Résultats : 71 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 4-30
« Ce n'est point dans celuy-cy que l'Académie Françoise a [...] »
Début :
Ce n'est point dans celuy-cy que l'Académie Françoise a [...]
Mots clefs :
Académie française, Cardinal d'Estrées, Féliciter, Charpentier, Compliment, Honneur, Discours, Éloquence, Académie de Soissons, Compagnie, Mérite, Esprit, Zèle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Ce n'est point dans celuy-cy que l'Académie Françoise a [...] »
Cen'eſtpointdans celuy- cy que l'Academie Françoiſe à
fait complimenter Monfieur le Cardinal d'Eſtrées, qui, comme vous ſçavez,eſt l'undes quaran- te, qui compoſent cette Illuſtre Compagnie ;mais vous ne laif- ferez pas d'eſtre bien-aiſe d'ap- prendre que ces Meffieurs qui ne l'avoient veu depuis ſa Pro- motion au Cardinalat,ne furent
pas plûtoſt avertis de ſon retour à Paris , qu'ils nommerent fix Perſonnes de leur Corps pour f'en aller feliciter. Ces fix furent
Meſſieurs Charpentier , Talle- mantPremierAumônierdeMadame , Teſtu Abbé de Belval,
Tallemant , Prieur de SaintAlbin, l'Abbé Regnier,desMarais.
& de Benferade. Monfieur le
DucdeSaint-Aignan voulutles A ij
4 LE MERCVRE
3
accompagner , & Monfieur le Cardinal d'Eſtrées , qui les re- ceut dans ſon Anti-chambre, les
ayant conduits dans ſa cham- bre, Monfieur Charpentierque lacompagnie avoitchargédela parole, s'acquitta de ſa Com- miſſion ences termes.
M
ONSEIGNEUR,
En nous approchant de
V. E. nous sentons une douce émo- tion , qui n'est pas toutesfois Sans quelquemélange d'amertume.Nous vous revoyons avec les marques de.
la plus hauteDignitéde l'Eglife:
Quelplus agreable spectacle ànos yeux ! Quelle plus ſenſible joye à
nostre cœur ! Mais quandnous nous representons que cette élcvation
vousſepare de nous , &vous arra- che de nos Exercices, qui ont autrefoispartagéles heuresdevostreloi- fir,nousnesçaurionspenser qu'a
GALAN.T. S
Y
vec douleur à une abſence qui nous paroit irréparable. Avostre dé- part , Monseigneur, tous nos Vœux vousaccompagnerent; Nous nefou- haitâmes rien avec plus d'ardeur,
que de vous voir bien-toft revétu de l'éclat , dû à vostre merite , à
vostre naiſſance , &àla grandeur de vosAlliances Royales. Avoſtre...
retour nousvoyons en V. E.l'accom- pliſſement de nos vœux ; mais nous ne vous trouvons plus à l'Acade mie. Hébien , Monseigneur , n'en murmurons point ; Nous vous per dons d'une maniere trop noblepour nous en fâcher. Nous souhaitons mesme de vous perdre encore da- vantage,&que la Pourpre Romai ne, qui vous affocie à la premiere Compagnie de l'Univers,vous place quelque jour , du confentement de toutes les Nations , dans ce Trône
fondésurla Pierre , que toutes les
A iij
6 LE MERCVRE
Puiſſances de l'Enfer nesçauroient ébranler ; Mais pourquoy vous conter perdu pour nous , Monfei- gneur,dansIaugmentation devô- tre gloire, puis que te plus Grand Roy du Monde , Louis le Vain- queur,mais le Vainqueur rapide le Terrible , le Foudroyant , a bien trouvé des momens pour fonger à
nous, parmy lapompe&letumulte defes Triomphes. Que dis-je pour fongerànous ? Ahc'esttropfoible- ment s'expliquerpour tantdegra ecs extraordinaires. Difons plutost pour nous appeller à luy par une adoption glorieuse ; Diſons pour nous établir un répos inébranlable àl'ombre defes Palmes. V.E.Mon- Seigneur ,n'a-t-ellepas admiré cet évenement , &quoy que vousfuf- fiez au Païs des grands Exemples,
quoy que vous riſpiraſfiez le mesme air; que Scipion &que Pompée.
t
GALAN T. ?
Augu- LYON
pûtes -vous apprendre fansfurpri Se, qu'unsi grandMonarqucsedé- clarât le Chefde l'Academie ,
voulût mettre fon NomAuguste à
la teſte d'une LiſtedeGensdeLet- tres ? Vostre Romen'enfut-ellepas étonnée, &nejugea-t-ellepas alors que le Cielpreparoit àla France la mesme profperité , dont l'Empire Romain avoit joüyſous les ftes,ſous les Adriens &fous lesAnTEERD
tonins ? Vous nous avez quitté ,
Monseigneur, dans l'Hôtel Seguier,
Lans l'Hostel d'un Chancelier de
France, Illustre veritablement par faSuprêmeMagiftrature , plus Il.- luftre encoreparses grandesActios.
V. E. nous retrouve dans le Louvre,
dans laMaifon Sacréedenos Rois;
&nos Muſesn'ontplusd'autreſé.. jourqueceluydelaMajesté. Ilfaut nevous rien celer encore de tout ce
qui peut tenirrangparmy.... nosheu- Aij
8 LE MERCVRE
reuſes avantures , puis que V. E. y
prend quelque part. UnArchevéque de Paris, qui honorefa Dignité parfaVertu, parfonEloquence,&
par la Nobleſſe de ſa conduite ; Un Evesque d'une érudition confommée, &que mille autres rares qua- litezont fait choifir pour cultiver les esperances d'un jeuneHéros, de
qui tout l'Univers attend de fi grandes choses ; Vn Duc & Pair également recommandable parfon Esprit &parsa Valeur, & avec
qui toutes les Graces ont fait une alliance eternelle ; des Gouverneurs
de Province ; un President du Par- lement ; pluſieurs Perſonnage's celebres en toutes fortes de Sciences,
Jont les nouveaux Confreres que nous vous avons donnez,fanspar- ler de ce GrandHomme, que l'intime confiance du Prince , un zele in- fatigable pour le bien de l'Etat ,
GALANT. 9
une paſſion ardente pour l'avance- mentdes belles Lettres distinguent affez, pourn'avoirpas besoin d'étre nommé plus ouvertement. L'Academie a fait la plupart de cespré- cieuses acquisitions , tandis que V. E. defendoit nos Droits à Rome,
&s'oppoſoit aux brigues denosEn- nemis . C'eſt fur vos foins &fur ceux de Monsieur le Duc , voſtre
Frere , que la France s'est reposée avecfeuretédefes interests , en un Païs, où déja depuis long-temps le courage , l'intrepidité, &l'amour
de la Patrie , ont rendufameux l
Noms de Cœuvres &d'Estrées.C'est
avec la meſmefermeté que V. E. a
Soûtenu l'honneur de la Couronne
contre les injustes défiances , que la profperitédes Armes du Roy faisoit naiſtre dans des Ames trop timides.
Quels Eloges , quels applaudiffe- mens na-t-ellepoint meritéencore 509
Av
10 LE MERCVRE
-au dernier Conclave ! cettefermetécourageufe&falutaire,qui dans une occafionfi importante n'a pas moins envisagéles avantagesde la Republique Chrestienne , quefuivy leplan des pieuſes intentions de Sa Majesté?ToutelaTerrefçait com- bien ces grandes veuës ont donné de part àV.E. dans l'Exaltation de cePontifice incomparable , àqui lapuretédes mœurs,lemépris des richeſſes , la tendreffc cordiale en vers les Pauvres , l'humilité magnanime des anciens Evesques , &
le parfait dégagement des choses dumonde, avoient acquis larepu.
tation de Sainteté, avant que d'en obtenirle Titre attachéàlaChai
reApostolique. Ilestmal-aiſeaprés:
cela, Monseigneur , que nous ne nous flattions de quelque fecrete complaisance, en voyant qu'ilfort delAcademiedes Princes du Sacré
Y
GALANT.. IF
Senat , &que vostrefuffrage , que nous avons contéquelquefoisparmy les nostres , concourt maintenant
avec le S. Esprit au Gouvernement
defon Eglife. Avancez donc toû- jours , Monseigneur , dans unefi belle route , &permettez-nous de
croire que V. E. confervera quel quessentimens d'affection pourune Compagnie, fur qui Loüis LE GRAND jette desifavorables
regards : Pour une Compagnie, qui aprés laveneration toutefinguliere qu'elle doit avoir pourfon Royal'
Protecteur, n'aurapoint de mouve- ment plus fort , que celuy du Zele qui l'attache àV. E. &qui trou
ucra toûjours une des principales occafions desa joye dans l'accom- pliffement de toutes vosglorieuses entrepriſes..
Il ne faut pas s'étonner ſi le
Avj
12 LE MERCVRE
Public a donné tant d'approba- bation à ce Compliment , puis qu'il amerité celle du Roy , qui ſe l'eſt fait lire à l'Armée par
Monfieur de Breteüil , Lecteur
de Sa Majesté. Auſſi Monfieur le Cardinal d'Eſtrées le receutil d'une maniere tres-obligean- te. Il dit à Ma Charpentier
qu'il n'entreprenoit pointde ré- pondre fur le champ àunDif- cours ſi plein d'Eloquence, mais qu'il le prioit d'aſſurer laCom- pagnie, qu'il ne perdroit jamais le ſouvenir des marques qu'elle luy donnoit du ſien; Qu'il s'en tenoit tellement obligé, qu'il ne lui ſuffiſoit pas del'en remercier,
comme il faifoit , & qu'il vien- droit à l'Academie pour luy en témoigner plus fortement ſa re- connoiſſance. Il s'étendit en- ſuite fur les Loüanges des llu-
:
GALANT. 13 ſtres qui la compofent , & fur le travail du Dictionaire , dont il
demanda particulierement des nouvelles. Il ajoûta , qu'il eſpe- roit beaucoup de la grandeur &de l'exactitude de cette entrepriſe , dont il avoit ſouvent entretenu desGens d'eſprit d'I- talie qui en avoient admiré le Plan ; & aprés quelque conver- fation il reconduifit les Depu- tez juſqu'à la porte de la Salle,
proche le Degré. Il leur tintpa- role quelques jours aprés , &fe trouva au Louvre , à une de Jeurs Seances. Il eſt Protecteur
de l'Academie de Soiffons , où
MonfieurHebert, Treſorier de France , luy avoit déja fait le Compliment qui ſuit au nomde cette Compagnie. Je trouveray l'occafion, Madame, de vous en faire connoiſtre une autrefois le
merite &l'établiſſement.
14 LE MERCVRE
ONSEIGNEUR, MONSQuelle joye ne doit par répandre dans ces lieux l'honneur de vostre prefence aprés une ab- fence fi longue &fiennuyeuse !! Quelle joye pour une Compagnie,
qui vous doit tant , &quivous bonnore,àproportion de ce qu'elle vous doit , devous y voir dans cet
éclat , qui frape aujourd'huy fi agreablement nos yeux & dont
Vidée avoit remplysi long-temps noftre imagination ; Noussçavons bien, Monseigneur, que toutes les Grandeurs humaines estant audef fous de cette élevation d'esprit &
de cette grandeur d'Amc , qui di- ftinguefi excellemment Votre Eminence des autres Hommes , c'est vous rabaiſſer en quelque façon que de vous lower d'une Dignité,
quelque grande quelque élevée
GALAN T.
,vous ne devez.
qu'ellefoit. Mais vous nous per-.
mettrez de vous dire , que regar- dant celle-cy , comme unpur effet de voffre merite
pas trouvermauvaisque nousnous
réjoüisions devousenvoirrevétu,
que nous vousfaſſions reſſouve- nirqu'en augmentant vôtre Gloire,, elle acheve &confomme celle de vostre Maison.. Cettegrande, cette illustre Maiſon,Monseigneur,fub
fiſtoit depuis plusieurs Siecles dans une fplendeur pen commune. Tout ceque laKaleur , unieàla conduite, peut acquerir des Titres écla
tans, tout cequelafidelité,,jointe
aux lumieres , peut procurerd'im
portansEmplois, tout cela, Mon- feigneur, s'y voyoit enfoule &de
tous les Honneurs de laTerre , on
peut dire que laſeule Pourpre luy manquoit. Mais le Ciel qui tra wailloit depuissi long-temps àfon
16 LE MERCVRE
:
1
agrandiſſement , qui par laprodu- Etion continuelle de tant deHéros
qu'il en faifoit fortir fucceßive.. ment , la diſpoſoit pourainſidireà
recevoir cet Honneur , fit naiſtre enfin V.E. avec toutes les Qualitez qui en pouvoient estre dignes.
Vous les reçeutes donc , Monfei- gneur, non pas , commelapluspart des Etrangers, fur lefeulraport de La Renommée , &fur la simple Nomination d'un Prince, qui le de.. mande pour fon Sujet. Rome vit bien deux. Royaumes fe difputer l'avantage de vous le procurer ;
mais avant qu'elle vous l'accordat , Rome vit außi briller à l'enwy ces belles, ces éclatantes Qua- litez. Elle connut voſtre merite,&م
ce fut fans doute ce qui la deter- mina dans cette grande conjon- Eture. Quel honneur pour vous,
Monseigneur, d'avoir acquis par
GALANT. 17 une voyefi belle une Dignitéfifu- blime ! Quelhonneur d'avoir mis le comble àlagloire d'une Maifon des premieres &des plusfameuses de l'Univers ! Mais quel honneur
pour l'Academie de Soiffons , de ſe
pouvoir glorifier d'un tel Prote- Etcur ! Quel honneur pour nous ,
que vostre Eminence ait bien vou
luse charger de ce Titre, &n'ait
Pas dédaignéde le joindre à tant d'autres fi glorieux ! Quelle joye
encore un coup de voir ce Prote- Eteur,&de luyparler !Mais quelle
peine de le voir pour ſi peu de temps , &de luy parlerfans pou- voir parler dignement de luy !
Quelembaras , quelle confusión de de voir tant & de pouvoir si peu
vendre, de fentir une reconnoiſſan- ce qu'on ne peut exprimer ! C'est
pourtant principalement cette re- connoissance , Monseigneur , que nous voudrions bien pouvoir dé.
18 LE MERCVRE
peindre à V. E. Plût àDieu que vous puissiez voir quels mouve mens elle excite dans nos cœurs ,
quels Vœux, quels fouhaits elley
forme. Nous les continuerens,Mon- feigneur, ces Vœux&cesfouhaits ;
&puis que nous ne pouvons autre chose,nousleferons du moinsavec tout le zele &toute l'ardeur dont
noussommes capables. Nous nedi- rons pas icy àVostre Eminence quel prefentement leur obict ; puis qu'il n'y a plus qu'un degré entre Le Ciel &Fous, il n'estpas mal- aisé de le comprendre. Nousvous dirons seulement , Monseigneur ,
qu'il fait quelque chofe de Suprê- me pour recompenfer unefuprême Vertu , qu'ainsi il n'y a rien de fi Grand, ny de fi Haut dans le Monde, où V.E. nepuiffepreten dre avecjustice , &où elle nefoit déja placéeparles ardens &justes defirs de cette Compagnic.
eft
!
fait complimenter Monfieur le Cardinal d'Eſtrées, qui, comme vous ſçavez,eſt l'undes quaran- te, qui compoſent cette Illuſtre Compagnie ;mais vous ne laif- ferez pas d'eſtre bien-aiſe d'ap- prendre que ces Meffieurs qui ne l'avoient veu depuis ſa Pro- motion au Cardinalat,ne furent
pas plûtoſt avertis de ſon retour à Paris , qu'ils nommerent fix Perſonnes de leur Corps pour f'en aller feliciter. Ces fix furent
Meſſieurs Charpentier , Talle- mantPremierAumônierdeMadame , Teſtu Abbé de Belval,
Tallemant , Prieur de SaintAlbin, l'Abbé Regnier,desMarais.
& de Benferade. Monfieur le
DucdeSaint-Aignan voulutles A ij
4 LE MERCVRE
3
accompagner , & Monfieur le Cardinal d'Eſtrées , qui les re- ceut dans ſon Anti-chambre, les
ayant conduits dans ſa cham- bre, Monfieur Charpentierque lacompagnie avoitchargédela parole, s'acquitta de ſa Com- miſſion ences termes.
M
ONSEIGNEUR,
En nous approchant de
V. E. nous sentons une douce émo- tion , qui n'est pas toutesfois Sans quelquemélange d'amertume.Nous vous revoyons avec les marques de.
la plus hauteDignitéde l'Eglife:
Quelplus agreable spectacle ànos yeux ! Quelle plus ſenſible joye à
nostre cœur ! Mais quandnous nous representons que cette élcvation
vousſepare de nous , &vous arra- che de nos Exercices, qui ont autrefoispartagéles heuresdevostreloi- fir,nousnesçaurionspenser qu'a
GALAN.T. S
Y
vec douleur à une abſence qui nous paroit irréparable. Avostre dé- part , Monseigneur, tous nos Vœux vousaccompagnerent; Nous nefou- haitâmes rien avec plus d'ardeur,
que de vous voir bien-toft revétu de l'éclat , dû à vostre merite , à
vostre naiſſance , &àla grandeur de vosAlliances Royales. Avoſtre...
retour nousvoyons en V. E.l'accom- pliſſement de nos vœux ; mais nous ne vous trouvons plus à l'Acade mie. Hébien , Monseigneur , n'en murmurons point ; Nous vous per dons d'une maniere trop noblepour nous en fâcher. Nous souhaitons mesme de vous perdre encore da- vantage,&que la Pourpre Romai ne, qui vous affocie à la premiere Compagnie de l'Univers,vous place quelque jour , du confentement de toutes les Nations , dans ce Trône
fondésurla Pierre , que toutes les
A iij
6 LE MERCVRE
Puiſſances de l'Enfer nesçauroient ébranler ; Mais pourquoy vous conter perdu pour nous , Monfei- gneur,dansIaugmentation devô- tre gloire, puis que te plus Grand Roy du Monde , Louis le Vain- queur,mais le Vainqueur rapide le Terrible , le Foudroyant , a bien trouvé des momens pour fonger à
nous, parmy lapompe&letumulte defes Triomphes. Que dis-je pour fongerànous ? Ahc'esttropfoible- ment s'expliquerpour tantdegra ecs extraordinaires. Difons plutost pour nous appeller à luy par une adoption glorieuse ; Diſons pour nous établir un répos inébranlable àl'ombre defes Palmes. V.E.Mon- Seigneur ,n'a-t-ellepas admiré cet évenement , &quoy que vousfuf- fiez au Païs des grands Exemples,
quoy que vous riſpiraſfiez le mesme air; que Scipion &que Pompée.
t
GALAN T. ?
Augu- LYON
pûtes -vous apprendre fansfurpri Se, qu'unsi grandMonarqucsedé- clarât le Chefde l'Academie ,
voulût mettre fon NomAuguste à
la teſte d'une LiſtedeGensdeLet- tres ? Vostre Romen'enfut-ellepas étonnée, &nejugea-t-ellepas alors que le Cielpreparoit àla France la mesme profperité , dont l'Empire Romain avoit joüyſous les ftes,ſous les Adriens &fous lesAnTEERD
tonins ? Vous nous avez quitté ,
Monseigneur, dans l'Hôtel Seguier,
Lans l'Hostel d'un Chancelier de
France, Illustre veritablement par faSuprêmeMagiftrature , plus Il.- luftre encoreparses grandesActios.
V. E. nous retrouve dans le Louvre,
dans laMaifon Sacréedenos Rois;
&nos Muſesn'ontplusd'autreſé.. jourqueceluydelaMajesté. Ilfaut nevous rien celer encore de tout ce
qui peut tenirrangparmy.... nosheu- Aij
8 LE MERCVRE
reuſes avantures , puis que V. E. y
prend quelque part. UnArchevéque de Paris, qui honorefa Dignité parfaVertu, parfonEloquence,&
par la Nobleſſe de ſa conduite ; Un Evesque d'une érudition confommée, &que mille autres rares qua- litezont fait choifir pour cultiver les esperances d'un jeuneHéros, de
qui tout l'Univers attend de fi grandes choses ; Vn Duc & Pair également recommandable parfon Esprit &parsa Valeur, & avec
qui toutes les Graces ont fait une alliance eternelle ; des Gouverneurs
de Province ; un President du Par- lement ; pluſieurs Perſonnage's celebres en toutes fortes de Sciences,
Jont les nouveaux Confreres que nous vous avons donnez,fanspar- ler de ce GrandHomme, que l'intime confiance du Prince , un zele in- fatigable pour le bien de l'Etat ,
GALANT. 9
une paſſion ardente pour l'avance- mentdes belles Lettres distinguent affez, pourn'avoirpas besoin d'étre nommé plus ouvertement. L'Academie a fait la plupart de cespré- cieuses acquisitions , tandis que V. E. defendoit nos Droits à Rome,
&s'oppoſoit aux brigues denosEn- nemis . C'eſt fur vos foins &fur ceux de Monsieur le Duc , voſtre
Frere , que la France s'est reposée avecfeuretédefes interests , en un Païs, où déja depuis long-temps le courage , l'intrepidité, &l'amour
de la Patrie , ont rendufameux l
Noms de Cœuvres &d'Estrées.C'est
avec la meſmefermeté que V. E. a
Soûtenu l'honneur de la Couronne
contre les injustes défiances , que la profperitédes Armes du Roy faisoit naiſtre dans des Ames trop timides.
Quels Eloges , quels applaudiffe- mens na-t-ellepoint meritéencore 509
Av
10 LE MERCVRE
-au dernier Conclave ! cettefermetécourageufe&falutaire,qui dans une occafionfi importante n'a pas moins envisagéles avantagesde la Republique Chrestienne , quefuivy leplan des pieuſes intentions de Sa Majesté?ToutelaTerrefçait com- bien ces grandes veuës ont donné de part àV.E. dans l'Exaltation de cePontifice incomparable , àqui lapuretédes mœurs,lemépris des richeſſes , la tendreffc cordiale en vers les Pauvres , l'humilité magnanime des anciens Evesques , &
le parfait dégagement des choses dumonde, avoient acquis larepu.
tation de Sainteté, avant que d'en obtenirle Titre attachéàlaChai
reApostolique. Ilestmal-aiſeaprés:
cela, Monseigneur , que nous ne nous flattions de quelque fecrete complaisance, en voyant qu'ilfort delAcademiedes Princes du Sacré
Y
GALANT.. IF
Senat , &que vostrefuffrage , que nous avons contéquelquefoisparmy les nostres , concourt maintenant
avec le S. Esprit au Gouvernement
defon Eglife. Avancez donc toû- jours , Monseigneur , dans unefi belle route , &permettez-nous de
croire que V. E. confervera quel quessentimens d'affection pourune Compagnie, fur qui Loüis LE GRAND jette desifavorables
regards : Pour une Compagnie, qui aprés laveneration toutefinguliere qu'elle doit avoir pourfon Royal'
Protecteur, n'aurapoint de mouve- ment plus fort , que celuy du Zele qui l'attache àV. E. &qui trou
ucra toûjours une des principales occafions desa joye dans l'accom- pliffement de toutes vosglorieuses entrepriſes..
Il ne faut pas s'étonner ſi le
Avj
12 LE MERCVRE
Public a donné tant d'approba- bation à ce Compliment , puis qu'il amerité celle du Roy , qui ſe l'eſt fait lire à l'Armée par
Monfieur de Breteüil , Lecteur
de Sa Majesté. Auſſi Monfieur le Cardinal d'Eſtrées le receutil d'une maniere tres-obligean- te. Il dit à Ma Charpentier
qu'il n'entreprenoit pointde ré- pondre fur le champ àunDif- cours ſi plein d'Eloquence, mais qu'il le prioit d'aſſurer laCom- pagnie, qu'il ne perdroit jamais le ſouvenir des marques qu'elle luy donnoit du ſien; Qu'il s'en tenoit tellement obligé, qu'il ne lui ſuffiſoit pas del'en remercier,
comme il faifoit , & qu'il vien- droit à l'Academie pour luy en témoigner plus fortement ſa re- connoiſſance. Il s'étendit en- ſuite fur les Loüanges des llu-
:
GALANT. 13 ſtres qui la compofent , & fur le travail du Dictionaire , dont il
demanda particulierement des nouvelles. Il ajoûta , qu'il eſpe- roit beaucoup de la grandeur &de l'exactitude de cette entrepriſe , dont il avoit ſouvent entretenu desGens d'eſprit d'I- talie qui en avoient admiré le Plan ; & aprés quelque conver- fation il reconduifit les Depu- tez juſqu'à la porte de la Salle,
proche le Degré. Il leur tintpa- role quelques jours aprés , &fe trouva au Louvre , à une de Jeurs Seances. Il eſt Protecteur
de l'Academie de Soiffons , où
MonfieurHebert, Treſorier de France , luy avoit déja fait le Compliment qui ſuit au nomde cette Compagnie. Je trouveray l'occafion, Madame, de vous en faire connoiſtre une autrefois le
merite &l'établiſſement.
14 LE MERCVRE
ONSEIGNEUR, MONSQuelle joye ne doit par répandre dans ces lieux l'honneur de vostre prefence aprés une ab- fence fi longue &fiennuyeuse !! Quelle joye pour une Compagnie,
qui vous doit tant , &quivous bonnore,àproportion de ce qu'elle vous doit , devous y voir dans cet
éclat , qui frape aujourd'huy fi agreablement nos yeux & dont
Vidée avoit remplysi long-temps noftre imagination ; Noussçavons bien, Monseigneur, que toutes les Grandeurs humaines estant audef fous de cette élevation d'esprit &
de cette grandeur d'Amc , qui di- ftinguefi excellemment Votre Eminence des autres Hommes , c'est vous rabaiſſer en quelque façon que de vous lower d'une Dignité,
quelque grande quelque élevée
GALAN T.
,vous ne devez.
qu'ellefoit. Mais vous nous per-.
mettrez de vous dire , que regar- dant celle-cy , comme unpur effet de voffre merite
pas trouvermauvaisque nousnous
réjoüisions devousenvoirrevétu,
que nous vousfaſſions reſſouve- nirqu'en augmentant vôtre Gloire,, elle acheve &confomme celle de vostre Maison.. Cettegrande, cette illustre Maiſon,Monseigneur,fub
fiſtoit depuis plusieurs Siecles dans une fplendeur pen commune. Tout ceque laKaleur , unieàla conduite, peut acquerir des Titres écla
tans, tout cequelafidelité,,jointe
aux lumieres , peut procurerd'im
portansEmplois, tout cela, Mon- feigneur, s'y voyoit enfoule &de
tous les Honneurs de laTerre , on
peut dire que laſeule Pourpre luy manquoit. Mais le Ciel qui tra wailloit depuissi long-temps àfon
16 LE MERCVRE
:
1
agrandiſſement , qui par laprodu- Etion continuelle de tant deHéros
qu'il en faifoit fortir fucceßive.. ment , la diſpoſoit pourainſidireà
recevoir cet Honneur , fit naiſtre enfin V.E. avec toutes les Qualitez qui en pouvoient estre dignes.
Vous les reçeutes donc , Monfei- gneur, non pas , commelapluspart des Etrangers, fur lefeulraport de La Renommée , &fur la simple Nomination d'un Prince, qui le de.. mande pour fon Sujet. Rome vit bien deux. Royaumes fe difputer l'avantage de vous le procurer ;
mais avant qu'elle vous l'accordat , Rome vit außi briller à l'enwy ces belles, ces éclatantes Qua- litez. Elle connut voſtre merite,&م
ce fut fans doute ce qui la deter- mina dans cette grande conjon- Eture. Quel honneur pour vous,
Monseigneur, d'avoir acquis par
GALANT. 17 une voyefi belle une Dignitéfifu- blime ! Quelhonneur d'avoir mis le comble àlagloire d'une Maifon des premieres &des plusfameuses de l'Univers ! Mais quel honneur
pour l'Academie de Soiffons , de ſe
pouvoir glorifier d'un tel Prote- Etcur ! Quel honneur pour nous ,
que vostre Eminence ait bien vou
luse charger de ce Titre, &n'ait
Pas dédaignéde le joindre à tant d'autres fi glorieux ! Quelle joye
encore un coup de voir ce Prote- Eteur,&de luyparler !Mais quelle
peine de le voir pour ſi peu de temps , &de luy parlerfans pou- voir parler dignement de luy !
Quelembaras , quelle confusión de de voir tant & de pouvoir si peu
vendre, de fentir une reconnoiſſan- ce qu'on ne peut exprimer ! C'est
pourtant principalement cette re- connoissance , Monseigneur , que nous voudrions bien pouvoir dé.
18 LE MERCVRE
peindre à V. E. Plût àDieu que vous puissiez voir quels mouve mens elle excite dans nos cœurs ,
quels Vœux, quels fouhaits elley
forme. Nous les continuerens,Mon- feigneur, ces Vœux&cesfouhaits ;
&puis que nous ne pouvons autre chose,nousleferons du moinsavec tout le zele &toute l'ardeur dont
noussommes capables. Nous nedi- rons pas icy àVostre Eminence quel prefentement leur obict ; puis qu'il n'y a plus qu'un degré entre Le Ciel &Fous, il n'estpas mal- aisé de le comprendre. Nousvous dirons seulement , Monseigneur ,
qu'il fait quelque chofe de Suprê- me pour recompenfer unefuprême Vertu , qu'ainsi il n'y a rien de fi Grand, ny de fi Haut dans le Monde, où V.E. nepuiffepreten dre avecjustice , &où elle nefoit déja placéeparles ardens &justes defirs de cette Compagnic.
eft
!
Fermer
Résumé : « Ce n'est point dans celuy-cy que l'Académie Françoise a [...] »
Le texte décrit la visite de six membres de l'Académie Française chez le Cardinal d'Estrées à son retour à Paris après sa promotion au cardinalat. Les membres présents étaient Charpentier, Tallemant, Testu, l'Abbé Regnier, et de Benferade, accompagnés du Duc de Saint-Aignan. Ils félicitent le Cardinal pour sa nouvelle dignité. Charpentier, en tant que porte-parole, exprime une émotion mêlée d'amertume en voyant le Cardinal revêtu de la pourpre cardinalice, soulignant que cette élévation le sépare des exercices académiques. Il exalte la grandeur du Cardinal et son lien avec le roi Louis XIV, comparant cette élévation à celle des grands hommes de l'histoire. Le discours mentionne également les nouvelles acquisitions de l'Académie, y compris un archevêque de Paris, un évêque érudit, et un duc pair. Le Cardinal d'Estrées, touché par le compliment, promet de conserver son affection pour l'Académie et s'intéresse au travail du dictionnaire en cours. Il exprime également son admiration pour les membres de l'Académie et leur travail. Le public et le roi approuvent ce compliment. Le Cardinal reçoit les députés de manière obligeante, discutant des louanges des lettres et du dictionnaire avant de les reconduire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 161-163
M. l'Abbé Colbert éleu depuis peu Prieur de Sorbonne, fait un beau Discours à l'ouverture des Sorboniques. [titre d'après la table]
Début :
Monsieur l'Abbé Colbert, qui employe ses meilleures heures à [...]
Mots clefs :
Sorbonne, Discours, Abbé Colbert, Sciences ecclésiastiques
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : M. l'Abbé Colbert éleu depuis peu Prieur de Sorbonne, fait un beau Discours à l'ouverture des Sorboniques. [titre d'après la table]
Monfieur l'Abbé Colbert ,
qui employe ſes meilleures heures à l'étude , &qui en fait
GALANT. 117
1
fon plus agreable attachemét,
donna il y a quelques jours des marquesde ſa haute ſuffiſance par un excellent Difcours Latin qu'il fitdans la grande Salle de Sorbonne, à l'ouverturedes Sorboniques. La nombreuſe Aſſemblée qui s'ytrouva,com- poſée en partie de Cardinaux,
de Prélats ,&de Perſonnes de
la premiere Qualité, nepût af ſez admirer l éloquence avec laquelle il fit connoiſtre com- bien la protection que le Roy - donne aux Docteurs de la Faculté &de la Maisõ, leur eſtoit
avantageuſe &pour lemaintie
de leurs Privileges, &pour cõ-- ſerver les Sciences Eccleſiaſti-
- ques dans toute leur pureté. II - eſt Prieur de Sorbonne. Les
Docteurs & les Bacheliers de
118 LE MERCVRE
la Societé font ordinairement
cette élection par la voye du Scrutin; mais M l'AbbéColbert, dont le merite porte pour luy une recommandation toute particuliere,a eſté éleu de vive voix.Toutle monde le ſouhaitoit,&tout le monde le nomma
enmêmetemps.
qui employe ſes meilleures heures à l'étude , &qui en fait
GALANT. 117
1
fon plus agreable attachemét,
donna il y a quelques jours des marquesde ſa haute ſuffiſance par un excellent Difcours Latin qu'il fitdans la grande Salle de Sorbonne, à l'ouverturedes Sorboniques. La nombreuſe Aſſemblée qui s'ytrouva,com- poſée en partie de Cardinaux,
de Prélats ,&de Perſonnes de
la premiere Qualité, nepût af ſez admirer l éloquence avec laquelle il fit connoiſtre com- bien la protection que le Roy - donne aux Docteurs de la Faculté &de la Maisõ, leur eſtoit
avantageuſe &pour lemaintie
de leurs Privileges, &pour cõ-- ſerver les Sciences Eccleſiaſti-
- ques dans toute leur pureté. II - eſt Prieur de Sorbonne. Les
Docteurs & les Bacheliers de
118 LE MERCVRE
la Societé font ordinairement
cette élection par la voye du Scrutin; mais M l'AbbéColbert, dont le merite porte pour luy une recommandation toute particuliere,a eſté éleu de vive voix.Toutle monde le ſouhaitoit,&tout le monde le nomma
enmêmetemps.
Fermer
Résumé : M. l'Abbé Colbert éleu depuis peu Prieur de Sorbonne, fait un beau Discours à l'ouverture des Sorboniques. [titre d'après la table]
L'Abbé Colbert a prononcé un discours latin lors de l'ouverture des Sorboniques dans la grande salle de la Sorbonne. L'assemblée, composée de cardinaux, de prélats et de personnalités influentes, a été captivée par son allocution. Colbert a souligné la protection royale accordée aux docteurs de la Faculté et de la Maison, mettant en avant les avantages pour la préservation de leurs privilèges et la conservation des sciences ecclésiastiques dans leur pureté. En tant que Prieur de Sorbonne, Colbert a été élu de vive voix par les docteurs et les bacheliers, une procédure exceptionnelle reflétant l'unanimité et le souhait général de l'assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
3
s. p.
LIVRES NOUVEAUX du mois de Janvier 1685.
Début :
Conferences Ecclesiastiques du Diocese de Luçon, cinq Volumes in douze, [...]
Mots clefs :
Nouveautés, Ouvrages, Traité, Démonstration, Histoire, Église, Essais, Discours, Extraordinaire, Morale, Voyages, Relations, Livres, Volumes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LIVRES NOUVEAUX du mois de Janvier 1685.
LIVRES NOUVEAUX
du mois de Janvier 1685 .
CD
Onferences Ecclefiaftiques du
Dioceſe de Luçon , cinq Volumes
in douze , impreffion de Paris 40. fols
le Tome , & 25. fols impreffion de
Lyon .
Traité des Fortifications , contenant
la Demonſtration & l'Examen de tout
ce qui regarde l'Art de Fortifier les
Places , tant réguliéres qu'irreguliéres,
fuivant ce qui fe pratique aujourd'huy;
le tout d'une maniere abregée , & fort
aifée pour l'Inftruction de la Jeuneffe ;
par Monfieur Gautier de Nifmes, avec
23. Figures en taille douce , in douze,
25. fois.
Traité Hiftorique de l'Etabliſſement
& des Prérogatives de l'Eglife de Rome
, & de fes Evefques , par Monfieur
Mainbourg, in douze, 2.liv. 10. fols.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
par un Academicien François , in 12.
30.fols.
2 3
L'Hiftoire du Grand Seraskier Baffa
, ou la fuite de l'Hiftoire du Grand
Vifir , contenant toute la Relation de
la levée du Siege de Bude , & fes
Amours, in douze , 30. fols .
Effais de Sermons pour tous les
jours du Carefme , contenant fix Difcours
differens pour chaque jour , &
des Sentences choifies de la Sainte
Ecriture & des Peres de l'Eglife pour
chaque Difcours , avec la Traduction
de ces Sentences ; Ouvrage plein d'érudirion
, & neceffaire à toutes fortes
de Perfonnes , in octavo 3. Volumes,
12. livres .
Extraordinaire du Mercure Galant
du quartier Octobre , Novembre &
Decembre , in douze , 30.fols .
Agiatis , Reyne de Sparte , ou les
Guerres Civiles des Lacedemoniens ,
fous les Rois Agis & Leonidas, in 12 .
2. Volumes, 2. livres.
Morale de l'Evangile , in 12. nouvelle
Edition, so . fols.
Effais de Phyfique , in douze , 2.Volumes,
3. livres.
Mademoiſelle de Jarnac , Hiftoire
du
temps
de la Princeffe de Cleves , in
12. trois Volumes , 3. livres 10.fols.
Le Grand Sophi , Nouvelle Allegorique
, in douze , 10. fols .
Les Travaux de Mars, ou l'Art de la
Guerre , augmenté d'un quart nouvellement,
par Monfieur Mallet , in octavo
3. Volumes , 15. livres .
Nouveau Voyage de Monfieur Thevenot,
in quarto, s . quarto, 5. livres.
Les Dames Galantes , ou la Confidence
reciproque , Livre en deux Tomes
in douze, 2. livres 10. fols .
Relation d'un Voyage des Indes
Orientales, par Mr Dellon , Docteur en
Medecine, in douze , 2.Vol . 3.livres .
Predicateur Evangelique, in 1 2. fix
& feptiéme Tomes, 3. livres. Les cinq
premiers fe trouvent auffi dans la mè
me Boutique.
L'Ecclefiaftique , par ces Meffieurs,
in octavo, 4.livres .
L'Almanach de Milan de 1685. in
douze, 20. fols.
Celuy de Liege , 15. fols.
La Connoiffance des Temps
née 1685. vingt ſols.
de
Armenius, Tragedie , in douze , 20.
fols.
Le Cocher Comedien, de Monfieur
de Hauteroche , in douze, is.fols .
Relation du Royaume de Siam , in
douze , 25. fols.
Journal du Palais , complet , en 9.
Volumes in quarto, 54. livres .
Idem , Le Neuvième Volume
feparé , pour 6. livres. L'on en donnera
toutes les Années un nouveau
Volume.
Et fans manquer & fans nulle remife
, vous aurez l'Hiftoire de François
Premier , du fçavant Mr de Varillas,
in quarto en deux Tomes , qui fe vendront
12. livres. Ainfi ceux qui en
voudront , en pourront envoyer prendre
chez le Sieur Amaulry , Libraire ;
il fe vendra à Lyon dans le mefme
temps qu'à Paris.
du mois de Janvier 1685 .
CD
Onferences Ecclefiaftiques du
Dioceſe de Luçon , cinq Volumes
in douze , impreffion de Paris 40. fols
le Tome , & 25. fols impreffion de
Lyon .
Traité des Fortifications , contenant
la Demonſtration & l'Examen de tout
ce qui regarde l'Art de Fortifier les
Places , tant réguliéres qu'irreguliéres,
fuivant ce qui fe pratique aujourd'huy;
le tout d'une maniere abregée , & fort
aifée pour l'Inftruction de la Jeuneffe ;
par Monfieur Gautier de Nifmes, avec
23. Figures en taille douce , in douze,
25. fois.
Traité Hiftorique de l'Etabliſſement
& des Prérogatives de l'Eglife de Rome
, & de fes Evefques , par Monfieur
Mainbourg, in douze, 2.liv. 10. fols.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
par un Academicien François , in 12.
30.fols.
2 3
L'Hiftoire du Grand Seraskier Baffa
, ou la fuite de l'Hiftoire du Grand
Vifir , contenant toute la Relation de
la levée du Siege de Bude , & fes
Amours, in douze , 30. fols .
Effais de Sermons pour tous les
jours du Carefme , contenant fix Difcours
differens pour chaque jour , &
des Sentences choifies de la Sainte
Ecriture & des Peres de l'Eglife pour
chaque Difcours , avec la Traduction
de ces Sentences ; Ouvrage plein d'érudirion
, & neceffaire à toutes fortes
de Perfonnes , in octavo 3. Volumes,
12. livres .
Extraordinaire du Mercure Galant
du quartier Octobre , Novembre &
Decembre , in douze , 30.fols .
Agiatis , Reyne de Sparte , ou les
Guerres Civiles des Lacedemoniens ,
fous les Rois Agis & Leonidas, in 12 .
2. Volumes, 2. livres.
Morale de l'Evangile , in 12. nouvelle
Edition, so . fols.
Effais de Phyfique , in douze , 2.Volumes,
3. livres.
Mademoiſelle de Jarnac , Hiftoire
du
temps
de la Princeffe de Cleves , in
12. trois Volumes , 3. livres 10.fols.
Le Grand Sophi , Nouvelle Allegorique
, in douze , 10. fols .
Les Travaux de Mars, ou l'Art de la
Guerre , augmenté d'un quart nouvellement,
par Monfieur Mallet , in octavo
3. Volumes , 15. livres .
Nouveau Voyage de Monfieur Thevenot,
in quarto, s . quarto, 5. livres.
Les Dames Galantes , ou la Confidence
reciproque , Livre en deux Tomes
in douze, 2. livres 10. fols .
Relation d'un Voyage des Indes
Orientales, par Mr Dellon , Docteur en
Medecine, in douze , 2.Vol . 3.livres .
Predicateur Evangelique, in 1 2. fix
& feptiéme Tomes, 3. livres. Les cinq
premiers fe trouvent auffi dans la mè
me Boutique.
L'Ecclefiaftique , par ces Meffieurs,
in octavo, 4.livres .
L'Almanach de Milan de 1685. in
douze, 20. fols.
Celuy de Liege , 15. fols.
La Connoiffance des Temps
née 1685. vingt ſols.
de
Armenius, Tragedie , in douze , 20.
fols.
Le Cocher Comedien, de Monfieur
de Hauteroche , in douze, is.fols .
Relation du Royaume de Siam , in
douze , 25. fols.
Journal du Palais , complet , en 9.
Volumes in quarto, 54. livres .
Idem , Le Neuvième Volume
feparé , pour 6. livres. L'on en donnera
toutes les Années un nouveau
Volume.
Et fans manquer & fans nulle remife
, vous aurez l'Hiftoire de François
Premier , du fçavant Mr de Varillas,
in quarto en deux Tomes , qui fe vendront
12. livres. Ainfi ceux qui en
voudront , en pourront envoyer prendre
chez le Sieur Amaulry , Libraire ;
il fe vendra à Lyon dans le mefme
temps qu'à Paris.
Fermer
Résumé : LIVRES NOUVEAUX du mois de Janvier 1685.
Le document énumère des livres publiés en janvier 1685. Parmi eux, les 'Conférences Ecclésiastiques du Diocèse de Luçon' en cinq volumes sont disponibles à Paris et Lyon. Le 'Traité des Fortifications' de Monsieur Gautier de Nîmes, illustré de 23 figures, vise à former la jeunesse à l'art de fortifier les places. Le 'Traité Historique de l'Établissement et des Prérogatives de l'Église de Rome' par Monsieur Mainbourg explore les aspects historiques et ecclésiastiques. D'autres titres incluent 'Les différents Caractères de l'Amour' par un académicien français, 'L'Histoire du Grand Seraskier Baffa', et 'Essais de Sermons pour tous les jours du Carême' en trois volumes. Des œuvres littéraires comme 'Agiatis, Reyne de Sparte', 'Mademoiselle de Jarnac', et 'Les Dames Galantes' sont également mentionnées. Des ouvrages scientifiques et techniques tels que 'Essais de Phyfique' et 'Les Travaux de Mars' sont listés. Des récits de voyage comme 'Nouveau Voyage de Monsieur Thevenot' et 'Relation d'un Voyage des Indes Orientales' par Monsieur Dellon sont présents. Enfin, le document cite des publications périodiques comme le 'Mercure Galant' et des almanachs pour l'année 1685.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
p. 116-141
« Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Début :
Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...]
Mots clefs :
Académie française, Jean Racine, Jean-Louis Bergeret, Gloire, Roi, Parler, Corneille, Esprit, Discours, Vertus, Histoire, Rois, Protecteur, Nom, Paix, Ennemis, Lettres, Place, Royaume, Compagnie, Justice, Monde, Attention, Avantage, Public
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Monfieur de Corneille ayant
ceffé de parler , Monfieur de Bergeret
prit la parole , & fit un difcours
trés - éloquent. Il dit , qu'il
GALANT. 117
avoit déia éprouvé plus d'une fois ,
que dés qu'on vouloit penser avec
attention à l'Academie Françoife,
l'imagination fe trouvoit auffitoft
remplie & étonnée de tout ce qu'il
ya de plus beau dans l'Empire des
Lettres , qu'eft un Empire qui n'est
borné ny par les Montagnes , ny
pariles Mers , qui comprend toutes
les Nations & tous les Sicles ; dans
lequel les plus grands Princes ont
tenu à bonneurs d'avoir quelque
place , & où Meffieurs de l'Acade ·
mie Françoife ont l'avantage de
tenir le premier rang. Que s'il entreprenoit
de parler de toutes les
fortes de merites , qui font la gloire
de ceux qui la compofent , il fentoit
bien que l'habitude de parler en public
, & d'en avoir fait le Miniftere
plufieurs années , en parlant
pour le Roy dans un des Parlemens
defon Royaume, ne l'empefcheroit
118 MERCURE
pas de tomber dans le defordre.
Enfuite il loüa Monfieur de Cordemoy
dont il occupe la Place
for ce qu'il avoit joint toutes les
vertus Morales & Chrétiennes
aux plus riches talens de l'efprit,
fur les grandes lumiéres qu'il
avoit dans la Jurifprudence, dans
la Philofophie , & dans l'Hiftoire ,
& fur tout for une certaine prefence
d'efprit qui luy eftoir particuliére
, & qui le rendoit capable
de parler fans préparation ,
avec autant d'ordre & de ne teté
qu'on peut en avoir en écrivant
avec le plus de loiſir . Il n'oublia
les beaux & fçavans Traitez
de Phyfique qu'il à donnez au
Public; & en parlant de fa grande
Hiftoire de nos Roys qu'on acheve
d'imprimer, il ajoûta, Que fifa
trop promte mort avoit laiffé ce
dernier Ouvrage imparfait , quoy
qu'ily manquaft pour eftre entier ,
pas
GALANT. 119
ilne manqueroit rien à la réputa
tion de l'Autheur ; qu'on eftimeroit
toûjours ce qu'il a écrit , & qu'on regreteroit
toujours ce qu'il n'a pas eu le
temps d'écrire.Cet Eloge fut fuivy
de celuy de Monfieur le Cardinal
de Richelieu , inftituteur de l'Academie
Françoife . Il dit , Que
non feulement, il avoit fait les plus
grandes chofes pour la gloire de
lEtat , mais qu'il avoit fait les
plus grands Hommes pour celebrer
perpetuellement cette gloire ; que
tous les Academitiens luy apartenoient
par le Titre mefme de la
naiſſance de l'Academie, & qu'ils
étoient tous comme la Pofteritefçavante
& Spirituelle de ce grand
Miniftre ; Que l'illuftre Chancelier
qui luy avoit fuccedé dans la
protection de cette celebre Compagnie
, auroit toûjours part à la
mefme gloire; & que parmy toutes
"
110 MERCURE
les vertus qui l'avoient rendu digne
d'eftre Chefde la Justice , on releveroit
toûjours l'affection particulie
re qu'il avoit enë pour les Lettres,
& qui l'avoit obligé d'eftre fimple
Academicien long tems avant qu'il
devinft Protecteur de l'Academie ;
ce qui luy étoit d'autant plus glorieux
, que ces deux titres ne pou
voient plus estre reünis dans une
Perfonne privée , quelque éminente
qu'elle fuft en Dignité , le nom de
Protecteur del' Academie étant devenu
comme un titre Royal , par la
bonté que le Roy avoit euë de le
prendre , & de vouloir bien en faveur
des Lettres , que le Vainqueur
des Roys & l'Arbitre de l'Univers,
fuft auffi appellé le Protecteur de
l'Academie Françoife. Le reste de
fon Difcours roula fous les merveilleufes
qualitez de cet Augufte
Monarque. Il dit , Que tout ce
qu'il
GALANT. 121
cachoit
qu'il faifoit voir au monde n'eftoit
rien en comparaison de ce qu'il luy
; que tant de Victoire , de
Conqueftes , & d'Evenemens prodigieux
qui étonnoient toute la Terre,
n'avoient rien de comparable à
la fageffe incomprehenfible qui en
eftoit la caufe , & que lors qu'on
pouvoit voir quelque chofe des confeils
de cette Sageffe plus qu'humai
ne onfe trouvoit , pour ainsi dire,
dans une fi haute region d'esprit .
qu'on en perdoit la pensée , comme
quand on eft dans un air trop élevé ,
& troppur , on perd la refpiration.
Il ajoûta , Quefe tenant renfermé
dans les termes de l'admiration &
du filence , il ne cefferoit de fe taire
que pour nommer les Souveraines
Vertus qu'il admiroit ; une Prudence
qui penetroit tout , & qui étoit ellemefme
impenetrable ; une Justice
qui préferoit l'intereft du sujet à
Janvier 1685 .
A
F
122 MERCURE
celuy du Prince ; une Valeur qui prenoit
toutes les Villes qu'elle attaquoit
, comme un Torrent qui rompt
tous les obftacles qu'il rencontre ;
une Moderation qui avoit tant de
fois arrefté ce Torrent , &fufpendu
cet Orage ; une Bonté qui par l'entiere
abolition des Duels , prenoit
plus de foin de la vie des Sujets,
qu'ils n'en prenoient eux - mefmes ;
un Zele pour la Religion, qui faifoit
chaque jour de fi grands & de fi
heureux projets ; & que ce qui étoit
encore plus admirable dans toutes
ces Vertus fi differentes , c'eftoit de
les voir agir toutes ensemble , &
dans la Paix & dans la Guerre ,fansdifference
ny diftinction de temps.
Aprés une peinture fort vive des
grandes chofes que le Roy a faites
pendant la Paix , qui avoit
toûjours efté pour luy non feulement
agiffante , mais encore
GALANT. 123
victorieuſe , puis que par un
bonheur incomparable , elle n'avoit
pas arreſté fes Conqueftes ,
& que les trois plus importantes
Places du Royaume , & pour fa
gloire , & pour fa fûreté , Dunkerque
, Strasbourg , & Cazal
trois Villes qui font les Clefs de
trois Etats voifins , & dont la
Prife auroit fignalé trois Campagnes
, avoient efté conquifes
fans armes & fans Combats , il
dit, Qu'on avoit vû l'Europe entiere
conjurée contre la France , que
tout le Royaume avoit efté environné
d'Armées Ennemies & que
cependant il n'eftoit jamais arrivé
qu'un feul de tant de Genéraux
Etrangers euft pris feulement un
Quartier d'Hyver fur nos Frontie
res; Que tous ces Chefs Ennemis
Se promettoient d'entrer dans nos
Provinces en Vainqueurs & en Con-
,
F 2
124
MERCURE
quérans , mais qu'aucun d'eux ne
les avoit veües , que ceux qu'on y
avoit amenez Prifonniers ; que tous
les autres estoient demeure autour
du Royaume , comme s'ils l'avoient
gardé ,fans troubler la tranquilité
dont iljouiffoit , & que c'eftoit un
prodige inouy , que tant de Nations
jaloufes de la gloire du Roy , & qui
s'étoient affemblées pour le combatre
, n'eulent pû faire autre choſe
que de l'admirer
& d'entendre
d'affez loin le bruit terrible defes
Foudres , qui renverfoient les Murs
de quarante Villes en moins,
trente jours , & qui cependant par
une espece de miracle , n'avoient
point empefché que la voix des Loix
n'euft efté toujours entenduë ; toûjours
la Justice également gardée,
l'obeiffance rendue , la Difcipline
obfervée, le Commerce maintenu , les
Arts floriffans , les Lettres cultivées,
>
de
GALANT
. 125
le Mérite recompenfe , tous les Reglemens
de la Police generalement
executez ; & non feulement de la
Police Civile , qui par les heureux
changemens qu'elle avoit faits ,fembloit
nous avoir donné un autre Air
& une autre Ville ; mais encore de
la Police Militaire , qui avoit civilife
les Soldats,& leur avoit inspire
un amour de la gloire & de la difcipline
, quifaifoit que les Armées du
Roy étoient en mefme temps la plus
belle & la plus terrible chofe du
monde. Il finit en difant, Que c'étoit
une grande gloire pour un Prince
Conquerant, que l'onput dire de
Luy, qu'il avoit toûjours eu un efprit
de paix dans toutes les Guerres qu'il
avoit faites , depuis la premiere
Campagne jufqu'à la derniere , depuis
la Prife de Marfal jufqu'à
celle de Luxembourg ; Que cette
derniere & admirable Conquefte ,
F
3
126 MERCURE
qui en affurant toutes les autres, venoit
heureufement de finir la Guerreferoit
dire encor plus que jamais,
que le Roy étoit un Héros toûjours
Vainqueur & toûjours Pacifique ,puis
que non feulement il avoit pris cette
Place ,une des plusfortes du Monde,
&qu'il l'avoit prife malgré tous les
obftacles de la Nature , malgré tous
les efforts de l'Art , malgré toute la
refiftance des Ennemis ; mais ce qui
étoit encore plus, malgré luy - même:
Eftant certain qu'il ne l'avoit attaquée
qu'à regret , &aprés avoir
preßé long-temps fes Ennemis cent
fois vaincus , de vouloir accepter
Paix qu'il leur offroit , & de ne le
pas contraindre à fe fervir du Droit
des Armes ; de forte que par un évenement
tout fingulier , cettefameufe
Villeferoit toûjours pour la gloire du
Roy un Monument éternel , non feulement
de la plus grande valeur .
la
GALANT. 127
mais auffi de la plus grande modes
ration dont on euft jamais parlé.
Toute l'Affemblée fut tresfatisfaite
de ce Difcours,& Monfieurde
Bergeret eut tout lieu de
l'eftre des louanges qu'il reçûr.
Monfieur Racines , qui eftoit
alors Directeur de l'Académie ,
répondit à ces deux nouveaux
Académiciens au nom de la
Compagnie. Je tâcherois inutilement
de vous exprimer combien
cette Reponſe fut éloquente
, & avec combien de grace il
la prononça . Elle fut interrom
pue par des applaudiffemens fréquemment
reiterez ; & comme
il en employe une partie à élever
le mérite de Monfieur de Corneille
, il fut aiſé de connoiſtre
qu'on voyoit avec plaifir dans la
bouche d'un des plus grands
Maiftres du Theatre ; les louan-
F 4
128
MERCURE
ges de celuy qui a porté la Scene
Françoife au degré de perfection
où elle eft. Il dit d'abord , Que
l'Academie avoit regardé fa mort
comme un des plus rudes coups qui
La puft fraper ; Que quoy que depuis
un an une longue maladie l'euft
privée de fa présence , & qu'elle
euft perdu en quelque façon l'espérance
de le revoir iamais dans fes
Affemblées , toutefois il vivoit , &
que dans la Lifte où font les noms
de tous ceux qui la compofent , cette
Compagnie dont il eftoit le Doyen ,
avoit au moins la confolation de
voir immédiatement audeffous du
nom facré de fon augufte Protecteur,
le fameux nom de Corneille . Il fit
enfaite une peinture admirable
du defordre & de l'irrégularité
où fe trouvoit la Scene Françoife
, lors qu'il commença à travailler.
Nul gouft , nulle connoiffan
GALANT. 129
遂
ce des veritables beautez du Theatre.
Les Autheurs auffi ignorans que
les Spectateurs. La plupart des Sujets
extravagans & dénue de vraifemblance.
Point de Moeurs , point
de Caracteres. La Diction encore
plus vicieufe que l'Action , & dont
les Pointes , & de miferables jeux
de mots, faifoient le principal ornement
. En un mot, toutes les Regles de
l'Art , celles mefme de l'honnefteté
& de la bienséance , violées . Il pourfuivit
en difant , Que dans ce Cahos
du Poëme Dramatique parmy
nous , Monfieur de Corneille , aprés
avoir quelque temps cherche le bon
chemin , & lutte contre le mauvais
goût de fon Siecle , enfin infpiré d'un
Genie extraordinaire , & aidé de la
lecture des Anciens , avoit fait voir
fur la Scene la Raifon , mais la Raifon
accompagnée de toute la pompe,
de tous les ornemens dont nôtre !
F
130
MERCURE
gue eft capable , accorde heureuſement
le Vrai-femblable & le Merveilleux,
& laiffe bien loin derriere
Luy tout ce qu'il avoit de Rivaux,
dont la plupart defefperant de l'atteindre,&
n'ofant plus entreprendre
de luy difputer le Prix , s'eftoient
bornez à combatre la Voix publique
déclarée pour luy , & avoient eſſayé
en vain par leur difcours & par
Leurs frivoles critiques , de rabaiffer
un merite qu'ils ne pouvoient égaler.
Il paffa de là aux acclamations
qu'avoient excité à leur naiffance
le Cid , Horace , Cinna , Pompée ,
& les autres Chef- d'oeuvres qui
les avoient fuivis , & dit , Qu'on
ne trouvoit point de Poëte qui eust
poffedé à la fois tant d'excellantes
parties , l'Art , laforce , le lugement
, & l'Efprit. Il parla de la
furprenantes varieté qu'il avoit
mellée dans les Caracteres , en
<
GALANT.
131
forte, que tant de Roys, de Princes,
& de Heros qu'il avoit repréfentez,
étoient toujours tels qu'ils devoient
estre , toûjours uniformes en euxmémes
, & jamais ne fe reffemblant
les uns aux autres ; Qu'il y avoit
parmy tout cela une magnificence
d'expreffion proportionnée aux Maitres
du Monde qu'ilfaifoit fouvent
parler , capable neanmoins de s'abaiffer
quand il vouloit , & de defcendre
jufqu'aux plus fimples naïvete
du Comique , où il eftoit encore
inimitable; Qu'enfin ce qui luy
étoit fur tout particulier , c'étoit une
certaineforce, une certaine élevatio,
qui en furprenant & en élevant ,
rendoit jufqu'à fes defauts , fi on luy
en pouvoit reprocher quelques uns,
plus eftimables que les vertus des
autres. Il ajoûta , Qu'on pouvoit le
regarder comme un Homme veritablement
népour lagloire de fon Païs ,
·
F 6
132 MERCURE
,
efme
comparable , non pas à tout ce que
Fancienne Rome avoit eu d'excellens
Tragiques , puis qu'elle confeffoit
elle-mefme qu'en ce genre elle
n'avoit pas efté fort heureuſe , mais
aux Efchiles , aux Sophocles , aux
Euripides , dont la fameuse Athenes
ne s'honoroit pas moins que des
Themiftocles , des Pericles , & des
Alcibiades , qui vivoient en me
temps qu'eux. Il s'étendit fur la juftice
la Pofterité rend aux
que
habiles Ecrivains , en les égalant
à tout ce qu'il y a de plus confiderable
parmy les Hommes , &
faifant marcher de pair l'excellent
Poëte & le grand Capitaine ; &
dit là deffus , Que le mefme Siecie
qui fe glorifioit aujourd'huy d'avoir
produit Auguste, ne fe glorifioit
guere moins d'avoir produit Horace
& Virgile ; qu'ainfi lors
ages fuivans on parleroit avec éton
que
dans les
GALANT.
133
nement des Victoires prodigieufes ,
& de toutes les chofes qui rendront
nostre fiecle l'admiration de tous les
fiecles à venir , l'illuftre Corneille
tiendroit fa place parmis toutes ces
merveilles ; que la France fe fouviendroit
avec plaifir quefous le
Regne du plus grand de fes Roys ,
auroit fleury le plus celebre de fes
Poëtes , qu'on croiroit mefme ajoûter
quelque chofe à la gloire de noftre
Augufte Monarque , lors qu'on diroit
qu'il avoit eftimé, qu'il avoit honoré
de fes bien faits cet excellent Genie;
que même deux jours avant la mort,
& lors qu'il ne luy reftoit plus qu'un
rayon de connoiffance , il luy avoit
´encore envoyé des marques de fa liberalité
; & qu'enfin les dernieres
paroles de Corneille avoient efté
des remercimens pour Louis LE
GRANDAprés
l'avoir loué fur d'autre
134
MERCURE
qualitez particulieres , fur fa probité
, fur fa piété , & fur l'efprit
de douceur & de déference qu'il
apportoit à l'Academie , ne fe
préferant jamais à aucun de fes
Confreres , & ne tenant aucun
avantage des aplaudiffemens qu'il
recevoit dans le Public Monfieur
Racines adreffa la parole à Monfieur
de Bergeret , & dit , Que fi
l'Academie Françoife avoit perdu
en Monfieur Cordemoy , un Homme
qui aprés avoir donné au Barreau
une partie de fa vie , s'eftoit depuis
appliqué tout entier à l'étude de
nôtre ancienne Hiftoire , elle luy avoit
choisi pour Succeffeur un Homme,qui
après avoir eftélong - temps l'organe
d'un Parlement celebre , avoit effé
appellé à un des plus importans Emplois
de l'Etat , & qui avec une
connoiffance exacte , & de l'Hiftoire
& de tous les bons Livres, luy apporGALAN
T.
135
toit encore la connoiffance parfaite
de la merveilleufe Hiftoire de fon
Protecteur , qui étoit quelque chofe
de bien plus utile , & de bien plus
confiderable pour elle ; queperfonne
mieux que luy ne pouvoit parler de
tant de grands évenemens , dont
les motifs & les principaux refforts
avoient efté fi fouvent confiez à fa
fidelité & à fa fageffe , puis que
perfonne ne fçavoit mieux à fond
tout ce qui s'eftoit paßé de memorable
dans les Cours Etrangeres , les
Traitez, les Alliances , & toutes les
importantes Négotiations , qui fous
le Regne de Sa Majesté avoient
donne le branle à toute l'Europe ;
que cependant , s'il falloit dire la
verité , la voye de la négotiation
étoit bien courte fous un Prince qui
ayant toujours de fon cofté la Puiffance
& la Justice , n'avoit befoin
pour faire executerfes volontez, que
136 MERCURE
de les declarer ; Qu'autrefois la
France trop facile à fe laiffer fur
prendre par les artifices de fes Voifins
, paffoit pour eftre auffi infortunée
dans fes Accommodemens, qu'elle
étoit heureufe redoutable dans la
Guerre ; Quefur tout l'Espagne ,fon
orgueilleufe Ennemie , fe vantoit de
n'avoir jamais figné, mefme au plus
fort de nos profperitez , que des Trai
tezavantageux, & de regagnerfou
vent par un trait de plume , ce qu'elle
avoit perdu en plufieurs Campagne
; que cette adroite Politique
dont elle faifoit tant de vanité, luy
étoit prefentement inutile ; que toute
l'Europe avoit veu avec étonnement
, dés les premieres démarches
du Roy , cette fuperbe Nation contrainte
de venir jufque dans le Louvre
reconnoître publiquement fon
inferiorité , & nous abandonner de
puis par des Traitez folemnels , tant
GALANT . 137
l'emde
Places fi famenfes , tant de grandes
Provinces, celles mefme dont les
Roys empruntoient leurs plus glorieux
Titres ; que ce changement ne
s'étoit fait , ny par une longue fuite
de Négociations traînées , ny par la
dexterité de nos Ministres dans les
Pais Etrangers, puis qu'eux - mefmes
confeffoient que le Royfait tout, voit
tout dans les Cours où il les envoye,
& qu'ils n'ont tout au plus que
barras d'y faire entendre avec dignité
ce qu'il leur a dicté avec fageffe
. Il s'étendit encore quelque
temps fur les louanges de ce
grand Monarque, avec une force
d'expreffion tres - digne de fa matiere.
Il dit , Qu'ayant refolu dans
fon Cabinet,pour le bien de la Chré
tienté , qu'il n'y euft plus de guerre,
il avoit tracé fix lignes , & les avoit
envoyées à fon Ambassadeur à la
Haye , la veille qu'il devoit partir
138
MERCURE
pour se mettre à la teste d'une de
fes Armées ; que là- deffus tout s'étoit
agité , tout s'étoit remué , &
qu'enfin, fuivant ce qu'il avoit prévú,
fes Ennemis aprés bien des Conferences
, bien des Projets , bien des.
Plaintes inutiles , avoient efté contraints
d'accepter ces mefmes Conditions
qu'il leur avoit offertes, fans
avoir pu avec tous leurs efforts , s'écarter
d'un feul pas du cercle étroit
qu'il luy avoit plû de leur tracer.
Il s'adreffa alors à Meffieurs de
l'Academie , & ce qu'il leur dit fut
fi vif & fi bien peint , que j'affoiblirois
la beauté de cette fin d'un
Difcours fi éloquent , ſi j'en retranchois
une parole . Voicy les
termes qu'il y employa .
Quel avantage pour tous tant
que nous fommes, Meffieurs , qui cha
eun felon nos differens talens avons
entrepris de celebrer tant de granGALANT.
139
des chofes ! Vous n'aurez point pour
les mettre en jour , à difcuter avec
des fatigues incroyables une foule
d'intrigues , difficiles à developer.
Vous n'aurez pas mefme à fouiller
dans le Cabinet de fes Ennemis .
Leur mauvaife volonté , leur impuiffance
, leur douleur eft publique
à toute la Terre. Vous n'aurez point
à craindre enfin tous ces longs détails
de chicanes ennuyeuſes , qui
fechent l'efprit de l'Ecrivain , &
qui jettent tant de langueur dans
la plupart des Hiftoires modernes,
où le Lecteur qui cherchoit desfaits,
ne trouvant que de paroles , fent
mourir à chaque pas fon attention,
&perd de vue lefil des évenemens,
Dans l'Histoire du Roy, tout rit,tout
marche , tout eft en action. Il ne
faut que le fuivre fi l'on peut, & le
bien étudier luy feul. C'est un enchaînement
continuel de Faits mer-
3
140 MERCURË
veilleux que luy mefme commence,
que luy- mefme acheve , auffi clairs ,
auffi intelligibles quand ils font executez
, qu'impenetrables avant l'execution
. En un mot , lé miracle fut
de prés un autre miracle . L'attention
eft toûjours vive , l'admiration
toûjours tenduë , & l'on n'eft
pas moins frapé de la grandeur &
de la promptitude avec laquelle fe.
fait la Paix , que de la rapidité
avec laquelle fe font les Conquêtes .
Cette réponſe de Monfieur Racine
fut fuivie de tous les applau
diffemens qu'elle méritoit . Chacun
à l'envy s'empreffa a luy
marquer le plaifir que l'Affemblée
en avoit reçu , & on demeura
d'accord tout d'une voix , que
le Sort qui l'avoit fait Directeur,
n'avoit point efté aveugle dans
fon choix , & qu'on ne pouvoit
parler plus dignement au nom
GALANT.
141
de l'illuftre Compagnie , qui recevoit
dans fon Corps les deux
nouveaux Académiciens.
ceffé de parler , Monfieur de Bergeret
prit la parole , & fit un difcours
trés - éloquent. Il dit , qu'il
GALANT. 117
avoit déia éprouvé plus d'une fois ,
que dés qu'on vouloit penser avec
attention à l'Academie Françoife,
l'imagination fe trouvoit auffitoft
remplie & étonnée de tout ce qu'il
ya de plus beau dans l'Empire des
Lettres , qu'eft un Empire qui n'est
borné ny par les Montagnes , ny
pariles Mers , qui comprend toutes
les Nations & tous les Sicles ; dans
lequel les plus grands Princes ont
tenu à bonneurs d'avoir quelque
place , & où Meffieurs de l'Acade ·
mie Françoife ont l'avantage de
tenir le premier rang. Que s'il entreprenoit
de parler de toutes les
fortes de merites , qui font la gloire
de ceux qui la compofent , il fentoit
bien que l'habitude de parler en public
, & d'en avoir fait le Miniftere
plufieurs années , en parlant
pour le Roy dans un des Parlemens
defon Royaume, ne l'empefcheroit
118 MERCURE
pas de tomber dans le defordre.
Enfuite il loüa Monfieur de Cordemoy
dont il occupe la Place
for ce qu'il avoit joint toutes les
vertus Morales & Chrétiennes
aux plus riches talens de l'efprit,
fur les grandes lumiéres qu'il
avoit dans la Jurifprudence, dans
la Philofophie , & dans l'Hiftoire ,
& fur tout for une certaine prefence
d'efprit qui luy eftoir particuliére
, & qui le rendoit capable
de parler fans préparation ,
avec autant d'ordre & de ne teté
qu'on peut en avoir en écrivant
avec le plus de loiſir . Il n'oublia
les beaux & fçavans Traitez
de Phyfique qu'il à donnez au
Public; & en parlant de fa grande
Hiftoire de nos Roys qu'on acheve
d'imprimer, il ajoûta, Que fifa
trop promte mort avoit laiffé ce
dernier Ouvrage imparfait , quoy
qu'ily manquaft pour eftre entier ,
pas
GALANT. 119
ilne manqueroit rien à la réputa
tion de l'Autheur ; qu'on eftimeroit
toûjours ce qu'il a écrit , & qu'on regreteroit
toujours ce qu'il n'a pas eu le
temps d'écrire.Cet Eloge fut fuivy
de celuy de Monfieur le Cardinal
de Richelieu , inftituteur de l'Academie
Françoife . Il dit , Que
non feulement, il avoit fait les plus
grandes chofes pour la gloire de
lEtat , mais qu'il avoit fait les
plus grands Hommes pour celebrer
perpetuellement cette gloire ; que
tous les Academitiens luy apartenoient
par le Titre mefme de la
naiſſance de l'Academie, & qu'ils
étoient tous comme la Pofteritefçavante
& Spirituelle de ce grand
Miniftre ; Que l'illuftre Chancelier
qui luy avoit fuccedé dans la
protection de cette celebre Compagnie
, auroit toûjours part à la
mefme gloire; & que parmy toutes
"
110 MERCURE
les vertus qui l'avoient rendu digne
d'eftre Chefde la Justice , on releveroit
toûjours l'affection particulie
re qu'il avoit enë pour les Lettres,
& qui l'avoit obligé d'eftre fimple
Academicien long tems avant qu'il
devinft Protecteur de l'Academie ;
ce qui luy étoit d'autant plus glorieux
, que ces deux titres ne pou
voient plus estre reünis dans une
Perfonne privée , quelque éminente
qu'elle fuft en Dignité , le nom de
Protecteur del' Academie étant devenu
comme un titre Royal , par la
bonté que le Roy avoit euë de le
prendre , & de vouloir bien en faveur
des Lettres , que le Vainqueur
des Roys & l'Arbitre de l'Univers,
fuft auffi appellé le Protecteur de
l'Academie Françoife. Le reste de
fon Difcours roula fous les merveilleufes
qualitez de cet Augufte
Monarque. Il dit , Que tout ce
qu'il
GALANT. 121
cachoit
qu'il faifoit voir au monde n'eftoit
rien en comparaison de ce qu'il luy
; que tant de Victoire , de
Conqueftes , & d'Evenemens prodigieux
qui étonnoient toute la Terre,
n'avoient rien de comparable à
la fageffe incomprehenfible qui en
eftoit la caufe , & que lors qu'on
pouvoit voir quelque chofe des confeils
de cette Sageffe plus qu'humai
ne onfe trouvoit , pour ainsi dire,
dans une fi haute region d'esprit .
qu'on en perdoit la pensée , comme
quand on eft dans un air trop élevé ,
& troppur , on perd la refpiration.
Il ajoûta , Quefe tenant renfermé
dans les termes de l'admiration &
du filence , il ne cefferoit de fe taire
que pour nommer les Souveraines
Vertus qu'il admiroit ; une Prudence
qui penetroit tout , & qui étoit ellemefme
impenetrable ; une Justice
qui préferoit l'intereft du sujet à
Janvier 1685 .
A
F
122 MERCURE
celuy du Prince ; une Valeur qui prenoit
toutes les Villes qu'elle attaquoit
, comme un Torrent qui rompt
tous les obftacles qu'il rencontre ;
une Moderation qui avoit tant de
fois arrefté ce Torrent , &fufpendu
cet Orage ; une Bonté qui par l'entiere
abolition des Duels , prenoit
plus de foin de la vie des Sujets,
qu'ils n'en prenoient eux - mefmes ;
un Zele pour la Religion, qui faifoit
chaque jour de fi grands & de fi
heureux projets ; & que ce qui étoit
encore plus admirable dans toutes
ces Vertus fi differentes , c'eftoit de
les voir agir toutes ensemble , &
dans la Paix & dans la Guerre ,fansdifference
ny diftinction de temps.
Aprés une peinture fort vive des
grandes chofes que le Roy a faites
pendant la Paix , qui avoit
toûjours efté pour luy non feulement
agiffante , mais encore
GALANT. 123
victorieuſe , puis que par un
bonheur incomparable , elle n'avoit
pas arreſté fes Conqueftes ,
& que les trois plus importantes
Places du Royaume , & pour fa
gloire , & pour fa fûreté , Dunkerque
, Strasbourg , & Cazal
trois Villes qui font les Clefs de
trois Etats voifins , & dont la
Prife auroit fignalé trois Campagnes
, avoient efté conquifes
fans armes & fans Combats , il
dit, Qu'on avoit vû l'Europe entiere
conjurée contre la France , que
tout le Royaume avoit efté environné
d'Armées Ennemies & que
cependant il n'eftoit jamais arrivé
qu'un feul de tant de Genéraux
Etrangers euft pris feulement un
Quartier d'Hyver fur nos Frontie
res; Que tous ces Chefs Ennemis
Se promettoient d'entrer dans nos
Provinces en Vainqueurs & en Con-
,
F 2
124
MERCURE
quérans , mais qu'aucun d'eux ne
les avoit veües , que ceux qu'on y
avoit amenez Prifonniers ; que tous
les autres estoient demeure autour
du Royaume , comme s'ils l'avoient
gardé ,fans troubler la tranquilité
dont iljouiffoit , & que c'eftoit un
prodige inouy , que tant de Nations
jaloufes de la gloire du Roy , & qui
s'étoient affemblées pour le combatre
, n'eulent pû faire autre choſe
que de l'admirer
& d'entendre
d'affez loin le bruit terrible defes
Foudres , qui renverfoient les Murs
de quarante Villes en moins,
trente jours , & qui cependant par
une espece de miracle , n'avoient
point empefché que la voix des Loix
n'euft efté toujours entenduë ; toûjours
la Justice également gardée,
l'obeiffance rendue , la Difcipline
obfervée, le Commerce maintenu , les
Arts floriffans , les Lettres cultivées,
>
de
GALANT
. 125
le Mérite recompenfe , tous les Reglemens
de la Police generalement
executez ; & non feulement de la
Police Civile , qui par les heureux
changemens qu'elle avoit faits ,fembloit
nous avoir donné un autre Air
& une autre Ville ; mais encore de
la Police Militaire , qui avoit civilife
les Soldats,& leur avoit inspire
un amour de la gloire & de la difcipline
, quifaifoit que les Armées du
Roy étoient en mefme temps la plus
belle & la plus terrible chofe du
monde. Il finit en difant, Que c'étoit
une grande gloire pour un Prince
Conquerant, que l'onput dire de
Luy, qu'il avoit toûjours eu un efprit
de paix dans toutes les Guerres qu'il
avoit faites , depuis la premiere
Campagne jufqu'à la derniere , depuis
la Prife de Marfal jufqu'à
celle de Luxembourg ; Que cette
derniere & admirable Conquefte ,
F
3
126 MERCURE
qui en affurant toutes les autres, venoit
heureufement de finir la Guerreferoit
dire encor plus que jamais,
que le Roy étoit un Héros toûjours
Vainqueur & toûjours Pacifique ,puis
que non feulement il avoit pris cette
Place ,une des plusfortes du Monde,
&qu'il l'avoit prife malgré tous les
obftacles de la Nature , malgré tous
les efforts de l'Art , malgré toute la
refiftance des Ennemis ; mais ce qui
étoit encore plus, malgré luy - même:
Eftant certain qu'il ne l'avoit attaquée
qu'à regret , &aprés avoir
preßé long-temps fes Ennemis cent
fois vaincus , de vouloir accepter
Paix qu'il leur offroit , & de ne le
pas contraindre à fe fervir du Droit
des Armes ; de forte que par un évenement
tout fingulier , cettefameufe
Villeferoit toûjours pour la gloire du
Roy un Monument éternel , non feulement
de la plus grande valeur .
la
GALANT. 127
mais auffi de la plus grande modes
ration dont on euft jamais parlé.
