
mouvemens
differens
. Le Larinx
a auf
fes
mouvemens
pour
la Trachée
, qui
ouvre
le paffage
à l'air, que pouffent
les poulmons
.
La Lettre Afe prononce le gozier
& la bouche ouverte ,fans.
employer la langue ; elle est donc
la Lettre la plus facil à prononcer
, c'est pourquoy elle tient le
Ferrier 1685.
Ε
50 MERCURE
premier rang dans l'Alphabet.
On dir qu'il n'y a eu que Zoroafter
qui ait ry en naiffant , &
que les Mâles pleurent par
voyelle A, & les Filles par la
voyelle E , ce qui a donné lieu à
ce Diftique, sikin mo ay
la
Plorat adhuc proles quod commifere
parentes,
A genitor dat Adam : E dedit
Eva prior.
Comme les confones B, M, P,
font purement labiales , ellesfont
auffi tres -faciles à prononcer. Il
ne faut qu'ouvrir doucement les
lévres en prononçant A , c'eſt
pourquoy
les Enfans prononcent
GALANT. 51
facilement MaMa PaPa ,
.
parce que le P fe prononce par la
feule explofion de l'Air , en feparant
promptement les lévres,
fi vous prononcez P tout contre
la flamme de la Chandelle , elle
vous fera entendre cette explo
Sion.
O,fe prononce le gozier ouvert
, & la bouche un peu enflée
voutée, c'eft pourquoy les Puis,
les Caves , & les Antres profonds,
pour A, refléchiffent O.
E, fe prononcefermant un peu
la bouche , & aprochant la langue
du palais , ne laiffant qu'un
petit paffage en largeur , à l'air
E ij
52 MERCURE
pouffe par les poulmons.
I, fe prononce en appliquant
davantage la langue au palais,
pour ne laiffer qu'une petite iſſue
à l'air , & on ferme davantage
la bouche , & on joint preſque
les dents.
V, François ,fe prononce ayant
joint les dents la langue tout
contre le palais ferrant les
téores avancéespour ne laiffer à
l'air qu'une petite iffuë ronde ,
on reffent qu'il fe forme un tremblement
des lévres.
I
Il
ya
ftinguent
point
Va de Fa , & pour
a des Nations qui ne di-
Vin difent Fin ,
GALANT 53
>
A Siracufe , la Lettre M tirée
au fort , donnoit le droit de la
Harangue publique.
La pronontiation de la Lettre
L appartient à la langue , celle
de Dede S , aux dents , M ,
aux lévres , celle de N au nez,
fi vray que fi on ferre le nez,
ne peut prononcer Na , mais on
entend Da , d'où il est facile de
rendre raifon des noms qu'on a
impofé à ces Lettres.
on
La Lettre K eft gutturale. Les
Calomniateurs étoient marquez
aufront avec un fer chaud , des
Lettres K & C la raiſon eſt
facile.
E j
54 MERCURE
La Lettre Qeftoit auffi im.
primée au front de ceux qui épou
foient une feconde Femme , la
premiere eftant vivante. Cette
marque Qest affezfignificative
du crime, de mefme que celle d'Aftronomie
Qpour marquer la conjonction
de deux Planetes, & c.
Plufteurs Perfonnes , pour Q
prononcent T , & pour Qui-
Quonque, difent TiTonTe .
temps de François I. le Do
Du
Pere des belles Lettres , & Fondateur
de l'Académie ou College
Royal de Paris , la prononcia
tion de la Lettre Q eftoit celle
de la Lettre K d'apréfent ; car
GALANT. [ 55
pour Quifquis , on prononçoit
KisKis. Lafçavante Républi
que des Lettres est redevable à
P. Ramus , Doyen du College
Royal , qui a donné la naturelle
prononciation du Q M¹s de la
Sorbonne s'y oppoférent, & même
privérent un Ecclefiaftique de fes
Revenus , parce qu'il prononçoit
le Qcomme Meffieurs de l'Académie
du Roy. Le Procez fut
porté au Parlement , on Ramus
ayant luy- mefme plaidé pour la
nouvelle prononciation de la Lettre
Q, il fut permis par Arreft
folemnel de dire QuiſQuis , ou
KisKis , qui depuis eft devenu
E
iiij
56 MERCURE
un mot pour animer les Chiens
au combat. Je croy que la Cour
Souveraine fonda ſon Arreſtſur
ce que la Lettre Hébraïque Coph
K dans fa valeur. est Q
no- ·Plufieurs Perfonnes ,
tamment ceux qui ont le Filet, ne
peuvent prononcer la Lettre R ,
qui demande le tremblement de
la langue ; c'est pourquoy pour.
R , ils prononcent L.
Meffala , grand Orateur , fit
autrefois un Volume entier de la
Lettre S. Sa mauvaise prononciation
confta la vie à quarantedeux
mille Ephraemites , qui
furent égorgez par les Galaadites,
GALANT. 57
pour n'avoir fçû bien prononcer
dans le mot Schiboleth la Lettre
S , que les Hebreux nomment
Scin .
Appius Claudius trembloit
à la Lettre Z, lors qu'on la pro- .
nonçoit par TS, parce qu'elle exprime
le grincement
de dents d'un
Moribond.
Laprononciation de S, on ST,
fait un fiflement qui penétre , &
qui fertpour ordonner le filence.
L'Echo n'est pas toûjours la
veritable image de la voix articulée
, puis qu'elle ne peut pas
toujours redire ou refléchir la Let
tre S', car pour le mot Satan,
58 MERCURE
PEcho répond Vatan. Il n'en
eft pas de mefme des mots Sofia
in Solario , Soleas Sarciebat
Suas. Vous feavez que la voix
refléchie par l'Echo, employe deux
fois plus de temps que la voix
directe , laquelle dans la moitié
d'une demy -feconde de temps parcourt
690 pieds.
L'Echo du Palais Simoneta,
à un mille de Milan ,
repete
du moins
vingt
- quatre
fois
le mefme
mot.
La plus grande parleufe des
Echos , eft celle que je trouvay
il y a dixhuit ans à Taxily
une lieue de la Ville de Luzy
a
GALANT. 59
en Nivernois ; car eftant la nuit
dans le Fardin de la Cure , qui
dépend de noftre Chapitre de Ternant
, ayant le vifage tourné
contre la Colline de Nidi , elle
repétoit de fuite tres-fortement
tres - diftinctement tous ces
treize mots,
Arma virumque cano , Troja
quæ primus ab oris,
Arma virumque cano .
Il est auffi facile de rendre
raison pourquoy l'Echo pour Sa,
dit Va , que d'expliquer pourquoy
en tenant un doigt dans
chaque coin de la bouche , pour
la Lettre P, on prononce F.
60 MERCURE
La voyelle O. fe fait enten
dre de plus loin , c'est pourquoy
les noms des Chiens de Mutte fe
terminent en O.
Les voyelles O & E font les
plus fortes , puis qu'elles arrestent
les Chevaux au milieu de leur
course.
ω
Le Sauveur du Monde dans
l'Apocalipfe a pris pour Symboles
les deux Lettres A, & w, la
premiere la derniere Lettre
de l'Alphabet Grec , pourfigni
ifier qu'il eft le commencement &
La fin de toutes choses.
Judas , ce vaillant Capitaine
des Juifs futfurnommé MachaGALANT.
61
bée , pour avoir pris dans fon
Etendari cette Devife , Symbole ,
on Mot MA. CA. B. AI . compofé
des quatre premieres fyllabes
du xi. verfet du xv . chapitre
de l'Exode...
MA CAMOCHA BAELIM
JEHOVAH ?
Qui comme Toy entre les
Dieux Jehovah ?
Les
Romains prirent les qua
tre Lettres , S. P. QR . quifont
Les premieres
des quatre Mots
fuivans. Serva , Populum ,
Quem, Redemifti
, qu'une Sybille
avoit gravé fur une lame
d'acier, comme dit Corrafius.
62 MERCURE
:
L'Empereur Maximilian prít
pour Symbole les voyelles A. E.
1. O. V. pour fignifier Aquila
Electa Jufte Omnia Vincit.
Revenons à la Langue Sainte.
Les Juifs & les Samaritains ont
toûjours leu dans leurs Synago
"gues , la Sainte Ecriture en He
breu. La Bible des Samaritains
ne contient que le Pentateuque
,
qui font les cinq Livres de
Moife , parce qu'en l'année du
Monde 3971. c'est à dire 992.
ans avant l'Incarnation ,
n'avoit encore publié que te
Pentateuque lors que le
Royaume d'Ifraël fut divifé,
on
GALANT 63
m'étant resté au Fils de Salomon
que les Tribus de Juda & de
Benjamin , les dix autres Tribus
ayant obeï à Feroboam.
Le Peuple d'ISC. RAB. EL.
Hominis magni Dei , de
l'Homme du grand Dieu , ayant
depuis efté difperfé & contraint
d'habiter en Païs étrangers , il
perdit peu à peu l'usage de fa
Langue Hébraïque , c'est pourquoy
apres la Captivité de Baby
lone , on ne parla que la Langue
Syriaque dans Ferufalem ,
Langue Hebraïque y étoit comme
inconnuë; fi vray que
Princes des Preftres & des Phales
64 MERCURE
rifiens dirent aux Archers En
S. Iean chapitre 7. verfet 49.
Cette Populace ne fçait ce
que c'eft que la Loy. Ce qui
avoit obligé les Rabins on Docteurs
de la Loy , d'en faire des
Verfions en Langue vulgaire des
Pais où ils étoient Etrangers
.
Les Rabins Afiatiques firent à
Babylone , la plus ancienne & la
plus estimée des Paraphrafes ,
qui eft la Chaldaique, ou le Targum
Onkelos.
La Verfion Grecque du Pentateuque
, dont S. Ierôme au
premier chapitre de l'Epifire de
S. Paul à Titus , dit Scientia
GALANT. 65
l'Ordre >
ou dit
pietatis eft noffe Legem ,fur
faite 272. ans avant l'Incarnation
, en Alexandrie d'Egypte,
où les Iuifs avoient un Temple
comme en Ierufalem. Elle eft
furnommée des 70 parce qu'elle
fut faite par
moins aprouvée des 72 , qui compofoient
le Venerable Senat du
grand Sanhedrin. Tout ce qu'on
en a dit au delà , a esté fur la
bonne foy d'un Livre attribué à
Ariftée , l'un des 2. Interprétes,
qui ne firent que la Verfion des
cinq Livres de Moife , bien qu'il
ne foit nommé qu'en tierce Per-
Sonne.
Fevrier 1685 E
66) MERCURE
DESES LIVRES
leur ancienne Forme
99100100
L5
& Relieure.
S ,
Es luifs obfervoient de ne
mettre que 30. Lettres à
chaque ligne.
Les Anciens coloient au long
plufieurs feuilles de papier les
unes au bord des autres , & ils.
n'écrivoyent que d'un côté. Ils
inferoient le bout de la derniere
des feuilles dans la fente d'un
bâton cilindrique , autour duquel
on rouloit toutes les feuilles qui
compofoient ce Livre ou Volume.
Ce bâton avoit un Chapiteau
GALANT 67
une Baze , à la diſtance de
la largeur du papier. Toutes les
Biblioteques étoient composées de
femblables Rouleaux , chez les
Grecs chez les Latins , mefme
long-temps apres Ciceron. Les
Iuifs ont encore fur l'Autel de
chaque Synagogue , les Livres de
la Loyfur deuxfemblables Rou
leaux Cilindriques , & quand ils
ont lû une page , ils la roulent
autour du Cilindre qu'ils tiens
nent à la main droite. Fay trou
vé dans nos Archives du Chapi
tre de Ternant , fondée en l'année
1444. qui eft quatre ans apres
L'invention de l'Imprimerie
, dess
Fij
68 MERCURE
Enquestes fur des feuilles de pa-..
pier colées les unes au bas des autres
, écrites d'un feul côté.
Le Secret ayant efté trouvé de
préparer le parchemin , en forte ·
qu'on peut écrire des deux côtez:
Le Roy Attalus fit écrire &
relier quelques. Livres à la maniere
des noftres.
L'Imprimerie commença en
1440 à Mayence , & les Offices
de Ciceron , eft le premier Livre
qui ait efté Imprimé en Europe,
il est maintenant bien facile de ·
profiter de l'avis de l'Oracle , qui
dit à Zenon que , Pour bien vivre
, il faloit avoir commerce
GALANT 69
avec les Morts. C'eft dans le
mefme fentiment qu' Alphonfe
Roy d' Arragon difoit, Qu'ilfaut
confulter les morts comme les
plus fidéles Confeillers , car il
n'y a point d'Amy plus librequ'un
Livre.
DE LA DIFFICULTE
de lire l'Ecriture Chinoife,
& l'Hebraïque fans
Voyelles.
trouverez pas fi
Vetrange que l'Ecriture Chinoife
ait un Caractere different
pour chaque chofe , & qu'un.
mefme mot prononcé differem .
70 MERCURE
ment, fignifie diferentes chofes,
fi vous faites reflexion qu'en
noftre Langue , un mesme mot a
plufieurs fignifications : En voicy
un exemple, il faut que je vous
Conte , un Conte , d'un Conte,
duquel je ne fais pas grand
Conte. 190
A la fterilité de la Langue
Chinoife , oppofez la fecondité de
la Langue Arabe ; elle a 80 mots
pourfignifier le Miel ; 200 mots
pour fignifier le Serpent ; soo
pour fignifier le Lyon ; & 200.
pour fignifier l'Epée . Cela me
faitfouvenir des fix Versfurvans
d'un vieux Sonnet.
GALANT. 71
Il faut que par neuf fois la Lune
ait fait fon cours,
Avant que nous voyons la lumiere
du jour,
Qu'un cruel Ennemy nous a
bien-toft ravie..
Miférables Mortels , n'avons .
nous pas grand tort,
De faire tant d'Engins pour nous
donner la mort .
L'Ecriture Hebraïque n'avoit
originairement que les Lettres
Confonnes , car les Points qui tiennentlieu
de Voyelles , n'ont commencé
qu'en l'annéesos . de l'Incarnation
, & 436 ans apres que
Titus Vefpafian eut brûlé le Temple
de Terufalem le 8 Aouſt , &
72 MERCURE
la Ville le 8. Septembre en la 72.-
année de Iefus - Chrift . C'est
pourquoy il y a à preſent onze
cens foixante & dix-fept années
que les Docteurs Iuifs étant af
femblez à la Tyberiade , Ville
de la Paleftine , inventerent t
employerent les points ou voyelles»
fecrettes , afin de conferver à leur
Pofterité difperfée par tout le
Monde , la veritable lecture des
Livres Sacrez de l'ancien Teftale
Rabin
ment. C'est ce que
Helie Levite • rapporté dans fax
troifiéme Preface fur le Maffo
reth. C'est pourquoy pour bien
apprendre à lire l'Hebreu , jes
vous
GALANT. 73
vons renvoye à la Mazore , ou
Tradition de l'Ecole Tyberiade.
C'eft fans fujet que vous me
prenez pour un Gale Razaia,
Revelateur des chofes fecretes.
Vous me demandez mille chofes,
comme fi j'avois tout cela dans
mon Jalkur , ou Poche Rabini
que , ou que je fuffe le tout
fçavant Hippias Eleen metempficofe.
Merite t'on quelque chofe
pour beaucoup parler ? Avez
vous oublié que Plutarque loue
Epaminondas qui eftoit le plus
fçavant , & parloit le moins. Je
profite en bien des chofes du bon
mot de Socrate , qui étant inter-
Février 1685.
G
74 MERCURE
rogé pourquoy
il ne donnoit au
cun Ecrit au Public, répondit que
le papier vaudroit mieux que ce
qu'il faudroit dire. Pour vous
répondre à tant d'articles , il me
faudroit une mémoire auſſi heureufe
que celle d'Efdras , qui dicta
par coeur les Livres de l'Ancien
Teftament , tels que nous les
avons. Du Grec Carmides, qui di
foit par coeur ce qui eftoit contenu
dans quel Volume d'une Bibliotéque
qu'on fouhaitoit. De Cyrus,
ou de L. Scipion , qui fçavoient
le nom de tous leurs Soldats ; ou
la mémoire de Mithridate , de
Craffus , de Cyneas , de Themi
GALANT. 75
ftocle , ou celle de l'Empereur
Claude , qui fçavoit tout Homere
par coeur , de Salufte qui fçavoit
tout Demofthene , d'Avicenne
qui fçavoir auffi par coeur
toute la Metaphifique d'Ariftote.
Te nefuis ny Ciceron qui fe fou
venoit de tout ce qu'il avoit leu
ou entendu. Je n'ay pas la mémoire
de Senéque l'Orateur, qui affenre
dans la Préface du Livre des
Plaidoyés on Controverſes , qu'il ·
avoit la Mémoire fi heureuſe ,
qu'il redifoit deux mille noms
differents dans le mefme ordre
qu'ils avoient eftéprononcez, &
que dans l'Ecole plus de deux
ن م
Gij
76 MERCURE
cens perfonnes ayant dit chacun
un Vers, il les repéta en commen
çant par le dernierVers . Le Pape
Clement VI. ayant receu une
grande bleffure à la teſte , ſa mémoire
devint fi heureuſe , qu'il
ne put rien oublier de ce qu'il
avoit leu. Tay efté prefent aver
feu M ' le Marquis de S. André
Montbrun , Capitaine Genéral
des Armées du Roy ,
verneur du Nivernois , à un
femblable effay de Mémoire
entre M de la Barre , pour lors
Intendant du Bourbonnois , &
Mc Adam le Poëte Menuifier de
Nevers. Deplus, je n'aypas un
r
GouGALANT.
77
Secretaire fi expert dans la Tachigraphie
, que ceux dont
Martial difoit , lib. 14 .
Currant verba licet , manus eft
velocior illis ,
Nondum lingua , fuum dextra
peregit opus.
Je nyfuis pasfi exercé qu'Origene
, quand mefme je formerois
aufft mal mes Lettres que le
grand Quintilien , dont les lignes
fembloient des Serpens . Il eft
autant furprenant qu'avanta
geuxpour le bien public, qu'entre
tant de millions d'Ecritures , il ne
s'en rencontre pas deux tout àfair
femblables , quand mefme on an-
C.iij
78 MERCURE
Tite
roit apris à écrire fous un mefmè,
Maistre. Il en eft de l'Ecriture,
comme des Voix des Vifages,
qui font tous en quelque chofe
diferens. Il est vray que
Vefpafian le Fils , difoit ordinai_
rement qu'il auroit pú eftre le plus
grand Fauffaire de l'Empire Romain,
parce qu'ilfçavoit tres - bien,
contrefaire toutes les fignatures.
·Contentez- vous , Monfieur, de
cepeu que je vous envoyepour vos
Etrennes de l'année 1685. Je réponds
à vos autres demandes ,
comme les Juifs dans les Quefons
tres difficiles THIS BI,
JETHARES , KA SIOT,
GALANT. 79
Elie Thesbite , qui nãquit huit
ans avant la mort de Solomon,
les foudra.
que
La Kabale des Rabins auffibien
les deux Volumes de Viſions
Parfaites , ne contiennent que futulites
avec la Lettre R de trois'
Nations bien differentes , l'Itali
que , le Grec l'Hebreu , & à
tous ces Livres , il ne manque que
la Syllabe Grecque Noun.
Vous aprendrez dans 24 heures
la Langue Hebraïque , dans la
nouvelle Grammaire de Criftofori
Cellarii , imprimée Cizæ,
au commencement
de l'année
1684.
G iiij
80 MERCURE
Le manque de Voyelles dans
l'Ecriture Hebraique
, eft la caufe
que la Verfion Grecque de l'Ancien
Teftament
, faite par
les
72
Rabins en Alexandrie l'année
272. avant la naissance de Fefus-
Chrift , n'est pas toujours confor
me à l'Original Hebraïque, quoy.
qu'en ait dit l'Autheur du Livre
attribué à Ariftée l'un des 72:
Interpretes. Puis que cette Verfion
a des paffages mal expliquez,
bien des chofes oubliées ,
d'autres ajoûtées ,s comme dit..
S. Jerôme , qui mourut l'année
420 : c'est pourquoy la Verfion
Latine qu'on fit fur la Grecque,
GALANT. 81
du temps des Apoftres , ne peut
eftre meilleure , bien que nous
chantions les Pfeaumes fuivant
cette Verfion , parce que l'Eglife
yeftoit accoûtumée , lors quefaint
Jerome fit fa Verfion Latine de
Ancien Teftament , que nous
appellons la Vulgate.
Si la Langue Chinoife eft dif
ficile par la differentefignification
d'un mefme mot, la Langue Hebraïque
eft auffi difficile par la
mefme raifon ; car par exemple,
le mot ou Racine HHANAH ,
fignifie humilier , appauvrir ,
affliger, occuper, témoigner,
chanter , crier , parler , ré82
MERCURE
Le mot
pondre , exaucer.
HHALAL , fignifie eſtre la
cauſe , cauſer , rendre affligé,
envelopper , defigner , enlai
dir , vendanger , méprifer ,
méditer , tâcher , agir , cautionner.
Le mot HHARAB,
fignifie dreffer , embellir, plairre
, engager , négocier , mélanger
, s'obfcurcir , devenir
doux.
Par
Bien davantage , les mefmes
mots Hebreux ont fouvent deux
fignifications contraires.
exemple KDS , fignifie fanctifier
, prophaner. BRH fignifie,
benir , maudire. NCHM fignifie
GALANT. 83
10
a
ད
eftre confolé , eftre defolé.
SKN fignifie appauvrir , s'enrichir
, mille autres , par le
changement des conjugaisons
qu'ils appellent Binjanim , Stra
cture.
Par le manque des Voyelles ,
au lieu de lire CHOMER , qui
fignifie URNE , dans laquelle les
Hebreux gardoient la Manne;
les Payens ayant leu CHOMAR ,
qui fignifie ASNE , ils accuferent
lesJuifs , & enfuite les premiers
Chreftiens
d'un Afne dans le Sanctuaire du
Temple.
d'adorer la Tefta
Le 47 Chapitre de la Genefe
84 MERCURE
&
parlant de Faceb adorant Dieu ,
finit par ces mots Halrofch;
Ham , Mitthah , chevet du lit,
les 70 ayant leu Matthe ,
L'interpreterent Verge , ou bâton.
Dans le 11. chap . de Zacharies
verf.7. au mot Hebreu CHBLM ,,
lesfeptante-deux Interpretes leu
rent CHaваLIM, Cordanx :
fuivant les Points on Voyelles ,
depuis marquées par les Rabins
de Tyberiade
nous lifons:
CHOBELİM , qui fignifie Corrupteurs.
>
}
Les Septante leurent par les
3. Confonnes z KR, du 14. Verf.
du 26 Chap. d'Ifaye , le mot
GALANT. 85
ZakeR , qui fignifie Malle ;
S. Jerôme ayant leu ZakaR,
l'interpreta Memoire.
Les Septante dans le Chap. 3.
Verfet de leremie, leurent Reh
him , quifignifie Paſteurs. Et
S. Ierome ayant leu Rohhim,
l'interpreta Amateur, er dans le
Chapitre 9. Verfet 22', leurent
Deber, quifignifie la Mort. Et
S. Jerôme ayant leu Daber, l'interpreta
Parle. De mefme auffi
les Septante dans Oſée, Ch. 13.
Verfet 3 , leurent Harbeh , qui
fignifie Langouste , & S. Iérôleu
Habah , l'interme
ayant
preta
Cheminée
.