Toute l'Affemblée fut tresfatisfaite
de ce Difcours,& Monfieurde
Bergeret eut tout lieu de
l'eftre des louanges qu'il reçûr.
Monfieur Racines , qui eftoit
alors Directeur de l'Académie ,
répondit à ces deux nouveaux
Académiciens au nom de la
Compagnie. Je tâcherois inutilement
de vous exprimer combien
cette Reponſe fut éloquente
, & avec combien de grace il
la prononça . Elle fut interrom
pue par des applaudiffemens fréquemment
reiterez ; & comme
il en employe une partie à élever
le mérite de Monfieur de Corneille
, il fut aiſé de connoiſtre
qu'on voyoit avec plaifir dans la
bouche d'un des plus grands
Maiftres du Theatre ; les louan-
F 4
128
MERCURE
ges de celuy qui a porté la Scene
Françoife au degré de perfection
où elle eft. Il dit d'abord , Que
l'Academie avoit regardé fa mort
comme un des plus rudes coups qui
La puft fraper ; Que quoy que depuis
un an une longue maladie l'euft
privée de fa présence , & qu'elle
euft perdu en quelque façon l'espérance
de le revoir iamais dans fes
Affemblées , toutefois il vivoit , &
que dans la Lifte où font les noms
de tous ceux qui la compofent , cette
Compagnie dont il eftoit le Doyen ,
avoit au moins la confolation de
voir immédiatement audeffous du
nom facré de fon augufte Protecteur,
le fameux nom de Corneille . Il fit
enfaite une peinture admirable
du defordre & de l'irrégularité
où fe trouvoit la Scene Françoife
, lors qu'il commença à travailler.
Nul gouft , nulle connoiffan
GALANT. 129
遂
ce des veritables beautez du Theatre.
Les Autheurs auffi ignorans que
les Spectateurs. La plupart des Sujets
extravagans & dénue de vraifemblance.
Point de Moeurs , point
de Caracteres. La Diction encore
plus vicieufe que l'Action , & dont
les Pointes , & de miferables jeux
de mots, faifoient le principal ornement
. En un mot, toutes les Regles de
l'Art , celles mefme de l'honnefteté
& de la bienséance , violées . Il pourfuivit
en difant , Que dans ce Cahos
du Poëme Dramatique parmy
nous , Monfieur de Corneille , aprés
avoir quelque temps cherche le bon
chemin , & lutte contre le mauvais
goût de fon Siecle , enfin infpiré d'un
Genie extraordinaire , & aidé de la
lecture des Anciens , avoit fait voir
fur la Scene la Raifon , mais la Raifon
accompagnée de toute la pompe,
de tous les ornemens dont nôtre !
F
130
MERCURE
gue eft capable , accorde heureuſement
le Vrai-femblable & le Merveilleux,
& laiffe bien loin derriere
Luy tout ce qu'il avoit de Rivaux,
dont la plupart defefperant de l'atteindre,&
n'ofant plus entreprendre
de luy difputer le Prix , s'eftoient
bornez à combatre la Voix publique
déclarée pour luy , & avoient eſſayé
en vain par leur difcours & par
Leurs frivoles critiques , de rabaiffer
un merite qu'ils ne pouvoient égaler.
Il paffa de là aux acclamations
qu'avoient excité à leur naiffance
le Cid , Horace , Cinna , Pompée ,
& les autres Chef- d'oeuvres qui
les avoient fuivis , & dit , Qu'on
ne trouvoit point de Poëte qui eust
poffedé à la fois tant d'excellantes
parties , l'Art , laforce , le lugement
, & l'Efprit. Il parla de la
furprenantes varieté qu'il avoit
mellée dans les Caracteres , en
<
GALANT.
131
forte, que tant de Roys, de Princes,
& de Heros qu'il avoit repréfentez,
étoient toujours tels qu'ils devoient
estre , toûjours uniformes en euxmémes
, & jamais ne fe reffemblant
les uns aux autres ; Qu'il y avoit
parmy tout cela une magnificence
d'expreffion proportionnée aux Maitres
du Monde qu'ilfaifoit fouvent
parler , capable neanmoins de s'abaiffer
quand il vouloit , & de defcendre
jufqu'aux plus fimples naïvete
du Comique , où il eftoit encore
inimitable; Qu'enfin ce qui luy
étoit fur tout particulier , c'étoit une
certaineforce, une certaine élevatio,
qui en furprenant & en élevant ,
rendoit jufqu'à fes defauts , fi on luy
en pouvoit reprocher quelques uns,
plus eftimables que les vertus des
autres. Il ajoûta , Qu'on pouvoit le
regarder comme un Homme veritablement
népour lagloire de fon Païs ,
·
F 6
132 MERCURE
,
efme
comparable , non pas à tout ce que
Fancienne Rome avoit eu d'excellens
Tragiques , puis qu'elle confeffoit
elle-mefme qu'en ce genre elle
n'avoit pas efté fort heureuſe , mais
aux Efchiles , aux Sophocles , aux
Euripides , dont la fameuse Athenes
ne s'honoroit pas moins que des
Themiftocles , des Pericles , & des
Alcibiades , qui vivoient en me
temps qu'eux. Il s'étendit fur la juftice
la Pofterité rend aux
que
habiles Ecrivains , en les égalant
à tout ce qu'il y a de plus confiderable
parmy les Hommes , &
faifant marcher de pair l'excellent
Poëte & le grand Capitaine ; &
dit là deffus , Que le mefme Siecie
qui fe glorifioit aujourd'huy d'avoir
produit Auguste, ne fe glorifioit
guere moins d'avoir produit Horace
& Virgile ; qu'ainfi lors
ages fuivans on parleroit avec éton
que
dans les
GALANT.
133
nement des Victoires prodigieufes ,
& de toutes les chofes qui rendront
nostre fiecle l'admiration de tous les
fiecles à venir , l'illuftre Corneille
tiendroit fa place parmis toutes ces
merveilles ; que la France fe fouviendroit
avec plaifir quefous le
Regne du plus grand de fes Roys ,
auroit fleury le plus celebre de fes
Poëtes , qu'on croiroit mefme ajoûter
quelque chofe à la gloire de noftre
Augufte Monarque , lors qu'on diroit
qu'il avoit eftimé, qu'il avoit honoré
de fes bien faits cet excellent Genie;
que même deux jours avant la mort,
& lors qu'il ne luy reftoit plus qu'un
rayon de connoiffance , il luy avoit
´encore envoyé des marques de fa liberalité
; & qu'enfin les dernieres
paroles de Corneille avoient efté
des remercimens pour Louis LE
GRANDAprés
l'avoir loué fur d'autre
134
MERCURE
qualitez particulieres , fur fa probité
, fur fa piété , & fur l'efprit
de douceur & de déference qu'il
apportoit à l'Academie , ne fe
préferant jamais à aucun de fes
Confreres , & ne tenant aucun
avantage des aplaudiffemens qu'il
recevoit dans le Public Monfieur
Racines adreffa la parole à Monfieur
de Bergeret , & dit , Que fi
l'Academie Françoife avoit perdu
en Monfieur Cordemoy , un Homme
qui aprés avoir donné au Barreau
une partie de fa vie , s'eftoit depuis
appliqué tout entier à l'étude de
nôtre ancienne Hiftoire , elle luy avoit
choisi pour Succeffeur un Homme,qui
après avoir eftélong - temps l'organe
d'un Parlement celebre , avoit effé
appellé à un des plus importans Emplois
de l'Etat , & qui avec une
connoiffance exacte , & de l'Hiftoire
& de tous les bons Livres, luy apporGALAN
T.
135
toit encore la connoiffance parfaite
de la merveilleufe Hiftoire de fon
Protecteur , qui étoit quelque chofe
de bien plus utile , & de bien plus
confiderable pour elle ; queperfonne
mieux que luy ne pouvoit parler de
tant de grands évenemens , dont
les motifs & les principaux refforts
avoient efté fi fouvent confiez à fa
fidelité & à fa fageffe , puis que
perfonne ne fçavoit mieux à fond
tout ce qui s'eftoit paßé de memorable
dans les Cours Etrangeres , les
Traitez, les Alliances , & toutes les
importantes Négotiations , qui fous
le Regne de Sa Majesté avoient
donne le branle à toute l'Europe ;
que cependant , s'il falloit dire la
verité , la voye de la négotiation
étoit bien courte fous un Prince qui
ayant toujours de fon cofté la Puiffance
& la Justice , n'avoit befoin
pour faire executerfes volontez, que
136 MERCURE
de les declarer ; Qu'autrefois la
France trop facile à fe laiffer fur
prendre par les artifices de fes Voifins
, paffoit pour eftre auffi infortunée
dans fes Accommodemens, qu'elle
étoit heureufe redoutable dans la
Guerre ; Quefur tout l'Espagne ,fon
orgueilleufe Ennemie , fe vantoit de
n'avoir jamais figné, mefme au plus
fort de nos profperitez , que des Trai
tezavantageux, & de regagnerfou
vent par un trait de plume , ce qu'elle
avoit perdu en plufieurs Campagne
; que cette adroite Politique
dont elle faifoit tant de vanité, luy
étoit prefentement inutile ; que toute
l'Europe avoit veu avec étonnement
, dés les premieres démarches
du Roy , cette fuperbe Nation contrainte
de venir jufque dans le Louvre
reconnoître publiquement fon
inferiorité , & nous abandonner de
puis par des Traitez folemnels , tant
GALANT . 137
l'emde
Places fi famenfes , tant de grandes
Provinces, celles mefme dont les
Roys empruntoient leurs plus glorieux
Titres ; que ce changement ne
s'étoit fait , ny par une longue fuite
de Négociations traînées , ny par la
dexterité de nos Ministres dans les
Pais Etrangers, puis qu'eux - mefmes
confeffoient que le Royfait tout, voit
tout dans les Cours où il les envoye,
& qu'ils n'ont tout au plus que
barras d'y faire entendre avec dignité
ce qu'il leur a dicté avec fageffe
. Il s'étendit encore quelque
temps fur les louanges de ce
grand Monarque, avec une force
d'expreffion tres - digne de fa matiere.
Il dit , Qu'ayant refolu dans
fon Cabinet,pour le bien de la Chré
tienté , qu'il n'y euft plus de guerre,
il avoit tracé fix lignes , & les avoit
envoyées à fon Ambassadeur à la
Haye , la veille qu'il devoit partir
138
MERCURE
pour se mettre à la teste d'une de
fes Armées ; que là- deffus tout s'étoit
agité , tout s'étoit remué , &
qu'enfin, fuivant ce qu'il avoit prévú,
fes Ennemis aprés bien des Conferences
, bien des Projets , bien des.
Plaintes inutiles , avoient efté contraints
d'accepter ces mefmes Conditions
qu'il leur avoit offertes, fans
avoir pu avec tous leurs efforts , s'écarter
d'un feul pas du cercle étroit
qu'il luy avoit plû de leur tracer.
Il s'adreffa alors à Meffieurs de
l'Academie , & ce qu'il leur dit fut
fi vif & fi bien peint , que j'affoiblirois
la beauté de cette fin d'un
Difcours fi éloquent , ſi j'en retranchois
une parole . Voicy les
termes qu'il y employa .
Quel avantage pour tous tant
que nous fommes, Meffieurs , qui cha
eun felon nos differens talens avons
entrepris de celebrer tant de granGALANT.
139
des chofes ! Vous n'aurez point pour
les mettre en jour , à difcuter avec
des fatigues incroyables une foule
d'intrigues , difficiles à developer.
Vous n'aurez pas mefme à fouiller
dans le Cabinet de fes Ennemis .
Leur mauvaife volonté , leur impuiffance
, leur douleur eft publique
à toute la Terre. Vous n'aurez point
à craindre enfin tous ces longs détails
de chicanes ennuyeuſes , qui
fechent l'efprit de l'Ecrivain , &
qui jettent tant de langueur dans
la plupart des Hiftoires modernes,
où le Lecteur qui cherchoit desfaits,
ne trouvant que de paroles , fent
mourir à chaque pas fon attention,
&perd de vue lefil des évenemens,
Dans l'Histoire du Roy, tout rit,tout
marche , tout eft en action. Il ne
faut que le fuivre fi l'on peut, & le
bien étudier luy feul. C'est un enchaînement
continuel de Faits mer-
3
140 MERCURË
veilleux que luy mefme commence,
que luy- mefme acheve , auffi clairs ,
auffi intelligibles quand ils font executez
, qu'impenetrables avant l'execution
. En un mot , lé miracle fut
de prés un autre miracle . L'attention
eft toûjours vive , l'admiration
toûjours tenduë , & l'on n'eft
pas moins frapé de la grandeur &
de la promptitude avec laquelle fe.
fait la Paix , que de la rapidité
avec laquelle fe font les Conquêtes .
Cette réponſe de Monfieur Racine
fut fuivie de tous les applau
diffemens qu'elle méritoit . Chacun
à l'envy s'empreffa a luy
marquer le plaifir que l'Affemblée
en avoit reçu , & on demeura
d'accord tout d'une voix , que
le Sort qui l'avoit fait Directeur,
n'avoit point efté aveugle dans
fon choix , & qu'on ne pouvoit
parler plus dignement au nom
GALANT.
141
de l'illuftre Compagnie , qui recevoit
dans fon Corps les deux
nouveaux Académiciens.
Fermer
Résumé : « Monsieur de Corneille ayant cessé de parler, Monsieur de Bergeret [...] »
Monsieur de Bergeret prononce un discours à l'Académie Française, soulignant la grandeur de cette institution qui attire les plus grands princes. Il rend hommage à Monsieur de Cordemoy, louant ses vertus morales et chrétiennes, ainsi que ses talents intellectuels. Cordemoy avait entrepris une grande histoire des rois de France, restée inachevée à cause de sa mort prématurée. Le discours est suivi d'un éloge du Cardinal de Richelieu, fondateur de l'Académie, célébré pour ses contributions à la gloire de l'État et son rôle de protecteur des lettres. Le roi est ensuite loué pour ses qualités exceptionnelles telles que la prudence, la justice, la valeur, la modération, la bonté et son zèle pour la religion. Ses actions pendant la paix et la guerre, notamment la conquête de places stratégiques sans combat et la gestion efficace du royaume malgré les menaces extérieures, illustrent ces vertus. Monsieur Racine, directeur de l'Académie, répond aux nouveaux académiciens en soulignant l'importance de Pierre Corneille pour le théâtre français. Racine décrit l'état chaotique du théâtre avant l'œuvre de Corneille, qui a introduit la raison et la vraisemblance sur scène, surpassant tous ses contemporains. Il compare Corneille aux grands tragiques de l'Antiquité et souligne son impact durable sur la littérature française. Le texte mentionne également la gloire de la France, qui se glorifie d'avoir produit des figures illustres comme Auguste, Horace et Virgile, et prédit que le siècle sera admiré pour ses victoires prodigieuses. Corneille est décrit comme une merveille parmi ces exploits. La France se souviendra avec plaisir que, sous le règne de Louis XIV, le plus célèbre de ses poètes a fleuri. Le roi a honoré Corneille de ses bienfaits, même deux jours avant sa mort, en lui envoyant des marques de libéralité. Les dernières paroles de Corneille ont été des remerciements à Louis XIV, qu'il a loué pour sa probité, sa piété et son esprit de douceur. Racine adresse ensuite la parole à Bergeret, soulignant que l'Académie française a perdu en Cordemoy un homme dédié à l'étude de l'histoire ancienne, mais a choisi un successeur compétent en Bergeret. Ce dernier, après avoir été l'organe d'un parlement célèbre et occupé un emploi important dans l'État, apporte à l'Académie une connaissance parfaite de l'histoire et des livres, ainsi que de l'histoire de son protecteur. Racine loue Bergeret pour sa connaissance des grands événements, des traités, des alliances et des négociations sous le règne de Sa Majesté. Racine mentionne également la supériorité de la France dans les négociations, contrastant avec les politiques passées où la France était souvent désavantagée. Il souligne que l'Espagne, autrefois orgueilleuse, a dû reconnaître publiquement son infériorité et abandonner des places et provinces importantes. Ce changement est attribué à la puissance et à la justice du roi, qui n'a besoin que de déclarer ses volontés pour les voir exécutées. Racine conclut en louant le roi pour sa résolution de mettre fin à la guerre et pour son habileté à tracer des lignes de paix que les ennemis ont dû accepter.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
p. 208-225
Suite de l'Article de Siam. [titre d'après la table]
Début :
Je n'ay point douté que vous ne fussiez contente du second Article [...]
Mots clefs :
Royaume de Siam, Roi, Ambassadeurs, Versailles, Officiers, Repas, Marquis, Audience, Prince, Galeries, Compliments, Conquêtes, Carrosses, Saint-Cloud, Jardins, Réception, Cérémonie, Peuple, Amitié, Discours, Admiration, Bénédictions du ciel, Sa Majesté, Bonté, Adoration, Opéra, Jean-Baptiste Colbert de Seignelay
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de l'Article de Siam. [titre d'après la table]
Je n'ay point douté que vous
ne fuffiez
contente
du fecond
Article
de Siam que je vous ay
envoyé
dans ma Lettre de Decembre
. Outre
qu'il contient
quantité
de chofes curieufes
, il
fait connoître
combien
la reputation
du Roy eft établie
dans
les Païs les plus éloignez
; & c'étoit
affez pour vous obliger
à le
lire avec plaifir. En voicy la fuite
. Ces deux Mandarins
Envoyez
de Siam , accompagnez
de fix
Domestiques
, étant arrivez
le 6.
d'Octobre
dernier
à Calais
, fur
un Yach du Roy d'Angleterre
, y
furent reçeus par le Major de la
Place , fuivy de fes Officiers
, en
l'abfence
de Monfieur
de Courtebonne
, Lieutenant
de Roy.
GALANT. 109
Toute la Garniſon étoit fous les
Armes , & la Ville les alla complimenter
, & leur porta les Prefens
accoûtumez. Ils en partirent
le lendemain , & prirent la route
de Paris, où ils fe rendirent le 13 .
La Langue Siamoife étant extrêmement
difficile , ils avoient pour
leur Interprete le Fils d'un Portugais
qui eft habitué à Siam , où
ce Fils eft né. Des Officiers qui
les attendoient à Calais , eurent
foin de leur Voiture & de leur
Table fur tout le chemin. Quoy
qu'ils foient fort fobres , comme
le font tous les Siamois , qui ne
mangent le plus fouvent que du
Ris , ce qu'ils appellent du Pilau,
leur Table a efté toûjours tresbien
fervie , & de Viandes fort
delicates,avec des Couverts pour
les Perfonnes de confideration
qui les venoient voir. Ils les fer210
MERCURE
voient , & je leur ay vû couper
des aîles de Perdrix fort proprement.
Ils fumoient quelquefois
aprés le repas . Leur Tabac eft
fort doux ; & lors qu'il leur a
manqué , ils n'ont pu s'accoûtumer
à celuy de ce Païs - cy , qui
les enteftoit . Aprés leur arrivée
ils ont efté long temps fans fortir;
& quoy que la Saifon ne fuft pas
rude , l'exceffive chaleur de leur
Païs leur faifoit fupporter nos
premiers froids avec peine . Monfieur
le Marquis de Seignelay
étant venu icy de Fontainebleau ,
un peu aprés qu'ils y furent arriils
en eurent audience . Je
vous ay marqué exactement dans
quelqu'une de mes Lettres , ce
qui s'y étoit paffé . Le 28.d'Octo
bre, ils allerent falüer Monfieur ;
mais ils n'eurent pas de ce Prince
une audience dans les formes ,
vez ,
GALANT. 211
parce qu'ils ne font envoyez
qu'aux Miniftres de France , pour
s'informer , comme je vous l'ay
déja marqué , des Ambaffadeurs
que le Roy de Siam avoit envoyez
à Sa Majesté , & que l'on
croit qui ont péry dans ce long
Voyage. Monfieur fe promenoit
dans la Galerie du Palais Royal;
& lors qu'on leur eut montré ce
Prince , ils firent couler le long
du Plancher un grand morceau
d'Etofe , qui fait partie de leur
habillement , & qui leur fert en
de pareilles occafions . Ils s'éten
dirent deffus , d'une maniere treshumiliée
, & firent compliment
à Monfieur fur le gain de la Bataille
de Caffel , & fur la Prife de
plufieurs Places conquifes par
luy , dont le bruit s'eftoit répandu
jufques à Siam. Monfieur leur
dit qu'ils fe relevaffent , ce qu'ils
212
MERCURE
ne firent pas d'abord , de forte
que ce Prince fut obligé de le dire
juſques à quatre fois , & mefme
de le commander . Ils pafférent
enfuite fur la Galerie découverte,
qui a veüe fur le lardin &
fur la Court , & virent Son Alteffe
Royale monter en Carroffe
au bruit des Trompettes, pour aller
à S. Clou . Elle eftoit fuivie d'un
grand nombre de Gardes à cheval
, & de plufieurs Carroffes à
fix Chevaux ; & avoit ordonné
que l'on en donnaft auffi à ces
deux Mandarins , ainſi qu'aux
Perfonnes de leur fuite. On les
conduifit à S. Cloud , où ils furent
régalez par les ordres de
Monfieur. Ils virent la fuperbe
Galerie , & les deux magnifiques
Sallons de cette délicieufe Maifon,
auffi bien que tous les Apartemens;
& ils furent charmez de
GALANT. 213
ོ་
la beauté des lardins , dont on fit
jouer toutes les Eaux. Ils fe retirérent
charmez , moins encore
de tout ce qu'ils avoient veu , que
de la Perfonne de ce Prince ,
qu'ils admirérent , & dont ils ont
fouvent parlé depuis ce tempslà.
Ils ont auffi efté voir le Iardin
& les Apartemens des Thuileries
, & furent furpris de l'éclat
& de la richeffe de la grande Salle
des Machines . Quelque temps
apres ils allérent à Chantilly.
Monfieur Vachet les entretint en
chemin des belles qualitez de
Monfieur le Prince , & de fa grande
valeur ; & ce fut pourquoy
auffi toft que ces Mandarins le
virent , le plus vieux dit , Que le
brillant qui fortoit des yeux
de ce
Prince , le perfuadoit mieux de fon
efprit & de fa valeur , que tout ce
qu'on luy en avoit dit.Vous remar214
MERCURE
querez que ce Mandarin eft non
feulement Chiromancien , mais
encore fort bon Phifionomifte ;
& que c'eft la Science à laquelle
s'appliquent les plus grands Seigneurs
Siamois. L'obligeante reception
que Monfieur le Prince
fit à ces deux Envoyez , leur fut fi
agreable , qu'ils prièrent plufieurs
fois Monfieur Vachet , de luy
faire entendre qu'ils n'eftoient
que fimples Envoyez , & non
pas Ambaffadeurs , craignant
que Son Alteffe Seréniffime ne
cruft qu'ils eftoient , revestus
de ce caractere . Ils répondirent
à ce Prince , lors qu'il leur fit demander
ce qu'il leur ſembloit de
fa Maifon , qu'on avoit pris foin
de leur montrer fort exactement
,
Qu'ils n'avoient pas de paroles
pouren pouvoir exprimer la beauté;
mais qu'ils ne s'étonnoient plus de
GALANT.
215
=
ce que Son Alteffe preferoit lefejour
de Chantilly à celuy de Paris. Ils
ont efté trois ou quatre fois à la
Comédie , & ils ont fur tout esté
furpris de la grande quantité de
monde qu'ils y ont vu. Ils avoient
crû d'abord , qu'on faifoit ces
grandes , Affemblées exprés pour
eux , & pour leur faire voir la
prodigieufe quantité de Peuple
qui remplit Paris , & on les furprit
extrémement en les détrompant.
On leur a fait entendre
une grande Meffe à Noftre-
Dame , un jour que Monfieur
l'Archevefque officioit , afin de
leur faire voir nos Cerémonies
* Eccléfiaftiques dans tout leur
éclat ; ils ont auffi vû celles de
l'Ouverture du Parlement. L'af-
Aluence du Peuple eftoit fi grande
en l'une & en l'autre , qu'ils
dirent , Que Paris n'eftoit pas une
116 MERCURE
Ville , mais un Monde. Le 27 .
Novembre , ayant efté amenez
à Versailles , ils defcendirent à
l'Apartement de Monfieur de
Croiffy , Miniftre & Secretaire
d'Etat , qui les reçût dans fon
Cabinet. Il y avoit un Tapis tendu
depuis la porte jufqu'à un
Fauteuil qui étoit au fond , &
dans lequel ce Miniftre étoit affis .
Ils fe profternérent fur ce Tapis,
& s'étant relevez quelque temps
apres , & mis fur leurs talons , le
plus jeune de ces Envoyez luy
dit , Que le Roy de Siam , fon Maitre
, avoit voulu rechercher l'amitié
du Roy , par la connoiffance qu'il
avoit defes Conqueftes , de la profpéritédefes
Armes , du bonheur de
Ses Sujets , & de fa fage conduite,
& que pour cela il avoit envoyé des
Ambaffadeurs , qui avoient , ordre
de prier Sa Majesté de vouloir bien
GALANT. 217
e
0
luy en envoyer auffi de fa part , afin
de mieux établir la correspondance
qu'il fouhaitoit qui ſefift entr'eux;
mais
que n'en ayant point entendu
e parler depuis leur départ , il les
avoit choifis pour remplir fa place,
afin de luy faire une pareille décla
ration , & luy temoigner la joye
& qu'il avoit de la naiffance de Monfeigneur
le Duc de Bourgogne . Ce
Difcours eftant finy ,l'autre Mandarin
fe leva , & porta à Monfieur
de Croiffy une Lettre que le Barcalon
luy écrivoit. C'est le nom
qu'on donne au Premier Miniftre
du Roy de Siam. Monfieur de
il Croiffy receut cette Lettre debout
, & le Mandarin s'étant remis
en fa place , il leur répondit ,
que la perte des Ambaffadeurs
du Roy leur Maiftre l'avoit d'autant
plus touché , qu'il avoit cfté
émoin du deplaifir qu'elle avoit
Fanvier 1685. K
218 MERCURE
caufé à Sa Majefté ; Que file
bruit de la gloire qu ' Elle s'étoit
acquife par le nombre furprenant
de fes Conqueftes , & de fes
Actions plus qu'humaines , qui
font l'admiration de toute la terre ,
avoit infpiré au Roy de Siam , le
defir de contracter une amitié
fincére avec Elle , noftre Grand
Monarque n'étoit pas moins difpofé
à témoigner au Roy leur
Maiftre , par toute forte de moyens
, la haute eftime qu'il avoit
pour luy , qu'il avoit même déja
voulu malgré la vaſte étenduë
des Mers , qui féparent les deux
Empires , de luy envoyer le plus
promptement qu'il fe pourroit un
Ambaffadeur , pour luy marquer
le cas qu'il faifoit de fon amitié ,
& l'exorter d'autant plus à reconnoître
le vray Dieu , que Sà Majefté
ne doutoit point qu'Elle ne
GALANT.* 219
X
S
1
duft aux Benedictions du Ciel ,
toutes les profperitez de fon
Regne , & que la pureté de fa
Croyance pourroit le plus folidement
établir entr'eux l'union
qu'il fouhaitoit, comme elle avoit
toûjours fait la régle des Allian-
& amitiez de Sa Majesté.
Ce Miniftre affura auffi ces Envoyez
du plaifir ,
, que faifoit au
Roy la protection que celuy de
Siam donne à Monfieur l'Evef
que d'Heliopolis , & à tous les
autres Miffionnaires .
ces ,
Comme ils n'étoient , ny Ambaffadeurs
, ny Envoyez vers le
Roy , ils ne devoient point voir
Sa Majesté. Cependant ce Monarque
ne voulut pas que des
Gens qui étoient venus de fix mille
lieuës , s'en retournaffent fans
recevoir cet honneur . D'ailleurs
il crut leur devoir donner cette.
K 2
220 MERCURE
fatisfaction en
confideration du
Roy de Siam , qui le premier avoit
envoyé une auffi celebre Ambaffade
que
celle dont je vous ay
parlé , avec des Prefens compofez
de tout ce qu'il avoit pû trouver
de plus riche dans fes Trefors . Il
fut done refolu que ces deux
Mandarins verroient le Roy , lors
que Sa Majesté traverseroit
la
Galerie de Verfailles pour aller
entendre la Meffe .
Ainfi apres l'Audience qu'ils
avoient cuë de Monfieur de
Croiffy , ils furent conduits dans
cette Galerie , où ils fe profternérent
quand le Roy parut. Sa
Majefté les voyant demeurer en
cet état , demanda s'ils ne fe releveroient
point , à quoy Monfieur
Vachet répondit , qu'ayant
accoûtumé d'étre toûjours dans
cette poſture devant le Roy leur
GALANT. 221
Maiftre , ils s'y tiendroient auffi
devant Elle . Le Roy demanda
cncore s'ils avoient quelque chofe
à luy dire , & l'un des Mandarins
répondit, Qu'ils étoient extré
mement obligez au Roy , qui avoit
bien voulu leur permettre de voir fon
Augufte Majesté. Le Roy leur dit
qu'il eftoit bien aiſe de voir des
Sujets d'un Prince qu'il confidéroit
, & Sa Majesté fe retira apres
avoir donné ordre à Monfieur
Vachet de les faire relever. Comme
la Cour de France eft fort
groffe , & que le Roy eſt toûjours
environné de la plupart des Officiers
de la Couronne , & d'un
grand nombre de Princes & Seigneurs
, ils furent d'autant plus
furpris de voir une fi grande foule
auprés de fa Perfonne qu'aucun
n'aproche de celle des Roys
d'Orient , qu'on ne regarde qu'a-
K
3
222 MERCURE
avec adoration ; & ils dirent en
même temps , Qu'ils admiroient
un fi grand Monarque , qui pouvant
d'une parole ou d'un clin d'oeil
écarter cettefoulé, avoit néanmoins
la bonté de la fouffrir auprés de luy ,
& qui vivoit avecfes Sujets , comme
ils faifoient dans leur Domestique
avec leurs Enfans. Monfieur Vachet
leur dit , Que la bonté du Roy
ne rendoit pas fes Suiets moins refpectueux
, & qu'il n'en étoit pas
moins abfolu dans fes Etats ; Il leur
dit encor , que tous ces grands Seigneurs
qui étoient auprés defa Per-
Jonne , étoient encore plus empreffe
à l'environner , quand ce Prince
s'expofoit au peril de la Guerre , ce
qu'il luy arrivoit fouvent , ce Monarque
voulant aller reconnoistre
luy- méme tontes les Places qu'il attaquoit.
Le 16. de ce mois , ils
retournérent à Versailles , virent
1
GALANT. 223
l'Opera de Roland où le Roy
étoit , & ils eurent prefque toûjours
les yeux attachez fur Sa
Majefté , parce que lors qu'ils fe
profternérent dans la Galerie ,
leur profonde humiliation les
avoit empechez de regarder ce
Monarque. le dois vous dire icy
que ces Envoyez font un Iournal
de leur Voyage , pour en rendre
compte au Roy de Siam , & qu'aprés
avoir vu les Apartemens &
les Eaux de Verfailles : ils dirent
à Monfieur Vachet , Qu'il leur
étoit impoffible d'exprimer ce qu'ils
avoient vû , qu'il pouvoit en faire
• Luy- méme la defcription , & y mettre
tout ce qu'ils voudroit , & qu'ils
le figneroient , parce qu'ils étoient
affure que l'on n'en pouvoit trop
aſſure
dire. Pendant leur féjour à Paris,
ils ont peu forty à cauſe du grand
froid qu'il a fait , ils ont efté la
K
4
224
MERCURE
plupart du temps au lit , & on
ne les a vûs qu'à dîner : La premiére
Neige de cet Hyver étant
tombée la nuit, ce qu'ils en virent
le lendemain , les furprit beaucoup
, & ils croyoient qu'on l'euft
mife au lieux où ils l'apperçurent
, ils s'en firent apporter dans
un plat , & ne pouvoient concevoir
ce que c'étoit . Comme ils
font accoûtumez au filence , &
qu'il régne dans leur Cour , où
tout eft en adoration pour leur
Roy , rien ne leur a plû davantage
icy , que de voir cinquante
Miffionnaires manger fans par-
Jer. Le 17. ils prirent leur Au-.
dience de congé de Monfieur
Colbert de Croiffy , & de Monfieur
le Marquis de Seignelay . Je
vous parleray dans ma Lettre de
Février des Prefens qu'ils ont &
faits & reçus , de leur départ , &
GALANT . 225
de celuy de Monfieur le Chevalier
de Chaumont
ne fuffiez
contente
du fecond
Article
de Siam que je vous ay
envoyé
dans ma Lettre de Decembre
. Outre
qu'il contient
quantité
de chofes curieufes
, il
fait connoître
combien
la reputation
du Roy eft établie
dans
les Païs les plus éloignez
; & c'étoit
affez pour vous obliger
à le
lire avec plaifir. En voicy la fuite
. Ces deux Mandarins
Envoyez
de Siam , accompagnez
de fix
Domestiques
, étant arrivez
le 6.
d'Octobre
dernier
à Calais
, fur
un Yach du Roy d'Angleterre
, y
furent reçeus par le Major de la
Place , fuivy de fes Officiers
, en
l'abfence
de Monfieur
de Courtebonne
, Lieutenant
de Roy.
GALANT. 109
Toute la Garniſon étoit fous les
Armes , & la Ville les alla complimenter
, & leur porta les Prefens
accoûtumez. Ils en partirent
le lendemain , & prirent la route
de Paris, où ils fe rendirent le 13 .
La Langue Siamoife étant extrêmement
difficile , ils avoient pour
leur Interprete le Fils d'un Portugais
qui eft habitué à Siam , où
ce Fils eft né. Des Officiers qui
les attendoient à Calais , eurent
foin de leur Voiture & de leur
Table fur tout le chemin. Quoy
qu'ils foient fort fobres , comme
le font tous les Siamois , qui ne
mangent le plus fouvent que du
Ris , ce qu'ils appellent du Pilau,
leur Table a efté toûjours tresbien
fervie , & de Viandes fort
delicates,avec des Couverts pour
les Perfonnes de confideration
qui les venoient voir. Ils les fer210
MERCURE
voient , & je leur ay vû couper
des aîles de Perdrix fort proprement.
Ils fumoient quelquefois
aprés le repas . Leur Tabac eft
fort doux ; & lors qu'il leur a
manqué , ils n'ont pu s'accoûtumer
à celuy de ce Païs - cy , qui
les enteftoit . Aprés leur arrivée
ils ont efté long temps fans fortir;
& quoy que la Saifon ne fuft pas
rude , l'exceffive chaleur de leur
Païs leur faifoit fupporter nos
premiers froids avec peine . Monfieur
le Marquis de Seignelay
étant venu icy de Fontainebleau ,
un peu aprés qu'ils y furent arriils
en eurent audience . Je
vous ay marqué exactement dans
quelqu'une de mes Lettres , ce
qui s'y étoit paffé . Le 28.d'Octo
bre, ils allerent falüer Monfieur ;
mais ils n'eurent pas de ce Prince
une audience dans les formes ,
vez ,
GALANT. 211
parce qu'ils ne font envoyez
qu'aux Miniftres de France , pour
s'informer , comme je vous l'ay
déja marqué , des Ambaffadeurs
que le Roy de Siam avoit envoyez
à Sa Majesté , & que l'on
croit qui ont péry dans ce long
Voyage. Monfieur fe promenoit
dans la Galerie du Palais Royal;
& lors qu'on leur eut montré ce
Prince , ils firent couler le long
du Plancher un grand morceau
d'Etofe , qui fait partie de leur
habillement , & qui leur fert en
de pareilles occafions . Ils s'éten
dirent deffus , d'une maniere treshumiliée
, & firent compliment
à Monfieur fur le gain de la Bataille
de Caffel , & fur la Prife de
plufieurs Places conquifes par
luy , dont le bruit s'eftoit répandu
jufques à Siam. Monfieur leur
dit qu'ils fe relevaffent , ce qu'ils
212
MERCURE
ne firent pas d'abord , de forte
que ce Prince fut obligé de le dire
juſques à quatre fois , & mefme
de le commander . Ils pafférent
enfuite fur la Galerie découverte,
qui a veüe fur le lardin &
fur la Court , & virent Son Alteffe
Royale monter en Carroffe
au bruit des Trompettes, pour aller
à S. Clou . Elle eftoit fuivie d'un
grand nombre de Gardes à cheval
, & de plufieurs Carroffes à
fix Chevaux ; & avoit ordonné
que l'on en donnaft auffi à ces
deux Mandarins , ainſi qu'aux
Perfonnes de leur fuite. On les
conduifit à S. Cloud , où ils furent
régalez par les ordres de
Monfieur. Ils virent la fuperbe
Galerie , & les deux magnifiques
Sallons de cette délicieufe Maifon,
auffi bien que tous les Apartemens;
& ils furent charmez de
GALANT. 213
ོ་
la beauté des lardins , dont on fit
jouer toutes les Eaux. Ils fe retirérent
charmez , moins encore
de tout ce qu'ils avoient veu , que
de la Perfonne de ce Prince ,
qu'ils admirérent , & dont ils ont
fouvent parlé depuis ce tempslà.
Ils ont auffi efté voir le Iardin
& les Apartemens des Thuileries
, & furent furpris de l'éclat
& de la richeffe de la grande Salle
des Machines . Quelque temps
apres ils allérent à Chantilly.
Monfieur Vachet les entretint en
chemin des belles qualitez de
Monfieur le Prince , & de fa grande
valeur ; & ce fut pourquoy
auffi toft que ces Mandarins le
virent , le plus vieux dit , Que le
brillant qui fortoit des yeux
de ce
Prince , le perfuadoit mieux de fon
efprit & de fa valeur , que tout ce
qu'on luy en avoit dit.Vous remar214
MERCURE
querez que ce Mandarin eft non
feulement Chiromancien , mais
encore fort bon Phifionomifte ;
& que c'eft la Science à laquelle
s'appliquent les plus grands Seigneurs
Siamois. L'obligeante reception
que Monfieur le Prince
fit à ces deux Envoyez , leur fut fi
agreable , qu'ils prièrent plufieurs
fois Monfieur Vachet , de luy
faire entendre qu'ils n'eftoient
que fimples Envoyez , & non
pas Ambaffadeurs , craignant
que Son Alteffe Seréniffime ne
cruft qu'ils eftoient , revestus
de ce caractere . Ils répondirent
à ce Prince , lors qu'il leur fit demander
ce qu'il leur ſembloit de
fa Maifon , qu'on avoit pris foin
de leur montrer fort exactement
,
Qu'ils n'avoient pas de paroles
pouren pouvoir exprimer la beauté;
mais qu'ils ne s'étonnoient plus de
GALANT.
215
=
ce que Son Alteffe preferoit lefejour
de Chantilly à celuy de Paris. Ils
ont efté trois ou quatre fois à la
Comédie , & ils ont fur tout esté
furpris de la grande quantité de
monde qu'ils y ont vu. Ils avoient
crû d'abord , qu'on faifoit ces
grandes , Affemblées exprés pour
eux , & pour leur faire voir la
prodigieufe quantité de Peuple
qui remplit Paris , & on les furprit
extrémement en les détrompant.
On leur a fait entendre
une grande Meffe à Noftre-
Dame , un jour que Monfieur
l'Archevefque officioit , afin de
leur faire voir nos Cerémonies
* Eccléfiaftiques dans tout leur
éclat ; ils ont auffi vû celles de
l'Ouverture du Parlement. L'af-
Aluence du Peuple eftoit fi grande
en l'une & en l'autre , qu'ils
dirent , Que Paris n'eftoit pas une
116 MERCURE
Ville , mais un Monde. Le 27 .
Novembre , ayant efté amenez
à Versailles , ils defcendirent à
l'Apartement de Monfieur de
Croiffy , Miniftre & Secretaire
d'Etat , qui les reçût dans fon
Cabinet. Il y avoit un Tapis tendu
depuis la porte jufqu'à un
Fauteuil qui étoit au fond , &
dans lequel ce Miniftre étoit affis .
Ils fe profternérent fur ce Tapis,
& s'étant relevez quelque temps
apres , & mis fur leurs talons , le
plus jeune de ces Envoyez luy
dit , Que le Roy de Siam , fon Maitre
, avoit voulu rechercher l'amitié
du Roy , par la connoiffance qu'il
avoit defes Conqueftes , de la profpéritédefes
Armes , du bonheur de
Ses Sujets , & de fa fage conduite,
& que pour cela il avoit envoyé des
Ambaffadeurs , qui avoient , ordre
de prier Sa Majesté de vouloir bien
GALANT. 217
e
0
luy en envoyer auffi de fa part , afin
de mieux établir la correspondance
qu'il fouhaitoit qui ſefift entr'eux;
mais
que n'en ayant point entendu
e parler depuis leur départ , il les
avoit choifis pour remplir fa place,
afin de luy faire une pareille décla
ration , & luy temoigner la joye
& qu'il avoit de la naiffance de Monfeigneur
le Duc de Bourgogne . Ce
Difcours eftant finy ,l'autre Mandarin
fe leva , & porta à Monfieur
de Croiffy une Lettre que le Barcalon
luy écrivoit. C'est le nom
qu'on donne au Premier Miniftre
du Roy de Siam. Monfieur de
il Croiffy receut cette Lettre debout
, & le Mandarin s'étant remis
en fa place , il leur répondit ,
que la perte des Ambaffadeurs
du Roy leur Maiftre l'avoit d'autant
plus touché , qu'il avoit cfté
émoin du deplaifir qu'elle avoit
Fanvier 1685. K
218 MERCURE
caufé à Sa Majefté ; Que file
bruit de la gloire qu ' Elle s'étoit
acquife par le nombre furprenant
de fes Conqueftes , & de fes
Actions plus qu'humaines , qui
font l'admiration de toute la terre ,
avoit infpiré au Roy de Siam , le
defir de contracter une amitié
fincére avec Elle , noftre Grand
Monarque n'étoit pas moins difpofé
à témoigner au Roy leur
Maiftre , par toute forte de moyens
, la haute eftime qu'il avoit
pour luy , qu'il avoit même déja
voulu malgré la vaſte étenduë
des Mers , qui féparent les deux
Empires , de luy envoyer le plus
promptement qu'il fe pourroit un
Ambaffadeur , pour luy marquer
le cas qu'il faifoit de fon amitié ,
& l'exorter d'autant plus à reconnoître
le vray Dieu , que Sà Majefté
ne doutoit point qu'Elle ne
GALANT.* 219
X
S
1
duft aux Benedictions du Ciel ,
toutes les profperitez de fon
Regne , & que la pureté de fa
Croyance pourroit le plus folidement
établir entr'eux l'union
qu'il fouhaitoit, comme elle avoit
toûjours fait la régle des Allian-
& amitiez de Sa Majesté.
Ce Miniftre affura auffi ces Envoyez
du plaifir ,
, que faifoit au
Roy la protection que celuy de
Siam donne à Monfieur l'Evef
que d'Heliopolis , & à tous les
autres Miffionnaires .
ces ,
Comme ils n'étoient , ny Ambaffadeurs
, ny Envoyez vers le
Roy , ils ne devoient point voir
Sa Majesté. Cependant ce Monarque
ne voulut pas que des
Gens qui étoient venus de fix mille
lieuës , s'en retournaffent fans
recevoir cet honneur . D'ailleurs
il crut leur devoir donner cette.
K 2
220 MERCURE
fatisfaction en
confideration du
Roy de Siam , qui le premier avoit
envoyé une auffi celebre Ambaffade
que
celle dont je vous ay
parlé , avec des Prefens compofez
de tout ce qu'il avoit pû trouver
de plus riche dans fes Trefors . Il
fut done refolu que ces deux
Mandarins verroient le Roy , lors
que Sa Majesté traverseroit
la
Galerie de Verfailles pour aller
entendre la Meffe .
Ainfi apres l'Audience qu'ils
avoient cuë de Monfieur de
Croiffy , ils furent conduits dans
cette Galerie , où ils fe profternérent
quand le Roy parut. Sa
Majefté les voyant demeurer en
cet état , demanda s'ils ne fe releveroient
point , à quoy Monfieur
Vachet répondit , qu'ayant
accoûtumé d'étre toûjours dans
cette poſture devant le Roy leur
GALANT. 221
Maiftre , ils s'y tiendroient auffi
devant Elle . Le Roy demanda
cncore s'ils avoient quelque chofe
à luy dire , & l'un des Mandarins
répondit, Qu'ils étoient extré
mement obligez au Roy , qui avoit
bien voulu leur permettre de voir fon
Augufte Majesté. Le Roy leur dit
qu'il eftoit bien aiſe de voir des
Sujets d'un Prince qu'il confidéroit
, & Sa Majesté fe retira apres
avoir donné ordre à Monfieur
Vachet de les faire relever. Comme
la Cour de France eft fort
groffe , & que le Roy eſt toûjours
environné de la plupart des Officiers
de la Couronne , & d'un
grand nombre de Princes & Seigneurs
, ils furent d'autant plus
furpris de voir une fi grande foule
auprés de fa Perfonne qu'aucun
n'aproche de celle des Roys
d'Orient , qu'on ne regarde qu'a-
K
3
222 MERCURE
avec adoration ; & ils dirent en
même temps , Qu'ils admiroient
un fi grand Monarque , qui pouvant
d'une parole ou d'un clin d'oeil
écarter cettefoulé, avoit néanmoins
la bonté de la fouffrir auprés de luy ,
& qui vivoit avecfes Sujets , comme
ils faifoient dans leur Domestique
avec leurs Enfans. Monfieur Vachet
leur dit , Que la bonté du Roy
ne rendoit pas fes Suiets moins refpectueux
, & qu'il n'en étoit pas
moins abfolu dans fes Etats ; Il leur
dit encor , que tous ces grands Seigneurs
qui étoient auprés defa Per-
Jonne , étoient encore plus empreffe
à l'environner , quand ce Prince
s'expofoit au peril de la Guerre , ce
qu'il luy arrivoit fouvent , ce Monarque
voulant aller reconnoistre
luy- méme tontes les Places qu'il attaquoit.
Le 16. de ce mois , ils
retournérent à Versailles , virent
1
GALANT. 223
l'Opera de Roland où le Roy
étoit , & ils eurent prefque toûjours
les yeux attachez fur Sa
Majefté , parce que lors qu'ils fe
profternérent dans la Galerie ,
leur profonde humiliation les
avoit empechez de regarder ce
Monarque. le dois vous dire icy
que ces Envoyez font un Iournal
de leur Voyage , pour en rendre
compte au Roy de Siam , & qu'aprés
avoir vu les Apartemens &
les Eaux de Verfailles : ils dirent
à Monfieur Vachet , Qu'il leur
étoit impoffible d'exprimer ce qu'ils
avoient vû , qu'il pouvoit en faire
• Luy- méme la defcription , & y mettre
tout ce qu'ils voudroit , & qu'ils
le figneroient , parce qu'ils étoient
affure que l'on n'en pouvoit trop
aſſure
dire. Pendant leur féjour à Paris,
ils ont peu forty à cauſe du grand
froid qu'il a fait , ils ont efté la
K
4
224
MERCURE
plupart du temps au lit , & on
ne les a vûs qu'à dîner : La premiére
Neige de cet Hyver étant
tombée la nuit, ce qu'ils en virent
le lendemain , les furprit beaucoup
, & ils croyoient qu'on l'euft
mife au lieux où ils l'apperçurent
, ils s'en firent apporter dans
un plat , & ne pouvoient concevoir
ce que c'étoit . Comme ils
font accoûtumez au filence , &
qu'il régne dans leur Cour , où
tout eft en adoration pour leur
Roy , rien ne leur a plû davantage
icy , que de voir cinquante
Miffionnaires manger fans par-
Jer. Le 17. ils prirent leur Au-.
dience de congé de Monfieur
Colbert de Croiffy , & de Monfieur
le Marquis de Seignelay . Je
vous parleray dans ma Lettre de
Février des Prefens qu'ils ont &
faits & reçus , de leur départ , &
GALANT . 225
de celuy de Monfieur le Chevalier
de Chaumont
Fermer
Résumé : Suite de l'Article de Siam. [titre d'après la table]
En octobre, deux mandarins envoyés par le roi de Siam sont arrivés à Calais avec six domestiques. Ils ont été accueillis par le major de la place et ont ensuite voyagé jusqu'à Paris, où ils ont reçu des honneurs militaires et civils. Leur interprète était le fils d'un Portugais né à Siam. Malgré leur sobriété alimentaire, ils ont été bien traités et ont pu observer diverses cérémonies et lieux prestigieux. À Paris, les mandarins ont rencontré plusieurs personnalités françaises, dont les marquis de Seignelay et de Vachet. Ils ont exprimé leur admiration pour la France et ont été impressionnés par la grandeur et la richesse des lieux visités, tels que le Palais-Royal, Chantilly et Versailles. Ils ont également assisté à des représentations théâtrales et à des cérémonies religieuses. La mission des mandarins était de s'informer sur les ambassadeurs envoyés par le roi de Siam à la cour française, présumés perdus. Ils ont rencontré le ministre Colbert de Croissy, qui leur a transmis les condoléances du roi de France et a exprimé le désir de renforcer les liens entre les deux royaumes. Ils ont également été reçus par le roi de France, qui les a honorés malgré leur statut non officiel d'ambassadeurs. Pendant leur séjour, les mandarins ont été surpris par le froid et la neige, éléments inconnus dans leur pays. Ils ont également été impressionnés par la liberté de parole et la diversité des gens en France. Avant leur départ, ils ont pris congé des ministres Colbert de Croissy et Seignelay. Une lettre sera envoyée en février pour discuter des préfets, des actions qu'ils ont entreprises et reçues, ainsi que de leur départ. Cette lettre mentionnera également le départ de Monsieur le Chevalier de Chaumont.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
p. 189-216
L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Début :
Il y a déja quelque temps que l'on m'a mis / L'Amour se plait souvent à faire voir sa bizarrerie aussi [...]
Mots clefs :
Amour, Bizarrerie, Veuve, Qualités, Mariage, Prétendants, Indépendance, Plaisirs de la vie, Fête, Amants, Cavalier, Hasard, Émotions, Jalousie, Honneur, Injustice, Discours, Coeur, Mariage, Amitié
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Ily a déja quelque temps que l'on
m'a mis entre les mains l' Hiftoire dont
je vay vousfaire part . Je la laiffe dans
les mefmestermes que je l'ayreceuë.
190
Extraordinaire
255 :22222 2522 : 2222
L'AMOUR BIZARRE
HISTOIRE VERITABLE.
L
'Amour fe plaift ſouvent ài
faire voir fa bizarrerie auffi
bien que fa puiffance . Dans la
Capitale d'une des meilleures-
Provinces du Royaume , demeu
roit une jeune Veuve , bellë , ri .
che , noble , & mefine qui paf
foit pour fort fpirituelle. Il n'eft
pas difficile de s'imaginer qu'avec
toutes ces bonnes qualitez ,.
elle ne manquoit pas d'Adorateurs.
Elle avoit tous les jours.
chez elle ce qu'on appelle le
beau Monde d'une Ville , & quoy
di Mercure Galant: 1971
qu'elle euft témoigné qu'elle n'avoit
aucune inclination pour un
fecond Mariage , on ne laiffoit
pas neanmoins de luy propofer
toûjours quelque nouveau Par.
ty. La joye qu'elle avoit de fe
voir maîtreffe d'elle- même ,aprés
avoir obeï à un Homme , qu'on
dit qu'elle n'avoit épousé que
pour obeïr à fes Parens , luy avoit
fair prendre la refolution de demeurerVeuvele
refte de fes jours .
Elle ne pouvoir pourtant honneftement
refufer les vifites de ceux
que fon efprit & fa beauté luy
attiroient , mais c'eftoit à condi
rion qu'on ne luy parleroit poin
d'amour , ce qu'on obfervoit fort
malcar il eftoit difficile de la
voir fans l'aimer , & tous les Amans
n'ont pas affez de retenue
192 Extraordinaire
Le pour ne fe point déclarer.
grand deuil eftant paffé , car il y
avoit déja plus d'un an qu'elle
avoit perdu fon Mary , elle commença
à vivre avec un peu plus de
liberté qu'elle n'avoit fait depuis.
fa mort , & entra dans tous ces
petits plaifirs innocens , qui font
l'occupation de la vie . On luy
propofoit tous lesjours de nouvelles
parties de divertiffement,
& comme l'on eftoit alors dans
la faifon du Carnaval , on la fol.-
licita plufieurs fois pourla mener
aux Affemblées qui fe faifoient
chez les Principaux de la Ville,
où aprés les Repas qu'ils fe don
noient les uns aux autres , chacun
à leur tour , on faifoit venir les
Violons , & on paffoit agreable..
ment une partie de la nuit à dan
CCE
du Mercure Galant.
193
fer. Comme elle croyoit qu'elle
ne devoit pas encore prendre
part à ces fortes de plaifirs , elle
s'eftoit toûjours défenduë d'y aller.
Enfin un jour que c'eftoit
à un Frere qu'elle avoit à donner
le regale , fes Amies la follicite
rent fi fortement , & fon Frere
luy fit fi bien comprendre qu'elle
ne blefferoit point fon devoir , &
que cela ne tireroit à aucune
confequence , qu'elle luy promit
de s'y trouver. L'Affemblée fut
ce foir là nombreuſe & magnifique.
Je ne m'arrefteray point à
décrire la fomptuofité du Feftin,
ny la propreté de la Salle où il
fe fit. Il luffit de fçavoir que les
plus délicats fur cette matiere eurent
affez dequoy fe contenter.
Aprés le repas on paffa dans une
2. deJanvier 1685. R
ད
194
Extraordinaire
autre Salle qu'on trouva riche
ment meublée , & éclairée par
une grande quantité de lumieres.
Le Bal commença pour lors , &
pendant que les uns danfoient,
les autres s'entretenoient avec les
Perfonnes qui leur plaifoient le
plus . On fait que c'est là que
les Amans ont droit de fe plaindre
des peines que l'Amour leur
fait fouffrir & que ceux qui
n'ont aucune veritable paffion
pour le beau Sexe , ne laiffènt pas
de vouloir paroiftre amoureux ;
Les Galants en conterent beau
coup , & les Belles furent obli
gées d'en écouter autant. Cependant
il y avoit des Perfonnes
qui fouffroient effectivement , &
a jeune Veuve avoit donné de
'amour à plufieurs qui s'emprefdu
Mercure Galant . 195
C
foient à l'envy l'un de l'autre , de
luy perfuader la forte paffion
qu'ils fentoient pour elle. Elle
lès écoutoit tous indifferemment,
& leur témoignoit que l'Amour
n'auroit jamais aucun pouvoir ſur
fon coeur ; mais il luy fit bientoft
connoiftre qu'on ne le méprife
guere impunément ; car
un jeune Cavalier fort propre
qui n'avoit point efté du repas,
l'eftant venu prendre pour danfer
, elle reffentit à ſon abord ce
certain je ne fçay quoy qui ne fe
peut expliquer. Quand elle fut
revenue à fa place , ce mefme
Cavalier vint le mettre à fes genoux,
& avec un air engageant &
des manieres honneſtes & refpe-
& ueuſes , il luy jura plufieurs fois
qu'il n'avoit jamais veu une plus
Rij
196 Extraordinaire
belle Perfonne . Elle luy répon
doit comme à tous les autres,
quoy qu'elle commençaſt déja
de le confiderer d'une autre maniere.
En effet , on remarqua
qu'elle l'examinoit attentivement
, qu'elle luy addreffoit la
parole plus fouvent qu'aux autres
fur tout ce qui fe paffoit
dans la Salle & mefme un
Homme qui l'aimoit effectivement
beaucoup , ne put s'empef
cher de luy en faire la guerre.
Dans la converfation ce Cavalier
luy dit , que puis qu'il avoit
efté affez heureux de voir une
auffi aimable Perfonne , il luy
demandoit la permiffion d'aller
chez elle luy rendre ce que tout
le monde luy devoit , & l'affeurer
que fa plus grande paffion fedu
Mercure Galant. 197
1
roit d'eftre capable de luy pou
voir rendre quelque fervice. Le
Bal finy , la Compagnie fe fepara
, & la Veuve fortit un peu
émeuë , par la veuë de l'Inconnu
, qui de fon coſté avoit
paru avoir beaucoup de difpofition
à l'aimer. Deux jours aprés
elle fut furpriſe de le voir venir
chez elle . Ils eurent enfemble
un entretien plus, reglé , & apres
avoir parlé de l'occafion de leur
connoiffance , elle s'informa s'it
eftoit de la Province , & par quel
hazard il s'eftoit trouvé à cette
Affemblée . Il répondit à toutes
fes demandes & luy dit qu'il
s'appelloit Lycidas , qu'il demeu
roit ordinairement à une Terre
qu'il avoit à la Campagne , que
quelques affaires d'affez peu de
R iij
Extraordinaire
Conféquence l'avoient attiré à la ·
Ville , mais qu'il s'en faifoit alors
une fort grade d'y demeurer pour
achever de faire connoiffance
avec une Perfonne , à laquelle il
avoit reconnu tant d'efprit &
tant de merite. Ces paroles flatoientagréablement
Cloris , ainfi
s'appelloit la Veuve qui s'eftoit
un peu laiffée toucher par la
bonne mine de Lycidas , & qui
fouhaitoit dans fon coeur que ce
fuft un homme d'une condition
proportionnée à la fienne , car
elle commençoit déja de quiter la
refolution qu'elle fembloit avoir
priſe de demeurer Veuve . Il fit fa
vifite un peu plus longue que ne le
font ordinairement
les premieres ,
& revint la voir dés le lende .
main . Ces deux vifites , & la
GOTHEQUE
TELA
VILLELYON
13
du Mercure Galant.
maniere dont on recevoit
nouveau venu , allarmérent un
peu les foupirans ordinaires . Il
y en eut un entr'autres qu'on appelloit
Alcidon , intime Amy du
Frére de Cloris qui ne put s'empefcher
de luy témoigner qu'il
s'appercevoit qu'elle avoit plus
d'empreffement de voir cét
Homme , que tous ceux qui alloient
chez elle . Comme il l'ai
moit fortement , la jalousie luy
faifoit penetrer jufques dans le
coeur de la Maiftreffe. I luy
avoit fouvent déclaré fa paffion ,
& avoit fait agir fon Frere pour
porter à l'époufer ; mais comla
me elle luy avoit dit qu'elle n'avoit
aucun deffein de fe remarier
, les chofes en eftoient demeurées
là , & Alcidon qui ne
R iiij
200 Extraordinaire
s'eftoit pû défaire de fon amour,
continuoit à la voir tous les jours
affiduëment. Jufques alors Cloris
n'avoit point trouvé ſes viſites
incommodes ; car ne
manquant
pas d'efprit , il fervoit chez elle à
rendre les
converfations plus
agréables ; mais depuis qu'elle
eut connu Lycidas , elle euft fort
fouhaité ne plus voir.que luy.
Ces deux Rivaux fe trouvant
tous les jours enfemble , ne pouvoient
s'empefcher de fe contredire
fur tous les fujets dont on ye.
noit à parler. Ils ne s'accordoient
qu'en une feule chofe , qui
eftoit de trouver Cloris la plus
charmante
Perfonne qu'on puft
voir. Ces petites difputes la chagrinoient
un peu , & comme elle
en apprehendoit
les fuites , elle
du Mercure Galant. 201
voulut un jour entretenir Alcidon
en particulier . Elle l'affeura
plus fortement que jamais , que
fa recherche eftoit inutile ; qu'-
elle avoit pris fa réfolution ; qu'-
elle luy confeilloit de ne plus
perdre tant de temps à venir
chez elle ; & qu'unauffi honnefte
Homme que luy , pouvoit mieux
l'employer auprés d'une autre,
qui auroit peut- eftre plus de difpofition
à reconnoiftre l'honneur
qu'il luy vouloit faire . Vous
pouvez pepfer que ces raifons ne
firent pas grande impreffion fur
l'efprit d'un Homme auffi amoureux
qu'Alcidon . Auffi cut- il
toûjours le mefme empreffement
de la voir. Le difcours qu'elle
luy avoir tenu ne fervit qu'à luy
faire examiner davantage toutes
202 Extraordinaire
4
Sa
fes actions , & il creut remarquer
qu'elle avoit beaucoup plus d'inclination
pour Lycidas , que
pour tous ceux qui la recherchoient
depuis long- temps. En
effet , il ne fe trompoit pas.
bonne mine avoit tellement touché
le coeur de la Veuve , qu'elle
luy avoit déja fait parler de
Mariage , par une Amie qui faci.
litoit le commerce qu'ils avoient
enfemble ; mais il luy avoit fait
dire qu'il avoit alors des raifons
qui l'empefchoient de devenir le
plus heureux Homme du mon
de , en poffedant celle qu'il ai
moit plus que fa vie . Cela ne fit
qu'augmenter l'Amour de la
Veuve , & un jour qu'elle luy
parla elle mefme fur cette matiere
croyant ne pouvoir eftre -•
du Mercure Galant . 203
>
entendue de perfonne , Alcidon
qui eftoit dans l'Antichambre,
& qui par quelques mots de leur
converfation , devina à peu prés
ce que c'eftoit , entra brufquement
dans le lieu où ils eftoient ,
& reprocha à Cloris l'injuftice
qu'elle luy faifoit de luy préferer
un nouveau venu un Homme
qu'elle ne connoiffoit pas , dont
elle ignoroit & les biens & la
naiffance , & il dit mefme quelques
paroles un peu faſcheufes à
Lycidas , qui n'eftant pas accou
tumé à rien fouffrir , luy répondit
auffi un peu aigrement. Ils alloient
s'échauffer , & ils fe feroient dit
peut - eftre quelque chofe de plus
choquant , fans une Dame de
confideration qui arriva affez à
propos. Cette Dame ayant fait
204
Extraordinaire
Alcidon changer le difcours
fortit un peu aprés avec le reffentiment
d'avoir appris que fon
Rival luy eftoit préferé. Il fe
promena quelque temps autour
de la Maiſon de Cloris , comme
pour fonger à ce qu'il avoit à fai
re , & lors qu'il vit fortir Lycidas
, il courut droit à luy , & mettant
l'épée à la main . Tu as eu,
luy dit-il , trop de facilité à ga.
gner le coeur de ta Maiftreffe ,
tu ne l'eftimeras pas affez s'il ne
t'en coûte quelques gouttes de
fang , puis qu'il ne t'en a point
coûté de larmes. Lycidas fe vit
obligé de fe défendre , & on ne
put les feparer fi toft , qu'Alcidon
n'euft déja receu deux coups
d'épée , dont l'on crut alors l'un
qui eftoit au cofté allez dangedu
Mercure Galant. 205
reux , Lycidas prévoyant que ce
combat luy alloit attirer de fâ.
cheufes affaires , dans une Ville
dont les principaux eftoient tous
proches parens d'Alcidon crut
qu'il eftoit à propos d'en fortir.
Il monta à Cheval , aprés avoir
écrit un Billet à Cloris dans le
' quel il s'excufoit de ce qui s'é
toit paffé , fur la neceffité de fe
défendre contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer en furieux,
& la prioit de fe fouvenir de luy ,
l'affeurant qu'il n'aimeroit jamais
perfonne qu'elle . Il fe retira à la
Campagne chez un de fes Amis,
par le moyen duquel il fceut tout
ce qui fe paffoit à la Ville . Dés
le lendemain il donna de fes nouvelles
à fa Veuve , qui avoit paffé
une tres - méchante nuit ; car elle
206 Extraordinaire
il ne vint à
apprehendoit que l'affaire qui
eftoit arrivée éloignant d'elle
fon cher Amant
l'oublier , fa Lettre la remit un
peu. Elle luy fit auffi - toſt réponſe
, & luy apprit que les bleffures
d'Alcidon n'eftoient pas
mortelles , mais qu'il fe tinft toújours
caché , parce qu'on faifoit
des pourfuites contre luy , & qu'
encore que fon affaire ne fuſt
pas fort criminelle de s'eftre défendu
contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer ; neanmoins
comme les parens de fon
Rival eftoient ſes Juges , ils luy
auroient fait garder long- temps
la Priſon . Pendant leur com-
>
merce lors qu'Alcidon eftoit
encore au lit , le Frere de Cloris ,
qui comme j'ay déja dit , eſtoit
du
Mercure Galant. .207
fon intime Amy , alla la trouver,
& aprés luy avoir reproché la
conduite , & le peu d'honneur
qu'elle avoit de s'attacher à un
Homme qu'elle ne connoiffoit
pas , il finit en luy difant qu'il ne
la reverroit jamais , fi elle ne
luy promettoit d'oublier Lycidas
, & d'époufer Alcidon fi - toft
qu'il feroit guery. Ces menaces
Fallarmérent un peu , mais comme
elle croyoit eftre Maiſtreffe
d'elle mefme , elle réfolut d'é
couter toûjours les mouvemens
de fon coeur. On travailloit cependant
au procez de l'Amant
abfent , & elle apprehendoit plus
de le perdre par ce moyen , que
par aucun autre , car le bruit
couroit qu'on le banniroit à jamais
de la Ville . La crainte qu'
208 .
Extraordinaire
elle en eut , & les preffantes fol
licitations de fes Amies qui la
prioient de promettre d'époufer
Alcidon , en luy difant que le
temps pourroit apporter du chan.
gement à fes affaires , jointes à la
paffion qu'elle avoit de revoir ce
qu'elle aimoit le plus au monde,
fut caufe qu'elle promit tout ce
qu'on voulut , mais fans deffein
de tenir parole , à condition
qu'on feroit ceffer toutes fortes
de pourfuites contre Lycidas , &
qu'on le raccommoderoit avec
Alcidon. Quand ce malheureux
Amant eut appris ce qui
avoit efté arrefté , quoy qu'il euft
des raifons fecrettes , & qu'on
apprendra dans la fuite , de n'ê .
tre pas tant allarmé de la voir la
Femme d'un autre , il ne laiffa
du Mercure Galant, 209
pas de faire mille plaintes contie
elle ; car il ignoroit fes veritables
deffeins , il l'accufa d'infidelité &
d'inconftance , & quoy que peu
aprés elle luy mandaft que ce
qu'elle en avoit fait , eftoit afin
de terminer le procez qu'il avoit
avec Alcidon ; neanmoins il revint
à la Ville avec un chagrin
qu'il ne put s'empefcher de témoigner
à Cloris. Aprés s'eftre
déclaré l'un à l'autre la joye
qu'ils avoient de fe revoir , elle
luy confirma de bouche que la
parole qu'elle avoit donnée d'époofer
Alcidon , ne luy devoit
rien faire apprehender ; qu'il fçavoir
ce qu'elle luy avoit propofé
plufieurs fois ; qu'il ne tenoit
qu'à luy qu'elle ne devinft fa
Femme & que leur Mariage
Q. deFanvier 1685.
S
210 Extraordinaire
ofteroit à íon Rival toute forte
d'efpérance. Le mot de Mariage
allarmoit Lycidas , & Cloris.
ne pouvoit comprendre pourquoy
; Car enfin , difoit - elle en
elle-mefme lors qu'il l'eut quittée
, s'il m'aime veritablement
comme il me le veut perſuader,
& comme je n'ay pas de peine à
le croire , Qu'elle difficulté fait
il de m'épouter ? Quelle raiion
peut- il avoir à Je rifque bien da
vantage , moy qui ne connoift
que fa Perfonne , & qui en fais
choix contre l'avis & le confentement
de tous mes proches. Il
eft vray que je fuis maiftreffe de
moy ; mais enfin s'il arrive queje
découvre un jour que Lycidas
eft un Homme qui n'a ny biens.
py naiffance , avec toute la bondu
Mercure Galant. 211
ne mine que je luy trouve , quel
le confufion auray- je de l'avoirpréféré
àune Perfonne dont tous
tes les qualitez me font connuës?
Cependant Alcidon guery ,
preffoit de s'acquitter de la parole
qu'elle luy avoit donnée , &
elle trouvoit un grand fujet d'embarras
entre un Amant dont elle
eftoit aimée , mais qu'elle n'ai.
moit point , qui la follicitoit de
l'époufer , & un autre qu'elle aimoit
& dont elle eftoit aimée,,
qui refufoit d'eftre fon Mary,
fans luy en donner aucune bon
ne raifon , Enfin ſe trouvantper
fecutée par Alcidon , par fes Parens
& par fes Amies , & voyant
que Lycidas refufoit de faire ce
quelle fouhaitoit , elle prit réfo
lution de prendre le party qu'el
Sij
212 Extraordinaire
le auroit le moins fouhaité , qui
eftoit d'époufer celuy qu'elle
n'aimoit pas ; le Contract fut
dreffé , les Articles fignez , les
habits de Nopces faits , le jour
pris pour la cérémonie. Lycidas
fe voyant alors fi prés de perdre
pour jamais celle qu'il aimoit
avec tant de paſion , ſe réſolut à
faire ce qu'il n'auroit jamais ofé
penfer, I alla trouver Cloris,
& aprés luy avoir reproché l'em.
preffement qu'elle avoit de fe
jetter entre les bras d'un autre,
il luy dit que fi elle eftoit toû
jours la mefme , il eftoit dans le
deffein de faire tout ce qu'elle
voudroit. Ces paroles , la comblérent
de joye , & quoy que.
l'engagement qu'elle avoit avec
Alcidon fuft fi confidérable , elle
du Mercure Galand. 213
ne fut pas un moment à balancer.
de le rompre , la difficulté eftoit
d'en trouver les moyens. Ils réfolurent
qu'elle feroit quelque
temps la malade , & que cependapt
ils verroient quelles mefures
ils auroient à prendre. Alci
don attribua ce retardement à
une veritable indifpofition. Il ne
crut pas qu'en eftant venus fi
avant , elle euft voulu fe dédire.
Il continua fes affiduitez auprés
d'elle , mais comme elle s'en
trouvoit embarraffée , parce que
cela empefchoit Lycidas de ve.
nir la voir , elle prit le party de fe
retirer à la Campagne , fous prétexte
d'aller prendre l'air. Lycidas
alla la trouver accompagné
d'une Amie de Cloris , & là ils
s'épouférent fans aucune ceré
214
Extraordinaire's
monie. Alcidon en ayant appris
la nouvelle , s'emporta beaucoup
au commencement contr'eux.
Il eut plufieurs fois la penfée de
s'aller battre encore une fois con
tre Lycidas , mais eftant revenu
de fon premier emportement,
fes Amis luy firent comprendre
qu'il n'auroit jamais eu aucune
fatisfaction d'époufer une Fem
me qui avoit difpofe de fon cocur
en faveur d'un autre. Sa colere
diminua peu à peu , & comme il
n'eftoit pas témoin de leur prés
tendu bonheur , il luy fat plus.
facile de fe confoler. Il en eut
un plus grand fujet cinq ou fix
jours aprés , lors qu'il apprit que·
Cloris avoit fait arrefter Lycidas
prifonnier , qui l'ayant recher
chée depuis tant de temps , &
du Mercure Galant.
218
=
ayant toûjours paffé pour un
Homme , avoit efté enfin contrainte
de luy avouer que ce n'étoit
qu'une fille qu'elle avoit
épousée . Elle luy dit que dés la
premiere fois qu'elle la vit à cet.
te Affemblée , dont nous avons
parlé , elle devint éperduëment
amoureuſe de fes belles qualitez ,
fans fonger où cette paffion la
devoit porter ; que la feule crainte
qu'elle avoit euë de la voir la
Femme d'un autre , l'avoit fait
réfoudre de fe marier avec elle,
pour ſe conſerver l'amitié qu'elle
luy portoit , & qu'un Mary luy
auroit apparemment fait perdre.
Cloris que ces raifons ne pou
voient fatisfaire , la remit entre
les mains de la Justice ; & on at
tend avec impatience ce qu'elle
2.16
Extraordinaire
ordonnera pour un tel crime
Cependant elle s'eft retirée dans
un Convent , où felon toutes les
apparences elle doit demeurer le
refte de les jours , aprés un acci
dent pareil à celuy qui luy eſt
arrivé.
m'a mis entre les mains l' Hiftoire dont
je vay vousfaire part . Je la laiffe dans
les mefmestermes que je l'ayreceuë.
190
Extraordinaire
255 :22222 2522 : 2222
L'AMOUR BIZARRE
HISTOIRE VERITABLE.
L
'Amour fe plaift ſouvent ài
faire voir fa bizarrerie auffi
bien que fa puiffance . Dans la
Capitale d'une des meilleures-
Provinces du Royaume , demeu
roit une jeune Veuve , bellë , ri .
che , noble , & mefine qui paf
foit pour fort fpirituelle. Il n'eft
pas difficile de s'imaginer qu'avec
toutes ces bonnes qualitez ,.
elle ne manquoit pas d'Adorateurs.
Elle avoit tous les jours.
chez elle ce qu'on appelle le
beau Monde d'une Ville , & quoy
di Mercure Galant: 1971
qu'elle euft témoigné qu'elle n'avoit
aucune inclination pour un
fecond Mariage , on ne laiffoit
pas neanmoins de luy propofer
toûjours quelque nouveau Par.
ty. La joye qu'elle avoit de fe
voir maîtreffe d'elle- même ,aprés
avoir obeï à un Homme , qu'on
dit qu'elle n'avoit épousé que
pour obeïr à fes Parens , luy avoit
fair prendre la refolution de demeurerVeuvele
refte de fes jours .
Elle ne pouvoir pourtant honneftement
refufer les vifites de ceux
que fon efprit & fa beauté luy
attiroient , mais c'eftoit à condi
rion qu'on ne luy parleroit poin
d'amour , ce qu'on obfervoit fort
malcar il eftoit difficile de la
voir fans l'aimer , & tous les Amans
n'ont pas affez de retenue
192 Extraordinaire
Le pour ne fe point déclarer.
grand deuil eftant paffé , car il y
avoit déja plus d'un an qu'elle
avoit perdu fon Mary , elle commença
à vivre avec un peu plus de
liberté qu'elle n'avoit fait depuis.
fa mort , & entra dans tous ces
petits plaifirs innocens , qui font
l'occupation de la vie . On luy
propofoit tous lesjours de nouvelles
parties de divertiffement,
& comme l'on eftoit alors dans
la faifon du Carnaval , on la fol.-
licita plufieurs fois pourla mener
aux Affemblées qui fe faifoient
chez les Principaux de la Ville,
où aprés les Repas qu'ils fe don
noient les uns aux autres , chacun
à leur tour , on faifoit venir les
Violons , & on paffoit agreable..
ment une partie de la nuit à dan
CCE
du Mercure Galant.
193
fer. Comme elle croyoit qu'elle
ne devoit pas encore prendre
part à ces fortes de plaifirs , elle
s'eftoit toûjours défenduë d'y aller.
Enfin un jour que c'eftoit
à un Frere qu'elle avoit à donner
le regale , fes Amies la follicite
rent fi fortement , & fon Frere
luy fit fi bien comprendre qu'elle
ne blefferoit point fon devoir , &
que cela ne tireroit à aucune
confequence , qu'elle luy promit
de s'y trouver. L'Affemblée fut
ce foir là nombreuſe & magnifique.
Je ne m'arrefteray point à
décrire la fomptuofité du Feftin,
ny la propreté de la Salle où il
fe fit. Il luffit de fçavoir que les
plus délicats fur cette matiere eurent
affez dequoy fe contenter.
Aprés le repas on paffa dans une
2. deJanvier 1685. R
ད
194
Extraordinaire
autre Salle qu'on trouva riche
ment meublée , & éclairée par
une grande quantité de lumieres.
Le Bal commença pour lors , &
pendant que les uns danfoient,
les autres s'entretenoient avec les
Perfonnes qui leur plaifoient le
plus . On fait que c'est là que
les Amans ont droit de fe plaindre
des peines que l'Amour leur
fait fouffrir & que ceux qui
n'ont aucune veritable paffion
pour le beau Sexe , ne laiffènt pas
de vouloir paroiftre amoureux ;
Les Galants en conterent beau
coup , & les Belles furent obli
gées d'en écouter autant. Cependant
il y avoit des Perfonnes
qui fouffroient effectivement , &
a jeune Veuve avoit donné de
'amour à plufieurs qui s'emprefdu
Mercure Galant . 195
C
foient à l'envy l'un de l'autre , de
luy perfuader la forte paffion
qu'ils fentoient pour elle. Elle
lès écoutoit tous indifferemment,
& leur témoignoit que l'Amour
n'auroit jamais aucun pouvoir ſur
fon coeur ; mais il luy fit bientoft
connoiftre qu'on ne le méprife
guere impunément ; car
un jeune Cavalier fort propre
qui n'avoit point efté du repas,
l'eftant venu prendre pour danfer
, elle reffentit à ſon abord ce
certain je ne fçay quoy qui ne fe
peut expliquer. Quand elle fut
revenue à fa place , ce mefme
Cavalier vint le mettre à fes genoux,
& avec un air engageant &
des manieres honneſtes & refpe-
& ueuſes , il luy jura plufieurs fois
qu'il n'avoit jamais veu une plus
Rij
196 Extraordinaire
belle Perfonne . Elle luy répon
doit comme à tous les autres,
quoy qu'elle commençaſt déja
de le confiderer d'une autre maniere.
En effet , on remarqua
qu'elle l'examinoit attentivement
, qu'elle luy addreffoit la
parole plus fouvent qu'aux autres
fur tout ce qui fe paffoit
dans la Salle & mefme un
Homme qui l'aimoit effectivement
beaucoup , ne put s'empef
cher de luy en faire la guerre.
Dans la converfation ce Cavalier
luy dit , que puis qu'il avoit
efté affez heureux de voir une
auffi aimable Perfonne , il luy
demandoit la permiffion d'aller
chez elle luy rendre ce que tout
le monde luy devoit , & l'affeurer
que fa plus grande paffion fedu
Mercure Galant. 197
1
roit d'eftre capable de luy pou
voir rendre quelque fervice. Le
Bal finy , la Compagnie fe fepara
, & la Veuve fortit un peu
émeuë , par la veuë de l'Inconnu
, qui de fon coſté avoit
paru avoir beaucoup de difpofition
à l'aimer. Deux jours aprés
elle fut furpriſe de le voir venir
chez elle . Ils eurent enfemble
un entretien plus, reglé , & apres
avoir parlé de l'occafion de leur
connoiffance , elle s'informa s'it
eftoit de la Province , & par quel
hazard il s'eftoit trouvé à cette
Affemblée . Il répondit à toutes
fes demandes & luy dit qu'il
s'appelloit Lycidas , qu'il demeu
roit ordinairement à une Terre
qu'il avoit à la Campagne , que
quelques affaires d'affez peu de
R iij
Extraordinaire
Conféquence l'avoient attiré à la ·
Ville , mais qu'il s'en faifoit alors
une fort grade d'y demeurer pour
achever de faire connoiffance
avec une Perfonne , à laquelle il
avoit reconnu tant d'efprit &
tant de merite. Ces paroles flatoientagréablement
Cloris , ainfi
s'appelloit la Veuve qui s'eftoit
un peu laiffée toucher par la
bonne mine de Lycidas , & qui
fouhaitoit dans fon coeur que ce
fuft un homme d'une condition
proportionnée à la fienne , car
elle commençoit déja de quiter la
refolution qu'elle fembloit avoir
priſe de demeurer Veuve . Il fit fa
vifite un peu plus longue que ne le
font ordinairement
les premieres ,
& revint la voir dés le lende .
main . Ces deux vifites , & la
GOTHEQUE
TELA
VILLELYON
13
du Mercure Galant.
maniere dont on recevoit
nouveau venu , allarmérent un
peu les foupirans ordinaires . Il
y en eut un entr'autres qu'on appelloit
Alcidon , intime Amy du
Frére de Cloris qui ne put s'empefcher
de luy témoigner qu'il
s'appercevoit qu'elle avoit plus
d'empreffement de voir cét
Homme , que tous ceux qui alloient
chez elle . Comme il l'ai
moit fortement , la jalousie luy
faifoit penetrer jufques dans le
coeur de la Maiftreffe. I luy
avoit fouvent déclaré fa paffion ,
& avoit fait agir fon Frere pour
porter à l'époufer ; mais comla
me elle luy avoit dit qu'elle n'avoit
aucun deffein de fe remarier
, les chofes en eftoient demeurées
là , & Alcidon qui ne
R iiij
200 Extraordinaire
s'eftoit pû défaire de fon amour,
continuoit à la voir tous les jours
affiduëment. Jufques alors Cloris
n'avoit point trouvé ſes viſites
incommodes ; car ne
manquant
pas d'efprit , il fervoit chez elle à
rendre les
converfations plus
agréables ; mais depuis qu'elle
eut connu Lycidas , elle euft fort
fouhaité ne plus voir.que luy.
Ces deux Rivaux fe trouvant
tous les jours enfemble , ne pouvoient
s'empefcher de fe contredire
fur tous les fujets dont on ye.
noit à parler. Ils ne s'accordoient
qu'en une feule chofe , qui
eftoit de trouver Cloris la plus
charmante
Perfonne qu'on puft
voir. Ces petites difputes la chagrinoient
un peu , & comme elle
en apprehendoit
les fuites , elle
du Mercure Galant. 201
voulut un jour entretenir Alcidon
en particulier . Elle l'affeura
plus fortement que jamais , que
fa recherche eftoit inutile ; qu'-
elle avoit pris fa réfolution ; qu'-
elle luy confeilloit de ne plus
perdre tant de temps à venir
chez elle ; & qu'unauffi honnefte
Homme que luy , pouvoit mieux
l'employer auprés d'une autre,
qui auroit peut- eftre plus de difpofition
à reconnoiftre l'honneur
qu'il luy vouloit faire . Vous
pouvez pepfer que ces raifons ne
firent pas grande impreffion fur
l'efprit d'un Homme auffi amoureux
qu'Alcidon . Auffi cut- il
toûjours le mefme empreffement
de la voir. Le difcours qu'elle
luy avoir tenu ne fervit qu'à luy
faire examiner davantage toutes
202 Extraordinaire
4
Sa
fes actions , & il creut remarquer
qu'elle avoit beaucoup plus d'inclination
pour Lycidas , que
pour tous ceux qui la recherchoient
depuis long- temps. En
effet , il ne fe trompoit pas.
bonne mine avoit tellement touché
le coeur de la Veuve , qu'elle
luy avoit déja fait parler de
Mariage , par une Amie qui faci.
litoit le commerce qu'ils avoient
enfemble ; mais il luy avoit fait
dire qu'il avoit alors des raifons
qui l'empefchoient de devenir le
plus heureux Homme du mon
de , en poffedant celle qu'il ai
moit plus que fa vie . Cela ne fit
qu'augmenter l'Amour de la
Veuve , & un jour qu'elle luy
parla elle mefme fur cette matiere
croyant ne pouvoir eftre -•
du Mercure Galant . 203
>
entendue de perfonne , Alcidon
qui eftoit dans l'Antichambre,
& qui par quelques mots de leur
converfation , devina à peu prés
ce que c'eftoit , entra brufquement
dans le lieu où ils eftoient ,
& reprocha à Cloris l'injuftice
qu'elle luy faifoit de luy préferer
un nouveau venu un Homme
qu'elle ne connoiffoit pas , dont
elle ignoroit & les biens & la
naiffance , & il dit mefme quelques
paroles un peu faſcheufes à
Lycidas , qui n'eftant pas accou
tumé à rien fouffrir , luy répondit
auffi un peu aigrement. Ils alloient
s'échauffer , & ils fe feroient dit
peut - eftre quelque chofe de plus
choquant , fans une Dame de
confideration qui arriva affez à
propos. Cette Dame ayant fait
204
Extraordinaire
Alcidon changer le difcours
fortit un peu aprés avec le reffentiment
d'avoir appris que fon
Rival luy eftoit préferé. Il fe
promena quelque temps autour
de la Maiſon de Cloris , comme
pour fonger à ce qu'il avoit à fai
re , & lors qu'il vit fortir Lycidas
, il courut droit à luy , & mettant
l'épée à la main . Tu as eu,
luy dit-il , trop de facilité à ga.
gner le coeur de ta Maiftreffe ,
tu ne l'eftimeras pas affez s'il ne
t'en coûte quelques gouttes de
fang , puis qu'il ne t'en a point
coûté de larmes. Lycidas fe vit
obligé de fe défendre , & on ne
put les feparer fi toft , qu'Alcidon
n'euft déja receu deux coups
d'épée , dont l'on crut alors l'un
qui eftoit au cofté allez dangedu
Mercure Galant. 205
reux , Lycidas prévoyant que ce
combat luy alloit attirer de fâ.
cheufes affaires , dans une Ville
dont les principaux eftoient tous
proches parens d'Alcidon crut
qu'il eftoit à propos d'en fortir.
Il monta à Cheval , aprés avoir
écrit un Billet à Cloris dans le
' quel il s'excufoit de ce qui s'é
toit paffé , fur la neceffité de fe
défendre contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer en furieux,
& la prioit de fe fouvenir de luy ,
l'affeurant qu'il n'aimeroit jamais
perfonne qu'elle . Il fe retira à la
Campagne chez un de fes Amis,
par le moyen duquel il fceut tout
ce qui fe paffoit à la Ville . Dés
le lendemain il donna de fes nouvelles
à fa Veuve , qui avoit paffé
une tres - méchante nuit ; car elle
206 Extraordinaire
il ne vint à
apprehendoit que l'affaire qui
eftoit arrivée éloignant d'elle
fon cher Amant
l'oublier , fa Lettre la remit un
peu. Elle luy fit auffi - toſt réponſe
, & luy apprit que les bleffures
d'Alcidon n'eftoient pas
mortelles , mais qu'il fe tinft toújours
caché , parce qu'on faifoit
des pourfuites contre luy , & qu'
encore que fon affaire ne fuſt
pas fort criminelle de s'eftre défendu
contre un Homme qui
eftoit venu l'attaquer ; neanmoins
comme les parens de fon
Rival eftoient ſes Juges , ils luy
auroient fait garder long- temps
la Priſon . Pendant leur com-
>
merce lors qu'Alcidon eftoit
encore au lit , le Frere de Cloris ,
qui comme j'ay déja dit , eſtoit
du
Mercure Galant. .207
fon intime Amy , alla la trouver,
& aprés luy avoir reproché la
conduite , & le peu d'honneur
qu'elle avoit de s'attacher à un
Homme qu'elle ne connoiffoit
pas , il finit en luy difant qu'il ne
la reverroit jamais , fi elle ne
luy promettoit d'oublier Lycidas
, & d'époufer Alcidon fi - toft
qu'il feroit guery. Ces menaces
Fallarmérent un peu , mais comme
elle croyoit eftre Maiſtreffe
d'elle mefme , elle réfolut d'é
couter toûjours les mouvemens
de fon coeur. On travailloit cependant
au procez de l'Amant
abfent , & elle apprehendoit plus
de le perdre par ce moyen , que
par aucun autre , car le bruit
couroit qu'on le banniroit à jamais
de la Ville . La crainte qu'
208 .
Extraordinaire
elle en eut , & les preffantes fol
licitations de fes Amies qui la
prioient de promettre d'époufer
Alcidon , en luy difant que le
temps pourroit apporter du chan.
gement à fes affaires , jointes à la
paffion qu'elle avoit de revoir ce
qu'elle aimoit le plus au monde,
fut caufe qu'elle promit tout ce
qu'on voulut , mais fans deffein
de tenir parole , à condition
qu'on feroit ceffer toutes fortes
de pourfuites contre Lycidas , &
qu'on le raccommoderoit avec
Alcidon. Quand ce malheureux
Amant eut appris ce qui
avoit efté arrefté , quoy qu'il euft
des raifons fecrettes , & qu'on
apprendra dans la fuite , de n'ê .
tre pas tant allarmé de la voir la
Femme d'un autre , il ne laiffa
du Mercure Galant, 209
pas de faire mille plaintes contie
elle ; car il ignoroit fes veritables
deffeins , il l'accufa d'infidelité &
d'inconftance , & quoy que peu
aprés elle luy mandaft que ce
qu'elle en avoit fait , eftoit afin
de terminer le procez qu'il avoit
avec Alcidon ; neanmoins il revint
à la Ville avec un chagrin
qu'il ne put s'empefcher de témoigner
à Cloris. Aprés s'eftre
déclaré l'un à l'autre la joye
qu'ils avoient de fe revoir , elle
luy confirma de bouche que la
parole qu'elle avoit donnée d'époofer
Alcidon , ne luy devoit
rien faire apprehender ; qu'il fçavoir
ce qu'elle luy avoit propofé
plufieurs fois ; qu'il ne tenoit
qu'à luy qu'elle ne devinft fa
Femme & que leur Mariage
Q. deFanvier 1685.
S
210 Extraordinaire
ofteroit à íon Rival toute forte
d'efpérance. Le mot de Mariage
allarmoit Lycidas , & Cloris.
ne pouvoit comprendre pourquoy
; Car enfin , difoit - elle en
elle-mefme lors qu'il l'eut quittée
, s'il m'aime veritablement
comme il me le veut perſuader,
& comme je n'ay pas de peine à
le croire , Qu'elle difficulté fait
il de m'épouter ? Quelle raiion
peut- il avoir à Je rifque bien da
vantage , moy qui ne connoift
que fa Perfonne , & qui en fais
choix contre l'avis & le confentement
de tous mes proches. Il
eft vray que je fuis maiftreffe de
moy ; mais enfin s'il arrive queje
découvre un jour que Lycidas
eft un Homme qui n'a ny biens.
py naiffance , avec toute la bondu
Mercure Galant. 211
ne mine que je luy trouve , quel
le confufion auray- je de l'avoirpréféré
àune Perfonne dont tous
tes les qualitez me font connuës?
Cependant Alcidon guery ,
preffoit de s'acquitter de la parole
qu'elle luy avoit donnée , &
elle trouvoit un grand fujet d'embarras
entre un Amant dont elle
eftoit aimée , mais qu'elle n'ai.
moit point , qui la follicitoit de
l'époufer , & un autre qu'elle aimoit
& dont elle eftoit aimée,,
qui refufoit d'eftre fon Mary,
fans luy en donner aucune bon
ne raifon , Enfin ſe trouvantper
fecutée par Alcidon , par fes Parens
& par fes Amies , & voyant
que Lycidas refufoit de faire ce
quelle fouhaitoit , elle prit réfo
lution de prendre le party qu'el
Sij
212 Extraordinaire
le auroit le moins fouhaité , qui
eftoit d'époufer celuy qu'elle
n'aimoit pas ; le Contract fut
dreffé , les Articles fignez , les
habits de Nopces faits , le jour
pris pour la cérémonie. Lycidas
fe voyant alors fi prés de perdre
pour jamais celle qu'il aimoit
avec tant de paſion , ſe réſolut à
faire ce qu'il n'auroit jamais ofé
penfer, I alla trouver Cloris,
& aprés luy avoir reproché l'em.
preffement qu'elle avoit de fe
jetter entre les bras d'un autre,
il luy dit que fi elle eftoit toû
jours la mefme , il eftoit dans le
deffein de faire tout ce qu'elle
voudroit. Ces paroles , la comblérent
de joye , & quoy que.
l'engagement qu'elle avoit avec
Alcidon fuft fi confidérable , elle
du Mercure Galand. 213
ne fut pas un moment à balancer.
de le rompre , la difficulté eftoit
d'en trouver les moyens. Ils réfolurent
qu'elle feroit quelque
temps la malade , & que cependapt
ils verroient quelles mefures
ils auroient à prendre. Alci
don attribua ce retardement à
une veritable indifpofition. Il ne
crut pas qu'en eftant venus fi
avant , elle euft voulu fe dédire.
Il continua fes affiduitez auprés
d'elle , mais comme elle s'en
trouvoit embarraffée , parce que
cela empefchoit Lycidas de ve.
nir la voir , elle prit le party de fe
retirer à la Campagne , fous prétexte
d'aller prendre l'air. Lycidas
alla la trouver accompagné
d'une Amie de Cloris , & là ils
s'épouférent fans aucune ceré
214
Extraordinaire's
monie. Alcidon en ayant appris
la nouvelle , s'emporta beaucoup
au commencement contr'eux.
Il eut plufieurs fois la penfée de
s'aller battre encore une fois con
tre Lycidas , mais eftant revenu
de fon premier emportement,
fes Amis luy firent comprendre
qu'il n'auroit jamais eu aucune
fatisfaction d'époufer une Fem
me qui avoit difpofe de fon cocur
en faveur d'un autre. Sa colere
diminua peu à peu , & comme il
n'eftoit pas témoin de leur prés
tendu bonheur , il luy fat plus.
facile de fe confoler. Il en eut
un plus grand fujet cinq ou fix
jours aprés , lors qu'il apprit que·
Cloris avoit fait arrefter Lycidas
prifonnier , qui l'ayant recher
chée depuis tant de temps , &
du Mercure Galant.
218
=
ayant toûjours paffé pour un
Homme , avoit efté enfin contrainte
de luy avouer que ce n'étoit
qu'une fille qu'elle avoit
épousée . Elle luy dit que dés la
premiere fois qu'elle la vit à cet.
te Affemblée , dont nous avons
parlé , elle devint éperduëment
amoureuſe de fes belles qualitez ,
fans fonger où cette paffion la
devoit porter ; que la feule crainte
qu'elle avoit euë de la voir la
Femme d'un autre , l'avoit fait
réfoudre de fe marier avec elle,
pour ſe conſerver l'amitié qu'elle
luy portoit , & qu'un Mary luy
auroit apparemment fait perdre.
Cloris que ces raifons ne pou
voient fatisfaire , la remit entre
les mains de la Justice ; & on at
tend avec impatience ce qu'elle
2.16
Extraordinaire
ordonnera pour un tel crime
Cependant elle s'eft retirée dans
un Convent , où felon toutes les
apparences elle doit demeurer le
refte de les jours , aprés un acci
dent pareil à celuy qui luy eſt
arrivé.
Fermer
Résumé : L'AMOUR BIZARRE HISTOIRE VERITABLE.
Le texte narre une histoire d'amour complexe impliquant une jeune veuve noble et riche, résidant dans une capitale provinciale. Cette veuve, connue pour son esprit et sa beauté, attire de nombreux admirateurs malgré sa déclaration de ne pas vouloir se remarier. Elle accepte les visites de ces hommes à condition qu'ils ne lui parlent pas d'amour. Lors d'une assemblée carnavalesque, un jeune cavalier nommé Lycidas attire son attention. Après avoir dansé avec elle, Lycidas exprime son admiration et obtient la permission de lui rendre visite. Ses visites fréquentes suscitent la jalousie d'Alcidon, un autre admirateur de la veuve et ami intime de son frère. La veuve, nommée Cloris, avoue à Alcidon qu'elle préfère Lycidas. Alcidon, jaloux et blessé, provoque Lycidas en duel. Lycidas, blessé, quitte la ville pour éviter des ennuis judiciaires, car les parents d'Alcidon sont influents. Cloris, inquiète pour Lycidas, lui écrit pour le rassurer sur l'état d'Alcidon. Pendant ce temps, le frère de Cloris menace de ne plus la voir si elle n'épouse pas Alcidon. Cloris accepte de se marier avec Alcidon pour protéger Lycidas et mettre fin au procès, mais informe Lycidas de ses véritables intentions. Lycidas, ignorant ses motivations, est accablé de chagrin. Cloris, malgré son amour pour Lycidas, se trouve pressée par Alcidon, ses parents et ses amies de respecter sa promesse. Elle finit par décider d'épouser Alcidon, mais Lycidas, réalisant qu'il risque de perdre Cloris, accepte finalement de se marier avec elle. Ils se marient secrètement à la campagne. Alcidon, apprenant la nouvelle, est d'abord furieux mais finit par se consoler. Quelques jours plus tard, Cloris révèle à Alcidon que Lycidas est en réalité une femme. Choqué, Alcidon apprend que Cloris a fait arrêter Lycidas. Cloris, insatisfaite des explications de Lycidas, la remet à la justice. Lycidas se retire ensuite dans un couvent, où elle est destinée à passer le reste de ses jours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 262-265
Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Début :
Si tost que le Roy fut mort, le Conseil Privé s'assembla, & / MILORDS, Avant que de commencer aucune Affaire, il est à propos [...]
Mots clefs :
Roi, Duc de York, Conseil, Discours, Déclaration, Affection, Gouvernement, Sujets, Fidélité, Prérogatives de la couronne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Si toft que le Roy fut mort,
le Confeil Privé s'affembla, &
Monfieur le Duc d'York,préfentemét
Roy fous le nom de
Jacques II. s'y eftant trouvé,
-parla de cette maniere à ceux
qui compofent ce Confeil
GALANT 263
MILORDS ,
ILORDS , OR
Avant que de commencer
aucune Affaire , il est à propos
que je vous faffe une Déclaration
, que puis qu'il a plû à Dieu
de me placer fur le Trône , &
de me faire fucceder à un Roy
fi bon & fi clément , & à un
Frere qui m'a aimé fi tendrement
, je feray tous mes efforts
pourfuivrefon exemple, & pour
L'imiter, particuliérement dans fa
grande douceur , & dans l'affection
qu'il avoit pourfon Peuple.
On m'a repréſenté dans le
264 MERCURE
1
les
Monde, comme un Homme paffionnépour
le Pouvoir Arbitraire;
mais ce n'est pas là lafeule fauf
feté qu'on a publiée de moy. Je
feray tout mon poffible pour conferver
le Gouvernement de l'Etat
& de l'Eglife , amfi qu'il
est préfentement étably par
Loix. Je fçay que Les Principes
de l'Eglife d' Angleterrefont pour
la Monarchie , & que ceux qui
en font Membres , ont fait voir
qu'ils font bons & fidelles Sujets;,
c'est pourquoy j'auray toûjours:
foin de la défendre & de la fou
tenir. Je fçay auffs que les Loix
de ce Royaumefuffisent pour rens
dre
GALANT. 265
Idre un Roy auffi grand Monar
que que je fçaurois fouhaiter de
l'eftre ; & comme je n'abandonneray
jamais les juftes Droits
Prérogatives de la Couronne,
auffi n'ôteray-je jamais aux autres
ce qui leur appartient. J'ay
fouvent autrefois hazardé ma vie
pour la défenfe de cette Nation,
j'iray encore auffi avant que
perfonne , pour luy conferverfes
juftes Droits & fes Priviléges.
le Confeil Privé s'affembla, &
Monfieur le Duc d'York,préfentemét
Roy fous le nom de
Jacques II. s'y eftant trouvé,
-parla de cette maniere à ceux
qui compofent ce Confeil
GALANT 263
MILORDS ,
ILORDS , OR
Avant que de commencer
aucune Affaire , il est à propos
que je vous faffe une Déclaration
, que puis qu'il a plû à Dieu
de me placer fur le Trône , &
de me faire fucceder à un Roy
fi bon & fi clément , & à un
Frere qui m'a aimé fi tendrement
, je feray tous mes efforts
pourfuivrefon exemple, & pour
L'imiter, particuliérement dans fa
grande douceur , & dans l'affection
qu'il avoit pourfon Peuple.
On m'a repréſenté dans le
264 MERCURE
1
les
Monde, comme un Homme paffionnépour
le Pouvoir Arbitraire;
mais ce n'est pas là lafeule fauf
feté qu'on a publiée de moy. Je
feray tout mon poffible pour conferver
le Gouvernement de l'Etat
& de l'Eglife , amfi qu'il
est préfentement étably par
Loix. Je fçay que Les Principes
de l'Eglife d' Angleterrefont pour
la Monarchie , & que ceux qui
en font Membres , ont fait voir
qu'ils font bons & fidelles Sujets;,
c'est pourquoy j'auray toûjours:
foin de la défendre & de la fou
tenir. Je fçay auffs que les Loix
de ce Royaumefuffisent pour rens
dre
GALANT. 265
Idre un Roy auffi grand Monar
que que je fçaurois fouhaiter de
l'eftre ; & comme je n'abandonneray
jamais les juftes Droits
Prérogatives de la Couronne,
auffi n'ôteray-je jamais aux autres
ce qui leur appartient. J'ay
fouvent autrefois hazardé ma vie
pour la défenfe de cette Nation,
j'iray encore auffi avant que
perfonne , pour luy conferverfes
juftes Droits & fes Priviléges.
Fermer
Résumé : Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Après la mort du roi, Jacques II, alors Duc d'York, s'adresse en conseil privé aux membres du conseil. Il exprime son intention de suivre l'exemple de son prédécesseur en matière de douceur et d'affection envers le peuple. Jacques II reconnaît les représentations le décrivant comme un partisan du pouvoir arbitraire, mais assure qu'il maintiendra le gouvernement de l'État et de l'Église conformément aux lois. Il souligne l'importance des principes de l'Église d'Angleterre pour la monarchie et son soutien aux membres de cette Église, qu'il considère comme de bons et fidèles sujets. Jacques II affirme que les lois du royaume sont suffisantes pour gouverner et qu'il ne les abandonnera pas. Il promet de défendre les droits et privilèges de la nation tout en respectant les prérogatives de la couronne et les droits des autres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
s. p.
AVIS ET CATALOGUE des Livres qui se vendent chez le Sieur Blageart.
Début :
Recherches curieuses d'Antiquité, contenuës en plusieurs Dissertations, sur des Médailles, [...]
Mots clefs :
Antiquités, Médailles, Dissertations , Inscriptions, Mosaïques, Ouvrages, Libraire, Mariage, Discours, Mémoires
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVIS ET CATALOGUE des Livres qui se vendent chez le Sieur Blageart.
AVIS ET CATALOGVE
des Livres qui fe vendent chez
le Sieur Blageart.
Echerches curieufes d'Antiquité,
contenues en plufieurs Diflertations
, fur des Médailles , Bas - reliefs,
Statuës , Mofaïques , & Inſcriptions
antiques , enrichies d'un grand nombre
de Figures en taille-douce. In 4.
Heures en Vers par feu M¹ de Cor-
71.
neille , 301.
Sentimens fur les Lettres & fur l'Hiftoire
, avec des Scrupules fur le Stile.
Indouze.
Lettres diverfes de M. le Chevalier
d'Her. Indonze.
30 L.
30
f.
30
£
Nouveaux Dialogues des Morts,
Premiere Partie . In douze.
Seconde Partie des Dialogues des
Morts. In douze.
30 f..
Jugement de Pluton fur les deux Par-
Fevrier 1685.
Ee
ties des Nouveaux Dialogues des
Morts,
La Ducheffe d'Eftramene.
30f.
Deux
Volumes in douze.
40 f.
LeNapolitain, Nouv.Indouze . 20 f.
30 f.
301
. 30 f.
Académie Galante , I. Partie ,
Académie Galante, II. Partie,
Cara Mustapha, dernier Grand Vizir,
Hiftoire contenant fon élevation , fes
amours dans le Serrail , fes divers emplois,
& le vrayfujet qui luy a fait entreprendre
le Siege de Vienne, avec ſa
n.oit, 30 L.
Les Dames Galantes , ou la Confidence
réciproque, en deux vol.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
in douze,
L'Illuftre Génoiſe , in douze,
31.
301
.
Fables Nouvelles en Vers ,
30f
30
f
20 f.
Le Serafkier, in douze,
Hiftoire du Siege de Luxembourg, 30f.
Relation Hiftorique de tout ce qui s'eft
fait devant Génes par l'Armée Navale
du Roy, 30f.
Reflexions nouvelles fur l'Acide &
30 f.
15f.
10 f.
fur l'Alcali. Indouze.
La Devinereffe , Comedie .
Artaxerce , avec fa-Critique.
La Comete , Comedie.
Cōverfions de M.Gilly& Courdil . 20 f.
Cent trente Volumes du Mercure,
avec les Relations & les Extraordinaires
. Il y a huit Relations qui contiennent
Ce qui s'eft paffé à la Ceremonie du
Mariage de Mademoiſelle
avec le Roy
d'Efpagne.
Le Mariage de Monfieur le Prince
de Conty avec Mademoiſelle
de Blois .
Le Mariage de Monfeigneur
le Dauphin
avec la Princeffe Anne - Chref
tienne Victoire de Baviere.
Le Voyage du Roy en Flandre en 1680.
La Négotiation du Mariage de M. le
Duc de Savoye avec l'Inf. de Portugal .
Deux Relations des Réjouiffances.
qui fe font faites pour la Naiffance de
Monfeigneur le Duc de Bourgogne.
Une Description entiere du Siege de
Vienne, depuis le commencement juf
Ee ij
qu'à la levée du Siege en 1683.
Traité de la Tranfpiration des hu
meurs qui font les caufes des Maladies,
ou la Méthode de guérir les Malades ,
ans le trifte fecours de la fréquente
faignée, Difcours Philofophique. 30 f.
Il y a vingt-huit Extraordinaires , qui
outre les Queſtions galantes , & d'éru
dition, & les Ouvrages de Vers , contiennent
plufieurs Difcours , Traitez,
& Origines, fçavoir.
Des Indices qu'on peut tirer fur la
maniere dont chacun forme fon Ecriture.
Des Devifes , Emblêmes , & Revers
de Médailles De la Peinture, &
de la Sculpture. Du Parchemin , & du
Papier. Du Verre . Des Veritez qui font
contenues dans les Fables , & de l'excellence
de la Peinture. De la Conteſ
tion. Des Armes , Armoiries , & de leur
progrés. De l'Imprimerie. Des Rangs
& Cerémonies . Des Talifmans. De la
Pondre à Canon. De la Pierre Philo
fophale. Des Feux dont les Anciens ſe
fervoient dans leurs Guerres , & de leur
compofition . De la fimpathie , & de
l'anthipatie des Corps. De la Dance ,
de ceux qui l'ont inventée , & de fes
diferentes efpeces . De ce qui contribue
le plus des cinq fens de Nature à la fatisfaction
de l'Homme . De l'ufage de
la Glace, De la nature des Efprits folets
, s'ils font de tous Pais , & ce qu'ils
ont fait. De l'Harmonie, de ceux qui
l'ont inventée, & de fes effets . Du fréquent
ufage de la Saignée . De la Nobleffe
. Du bien & du mal que la fréquente
Saignée peut faire . Des effets
de l'Eau minérale. De la Superftition,
& des Erreurs populaires . De la Chaffe.
Des Metéores , & de la Comete apparuë
en 1680. Des Arines de quelques
Familles de France . Du Secret d'une
Ecriture d'une nouvelle invention , trespropre
à eftre rendue univerfelle, avec
celuy d'une Langue qui en réfulte, l'un
& l'autre d'un ufage facile pour la communication
des Nations. De l'air du
Monde, de la veritable Politeffe, & en
quoy il confifte. De la Medecine. Des
10
progrés & de l'état préfent de la Me
decine.Des Peintres anciens , & de leurs
manieres. De l'Eloquence ancienne &
moderne. Du Vin . De l'Honnefteté, &
de la veritable Sageffe . De la Pourpre
& de l'Ecarlate , de leur diférence , &
de leur ufage. De la marque la plus ef
fentielle de la veritable amitié. L'A .
bregé du Dictionnaire Univerfel . Da
mépris de la Mort . De l'origine des
Couronnes, & de leurs efpeces . Des
Machines anciennes & modernes pour
élever les Eaux . Des Lunetes . Du Secret
. De la Converfation . De la Vie
heureuſe. Des Cloches , & de leur antiquité.
Des bonnes & mauvaiſes qualitez
de l'Air. Des Bains . Du bon &
du mauvais ufage de la Lecture. De la
facile conftruction de toutes fortes de
Cadrans Solaires ; & des Jeux.
T
On fera une bonne compofition à
ceux qui prendront les cent vingt-neuf
Volumes , ou la plus grande partie.
Quant aux nouveaux qui fe debitent
chaque mois , le prix fera toûjours de
trente fols en veau , & de vingt- cinq
en parchemin.
Outre les Livres contenus dans ce
Catalogue, on vend auffi chez le Sieur
Blageart toutes fortes de Livres nouveaux,
& autres. On ne marque icy
que ceux qu'il a imprimez , à la reſerve
des Recherches d'antiquité , qu'on
trouve chez tres -peu d'autres Libraires.
Il ajoûtera à ce Catalogue les Livres
nouveaux qu'il donnera de temps en
temps au Public.
On ne prend aucun argent pour les
Memoires qu'on employe dansle Mercure.
On mettra tous ceux qui ne defobligeront
perfonne, & ne blefferont point
la modeftie des Dames.
Il faut affranchir les Lettres qu'on
adreffera chez le St Blageart , Imprimeur
- Libraire, Rue S. Jacques, à l'entrée
de la Rue du Plaftre
Il fera toûjours les Paquets gratis
pour les Particuliers & pour les Libraires
de Provinces . Ils n'auront le
foin que d'en acquiter le port fur les
Lieux .
Ceux qui envoyent des Memoires,
doivent écrire les noms propres en caracteres
bien formez.
On ne met point les Pieces trop difficiles
à lire .
On met tous les bons Ouvrages à
leur tour, & les Autheurs ne fe doivent
point impatienter .
Il eft inutile d'envoyer des Enigmes
fur des Mots qui ont déja fervy de fujet
à d'autres.
On prie ceux qui auront plufieurs
Memoires, ou plufieurs Ouvrages à envoyer
en mefme temps , de les écrire
fur des papiers feparez .
On avertit que les Mercures qui s'imnpriment
en Hollande, & en quelques
Villes d'Allemagne, font fort peu corrects
, & tronquez en beaucoup d'endroits.
des Livres qui fe vendent chez
le Sieur Blageart.
Echerches curieufes d'Antiquité,
contenues en plufieurs Diflertations
, fur des Médailles , Bas - reliefs,
Statuës , Mofaïques , & Inſcriptions
antiques , enrichies d'un grand nombre
de Figures en taille-douce. In 4.
Heures en Vers par feu M¹ de Cor-
71.
neille , 301.
Sentimens fur les Lettres & fur l'Hiftoire
, avec des Scrupules fur le Stile.
Indouze.
Lettres diverfes de M. le Chevalier
d'Her. Indonze.
30 L.
30
f.
30
£
Nouveaux Dialogues des Morts,
Premiere Partie . In douze.
Seconde Partie des Dialogues des
Morts. In douze.
30 f..
Jugement de Pluton fur les deux Par-
Fevrier 1685.
Ee
ties des Nouveaux Dialogues des
Morts,
La Ducheffe d'Eftramene.
30f.
Deux
Volumes in douze.
40 f.
LeNapolitain, Nouv.Indouze . 20 f.
30 f.
301
. 30 f.
Académie Galante , I. Partie ,
Académie Galante, II. Partie,
Cara Mustapha, dernier Grand Vizir,
Hiftoire contenant fon élevation , fes
amours dans le Serrail , fes divers emplois,
& le vrayfujet qui luy a fait entreprendre
le Siege de Vienne, avec ſa
n.oit, 30 L.
Les Dames Galantes , ou la Confidence
réciproque, en deux vol.
Les diférens Caracteres de l'Amour,
in douze,
L'Illuftre Génoiſe , in douze,
31.
301
.
Fables Nouvelles en Vers ,
30f
30
f
20 f.
Le Serafkier, in douze,
Hiftoire du Siege de Luxembourg, 30f.
Relation Hiftorique de tout ce qui s'eft
fait devant Génes par l'Armée Navale
du Roy, 30f.
Reflexions nouvelles fur l'Acide &
30 f.
15f.
10 f.
fur l'Alcali. Indouze.
La Devinereffe , Comedie .
Artaxerce , avec fa-Critique.
La Comete , Comedie.
Cōverfions de M.Gilly& Courdil . 20 f.
Cent trente Volumes du Mercure,
avec les Relations & les Extraordinaires
. Il y a huit Relations qui contiennent
Ce qui s'eft paffé à la Ceremonie du
Mariage de Mademoiſelle
avec le Roy
d'Efpagne.
Le Mariage de Monfieur le Prince
de Conty avec Mademoiſelle
de Blois .
Le Mariage de Monfeigneur
le Dauphin
avec la Princeffe Anne - Chref
tienne Victoire de Baviere.
Le Voyage du Roy en Flandre en 1680.
La Négotiation du Mariage de M. le
Duc de Savoye avec l'Inf. de Portugal .
Deux Relations des Réjouiffances.
qui fe font faites pour la Naiffance de
Monfeigneur le Duc de Bourgogne.
Une Description entiere du Siege de
Vienne, depuis le commencement juf
Ee ij
qu'à la levée du Siege en 1683.
Traité de la Tranfpiration des hu
meurs qui font les caufes des Maladies,
ou la Méthode de guérir les Malades ,
ans le trifte fecours de la fréquente
faignée, Difcours Philofophique. 30 f.
Il y a vingt-huit Extraordinaires , qui
outre les Queſtions galantes , & d'éru
dition, & les Ouvrages de Vers , contiennent
plufieurs Difcours , Traitez,
& Origines, fçavoir.
Des Indices qu'on peut tirer fur la
maniere dont chacun forme fon Ecriture.
Des Devifes , Emblêmes , & Revers
de Médailles De la Peinture, &
de la Sculpture. Du Parchemin , & du
Papier. Du Verre . Des Veritez qui font
contenues dans les Fables , & de l'excellence
de la Peinture. De la Conteſ
tion. Des Armes , Armoiries , & de leur
progrés. De l'Imprimerie. Des Rangs
& Cerémonies . Des Talifmans. De la
Pondre à Canon. De la Pierre Philo
fophale. Des Feux dont les Anciens ſe
fervoient dans leurs Guerres , & de leur
compofition . De la fimpathie , & de
l'anthipatie des Corps. De la Dance ,
de ceux qui l'ont inventée , & de fes
diferentes efpeces . De ce qui contribue
le plus des cinq fens de Nature à la fatisfaction
de l'Homme . De l'ufage de
la Glace, De la nature des Efprits folets
, s'ils font de tous Pais , & ce qu'ils
ont fait. De l'Harmonie, de ceux qui
l'ont inventée, & de fes effets . Du fréquent
ufage de la Saignée . De la Nobleffe
. Du bien & du mal que la fréquente
Saignée peut faire . Des effets
de l'Eau minérale. De la Superftition,
& des Erreurs populaires . De la Chaffe.
Des Metéores , & de la Comete apparuë
en 1680. Des Arines de quelques
Familles de France . Du Secret d'une
Ecriture d'une nouvelle invention , trespropre
à eftre rendue univerfelle, avec
celuy d'une Langue qui en réfulte, l'un
& l'autre d'un ufage facile pour la communication
des Nations. De l'air du
Monde, de la veritable Politeffe, & en
quoy il confifte. De la Medecine. Des
10
progrés & de l'état préfent de la Me
decine.Des Peintres anciens , & de leurs
manieres. De l'Eloquence ancienne &
moderne. Du Vin . De l'Honnefteté, &
de la veritable Sageffe . De la Pourpre
& de l'Ecarlate , de leur diférence , &
de leur ufage. De la marque la plus ef
fentielle de la veritable amitié. L'A .
bregé du Dictionnaire Univerfel . Da
mépris de la Mort . De l'origine des
Couronnes, & de leurs efpeces . Des
Machines anciennes & modernes pour
élever les Eaux . Des Lunetes . Du Secret
. De la Converfation . De la Vie
heureuſe. Des Cloches , & de leur antiquité.
Des bonnes & mauvaiſes qualitez
de l'Air. Des Bains . Du bon &
du mauvais ufage de la Lecture. De la
facile conftruction de toutes fortes de
Cadrans Solaires ; & des Jeux.
T
On fera une bonne compofition à
ceux qui prendront les cent vingt-neuf
Volumes , ou la plus grande partie.
Quant aux nouveaux qui fe debitent
chaque mois , le prix fera toûjours de
trente fols en veau , & de vingt- cinq
en parchemin.
Outre les Livres contenus dans ce
Catalogue, on vend auffi chez le Sieur
Blageart toutes fortes de Livres nouveaux,
& autres. On ne marque icy
que ceux qu'il a imprimez , à la reſerve
des Recherches d'antiquité , qu'on
trouve chez tres -peu d'autres Libraires.
Il ajoûtera à ce Catalogue les Livres
nouveaux qu'il donnera de temps en
temps au Public.
On ne prend aucun argent pour les
Memoires qu'on employe dansle Mercure.
On mettra tous ceux qui ne defobligeront
perfonne, & ne blefferont point
la modeftie des Dames.
Il faut affranchir les Lettres qu'on
adreffera chez le St Blageart , Imprimeur
- Libraire, Rue S. Jacques, à l'entrée
de la Rue du Plaftre
Il fera toûjours les Paquets gratis
pour les Particuliers & pour les Libraires
de Provinces . Ils n'auront le
foin que d'en acquiter le port fur les
Lieux .
Ceux qui envoyent des Memoires,
doivent écrire les noms propres en caracteres
bien formez.
On ne met point les Pieces trop difficiles
à lire .
On met tous les bons Ouvrages à
leur tour, & les Autheurs ne fe doivent
point impatienter .
Il eft inutile d'envoyer des Enigmes
fur des Mots qui ont déja fervy de fujet
à d'autres.
On prie ceux qui auront plufieurs
Memoires, ou plufieurs Ouvrages à envoyer
en mefme temps , de les écrire
fur des papiers feparez .
On avertit que les Mercures qui s'imnpriment
en Hollande, & en quelques
Villes d'Allemagne, font fort peu corrects
, & tronquez en beaucoup d'endroits.
Fermer
Résumé : AVIS ET CATALOGUE des Livres qui se vendent chez le Sieur Blageart.
Le document est un catalogue de livres proposé par le Sieur Blageart. Il présente une variété d'œuvres littéraires et historiques, incluant des recherches sur l'antiquité, des recueils de lettres, des dialogues des morts, des histoires et des fables. Parmi les titres notables figurent 'Sentimens sur les Lettres & sur l'Hiftoire' de l'abbé d'Indouze, 'Nouveaux Dialogues des Morts' et 'Cara Mustapha, dernier Grand Vizir'. Le catalogue inclut également des œuvres telles que 'La Duchesse d'Estramène', 'Les Dames Galantes' et 'Histoire du Siège de Luxembourg'. Il propose des volumes du 'Mercure', contenant des relations historiques et des récits extraordinaires sur des événements comme les mariages royaux et le siège de Vienne. Le document précise les conditions de vente et de commande, soulignant que les mémoires pour le 'Mercure' ne sont pas payants et que les lettres doivent être affranchies. Blageart offre d'expédier les paquets gratuitement pour les particuliers et les libraires de province. Le catalogue sera régulièrement mis à jour avec de nouveaux livres.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 270-303
Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Début :
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoise solemnisa à son [...]
Mots clefs :
Académie française, Place, Messe, Cardinal Richelieu, Assemblée, Duc de S. Aignan, Abbé de Choisy, Louis, Prix d'éloquence et de poésie, Fontenelle, Discours, M. Perrault
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25. du mois passé, l'Academie Françoisesolemnisa
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
à son ordinaire la Feste de S.
Loüis Roy de France, dans la
Chapelle du Louvre. Mr l'Abbé de la Vau
,
l'un desquarante Academiciens, celebra
la Messe, pendant laquelle il
y eut une excellente Musique. Elle estoit dela composition de MrOudot qui fit
paroistre son habileté ce jourlà plus que jamais. Ensuite
Mr l'Abbé Courcier, Theolop-al de l'Eol
i
f
e
de Paris? prononça le Panegyriqne de S.
Loüis avec un succés qui
*
luy attira beaucoup de loüanges. Il remplit tout ce qu'on
pouvoit attendre d'un homme veritablement éloquent,
& lesrapports qu'il trouva des
achons de ce S. Roy à celles
deLOUIS LE GRAND,furent traitez avec tant d'esprit
& tant de delicatesse, qu'il n'y
eut personne qui n'en fust
charmé.L'Assemblée estoit
nombreuse mais en mesme
temps de gens choisis. Elle
ne le fut pas moins l'apresdinée dans la Seance publique
que tinrent Mrs de l'Académie, pour recevoir Mrl'Abbé deChoisy en la place de
Mr le Duc de Saint Aignan.
Vous connoissez son mérite,
& la Relation que je vous ay
envoyée de l'Ambassade de
MrleChevalier de Chaumont à Siam, vous a
fait voir,
combien Sa Majesté l'avoir
jugé propre aux négociations
qu'on avoit a y
traiter. Il
commença son remerciment
endisant
? que si les loix de
l'Academie le pouvoientper-
mettre, il garderoit le silence,
& ne songeroit qu'à se taire
jusqu'à ce que M" de l'Académie luy eussentappris à
bien parler. Il s'étendit enfuite sur les louanges de cette
sçavante Compagnie
,
dans
laquelle les premiers hommes de
l'Estatsedépoüillentde tout le
faste de la grandeur>(;) ne cherchent de distinction que par la
sublimité du genie é par la
profonde capacité, & dit agréablement, qu'il croyoit'- déja
sentir en luy l'esprit de l'Academie quil'élevoit au dessus de luy-mesme
,
& dont il
reconnnoissoit avoir besoin
pour reparer la perte de l'illustre Duc qu'elle regretoit.
Il prit de là occasion d'en
faire un portraitavantageux,
mais fort ressemblant,& après
avoir dit, que c~Af de
l'Academie
a marquer par des
traits immortels la gloire de ce
vrandHomme, dont la memoire
vivroit à jamais dans leurs Ouvrages
-'
puisque tout ce qui part
de leurs mains se sent du genie
sublime de leur Fondateur; il
ajouta quesil'on a
dit autrefois
que comme Cesar par ses Conquestes avoit augmentél'Empire
.le Rome
>
Ciceron par son e/o-~
quence avoitétendul'esprit des
Romains
5
on pouvoit dire que
le CardinaldeRichelieu seul,
avoit fait en France ce que Cesar £7- Ciceron anvoientfait à
Rome, & que si par les ressorts
d'unepolitiqueadmirable il avoit
reculé
nos Frontieres) il nous avoitélevé, poly
,
& si cela se
pouvoit dire, agrandy l'esprit
par l'établissement de l'Acade.
mie. Il poursuivit l'Eloge de
ce fameux Cardinal, parla de
la perte de M( le Chancelier
Seguier,qui fut après luy le
Protecteur del'Academie ,&
exagera ensuite la gloire dont
elle s'estoit Veuë comblée,
lors que le plus grand des
Rois, daignantagréerlemesme titre, avoit bien voulu
luy faire l'honneur de la recevoir dans son Palais, & de
l'égaler aux premieres Compagnies de son Royaume.
Par là, Messieurs
,
continuat-il, car je ne dois retrancher aucun des termes dont il
se servit en parlant de ce
grand Prince. ) Parlàdans
lesSieclesfuturs, vos noms devenus immortels marcheront à
lasuitedu sien
,
& vous pouue,-,
NOUS répondre avous-mesmes de
l'immortalité que vous sçavez
donnerauxautres. Vous lasçavez donner seurement
,
&vous
ladonnerezà LOUIS.Ilsefait
entre ce Prince & vous un
commerce de gloire, & si
sa protection vous fait tant
d'honneur
,
vous pouve% vous
flater de nestrepas inutiles afk
gloire. Oüy, Messieurs, ce prince
si necessaire à tous; à ses Sujets
qu'il a
rendus lesPeuples les plus
redoutables du monde, & qu'il
va achever de rendre plus
heureux
;
à ses Alliez à qui il
accorde par toutmeprotection si
puisante; àses Ennemis mesmes
dontilfaitle bonheurmalgréeux
enlesforçant à
demeureren paix,
ce Prince, qui à l'exemple de
Dieu dontilestl'image vivante
semblen'avoir besoinque de luymesme, il abesoindevouspour
sa gleire
,
&son nom, toutgrand
quil est
,
auroitpeine à passer
tout entierà la derniere posterite
sans vos Ouvrages. Vous y
travaillez, Messieurs. Déja plus
d'une fois vous l'ave^ montré
auxyeux des hommes également
granddans la Paix & dans la
Guerre. Mais qu'est-ce que la
valeur des plus grands Héros,
comparée à la pieté des verita
bles Chretiens? Il regne ce Roy
glorieux, & toujours attentifà
la reçonnoissance qu'il doit à
celuy dont iltient tout
>
ilsonge
continuellement à faireregner
dansson cœur &danssonRoyaume
,
ce Dieu qui depuis tant d'années répandsursapersonne une
si longue suite de prosperite
N'a-t-ilpasfait taire ces malheureux, qui malgré les lumieres
naturelles de l'ame, affectent
une impietéàlaquelle ilsnesçauroient parvenir? N'a-t-il pas
reprimé cette fureur de blasphême
assèz audacieusepouraller attaquerDieujusque dansson Tros-
m f Ilfaitplus; il s'embrase du
zele de la Maison de Dieu
,
il
n'épargne nysoins ny despense
four augmenter le Royaume du
Seigneur. Son zele traverse les
Mers, (jj* va chercher aux ex-
,tremitez de la Terre
,
desPeuples
ensevelis dans les tenebres de l'Idolatrie. Les premieres diffculte.-<
ne le rebutentpoint; ilsuit avec
constance un dessein
que le Ciel
luy a
inspiré
,
& si nos vœux
font exaucez
,
bien-tostfousses
auspices la foy du njray Dieu
fera triomphante dans les Royaumes de 1'0r1ent. Que diray-je
encore ? Ce Heros Chrestien at-
taque ouvertement ce Party
formidable de l'Heresie
,
qui
avoit fait trembler les Roisses
Predecesseurs.Ilacheve enmoins
d'uneannée, ce
quil/s n>a~
voient osé entreprendre depuis
prés de deux ~fc/,~rle Monstre infernal reduit aux abois
>
rentrepourjamais dans l'abisme,
d'où la malice des Novateurs,
&les mœurs corrompuës de nos
Ayeux l'avoient fait sortir.
Heureuse France,tu neverras plus tes Enfans déchirertes
entrailles.Une mesme Religion
leurfera prendre les mesmes in
teredts j&cejl à Louis -;
Grand que tu es redevable d'un
sigrand bien. Parlonsplusjuste,
c'est à Dieu,& le mesme Djetl
pour asseurernostrebonheur,vient
de nous conserver
ce Prince, &
de le rendre auxprieres ardente s
de toute l'Europe; car, Messieurs,lesfrancois ne font pas
les seuls qui s'interessent à
une
santési précieuse, &si quelques
Princes,jaloux de la gloire du
Roy
,
ont témoigné par de vains
projets de Ligues vouloirprofiter
de l'estatou ils le croyoient
,
leurs
Sujets mesmes
>
& tous les Peuples de l'Europe faisoient des
vœuxsecrets pour
luy
cachant
bien Men
saseulePersonne reside la tranquillitéuniverselleMais ou m'emporte mon
zele?
Apeine placé parmy vous,j'entreprens ce qui feroit trembler les
plus grands Orateurs,& sans
consulter mes forces,j'ose parler
d'un Roy dont il n'estpermis de
parler qu'à ceux3 qui comme
vous, Messieurs, le peuvent
faire d'une manieredigne de luy.
Aprés quelque temps laiïle
aux applaudissemens qui furent donnez à
ce Discours,
Mr deBergeret ,Secretaire du
Cabinet, & premier Commis
deMrdeCroissy,Ministre tk,
Secretaire d'Estat,pritlaparole pour y
répondre, & dit
à M l'Abbé de Choisy
,,
que
l'Academie ne luy pouvoit
donner
une marque plus honorable de l'estime qu'elle
faisoit de luy, qu'en le recevant en la place de Mrle Duc
pe S. Aignan. Dansle Portrait
qu'il fit de ce Duc, il fit voir,
Qu'ilaimoit les belles Lettres de
la mesme passion dont il aimoit
la gloire, & qu'ilavoit pris
tous les soinsnecessaires pour
avoir ce
qu'elles ont de plus utile
&deplusagreable. Il dit qu'il
çflyit bienéloigne de la vaine
erreur de ceux qui s'imaginent
que tout le meriteconsiste dans le
bazard d'estrené d'une ancienne
Maison, & qu'il ne regardoit
l'avantage d'avoirtantd'illustres
Ayeux, que comme une obligation indispensable J,'augmenter
l'éclat de leur nom par un merite
personnel; quese voyantattaché
au service d'un Prince,dont les
vertus beroiques donneront plus
d'employ auxLettres, que n'ont
fait tous les Heros de l'Antiquité,il en avoit pris encore plus
d'affection pourelles
;
qu'il s'estoit acquis une maniere de parler
&d'écrire noble,facile, élegante,
&qu'il avoit fait voir à la
France cette Urbanité Romaine,
qui estoit le caractere des Scipions &des plus illustres Romains. Jepasse beaucoup d'autres louanges qui furent écoutéesavec plaisir
,
& qu'il finit
en disant
>
Quesi M. le Duc de
S.Aignan estoit le Protecteur
d'une celebre Academiepar un
titre particulier
,
on pouvoir
dire encore qu'il l'estoit generalement de tous les
gens de
Lettres par une generosité qui
n'exceptoitpersonne; que lemerite, quelque étranger qu'ilfust,
Çy* de quelque part ~;//7~
Yiir„efloiiseur de trouveren luy
de l'appuy & de la protection;
qu'il recevoit avec des témoin
gnages d'affection tous ceux qui
avoient quelque talent
,
& qu'il
ne leurfaisoitsentirsourang èi;
sa dignité
,
que par les bons offices qu'ilseplaisoità leurrendre
Il parla ensuite de sa mort
chrestienne
,
&, de la confolation qu'il avoit euëen mou- lrant de laïsser après luy un
Fils illustre
,
qui s'estoit toujours dql-ingué' avec honneur &
sans affectation, dans lequel
onavoit toûjours veu decourageavecbeaucoupbeaucoup dedou-
crur, une admirable pureté de
mœurs, une parfaite uniformité
de conduite, de la penetration.
de l'application,de la ruigilancr.)
un cœur confiant pour la vérité
pour la justice, em sur tout
une solide pieté, qui le fait Agir
en secret & aux yeux de Dieu
seul,
comme s'il estoit veu de
tous les hommes. Il ajoûta, que
tantde vertus quiavoientmérité que dans un âge si peu avan~
cé, il eustestéfait Chef du Conseil d s
Finances, jufiifioient
chaque jour un si bon choix,(gjr
fdifoicn^ voir que le Royjufie
dijbenfateurde ses grâces "t'VO::
le don suprême de discernerles
esprits. Aprés cela Mr de Bergeret adressa de nouveau la
paroleàMrl'AbbédeChoi-
\yy&: luy dit, quequelque talent qu'il eust pour l'Eloquence
.J la nouvelle nouvelle obligationqu'il avoit o
bligationqu-'il
a-voit
de consacrerses veilles à lagloire de Louis le Grand, luy seroit
sentir de plus en plus combien il
est difficile de parler dignement
d'unPrince dont la vie est une
suite continuelle de prodiges. Les
Poëtes, poursuivit-il ,se plaignent den'avoir point d'expressionsassez fortes pourrepresenter
lemerveilleuxde sesexploits;
les Historiens au contraire de n'en
avoir point d'assi'{ simples, pour
empescher que tant de merveilles
ne passent pour autant defictions.
Quel art, quelle application,
quelle conduite ne faudra- t-il
point pour conserver la vraysemblance avec la grandeur des
choses qu.i! a
faites?Je
ne parle
point decette valeur étonnante,
qui a
pris comme en courant les
plusfortesVilles du monde, &
devant qui lesArmées les plus
nombreuses ont toujours fuy de
peur de * combattre. Je
ne pense
maintenant qu'à cette glorieuse
paix dont nous joueons., & qui
a tfl; faite dans un temps où l'on
ne voyoit de toutes parts que des
puissancesirritées de nos Viéloires, que des Estats ennemis declarez denosinterests, que des
Princesjaloux de nos avantages,
tous avec des pretentions différentes e- incompatibles. Comment donc parut tout d'un coup
cette Paix si heureuse ? C'est un
miracle de la sagesse de Louis le*
Grand
,
que la Politique neffau..
roit comprendre; & comme luy
seul a
pu la donner à toute 1"Euyope.) luy seul aussi peut la IUJl
conserver.Combien d*a£lion3de
pénétration, de prévoyance pour
faire que tant d'Etats libres, dm
dont les interestssontsi contraires,
demeurent dans les termes
qu'il leur a
prescrits? Il faut
voirégalement
ce qui •riefl plus
&ce quin'est pas encore, comme ce qui est. Il faut avoir un
genied'une force&d'une étenduë extraordinaire
,
que nulle affaire ne change, que nul objet
ne trompe, que nulle difficulté
n'arreste; telenfinqu'estle genie
de Louis le Grand
,
qui est répandu dans toutes les parties de
l'Estat, (fy qui n'yest pointrenfermé,agissant au dehors comme
au dedans avec une forceincon-
cevable. Il est jusque dans les
extrémitez du monde, où l'on a
-veit tant desaintesMissionssoutenues par les secours continuels
de sa puissance & de sa piété.
Il estsurlesFrontières duRoyalime
,
qu'il faitfortifier d'une maniere qui déconcerte ~(7 defj<:entous nos Ennemis. Il efi surles
Ports, ou il fait construire ces
Vaisseaux prodigieuxj qui portent par tout le monde la gloire
du nom François. Il est dans les
calemies de Guerre ~ù de Marine ,où la noble éducation jointe
à la Noblesse du sang,forme des
esprits & des courages également
capables du commandement v
de l'exécution dans les plus grandes entreprises Il est enfin par
tout, quifait que tout est reglé
cemme il doit l'estre.Les Garfiijbns toujours entretenues, les
Magasinstoujours pleins, les
Arsenaux toujours garnis
,
les
Troupes toujoursen baleine, v
aprésles travaux de laGuerre,
maintenant occupées à des Ouvragesmagnifiques, qui font les
fruits de la Paix.C'estainsi
que ce Grand Princeagissanten
mesmetempsde toutes parts,v
faisant des choses qui inspirent
continuellement de la terreur à
Jes Ennemis, de l'amour à Jes
Sujets de l'admiration à tout
le monde
,
il peut malgréleshaines
,
les jalousies, vles défiances, conserver la Paix qu'il a
faite3farce qu'il n'ya pointd'Etat
qui ne voye combien il seroit
dangereux de la vouloir rompre.
Quelques Princes de l'Empire
sembloient en avoir la prnsele)
& commencent à former des
Ligues nouvelles, mais le Roy
toujours également juste vsage,
ne voulant ny surprendre ny
estre surpris
:>
fit dire à l'Empereurj que si dans deux mois du
jourdesa Déclaration il ne rece-
voit de luy des asseurances poJiiives de l'observation de la Treve
,
il prendrait les mesuresqu'il
jugeroit necessaires pour le
bien
deson Efidt. Ses Troupes en même temps volentsur les Frontieres de l'Ailsnugne> (fff l'Empereur luy donne toutes les asseurancesqu'il pourvoit souhaiter.
Ainsil'Europe luy doit une seconde fois le repos & la tranquillité dont elle joüit.D'autre
part l'Espagneavoit fait une
mjujiice à nos
Marchands, (!Ï
les contraignoit de payer une taxeviolente
,
fous pretexte qu
'ils
negocioient dans les Indes contre
les Ordonnances. Le Roy3pour
arrester tout à coup ces commencemens de division
,
a
jugé à propos d'envoyer devant Cadix une
Flote capabledeconquérirtoutes
les Indes. dujfi-tost l'EJpdgne
alarmée, a
proYllÍs de rendre ce
qu'elle avoit pris e~ le Roy qui
s'en est contenté, a paru encore
plusgrand parsa moderationque
parsapuissance; car il est vray
que rienn'est si admirable sur la
Terre, que d'y voir un Prince,
qui pourvant tout ce
qu'il veuty
ne
veüille rien qui ne
soitjuste.
Maisc'est le caractere de Louis
le Grand. C'estlefond de cette
Ame heroiqne
>
où toutes les vertus font pures,sinceres
,
solides,
veritables, cm7ent toutesensemlie3 par une admirable union,
qu'il est non seulement le plus
grand de tous les Rois
,
mais encore
le plusparfait de tous les
Hommes.
Cette réponse fut interrompuëbeaucoup de fois par
des applaudissemens qui firent connoistre combien 1*ACsemblée estoit satisfaite de
l'Eloquence de MrdeBergeret. Il parut par là tres-digne
d'estre à la teile d'une si celebreCompagnie; & tout le
monde convint qu'il ne pouvoit mieux remplir la place
qu'iloccupoit. Mrl'Abbé de
Choisy a
fait connoistre par
un fort bel Ouvrage qu'il a
donné au Public depuissa reception,avec combien de justice il remplit la place qu'on
luy afait ocuper. Cet Ouvrage
est laViede Salomon. Il y
aquelquetemps qu'il fitaussiimprimer celle de David avec une
Paraphrase desPseaumes.Jene
vous dis rien de la beautéde
f- ses Livres. Vous pouvez juger
de quoy il est capable par ce
que vous venez de liredeson
Remerciment à PAcadeniieJ
Ces deuxDiscours ayantesté
prononcez ,
on distribua les
Prix d'Eloquence & dePoësie
& l'on declara que le premieravoir esté remporté par
Mrde Fontenelle,& le second
par Mademoiselle des Houlieres, Fille de l'illustre Ma..
dame desHoulieres,dontvous
avez veu tant de beauxOuvrages. Mrl'Abbé de la 'V'aU1
Secretaire de la Compagnie
en l'absence de Mr l'Abbé
Regnier des Marais, Secretaire perpetuel, leut ces deux
Pieces, dont l'uneestoit sur la
Patience, & l'autre sur l'Eduation de la jeune Noblesse
dans les Compagnies des Genilshommes
3
& dans la Maison de S. Cir, &toutes deux
furent écoutées avec l'artenion qu'elles meritoient. Je
vous en diray davantage une
autre fois. A cette lecture
ucceda celle d'un Discours
qu'avoit apporté M Hebert, le
l'Academie de Soissons,
pour sansfaire * 1à l'obligation
où sont ceux de cette Compagnie
,
suivant les Lettres
Patentes de leur établiffci-nelit,
d'enenvoyeruntous lesans,
en Prose ou en Vers,lejour de
S. Loüis
)
à l'Academie Françoise.On
y remarqua de grandes beautez
,
& M. Hébert
eut place parmy les Académiciens. Le sujet de ce Discours estoit, Que les Peuples
sont toujours heureux,lors qu'ils
sont gouvernez par un Prince,
qui a
dela pieté. Aprés cela,
on leut un Madrigal, à la
gloire de Mademoiselle des
Houliers,sur ce qu'elleavoit
remporté le Prix.M.leClerc
leut aussi quelqnes Ouvrages
dePoësie sur divers fujets>&j
la Scance finit par une
Lettré
en Vers de M. Perrault i,dans
laquelle le Siecle remercioit
le Roy de l'avantage qu'illuy
faisoit remportersur les autres Siec
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est passé à l'Academie Françoise le jour de Saint Loüis. [titre d'après la table]
Le 25 du mois précédent, l'Académie Française a célébré la fête de Saint Louis, roi de France, dans la chapelle du Louvre. La messe, célébrée par l'abbé de la Vau, a été accompagnée d'une musique composée par Mr Oudot. L'abbé Courcier a prononcé un panégyrique de Saint Louis, comparant ses actions à celles de Louis le Grand avec esprit et délicatesse, ce qui a été très apprécié. L'après-midi, l'Académie a tenu une séance publique pour accueillir l'abbé de Choisy à la place du duc de Saint Aignan. L'abbé de Choisy a remercié l'Académie en soulignant son mérite et en évoquant son rôle dans l'ambassade du chevalier de Chaumont à Siam. Il a également rendu hommage au duc de Saint Aignan, louant son soutien aux lettres et son mérite personnel. L'abbé de Choisy a comparé le Cardinal de Richelieu à César et Cicéron, soulignant son rôle dans l'établissement de l'Académie et son influence sur l'esprit français. Mr de Bergeret, secrétaire du Cabinet, a répondu en soulignant les qualités du duc de Saint Aignan, notamment son soutien aux gens de lettres et sa générosité. Il a également parlé de la mort chrétienne du duc et de la continuation de son héritage par son fils. Mr de Bergeret a ensuite adressé un éloge à Louis le Grand, soulignant sa valeur, sa sagesse et sa capacité à maintenir la paix en Europe malgré les tensions. Il a également mentionné les missions saintes soutenues par le roi et les fortifications des frontières du royaume. Le texte décrit les actions et les qualités du roi Louis XIV, présenté comme un grand prince qui maintient la paix en Europe malgré les défis. Il agit avec justice et modération, inspirant admiration et respect. Par exemple, il menace de prendre des mesures contre l'empereur s'il ne respecte pas la trêve, mais accepte les excuses de l'Espagne concernant une injustice faite aux marchands français. Louis XIV est loué pour sa capacité à vouloir uniquement ce qui est juste, ce qui le distingue comme le plus grand et le plus parfait des hommes. Lors de la séance à l'Académie française, Monsieur de Bergerey est acclamé pour son éloquence. L'abbé de Choisy est félicité pour son ouvrage sur la vie de Salomon. Les prix d'éloquence et de poésie sont décernés à Monsieur de Fontenelle et à Mademoiselle des Houlières, respectivement. Un discours de Monsieur Hébert, envoyé par l'Académie de Soissons, est également lu et apprécié. La séance se termine par des lectures de poèmes et une lettre en vers de Monsieur Perrault, remerciant le roi pour les avantages qu'il apporte à son siècle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 91-128
Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Début :
Le Samedy 5. de ce mois, Mr de Fontenelle fut receu à [...]
Mots clefs :
Fontenelle, Académie française, Corneille, Éloge, Anciens, Modernes, Louis, Discours, Charpentier, Harangue, Lecture, Académie d'Arles, Académie des Ricovrati de Padoue, Madame Deshoulières, Abbé de Lavau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
e Samedy.5. de ce mois
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
M' de Fontenelle fut receu à
l'Academie Françoife, & s'attira de grands applaudiffemens par le remerciement
qu'il y fit . Il dit d'abord
fi jamais il avoir efté capable
de fe laiffer furprendre aux
douces illufions de la vanité,
il n'auroit pû s'en défendre
dans l'occafion cù il fe trouvoit, s'il n'avoit confideré
qu'on avoit bien voulu luy
faire un merite de ce qu'il
avoit prouvé par fa conduite
qu'il fçavoit parfaitement le
prix du bienfait qu'il recevoir.
Hij
92 MERCURE
Il ajoûta qu'il ne pouvoit
d'ailleurs fe cacher qu'il devoit l'honneur qu'on luy avoit fait de l'admettre dans
un fi celebre Corps , au bonheur de fa naiTance qui le
faifoit tenir à un Nom qu'un
illuftre Mort avoit ennobly,
& qui eftoit demeuré en veneration dans la Compagnie.
Tout le monde connut bien
qu'il vouloit parler du grand
Corneille, donr il fit l'Eloge
en peu de mots , auffi bien
que de M' de Villayer, Doyen
du Confeil d'Etat , auquel il a
fuccedé dans la place qu'il
GALANT. 93
avoit laiffée vacante. Il paffa
de là au grand fpectacle qui
devoit le plus intereffer toute
l'Affemblée , & parla de la
conquefte de Mons , d'une
maniere fi vive , fi fine , & fi
éloquente , qu'on peut affurer
que dans tout ce qu'il en dit
il y avoit prefque autant de
penfées que de paroles. Son
tile fut ferré & plein de
force , & aprés que la
peinture qu'il fit de la prife
de cette importante Place ,
cut fait paroistre tout ce qu'-
elle avoit de furprenant , il
n'eut pas de peine à fe faire
94 MERCURE
croire lors qu'il ajoûta, que fi
le grand Cardinal de Richelieu , à qui l'Academie Françoife devoit le bonheur de
fon établiffement, & qui avoit
commencé à travailler avec
de fi grands fuccés à la grandeur de la France , revenoit
au monde , il auroit peine à
s'imaginer que LOUIS LE
GRAND cult pû l'élever
à un fi haut degré de gloire.
C'eftoit à M' l'Abbé Teftu,
commeDirecteur de la Compagnie , à répondre à ce Difcours , mais fon peu de fanté
ne luy permettant alors au-
GALANT. 95
cune application , M' de Corneille qui en eftoit Chancelier , fut obligé de parler au
lieu de luy , ce qui caufoit
quelque curiofité parmyceux
quicompofoient l'Affemblée,
puis qu'eftant Oncle de M'de
Fontenelle , la bien . feance
vouloit qu'il cherchaft un
tour particulier pour fe difpenfer de luy donner des
louanges. Comme l'amitié
qui eft entre nous me défend
de vous rien dire à fon avantage , je me contenteray de
vous faire part de fa réponſe,
telle qu'il l'a prononcée ,
96 MERCURE
ainfi vous en allez juger par
yous mefme. Voicy les termes dontil fe fervit.
MONSONSIEUR,
Nousfommes traitez vous &
moy bien differemment dans le
mefme jour. L'Academie a be
foin d'un digne Sujet pour remplirle nombre qui luy eft prefcrit
par fes Statuts. Pleine de difcernement , n'ayant en veuë que
le feul merite, & dans l'entiere liberté de fes fuffrages , elle
vous choisit pour vous donner ,
non feulement une place dans
Son
GALANT.
97
fonCorps , mais celle d'un Magistrat éclairé , qui dans une noble
concurrence ayant eu l'honneur
d'etre declaré Doyen du Confeil
d'Estat par le jugement meſme
de Sa Majefté, faifoit fon plus
grand plaifir de fe dérober à ſes
importantes fonctions , pour nous
venir quelquefois faire part de
fes lumieres ; que pouvoit- il arriver de plus glorieux pour vous?
Dans le mefme temps , cette
mefme Academie change d'Officiers ,felon fa coutume. Le Sort
qui décide de leur choix, n'auroit
pu qu'eftre applaudy, s'il l'euft
fait tomber fur tout autre que
May 1691.
I
98 MERCURE
fur moy, & quoy qu'incapable
de foutenir le poids qu'il impofe,.
c'eft moy qui le dois porter. Il eft
vray qu'il a fait voir fa justice
par l'illuftre Directeur qu'il nous
a donné. La joye que chacun de
nous en fit paroiftre, luy marqua
affez que le hazard n'avoitfait .
s'accommoder ànos fouhaits,
je n'enfçaurois douter , vous
ne le pustes apprendre fans vous.
fentir auffi - toft flatéde ce qui auroit faifi le cœur le plus détachés
de l'amour propre. La qualité des
Chefde la Compagnie l'engageant
dans la place qu'il occupe , à vous
repondre pour Elle , il vous auroit
que
P
GALANT. 99
esté doux qu'un homme, dont l'éloquence s'eftfait admirer en tant
d'actions publiques, vous eustfait
connoiftre fur quels fentimens.
d'eftime pour vous l'Academie
s'eft determinée à fe declarer en
vostrefaveur.
Son peu defanté l'ayant obligé de s'en repofer fur moy, vous
prive de cette gloire , & quand
le défir de repondre dignement à
l'honneur quej'ay de portericy!
parole à fondefaut , pourroit n'animer affez pour me donner la
force d'efprit qui meferoit neceffaire dans un fi glorieux pofte, ce
que je vous fuis me fermant la
I ij
100 MERCURE
bouche fur toutes les choſes qui
feroient trop à votre avantage ,
vous ne devez attendre de moy
qu'un épanchement de cœur qui
vousfaffe voir la part que je
prens au bonheur qui vous arrive , des fentimens & non des
lou
inges.
M'abandonnerai
-je à ce
qu'ils
m'inſpirent
? La
proximité
du
Sang
, la
tendre
amitié
quej'ay
pour
vous
, lafuperiorité
que me
"donne
l'âge
,toutfemble
me lepermettre
, vous
le devez
fouffrir
,
j'iray
jufques
à vous
donner
des
confeils
. Au lieu
de vous
dire que
celuy
qui afi bienfait
parler
les
GALANT. ΙΟΙ
Morts n'eftoit pas indigne d'entrer en commerce avec d'illuftres
Vivans ; au lieu de vous applau
dirfur cet agréable arrangemens
de differens Mondes dont vous
nous avez offert le spectacle ,
furcet Art fidifficile , & qu'ilme
paroift que le Public trouve en
vous fi- naturel , de donner de
l'agrément aux matieres les plus
feches , je vous diray que quelque
gloire que vous ayent acquife dés
vos plus jeunes années les talens
qui vous diftinguent, vous devez
les regarder, non pas comme des
dons affez forts de la nature pour
vous faire atteindre , fans autre
Í iij
102 MERCURE
a
fecours que de vous mefme , à la
perfection du merite que je vous
fouhaite ; mais comme d'heureufes difpofitions qui vous y peuvent conduire. Cherchez avec
fin pour y parvenir les lumieres
qui vous manquentile choix qu'on
fait de vous vous met en eftat
de lespuifer dans leur fource.