86 MERCURE
En voicy affez pour cette fois
& bien que l'Empereur Honorius
ait efté blámé de figner toutes
les Lettres que ces Officiers
luy prefentoientfans les lire , dequoy
fa Soeur Placidie le corri
gea , apres luy en avoirfait connoiftre
le peril , car elle fit gliffer
une Lettre à figner avec les autres
, par laquelle l'Empereur
promettoit Placidie en Mariage
un miferable Efclave. Ie me
fie pour ce coup à la bonne foy
de mon Scribe , plus Homme de
bien
que
le Notaire Lampo,
furnommé
Calamoſphacten
:
Je finis , vous affeurant de ma
GALANT. 87
main que je fuis , Monfieur,
Vostre , &c.
COMIERS.
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Résumé : III. LETTRE Concernant les Langues, les Lettres & les Ecritures. A Mr DE S.....SDIKS.
Le texte discute des langues, des écritures et des lettres, en se concentrant particulièrement sur l'hébreu, le grec et le latin. L'auteur note que la langue hébraïque compte 22 lettres, correspondant aux 22 livres de l'Ancien Testament. Les kabbalistes utilisent les lettres des versets 19, 20 et 21 du chapitre 14 de l'Exode pour former les 72 noms de Dieu. Toutes les lettres hébraïques apparaissent dans le chapitre 25 du prophète Isaïe, les lettres grecques dans les versets 19 et 20 du chapitre 3 de la première épître de Pierre, et les lettres latines dans le vers 'Gaza frequens Lybicos duxit Kartago triumphos'. L'auteur relate également des anecdotes sur l'apprentissage des alphabets, comme celle d'un jeune prince barbare qui a impressionné les Athéniens en maîtrisant les trois premières lettres de l'alphabet grec. La lettre A est considérée comme la plus facile à prononcer et tient le premier rang dans l'alphabet. Des observations sur la prononciation des voyelles et des consonnes sont également faites, ainsi que des remarques sur l'écho et la prononciation des lettres dans différentes langues. Le texte aborde aussi l'histoire des écritures, mentionnant que les Juifs et les Samaritains lisaient la Sainte Écriture en hébreu dans leurs synagogues. Après la captivité de Babylone, la langue syriaque a remplacé l'hébreu à Jérusalem. Les rabbins ont traduit la Loi en langues vulgaires pour les Juifs dispersés. La version grecque du Pentateuque, faite à Alexandrie, est appelée la Septante et a été approuvée par le Sanhedrin. L'auteur discute également de la polysémie des mots dans différentes langues, illustrée par une phrase jouant sur les mots 'conte' en français. Il oppose la stérilité de la langue chinoise à la fécondité de la langue arabe, qui possède de nombreux mots pour désigner des concepts spécifiques comme le miel, le serpent, le lion et l'épée. L'écriture hébraïque originellement ne comportait que des consonnes. Les voyelles ont été ajoutées au IVe siècle, après la destruction du Temple de Jérusalem par Titus Vespasien, pour conserver la lecture correcte des livres sacrés. Le texte mentionne des figures historiques et des exemples de mémoires prodigieuses, comme celle d'Esdras ou de Sénèque, pour illustrer la difficulté de répondre à de nombreuses questions sans une mémoire exceptionnelle. Enfin, le texte discute des difficultés de la langue hébraïque, où un même mot peut avoir plusieurs significations contraires, et des erreurs d'interprétation dans les versions grecques et latines de l'Ancien Testament dues à l'absence de voyelles. Il conclut par des exemples de malentendus causés par ces ambiguïtés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 40-43
« Il paroist depuis peu un Livre qui a pour titre, les [...] »
Début :
Il paroist depuis peu un Livre qui a pour titre, les [...]
Mots clefs :
Prononciation, Langue française
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texteReconnaissance textuelle : « Il paroist depuis peu un Livre qui a pour titre, les [...] »
Il paroistdepuis peu un Livre
qui a pour titre, les
-
'J\egles de la Prononciation
pour la Langue FrançoifèyparAd.
B. CE Livre est tres
bon dans son genre
& tres utile;on Içait
bien, dit l'Aureur, que
ce n'est pas un grand
honneur ni un grand
merite de sçavoir bien
sa langue,& d'en prononnoncer
regulierement
tous les mots: mais
c'est un grand blâme
Se une honte à un
honnéte homme de ne
le sçavoirpas. Un mot
mal prononcé luy fait
quelquefois plus de tort
quun faux raisonnement,
parce que tout
le monde est choqué
d'une mauvaise prononciation
, & que peu de
gens ont l'esprit assez
juste pour s'appercevoir
de la fitufferé decertains
raisonnemens,&.
Ceux qui aiment à
voir un livrecommencer
simplement feront
conrens du début deceluy-
cy: voicy comme il
commence.Ily a vingtquatre
lettres à l'Alphabet.
Abcdefg, Sec.
Le début des Elemens
d'Euclidesestaussi simple
queceluy-là, un &
un font deux, le tout
estplus grand que là
partie: C'est pourtant
sur ces fondemens si
simples qu'on éleve
des systemes jusqu'aux
cieux pour mesurer le
cours des astres, prédire
les éclipses, & rendre
raison des phenomenes
les plus étonnans.
qui a pour titre, les
-
'J\egles de la Prononciation
pour la Langue FrançoifèyparAd.
B. CE Livre est tres
bon dans son genre
& tres utile;on Içait
bien, dit l'Aureur, que
ce n'est pas un grand
honneur ni un grand
merite de sçavoir bien
sa langue,& d'en prononnoncer
regulierement
tous les mots: mais
c'est un grand blâme
Se une honte à un
honnéte homme de ne
le sçavoirpas. Un mot
mal prononcé luy fait
quelquefois plus de tort
quun faux raisonnement,
parce que tout
le monde est choqué
d'une mauvaise prononciation
, & que peu de
gens ont l'esprit assez
juste pour s'appercevoir
de la fitufferé decertains
raisonnemens,&.
Ceux qui aiment à
voir un livrecommencer
simplement feront
conrens du début deceluy-
cy: voicy comme il
commence.Ily a vingtquatre
lettres à l'Alphabet.
Abcdefg, Sec.
Le début des Elemens
d'Euclidesestaussi simple
queceluy-là, un &
un font deux, le tout
estplus grand que là
partie: C'est pourtant
sur ces fondemens si
simples qu'on éleve
des systemes jusqu'aux
cieux pour mesurer le
cours des astres, prédire
les éclipses, & rendre
raison des phenomenes
les plus étonnans.
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Résumé : « Il paroist depuis peu un Livre qui a pour titre, les [...] »
Le livre 'Les Règles de la Prononciation pour la Langue Française' met en avant l'importance de la prononciation correcte en français. L'auteur affirme que, bien que prononcer correctement ne soit pas un grand mérite, une mauvaise prononciation est un blâme et une honte pour une personne honnête. Un mot mal prononcé peut causer plus de tort qu'un faux raisonnement, car la mauvaise prononciation choque davantage que les erreurs de raisonnement. Le livre commence par énumérer les vingt-quatre lettres de l'alphabet, de manière similaire aux Éléments d'Euclide qui débutent par des principes simples pour construire des systèmes complexes. Ces principes permettent de mesurer le cours des astres, prédire les éclipses et expliquer des phénomènes étonnants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 1581-1595
LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
Début :
MONSIEUR, Les Ouvrages & la réputation de Mr l'Abé de S. P. sont si conus dans la République [...]
Mots clefs :
Orthographe, Voyelles, Consonnes, Alphabet, Règles, Prononciation, Figures, Sons, Lecteurs, Grammairien
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
LETTRE fur le Projet , pour perfection
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
ner l'Ortografe des Langues de l'Europe .
Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in
8. de 266.pag. chez Briaffon , ruë faint
Jacques. 1730.
MONSIEUR ,
Les Ouvrages & la réputation de M*
l'Abé de S. P. font fi conus dans la République
des Letres , qu'à la feule infpection
d'un de fes livres , on peut hardiment conclure
que c'eſt un nouveau Projet pour la
perfection des Arts & des Siences . Cet
Auteur infatigable après avoir doné bien
des Projets fur les matieres les plus relevées
, vient d'en doner un autre pour perfectioner
l'Ortografe des Langues de l'Eu
rope . Le fujet , quelque petit qu'il parolffe
par lui-même , devient important entre
fes mains ; intereffe dans ce qu'il propoſe
toutes les Nations de l'Univers ; & s'il n'a
as la fatisfaction de voir metre en prati
Εν
1 que
P
1582 MERCURE DE FRANCE
que ce Projet , il a du moins l'avantage de
perfuader les perfones bien intentionées &
amies du bien public.
M. l'Abé de S. P. ne perdant jamais de
vue l'ordre qu'il a fuivi dans tous les ouvr
ges , comance par des Obfervations préliminaires
; & pour difpofer le lecteur à etre
moins choqué d'un nouveau fiftême d'ortographe
, ce favant Abé fuit d'abord une
ortografe melée de toutes les autres , pour
y acoutumer peu à peu les ieux des lecteurs
qui fans cete précaution feroient
fcandalifés de fe mélange bifare aux ïeux
des ignorans , ou des gens prévenus , mais
tres-neceffaires dans les vues d'un profond
grammairien. Il ne faudra pas metre fur
fon conte les fautes du Graveur , ni celles
de l'Imprimeur ; cependant il eft à craindre
que la vanité des lecteurs ne trouve:
plus aifé de condaner l'auteur , que d'aler
examiner de qui peuvent etre les fautes.
Je dis ceci par raport aus trois caracteres
a , f. g , que le graveur a trop couchés , &
qu'il a rendus italiques , au lieu de les
arondir & de les rendre quarés & romains
corps des autres letres.
ou du
Il eft de la nature du meilleur & fur tout du
beaucoup meilleur de faire perir peu à peu le
bon & de l'anéantir entierement , c'eft pourquoi
l'écriture hieroglifique des Egiptiens
anciens à peri peu de tems après que le
Legrer
JUILLET . 1730. 1583.
fegret d'écrire non les penfées , mais d'écrire
les paroles prononcées , a été publié.
L'ecriture des Tartares,fouverains dans
la Chine fera perir entierement & dans
peu de fiecles l'ecriture Chinoife ; & les
Chinois eux- memes adopteront peu à peu
l'Afabet Tartare, come beaucoup plus comode
; & peut-etre que notre Alfabet Européen
perfectioné , fervira un jour à perfectioner
le leur.
Le but de l'ortografe , eft certainement
d'exprimer exactement & fans laiffer aucun
doute , par un petit nombre defiguresfimples,
faciles àformer à diftinguer tous les mots
dont les hommes fe fervent enparlant.
Notre Ortografe doit toujours répondre , au
· tant qu'il eft poffible , non immediatement à la
penfee , mais au mot prononcé qui fignifie im
mediatement la pensée.
I1 y a trois ou quatre cens ans que l'ortografe
etoit beaucoup meilleure que la
nôtre, c'eft-à- dire qu'elle reffembloit beaucoup
plus à la maniere de prononcer , qui
étoit alors en ufage , que notre Ortografe
prefente ne reffemble à notre prononciation
prefente.
Durant le tems qu'un mot met à changer
tout à fait la premiere prononciation , il
continue toujours à conſerver ſa même ortografe.
Or y aïant peu
de gens intereffés à chan-
E vi ger
1584 MERCURE DE FRANCE
ger l'Ortografe de ce mot , & beaucoup
de gens intereffés à n'y rien changer ; il
paroit , dit le judicieux Auteur , que c'eft
une efpecede neceffité que les vices de l'ortografe
croiffent par l'autorité de l'ufage
abufif , & que ce fera une efpece de merveille
fi quelques- unes des regles que propoſe
la raifon , font fuivies de nos jours en
Europe,enFrance & en Angleterre, Royaumes
où la raifon eft plus refpectée , & où
elle a , ce femble , plus de credit qu'en aucune
autre partie de la terre.
Une autre caufe de la multitude épouventable
de défauts dans notre Ortografe,
c'eft le manque de figures ou de caracteres
dans l'alfabet ; car il faut une figure particuliere
, ou une voyele particuliere pour
fignifier chaque fon particulier fimple,
Nous connoiffons quinze fons fimples ,
& nous n'avons pour les exprimer que
ces cinq figures a , e , i , o , u.
De même nous conoiffons vint articuculations
diferentes , & nous n'avons que
quatorze caracteres ou confones écrites ancienes
, & deux nouveles ; favoir le carac
te J , & le caractere V. Ce defaut de figures
a fait employer les mêmes caracteres
pour des fonctions diferentes , & a caufé
bien des équivoques dans l'ortografe , &
fur rout dans l'ortografe des noms propres.
I
JUILLET .* 1730. 1585
1º. Négligence à fuivre dans l'Orto
grafe les changemens qui arrivent dans la
prononciation.
2º. Négligence à inventer autant de figures
qu'il y a de fons & d'articulations:
conuës.
3. Négligence à doner quelques marques
aux lettres quand on les employoit
quelqu'autre fonction qu'à leur fonction
ordinaire .
4° . Négligence à marquer dans chaque
mot les letres qui ne s'y prononcent plus
5º. Négligence à marquer les voyeles
longues.
M. l'Abbé de S. P. s'eft propofé d'indiquer
des remedes éficaces à ces fources &
à ces inconveniens de la coruption prefente
& de la coruption future de l'ortografe
: & pour ce perfectionement defirable
il fuit la fage maxime qui confeille de ne réformer
les abus univerfels introduis par voie
prefque infenfible, que par une voie femblable
prefque infenfible. Je fouhaite que le ри-
blic ne trouve point que l'auteur fe ſoit
écarté de cette maxime dans cet ouvrage,
& qu'on ne foit point fcandalifé de la li
berté d'ortografe que notre zele grammairien
demande : la feule tolerance en fait
d'ortografe , fera triomfer la moderne ; &
à la fin l'ortografe fera telle , que le lecteur
conoitra facilement fans aucun doute , fans
aucune
1586 MERCURE DE FRANCE
•
aucune équivoque , & avec certitude, la pro-
"nonciacion précife de tous les mots écrits.
Pour démontrer jufqu'où nous a conduit
infenfiblement l'ufage tiranique ,
M. l'Abbé de S. P. prend les trois lignes
du premier article de la preface du dic
tionaire de l'Academie françoife de l'édition
de 1718. ces trois lignes contienent
vingt - huit mots , & pour écrire fans
faute , felon la regle de la raifon & de
F'oreille , il y faudroit faire quarante
cinq changemens , c'eft- à - dire qu'il y a
quarante- cinq fautes contre la regle generale
de la bone ortografe de toute langue.
Le lecteur trouvera dans le livre de cet
Abé , les trois lignes & les quarante - cinq
fautes, letre à letre , mot à mot , & c.
Dans ces trois lignes il n'y a que les mots
une , de , ne, où M. l'Abbé de S. P. n'ait
trouvé aucune faute ; il en trouve quatre
dans le mot eft , il le démontre felon fes
principes , & établit en même-tems pour
regle importante que vu cette prodigieufe
quantité de fautes , il feroit ridicule de prétendre
les coriger toutes en même-tems , par
e qu'il faut avoir le loifir de nous acoutumer
peu peu à quelques-unes de ces com
rections avant que de fonger à en adopter
quelques autres.
à
Je dois ajoûter , au refte , qu'on auroit
tort de vouloir faire le mauvais plaifant
fur
JUILLET. 1730. 1587
fur les quarante-cinq fautes & fur les vinthuit
mots des trois lignes de la préface
du dictionaire de l'Academie Françoiſe ;
ces trois lignes font fans faute, felon l'ufage
abufif fuivi dans le dictionaire , come
dans les autres livres.
A l'égard des noms de famille , il faudroit
les écrire d'abord felon l'ortografe
reguliere & par rapport à la prononciacion
par exemple , le nom Danjo , &
écrire enfuite entre deux crochets & en
italique le même nom ( Dangean ) felon
fon ortografe anciene , qui répond aparament
à la prononciacion anciene.
Les écrivains doivent aprocher toûjours
mais
peu à peu
leur
ortografe
favante
&
vicieufe de l'ortografe ignorante & re
guliere ; parceque l'ortografe prefente doit
vifer à reprefenter à tout le monde , aus favans
, aus ignorans , aus femmes, aus enfans ,
& fur tout aus étrangers & à notre pofterité ,
notre veritable prononciacion prefente.
Notre zelé grammairien finit fes obfervations
préliminaires , en difant qu'on
ne doit point faire de reproche à celui
qui écrit le même mot de deux ou trois:
manieres differentes ; il fatisfait ainfi à
deux regles raifonables , la premiere eft
qu'il ne faut pas abandoner tout d'un coup
& entierement l'ufage abufif lorsqu'il eft univerfel
la fegonde eft qu'il faut s'éloigner
588 MERCURE DE FRANCE
a
gner quelquefois de cet ufage abufif, afin de
le rendre lui-même peu à peu raiſonable.
Après les obfervations préliminaires
M. l'Abé de S. P. en done fur les regles
qu'il divife en perpetueles & en paffageres.
Les perpetueles font pour tous les tems &
generales pour toutes les lingues écrites.
Les regles paffageres & particulieres ici
pour la langue françoife, ne doivent durer
qu'autant de tems que durera le paffage-de
Portografe vicieuſe à l'ortografe reguliere,
tant pour ffee defacoutumer
defacoutumer peu à peu de
P'une , que pour s'acoutumer peu à peu
à l'autre. Il y a onfe regles dont la plupart
ont des éclairciffemens & des confequences
dignes de la curiofité du lecteur.
La quantité d'équivoques dans notre
langue écrite , eft fi prodigieufe , que l'on
peut écrire de plus de trois cens manieres
le mot prononcé Haynault , province
dont Mons eft la capitale , & ces manieres
font toutes differentes en quelque chofe
& peuvent pourtant fignifier ce mot de
de ux filabes .
On lit dans les éclairciffemens de la quatriéme
regle les raifons qui ont obligé
M. l'Abé de S. P. à faire graver & fraper
huit caracteres diferens pour les fons a ,
ĩ , Sũ , cũyên , on ,en liant la confone
vec la voyele , ou les voyeles enfemble
par le trait de jo nction d'une letre à l'au-
> › > >
tre.
JULLLET. 1730. 1589
tre. A l'égard des fons exprimés par les
caracteres ch , gn , ill , notre auteur a mis
un petit trait entre le c , & l'h , lié leg,
avec l'n , & mis un point fous l'?, voilà
donc déja onfe caracteres de fa façon , &
pour achever la doufaine il a mis un point
fur la letre en faveur de l'articulation
guturale Efpagnole du mot D. Quixot.
Après une dépenfe fi genereufe de la part
de M. l'Abé de S. P. on devroit lui facrifier
fans regret d'ortografe , l'y grec & la
letre h des mots myftere , Phylofophe, Bacchus
, Rheteur , Theme , qu'il feroit mieux
d'écrire miftere , filofofe , bacus, reteur, tème.
Cet Alfabet eft encore enrichi de plufieurs
autres caracteres foulignez qui marquent
les voyeles longues & d'autres caracteres
furlignez qui marquent les letres muetes ;
ces caracteres foulignez feroient d'une
grande comodité pour les idolâtres de la
vielle ortografe; car moyenant ce furlignement
ils pouroient doubler & tripler inutilement
les cofones qu'ils afectioneroient
le plus , fans craindre d'expofer les lecteurs
aus équivoques de l'ufage abufif de la pre
fente ortografe .
Il y a enfuite dix regles paffageres que.
M. l'Abé de S. P. expofe come autant de
moyens de paffer par degrés prefque infenfibles
, par une augmentation continuele
, journaliere & anuele , de petits
chan1590
MERCURE DE FRANCE
changemens durant deux ou trois gene
fations de l'ortografe vicieufe à l'ortografe
reguliere , qui n'auroit pas befoin de mai
tre : en aprenant à lire on aprendroit l'or
tografe , aulieu qu'aujourd'ui il faut des
maitres pour aprendre l'ortografe ſavante ,
irreguliere & pleine d'exceptions.
Ces règles paffageres exigent que l'on
furligne les voyeles & les confones muetes;
que l'on écrive & que l'on imprime de
tėms en tems le même mot de diferentes
maniere ; & c'est ce que l'auteur a prati
qué dans cet ouvrage , où l'on trouvera
quelquefois les mots dictionaire , genre ,
Egiptiens , écriture, & c. écrits , digfionaires,
janre , Ejipfiens ; éqriture , &c. ce qui fufit
pour doner au lecteur une idée de ce
mêlange & de cette tolerance d'ortografe
à défirer dans la république des letres. On
peut donc fuivre à prefent dans ce tems
de trouble , de confufion & de fchifme
ortographique , l'ortografe que l'on voudra
, avec l'unique regle de reprefenter le
vrai fon des mots , & l'unique maniere
de lire fans équivoque , come dans les
mots çaje , qeur , oqcilière , & c. au lieu de
fage, coeur, auxiliaire, &c. en un mot écrire
come l'on prononce , & avoir plus d'égard
pour l'oreille que pour les ïeux . Cette regle
fera toujours dificile à fuivre par les
perfones qui ne favent pas bien lire , &
ic
JUILLET. 1730. 1591
je mets dans ce rang ceux qui écrivent ,
par exemple , gai fe de bones piques &
louvrage ave pafiance , & c. au lieu d'écrire
j'ai fait des bonèts piqués l'ouvrage
avec paffiance , pacience ou patience , &c.
- La dixiéme regle paffagere exorte les
imprimeurs à metre au comencement de
chaque ouvrage l'abregé du nouvel alfabet
fuivi dans le livre nouveau : cet alfabet
devroit être le plus fimple & le plus com →
plet qu'il feroit poffible , & contenir
non-feulement les letres regulieres , immuables
, mais encore les lettres ou figures
irregulieres , équivalentes , paffageres,
& c .
M. l'Abé de S. P. bien loin de mêler les
voyeles & les confones par une imitation
fervile dans notre a b c françois , a crû plus
raiſonable de metre toutes les voyeles de
fuite , avant que de doner les confones.
Les quinfe voyeles font a , a , e , é‚é‚è ,
i‚í‚o¸ó , u , ú , eu , eu , par où l'on voit
que cet Abé, trouve quinfe voyeles dans
notre langue , fans y faire entrer le fon
de l'au quelquefois diferent du fon de l'o,
Je ne crois pas que tout le monde conviene
de la diference de fon entre celui
d'й & d'eй , ni de la diference de fon entre
celui d'i & d'èn ou d'én , &c, il en fera
parlé plus au long dans l'A B C de Candiac
, ou dans le livre intitulé la Bibliote
que des enfans.
1592 MERCURE DE FRANCE
ples ,
Après les quinfe voyeles ou fons fimə
que notre favant grammairien trou.
ve dans la langue françoife , vienent les
vint confones ou les vint articulations
diferentes combinées avec les voyeles : il
eft vrai que le caractere h & le x des Efpagnols
font mis dans le nombre des vint
confones , ce qui fait en tout trente cinq
caracteres , aufquels ajoutant les quinfe
caracteres foulignés & les trente- cing furlignés
, cela fait quatre-vint-cinq poinçons :
& autant de matrices contenant la gravure
d'environ cent quinfe letres pour
le bas de cafe romain , il en faudroit autant
pour l'italique , autant pour le ca
pital , autant pour le petit majufcule du
corps , ce qui feroit quatre cens foixanteletres
à graver pour une fonte : de forte
que pour une vintaine de corps diferens
fuivis & reguliers , il faudroit faire graver
fondre & fraper neuf mile deux cens letres
caracteres , avec environ fix mile huit cens
poinçons , dépenfe digne du loifir pacifi
fique de quelque grand monarque.
Notre auteur, après avoir parle de l'Alfabet
regulier , parle enfuite des figures
équivalentes , la plupart paffageres , dont
on fe fert mal à propos à la place des
voyeles & des confones de l'Alfabet regulier.