En effet , rien ne vous les peut
fournir fi abondamment que les
Conferences d'une Compagnie ,
oùfi vous m'en exceptez , vous
ne trouverez que de ces Genies
fublimes à qui l'immortalité eſt
deue. Tout ce qu'on peut acquerir de connoiffances utiles par les
1
GALANT. · 103
aura
belles Lettres , l'Eloquence , la
Poëfie , l'Art de bien traiter
l'Histoire , ils le poffedent dans
le degré le plus éminent › &
quand un peu de pratique vous
facilité les moyens de connoistre a fond tout le merite de
- ces celebres Modernes , peut eftre
ferez- vous autorisé , je ne dis pas
à les préferer , mais à ne les pas
trouver indignes d'eftre comparez
aux Anciens. Ce n'est pas que
toutejufte que cette loüange puiffe
eſtre pour eux, ils ne la regardent
comme une loüange qui ne leur
Sçauroit appartenir. Ils ne l'écoutent qu'avec repugnance , &la
I iiij
104 MERCURE
veneration qui eft deue à ceux
qui nous ont tracé la voye dans
le chemin de l'esprit , s'il m'eſt
permis de me fervir de ces termes, prévaut en eux contre euxmefmes , enfaveur de ces grands
Hommes, dont les excellens Ouvrages toûjours admire de toutes les Nations, ont paffejuſques
à nous malgré un nombre infiny
d'années, comme des Originaux
qu'on ne peut trop eftimer. Mais
pourquoy nous fera-t- il défendu
de croire que dans les Arts &
dans les Sciences les Modernes
puiffent aller auffi- loin , &mêplus loin que les Anciens , puis
GALANT. 105
qu'il eft certain , en matiere de
Heros , que toute l'Antiquité,
cette Antiquitéfi venerable, n'a
l'on puiffe comparer à
rien que
celuy de noftre Siecle?
Quel amas de gloirefe prefente
à vous, Meffieurs , à la fimple,
idée que je vous en donne !
Nentrons point dans cette foule
d'actions brillantes dont l'éclat
trop vifnepeut que nous ébloüir.
N'examinons point tous ces furprenans prodiges dont chaque
année de fon regne fe trouve
marquée. Les Cefars , les Ale
xandres ont befoin que l'on
rap
pelle tout ce qu'ils ont fait pen-
106 MERCURE
"
dant leur vie pour paroiftre di
gnes de leur reputation , mais il
n'en est pas de mefme de Louis
le Grand. Quand nous pourrions
oublier cette longue fuite d'évenemens merveilleux qui font
l'effet d'une intelligence incomprehenfible, l'Hertfie détruite ,
la protection qu'il donne feul
aux Rois opprimez , trois Ba
tailles gagnées encore depuis
peu dans une mefme Campagne,
il nous fuffiroit de regarder ce
qu'il vient defaire, pour demeurer convaincus qu'il est le plus
grand de tous les hommes.
Seur des conqueftes qu'il vou-
GALANT. 107
› y renonce pour dra tenter il
donner la paix à toute l'Europe.
L'Envie en fremit ; la Faloufie
qui faifit de redoutables Puiffances ne peut fouffrir le triomphe que luy affure une fi haute
vertu. Sa grandeur les bleffe , il
faut l'affaiblir. Un nombre infiny de Princes qui ne poffedent
encore leurs Etats queparce qu'il
dédaigné de les attaquer , ofent
oublier ce qu'ils luy doivent pour
entrer dans une Ligue, où ils s'imaginent que leursforces jointes
feront en eftat d'ébranler une
Puiffance qui a jufque là refifte
à tout. Que les Ennemis de la
a
108 MERCURE
Chreftienté fe refaififfent de tour
un Royaume qu'ils n'ont perdu
que par cette Paix, qui a donné
lieu aux avantages qu'on a remportez fur eux, n'importe,il n'y a
rien qui ne foit à préferer au chagrin infupportable de voir le Roy
jouir de fa gloire.LesAlliezfe refolvent àprendre les armes des
Princes Catholiques , l'Espagne
mefme que fa fevere Inquifition
rend fi renommée furfon exactitude à punir les moindres fautes
qui puiffent bleffer la Religion ,
ne font point difficulté de renouveller la guerre,pour appuyer les
deffeins d'un Princesà qui toutes
1
GALANT.
109
les Religions paroiffent indiffe
rentes , pourveu qu'il nuife à la
veritable ; d'un Prince qui pour
fe placer au Trône ofe violer les
plusfaintes loix de la nature, &
qui ne s'eft rendu redoutable qu'à
cauſe qu'il a trouvé autant d'a¬
veuglement dans ceux qui l'élevent, qu'il a d'injuſtice dans tous
les projets qu'il forme.
Voyons les fruits de cette
union ; des pertes continuelles.
tous les jours des malheurs à
craindre plus grands que ceux
qu'ils ont déja éprouvez. Il faut
pourtant faire un dernier effort ,
pour arteter les gemiffemens des
Peuples, à qui de dures exactions.
110 MERCURE
"
font ouvrir les yeux fur leur efclavage. Onmarque le temps
le lieu d'une Affemblée. Des
Souverains , que la grandeur de
leur caractere devroit retenir › y
viennent de toutes parts rendre
dehonteux hommages à ce témeraire Ambitieux, que le crime a
couronné, & qui n'est au deffus
d'eux, qu'autant qu'ils ont bien
voulu by mettre. Il les entre
tient d'efperances chimeriques.
Leur formidable puiffance ne
trouvera rien qui luy puiffe refifter. S'ils l'en ofent croire, le Roy
qui veut demeurer tranquille
ne fe fait plus un plaifir d'aller
GALANT. III
animerfes Armées parfa prefen-·
ce; & dès que le tempsfera venu
d'entrer en campagne , ils font
affure de nous accabler.
Il est vray que le Roy garde
beaucoup de tranquillité ; mais
qu'ils ne s'y trompent pas. Son
repos eft agiffant , fon calme l'emporte fur toute l'inquietude de
leur vigilance , & la regle des
faifons n'eft point une regle pour
ce qu'il luy plaift de faire. Nos
Ennemis confument le temps
examiner ce qu'ils doivent entreprendre , Louis eft preft
à
d'executer. Il n'a point fait de
menaces mais fes ordres font
112 MERCURE
donnez ; il part , Mons eft inwesty , fes plus forts remparts
ne peuvent tenir enfa prefence,
&en peu de jours fa prife nous
delivre des alarmes où il nous
jettoit en s'expofant. Que de
glorieufes circonstances relevent
cette conqueste! C'est peu qu'elle
foit rapide , c'est peu qu'elle ne
nous coute aucune, perte qu'on
puiffe trouverconfiderable. Ellefe
fait auxyeux mefmes de ce Chef
de tant de Ligues , qui avoitjuré
la ruine de la France. Il devoit
venir nous attaquer , on va au
devant de luy, & il ne sçauroit
défendre laplus importante Place
GALANT. 113
qu'on pouvoit êter à fes Alliez.
S'il ofe approcher, c'est feulement pour voir de plusprés l'heureux triomphedefon augufte Ennemy.
Nos avantages ne font pas
moins grands du cofté de
l'Italie . Une des Places qui
vient d'y efire conquife , avoit
bravé, il y a cent cinquante ans,
les efforts de deux Ármées , &
dés la premiere attaque de nos
Troupes elle est contrainte de capituler. Gloire par tout pour le
Roy !
Confufion par tout pourfes
Ennemis ! Ils fe retirent tout
couverts de honte ; le Royrevient
May 1691.
K
114 MERCURE
couronné par la Victoire , & lå
Campagne s'ouvrira dansfafaifon. Quelles merveilles n'avonsnous pas lieu de croire qu'elle produira , quand nous voyons celles
qui l'ont precedée.
Voilà, Meffieurs, une brillante
matiere pour employer vos rares
talens. Vous avez une occafion
bien avantageuse de les faire
voirdans toute leurforce , fipourtant il vous eft poffible de trouver
des expreffions qui répondent à la
grandeur du Sujet. Quelques
foins que nous prenions de chercher l'ufage de tous les mots de la
"Langue , nous ne sçaurions nous
GALANT.
cacher que les Actions du Roy
font au deffus de toutes fortes de
termes. Nous croyons les grandes
chofes qu'il afaites, parce que nos
yeux en ont efte les témoins, mais
fur le rapport que nous en ferons,
quoy qu'imparfait , quoy quefoible, quoy qu'infiniment au deffous
de ce que nous voudrons dire ,
pofterite ne les croira pas.
la
Vous nous aidere de vos lumieres , vous , Monfieur, que
l'Academie reçoit en focieté pour
le travail qu'elle a entrepris. Elle
pense avec plaifir que vous luy
ferez utile ; je luy ay répondu
de voftre zele , & j'espere que
Kij
116 MERCURE
vosfoins àdégagermaparole luy
feront connoistre qu'elle ne s'eft
point trompée dans fon choix.
de
Ces deux Difcours ayantefté
prononcez , M' Charpentier,
Doyen, prit la parole , & dit
que devant avoir l'honneur
complimenter le Royfur
fes nouvelles conqueftes.comme le plus ancien de la Com、
pagnie , fi la modeftie de Sa
Majefté ne luy cuſt
refuſer toutes fortes de Harangues , il alloit lire ce qu'il
avoit préparé pour s'acquitter
d'un devoir fi glorieux. Vous
pas fait
GALANT. 117
connoiffez la beauté de fon
genic & fa profonde érudition, & il vous eft aifé de
"
juger par là des graces qu'il
donne à tout ce qui part de
luy. Aprés qu'il eut lû cette
harangue , il dit que le refte
de la Seance ayant à eftre employé , felon la coutume, à
la lecture des Ouvrages de
ceux de la Compagnie qui en
voudroient faire part à l'Af
femblée , il croyoit qu'on ne
-feroit pas faché d'entendreune Epiftre de l'illuftre Madame des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgo-
118 MERCURE
gne , fur les Conqueftes du
Roy, puis qu'outre un merite
tout particulier qui diftinguoit cette Dame , elle avoit
l'avantage d'eftre affociée à
l'Academie d'Arles , & à celle
dè i Ricourati de Padouë , &
qu'ainfi ce feroit une digne
Academicienne qui paroiftroit parmy des Academiciens. La propofition fut receue avec applaudiffement, &
l'Epiftre de Madame des Houlieres fut donnée à M' l'Abbé de Lavau , qui avoit déja
entre les mains quelques Ougraves qu'il avoit bien voulu
GALANT. 11g
fe charger de lire. Avant que
de commencer il dit qu'il
auroit bien voulu contribuer
à la folemnité de cette journée , enfaisant quelque autre
chofe que de lire les Ouvrages des autres, mais qu'il n'ctoit
pas aifé de bien parler
de ce qui
faifoit
l'éronnement
de l'Europe
; que
les productions
de tant
de rares
genies
qui
avoient
paru
jufque
- là ,
loin
de frayer
le chemin
, le
faifoient
paroiftre
plus
difficile
, &
que
mefme
il le paroiffoit
encore
davantage
aprés
les Difcours
qu'on
venoit
Ï20 MERCURE
d'entendre , fur tout celuy de
M' de Fontenelle , qui avoit
parlé de l'Augufte Protecteur
de la Compagnie , d'une maniere qui faifoit connoiſtre
qu'il eftoit déja parfaitement
inftruit des devoirs d'un Academicien, & qui donnoit de
grandes idées de ce qu'il fçauroit faire àl'avenir ; que fi fes
Ouvrages eftoient pleins d'un
agrément qui montroit la dé.
licateffe de fon efprit , il avoit
de grands exemples dans fa
Famille , & qu'il venoit de
leur renouveller la memoire
du grand Corneille , fon Oncle,
GALANT. ` 121
cle, un des principaux orne?
mens du fiecle & de l'Academie Françoiſe , generalement
eftimé & honoré de toutes
les Nations où il fe trouve des
gens qui aiment les Lettres.
Il pourfuivit en difant , que
fi cet excellent homme ne
nous manquoit pas , il auroit
bien fceu faire påffer à la pofterité noftre incomparable
Monarque, finon tel qu'il eft,
au moins tel qu'il eft permis aux hommes de le concevoir ; que nous en avions
de feurs garants dans les Heros des ficcles paffez , qu'il a
May1691.
L
122 MERCURE
fait revivre d'une maniere fi
glorieufe pour l'Antiquité,
& qu'il femble n'avoir rame.
nez juſques à nous avec tour
leur éclat , que pour faire pa
roistre encore davantage la
gloire de fon Souverain. Mr
Abbéde Lavau dit encore ,
qu'il auroit cu à parler des
prifes de Mons , de Villefranche & de Nice, mais que
connoiffant par experience
combien il eftoit. difficile
d'en parler d'une maniere qui
convint à de fi grandes conqueftes , il croyoit devoit fe
retrancher à ce qu'il avoit en-
GALANT. 123
tendu dire à un des plus
grands Prelats du monde, que
nos voix en devoient eftre étoufees, qu'elles eftoient trop foibles,
qu'ilfalloit laiffer agir nos cœurs
& noftre joye , & lever les
mains au Ciel pour le remercier
de tant de prodiges. Ce qu'il
ajoûta , que la reputation de
ce Prelar n'avoit point de bornes, & qu'on ne pouvoit le
connoiftre fans avouer qu'il
eftoit impoffible d'occuper
plus dignement le premier
rang dans l'Eglife de France,
c'est à dire , le fecond de l'Eglife Univerſelle, fit nommer
7
Lij
124 MERCURE
à tout le monde Mr l'Archevefque de Paris. Il finit en difant que puis qu'un fi grand
homne, quia fceu fi fouvent
& fi excellemment parler de
fon Maistre & des évenemens
de fon Regne , faifoit entendre qu'en cette derniere occafion , le party du filence
eftoit à fuivre, &qu'il falloit
s'abandonner à la joye , fouvent plus éloquente que les
paroles , c'eftoit à luy plus
qu'à un autre de fe conformer à ce confeil ; qu'il falloit
attendre que le Ciel , à qui
l'on ne pouvoit douter que
GALANT. 125
Louis le Grand ne fuft précieux, donnaft de ces hommes
merveilleux, dont il luy plaift
quelquefois d'enrichir les ficcles , qui fçauroient peindre
ce grand évenement auffi
grand qu'il l'eft , & recueillir
tout ce que fait & dit ce Roy
invincible , pour l'apprendre
à nos Neveux d'une maniere
qui puft les perfuader , Ouvrage qui n'appartenoit pas
des hommes ordinaires , &
d'autant plus difficile , que
depuis plufieurs années nous
voyons des prodiges fe fuccéder continuellement les uns
à
Liij
126 MERCURE
aux autres. Si nous ne les
des exemcroyons qu'avec peine , continua- t-il , quoy que nous en
foyons convaincus , que feront
ceux qui verront un jour tout
d'un coup tant de merveilles
dans toute leur étenduë, fans y
avoir efté preparez par
plés qui auroient pú les difpofer
à croine ce que la valeur, la
juftice , la clemence , la bonté, la
magnificence , la fageffe ,
gloire enfin , & plus que tout
cela la Religion font executer
chaque jourà Louis, leplusgrand
des Rois.
Aprés que M de Lavau
GALANT. 127
une
eut parlé de cette forte , il
leut un Ouvrage de M' Boyer
fur la prise de Mons ,
Lettre familiere en Vers de
M' Perrault, adreffée à M' le
Prefident Rofe , fur les alarmesoù l'on eftoit à Paris de
ce que le Roy s'expoſoit tous
les jours pendant le Siege , &
l'Epitre auffi en Vers de Madáme des Houlieres à Monfeigneur le Duc de Bourgogne. M' le Clerc leut enfuite
une Ode , qui eftoit la Paraphrafe d'un Pleaume fur cette
mefme conquefte , & M' de
Benferade finit la feance par
Lij
128 MERCURE
3
une Piece toute en quadrains,
dont chaque dernier Vers ,
qui eftoit feulement de quatre fillabes , faifoit une cheute tres- agreable. Je ne vous
dis rien de la beauté de tous
ces Ouvrages, puis que vous
pourrez les lire bien- toft dans
un recueil qne doit debiter
au premier jour le S Coi
gnard , Libraire de l'Academic.
Fermer
Résumé : Reception de M. de Fontenelle à l'Academie Françoise, & tout ce qui s'est passé en cette occasion. [titre d'après la table]
Le 5 mai, Bernard Le Bouyer de Fontenelle fut accueilli à l'Académie française et reçut des applaudissements pour son discours de remerciement. Fontenelle exprima sa surprise et sa gratitude, attribuant cette reconnaissance à sa naissance, qui le liait au nom illustre de Pierre Corneille. Il rendit hommage à Michel Le Tellier, Doyen du Conseil d'État, dont il avait pris la succession. Fontenelle décrivit avec vivacité et éloquence la conquête de Mons, évoquant l'admiration que le cardinal Richelieu aurait eue pour les exploits de Louis XIV. L'abbé Testu, directeur de la Compagnie, étant indisposé, Pierre Corneille, chancelier et oncle de Fontenelle, prit la parole. Corneille souligna le mérite de Fontenelle et l'honneur de sa nomination. Il compara les conquêtes de Louis XIV à celles des grands hommes de l'Antiquité et exhorta Fontenelle à développer ses talents et à tirer profit des échanges au sein de l'Académie. Lors de la même séance, l'Académie accueillit un nouveau membre et espéra qu'il contribuerait utilement. Le doyen, M. Charpentier, complimenta le roi pour ses nouvelles conquêtes et lut une harangue préparée à cet effet. Une épître de Madame des Houlières à Monsieur le Duc de Bourgogne fut ensuite lue, suivie de divers ouvrages littéraires. L'abbé de Lavau exprima l'admiration pour les conquêtes du roi et la difficulté de les décrire adéquatement. Il mentionna également les œuvres de grands écrivains et la gloire du roi, comparée à celle des héros des siècles passés. La séance se termina par la lecture de plusieurs poèmes et œuvres littéraires célébrant les conquêtes du roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 216-232
Suite de ce qu'on a déjà rapporté de l'Oraison Funebre de Me de Valençay, Abbesse des Clairets. [titre d'après la table]
Début :
Rien ne devoit estre plus beau, & plus brillant que cette Pompe [...]
Mots clefs :
Pompe funèbre, Abbesse des Cloirets, Ordre de Cîteaux, Oraison funèbre, Mr Gontier, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de ce qu'on a déjà rapporté de l'Oraison Funebre de Me de Valençay, Abbesse des Clairets. [titre d'après la table]
Rien ne devoit eftre plus
beau , & plus brillant que
cette Pompe Funebre &
l'efprit & l'invention y brilloient tellement qu'il n'apartient qu'aux Jefuites d'orner
avec tant d'efprit tout ce
qu'ils donnent en Spectacles.
Je vous parlay dans ma
Lettre du mois de Decembre
de la mort de M° d'Ecampes
de Vallençay , Abbeffe des
Clairets de l'Ordre de Citeaux,
& vous rapportay beaucoup
d'endroits
CALANT 217
d'endroits de l'Oraifon funebre , qui en a efté faite par
Mr Gontier , Docteur de Sorbonne , Chanoine & Theologal de l'Eglife de Chatres.
Et comme ce que je vous en
ay mandé vous a paru fi beau
que vous avez dit qu'il meritoit d'eftre fçû de toute la
terre , j'en ay ramaffé encore
quelques morceaux que je
crois quevous trouverez d'une
grande beauté ; & particulicrement la peinture de la vic
Religieufe qui a paffé pour
un chef- d'œuvre. Cet Abbé
avoit pris pour Texte ces
Fanvier 1710.
T
2.8 MERCURE
*
paroles de la Sageffe : eft in
illa fpiritus intelligentia fanctus
unicus , multiplex , c'eft- à dire,
Ily a en elle un efprit d'intelli .
gence ,faint , unique , multiplié.
Et il en tira la divifion de fon
Difcours. Ily avoit en elle , ditil , un efprit d'intelligence ; unique , voilàfafimplicité : multiplié , voilà fon étendue , faint ;
voilà fon excellence &Sa perfection . Il commença enfuite
fon premier Point , en difant
queparle mot de fimplicité , il
fautpas fe figurer une vertu
foible , tranquile , indolente ,
incapable des grandes choſes ; &
ne
GALANT 219
que
indigne des grands hommes , ainfi
ue felon le Pape Saint Gregoire
on l'a prend ordinairement dans le
monde; & queJulien l'Apoftat ,
le reprochoit aux Chreftiens ;
mais entendre une vertu reglée
par la Foy, accompagnée de droitures & de modeftie ; & infeparable de la douceur &de l'humilité; vertu oppoſée à cette efprit
de duplicité que Dieu ne regarde
qu'avec horreur dans l'Ecriture;
àcet efprit de fuperbe qu'ilyfrape
par tout de fes maledictions &
defes anathemes. Ce qui donna
lieu à l'Orateur de parler de
l'origine de fon Heroine chrê-
"
Tij
220 MERCURE
36
tienne. Je remarque , dit - il ,
du cofté paternel dans la Maifon
d'Estampes , fi ancienne dans le
Royaume , les alliances les plus
honorables , les plus celebres , les
plus éminentes dignitez de l'Eglife & de l'Etat j'apperçois
du cofté maternel dans celle de
Montmorency , déja conſiderable
en France dés les premiers fiecles
de la Monarchie , fes ancêtres
diftinguez par tous ces honneurs
quife diftinguent encore da
vantage dans l'Eglife par le titre
de premiers Barons Chreftiens ,
qui leur eft hereditaire ( la mere
de cette Abbeffe eftoit de la Mai-
GALANT 120
ce
fon de Montmorency ) j'y vois
efangqui l'anime , s'élever dans
perfonne des Princeffes ,foutenir en tout temps la gloire de
cet Empire , dans celle des Generaux d'Arméeprefquefans nombre , triompher dans celle des
Conquerans , & regner dans
celle des Monarques par fes glorieufes alliances avec toutes les
Couronnes Chreftiennes. L'Orateur s'arrefta en cet endroit &
pourfuivit en difant ; mais
viendrois je en Partifan du
monde relever la pieté par la
Nobleffe , au lieu de relever en
Minifiredu Seigneur la Nobleffe
-
Tiij
222 MERCURE
que
par la pieté , pendant que des
Payens c'est de Juvenal qu'il
parle ) déclarent la feule
l'unique Nobleffe à le bien
prendre eft la feule & unique
vertu ; à Dieu ne plaiſe , Mi
mais comme les enfans du fiecle
n'eftiment que trop ces dangereux
avantages , je veux feulement
leur faire juger de la grandeur
de fon facrifice par la grandeur .
de fon extraction. Il jetta enfuite encore quelques fleurs
fur le tombeaude l'ayeule maternelle , & de la tante de cette
Abbeffe , dont la fagefimplicité,
dit-il , lapictéfolide; & l'amour
GALANT 223
tendre pour les pauvres feront
jamais en benediction ; & depuis
fous la conduite d'une tante plus
élevée par elle-même que parfa
naiſſance , qui avoit caché la
grandeur , d'une illuftre Ducheffe
fousle Voile d'une humble Religieufe. Mr Gontier fit enfuite
un portrait de la vie Religieufe qui fut délicatement touché :formez- vous , dit- il , dans
voftre efprit l'idée de la vie Religieufe : figurez- vous un estat où
l'on fe traite comme un genre de
perfonnes deftinées à la mort ( inft
que Tertulien le difoit des premiers fidelles ) où l'on facrific le
Tiiij.
224 MERCURE
temps à l'Eternité; où malgré l'amourproprefi naturel à tous les
hommes , on renonce àfa liberté ,
pour n'agir que par la volonté
d'autruy ; & où c'est une espece
decrime de ne fe pas quitter foymême après avoir tout quittés
dans ces afiles de la pieté Chreftiennetous les momensfont reglez
parlafageffe; toutes les actions
lesparolesfontpefées au poids du
Sanctuaire ; les infidélitez les plus
legeresy paffentpourdes monftres ;
les divertiffemens permis dans le
fiecle yfont interdits , les confeils
y deviennent des preceptes. Là
enferveli dans les bornes eftroites
GALANT 225
d'un
, on
Monaftere comme dans un
tombeau au milieu des nourritures fpirituelles dont on eft uniquement occupé , on jeûne avec
courage , on gémit avec amour
non-feulement pour fes pechez ;
mais encore pour ceux des autres ;
on fouffre avec plaisir , onymeurt
àfoy - même auffi - bien qu'au
monde avecjoye. Enfin onyfait
confifterfon trefor àne rien poffeder , fa grandeur à s'aneantir ;
fon bonheur à executer les ordres
du Ciel ; fa gloire à ſe regarder
comme un ferviteur ou unefervante inutile aprés les avoir executez. Reprefentez- vous main-
226 MERCURE
tenant tous ces devoirs de la vie
Religieufe accomplis dans la
droiture e lafimplicité du cœur
afin de plaire à Dieu feul; vous
vous reprefenterezla vie de Me
de Vallançay , car voilà le terme
unique où about foient tous fes
deffeins , c. En parlant de
fes ornemens exterieurs voicy
un trait que l'on ne doit pas
oublier : une Croffe de la matiere
laplus fimple, eftoit la marque la
plus éclatante defa dignité ; pauure , maisprecieux prefent qu'elle
avoit receu du faint Reformateur.
de la Trappe , & qu'elle portoit
avec autant de veneration que le
GALANT 227
grand faint Antoine fe revestoit
de la Robbe du premier des
Solitaires dans les jours Solemnels. Cet Abbé dans le détail
qu'il fit des mouvemens que
cette fainte fille fe donna pour
reformer fon Abbaye dit ce
qui fuit de feu Mr l'Abbé de
la Trappe ; mais à qui s'adreffeta- t-elle pour réuſſie dans une "entreprife fi délicate ; & fi difficile
au fidelle œconome de la Maifon
du Seigneur , je veux dire , à un
homme qui ayant fait revivre
dans fa perfonne les Antoines
les Machaires, les Pachômes , les
·Benoifts , les Bernards , & les
228 MERCURE
plus fameux Anacorettes , les a
fait renaître jufques dans fes
Difciples , qui fe répandent tous
les jours avec tant d'honneur
de fuccés dans le monde
appellez depuis par le Souverain
Pontife dans la Capitale du
qui
Chriftianifme vont édifier plus
heureusement que jamais l'Eglife
par l'aufterité de leur vie ; à un
homme qui ayant rendu à l'Ordre
de Cifteaux la gloire du Liban
la beauté du Carmel & de
Saron afait parler toute la terre
defa merveillenfe Reforme , &
luy a fait garder le filence pourl'admirer ; a unhomme qui n'eftoit
GALANT 229
defcendu de la Chaire Abbatiale
que pour cacherla propre gloire ,
comme il n'y eftoit monté que
pour travailler à celle du Seigneur,
n'a paslaiffé de voir la calomnie
fufcitée par le pere du menfonge ,
attaquer les vertus pour arrêter
lesprogrés étonnans de fon zele
& qui toutefois pour uſer de
L'éloquente expreffion de Saint
Ambroife , en a glorieusement .
triomphéparfon filence , à l'exemple
qui plus heureux que Salomon ,
Już du Sauveur ; à un homme
qui anonfeulement attirédes Prelats , des Rois des Reines (il
parle icy duRoy de la Reine
230 MERCURE
d'Angleterre toutce que l'Eglife
le fiecle ontdeplus élevé jufques dans fon Defert ; & les
ayant charmez par fa fageffe
leura montréle cheminde la veritablegloire ; mais auffi des efclaves
du démon dont il a fait parfon
Zele & par ſes exemples des
Preftres , des Rois éternels
felon la parole des Saints de
l'Apocalypfe , FECISTI ÆTERNE REGNUM ET SACERDOTES.
Si je pouvois joindre icy le
portrait que M.l'Abbé Gontier fit de la nouvelle Abbeffe
qui eft de la mêmeMaiſon que
GALANT 231
le faint Abbé de la Trape , &
qui eft fœur de Mr l'Evêque de
Troyes , on y admireroit unc
éloquence également foute.
nue & unefineffe d'expreffions,
qu'on a déja remarquée dans
les morceaux que j'ay raportez
de ce Difcours ; je n'aurois pas
dû non plus oublier fi je
n'eus craint de donner trop
d'étendue à cet extrait , le détail que cet Abbé fit d'un
prodige arrivé dans l'Abbaye
des Clairets dans un temps
de fterilité ; prodige qu'on a
toûjours attribué aux prieres
de l'Abbeſſe : & qui confiftoit
232 MERCURE
1
en ce qu'on trouva dans le
grenier des pauvres 300. minots de bled plus qu'on y en
avoit mis , prodigè femblable à celuy que le faint Auteur
de la vie de Sainte Macrine
raporte parmi les merveilles de
la vie de cette Sainte , & que
M' Gontier cita en parlant de
celuy qui arriva aux Clairets ,
il y a quelques temps.
beau , & plus brillant que
cette Pompe Funebre &
l'efprit & l'invention y brilloient tellement qu'il n'apartient qu'aux Jefuites d'orner
avec tant d'efprit tout ce
qu'ils donnent en Spectacles.
Je vous parlay dans ma
Lettre du mois de Decembre
de la mort de M° d'Ecampes
de Vallençay , Abbeffe des
Clairets de l'Ordre de Citeaux,
& vous rapportay beaucoup
d'endroits
CALANT 217
d'endroits de l'Oraifon funebre , qui en a efté faite par
Mr Gontier , Docteur de Sorbonne , Chanoine & Theologal de l'Eglife de Chatres.
Et comme ce que je vous en
ay mandé vous a paru fi beau
que vous avez dit qu'il meritoit d'eftre fçû de toute la
terre , j'en ay ramaffé encore
quelques morceaux que je
crois quevous trouverez d'une
grande beauté ; & particulicrement la peinture de la vic
Religieufe qui a paffé pour
un chef- d'œuvre. Cet Abbé
avoit pris pour Texte ces
Fanvier 1710.
T
2.8 MERCURE
*
paroles de la Sageffe : eft in
illa fpiritus intelligentia fanctus
unicus , multiplex , c'eft- à dire,
Ily a en elle un efprit d'intelli .
gence ,faint , unique , multiplié.
Et il en tira la divifion de fon
Difcours. Ily avoit en elle , ditil , un efprit d'intelligence ; unique , voilàfafimplicité : multiplié , voilà fon étendue , faint ;
voilà fon excellence &Sa perfection . Il commença enfuite
fon premier Point , en difant
queparle mot de fimplicité , il
fautpas fe figurer une vertu
foible , tranquile , indolente ,
incapable des grandes choſes ; &
ne
GALANT 219
que
indigne des grands hommes , ainfi
ue felon le Pape Saint Gregoire
on l'a prend ordinairement dans le
monde; & queJulien l'Apoftat ,
le reprochoit aux Chreftiens ;
mais entendre une vertu reglée
par la Foy, accompagnée de droitures & de modeftie ; & infeparable de la douceur &de l'humilité; vertu oppoſée à cette efprit
de duplicité que Dieu ne regarde
qu'avec horreur dans l'Ecriture;
àcet efprit de fuperbe qu'ilyfrape
par tout de fes maledictions &
defes anathemes. Ce qui donna
lieu à l'Orateur de parler de
l'origine de fon Heroine chrê-
"
Tij
220 MERCURE
36
tienne. Je remarque , dit - il ,
du cofté paternel dans la Maifon
d'Estampes , fi ancienne dans le
Royaume , les alliances les plus
honorables , les plus celebres , les
plus éminentes dignitez de l'Eglife & de l'Etat j'apperçois
du cofté maternel dans celle de
Montmorency , déja conſiderable
en France dés les premiers fiecles
de la Monarchie , fes ancêtres
diftinguez par tous ces honneurs
quife diftinguent encore da
vantage dans l'Eglife par le titre
de premiers Barons Chreftiens ,
qui leur eft hereditaire ( la mere
de cette Abbeffe eftoit de la Mai-
GALANT 120
ce
fon de Montmorency ) j'y vois
efangqui l'anime , s'élever dans
perfonne des Princeffes ,foutenir en tout temps la gloire de
cet Empire , dans celle des Generaux d'Arméeprefquefans nombre , triompher dans celle des
Conquerans , & regner dans
celle des Monarques par fes glorieufes alliances avec toutes les
Couronnes Chreftiennes. L'Orateur s'arrefta en cet endroit &
pourfuivit en difant ; mais
viendrois je en Partifan du
monde relever la pieté par la
Nobleffe , au lieu de relever en
Minifiredu Seigneur la Nobleffe
-
Tiij
222 MERCURE
que
par la pieté , pendant que des
Payens c'est de Juvenal qu'il
parle ) déclarent la feule
l'unique Nobleffe à le bien
prendre eft la feule & unique
vertu ; à Dieu ne plaiſe , Mi
mais comme les enfans du fiecle
n'eftiment que trop ces dangereux
avantages , je veux feulement
leur faire juger de la grandeur
de fon facrifice par la grandeur .
de fon extraction. Il jetta enfuite encore quelques fleurs
fur le tombeaude l'ayeule maternelle , & de la tante de cette
Abbeffe , dont la fagefimplicité,
dit-il , lapictéfolide; & l'amour
GALANT 223
tendre pour les pauvres feront
jamais en benediction ; & depuis
fous la conduite d'une tante plus
élevée par elle-même que parfa
naiſſance , qui avoit caché la
grandeur , d'une illuftre Ducheffe
fousle Voile d'une humble Religieufe. Mr Gontier fit enfuite
un portrait de la vie Religieufe qui fut délicatement touché :formez- vous , dit- il , dans
voftre efprit l'idée de la vie Religieufe : figurez- vous un estat où
l'on fe traite comme un genre de
perfonnes deftinées à la mort ( inft
que Tertulien le difoit des premiers fidelles ) où l'on facrific le
Tiiij.
224 MERCURE
temps à l'Eternité; où malgré l'amourproprefi naturel à tous les
hommes , on renonce àfa liberté ,
pour n'agir que par la volonté
d'autruy ; & où c'est une espece
decrime de ne fe pas quitter foymême après avoir tout quittés
dans ces afiles de la pieté Chreftiennetous les momensfont reglez
parlafageffe; toutes les actions
lesparolesfontpefées au poids du
Sanctuaire ; les infidélitez les plus
legeresy paffentpourdes monftres ;
les divertiffemens permis dans le
fiecle yfont interdits , les confeils
y deviennent des preceptes. Là
enferveli dans les bornes eftroites
GALANT 225
d'un
, on
Monaftere comme dans un
tombeau au milieu des nourritures fpirituelles dont on eft uniquement occupé , on jeûne avec
courage , on gémit avec amour
non-feulement pour fes pechez ;
mais encore pour ceux des autres ;
on fouffre avec plaisir , onymeurt
àfoy - même auffi - bien qu'au
monde avecjoye. Enfin onyfait
confifterfon trefor àne rien poffeder , fa grandeur à s'aneantir ;
fon bonheur à executer les ordres
du Ciel ; fa gloire à ſe regarder
comme un ferviteur ou unefervante inutile aprés les avoir executez. Reprefentez- vous main-
226 MERCURE
tenant tous ces devoirs de la vie
Religieufe accomplis dans la
droiture e lafimplicité du cœur
afin de plaire à Dieu feul; vous
vous reprefenterezla vie de Me
de Vallançay , car voilà le terme
unique où about foient tous fes
deffeins , c. En parlant de
fes ornemens exterieurs voicy
un trait que l'on ne doit pas
oublier : une Croffe de la matiere
laplus fimple, eftoit la marque la
plus éclatante defa dignité ; pauure , maisprecieux prefent qu'elle
avoit receu du faint Reformateur.
de la Trappe , & qu'elle portoit
avec autant de veneration que le
GALANT 227
grand faint Antoine fe revestoit
de la Robbe du premier des
Solitaires dans les jours Solemnels. Cet Abbé dans le détail
qu'il fit des mouvemens que
cette fainte fille fe donna pour
reformer fon Abbaye dit ce
qui fuit de feu Mr l'Abbé de
la Trappe ; mais à qui s'adreffeta- t-elle pour réuſſie dans une "entreprife fi délicate ; & fi difficile
au fidelle œconome de la Maifon
du Seigneur , je veux dire , à un
homme qui ayant fait revivre
dans fa perfonne les Antoines
les Machaires, les Pachômes , les
·Benoifts , les Bernards , & les
228 MERCURE
plus fameux Anacorettes , les a
fait renaître jufques dans fes
Difciples , qui fe répandent tous
les jours avec tant d'honneur
de fuccés dans le monde
appellez depuis par le Souverain
Pontife dans la Capitale du
qui
Chriftianifme vont édifier plus
heureusement que jamais l'Eglife
par l'aufterité de leur vie ; à un
homme qui ayant rendu à l'Ordre
de Cifteaux la gloire du Liban
la beauté du Carmel & de
Saron afait parler toute la terre
defa merveillenfe Reforme , &
luy a fait garder le filence pourl'admirer ; a unhomme qui n'eftoit
GALANT 229
defcendu de la Chaire Abbatiale
que pour cacherla propre gloire ,
comme il n'y eftoit monté que
pour travailler à celle du Seigneur,
n'a paslaiffé de voir la calomnie
fufcitée par le pere du menfonge ,
attaquer les vertus pour arrêter
lesprogrés étonnans de fon zele
& qui toutefois pour uſer de
L'éloquente expreffion de Saint
Ambroife , en a glorieusement .
triomphéparfon filence , à l'exemple
qui plus heureux que Salomon ,
Już du Sauveur ; à un homme
qui anonfeulement attirédes Prelats , des Rois des Reines (il
parle icy duRoy de la Reine
230 MERCURE
d'Angleterre toutce que l'Eglife
le fiecle ontdeplus élevé jufques dans fon Defert ; & les
ayant charmez par fa fageffe
leura montréle cheminde la veritablegloire ; mais auffi des efclaves
du démon dont il a fait parfon
Zele & par ſes exemples des
Preftres , des Rois éternels
felon la parole des Saints de
l'Apocalypfe , FECISTI ÆTERNE REGNUM ET SACERDOTES.
Si je pouvois joindre icy le
portrait que M.l'Abbé Gontier fit de la nouvelle Abbeffe
qui eft de la mêmeMaiſon que
GALANT 231
le faint Abbé de la Trape , &
qui eft fœur de Mr l'Evêque de
Troyes , on y admireroit unc
éloquence également foute.
nue & unefineffe d'expreffions,
qu'on a déja remarquée dans
les morceaux que j'ay raportez
de ce Difcours ; je n'aurois pas
dû non plus oublier fi je
n'eus craint de donner trop
d'étendue à cet extrait , le détail que cet Abbé fit d'un
prodige arrivé dans l'Abbaye
des Clairets dans un temps
de fterilité ; prodige qu'on a
toûjours attribué aux prieres
de l'Abbeſſe : & qui confiftoit
232 MERCURE
1
en ce qu'on trouva dans le
grenier des pauvres 300. minots de bled plus qu'on y en
avoit mis , prodigè femblable à celuy que le faint Auteur
de la vie de Sainte Macrine
raporte parmi les merveilles de
la vie de cette Sainte , & que
M' Gontier cita en parlant de
celuy qui arriva aux Clairets ,
il y a quelques temps.
Fermer
Résumé : Suite de ce qu'on a déjà rapporté de l'Oraison Funebre de Me de Valençay, Abbesse des Clairets. [titre d'après la table]
Le texte relate la pompe funèbre de l'abbé d'Ecampes de Vallençay, abbesse des Clairets de l'Ordre de Citeaux, décédée en janvier 1710. L'oraison funèbre, prononcée par Mr Gontier, docteur de Sorbonne et chanoine de l'église de Chartres, fut particulièrement remarquée pour son esprit et son invention. L'orateur choisit comme texte les paroles de la Sagesse : 'est in illa spiritus intelligentia sanctus, unicus, multiplex', qu'il développa en soulignant la simplicité, l'étendue et l'excellence de l'intelligence de l'abbé. L'oraison funèbre mettait en avant la noblesse des origines de l'abbé, tant du côté paternel (maison d'Estampes) que maternel (maison de Montmorency), et soulignait ses vertus chrétiennes. L'orateur décrivit la vie religieuse comme un état de sacrifice et de dévotion, où chaque moment est réglé par la sagesse et où les actions sont pesées au poids du sanctuaire. Il évoqua également la simplicité et la piété de l'abbé, illustrées par des anecdotes sur sa vie et ses actions. Mr Gontier fit également un portrait élogieux de la vie religieuse, soulignant les devoirs et les sacrifices des religieuses, et mentionna un prodige survenu dans l'abbaye des Clairets, attribué aux prières de l'abbesse. Le texte se termine par une mention de l'éloquence et de la finesse d'expression de l'abbé Gontier.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 312-336
Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
Début :
Je passe à un Article que vous n'attendiez pas sans doute [...]
Mots clefs :
Société royale des sciences de Montpellier, Assemblée des États de Languedoc, Sciences, Mr. de Basville, Gouttes puantes, Confrères, Académiciens, Aiguille, Aimant, Pôles, Satellites, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
e paffe à un Article que
vous n'attendiez pas fans doute
ce mois-cy ; mais fçachant
voftre curiofité fur ce qui regarde la Societé Royale des
Sciences de Montpellier , j'ay
fi bien pris mes mefures que
je vous en envoye un Article
digne
GALANT 313
digne de voftre curiofité &
de celle de tout le Public. Cette Societé a tenu fa Seance publique pendant l'Affemblée
des Etats de Languedoc , qui
l'ont honorée de leur prefence.
Mr de Bafville Confeiller d'Etat &Intendant de Languedoc
y prefida comme Academicien
Honoraire; & il en fit l'ouverture par un Difcours qui reçûr de grands aplaudiffemens.
Il parla des Sciences en general
& de l'utilité que les hommes
recevoient à s'y attacher ; il
s'apliqua fur tout à prouver
le bien que fit l'étude de la
Fanvier 1710.
Dd
314 MERCURE
Philofophie. Dans les premiers
fiecles du Paganifme , dit-il ,
cette étude faifoit les délices des
grands hommes de ces temps éloignez e même dans la naiffance
du Chriftianifme l'estime fut fi
prodigieufe pour Platon qu'on
regardoit alors comme l'Oracle de
la Philofophie , qu'on le mettoit
prefque enparallele avec les Prophetes,& qu'on pritfe:Ouvrages
pour des Commentaires de l'E
criture , puifqu'on conçut longtemps la nature du Verbe, comme
il l'avoit conçue. Il remarqua
enfuite que rien ne pouvoit .
tant contribuer au progrés
GALANT 315
des Sciences que les Affemblées des gens de Lettres ; il
parcourut tous les ficcles où
l'on en avoit vû ; & il dit qu'il
y avoit du temps des Empereurs
Romains diverfes Chapelles de
Minerve à Rome qui fervoient à
fortes d'Affemblées , & où
les Orateurs recitoient leurspieces,
& c'eſt ce que le Scholiafte d'Horace nomme Athenæa , felon la
coûtume defon temps , auquel ce
mot fignifioit un Auditoire.
L'Empereur Adrien dans le
deuxième fiecle fit bâtir un Auditoire qu'on nomma auſſi. Athenæum , & il continua d'avoir
Ddij
316 MERCURE
foin des Ecoles publiques à l'imi
·tation & Augufte le fecond des
Cefars qui avoit fait bâtir l'Ecole d'Octavie jointe à unportique ainsi que le R. P. Ardouin
Jefuite nous l'aprend dans fes
Stavantes notes fur Pline
avantluy le celebre GerardJean
Voffius , dansfon Lirure de l'Imitation. En parlant enfuite des.
travaux de la Societé Royale,
il dit qu'elle ne prononce point de
decifions , & qu'elle ne forme
point de fyfteme ; mais qu'elle
propofe des experiences & des
obfervations, laiffant aupublic le
foin de les rectifier , & la liberté
GALANT 317
de les contre-dire pour aller plus
loin dans le Pays des découvertes.
Rien en effect, ajouta- t - il n'eſt
pluspropre à contribuerau progrés
des Sciences , que des experiences
repetées réiterées. Par là on
avance par degrez ; l'on marche
àpas lents , il eft vray ; mais
auffi ils fontplus furs
Mr de Bafville après avoir
fait un détail des travaux de la
Societé Royale pendant l'année derniere , & de ceux auf
quels elle s'attacheroit dans le
cours de celle cy , finit par
l'Eloge du Roy à qui cette
Compagnie doit fon établiſſeDd iij
318 MERCURE
ment & le nom qu'elle s'eft
déja faite parmi tous les Sçavans de l'Europe. Ce Monarque , dit-il , parmi les foins &
lesfatigues d'une guerre onereuſe
& dans laquelle la plus grande
partie de l'Europe eft conjurée contre luy, n'a pas perdu pour cela
le defir qu'il a eu depuis les premieres années de fonregne defaire
fleurirles Sciences dans fes États.
On a sú fe former fous ce regne
glorieux , àjamais memorable
un grand nombre d'Academies
oùſe forment tous les jours lés
jeunes nourriffons des Mules
quis'y exercent pour immortali-
GALANT 319
fer le nom François. Ce grand
Monarque ne fe contente pas ,
ajouta t -il , d'accorder des Privileges , & des établiſſemens confiderables aux Compagnies dont
la culture des Sciences fait tout
L'objet, il les anime encore au travail par fes bienfaits & parſa
Royale liberalité. Le titre de Sçavant en eft un legitime auprés de
ce grandPrince , pour avoir part
àfesgraces & àfes faveurs. On
fe contentoit dans les fiecles precedens d'admirer ces grands genies
pour qui la nature ſembloit s'eſtre
épuisée , mais comme fi on eut
craint qu'une honnefte abondance
320 MERCURE
eut fait perdre la moitié de leur
merite , on les laiffoit dans une
honteuse indigence ; des paroles
des paroles flattenfes eftoient tout
le prixde leurs travaux ; on n'alloitpasplus loin, on auroit crû
en leur faifant du bien les expofer à la tentation de ne plus rien
faire de tomber dans un repos
oifife plein de molleffe . Mais
aujourd'buy graces au grand
Prince qui gouverne la France,les
chofes font bien changées. La récompenfe fuit toujours à prefent
le travail , elle eft accordée fi
à propos & avec tant de prudence
que bien loin de former une ten-
GALANT 321
tation délicate pour celuy qui l'ob
tient , elle ne luyfert que d'aiguil
lon pour avancer dans le progrés
des Sciences. Piquez d'une noble
émulation par les bienfaits du
Prince , ceux qui en font l'objet
ne s'appliquent qu'à les meriter
encore davantage.
Mr Bon le fils , premier
Prefident, en furvivance de Mr
fon pere, de la Cour des Aydes
de Montpellier , parla enfuite;
& aprés avoir loué en peu de
mots Mrde Bafville , qui venoit de parler fi fçavamment
de l'utilité des Sciences , il entretint l'auguſte Aſſemblée qui
322 MERCURE
l'entendoit , d'une découverte
qu'il avoit faite , & dont il
rapporta plufieurs experiences.
Ce fut fur les araignées qu'il
parla long- temps. Ces petits
animaux , dit cet habile Magiſtrat , & ſçavant Academicien , filent une foye qui eft propre aux mefmes usages que celle
des vers , vulgairement appellez
vers à foye ; & il prouva fenfiblement que la føye des araignées eft beaucoup plus abondante celle des vers , pufqu'outre que ceux- cy , dit-il , ne
font que so. œufs , qu'on appelle
vulgairement cocons , les arail
que
GALANT 323
gnées en font 400. Il est vray
qu'à l'égard des araignées , la
moitié franche de leurs œufs fe
perd à caufe de leur petiteffe , &
qu'elles n'achevent leurfoye qu'en
2. ans ; mais enfin quand on reduiroit , à cause de la diminution
causée par la perte ou inutilité de
ces œufs , les 400. à la moitié,
il en refteroit toujours 200.
qu'à cause de la longueur du
temps que les araignées mettent à
filer leurføye , on reduiſe encore
ces 200. œufs à 100. pour faire
quelque comparaison avec ceux
des vers , il fuivra toûjours toutes chofes égaless il en concludque
324 MERCURE
par
les versfaifant so. œufs les araignées 100. celles - cy produisent le
double des vers. Que d'ailleurs
l'avantage que la foye des araignées a pardeffus celle des vers ,
eft qu'elle eft plus fine ,
confequent incomparablement plus
belle. On en a filé par ordre de
Mr le Duc de Noailles pour
faire une paire de bas de foye ,
qui ont efté faits en Languedoc,
&que ce Ducaprefentez à Madame la Ducheffe de Bourgogne.
Cette Princeffe, ainfi que toute la
Cour,les ont trouvez d'une grande beauté &on a avoué qu'on
ne pouvoit rien ajoûter à la fr
GALANT 325
neffe de cet Ouvrage. D'ailleurs
il faut remarquer qu'il n'eft icy
queftion quedes araignées des jardins de celles qui travaillent
en pleine campagne , & les plus
groffes font les meilleures. Mais
la foye n'est pas la feule richeffe
qu'on tire de ces petits animaux,
& MrBon n'apas borné là fes
recherches. On a fait une Analyfe
exacte de ces petits animaux , &
on en a voulu découurir toutes les
proprietez , & ce n'a pas eftéfans
une grande ſurpriſe mêlée de
beaucoup de joye qu'on a éprouvéaprès une Analyfe faite avec
tous les foins imaginables qu'on
土
326 MERCURE
peut tirer des araignées une cau
qui a des vertus admirables , &
dont on peutfaire des gouttes qui
pafferont mefme en bonté celles
d'Angleterre, qui font fi vantées,
dont onfait unfi grand nombre d'ufages. Ce feront des
gouttes aromatiques , reprit ce
fçavant Magiftrat , qui feront
admirables pour la gravelle &
pour les retentions d'urine
faifant vuider le fable. Elles
feront auffi admirables pour fortifier les poulmons foibles ; & ce
feront d'excellentes eaux pulmonaires on pretend , & ce
n'eft pas fans l'avoir éprouvé,
. ,
en
GALANT 327
qu'elles feront auffi bonnes pour
tapoplexie que l'eau des Carmes
fi vantéejufqu'icy. On a décou
vert à l'égard de deux Paralytiques & d'un Epileptique , qu'elLes font tres-propres à ces maladies dangereufes , & contre lef
quelles il y afi peu de remedes.
Tous ceux qui font fujets aux
coliques & aux maux qui les
caufent,ferontfoulagez en ufant
de ces gouttes , avecquelqué methode un certain regime que
la Societe Royale preferira dans
une petite Differtation qu'un habile Medecin de fon Corps fera
fur ce fujet. A l'égard des per-
328 MERCURE
fonnes qui jouiffent d'une fanté
parfaite , elles en peuvent auffi
ufer; elles purifient le fang, &
Le font circuler ; elles fortifient
l'eftomach , elles facilitent la
digeftion. Ceux qui font fujets
à la migraine en peuvent user,
& ils peuvent compter d'eftre
foulagezfur le champ, en obfervant cependant le regime qui fera
marqué dans la Differtation qui
paroiftra au premier jour. Enfin
pour marquer les effets merveilleux de ces gouttes , il n'y a qu'à
dire qu'elles operent & avec autant de fuccés & avec autant de
promptitude que les gouttes d'An-
GALANT 329
gleterre,qu'on nomme les Gouttes
puantes, dont on nefefert cependant que dans les maux defefperez. Mr Bon a donné à ces
gouttes le nom de Gouttes de
Montpellier, & diverfes experiences qu'on a faites de leurs
vertus & de leurs qualitez, leur
ont déja attiré ce nom. Mr
Bon finit fon Difcours en applaudiffant tous les Academiciens fes Confreres , d'avoir
fait une fi belle découverte
dans la naiffance de leur Societé; & il dit qu'un fecret fifalutaire luy faifoit bien augurer
des travaux de tant de fçavans
Janvier 1710. E e
330 MERCURE
hommes qui compofent cette ilLuftre Compagnie. Ce difcours
fut generalement applaudi.
Le P. Vanier Jefuite , habile Poëte, & qui fait imprimer à Lyon un Dictionnaire
Poëtique , a fait une Eglogue
adreffée à Mr Bon , dont je
viens de parler ; dans laquelle
il le felicite fur la belle découverte qu'il vient de faire.
Cette Eglogue eft Latine , ce
qui m'empefche de vous l'envoyer. Elle eft parfaitement
belle.
La declinaifon de l'Aiguille
aimantée fit la matiere d'un
GALANT 331
Difcours qui fuivit celuy de
Mr Bon; & qui fut prononcé
par Mr Clopinel. Cette Declinaiſon eſt un Phenomene des
plus étonnans & dont la connoiffance est en même temps
tres neceffaire pour la Navigation , puifque fi elle varie felon les lieux & felon les temps ,
les Pilotes peuvent fe tromper confiderablement dans le
coursd'une Navigation &dans
la route, qu'ils font tenir aux
Vaiffeaux. On n'embraffa pas
tout-à-fait dans ce Difcours le
Systême de Mr Defcartes , qui
prétend qu'il fort des Poles de
Ecij
33²´MERCURE
la terre une matiere fubtile ime
palpable & inviſible qui circulant autour d'elle fur le plan
des Meridiens y rentre par les
Pole oppofé à celuy d'où elle
eft fortie. La matiere canelée
trouvant dans la ficuation
des pores de l'Aiman un paf
fage pour le traverler , fait
que l'Aiman a deux Poles auffi bien que la Terre ; ainfi
cette matiere rentrant par un
Pole attire le fer. Mais elle
peut changer fon cours felon
la difpofition des parties à travers lefquelles elle s'ouvre un
paffage , & elle en peut eſtre
GALANI 333
détournée felon la figure & la
difpofition de l'Aiguille qui ent
eft touchée. D'ailleurs on a re
marqué que les Obfervations
qu'on peut faire de la variation de l'Aiguille dans les Vaifſeaux font fujettes à beaucoup
d'erreurs à cauſe du fer qui y
eft en grande quantité. Ce Dif
cours fut trouvé plein de recherches & d'érudition.
Le Difcours fuivant & qui
termina l'Aſſemblée , regarda
les Satellites de Saturne , & fut
prononcé par Mr Aftruc. Les
Anciens , dit-il , ne comptoient
que fept Planettes dans noſtre
334 MERCURE
a
Tourbillon , & nous en avons
neuf, quatre Satellites de Fupiter
& cingde Saturne. Galileé à dé
couvert ceux deJupiter, MrCaſ
fini quatre & Mr Huiguens at
taché aufeu Roy Guillaume , un.
Ce dernier foupçonnoit qu'ily
avoit unfixiéme entre la quatriéme e la cinquième , parce que
diftance entre ces Satellites eft trop
grande à proportion des autres.
C'est par les Satellites de Jupiter
que les Aftronomes ont eu le bonheur de trouver les Longitudes
par leurs emerfions & leurs immerfions. L'ufage qu'on tirera de
ceux de Saturne ne fera pas moins
la
1
GALANT 335
confiderable , parce quefiJupiter
n'eſt pas fur l'horiſon pendant la
nuit Saturne y pourra eftre , & en
ce cas les Satellites fuperieurs feront trouver les Longitudes , les
deux premiers eftant fi proches de
la Planette qu'ilsfont prefque im
perceptibles. D'ailleurs leurs revolutions fontficourtes &leurs ċerclesſipreſſez qu'à noftre égard , il
eft rare qu'ilsfortent des rayons de
Saturne étant de plus dans unéloignement du Soleil double de ceux
de Jupiter. Ce Difcours renfermoit plufieurs autres Remarques d'Aftronomie qui plurent
fort à l'illuftre Affemblée. Mi
336 MERCURE
de Bafville refuma à la fin de
chaque Difcours tout ce qui
avoit eſté dit de plus curieux &
de plus intereffant , & il fit admirer en cette occafion la netteté de fon efprit
vous n'attendiez pas fans doute
ce mois-cy ; mais fçachant
voftre curiofité fur ce qui regarde la Societé Royale des
Sciences de Montpellier , j'ay
fi bien pris mes mefures que
je vous en envoye un Article
digne
GALANT 313
digne de voftre curiofité &
de celle de tout le Public. Cette Societé a tenu fa Seance publique pendant l'Affemblée
des Etats de Languedoc , qui
l'ont honorée de leur prefence.
Mr de Bafville Confeiller d'Etat &Intendant de Languedoc
y prefida comme Academicien
Honoraire; & il en fit l'ouverture par un Difcours qui reçûr de grands aplaudiffemens.
Il parla des Sciences en general
& de l'utilité que les hommes
recevoient à s'y attacher ; il
s'apliqua fur tout à prouver
le bien que fit l'étude de la
Fanvier 1710.
Dd
314 MERCURE
Philofophie. Dans les premiers
fiecles du Paganifme , dit-il ,
cette étude faifoit les délices des
grands hommes de ces temps éloignez e même dans la naiffance
du Chriftianifme l'estime fut fi
prodigieufe pour Platon qu'on
regardoit alors comme l'Oracle de
la Philofophie , qu'on le mettoit
prefque enparallele avec les Prophetes,& qu'on pritfe:Ouvrages
pour des Commentaires de l'E
criture , puifqu'on conçut longtemps la nature du Verbe, comme
il l'avoit conçue. Il remarqua
enfuite que rien ne pouvoit .
tant contribuer au progrés
GALANT 315
des Sciences que les Affemblées des gens de Lettres ; il
parcourut tous les ficcles où
l'on en avoit vû ; & il dit qu'il
y avoit du temps des Empereurs
Romains diverfes Chapelles de
Minerve à Rome qui fervoient à
fortes d'Affemblées , & où
les Orateurs recitoient leurspieces,
& c'eſt ce que le Scholiafte d'Horace nomme Athenæa , felon la
coûtume defon temps , auquel ce
mot fignifioit un Auditoire.
L'Empereur Adrien dans le
deuxième fiecle fit bâtir un Auditoire qu'on nomma auſſi. Athenæum , & il continua d'avoir
Ddij
316 MERCURE
foin des Ecoles publiques à l'imi
·tation & Augufte le fecond des
Cefars qui avoit fait bâtir l'Ecole d'Octavie jointe à unportique ainsi que le R. P. Ardouin
Jefuite nous l'aprend dans fes
Stavantes notes fur Pline
avantluy le celebre GerardJean
Voffius , dansfon Lirure de l'Imitation. En parlant enfuite des.
travaux de la Societé Royale,
il dit qu'elle ne prononce point de
decifions , & qu'elle ne forme
point de fyfteme ; mais qu'elle
propofe des experiences & des
obfervations, laiffant aupublic le
foin de les rectifier , & la liberté
GALANT 317
de les contre-dire pour aller plus
loin dans le Pays des découvertes.
Rien en effect, ajouta- t - il n'eſt
pluspropre à contribuerau progrés
des Sciences , que des experiences
repetées réiterées. Par là on
avance par degrez ; l'on marche
àpas lents , il eft vray ; mais
auffi ils fontplus furs
Mr de Bafville après avoir
fait un détail des travaux de la
Societé Royale pendant l'année derniere , & de ceux auf
quels elle s'attacheroit dans le
cours de celle cy , finit par
l'Eloge du Roy à qui cette
Compagnie doit fon établiſſeDd iij
318 MERCURE
ment & le nom qu'elle s'eft
déja faite parmi tous les Sçavans de l'Europe. Ce Monarque , dit-il , parmi les foins &
lesfatigues d'une guerre onereuſe
& dans laquelle la plus grande
partie de l'Europe eft conjurée contre luy, n'a pas perdu pour cela
le defir qu'il a eu depuis les premieres années de fonregne defaire
fleurirles Sciences dans fes États.
On a sú fe former fous ce regne
glorieux , àjamais memorable
un grand nombre d'Academies
oùſe forment tous les jours lés
jeunes nourriffons des Mules
quis'y exercent pour immortali-
GALANT 319
fer le nom François. Ce grand
Monarque ne fe contente pas ,
ajouta t -il , d'accorder des Privileges , & des établiſſemens confiderables aux Compagnies dont
la culture des Sciences fait tout
L'objet, il les anime encore au travail par fes bienfaits & parſa
Royale liberalité. Le titre de Sçavant en eft un legitime auprés de
ce grandPrince , pour avoir part
àfesgraces & àfes faveurs. On
fe contentoit dans les fiecles precedens d'admirer ces grands genies
pour qui la nature ſembloit s'eſtre
épuisée , mais comme fi on eut
craint qu'une honnefte abondance
320 MERCURE
eut fait perdre la moitié de leur
merite , on les laiffoit dans une
honteuse indigence ; des paroles
des paroles flattenfes eftoient tout
le prixde leurs travaux ; on n'alloitpasplus loin, on auroit crû
en leur faifant du bien les expofer à la tentation de ne plus rien
faire de tomber dans un repos
oifife plein de molleffe . Mais
aujourd'buy graces au grand
Prince qui gouverne la France,les
chofes font bien changées. La récompenfe fuit toujours à prefent
le travail , elle eft accordée fi
à propos & avec tant de prudence
que bien loin de former une ten-
GALANT 321
tation délicate pour celuy qui l'ob
tient , elle ne luyfert que d'aiguil
lon pour avancer dans le progrés
des Sciences. Piquez d'une noble
émulation par les bienfaits du
Prince , ceux qui en font l'objet
ne s'appliquent qu'à les meriter
encore davantage.
Mr Bon le fils , premier
Prefident, en furvivance de Mr
fon pere, de la Cour des Aydes
de Montpellier , parla enfuite;
& aprés avoir loué en peu de
mots Mrde Bafville , qui venoit de parler fi fçavamment
de l'utilité des Sciences , il entretint l'auguſte Aſſemblée qui
322 MERCURE
l'entendoit , d'une découverte
qu'il avoit faite , & dont il
rapporta plufieurs experiences.
Ce fut fur les araignées qu'il
parla long- temps. Ces petits
animaux , dit cet habile Magiſtrat , & ſçavant Academicien , filent une foye qui eft propre aux mefmes usages que celle
des vers , vulgairement appellez
vers à foye ; & il prouva fenfiblement que la føye des araignées eft beaucoup plus abondante celle des vers , pufqu'outre que ceux- cy , dit-il , ne
font que so. œufs , qu'on appelle
vulgairement cocons , les arail
que
GALANT 323
gnées en font 400. Il est vray
qu'à l'égard des araignées , la
moitié franche de leurs œufs fe
perd à caufe de leur petiteffe , &
qu'elles n'achevent leurfoye qu'en
2. ans ; mais enfin quand on reduiroit , à cause de la diminution
causée par la perte ou inutilité de
ces œufs , les 400. à la moitié,
il en refteroit toujours 200.
qu'à cause de la longueur du
temps que les araignées mettent à
filer leurføye , on reduiſe encore
ces 200. œufs à 100. pour faire
quelque comparaison avec ceux
des vers , il fuivra toûjours toutes chofes égaless il en concludque
324 MERCURE
par
les versfaifant so. œufs les araignées 100. celles - cy produisent le
double des vers. Que d'ailleurs
l'avantage que la foye des araignées a pardeffus celle des vers ,
eft qu'elle eft plus fine ,
confequent incomparablement plus
belle. On en a filé par ordre de
Mr le Duc de Noailles pour
faire une paire de bas de foye ,
qui ont efté faits en Languedoc,
&que ce Ducaprefentez à Madame la Ducheffe de Bourgogne.
Cette Princeffe, ainfi que toute la
Cour,les ont trouvez d'une grande beauté &on a avoué qu'on
ne pouvoit rien ajoûter à la fr
GALANT 325
neffe de cet Ouvrage. D'ailleurs
il faut remarquer qu'il n'eft icy
queftion quedes araignées des jardins de celles qui travaillent
en pleine campagne , & les plus
groffes font les meilleures. Mais
la foye n'est pas la feule richeffe
qu'on tire de ces petits animaux,
& MrBon n'apas borné là fes
recherches. On a fait une Analyfe
exacte de ces petits animaux , &
on en a voulu découurir toutes les
proprietez , & ce n'a pas eftéfans
une grande ſurpriſe mêlée de
beaucoup de joye qu'on a éprouvéaprès une Analyfe faite avec
tous les foins imaginables qu'on
土
326 MERCURE
peut tirer des araignées une cau
qui a des vertus admirables , &
dont on peutfaire des gouttes qui
pafferont mefme en bonté celles
d'Angleterre, qui font fi vantées,
dont onfait unfi grand nombre d'ufages. Ce feront des
gouttes aromatiques , reprit ce
fçavant Magiftrat , qui feront
admirables pour la gravelle &
pour les retentions d'urine
faifant vuider le fable. Elles
feront auffi admirables pour fortifier les poulmons foibles ; & ce
feront d'excellentes eaux pulmonaires on pretend , & ce
n'eft pas fans l'avoir éprouvé,
. ,
en
GALANT 327
qu'elles feront auffi bonnes pour
tapoplexie que l'eau des Carmes
fi vantéejufqu'icy. On a décou
vert à l'égard de deux Paralytiques & d'un Epileptique , qu'elLes font tres-propres à ces maladies dangereufes , & contre lef
quelles il y afi peu de remedes.
Tous ceux qui font fujets aux
coliques & aux maux qui les
caufent,ferontfoulagez en ufant
de ces gouttes , avecquelqué methode un certain regime que
la Societe Royale preferira dans
une petite Differtation qu'un habile Medecin de fon Corps fera
fur ce fujet. A l'égard des per-
328 MERCURE
fonnes qui jouiffent d'une fanté
parfaite , elles en peuvent auffi
ufer; elles purifient le fang, &
Le font circuler ; elles fortifient
l'eftomach , elles facilitent la
digeftion. Ceux qui font fujets
à la migraine en peuvent user,
& ils peuvent compter d'eftre
foulagezfur le champ, en obfervant cependant le regime qui fera
marqué dans la Differtation qui
paroiftra au premier jour. Enfin
pour marquer les effets merveilleux de ces gouttes , il n'y a qu'à
dire qu'elles operent & avec autant de fuccés & avec autant de
promptitude que les gouttes d'An-
GALANT 329
gleterre,qu'on nomme les Gouttes
puantes, dont on nefefert cependant que dans les maux defefperez. Mr Bon a donné à ces
gouttes le nom de Gouttes de
Montpellier, & diverfes experiences qu'on a faites de leurs
vertus & de leurs qualitez, leur
ont déja attiré ce nom. Mr
Bon finit fon Difcours en applaudiffant tous les Academiciens fes Confreres , d'avoir
fait une fi belle découverte
dans la naiffance de leur Societé; & il dit qu'un fecret fifalutaire luy faifoit bien augurer
des travaux de tant de fçavans
Janvier 1710. E e
330 MERCURE
hommes qui compofent cette ilLuftre Compagnie. Ce difcours
fut generalement applaudi.
Le P. Vanier Jefuite , habile Poëte, & qui fait imprimer à Lyon un Dictionnaire
Poëtique , a fait une Eglogue
adreffée à Mr Bon , dont je
viens de parler ; dans laquelle
il le felicite fur la belle découverte qu'il vient de faire.
Cette Eglogue eft Latine , ce
qui m'empefche de vous l'envoyer. Elle eft parfaitement
belle.
La declinaifon de l'Aiguille
aimantée fit la matiere d'un
GALANT 331
Difcours qui fuivit celuy de
Mr Bon; & qui fut prononcé
par Mr Clopinel. Cette Declinaiſon eſt un Phenomene des
plus étonnans & dont la connoiffance est en même temps
tres neceffaire pour la Navigation , puifque fi elle varie felon les lieux & felon les temps ,
les Pilotes peuvent fe tromper confiderablement dans le
coursd'une Navigation &dans
la route, qu'ils font tenir aux
Vaiffeaux. On n'embraffa pas
tout-à-fait dans ce Difcours le
Systême de Mr Defcartes , qui
prétend qu'il fort des Poles de
Ecij
33²´MERCURE
la terre une matiere fubtile ime
palpable & inviſible qui circulant autour d'elle fur le plan
des Meridiens y rentre par les
Pole oppofé à celuy d'où elle
eft fortie. La matiere canelée
trouvant dans la ficuation
des pores de l'Aiman un paf
fage pour le traverler , fait
que l'Aiman a deux Poles auffi bien que la Terre ; ainfi
cette matiere rentrant par un
Pole attire le fer. Mais elle
peut changer fon cours felon
la difpofition des parties à travers lefquelles elle s'ouvre un
paffage , & elle en peut eſtre
GALANI 333
détournée felon la figure & la
difpofition de l'Aiguille qui ent
eft touchée. D'ailleurs on a re
marqué que les Obfervations
qu'on peut faire de la variation de l'Aiguille dans les Vaifſeaux font fujettes à beaucoup
d'erreurs à cauſe du fer qui y
eft en grande quantité. Ce Dif
cours fut trouvé plein de recherches & d'érudition.
Le Difcours fuivant & qui
termina l'Aſſemblée , regarda
les Satellites de Saturne , & fut
prononcé par Mr Aftruc. Les
Anciens , dit-il , ne comptoient
que fept Planettes dans noſtre
334 MERCURE
a
Tourbillon , & nous en avons
neuf, quatre Satellites de Fupiter
& cingde Saturne. Galileé à dé
couvert ceux deJupiter, MrCaſ
fini quatre & Mr Huiguens at
taché aufeu Roy Guillaume , un.
Ce dernier foupçonnoit qu'ily
avoit unfixiéme entre la quatriéme e la cinquième , parce que
diftance entre ces Satellites eft trop
grande à proportion des autres.
C'est par les Satellites de Jupiter
que les Aftronomes ont eu le bonheur de trouver les Longitudes
par leurs emerfions & leurs immerfions. L'ufage qu'on tirera de
ceux de Saturne ne fera pas moins
la
1
GALANT 335
confiderable , parce quefiJupiter
n'eſt pas fur l'horiſon pendant la
nuit Saturne y pourra eftre , & en
ce cas les Satellites fuperieurs feront trouver les Longitudes , les
deux premiers eftant fi proches de
la Planette qu'ilsfont prefque im
perceptibles. D'ailleurs leurs revolutions fontficourtes &leurs ċerclesſipreſſez qu'à noftre égard , il
eft rare qu'ilsfortent des rayons de
Saturne étant de plus dans unéloignement du Soleil double de ceux
de Jupiter. Ce Difcours renfermoit plufieurs autres Remarques d'Aftronomie qui plurent
fort à l'illuftre Affemblée. Mi
336 MERCURE
de Bafville refuma à la fin de
chaque Difcours tout ce qui
avoit eſté dit de plus curieux &
de plus intereffant , & il fit admirer en cette occafion la netteté de fon efprit
Fermer
Résumé : Article tres-curieux qui regarde ce qui s'est passé à la Seance publique de la Societé Royale de Montpellier, qui s'est faite pendant la tenuë des Etats de Languedoc. [titre d'après la table]
Lors d'une séance publique de la Société Royale des Sciences de Montpellier, tenue pendant l'Assemblée des États de Languedoc, Monsieur de Basville, Conseiller d'État et Intendant de Languedoc, présida la séance en tant qu'Académicien Honoraire. Il prononça un discours sur l'utilité des sciences, soulignant l'importance des assemblées de gens de lettres pour le progrès scientifique. Il cita des exemples historiques comme les chapelles de Minerve à Rome et l'Athénée construit par l'empereur Adrien. Monsieur de Basville évoqua également les travaux de la Société Royale, qui se concentrent sur des expériences et des observations, laissant au public le soin de les rectifier. Il loua le roi pour son soutien aux sciences et aux académies, ainsi que pour les privilèges accordés aux savants. Monsieur Bon, fils du premier président de la Cour des Aides de Montpellier, présenta ensuite ses découvertes sur les araignées. Il démontra que la soie des araignées est plus abondante et fine que celle des vers à soie, et rapporta des expériences menées sur ordre du duc de Noailles. Il mentionna également une huile extraite des araignées, utilisée pour fabriquer des gouttes médicinales efficaces contre diverses maladies. Le Père Vanier, jésuite et poète, composa une églogue en latin pour féliciter Monsieur Bon. La séance se poursuivit avec des discours de Monsieur Clopinel sur la déclinaison de l'aiguille aimantée et de Monsieur Astruc sur les satellites de Saturne. Ces discours apportèrent des connaissances essentielles pour la navigation et l'astronomie. À la fin de chaque discours, une personne nommée Bafville résumait les points les plus intéressants et marquants abordés, mettant en évidence la clarté et la vivacité de son esprit.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 5-56
Article dont on ne peut donner dans cette Table une idée qui puisse répondre à son sujet, & qui renferme un Eloge du Roy, & de Monseigneur le Dauphin d'une maniere toute singuliere, [titre d'après la table]
Début :
On prononce tout les ans à l'Hostel de Ville de Lyon, [...]
Mots clefs :
Éloge, Seigneur de Jonage, Assemblée, Louis le Grand, Alliés, Ennemis, Ardeur militaire, Combats, Hôtel de ville de Lyon, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article dont on ne peut donner dans cette Table une idée qui puisse répondre à son sujet, & qui renferme un Eloge du Roy, & de Monseigneur le Dauphin d'une maniere toute singuliere, [titre d'après la table]
Nprononce tous les ans
à l'Hoſtel de Ville de
Lyon , le jour de la Fefte de
Saint Thomas , un Difcours
en prefence de M' l'Archevêque , de M' l'Intendant , de
A iij
6 MERCURD IS
M's les Comtes de Saint Jean,
& de toutes les Compagnies
de la Ville. Ce Difcours a efté
fait cette année par le fils
de Mr Yon , Seigneur de
Jonage qui fut nommé l'année
derniere premier Echevin ,
quoy que revêtu d'une Charge de Secretaire du Roy. Il a
beaucoup de merite , & il eft
fort eftimé. Le Difcours que
fon fils prononça le jour de S.
Thomas , reçut de grands applaudiffemens. Vous en jugerez par ce que je vais vous en
rapporter. Ce qu'il dit du Roy
plutinfiniment , & aprés avoir
GALANT
fini l'Eloge de Sa Majeſté , lors
quel'on croyoitqu'il n'en duft
plus rien dire , il l'apoftropha
comme fi Elle cut efté prefente, & il s'attira des applaudiffemens nouveaux. Voici le
commencement de fon Difcours.
བར
:
Tout eft grand , tout eft auguf
te , Meffieurs , dans le deffein que
j'entreprens rien n'y pourroit
eftre mediocre que la foibleffe du
file ; mais dans l'obligation que je
mefuis impofée de traiter une de
cesglorieufes matieres que d'autres
avant moy ont peut - eftre negligées ,j'ofe meflatter que la NoA iiij
8 MERCURE
bleffe de monfujer donnera du relief à mespenfées , & de l'éclat
à mes paroles ; & ma temerité
trouve fon pretexte dans l'impor
tance du difcours , & dans l'injuftice du filence.
C'est une ancienne &commune erreur , que de relever avecexcés le merite desperfonnes celebres ,
qui ont vécu avant nous , pour
diminuer lagloire de ceux dans les
temps defquels nous vivons ; cette
erreur eft , tantoft un aveuglement groffier dans l'efprit des peuples , qui croyent que la fuite des
temps a le même fort que le déclin
de leur age ; & que la nature
-GALANT 9
ffant comme l'homme , elle vieilliffant
degenere defiecle enfiecle dans fes
productions , àproportion de ce que
d'année en année il s'affoiblit dans
fes travaux ? c'est ce que le
plus fameux de tous les Poëtes a
voulu nous exprimer par ces deux
Vers traduits en noftre langue ?
O fi Dieu me rendoit mes
premieres années ,
dit- il en cet endroit en un
autre:
Les illuftres Heros nâquirent
autrefois :
Tantoft c'est une illisfion defubtiles mais vaines idées , telles
que celles de ces Philofophes ,
.
10 MERCURE
qui s'imaginoient , que les pre
miershommes formez d'uneplus
riche matiere nez fous
deplusfavorables étoiles , avoient
bien pû laiffer d'heureux fuccef
feurs deleurs noms , mais nonpas
de purs heritiers de leur gloiree ?
comme fi pour trouver ce qu'il y
a de plus grand dans le monde , il
falloit remonterjufqu'au regnefabuleux de Saturne : tantofi c'est
une enviefecrette entre des perfon
nes que la fortune ou la naiffance
a mis au niveau les uns des autres,
dans le même rang & àportée des
mêmes honneurs ; chacun pour dé
crierfon concurrent transportepour
GALANT I
ainfi dire fon eftime au fiecle de
ceux qui nepeuvent plus concourir avec perfonne : pour épargner
fon encens au merite des vivans ,
on le prodigue à la memoire des
morts , pour tout difputer à
ceux qui ne nous peuvent plus
rien difputer ? Reproche que le
Sage a peut - eſtre prétendu nous
faire par cesparoles ? J'ay donné.
aux morts les louanges que j'ay
refufées auxvivans.
Il est donc vray , Meffieurs
que foit aveuglément , foit illu
fion , foit envie , la gloire de nos
Contemporains ne va jamais
felon nous de pair avec celle de
12 MERCURE
nos predeceffeurs , par une injuftice de tous les temps" , le merite
qui refpire & qui vit encore , eft
toujours contredit , il faut que,
les fecles éloignez nous le rappelle
pour qu'il foit confacré, je veux
dire veritablement reconnu ; ainfi
parla au grand Conquerant de
, dans le temps que les
Heros paffoient pour des Dieux ,
le Philofophe Califthene : Pour
paroiftre Dieu , luy dit-il , au
jugement des hommes, il faut
avoir long- temps difparu à
leurs yeux ; les honneurs divins fuivent quelques fois les
morts , mais ils n'accompa-
GALANT 13
gnent jamais les vivants.
Je viens tâcher , Meffieurs
de rendre à tous les temps &
tous les merites , la justice qui
leur eſt deuë ; je viens louer les
grands hommes , qui excellent à
prefent , auffs bien que ceux qui
ont excellé autrefois , &proportionnant les louanges au merite ,
les Modernes y auront peut- eſtre
plus de part que les Anciens.
Icy , Meffieurs , mon deffein
cmmne à fe développer
vous vousappercevezfans doute ,
queje voudrois vous donner une
idée des Herospar des comparatfens des uns aux autres ; mais
US
14 MERCURE
que ce deffein feroit vaſte , &
qu'il feroit étendu ; il m'engageroit à rappeller dans vos efprits
tous les Heros qui ont brillé , &
qui brillent encore dans tous les
Arts & dans toutes les Sciences :
ce ne feroit que charger ma
memoirepourlaffer vos patiences :
le refpectqueje dois à voftre attentionprefcrit à monfujet des bornes
plus étroittes il m
; m'oblige nonfeulement à me fixer au plus
glorieux de tous les Arts , je
veux dire à l'Art Militaire ;
mais encore pour éviter l'ennuy
d'un trop long récit , à ne choifir
parmi les Herosde la Guerre les
SGALANT
15
plus renommez que quelques- uns
de ceux à qui leurs fameux exploits ontmeritéle nom de Grand:
mais dans les loüanges que je
leur donneray ,
j'efpere que de
vous-même vous trouverez dequoy remplir àproportion l'Eloge,
de tous les autres , &c'eſt là le
Plan de ce Difcours dans lequel ,
aprés avois tracé l'idée des Grands
Heros de l'antiquité, je tâcheray
de vous donnercelle du plus grand
de tous dans lefiecle prefent.
Voicyce qu'il dit dans fa
premiere partie.
Une des plus fortes paffions
& qui a le plus occupé le cœur
16 MERCURE .
des Grands de l'antiquité, &même de tous les temps ; c'eſtoir le
defir de fe diftinguerpar les Armes , & deſefaire par leur Epée
plus grand que un nom encore
la
celuy qu'ils avoient déja par leur
naiffance ; ils laiffoient pour la
plupart aux Orateurs l'Art du
Difcours , aux Philofophes l'étudedes Sciences , aux Politiques
Ladminiftration des Etats
gloire de tous ces Heros de Litterature de Miniftere , n'excitoit guerre leur noble émulation
quelquecharme même qu'elle eut
pour quelques uns ce n'étoit
qu'un amusement de Paix & de
·
יך
GARANT 17
repos ;toutt cédoit au premierpref=
fentiment de Guerre qui les raviffoit , ilsfe fentoient comme d'euxmême transportez dans le champ
glorieux des Combats , & ils
voloient pour l'arrofer quelques
fois de leur fang, & y cueillir
furun tas de morts
من
de bleſſez
les Lauriers & les bonneurs du
triomphe.
Cette ardeur Militaire qui
dans le cœur des Potentats , à
prefque toujours efté une envie
prodigieufe de dominere de
s'étendre , une ambition démesurée.
de s'élever au deffus de la condition humaine , a toujours efté une
Février 1710.
B
18 MERCURE
fuitefatale de l'orgueil du premier
des mortels ; mais elle ne laiffe
pas auffi deftre dans les deffens
de la fageffe éternelle , qui doit
tout raporter à fa gloire : elle ne
laiffe pas , dis-je , d'eftre comme
un caractere de divinité , imprimée dans l'ame des Souverains ;
caractere dont les traitsfe repandansfurla gloire de leurs actions ,
comme fur la majesté de leurs
perfonnes , nous porte à les respecter tous , non-feulement comme les
images éclatantes de l'Etre fuprémequilesfoutient fur le Trône:
mais encore comme les fujets les
plus nobles les plus dignes
GALANT 19
une
deftreparreprefentation en qualité
de demi- Dieux de la terre
partie de ce qu'eftpar luy même le
grand Souverain de l'Univers
en qualité de Dieu des Armées.
La gloire desgrands Conquerans , ayant donc toujours en deux
faces , qu'on pouvoit envisager,
l'une humaine , l'autre divine ;
l'une qui a des taches , l'autre qui
les couvre , mais qui ne les leve
les pas ; ayant à commencer par
Heros de l'antiquité , ne nous ar
reftons point icy à blâmer ou à
louer trop leurs Conqueftes ; tachons feulement de relever leurs
perfonnes , &fans examiner d'a
Bij
20 MERCURE
A
bord, fi l'ardeur qui les animois
eftoit injufte ou legitime ; parmy
quelques- uns de ceux qui ont paſſé
pour les plus grands donnons la
preference àdeuxfeulement ; mais
choififfons-les bien , afin qu'en étalant leur gloire on ne puiffe rien
penfer de grand de celle des autres
qui nefe trouve dans la leur , &
qui ne juftifie noftre deffein de ne
parler que
"
d'eux.
Il parla enfuite d'Alexandre
& deCefar, & dit tout ce que
l'on en pouvoit dire. Il fit voir
qu'ils avoient eu toutes les
grandes qualitez qui ont fait
le merite des plus grands He-
GALANT! 21
{
ros des ficcles paffez , & aprés
enavoir fait un portrait , &de
la reffemblance de leurs acstions , il dit : It me femble
quevous balancez & que vous
attendez que je decide ? Hé!
qu'importe Meffieurs , lequel des
deux Heros d'Alexandre ou de
Cefarfut le plus grand dans les
fiecles paffez , fi le fiecle prefent
nous en offre un plus grand que
tous les deux enfemble , &
par confequent le plus grand de
tous le Heros ; quel eft il donc ce
Heros; vous l'allez bien- toft voir
paroiftre dans toutefa gloire.
Il entra enfuite dans fa feمن
22 MERCURE
conde partie , & dits
combats par
Au-deffus de cette haute va
leur qui parcourt le monde pour
combatre pour vaincre ; je place
celle d'un Heros qui commence fes
la justice , & qui
terminefes victoires par la moderation ; qui protegefes Alliez par
La puiffance , & qui fe foutient
luy-méme parfa grandeur : Elevez icy vos efprits , Meffieurs ,
j'ay de grands évenemens à vous
reprefenter, je n'ayplus à vous
cacher de grands défauts en vous
montrant de grands courages.
Je ne parleray plus icy de ces
Heros impetueux , quiportantpar
GALANT 23
tout les armes de l'injustice & les
faifant marcher fous les Enfeignes de la Valeur & de la Generofité, raviffoient noſtre admiration avec autant de rapidité qu'ils
ravageoient les Campagnes ; c'e
toient des foudres terribles qui ne
fondoientfurla terre avec vûteffe,
que par l'impuiffance de s'arrefter ;
c'eftoient des tourbillons qui ramaffant tout ce qu'ils trouvoient à
leurrencontre ,fe groffiffoient euxmêmes , &ferendoient plus violens? Je parle d'un Heros digne de
toute loüange, & je commence d'a
bord par vous dire qu'armé de
juftes prétentions contre d'injuftes
24 MERCURE
refus , il entreprend la guerre en
Roy & nonpas en Ufurpatenr ; il
affemble fes Magiftrats avant que
de lever fes Troupes , ne met
LesArmées en Campagne , qu'aprés les avoir mifes fous la protection des Loix.
a
Aces mots , Meffieurs , vous
reconnoiffez Louis le Grand ;
ehpourriez- vous penfer à quelqu'autres cePrincegenereuxjouiffoit àpeine de la Paix par un heureux mariageavecl'Infante d'Ef
pagne , que porté à la guerre par
l'inftinct pour ainfi dire defa valeur , il regardoit avec inquietude
fes armes dans le repos ; mais il
aimoit
GALANT 25
aimoit mieux les laiffer languir,
que de lesfairefervir à l'injuftice.
à l'ambition ; c'eſt ainſi qu'il
retenoit dans une amere tranquillité , les premiers feux de fa jeuneffe ; lorfque le Roy d'Espagne
avec une ame moins guerriere
mais plus intereffée luy difpute les
droits inconteftables de la Reine
fon Epoufe: quefera- t- il ?Se prefentera-t- il d'abord avec l'épée ?
Non, il commandera àfa valeur
d'attendre ladecifion des Loix, &
les Loix confultées ordonnent àfa
valeur attentive à leurs ordres ,
defoutenirfa caufepar les armes?
Le ciel n'ayantpermis cette injufFévrier 1710.
C
26 MERCURE
tice dela part de l'Espagne , qu'a
fin que les Peuples de divers
Royaumes appriffent combien ce
fage & puillant Heros fçavoit
joindre à la force de reprimer fes
ennemis , le pouvoir de retenirfon
indignation : le voila donc qui remet à la Fuftice la direction defon
courage : allez , Prince , allez où
cette Reine des Loix portera voftre
Bouclier ; allez lancer vos foudres fur une Nationfuperbe , tant
qu'elle ne prendra confeil que de
l'obftination defes armes : ce ne
fera de fa part que Troupes affoiblies ,
que Soldats tombez aux
pieds des voftres ; mais dés qu'elle
GALANT 27
ferangera fous les loix de l'équi
té pourfe reconnoiftre , ce nefera
de vostre part qu'excés de generofité ? en vain la Fortune vous
ouvrira-t-elle le paffage à la conqueſte de l'Univers , voftre courage nefera pas las de vaincre ;
mais voftre grandeur d'ame vous
fera croire que vous avez affez
vaincus vous arrefterez vos cour
fes rapides au milieu des combats ,
par untrop grand respect pour
les Loix, vous rendrez unepartie
de vos conqueftes de peur qu'elles
n'ayent à vous reprocher que vous
vouliez trop étendre vos prétentions ? ô Prince , ô Heros valeuC ij
28 MERCURE
reux moderé tout enſemble 3
qui aime mieux ceder les droits de
la guerre que d'eftre foupçonné
d'avoirfailli contre les regles de
la Fuftice ? Loy , Meffieurs je
cherche Alexandre & Cefar , je
les trouve , peut - eftre , Grand
Roy, dans les Combats à vos côtez, poury voir des Villes mais
des plus fortes prifes dans deux
jours , des Provinces entieres reduites en deuxfemaines ; mais je
les perds &je les vois fe retirer
faifis d'étonnement à la vuede cet
excés pour ainfi dire de moderation , qui limite fi promptement la
portée de voftre valeur ? qu'il ne
GALANT 29
paroiffe donc ici , mais pour cette
fois feulement , que lefeulRoyde
Lacedemone , qui ne vouloit d'autre avantagefurfes Sujets , fi ce
n'est qu'il luyfut permis d'efre
plus vaillant , & de faire moins
qu'eux de faute contre les Loix.
Quej'aimerais à vous repreſenter ce grand Monarque , dans
d'autres Campagnes à la tefte d'une nombreuse Armée , preffant la
Fortunefans luy donner du relashe , paffant en Maiftre du monde par les Etats de plufieurs Souverains fans prefque s'enquerir fi
l'on veutfouffrirfon paffage ,
portantpar tout le flambeau de la
C
iij
30 MERCURE
guerre fans laiffer languir le feu
de faprofperité je vous compterois plus de trente Villes munies
&fortifiées , renduës à l'aspect
du Vainqueur, & prefque toutes
fans mursabatus & fans combats
donnez , effrayées feulement de
• fon grand nom, & tachant avec
les Peuples voisins , d'apaifer fa
・jufte colére en foumetant leurs
teftes à fa puiffance , & leur
cœur àfa bonté; je vous montrerois des Villes forcées malgré leurs
vigoureuses refiftances ? hé commentn'auroient-ellespas enfin cedé
à des Armes fi feures de leurs
coups , je rappellerois encore icy
GALANT zi
1
les élements forcez , les faifons
bravées , &la nature foumife en
quelque forte à fon épée , mais
Alexandre , & Céfar , ſe pouroient peut-être reconnoistre à fes
traits ; je ne veux plus loüer
en Louis le Grand , rien de ce qui
peut aprocher de luy les autres
Heros ? difons donc quelque chofe
de plus.
Unde ces efprits qui tiennent
leur fiecle en de perpetuelles agitations , & qui excitent les orages
dans la ferenité des plus beaux
jours un de ces efprits capables
de remuer de grandes machines
d'ébranler les Etats ; un de
C iiij
32 MERCURE
ces efprits qui ont toujours att
milieu de la Paix le cœur armé
la volonté ambitieuſe un
Prince heretique , car enfin fi
nous ne voulons pas le nommer ,
il faut du moins le défigner ; un
Prince , dis-je , inquiet de vivre
comme un autre Efau par fon
épée ,fe mer en tefte de vivre
parle Sceptre: il trame des deffeins
prodigieux que nul n'auroit pu
croire , parce que nul autre n'auroitpu les imaginer , il les communique aux Puiffances confederées
il les conduit fifourdement à
fesfins qu'à la tefte d'une Armée
Navale il entreprefque invifible
GALANT 33
en Angleterre ; d'abord il fe fait
jour dans les vaftes appartemens
du Roy , prendfierementſaplace
vis- à- vis de fon Trône , &partage avecluy lefuprême honneur;
dans peu l'Anglois , grand amateur des nouveautez , retire fon
obéiffance du Monarque , &la
transporte à l'Ufurpateur , &
tout d'un coup l'injuſte & aveugle Fortune , féparant les bons
fuccésde la bonnecaufe , le Prince Proteftantfe faifit de la Couronne du Prince Catholique.
› Grandeur de la gloire magranime de mon Roy , où cftes- vous
àprefent ? la voila , Meffieurs
34 MERCURE
quifort defon Palais , pour tendrela main àce Potentat defcendu
de fon Trône ; c'eſt une Majeſté
puiſſante , qui va au-devantd'une
Majefté opprimée; c'est un Prince
qui entouré de fa Cour, & revêtu defapropre Grandeur , s'arvance pour relever un Prince infortuné, poufféfur nos bordsfeulement par quelques flots officieux
de la mer; il neperdpointdetemps
pourfoulagerfa douleur , il effuye
fes larmes par des marquesfenfi
bles de l'affection de fon cœur ;
il
le reveft de tous les ornemens de la
Royauté; il luy donne un Trône
dans un defes Palais , &arraآن
GALANT 35
chepour ainfi dire d'entre les mains
du Deftinfa Royale Famille : refolu jufques à la fin de fes jours
de leurfaire part defes trefors &
defa fortune.
Je voudrois bien vous faire
voir icy tous deux grands defolateurs des Rois & des Royaumes ; vous Alexandre , qui venez
de nous faire compter pour beaucoup les honneurs que vous avez
rendus à une Reine captive fous
lejougde vos armes tandis qu'elles
eftoient injustement tournées contre le Roy fon Epoux ; & vous
Céfar , dont un des plus grands
traitsfut; de rendrele Trône d'un
36 MERCURE
frere àunefœur, pour la rendre
elle-même par cette espece de
generofité l'objet de vos amours.
&de vos profufions ; mais li je
ne puis vous voir icy en perfonne
j'y vois du moins vos ombres gémiffantes de douleur d'apprendre
qu'il y afur la terre dans l'ame
d'un plus grand Conquerant que
vous , une plus grande generofité
que la voftre.
Reduirons- nous à cette action
genereufe la Magnanimité de
noftre Heros ? non , Meffieurs
quifçait réfugier un Roy en peut
bien foutenir un autre , l'entreprife eft difficile mais elle eft
GALANT 37
jafte l'execution eft prompte mais
elle eft de Louis le Grand, un Roy
mourant nommefon Succeffeur il
faut le luy donner.
1
url
Les paroles d'un Souverain
au lit de la mortfont des Sentences depolitique, & les Peuples y
font attentifs , comme àdes Arrefts
prononcez gloire de l'Etai?
le Roy d'Espagne meurt fans
enfants , il déclare Heritierde
fes Royaumes un Fils de France?
tes Espagnols empreffez le demandent à Louis le Grand , &
Louis le Grand , comment le leur
envoit-il , avec une portion de
cettefageffe dont il fait des leçons
38 MERCURE
à toute l'Europe , aveclesconfeils
de cette prudence , qui rend l'obéiffance affectionnéepar la douceur du commandement, avec cette
grandeur d'ame qui le rend fuperieur à tous les Heros , ce n'eft
pas affez avec cette grandeur
d'ame qui le rend Louis le Grand,
Philippe V. enrichi de tous ces
J
nobles prefens du grand Royfon
ayeul , entre en Triomphe dans
toutes les Villes d'Espagne , &
toutes les vertus l'yfuivent ; mais
fes Ennemis , Ennemis de la
juftice , & de la veritable
deur, l'y attaquent.
gran
*Et que font-ils , ils entretien-
CALANT 39
nent des intelligences avec quelquesfactieux , qui affemblent des
nuagesfurfa tefte, ils s'emparent
foit par rufe foit parfureur foit
par irreligion , toujours par
injustice , de quelques Royaumes
éloignez du Siege defon Empire:
mais que n'auront ils pas à craindre , grandPrince , lorsqu'ils verront voftre Majesté s'aprocher de
vos Troupes , pour ranimer leur
valeurpar voftre prefence : autrefois dans une Guerre contre les
Gaulois , il nereftoit auxRomains
d'autre efperance , qu'an Capitole
affiegé, & en Camille banni , &
neanmoins ils repoufferent ces
40 MERCURE
fiers Ennemis , vous voftre
efperance est encore toute entiere ,
dans la poffeffion de vos plus
grand Royaumes , dans le cœur
de vos meilleurs Sujets , dans
l'affection de vos Troupes , dans
la force de voftre bras , dans la
confiance en des Victoires remportées , dans la protection de Louis
le Grand: vous diffiperez à lafin
les Germains & leurs Confederez.
Vous foupirez cependant ,
Peuples foumis , à la puiſſance
de ce jeune Roy , & nous peuteftre auffi avec vous : car enfin
que voyons nous depuis quelques
GALANT 41
années , le glaive du Tout- Puiffant eft entre les mains de fes
Ennemis , la Victoire s'égare , &
il luy eft permis de fe ranger fous
des Drapeauxprefque tous Heretiques , de prendre parti contre
les Armes défenfives même de la
Religion : mais ne nous laiffons
pasicy abattrefous les coups d'une
legere infortune ? en vain nes
Ennemis veulent-ilsfe perſuadër,
queces revers nous arrivent pour
enorgueillir leurs Armes nous
fommes comme convaincus ,
c'eft pour montrer à tous les Rois
à tous les Peuples, la grandeur
de Louis le Grand dans tous fes
Février 1710. D
que
42 MERCURE
points de veuë on ne l'avoit
ven jufques alors ce Monarque
que dans la profperité , &ilne
luy manquoit rien pour paroître
plus grand que les autres : mais
il luy manquoit un changement.
de fortune pour paroître en un
fens plus grandqu'il n'avoit encoreparu : nous l'avions veu Victorieux defes Ennemis , vaincre
fonpropre bonheur mais nous ne
L'avions pas encore affez ven ſe
vaincre foy - même , nous fçavions ce qu'ilfçavoitfaire , mais
nous nefçavions pas ce qu'ilfçavoitfuporter; il avoitparu peutêtre trop beureux, maisfans per-
GALANT 43
dre la moderation ilfaloit qu'il
parut moins heureux : mais fans
perdre laconftance.
Qu'il eft peu de ces ames égales,
faites à l'épreuve de toutes les revolutions de cette grande rouë fur
laquelle tourne toutce qu'on appelle
grands évenemens ; mais lafageffe
active e vigilante de Louis le
Grand voit changer de face à la
Fortune , fans permettre à fon
cœur de changer defituation , comme s'il n'avoit jufques alors mé
nagéles bons fuccés que pourexercer fa prefence d'efprit à foûtenir
les mauvais ; bé que feait - on ?
peut - eftre même qu'il craignoit
Dij
44 MERCURE
pour fon ame la durée defes prof
peritez & qu'il avoit demandé
quelquefois de n'eftre pas toujours.
vainqueur de fes ennemis , pour
s'exercer dans cet Art fi difficile de
vaincre l'adverſité ; ainfi lagrandeurdefoname foûtenant nos efperances , ranime la fermeté de nos
fameuxGuerriers qui commencent
déja à regarder le glorieux avan
tageremportéfur un nombre affez
grand de nos ennemis en Alface ,
la glorienfe retraite de noftre
Armée en Flandres , comme des
prefages prefque infaillibles d'un
nombre prefque infini de Victoires.
GALANT 45
+
Je finis , Meffieurs mais n'al
lez point me reprocher , que
pour faire unplus grand éloge de
Louis le Grand , il falloit le
prendre de plus haut , remonter
jufques auTrône des Clovis , des
Saint Louis , des Charlemagne ,
comparer même ces grands Rois ,
avec les Conftantin &les Theodofe , & chercher jufques dans
leurs Tombeaux , les femences de
la valeur &de lagrandeurd'ame
de Louis le Grand : Il est uray ,
Meffieurs , que fa gloire com
mençoit a fe produire à fe
mais comme il former
en
n'y en apoint excepté S. Louis ,
46 MERCURE
en qui la fortune ait affemblé
tant d'événemens divers , il eftoit
important dans les conjonctures
prefentes , de mettre fes actions a
part, &de ne pas confondre dans
la concurrence de leurs grands
noms , celuy dont la gloire remonte
juſques à eux , avec autant d'éclat qu'elle en eft defcendue : c'eft
donc fans rien diminuer de leur
gloire , que Louis le Grand eft
plus Grand que tous les autres
Heros ; plus grand par rapport
la vaillance, parce qu'il a triomphé
même defon bonheur, dans laprofperité de fes armes plus grand
par rapport à la generofité & à
à
GALANT 47
la grandeur d'ame non -feulement parce qu'il a donné azile à
unRoidépouillé de fes Etats ; nonfeulement parce qu'il a maintenu
un Prince de fa famille fur un
Trôneétranger,mais encore parce
que dans une interruption debonheur,fon cœur s'eft mis au- deffus
des injuftices de la Fortune.
AU ROY..
! Oui , SIRE, *
Vous eftes leplusgrand de tous
les Heros , pour dire encore
48 MERCURE
vous quelque chofe de grand que
nous n'avons pû dire , le nom de
LOUIS LE GRAND renfermant
toutes les qualitez d'unfouverain
Heros , trouvera quelque chofe
de foy dans les noms particuliers
quepourront prendre dans lecours
des temps , pour caracterifer leur
propregrandeur , quelques- uns des
Rois qui fuivront VÔTRE MAJESTE' fur le Trône ; il fe trouvera ce grand nom , mais comme
divifé , dans ceux qui par leur
valeur porteront le nom de Magnanime, dans ceux qui par leur
demence feront reconnus pourPcse des Peuples ; dans ceux qui
par
GALANT 49
par leur zeleferont appellez Deffenfeurs de la Religion ; dans
ceux qui par leur vertu feront
avouez pour Princes Pieux ; &
dans ceux qui dans les temps infortunezferont qualifiez d'İntrepides ; ainfi voftre grand Nom,
allant pompeufement de fiecle en
fiecle , vivra avec éclat tant qu'il
yaura , comme ily en aura toujours , de grandes vertus affifes
fur le Trone ; & tandis que l'Antiquitéfera occupée dans les Hiftoires de fes Conquerans , àplaindre le trifte fort d'Alexandre
de Cefar , tous deux fatalement.
arrachez à la vie , la Pofterité
Février 1710.
E
50 MERCURE
fera retentir lagrandeur de vostre
Ame, dans tous les grands énjenemens de voftre Regne , ne cefferajamais d'admirer unefi belle
vie, dont la Parque filera encore
refpectueufement les jours gloricux, & au de- là de ceux de
David , jufqu'à l'extremité d'une
longue carriere.
"
A MONSEIGNEUR.
MONSEIGNEUR,
Digne Fils du plus grand des
"Heros qui fe reproduit en Vous
vous avezla même valeur , vous
GALANT SI
joignez la même prudence , &
Les Peuples reffentent pour vous
le même amour qu'ils ont pourfa
Sacrée Perfonne.
pronsVous avez , MONS EIGNEUR, la même valeur; quelle
femente pour ainfi dire de triomphes , n'a- t-elle pasjetté dans vos
premieres Campagnes , quel trophée Philifbourg, monument éternel d'une vaine refiftance à vos
forces ; quel trophée , dis-je , n'at- il pas érigé à l'honneur de vôtre
gloire, quelle vive ardeur n'a pas
animée vos courſes conquerantes
du Palatinat ; & quel torrent de
réputation auroit jamais púfuiE ij
52 MERCURE
vrelarapiditéde vosVictoiresfila
fageffe du Roy n'avoit agi comme
de concert avec la Providence ,
pour retirer du peril une vie fi
neceffaire àfes Sujets , &pourne
plus expofer au Champ de Mars
un Heros qui doit à coté defon
Trônefoutenirle poids defa Cou
ronne.
Ala même valeur vous joignez la même prudence ; & où
Monfeigneur , vous auroit- elle
manqué cette prudence ; feroit-ce
dans les Armées où vostre bras
agiffoit autant par voftre efprit
que par voftre cœur , où les Soldatsfuivoient vos ordres avec vos
GALANT 53
exemples , & où vous ne laiffiez
rien prévenir par la Fortune , de
tout ce quipouvoit eftreprévúpar
voftre attention :feroit- ce au Confeil , où quelquesfois les plus éclairez ne verroient peut- eftre que de
loin les chofes les plus importantes
fi vous ne les mettiez vous- même
dans leur point de vue, pour les
leur montrer de plus prés.
Les Peuples ont pour vous ,
Monfeigneur , le même amour
que pour Sa Majesté : ils cherchentfur voftre vifage les preſages de leur bonheur à venir ; ils
croyent appercevoir dans vos yeux
dans vos regards , le fondeD iij
54 MERCURE
ment des efperancespubliques , &
l'air affable & plein de bonté,
fous l'appas duquel vousprévenz ceux qui ont l'honneur de
ous approcher, devient le charme attrayant qui gagne nos cœurs
&forme les douces chaînes qui
nous lient avec paffion à vostre
Augufte Perfonne.
Ainfi , Monfeigneur , Heros
par voftre Augufte Pere , Heros
par vous - même , Heros encore
dans vos Defcendans ; voftregloireferafans fin dans la Pofterité
comme elle eft à prefent fans mefure.
GALANT 55
Dés qu'il ' eut fini il s'éleva
dans l'Affemblée un concert
de es a
fit voir que
l'Orateur est heureux lorfqu'il
a pour objet ces merites éminents , univerfellement reconnus , & aplaudis de tous.
Il fit enfuite , felon la coutume , les Eloges de Mr l'Archevêque de Lyon ; de Mr le
Maréchal de Villeroy Gouverneur de la mêmeVille ; de Mr
le Duc de Villeroy fon fils ;
& ceux de Mr l'Intendant ;
de Mrs les Comtes de Lyon;
de Mrs de la Cour des Monnoyes ; de Mrs les Treforiers.
E
iij
56 MERCURE
9
de France ; de Mrs les Elûs ;
de Mr le Prevôt des Mar
chands ; de Mrs les Echevins ;
& de Mrs les Confuls.
Vousdevezjuger que l'Affemblée eftoit des plus nom- .
breuſes , & que l'Orateur futs
long , ayanteu à parler de tant
d'Auguftes Perfonnes , & de
tant d'Illuftres Magiftrats , &
ce qu'il y eut de furprenant fut
qu'il n'ennuya pasunmoment,
& que dans tout ce qu'il dit
le caractere de toutes les perfonnes dont il parla , fut no
blement , & ingenieuſement
mis dans fon jour.
à l'Hoſtel de Ville de
Lyon , le jour de la Fefte de
Saint Thomas , un Difcours
en prefence de M' l'Archevêque , de M' l'Intendant , de
A iij
6 MERCURD IS
M's les Comtes de Saint Jean,
& de toutes les Compagnies
de la Ville. Ce Difcours a efté
fait cette année par le fils
de Mr Yon , Seigneur de
Jonage qui fut nommé l'année
derniere premier Echevin ,
quoy que revêtu d'une Charge de Secretaire du Roy. Il a
beaucoup de merite , & il eft
fort eftimé. Le Difcours que
fon fils prononça le jour de S.
Thomas , reçut de grands applaudiffemens. Vous en jugerez par ce que je vais vous en
rapporter. Ce qu'il dit du Roy
plutinfiniment , & aprés avoir
GALANT
fini l'Eloge de Sa Majeſté , lors
quel'on croyoitqu'il n'en duft
plus rien dire , il l'apoftropha
comme fi Elle cut efté prefente, & il s'attira des applaudiffemens nouveaux. Voici le
commencement de fon Difcours.
བར
:
Tout eft grand , tout eft auguf
te , Meffieurs , dans le deffein que
j'entreprens rien n'y pourroit
eftre mediocre que la foibleffe du
file ; mais dans l'obligation que je
mefuis impofée de traiter une de
cesglorieufes matieres que d'autres
avant moy ont peut - eftre negligées ,j'ofe meflatter que la NoA iiij
8 MERCURE
bleffe de monfujer donnera du relief à mespenfées , & de l'éclat
à mes paroles ; & ma temerité
trouve fon pretexte dans l'impor
tance du difcours , & dans l'injuftice du filence.
C'est une ancienne &commune erreur , que de relever avecexcés le merite desperfonnes celebres ,
qui ont vécu avant nous , pour
diminuer lagloire de ceux dans les
temps defquels nous vivons ; cette
erreur eft , tantoft un aveuglement groffier dans l'efprit des peuples , qui croyent que la fuite des
temps a le même fort que le déclin
de leur age ; & que la nature
-GALANT 9
ffant comme l'homme , elle vieilliffant
degenere defiecle enfiecle dans fes
productions , àproportion de ce que
d'année en année il s'affoiblit dans
fes travaux ? c'est ce que le
plus fameux de tous les Poëtes a
voulu nous exprimer par ces deux
Vers traduits en noftre langue ?
O fi Dieu me rendoit mes
premieres années ,
dit- il en cet endroit en un
autre:
Les illuftres Heros nâquirent
autrefois :
Tantoft c'est une illisfion defubtiles mais vaines idées , telles
que celles de ces Philofophes ,
.
10 MERCURE
qui s'imaginoient , que les pre
miershommes formez d'uneplus
riche matiere nez fous
deplusfavorables étoiles , avoient
bien pû laiffer d'heureux fuccef
feurs deleurs noms , mais nonpas
de purs heritiers de leur gloiree ?
comme fi pour trouver ce qu'il y
a de plus grand dans le monde , il
falloit remonterjufqu'au regnefabuleux de Saturne : tantofi c'est
une enviefecrette entre des perfon
nes que la fortune ou la naiffance
a mis au niveau les uns des autres,
dans le même rang & àportée des
mêmes honneurs ; chacun pour dé
crierfon concurrent transportepour
GALANT I
ainfi dire fon eftime au fiecle de
ceux qui nepeuvent plus concourir avec perfonne : pour épargner
fon encens au merite des vivans ,
on le prodigue à la memoire des
morts , pour tout difputer à
ceux qui ne nous peuvent plus
rien difputer ? Reproche que le
Sage a peut - eſtre prétendu nous
faire par cesparoles ? J'ay donné.
aux morts les louanges que j'ay
refufées auxvivans.
Il est donc vray , Meffieurs
que foit aveuglément , foit illu
fion , foit envie , la gloire de nos
Contemporains ne va jamais
felon nous de pair avec celle de
12 MERCURE
nos predeceffeurs , par une injuftice de tous les temps" , le merite
qui refpire & qui vit encore , eft
toujours contredit , il faut que,
les fecles éloignez nous le rappelle
pour qu'il foit confacré, je veux
dire veritablement reconnu ; ainfi
parla au grand Conquerant de
, dans le temps que les
Heros paffoient pour des Dieux ,
le Philofophe Califthene : Pour
paroiftre Dieu , luy dit-il , au
jugement des hommes, il faut
avoir long- temps difparu à
leurs yeux ; les honneurs divins fuivent quelques fois les
morts , mais ils n'accompa-
GALANT 13
gnent jamais les vivants.
Je viens tâcher , Meffieurs
de rendre à tous les temps &
tous les merites , la justice qui
leur eſt deuë ; je viens louer les
grands hommes , qui excellent à
prefent , auffs bien que ceux qui
ont excellé autrefois , &proportionnant les louanges au merite ,
les Modernes y auront peut- eſtre
plus de part que les Anciens.
Icy , Meffieurs , mon deffein
cmmne à fe développer
vous vousappercevezfans doute ,
queje voudrois vous donner une
idée des Herospar des comparatfens des uns aux autres ; mais
US
14 MERCURE
que ce deffein feroit vaſte , &
qu'il feroit étendu ; il m'engageroit à rappeller dans vos efprits
tous les Heros qui ont brillé , &
qui brillent encore dans tous les
Arts & dans toutes les Sciences :
ce ne feroit que charger ma
memoirepourlaffer vos patiences :
le refpectqueje dois à voftre attentionprefcrit à monfujet des bornes
plus étroittes il m
; m'oblige nonfeulement à me fixer au plus
glorieux de tous les Arts , je
veux dire à l'Art Militaire ;
mais encore pour éviter l'ennuy
d'un trop long récit , à ne choifir
parmi les Herosde la Guerre les
SGALANT
15
plus renommez que quelques- uns
de ceux à qui leurs fameux exploits ontmeritéle nom de Grand:
mais dans les loüanges que je
leur donneray ,
j'efpere que de
vous-même vous trouverez dequoy remplir àproportion l'Eloge,
de tous les autres , &c'eſt là le
Plan de ce Difcours dans lequel ,
aprés avois tracé l'idée des Grands
Heros de l'antiquité, je tâcheray
de vous donnercelle du plus grand
de tous dans lefiecle prefent.
Voicyce qu'il dit dans fa
premiere partie.
Une des plus fortes paffions
& qui a le plus occupé le cœur
16 MERCURE .
des Grands de l'antiquité, &même de tous les temps ; c'eſtoir le
defir de fe diftinguerpar les Armes , & deſefaire par leur Epée
plus grand que un nom encore
la
celuy qu'ils avoient déja par leur
naiffance ; ils laiffoient pour la
plupart aux Orateurs l'Art du
Difcours , aux Philofophes l'étudedes Sciences , aux Politiques
Ladminiftration des Etats
gloire de tous ces Heros de Litterature de Miniftere , n'excitoit guerre leur noble émulation
quelquecharme même qu'elle eut
pour quelques uns ce n'étoit
qu'un amusement de Paix & de
·
יך
GARANT 17
repos ;toutt cédoit au premierpref=
fentiment de Guerre qui les raviffoit , ilsfe fentoient comme d'euxmême transportez dans le champ
glorieux des Combats , & ils
voloient pour l'arrofer quelques
fois de leur fang, & y cueillir
furun tas de morts
من
de bleſſez
les Lauriers & les bonneurs du
triomphe.
Cette ardeur Militaire qui
dans le cœur des Potentats , à
prefque toujours efté une envie
prodigieufe de dominere de
s'étendre , une ambition démesurée.
de s'élever au deffus de la condition humaine , a toujours efté une
Février 1710.
B
18 MERCURE
fuitefatale de l'orgueil du premier
des mortels ; mais elle ne laiffe
pas auffi deftre dans les deffens
de la fageffe éternelle , qui doit
tout raporter à fa gloire : elle ne
laiffe pas , dis-je , d'eftre comme
un caractere de divinité , imprimée dans l'ame des Souverains ;
caractere dont les traitsfe repandansfurla gloire de leurs actions ,
comme fur la majesté de leurs
perfonnes , nous porte à les respecter tous , non-feulement comme les
images éclatantes de l'Etre fuprémequilesfoutient fur le Trône:
mais encore comme les fujets les
plus nobles les plus dignes
GALANT 19
une
deftreparreprefentation en qualité
de demi- Dieux de la terre
partie de ce qu'eftpar luy même le
grand Souverain de l'Univers
en qualité de Dieu des Armées.
La gloire desgrands Conquerans , ayant donc toujours en deux
faces , qu'on pouvoit envisager,
l'une humaine , l'autre divine ;
l'une qui a des taches , l'autre qui
les couvre , mais qui ne les leve
les pas ; ayant à commencer par
Heros de l'antiquité , ne nous ar
reftons point icy à blâmer ou à
louer trop leurs Conqueftes ; tachons feulement de relever leurs
perfonnes , &fans examiner d'a
Bij
20 MERCURE
A
bord, fi l'ardeur qui les animois
eftoit injufte ou legitime ; parmy
quelques- uns de ceux qui ont paſſé
pour les plus grands donnons la
preference àdeuxfeulement ; mais
choififfons-les bien , afin qu'en étalant leur gloire on ne puiffe rien
penfer de grand de celle des autres
qui nefe trouve dans la leur , &
qui ne juftifie noftre deffein de ne
parler que
"
d'eux.
Il parla enfuite d'Alexandre
& deCefar, & dit tout ce que
l'on en pouvoit dire. Il fit voir
qu'ils avoient eu toutes les
grandes qualitez qui ont fait
le merite des plus grands He-
GALANT! 21
{
ros des ficcles paffez , & aprés
enavoir fait un portrait , &de
la reffemblance de leurs acstions , il dit : It me femble
quevous balancez & que vous
attendez que je decide ? Hé!
qu'importe Meffieurs , lequel des
deux Heros d'Alexandre ou de
Cefarfut le plus grand dans les
fiecles paffez , fi le fiecle prefent
nous en offre un plus grand que
tous les deux enfemble , &
par confequent le plus grand de
tous le Heros ; quel eft il donc ce
Heros; vous l'allez bien- toft voir
paroiftre dans toutefa gloire.
Il entra enfuite dans fa feمن
22 MERCURE
conde partie , & dits
combats par
Au-deffus de cette haute va
leur qui parcourt le monde pour
combatre pour vaincre ; je place
celle d'un Heros qui commence fes
la justice , & qui
terminefes victoires par la moderation ; qui protegefes Alliez par
La puiffance , & qui fe foutient
luy-méme parfa grandeur : Elevez icy vos efprits , Meffieurs ,
j'ay de grands évenemens à vous
reprefenter, je n'ayplus à vous
cacher de grands défauts en vous
montrant de grands courages.
Je ne parleray plus icy de ces
Heros impetueux , quiportantpar
GALANT 23
tout les armes de l'injustice & les
faifant marcher fous les Enfeignes de la Valeur & de la Generofité, raviffoient noſtre admiration avec autant de rapidité qu'ils
ravageoient les Campagnes ; c'e
toient des foudres terribles qui ne
fondoientfurla terre avec vûteffe,
que par l'impuiffance de s'arrefter ;
c'eftoient des tourbillons qui ramaffant tout ce qu'ils trouvoient à
leurrencontre ,fe groffiffoient euxmêmes , &ferendoient plus violens? Je parle d'un Heros digne de
toute loüange, & je commence d'a
bord par vous dire qu'armé de
juftes prétentions contre d'injuftes
24 MERCURE
refus , il entreprend la guerre en
Roy & nonpas en Ufurpatenr ; il
affemble fes Magiftrats avant que
de lever fes Troupes , ne met
LesArmées en Campagne , qu'aprés les avoir mifes fous la protection des Loix.
a
Aces mots , Meffieurs , vous
reconnoiffez Louis le Grand ;
ehpourriez- vous penfer à quelqu'autres cePrincegenereuxjouiffoit àpeine de la Paix par un heureux mariageavecl'Infante d'Ef
pagne , que porté à la guerre par
l'inftinct pour ainfi dire defa valeur , il regardoit avec inquietude
fes armes dans le repos ; mais il
aimoit
GALANT 25
aimoit mieux les laiffer languir,
que de lesfairefervir à l'injuftice.
à l'ambition ; c'eſt ainſi qu'il
retenoit dans une amere tranquillité , les premiers feux de fa jeuneffe ; lorfque le Roy d'Espagne
avec une ame moins guerriere
mais plus intereffée luy difpute les
droits inconteftables de la Reine
fon Epoufe: quefera- t- il ?Se prefentera-t- il d'abord avec l'épée ?
Non, il commandera àfa valeur
d'attendre ladecifion des Loix, &
les Loix confultées ordonnent àfa
valeur attentive à leurs ordres ,
defoutenirfa caufepar les armes?
Le ciel n'ayantpermis cette injufFévrier 1710.
C
26 MERCURE
tice dela part de l'Espagne , qu'a
fin que les Peuples de divers
Royaumes appriffent combien ce
fage & puillant Heros fçavoit
joindre à la force de reprimer fes
ennemis , le pouvoir de retenirfon
indignation : le voila donc qui remet à la Fuftice la direction defon
courage : allez , Prince , allez où
cette Reine des Loix portera voftre
Bouclier ; allez lancer vos foudres fur une Nationfuperbe , tant
qu'elle ne prendra confeil que de
l'obftination defes armes : ce ne
fera de fa part que Troupes affoiblies ,
que Soldats tombez aux
pieds des voftres ; mais dés qu'elle
GALANT 27
ferangera fous les loix de l'équi
té pourfe reconnoiftre , ce nefera
de vostre part qu'excés de generofité ? en vain la Fortune vous
ouvrira-t-elle le paffage à la conqueſte de l'Univers , voftre courage nefera pas las de vaincre ;
mais voftre grandeur d'ame vous
fera croire que vous avez affez
vaincus vous arrefterez vos cour
fes rapides au milieu des combats ,
par untrop grand respect pour
les Loix, vous rendrez unepartie
de vos conqueftes de peur qu'elles
n'ayent à vous reprocher que vous
vouliez trop étendre vos prétentions ? ô Prince , ô Heros valeuC ij
28 MERCURE
reux moderé tout enſemble 3
qui aime mieux ceder les droits de
la guerre que d'eftre foupçonné
d'avoirfailli contre les regles de
la Fuftice ? Loy , Meffieurs je
cherche Alexandre & Cefar , je
les trouve , peut - eftre , Grand
Roy, dans les Combats à vos côtez, poury voir des Villes mais
des plus fortes prifes dans deux
jours , des Provinces entieres reduites en deuxfemaines ; mais je
les perds &je les vois fe retirer
faifis d'étonnement à la vuede cet
excés pour ainfi dire de moderation , qui limite fi promptement la
portée de voftre valeur ? qu'il ne
GALANT 29
paroiffe donc ici , mais pour cette
fois feulement , que lefeulRoyde
Lacedemone , qui ne vouloit d'autre avantagefurfes Sujets , fi ce
n'est qu'il luyfut permis d'efre
plus vaillant , & de faire moins
qu'eux de faute contre les Loix.
Quej'aimerais à vous repreſenter ce grand Monarque , dans
d'autres Campagnes à la tefte d'une nombreuse Armée , preffant la
Fortunefans luy donner du relashe , paffant en Maiftre du monde par les Etats de plufieurs Souverains fans prefque s'enquerir fi
l'on veutfouffrirfon paffage ,
portantpar tout le flambeau de la
C
iij
30 MERCURE
guerre fans laiffer languir le feu
de faprofperité je vous compterois plus de trente Villes munies
&fortifiées , renduës à l'aspect
du Vainqueur, & prefque toutes
fans mursabatus & fans combats
donnez , effrayées feulement de
• fon grand nom, & tachant avec
les Peuples voisins , d'apaifer fa
・jufte colére en foumetant leurs
teftes à fa puiffance , & leur
cœur àfa bonté; je vous montrerois des Villes forcées malgré leurs
vigoureuses refiftances ? hé commentn'auroient-ellespas enfin cedé
à des Armes fi feures de leurs
coups , je rappellerois encore icy
GALANT zi
1
les élements forcez , les faifons
bravées , &la nature foumife en
quelque forte à fon épée , mais
Alexandre , & Céfar , ſe pouroient peut-être reconnoistre à fes
traits ; je ne veux plus loüer
en Louis le Grand , rien de ce qui
peut aprocher de luy les autres
Heros ? difons donc quelque chofe
de plus.
Unde ces efprits qui tiennent
leur fiecle en de perpetuelles agitations , & qui excitent les orages
dans la ferenité des plus beaux
jours un de ces efprits capables
de remuer de grandes machines
d'ébranler les Etats ; un de
C iiij
32 MERCURE
ces efprits qui ont toujours att
milieu de la Paix le cœur armé
la volonté ambitieuſe un
Prince heretique , car enfin fi
nous ne voulons pas le nommer ,
il faut du moins le défigner ; un
Prince , dis-je , inquiet de vivre
comme un autre Efau par fon
épée ,fe mer en tefte de vivre
parle Sceptre: il trame des deffeins
prodigieux que nul n'auroit pu
croire , parce que nul autre n'auroitpu les imaginer , il les communique aux Puiffances confederées
il les conduit fifourdement à
fesfins qu'à la tefte d'une Armée
Navale il entreprefque invifible
GALANT 33
en Angleterre ; d'abord il fe fait
jour dans les vaftes appartemens
du Roy , prendfierementſaplace
vis- à- vis de fon Trône , &partage avecluy lefuprême honneur;
dans peu l'Anglois , grand amateur des nouveautez , retire fon
obéiffance du Monarque , &la
transporte à l'Ufurpateur , &
tout d'un coup l'injuſte & aveugle Fortune , féparant les bons
fuccésde la bonnecaufe , le Prince Proteftantfe faifit de la Couronne du Prince Catholique.
› Grandeur de la gloire magranime de mon Roy , où cftes- vous
àprefent ? la voila , Meffieurs
34 MERCURE
quifort defon Palais , pour tendrela main àce Potentat defcendu
de fon Trône ; c'eſt une Majeſté
puiſſante , qui va au-devantd'une
Majefté opprimée; c'est un Prince
qui entouré de fa Cour, & revêtu defapropre Grandeur , s'arvance pour relever un Prince infortuné, poufféfur nos bordsfeulement par quelques flots officieux
de la mer; il neperdpointdetemps
pourfoulagerfa douleur , il effuye
fes larmes par des marquesfenfi
bles de l'affection de fon cœur ;
il
le reveft de tous les ornemens de la
Royauté; il luy donne un Trône
dans un defes Palais , &arraآن
GALANT 35
chepour ainfi dire d'entre les mains
du Deftinfa Royale Famille : refolu jufques à la fin de fes jours
de leurfaire part defes trefors &
defa fortune.
Je voudrois bien vous faire
voir icy tous deux grands defolateurs des Rois & des Royaumes ; vous Alexandre , qui venez
de nous faire compter pour beaucoup les honneurs que vous avez
rendus à une Reine captive fous
lejougde vos armes tandis qu'elles
eftoient injustement tournées contre le Roy fon Epoux ; & vous
Céfar , dont un des plus grands
traitsfut; de rendrele Trône d'un
36 MERCURE
frere àunefœur, pour la rendre
elle-même par cette espece de
generofité l'objet de vos amours.
&de vos profufions ; mais li je
ne puis vous voir icy en perfonne
j'y vois du moins vos ombres gémiffantes de douleur d'apprendre
qu'il y afur la terre dans l'ame
d'un plus grand Conquerant que
vous , une plus grande generofité
que la voftre.
Reduirons- nous à cette action
genereufe la Magnanimité de
noftre Heros ? non , Meffieurs
quifçait réfugier un Roy en peut
bien foutenir un autre , l'entreprife eft difficile mais elle eft
GALANT 37
jafte l'execution eft prompte mais
elle eft de Louis le Grand, un Roy
mourant nommefon Succeffeur il
faut le luy donner.
1
url
Les paroles d'un Souverain
au lit de la mortfont des Sentences depolitique, & les Peuples y
font attentifs , comme àdes Arrefts
prononcez gloire de l'Etai?
le Roy d'Espagne meurt fans
enfants , il déclare Heritierde
fes Royaumes un Fils de France?
tes Espagnols empreffez le demandent à Louis le Grand , &
Louis le Grand , comment le leur
envoit-il , avec une portion de
cettefageffe dont il fait des leçons
38 MERCURE
à toute l'Europe , aveclesconfeils
de cette prudence , qui rend l'obéiffance affectionnéepar la douceur du commandement, avec cette
grandeur d'ame qui le rend fuperieur à tous les Heros , ce n'eft
pas affez avec cette grandeur
d'ame qui le rend Louis le Grand,
Philippe V. enrichi de tous ces
J
nobles prefens du grand Royfon
ayeul , entre en Triomphe dans
toutes les Villes d'Espagne , &
toutes les vertus l'yfuivent ; mais
fes Ennemis , Ennemis de la
juftice , & de la veritable
deur, l'y attaquent.
gran
*Et que font-ils , ils entretien-
CALANT 39
nent des intelligences avec quelquesfactieux , qui affemblent des
nuagesfurfa tefte, ils s'emparent
foit par rufe foit parfureur foit
par irreligion , toujours par
injustice , de quelques Royaumes
éloignez du Siege defon Empire:
mais que n'auront ils pas à craindre , grandPrince , lorsqu'ils verront voftre Majesté s'aprocher de
vos Troupes , pour ranimer leur
valeurpar voftre prefence : autrefois dans une Guerre contre les
Gaulois , il nereftoit auxRomains
d'autre efperance , qu'an Capitole
affiegé, & en Camille banni , &
neanmoins ils repoufferent ces
40 MERCURE
fiers Ennemis , vous voftre
efperance est encore toute entiere ,
dans la poffeffion de vos plus
grand Royaumes , dans le cœur
de vos meilleurs Sujets , dans
l'affection de vos Troupes , dans
la force de voftre bras , dans la
confiance en des Victoires remportées , dans la protection de Louis
le Grand: vous diffiperez à lafin
les Germains & leurs Confederez.
Vous foupirez cependant ,
Peuples foumis , à la puiſſance
de ce jeune Roy , & nous peuteftre auffi avec vous : car enfin
que voyons nous depuis quelques
GALANT 41
années , le glaive du Tout- Puiffant eft entre les mains de fes
Ennemis , la Victoire s'égare , &
il luy eft permis de fe ranger fous
des Drapeauxprefque tous Heretiques , de prendre parti contre
les Armes défenfives même de la
Religion : mais ne nous laiffons
pasicy abattrefous les coups d'une
legere infortune ? en vain nes
Ennemis veulent-ilsfe perſuadër,
queces revers nous arrivent pour
enorgueillir leurs Armes nous
fommes comme convaincus ,
c'eft pour montrer à tous les Rois
à tous les Peuples, la grandeur
de Louis le Grand dans tous fes
Février 1710. D
que
42 MERCURE
points de veuë on ne l'avoit
ven jufques alors ce Monarque
que dans la profperité , &ilne
luy manquoit rien pour paroître
plus grand que les autres : mais
il luy manquoit un changement.
de fortune pour paroître en un
fens plus grandqu'il n'avoit encoreparu : nous l'avions veu Victorieux defes Ennemis , vaincre
fonpropre bonheur mais nous ne
L'avions pas encore affez ven ſe
vaincre foy - même , nous fçavions ce qu'ilfçavoitfaire , mais
nous nefçavions pas ce qu'ilfçavoitfuporter; il avoitparu peutêtre trop beureux, maisfans per-
GALANT 43
dre la moderation ilfaloit qu'il
parut moins heureux : mais fans
perdre laconftance.
Qu'il eft peu de ces ames égales,
faites à l'épreuve de toutes les revolutions de cette grande rouë fur
laquelle tourne toutce qu'on appelle
grands évenemens ; mais lafageffe
active e vigilante de Louis le
Grand voit changer de face à la
Fortune , fans permettre à fon
cœur de changer defituation , comme s'il n'avoit jufques alors mé
nagéles bons fuccés que pourexercer fa prefence d'efprit à foûtenir
les mauvais ; bé que feait - on ?
peut - eftre même qu'il craignoit
Dij
44 MERCURE
pour fon ame la durée defes prof
peritez & qu'il avoit demandé
quelquefois de n'eftre pas toujours.
vainqueur de fes ennemis , pour
s'exercer dans cet Art fi difficile de
vaincre l'adverſité ; ainfi lagrandeurdefoname foûtenant nos efperances , ranime la fermeté de nos
fameuxGuerriers qui commencent
déja à regarder le glorieux avan
tageremportéfur un nombre affez
grand de nos ennemis en Alface ,
la glorienfe retraite de noftre
Armée en Flandres , comme des
prefages prefque infaillibles d'un
nombre prefque infini de Victoires.
GALANT 45
+
Je finis , Meffieurs mais n'al
lez point me reprocher , que
pour faire unplus grand éloge de
Louis le Grand , il falloit le
prendre de plus haut , remonter
jufques auTrône des Clovis , des
Saint Louis , des Charlemagne ,
comparer même ces grands Rois ,
avec les Conftantin &les Theodofe , & chercher jufques dans
leurs Tombeaux , les femences de
la valeur &de lagrandeurd'ame
de Louis le Grand : Il est uray ,
Meffieurs , que fa gloire com
mençoit a fe produire à fe
mais comme il former
en
n'y en apoint excepté S. Louis ,
46 MERCURE
en qui la fortune ait affemblé
tant d'événemens divers , il eftoit
important dans les conjonctures
prefentes , de mettre fes actions a
part, &de ne pas confondre dans
la concurrence de leurs grands
noms , celuy dont la gloire remonte
juſques à eux , avec autant d'éclat qu'elle en eft defcendue : c'eft
donc fans rien diminuer de leur
gloire , que Louis le Grand eft
plus Grand que tous les autres
Heros ; plus grand par rapport
la vaillance, parce qu'il a triomphé
même defon bonheur, dans laprofperité de fes armes plus grand
par rapport à la generofité & à
à
GALANT 47
la grandeur d'ame non -feulement parce qu'il a donné azile à
unRoidépouillé de fes Etats ; nonfeulement parce qu'il a maintenu
un Prince de fa famille fur un
Trôneétranger,mais encore parce
que dans une interruption debonheur,fon cœur s'eft mis au- deffus
des injuftices de la Fortune.
AU ROY..
! Oui , SIRE, *
Vous eftes leplusgrand de tous
les Heros , pour dire encore
48 MERCURE
vous quelque chofe de grand que
nous n'avons pû dire , le nom de
LOUIS LE GRAND renfermant
toutes les qualitez d'unfouverain
Heros , trouvera quelque chofe
de foy dans les noms particuliers
quepourront prendre dans lecours
des temps , pour caracterifer leur
propregrandeur , quelques- uns des
Rois qui fuivront VÔTRE MAJESTE' fur le Trône ; il fe trouvera ce grand nom , mais comme
divifé , dans ceux qui par leur
valeur porteront le nom de Magnanime, dans ceux qui par leur
demence feront reconnus pourPcse des Peuples ; dans ceux qui
par
GALANT 49
par leur zeleferont appellez Deffenfeurs de la Religion ; dans
ceux qui par leur vertu feront
avouez pour Princes Pieux ; &
dans ceux qui dans les temps infortunezferont qualifiez d'İntrepides ; ainfi voftre grand Nom,
allant pompeufement de fiecle en
fiecle , vivra avec éclat tant qu'il
yaura , comme ily en aura toujours , de grandes vertus affifes
fur le Trone ; & tandis que l'Antiquitéfera occupée dans les Hiftoires de fes Conquerans , àplaindre le trifte fort d'Alexandre
de Cefar , tous deux fatalement.
arrachez à la vie , la Pofterité
Février 1710.
E
50 MERCURE
fera retentir lagrandeur de vostre
Ame, dans tous les grands énjenemens de voftre Regne , ne cefferajamais d'admirer unefi belle
vie, dont la Parque filera encore
refpectueufement les jours gloricux, & au de- là de ceux de
David , jufqu'à l'extremité d'une
longue carriere.
"
A MONSEIGNEUR.
MONSEIGNEUR,
Digne Fils du plus grand des
"Heros qui fe reproduit en Vous
vous avezla même valeur , vous
GALANT SI
joignez la même prudence , &
Les Peuples reffentent pour vous
le même amour qu'ils ont pourfa
Sacrée Perfonne.
pronsVous avez , MONS EIGNEUR, la même valeur; quelle
femente pour ainfi dire de triomphes , n'a- t-elle pasjetté dans vos
premieres Campagnes , quel trophée Philifbourg, monument éternel d'une vaine refiftance à vos
forces ; quel trophée , dis-je , n'at- il pas érigé à l'honneur de vôtre
gloire, quelle vive ardeur n'a pas
animée vos courſes conquerantes
du Palatinat ; & quel torrent de
réputation auroit jamais púfuiE ij
52 MERCURE
vrelarapiditéde vosVictoiresfila
fageffe du Roy n'avoit agi comme
de concert avec la Providence ,
pour retirer du peril une vie fi
neceffaire àfes Sujets , &pourne
plus expofer au Champ de Mars
un Heros qui doit à coté defon
Trônefoutenirle poids defa Cou
ronne.
Ala même valeur vous joignez la même prudence ; & où
Monfeigneur , vous auroit- elle
manqué cette prudence ; feroit-ce
dans les Armées où vostre bras
agiffoit autant par voftre efprit
que par voftre cœur , où les Soldatsfuivoient vos ordres avec vos
GALANT 53
exemples , & où vous ne laiffiez
rien prévenir par la Fortune , de
tout ce quipouvoit eftreprévúpar
voftre attention :feroit- ce au Confeil , où quelquesfois les plus éclairez ne verroient peut- eftre que de
loin les chofes les plus importantes
fi vous ne les mettiez vous- même
dans leur point de vue, pour les
leur montrer de plus prés.
Les Peuples ont pour vous ,
Monfeigneur , le même amour
que pour Sa Majesté : ils cherchentfur voftre vifage les preſages de leur bonheur à venir ; ils
croyent appercevoir dans vos yeux
dans vos regards , le fondeD iij
54 MERCURE
ment des efperancespubliques , &
l'air affable & plein de bonté,
fous l'appas duquel vousprévenz ceux qui ont l'honneur de
ous approcher, devient le charme attrayant qui gagne nos cœurs
&forme les douces chaînes qui
nous lient avec paffion à vostre
Augufte Perfonne.
Ainfi , Monfeigneur , Heros
par voftre Augufte Pere , Heros
par vous - même , Heros encore
dans vos Defcendans ; voftregloireferafans fin dans la Pofterité
comme elle eft à prefent fans mefure.
GALANT 55
Dés qu'il ' eut fini il s'éleva
dans l'Affemblée un concert
de es a
fit voir que
l'Orateur est heureux lorfqu'il
a pour objet ces merites éminents , univerfellement reconnus , & aplaudis de tous.
Il fit enfuite , felon la coutume , les Eloges de Mr l'Archevêque de Lyon ; de Mr le
Maréchal de Villeroy Gouverneur de la mêmeVille ; de Mr
le Duc de Villeroy fon fils ;
& ceux de Mr l'Intendant ;
de Mrs les Comtes de Lyon;
de Mrs de la Cour des Monnoyes ; de Mrs les Treforiers.
E
iij
56 MERCURE
9
de France ; de Mrs les Elûs ;
de Mr le Prevôt des Mar
chands ; de Mrs les Echevins ;
& de Mrs les Confuls.
Vousdevezjuger que l'Affemblée eftoit des plus nom- .
breuſes , & que l'Orateur futs
long , ayanteu à parler de tant
d'Auguftes Perfonnes , & de
tant d'Illuftres Magiftrats , &
ce qu'il y eut de furprenant fut
qu'il n'ennuya pasunmoment,
& que dans tout ce qu'il dit
le caractere de toutes les perfonnes dont il parla , fut no
blement , & ingenieuſement
mis dans fon jour.
Fermer
Résumé : Article dont on ne peut donner dans cette Table une idée qui puisse répondre à son sujet, & qui renferme un Eloge du Roy, & de Monseigneur le Dauphin d'une maniere toute singuliere, [titre d'après la table]
Le texte relate la prononciation annuelle d'un discours à l'Hôtel de Ville de Lyon, le jour de la fête de Saint Thomas, en présence de l'archevêque, de l'intendant, des comtes de Saint Jean et des compagnies de la ville. Cette année, le discours a été prononcé par le fils de Monsieur Yon, seigneur de Jonage, récemment nommé premier échevin malgré ses fonctions de secrétaire du roi. Le discours a reçu de grands applaudissements. L'orateur commence par une réflexion sur la grandeur de la tâche entreprise, reconnaissant la faiblesse humaine mais espérant que la noblesse du sujet donnera du relief aux paroles. Il critique l'erreur commune de surévaluer les mérites des personnes célèbres du passé pour diminuer la gloire des contemporains. Il cite des poètes et des philosophes pour illustrer cette erreur et affirme que la gloire des contemporains est souvent méconnue. L'orateur se propose de rendre justice à tous les mérites, anciens et modernes, en louant les grands hommes actuels autant que ceux du passé. Il se concentre sur l'art militaire et choisit de parler des héros les plus renommés, en particulier Alexandre et César, dont il vante les grandes qualités. Cependant, il introduit la figure d'un héros contemporain, Louis le Grand, qui incarne la justice, la modération et la grandeur d'âme. Louis est décrit comme un roi qui entreprend la guerre avec justice, respecte les lois et fait preuve de générosité même dans la victoire. Le texte célèbre la grandeur et la magnanimité de Louis le Grand, roi de France. Il le compare à des figures historiques comme Alexandre le Grand et Jules César, mais souligne que Louis dépasse ces héros par sa modération et sa générosité. Le texte décrit plusieurs exploits de Louis, notamment son refus de tirer avantage de ses sujets et sa capacité à inspirer la peur et le respect sans combat. Il mentionne également des campagnes militaires où Louis a conquis de nombreuses villes par sa seule réputation. Le texte évoque ensuite une menace potentielle d'un prince hérétique qui trame des plans ambitieux pour s'emparer du trône d'Angleterre. Louis est présenté comme un défenseur des rois opprimés, prêt à soutenir un monarque déchu et à lui offrir refuge et soutien. Le texte souligne également la sagesse politique de Louis, qui a su gérer les revers de fortune avec constance et sagesse. Il mentionne la mort du roi d'Espagne sans héritier et la nomination de Philippe V, fils de Louis, comme successeur. Malgré les attaques des ennemis de la justice, Louis reste un modèle de grandeur et de prudence. Enfin, le texte conclut en exaltant la grandeur de Louis, comparée à celle des plus grands rois de l'histoire. Il prédit que le nom de Louis le Grand sera synonyme de toutes les vertus royales et que sa mémoire sera célébrée pour sa vie exemplaire et ses actions héroïques. Le discours s'adresse également à un haut dignitaire, louant ses qualités et ses actions. L'orateur souligne la prudence et l'esprit stratégique du destinataire sur le champ de bataille, où ses soldats suivent ses ordres et ses exemples, et où il anticipe les événements grâce à son attention. Il mentionne également son rôle au conseil, où il éclaire les décisions importantes. Les peuples éprouvent pour lui un amour similaire à celui qu'ils portent à leur souverain, voyant en lui les signes de leur bonheur futur et étant charmés par sa bonté et son affabilité. Le discours célèbre également la lignée héroïque du destinataire, soulignant qu'il est un héros par son père, par lui-même et par ses descendants, et que sa gloire perdurera dans la postérité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 216-252
Reception de Mr Houdart de la Motte à l'Academie Françoise, [titre d'après la table]
Début :
Vous attendez sans doute que je vous parle de la reception [...]
Mots clefs :
Antoine Houdard de la Motte, Abbé Tallement, Discours, Ouvrages, Réception, Académie française, Éloge, Messieurs, Esprit, Directeur de l'Académie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception de Mr Houdart de la Motte à l'Academie Françoise, [titre d'après la table]
ous attendez fans doute
que je vous parle de la reception de Mr Houdart de la
Motte à l'Academie Françoiſe,
à la place de feu Mr. de Corneille , mort le 8. de Decem
bre de l'année derniere , &
voftre
GALANT 117
voftre impatience redouble
lorfque vous croyez qu'un
homme qui n'a point diſputé
de Prix qu'il n'ait emportez ,
qui a fouvent travaillé pour
meriter cette gloire , & qui
s'eft diftingué par un grand
nombred'Ouvrages de toutes
fortes de caracteres , & qui
ont attiré l'attention & les applaudiffemens de tout le Public, doit s'eftre furpaffé dans
le remerciement qu'il a fait à
l'Academic , en le nommant
pour remplir la place de Mr
de Corneille. Vous ne vous
trompez pas ; mais quoy qu'il
Février 1710. T
218 MERCURE
foit fort connupar tous les ou
vrages qu'il a donnez au Public , l'admiration que vous
avéz pour luy s'augmenteroit
encore fi vous fçaviez le fond
de la galanterie de fon efprit ,
& vous avouëriez que Voiture
n'a jamais badiné plus agreablement & plus noblement
dans une infinité de pieces que
nousavons de cet homme tout
fingulier , &qui a fait l'un des
principaux ornemens de fon
fiecle , ce que perfonne ne luy
difpute. Mrde la Motte a fait
quantité d'ouvrages de certe
nature, fous les noms de plu-
GALANT 219
fieurs perfonnes de fes Amis ,
tant hommes que femmes , &
qui ont efté admirez , fans
qu'on fçut dans le monde qu'ils
venoient de luy , & peut- eftre
en avez-vous vû beaucoup que
vous avez fort applaudis fans
enfçavoir le veritable Auteur.
Je n'avance rien contre la verité , ayant vû moy - même.
beaucoup de ces ouvrages que
ceux qui les produifoient fous
leur nom , m'ont avoüé eſtre
de luy. Enfin c'eſt un genie
univerfel , & quiferoit capable
de remporter toûjours les Prix
fur tous les fujets quel'on proTij
220 MERCURE
poferoit , de quelque nature
qu'ils puffent eftre. La grande
-idée que le Public a de luy fut
caufe que le jour de fa reception , l'Affemblée fut des plus
nombreuſes ; ce fut le 8. de
Fevrier , & tous ceux qui s'y
trouverent curent lieu d'eftre
contens de tout ce qu'il dit . Il
faut neceffairement que tous
ceux qui font reçus faffent l'éloge du Roy ; celuy de Mr le
Cardinal de Richelieu , & ceux
de Mr le Chancelier Seguier &
de l'Academicien decedé, dont
ils rempliffent la place , ce qui
eft d'autant plus difficile , que
GALANT 221
depuis un fort grand nombre
d'années tous ceux qui font reçus à l'Academie yfont indif
penfablement obligez : de maniere qu'il faut avoir beaucoup
de genie pour donner differens
tours à leurs difcours , & faire
paroiftre nouveaux des fujets
épuifez depuis long- temps , &
cependant ce font par ces endroits que doivent briller le
plus tous les Academiciens qui
fontreçus , & c'eft en quoy Mr
de la Motte fe fit admirer le
jour de fa reception.
Il eft temps de vous parler
duDifcours qu'il prononça &
Tiij
222 MERCURE
qui luy attira tant d'applaudif
femens , & c'eft ce qui m'embaraffe extrêmement. Je ne
dois vous enenvoyer qu'un extrait , & vous devez deviner les
raifons qui m'empêchent de
vous l'envoyer entier. Si ce
Difcours eftoit mediocre je
pourrois faire une peinture des
moindres endroits que je ne
rapporterois pas entiers, & en
donner fans parler contre la
verité , une idée qui les feroit
croire plus beaux qu'ils ne feroient ; mais lors qu'un Dif
cours eft parfait en toutes fes
parties , de quels termes puis- je
GALANT 223
me fervir pour parler des endroits que je ne rapporteray
pas entiers , & en pourray - je
donner une idée qui en puiffe
faire affez bien concevoir la
beauté : & quel choix feray je
de ceux que je vous rapporteray entiers ? puis que ce Difcours a paru également beau
à tous ceux qui l'ont entendu.
Ainfi ne comptez pas que je
vous en puifle faire concevoir
les beautez dans tout ce que
vous allez lire. Vous connoiffez l'efprit de Mr de la Motte,
&fon genie : vous fçavez dequoy il eft capable , & cela doir
Tiiij
224 'MERCURE
vous donner lieu de fuppléer
à tout ce queje vous rappor
teray de ce Difcours. huomis .
Il commença par une peinture qu'il fit de l'embarras où
il fe trouvoit d'eftre obligé de
trouver untour nouveau pour
parler fur une matiere rebatuë par tous ceux qui avoient
efté reçus à l'Academie avant
luy, &fit voir la difficulté qu'il
y avoit de s'en bien acquitters
il demanda pourquoy il falloit
des expreffions differentes pour
des fentimens femblables , & il
dir beaucoup de chofes ingenieufes là deffus. Ce qu'il dit
GALANT 225
enfuite fit paroître fa modeftie,
&aprés avoir dit que cet uſage
auroit dû eftre changé , il dit en
s'adreffant à fes Confreres ; Je
metrompe, Meffieurs, mon infuffifance merend injufte , maintenez
un usage qui n'humiliera que
moy ; fadmireray avec plaisir
dans ceux qui me fuivront , les
reffources qui m'ont manqué. Il
parla enfuite de la haute idée
qu'il avoit de la place où il
eftoit élevé , & fit connoiftre
que le defir qu'il avoit eu de fe
voir reçu parmi eux avoit eſté
fi vif en naiffant , que tout chimerique qu'il l'avoit cru , il luy
?
226 MERCURE
avoit tenu licu de genie , & il
ajoûta que ce defir luy avoit
dicté ces EffaisLyriques dontils
avoient agreé l'hommage , &
qui fous leurs aufpices avoient
trouvé grace devant le Public ;
que ce defir qui induſtrieux à
fe fervir luy même, l'avoit fait
tantoft Orateur , & tantoft
Poëte , pour meriter tous leurs
Lauriers ; qu'il l'avoit même
enhardi plus d'une fois à les
remercier d'un fuffrage unanime qu'il ofoir regarder alors
comme un préfage de celuy
dont il leur rendoit graces en
ce moment ; ce defir enfin ,
GALANT 227
qui du moindre de leurs Eleves , le faifoit devenir un de
leurs Confreres. Il ajoûta qu'il
prononçoit ce mot avec tranfport, & qu'il oublioit un moment ce qu'il eftoit pour ne
voir que le merite de ceux à
qui ils daignoient l'affocier.
Il fit voir enfuite que la
naiſſance &les dignitez qui dif
tinguoient la plupart des Academiciens , ne l'ébloüiffoient
pas, & qu'on ne regardoit parmi cux qu'un éclat plus réel &
plus indépendant ; qu'on n'honoroit à l'Academie que les
talens & la vertu , & qu'on n'y
228 MERCURE
rendoit que ces refpects finceres , d'autant plus flateurs pour
ceux qui les recevoient , qu'ils
faifoientle plaifir mêmedeceux
qui les rendoient , & il pourfuivit par ces paroles. Je fens ce
plaifir , Meffieurs , dans toute fon
étendue: iln'y en apas un de vous,
carj'ay brigué l'honneur de vous
approcher de vous étudier
avant le temps ; il n'y en apas un
de vous en qui je n'ayefenti cette
fuperiorité d'efpritfifüre dansfon
Empire ; mais dont la politeffe
fçait rendrela domination fidouce.