M. l'Abé de S. P. done ſes obfervations
fur les trente- cinq caracteres &
les
JUILLET. 1730. 1593
•
?
feurs équivalens en trente- cinq articles
qu'un lecteur curieux fur cette matiere
lira toujours avec plaifir. On apele carac→
tere équivalent , celui ou ceux que l'on
emploie abufivement & ignorament pour
un autre , come em , en , eam pour le fon a
dans les mots employer , enfant, Jean , &c.
au lieu d'écrire felon la prononciation &
l'ortografe reguliere , aployer , afant , fã ‚
&c. fi quelqu'un invente de plus beaus'
caracteres que ceux de M. l'Abé de S. P. il
en fera bien -aife .
A l'égard de la denomination des confones
, ce Grammairien Filofofe- Geometre
dit qu'il conviendroit mieux , ce femble,
de döner un nom à chaque confone , dans
lequel on fentit l'articulation tant avant
qu'après la voyele , come dans les filabes
bab , faf, &c. & qu'on devroit preferer l'a
aux autres voyeles , pour la voyele auxiliaire
de l'articulation des confones, & dire.
lal, par ex, plutor que lel ou le ; ceci doit
s'entendre de l'alfabet regulier , & nom de
l'alfabet irregulier dont nous nous fervons.
On
peut, felon
notre
auteur
, continuer
l'ufage
des caracteres
italiques
dans
l'impreffion
, pour
avertir
le Lecteur
de
faire
plus
d'atention
à certains
mots
qu'à
d'autres
, ce qui eft tres comode
. On peut
auffi
fe fervir
encore
de la figure
& , &
de
1594 MERCURE DE FRANCE
de la figure & c.pour fignifier les conjonctions
, & les mots latins & cætera.Mais
je fouhaiterois que les Imprimeurs employaffent
quelquefois les deux letres, e, t,
au lieu du feul caractere & , pour la conjonction
& , fur tout après une virgule ,
& que l'on mit feulement le caractere &
loin des virgules , parce que l'union des
idées & des chofes eft plus grande .
M. l'Abé de S.P. toujours animé de l'efprit
du bien public, propofe modeftement
les Projets & les changemens qu'il a le
plus medités ; il écoute tout le monde , il
invite les bons citoyens à lui faire des objections
; il en raporte ici vint & unes ,
avec autant de réponſes. Ce qui mis en
deliberation entre les Partifans des Ortografes
diferentes , augmenteroit peut-être
le fchifme , bien loin de réunir les efprits
enemis de la raiſon & efclaves des ufages
& des abus quelconques.
Notre auteur ne fe contente pas d'inviter
les François libres du préjugé tirannique
; il ofre encore aux étrangers fon
ouvrage , & les exhorte à l'acomoder à
leur langue ; l'avertiffement eft bon pour
les Anglois dont l'ortografe eft encore
plus fauffe , plus dificile que la nôtre par
raport à la prononciation , Des efprits bornés
mepriſent cette partie de la grammaire
, mais on fera voir dans l'A , B , C ,
de
1
JUILLET . 1730. 1595
de Candiac que l'ortografe reguliere ne
doneroit pas lieu à tant d'équivoques
dans la lecture & dans la copie des actes
juridiques , dont la prononciation eft perdue
, faute d'avoir été bien reprefentée
par des caracteres reguliers.
Le Lecteur trouvera à la fin du livre
un abregé de l'ortografe reguliere , & un
Projet pour perfectioner les langues. Ce
n'a pas été fans quelque peine & même
fans quelque degout que M. l'Abé de S.P,
a mis cet ouvrage en l'état où il eft ; il a
confideré que peu de gens un peu habiles
fe refoudroient à travailler avec conftance
fur une matiere fi meprifée par le gros
des Lecteurs , fi dificile à bien traiter , &
cependant fi importante dans le fond au
bonheur des enfans & à l'honeur de la nation.
Ce genereux & bienfefant Abé croit
avoir lieu d'efperer qu'il aura des fucceffeurs
dans les fieçles fuivans qui travailleront
fur ce fujet , avec plus de facilité &
avec plus de fuccès qu'il n'a fait. Je fuis ,
Monfieur , &c.
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Résumé : LETTRE sur le Projet, pour perfectionner l'Ortografe des Langues de l'Europe. Par M. l'Abbé de Saint Pierre ; vol. in 8o. de 266. pag. chez Briasson, rüe saint Jacques. 1730.
La lettre expose un projet de l'Abbé de Saint-Pierre visant à améliorer l'orthographe des langues européennes. L'auteur, reconnu pour ses nombreuses propositions innovantes, présente une réforme orthographique qui, bien que modeste, suscite l'intérêt de diverses nations. Bien que ce projet n'ait pas été mis en pratique, il convainc les personnes bien intentionnées et soucieuses du bien public. L'Abbé de Saint-Pierre commence par des observations préliminaires pour préparer les lecteurs à un nouveau système orthographique. Il introduit une orthographe mélangée pour habituer progressivement les lecteurs et souligne que les erreurs du graveur ou de l'imprimeur ne doivent pas être imputées à l'auteur. L'objectif de l'orthographe est de représenter précisément les mots parlés à l'aide de figures simples et faciles à former. L'orthographe actuelle est critiquée pour ne pas refléter la prononciation actuelle et pour contenir de nombreux défauts dus au manque de caractères dans l'alphabet. L'Abbé identifie plusieurs causes de ces défauts, notamment la négligence à suivre les changements de prononciation, à inventer de nouveaux caractères, et à marquer les lettres muettes ou les voyelles longues. Il propose des remèdes pour ces problèmes et suggère une réforme progressive et tolérante. Le texte illustre les erreurs orthographiques actuelles en analysant trois lignes d'un dictionnaire de l'Académie française, où vingt-huit mots contiennent quarante-cinq fautes. L'auteur recommande d'écrire les noms de famille selon l'orthographe régulière et de noter l'ancienne orthographe entre crochets. L'Abbé de Saint-Pierre divise les règles en perpétuelles et passagères. Les règles perpétuelles sont générales pour toutes les langues, tandis que les règles passagères sont spécifiques à la langue française et visent à transitionner vers une orthographe régulière. Il propose également des caractères nouveaux pour représenter certains sons et des marques pour les voyelles longues et les lettres muettes. Enfin, l'auteur encourage les imprimeurs à inclure un abrégé du nouvel alphabet au début de chaque ouvrage pour faciliter la transition vers la nouvelle orthographe. Le texte traite également des observations de l'Abbé sur l'orthographe et la typographie de la langue française. Il suggère de nommer chaque consonne en fonction de son articulation avant et après la voyelle, et de préférer la voyelle 'a' comme auxiliaire. Il recommande l'utilisation des caractères italiques pour attirer l'attention sur certains mots et propose des améliorations pour l'utilisation du caractère '&'. Le texte se termine par une invitation aux lecteurs, notamment aux étrangers et aux Anglais, à adopter une orthographe régulière pour éviter les équivoques dans la lecture et la copie des actes juridiques. L'Abbé exprime son espoir de voir des successeurs poursuivre son travail sur cette matière importante mais méprisée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 2237-2239
Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
Début :
PRINCIPES GENERAUX ET RAISONNEZ de la Grammaire françoise, par demandes [...]
Mots clefs :
Grammaire française, Université de Paris, Orthographe, Grammaire, Ponctuation, Prononciation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
PRINCIPES GENERAUX ET RAISONNEZ
Fiij
de
2238 MERCURE DE FRANCE
de la Grammaire françoife , par demandes
& par réponſes , dediés à Monfeigneur
le Duc de Chartres . A Paris , chez Jean
Defaint , Libraire- Juré de l'Univerfué
ruë de S. Jean de Beauvais. 1730. volume
in 12 d'environ 350 pages. prix une
liv. 15 f.
Celui qui a compofé cet ouvrage a
eu deffein d'entrer dans les vuës de M.
Rollin , qui dit dans fon excellent Traité
des Etudes , qu'il feroit à fouhaiter que
l'on compofât pour les jeunes gens une
Grammaire abregée , qui ne renfermât
que les regles & les reflexions les plus
neceffaires . Les gens fenfez fe plaignent
avec raifon depuis long- tems que l'on
faffe employer à la jeuneffe une fi longue
carriere pour leur apprendre le grec & le
latin , & que l'on néglige de leur donner
en même tems des regles fûres pour bien
parler , & pour bien écrire leur propre
langue. On entend tous les jours des gens
habiles d'ailleurs prononcer je trouverrai
pour je trouverai , il mourera , pour il
mourra , &c. On voit très -peu de Lettres
bien ponctuées , bien orthographiées ,
d'où cela vient- il ? fi ce n'eft du peu d'attention
que l'on a d'inftruire les enfans
des regles de leur propre langue.
On ne fçauroit donc trop louer le deffein
que s'eft propofé celui qui a arangé
la
OCTOBRE. 1730. 2239
la nouvelle Grammaire Françoife dont
nous parlons. Ce livre eft très -clair , trèsméthodique
, & rempli de beaux exemples
, qui fervent à faire entendre les définitions
qui fe trouvent néceffairement
dans un ouvrage de cette efpece.
On trouve à la fin de ce Livre un Traité
de l'Orthographe , de la Ponctuation , &
de la Prononciation , où l'Auteur a ramaffé
tout ce qui lui a paru neceffaire fur ces
trois articles.
L'Univerfité de Paris paroît juger fa
vorablement de cet Ouvrage puifque
plufieurs des plus habiles Profeffeurs l'ont
déja mis entre les mains de leurs Ecoliers ,
pour en faire un livre claffique.
Fiij
de
2238 MERCURE DE FRANCE
de la Grammaire françoife , par demandes
& par réponſes , dediés à Monfeigneur
le Duc de Chartres . A Paris , chez Jean
Defaint , Libraire- Juré de l'Univerfué
ruë de S. Jean de Beauvais. 1730. volume
in 12 d'environ 350 pages. prix une
liv. 15 f.
Celui qui a compofé cet ouvrage a
eu deffein d'entrer dans les vuës de M.
Rollin , qui dit dans fon excellent Traité
des Etudes , qu'il feroit à fouhaiter que
l'on compofât pour les jeunes gens une
Grammaire abregée , qui ne renfermât
que les regles & les reflexions les plus
neceffaires . Les gens fenfez fe plaignent
avec raifon depuis long- tems que l'on
faffe employer à la jeuneffe une fi longue
carriere pour leur apprendre le grec & le
latin , & que l'on néglige de leur donner
en même tems des regles fûres pour bien
parler , & pour bien écrire leur propre
langue. On entend tous les jours des gens
habiles d'ailleurs prononcer je trouverrai
pour je trouverai , il mourera , pour il
mourra , &c. On voit très -peu de Lettres
bien ponctuées , bien orthographiées ,
d'où cela vient- il ? fi ce n'eft du peu d'attention
que l'on a d'inftruire les enfans
des regles de leur propre langue.
On ne fçauroit donc trop louer le deffein
que s'eft propofé celui qui a arangé
la
OCTOBRE. 1730. 2239
la nouvelle Grammaire Françoife dont
nous parlons. Ce livre eft très -clair , trèsméthodique
, & rempli de beaux exemples
, qui fervent à faire entendre les définitions
qui fe trouvent néceffairement
dans un ouvrage de cette efpece.
On trouve à la fin de ce Livre un Traité
de l'Orthographe , de la Ponctuation , &
de la Prononciation , où l'Auteur a ramaffé
tout ce qui lui a paru neceffaire fur ces
trois articles.
L'Univerfité de Paris paroît juger fa
vorablement de cet Ouvrage puifque
plufieurs des plus habiles Profeffeurs l'ont
déja mis entre les mains de leurs Ecoliers ,
pour en faire un livre claffique.
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Résumé : Principes generaux & raisonnez de la Grammaire Françoise, &c. [titre d'après la table]
En 1730, une nouvelle grammaire française intitulée 'Grammaire françoise, par demandes & par réponses' est publiée et dédiée au Duc de Chartres. Cet ouvrage de 350 pages répond aux souhaits de M. Rollin, qui désirait une grammaire abrégée adaptée aux jeunes. L'auteur critique la priorité donnée à l'apprentissage du grec et du latin au détriment des règles de la langue maternelle. Il mentionne des erreurs fréquentes en prononciation et en écriture, comme 'je trouverrai' au lieu de 'je trouverai' ou 'il mourera' au lieu de 'il mourra'. La grammaire est décrite comme claire et méthodique, enrichie d'exemples pertinents. Elle inclut des traités sur l'orthographe, la ponctuation et la prononciation. Plusieurs professeurs de l'Université de Paris l'ont déjà adoptée comme livre classique pour leurs élèves.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 209-234
NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
Début :
Il est tems, Monsieur, que je vous rende conte de l'ortografe passagère [...]
Mots clefs :
Orthographe, Sons, Lettres, Prononciation, Langage, Principes, Jeux, Partisans, Vulgaire , Usage
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texteReconnaissance textuelle : NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
NEUVIEME
LETRE touchant
l'essai de l'ortografe passagère dans les
lètres sur la biblioteque des enfans .
I
L est tems , Monsieur , que je vous
rende conte de l'ortografe passagère
dont j'ai fait l'essaì dans les précédentes
lètres. La raison distingue non -seulement
l'home de la bète , mais elle distingue
encore l'home de l'home. il y a bien des
gens qui ne voient que par les feus d'autrui
; et ceus là pour la plupart , quoique
très ignorans , ou peu instruits sur la
bonté des ieus des autres , croient ordinairement
ètre les mieus dirigés. si l'on
A v tient
210 MERCURE DE FRANCE
3r
tient quelquefois cète conduite dans les
afaires de la dernière importance , nous
ne devons pas ètre surpris de la voir
tenir en fait d'ortografe : ce qu'il y a détonant
, c'est de voir qu'un grand nombre
de ceus qui se piquent de la savoir
et d'en pouvoir raisoner , ne peuvent ensuite
doner aucune bone raison sur la
moindre des dificultés qu'on leur propose.
on ne se pique pas d'ètre géometre ni
architecte quand on ne s'est apliqué ni à
la géometrie ni à l'architecture ; pourquoi
se pique t- on de savoir l'ortografe ,
si l'on n'y a jamais fait de sérieuses refle
xions , et qu'on n'ait qu'une ortografe de
hazard , d'habitude idiotique et de sìmple
copie ? il y a des choses qui se décident
par l'autorité et par l'usage , cela est
très vrai en fait d'ortografe ; mais dans
un tems de trouble , de confusion , en
un mot, de schisme ortografique , quelle
règle suivre pour ariver enfin à l'uniformité
sur cette matiere il n'y en a aucune
qui puisse obliger et soumetre tous
les partis ; on suivra plusieurs ortografes.
tant que l'autorité de l'usage sera divisée .
une règle néanmoins que la prudence
semble indiquer par provision et par interim
, c'est de répresenter le vrai son
des mots et d'avoir de tems en tems
plus d'égard pour l'oreille que pour les
*
?
ieus
FEVRIER. 1731. 2fr
que
feus , surtout , quand les noms des lètres
seront faus , captieus ou équivoques.
cète règle sera dificile à pratiquer par les
persones qui ne savent pas bien lire , et
F'on peut , je pense , metre de ce nombre
, celles qui écrivent , par ex. gaife de
bones piques et lourag aue pasianse etc. au
lieu d'écrire j'ai fait des bonets piqués , et
Pouvrage avec passiance , ou pacience ou
patience etc. Je conclus
la raison peut
seule décider pendant le conflict de jurisdiction
ortografique , et que les parties
doivent ètre écoutées avant et plutôt que
d'ètre condanées sans examen , on ne doit
point s'obstiner à doner pour règle sure
générale, et universellement reçue de vieus
préjugés , et des lieus comuns refutés il y
a lontems par de très habiles auteurs qui
avoient peut ètre plus médité et plus re
fléchi , sur cète matière, que la plupart de
leurs adversaires . L'autorité et la raison
ne marchent pas toujours ensemble .
On doit avoir quelque égard pour les
ieus des lecteurs ; il est bon mème de les
consulter avant que d'en venir aus grandes
innovations ; c'est pourquoi je n'aí
fait que peu à peu les petits changemens
d'ortografe dans la suite des lètres sur la
biblioteque des enfans ; j'ai conduit insensiblement
, le lecteur déprevenu, u point
sur lequel je souhaiterois savoir ce qu'il
A vj pense
212 MERCURE DE FRANCE
pense de cet essai d'ortografe passagère ;
je n'ai pas cru le devoir prévenir là -dessus
par aucun avis préliminaire , parceque
j'ai interèt de savoir son propre sentiment
, indépendament de l'avis que j'aurois
pu doner à la tète de l'ouvrage , come
je le done ici mais j'ai cru qu'il étoit
bon de faire passer un peu de pratique
avant la téorie ; le lecteur par ce moyen.
bien instruit et plus au faìt , est ce me
semble , en état de mieus comparer et de
mieus décider ; l'experience en paroit
favorable. Bien des lecteurs non prévenus
et de bone foi , avouent qu'ils s'acoutument
sans peine à la vue de cète ortografe
, quoiqu'ils sentent qu'ils ne seroient
pas d'abord en état de la suivre dans leurs
écritures , faute de bien savoir les principes
necessaires pour l'observation de
toutes ces minuties : d'autres m'ont assuré
que l'impression des lètres sur la bibliotèque
des enfans paroissant plus nète et
enfin plus belle que celle du reste du мerils
ont conclu que c'étoit un èfer
de l'essai d'ortografe passagère , moins
herissée de lètres à tète ou à queue et de
capitales.
cure ,
Quoiqu'il paroisse que j'afecte de me
servir d'une nouvelle ortografe, je ne laisse
pas, dans un sens, d'aprouver ou de tolerer
les autres, il est mème nécessaire qu'un
enfant
FEVRIER. 1731. * 213
enfant qui travaille au bureau tipografique
sache bien la vieille ortografe , afin
de pouvoir lire toute sorte de livres et de
pouvoir se servir des dictionaires et des
livres classiques qui suivent encore cète
mème vieille ortografe. Mais je supose ,
avec raison , que pour montrer et pour
aprendre à lire , il est beaucoup mieus de
comancer par l'ortografe des sons ou de
l'oreille , qui tolere , par exemple , çaje ,
chapo etc. au lieu de sage , chapeau etc.
avant que de passer à l'ortografe des ieus
ou de l'usage , et cela m'a mème fait croire
qu'il sera beaucoup mieus de metre un
enfant de deus à trois ans sur la lecture
du latin plutôt que sur celle du françois,
parcequ'il y a plus de justesse et de verité
de raport entre la prononciation du
latin et le nom ou le son des lètres , qu'il
n'y en a entre la prononciation du françois
et le nom ou le son de ces mèmes.
lètres : d'ailleurs le latin les prononce pres →→
que toutes, et au contraire, le françois en a
beaucoup de muetes ; c'est pourquoi dans
la segonde classe du bureau tipografique
que j'apèle bureau lain , je conseille de
faire imprimer des mots latins préferablement
aus mots françois , et c'est dans
la troisième classe du bureau que l'enfant
trouvera ensuite les sons de la langue
françoise, mais je parlerai plus au long de
cet
214 MERCURE DE FRANCE.
cet article dans l'ouvrage des A B C la
tins et françois .
Je supose encore qu'après l'ortografe
de l'oreille ou des sons il sera mieus de
montrer l'ortografe la plus vraie , la plus
régulière et la plus conforme aus sons de
la langue , et de diferer la lecture et l'étude
d'une ortografe fausse , irréguliere ,
captieuse , équivoque quoiqu'anciene
parceque quand il s'agit de montrer à
lire à un enfant ; la première , la plus sìm--
ple et la meilleure règle à suivre , c'est
celle qui induit le moins en erreur l'enfant
qui aprend à lire ; or le principe des
partisans de la nouvèle ortografe est de
ne pas induire le lecteur en erreur , et
d'ètre sensible à la peine des enfans qui
aprènent à lire , au lieu que le principe
des partisans de l'anciène ortografe est de
mépriser toutes les facilités des nouvèles
métodes , de comancer par des règles
fausses , équivoques ou captieuses , et cela
avec un air et un ton d'autorité denué
de toute raison ; la seule qu'on allegue ,
et qui paroit assés mauvaise , est tirée de
l'exemple et de l'usage vulgaire ; on allegue
sans cesse que nos ancètres ont passé
par là , qu'ils n'ont pas apris autrement,
et que nous ne devons pas chercher des
métodes plus aisées que celles dont ils
se sont servis eus mèmes. La bonté et la
charité
FEVRIER. 173
2F5
charité éclairée n'aprouveront jamais ce
langage , qui n'est dicté que par l'esprit
de paresse , d'indiférence ou de préven
tion .
Si l'on prend la peine de faire réflexion:
sur la métode des anciens , on vèra qu'ils
ont écrit , lu et prononcé treu- ver , bonnes-
te etc. s'ensuit- il qu'il faille les imiter
à présent en cela il faudroit donc
écrire come on lit et come on prononce ,
puisque leur prononciation dictoit et regloit
l'écriture. si l'on veut suivre l'ortografe
des anciens , n'en doit- on pas aussi
conserver la prononciation , pourquoi diviser
cela , et se rendre esclave de l'un
plutôt que de l'autre A quoi bon citer
toujours l'exemple des anciens dont on
ne parle plus , et dont on n'écrit plus le:
langage ? Les anciens écrivolent tiltre , aulne
, cognoistre etc. parcequ'ils prononçolent
toutes les lètres de ces mots là ; ils suivoient
donc en cela le principe des modernes
ortografistes qui veulent un plus
grand raport de verité et de justesse entre
l'écriture et la parole , entre le langage
prononcé et le langage écrit , ou entre les
sons et les signes qui les représentent. il
est donc vrai de dire que l'ortografe des
anciens répondolt à leur prononciation
plus exactement que l'ortografe d'aujourdui
ne répond au langage d'apré
sent
216 MERCURE DE FRANCE
sent ; et la prétendue verité de ce dernier
raport ne peut se soutenir que par un
esprit de prévention , d'aveuglement ou
d'indiférence sur cète matière, persone
jusqu'ici , que je sache , n'a prouvé que
le changement de prononciation dans les
mots n'endoit jamais produire aucun dans
la manière de les écrire ; c'est tout ce que
l'on pouroit prétendre d'une langue sainte
et morte come l'ébraïque ; mais en fait
de langue profane et vivante , l'experien .
ce crie tous les jours contre la tiranie ortografique
de la plupart des maîtres d'école
cète meme experience oblige
souvent les partisans de la vieille ortografe
à se taire , quelque touchés et sensibles
qu'ils aient paru à la vue des moindres
innovations ortografiques , elle les
réduit et les force encote malgré eus à
se soumetre de tems en tems à la règle
des sons , et à suivre en bien des ocasions
le courant de l'usage moderne.
>
On
peut
donc
conclure
que le droit
et le fait sont
contre
les esclaves
de la
vieille
ortografe
; ils craignent
toujours
que le langage
françois
ne perde
ses marques
de jargon
et de servitude
; ils ont
beau
faire
, cela
arivera
tot ou tard
à la
gloire
de la nation
et de la langue
françoise
, il ne faudroit
pour
cela que
l'aten
.
tiondes
s upérieurs
sur
l'impression
des
ouvràFEVRIER.
1731. 217
ouvrages classiques , académiques et périodiques.