Ouy,j'ofe le dire , les Titres font
icy de trop ; le meriteperfonnel ar
Aliasun
GALANT 229
de
tire àluy toute l'attention. On remarque àpeine que vous réuniffez
dans voftre Corps ce qu'il y a
plus refpectable dans les differens
Ordres de l'Etat ; on fonge feulement , & c'est - là voftre Eloge,
que vous y raffemblez le fçavoir ,
la delicateffe , les talens , le genie
fur tout lafaine critique , plus
rare encore que les talens , auffi
neceffaire à l'avancement des Lettres que le Genie même. Mais à
ne regarder que vos ouvrages ,
Meffieurs , quelle fource d'admiration ! Peut- eftre enfommes- nous
encore trop prés pour en jugerfainement ; on n'estjamais affez tou-
230 MERCURE
ché de ce qu'on voit naifire & de
ce qu'on poffede ; onfe familiarife avec le merite defes contemporains ; l'Antiquitéfeuley met le
fceau de la veneration & de l'eftime publique. Plaçons donc l'Academie dansfon veritable point de
vûë, &voyons- la , s'il.fe peut ,
avec lesyeux de la Pofterité. Il
pourfuivit la peinture de Meffeurs de l'Academic , & parla
des divers talens de ceux qui la
compofent , &finit en diſant : -
Voila l'Academie, Meffieurs, telle
qu'elleparoiflra aujugement de l'avenir. Il parla enfuite des deffauts de tous ceux qui bril-
GALANT 231
loient le plus par leurs ouvragres avant l'établiſſement de
l'Academie , & il fit remarquer
en quoy avoient confifté ces
deffauts , & il finit ce qu'il en
rapporta en difant : Il falloit
une Compagnie , qui par le concours des lumieres , établift des
principes certains , rendift le gouft
plus fixe , difciplinaft le genie même, & en affujettit les fougues à
la raifon
Il parla enfuite de ce que
le Cardinal de Richelieu , &
le Chancelier Seguier , avoient
fait pour l'Academie , & en
finiffant de parler du Chance-
232 MERCURE
lier Seguier , il dit ens'adreſſant
à Meffieurs de l'Academie ;
ce qui fait voftre gloire & la
fienne , Louis , luy- même n'a pas
dédaigné de luyfucceder. Ceft
de ce jour, Mrs, que voftre fortune eut toutfonéclat ; les Mufes
vinrent s'affeoir aupied du Trône,
& le Palais des Rois devint
l'azile des Sçavans. Vous ne
fongeates alors qu'à immortalifer
vostre reconnoiffance
tribut que vous exigeâtes de
vos nouveaux Confreres , fut
l'Eloge du Prince dont ils alloient
partager la protection. Ainfi par
autant de plumes immortelles fuو
Ele
GALANT 233
rent écrites les Annales de fon
regne Monument precieux
d'équité , de valeur , de moderation , & de conftance , modelle
dans les divers évenements de
cet Heroïfme éclairé où le fage
feulpeut ateindre. Mais quelque grand que Loüis paroiſſe àla
pofterité parfes actions , & par
Les vertus ne craignons point
de le dire. Il luy fera encore plus
cher par la protection qu'il vous
a donnée. Tout ce qu'il a fait
d'ailleurs n'alloit qu'à procurer
fes Peuples ,à fes Voifins , & à
fes Ennemis même, un bonheur
fajet aux viciffitudes humaines ;
V
,
Février 1710.
à
you 234 MERCURE
par la protection des Lettres , il
s'eft rendu à jamais le Bienfaicteur du Monde. Il a preparé
des plaifirs utiles à l'avenir le plus
reculé , & les Ouvrages de noftre
fiecle , qui feront alors l'éducation du genre humain , feront
mis au rang de fes plus folides
bien faits. Multipliez- donc vos
Ouvrages , Mrs , par reconnoiffance pour vostre augufte Protecteur ; quelque fujet que vous
traitiez vous travaillerez toujourspourſa gloire , & l'on ne
poura lire nos Philofophes , nos
Hiftoriens , nos Orateurs
mos Poëtes ,fans benir le nom
GALANT 235
*
de l'Augufte qui les a fait naître.
Fe brule déja de contribuerfelon
mes forces aux obligations que
luy aura l'Univers ; heureuxfi
mon genie pouvoit croître jusqu'à
·égaler mon zele.
Avant que d'entrer enfuite
dans l'Elogede feu Mr de Corneille dont il rempliffoit la
place , il parla de quelques uns
des Academiciens qui l'avoient
precedé ; aprés quoy il en fic
un portrait qui reffembloit
parfaitement à l'Original. Il
fit voir qu'il connoiffoit les
beautez de l'une & de l'autre
Scene, & que la France le com-
*
a
*
V ij
236 MERCURE
pteroit toujours entre fes Sophocles & fes Menandres. Il
s'étendit enfuite fur les merveilleux effets que produifoient
encoretousles jours ces fortes
d'Ouvrages , aprés quoy il
parla des autres Ouvrages que
l'on devoit à fon heureufe
fecondité ; de fes Traductions; ·
de fes remarques fur la Langue;
de fes Dictionnaires , travaux
immenfes , qui demandoient
d'autant plus de courage dans
ceux qui les entreprenoient ,
qu'ils ne pouvoient s'en promettre unfuccés bien éclatant
& quele Public qui prodigue
GALANY 237
toujours fes aclamations à l'agreable jouiffoit d'ordinaire
zavec indiference de ce qui n'étoit qu'utile. Et aprés avoir
parlé de fes talents , il fit une
peinture de fes vertus , & dit.
qu'elles eftoient l'objet indifpenfable de fon émulation. Le
portrait qu'il fit des vertus de
cegrand homme fut tres- beau
& tres- reffemblant. Il ajoûta
enparlant de la perte de la
vue de Mr de Corneille , que
ce que l'âge avoit ravi à fon
Predeceffeur , il l'avoit perdu
dés fa jeuneffe , que cette malheureufe conformité qu'il
238 MERCURE
avoit avec luy , leur en rapelleroit fouvent le fouvenir , &
qu'il ne ferviroit d'ailleurs qu'à
leur faire fentir fa perte. Il dit
enfuite. Il faut l'avouer cependant , cette privation dont je
plains , ne fera plus deformais
pour moy un pretexte d'ignorance. Vous m'avez rendu la vuë,
vous m'avez ouvert tous les
Livres en m'affociant à voftre
Compagnie. Aurai - je beſoin de
faits ? je trouveray icy des Scavans à quiil n'en eft point écha
pé. Mefaudra-t -ildes preceptes ?
je m'adrefferay aux Maiftres de
l'Art. Chercheray- je des exem-
GALANT 239
ples ? j'apprendray les beautezdes
Anciensde la bouche même de leurs
Rivaux. Faydroit enfin à toutce
que vous fçavez ; puifque jepuis
vous entendre , je n'envie plus le
bonheur de ceux qui peuvent lire.
Jugez, Meffieurs , de ma reconnoiffance par l'idée juſte & vive
que je me forme de vos bienfaits.
Mr Houdart de la Motte ,
ayant ceffé de parler , Mr de
Callieres prit la parole , en qualité de Directeur de l'Academie , & dit que fi l'uſage de
faire l'Eloge de chaque Academicien que l'on perdoit , n'és
240 MERCURE
fa toit déja introduit dans
Compagnie , Mr de Corneille
auroit merité qu'on eut commencé par luy à faire un
loüable établiſſement , & que
le nom qu'il portoit s'eftoit
rendu fi celebre qu'il avoit fait
honneur non- feulement àl'Academie Françoife; mais même
à toute la Nation : & aprés
avoir fait un Eloge de feu Mr
de Corneille , frere du dernier
mort , & du paralelle qu'on en
pouvoit faire , il parla des Pieces de Theatre de ce dernier
dont il fit en general une pein- 3
ture fort avantageufe. Il paffa
de là
~
GALANT 241
delà à fon Dictionaire des Arts,
&à fon Dictionnaire Geographique & Hiftorique, & dit que
Fon pourroit regarder ces deux
grands ouvrages comme des
trefors toûjours ouverts à la
Nation Françoife, & à tous les
Etrangers qui fçavent noftre
langue, oùils pouvoient puifer
une infinité de connoiffances
utiles & agreables , fans avoir
la peine de les chercher dans
les diverfes fources d'où il les
avoit tirées. Il parla enfuite de
toutes les qualitez de l'honnefte. homme qui avoient fait
admirer Mr de Corneille pen.
Février 1710.
X
242 MERCURE
1
dant fa vie , puis adreffant la
parole à Mrdela Motte, il dit :
Vous avez merité , Monfieur ,
par la beauté de vos ouvrages de
remplir la place d'un ſi excellent
homme , ce fontces heureufes productions de vostre efprit qui vous
ontfaitjour au travers delafoule des Auteurs mediocres , & qui
ont brillé aux yeux - mêmes de
vas Juges. Ils ont couronné plu
feurs de vos excellentes Pieces de
Poefie , endernier lieu celle de
Profe où vous avez égalé les
grands Maiftres de l'Eloquence:
dans l'Art de traiter les matieres
les plus faintes les plus rele-
GALANT 243
vées. Ceftfur ces titres incontestables que vos mêmesJuges vous
ont trouvé digne de leur eftre Af
focié pour partager avec eux
l'honneur des fonctions & des
exercices Academiques. Loind'étre obligez dejuftifier leur choix ,
vous leur avez donné une ample
matiere de le faireciterpour exem
ple de leur équité , de leur bon
gouft , de la jufteffe de leur dif
cernement. Voftre élection faite
le concours unanime de tous par
les fuffrages , fervira de preuve
convaincante que l'Academie ne
peut errer dans fes jugemens ,
lorfqu'elle fe conduit par fes proXij
244 MERCURE
pres lumieres ,fanségard à la brigue & auxfollicitations ,fuivant
l'ordre exprés qu'elle en a defon
augufte Protecteur. Nousfommes
perfuadez , Monfieur , que vous
allez redoubler vos efforts pour
celebrer avec nous cette longue
fuite d'actions glorieufes dont la
vie eft un tiffu continuel , &
pour le reprefenter à la pofterité
auffi grand qu'il l'eft ànosyeux ;
Clement & modere dans les
profperitez les plus brillantes
intrepide dans les plus grands
dangers ; toujours égal dans l'une
dans l'autre fortune , d'une
fermeté inébranlable & d'une
GALANT 245
tranquillité qui nepeut eftre troubice blé par aucun évenement.
N'ayant
point de plus chers interefts que ceux dela raye Reli
gion , dont il est l'infatigable
appuy , preferant toujours à
la gloire de fes juftes conquêtes
celle d'eftre l'auteur du bonheur
public ,fifouventtroublé par les
jaloufes terreurs de fes voifins
ftfouvent rétably par les grands
facrifices qu'il leur a faits , &
qu'il eft encorepreft de leur faire
pour affurerlerepos defes Peuples
celuy même de fes ennemis s
dignes objets des foins, paternels
d'un Roy , grand ,fage , jufte
X iij
246MERCURE
bien faifant , & veritablement
tres- Chreftien. Voilà, Monfieur,
unepartie des riches & preticufes
matieres que vous avez à mettre
en œuvre ; c'eſt le tribut que nous
impofons à votre reconnoiffance
pour l'honneur que vousrecevez
aujourd'huy. Honneur brillant
parluy-même, plus brillant encore
par les temoignages unanimes que
nous rendons au Public , que
vous en eftes veritablement digne.
Mr l'Abbé Tallemant , prit
enfuite la parole , & en s'adreffant à Mr de la Morte
recita Epigramme qui fuit.
GALANT 247
qu'il avoit faite à la gloire de
ce nouvel Academicien , &
qui reçut beaucoup d'applaudiffements.
La Motte par l'effort de ton vafte
genie
Tu répares du fort l'injuſte tirannie
»
Ce n'est point par les yeux que
l'efprit vient àbout,
De bienconnoiftre la nature,
Argus avec centyeux ne connut
point Mercure,
Homere fans yeux voyoit
tout..
Xiij
248 MERCURE
pas
Comme le temps auquel
doivent finir les Affemblées
de l'Academie , chaque jour
qu'elles tiennent , n'eftoir
encore remply ; & que cing!
heures n'eftoient pas fonnées ,
on lut , felon l'ufage , l'Ouvrage d'un Academicien , &
l'on avoit choisi pour ce jourlà , en cas qu'il reftaft du
temps , un Ouvrage de Mr
de Callieres qui fut lû par Mr
l'Abbé Tallemant. Il confiftoit en des Eloges fort courts
&en Vers , de quatorze Homi
mes Illuftres , & de fept Fem- &
mes Sçavantes. Les Hommes.
GALANT 249
dont on lut les Eloges font
MCorneille l'aîné ; Racine
Moliere; la Fontaine ; Voitu
re ; Sarrafin ; la Chapelle
Defpreaux; Pavillon ; Peliffon;
Benferade ; Quinault ; Segrais ; le Duc de Nevers. Et
les Dames qui furent loüées
enfuite , font Mlle de Scudery , fous le nom de Sapho ; la
Fayette ; la Suze ; la Sabliere ;
Deshoulieres ; Villedieu ; Dacier.
Toute l'Affemblée donna
les louanges qui eftoient duës
à ces Portraits , & ils en regurent beaucoup.
250 MERCURE
Je crois devoir ajoûter icy
les noms des Opera qui ont efté
Laits par Mr de la Motte ; ce
font ,
L'Europe galante ,
Iffé ,.
Oinphale ,
Amadis de Grece
Ceyx & Alcione ,
Canente,3
Les Arts , Ballet.
Jupiter & Semelé.
Les fuccés que ces Opera ont
eu dans leur temps vous font
connus , & fur tout celuy de
l'Europe galante quia efté fou
vent remis au Theatre , & que
GALANT 250
le Public ne s'eft jamais laffe
de voir, bab
Le même Auteur a fait auffi
quelques Pieces de Theatre
& plufieurs ouvrages auffi ingenieux que galans qui n'ont
pas paru fous fon nom .
Je ne vous dis rien du grand
nombre de Prix qu'il a remportez par tout où on luy a
permis d'en difputer , en forte
que pour laiffer lieu aux autres.
de meriter à leur tour de ces
Couronnes de Lauriers , il ne
loy a plus efté permis d'entrer
dans la Carriere pour en cücillir de nouveaux.
252 MERCURE
ig
Vous avez vû le Recueil de
fes Odes. Cet Ouvrage eft ge
neralement applaudi , & l'on
vient d'en donner une nouvelle Edition. Tant d'ouvrages
differens luy ont fait meriter la
place que tout le Public , & les
Academiciens même luy fouhaitoient depuis long temps.
Il y alieu de croire qu'eftanc
encore jeune il pourra la remplir auffi dignement que fon
Predeceffeur , & faire autant
d'honneur à cet illuftre Corps.
que je vous parle de la reception de Mr Houdart de la
Motte à l'Academie Françoiſe,
à la place de feu Mr. de Corneille , mort le 8. de Decem
bre de l'année derniere , &
voftre
GALANT 117
voftre impatience redouble
lorfque vous croyez qu'un
homme qui n'a point diſputé
de Prix qu'il n'ait emportez ,
qui a fouvent travaillé pour
meriter cette gloire , & qui
s'eft diftingué par un grand
nombred'Ouvrages de toutes
fortes de caracteres , & qui
ont attiré l'attention & les applaudiffemens de tout le Public, doit s'eftre furpaffé dans
le remerciement qu'il a fait à
l'Academic , en le nommant
pour remplir la place de Mr
de Corneille. Vous ne vous
trompez pas ; mais quoy qu'il
Février 1710. T
218 MERCURE
foit fort connupar tous les ou
vrages qu'il a donnez au Public , l'admiration que vous
avéz pour luy s'augmenteroit
encore fi vous fçaviez le fond
de la galanterie de fon efprit ,
& vous avouëriez que Voiture
n'a jamais badiné plus agreablement & plus noblement
dans une infinité de pieces que
nousavons de cet homme tout
fingulier , &qui a fait l'un des
principaux ornemens de fon
fiecle , ce que perfonne ne luy
difpute. Mrde la Motte a fait
quantité d'ouvrages de certe
nature, fous les noms de plu-
GALANT 219
fieurs perfonnes de fes Amis ,
tant hommes que femmes , &
qui ont efté admirez , fans
qu'on fçut dans le monde qu'ils
venoient de luy , & peut- eftre
en avez-vous vû beaucoup que
vous avez fort applaudis fans
enfçavoir le veritable Auteur.
Je n'avance rien contre la verité , ayant vû moy - même.
beaucoup de ces ouvrages que
ceux qui les produifoient fous
leur nom , m'ont avoüé eſtre
de luy. Enfin c'eſt un genie
univerfel , & quiferoit capable
de remporter toûjours les Prix
fur tous les fujets quel'on proTij
220 MERCURE
poferoit , de quelque nature
qu'ils puffent eftre. La grande
-idée que le Public a de luy fut
caufe que le jour de fa reception , l'Affemblée fut des plus
nombreuſes ; ce fut le 8. de
Fevrier , & tous ceux qui s'y
trouverent curent lieu d'eftre
contens de tout ce qu'il dit . Il
faut neceffairement que tous
ceux qui font reçus faffent l'éloge du Roy ; celuy de Mr le
Cardinal de Richelieu , & ceux
de Mr le Chancelier Seguier &
de l'Academicien decedé, dont
ils rempliffent la place , ce qui
eft d'autant plus difficile , que
GALANT 221
depuis un fort grand nombre
d'années tous ceux qui font reçus à l'Academie yfont indif
penfablement obligez : de maniere qu'il faut avoir beaucoup
de genie pour donner differens
tours à leurs difcours , & faire
paroiftre nouveaux des fujets
épuifez depuis long- temps , &
cependant ce font par ces endroits que doivent briller le
plus tous les Academiciens qui
fontreçus , & c'eft en quoy Mr
de la Motte fe fit admirer le
jour de fa reception.
Il eft temps de vous parler
duDifcours qu'il prononça &
Tiij
222 MERCURE
qui luy attira tant d'applaudif
femens , & c'eft ce qui m'embaraffe extrêmement. Je ne
dois vous enenvoyer qu'un extrait , & vous devez deviner les
raifons qui m'empêchent de
vous l'envoyer entier. Si ce
Difcours eftoit mediocre je
pourrois faire une peinture des
moindres endroits que je ne
rapporterois pas entiers, & en
donner fans parler contre la
verité , une idée qui les feroit
croire plus beaux qu'ils ne feroient ; mais lors qu'un Dif
cours eft parfait en toutes fes
parties , de quels termes puis- je
GALANT 223
me fervir pour parler des endroits que je ne rapporteray
pas entiers , & en pourray - je
donner une idée qui en puiffe
faire affez bien concevoir la
beauté : & quel choix feray je
de ceux que je vous rapporteray entiers ? puis que ce Difcours a paru également beau
à tous ceux qui l'ont entendu.
Ainfi ne comptez pas que je
vous en puifle faire concevoir
les beautez dans tout ce que
vous allez lire. Vous connoiffez l'efprit de Mr de la Motte,
&fon genie : vous fçavez dequoy il eft capable , & cela doir
Tiiij
224 'MERCURE
vous donner lieu de fuppléer
à tout ce queje vous rappor
teray de ce Difcours. huomis .
Il commença par une peinture qu'il fit de l'embarras où
il fe trouvoit d'eftre obligé de
trouver untour nouveau pour
parler fur une matiere rebatuë par tous ceux qui avoient
efté reçus à l'Academie avant
luy, &fit voir la difficulté qu'il
y avoit de s'en bien acquitters
il demanda pourquoy il falloit
des expreffions differentes pour
des fentimens femblables , & il
dir beaucoup de chofes ingenieufes là deffus. Ce qu'il dit
GALANT 225
enfuite fit paroître fa modeftie,
&aprés avoir dit que cet uſage
auroit dû eftre changé , il dit en
s'adreffant à fes Confreres ; Je
metrompe, Meffieurs, mon infuffifance merend injufte , maintenez
un usage qui n'humiliera que
moy ; fadmireray avec plaisir
dans ceux qui me fuivront , les
reffources qui m'ont manqué. Il
parla enfuite de la haute idée
qu'il avoit de la place où il
eftoit élevé , & fit connoiftre
que le defir qu'il avoit eu de fe
voir reçu parmi eux avoit eſté
fi vif en naiffant , que tout chimerique qu'il l'avoit cru , il luy
?
226 MERCURE
avoit tenu licu de genie , & il
ajoûta que ce defir luy avoit
dicté ces EffaisLyriques dontils
avoient agreé l'hommage , &
qui fous leurs aufpices avoient
trouvé grace devant le Public ;
que ce defir qui induſtrieux à
fe fervir luy même, l'avoit fait
tantoft Orateur , & tantoft
Poëte , pour meriter tous leurs
Lauriers ; qu'il l'avoit même
enhardi plus d'une fois à les
remercier d'un fuffrage unanime qu'il ofoir regarder alors
comme un préfage de celuy
dont il leur rendoit graces en
ce moment ; ce defir enfin ,
GALANT 227
qui du moindre de leurs Eleves , le faifoit devenir un de
leurs Confreres. Il ajoûta qu'il
prononçoit ce mot avec tranfport, & qu'il oublioit un moment ce qu'il eftoit pour ne
voir que le merite de ceux à
qui ils daignoient l'affocier.
Il fit voir enfuite que la
naiſſance &les dignitez qui dif
tinguoient la plupart des Academiciens , ne l'ébloüiffoient
pas, & qu'on ne regardoit parmi cux qu'un éclat plus réel &
plus indépendant ; qu'on n'honoroit à l'Academie que les
talens & la vertu , & qu'on n'y
228 MERCURE
rendoit que ces refpects finceres , d'autant plus flateurs pour
ceux qui les recevoient , qu'ils
faifoientle plaifir mêmedeceux
qui les rendoient , & il pourfuivit par ces paroles. Je fens ce
plaifir , Meffieurs , dans toute fon
étendue: iln'y en apas un de vous,
carj'ay brigué l'honneur de vous
approcher de vous étudier
avant le temps ; il n'y en apas un
de vous en qui je n'ayefenti cette
fuperiorité d'efpritfifüre dansfon
Empire ; mais dont la politeffe
fçait rendrela domination fidouce.
Ouy,j'ofe le dire , les Titres font
icy de trop ; le meriteperfonnel ar
Aliasun
GALANT 229
de
tire àluy toute l'attention. On remarque àpeine que vous réuniffez
dans voftre Corps ce qu'il y a
plus refpectable dans les differens
Ordres de l'Etat ; on fonge feulement , & c'est - là voftre Eloge,
que vous y raffemblez le fçavoir ,
la delicateffe , les talens , le genie
fur tout lafaine critique , plus
rare encore que les talens , auffi
neceffaire à l'avancement des Lettres que le Genie même. Mais à
ne regarder que vos ouvrages ,
Meffieurs , quelle fource d'admiration ! Peut- eftre enfommes- nous
encore trop prés pour en jugerfainement ; on n'estjamais affez tou-
230 MERCURE
ché de ce qu'on voit naifire & de
ce qu'on poffede ; onfe familiarife avec le merite defes contemporains ; l'Antiquitéfeuley met le
fceau de la veneration & de l'eftime publique. Plaçons donc l'Academie dansfon veritable point de
vûë, &voyons- la , s'il.fe peut ,
avec lesyeux de la Pofterité. Il
pourfuivit la peinture de Meffeurs de l'Academic , & parla
des divers talens de ceux qui la
compofent , &finit en diſant : -
Voila l'Academie, Meffieurs, telle
qu'elleparoiflra aujugement de l'avenir. Il parla enfuite des deffauts de tous ceux qui bril-
GALANT 231
loient le plus par leurs ouvragres avant l'établiſſement de
l'Academie , & il fit remarquer
en quoy avoient confifté ces
deffauts , & il finit ce qu'il en
rapporta en difant : Il falloit
une Compagnie , qui par le concours des lumieres , établift des
principes certains , rendift le gouft
plus fixe , difciplinaft le genie même, & en affujettit les fougues à
la raifon
Il parla enfuite de ce que
le Cardinal de Richelieu , &
le Chancelier Seguier , avoient
fait pour l'Academie , & en
finiffant de parler du Chance-
232 MERCURE
lier Seguier , il dit ens'adreſſant
à Meffieurs de l'Academie ;
ce qui fait voftre gloire & la
fienne , Louis , luy- même n'a pas
dédaigné de luyfucceder. Ceft
de ce jour, Mrs, que voftre fortune eut toutfonéclat ; les Mufes
vinrent s'affeoir aupied du Trône,
& le Palais des Rois devint
l'azile des Sçavans. Vous ne
fongeates alors qu'à immortalifer
vostre reconnoiffance
tribut que vous exigeâtes de
vos nouveaux Confreres , fut
l'Eloge du Prince dont ils alloient
partager la protection. Ainfi par
autant de plumes immortelles fuو
Ele
GALANT 233
rent écrites les Annales de fon
regne Monument precieux
d'équité , de valeur , de moderation , & de conftance , modelle
dans les divers évenements de
cet Heroïfme éclairé où le fage
feulpeut ateindre. Mais quelque grand que Loüis paroiſſe àla
pofterité parfes actions , & par
Les vertus ne craignons point
de le dire. Il luy fera encore plus
cher par la protection qu'il vous
a donnée. Tout ce qu'il a fait
d'ailleurs n'alloit qu'à procurer
fes Peuples ,à fes Voifins , & à
fes Ennemis même, un bonheur
fajet aux viciffitudes humaines ;
V
,
Février 1710.
à
you 234 MERCURE
par la protection des Lettres , il
s'eft rendu à jamais le Bienfaicteur du Monde. Il a preparé
des plaifirs utiles à l'avenir le plus
reculé , & les Ouvrages de noftre
fiecle , qui feront alors l'éducation du genre humain , feront
mis au rang de fes plus folides
bien faits. Multipliez- donc vos
Ouvrages , Mrs , par reconnoiffance pour vostre augufte Protecteur ; quelque fujet que vous
traitiez vous travaillerez toujourspourſa gloire , & l'on ne
poura lire nos Philofophes , nos
Hiftoriens , nos Orateurs
mos Poëtes ,fans benir le nom
GALANT 235
*
de l'Augufte qui les a fait naître.
Fe brule déja de contribuerfelon
mes forces aux obligations que
luy aura l'Univers ; heureuxfi
mon genie pouvoit croître jusqu'à
·égaler mon zele.
Avant que d'entrer enfuite
dans l'Elogede feu Mr de Corneille dont il rempliffoit la
place , il parla de quelques uns
des Academiciens qui l'avoient
precedé ; aprés quoy il en fic
un portrait qui reffembloit
parfaitement à l'Original. Il
fit voir qu'il connoiffoit les
beautez de l'une & de l'autre
Scene, & que la France le com-
*
a
*
V ij
236 MERCURE
pteroit toujours entre fes Sophocles & fes Menandres. Il
s'étendit enfuite fur les merveilleux effets que produifoient
encoretousles jours ces fortes
d'Ouvrages , aprés quoy il
parla des autres Ouvrages que
l'on devoit à fon heureufe
fecondité ; de fes Traductions; ·
de fes remarques fur la Langue;
de fes Dictionnaires , travaux
immenfes , qui demandoient
d'autant plus de courage dans
ceux qui les entreprenoient ,
qu'ils ne pouvoient s'en promettre unfuccés bien éclatant
& quele Public qui prodigue
GALANY 237
toujours fes aclamations à l'agreable jouiffoit d'ordinaire
zavec indiference de ce qui n'étoit qu'utile. Et aprés avoir
parlé de fes talents , il fit une
peinture de fes vertus , & dit.
qu'elles eftoient l'objet indifpenfable de fon émulation. Le
portrait qu'il fit des vertus de
cegrand homme fut tres- beau
& tres- reffemblant. Il ajoûta
enparlant de la perte de la
vue de Mr de Corneille , que
ce que l'âge avoit ravi à fon
Predeceffeur , il l'avoit perdu
dés fa jeuneffe , que cette malheureufe conformité qu'il
238 MERCURE
avoit avec luy , leur en rapelleroit fouvent le fouvenir , &
qu'il ne ferviroit d'ailleurs qu'à
leur faire fentir fa perte. Il dit
enfuite. Il faut l'avouer cependant , cette privation dont je
plains , ne fera plus deformais
pour moy un pretexte d'ignorance. Vous m'avez rendu la vuë,
vous m'avez ouvert tous les
Livres en m'affociant à voftre
Compagnie. Aurai - je beſoin de
faits ? je trouveray icy des Scavans à quiil n'en eft point écha
pé. Mefaudra-t -ildes preceptes ?
je m'adrefferay aux Maiftres de
l'Art. Chercheray- je des exem-
GALANT 239
ples ? j'apprendray les beautezdes
Anciensde la bouche même de leurs
Rivaux. Faydroit enfin à toutce
que vous fçavez ; puifque jepuis
vous entendre , je n'envie plus le
bonheur de ceux qui peuvent lire.
Jugez, Meffieurs , de ma reconnoiffance par l'idée juſte & vive
que je me forme de vos bienfaits.
Mr Houdart de la Motte ,
ayant ceffé de parler , Mr de
Callieres prit la parole , en qualité de Directeur de l'Academie , & dit que fi l'uſage de
faire l'Eloge de chaque Academicien que l'on perdoit , n'és
240 MERCURE
fa toit déja introduit dans
Compagnie , Mr de Corneille
auroit merité qu'on eut commencé par luy à faire un
loüable établiſſement , & que
le nom qu'il portoit s'eftoit
rendu fi celebre qu'il avoit fait
honneur non- feulement àl'Academie Françoife; mais même
à toute la Nation : & aprés
avoir fait un Eloge de feu Mr
de Corneille , frere du dernier
mort , & du paralelle qu'on en
pouvoit faire , il parla des Pieces de Theatre de ce dernier
dont il fit en general une pein- 3
ture fort avantageufe. Il paffa
de là
~
GALANT 241
delà à fon Dictionaire des Arts,
&à fon Dictionnaire Geographique & Hiftorique, & dit que
Fon pourroit regarder ces deux
grands ouvrages comme des
trefors toûjours ouverts à la
Nation Françoife, & à tous les
Etrangers qui fçavent noftre
langue, oùils pouvoient puifer
une infinité de connoiffances
utiles & agreables , fans avoir
la peine de les chercher dans
les diverfes fources d'où il les
avoit tirées. Il parla enfuite de
toutes les qualitez de l'honnefte. homme qui avoient fait
admirer Mr de Corneille pen.
Février 1710.
X
242 MERCURE
1
dant fa vie , puis adreffant la
parole à Mrdela Motte, il dit :
Vous avez merité , Monfieur ,
par la beauté de vos ouvrages de
remplir la place d'un ſi excellent
homme , ce fontces heureufes productions de vostre efprit qui vous
ontfaitjour au travers delafoule des Auteurs mediocres , & qui
ont brillé aux yeux - mêmes de
vas Juges. Ils ont couronné plu
feurs de vos excellentes Pieces de
Poefie , endernier lieu celle de
Profe où vous avez égalé les
grands Maiftres de l'Eloquence:
dans l'Art de traiter les matieres
les plus faintes les plus rele-
GALANT 243
vées. Ceftfur ces titres incontestables que vos mêmesJuges vous
ont trouvé digne de leur eftre Af
focié pour partager avec eux
l'honneur des fonctions & des
exercices Academiques. Loind'étre obligez dejuftifier leur choix ,
vous leur avez donné une ample
matiere de le faireciterpour exem
ple de leur équité , de leur bon
gouft , de la jufteffe de leur dif
cernement. Voftre élection faite
le concours unanime de tous par
les fuffrages , fervira de preuve
convaincante que l'Academie ne
peut errer dans fes jugemens ,
lorfqu'elle fe conduit par fes proXij
244 MERCURE
pres lumieres ,fanségard à la brigue & auxfollicitations ,fuivant
l'ordre exprés qu'elle en a defon
augufte Protecteur. Nousfommes
perfuadez , Monfieur , que vous
allez redoubler vos efforts pour
celebrer avec nous cette longue
fuite d'actions glorieufes dont la
vie eft un tiffu continuel , &
pour le reprefenter à la pofterité
auffi grand qu'il l'eft ànosyeux ;
Clement & modere dans les
profperitez les plus brillantes
intrepide dans les plus grands
dangers ; toujours égal dans l'une
dans l'autre fortune , d'une
fermeté inébranlable & d'une
GALANT 245
tranquillité qui nepeut eftre troubice blé par aucun évenement.
N'ayant
point de plus chers interefts que ceux dela raye Reli
gion , dont il est l'infatigable
appuy , preferant toujours à
la gloire de fes juftes conquêtes
celle d'eftre l'auteur du bonheur
public ,fifouventtroublé par les
jaloufes terreurs de fes voifins
ftfouvent rétably par les grands
facrifices qu'il leur a faits , &
qu'il eft encorepreft de leur faire
pour affurerlerepos defes Peuples
celuy même de fes ennemis s
dignes objets des foins, paternels
d'un Roy , grand ,fage , jufte
X iij
246MERCURE
bien faifant , & veritablement
tres- Chreftien. Voilà, Monfieur,
unepartie des riches & preticufes
matieres que vous avez à mettre
en œuvre ; c'eſt le tribut que nous
impofons à votre reconnoiffance
pour l'honneur que vousrecevez
aujourd'huy. Honneur brillant
parluy-même, plus brillant encore
par les temoignages unanimes que
nous rendons au Public , que
vous en eftes veritablement digne.
Mr l'Abbé Tallemant , prit
enfuite la parole , & en s'adreffant à Mr de la Morte
recita Epigramme qui fuit.
GALANT 247
qu'il avoit faite à la gloire de
ce nouvel Academicien , &
qui reçut beaucoup d'applaudiffements.
La Motte par l'effort de ton vafte
genie
Tu répares du fort l'injuſte tirannie
»
Ce n'est point par les yeux que
l'efprit vient àbout,
De bienconnoiftre la nature,
Argus avec centyeux ne connut
point Mercure,
Homere fans yeux voyoit
tout..
Xiij
248 MERCURE
pas
Comme le temps auquel
doivent finir les Affemblées
de l'Academie , chaque jour
qu'elles tiennent , n'eftoir
encore remply ; & que cing!
heures n'eftoient pas fonnées ,
on lut , felon l'ufage , l'Ouvrage d'un Academicien , &
l'on avoit choisi pour ce jourlà , en cas qu'il reftaft du
temps , un Ouvrage de Mr
de Callieres qui fut lû par Mr
l'Abbé Tallemant. Il confiftoit en des Eloges fort courts
&en Vers , de quatorze Homi
mes Illuftres , & de fept Fem- &
mes Sçavantes. Les Hommes.
GALANT 249
dont on lut les Eloges font
MCorneille l'aîné ; Racine
Moliere; la Fontaine ; Voitu
re ; Sarrafin ; la Chapelle
Defpreaux; Pavillon ; Peliffon;
Benferade ; Quinault ; Segrais ; le Duc de Nevers. Et
les Dames qui furent loüées
enfuite , font Mlle de Scudery , fous le nom de Sapho ; la
Fayette ; la Suze ; la Sabliere ;
Deshoulieres ; Villedieu ; Dacier.
Toute l'Affemblée donna
les louanges qui eftoient duës
à ces Portraits , & ils en regurent beaucoup.
250 MERCURE
Je crois devoir ajoûter icy
les noms des Opera qui ont efté
Laits par Mr de la Motte ; ce
font ,
L'Europe galante ,
Iffé ,.
Oinphale ,
Amadis de Grece
Ceyx & Alcione ,
Canente,3
Les Arts , Ballet.
Jupiter & Semelé.
Les fuccés que ces Opera ont
eu dans leur temps vous font
connus , & fur tout celuy de
l'Europe galante quia efté fou
vent remis au Theatre , & que
GALANT 250
le Public ne s'eft jamais laffe
de voir, bab
Le même Auteur a fait auffi
quelques Pieces de Theatre
& plufieurs ouvrages auffi ingenieux que galans qui n'ont
pas paru fous fon nom .
Je ne vous dis rien du grand
nombre de Prix qu'il a remportez par tout où on luy a
permis d'en difputer , en forte
que pour laiffer lieu aux autres.
de meriter à leur tour de ces
Couronnes de Lauriers , il ne
loy a plus efté permis d'entrer
dans la Carriere pour en cücillir de nouveaux.
252 MERCURE
ig
Vous avez vû le Recueil de
fes Odes. Cet Ouvrage eft ge
neralement applaudi , & l'on
vient d'en donner une nouvelle Edition. Tant d'ouvrages
differens luy ont fait meriter la
place que tout le Public , & les
Academiciens même luy fouhaitoient depuis long temps.
Il y alieu de croire qu'eftanc
encore jeune il pourra la remplir auffi dignement que fon
Predeceffeur , & faire autant
d'honneur à cet illuftre Corps.
Fermer
Résumé : Reception de Mr Houdart de la Motte à l'Academie Françoise, [titre d'après la table]
Le 8 février 1710, Houdart de la Motte est reçu à l'Académie Française pour succéder à Pierre Corneille, décédé le 8 décembre précédent. La Motte est reconnu pour ses nombreux ouvrages et son esprit galant, souvent admirés sans que leur véritable auteur soit connu. Son discours de réception est très apprécié, malgré la difficulté de traiter des sujets déjà abordés par ses prédécesseurs. Il exprime sa modestie et son admiration pour l'Académie, soulignant que seul le mérite personnel compte parmi les académiciens. La Motte rend également hommage au roi Louis XIV pour sa protection des lettres et des savants. Avant de prononcer l'éloge de Corneille, La Motte parle des talents et des vertus de plusieurs académiciens, incluant Corneille, et exprime sa reconnaissance pour l'honneur de faire partie de l'Académie. Le texte mentionne également une séance de l'Académie française où un éloge est rendu à Pierre Corneille, frère du célèbre dramaturge. L'orateur vante les pièces de théâtre de Corneille et ses dictionnaires des Arts et Géographique et Historique, qualifiés de trésors pour la Nation française et les étrangers connaissant la langue française. Il loue ensuite les qualités de Corneille, soulignant sa fermeté, sa tranquillité et son dévouement à la religion et au bonheur public. L'orateur s'adresse ensuite à Antoine de La Motte, nouvellement élu à l'Académie, en reconnaissant la beauté de ses œuvres qui l'ont distingué parmi les auteurs médiocres. Il mentionne notamment son succès dans la poésie et l'éloquence, et salue son élection unanime. La Motte est encouragé à continuer ses efforts pour célébrer les actions glorieuses et à représenter dignement la postérité. L'Abbé Tallemant récite une épigramme en l'honneur de La Motte, qui est applaudie. La séance se poursuit avec la lecture d'un ouvrage de Callières, contenant des éloges de quatorze hommes illustres et sept femmes savantes, parmi lesquels Corneille l'aîné, Racine, Molière, et La Fontaine. Le texte mentionne également les succès des opéras de La Motte, tels que 'L'Europe galante' et 'Iphigénie', ainsi que ses pièces de théâtre et autres ouvrages ingénieux. Il conclut en soulignant les nombreux prix remportés par La Motte et l'attente du public et des académiciens pour qu'il remplisse dignement sa nouvelle fonction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 299-325
Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay si souvent parlé de ces illustres familles, & [...]
Mots clefs :
Clergé, Église des grands Augustins, Messe de Saint Esprit, Versailles, Cardinal de Noailles, Discours, Roi, Gloire, Religion, Coeur, Naissance, Dieu, Peuples
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
Je vous ay fi fouvent parlé
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
de ces illuftres familles , &
en particulier du merite de
ceux qui les compofent , &
des actions par lesquelles ils
fe font diftinguez que je ne
crois pas vous en devoir dire
d'avantage aujourd'huy.
Je vous ay déja parlé de
tout ce qui fe paffa aux grands
Auguftins les de ce mois
с
300 MERCURE
y
lors queLle Clergé s'y affem .>
bla pour la premiere fois , de
la Meffe du Saint Efprit qui
fut celebrée , & je vous ay
donné un Extrait du Sermon
qui yfut prêché le mêmejour.
al Le 19.cet Auguſte Corps
fe rendit à Verfailles dans un
Appartement du Chateau
qui luy avoit efté preparé. Mr
le Comte de Pontchartrain ,
Secretaire d'Etat l'y vint prendre avec Mr le Marquis de
Dreux Grand Maiftre des
Ceremonies ,& Mr des Granges Maiftre des Ceremonies,
& il fut ainfi conduit à l'Au
GALANT gor ༢or
diance du Roy les Gardes du
Corps eftant en haye dans
leur Salle , & fous les Armes ,
&les deux battans des Portes
ayant cfté ouverts. Monfieur
le Cardinal de Noailles prit
la parole , & fit au Roy le
Difcours fuivant. bl
१
IMSIRE,
-
Nous venons avecjoye & eme
preſſement rendre àVoſtre Majefté
nos tres - humbles hommages , &
ceux de tout le Clergé de France
que cette Affembléereprefente , &
qui eft beaucoup moins le premier
302 MERCURE
Corps de voftre Royaume parfon
rang, que parfon zele pour vostre
fervice,
༢༠༡༥།
Nous venons en renouveller à
V. M.les proteftations lesplusfinceres , nousfouhaiterions qu'il
nous fuft poffible d'en donner des
preuves plus fortes coplus écla osdans le cours de cet Affemblée, que nous n'avons fait encore
dans les autres.ian bus
La mesure de noftre zele nefera
jamais celle de nos forces , telles
qu'elles puiffent eftre, grandes ou
perites , entieres ou épuifées , il ira
toûjours beaucoup au-delà , ilfera
au deffus de tous les évenemens
GALANT 303
rien ne le diminuëtajamais.
** Ce qui pourroit affaiblir celuy des autres , ne fervira , qu'
fortifier le nostre. Les malheurs
de cette vie , les revolutions qui
arrivent dans tous les Etats ,
peuvent ébranler la fidelité des
peuples conduits par des vûës bafJes e intereffées , mais elles ne
font qu'affermircelle des Miniftrès
de Dieu , qui doivent entrer dans
fes deffeins , & avoir des vûës
plus élevées.
1
Que David foit heureux ou
malheureux, le grand Preftre eft
également attaché à luy , ilfe déclare même plus hautement enfa
304 MERCURE
faveur, &faitplus d'effortspour
Le fecourir , quand il le voit dans
unplusgrand befoin.
Illuy donne les pains offerts à
Dieu , qui eftoient dans le Temple ,
dont il n'eftoit permis qu'aux
Preftres de manger. Il luy laiffe
prendre l'épée de Goliath , confacrée à la gloire du Seigneur ,parce
qu'il n'en avoitpoint d'autre à lug
donner, &il s'expofe genereufe
mentpar cet office de religion à la
mort que Sail luy fit fouffrir peu
aprés.
C'est une leçon pour nous , &
un exemple que nos cœurs ne nous
preffent pas moins que noftre de-
GALANT 305
voir de remplirà l'égard de Voftre
Majesté.
Sile cours defes victoires a été interrompu parar les ordres fecrets &
impenetrables de lafageffe deDieu,
qui fait ce qu'il luy plaift desplus
grands hommes , comme des plus petits pendap
pourfaire د que
grandeur & toute puiffance vient
de luy. Si
Vos armed
à qui rien
•
toune refiftoit autresfois n'ont pas
jours eu le mêmefort. Sicette gloire
humaine qu'elles vous ont attirée ,
qui a étonné le monde entier , au
point qu'on enen peut dire ce que
Ecriture dit de celle d'Alexandre
le Grand , que toute la terre en
Mars 1710.
Ca
306 MERCURE
eft tombée dans le filence. Sz
cette gloire , dis je , a reçu quelque
atteinte par les malheurs de la
guerre , noftre attachement pour
V. M. n'en eft que plusferme
plus ardent.
Nous adorons la main qui vous
frape , nous vous refpectonsda
vantage , s'il eftpoffible ,fous cette
main divine , dont les coupsfalu
taires vous rendent plus reſpectable auxyeux de la Foy.
Elle nous apprend qu'une trop
longue e trop grande profperité
annonce un malheurplus grand
plus long, puifqu'il fera éternel ,
&que le bonheur continuel de
GALANT: 307
cette vie eft le Paradis des repron
me ?• +
· L'experience ne l'enſeigne pas
moins que la Foy ; car ne voit on
pas dans toutes les biftoires , que
Les Princes qui n'ont jamais fenti
la main de Dieu , qu'il a laiſſe
joüirpaiſiblement des plaiſirs , des
grandeurs &'rde toute la gloire de
ce monde,fans y répandre aucunè
amertume, ont eſté enyvrez de leur
bonheur , ont vecu dans l'aveuglement , font morts dans l'impenitence nu
2.Se font done ,felon l'esprit de
la Religion, des graces & desfam
yeurs que ce que le monde appelle
Ccij
308 MERCURE
malheur & difgrace ; cefont des
moyens de meriter unbonheurplus
pur & plus folide que celuy de
cette vie , Dieu compte pour rien
ce qui n'eft pas éternel , & netrou
ve dans aucun bien periſſable une
digne récompenfe pour fes: Elús
ainfi il ne leur ofte lafauffegloire
de ce monde , que les hommes onta
beau appeller immortelle , &qui
paffe toujours , que pour les pre
parer à la gloire de l'éternitéfeule
folide & veritable immortelle.
C'eftce quenous envifageons ,
SIRE , dans vos peines nous
yvozons avecconfolation la bonté
de Dieu pour vous , & nous
GALANT 309
admirons avec veneration lecou
rage & la foy que vous yfaites
paroître sap sailo Tag
Ellemeritefans doute beaucoup
mieux , que les exploits militaires
d'Alexandre , ce filence d'admira."
tion où toute la terre tomba devant luy , & elle est encore plus
digne du refpect , de l'amour
du zele de vos Evêques , &de
tout le Clergé attaché à V. M.
par des liens plus purs & plus
facrez que vos autres Sujets.
Mais ce qui doit les remplir
tous , de quelque profeffion qu'ils
foient , de reconnoiffance , auffi
bienque d'admirationpourV. M.
30 MERCURE
eft le grand defir qu'elle a de
leur donner lapaix. I's fçavent
tous ce qu'elle veut bien facrifier
pour leur procurer un bien
precieux & fi neceffaire , es
qu'elle ne l'a retarde quepour le
rendre plus feur & plus folide
& ne pas prendre l'ombre
l'apparence d'une paix ; pour une
paix réelle veritable.
Perfonne n'ignore que V. M.
s'oublie elle même , pour ne fe
fouvenir que de l'extrême befoin
defespeuples qu'elle abandonne
genereufement fespropres interefts
pour leur repos ; que même la
tendreffe paternelle Jemimentfo
GALANT 311
t
jufte , fi vif, & fi puiffant
fur tout pour les bons cœurs , ne
peut l'emporter fur le defir que
vous avezdefoulagervospeuples.
Quelfacrifice & quel effort
de vostre bonté pour eux ; mais
il est vrai qu'ils l'ont bien
merité par tout ce qu'ils ont fait
&fouffert pour voftre fervice
dans des guerres fi frequentes
fi longues & fi dures :
jufte qu'eftant les meilleurs detous
les peuples , ils trouvent en "yous
le meilleur de tous les Rois.
Mais ce n'eft pas feulement
l'intereft de vos Sujets , c'est la
caufe de sans les peuples que vous
il eft
310 MERCURE
ils
foûtenez, en travaillant fifortement à la paix de l'Europe's car
ne fçait- on pas que par tout
fouffrent, & que vos Ennemis
avec toute la joye de leursfuccés,
n'en ont pas moins la douleur de
voir leur pays ruiné , leurs peuples gémir comme les autres ,
qu'ils n'ontque les évenemenspour
eux. Fantil eft vray que la guerre eft un mal univerfel que Dieu
fait fentir aux heureux ,
heureux , comme
aux malheureux , pour les punir
tous.
S'il vous en coûte donc, SIRE,
pourfaire lapaix , fi vous l'achetez cherement, que vous enferez
avanta-
GALANT 313
avantageufement & glorieufement dédommagé par la grandeur
d'ame que vousyferez paroiftre ,
par le bien infini que vous procurerez à tant de peuples accablez ,
&fur toutpar le trefor pretieux
que vous acquererez de nouveau ,
en vous attachantplus fortement
que jamais les cœurs de vos Sujets.
Quelle richeffe & quelle force
pour un Roy, que la tendreffe &
la confiance de fes Sujets ; que ne
trouve- t-il pas dans leurs cœurs
quand ils font veritablement à
luy?
Quel Empire , écrivoit ungrand
Mars 1710.
Dd .
314 MERCURE
Evefque aun Empereur , y a-t-il
mieux établi , & dont les fondemens foient plus folides &
plus feurs , que celuy qui eft
muni par l'affection & lattachement des peuples ? Qui eftce qui eft plus en affurance &
a moins à craindre , qu'un
Prince qu'on ne craint point,
&pour qui tous fes Sujets craignent ?
Que n'avez vous donc pas
attendre, SIRE , des voftres ,
leur donnant des preuvesfi effecti
ves de vostre bonté pour eux ?
Que ne devons-nous pas faire en
noftre particulier , pour vous en
à
GALANT 3'5
1
marquer noftre reconnoiffance ;
nous qui fommes les Pafteurs &
les peres fpirituels de vos peuples ,
plus intereffez & plus fenfibles
que d'autres à leurs miferes ; nous
quipar noftre caractere fommes
des Miniftres depaix obligez àla
defirer , à la demander , & à la
procurer par tous les moyens qui
peuvent dépendre de nous ?
Heureux fi nous pouvons y
1 contribuerparquelqu'endroit, nonfeulement par nos vœux & nos
prieres , mais auffi par nos biens.
Nous les tiendrons bien employez
à payer un don fi pretieux, &
nous ne craindrons point d'en chanう
Dd ij
316 MERCURE
ger la deftination, ce que nouspourrions fairefans crime , en les faifantfervirà foulager vos peuples,
à les faire jouir de la paix , ou à
les deffendre par une bonne guerre
de la fureur de vos Ennemis , &
en deffendre mefme l'Eglife , qui
n'eftpas moins attaquée que vostre
Royaume, dont les interefts ne
peuvent estre feparez de ceux de
Voſtre Majefté , parce qu'elle en
eft le plus ferme & le plus folide
appuy.
Faffe le Ciel que lesgrands
importans fervices que V. M. a
rendus , & rend encore tous les
jours à la Religion , foient prom-
GALANT 317
& les
ptement recompenfezpar unepaix
feure durable. Que Dieu de
quifeul elle dépend, & qui l'arefuféejufqu'à prefentdans fa juftice enpunition despechez du monde, appaife par les prieres
gemiffemens de tant de peuples
affligez l'accorde enfin dans fa
mifericorde. Que Voftre Majefté
aprés avoir efté long- temps un
David guerrier & genereux ,
foit le refte de fes jours un pacifique Salomon. Que fes jours fi
pretieux pour nous , &pour tous
fes Sujets , approchent autant qu'il
fera poffible de ceux des Patriarches avantle deluge. Qu'elle voye
Dd iii
318 MERCURE
,
naiſtre encore dans fa Famille
Royale plufieurs Princes , quiperpetuëntfaRace & lafaſſent durer jufqu' à la confommation du
ficcle ; qu'elle ait la joye de les former elle-même, & de leur infpirer
parſesgrands exemples & fesfages maximes des fentimens dignes
de leur augufte naiffance. Mais
qu'elle ait auffi la confolation de
voirfes peuples heureux ; qu'ils
puiffent fe repofer tranquilement,felon l'expreffion d'un Prophete , chacun fous fa vigne &
fous fon figuier , fans craindre
aucun Ennemi ; qu'ils faffent
de leurs épées des focs de char-
GALANT 319
rues , & deleurs lances des inftrumens à remuer la terre.
QueV. M regne deplus en plus
dans leur cœur , & qu'elle yfot
tienne toûjours plus fortement le
Royaume de Dieu par une Relis
gion pure & fans tache e' une
pieté fincere e folide , telle qui
convient à un Roy & à un
Royaume tres-Chreftien.
es
Le Clergé fe rendit enfuite
chez Monfeigneur le Dau
phin , & Monfieur le Cardinal
de Noailles luy parla en ces
termes :
Dd iiij
320 MERCURE
MONSEIGNEUR,
Cleft toûjours avec la même
joyer le même empreffement
que nous venons vous rendre nos ›
tres - profonds refpects. C'est un
devoir où nous ne trouvons pas
moins de plaifir que dejuftice.
Nous reconnoiffons ce qui eft
dú aurangque vous donne vostre
augufte naiffance ; mais nous
ne fentons pas moins ce que
mande de nous voſtre bonté
naturelle , qualitéfi rare , quoyque
neceſſaire , dans une fi grande
élevation , parce que le cœur
s'éleve ordinairement àproportion
de-
GALANT 321
de ce qu'il fe voit au deffus des
autres.
Combien de Princes croyent
n'eftre fur le Trône que pour
eux-mêmes , que pour fatisfaire
leurs defirs ne regardent leurs
Sujets que comme leurs efclaves ,
&font infenfibles à leurs peines.
Voftre religion , MONSEIGNEUR , & voftre
bon cœur vous donnent d'autres
fentimens vous fçavez que
Dieun'a mis les Souverains fur
la tête des autres hommes, quepour
les proteger, les fecourir
foulagerdans leurs maux , qu'ils
doivent comme luy defcendre de
les
A
322 MERCURE
leur élevation pour voir ce que
les peuples fouffrent entrer
dans leurspeines , & travailler
à les en délivrer
&
DNA ?
l'attaEn rempliffant un fojufte devoir , non feulement ils rendent
à Dieu ce qu'ils luy doivent,
mais ils fe foutiennent & fe
fortifient eux - mêmes , parce
qu'ils gagnent le cœur
chement des peuples , qui fait la
plus grande force des Rois. La
mifericorde & la verité gar
dent le Roy , & la clemence
affermit fon Trône , difoit le
plus fage & le plus heureux de
tous les Rois tant qu'il s'eft
GALANT 323
laiffe conduire par lafageffe de
Dieu.
Confervez donc , MONSEIGNEUR , cette bonté
fi agreable à Dieu , fi aimable
• pour tous ceux qui dépendent de
vous fi utile pour vousmême. Augmentez - la pour le
Clergé attaché à vous par tant
de liens , par religion , par reconnoiffance , par zelepour le Roy ,
dont on ne peut vous feparer
puifque le cœur & la tendreffe
vous unit à Sa Majesté encore
plus que la naiffance & le devoir.
Vous fçavez à quel point
nous luyfommes dévoüez , quels
1
324 MERCURE
efforts nous avons fait & voulons faire encore pourfonfervice ,
&que nous ne confultons plus
que nos cœurs &point nosforces
d'abord qu'il a beſoin de nous.
Tout cela vous répond
MONSEIGNEUR , de
noftre attachement pour vous
&nousfait efperer vostre bonté
pour nous , la continuation de
l'honneur de votre protection
pour tout le Clergé , nous vous
la demandons avec inftance ;
nous ofons affeurer que nous la
meritonspar noftreprofond respect,
par une fidelité à toute épreuve ,
& par les vœux finceres &
GALANT 25
• ardens que nous faifons pour
voftre longue confervation , pour
voftre profperité ,
de toute la Maifon Royale."
pour cel
Fermer
Résumé : Ce qui se passa à Versailles le 19 de ce mois lorsque Monsieur le Cardinal de Noailles s'y rendit à la teste du Clergé, & les Harangues que son Eminence fit au Roy & à Monseigneur le Dauphin, [titre d'après la table]
En août 1710, le clergé français a organisé une assemblée marquée par plusieurs événements notables. Le clergé a célébré pour la première fois la Messe du Saint-Esprit. Le 19 août, les membres du clergé se sont rendus à Versailles, où ils ont été accueillis par le comte de Pontchartrain, le marquis de Dreux et le maître des cérémonies des Granges. Le cardinal de Noailles a prononcé un discours au roi, exprimant la loyauté et le zèle du clergé envers la monarchie. Il a souligné que les malheurs et les révolutions n'affaiblissent pas leur fidélité, citant l'exemple du grand prêtre de David. Le cardinal a également évoqué les victoires du roi et les épreuves actuelles, exhortant à voir dans les peines une occasion de mériter un bonheur éternel. Il a loué le désir du roi de procurer la paix à ses sujets et à l'Europe, soulignant que la tendresse et la confiance des sujets sont les plus grandes richesses d'un roi. Par la suite, le clergé a rendu visite au Dauphin, où le cardinal de Noailles a réitéré les mêmes sentiments de respect et de dévouement, insistant sur la nécessité pour les souverains de protéger et de soulager leurs sujets. Le texte est également une lettre adressée à un haut dignitaire, probablement un membre de la famille royale ou un représentant du roi. Les auteurs expriment leur loyauté et leur dévouement envers le roi, affirmant que leur attachement est plus profond que les simples obligations de naissance et de devoir. Ils déclarent leur volonté de servir le roi avec dévotion et de mettre toutes leurs forces à sa disposition lorsqu'il en a besoin. La lettre demande la continuité de la protection et de l'honneur du dignitaire envers le clergé, assurant que cette protection est méritée par leur respect profond, leur fidélité inébranlable et leurs vœux sincères et ardents pour la longue conservation et la prospérité de la maison royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
16
p. 9-56
Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Début :
Je passe aux Discours prononcez dans l'Academie des [...]
Mots clefs :
Discours, Académie des inscriptions, Académie des sciences, Analyse, Inscription sépulcrale, Pontife, Empire, Religion, Parallèle d'Homère et de Platon, Chrétiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Jï passe aux Discours prononcez dansl'Academie des
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
Inscriptions, & dans celle des
Sciences, le jour de l'ouverture
de ces deux Academies Royales à leur rentrée d'après Pâques. L'Académie des Inferiprions s'ouvrit le Mardy zg.
du mois dernier par Mr de
Boze qui en est Secretaire perJ
petuel, qui fait toûjours l'Eloge des Académiciens morts j
dans le cours de l'année, & il
s'attira de grands applaudisse- j
mens en faisant celuy de feu
Mr de Corneille
;
Eloge d'autant plusdifficile à faire, que
j'avois fort étendu cette Matiere
>
& que Mr de la Motte j
en avoit fait un
très- beau le
jour desa reception à l'Academie Françoise. Mr de Boze dit
d'abord que Thomas Corneille étoit né à Roüen le 20e
d'Aoust 162 5. de Pierre Corneille Avocat du Roy à la Table de Mar bre
,
& de Marthe
le Pesant fille d'un Maistre des
Comptes, de qui estoientaussi
descendus Mrs le Pesant de
Bois Guilbert, donc l'un estoit
Conseiller en la Grand'Chambre du Parlement de Roüen,
& l'autre Lieutenant General
& Prcfident au Presidial de la
;
même Ville; que le jeune Mr
de Corneille avoit fait fcs
Classes aux Jesuites, & qu'il y
avoit apparence qu'il les fit
bien; que ce que l'on sçavoit
de plus particulier estoit, qu'étant en Rhetorique il avoit
composé en Vers Latins une
Piece que son Regent avoit
trouvée si fort à son gré qu'il
l'avoitadoptée, & qu'ill'avoit
substituée à celle qu'il devoit
faire representer à ses Ecoliers
pour la distribution du Prix de
l'année,& que lors qu'il eut
fini ses Etudes, il estoit venu à
Paris
,
où l'exemple de Pierre
Corneille son aîné), l'avoit
tourné du côté du Theatre,
1
exemple, quipour eflrc suivy,
*demandoit une affinité de gcnie que les liaisons du fang ne
donnoient point, & que l'on
ne comptoir gueres, entre les
Titres de famille.
f
Il parla ensuite de tous ses
Ouvrages, tant de Poësie que
de Prose, & quoy que l'on eût
déjà parlé à fond de tous ces
;
Ouvrages, on peut dire que Mr
* de Boze y
donna un tour nouveau, qui fit autant de plaisir
à ses Auditeurs que si la Matie-
| re eut elle nouvelle.
1 Mr l'Abbé Massieu, Pro-
fesseur Royal en Langue Grecque, qui à l'Assemblée publique du mois de Novembre avoit lû une Dissertation sur les
Sermens, dont je vous donnai
alors une Analyse, lût cette
fois.cy un Discours, dont le
sujetestoit, Paralelle d'Homere
&dePlaton. Il commença par
s'cxcufer sur ce qu'il entreprenoir de comparer deux grands
lionimes,qu'on avoit courume de concevoir sous des idées
fort différentes, & dit: Que si
au premier coup d'œil, l'opinion qu'il alloit avancer paroifloïcifnguliere, du moins
elle n'estoit pas nouvelle. En
effet, elle a, dit-il, eu d'illustres
Défenseurs dans l'Antiquité,
Ciceron, Denisd'Halicarnasse,
Quintilien, HeraclidedePont,
Longin, &c. Mais ces excellens Critiques se sont contentez de nous apprendre qu'ils
trouvoient une grande conformité entre Homere &Platon; & ne nous ont point laissé
les raisons sur lesquelles ils se
fondoient. Mr l'Abbé Massieu
tâcha de suppléer à leur silence, & representa que s'il ne
parvenoit pas à bienétablirce
qu'ils avoient crû, on ne de-
vroit point en tirer de consequence desavantageuse contre
le sentiment, qui est d'eux;
mais seulement contre les preuves qui étoient de luy.
Ensuite venant au détail, il
remarqua que deux Ecrivains
peuvent principalement seressembler par trois endroits; par
le fonds de la doctrine, par la
maniere d'enseigner, & par le
style.
Pour ce qui regarde ladoctrine, il fit voir que les principas d'Homere & de Platon
estoientà peu prés les mêmes.
1. Sur la Religion, 2. Sur la
Politique. 3. Sur TOcconomie & sur les autres parties de
la Morale.
Quant à la maniere d'enseigner,ilss'estoient,dit-il, proL
posezl'un& l'autre dinstruire
en divertissant, & de cacher le
precepte fous l'appas du plaisir. Et parce qu'entre tous les
genres d'écrire ,iln'yen avoie
point de plus propre adonner
du plaisir aux Lecteurs, que
celuy où il entroit le plus &
d'imitation & de fixion; c'eil
à celui-là, poursuivit-il
,
qu'ils
s'estoient principalement atiachez. Homere & Platon é-
toient,continua-til, premierement les deux plus grands
Peintres qu'ait euë l'antiquité:
& en second lieu, les deux
Ecrivains qui dans leurs Ouvrages avoient le plus frequemment & avec le plus de succés
employé les fyrnboles & les allégories.
Enfin pour ce qui concernoit le style. 1. Platon cite continuellement Homere. 2. Il
ne se contentoit pas de le citer,
il tâchoit de transformer son
style en celuy de ce Poëte, empruntant de luy des expressions qu'il enchassoit dans les
siennes propres y
de telle forte
que les unes & les autres ne
faisoient plus ensemble qu'un
mefmc tiuu. 3. Dans les endroits où il ne citoit ny necopioit Homere, son style ne
laissoit pas d'estre tout poétique. On sçait, dit-il, que ce
qui faisoit l'essence de la Poësie,
n'estoit pas precisement la mesure, ny un certain arrangement de mots; que c'estoit
principalement la pompe de
l'expression, la hardiesse des
figures, la vivacité des defcri-
< 3
ptions,& sur toutje ne fçp.is
quelle chaleur heureuse qui se
répandoit dans tout le discours
&quil'animoit.Ortoutesces
qualitez Ce trouvoient dans
Platon au souverain degré.
Mr l'Abbé Massieufinit par
rassembler les traits principaux
qui formoient une vraye ressemblance entre Homere &
Platon, & par dire que de ces
deux Ecrivains presque égaux
en tout, le premier n'avoic
peut-estre sur le second d'autre
avantage, que celuy que tout
1 Original avoic necessairement
sur sa Copie.
Je dois a
joûter icy, que
Mr l'Abbé Massieu, possede
parfaitement trois Langues, 6c
qu'il sçait dans ses Ecrits, joindre l'Atticisme des Grecs,
l'Urbanité des Romains,& la
politesse des François.
Mr l'Abbé de Tilladet parla
aprés Mr l'Abbé Massieu, &
fit une Dissertationdans laquelle après avoirexpliqué la
prééminence du Souverain
Pontificat des anciens Romains, il en tira un avantage
pour prouver que les premiers
Empereurs Chrestiens avoient
pris, & avoient Ineflne dû
prendre la qualité de Souverain Pontife; de forte que la
premiere partie de sonconcours
forma une espece de preuve
&de prejugé en faveur de la
seconde partie,qu'on pouvoit
regarder pour cette raison
comme une consequence de la
- premiere. Car s'il est vrJY
,
dit il, ainsiqu'on le démontre
par les Medailles, par une foule de passages d'excellens Auteurs
,
que le grand Sacerdoce
ait toûjours esté une dignité
éminente; que chez les Grecs
&chez les Latins elleaitsifort
approché de la Royauté, qu'on
les y
ait souvent confonduës
ensemble; qu'à Rome durant
la Republique le grand Pontife quiestoit perpetuel ait esté
constamment superieur aux
principaux Magistrats, parmy
lesquels il y avoit une continuelle revolution; que cette
puissance si distinguées'étendit, selonFestus, sur toutes
les choses divines & humaines;
s'il eftvray que par là le grand
Pontife se fut acquisun souverain empire sur les Citoyens,
non pas à la vérité en toutes
occasions,& à touségards;unempire absolu qu'il pût exercer immédiatement; mais un
empire indirect,qui par le
mélange de la Religion avec la
Politique, par la liaison des affaires, la correspondance des
personnes
,
la subordination
des Charges. & la combinaison des évenemens, ramenoit
la Republique entiere aux vûës
& aux fins du Ch\.f de la Religion; s'il est vray que Cesar
n'eut tant ambitionné le souverain Pontificar, qu'à cause
que cettedignitéestoit seule
propre à couvrir son usurpation, &à rendre moins odieux:
l'exercice d'une autorité sans
bornes; que de tous les titres '1
de ce premier Empereur Romain.:
main, celuy cy fut l'unique
qui luyeût conservé les honneurs de la scpulture, & du
respect à sa memoire immédiatement après sa mort: s'il
est vray enfin que ses successeurs ne l'eussent esté qua la
faveur du Titre de grand Pontife,auquel étoit attachée principalement la souveraine puissance, il s'ensuivoit que les
Empereurs Chrétiens n avoient pû s'assurer le droit inconte stable de régner, qu'en
acceptant cetre mesme qualité de ceux qui la leur conferoient, comme une qualité in-
dispensable en les élevant à
l'Empire.
Ce fut ce que Mr l'Abbé
de Tilladet rendit plus sensible par deux exemples. Le
premier fut de Macrin, qui
qupyque déja ëlù & proclamé
Empereur, ne fut neanmoins
avoüé pour tel qu'après que le
Sénat l'eut declaré & salué Souverain,Pontife, voulant que
cette formalité; que cette nouvelle reconnoissance futconsiderée comme une condition
essentielle, & comme une espece d'investirure; en forte
que de mesme qu'aujourd'huy
la qualité de Roy des Romains
doic necessairement preceder la
dignité Impériale, le Souverain
Pontificat ne dût pas moins
accompagner alors la Majesté
des Empereurs.
Le second exemple fut pris
de Gratien, qui refusa la Robe Pontificale que luy presentaleColege des Pontifes,estimant ce refus convenable à sa
qualité de ChreHien. Il méprisele grand Ponnficat, dit le
plus distingué d'entre les Prêtres
,
dans peu un autre pourroit bien devenir en sa place
Souverain Pontise;il vouloit
dire aussi, & par conlequent
Empereur: Si Princeps nonvult
appellari Pontifex, admodum breUi Pontifex Maximusfiet. Expreluon ambiguë & équivoque, jeu de paroles ingenieux,
qui faisoit allusion au Tyran
Maxime, dont le nom répond
au terme qui exprime en Latin
le suprême Pontificat; maniéré
de menace audacieuse, quoy
qu'envdopée, espece de prédJébon énigmatique, qui fut
bien rôt suivie de l'évenemenr;
car peu de temps après Maxime ayant fait tuer Grarien,
usurpa 1 Empire&apparem-
ment ne fut il si entreprenant
& si hardy qu'à cause qu'il se
sentitappuyédesPayens,& sur
tout de la factiondes Pontifes
indignez, qui sçavoient bien
que ce nouvel Empereurne
refuseroit pas d'eux, comme
avoit fait Gratien, les signes
éclatans du Souverain Pontificat.
A ces motifspressans qu'avoient les premiers Empereurs
Chrestiens d'accepter pour se
maintenir, le Titre de Souverain Pontife, Mr l'Abbé de
Tilladct joignit d'autres preuves plus positives, tirées des
Auteurs & des Monumens. Il
cira Zozime, L. 4. p. 761. Au.
sone dans son Action de graces a Gratien, un Edit de Valentinicn & de Marcien, Edit
inseré dans la troisiémeSession
du Concile de Calcédoine. Il
raporra les acclamations d'Empereur Pontise, faites pour
Theodose dansle Concile de
Constantinople, fous le Patriarche Flavien; il fit venir à
son secours le PapeGregoire,
qui reprochant à l'Empereur
Leon Iconomaque, de s'estre
renommé Pontife, ne l'en reprit qu'en ce qu'il n'en soûte-
noie pas assez dignementle
caractëre. Vous avez écrit,
luy dit-il, je fuis Empereur &
Pontife. Ce sont vos predecesseurs, ajoûta le saint Pere, qui
avoient prouvé par leurs paroles& par leurs actions qu'ils
estoient appeliez Pontifes à
juste titre.Tels estoientle
grand Constantin, le grand
Theodose & le grand Valentinien, dignes Empereurs &
Pontifes, parce qu'ils gouvernoient l'Empire religieusement, & qu'ils avoient foin
desEglises.
Sur ce qu'on objeéte que
Zozimeestsuspect, parce qu'il
haïssoit les Chrerstiens, Mr
l'Abbé de Tilladet entrant
dans le détail des circonstances du témoignage de cet Auteur,
fit voir l'espece d'impossibilité morale qu'il y
avoir,
que Zozime eût Ole, ny me..
me voulu entreprendre d'imposer au public; & ce qui rendit encore à Mr l'Abbé de
Tilladetletémoignage de ce
Payen plus digne defoy, ce
fut qu'il avoit esté suivy en
dernier lieu par Baronius, qui
l'avoit dû examiner d'autant
plus exactement avant que de
l'adopter, qu'il n'avoir pas
craint de lè traiter de calomnie
dans CeS" Notes sur le Martyrologeau 22. dAousta& que
depuis, mieux insiruitilnous
declare dans ses Annales 312.
qu'il n'a pas honte d'avouer
qu'en soûcenant que les Empereurs Chrestiensn'avoient
pas esté nommez Souverains
Pontifes, il estoit tombé dans
une erreur grossiere parlaforte envie d'épurer trop scrupaleusement leur Religion, &
faute ou d'avoir vu les Monumens qu'il avoit recouvrez
depuis, ou d'avoir fait assèz
d'attention à
ceux qu'il avoie
eus autrefois entre les mains.
Ce fut de ces mêmes Monumens, de ces Inscriptions ou
les premiers Empereurs Chrétiens font nommez Souverains
Pontises, que Mr l'Abbé de
Tîlladettira une nouvelle preuve, & quand on luydit ou que
ces Monumens avoiencesté
érigez par des Gentils, ou
qu'ayanr esté faits d'abord
pour des Empereurs payens,
ils avoient esté ensuite, au
moyen de quelque ch angement appliquez & transferez
à leurs Successeurs il répond
qu'il suffit que les Empereurs
CChrétiens hrétiensn'ayeni n'ayentpupû ~norer ignorer
que ces Inscriptions où ils
estoient appeliez Souverains
Pontises, paroissoientpubliquemenr à leur gloire, Se
qu'ayant pû l'empêcher, ils
r
ayent toutefois permis qu'elles
subsistassent, & qu'elles passasI
sent à laposterité.
-
Si par la difficulté deresister
à de si fortes preuves, on se
t retranche à s'écrier que les prcmiers Empereurs Chrétiens
n'estoient
pas vrayement Ponsises
,
& qu'ilsn'ont esté ap-
[ pellez tels qu'abusivement, que
par Métaphore & par allusion
à des vertus, ou à des pouvoirs convenables à
ceux qui
portoient dignement cette
qualité, Mr l Abbé de Tillader se contenta qu'on luy abandonnât le titre, duquel seul il
s'agissoit
,
déclarant qu'il ne
prétendoit pas non plus que
Baronius, que Constantin, Valentinien, Valens, Gratien, &c.
eussent esté Pontifeseneffet,
de qu'afin de se faire consacrer
tels, ils fussent descendus dans
une fosse pour y
répandre en
sacrifice le fang des Taureaux,
pour en boire, s'en faire arro-
Fer, & y
observEr les autres
ceremoniesdécrites sur ce suet par Prudence dans une de
ses Hymnes. Mais il persevera
"a soutenir qu'ils avoient porté
le nom de Pontife, & qu'ils
avoient pu l'accepter sans prévarication; du moins par là,
reprit il, n'eussent ils pas renMu leur foy suspecte, fous les
auspicesdecette même dignité,n'eussentils pas autorisé la
Religion payenne
,
à laquelle
cette même dignité devoit son
o
établissement ? oüy, poursuivitil,siles Empereurs Chrétiens
appeliez Pontifes, n'eussent pas
fait ouvertement profession
authentique d'une Religion
contraire qui profcrivoit les
faux Dieux, & renversoit les
Idoles? Mais ils avoient,ajouta t-il, besoin du titre pour se
conserver la souveraine puissance qui yavoit toûjours esté
attachée,&sur tout pour pallier sagement certaines Canai..
tutions propres à reprimer les
libertez du Paganisme qu'ils
estoient obligez de tolcrer encore
,
& lequel par cette souveraineautoritépalliée du titre de Pontife ils ne laissoient
pas de trouver moyen de rui-
;ocr insensiblement. Les Princes comme les autres hommes,
ajouraà ce propos Mr l Abbé
ide Tilladet, doivent user de
icondefcendance & de ménagement ; par l'attention & la
longanimitéils viennent à
bout des plus difficiles entreprises: au lieu qu'un zele indifcret & une conduite précipitée, gâtent les meilleures affaires, & les plus faintes œuvres.
On sçait,poursuivit-il, ce que
des gens de ce dernier caraéèc.
re ont tant de fois couté à l'E-
-
glise, & ce qu'ils peuvent luy
coûter encore.
Falloit-il donc, continua t
il,
que les premiers Empereurs
Chrétiens abjurant par une
outrée delicatesse de Religion
mal-entendue
5
cette dignité
devenuë si indifférente en ellemêmeàl'égard du culte, mis
-
sent en danger tout à la fois,
& leur Empire, & l'Empire de
Jesus-Christ?Mr l'Abbé de
Tilladet parcourut les inconvénients qui en feroient arrivez, & qu'il feroit trop long
de rapporter icy. Il parcourut
demême les avantages qui revenoient au Christianisme, de
l'acceptation du titre desou-
verain Pontife par les Empereurs Chrétiens, &ilfinit par
montrer évidemment que le
grand Pontificat s'étant trouvé dés le commencement de
l'Empire dégagé dans les Em-
: pereurs de toutes fonctions sacrées, il ne leur estoit resté de
cette dignité suprême que le
nom, accompagné du souverain pouvoir, encore moins
aux Empereurs Chrétiens, qui
par leur profession du Christianisme inseparable. du renoncementàl'Idolâtrie, declaroient à
toute la terre que le
titre de souverain Pontife né-
toit pas davantage en eux, un
titre de superstition
,
que le
Titre de Roy de Pologne a
esté
depuis un titre de Domination
sur les Polonois dans Henry
IIIeaprès qu'il eut renoncé au
Royaume de Pologne. De là
Mr l'Abbé de Tilladet conclut
que si la Minerve & le Pantlicon, deux Temples des faux
Dieux, avoient pû avec leur
nom) leurs matériaux
,
leur
:
forme, & une partie de leurs
ornements, retenir leur ancienne magnificence, sans conserver pourtant le caratfterc
d'idolâtrie, dont par là ils fem-
bloient encore porter les traits,
toute tâche& tout soupçon,
en ayant esté effacez par leur
publique translation & con secration à la vraye divinité, il
fautreconnoître demême que
les idées ayant varié suivant la
diversité des temps
&des circonstances, que le titre de souverain Pontife ayantchangé
de nature & de signification erspassant aux Empereurs, bien
davantage en passant à des Empereurs Chrétiens avoit pû le
conserver sur leurs têtes avec
toute sa splendeur &toute son
autorité sans aucun reste de
superstition, attendu le nouvel
usage qu'ilsfaisoient de cette
souveraine puissance, le besoin
qu'ils en avoient, & le devoüement public de leur perron..
ne & de toute leur grandeur,
à la Religion Chrétienne. La
prudence demandoit qu'ilsattendirent à cesser d'estre nommez Pontifes que les Romains
presquetous convertisen dussent estre moins allarmez, que
la foy ne fut plus si exposée
aux mauvais effets des Révolutions humaines, & que de
tous les grands titres, celuy
qui estoit le plus ancien & le
puis reveré dans Rome payenne, devint dans Rome chrétienne par une nouvelle application, le nom du monde le
plus venerable & le plus saint.