Du plus au moins , il est permis
de raisoner sur les petites choses come
sur les grandes ; or malgré l'autorité
où la force du préjugé , n'a- t-on pas en
partie secoué le joug des anciens en fait
des arts et des siences ? N'a- t on pas réformé
les maisons , les cuisines , les équipages
, les modes , les usages etc. pourquoi
l'ortografe resteroìt - elle invariable ,
pendant que le langage mème auroit ses
changemens ? Je persiste donc à dire qu'on
doit faire passer la pratique et l'étude de
la nouvèle ou de la vraie ortografe qui
facilite la lecture ; avant que de faire pratiquer
la vieille ou la fausse ortografe qui
induit trop souvent en erreur les enfans ,
les fames , les gens de la campagne et les
étrangers , portés naturèlement à lire tout
et à prononcer toutes les lètres , bien loin
de les rendre muètes , et c'est pour lors la
vieille ortografe , et par surcroit la vieille
métode qui leur tendent des pieges au
moins à chaque ligne , pour ne pas
dire
à chaque mot.
Je dois , au reste , déclarer ici que je
ne répondraí à aucun de mes critiques
qu'autant que leurs dificultés ou leurs objections
iront contre la métode du bureau
tipografique , et contre la manière que
j'indique et que je propose pour bien montrer
218 MERCURE DE FRANCE
trer à lire aus petits enfans ; car pour ce qui
ne regarde en général que le sistème de l'anciène
ou de la nouvèle ortografe , j'aurai
souvent lieu d'en parler dans les réflexions
des A B C françois , sur tous les
sons de notre langue , sur l'ortografe de
quelques dictionaires , sur le traité d'ortografe
de feu M. l'Abé R. et sur les dife
rens extraits que j'ai faits d'une trentaine
d'auteurs ortografistes des deus derniers
siecles . En atendant ce petit ouvrage ,
voici l'avis que je donaí au compositeur
des lètres sur la biblioteque des enfans , et
que je n'ai pas cru devoir laisser imprimer
plutot par les raisons alleguées cidessus
.
Avis à l'imprimeur ou au compositeur des
lètres sur la bibliotèque des enfans , etc.
Le principal et peut-ètre le meilleur
avis que je puisse vous doner , c'est de
suivre exactement le manuscrit corigé
selon l'essai de cète ortografe . voici cependant
quelques règles qui vous metront
d'abord au fait de l'ortografe passagere ,
sur laquele j'ai interêt de pressentir le
gout des lecteurs non prévenus , afin de
pouvoir m'y conformer ensuite dans l'impression
de la bibliotèque des enfans.
Je demande que vous ne metiés sur les
voyeles , ni accent , ni chevron , ni les
deus
FEVRIER. 1731. 219
蒽
il
deus points que vous apelés trema , ou que
vous en pratiquiés bien l'usage et les diferences
, come dans les mots procès , bontés
, batême , ciguë , etc.... le chevron paroit
à present inutile sur les mots age ,
agé , etc....il ne faut jamais marquer
Pè
ouvert qu'avec l'accent grave et jamais
avec le circonflexe , à moins que l'e ne
soit long , come dans tête , etc.... à l'égard
des diftongues oculaires ai , ei , oi ,
qui ne font entendre que l'è ouvert ,
faudra essayer d'y metre l'i grave , come
dans les mots maitre , reine , il conoìt , etc.
afin de pouvoir faire distinguer les diftongues
des ieus et celles de l'oreille , surtout
lorsque la quantité et le son n'exigeront
pas l'usage du chevron. Je ne suis.
pas toujours la regle de l'accent circonflexe
, je préfere quelquefois l'i grave au
chevron , à cause des logètes du bureau
tipografique , en atendant l'usage des diftongues
chevronées entre les deus voyeles .
on metra aussi l'ì grave lorsqu'il fait entendre
l'e ouvert dans les voyeles nazales
ìn , ain , ein , etc. des mots lìn , vain ,
sein , etc..... et lorsque la diftongue ai
sonera come l'é fermé , vous ferés emploi
de l'i aigu , come dans les mots j'ai , plaisir,
je ferai , etc....il ne faut donc jamais
employer le chevron sur les voyeles , que:
pour marquer la longueur de leur durée
Qu
220 MERCURE DE FRANCE.
ou de leur quantité : car la regle d'em
ployer le chevron sur la voyele à côté de
Jaquelle on a suprimé quelque lètre , n'est
peut ètre pas toujours vraie ni sure, come
dans les mots sûre , vûe , ûë , etc. pour
seure , veue , eue , etc. qu'il sufit d'écrire
ue , etc. sans chevron ni trema;
quoique les imprimeurs aient les signes
sure , vue ,
pour marquer les voyeles longues
, brèves et douteuses , il n'en font
pas usage sur tout le latin qu'ils impriment
, et le françois n'est pas arivé au
point de caracteriser et de noter localement
le son de toutes les voyeles d'un
discours imprimé. il est donc inutile d'être
si scrupuleus sur une voyele, pendant
qu'on néglige les autres ; c'est l'usage et
la pratique du discours qui montrent les
longues et les breves ; c'est une erreur de
s'imaginer que la vieille ortografe avec des
lètres non prononcées ou muetes , puisse
indiquer aux ieus la quantité que l'oreille
demande.
Il faut donc employer le veritable accent
pour chaque voyele , ou n'en point
mètre , il paroit même inutile de le mar-.
quer toujours dans les mots qui revienent
souvent,come dans être , èlle, même ,
etc. et sur les silabes toujours suivies d'une
autre silabe avec l'e muet final qui oblige
d'ouvrir l'e des pénultiemes silabes , come
cètte
dans
FEVRIER. 1731 . 221
dans pere , bele , ils vienent , etc. L'usage
fréquent du chevron et de l'accent , rend
le caractere trop hérissé , et mème selon
quelques -uns , il le rend encore trop pédant
, surtout au milieu des mots , ou sur
l'e des monosilabes qui revienent souvent
et sans équivoque ; il sufit peut ètre d'en
mètre de tems en tems pour instruire les
lecteurs novices : mais vous ne devés
pas
oublier l'accent lorsqu'il sert à déterminer
le sens d'un mot , et que sans ce secours
le mot pouroit quelquefois ètre équivoque
ou induire en erreur la persone qui
lit , come dans les mots près , prés , tanté,
tante , etc. l'accent paroit toujours bien
employé sur les e finaus algus ou graves ,
en faveur des enfans et des étrangers ,
come dans bonté , bontés , procès , succès ,
étc. L'accent semble moins nécessaire pour
la lecture des premiers e des mots anée ,
créée , etc. mais il ne choque pas les ieus
acoutumés depuis lontems à cète varieté
et distinction d'e. Les anciens , dont on
s'autorise tant , metoient-ils des accens
sur les e et sur les autres voyeles ? à peine
fesolent- ils la dépense des points sur les
i. Nous- mèmes suivons-nous à l'égard des
voyeles capitales , l'usage des accens que
nous exigeons sur les petites voyeles ou
cèles du bas de casse , cependant la
plupart des lecteurs très- foibles sur la
lecture
222 MERCURE DE FRANCE
lecture des capitales , auroient là , plus
besoin d'accent que sur les petites lètres ;
on pouroit dire qu'un lecteur bien instruit
sur les mots en petites lètres , doit
ètre moins embarassé à lire sans accens
ces mèmes mots en lètres capitales . Je
parlerai de cet article dans les A B C françois
, il sufit à present de vous faire
remarquer ici que les E capitaus sans
accent choquent bien moins que les E
capitaus mal accentués et défigurés par
des apostrofes ou par des fragmens de l
en guise d'accens mal adaptés , come dans
LETRE PRETERIT , etc. au lieu
de LETRE , PRETERIT , etc.
bien des artisans mètent des points sur
les I capitaus en serrurerie , menuiserie,
cizelure , etc. le tout sans principes.
Les voyeles apelées trema n'ont jamais
été necessaires dans les mots ruë , conuë
ou rüe , conüe , etc. puisqu'il n'y a jamais
eu danger qu'on lût avec le son du v ,
rve , conve , etc. ce qui fait voir l'ignorance
idiotique de bien des auteurs et de
bien des imprimeurs. Les voyeles apelées
trema necessaires avant l'usage des j et des
v , sont donc apresent devenues inutiles
dans les mots boue , ouaille , etc. qu'on ne
sera plus exposé à lire bove , ovaille , etc.
les auteurs qui en continuent encore la
pratique dans bouë , onaille, etc. montrent,
sans
FEVRIER. 1731. 223
sans le vouloir , leur ignorance ou leur
préjugé idiotique ; profitera qui voudra
de l'avis , c'est leur afaire. Les trema sont
bons dans les mots Lais , Emmaüs , Saül,
Moïse , ciguë , etc. pour distinguer la prononciation
des autres mots lais , emaus >
moisi , saul , figue , etc. dont la lecture est
diférente. La seule ignorance des principes
a introduit l'usage de l'i trema pour
deus i dans les mots pai-is , abai- ie ;
moi- ien , etc. qu'on écrit abusivement
pais , abaie , moien , ou pa-is , aba-ïe ,
mo-ien , etc. se corigera encore là-dessus
qui voudra , mais cète ignorance est sensible
quand on voit et qu'on lit les mots
laïs, lais, hair, haine , païen, paien, paient,
etc. suposer que le point redoublé , redouble
sa voyele dans un endroit , qu'ailleurs
il unit , qu'ailleurs il divise les voyeles
, qu'ailleurs il indique les voyeles muetes
; c'est , ce me semble , faire un mauvais
usage du trema , et lui doner en mème-
tems trop de proprietés diferentes et
contraires les unes aus autres , come dans
païs , lais , ouailles , caën , etc. Je suis persuadé
que sans le préjugé idiotique , en
Holande , come en France , on auroìt honte
de s'obstiner à pratiquer un tel abus
et de préferer le mauvais usage , pendant
que le bon est le plus généralement suivi.
J'aurai souvent ocasion de reparler de cela
dans les A B C françois. Vous
224 MERCURE DE FRANCE
Vous n'emploirés donc jamais le y que
pour le double i , come dans moiien
paiis , etc. que j'écris moyen , pays , etc.
pour déferer à l'usage quand il n'induit
point en erreur . on pouroit aussi écrire
péis , abéie , etc. sans équivoque. Je tolere
le y dans la particule ey locale il y a , par
déference pour l'usage , et en faveur d'un
mot composé d'une seule lètre , quoique
nous ayons encore les mots a , o , en françois
, et les mots a , e , i , o , en latin . Ne
metés donc jamais l'i trema pour le y , ou
pour deus i. Quand j'écris aiant avec l'i
trema , pour a- iant , c'est en suposant
qu'on le prononce ainsi , car autrement
j'écrirois ai-iant avec un double i ou ayant
avec un y ; je soumets apresent , du moins
en partie , le principe de l'ortografe au
principe de la prononciation ; et mon erreur
ou mon ignorance sur le fait de la
prononciation , ne doit point infirmer le
principe sur l'ortografe , disctinction
qu'un lecteur équitable ne manquera pas
de suposer. Je ne parle pas ici des y finaus
employés dans les monossilabes roi , loi ,
quoi , ni , lui , etc. que bien des gens écrivent
encore roy , loy , quoy , ny , luy , etc.
c'est un reste des mauvais principes qu'on
suit chés les maitres écrivains.
Il faut condaner le ph de deus lètres
et préferer le simple ƒ d'une lètre, à moins
que
FEVRIER. 1731. 225
que ce ne soit dans un nom propre come
dans Joseph , Philipe , etc. encore bien des
gens écrivent Josef, Filipe , etc. et ils n'en
font peut-être pas plus mal. vous metrés
donc avec le ƒd'une lètre , les mots sfère,
filosofe , etc. au lieu de sphere , philosophe
etc. avec le ph de deus lètres , et cela en
faveur des enfans , des étrangers , et par
honeur pour la langue françoise , langue
d'un peuple franc , aussi libre et aussi maitre
de son ortografe que ses voisins les
italiens et les espagnols , un peu plus afranchis
que nous de la marque servile en fait
de langage ... vous laisserés toujours la
lètre h dans les mots où elle s'aspire , come
dans heros , etc. et lorsqu'elle sert à diviser
les voyeles et les silabes come dans
souhaits , etc. vous pourés la tolerer initiale
dans les mots humeur , honète , etc.
et quelquefois médiale dans aujourd'hui ,
etc. quoiqu'elle n'y soit point aspirées
mais il faut banir le b des mots chronologie
, cahot , écho , phiole , rhume , phantaisie
, theme , etc. qu'il faut écrire cronologie,
caot , éco , fiole , rume , fantaisie , ième , etc.
faute de caractère particulier la lètre h
est toujours nécessaire après le c pour indiquer
le son françois che des mots chiche,
chu heter, chou , etc. et cète raison de nécessité
confirme l'utilité de la réforme de
cète lètre dans les mots où elle est cap-
B tieuse
226 MERCURE DE FRANCE
tieuse , et où elle peut induire en erreur ,
come dans les mots cholere , Bachus , paschal
, etc.....
>
Je n'emploie la lètre double x , que
dans les endroits où elle fait la fonction
des deus lètres fortes cs , come dans axe ,
stix , etc. ou des deus lètres foibles ༡༢
come dans exil , examen , etc. et qu'on
pouroit écrire selon leur prononciation
acse , sticse , etc. egzil , egzamen , etc. et
cela sans induire en erreur ; avantage qui
n'est pas indiferent aus ieus des esprits
bons et bienfesans . vous ne devés jamais
employer la lètre double x pour les lètres
simples s ou z ; ainsi vous pourés im
primer ieus , sis , sisième , soissante , etc.
aulieu de ieux , six , sixième , soixante
etc. on trouve déja cète réforme dans
bien des livres anciens et modernes, dont
les auteurs avolent remarqué l'imperfection
de l'usage qui done quatre valeurs
diferentes à la lètre x.
Il faut rejeter l'emploi des consones inutilement
redoublées , lorsque cère double
consone est muère , ou qu'on ne la prononce
point dans le discours le plus soutenu
, come dans les mots abbé, accord
addoner, etc. que j'écris abé , acord , adoner,
etc. malgré la prétendue regle de
quantité françoise , qui n'est pas toujours
vraie à l'égard de toutes les consones redoublées
FEVRIER. 1731. 227
doublées . D'où vient qu'esclave de la lanque
latine qui alonge les voyèles suivies
de deus consones , on a cru qu'en françois
ce devoit être tout le contraire , et
que la double consone muète servoit à
faire conoitre que la voyele étoit bréve ?
cète regle fût - elle vraie , en demanderoit
une autre qui indicât quand la
double consone doit ètre muete ou prononcée
; l'usage montrera l'un come l'autre.
cependant par un reste d'égard pour
les ieus , je tolere encore la consone muete
inutilement redoublée dans de petits mots,
come dans cette , elle , qu'elle , etc. qu'il
sera bon d'écrire quelquefois avec une
seule consone et avec l'è grave , come
dans cète , cèle , qu'èle , etc. mais quand la
consone est redoublée dans la prononciation
, il faut la laisser dans l'ortografe,
come Pallas , Apollon , immodeste , etc. les
espagnols graves et sensés écrivent et prononcent
Palas, Apolon , quoiqu'ils sachent
bien qu'on dit et qu'on écrit en latin Pale
, las , et Apole , lon , etc.... Bien que
le double paroisse nécessaire dans les
mots je courrois , je courraí , etc. à cause
de la contraction des mots courerois
coureraí , etc. je ne mets cependant qu'un
avec le chevron sur la voyele où , come
jecoûrois , je coûrai , qu'on prononce fort
Cour-ois, cour-ai , fesant soner ler dans
Bij la
228 MERCURE DE FRANCE
>
la premiere silabe , etc. je parleraí de cela
dans l'ouvrage , des A B C françois. cependant
si les deus r se font entendre dans
ces exemples come dans le mot Varron ,
on peut y laisser le double r sans chevron.
Vous pouvés retrancher aussi la plupart
des lètres muètes inutiles , mème dans la
prononciation la plus soutenue , come
dans les mots asne , mesme , isle , coste
fluste , advocat , clef , baptesme , sept , ptisane,
vuide,paon , caën etc. que j'écris quelquefois
avec le chevron ou avec l'accent,
âne , mème , île , côte , flûte , avocat , clé ,
batême, sèt, tisane, vide, pân, cân , etc. et cela
en faveur des enfans , des étrangers , et de
la lecture ... selon le mème principe je
substitue les lètres prononcées aus lètres
non prononcées , come dans les mots lecon
, secrets , second , convent , que j'écris
Leçon , segrets, segond , couvent , j'écris aussi
par la mème raison , condâner , conoltre ,
etc. au lieu de condempner , cognoistre , ou
de condemner, connoistre , etc.... Je préfere
l'és avec l'accent aigu et le s , à l'ez avec
un z , par les raisons détaillées dans les
ABC françois ; la distinction des verbes ,
des participes , des noms pluriels , n'exige
point cète diference , l'Académie Françoise
ne l'a point admise dans la segonde
édition de son dictionaìre , et les partisans
de la vieille ortografe comancent d'écrire
FEVRIER. 1731. 229
crire avec l'è grave procès , succès , etc. aulieu
de procés , succés , avec l'é aigu ou avec
lez , procez , succez , etc. et les prés , aulieu
de prez , etc , il faut esperer qu'il n'en
resteront pas là.
"
Lorsqu'un mot aura plusieurs lètres à
tète ou à queue , come les mots diftinctif,
jurifdiction , infenfibles , style , inftructifs
fillabes , etc. il faut préferer les petits s et
les ct de deus lètres aus grans et aus
d'une piece , pour diminuer le nombre
des tètes et des queues , qui d'un mot en
font une espece de hérisson nuisible au
coup d'euil , et mètre distinctif, jurisdiction
, insensibles , stile , instructif, silabes ,
etc. Quand un mot avec des fou des &
liés se trouve environé d'autres mots
aïant des lètres à tète et à queue , soit
dans la ligne immédiatement au - dessus ,
soit dans la ligne immédiatement au- dessous
, soit dans la mème ligne à droite et
à gauche , il faut encore exclure et banir
les flons , simples ou doubles , la ligature
& , et leur préferer les petits s et les ct
de deus lètres . Je crois que pour pousser
encore un peu plus loin l'essai de la réforme
ortografique , et pour vous épargner
l'examen et la discussion sur l'emploi
, l'usage et le chois des consones courtes
ou longues , simples ou doubles , il
faudra banir totalement dès aujourdui les
Biij lètres
o MERCURE DE FRANCE.
lètres doubles inutiles , les ligatures , et rejeter
parconséquent les & , f, f , f,f, & ,
et leurs semblables , et leur préferer les
ct , st , ss , si , s , et. J'employois la conjonction
et en deus lètres après la virgule ,
et je tolerois ailleurs l' d'une piece ;
mais bien des persones de bon gout , disent
que cet & fait tort aus autres lètres
´et qu'on devroit l'abandoner , de mème
que les autres superfluités , aus maitres
écrivains et aus esprits gotiques , amateurs
et partisans des ligatures et des abréviations
. vous pouvés donc couvrir et condaner
ces sis cassetins pendant l'impression
de la suite des lètres sur la bibliotèque
des enfans , nous vêrons l'éfet que cet essai
produira sur le papier et sur les ieus
des lecteurs , je me regleraí ensuite làdessus
pour l'impression de mon ouvrage.
Je ne voudrois presque jamais employer
les lètres capitales ou majuscules.
dans la suite d'une frase et d'une période
que pour les noms propres , come
Paul , Mogel , Paris , etc. et non dans les
mots apellatifs de quelque nature qu'ils
pussent ètre , come prince , province , cordonier
, cheval , etc. les capitales après un
point et dans la mème frase , doivent
ètre du corps, paraleles aus autres letres,
de mème hauteur et plus petites que la
capitale qui comence la période en chef
et
FEVRIER. 1731. 231
et à la ligne. Lorsque cète petite majuscule
choqueta la vue, come dans les mots
il, on , etc. vous pourés mètre un plus
grand I ou un i du bas de casse , etc.
pour voir sur l'impression l'efet de cète
nouveauté.
و
Je dois dire ici un mot touchant l'exemple
que j'ai doné de la vieille et très -vieille
ortografe à la fin de la sisième lètre ; pour
faire voir d'une maniere sensible que l'ortografe
se raproche peu à peu de la prononciation
, j'ai mis le lecteur , pour ainsi
dire , entre deus extremités , afin de le rendre
plus atentif , et pour lui épargner la
peine d'aler feuilleter les vieus livres que
J'aurois pu citer , je renvoie cte discussion
à la suite des ABC françois. Les petsiones
scandalisées de cete nouvèle et de
cète vieille ortografe , sont priées de ne
pas fournir malgré elles des raisons contre
leur sentiment et leur préjugé .
Tachons de ne pas imiter l'ortografe de
ces fameus écrivains , qui prodigant l'usage
des lètres capitales , come s'ils donoient
des cronogrames , ne font
ne pas dificulté
d'écrire et de faire graver CaBinet , Re-
Ligion , InConftance , MaGiftrat , etc. qui
afectent d'employer le j et le v , au lieu
de l'i et de l'u voyeles dans les silabes initiales
, jl , jls, vn, jlluſtre, vnion, etc. qu'ils
devroient écrire il , ils, un , illustre , union ,
Biiij
..
etc.
232 MERCURE DE FRANCE
etc. ce sont là des fautes dans lesquèles les
imprimeurs ne tombent plus. il y a certains
maitres écrivains , des secretaires ,
des comis et des clercs , qui chérissent encore
leur ignorance sur cet article , il
est mème à craindre qu'ils ne se corigent
point tant que les grans seigneurs et les
maitres de ces scribes seront indiferens
ou prévenus sur l'exactitude de ces remarques
ortografiques.
Quoique le blanc des espaces bien pratiqués
serve à faire paroitre l'impression
plus bèle , on doit éviter le trop grand
nombre de ces espaces qui choquent la
vue lorsqu'ils forment des colones et des
zig- zag qui coupent les lignes ; c'est un
autre défaut que de vouloir remedier à
celuilà en metant des virgules où il n'en
faut point du tout. un compositeur de
bon gout , use sobrement et judicieusement
de la proportion et du nombre des
espaces et de l'usage des virgules , afin de ne
faire aucun tort au coup d'oeil de la bèle
impression , ni au sens du discours .Je trouve
quelquefois dans les livres les quinze
lignes de suite comancées par des lètres
à tète ou à queue , ce qui choque aussi
le coup d'euil , cela n'arivera pas lorsque
vous prendrés de petits s , des et , et des
at de deus lètres , étant dificile qu'il ne
s'en rencontre point à la tète d'une des
quinze
FEVRIER. 1731. 233
fblf
quinze lignes.un défaut encore plus grand
et que vous devés tâcher d'éviter , c'est
la rencontre des queues de la ligne d'en
haut avec les tètes de la ligne d'en bas
come PP , etc. on doit aussi regarder
come un défaut le mélange de
plusieurs lètres à petit ou à gros euil ,
de plusieurs lètres de diferente frape ,
quoique du mème corps ; le mèlange des
caractères neufs avec de vieus caractères
usés , pochés et mutilés , qui ne peuvent
jamais bien marquer tout le corps de la
lètre , ni d'une maniere nète et distincte,,
qui satisfasse le coup d'euil . L'imprimeur
a beau exalter son ouvrage imparfait , il
n'en sera pas cru , et il s'exposera à ètre
soupçoné d'ignorance ou de mauvaise foi.
Je sais bien que tout le monde n'y regarde
pas de si près , mais je sais aussi
qu'il y a de bons et de mauvais ouvriers
dans toute sorte de professions , et que les
bons come vous , qui visent à la perfecsion
, ne négligent rien de ce qui peut
les y conduire ; aucontraire , les ouvriers:
ignorans, indociles , obstinés, pleins d'eusmèmes
et indiferens sur le mieus , vieillissent
dans l'habitude de mal faire ; la
seule avidité du gain s'empare de leur
esprit et les aveugle si fort sur tout le
reste , qu'ils n'ont pas seulement la liberté
de voir que le gain mème se trouve
plus
234 MERCURE DE FRANCE
plus grand à mesure qu'on est plus habile
or on ne peut devenir habile qu'en
cultivant le bon gout et en observant
beaucoup de choses petites séparement ,
mais dont la totalité et l'ensemble , donent
la perfection , et c'est là- dessus que
le public pour son argent a le droit d'admirer
, de choisir , d'aprouver et d'acheter
; ou de mépriser , de condaner et de
rebuter l'ouvrage des auteurs , des imprimeurs
et des relieurs , come des autres
artisans. on poura continuer cète matiere
dans quelque autre ocasion .
LETRE touchant
l'essai de l'ortografe passagère dans les
lètres sur la biblioteque des enfans .
I
L est tems , Monsieur , que je vous
rende conte de l'ortografe passagère
dont j'ai fait l'essaì dans les précédentes
lètres. La raison distingue non -seulement
l'home de la bète , mais elle distingue
encore l'home de l'home. il y a bien des
gens qui ne voient que par les feus d'autrui
; et ceus là pour la plupart , quoique
très ignorans , ou peu instruits sur la
bonté des ieus des autres , croient ordinairement
ètre les mieus dirigés. si l'on
A v tient
210 MERCURE DE FRANCE
3r
tient quelquefois cète conduite dans les
afaires de la dernière importance , nous
ne devons pas ètre surpris de la voir
tenir en fait d'ortografe : ce qu'il y a détonant
, c'est de voir qu'un grand nombre
de ceus qui se piquent de la savoir
et d'en pouvoir raisoner , ne peuvent ensuite
doner aucune bone raison sur la
moindre des dificultés qu'on leur propose.
on ne se pique pas d'ètre géometre ni
architecte quand on ne s'est apliqué ni à
la géometrie ni à l'architecture ; pourquoi
se pique t- on de savoir l'ortografe ,
si l'on n'y a jamais fait de sérieuses refle
xions , et qu'on n'ait qu'une ortografe de
hazard , d'habitude idiotique et de sìmple
copie ? il y a des choses qui se décident
par l'autorité et par l'usage , cela est
très vrai en fait d'ortografe ; mais dans
un tems de trouble , de confusion , en
un mot, de schisme ortografique , quelle
règle suivre pour ariver enfin à l'uniformité
sur cette matiere il n'y en a aucune
qui puisse obliger et soumetre tous
les partis ; on suivra plusieurs ortografes.
tant que l'autorité de l'usage sera divisée .
une règle néanmoins que la prudence
semble indiquer par provision et par interim
, c'est de répresenter le vrai son
des mots et d'avoir de tems en tems
plus d'égard pour l'oreille que pour les
*
?
ieus
FEVRIER. 1731. 2fr
que
feus , surtout , quand les noms des lètres
seront faus , captieus ou équivoques.
cète règle sera dificile à pratiquer par les
persones qui ne savent pas bien lire , et
F'on peut , je pense , metre de ce nombre
, celles qui écrivent , par ex. gaife de
bones piques et lourag aue pasianse etc. au
lieu d'écrire j'ai fait des bonets piqués , et
Pouvrage avec passiance , ou pacience ou
patience etc. Je conclus
la raison peut
seule décider pendant le conflict de jurisdiction
ortografique , et que les parties
doivent ètre écoutées avant et plutôt que
d'ètre condanées sans examen , on ne doit
point s'obstiner à doner pour règle sure
générale, et universellement reçue de vieus
préjugés , et des lieus comuns refutés il y
a lontems par de très habiles auteurs qui
avoient peut ètre plus médité et plus re
fléchi , sur cète matière, que la plupart de
leurs adversaires . L'autorité et la raison
ne marchent pas toujours ensemble .
On doit avoir quelque égard pour les
ieus des lecteurs ; il est bon mème de les
consulter avant que d'en venir aus grandes
innovations ; c'est pourquoi je n'aí
fait que peu à peu les petits changemens
d'ortografe dans la suite des lètres sur la
biblioteque des enfans ; j'ai conduit insensiblement
, le lecteur déprevenu, u point
sur lequel je souhaiterois savoir ce qu'il
A vj pense
212 MERCURE DE FRANCE
pense de cet essai d'ortografe passagère ;
je n'ai pas cru le devoir prévenir là -dessus
par aucun avis préliminaire , parceque
j'ai interèt de savoir son propre sentiment
, indépendament de l'avis que j'aurois
pu doner à la tète de l'ouvrage , come
je le done ici mais j'ai cru qu'il étoit
bon de faire passer un peu de pratique
avant la téorie ; le lecteur par ce moyen.
bien instruit et plus au faìt , est ce me
semble , en état de mieus comparer et de
mieus décider ; l'experience en paroit
favorable. Bien des lecteurs non prévenus
et de bone foi , avouent qu'ils s'acoutument
sans peine à la vue de cète ortografe
, quoiqu'ils sentent qu'ils ne seroient
pas d'abord en état de la suivre dans leurs
écritures , faute de bien savoir les principes
necessaires pour l'observation de
toutes ces minuties : d'autres m'ont assuré
que l'impression des lètres sur la bibliotèque
des enfans paroissant plus nète et
enfin plus belle que celle du reste du мerils
ont conclu que c'étoit un èfer
de l'essai d'ortografe passagère , moins
herissée de lètres à tète ou à queue et de
capitales.
cure ,
Quoiqu'il paroisse que j'afecte de me
servir d'une nouvelle ortografe, je ne laisse
pas, dans un sens, d'aprouver ou de tolerer
les autres, il est mème nécessaire qu'un
enfant
FEVRIER. 1731. * 213
enfant qui travaille au bureau tipografique
sache bien la vieille ortografe , afin
de pouvoir lire toute sorte de livres et de
pouvoir se servir des dictionaires et des
livres classiques qui suivent encore cète
mème vieille ortografe. Mais je supose ,
avec raison , que pour montrer et pour
aprendre à lire , il est beaucoup mieus de
comancer par l'ortografe des sons ou de
l'oreille , qui tolere , par exemple , çaje ,
chapo etc. au lieu de sage , chapeau etc.
avant que de passer à l'ortografe des ieus
ou de l'usage , et cela m'a mème fait croire
qu'il sera beaucoup mieus de metre un
enfant de deus à trois ans sur la lecture
du latin plutôt que sur celle du françois,
parcequ'il y a plus de justesse et de verité
de raport entre la prononciation du
latin et le nom ou le son des lètres , qu'il
n'y en a entre la prononciation du françois
et le nom ou le son de ces mèmes.
lètres : d'ailleurs le latin les prononce pres →→
que toutes, et au contraire, le françois en a
beaucoup de muetes ; c'est pourquoi dans
la segonde classe du bureau tipografique
que j'apèle bureau lain , je conseille de
faire imprimer des mots latins préferablement
aus mots françois , et c'est dans
la troisième classe du bureau que l'enfant
trouvera ensuite les sons de la langue
françoise, mais je parlerai plus au long de
cet
214 MERCURE DE FRANCE.
cet article dans l'ouvrage des A B C la
tins et françois .
Je supose encore qu'après l'ortografe
de l'oreille ou des sons il sera mieus de
montrer l'ortografe la plus vraie , la plus
régulière et la plus conforme aus sons de
la langue , et de diferer la lecture et l'étude
d'une ortografe fausse , irréguliere ,
captieuse , équivoque quoiqu'anciene
parceque quand il s'agit de montrer à
lire à un enfant ; la première , la plus sìm--
ple et la meilleure règle à suivre , c'est
celle qui induit le moins en erreur l'enfant
qui aprend à lire ; or le principe des
partisans de la nouvèle ortografe est de
ne pas induire le lecteur en erreur , et
d'ètre sensible à la peine des enfans qui
aprènent à lire , au lieu que le principe
des partisans de l'anciène ortografe est de
mépriser toutes les facilités des nouvèles
métodes , de comancer par des règles
fausses , équivoques ou captieuses , et cela
avec un air et un ton d'autorité denué
de toute raison ; la seule qu'on allegue ,
et qui paroit assés mauvaise , est tirée de
l'exemple et de l'usage vulgaire ; on allegue
sans cesse que nos ancètres ont passé
par là , qu'ils n'ont pas apris autrement,
et que nous ne devons pas chercher des
métodes plus aisées que celles dont ils
se sont servis eus mèmes. La bonté et la
charité
FEVRIER. 173
2F5
charité éclairée n'aprouveront jamais ce
langage , qui n'est dicté que par l'esprit
de paresse , d'indiférence ou de préven
tion .
Si l'on prend la peine de faire réflexion:
sur la métode des anciens , on vèra qu'ils
ont écrit , lu et prononcé treu- ver , bonnes-
te etc. s'ensuit- il qu'il faille les imiter
à présent en cela il faudroit donc
écrire come on lit et come on prononce ,
puisque leur prononciation dictoit et regloit
l'écriture. si l'on veut suivre l'ortografe
des anciens , n'en doit- on pas aussi
conserver la prononciation , pourquoi diviser
cela , et se rendre esclave de l'un
plutôt que de l'autre A quoi bon citer
toujours l'exemple des anciens dont on
ne parle plus , et dont on n'écrit plus le:
langage ? Les anciens écrivolent tiltre , aulne
, cognoistre etc. parcequ'ils prononçolent
toutes les lètres de ces mots là ; ils suivoient
donc en cela le principe des modernes
ortografistes qui veulent un plus
grand raport de verité et de justesse entre
l'écriture et la parole , entre le langage
prononcé et le langage écrit , ou entre les
sons et les signes qui les représentent. il
est donc vrai de dire que l'ortografe des
anciens répondolt à leur prononciation
plus exactement que l'ortografe d'aujourdui
ne répond au langage d'apré
sent
216 MERCURE DE FRANCE
sent ; et la prétendue verité de ce dernier
raport ne peut se soutenir que par un
esprit de prévention , d'aveuglement ou
d'indiférence sur cète matière, persone
jusqu'ici , que je sache , n'a prouvé que
le changement de prononciation dans les
mots n'endoit jamais produire aucun dans
la manière de les écrire ; c'est tout ce que
l'on pouroit prétendre d'une langue sainte
et morte come l'ébraïque ; mais en fait
de langue profane et vivante , l'experien .
ce crie tous les jours contre la tiranie ortografique
de la plupart des maîtres d'école
cète meme experience oblige
souvent les partisans de la vieille ortografe
à se taire , quelque touchés et sensibles
qu'ils aient paru à la vue des moindres
innovations ortografiques , elle les
réduit et les force encote malgré eus à
se soumetre de tems en tems à la règle
des sons , et à suivre en bien des ocasions
le courant de l'usage moderne.
>
On
peut
donc
conclure
que le droit
et le fait sont
contre
les esclaves
de la
vieille
ortografe
; ils craignent
toujours
que le langage
françois
ne perde
ses marques
de jargon
et de servitude
; ils ont
beau
faire
, cela
arivera
tot ou tard
à la
gloire
de la nation
et de la langue
françoise
, il ne faudroit
pour
cela que
l'aten
.
tiondes
s upérieurs
sur
l'impression
des
ouvràFEVRIER.
1731. 217
ouvrages classiques , académiques et périodiques.
Du plus au moins , il est permis
de raisoner sur les petites choses come
sur les grandes ; or malgré l'autorité
où la force du préjugé , n'a- t-on pas en
partie secoué le joug des anciens en fait
des arts et des siences ? N'a- t on pas réformé
les maisons , les cuisines , les équipages
, les modes , les usages etc. pourquoi
l'ortografe resteroìt - elle invariable ,
pendant que le langage mème auroit ses
changemens ? Je persiste donc à dire qu'on
doit faire passer la pratique et l'étude de
la nouvèle ou de la vraie ortografe qui
facilite la lecture ; avant que de faire pratiquer
la vieille ou la fausse ortografe qui
induit trop souvent en erreur les enfans ,
les fames , les gens de la campagne et les
étrangers , portés naturèlement à lire tout
et à prononcer toutes les lètres , bien loin
de les rendre muètes , et c'est pour lors la
vieille ortografe , et par surcroit la vieille
métode qui leur tendent des pieges au
moins à chaque ligne , pour ne pas
dire
à chaque mot.
Je dois , au reste , déclarer ici que je
ne répondraí à aucun de mes critiques
qu'autant que leurs dificultés ou leurs objections
iront contre la métode du bureau
tipografique , et contre la manière que
j'indique et que je propose pour bien montrer
218 MERCURE DE FRANCE
trer à lire aus petits enfans ; car pour ce qui
ne regarde en général que le sistème de l'anciène
ou de la nouvèle ortografe , j'aurai
souvent lieu d'en parler dans les réflexions
des A B C françois , sur tous les
sons de notre langue , sur l'ortografe de
quelques dictionaires , sur le traité d'ortografe
de feu M. l'Abé R. et sur les dife
rens extraits que j'ai faits d'une trentaine
d'auteurs ortografistes des deus derniers
siecles . En atendant ce petit ouvrage ,
voici l'avis que je donaí au compositeur
des lètres sur la biblioteque des enfans , et
que je n'ai pas cru devoir laisser imprimer
plutot par les raisons alleguées cidessus
.
Avis à l'imprimeur ou au compositeur des
lètres sur la bibliotèque des enfans , etc.
Le principal et peut-ètre le meilleur
avis que je puisse vous doner , c'est de
suivre exactement le manuscrit corigé
selon l'essai de cète ortografe . voici cependant
quelques règles qui vous metront
d'abord au fait de l'ortografe passagere ,
sur laquele j'ai interêt de pressentir le
gout des lecteurs non prévenus , afin de
pouvoir m'y conformer ensuite dans l'impression
de la bibliotèque des enfans.
Je demande que vous ne metiés sur les
voyeles , ni accent , ni chevron , ni les
deus
FEVRIER. 1731. 219
蒽
il
deus points que vous apelés trema , ou que
vous en pratiquiés bien l'usage et les diferences
, come dans les mots procès , bontés
, batême , ciguë , etc.... le chevron paroit
à present inutile sur les mots age ,
agé , etc....il ne faut jamais marquer
Pè
ouvert qu'avec l'accent grave et jamais
avec le circonflexe , à moins que l'e ne
soit long , come dans tête , etc.... à l'égard
des diftongues oculaires ai , ei , oi ,
qui ne font entendre que l'è ouvert ,
faudra essayer d'y metre l'i grave , come
dans les mots maitre , reine , il conoìt , etc.
afin de pouvoir faire distinguer les diftongues
des ieus et celles de l'oreille , surtout
lorsque la quantité et le son n'exigeront
pas l'usage du chevron. Je ne suis.
pas toujours la regle de l'accent circonflexe
, je préfere quelquefois l'i grave au
chevron , à cause des logètes du bureau
tipografique , en atendant l'usage des diftongues
chevronées entre les deus voyeles .
on metra aussi l'ì grave lorsqu'il fait entendre
l'e ouvert dans les voyeles nazales
ìn , ain , ein , etc. des mots lìn , vain ,
sein , etc..... et lorsque la diftongue ai
sonera come l'é fermé , vous ferés emploi
de l'i aigu , come dans les mots j'ai , plaisir,
je ferai , etc....il ne faut donc jamais
employer le chevron sur les voyeles , que:
pour marquer la longueur de leur durée
Qu
220 MERCURE DE FRANCE.
ou de leur quantité : car la regle d'em
ployer le chevron sur la voyele à côté de
Jaquelle on a suprimé quelque lètre , n'est
peut ètre pas toujours vraie ni sure, come
dans les mots sûre , vûe , ûë , etc. pour
seure , veue , eue , etc. qu'il sufit d'écrire
ue , etc. sans chevron ni trema;
quoique les imprimeurs aient les signes
sure , vue ,
pour marquer les voyeles longues
, brèves et douteuses , il n'en font
pas usage sur tout le latin qu'ils impriment
, et le françois n'est pas arivé au
point de caracteriser et de noter localement
le son de toutes les voyeles d'un
discours imprimé. il est donc inutile d'être
si scrupuleus sur une voyele, pendant
qu'on néglige les autres ; c'est l'usage et
la pratique du discours qui montrent les
longues et les breves ; c'est une erreur de
s'imaginer que la vieille ortografe avec des
lètres non prononcées ou muetes , puisse
indiquer aux ieus la quantité que l'oreille
demande.
Il faut donc employer le veritable accent
pour chaque voyele , ou n'en point
mètre , il paroit même inutile de le mar-.
quer toujours dans les mots qui revienent
souvent,come dans être , èlle, même ,
etc. et sur les silabes toujours suivies d'une
autre silabe avec l'e muet final qui oblige
d'ouvrir l'e des pénultiemes silabes , come
cètte
dans
FEVRIER. 1731 . 221
dans pere , bele , ils vienent , etc. L'usage
fréquent du chevron et de l'accent , rend
le caractere trop hérissé , et mème selon
quelques -uns , il le rend encore trop pédant
, surtout au milieu des mots , ou sur
l'e des monosilabes qui revienent souvent
et sans équivoque ; il sufit peut ètre d'en
mètre de tems en tems pour instruire les
lecteurs novices : mais vous ne devés
pas
oublier l'accent lorsqu'il sert à déterminer
le sens d'un mot , et que sans ce secours
le mot pouroit quelquefois ètre équivoque
ou induire en erreur la persone qui
lit , come dans les mots près , prés , tanté,
tante , etc. l'accent paroit toujours bien
employé sur les e finaus algus ou graves ,
en faveur des enfans et des étrangers ,
come dans bonté , bontés , procès , succès ,
étc. L'accent semble moins nécessaire pour
la lecture des premiers e des mots anée ,
créée , etc. mais il ne choque pas les ieus
acoutumés depuis lontems à cète varieté
et distinction d'e. Les anciens , dont on
s'autorise tant , metoient-ils des accens
sur les e et sur les autres voyeles ? à peine
fesolent- ils la dépense des points sur les
i. Nous- mèmes suivons-nous à l'égard des
voyeles capitales , l'usage des accens que
nous exigeons sur les petites voyeles ou
cèles du bas de casse , cependant la
plupart des lecteurs très- foibles sur la
lecture
222 MERCURE DE FRANCE
lecture des capitales , auroient là , plus
besoin d'accent que sur les petites lètres ;
on pouroit dire qu'un lecteur bien instruit
sur les mots en petites lètres , doit
ètre moins embarassé à lire sans accens
ces mèmes mots en lètres capitales . Je
parlerai de cet article dans les A B C françois
, il sufit à present de vous faire
remarquer ici que les E capitaus sans
accent choquent bien moins que les E
capitaus mal accentués et défigurés par
des apostrofes ou par des fragmens de l
en guise d'accens mal adaptés , come dans
LETRE PRETERIT , etc. au lieu
de LETRE , PRETERIT , etc.
bien des artisans mètent des points sur
les I capitaus en serrurerie , menuiserie,
cizelure , etc. le tout sans principes.
Les voyeles apelées trema n'ont jamais
été necessaires dans les mots ruë , conuë
ou rüe , conüe , etc. puisqu'il n'y a jamais
eu danger qu'on lût avec le son du v ,
rve , conve , etc. ce qui fait voir l'ignorance
idiotique de bien des auteurs et de
bien des imprimeurs. Les voyeles apelées
trema necessaires avant l'usage des j et des
v , sont donc apresent devenues inutiles
dans les mots boue , ouaille , etc. qu'on ne
sera plus exposé à lire bove , ovaille , etc.
les auteurs qui en continuent encore la
pratique dans bouë , onaille, etc. montrent,
sans
FEVRIER. 1731. 223
sans le vouloir , leur ignorance ou leur
préjugé idiotique ; profitera qui voudra
de l'avis , c'est leur afaire. Les trema sont
bons dans les mots Lais , Emmaüs , Saül,
Moïse , ciguë , etc. pour distinguer la prononciation
des autres mots lais , emaus >
moisi , saul , figue , etc. dont la lecture est
diférente. La seule ignorance des principes
a introduit l'usage de l'i trema pour
deus i dans les mots pai-is , abai- ie ;
moi- ien , etc. qu'on écrit abusivement
pais , abaie , moien , ou pa-is , aba-ïe ,
mo-ien , etc. se corigera encore là-dessus
qui voudra , mais cète ignorance est sensible
quand on voit et qu'on lit les mots
laïs, lais, hair, haine , païen, paien, paient,
etc. suposer que le point redoublé , redouble
sa voyele dans un endroit , qu'ailleurs
il unit , qu'ailleurs il divise les voyeles
, qu'ailleurs il indique les voyeles muetes
; c'est , ce me semble , faire un mauvais
usage du trema , et lui doner en mème-
tems trop de proprietés diferentes et
contraires les unes aus autres , come dans
païs , lais , ouailles , caën , etc. Je suis persuadé
que sans le préjugé idiotique , en
Holande , come en France , on auroìt honte
de s'obstiner à pratiquer un tel abus
et de préferer le mauvais usage , pendant
que le bon est le plus généralement suivi.
J'aurai souvent ocasion de reparler de cela
dans les A B C françois. Vous
224 MERCURE DE FRANCE
Vous n'emploirés donc jamais le y que
pour le double i , come dans moiien
paiis , etc. que j'écris moyen , pays , etc.
pour déferer à l'usage quand il n'induit
point en erreur . on pouroit aussi écrire
péis , abéie , etc. sans équivoque. Je tolere
le y dans la particule ey locale il y a , par
déference pour l'usage , et en faveur d'un
mot composé d'une seule lètre , quoique
nous ayons encore les mots a , o , en françois
, et les mots a , e , i , o , en latin . Ne
metés donc jamais l'i trema pour le y , ou
pour deus i. Quand j'écris aiant avec l'i
trema , pour a- iant , c'est en suposant
qu'on le prononce ainsi , car autrement
j'écrirois ai-iant avec un double i ou ayant
avec un y ; je soumets apresent , du moins
en partie , le principe de l'ortografe au
principe de la prononciation ; et mon erreur
ou mon ignorance sur le fait de la
prononciation , ne doit point infirmer le
principe sur l'ortografe , disctinction
qu'un lecteur équitable ne manquera pas
de suposer. Je ne parle pas ici des y finaus
employés dans les monossilabes roi , loi ,
quoi , ni , lui , etc. que bien des gens écrivent
encore roy , loy , quoy , ny , luy , etc.
c'est un reste des mauvais principes qu'on
suit chés les maitres écrivains.
Il faut condaner le ph de deus lètres
et préferer le simple ƒ d'une lètre, à moins
que
FEVRIER. 1731. 225
que ce ne soit dans un nom propre come
dans Joseph , Philipe , etc. encore bien des
gens écrivent Josef, Filipe , etc. et ils n'en
font peut-être pas plus mal. vous metrés
donc avec le ƒd'une lètre , les mots sfère,
filosofe , etc. au lieu de sphere , philosophe
etc. avec le ph de deus lètres , et cela en
faveur des enfans , des étrangers , et par
honeur pour la langue françoise , langue
d'un peuple franc , aussi libre et aussi maitre
de son ortografe que ses voisins les
italiens et les espagnols , un peu plus afranchis
que nous de la marque servile en fait
de langage ... vous laisserés toujours la
lètre h dans les mots où elle s'aspire , come
dans heros , etc. et lorsqu'elle sert à diviser
les voyeles et les silabes come dans
souhaits , etc. vous pourés la tolerer initiale
dans les mots humeur , honète , etc.
et quelquefois médiale dans aujourd'hui ,
etc. quoiqu'elle n'y soit point aspirées
mais il faut banir le b des mots chronologie
, cahot , écho , phiole , rhume , phantaisie
, theme , etc. qu'il faut écrire cronologie,
caot , éco , fiole , rume , fantaisie , ième , etc.
faute de caractère particulier la lètre h
est toujours nécessaire après le c pour indiquer
le son françois che des mots chiche,
chu heter, chou , etc. et cète raison de nécessité
confirme l'utilité de la réforme de
cète lètre dans les mots où elle est cap-
B tieuse
226 MERCURE DE FRANCE
tieuse , et où elle peut induire en erreur ,
come dans les mots cholere , Bachus , paschal
, etc.....