Mr Henrion -
lut ensuite un
Discours qui regardoit lesInscriptions sepulchrales Antiques dont il avoit déjà parlé
dans une autre Assemblée, &
fit connoistre que les sujetsqui
avoient quelque rapport effentiel à quelque partie de la Jurisprudence)& les Inscriptions
sepulchrales, comme les nomme l'Empereur Alexandredonnant un très- grand jour à nos
Titres tant Civils que Canoniques, devoient avoir le plus
d'attraits & de charmes pour
luy.
Il ajouta que personne ne
s'étonneroit sans doute qu'il
eust choisi une matiere convenable aux deux Compagnies
dont il avoit l'honneur d'estre
Membre
,
& que peut
-
estre
même ce choix paroîtroit d'autant plus sage qu'ayant déja
deux sçavantes Introductions
à la Sciences des Medailles, l'un
des deux objets qui avoient
donné leurs noms à cette
Compagnie, l'autre objet de
la même Compagnie, ou les
Inscriptions devoient ce semble d'aurant moins estre négligées,qu'elles estoient, s'il osoit
le dire, d'une plus vaste étendue
& d'une plus grande utilité que
les Médaillesmêmes, comme
il feroit aisé d'en juger par la
feule espece dInscriptions antiques dont il entreprenoie de
parler, en attendant qu'une
plus habile main se chargeait
d'un Corps d'ouvrage entier
sur les Inscriptions antiques
en general.
Il dit ensuite, que le but
qu'il s'estoit proposé dans cette
tentative se reduisoit à
deux
points ; que dans le premier il
avoir entrepris dedécouvrir,
quel avoir esté l'esprit des anciens Grecs & Romains dans
l'apposition des Inscriptions
sepulchrales
,
& d'examiner
avec foin en quoy consistoit
chez eux le droir d'Inscriptions
sepulchrales
; que le second
consistoit à développer quel
estoie chez les anciens Grecs
& Romains l'artifice des Inscriptions sepulchrales, & à
reduire en Art, la Doctrine &
la Composition decesInscriptions; qu'il avoit reduit dans
une
une Dissertation precedente
loue ce qui regardoit le droit
des Inscriptions sepulchrales,
& l'esprit des Anciens dans
leur position aux sept chefs
suivans. Aux différents motifs
quiavoient donné la naissance
aux Inscriptions Sepulchrales;
à l'antiquité & à l'usage universes des Inscriptions Sepulchrales chez tous les Peuples
Je la terreun peu civilisez; aux
personnes qui avoient droit
d'Inscriptions Sepulchrales
;
à
celles à qui appartenoit le foin
de les faire & de les poser aux
lieux où elles avoient coutûme
d êcre placées; aux matieres sur
lesquelles elles étoient gravées;
& enfin aux caracteres, par la
beauté,la grandeur& la profondeur desquels on tâchoit
d'en rendre la durée éternelle.
Et qu'ainsi il ne luy restoit
qu'àdéveloper à la Compa.
gnie l'ingenieux artifice avec
lequel les anciens Grecs & Romains composoient leurs Epitaphcs;a rassembler dans un
Corps la Doctrine de ces pretieux Monumens, & à tâcher
de réduire en Art uneconnoifsance dont les Recüeils de Gruter & les autres choses ne nous
presentoient les principes & les
réglés que par lambeaux, &
par exemples détachez; que
c'estoit de lïnduébon générale
de ces exemples, qu'à force de
meditation & d'observations,
il avoit levé le plan qu'il alloit
avoir l'honneur de proposer à
la Compagnie sur la Science
des Inscriptions sepulchrales.
Il ajouta qu'il examineroit
d'abord, ce qu'on devoit entendre par Inscriptionsepulchrale; quelle estoit la simplicité
des Inscriptions sepulchrales
dans leur naissance; la prodigieuse multitude de branches
qui pullulerent de certe ancien-
ne simplicité;le point de plenitude&de perfection où l'Art
& l'Invention avoient amené
la composition des Epitaphes,
& enfin l'elocution des Epitaphes & les divers avantages
que l'on pouvoit en tirer pour
tous les divers genres d'Arts
& de Sciences; que s'il estoit
échapé quelque chose d'cdcntiel à sa premiere vûe
,
il esperoit qu'on luy seroit grâce en
faveur de la nouveauté de son
d.flein, & que s'il ne faisoit
qu'indiquer en courant c
hacune des parties de cet Art, il
seroitaisé de s'en prendre à la
briéveté du temps qui ne permettoit que de donner une
idée generale& legcre de tout
ce qui regardent cette Science.
Mr Henrion tint parole, & fit
le détail de tout ce qu'il avoit
promis, & finit en disant, qu'il
Lissoit à quelque Spanheim futur à donner un Traité sur ce
sujet,& qu'en attendant illuy
fust permis de se plaindre des
injures du temps impitoyable
qui nous avoit enlevé la plus
grande partie de ces Monumens precieux; mais plus encore des injures des hommes
qui sans respect pour la Reli-
gion des Tombeaux, pour leur
propre instruction & pour la
nostre, avoient souvent employé les Tables des Inscriptions sepulchrales à l'indigne
usage de faire de la Chaux;
que peut estremême le zele du
Christianisme nous avoir encoreplus enlevé que le temps
& l'ignorance
;
mais que du
moins il en estoit assezresté
pour essayer d'en tirer une Introduction à la Science des
Inscriprions fcpulchrales
,
&
qu'il avoüoit que ce seroit la
faute non des Matériaux, mais
de l'Ouvrier, si dans la Diifcr.
tation qu'il avoit déja donnée
sur cette matiere, il n'avoir pas
assez bien développé quel estoit
l'esprit des anciens Grecs &
Romains dans t'appotnion des
Inscriptions sepulchrales ,ou
si danscelle qu'il donnoit alors
il n'avoit pas montré dans tout
son jour, l'ingenieux artifice
avec lequel les anciens Grecs
& Romains composoient leurs
Epitaphes, les deux seuls points
où il avoit réduit l'Art & la
Doctrine des Inscriptions sepulchrales.
Mr Foucaulr, Conseiller d'Etat, & l'un des Presidens ho-
notaires de cette Academie
ayant pris la parole après que
chaque Académicien eut parlé,
resumaleurs Discours d'une
manière rout à faitingenieuse,
&qui fit beaucoup de plaisir
à toute l'Assemblée.
Fermer
Résumé : Discours prononcez à l'ouverture de l'Academie Royale des Inscriptions, d'aprés Pasques, [titre d'après la table]
Le texte relate les discours prononcés lors de l'ouverture des Académies Royales après Pâques. L'Académie des Inscriptions s'est ouverte le 29 mars avec un éloge de Thomas Corneille par Mr de Boze, secrétaire perpétuel. Cet éloge était particulièrement difficile car Mr de la Motte avait déjà traité le sujet lors de sa réception à l'Académie Française. Mr de Boze a mentionné que Thomas Corneille est né à Rouen le 20 août 1625, fils de Pierre Corneille, avocat du roi, et de Marthe Le Pesant. Il a étudié chez les Jésuites et a composé une pièce en vers latins remarquée par son régent. Après ses études, il s'est tourné vers le théâtre, influencé par son aîné Pierre Corneille. L'Abbé Massieu a lu un discours sur le parallèle entre Homère et Platon, soulignant leurs similitudes dans la doctrine, la manière d'enseigner et le style. Il a noté que Platon citait souvent Homère et empruntait son style, et que les deux auteurs utilisaient des symboles et des allégories. Massieu a conclu que Homère avait peut-être un léger avantage sur Platon en tant qu'original. L'Abbé de Tilladet a ensuite parlé de la prééminence du souverain pontificat des anciens Romains, prouvant que les premiers empereurs chrétiens avaient adopté cette qualité pour légitimer leur pouvoir. Il a cité des exemples comme Macrin et Gratien pour illustrer l'importance de ce titre. Tilladet a également présenté des preuves tirées d'auteurs et de monuments, comme Zozime et le Pape Grégoire, pour soutenir son argumentation. Il a conclu que les empereurs chrétiens avaient permis que des inscriptions les désignant comme souverains pontifes subsistent, montrant ainsi leur acceptation de ce titre. L'Abbé de Tilladet a également soutenu que les premiers Empereurs Chrétiens ont porté le titre de Pontife sans prévarication, car ce titre leur permettait de conserver leur souveraineté et de réprimer les libertés du paganisme. Il a argumenté que les empereurs chrétiens n'ont pas ouvertement professé une religion contraire, mais ont utilisé ce titre pour des raisons politiques et religieuses. Tilladet a comparé cette situation à celle du titre de Roy de Pologne, qui a changé de signification après la renonciation au royaume. Il a conclu que le titre de souverain Pontife a pu être conservé par les empereurs chrétiens sans connotation superstitieuse, grâce à leur dévouement à la religion chrétienne. Mr. Henrion a présenté un discours sur les inscriptions sépulcrales antiques, soulignant leur importance pour les titres civils et canoniques. Il a expliqué que son but était de découvrir l'esprit des anciens Grecs et Romains dans l'apposition de ces inscriptions et de développer l'artifice de leur composition. Henrion a détaillé les motifs, l'antiquité, et les usages des inscriptions sépulcrales, ainsi que les personnes ayant droit à ces inscriptions et les matériaux utilisés. Il a regretté la perte de nombreux monuments précieux et les dommages causés par l'ignorance et le zèle excessif du christianisme. Enfin, Mr. Foucaulr a résumé les discours de manière ingénieuse, plaisant à toute l'Assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 56-102
Discours prononcez le lendemain à l'ouverture de celle des Sciences, [titre d'après la table]
Début :
Le lendemain 30e. l'Academie Royale des Sciences ayant [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Fontenelle, Discours, Plantes, Baromètre, Animaux, Matière, Malades, Médecine, Mercure, Assemblée, Botanique, Métal, Minéral
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours prononcez le lendemain à l'ouverture de celle des Sciences, [titre d'après la table]
Le lendemain 30e. l'Academie Royale des Sciences ayant
tenu aussi sa premiere Assemblée publique d'aprèsPasques,
fut ouverte par M' de Fontenelle Secretaire perpetuel de
la Compagnie, qui estant eagagé par la coûtume à faire un
Eloge historique de tous les
Académiciens - morts, fit celuy
de M de Chazelles Proresseur
en Hidrographie à Marseille. ,.
Il dit qu'il excelloit dans l'Art
de lever des Plans
y
& de dresser
der Cartes par le moyen des
Observations Astronomiques,
ausquelles il s'estoit fort exercé à l'Observatoire sous Mr
Cassini, éc qu'il avoir fait un
grand nombre de Campagnes
sur les Galeres, & avoit couru
toute la Mediterannée en faisant. des Descriptions exactes
des Ports,des Rades, des Côtes, &c.
Mr Reneaume, lûtun Difcours
de sa composition sur la
découverte d'un nouveau Febrifuge.
Il dit que si la Botanique se
bornoit àlanomenclature des
Plantes, & à la critique des
Auteurs, ce ne seroit qu'une
Science sterile, quoyque
tres-étenduë, dont le travail
& les fatigues ne produiroient
aucune utilité; mais que le
dessein des Botanistes estoit
bien plus vaste, puisque non
seulement ils pretendoient rassembler fous un certain point
de vûë, tout ce ce que l'Univers contient de Plantes, ils
vouloient encore rechercher
soigneusement l'usage & la
la vertu de chacune en particulier; que c'estoit par cet endroit que la Botanique devenoit une partie essentielle de la
Medecine; que ce grand dessein ne pouvoir s'exccuter que
par parties, & pour ainsi dire
piece à piece,tantôtenrecherchant curieusement ce que
chaque Contrée produisoitde
Plantes, tantôt en examinant avec exactitude, & par
différentes routes, leurs bonnes ou mauvaises qualitez.
Il ajoûta, qu'entre ces soins,
celuy de découvrir de nouvel-
lesPlantes,& çeluy de mettre à profit les experiences des
Etrangers
,
estoient devenus
dans les derniers temps la passion dominante desBotanstes
qu'ils y
avoient mesme si heureusement réüssi, qu'on pouvoir dire que jamais le nombre des Plantes connuës n'avoit eite si grand, ny la matiere Medecinale plus abont dance; qu'on pourroit cependant dourer avec raiCon)fices
rîchesses estoient aussi avanrageusesà la Medicine, que tout
le monde se l'imaçinoit;qu'elle en avoit sans doute ressenty
le contrecoup; que comme il
arrivoit que dans la construction de la plûpart des nouvelles Machines,on perdoit d'un
côté ce que l'on gagnoit de
l'autre, de mesme à force d'avoir trop de remedes, d'un
côté on negligeoit la Methode si necessaire pour en bien
user, de l'autre le trop grand
empressement que l'on avoit
eu pour connaître les Plantes
étrangeres, avoit presque fait
abandonner l'étude de celles
qui croissoient fous nos pieds.
Il fit voir que cela se remarquoic particulièrement dans le
genre des Febrifuges, & il fit
une peinture par laquelle il fit
connoîtrc que la connoissance
du Kinkina qui fut d'abord
élevé jusqu'aux Cieux, fit auffitôc disparoître la plûpart des
remedes qui l'avoient précédé,
& il nomma plusieurs remedes
mis en oubly, quilorsqu'on
les sçavoit bien employer, fai-
,
soient des effets qui n'eftoienc
ny moins feurs ny moins fur-'
prenans que ceux du Kinkina;
& il fit connoître qu'il estoit
peu de Medecins qui n'eussent
trouvé plusieurs Malades rebutez du Kankina, ou pleins
d'aversion pour ce remede, cc
qui luy avoit donné occasion
de découvrir le nouveau Febrisuge, dont il entretint ensuite la Compagnie:il dit toutes les raisons que les Malades
avoient de s'en plaindre, & il
fit beaucoup de reflexions làdessus. Ilparla de plusieurs experiences d'Alexandre Pascoli
faites en France sur la vertu sebrifuge de la noix de Cyprès,
affirmant qu'il les avoit verifiées avec succés, & il dit que
tout le monde connoissoiit cette noix pour un Astringent;
qu'il trouvoit dans cc remede
dequoysurvenir à tous les inconveniens dont il venoit de
parler ; qu'outre cela l'idée
nouvelle, & peut-estre veritable, de la digestion faite par latritutation, luy avoit sourny beaucoup de raisons pour
appuyer ce remede, & pour
luy en faire esperer une heureuseréussîte. Mais que bien
loin, comme il arrive souvent
à
ceux qui raisonnent ainsi,
que ses espennces sussent vau
nés
,
lévenement avoir furpnffe son attente.
Il dit qu'il commença à se
se servir de la noix de Cyprès
en 1704. qu'en Essé & pendant l'Automne il y eut beaucoup de Malades; que la plûpart n'estoient attaquez que
de fievresintermitentes de
toute espece & de différent caraétere; mais beaucoup plus
de tierces trregutieres & doubles tierces, qui estoient souvent accompagnées de dévoyemenr; que plusieurs de
ces Maladesqui avoienc esté
préparez par ces remedes géneraux, ayant pris de cette
noix avec succés, il arriva une
occasion dans laquelle la personne qui preparoit les reme-
des donna la noix de Galle au
lieu de celle de Cyprés qu'il
avoir ordonnée; que ce remede ayant eu tout le succés qu'il
en auendoit, & qu'il avoic
éprouvé de l'autre, il ne se feroit point apperçû de l'erreur
sans le fait qui fuit. Qu'entre
les Malades qui furent guéris
par la mesme méprise, il s'en
trouva un qui se plaignit, quoique guery
,
d'avoir esté resserré pendant trois jours,& d'avoir rendu des excrcmens noirs
comme de l'encre après un lavement,ce qui épouventa fore
le Malade, & luy fit craindre
que l'on ne se fût trompé
y
&
que l'on n'eut mêlé quelque
chose de vitriolique, ou de serrugineux avec cette poudre;
que pour s'en éclaircir il demanda ce que l'on avoir donné à
ce malade; qu'il remarqua
dans la réponse l'heureuse meprise qui luydécouvrit un nouveau remede; qu'il dissunula
la chose,estant bienaise d'observer le fait de plus prés; que
la noirceur des digestions ne
l'embarassa pas quand il fit reflexion que lorsqu'on laisse ces
fortes d'artringens dans quelque liqueur,& qu'il s'y ren-
contre quelque acide, ou partie serrugineuse,ils ne manquoient point de senoircit, &
de communiquer leur teinture,
& que l'usage qu'en saisoient
les Teinturiers prouvoit ce
fair.
Il fit ensuite une description
de toutes les noix de galle, &
du bien qu'elles avoient fait à
tous ceux à qui il en avoit donné, ce qui luy reiïffit si bien,
que Mr Collot Docteur en
Medecine de la Faculté de Pa.
ris, auquel il avoit fait part de
ces faits, s'en voulut aussi servir
:
Et il ajoüca, quel'expe-
rience répondit à
souhais, que
quelques personnes charitables
surprises de la bonté d'un Remede qui coutoit si
peu, s'épargnerent ladépense du Kinkina dont elles ne se servirent
prcfque plus dans la fuire, donnant en sa place le nouveau
fébrifuge dans toutes les incermitentes. Il nomma deux autres Medecins de la Faculré qui
avoient fait la mesme chose,
& dit, que ce grand nombre
de guerisons ne laissoit aucun
scrupule sur l'efficacité de ce
Rcmede; & l'obligeoit à\cn
faire part à la Compagnie.
Il décrivitensuite la maniere
dont on dévoie préparer les
Malades pour bien faire operer
ce remede, & la maniere de le
mettre en usage. Il poursuivit
en disant qu'il estoit confiant
que les fièvres inrermitentes,
dépendoicnt uniquement de la
mauvaise qualité duchyle; que
ce feroit si l'on vouloit l'aigreur comme quelques-uns
l'assurent
;
qu'il falloit une certaine quantité de ce chyle aigre
dans le fang pour y
causer le
trouble ou fermentation que
l'on nomme siévre; que cette
quantités'accumuloit plus ou
moins promptemenr à proportion que lesalimensétoient
plus ou moins bien digérez, ce
qui cau foit ladistancedifférente des accès, & rendoit raison
de leur retour si regulier
,
que
les vices de la digestion pouvoient venir tantôt de la disposition de lestomac
,
tantôt
de celles des parties voisines, ce
qui donnoit à
ces fiévres un caractere & des accidents différents qui servoient alesdistinguer, & montroient qu'elles
devoient estre traitéesdifferemment,quoy qu'elles parussent
assez semblables aux yeux du
vulg aire.
Il continua en disant si on
ne pouvoir pas attribuer ces
vices de la digestion à trois choses princi pales
,
sçvoir, pour
ce qui regardoit l'estomac, ses
si')res relâchées, ou irregutierement tendues ; & pour ce qui
regardoit l'estomac étantchargé & rempli d'alimens plus
qu'il ne devoit l'estre, ses fibres
qui se trouvoient trop tenduës
pendantuncertain temps, perdoient leur ressort & ne se
contractoient plusassez pour
broyer les alimens aussiparfaitement qu'il étoit necessaire;
que les fruits, par exemple, qui
souvent
souvent n'estoient îndigestes
que par la trop grande quantité que l'on en mangeoir,
pouvoient facilement caufcr ce
relâchemenr des fibres par leur
volumeou par leur humidité,
& par consequent empêcher la
digestion, ce qui donnoit lieu
au chyle de s'aigrir, & causoit
enfin la fiévre
> que d'un autre
côté le trop grand usage du
vin & des liqueurs ardentes &
spiritueuses pouvoient alrerer
le tissu des fibres & leur causer
une tensionvicieuse&irreguliere;&untenesme si l'onvouloit
,
ou irritation qui enlpê::
choit l'égalité du broyemenç
& la parfaite digestion; de fou
te que cette disposition, quoy
qu'opposée aurelâchement,
produiroit néanmoins des ef.
fcts a(kz semblables; mais lors
que le cours de la bile eftoic
interrompu
,
le chyle qui tendoit toûjours à s'aigrir, dénué
de cet amer huileux & balsa.
mique
,
n'avoit plus rien qui
corrigeât son aigreur
,
& réunît ses principes; de maniere
qu'il ne manquoit point en se
mêlant au fang de le faire fer-,
menter, & decauser une fièvre
intermitente. Hltermncore.. - -
Il dit encore plusieurs choses pour prouver que le nouveau febrifuge dans les fiévres
produites par les deux premie-
,
res causes, devoit estrepréféré
au Kinkina, ce qu'il prouva par
beaucoup de raisons, & il finit
en disant
,
que si l'on faisoit
attention à tout ce qu'il venoit
de dire,ilseroit facile dediscerner les occasions dans lesquclles on devoir employer le nouveau febrifuge,d'avec celles qui
,
demandoient l'usage du Kinkina, auquel on pouvoir nean-
[ moins le substituer en toute
! rencontre.
Mrde laHireleCadet,lût
un beau Discours touchant
l'Analogie qu'il y a entre les
plantes & les animaux- & l'utilité que l'on en peut tirer. Il
commença par faire voir les
raisons pour lesquelles l'étude
de la Botanique&de la Physique des plantes, avoit paru
jusqu'icy la plus sterile qu'il y
ait dans toute la nature. Il fit
voir après,que quoique laBotanique parut fournir si peu,elle
estoit neanmoins toute remplie de faits curieux IIdit,qu'il
n'étoit pas aisé de rendre raison
de tous les faits qu'on y pou-
voit observer sur tout si l'on
demandoit que les preuves que
l'on en rapporteroit
,
fussent
tirées immédiatement des plantes; que si l'on ne trouvoit pas
dans une plante l'effet quel'on
y
recherchait, on le trouvoit
dans un autre; il en rapporra
les raisons
;
3c il fit voir qu'on
fc pouvoit servir de la connoissance que l'on avoit des
animaux
,
pour en faire une
application aux plantes. Il fit
voir aussi que comme chaque
Pays a
ses animaux qui luy
font propres, & qui ne peuvent vivre ailleurs,il n'yavoit
aussi point delieu sur la terre
quin'eût ses plantes particu- -
lières qui ne peuvent vivre en
aucun autre endroit que dans
celuy qui leurest naturel.Il
donna des exemples pour fai-
*reconnaître que les plantes
transplantées en d'autres pays
souffroient, & dit en quoy elles
souffroient.
Il parla d'une espece de Plante que les naturels du Pays où
elle croît, regardent comme
un veritable animal.Il dit qu'ils
l'appellent Baromets, ou Boranets,
qiêïucut dire, un Agneau; que
cette plantevientdans la Tartarie
&dans leprincipal Horde qu'on
appelle Zavolha
;
qu'elle a toute
lafigure d'un Mouton
; que cette
cjj>cce d'Agneaua quatre pieds;
que sa teste a
deux oreilles; qu'il
rfl couvert d'une peau très-délicateJ
dont les Habitansse couvrent
la tesse & la poitrine; que sa
chair
a
du rapport a celle des Ecrevisses de Mer,&mesme que lors
qu'ony fait une incision , il
en
sort une liqueur comme dusang;
qu'il a un goût fort agréable;
que laTigequi le soûtients'éleve
en sortant de
terre à
la hauteur de
trois pieds, & qu'ily est attaché
à l'endroit du nombril. Que ce qui
est encore deplus merveilleux, efl
que tant qu'ily a
del'herbe autour de luy
3
il se porte bien;
mais qu'ilsiseche&périt quand
elle vient à luy manquer; ce qui
confirme que cette herbe luy est
absolument necessaire pour vivre,
est que l'on a
experimenté que si
on
l'arrache, il nepeutplussubso.Ilajouta, qu'on disoit
que les Loups en estoient sort
friands, & il fit voir qu'on ne
pouvoir douter que ce ne fût
une veritable plante, puisqu'il
venoit d'une graine qui ressembloit à celle du Melon, excepté
qu'elle estoit un peu moins
longue, & qu'on la cultivoit
dansce pays-là. Il fit voir que
quoy que ce recit parust fabuleux >il estoit attesté par plusieurs Auteurs dignes de foy,
& que l'on dévoieconsiderer
cette plante animale commé
une espece de grand Champignon qui auroir cette figure.
Il parla ensuite des Plantes
de ce Pays-cy
,
dont les graines
ont des figuressingulieres, &
particulièrement de celle qui
ressemble à
un mufle de veau,
& il fit voir que les fondions
qui se font dans les Plantes se
faisoient pareillement dans les
Animaux, & que les uns & les
autres estoient su jets aux mêmes accidens. Il fit voir que
cestoit à
ces dernierstemps que
l'on devoit la découverte des
œufs dans les Plantes, en forte
que les Plantes aussi bien que
les Animaux prenoientnaissance d'un œuf, & dit plusieurs
choses curieuses sur ce sujet.
Il parla ensuite de l'âge plus
avancé des Plantes, & il fit
voir que le temps auquel elles
commencent à estre secondes,
avoit du rapport avec l'âge de
puberté dans les Animaux. Il
dit que dans une même espece
9
de graine
,
il y en avoir qui
produifoient des Plantes qui
donnoient du fruit, & d'autres qui n'en donnoient point,
ce qui avoir du rapport aux
differens sexes dans les Animaux. Il fit voir aussi qu'il y
avoit des Plantes & des Animaux plus ou moins tardifs à
produire,& qu'en general routes les Plantes hcrbacécs der,^
noient beaucoup plutost du
fruit que tous les Ar bres
>
il
parla de la variété des especes des Plantes & des Animaux, & il dit beaucoup de
choses curieuses sur ce sujet. Il
fit voir aussi le rapport des
Plantes annuelles avec les Infectes, & il parla des moyens
de faire vivre les Plantes qui
ne sont pas naturellement vivaces. Il parla aussides alimens
particuliers que demandoient
les unes & les autres, & il expliqua ce quiregardoit leur
'fue nourricier, & celuy des
animmiir
Il passa de là aux Maladies
des Plantes
,
& fit voir que
chaque especede Plante & d'Animal avoit son temperamment. Il fit connoistre qu'il y
avoir des moyens pour guérir
des Arbres maladesmais que la
plûpart des Jardiniers aimoient
mieux les arracher, que de [c
donner la peine de faire les choses necessaires pourles guérir. Il
fit voir que la sterilité estoit un
mal ordinaire à
tous les Animaux,& que ce mal estoit fort
commun parmi les Plantes,&:
il dit que l'experience faisoit
connoistre que l'on y
pouvoir
remedier& qu'on pouvoit même les rendre plus secondesqu'-
elles ne l'estoient au paravant.
Il dit ensuite,qu'après avoir
montré le rapport qu'il yavoit
entre les Plantes & les Ani-
maux depuis leur origine juLqu'à leur fin, qu'après les avoir
considerez lorsqu'ils eftoienc
encore enfermez dans leurs
œufs, & lorsque la Narureles
développoit & les en faisoit
sortir, il les avoir suivis dans
un âge plus avancé;illes avoit
confi derez dans le temps qu'ils
commençoient à devenir seconds, & dansceluy auquel ils]
cessoient naturellement de le- j
tre; qu'il avoit ensuite couché]
quelque chose de la vieillesse
des Plantes & des Animaux &
de la durée de leurs jours, &
qu'enfin il avoit passé aux mai
ladies quiles affigeoient & aux
remedes qu'on y pouvoit apporter, il sembloit qu'on ne
devoit plus douter qu'il n'y
eustbeaucoup d'analogie entre
les Plantes & les Animaux, &
il dit qu'à l'égard de l'utilité
qu'on pouvoit tirer de cette
comparaison
,
il l'avoit déja
fait sentir en quelques endroits,
lorsqu'il s'estoit servi des Animaux pour tirer quelques consequences touchant les Plantes) ce qui pouvoit suffire pour
prouver ce qu'ils'estoit propofé
; que cependant il expliqueroit encore un fait beaucoup
t'.
[
plus sensible que tous les precedens, & il finit par cet endroit, qui fut l'explication de
la raison pour laquelle en l'année 1709. il n'y eut presque
que les vieux Arbres quigelerent. La lecturedece Discours
fut trouvéetrès-curieuse
,
&
fut écoutée avec beaucoup
d'attention.
Mr Hombert lût un Discours sur les MatieresSulphureu ses, & sur la facilité de les
changer d'une espèce de soufre en une autre.
Ce Discours estoit la fuite
d'un autre Discours qu'il avoic
déjà lu sur la mesme matiere.
-
Il dit qu'il avoit oppellé dans
ses Mémoires precedens, Matïcrc Sulpbureuse ou
Soufre,
toutes les Matieres huileuses
- ou graffes, que l'onconnoissoit, & qu'il en avoit usé
ainsi pour la distinguer d'avec
le soufre principe; qu'ensuite
il avoit supposé, & croyoit
mesme avoir en quelque façon
prouvé que ce soufre principe
n'estoit autre chose que la matiere de lalumiere qui n'estoit
pas encore déterminée à
aucunes des especes de soufres ou
i de matieres sulphureuses que
l'on connoissoit; mais qui les
produisoit en s'arrestant en
quantité convenable dans les
differens corps ou elle s'estoit
introduite; car quoy qu'avant
ce temps elle ne parût pas une
matiere qui fût évidemment
huileuse, elle ne laissoit pas
d'en donner quelques marques
qu'il avoit raportées ailleurs.
Il ajoûta qu'il avoir divisé
les matières fulphureufes en
trois classes; que la premiere
estoit lorsque le soufre principe s'arrestoit principalement
dans les matières terreuses, &
que pour lors il produisoit un
soufre bylumineux sec, comme font le soufre commun,
les Char bons de terre, le Jayet,
l'Aspbalte,l'Ambre jaune, &
autres; que la secondé estoit
lorsqu'il s'arrestoitoit principalement dans une matièreaqueuse, & qu'en ce cas il produisoit
une graisse ou une huile qui
estoit animale ouvegetale, séion qu'elle se tiroit d'une partie animale ou d'une Plante;
que la troisiémeestoit quand
il s'arrefioit principalement
dans une matière mercurielle,-
& que pour lors il produisoit
! un soufre métallique.
Il continua en allant; qu'il
avoit supposé aussi que le soufre principe, ainsi devenu maticre sulphureuse de quelque
cfpece qu'elle pût estre, ne
changeoit point de nature;
qu'il pouvoit donc non seulement Te dégager des matières
fulphureufes qu'il avoir produites, & alors redevenir fimplement Matière de la lumiere; mais aussi qu'il pouvoir encore en restant mesmematiere
fulphureufe changer d'état;
c'està-dire, passer d'une espece de soufre en une autre espece, sans se dépouiller du
corps qui l'avoit caracterisé en
premier lieu, ce qu'il faisoit
en s'introduisant simplement
dans un autre mixte, qui par
quelque accident avoit perdu
sa propre matiere fulphureuse; qu'il avoit commencé
dans un Memoire precedent àf
prouver cette supposition par
quelques exemples des huiles
vegetales & des graisses animales, que l'on pouvoit faire rentrer dans les matieres minérales dessechées par la calcination au point qu'elles ne fc
fondoient plus, ou qu'elles se
vitrisioent seulement en une
maticre scorieuse; que si l'on
ajoûtoit quelque huile que ce
sût à
ces Minéraux ainsi détruits,ilsreprenoient dans un
moment au grand feu, la même forme de Mineral ou de
Metal qu'ils avoient auparavant; que laraison en estoit
que l'huile du végétal se mettoit à la place de la matiere huileuse ou sulpbureuse du Mine-
-
rai, que le feu de la calcination
en avoit fait évaporer ce
qui
fevoyoit dans toutesles chaux
4
des moindres métaux; mais
plus évidemment dans celle
qui se saisoit de lecain, au
Verreardent. !
Il expliqua toutes ceschoses en homme qui possedoit
parfaitement bien ces matieres,
& les rendit tressensibles par
un grand nombre d'experiences qu'il raporta; en forte que
ses Auditeurs eurent beaucoup
de plaisir à l'entendre.
Mr de Bernoüilly
,
Professeur àBasle, ayant envoyé à
Mrs de l'Academie une Lettre
sur un nouveauBaromètre fort
sensible qu'il a
inventé, Mr de
Varignon en fit la lecture, &
voicy à peu prés sur quoy elle
roul
a.
Il dit qu'à l'occasiondune
lecture il s'estoit souvenu d'un
Barometre qu'il avoit imaginé
il y
avoit plus de douze ans,
& que Mr de Leibnitz qui il
avoit communiqué dés-lors
cette invention s'en fouviendroit sans doute. Ilajoûta qu'il
sir construire en Hollande ce
Barometre, qui ne réussit pas
mal, & qu'illuy paroissoit preferable aux autres pour plusieurs raisons, n'estant pas sujet à leurs défauts,&ayant des
perfections qu'ils nont pas. Il
continua en disant, qu'avec
une mesme quantité de vifargent il pouvait estre rendu
deux
deux fois plussensible que le
plus parfait des autres; que le
tuyau de ceux là sur lequel se
marquent les variations causées par les différentes pesanteurs de l'Atmosphere, devant
estre d'autant plus longs qu'on
les y veut rendre plus sensibles; que par exemple, d'environ 40. pieds pour lesy rendre
ILy. fois plus sensibles que
dans le Barometre fitnple étant droit & vertical, les rendroit toûjours incommodes,
& souvent intraitables
,
au
lieu que dans son Barometre,
pouvant citrereplié en mille
manières différentes n'y causoit rien de cet embaras,
ny
aucun autre qui en approchât
quelque longueur qu'il eût. Il
dit aussi que quelques liqueurs
qu'on employât dans les autres Barometres pour y marquer ces variations, ces liqueurs
feroient toujours sujetesàlevaporation qui en troubleroit
J'tff.tJ ce qui estoit encore un
grand Inconvenient, auquelle
sien n'estoit pas su jet, n'ayant
besoin que de Mercure qui ne
s'évapore pas sensiblement. Il
fit ensuite une peinture, par le
moyen de laquelle il sit connoître que son Barometre étoit si simple qu'il pouvoit
-
estre construit sans beaucoup
d'adroite, remply presque aussï
facilement que celuy de Toricclli, & porté à
telle étendue
desensibilité qu'on voudroit,
& ildit que son Barometre étoit si simple, qu'il estoit étonné que personne avant luy n'y
eûtpensé. Il continua,en disant
:
Vous sçavezqu'un tuyau
étroit estant remply à moitié
d'une liqueur, & puis incliné
peu à
peu jusquà la situation
horisontale, la surfacedecette
liqueur ( felon les Loix Hydroltaciques ) devroits'étendre en Eclypse, comme nous
voyons qu'il arrive dans un
Vaisseau
,
ou dans un tuyau îargCi Cependant dans un
tuyau étroit, la surfacedu
Mercure ne s'étend pas ainsi
pourconserver son niveau, elle demeure toûjours perpendiculaire à l'axe du tuyau, quoi
qu'incliné jusqu"a Ihorifon/
ce qui m'a donné lieu de penser à
ce Barometre. Il fit enfuite une Description tres-senlîble de la figure & des effets
de ce Barometre, par laquelleil
fit connoître qu'il n'estoit
point sujet aux inconveniens
que peuvent causerl'évaporation, la raresaction & la con-
- denfation des liqueurs par le
chaud & par le froid,excepté
celle à laquelle le Mercureest
sujet, laquelle est incomparablement moins considerable
que celle des autres liqueurs;
de forte que ce nouveau Barometre pourroit aisément être rectifié à la maniere de feu
Mr Amontons L'Assemblée
fut fort satisfaite de cette lecture.»
Mrl'Abbé Bignon resuma
à son ordinaire tous les Discours de ceux qui parlerent
dans cette Assemblée. Je vous
ai déja fait voir le plaisir qu'il
y a
à l'entendre en cette occasion; qu'il releve d'une maniére si spirituelle tout ce que l'on
dit;qu'il y
fait voir de nouvelles beautez
,
& qu'il fait aussi
connoître ce que l'on pourroic
dire de plus. De manière qu'il
y a toujours beaucoup a prositer dans tout ce qu'il dit, &
l'on allùre que jamais son esprit n'avoit brillé davantage
qu'il fit dans la dcrnicre Séance dans laquelle il a
parlé
tenu aussi sa premiere Assemblée publique d'aprèsPasques,
fut ouverte par M' de Fontenelle Secretaire perpetuel de
la Compagnie, qui estant eagagé par la coûtume à faire un
Eloge historique de tous les
Académiciens - morts, fit celuy
de M de Chazelles Proresseur
en Hidrographie à Marseille. ,.
Il dit qu'il excelloit dans l'Art
de lever des Plans
y
& de dresser
der Cartes par le moyen des
Observations Astronomiques,
ausquelles il s'estoit fort exercé à l'Observatoire sous Mr
Cassini, éc qu'il avoir fait un
grand nombre de Campagnes
sur les Galeres, & avoit couru
toute la Mediterannée en faisant. des Descriptions exactes
des Ports,des Rades, des Côtes, &c.
Mr Reneaume, lûtun Difcours
de sa composition sur la
découverte d'un nouveau Febrifuge.
Il dit que si la Botanique se
bornoit àlanomenclature des
Plantes, & à la critique des
Auteurs, ce ne seroit qu'une
Science sterile, quoyque
tres-étenduë, dont le travail
& les fatigues ne produiroient
aucune utilité; mais que le
dessein des Botanistes estoit
bien plus vaste, puisque non
seulement ils pretendoient rassembler fous un certain point
de vûë, tout ce ce que l'Univers contient de Plantes, ils
vouloient encore rechercher
soigneusement l'usage & la
la vertu de chacune en particulier; que c'estoit par cet endroit que la Botanique devenoit une partie essentielle de la
Medecine; que ce grand dessein ne pouvoir s'exccuter que
par parties, & pour ainsi dire
piece à piece,tantôtenrecherchant curieusement ce que
chaque Contrée produisoitde
Plantes, tantôt en examinant avec exactitude, & par
différentes routes, leurs bonnes ou mauvaises qualitez.
Il ajoûta, qu'entre ces soins,
celuy de découvrir de nouvel-
lesPlantes,& çeluy de mettre à profit les experiences des
Etrangers
,
estoient devenus
dans les derniers temps la passion dominante desBotanstes
qu'ils y
avoient mesme si heureusement réüssi, qu'on pouvoir dire que jamais le nombre des Plantes connuës n'avoit eite si grand, ny la matiere Medecinale plus abont dance; qu'on pourroit cependant dourer avec raiCon)fices
rîchesses estoient aussi avanrageusesà la Medicine, que tout
le monde se l'imaçinoit;qu'elle en avoit sans doute ressenty
le contrecoup; que comme il
arrivoit que dans la construction de la plûpart des nouvelles Machines,on perdoit d'un
côté ce que l'on gagnoit de
l'autre, de mesme à force d'avoir trop de remedes, d'un
côté on negligeoit la Methode si necessaire pour en bien
user, de l'autre le trop grand
empressement que l'on avoit
eu pour connaître les Plantes
étrangeres, avoit presque fait
abandonner l'étude de celles
qui croissoient fous nos pieds.
Il fit voir que cela se remarquoic particulièrement dans le
genre des Febrifuges, & il fit
une peinture par laquelle il fit
connoîtrc que la connoissance
du Kinkina qui fut d'abord
élevé jusqu'aux Cieux, fit auffitôc disparoître la plûpart des
remedes qui l'avoient précédé,
& il nomma plusieurs remedes
mis en oubly, quilorsqu'on
les sçavoit bien employer, fai-
,
soient des effets qui n'eftoienc
ny moins feurs ny moins fur-'
prenans que ceux du Kinkina;
& il fit connoître qu'il estoit
peu de Medecins qui n'eussent
trouvé plusieurs Malades rebutez du Kankina, ou pleins
d'aversion pour ce remede, cc
qui luy avoit donné occasion
de découvrir le nouveau Febrisuge, dont il entretint ensuite la Compagnie:il dit toutes les raisons que les Malades
avoient de s'en plaindre, & il
fit beaucoup de reflexions làdessus. Ilparla de plusieurs experiences d'Alexandre Pascoli
faites en France sur la vertu sebrifuge de la noix de Cyprès,
affirmant qu'il les avoit verifiées avec succés, & il dit que
tout le monde connoissoiit cette noix pour un Astringent;
qu'il trouvoit dans cc remede
dequoysurvenir à tous les inconveniens dont il venoit de
parler ; qu'outre cela l'idée
nouvelle, & peut-estre veritable, de la digestion faite par latritutation, luy avoit sourny beaucoup de raisons pour
appuyer ce remede, & pour
luy en faire esperer une heureuseréussîte. Mais que bien
loin, comme il arrive souvent
à
ceux qui raisonnent ainsi,
que ses espennces sussent vau
nés
,
lévenement avoir furpnffe son attente.
Il dit qu'il commença à se
se servir de la noix de Cyprès
en 1704. qu'en Essé & pendant l'Automne il y eut beaucoup de Malades; que la plûpart n'estoient attaquez que
de fievresintermitentes de
toute espece & de différent caraétere; mais beaucoup plus
de tierces trregutieres & doubles tierces, qui estoient souvent accompagnées de dévoyemenr; que plusieurs de
ces Maladesqui avoienc esté
préparez par ces remedes géneraux, ayant pris de cette
noix avec succés, il arriva une
occasion dans laquelle la personne qui preparoit les reme-
des donna la noix de Galle au
lieu de celle de Cyprés qu'il
avoir ordonnée; que ce remede ayant eu tout le succés qu'il
en auendoit, & qu'il avoic
éprouvé de l'autre, il ne se feroit point apperçû de l'erreur
sans le fait qui fuit. Qu'entre
les Malades qui furent guéris
par la mesme méprise, il s'en
trouva un qui se plaignit, quoique guery
,
d'avoir esté resserré pendant trois jours,& d'avoir rendu des excrcmens noirs
comme de l'encre après un lavement,ce qui épouventa fore
le Malade, & luy fit craindre
que l'on ne se fût trompé
y
&
que l'on n'eut mêlé quelque
chose de vitriolique, ou de serrugineux avec cette poudre;
que pour s'en éclaircir il demanda ce que l'on avoir donné à
ce malade; qu'il remarqua
dans la réponse l'heureuse meprise qui luydécouvrit un nouveau remede; qu'il dissunula
la chose,estant bienaise d'observer le fait de plus prés; que
la noirceur des digestions ne
l'embarassa pas quand il fit reflexion que lorsqu'on laisse ces
fortes d'artringens dans quelque liqueur,& qu'il s'y ren-
contre quelque acide, ou partie serrugineuse,ils ne manquoient point de senoircit, &
de communiquer leur teinture,
& que l'usage qu'en saisoient
les Teinturiers prouvoit ce
fair.
Il fit ensuite une description
de toutes les noix de galle, &
du bien qu'elles avoient fait à
tous ceux à qui il en avoit donné, ce qui luy reiïffit si bien,
que Mr Collot Docteur en
Medecine de la Faculté de Pa.
ris, auquel il avoit fait part de
ces faits, s'en voulut aussi servir
:
Et il ajoüca, quel'expe-
rience répondit à
souhais, que
quelques personnes charitables
surprises de la bonté d'un Remede qui coutoit si
peu, s'épargnerent ladépense du Kinkina dont elles ne se servirent
prcfque plus dans la fuire, donnant en sa place le nouveau
fébrifuge dans toutes les incermitentes. Il nomma deux autres Medecins de la Faculré qui
avoient fait la mesme chose,
& dit, que ce grand nombre
de guerisons ne laissoit aucun
scrupule sur l'efficacité de ce
Rcmede; & l'obligeoit à\cn
faire part à la Compagnie.
Il décrivitensuite la maniere
dont on dévoie préparer les
Malades pour bien faire operer
ce remede, & la maniere de le
mettre en usage. Il poursuivit
en disant qu'il estoit confiant
que les fièvres inrermitentes,
dépendoicnt uniquement de la
mauvaise qualité duchyle; que
ce feroit si l'on vouloit l'aigreur comme quelques-uns
l'assurent
;
qu'il falloit une certaine quantité de ce chyle aigre
dans le fang pour y
causer le
trouble ou fermentation que
l'on nomme siévre; que cette
quantités'accumuloit plus ou
moins promptemenr à proportion que lesalimensétoient
plus ou moins bien digérez, ce
qui cau foit ladistancedifférente des accès, & rendoit raison
de leur retour si regulier
,
que
les vices de la digestion pouvoient venir tantôt de la disposition de lestomac
,
tantôt
de celles des parties voisines, ce
qui donnoit à
ces fiévres un caractere & des accidents différents qui servoient alesdistinguer, & montroient qu'elles
devoient estre traitéesdifferemment,quoy qu'elles parussent
assez semblables aux yeux du
vulg aire.
Il continua en disant si on
ne pouvoir pas attribuer ces
vices de la digestion à trois choses princi pales
,
sçvoir, pour
ce qui regardoit l'estomac, ses
si')res relâchées, ou irregutierement tendues ; & pour ce qui
regardoit l'estomac étantchargé & rempli d'alimens plus
qu'il ne devoit l'estre, ses fibres
qui se trouvoient trop tenduës
pendantuncertain temps, perdoient leur ressort & ne se
contractoient plusassez pour
broyer les alimens aussiparfaitement qu'il étoit necessaire;
que les fruits, par exemple, qui
souvent
souvent n'estoient îndigestes
que par la trop grande quantité que l'on en mangeoir,
pouvoient facilement caufcr ce
relâchemenr des fibres par leur
volumeou par leur humidité,
& par consequent empêcher la
digestion, ce qui donnoit lieu
au chyle de s'aigrir, & causoit
enfin la fiévre
> que d'un autre
côté le trop grand usage du
vin & des liqueurs ardentes &
spiritueuses pouvoient alrerer
le tissu des fibres & leur causer
une tensionvicieuse&irreguliere;&untenesme si l'onvouloit
,
ou irritation qui enlpê::
choit l'égalité du broyemenç
& la parfaite digestion; de fou
te que cette disposition, quoy
qu'opposée aurelâchement,
produiroit néanmoins des ef.
fcts a(kz semblables; mais lors
que le cours de la bile eftoic
interrompu
,
le chyle qui tendoit toûjours à s'aigrir, dénué
de cet amer huileux & balsa.
mique
,
n'avoit plus rien qui
corrigeât son aigreur
,
& réunît ses principes; de maniere
qu'il ne manquoit point en se
mêlant au fang de le faire fer-,
menter, & decauser une fièvre
intermitente. Hltermncore.. - -
Il dit encore plusieurs choses pour prouver que le nouveau febrifuge dans les fiévres
produites par les deux premie-
,
res causes, devoit estrepréféré
au Kinkina, ce qu'il prouva par
beaucoup de raisons, & il finit
en disant
,
que si l'on faisoit
attention à tout ce qu'il venoit
de dire,ilseroit facile dediscerner les occasions dans lesquclles on devoir employer le nouveau febrifuge,d'avec celles qui
,
demandoient l'usage du Kinkina, auquel on pouvoir nean-
[ moins le substituer en toute
! rencontre.
Mrde laHireleCadet,lût
un beau Discours touchant
l'Analogie qu'il y a entre les
plantes & les animaux- & l'utilité que l'on en peut tirer. Il
commença par faire voir les
raisons pour lesquelles l'étude
de la Botanique&de la Physique des plantes, avoit paru
jusqu'icy la plus sterile qu'il y
ait dans toute la nature. Il fit
voir après,que quoique laBotanique parut fournir si peu,elle
estoit neanmoins toute remplie de faits curieux IIdit,qu'il
n'étoit pas aisé de rendre raison
de tous les faits qu'on y pou-
voit observer sur tout si l'on
demandoit que les preuves que
l'on en rapporteroit
,
fussent
tirées immédiatement des plantes; que si l'on ne trouvoit pas
dans une plante l'effet quel'on
y
recherchait, on le trouvoit
dans un autre; il en rapporra
les raisons
;
3c il fit voir qu'on
fc pouvoit servir de la connoissance que l'on avoit des
animaux
,
pour en faire une
application aux plantes. Il fit
voir aussi que comme chaque
Pays a
ses animaux qui luy
font propres, & qui ne peuvent vivre ailleurs,il n'yavoit
aussi point delieu sur la terre
quin'eût ses plantes particu- -
lières qui ne peuvent vivre en
aucun autre endroit que dans
celuy qui leurest naturel.Il
donna des exemples pour fai-
*reconnaître que les plantes
transplantées en d'autres pays
souffroient, & dit en quoy elles
souffroient.
Il parla d'une espece de Plante que les naturels du Pays où
elle croît, regardent comme
un veritable animal.Il dit qu'ils
l'appellent Baromets, ou Boranets,
qiêïucut dire, un Agneau; que
cette plantevientdans la Tartarie
&dans leprincipal Horde qu'on
appelle Zavolha
;
qu'elle a toute
lafigure d'un Mouton
; que cette
cjj>cce d'Agneaua quatre pieds;
que sa teste a
deux oreilles; qu'il
rfl couvert d'une peau très-délicateJ
dont les Habitansse couvrent
la tesse & la poitrine; que sa
chair
a
du rapport a celle des Ecrevisses de Mer,&mesme que lors
qu'ony fait une incision , il
en
sort une liqueur comme dusang;
qu'il a un goût fort agréable;
que laTigequi le soûtients'éleve
en sortant de
terre à
la hauteur de
trois pieds, & qu'ily est attaché
à l'endroit du nombril. Que ce qui
est encore deplus merveilleux, efl
que tant qu'ily a
del'herbe autour de luy
3
il se porte bien;
mais qu'ilsiseche&périt quand
elle vient à luy manquer; ce qui
confirme que cette herbe luy est
absolument necessaire pour vivre,
est que l'on a
experimenté que si
on
l'arrache, il nepeutplussubso.Ilajouta, qu'on disoit
que les Loups en estoient sort
friands, & il fit voir qu'on ne
pouvoir douter que ce ne fût
une veritable plante, puisqu'il
venoit d'une graine qui ressembloit à celle du Melon, excepté
qu'elle estoit un peu moins
longue, & qu'on la cultivoit
dansce pays-là. Il fit voir que
quoy que ce recit parust fabuleux >il estoit attesté par plusieurs Auteurs dignes de foy,
& que l'on dévoieconsiderer
cette plante animale commé
une espece de grand Champignon qui auroir cette figure.
Il parla ensuite des Plantes
de ce Pays-cy
,
dont les graines
ont des figuressingulieres, &
particulièrement de celle qui
ressemble à
un mufle de veau,
& il fit voir que les fondions
qui se font dans les Plantes se
faisoient pareillement dans les
Animaux, & que les uns & les
autres estoient su jets aux mêmes accidens. Il fit voir que
cestoit à
ces dernierstemps que
l'on devoit la découverte des
œufs dans les Plantes, en forte
que les Plantes aussi bien que
les Animaux prenoientnaissance d'un œuf, & dit plusieurs
choses curieuses sur ce sujet.
Il parla ensuite de l'âge plus
avancé des Plantes, & il fit
voir que le temps auquel elles
commencent à estre secondes,
avoit du rapport avec l'âge de
puberté dans les Animaux. Il
dit que dans une même espece
9
de graine
,
il y en avoir qui
produifoient des Plantes qui
donnoient du fruit, & d'autres qui n'en donnoient point,
ce qui avoir du rapport aux
differens sexes dans les Animaux. Il fit voir aussi qu'il y
avoit des Plantes & des Animaux plus ou moins tardifs à
produire,& qu'en general routes les Plantes hcrbacécs der,^
noient beaucoup plutost du
fruit que tous les Ar bres
>
il
parla de la variété des especes des Plantes & des Animaux, & il dit beaucoup de
choses curieuses sur ce sujet. Il
fit voir aussi le rapport des
Plantes annuelles avec les Infectes, & il parla des moyens
de faire vivre les Plantes qui
ne sont pas naturellement vivaces. Il parla aussides alimens
particuliers que demandoient
les unes & les autres, & il expliqua ce quiregardoit leur
'fue nourricier, & celuy des
animmiir
Il passa de là aux Maladies
des Plantes
,
& fit voir que
chaque especede Plante & d'Animal avoit son temperamment. Il fit connoistre qu'il y
avoir des moyens pour guérir
des Arbres maladesmais que la
plûpart des Jardiniers aimoient
mieux les arracher, que de [c
donner la peine de faire les choses necessaires pourles guérir. Il
fit voir que la sterilité estoit un
mal ordinaire à
tous les Animaux,& que ce mal estoit fort
commun parmi les Plantes,&:
il dit que l'experience faisoit
connoistre que l'on y
pouvoir
remedier& qu'on pouvoit même les rendre plus secondesqu'-
elles ne l'estoient au paravant.
Il dit ensuite,qu'après avoir
montré le rapport qu'il yavoit
entre les Plantes & les Ani-
maux depuis leur origine juLqu'à leur fin, qu'après les avoir
considerez lorsqu'ils eftoienc
encore enfermez dans leurs
œufs, & lorsque la Narureles
développoit & les en faisoit
sortir, il les avoir suivis dans
un âge plus avancé;illes avoit
confi derez dans le temps qu'ils
commençoient à devenir seconds, & dansceluy auquel ils]
cessoient naturellement de le- j
tre; qu'il avoit ensuite couché]
quelque chose de la vieillesse
des Plantes & des Animaux &
de la durée de leurs jours, &
qu'enfin il avoit passé aux mai
ladies quiles affigeoient & aux
remedes qu'on y pouvoit apporter, il sembloit qu'on ne
devoit plus douter qu'il n'y
eustbeaucoup d'analogie entre
les Plantes & les Animaux, &
il dit qu'à l'égard de l'utilité
qu'on pouvoit tirer de cette
comparaison
,
il l'avoit déja
fait sentir en quelques endroits,
lorsqu'il s'estoit servi des Animaux pour tirer quelques consequences touchant les Plantes) ce qui pouvoit suffire pour
prouver ce qu'ils'estoit propofé
; que cependant il expliqueroit encore un fait beaucoup
t'.
[
plus sensible que tous les precedens, & il finit par cet endroit, qui fut l'explication de
la raison pour laquelle en l'année 1709. il n'y eut presque
que les vieux Arbres quigelerent. La lecturedece Discours
fut trouvéetrès-curieuse
,
&
fut écoutée avec beaucoup
d'attention.
Mr Hombert lût un Discours sur les MatieresSulphureu ses, & sur la facilité de les
changer d'une espèce de soufre en une autre.
Ce Discours estoit la fuite
d'un autre Discours qu'il avoic
déjà lu sur la mesme matiere.
-
Il dit qu'il avoit oppellé dans
ses Mémoires precedens, Matïcrc Sulpbureuse ou
Soufre,
toutes les Matieres huileuses
- ou graffes, que l'onconnoissoit, & qu'il en avoit usé
ainsi pour la distinguer d'avec
le soufre principe; qu'ensuite
il avoit supposé, & croyoit
mesme avoir en quelque façon
prouvé que ce soufre principe
n'estoit autre chose que la matiere de lalumiere qui n'estoit
pas encore déterminée à
aucunes des especes de soufres ou
i de matieres sulphureuses que
l'on connoissoit; mais qui les
produisoit en s'arrestant en
quantité convenable dans les
differens corps ou elle s'estoit
introduite; car quoy qu'avant
ce temps elle ne parût pas une
matiere qui fût évidemment
huileuse, elle ne laissoit pas
d'en donner quelques marques
qu'il avoit raportées ailleurs.
Il ajoûta qu'il avoir divisé
les matières fulphureufes en
trois classes; que la premiere
estoit lorsque le soufre principe s'arrestoit principalement
dans les matières terreuses, &
que pour lors il produisoit un
soufre bylumineux sec, comme font le soufre commun,
les Char bons de terre, le Jayet,
l'Aspbalte,l'Ambre jaune, &
autres; que la secondé estoit
lorsqu'il s'arrestoitoit principalement dans une matièreaqueuse, & qu'en ce cas il produisoit
une graisse ou une huile qui
estoit animale ouvegetale, séion qu'elle se tiroit d'une partie animale ou d'une Plante;
que la troisiémeestoit quand
il s'arrefioit principalement
dans une matière mercurielle,-
& que pour lors il produisoit
! un soufre métallique.
Il continua en allant; qu'il
avoit supposé aussi que le soufre principe, ainsi devenu maticre sulphureuse de quelque
cfpece qu'elle pût estre, ne
changeoit point de nature;
qu'il pouvoit donc non seulement Te dégager des matières
fulphureufes qu'il avoir produites, & alors redevenir fimplement Matière de la lumiere; mais aussi qu'il pouvoir encore en restant mesmematiere
fulphureufe changer d'état;
c'està-dire, passer d'une espece de soufre en une autre espece, sans se dépouiller du
corps qui l'avoit caracterisé en
premier lieu, ce qu'il faisoit
en s'introduisant simplement
dans un autre mixte, qui par
quelque accident avoit perdu
sa propre matiere fulphureuse; qu'il avoit commencé
dans un Memoire precedent àf
prouver cette supposition par
quelques exemples des huiles
vegetales & des graisses animales, que l'on pouvoit faire rentrer dans les matieres minérales dessechées par la calcination au point qu'elles ne fc
fondoient plus, ou qu'elles se
vitrisioent seulement en une
maticre scorieuse; que si l'on
ajoûtoit quelque huile que ce
sût à
ces Minéraux ainsi détruits,ilsreprenoient dans un
moment au grand feu, la même forme de Mineral ou de
Metal qu'ils avoient auparavant; que laraison en estoit
que l'huile du végétal se mettoit à la place de la matiere huileuse ou sulpbureuse du Mine-
-
rai, que le feu de la calcination
en avoit fait évaporer ce
qui
fevoyoit dans toutesles chaux
4
des moindres métaux; mais
plus évidemment dans celle
qui se saisoit de lecain, au
Verreardent. !
Il expliqua toutes ceschoses en homme qui possedoit
parfaitement bien ces matieres,
& les rendit tressensibles par
un grand nombre d'experiences qu'il raporta; en forte que
ses Auditeurs eurent beaucoup
de plaisir à l'entendre.
Mr de Bernoüilly
,
Professeur àBasle, ayant envoyé à
Mrs de l'Academie une Lettre
sur un nouveauBaromètre fort
sensible qu'il a
inventé, Mr de
Varignon en fit la lecture, &
voicy à peu prés sur quoy elle
roul
a.
Il dit qu'à l'occasiondune
lecture il s'estoit souvenu d'un
Barometre qu'il avoit imaginé
il y
avoit plus de douze ans,
& que Mr de Leibnitz qui il
avoit communiqué dés-lors
cette invention s'en fouviendroit sans doute. Ilajoûta qu'il
sir construire en Hollande ce
Barometre, qui ne réussit pas
mal, & qu'illuy paroissoit preferable aux autres pour plusieurs raisons, n'estant pas sujet à leurs défauts,&ayant des
perfections qu'ils nont pas. Il
continua en disant, qu'avec
une mesme quantité de vifargent il pouvait estre rendu
deux
deux fois plussensible que le
plus parfait des autres; que le
tuyau de ceux là sur lequel se
marquent les variations causées par les différentes pesanteurs de l'Atmosphere, devant
estre d'autant plus longs qu'on
les y veut rendre plus sensibles; que par exemple, d'environ 40. pieds pour lesy rendre
ILy. fois plus sensibles que
dans le Barometre fitnple étant droit & vertical, les rendroit toûjours incommodes,
& souvent intraitables
,
au
lieu que dans son Barometre,
pouvant citrereplié en mille
manières différentes n'y causoit rien de cet embaras,
ny
aucun autre qui en approchât
quelque longueur qu'il eût. Il
dit aussi que quelques liqueurs
qu'on employât dans les autres Barometres pour y marquer ces variations, ces liqueurs
feroient toujours sujetesàlevaporation qui en troubleroit
J'tff.tJ ce qui estoit encore un
grand Inconvenient, auquelle
sien n'estoit pas su jet, n'ayant
besoin que de Mercure qui ne
s'évapore pas sensiblement. Il
fit ensuite une peinture, par le
moyen de laquelle il sit connoître que son Barometre étoit si simple qu'il pouvoit
-
estre construit sans beaucoup
d'adroite, remply presque aussï
facilement que celuy de Toricclli, & porté à
telle étendue
desensibilité qu'on voudroit,
& ildit que son Barometre étoit si simple, qu'il estoit étonné que personne avant luy n'y
eûtpensé. Il continua,en disant
:
Vous sçavezqu'un tuyau
étroit estant remply à moitié
d'une liqueur, & puis incliné
peu à
peu jusquà la situation
horisontale, la surfacedecette
liqueur ( felon les Loix Hydroltaciques ) devroits'étendre en Eclypse, comme nous
voyons qu'il arrive dans un
Vaisseau
,
ou dans un tuyau îargCi Cependant dans un
tuyau étroit, la surfacedu
Mercure ne s'étend pas ainsi
pourconserver son niveau, elle demeure toûjours perpendiculaire à l'axe du tuyau, quoi
qu'incliné jusqu"a Ihorifon/
ce qui m'a donné lieu de penser à
ce Barometre. Il fit enfuite une Description tres-senlîble de la figure & des effets
de ce Barometre, par laquelleil
fit connoître qu'il n'estoit
point sujet aux inconveniens
que peuvent causerl'évaporation, la raresaction & la con-
- denfation des liqueurs par le
chaud & par le froid,excepté
celle à laquelle le Mercureest
sujet, laquelle est incomparablement moins considerable
que celle des autres liqueurs;
de forte que ce nouveau Barometre pourroit aisément être rectifié à la maniere de feu
Mr Amontons L'Assemblée
fut fort satisfaite de cette lecture.»
Mrl'Abbé Bignon resuma
à son ordinaire tous les Discours de ceux qui parlerent
dans cette Assemblée. Je vous
ai déja fait voir le plaisir qu'il
y a
à l'entendre en cette occasion; qu'il releve d'une maniére si spirituelle tout ce que l'on
dit;qu'il y
fait voir de nouvelles beautez
,
& qu'il fait aussi
connoître ce que l'on pourroic
dire de plus. De manière qu'il
y a toujours beaucoup a prositer dans tout ce qu'il dit, &
l'on allùre que jamais son esprit n'avoit brillé davantage
qu'il fit dans la dcrnicre Séance dans laquelle il a
parlé
Fermer
Résumé : Discours prononcez le lendemain à l'ouverture de celle des Sciences, [titre d'après la table]
Le 30 avril, l'Académie Royale des Sciences organisa sa première assemblée publique après Pâques. M. de Fontenelle, secrétaire perpétuel, ouvrit la séance en rendant hommage à M. de Chazelles, professeur en hydrographie à Marseille. Chazelles est reconnu pour son expertise dans la création de plans et de cartes grâce à des observations astronomiques, compétences acquises à l'Observatoire sous la direction de M. Cassini. Il a mené de nombreuses campagnes en Méditerranée, décrivant avec précision les ports, rades et côtes. M. Renéaume présenta ensuite un discours sur la découverte d'un nouveau fébrifuge. Il souligna que la botanique ne se limite pas à la nomenclature des plantes mais vise à en découvrir les usages médicaux. Renéaume critiqua l'abandon des remèdes locaux au profit de plantes étrangères, comme la quinquina, qui avait éclipsé de nombreux remèdes efficaces. Il présenta la noix de galle comme un nouveau fébrifuge, découvert par erreur, et décrivit ses propriétés et son efficacité, confirmée par plusieurs guérisons. M. de la Hire, le cadet, lut un discours sur l'analogie entre les plantes et les animaux, et l'utilité de cette étude. Il expliqua que, bien que la botanique puisse sembler stérile, elle est riche en faits curieux et peut bénéficier des connaissances sur les animaux. Il donna des exemples de plantes spécifiques à certains pays et de leur comportement lorsqu'elles sont transplantées. Il mentionna également une plante appelée Baromets ou Boranets, ressemblant à un agneau, qui pousse en Tartarie et nécessite de l'herbe pour survivre. Un autre orateur discuta des similitudes entre les plantes et les animaux, soulignant que les processus de croissance et de reproduction sont comparables. Il mentionna la découverte des œufs dans les plantes, la puberté des plantes comparée à celle des animaux, et la variété des espèces. Il aborda également les maladies des plantes, les moyens de les guérir, et la stérilité. Il conclut en affirmant une forte analogie entre les plantes et les animaux. Mr. Hombert présenta un discours sur les matières sulphureuses, expliquant leur transformation et classification en trois classes selon leur état (terreux, aqueux, ou mercuriel). Il décrivit comment ces matières peuvent changer d'état sans perdre leur nature sulphureuse, illustrant ses propos par des expériences. Mr. de Bernouilly, professeur à Bâle, envoya une lettre sur un nouveau baromètre sensible qu'il a inventé. Mr. de Varignon lut cette lettre, décrivant les avantages de ce baromètre, notamment sa sensibilité accrue, son absence de problèmes liés à l'évaporation, et sa simplicité de construction. Il expliqua le principe de fonctionnement du baromètre et sa résistance aux variations de température. Enfin, l'Abbé Bignon résuma les discours avec esprit et pertinence, soulignant les beautés et les nouvelles perspectives apportées par chaque intervention.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
18
p. 121-132
Theses soûtenuë au grand Convent des Augustins devant Messieurs de l'Assemblée du Clergé, [titre d'après la table]
Début :
On a soûtenu le 16e de ce mois au grand Convent des [...]
Mots clefs :
Soutenance de thèse, Couvent des augustins, Père Picoté, Assemblée, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Theses soûtenuë au grand Convent des Augustins devant Messieurs de l'Assemblée du Clergé, [titre d'après la table]
On a
soûtenu le16e de ce
mois au grand Convent des
Augustins de cette Ville
,
une
These dont je ne dois pas oublier de vous parler; ce qui
s'est passe à cet Acte étant
digne de la curiosité du public.
Le Pere Picoté Religieux de
ce Convent, & Licentié en
Theologie de la Faculté de
Paris, eut l'honneur de dédier
cette These à Messieurs de
l'Assemblée Generale du Clergé de France;l'Estampe de la
These convenait cres bien aux
Affaires du temps ;
elle representoit Moyse sur la Montagne, priant Dieu Icî mains &
les bras levez vers le Ciel, &
soûtenus des deux costez par
Aaron son frere, & Hur, tandis que Josué combattoit contre les Amalecites.
Cette These qu'on appelle
Vesperie, & qui efl; le dernier
Acte que l'on fait pour prendre le Bonnet de Dodteur, fut
soûtenuë l'aprés-midy dans la
Salle des Actes du Convent,
qui estoit magnisquement ornée. Sur les cinq heures S. E.
Monsieur le Cardinal de Noailles, President de l'Assemblée
générale du Clergé de France, s'y rendit avec Messieurs
les Archevêques, Evêques, &
Abbez; les Prclats étoient tous
cn Rochet & Camail, & les
Abbcz Deputez du second
Ordre en Manteau long. Ils
marcherent deux à deux depuis la grande Salle de leur
Assemblée, jusques à celle où
serépondoit laThcfc;le Porte- Croix de S. E. & les Suisses
du Roy quisont destinez pour
leur Garde avec leurs Hallebardeslesprécedoient &marchoient devant eux:le Prieur
du Convent à la telle de sa
Communauté les reçût à la
porte de la Salle. A peine fu-
rent-ils tous entrez & placez,
queMonsieur le Cardinal d'Estréesarriva; Monsieur le Cardinal de Noailles luy ceda la
premiere place comme plusancien Cardinal. Il y eut encore
d'autres Evêques qui n'estoient
pas de l'AssembléeduClergé
qui s'y trouverent, &plusieurs
Abbez de qualité, outreun
grand nombre de personnes dt
distinction & de Lettre; en
forte que la Salle estoit toute
pleine.
Alors le Pere Picotéayant
salué profondément cette auguste Compagnie, expliqua ses
sentimens avec toute la netteté
& la solidité possible sur les
grandes difficultez que le Pere
Orceau Docteur de Sorbonne
luy proposa touchant le vœu
de Jephté
:
l'argument estant
fini le R. Pere le Torr Docteur
de Sorbonne, ancien Prieur du
grand Convent, & Professeur
en Theologie qui presidoit en
qualité de grand Maître, fit
un tres beau,très-sçavant, &
tres éloquent Discours en Latin sur les qualitez necessaires
pour remplir dignement les
devoirs d'un parfait Docteur.
Il fit entrer en peu de mots
l'éloge de son Eminence Monsieur le Cardinal de Noailles,
& de tous les Prelats qui composent l'Assembléegenerale du
Clergé; mais avec un tour aussi
naturel, qu'il estoit propre &
convenable à son sujet. Il dit
entre autres choses en parlant
du Clergé, que Tout l'éclat e
la majesté des vertus paroissoient
avoir établi leur demeure &fixé
leur Siege dans cette auguste.Af
semblée; que non seulement la
Ville Capitale du Royaume, mais
la France & toute la Terre regardoient avec admiration cm tejpeél
leur '{fie ardent 0* infatigable
pourl'accroissement de la Religion,
la défense du Royaume
3
&l'entiere extirpation des Heresies, &
des Nouveautez de quelque nature quellesfussent,cju'ilsefloient
les vrais Dépositaires de la Foy,
Ausquels le Seigneur avoitconfié
la Regle de la ine&de la doctrine pour instruire les Puissances de ne pour inflrui
re les Pui ances de
savolonté, & pour apprendreà
leurs Sujets l'observance exacte de
ses Commandemens. Qu'enfin la
memoire des grandsservices qu'ils
venoient de rendre à l'Etat, & à
rEglifi) neseperdroitjamais,&
que lagloire de leur nom feroit
rappellée degénération en generation.
Lors qu'il s'adressa aMon-,
sieurleCardinal de Noailles,
il dit, que laprefence de sonEminence luy donnoit de nouvelles
forces pour representervivement
l'étroite& indispensableunion de
la pieté avec la science
,
particulierementdans un Docteur
:
quU
le l'encourageoit d'autant plus de
s'estendre principalement sur ces
deux qualitcz quisçavoit,&
que personnen'ignoroit que rien
au monde n'estoitpluscher à son
Eminence que ces deux vertus,
&pourparlervéritablement, que
rien n'avoitplus de rapport ede
liaison avec les loüanges quiluy
estoientsijustementdûës,car, ditil, qui est-ce qui peut aimer &
s'attacher avec plus d'ardeur Ëe
d'assiduité que son Eminence 31
une pieté plussincere & plussolide, & à
une
doctrineplussaine
&plus pure, cc. Il fit voir cDfuite que toute fciencc
-
estoit
prophane, que ce n'étoit qu'un
arbre sec, &un feu solet,sielle
n'estoit pas soûtenuë,& assaisonnée des divines douceurs de
la pieté; mais que la pieté estoit
aussïtrès inutile,& que même
elle estoit pernicieuse, si elle
ne se trouvoit pas éclairée par
le flambeau de la science.
Versla fin du Discours, aprés
avoir élevé la vigilance, le merite & la capacité du répondant, il finit par ces belles pa- -
roles, HOCUNUM VELIM,
MERITISSIME LICENTIATE IN ORE ATQUE IN MENTE SEMPER HABEAS, PARUM
ESSE
-
ARDERE,
-
LUCERE VANUM; ARDERE VERO ET LUCEM PERFECTUM; qui veulent
dire,Je vous prie mon très-digne
Licentié,d'avoir continuellement
dans la bouche & dans l'esprit,
Xjue c'estpeu dechose à
un Docteur
d'avoirseulementdelapieté,que
lascienceestabsolument necessai-
re ; mais que quelque brillante
qu'ellefoit> elle est vainesansla
pieté; & qu'ainsi pour estreun
parfaitDocteur,ilfautavoir ensemble l'une (y l'autre vertu. --
Tout le Discours fut universellement approuvé & applaudy, tant à cause de la clarté, de la finesse & de l'affinité,
que d'un grand nombre de
pcnfées choisies& bienappliquées tirées del'Ecriture &des
Saints Peres.
soûtenu le16e de ce
mois au grand Convent des
Augustins de cette Ville
,
une
These dont je ne dois pas oublier de vous parler; ce qui
s'est passe à cet Acte étant
digne de la curiosité du public.
Le Pere Picoté Religieux de
ce Convent, & Licentié en
Theologie de la Faculté de
Paris, eut l'honneur de dédier
cette These à Messieurs de
l'Assemblée Generale du Clergé de France;l'Estampe de la
These convenait cres bien aux
Affaires du temps ;
elle representoit Moyse sur la Montagne, priant Dieu Icî mains &
les bras levez vers le Ciel, &
soûtenus des deux costez par
Aaron son frere, & Hur, tandis que Josué combattoit contre les Amalecites.
Cette These qu'on appelle
Vesperie, & qui efl; le dernier
Acte que l'on fait pour prendre le Bonnet de Dodteur, fut
soûtenuë l'aprés-midy dans la
Salle des Actes du Convent,
qui estoit magnisquement ornée. Sur les cinq heures S. E.
Monsieur le Cardinal de Noailles, President de l'Assemblée
générale du Clergé de France, s'y rendit avec Messieurs
les Archevêques, Evêques, &
Abbez; les Prclats étoient tous
cn Rochet & Camail, & les
Abbcz Deputez du second
Ordre en Manteau long. Ils
marcherent deux à deux depuis la grande Salle de leur
Assemblée, jusques à celle où
serépondoit laThcfc;le Porte- Croix de S. E. & les Suisses
du Roy quisont destinez pour
leur Garde avec leurs Hallebardeslesprécedoient &marchoient devant eux:le Prieur
du Convent à la telle de sa
Communauté les reçût à la
porte de la Salle. A peine fu-
rent-ils tous entrez & placez,
queMonsieur le Cardinal d'Estréesarriva; Monsieur le Cardinal de Noailles luy ceda la
premiere place comme plusancien Cardinal. Il y eut encore
d'autres Evêques qui n'estoient
pas de l'AssembléeduClergé
qui s'y trouverent, &plusieurs
Abbez de qualité, outreun
grand nombre de personnes dt
distinction & de Lettre; en
forte que la Salle estoit toute
pleine.
Alors le Pere Picotéayant
salué profondément cette auguste Compagnie, expliqua ses
sentimens avec toute la netteté
& la solidité possible sur les
grandes difficultez que le Pere
Orceau Docteur de Sorbonne
luy proposa touchant le vœu
de Jephté
:
l'argument estant
fini le R. Pere le Torr Docteur
de Sorbonne, ancien Prieur du
grand Convent, & Professeur
en Theologie qui presidoit en
qualité de grand Maître, fit
un tres beau,très-sçavant, &
tres éloquent Discours en Latin sur les qualitez necessaires
pour remplir dignement les
devoirs d'un parfait Docteur.