>
Je n'emploie la lètre double x , que
dans les endroits où elle fait la fonction
des deus lètres fortes cs , come dans axe ,
stix , etc. ou des deus lètres foibles ༡༢
come dans exil , examen , etc. et qu'on
pouroit écrire selon leur prononciation
acse , sticse , etc. egzil , egzamen , etc. et
cela sans induire en erreur ; avantage qui
n'est pas indiferent aus ieus des esprits
bons et bienfesans . vous ne devés jamais
employer la lètre double x pour les lètres
simples s ou z ; ainsi vous pourés im
primer ieus , sis , sisième , soissante , etc.
aulieu de ieux , six , sixième , soixante
etc. on trouve déja cète réforme dans
bien des livres anciens et modernes, dont
les auteurs avolent remarqué l'imperfection
de l'usage qui done quatre valeurs
diferentes à la lètre x.
Il faut rejeter l'emploi des consones inutilement
redoublées , lorsque cère double
consone est muère , ou qu'on ne la prononce
point dans le discours le plus soutenu
, come dans les mots abbé, accord
addoner, etc. que j'écris abé , acord , adoner,
etc. malgré la prétendue regle de
quantité françoise , qui n'est pas toujours
vraie à l'égard de toutes les consones redoublées
FEVRIER. 1731. 227
doublées . D'où vient qu'esclave de la lanque
latine qui alonge les voyèles suivies
de deus consones , on a cru qu'en françois
ce devoit être tout le contraire , et
que la double consone muète servoit à
faire conoitre que la voyele étoit bréve ?
cète regle fût - elle vraie , en demanderoit
une autre qui indicât quand la
double consone doit ètre muete ou prononcée
; l'usage montrera l'un come l'autre.
cependant par un reste d'égard pour
les ieus , je tolere encore la consone muete
inutilement redoublée dans de petits mots,
come dans cette , elle , qu'elle , etc. qu'il
sera bon d'écrire quelquefois avec une
seule consone et avec l'è grave , come
dans cète , cèle , qu'èle , etc. mais quand la
consone est redoublée dans la prononciation
, il faut la laisser dans l'ortografe,
come Pallas , Apollon , immodeste , etc. les
espagnols graves et sensés écrivent et prononcent
Palas, Apolon , quoiqu'ils sachent
bien qu'on dit et qu'on écrit en latin Pale
, las , et Apole , lon , etc.... Bien que
le double paroisse nécessaire dans les
mots je courrois , je courraí , etc. à cause
de la contraction des mots courerois
coureraí , etc. je ne mets cependant qu'un
avec le chevron sur la voyele où , come
jecoûrois , je coûrai , qu'on prononce fort
Cour-ois, cour-ai , fesant soner ler dans
Bij la
228 MERCURE DE FRANCE
>
la premiere silabe , etc. je parleraí de cela
dans l'ouvrage , des A B C françois. cependant
si les deus r se font entendre dans
ces exemples come dans le mot Varron ,
on peut y laisser le double r sans chevron.
Vous pouvés retrancher aussi la plupart
des lètres muètes inutiles , mème dans la
prononciation la plus soutenue , come
dans les mots asne , mesme , isle , coste
fluste , advocat , clef , baptesme , sept , ptisane,
vuide,paon , caën etc. que j'écris quelquefois
avec le chevron ou avec l'accent,
âne , mème , île , côte , flûte , avocat , clé ,
batême, sèt, tisane, vide, pân, cân , etc. et cela
en faveur des enfans , des étrangers , et de
la lecture ... selon le mème principe je
substitue les lètres prononcées aus lètres
non prononcées , come dans les mots lecon
, secrets , second , convent , que j'écris
Leçon , segrets, segond , couvent , j'écris aussi
par la mème raison , condâner , conoltre ,
etc. au lieu de condempner , cognoistre , ou
de condemner, connoistre , etc.... Je préfere
l'és avec l'accent aigu et le s , à l'ez avec
un z , par les raisons détaillées dans les
ABC françois ; la distinction des verbes ,
des participes , des noms pluriels , n'exige
point cète diference , l'Académie Françoise
ne l'a point admise dans la segonde
édition de son dictionaìre , et les partisans
de la vieille ortografe comancent d'écrire
FEVRIER. 1731. 229
crire avec l'è grave procès , succès , etc. aulieu
de procés , succés , avec l'é aigu ou avec
lez , procez , succez , etc. et les prés , aulieu
de prez , etc , il faut esperer qu'il n'en
resteront pas là.
"
Lorsqu'un mot aura plusieurs lètres à
tète ou à queue , come les mots diftinctif,
jurifdiction , infenfibles , style , inftructifs
fillabes , etc. il faut préferer les petits s et
les ct de deus lètres aus grans et aus
d'une piece , pour diminuer le nombre
des tètes et des queues , qui d'un mot en
font une espece de hérisson nuisible au
coup d'euil , et mètre distinctif, jurisdiction
, insensibles , stile , instructif, silabes ,
etc. Quand un mot avec des fou des &
liés se trouve environé d'autres mots
aïant des lètres à tète et à queue , soit
dans la ligne immédiatement au - dessus ,
soit dans la ligne immédiatement au- dessous
, soit dans la mème ligne à droite et
à gauche , il faut encore exclure et banir
les flons , simples ou doubles , la ligature
& , et leur préferer les petits s et les ct
de deus lètres . Je crois que pour pousser
encore un peu plus loin l'essai de la réforme
ortografique , et pour vous épargner
l'examen et la discussion sur l'emploi
, l'usage et le chois des consones courtes
ou longues , simples ou doubles , il
faudra banir totalement dès aujourdui les
Biij lètres
o MERCURE DE FRANCE.
lètres doubles inutiles , les ligatures , et rejeter
parconséquent les & , f, f , f,f, & ,
et leurs semblables , et leur préferer les
ct , st , ss , si , s , et. J'employois la conjonction
et en deus lètres après la virgule ,
et je tolerois ailleurs l' d'une piece ;
mais bien des persones de bon gout , disent
que cet & fait tort aus autres lètres
´et qu'on devroit l'abandoner , de mème
que les autres superfluités , aus maitres
écrivains et aus esprits gotiques , amateurs
et partisans des ligatures et des abréviations
. vous pouvés donc couvrir et condaner
ces sis cassetins pendant l'impression
de la suite des lètres sur la bibliotèque
des enfans , nous vêrons l'éfet que cet essai
produira sur le papier et sur les ieus
des lecteurs , je me regleraí ensuite làdessus
pour l'impression de mon ouvrage.
Je ne voudrois presque jamais employer
les lètres capitales ou majuscules.
dans la suite d'une frase et d'une période
que pour les noms propres , come
Paul , Mogel , Paris , etc. et non dans les
mots apellatifs de quelque nature qu'ils
pussent ètre , come prince , province , cordonier
, cheval , etc. les capitales après un
point et dans la mème frase , doivent
ètre du corps, paraleles aus autres letres,
de mème hauteur et plus petites que la
capitale qui comence la période en chef
et
FEVRIER. 1731. 231
et à la ligne. Lorsque cète petite majuscule
choqueta la vue, come dans les mots
il, on , etc. vous pourés mètre un plus
grand I ou un i du bas de casse , etc.
pour voir sur l'impression l'efet de cète
nouveauté.
و
Je dois dire ici un mot touchant l'exemple
que j'ai doné de la vieille et très -vieille
ortografe à la fin de la sisième lètre ; pour
faire voir d'une maniere sensible que l'ortografe
se raproche peu à peu de la prononciation
, j'ai mis le lecteur , pour ainsi
dire , entre deus extremités , afin de le rendre
plus atentif , et pour lui épargner la
peine d'aler feuilleter les vieus livres que
J'aurois pu citer , je renvoie cte discussion
à la suite des ABC françois. Les petsiones
scandalisées de cete nouvèle et de
cète vieille ortografe , sont priées de ne
pas fournir malgré elles des raisons contre
leur sentiment et leur préjugé .
Tachons de ne pas imiter l'ortografe de
ces fameus écrivains , qui prodigant l'usage
des lètres capitales , come s'ils donoient
des cronogrames , ne font
ne pas dificulté
d'écrire et de faire graver CaBinet , Re-
Ligion , InConftance , MaGiftrat , etc. qui
afectent d'employer le j et le v , au lieu
de l'i et de l'u voyeles dans les silabes initiales
, jl , jls, vn, jlluſtre, vnion, etc. qu'ils
devroient écrire il , ils, un , illustre , union ,
Biiij
..
etc.
232 MERCURE DE FRANCE
etc. ce sont là des fautes dans lesquèles les
imprimeurs ne tombent plus. il y a certains
maitres écrivains , des secretaires ,
des comis et des clercs , qui chérissent encore
leur ignorance sur cet article , il
est mème à craindre qu'ils ne se corigent
point tant que les grans seigneurs et les
maitres de ces scribes seront indiferens
ou prévenus sur l'exactitude de ces remarques
ortografiques.
Quoique le blanc des espaces bien pratiqués
serve à faire paroitre l'impression
plus bèle , on doit éviter le trop grand
nombre de ces espaces qui choquent la
vue lorsqu'ils forment des colones et des
zig- zag qui coupent les lignes ; c'est un
autre défaut que de vouloir remedier à
celuilà en metant des virgules où il n'en
faut point du tout. un compositeur de
bon gout , use sobrement et judicieusement
de la proportion et du nombre des
espaces et de l'usage des virgules , afin de ne
faire aucun tort au coup d'oeil de la bèle
impression , ni au sens du discours .Je trouve
quelquefois dans les livres les quinze
lignes de suite comancées par des lètres
à tète ou à queue , ce qui choque aussi
le coup d'euil , cela n'arivera pas lorsque
vous prendrés de petits s , des et , et des
at de deus lètres , étant dificile qu'il ne
s'en rencontre point à la tète d'une des
quinze
FEVRIER. 1731. 233
fblf
quinze lignes.un défaut encore plus grand
et que vous devés tâcher d'éviter , c'est
la rencontre des queues de la ligne d'en
haut avec les tètes de la ligne d'en bas
come PP , etc. on doit aussi regarder
come un défaut le mélange de
plusieurs lètres à petit ou à gros euil ,
de plusieurs lètres de diferente frape ,
quoique du mème corps ; le mèlange des
caractères neufs avec de vieus caractères
usés , pochés et mutilés , qui ne peuvent
jamais bien marquer tout le corps de la
lètre , ni d'une maniere nète et distincte,,
qui satisfasse le coup d'euil . L'imprimeur
a beau exalter son ouvrage imparfait , il
n'en sera pas cru , et il s'exposera à ètre
soupçoné d'ignorance ou de mauvaise foi.
Je sais bien que tout le monde n'y regarde
pas de si près , mais je sais aussi
qu'il y a de bons et de mauvais ouvriers
dans toute sorte de professions , et que les
bons come vous , qui visent à la perfecsion
, ne négligent rien de ce qui peut
les y conduire ; aucontraire , les ouvriers:
ignorans, indociles , obstinés, pleins d'eusmèmes
et indiferens sur le mieus , vieillissent
dans l'habitude de mal faire ; la
seule avidité du gain s'empare de leur
esprit et les aveugle si fort sur tout le
reste , qu'ils n'ont pas seulement la liberté
de voir que le gain mème se trouve
plus
234 MERCURE DE FRANCE
plus grand à mesure qu'on est plus habile
or on ne peut devenir habile qu'en
cultivant le bon gout et en observant
beaucoup de choses petites séparement ,
mais dont la totalité et l'ensemble , donent
la perfection , et c'est là- dessus que
le public pour son argent a le droit d'admirer
, de choisir , d'aprouver et d'acheter
; ou de mépriser , de condaner et de
rebuter l'ouvrage des auteurs , des imprimeurs
et des relieurs , come des autres
artisans. on poura continuer cète matiere
dans quelque autre ocasion .
Fermer
Résumé : NEUVIEME LETRE touchant l'essaì de l'ortografe passagère dans les lètres sur la biblioteque des enfans.
L'auteur d'une lettre discute d'une expérience d'orthographe temporaire appliquée dans des lettres adressées à la bibliothèque des enfants. Il souligne que l'orthographe distingue les hommes et met en garde contre ceux qui se prétendent experts sans réflexion sérieuse. L'auteur note la difficulté de suivre une règle unique en période de confusion orthographique et propose de représenter le son véritable des mots, privilégiant l'oreille sur les yeux. L'auteur a introduit progressivement des changements orthographiques dans ses lettres pour observer la réaction des lecteurs. Il observe que beaucoup s'habituent à cette nouvelle orthographe, bien qu'ils aient du mal à l'appliquer eux-mêmes. Il approuve les autres orthographes pour des raisons pratiques, comme la lecture des dictionnaires et des livres classiques. L'auteur recommande d'enseigner d'abord l'orthographe des sons avant celle des yeux. Il suggère d'apprendre le latin avant le français aux enfants, car le latin est plus cohérent entre la prononciation et l'écriture. Il critique l'orthographe ancienne pour ses règles fausses et équivoques, et plaide pour une orthographe plus vraie et régulière. L'auteur affirme que la nouvelle orthographe facilitera la lecture et réduira les erreurs, surtout pour les enfants, les femmes, les gens de la campagne et les étrangers. Il précise qu'il ne répondra aux critiques que sur la méthode d'enseignement de la lecture et non sur le système orthographique en général. Le texte aborde également des règles orthographiques et typographiques spécifiques. L'auteur préfère l'i grave à l'accent circonflexe pour des raisons pratiques liées à l'impression. Il recommande l'utilisation de l'i grave pour indiquer l'e ouvert dans les voyelles nasales et l'i aigu pour la diphtongue ai lorsqu'elle sonne comme l'é fermé. Il critique l'usage excessif du chevron et des lettres muettes, estimant que l'usage et la pratique du discours suffisent à indiquer les voyelles longues et brèves. L'auteur souligne que l'accent est nécessaire pour éviter les équivoques et faciliter la lecture, notamment pour les enfants et les étrangers. L'auteur prône l'usage du f simple plutôt que ph, sauf dans les noms propres, et la suppression des consonnes redoublées muettes. Il recommande également de retrancher les lettres muettes inutiles et de substituer les lettres prononcées aux lettres non prononcées. Enfin, il préfère l'accent aigu sur l'e dans les mots comme procès et succès, et critique l'usage excessif des accents et des trémas qui rend le texte trop hérissé et pédant. Le texte traite également d'une proposition de réforme orthographique et typographique. L'auteur suggère de simplifier l'orthographe en éliminant les lettres doubles inutiles, les ligatures et certaines consonnes, préférant des combinaisons comme 'ct', 'st', 'ss', 'si', 's' et 'et'. Il recommande également de limiter l'usage des lettres capitales, sauf pour les noms propres, et d'éviter les abus de blancs et de virgules dans les textes imprimés. L'auteur critique l'usage excessif des lettres capitales et des fautes orthographiques commises par certains écrivains et scribes. Il insiste sur l'importance de la qualité typographique, évitant les mélanges de caractères et les défauts d'impression. Le texte se conclut par une réflexion sur la nécessité pour les imprimeurs de cultiver le bon goût et l'habileté pour produire des ouvrages de qualité, afin de mériter l'approbation du public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1037-1040
DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
Début :
C'est un des Adorateurs des Ecrits et des Talens [...]
Mots clefs :
Traité des Etudes, Prononciation, Syllabes, Acents
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
DIFFICULTE' proposée à. M. Rollin
sur un endroit de son Traité des Etudes.
Est un des Adorateurs des Ecrits et des Ta- Clens lens de M. Rollin , qui prend la liberté de
lui demander la solution d'un doute qui lui est
venu en lisant son Traité des Etudes , tom. 1 .
page 15. Edit. de Paris , chez Etienne , 1726.
M. Rollin s'exprime ainsi , la quantité qui contribue tant au nombre et à la cadence du discours ,
n'a pû sefaire admettre dans la Langue Françoise.
J'avoueray bien que la quantité qui se trouve
dans notre Langue , n'est peut-être pas aussibien marquée que dans les Langues Grecque et
Latine , mais qu'il n'y en ait point du tout , c'est
une décision qui me paroît un peu forte.
Je crois en trouver dans la prononciation de
tous les mots François de toutes les phrases ; ne
pourroit-on pas même dire que notre Poësie a
une espece de quantité , sans laquelle les VersFrançois n'ont aucune grace et sont extremement rudes ?
M. Rollin , tom. I. p . 199. dit lui- même
qu'en François l'on ne peut prononcer pate , qui
se dit des animaux , comme pâte , qui signifie de
la farine détrempée avec de l'eau , ce qui ne peut venir que de ce que le premier est bref , et le second est long.
On peut voir encore tome r. p. 262. une note
o M. Rollin paroît retrancher ce qu'il avoit dit cy- dessus , p. 15.
1. Pour ce qui regarde les mots , en voici de
route espece , par rapport à la quantité.
La premiere sy labe est breve dans bilon ,
meton , mouton , ăvoit , feroit , děvant , jämais ,
toujours , &c.
Ivj La
1038 MERCURE DE FRANCE
La premiere est longue dans baton , brom,
nombreux, lungueur, quarré, parlé, beauté, &c.
En voici dont la seconde est breve , muse
buse , regle , cette , et tous les mots qui finissent
en e muet.
Les mots suivans sont de trois longues , cōm¬
pōsē , appōllōn , presumption , &c.
Ceux-cy sont de trois breves, l'unisson , ünissons , &c.
Les mots d'une longue et de deux breves sont
encore plus connus convenir, sōutenir, rēgalër,
conjerer , plaidoyer , &c.
On en trouve aussi grand nombre d'une breve
et de deux longues , comme remarquer , gouver
ner , &c Il faut raisonner de même des autres
especes de pieds où la quantité n'est gueres plus.
difficile à discerner qu'en Latin.
2. Cette quantité qui se fait si bien sentir , ce
me semble , dans les mots François , paroît encore plus dans les phrases. Celle que j'ai rapporté
du Traité des Etudes , peut servir d'exemple , on
ne peut gueres la prononcer qu'avec cette quan- rité..
La quantité qui contribue tant aŭ nombre et
ă lă câdence du discours nå pū së faire admēttrẻ dāns la Langue Françoise. Cet exemple suf
fit pour faire sentir la difficulté que je propose..
3. Pour ce qui est de la Poësie , tout le monde
lit les grands Vers avec une certaine cadence
sans laquelle la Poësie seroit extremement_rude. Tous les Vers François ne sont pas susceptibles de cette cadence , il n'y a que ceux où le
goût ou plutôt l'oreille , a sçû placer les mots
dont la quantité étoit la plus propre à la structure du Vers, et à son harmonie. Cette quantité
Quable et necessaire à la Poësie Françoise , se
trouve
MAY. 1252. ro39
trouve dans ces Vers de M. Despréaux , qui
pour cette raison font plaisir à entendre lire er
prononcer.
De tōus lēs ǎnīmaūx qui s'ëlēvĕnt dåns l'ãix,
Qui mārchēnt sur la Tērre ou nàgēnt dans la Mēr ,
Dě Părïs aū Pěrou , dū Jăpon jusqu'à Rōmě ,
Lè plüs sōt ānĭmǎl , å mōn ävis , est l'hōmmč.
Faute de cette cadence , fondée sur la quantité
des mots François , l'on trouve dans les mauvais
Poetes une infinité de Vers qui sont extremement
chocquans , quoique l'émistiche et le nombre
des pieds y soient scrupuleusement gardez.
Je ne m'étends pas davantage , parce que je ne
prétens qu'exposer une difficulté que M. Rollin est
plus que personne en état de résoudre. Je crois que
si l'on faisoit attention à cette quantité de la Langue Françoise et qu'on en recherchât les regles.
avec soin , on faciliteroit aux Etrangers sa veritable prononciation , et qu'on corrigeroit les
mauvais accens qu'apportent à Paris la plu- part des personnes de Province ; ces accens défectueux ne viennent , ce me semble , que de ce
qu'ils font longues les syllabes qu'il faudroit fairebreves , comme les Norinans , ou breves celles.
qu'il faudroit faire longues , comme les Gascons , Provençaux , Perigourdins, & c. Si M. Rollin veut avoir pour l'Auteur de cette difficulté la
même condescendance qu'il a pour tous ceux qui cherchent à s'instruire , peut-être ê pourra -t'il t sehazarder à lui proposer d'autres . difficultez plus
importantes encore, qui l'arrêtent dans le Traité
des Etudes qu'il juge cependant si plein de dọc- tring:
1040 MERCURE DE FRANCE
trine , qu'il croit que les plus grands 'Maîtres
peuvent y trouver de quoi profiter.
C. L. R ***
sur un endroit de son Traité des Etudes.
Est un des Adorateurs des Ecrits et des Ta- Clens lens de M. Rollin , qui prend la liberté de
lui demander la solution d'un doute qui lui est
venu en lisant son Traité des Etudes , tom. 1 .
page 15. Edit. de Paris , chez Etienne , 1726.
M. Rollin s'exprime ainsi , la quantité qui contribue tant au nombre et à la cadence du discours ,
n'a pû sefaire admettre dans la Langue Françoise.
J'avoueray bien que la quantité qui se trouve
dans notre Langue , n'est peut-être pas aussibien marquée que dans les Langues Grecque et
Latine , mais qu'il n'y en ait point du tout , c'est
une décision qui me paroît un peu forte.
Je crois en trouver dans la prononciation de
tous les mots François de toutes les phrases ; ne
pourroit-on pas même dire que notre Poësie a
une espece de quantité , sans laquelle les VersFrançois n'ont aucune grace et sont extremement rudes ?
M. Rollin , tom. I. p . 199. dit lui- même
qu'en François l'on ne peut prononcer pate , qui
se dit des animaux , comme pâte , qui signifie de
la farine détrempée avec de l'eau , ce qui ne peut venir que de ce que le premier est bref , et le second est long.
On peut voir encore tome r. p. 262. une note
o M. Rollin paroît retrancher ce qu'il avoit dit cy- dessus , p. 15.
1. Pour ce qui regarde les mots , en voici de
route espece , par rapport à la quantité.
La premiere sy labe est breve dans bilon ,
meton , mouton , ăvoit , feroit , děvant , jämais ,
toujours , &c.
Ivj La
1038 MERCURE DE FRANCE
La premiere est longue dans baton , brom,
nombreux, lungueur, quarré, parlé, beauté, &c.
En voici dont la seconde est breve , muse
buse , regle , cette , et tous les mots qui finissent
en e muet.
Les mots suivans sont de trois longues , cōm¬
pōsē , appōllōn , presumption , &c.
Ceux-cy sont de trois breves, l'unisson , ünissons , &c.
Les mots d'une longue et de deux breves sont
encore plus connus convenir, sōutenir, rēgalër,
conjerer , plaidoyer , &c.
On en trouve aussi grand nombre d'une breve
et de deux longues , comme remarquer , gouver
ner , &c Il faut raisonner de même des autres
especes de pieds où la quantité n'est gueres plus.
difficile à discerner qu'en Latin.
2. Cette quantité qui se fait si bien sentir , ce
me semble , dans les mots François , paroît encore plus dans les phrases. Celle que j'ai rapporté
du Traité des Etudes , peut servir d'exemple , on
ne peut gueres la prononcer qu'avec cette quan- rité..
La quantité qui contribue tant aŭ nombre et
ă lă câdence du discours nå pū së faire admēttrẻ dāns la Langue Françoise. Cet exemple suf
fit pour faire sentir la difficulté que je propose..
3. Pour ce qui est de la Poësie , tout le monde
lit les grands Vers avec une certaine cadence
sans laquelle la Poësie seroit extremement_rude. Tous les Vers François ne sont pas susceptibles de cette cadence , il n'y a que ceux où le
goût ou plutôt l'oreille , a sçû placer les mots
dont la quantité étoit la plus propre à la structure du Vers, et à son harmonie. Cette quantité
Quable et necessaire à la Poësie Françoise , se
trouve
MAY. 1252. ro39
trouve dans ces Vers de M. Despréaux , qui
pour cette raison font plaisir à entendre lire er
prononcer.
De tōus lēs ǎnīmaūx qui s'ëlēvĕnt dåns l'ãix,
Qui mārchēnt sur la Tērre ou nàgēnt dans la Mēr ,
Dě Părïs aū Pěrou , dū Jăpon jusqu'à Rōmě ,
Lè plüs sōt ānĭmǎl , å mōn ävis , est l'hōmmč.
Faute de cette cadence , fondée sur la quantité
des mots François , l'on trouve dans les mauvais
Poetes une infinité de Vers qui sont extremement
chocquans , quoique l'émistiche et le nombre
des pieds y soient scrupuleusement gardez.
Je ne m'étends pas davantage , parce que je ne
prétens qu'exposer une difficulté que M. Rollin est
plus que personne en état de résoudre. Je crois que
si l'on faisoit attention à cette quantité de la Langue Françoise et qu'on en recherchât les regles.
avec soin , on faciliteroit aux Etrangers sa veritable prononciation , et qu'on corrigeroit les
mauvais accens qu'apportent à Paris la plu- part des personnes de Province ; ces accens défectueux ne viennent , ce me semble , que de ce
qu'ils font longues les syllabes qu'il faudroit fairebreves , comme les Norinans , ou breves celles.
qu'il faudroit faire longues , comme les Gascons , Provençaux , Perigourdins, & c. Si M. Rollin veut avoir pour l'Auteur de cette difficulté la
même condescendance qu'il a pour tous ceux qui cherchent à s'instruire , peut-être ê pourra -t'il t sehazarder à lui proposer d'autres . difficultez plus
importantes encore, qui l'arrêtent dans le Traité
des Etudes qu'il juge cependant si plein de dọc- tring:
1040 MERCURE DE FRANCE
trine , qu'il croit que les plus grands 'Maîtres
peuvent y trouver de quoi profiter.
C. L. R ***
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Résumé : DIFFICULTÉ proposée à M. Rollin, sur un endroit de son Traité des Etudes.
Un admirateur de M. Rollin interroge une affirmation de son 'Traité des Études', où Rollin soutient que la quantité, influençant le nombre et la cadence du discours, n'existe pas en français. L'admirateur conteste cette affirmation, affirmant que la quantité est présente, bien que moins marquée qu'en grec ou en latin. Il cite des exemples comme 'pate' et 'pâte', où la prononciation varie selon la quantité. L'admirateur note que Rollin reconnaît cette variation dans d'autres parties de son ouvrage. Il fournit des exemples de mots français où la quantité des syllabes est perceptible, comme 'bilon' (première syllabe brève) et 'baton' (première syllabe longue). Il souligne l'importance de la quantité en poésie française, où une mauvaise cadence rend les vers rudes. Il cite des vers de M. Despréaux pour illustrer cette nécessité de cadence. L'admirateur suggère que l'étude de cette quantité pourrait aider à corriger les mauvais accents des étrangers et des provinciaux, qui allongent ou raccourcissent incorrectement les syllabes. Il espère que Rollin pourra résoudre cette difficulté et propose d'autres questions pour enrichir le 'Traité des Études'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 659-666
RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Début :
L'habitude dans laquelle je vois presque tout le monde, Monsieur, de [...]
Mots clefs :
Bordeaux, Ville, Latin, Prononciation, Étymologie, Burdigala, Langue, Garonne
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
REPONSE à la Lettre inseree dans
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
le Mercure du mois dernier , au sujet
du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Lo
'Habitude dans laquelle je vois pres
toute
que tout le monde , Monsieur , de
dire et d'écrire Bordeaux et non Bourdeaux
, ne m'a pas empêché de trouver
tout ce que vous dites pour soutenir ce
dernier sentiment , fort ingénieux ; mais
trouvez bon aussi que je vous dise ce
qu'on peut alleguer en faveur de Bordeaux.
Je ne conviens pas dabord que cette
derniere prononciation ne soit fondée
que
660 MERCURE DE FRANCE
que sur l'imagination de ceux qui ont
crû que cette Ville avoit pris son nom
du bord des Eaux où elle est située . Leur
raison pourroit y avoir encore plus de
part , et s'il n'est rien de si ordinaire que
de donner aux hommes des noms pris
des lieux de leur naissance , n'aura- t'il
pas été permis aux Fondateurs de cette
Ville d'avoir tiré son nom de sa situation
et de l'avoir appellée Bordeaux , à
cause qu'ils l'avoient bâtie sur le bord
des eaux Elle est , en effet , toute entourée
d'eaux , ayant au Levant celles de
la Garonne ; au Couchant , celles qui
viennent des Landes , qui forment pendant
quelques mois une petite Mer au
derriere du Palais Archiepiscopal , et au
Midy , les Ruisseaux qui viennent de
Begle , ce qui a fait porter à cette Capitale
de la Guyenne le nom de Bordeaux
, par une très- juste et très - judicieuse
Etymologie.
S'il se trouve quelques Auteurs qui
l'ayent nommée Bourdeaux , en y ajou
tant un u , il faut plutôt regarder cette
addition comme un deffaut du Pays et
une corruption du nom , que comme une
prononciation naturelle.
Ainsi , puisque nous trouvons la véritable
cause de ce nom dans la propre
assiette
AVRIL. 1733. 661
assiette de la Ville , il est inutile d'aller
la chercher dans ces sales idées de débauche
; car quel rapport y a t'il entre
les bords de ces eaux et ses endroits qu'on
ne sçauroit nommer sans blesser la pudeur?
L'exemple d'un Romain , qui par
magnificence , fait poser des Tentes sur
un Rivage , et qui s'y va réjouir avec de
petites Bourgeoises, parmi tous les excès de
la profusion et du luxe , n'établit aucune
preuve de l'allusion que vous faites.
Quoiqu'Ausone ait dit que Bordeaux
étoit le lieu de sa naissance , Burdigala
natale solum , ce n'est pas une conséquence
que le mot Latin Burdigala soit plus
ancien que celui que cette Ville porte
aujourd'hui , se pouvant faire qu'il ait
été inconnu dans la Guyenne jusqu'au
temps que les Romains conquirent cette
Province et que les vaincus commencerent
à y parler la Langue des vainqueurs,
c'est- à - dire , près de deux siecles et demi
avant la naissance d'Ausone.
Ce n'est donc pas dans le Latin qu'on
doit chercher l'origine du nom de Bordeaux
, et il semble que vous en convenez
, puisque vous voulez bien avoir
recours au Ruisseau de la Bourde et de
Falle , qui sont deux noms que la Latinité
ne revendiquera jamais. Ils ne sont
pas,
662 MERCURE DE FRANCE
- pas , dites - vous , éloignez de la Ville ;
vous en portez vous- même la preuve ,
puisque vous les faites entrer dans la Garonne
par l'endroit où est à présent l'Eglise
S. Pierre ; mais , Monsieur , tout le
monde ne conviendra pas avec vous de
la jonction que vous faites de ces deux
Ruisseaux , étant très - constant que la
Bourde se décharge dans la Garonne à
un quart de lieue au -dessus de Bordeaux
et la Jalle a plus d'une licüe au - dessous.
Il n'y a pas même d'apparence qu'un petit
Ruisseau tel que la Bourde , presque
inconnu , ait donné le nom à une grande
Ville arrosée de la Garonne et entou
rée de Marais .
Laissant donc là la Bourde , vous me
permettrez , s'il vous plaît , Monsieur ,
de m'en tenir à mon premier sentiment.
Je demeure d'accord que l'u des Latins
se change souvent dans le François en
ou; les exemples que vous en citez sont
familiers , mais vous ne disconviendrez
pas aussi que les Gascons ne changent
l'o des François en ou ; par exemple , nous
disons en François mordu , corde , borner ,
orner , border , cocher , orme , & c . et les
Gascons changeant l'o en on , disent mourdt
, courde , bourna , ourna , bourda , couchei,
ourme , &c. ce qui fait qu'au lieu de
proAVRIL.
1733 663
prononcer Bordeaux , conformément à
son Etymologie , on a prononcé en Gascon
Bourdeaux , et comme cette prononciation
a été generale , lorsque dans la
suite on a parlé François , on y a retenu
l'ou de la prononciation Gasconne , et delà
vient qu'on a dit Bourdeaux , le vulgaire
par ignorance , et les habiles gens par fau
te d'attention . Il s'en est cependant trouvé
qui ont retenu la pureté de la prononciation
Françoise, et qui out dit Bordeaux
, suivant l'Etymologie naturelle du
nom. Tels sont le P. Monet et l'illustre
M. Nicod , Maitre des Requêtes , dans
les deux sçavans Dictionnaires qu'ils ont
faits , où ils ne paroissent pas moins habiles
dans lå Langue Françoise que dans
la Latine. Calepin prononce Bordeaux
comme eux , et Michel - Antoine Baudran
dans sa Géographie , imprimée à Paris
en 1661. expliquant ces mots Burdigalensis
ager , dit , le Pays Bordelois. Burdipalensis
sinus , la Baye de Bordeaux .
Vous m'opposerez , sans doute , que
ces autoritez ne sont pas du poids de
celles de M. le Maître , de M. Pelisson
et du Pere Bouhours ; mais je répondrai
à l'égard de ce dernier , que s'il a décidé
en faveur de Bourdeaux , peut - être
ya- t'il eu dans sa décision un peu d'amour
664 MERCURE DE FRANCE
mour
propre ,
en conservant
l'ou dans
la premiere
sillabe du nom de Bourdeaux
,
parce qu'il se trouve dans la premiere
du sien. Pour l'autorité
de M. le Maître,
il se peut faire que quand il a composé
son Plaidoyer
, il se soit plus attaché à
la substance
des choses , qu'à l'écorce des
paroles , suivant la maxime
du Jurisconsulte.
Scire leges non est earum verba , seď
mentem tenere .
Lorsque M. Pelisson a écrit l'Histoire
de l'Académie , il n'a pas prétendu y
donner des regles pour la Langue , non
plus que M. le Maître dans son Plaidoyer.
Les Géographes que vous alleguez ont
laissé Bourdeaux écrit dans leurs Cartes,
comme ils l'ont trouvé dans celles qu'ils
ont réformées , et ils n'ont eu en vûë
que cette réformation et non pas celle
de la Langue ; en un mot, il faut toû
jours revenir à l'ancienne Etymologie ,
qui se trouvant autorisée par l'usage , on
ne doit pas balancer à se déterminer en
sa faveur. Ainsi l'usage d'aujourd'hui
étant pour Bordeaux , comme on peut le
remarquer en tous ceux qui parlent le
mieux , il faut suivre, cet usage qui n'a
rien que de doux et d'agréable à l'oreille.
Après le Latin vous avez eu recours au
Grec. Les Grecs prononcent , dites - vous,
Bour
AVRIL. 1733. 665
Bourdegala , le François qui a beaucoup
d'affinité avec le Grec , selon vous , doit
retenir la prononciation de l'ou; mais puisque
notre Langue n'en a pas moins avec
le Latin , qui de votre aveu , prononce
l'u comme les Grecs , témoin yotre Loucoullous
, il faudroit par la même raison
prononcer les venant du Latin ;
comme s'il y avoit ou. Ainsi au lieu de
muse , venant de musa , on diroit mouse ,
au lieu de peinture , pictura , on diroit
peintoura , ce qui produiroit de très - grandes
difformitez dans la Langue , et montre
assez que dans la prononciation Françoise
, on ne doit avoir égard ni à la Grecque
ni à la Latine , et qu'il faut suivre
uniquement celle qui se trouve établic
par le bel usage.
Mais enfin , Monsieur , pourquoi voulez
-vous persuader que Bordeaux vienne
de Burdigala , puisqu'il est plus naturel
que Burdigala ait été formé de Bordeaux,
cette Ville , comme je l'ai déja remarqué,
ayant été très- considerable , suivant le
témoignage de Strabon , dans le temps
que les Romains y mirent le pied ? Ainsi
le nom de Bordeaux imposé à la Ville
par ceux qui la bâtirent , étoit plus ancien
que le Latin Burdigala , à moins de
dire , pour favoriser notre décision que
Bur666
MERCURE DE FRANCE
Burdigala est composé du mot Espagnol
Burgo. , qui signifie Bourg , et de Gala ,
qui veut dire propreté et bonne grace ;
desorte la Ville n'étant encore qu'une
que
Bourgade dans son commencement , il
se pourroit faire qu'elle fût appellée par
ses Habitans , qui avoient eû , sans doute,
commerce avec les Espagnols , et qui parloient
quelque peu leur langage , Burgo
de Gala , c'est - à- dire , Bourg dont les Habitans
étoient propres et de bon air , et
par succession de temps , en retranchant
go , on en fit Burdegala , qui est le mot
Latin dont l'origine vous a assez occupé.
Voilà , Monsieur , une Etymologie heureuse
, puisqu'elle a l'avantage de tomber
dans votre sens , et elle ne convient pas
mal aux Habitans de cette Ville , singulierement
aux femmes , n'y en ayant gueres
ailleurs qui se mettent plus propre.
ment. Mais puisque je vous donne une
Etymologie qui doit , sans doute , vous
faire plaisir , vous ferez bien cette justice
au Public de lui passer celle de Bordeaux
et de ne pas refuser aux Rivages de cette
Ville qui présentent à toutes les Nations
un abord si agréable , l'honneur de lui
avoir donné le nom. Je suis , &c.
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Résumé : RÉPONSE à la Lettre inserée dans le Mercure du mois dernier, au sujet du nom de Bordeaux ou Bourdeaux.
Le texte discute de l'orthographe correcte du nom de la ville de Bordeaux. L'auteur reconnaît les arguments en faveur de 'Bourdeaux' mais soutient que 'Bordeaux' est la prononciation correcte. Il explique que 'Bordeaux' dérive de la situation géographique de la ville, entourée d'eaux, et que cette étymologie est plus logique que les autres propositions. L'auteur rejette l'idée que 'Bourdeaux' soit une corruption du nom et affirme que l'ajout du 'u' est une erreur. Il cite plusieurs auteurs et dictionnaires qui utilisent 'Bordeaux' et critique ceux qui préfèrent 'Bourdeaux' pour des raisons de vanité ou de négligence. L'auteur conclut que l'usage actuel et l'étymologie naturelle du nom favorisent 'Bordeaux'. Il propose également une étymologie alternative selon laquelle 'Burdigala' pourrait dériver de 'Bordeaux', mais il insiste sur le fait que 'Bordeaux' est le nom originel et correct.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 165-172
REMARQUES de M....... de la Société littéraire d'Arras, sur quelques points de prononciation & d'ortographe.
Début :
Il est surprenant que lorsqu'on a publié de nouveau dans les Opuscules sur la [...]
Mots clefs :
Société littéraire d'Arras, Prononciation, Grammaire, Orthographe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMARQUES de M....... de la Société littéraire d'Arras, sur quelques points de prononciation & d'ortographe.
REMARQUES de M....... de la
Société littéraire d'Arras , fur quelques
points de prononciation & d'ortographe.
Left furprenant que lorfqu'on a publié
de nouveau dans les Opufcules fur la
langue Françoife , les Effais de grammaire
de feu M. l'Abbé de Dangeau , on air
obmis de rectifier , par quelques notes ,
plufieurs endroits de cet ouvrage eſtimable
, dans lesquels on ne trouve pas toute
l'exactitude poffible . Je vais tâcher d'y fuppléer
, du moins par rapport aux articles
qui regardent la prononciation .
L'Abbé de Dangeau enfeigne ( pages 10
& 12 des Opufcules ) qu'outre le fon qui
répond à la lettre o , nous avons un fon
plus fourd repréfenté par la fauffe diphtongue
au. Suivant la maniere dont cette diftinction
eft annoncée , il femble que le fon
• , quand il eft clair , foit toujours exprimé
paro ; & que ce ſon , lorsqu'il est fourd ,
foit toujours rendu par an. Quoique cela
arrive ordinairement , il y a bien des exemples
du contraire : au eft clair & bref dans
chapeau , autorité , &c. & a eft fourd &
long dans globe , foffe , tome , &c,
166 MERCURE DE FRANCE.
Page 13. Selon l'Abbé de D. les mots
berger & leger font une rime normande .
Il est vrai que de fon tems on prononçoit
la feconde fyllabe de léger avec un e ouvert
; mais à préfent la plupart font cet e
fermé , & léger rime très -bien avec berger.
Pages 13 , 38 & autres , l'Auteur , en
difant que le fon de la voyelle finale eft .
une ouvert dans exprès & amer , dans j'irois
& il alloit , ne fait point affez connoître
la différence qu'il y a entre l'e fimplement
ouvert & l'e très - ouvert .
Page 15. Notre e muet , dit l'Abbé de
D. ne fe trouve ni dans le Latin , ni
dans l'Efpagnol , ni dans l'Italien « . Le
fon dont il s'agit n'eft pas exprimé dans
l'ortographe de ces langues : il n'y eft marqué
par aucun caractere ; mais il n'y exiſte
pas moins dans la prononciation , car on
ne fçauroit prononcer une confonne finale
fans faire entendre à fa fuite un fon obfeur
& fourd , qui eft celui de l'e muet ou
féminin : tel & telle fe prononcent à peu
près de même .
Page 17. En traitant de nos voyelles
nazales an , en , in , on , un , l'auteur avance
qu'on pourroit les appeller esclavones , pare
ce que les peuples qui parlent cette langue
ont des caracteres particuliers pour les exprimer.
M. l'Abbé Antonini convient ,
JANVIER. 1755. 167
dans fa Grammaire Françoife , que ces peu,
ples mettent quelquefois une efpéce de
cédille au-deffous de l'e , pour marquer la
fuppreffion de l'n fuivante ; mais il penfe
que cette cédille ne fert pas plus à defigner
un fon nazal que le tiret dont nous fai
fions autrefois ufage pour indiquer auffi le
retranchement de l'n ou de l'm . Le moyen
d'éclaircir la question eft de voir fi la cédille
de la langue esclavone s'employe ou
ne s'employe pas quand l'n dont elle tient
lieu fait fa fonction de confonne , comme
dans les mots françois venez , finiffez , où
cette lettre ne marque point la nazalité du
fon qui la précéde. >
Page 21. L'Abbé de D. dit que pour
éviter le bâillement qui fe trouye entre les
deux derniers mots de ce vers de Quinault
,
Ah! j'attendrai long- tems ; la nuit eft loin encore.
les Muficiens ont recours à différens expédiens
dont l'un eft de mettre un petit g
après loin , & de prononcer la nuit eft loing
encore. Je ne fçai fi cette prononciation
pouvoit être fupportable il y a cinquante
ans , mais elle feroit aujourd'hui bien ridicule
,
Page 35. L'Auteur prétend qu'il y a dans
le mot entier une diphtongue compofée
168 MERCURE DE FRANCE.
de l'i & de l'e ouvert. On y met préfentement
un e fermé auffi bien que dans les
autres adjectifs en ier , excepté fier & altier
; & on ne prononce pas ordinairement
I'r de tous ces adjectifs , qui fe prononçoit
au commencement de ce fiécle , s'il
faut en croire l'Abbé Regnier Deſmarais ,
dont la Grammaire parut en 1706.
Page 48. Après avoir expofé ce qui diftingue
les confonnes foibles , qui font b ,
v , d , g , z , j , d'avec les fortes , qui font
P , f, t , k , s , ch , l'Abbé de D. s'exprime
il Y
ainfi .
ور
b
Que fi dans quelque mot propre
a pour finale un ou un d , comme dans
» Aminadab , ou David , on prononcera
» naturellement Davit , Aminadap ; & fi
» l'on veut s'efforcer à prononcer le d & le
» b , on prononcera
néceffairement
un petit
» e feminin , pour donner lieu à la pleine
prononciation du b & du d , qui , comme
j'ai dit , ne peuvent être finales.
»
Il me femble qu'on prononce naturellement
& aifément Aminadab & David comme
ils font écrits. Si nos organes , en faifant
fonner le bou le dà la fin de ces mots ,
y ajoutent néceffairement un e feminin , ils
l'ajoutent certainement auffi après le p & le
t, & toute autre confonne finale , ainfi que
je l'ai déja remarqué,
Page
JANVIER. 1753 . 189
Page 85. Suivant ce que dit l'Auteur ,
la lettre double ch fe prononce comme un
k dans Acheron. L'ufage me paroît maintenant
partagé fur ce point : j'ai entendu
prononcer Akéron à l'Opéra , & Acheron
à la Comédie Françoiſe.
Page 96. L'Abbé de D. blâme ceux qui
au lieu de prononcer a - yant , a-yez , prononcent
eyant , eyez , comme fi l'y tenoit
dans ces mots la place de deux i. La prononciation
de l'a s'eft confervée dans aïant ;
mais je crois qu'on prononce affez généralement
erez , & non aïez.
g Page 101. Sur la prononciation du
» dur & du c dur ou du k , il faut remar-
» quer qu'en François devant les e fermés ,
» lese ouverts & la voyelle eu , on pro-
» nonce ces deux confonnes un peu mouil-
» lées , & comme s'il y avoit un petit i . On
» prononce guérir , comme s'il y avoitguié-
» rtr ; rigueur , comme s'il avoit riguieur ;
queftion , comme s'il y avoit quicftion
» vainqueur , comme s'il y avoit vainquieur.
J'ignore fi la prononciation a varié fur
cet article depuis que l'Abbé de D. compofa
ces Effais ; mais mon oreille n'a jamais
fenti l'addition du fon de l'i dans les
mots qui font l'objet de fa réflexion.
"
Cet Abbé eft d'avis qu'il faut prononcer
par uni nazal & non par ain , les mots
H
170 MERCURE DE FRANCE.
qui commencent par la négative in , comme
ingrat , infidéle . C'eft auffi le fentiment
du P. Buffier & de l'Abbé Girard ; mais
M. Reftaut affûre le contraire , ainſi que
M. Duclos , dans fes Remarques fur la
Grammaire générale & raisonnée , dont il a
donné depuis peu une nouvelle édition ;
& il ſe rencontre une oppofition finguliere
dans les termes dont le P. Buffier & M.
Duclos fe fervent à ce fujer.
Prononcez infini , imprudent , dit le premier
, & non pas ènfini , èmprudent , comme
fait le peuple de Paris. Il répete la
même décifion dans un autre endroit , en
joignant quelques beaux efprits de province
à ces bourgeois de Paris , qui , felon
lui , alterent la bonne prononciation .
D'un autre côté , M. Duclos penfe que
l'i nazal eſt un fon provincial qui n'eſt
d'ufage ni à la Cour , ni à la Ville. » Ileft
» vrai , ajoute- t-il , que l'i nazal s'eft in-
» troduit au théâtre ; mais il n'en eft pas
» moins vicieux , puifqu'il n'eft pas autorifé
par le bon u fage , auquel le théâtre
eft obligé de fe conformer , comme la
chaire & le barreau .
L'opinion de M. Duclos me paroît juſtifiée
par l'ufage actuel , fi ce n'eft à l'égard
du chant , où l'on employe communément
le fon de l'i nazal , dans le cas dont
il s'agit ici .
JANVIER . 1755. 171
M. Duclos, dans fon édition de la Grammaire
générale & raisonnée , a laiffé l'ortographe
commune dans le texte du livre ,
parce qu'il ne s'eft pas cru en droit d'y rien
changer ; mais agiffant avec plus de liberté
dans les Remarques , qui étoient fon propre
ouvrage , il y a donné le précepte &
l'exemple d'une ortographe plus analogue
à la prononciation.
Un de nos Journaliſtes , en rendant
compte de cette production de M. Duclos,
fi précieufe à beaucoup d'égards , a apporté
de fort bonnes raifons pour maintenir
l'ortographe ordinaire ; mais parmi ces
raifons il lui en eft échappé une qui ne
me paroît pas fans replique : » Si l'on
établit , dit ce Journaliſte , qu'il faut
» écrire comme l'on parle , toutes les pro-
» vinces du Royaume écriront autrement
qu'on n'écrira à Paris , puifqu'elles par-
» lent autrement. » Ne pourroit - on pas
dire au contraire , que s'il y avoit un motif
affez fort pour exciter à réformer l'ortographe
, ce feroit cette diverfité même
de prononciation dans les différentes provinces
? Car le but des amateurs de la
réforme ne fçauroit être d'autorifer chaque
particulier à écrire comme il parle : ils
veulent fans doute qu'une nouvelle ortographe
, adoptée par l'Académie Françoiſe,
39
Hij
172 MERCURE
DE FRANCE
.
& par les bons auteurs qui vivent à Paris
ou à la Cour , fixe la vraie prononciation
,
& l'enſeigne aux habitans des provinces
'qui ont une prononciation
défectueufe.
Sans toucher au fond de l'ortographe , il
feroit peut-être affez à propos d'y introduire
encore quelques changemens peu
effentiels , & de la nature de ceux que l'Académie
a légitimés dans la nouvelle édition
de fon Dictionnaire , tels que le chanla
gement de l'y en i à la fin des mots ,
fuppreffion de plufieurs confonnes muettes
, &c. Mais on doit bien fe garder d'écrire
éxélent , éxeption , au lieu d'excellent ,
exception ; car l'x n'a dans ces mots que
la valeur d'un kou d'un c dur , & il y occafionneroit
une équivoque , s'il n'étoit
fuivi d'un c . Une telle nouveauté , outre
l'atteinte qu'elle porteroit à l'étymologie ,
induiroit à prononcer éxéllent , éxeption ,
par gz, comme on prononce éxamen , éxem-
-ple , exorde , & tous les autres mots qui
commencent par ex , fuivis immédiatement
d'une voyelle,
Société littéraire d'Arras , fur quelques
points de prononciation & d'ortographe.
Left furprenant que lorfqu'on a publié
de nouveau dans les Opufcules fur la
langue Françoife , les Effais de grammaire
de feu M. l'Abbé de Dangeau , on air
obmis de rectifier , par quelques notes ,
plufieurs endroits de cet ouvrage eſtimable
, dans lesquels on ne trouve pas toute
l'exactitude poffible . Je vais tâcher d'y fuppléer
, du moins par rapport aux articles
qui regardent la prononciation .
L'Abbé de Dangeau enfeigne ( pages 10
& 12 des Opufcules ) qu'outre le fon qui
répond à la lettre o , nous avons un fon
plus fourd repréfenté par la fauffe diphtongue
au. Suivant la maniere dont cette diftinction
eft annoncée , il femble que le fon
• , quand il eft clair , foit toujours exprimé
paro ; & que ce ſon , lorsqu'il est fourd ,
foit toujours rendu par an. Quoique cela
arrive ordinairement , il y a bien des exemples
du contraire : au eft clair & bref dans
chapeau , autorité , &c. & a eft fourd &
long dans globe , foffe , tome , &c,
166 MERCURE DE FRANCE.
Page 13. Selon l'Abbé de D. les mots
berger & leger font une rime normande .
Il est vrai que de fon tems on prononçoit
la feconde fyllabe de léger avec un e ouvert
; mais à préfent la plupart font cet e
fermé , & léger rime très -bien avec berger.
Pages 13 , 38 & autres , l'Auteur , en
difant que le fon de la voyelle finale eft .
une ouvert dans exprès & amer , dans j'irois
& il alloit , ne fait point affez connoître
la différence qu'il y a entre l'e fimplement
ouvert & l'e très - ouvert .
Page 15. Notre e muet , dit l'Abbé de
D. ne fe trouve ni dans le Latin , ni
dans l'Efpagnol , ni dans l'Italien « . Le
fon dont il s'agit n'eft pas exprimé dans
l'ortographe de ces langues : il n'y eft marqué
par aucun caractere ; mais il n'y exiſte
pas moins dans la prononciation , car on
ne fçauroit prononcer une confonne finale
fans faire entendre à fa fuite un fon obfeur
& fourd , qui eft celui de l'e muet ou
féminin : tel & telle fe prononcent à peu
près de même .
Page 17. En traitant de nos voyelles
nazales an , en , in , on , un , l'auteur avance
qu'on pourroit les appeller esclavones , pare
ce que les peuples qui parlent cette langue
ont des caracteres particuliers pour les exprimer.
M. l'Abbé Antonini convient ,
JANVIER. 1755. 167
dans fa Grammaire Françoife , que ces peu,
ples mettent quelquefois une efpéce de
cédille au-deffous de l'e , pour marquer la
fuppreffion de l'n fuivante ; mais il penfe
que cette cédille ne fert pas plus à defigner
un fon nazal que le tiret dont nous fai
fions autrefois ufage pour indiquer auffi le
retranchement de l'n ou de l'm . Le moyen
d'éclaircir la question eft de voir fi la cédille
de la langue esclavone s'employe ou
ne s'employe pas quand l'n dont elle tient
lieu fait fa fonction de confonne , comme
dans les mots françois venez , finiffez , où
cette lettre ne marque point la nazalité du
fon qui la précéde. >
Page 21. L'Abbé de D. dit que pour
éviter le bâillement qui fe trouye entre les
deux derniers mots de ce vers de Quinault
,
Ah! j'attendrai long- tems ; la nuit eft loin encore.
les Muficiens ont recours à différens expédiens
dont l'un eft de mettre un petit g
après loin , & de prononcer la nuit eft loing
encore. Je ne fçai fi cette prononciation
pouvoit être fupportable il y a cinquante
ans , mais elle feroit aujourd'hui bien ridicule
,
Page 35. L'Auteur prétend qu'il y a dans
le mot entier une diphtongue compofée
168 MERCURE DE FRANCE.
de l'i & de l'e ouvert. On y met préfentement
un e fermé auffi bien que dans les
autres adjectifs en ier , excepté fier & altier
; & on ne prononce pas ordinairement
I'r de tous ces adjectifs , qui fe prononçoit
au commencement de ce fiécle , s'il
faut en croire l'Abbé Regnier Deſmarais ,
dont la Grammaire parut en 1706.
Page 48. Après avoir expofé ce qui diftingue
les confonnes foibles , qui font b ,
v , d , g , z , j , d'avec les fortes , qui font
P , f, t , k , s , ch , l'Abbé de D. s'exprime
il Y
ainfi .
ور
b
Que fi dans quelque mot propre
a pour finale un ou un d , comme dans
» Aminadab , ou David , on prononcera
» naturellement Davit , Aminadap ; & fi
» l'on veut s'efforcer à prononcer le d & le
» b , on prononcera
néceffairement
un petit
» e feminin , pour donner lieu à la pleine
prononciation du b & du d , qui , comme
j'ai dit , ne peuvent être finales.
»
Il me femble qu'on prononce naturellement
& aifément Aminadab & David comme
ils font écrits. Si nos organes , en faifant
fonner le bou le dà la fin de ces mots ,
y ajoutent néceffairement un e feminin , ils
l'ajoutent certainement auffi après le p & le
t, & toute autre confonne finale , ainfi que
je l'ai déja remarqué,
Page
JANVIER. 1753 . 189
Page 85. Suivant ce que dit l'Auteur ,
la lettre double ch fe prononce comme un
k dans Acheron. L'ufage me paroît maintenant
partagé fur ce point : j'ai entendu
prononcer Akéron à l'Opéra , & Acheron
à la Comédie Françoiſe.
Page 96. L'Abbé de D. blâme ceux qui
au lieu de prononcer a - yant , a-yez , prononcent
eyant , eyez , comme fi l'y tenoit
dans ces mots la place de deux i. La prononciation
de l'a s'eft confervée dans aïant ;
mais je crois qu'on prononce affez généralement
erez , & non aïez.
g Page 101. Sur la prononciation du
» dur & du c dur ou du k , il faut remar-
» quer qu'en François devant les e fermés ,
» lese ouverts & la voyelle eu , on pro-
» nonce ces deux confonnes un peu mouil-
» lées , & comme s'il y avoit un petit i . On
» prononce guérir , comme s'il y avoitguié-
» rtr ; rigueur , comme s'il avoit riguieur ;
queftion , comme s'il y avoit quicftion
» vainqueur , comme s'il y avoit vainquieur.
J'ignore fi la prononciation a varié fur
cet article depuis que l'Abbé de D. compofa
ces Effais ; mais mon oreille n'a jamais
fenti l'addition du fon de l'i dans les
mots qui font l'objet de fa réflexion.
"
Cet Abbé eft d'avis qu'il faut prononcer
par uni nazal & non par ain , les mots
H
170 MERCURE DE FRANCE.
qui commencent par la négative in , comme
ingrat , infidéle . C'eft auffi le fentiment
du P. Buffier & de l'Abbé Girard ; mais
M. Reftaut affûre le contraire , ainſi que
M. Duclos , dans fes Remarques fur la
Grammaire générale & raisonnée , dont il a
donné depuis peu une nouvelle édition ;
& il ſe rencontre une oppofition finguliere
dans les termes dont le P. Buffier & M.
Duclos fe fervent à ce fujer.
Prononcez infini , imprudent , dit le premier
, & non pas ènfini , èmprudent , comme
fait le peuple de Paris. Il répete la
même décifion dans un autre endroit , en
joignant quelques beaux efprits de province
à ces bourgeois de Paris , qui , felon
lui , alterent la bonne prononciation .
D'un autre côté , M. Duclos penfe que
l'i nazal eſt un fon provincial qui n'eſt
d'ufage ni à la Cour , ni à la Ville. » Ileft
» vrai , ajoute- t-il , que l'i nazal s'eft in-
» troduit au théâtre ; mais il n'en eft pas
» moins vicieux , puifqu'il n'eft pas autorifé
par le bon u fage , auquel le théâtre
eft obligé de fe conformer , comme la
chaire & le barreau .
L'opinion de M. Duclos me paroît juſtifiée
par l'ufage actuel , fi ce n'eft à l'égard
du chant , où l'on employe communément
le fon de l'i nazal , dans le cas dont
il s'agit ici .
JANVIER . 1755. 171
M. Duclos, dans fon édition de la Grammaire
générale & raisonnée , a laiffé l'ortographe
commune dans le texte du livre ,
parce qu'il ne s'eft pas cru en droit d'y rien
changer ; mais agiffant avec plus de liberté
dans les Remarques , qui étoient fon propre
ouvrage , il y a donné le précepte &
l'exemple d'une ortographe plus analogue
à la prononciation.
Un de nos Journaliſtes , en rendant
compte de cette production de M. Duclos,
fi précieufe à beaucoup d'égards , a apporté
de fort bonnes raifons pour maintenir
l'ortographe ordinaire ; mais parmi ces
raifons il lui en eft échappé une qui ne
me paroît pas fans replique : » Si l'on
établit , dit ce Journaliſte , qu'il faut
» écrire comme l'on parle , toutes les pro-
» vinces du Royaume écriront autrement
qu'on n'écrira à Paris , puifqu'elles par-
» lent autrement. » Ne pourroit - on pas
dire au contraire , que s'il y avoit un motif
affez fort pour exciter à réformer l'ortographe
, ce feroit cette diverfité même
de prononciation dans les différentes provinces
? Car le but des amateurs de la
réforme ne fçauroit être d'autorifer chaque
particulier à écrire comme il parle : ils
veulent fans doute qu'une nouvelle ortographe
, adoptée par l'Académie Françoiſe,
39
Hij
172 MERCURE
DE FRANCE
.
& par les bons auteurs qui vivent à Paris
ou à la Cour , fixe la vraie prononciation
,
& l'enſeigne aux habitans des provinces
'qui ont une prononciation
défectueufe.
Sans toucher au fond de l'ortographe , il
feroit peut-être affez à propos d'y introduire
encore quelques changemens peu
effentiels , & de la nature de ceux que l'Académie
a légitimés dans la nouvelle édition
de fon Dictionnaire , tels que le chanla
gement de l'y en i à la fin des mots ,
fuppreffion de plufieurs confonnes muettes
, &c. Mais on doit bien fe garder d'écrire
éxélent , éxeption , au lieu d'excellent ,
exception ; car l'x n'a dans ces mots que
la valeur d'un kou d'un c dur , & il y occafionneroit
une équivoque , s'il n'étoit
fuivi d'un c . Une telle nouveauté , outre
l'atteinte qu'elle porteroit à l'étymologie ,
induiroit à prononcer éxéllent , éxeption ,
par gz, comme on prononce éxamen , éxem-
-ple , exorde , & tous les autres mots qui
commencent par ex , fuivis immédiatement
d'une voyelle,
Fermer
Résumé : REMARQUES de M....... de la Société littéraire d'Arras, sur quelques points de prononciation & d'ortographe.
Le texte critique les ouvrages de grammaire de l'Abbé de Dangeau, publiés dans les *Opuscules sur la langue française*, en soulignant plusieurs inexactitudes concernant la prononciation et l'orthographe. L'auteur conteste notamment la distinction faite par l'Abbé de Dangeau entre les sons représentés par 'o' et 'au'. Il note que des mots comme 'chapeau' et 'autorité' ont un 'au' clair et bref, tandis que 'globe' et 'tome' ont un 'a' long et sourd. De plus, il mentionne que les mots 'berger' et 'léger' riment bien ensemble, contrairement à ce que prétend l'Abbé de Dangeau. Le texte aborde également la présence de l'e muet en français, qui n'est pas marqué dans l'orthographe du latin, de l'espagnol ou de l'italien, bien qu'il existe dans la prononciation. Il discute des voyelles nasales et de la prononciation des consonnes finales. L'auteur critique la prononciation de certains mots comme 'entier' et 'Aminadab', et examine les variations dans la prononciation des mots commençant par 'in'. Enfin, le texte traite de l'orthographe et de la nécessité de la réformer pour qu'elle reflète mieux la prononciation. Il souligne l'importance d'éviter les équivoques et de respecter l'étymologie des mots.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 211-213
L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
Début :
Une chose qui doit donner de grandes espérances dans les sciences [...]
Mots clefs :
Sciences, Découvertes, Mutisme, Apprendre à parler, Surdité, M. Ernaud, Guérison, Prononciation, Certificat
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
L'ART de faire parler les Sourds & Muets .
UNE chofe qui doit donner de grandes efpérances
dans les fciences & dans les arts , c'est que
l'on y a fouvent fait des découvertes qu'on n'efpéroit
pas y jamais faire , & dont on n'avoit pas
même l'idée. Jufqu'à ces derniers temps , par
exemple , où l'on eft parvenu à faire parler des
muets de naiffance , on n'avoit pas imaginé feulement
la chofe poffible. On regardoit les muets
de naiffance comme moins guériffables qu'aucuns
autres ; il fembloit que la nature elle- même , par
quelque malin vouloir , eût mis un cachet fur
leur langue pour les empêcher éternellement d'articuler.
Cependant ce font ces muets- là même
qu'il eft plus poffible de faire parler , que ceux
qui le font devenus par des accidens : ils ne font
reftés muets que parce qu'ils étoient fourds , les
organes de la parole ne leur manquent pas : ils font
feulement plus embarraffés par le défaut d'exercice.
Comme donc ces muets le font en conféquence
de leur furdité , il faut , pour ainfi dire ,
leur faire voir des fons , puis les exercer à les rendre
. Voilà quel eft l'art de M. Ernaud , qui eft à
Paris depuis quelque temps. L'éleve qu'il a amené
de Bordeaux eft né fourd & muet, & a, outre
la furdité , tous les vices d'organes que la nature
pouvoit cumuler , pour qu'il ne lui reftât aucune
efperance , fi bien que, de l'aveu de plufieurs Médecins
célebres , il ne Pauroit jamais fait intelligiblement
, quand il ne feroit pas né fourd. Il a
212 MERCURE DE FRANCE.
le filet coupé trop avant , il a un embarras dans
le gofier dont on ne connoît pas la caufe immédiate
, il a de la difpofition à bégayer , il manque
de falivation , & pardeffus tout cela , il eft
né Irlandois. M. Ernaud a fçu par fon art vaincre
tous ces obftacles , & l'enfant âgé de 13 ans , qui
n'eft que depuis un an entre fes mains , demande
intelligiblement fes befoins , lit à haute voix quelque
livre qu'on lui préfente , répond jufte aux
queftions qu'on lui fait , foit par écrit ou au mouvement
des levres , à quoi il ne fe trompe pas.
L'Académie des fciences a vu & entendu parler
cet enfant ; M. Morand Secrétaire perpétuel de
l'Académie de Chirurgie , l'a vu & entendu auffi ,
& en a donné fon certificat à . M. Ernaud. M. Er
naud vient d'entreprendre , je ne dirai pas la cure
, mais l'inſtruction d'un ſecond éleve ; car il
n'emploie pour cet effet , ni opérations , ni remédes
; mais beaucoup d'art , une connoiffance
peu commune de tous les fons dont la voix peat
être fufceptible & une patience infinie.
Les fourds & muets ne font pas fi rares qu'on
penfe : on ne les croit rares que parce que ces infortunés
déja fi maltraités de la nature , pour com.
ble de difgrace , font encore rélégués par leurs
parens loin de la fociété des hommes , comme
en étant les rebuts. On cache leur malheur , au
lieu d'y remédier , parce qu'on le croit irremédiable
. C'est donc rendre un bon fervice au public,
que d'indiquer un homme qui y remédie.
M. Ernaud promet de plus au public , de corriger
dans toutes fortes de fujets , muets ou non,
le bégayement , le graffeyement , le défaut de
falivation , & généralement tous les vices de conformation
d'organes. Sa méthode est toujours
également fimple. Quelque difficulté qu'ait un béJANVIER.
1758. 213
gue (pour prouver la vérité de ce qu'il avance ),
il lui fait prononcer aisément & fans grimace
quelques mots que ce foit , & cela dans l'inſtant
même, & en très -peu de temps il les fait parler
auffi-bien que tout autre. Il faut s'adreffer chez
M. Julien , Négociant , rue de la vieille monnoie
à Paris.
UNE chofe qui doit donner de grandes efpérances
dans les fciences & dans les arts , c'est que
l'on y a fouvent fait des découvertes qu'on n'efpéroit
pas y jamais faire , & dont on n'avoit pas
même l'idée. Jufqu'à ces derniers temps , par
exemple , où l'on eft parvenu à faire parler des
muets de naiffance , on n'avoit pas imaginé feulement
la chofe poffible. On regardoit les muets
de naiffance comme moins guériffables qu'aucuns
autres ; il fembloit que la nature elle- même , par
quelque malin vouloir , eût mis un cachet fur
leur langue pour les empêcher éternellement d'articuler.
Cependant ce font ces muets- là même
qu'il eft plus poffible de faire parler , que ceux
qui le font devenus par des accidens : ils ne font
reftés muets que parce qu'ils étoient fourds , les
organes de la parole ne leur manquent pas : ils font
feulement plus embarraffés par le défaut d'exercice.
Comme donc ces muets le font en conféquence
de leur furdité , il faut , pour ainfi dire ,
leur faire voir des fons , puis les exercer à les rendre
. Voilà quel eft l'art de M. Ernaud , qui eft à
Paris depuis quelque temps. L'éleve qu'il a amené
de Bordeaux eft né fourd & muet, & a, outre
la furdité , tous les vices d'organes que la nature
pouvoit cumuler , pour qu'il ne lui reftât aucune
efperance , fi bien que, de l'aveu de plufieurs Médecins
célebres , il ne Pauroit jamais fait intelligiblement
, quand il ne feroit pas né fourd. Il a
212 MERCURE DE FRANCE.
le filet coupé trop avant , il a un embarras dans
le gofier dont on ne connoît pas la caufe immédiate
, il a de la difpofition à bégayer , il manque
de falivation , & pardeffus tout cela , il eft
né Irlandois. M. Ernaud a fçu par fon art vaincre
tous ces obftacles , & l'enfant âgé de 13 ans , qui
n'eft que depuis un an entre fes mains , demande
intelligiblement fes befoins , lit à haute voix quelque
livre qu'on lui préfente , répond jufte aux
queftions qu'on lui fait , foit par écrit ou au mouvement
des levres , à quoi il ne fe trompe pas.
L'Académie des fciences a vu & entendu parler
cet enfant ; M. Morand Secrétaire perpétuel de
l'Académie de Chirurgie , l'a vu & entendu auffi ,
& en a donné fon certificat à . M. Ernaud. M. Er
naud vient d'entreprendre , je ne dirai pas la cure
, mais l'inſtruction d'un ſecond éleve ; car il
n'emploie pour cet effet , ni opérations , ni remédes
; mais beaucoup d'art , une connoiffance
peu commune de tous les fons dont la voix peat
être fufceptible & une patience infinie.
Les fourds & muets ne font pas fi rares qu'on
penfe : on ne les croit rares que parce que ces infortunés
déja fi maltraités de la nature , pour com.
ble de difgrace , font encore rélégués par leurs
parens loin de la fociété des hommes , comme
en étant les rebuts. On cache leur malheur , au
lieu d'y remédier , parce qu'on le croit irremédiable
. C'est donc rendre un bon fervice au public,
que d'indiquer un homme qui y remédie.
M. Ernaud promet de plus au public , de corriger
dans toutes fortes de fujets , muets ou non,
le bégayement , le graffeyement , le défaut de
falivation , & généralement tous les vices de conformation
d'organes. Sa méthode est toujours
également fimple. Quelque difficulté qu'ait un béJANVIER.
1758. 213
gue (pour prouver la vérité de ce qu'il avance ),
il lui fait prononcer aisément & fans grimace
quelques mots que ce foit , & cela dans l'inſtant
même, & en très -peu de temps il les fait parler
auffi-bien que tout autre. Il faut s'adreffer chez
M. Julien , Négociant , rue de la vieille monnoie
à Paris.
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Résumé : L'ART de faire parler les Sourds & Muets.
Le texte aborde l'art de faire parler les sourds et muets, une découverte récente. Jusqu'à une époque récente, il était considéré comme impossible de faire parler les muets de naissance, jugés moins guérissables que les autres. Cependant, il s'avère que les muets de naissance, n'ayant jamais exercé leurs organes de la parole, peuvent être rééduqués plus facilement que ceux devenus muets par accident. M. Ernaud, à Paris, a développé une méthode pour enseigner la parole aux sourds-muets. Il a réussi à faire parler un enfant né sourd et muet, malgré divers handicaps physiques, en seulement un an. L'Académie des sciences et M. Morand, secrétaire perpétuel de l'Académie de Chirurgie, ont attesté des progrès de l'enfant. M. Ernaud propose également de corriger le bégaiement, le grasillement et autres vices de conformation des organes de la parole. Sa méthode est simple et efficace, permettant aux sujets de prononcer des mots sans grimace et rapidement. Pour plus d'informations, il est possible de s'adresser à M. Julien, négociant, rue de la vieille monnoie à Paris.
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