Il fit entrer en peu de mots
l'éloge de son Eminence Monsieur le Cardinal de Noailles,
& de tous les Prelats qui composent l'Assembléegenerale du
Clergé; mais avec un tour aussi
naturel, qu'il estoit propre &
convenable à son sujet. Il dit
entre autres choses en parlant
du Clergé, que Tout l'éclat e
la majesté des vertus paroissoient
avoir établi leur demeure &fixé
leur Siege dans cette auguste.Af
semblée; que non seulement la
Ville Capitale du Royaume, mais
la France & toute la Terre regardoient avec admiration cm tejpeél
leur '{fie ardent 0* infatigable
pourl'accroissement de la Religion,
la défense du Royaume
3
&l'entiere extirpation des Heresies, &
des Nouveautez de quelque nature quellesfussent,cju'ilsefloient
les vrais Dépositaires de la Foy,
Ausquels le Seigneur avoitconfié
la Regle de la ine&de la doctrine pour instruire les Puissances de ne pour inflrui
re les Pui ances de
savolonté, & pour apprendreà
leurs Sujets l'observance exacte de
ses Commandemens. Qu'enfin la
memoire des grandsservices qu'ils
venoient de rendre à l'Etat, & à
rEglifi) neseperdroitjamais,&
que lagloire de leur nom feroit
rappellée degénération en generation.
Lors qu'il s'adressa aMon-,
sieurleCardinal de Noailles,
il dit, que laprefence de sonEminence luy donnoit de nouvelles
forces pour representervivement
l'étroite& indispensableunion de
la pieté avec la science
,
particulierementdans un Docteur
:
quU
le l'encourageoit d'autant plus de
s'estendre principalement sur ces
deux qualitcz quisçavoit,&
que personnen'ignoroit que rien
au monde n'estoitpluscher à son
Eminence que ces deux vertus,
&pourparlervéritablement, que
rien n'avoitplus de rapport ede
liaison avec les loüanges quiluy
estoientsijustementdûës,car, ditil, qui est-ce qui peut aimer &
s'attacher avec plus d'ardeur Ëe
d'assiduité que son Eminence 31
une pieté plussincere & plussolide, & à
une
doctrineplussaine
&plus pure, cc. Il fit voir cDfuite que toute fciencc
-
estoit
prophane, que ce n'étoit qu'un
arbre sec, &un feu solet,sielle
n'estoit pas soûtenuë,& assaisonnée des divines douceurs de
la pieté; mais que la pieté estoit
aussïtrès inutile,& que même
elle estoit pernicieuse, si elle
ne se trouvoit pas éclairée par
le flambeau de la science.
Versla fin du Discours, aprés
avoir élevé la vigilance, le merite & la capacité du répondant, il finit par ces belles pa- -
roles, HOCUNUM VELIM,
MERITISSIME LICENTIATE IN ORE ATQUE IN MENTE SEMPER HABEAS, PARUM
ESSE
-
ARDERE,
-
LUCERE VANUM; ARDERE VERO ET LUCEM PERFECTUM; qui veulent
dire,Je vous prie mon très-digne
Licentié,d'avoir continuellement
dans la bouche & dans l'esprit,
Xjue c'estpeu dechose à
un Docteur
d'avoirseulementdelapieté,que
lascienceestabsolument necessai-
re ; mais que quelque brillante
qu'ellefoit> elle est vainesansla
pieté; & qu'ainsi pour estreun
parfaitDocteur,ilfautavoir ensemble l'une (y l'autre vertu. --
Tout le Discours fut universellement approuvé & applaudy, tant à cause de la clarté, de la finesse & de l'affinité,
que d'un grand nombre de
pcnfées choisies& bienappliquées tirées del'Ecriture &des
Saints Peres.
Fermer
Résumé : Theses soûtenuë au grand Convent des Augustins devant Messieurs de l'Assemblée du Clergé, [titre d'après la table]
Le 16 du mois, le Père Picoté, religieux du grand couvent des Augustins et licencié en théologie de la Faculté de Paris, a soutenu sa thèse intitulée 'Vesperie' devant l'Assemblée générale du Clergé de France. Cette thèse, dédiée à l'Assemblée, représentait Moïse priant sur la montagne, soutenu par Aaron et Hur, tandis que Josué combattait les Amalécites. La soutenance a eu lieu l'après-midi dans la salle des actes du couvent, magnifiquement ornée. Vers cinq heures, le Cardinal de Noailles, président de l'Assemblée générale du Clergé, est arrivé accompagné d'autres prélats, tous vêtus de rochet et camail. Le Prieur du couvent les a accueillis à la porte de la salle. Plusieurs évêques et abbés de qualité étaient également présents, remplissant la salle. Le Père Picoté a présenté ses réflexions sur les difficultés soulevées par le Père Orceau concernant le vœu de Jephté. Ensuite, le Père le Torr, docteur de Sorbonne et ancien prieur du couvent, a prononcé un discours en latin sur les qualités nécessaires pour devenir un parfait docteur. Il a loué le Cardinal de Noailles et les prélats pour leur dévotion et leur science, insistant sur l'importance de l'union de la piété et de la science. Le Père le Torr a conclu en affirmant qu'un docteur doit posséder à la fois la piété et la science pour être parfait. Le discours a été universellement approuvé et applaudi pour sa clarté et ses références aux Écritures et aux Saints Pères.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
19
p. 248-254
Article des plus curieux que je vous aye encore envoyé, & dont je ne puis vous faire part sans vous l'envoyer entier, [titre d'après la table]
Début :
Les Princes ne peuvent acquerir la naissance que leur Auguste [...]
Mots clefs :
Avocats, Article curieux, Discours, Monsieur Euffroy
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Article des plus curieux que je vous aye encore envoyé, & dont je ne puis vous faire part sans vous l'envoyer entier, [titre d'après la table]
Les Princes ne peuvent acquérir la naissance que leur
AugusteSang leur donne; mais
ils peuvent faire voir qu'ils en
sont nez dignes par les grandes
avions & les vertus qui font
distinguer la plûpart de ceux à
qui la nature a
donné cette
naissance. Mais il se trouve de
simples particuliers qui n'étant
point favorisez de leur naissance
,
parviennent que lques
-
fois jusques au premier poste
du Monde, & mesmejusqu'a
la premiere dignité. Rienne le
prouve mieux que ce qui cil:
souvent arrivé à plusieurs Avocats, & ce qui peut encore leur
arriver tous les jours comme
l'on a
pu voir par le Discours
que Monsieur Euffroy Avocat,
& ancien Bastonnier de sa
Compagnie a
fait depuis quelques jours, en sortant d'exercice
,
dans lequel il a
fait connoître que plusieurs grands;
hommes, & mesmeduClergé,
ont esté tirez de ce Corps,duquel on en a
souvent tiré pour
remplir les places de Chanccliers, de Gardes des Sceaux, de
Premiers Prefidcns, de Cardinaux,&même de Papes. 1
,
Mr Euffroy a
fait voir dans
ce Discours qui s'estattiré les
applaudissemens & l'attention
de toute rAucmblec, que Guy
Foucault, François de Nation,
après avoir cité long-temps
Avocat au Parlement, s'estant
fait d'Eglise avoit esté premierement Evesque du Puy, enfuite Archevêque de Narbonne, Cardinal, & ensuite créé
Pape fous le nom de Clement
IV. le 5eFévrier1625. d'un
consentement unanime de tous
les Cardinaux, quoy qu'il fût
absent
Qu'en1383. Pierre deFessigny, sans avoir passé dans aucune dignité Ecclesiastique,
étant Avocat, c'est-à-dire, en
en faisant les fonctions, tu
élevé au Cardinalat,
Qu'en1308. Guillaume d
Nogarer
e * Qu'en1389. Arnaud de
Corbie,
Qu'en1418.Robert le
Masson,
Q^'en1538. Guillaume
Poyet,
Qu'en 1371. Guillaume de
Dormans,
Er qu'en 154r. François
Olivieravoientesté élevez à la
dignité de Chancelier de France.
Qu'en 1J4L. &en 1588.
Mrs de MontholonAvocats au
Parlement de Paris furent faits
Gardes des Sceaux de France,
sans compter les Premiers Presidens & autres grands Officiers de Justice qui ont esté tirez de ce Corps. |Mr de la Marliere, ancien
Avocat, a
esté élu à la place
ne
Mr Euffroy. Il a tout le
mérité necessaire pour luy fuc- *
seder.
t Vou
ong-temps que vous n'avez
jû d'Articles aussi curieux, &
aussi singuliers dans mes Lettres
y
& peut-estre même que
vous n'y en ayez jamais vû.
Ainsi l'on ne peut dire que
c
soient des Articlesrépétés,&
qui ressemblent en rien 4 au
cun de ceux dont je vous
ay,
jusqu'icy fait part
AugusteSang leur donne; mais
ils peuvent faire voir qu'ils en
sont nez dignes par les grandes
avions & les vertus qui font
distinguer la plûpart de ceux à
qui la nature a
donné cette
naissance. Mais il se trouve de
simples particuliers qui n'étant
point favorisez de leur naissance
,
parviennent que lques
-
fois jusques au premier poste
du Monde, & mesmejusqu'a
la premiere dignité. Rienne le
prouve mieux que ce qui cil:
souvent arrivé à plusieurs Avocats, & ce qui peut encore leur
arriver tous les jours comme
l'on a
pu voir par le Discours
que Monsieur Euffroy Avocat,
& ancien Bastonnier de sa
Compagnie a
fait depuis quelques jours, en sortant d'exercice
,
dans lequel il a
fait connoître que plusieurs grands;
hommes, & mesmeduClergé,
ont esté tirez de ce Corps,duquel on en a
souvent tiré pour
remplir les places de Chanccliers, de Gardes des Sceaux, de
Premiers Prefidcns, de Cardinaux,&même de Papes. 1
,
Mr Euffroy a
fait voir dans
ce Discours qui s'estattiré les
applaudissemens & l'attention
de toute rAucmblec, que Guy
Foucault, François de Nation,
après avoir cité long-temps
Avocat au Parlement, s'estant
fait d'Eglise avoit esté premierement Evesque du Puy, enfuite Archevêque de Narbonne, Cardinal, & ensuite créé
Pape fous le nom de Clement
IV. le 5eFévrier1625. d'un
consentement unanime de tous
les Cardinaux, quoy qu'il fût
absent
Qu'en1383. Pierre deFessigny, sans avoir passé dans aucune dignité Ecclesiastique,
étant Avocat, c'est-à-dire, en
en faisant les fonctions, tu
élevé au Cardinalat,
Qu'en1308. Guillaume d
Nogarer
e * Qu'en1389. Arnaud de
Corbie,
Qu'en1418.Robert le
Masson,
Q^'en1538. Guillaume
Poyet,
Qu'en 1371. Guillaume de
Dormans,
Er qu'en 154r. François
Olivieravoientesté élevez à la
dignité de Chancelier de France.
Qu'en 1J4L. &en 1588.
Mrs de MontholonAvocats au
Parlement de Paris furent faits
Gardes des Sceaux de France,
sans compter les Premiers Presidens & autres grands Officiers de Justice qui ont esté tirez de ce Corps. |Mr de la Marliere, ancien
Avocat, a
esté élu à la place
ne
Mr Euffroy. Il a tout le
mérité necessaire pour luy fuc- *
seder.
t Vou
ong-temps que vous n'avez
jû d'Articles aussi curieux, &
aussi singuliers dans mes Lettres
y
& peut-estre même que
vous n'y en ayez jamais vû.
Ainsi l'on ne peut dire que
c
soient des Articlesrépétés,&
qui ressemblent en rien 4 au
cun de ceux dont je vous
ay,
jusqu'icy fait part
Fermer
Résumé : Article des plus curieux que je vous aye encore envoyé, & dont je ne puis vous faire part sans vous l'envoyer entier, [titre d'après la table]
Le texte explore la possibilité pour des individus, qu'ils soient princes ou simples particuliers, d'accéder à des postes élevés grâce à leurs mérites et vertus. Il met en lumière le cas des avocats, qui ont souvent atteint des positions prestigieuses. Monsieur Euffroy, ancien bâtonnier, a illustré ce phénomène dans un discours récent, citant plusieurs exemples historiques. Parmi eux, Guy Foucault devint pape sous le nom de Clément IV, et Pierre de Fessigny fut élevé au cardinalat en 1383. D'autres avocats, comme Guillaume d'Nogaret, Arnaud de Corbie, et François Olivier, accédèrent à la dignité de chancelier de France. Le texte mentionne également que des avocats comme les sieurs de Montholon furent nommés Gardes des Sceaux. Monsieur de la Marlière, ancien avocat, a récemment été élu pour succéder à Monsieur Euffroy. Le discours d'Euffroy a suscité l'admiration et l'attention de l'assemblée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
20
p. 271-278
Discours faits par Mr Hervé à Mr de Beauharnois, Intendant de la Rochelle, & de la Marine au Port de Rochefort, [titre d'après la table]
Début :
Comme ma Lettre est susceptible de toutes sortes de matieres, [...]
Mots clefs :
Discours, Ordres, Mr de Beauharnais, Rochefort
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours faits par Mr Hervé à Mr de Beauharnois, Intendant de la Rochelle, & de la Marine au Port de Rochefort, [titre d'après la table]
Comme ma Lettre estsusceptible de toutes fortes de
matieres, je vous envoye un
Discours fait à Mr de Beauharnois dont je vous ay déja entretenu des grands Emplois.
Vous sçavez qu'il est presentement Intendant de la Generalité de la Rochelle & de la Marine, au Port de Rochefort.
Ce Discours fut prononcé le
16e May par Mr HervéPresi-
dent au SiegeRoyal de Rochefort.
MONSEIGNEUR,
Ce n'estpasfeulement legenie
superieur, mais c'est aussi la majestéde nostre Souverain,qui brille dans le choixqu'ilfait des Sujetspropres pour remplirlesCharges considerables, & les principaux Emplois deson Etat. En
effetrienn'estpluscapablededonner une haute idée desesperfections
,
e-rd'wfyirer desfnlimens
respectueux poursasuprême Dignité, quelorsque les premiers
Ministres de ses volontez expliquent les ordres de Sa Majesté.
Llinfinous reverrons tous ceux qui
ont l'honneur d'estrechargez
de l'execution de ses ordres, CT
nous reverrons en vous [on zele
pour la Religion,son amour pour,
la Justice, &fin attention singuliere au bien & au soulagement
desesSujets. Vousavezdéjafait
admirer dans le nouveau Monde toutes les Vertus Royales de
LOUIS LE GRAND. Mais
ceferoit peu que de les avoir exposées à la seule veneration des
Peuples qui habitent au de-là des
mers; (;7 de n'avoirsoûtenu 14
gloire de son regne que dans les
froids climatsd'une partie de i.Amerique
,
si vous ne faijte% pas
aujjt respecterson nom dans rEurope. Il ne manquoit à V. G.pour
unsiloüabledessin
3
que le Poste
important dont il asçurecompenser en dernier lieu vos services
p1[p%* present que semblable
àl'Ange dont nous
parleS.Jean,
vous avez un piedsur la terre,
&l'autresur la mer, vous vous
trouve^ en
place & dans unesituation à faire redouter sur ces
deux Elemens les forces de la
France. Il est vray que diversement occupé par vos differentes
jonctions vos regards seront necefairementpartar'ieK comme l'étoientceux de Janus. Maissans
rien perdre de vûë vous les porterezd'un costésur les détails de la
Marine,&d'un autresur les affaires de la Generalité. Vousy
estestses entré,Monseigneur,sous les entre
,,
Monseigneur, fous les
favorables auspices d'une paix
prochaine, qu'en devons-nous augurer que lebiende l'Etat, &la
félicité publique? Heureuse donc
la destinée des Provinces de Xaintonge & d'Aunis; & heureux
en particulier le fort devos treshumbles & tres-obeeansferviteurs.
AUTRE DISCOURS
Fait par le même pour l'Hôtel de Ville.
MONSEIGNEUR,
La perte que nous avonsfaite
ne pouvoit fifre reparée que par un
des premiers hommes du siecle.
Maissipoursoûtenir le titre glorieux d'Intendant deJustice, Police, Finances, & Marine, il est
necessaire d'avoir d'éminentes qualitck qui répondent à
ces
differentesfonctions. La Renomméeapris
le soin de publier par tout qu'à
l'exemple du Sage vousfaites toûjours presiderl'équité dans HJOS
Ju.
gemens«Quavec la salutaire pré1voyance de Joseph
,
vous aue;C
faitgoûter les fruits d'une bonne
Police au Peuple que Sa Majesxtiauoitfournis à
vos ordres. Qie
,Jans l'œconomie des Finances du
Prince vous ave% mérité les éloges que l'Esprit de véritédonneau
serviteur prudent & fidele ; &
qu'enfin vostre habileté dans les
mdjfaires maritimes surpasse celle
des Officiers qui fous le regne du
plus puissant Roy d'Israèlleservirentsi utilement dans la Mari- ne
qu'ils procurerent a ses Etats
uneprodigieuse abondance des choJes mêmeles plus rares, & les
plus precieuses. Fasse le Ciel que
de tant de vertus réünies dans V.
G. la France en retire à jamais
tous les grands avantages qu'elle
en doit esperer; &quesous votre
favorable &puissante protection
cette Ville na,antejouee de ses
Privileges, prenne d'heureux accroissemens, &soitdélivréepour
toûjours de l'estat déplorable où le
malheur des temps l'aréduite. Ce
font les souhaits, Monseigneur,
de vos tres-humbles &tres-obéïssansserviteur
matieres, je vous envoye un
Discours fait à Mr de Beauharnois dont je vous ay déja entretenu des grands Emplois.
Vous sçavez qu'il est presentement Intendant de la Generalité de la Rochelle & de la Marine, au Port de Rochefort.
Ce Discours fut prononcé le
16e May par Mr HervéPresi-
dent au SiegeRoyal de Rochefort.
MONSEIGNEUR,
Ce n'estpasfeulement legenie
superieur, mais c'est aussi la majestéde nostre Souverain,qui brille dans le choixqu'ilfait des Sujetspropres pour remplirlesCharges considerables, & les principaux Emplois deson Etat. En
effetrienn'estpluscapablededonner une haute idée desesperfections
,
e-rd'wfyirer desfnlimens
respectueux poursasuprême Dignité, quelorsque les premiers
Ministres de ses volontez expliquent les ordres de Sa Majesté.
Llinfinous reverrons tous ceux qui
ont l'honneur d'estrechargez
de l'execution de ses ordres, CT
nous reverrons en vous [on zele
pour la Religion,son amour pour,
la Justice, &fin attention singuliere au bien & au soulagement
desesSujets. Vousavezdéjafait
admirer dans le nouveau Monde toutes les Vertus Royales de
LOUIS LE GRAND. Mais
ceferoit peu que de les avoir exposées à la seule veneration des
Peuples qui habitent au de-là des
mers; (;7 de n'avoirsoûtenu 14
gloire de son regne que dans les
froids climatsd'une partie de i.Amerique
,
si vous ne faijte% pas
aujjt respecterson nom dans rEurope. Il ne manquoit à V. G.pour
unsiloüabledessin
3
que le Poste
important dont il asçurecompenser en dernier lieu vos services
p1[p%* present que semblable
àl'Ange dont nous
parleS.Jean,
vous avez un piedsur la terre,
&l'autresur la mer, vous vous
trouve^ en
place & dans unesituation à faire redouter sur ces
deux Elemens les forces de la
France. Il est vray que diversement occupé par vos differentes
jonctions vos regards seront necefairementpartar'ieK comme l'étoientceux de Janus. Maissans
rien perdre de vûë vous les porterezd'un costésur les détails de la
Marine,&d'un autresur les affaires de la Generalité. Vousy
estestses entré,Monseigneur,sous les entre
,,
Monseigneur, fous les
favorables auspices d'une paix
prochaine, qu'en devons-nous augurer que lebiende l'Etat, &la
félicité publique? Heureuse donc
la destinée des Provinces de Xaintonge & d'Aunis; & heureux
en particulier le fort devos treshumbles & tres-obeeansferviteurs.
AUTRE DISCOURS
Fait par le même pour l'Hôtel de Ville.
MONSEIGNEUR,
La perte que nous avonsfaite
ne pouvoit fifre reparée que par un
des premiers hommes du siecle.
Maissipoursoûtenir le titre glorieux d'Intendant deJustice, Police, Finances, & Marine, il est
necessaire d'avoir d'éminentes qualitck qui répondent à
ces
differentesfonctions. La Renomméeapris
le soin de publier par tout qu'à
l'exemple du Sage vousfaites toûjours presiderl'équité dans HJOS
Ju.
gemens«Quavec la salutaire pré1voyance de Joseph
,
vous aue;C
faitgoûter les fruits d'une bonne
Police au Peuple que Sa Majesxtiauoitfournis à
vos ordres. Qie
,Jans l'œconomie des Finances du
Prince vous ave% mérité les éloges que l'Esprit de véritédonneau
serviteur prudent & fidele ; &
qu'enfin vostre habileté dans les
mdjfaires maritimes surpasse celle
des Officiers qui fous le regne du
plus puissant Roy d'Israèlleservirentsi utilement dans la Mari- ne
qu'ils procurerent a ses Etats
uneprodigieuse abondance des choJes mêmeles plus rares, & les
plus precieuses. Fasse le Ciel que
de tant de vertus réünies dans V.
G. la France en retire à jamais
tous les grands avantages qu'elle
en doit esperer; &quesous votre
favorable &puissante protection
cette Ville na,antejouee de ses
Privileges, prenne d'heureux accroissemens, &soitdélivréepour
toûjours de l'estat déplorable où le
malheur des temps l'aréduite. Ce
font les souhaits, Monseigneur,
de vos tres-humbles &tres-obéïssansserviteur
Fermer
Résumé : Discours faits par Mr Hervé à Mr de Beauharnois, Intendant de la Rochelle, & de la Marine au Port de Rochefort, [titre d'après la table]
Le texte est une lettre accompagnant deux discours prononcés par Monsieur Hervé, Président au Siège Royal de Rochefort, le 16 mai. Le premier discours est adressé à Monsieur de Beauharnois, Intendant de la Généralité de La Rochelle et de la Marine au Port de Rochefort. Monsieur Hervé loue la sagesse du souverain dans le choix de ses sujets pour des charges importantes et met en avant les qualités de Monsieur de Beauharnois, notamment son zèle pour la religion, son amour pour la justice et son attention au bien-être des sujets. Il souligne également l'importance de ses services tant sur terre que sur mer et exprime l'espoir d'une paix prochaine. Le second discours, prononcé à l'Hôtel de Ville, salue l'arrivée de Monsieur de Beauharnois comme Intendant de Justice, Police, Finances et Marine. Il souligne ses qualités éminentes et ses succès dans diverses fonctions, comparant ses actions à celles de figures bibliques comme Joseph. Le discours exprime le souhait que ses vertus apportent de grands avantages à la France et que la ville profite de ses privilèges et connaisse une prospérité accrue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
21
p. 13-15
ACADEMIE Royale des Sciences.
Début :
Le Mécredy 12. Novembre Messieurs de l'Academie Royale des [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Discours, Araignées, Réaumur, Cassini
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ACADEMIE Royale des Sciences.
ACADEMIE
Royale des Sciences.
LeMécredy 12.Novem.
bre Meilleurs de l'Académie
Royale desSciences tinrent
leur Assemblée publique
, ainsi qu'ils ont coutume
de faire tous lesans,
après la Saint Martin.
MrCassini fit l'ouverture
de l'Assembléepar la lecture
d'un Discours sur le
flux & le reflux de la Mer.
Aprés Mr Cassini., Mr
de Reaumur en lut un surla
nouvelle découverte de la
foye des Araignées.
MrMery en lut enfuire
Un sur les Moules des Rivieres
& des Etangs.
Et Mr Homberc finit
l'Assembléepar unDiscours
spur liesqVéguétatioénssMé.tal-
-
Vous allez voiricy l'Extrait
d'un deces Discours,
en attendant les autres que
j'espere vous donner dans
les mois prochains.
Pour mettre le Publicau
fait du Discours de Mr de
Reaumur, il est necessaire
de luy donner une idée de
laDissertationque Mr Bon
a fait sur les Araignées.
Royale des Sciences.
LeMécredy 12.Novem.
bre Meilleurs de l'Académie
Royale desSciences tinrent
leur Assemblée publique
, ainsi qu'ils ont coutume
de faire tous lesans,
après la Saint Martin.
MrCassini fit l'ouverture
de l'Assembléepar la lecture
d'un Discours sur le
flux & le reflux de la Mer.
Aprés Mr Cassini., Mr
de Reaumur en lut un surla
nouvelle découverte de la
foye des Araignées.
MrMery en lut enfuire
Un sur les Moules des Rivieres
& des Etangs.
Et Mr Homberc finit
l'Assembléepar unDiscours
spur liesqVéguétatioénssMé.tal-
-
Vous allez voiricy l'Extrait
d'un deces Discours,
en attendant les autres que
j'espere vous donner dans
les mois prochains.
Pour mettre le Publicau
fait du Discours de Mr de
Reaumur, il est necessaire
de luy donner une idée de
laDissertationque Mr Bon
a fait sur les Araignées.
Fermer
Résumé : ACADEMIE Royale des Sciences.
Le 12 novembre, l'Académie Royale des Sciences tint son assemblée annuelle. Monsieur Cassini parla du flux et reflux marin. Monsieur de Reaumur découvrit la fiole des araignées. Monsieur Mery discuta des moules des rivières et étangs. Monsieur Homberg conclut sur la végétation des métaux. Les discours seront publiés prochainement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
22
p. 45-48
EXTRAIT.
Début :
Monsieur Cousin, President en la Cour des Monnoyes, & l'un des [...]
Mots clefs :
Discours, Abbaye, Latin, Bibliothèques
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT.
EXTRAIT.
Monsieur Cousin, Prefident
en la Cour des Monnoyes,
& l'un des quarante
de l'Academie Françoise
, a laissé en mourant à
l'Abbaye S. Victor, saBibliotheque
qui estoit nombreuse
,,
choisie, & dont il
avoit fait un excellent usage
durant sa vie. Il a fondé
dans la mesme Abbaye un
Discours Latin qui se fait
tous les ans par un Chanoine
de cette Abbaye. Mr
l'Abbé deLonguëil acquita
cette Fondation le 2 4.
Février jour de saint Matthias
, & fit un Discours
très-éloquent
,
& qui fut
prononcé avec beaucoup
de grace. Aprés avoir fait
unExordesur l'utilité des
Bibliotheques dans lequel
il fit entrer l'éloge des personnes
qui ont augmenté
celle de S. Victor
, ôcen
particulier celuy de Mr le
President Cousin. Il divisa
son Discours en deux propositions.
Il prouva dans la.
premiere que pour tirer ura
veritable fruit de ses estudes,
il ne falloiressentiellement
embrasser qu'un seul
genre de science dans lequel
il estoit plus à propos
d'exceller que d'estre mediocre
& superficiel en tout
genre, & il ajousta que
pour le choix on devoit
consulter sa vocation & ses
talents, sanstenter de forcer
la nature, & sans (a
rendre esclave du nom, du
rang & de la profession de
ses peres.
"I Dans la ic partie de son
Discours il donna des regles
particulieres pour Te-
Rude
, & prescrivit l'ordre
,la méthode, l'arangement
& les gradations, &
mesme les relaschementsqu'il
falloit observer en
travaillant. Il finitenexhortant
ceux qui se dessinoient
àl'estuded'enconsacrer
l'usage
,
& de s'ap-
- pliquer par preference aux
sujets qui pouvoient instruire
& édifier.
L'élegance du Latin,les
graces de
-
l'Orateur , & la
maniere ingenieuse avec
laquelleMr l'Abbé deLon-
,
guëil traita son su jet contribuèrentégalement
au
succez de son Discours.
Monsieur Cousin, Prefident
en la Cour des Monnoyes,
& l'un des quarante
de l'Academie Françoise
, a laissé en mourant à
l'Abbaye S. Victor, saBibliotheque
qui estoit nombreuse
,,
choisie, & dont il
avoit fait un excellent usage
durant sa vie. Il a fondé
dans la mesme Abbaye un
Discours Latin qui se fait
tous les ans par un Chanoine
de cette Abbaye. Mr
l'Abbé deLonguëil acquita
cette Fondation le 2 4.
Février jour de saint Matthias
, & fit un Discours
très-éloquent
,
& qui fut
prononcé avec beaucoup
de grace. Aprés avoir fait
unExordesur l'utilité des
Bibliotheques dans lequel
il fit entrer l'éloge des personnes
qui ont augmenté
celle de S. Victor
, ôcen
particulier celuy de Mr le
President Cousin. Il divisa
son Discours en deux propositions.
Il prouva dans la.
premiere que pour tirer ura
veritable fruit de ses estudes,
il ne falloiressentiellement
embrasser qu'un seul
genre de science dans lequel
il estoit plus à propos
d'exceller que d'estre mediocre
& superficiel en tout
genre, & il ajousta que
pour le choix on devoit
consulter sa vocation & ses
talents, sanstenter de forcer
la nature, & sans (a
rendre esclave du nom, du
rang & de la profession de
ses peres.
"I Dans la ic partie de son
Discours il donna des regles
particulieres pour Te-
Rude
, & prescrivit l'ordre
,la méthode, l'arangement
& les gradations, &
mesme les relaschementsqu'il
falloit observer en
travaillant. Il finitenexhortant
ceux qui se dessinoient
àl'estuded'enconsacrer
l'usage
,
& de s'ap-
- pliquer par preference aux
sujets qui pouvoient instruire
& édifier.
L'élegance du Latin,les
graces de
-
l'Orateur , & la
maniere ingenieuse avec
laquelleMr l'Abbé deLon-
,
guëil traita son su jet contribuèrentégalement
au
succez de son Discours.
Fermer
Résumé : EXTRAIT.
Le texte décrit la donation de la bibliothèque de Victor Cousin, Président à la Cour des Monnoyes et membre de l'Académie Française, à l'Abbaye Saint-Victor. Cousin avait fondé un discours latin annuel à prononcer par un chanoine de l'abbaye. Le 24 février, l'Abbé de Longuëil acquit cette fondation et prononça un discours élogieux. Il souligna l'utilité des bibliothèques et rendit hommage à Cousin. Son discours se structurait en deux propositions : la première insistait sur l'importance de se concentrer sur un seul genre de science en fonction de sa vocation et de ses talents. La seconde proposait des règles spécifiques pour l'étude, incluant l'ordre, la méthode, l'arrangement, les gradations et les moments de repos. L'Abbé exhorta les étudiants à se consacrer à des sujets instructifs et édifiants. Son élocution en latin, ses grâces oratoires et son traitement ingénieux du sujet contribuèrent au succès de son discours.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
23
p. 1-74
Historiette Espagnole.
Début :
Dans le temps que l'Espagne estoit divisée en plusieurs [...]
Mots clefs :
Prince, Amour, Coeur, Joie, Bonheur, Mariage, Princesse, Amant, Liberté, Duc, Combat, Époux, Choix, Rival, Espagne, Andalousie, Mort, Malheur, Vertu, Générosité, Père, Sensible, Aveu, Discours, Courage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Historiette Espagnole.
Historiette Espagnole.
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
Dans le temps que.
l'Espagne estoit divisée
en plusieurs pays dont
chacun avoit fonSouverain,
le Duc d'Andaloufie
estoit le plus confiderable
d'entr'eux, foit par
l'estenduë de ses Estats,
soit par la sagesse avec
laquelle il les gouvernoit.
Il estoit l'arbitre
des autres Ducs sesvoisins,
dans les differens
qui les defunissoient, &
ces raisonsluyattiroient
la veneration
,
& le respectde
toute l'Espagne :
le detir qu'avaient les
jeunes Princes de voir
un Souverain dont la réputation
faisoit tant de
bruit,& qu'on leurproposoitsans
cesse comme
le plus excellent modelle
,
les attiroit dans sa
Cour, mais les charmes
de Leonore sa fille les y
retenoient: c'estoit la
beautéla plus reguliere,
&la plus touchante,
qui eustjamais paru en
Espagne
,
la beauté de
son esprit, &l'excellence
de son coeur formoient
de concert avec
ses appas tout ce qu'on
peut imaginer de plus
parfait.
Les Princes qui ornoient
une Cour déjasi
brillanteparl'esclat de
la Princesse Leonore,
joüissoient d'un je ne
scay quel charme secret,
que sa presence faisoit
sentir, ëc que la renomméen'avoit
paspûassez
publier: Ils l'aimoient,
ilsl'admiroient, mais le
respect ne leur en permettoit
que les marques
qui efchapentnecesairement
à l'admiration
,
6c à l'amour. Le
seul D0111 Juan fil^ du
Duc de Grenade osabien
tost reveler le secret
que tous les autres
cachoient avec tant de
foin. C'estoit un Prince
très - puissant
,
bc de
grands interestsd'Estat
queleperedeLeonore,&
le sien, avoient à demefler,
pouvoientfaciliter
un mariage auquel son
amour ,
& sa vanité le
faisoient aspirer, ensorte
queDom Juan sûr de
l'approbation du Duc
d'Andalousie,&constant
aussi sur son mérité declara
son amour à Leonore,
avec une hardiesse
qui dominoit dans
son caractere.
La Princesse ne luy
respondit point avec ces
vaines ostentations de
fierté ridicules sur tout
dans celles que l'amour
n'a pas touchées; mais
son discours portoit un
caractère de modération
qui luy annonçoit une
longue indifference
,
il
ne receut d'elle que
quelques marques de la
plus simple estime, sentiment
froid qui ne fait
qu'irriter les feux de l'amour,
DomJuan eust
mieuxaimé queLeonore
eust esclaté contre luy
, l'indifference est en effet
ce qui tourmente le
plus un amant, elle luy
oste le plaisir de l'esperance
aussi
-
bien que la
haine, & n'éteint pas
comme elle sa passion.
DomJuan parla souvent
deson amour à Leonore
,
& il en receut toujours
les mesmes respon
ses, rien ne put attendrir
pour luy
, ce coeur
dont l'amour reservoit
la conqueste à un autre,
mais en perdant
l'esperancede toucher
son coeur, il ne renonça
pas à celle de la posseder,
il agit auprès du
Duc plus vivement que
jamais
,
il esperoit que
Leonore aimeroit son
époux par la mesme raison
qu'il l'empeschoit
d'aimer son amant, il
pressa si fort son mariage
qu'en peu de temps
il fut conclu: quelle
fut la desolation décette
Princesse,ellen'estoit
pas insensibleàl'amour.
lePrince deMurcie avoit
sceu lui plaire, mille
qualitez héroïques le
rendoientdigne de son
amour, elle l'aimoit
quel malheur d'estre,
destinée à un autre. Cet
aimable Prince qui l'adoroit
n'avoit jamais ofé
luy parler de sonamour,
& n'avoit aussi
jamais reçu aucune mar
quedeceluy que Leonore
sentoit pour luy :
Il arrive à Seville où
estoit la Cour du Duc
d'Andalousie. Le mariage
de Dom Juan fut la
premiere nouvelle qu'-
apprit l'amoureux Prince
de Murcie, il fut frappé
comme d'un coup de
foudre. Il crut avoir
tout perdu, ainsi il ne
menagea plus rien, &
sansrendre ses premiers
devoirs au Duc, il
court chezLeonore dans
l'estat le plus violent quun
amant puisseeprouver
: Il eji doncvray,
Madame, luy dit-il, que
vous épousezDomJuan,
l'heureux Domfuan va
vous posseder.Toute la
Courqui retentit de sa
gloire deson honheur,
m'annonce le seul malleur
quiputm'accabler:
car enfin,Madame, il
n'est plus temps de vous
cacher messentiments
,
il
faut maintenant qu'ils c-
L'latent, je vous aimay
dezque vousparusses à
mes yeux, l'amour ne
peut plus se tairequand
il est reduit au desespoir;
Dom Juan seral'époux
de Leonore , Ah Prince[
Je ! quelle ressource
pour moy dans un pareil
malheur, Eh! quel
autrepartypuis-jeprendre
que celuy de mourir
: ce discours du Prince
surprit Leonore : il
luy donna encore plus
de joye
,
le respect du
Prince avoit juques-là si
bien caché son amour
qu'ellen'avoit pas mesme
peu le soupçonner,
quel charme pour elle
de se voir si tendrement
aimée d'un Prince qu'-
elle aimoit.
Leonore dont le coeur
estoit grand & incapable
des petitesses de la
feinte&dudéguisement
se livra toute entiere au
premiermouvement de
la gcnerosité, Prince,
dit elle, loin que vostre
amour m'offense, je ne
fais point difficulté de
vourdirequej'y responds
par tout celuy dont je
suiscapable; ouy,Prince,
je vous aime, &fij'epou.
sois Dom Juan je serois
encore plus à plaindre
que vous, maintenant
que jeconnoisvostre amour,
&que voussçat¡}
eZ le mien, nos malheurs
ne seront pas si
grands, la pofejjion de
vostre coeur va mefaire
surmonter les plusrudes
disgraces, &l'aveu que
je vous fais de mon amour
vous responds que
je ne seray point à un
autre que vous.
Cet aveu paroîtra sans
doute bien promt à ceux
qui croyent que l'amour
est toujours une foiblesse,
il feroit condamnable
en effet dans une
amante ordinaire, mais
l'amour heroïque plus
independant se prescrit
à
à luy mesme ses regles ,
sans violer jamais celles
dela vertu.
On peut juger combien
le Prince fut sensible
à un aveu dont il
n'auroit jamais osé se
flater
,
sa joye plus vive,&
plus forte que celle
que l'amour content
inspire d'ordinaire,ne se
monstra que par des
transports, illuy prouvoit
par le silence le plus
passionné que son bonheur
épuifoit toute sa
sensibilité, tandis que la
Princesse
,
oubliant le
danger d'estresurprise,
s'abandonnoitauplaisir
de le voir si tendre. Il
reprit l'usage dela parole
que sa joye extrémeluy
avoit osté: Est-il
possible, ma Princesse !
que vous flye{fènfihle
à mon amour, n'estoitce
pas ajJeZ que la pitié
vous interessast dans mes
malheurs ; Je comptois
sur la gloire de vous admirer,
f5 de vous aimer
plus que tout le monde
ensemble,maispouvoisje
me flater du bonheur
de vousplaire:SoyeZ,ûr,
dit Leonore, de la sincerité
de mes sentiments :
la vertu ria pas moins
de part à l'aveu que je
vous en fais que mon amour
:oüy
,
Prince, c' est
cette vertu si sensible à
la vostre qui vous afait
iJ.:I1)U que monamour,
tout violent qu'il est, ne
m'auroitjamais contraint
à vous faire f5 cejl
cette vertu qui mefait
souhaitterd'estreplus digne
devous: mais helas!
que leplaisir d'un entretien
si tendre va nous
cou,#ercl,er,noe,r,e amour
est trop violent pour ne
pas éclater, on le remarquera,
Prince, & l'on
va nousseparerpour tousjours.
Aprés une conversation
telle que se l'a peuvent
imaginer ceux qui
ont ressenti en mesme
temps l'amour, la joye
&la crainte. Le Prince
deMurcie se separa de
sa chere Leonore
,
de
peur de trahir par un
trop longentretienlemistere
si necessaire à leur
amour:il alla rendre ses
devoirs au Duc d'Andalousie,
qui luy confirma
le mariage de Leonore
avec DomJuan;savisite
futcourte,il n'aimoit
pas assez DomJuan pour
s'entretenir si long-tems
de son bonheur:la resolution
du Duc l'allarmoit
extremement ,
il
prévoyoit des éclats que
son amour pour Leonore
luy faisoit craindre
plus que la mort. Agité
de foins & d'inquietudes
il va chercher la solitude
pour y réver aux
moyens de détourner le
malheur qui le menaçoitj
il y trouva justement
Dom Juan qui se
promenoit seul dans les
jardins du Palais: quelle
rencontre que celle
d'un Rival qui rendoit
malheureux l'objet de
son amour. Si le Prince
eust suivi les mouvements
de sacolere,il auroit
sans doute terminé
sur le champ leur querelle:
mais il importoit
au Prince de dissimuler
plus quejamais; il aborda
Dom Juan avec cet
air d'enjouëment, & de
politesse qui luy estoit
particulier, & luy parla
en ces termes: Je ne
m'attendotspas, Prince,
de vous trouver enseveli
dans une profonde rêverie
lorsque toute cette
Cour ne s'occupe, & ne
s'entretient que de vostre
bonheur, le Duc d'Andalousie
vient de vous
rendre le Princed'Espagne
le plus heureux, &
nous
vousfuyeztout le monde
qui applaudità son
choîx. Est-ce ainsi que*
vous r(ce'Ve{, la plus
grandefaveurquepuisse
vous faire la fortune ?
Prince, responditDom
Juan, loin d'estre inJér;-'
sible au bonheur que le
choix du Duc me procure
,
c'est peut- estre afin
de le mieux gouster que
je cherche la solitude:
poury estreaussisensible
que je le dois, je riay beJ'oin
que de mon propre
coeury , je le possede
mieux icy qu'au milieu
d'uneseule de ccurtifans,
dont quelques-unspeutestre
donneroient des applaudissementsfcrce\
y a
un Princedontils envient
le bonheur.
Quoj qu'ilensoit, re->
prit lePrince, voflre
froideur mestonne:vous
estes trop heureux pour
veus renfermer dans les
bornes dune joye si moderee.
Eh!qui eutjamais
tant desujets de joye?
Vous allez,posseder Leonore
, &vous pofedez
apparemment son coeur,
car DomJ-uJan,delicat
&genereux comme je le
connois, nevoudraitpoint
faireson bonheurauxdépens
de celle -qu'ilaime,
il n'auroit point accepté
les offresduperesans eflrc
seur du coeur de lafille.
Leonore,-refpoilditDom
Juan, n'a point flatté
mon amour, &si setois
d'humeur a mmquieter>
je trouerois peut -
estre , quelle est sans inclination
pour moy:maisenfin
je rapporte la froideur
dontelle apayemesfeux,
à son indifférence naturelled'amour
mutuel n'est
pas necessaire dans de
pareils mariages, les raisons
d'Estat, & les interests
de famille en décident
ordinairement; &
lorsque j'accepte ïhonne"
f?' que le Dm-veut me
foeire? (avertu
pond quelle n'a point
d'tantipathiepour l'époux
que son pere luy destine ,
ni d'inclinationpourceux
que le choix du Duc riauthorisè
pas à luy lnarquer.
de l'amour. Permettezmoy
y
Seigneuryrepliqua
le Prince
,
de douter de
la sincerité de vos discours
pour estimer encore
vos sentimens, ouiy puisque
vous 'vo!/;/ez estre
l'Espoux de Leonore,
vous estes purdeJon
coeur: mais sans doute
vous vouleT^oùtrJeul de
vosplaisirs.Jevous laise
en liberté.
Si le Prince quitta
brusquementDomJuan,
c'estoit moins pour luy
plaire
, que parce qu'il
craignoit de ne pouvoir
pas assez retenir sa colere.
Il estoiteneffetbien
dangereux qu'elle n'éclatast
à la veuë d'un
Rival qui oiïLnibit également
sa delicatesse &
sa passion.
Le Prince courut rendre
compte à sa chere
Princesse de ce quis'estoit
passé entreDomJuan
& luy: mais bientost
les inquiétudes le reprirent
quand Leonore luy
dit que le Duc son pere
vouloit absolument acheverce
fatal mariage,
qu'elle en auroit esperé
plus de condescendance
,
maisqu'il paroissoit
inflexible
,
& qu'elle
craignait bien que rien
ne peut changer a resolution.
Ce fut ppur lors que
le Prince se trouva
cruellement agité: Que
de malheurs, luy dit-il,
je vais vous susctier!
quelles violences ne va
point vousfaire le Duc?
quellespersecutions de la
part de DomJuan? mais
en vain cet indigneRi- ,Zne
: valvêtitjorcervojïre inclînattoïijappujzduchoix
de vostre Pere, mon amour
& mon courage,
plus forts que leurs intercjisy
& leurs resolutions
vaincraient des obstacles
mille fois encore plys
grands: mous^wiau
meZ, je ne seray jamais
malheureux Dom
Juan nefera jamaisvostre,
Epoux ; je cours le
punir & vousvenger.
jihPrincel dit Leonore
,
auallû^vcus faire?
je ne crains point que le
bruit d'un combat suissè
ternir ma gloire, mais
que deviendrons-je lit
vous estoit funefe ? la
fortune riejïpas tousjours
du party de l'amour.
Prince, au nom de cet
Amour,n'éxposez,point
une vie à laquelle s'attache
la mienne: contenteZ:.,
vous du ferment que je
fais de rieflre jamais
qu'a vous,
Quel coeur ne feroit
pas sensible à tant de tendresse
? mais qui pourroit
l'estreautant que le
fut ce Prince le plus delicat
,
& le plus tendre
de tous les amans : on
peut croire queses transports
éclatoientsur son
visage, & ce fut en effet
ce qui trahit le mistere
de ces amans. DomJuan
venoit visiter Leonore,
il entroit dans son appartement,
dans les mamens
les plus vifs
y
&
les plus heureux où le
Prince se fust encore
trouvé; il sbupçonna
d'abord sonmalheur, &
la Princessequieraignoit
de sè trahir elle-mesme,
aprés quelques discours
de civilité feignit une
affaire, & se retira dans
son cabinet. Pour lors
Dom Juan qui n'avait
d'abord osé produire les
soupçons, ne menagea
plus rim, ces deux Rivaux
quitterent l'appartement
de la Princessè,
& sanssedonnerrendezvous
que par des regards,
ïls se trouvèrent
enfin {èu!s dans une alléeextrêmement
éloignée
du Palais, &Dom
Juan parla ainsi le premier
; Si j'avais Jeeu ,
Prince, que vous estieZ
seul avec Leonore - n'aurais eu garde de troubler
c-uoftre entretien, il
vous saisoit plasir à l'un
é5 à l'autre, ou toutes les
marquessurlesquelles on
en peut jugersont équivoques
: je mesuis pour lors
souvenu desmaximesgenereusèsquevous'VoulieZ
tantoslm'inspirer, iffen
ay reconneu la sagesse
aussî-tost que leprincipe.
Seigneur, respondit le
Prince, quand on estné
genereuxon n'ignorepoint
ces maximes, un amant
delicat se croit indigne
d'époufsr sa maijlrejje
quand il ne s'enfait pas
armer, l'epouser sans luy
plairec'est luy ojier la
liberté de concert avec
ceux qui ontdroitde disposer
d'elle, ~(jfpour
moy Pour vous,
répliquaDom Juan
,
vous accepteriez^le choix
de son Peres'il estoit
en vostre saveur ; sans
craindre dopprimer sa
liberté, ~f5 vous ferieZ
un usage plus agreable
de la delicatessè de
vos sèntiments: je rien
produirois pas du moins,
reprit le Prince avecémotion,
d'indignes f5
~â*elle&demoy.Jeferay
bientost voir, repritfierement
Dom Juan, que
cen'estpas estreindigne
du bienauquel on
que defaire desenvieux.
A ces mots le Prince sèntit
redoubler sa colere:
Un amant, luy dit-il
quinetrouveque de Findifférence
dans l'objet
qu'il
qu'ilaimerait d'ordinairepeud'envieux.
Jesuis
surpris,reprit DomJuan,
de l'audace avec laquelle
vous osèZm'insulter.
Hé! que pretendeZ:vous
sur Leonore pour en soutenirles
droits:je prétends
les luy consèrver , dit le
Prince, ~& scavoir si
Dom Juan aura le courage
de les detruire. Aces
mots, il tire son épée, &
Dom Juan se met en devoir
de se deffendre.
A voir leur mutuelle
fureur on auroit devin
sans peine l'importance
du sujet qui lesanimoitt
ces siers Rivaux, qu'un
grand courage & de
puissants. motifs rendoient
prefqumvinciblés,
combattirent lone- otemps à égal avantage:
mais enfin la force 8c
l'adresse du Prince prévalurent
; il desarma
Dom Juan
,
qui sans xvoir
receu aucune biefseure,
se trouva a la merci
de son vainqueur.
Alors le Princeloind'abuser
de sa victoire, sentit
mourir toute sa haine,
il ne put s'empescher de
plaindrele.tristeestat
dun malheureux. Dom
Juan estoit- en effet digne
de sa pitié :: il se
monstroit à la véritépeu
genereux. en poi^rfiijvant
des prétentions que
l'inclination de Leonore
n'authorisoit pas, mais
il dementoit sa générosité
pour la prèmieresois,
& jusque là le Prince
l'avoit trouvé digne de
son estime. Il ne voulut
point aussi luy donner la
mort : DomJuan, luy
dit ce genereux Rival
renoncera la possessïon de
Leonore ~f5 rvi'VeZ: Non,
non, respondit Dom
JuantermineZ ma vie
oulaissezmoy l'esperance,
depossedèrleseulbien qui
me la fait aimer. Vous
ouLeZdonc mourir, reprit
le Prince? Oüy, dit
Dom Juan, Eh! queserois-
je d'une vie qui ne.
seroit pas consacréea Leonore,
ah ! je feray trop
heureuxde luy donner
ceûtepreuve de ma constanceouijeveux
mourir..
Non, dit le Prince, que
ce discours avoit attendri
,non vous ne mourrez
point , deussai-je vivre
tousjours malheureux, je
respectedanscoeur ïa*-
mour queLeonoreyafait
naistre : Vivez Dom
Juan,vivez,&qu'on
ne puissejamais dire que
vous mourez pour avoir
aimécette divinePrincesse.
En mefine temps illuy renditsonépée,
prest à recommencer le
combat.Mais DomJuan
charmé de la generosité
du Prince, sentit tout à
coupchanger soiscoeur,
il fut quelque temps incapable
de prendre une
resolution, & mesme de
prononcer une parole:
enfin plus vaincu par la
generositédu Prince que
par ses armes, comme
s'il fust tout à coup der»
venu un autre homme,
il parlaainsi à son Rival.
Aumoment que vous me
rendez la vie , je comprends
que jemeritois la
mort, & je vaisvous
donner la plus grande
marque de mareconnoissance
:vousaime^Jans
WMte Leohore5, (3vom
estestropaimablepour
n'en
)
fjhe.pasaimé )1J
vous ceje>Prince
, tou?
tesmesprétentions, puissiez-
vousvivretousjours
heureux amantde Leànore:
pourmoyjevais lok
fuirpourjamais,&mettretoute
marlohe à eteindreunepassion
qui ojpen
selesplusillustres ama'ldu
monde"s conservez,
Prince,vostre amitiéque
vousvenezdemerendre
I!/
sipretieuse, & accomplir
tous nos souhaits. On ne
peut exprimer la joye,
&lasurprise du Prince,
il n'auroit pas cru que la
generosité eust tant de
pouvoir sur le coeur de
DomJuan,& fàrefblution
luy paroissoit si
grande, qu'àpeinepouvoit-
il suffire à l'admirer>
il le tint longtemps
entre ses bras, arrosant
son visagede ses larmes.
C'estoit un spectacle
bientouchant que ces
fiers rivauxdevenus tout,
d'uncoup sitendres. Ce
Prince déploroitlafatalité
des conjonctures qui
fQrçoieJld. Dom Juanà
luy faire un si violent sacrifice,
pendant que
DoraJuan croyoit faire
encore trop peu pour son
illustre amy. Leur genereuse
amitié fit entre eux
un fecond combat, aussi
charmant que lepremier
avoitestéterrible,
Ils se jurèrent une éternelle
amitié,&sedirent
enfinAdieu. Dom
Juan ne voulutpointretourner
sitost dans ses Etats;
craignant les esclaircissemens
que le Duc de
Grenade son pere auroit
exigé sur son retour imprevû.
Il resolutd'aller
voyager dans toute l'Êspagne.
Il ne crut pouvoirmieux
accomplir sa
:
promesse
, que par des
courses continuelles JOÙ
la multiplicité desdiffectls-
úbjets qui s'offrent
âùx Voyageurs,pouvoir
lé distraire
,
& chasser
ses premières impressions.
CependantlePrincequiavoit
tant de fîrjets
d'estre content de
l'amour,& delafortune,
prévoyant de terribles
esclats qu'il croyoit
devoirespargner à la
vertu de Leonore, estoit
accablé dedouleur. Ilse
reprochait d'avoir plus
écouté les interdis de
son amourque ceuxde
sa Princesse. Il craignoit
de s'estre rendu tout-afait
indigne d'elle. Aprés
avoir hesitéquelque
temps entre cette crainte
etledesir deluyapprendre
sa destinée
, ce dernier
sentiment l'emporta
,
&là il confia à fbn
Ecuyer une Lettrequi
apprit bientost à la Princesse
comment le Prince
l'avoitdélivrée des ira- -
portunes poursuites de
DomJuan. Si elle reçut
avec plaisir la nouvelle
delavictoire du Prince
: elle fut encore plus
charméedeladelicatesse
de ses sentimens, Quoy,
disoitelle, le Prince est
entUoneux dans un combat
qui decide definbon*
heur; & cependant craignant
de leftte rendu m-*
digne de mon amour par texceZ du sien. Il ne
peutgouster en liberté la
foyelaiplm grandeqm(
fdït capable de!rej!tlJ'ir.Ãj
nàiyEnnctiropgemr^m^
ne crainspointla iïèlcra
de Leono'm;jen'vhfvifab
ge dans .'erf:orhb:J'.qt«.:lu
fmlm ttt ')'expàfà,j,ipn
empefchrqueje,nefnjje
àun oewrequ'à:toyl
C'estainsi que cette
genereuse Princesse in-r
sensible à des revers que
le Prince craignoitpour
elle,donnoitau fort do
£>11Amant, une joyeà
laquelle il s'eftoit=lùy¿.
mmesemferrï'ï,~e.-•tru~:~-ma~ contoefi<fUerfeuftpô
gouster foiv; bonheur
sans l'y rendre sensible,
felle voulutparunelettre
Qu'elleluy écxivit]
Rendre toute sa tranquilité.
L'assuranced'estre
iimé de Leonore eïîoit
bien necessaireau Prince
pour luy faire supporter
fort absence : Il alloit
estre éloigné d'elle sans
ftjavoirquand il la re1\
erxoit,l éJpii9};i1i
Q¥elifalLfWlleJWtsJ)i\
|ettrpj4çL^nftr^&j/ç
retiraàdeu?ilicu(;'s<]e.§evine,
dityis,unJiçqu;JJl
9it.rfgiJitPjÇé.,gy
ilç'^ççUp^ l\11jq\1JtMJl}
du plaisir qLJre1F.lhf
JfUe,,^4e Ifcdgolgiif
d'enpeal('rsi6'.J.lÆp. noredesonCoftcin'avçuj:
gueresd'autre occupation
j'ics mesmesfcntimensleur
donnoientles
mesm peines 3îô^rJLes
mesmes plaisirs.
• Untemps considerable
se passa,sansqueces
deuxAmans pussent ny se11tretenlf) ny s'écrire
&Leonore qui n'avoit
de plaisir qu'enpensant
au Prince, en estoit pour
comhh de malheurs distraite
par les soupçons
defon> pere qui croyait
que les froideurs de sa
filleavaient éloigné
Dom Juan. Enfin le tumulte
d'une Cour, où
l'on nes'entretenoit que
deDomJuanluy devint
tout-à-fait insuportable?
elle pria leDucfbh perô
de luy permettre de quitter
Seville pour quelqoç
temps,sousprétexte de
rétablir sa santé
, que
l'absence de son cher
Amant avoit extrêmement
alterée:elle choisi
Saratra Maison de plaisance
à deux lieues de
Seville où elle avoit passé
une partiede sonenlance,
ellealloit tous les
soirs se promenerdans
un boisépais, ouellç
cftoitièurede trouver le
iilençe3 &la liberté:Un
jour sans s'estre apperçuë
de la longueur du
chemin ellele trouva
plus loin ql.",àl'ordi'qÇ
duChasteaudeSaratra,
elles'assit&fitassessoir
auprès d'elle Iiàbejle,
l'unede ses Filles qu'elle,
aimoit plus que les autrès,
&qui ne la quittoit
prcfqUc janlâis;elI tomba
dits UOéjft profonde
résveriè quilabelle* ne
put s'empescher deluy
en demanderle sujet,&
pourlors,foitque son
amour fortifié par un
trop long silence nepust
plus se contenir, , soit
qulfabelle méritastcettemarqué
de sa confiant
ce, Leonore luy ouvrit
fsoornt ccoeoeuurr,>&paparlrele rreécciitt,
le plustouchant luy ap- prit tout lemystere qui
estoit entre elle, & le Prince.! Ilàbelle estoit, sans
doute attendrie à la
peinture d'un si parfait
amour; mais elle se crut
obligée d'exhorter Leonore
à bannir le Prince
de son coeur: elle luy
representa respectueusement
tous les égards
.qu'exige des perssonnes
de son rang, le public à
quielles doivent, pour
ainsi dire,rendre compte
deleurssentiments 6c
de leurvertu.
chere Isabelle, reprit Leonore,
des quejeconnus le
.¡?rince, jeperdis laliberté
de-faire toutes ces reste- jfions,ma raison qui- en fit beaucoup en safaveur
rienfitaucunes contre lui.
Je l'aime enjirJ, & je
crois
, par mon amour,
estreau-dessusde celles
quin'ontpas lecoeurassez
vertueuxpour L'aimer,ce
riesipoint parcequ'il est
mïeuxfàit quelesautres
phltimïÈfneetèsf-pnriipta.Crc'eeafil*,ila
ma
iherèIJabelle,le caracte-
Yedejon coeurquefeftimc
eifHui9cèjifinamour
g'tïïereuxydélicat3dèfifr
terëjfé'', refPelJueux_'Ja.
cm que cet amour lriflreçoit
magenerositéa&
payerpar toutceluidont
jefhiscapable : plusatùntif
à ma, glomqtfà
fftôhmefmesfS indffjfc
fetitfursa félicitéparticulitre,
culiere, /<?#*çequi 12
pointderapport au* hoifc
&e$trde monarrww^ oud
facial de m'a :i.lé'li' nè
peut IjntereJJer,pouvois^
je connoistre taitr
Wtey.&wfasïefîtmer*
fomjQtSrjesèntir lepriX.
*a4hmsripmar'fait*arm.ou.r^0,> sionque ]aipoHr lui nest
fdefimnitmdee.re;ptlaire,*fqau'bosni<nyçoei.ï
AkhfmrqMifaunlqM
jefois condamme a ne le
plust¡}oir,peut-estre d()ut
t'ilde ma confiance,peut*
estre il craint que mon
amour ne saffomiJJ-es Apeine eut-elle achevécesderniers
mots,que lePrince sortit du bois
tout transporté, & se
jettant à ses pieds , s'éria:
Ah! ma Prtncejfeî
y a-t'tl un homme aujjfi
heureuxquemoi, dfpar*
ce que je vous rends un
hommage tjtIC tout l'tmivers
seroitforce de rvou;'
gendre,faut-ilque
plus heureux quç.Jont^
''Vr)ivers enseble. vv^. quellefurprifequel-,
lejoye, quels tranlports ):cçlatçf,
ces Ecnjdrcs Amaps:cçtt^
réunion impréveuë piÇrr
duifitentre eupi,ualong
silence qui ;peignoir
ntieüx leur fènfibiUtq
quetous les difçoups%<
';'"Cette {îtuatioa y;oiç
i doutçd,;cs grap!<&$
douceurs, mais l'amour rsen
trounedansles discours
passionnez quand ila
épuiséceux dusilence;
£6 futalorsque nepouvantadeziè
regarderais
ne purentle lassèr de
c:nteJldrc.-'
'i'Y0 Que fat deplaijira
n)om retrouver,cherPrince5
dit tendrement Leoîiore,
mais que ceplaisir
seracourt,peut-etrenous
ne^nousverrons\plus<:
nous ne nousverronsp'fofo,
ma Princesse,réponditil
,
ah crote^qm:tmtts
lesfois que lagloire,owfo
félicitéde Lemoreexige*
ront que je paroisse-â'fès
vousverrai-, je
vous verrai,charmante
Princessemalgrétousces
périls, maisquetousces
périlsyque.tous cesmah
heurs ne soientquepour
moi[ml9 jArai Uforcç
de lessùpporter>pmfqm
tpous. rriaimel
aJen'entreprendspoint
de pein: ici la douceurdeleurentretien
,
chacun en peut juger
- par sapropreexperience
aproportion des ,[ent..::..
nients dont il est capable.
Ilsuffrira de dire que
ces ,
plaisirs : n'ont point
debornes dans les coeurs
deceux qui n'enmettent
point à leur amour-
Chaque jourLeonore
revit for* Amant! & ce
- - A -
surentchaque jourde
nouveauxplaisirs:ils
estoient. trop heureux,
pour que leur bonheur
futde longuedurée,la
fortùrie leurdonna bien-
! tost d'antresfoins,*Lea-*
norèvrèceutiardre
; de
quitter, Saratra,&£Tdè
retourner promptement
à Seville:D'abord; elle
soupçonna quelquetrahison
de la partde [ci
domestiquer, & fit fça*
-
voirau Princel'ordre
cruel qui les SEparoit, en :de s'éloigner
inceflamineiic d'un lieu
où il avoit sans doute,
cf{tLé'ddé' couvert.
r. :,
Lessoupçons de Léo-»
nom ne se trouverent
quetrop bien sondez,
le Ducavoit appris par
un domestique de Leonore
3
qui estoit depuis
long-temps dans les
intereftsde Dom Juance
qui se passoit entre
dIe ,& le Prince:
Il
Ilrappella la Princesse
qui croyant sapassion
trop belle pourlaciefa^
yoüer;ne luyen sitplus
un mystere , non plus
que du combat entrer les
deux Princes. LàfîncePrité
de Leonore nefit
qu'exciter lacolere du
Bue,illuy ordonné de
se préparer à un pii&
grand voyage, &: afïii'
qu'ellepust oublier le
Princecepere}inflxi
ble resolut demettrela
mer entre ces deux amants,
& emmena Leonore
dansl'ille de Gades,
Cedépart fut si secret
& si precipité, que Leonore
ne put en informer
le Prince;ilapprit bien
tost quelle n'estoit plus
à Seville,mais avant
qu'il pust apprendre où
son perel'avoitreleguée,
il fut long-temps livré à
la plus cruelle douleur
qu'une pareille separatfionraiit
Fermer
Résumé : Historiette Espagnole.
En Espagne, divisée en plusieurs pays souverains, le Duc d'Andalousie se distinguait par l'étendue de ses États et sa sagesse gouvernante. Il était respecté et vénéré, attirant les jeunes princes qui admiraient son modèle de souveraineté. Sa fille, la princesse Léonore, était célèbre pour sa beauté, son esprit et son cœur excellent, attirant l'admiration des princes à la cour. Dom Juan, fils du Duc de Grenade, osa déclarer son amour à Léonore, mais elle répondit avec modération, révélant une indifférence qui irrita Dom Juan. Malgré cela, Dom Juan pressa le mariage, espérant que Léonore aimerait son époux par défaut. Léonore, cependant, aimait secrètement le Prince de Murcie, qui arriva à Séville et fut désolé d'apprendre le mariage imminent. Le Prince de Murcie, désespéré, avoua son amour à Léonore, qui lui répondit avec générosité, confessant son amour réciproque. Ils partagèrent un moment tendre mais craignirent d'être découverts. Le Prince de Murcie rencontra Dom Juan dans les jardins, dissimulant sa colère. Léonore informa le Prince que son père insistait sur le mariage, ce qui le désespéra. Le Prince de Murcie voulut défier Dom Juan, mais Léonore le supplia de ne pas risquer sa vie. Dom Juan, soupçonnant leur amour, les surprit ensemble et confronta le Prince de Murcie. Leur secret fut révélé, mettant en danger leur amour et leur vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
24
p. 112-113
Rentrée du Parlement.
Début :
L'ouverture des Audiances du Parlement a esté faite par [...]
Mots clefs :
Parlement, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Rentrée du Parlement.
Rentree du Parlement.
L'ouverture des Audiances
du Parlementa esté faite
par Mr lePresident deMesmes.
Mr Chauvelin Avocat
General fit un très- beau
Discours sur l'Amour propre,
& fit l'éloge de feu Mr
Secousse, celebreAvocat.
Mr le President de Mesmes
prit ensuite la parole. Le
jour des Mercuriales
, ce
même President fit aussi un
Discours a. Meilleurs du
Parlement. Mr le Procureur
General parla sur la fermeté
du Juge, & fit les Eloges,
de feu Mr !c PelletierleMinistre,
de feu Mr Molé
,
de
feu Monseigneur le Dauphin,
& deMonseigneur le
Dauphin sonfils.
L'ouverture des Audiances
du Parlementa esté faite
par Mr lePresident deMesmes.
Mr Chauvelin Avocat
General fit un très- beau
Discours sur l'Amour propre,
& fit l'éloge de feu Mr
Secousse, celebreAvocat.
Mr le President de Mesmes
prit ensuite la parole. Le
jour des Mercuriales
, ce
même President fit aussi un
Discours a. Meilleurs du
Parlement. Mr le Procureur
General parla sur la fermeté
du Juge, & fit les Eloges,
de feu Mr !c PelletierleMinistre,
de feu Mr Molé
,
de
feu Monseigneur le Dauphin,
& deMonseigneur le
Dauphin sonfils.
Fermer
Résumé : Rentrée du Parlement.
Le Parlement a ouvert ses audiences sous la présidence de Monsieur de Mesmes. Monsieur Chauvelin a prononcé un discours sur l'amour-propre et a rendu hommage à Monsieur Secousse. Monsieur de Mesmes a ensuite pris la parole. Lors des Mercuriales, le Président a adressé un discours aux Meilleurs du Parlement. Monsieur le Procureur Général a évoqué la fermeté du juge et a rendu hommage à Monsieur Pelletier, Monsieur Molé, Monseigneur le Dauphin et son fils.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
25
p. 23-39
Extrait du Discours de Mr de Reaumur, lû à l'ouverture de l'Académie Royale des Sciences, [titre d'après la table]
Début :
On a promis dans le dernier Mercure cet Extrait plus [...]
Mots clefs :
Pourpre, Académie royale des sciences, Nature, Coquillages, Discours, Teinture, Anciens, Liqueurs, Expérience
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Extrait du Discours de Mr de Reaumur, lû à l'ouverture de l'Académie Royale des Sciences, [titre d'après la table]
On a promis dans le
dernier Mercure cet Extrait
plus ample du Discours
leu par Monsieur de
Reaumur
,
à l'ouverture
des assemblées de l'Académie
Royalle des Sciences
câprés la saint Martin,
sur la découverte dune
nouvelleTeinture de Pourpre.
Malgré divers Traitez
faits par les Modernes sur
la couleur de Pourpre si
précieuse aux Anciens, on
a esté peu instruit de la nature
de la liqueur qui la
fournissoit:aussi tous ces
ouvrages ne sont-ils que
des especes de Commentaires
de quelques passages
d'Aristote & de Pline
C'ell: sur la nature mesme,
Se non sur les Naturalistes
qu'il faut faire des observations
varions lorsqu'on veut dé
couvrir quelques-uns de
ses secrets.Aristote
& Pline nous ont cependant
laissé bien des choses
remarquables sur cette matiere,
mais plus propres à
exciter nostre curiosité
qu'à la satisfaire pleinement.
Monsieur de Reaumur
dit ensuite que quoy que
ces Auteurs ayentparlé en
differentsendroits des poifc
fons à coquilles qui donnoient
la liqueur dont on
se servoit pour teindre en
Pourpre , que quoy qu'ils
ayent traité de leur naissance,
dela durée de leur
vie, dela maniere dontils
se nourrissoient,comment
on les peschoit, comment
on leur enlevoitcette pré- |
cieuse liqueur, &enfinles i
diverses préparations qu'- j
onluydonnoit,onanean- )
moins mis la Teinture de !
Pourpre des Anciens au j
nombre des secrets per- ! dus.
Ce que ces Autheurs ,
poursuit-il ;nousont laissé Hj
sur cettematiere, n'a point j
<' a
empesché le Public de
trouver les agréments de
la nouveauté dans les obfervations
d'un Anglois sur
la Teinture de Pourpre,
que fournit un coquillage
communsur les costes de
son pays.Cecoquillage
n'est qu'une desespeces
comprises fous le genre
appelléBuccinum par les
Anciens, notn qu'ils a"
voient donné à ces especes
de poissons
, parce que la
figure dela coquille dont
ils sont revestus,a quelque
t, ressemblanceà celle d'un
cors de chasse. Pline
livre7. chap. 5*. rangetoutes
lesespeces de coquillages
qui donnent la Teinture
de Pourpre, fous deux
genres, dont le premier
comprend les petites especes
de Buccinum
,
& le second
les coquillages ausquels
on a donné le nom
de Pourpre comme à la
Teinture qu'ils fournis- sent
Nos costes d'Ocean
continuë Mr de Reaumur,
ne nous donnent point de
ces dernieres especes de coquillages
; mais en revanche
on y rencontre trescommunemenc
une petite
espece de Buccinum ,
donc
les plus grandes ont douze
àtreize lignes de long, &
sept à huit de diamettre
dans l'endroit où elles sont
plus grosses.tournées
en spiralescomme ce lles
de nos limaçons de jardin,
mais un peu plus allongées.
C'est en considerant au
bord de la coste les coquillages
de cette espece, que
je trouvay une nouvelle
Teinture de Pourpre, que
je ne cherchois point.
Je remarquay que les Buc.
cinum estoient ordinairement
assemblez autour, de
certaines pierres
, ou fous
certaines arcadesdesable,
pour ainsi dire cimenté,
que la Mer seuleatravail-
] , r'I lées. & qu'ils s'y assembloient
quelquefoisen
si grande quantité
,
qu'on
pouvoitles y amasser à pleines
mains, au lieu qu'ils
estoient dispersez ça & là
par tout ailleurs. Je remarquay
enmesme temps
que ces pierres ou ces lables
estoient couverts de
certains petits grains.
dont la figure avoit quelque
ressemblance à celle
d'un spheroïde elliptique,
ou d'une boule allongée;la
longueur de ces grains eC.
toit d'un peu plus de trois
lignes,& leur grosseur d'un
peu plus d'une ligne. Ils
me parurent contenirune
liqueur d'un blanc tirant
sur le jaune, couleur assez
approchante de celle de la
liqueur que les Buccinum
donnent pour teindre en
Pourpre; cette seule ressemblance,
& la maniere
dont les Buccinum estoient
tousjours aÍfernblez autour
de ces petits grains,suffirent
pour me faire soupçonner
qu'on en pourroit
peut-estre tirer une Teinture
de Pourpre, telle
qu'on la tire de ces coquillages
J'examinay
ces grains de plus prés, j'en
apperceus quelques-uns
qui avoient un oeil rougeastre.
J'endétachay aush-
raft des pierres ausquelles
ils sont fortadhérants,
& me servant du premicl".
linge, & le moins coloré
qui se presenta dans lemoment,
j'exprimay de.]eue,
suc sur les manchettesde
ma chemise
j
elles m'eparurent
un peu plus sales,
mais je n'y vis d'autres
couleurs qu'un petit oeil
jaunaftre que je demeslois
à peine dans certains endroits.
D'autres objets qui
attiroient mon attention,
me firent oublierceque je
venois de faire. Je n'y pensois
plus du tout, lorsque
jettant par hasardles yeux
surces mesmes manches
tesun aprés, demi quart d'heure
je fus frappé d'une
greable surprise
,
je vis
une fort belle couleur
pourpre sur les endroits où
les grains avoient esté
écrasez. J'avois peine à
croire un changement si
prompt& si grand.
Je ramassay de nouveau de
ces grains, mais avec plus
de choix, car j'avois foin
de ne détacher des pierres
que ceux qui me paroissoient
les plus blancs, ou
plustost les moins jaunes.
Je moüillay encore mesV
manchettes de leur suc , mais en des endroits differents
, ce qui ne leur donna
point d'abord de couleur
qui approchast en auXs
cune façon du rouge. Cependant
je les consideray
à peine pendant trois ou
quatre minutes que je leur
vis tout d'un coup prendre
une aussi belle couleur
pourpre que la premiere
que ces grains avoient donnée.
C'en estoitassez pour
ne pouvoir pas douter que
ces grains donnoient une
couleur pourpre aussi belle
ouLe1le des Buccinurn,
Monsieur de Reaumur
ra pporte ensuite plusieurs
experiences qu'il fit pour
connoistre si cette liqueur
avoit autant de tenacité
quecelle desBuccinum,fait
remarquer que le linge
trempé dans la liqueur de
ces grains,ne prend lacouleur
de pourpre que lorsqu'on
l'expose au grand
air; & que quelques experiences
qu'il ait tentées
pour découvrir ce que sont
ces petits grains, il n'en a
point fait d'assez heureuses
pour y parvenir; qu on tireroic
la liqueur de ces
grains de Pourpre d'une
maniere infiniment p!bc
commode que celle dont
les Anciens ostoient la liqueur
des Buccinum
,
& fait
à ce sujet un détail tresample
& très-curieux,
aprés lequelil conclut qu'-
on pourroit tirer de ces
oeufs plus d'utilité que les
Anciens n'en tiroient des
Buccinum, parce qu'il y a
; incomparablement plus de
cesoeufs que decescoquili-
-
lages,& quon auroit leur
liqyeur beaucoup plus aisément
: enfin que la couleur
de cette liqueur paroist
parfaitement belle sur
le linge
, & que dans le
grand goust où l'on est à
present pour les toiles
peintes, on pourroit s'en
servir avec succez pour imprimer
sur du linge toutes
fortes de figures; cette liqueur
aussi bien que celle
des Buccinum, y seroit, ditil,
d'autant plus propre qu'elle , ne s'étend point
par delà l'endroitoùonl'a
posée
,
de sortequ'elle
pourroittousjours tracer
des traits nets.
dernier Mercure cet Extrait
plus ample du Discours
leu par Monsieur de
Reaumur
,
à l'ouverture
des assemblées de l'Académie
Royalle des Sciences
câprés la saint Martin,
sur la découverte dune
nouvelleTeinture de Pourpre.
Malgré divers Traitez
faits par les Modernes sur
la couleur de Pourpre si
précieuse aux Anciens, on
a esté peu instruit de la nature
de la liqueur qui la
fournissoit:aussi tous ces
ouvrages ne sont-ils que
des especes de Commentaires
de quelques passages
d'Aristote & de Pline
C'ell: sur la nature mesme,
Se non sur les Naturalistes
qu'il faut faire des observations
varions lorsqu'on veut dé
couvrir quelques-uns de
ses secrets.Aristote
& Pline nous ont cependant
laissé bien des choses
remarquables sur cette matiere,
mais plus propres à
exciter nostre curiosité
qu'à la satisfaire pleinement.
Monsieur de Reaumur
dit ensuite que quoy que
ces Auteurs ayentparlé en
differentsendroits des poifc
fons à coquilles qui donnoient
la liqueur dont on
se servoit pour teindre en
Pourpre , que quoy qu'ils
ayent traité de leur naissance,
dela durée de leur
vie, dela maniere dontils
se nourrissoient,comment
on les peschoit, comment
on leur enlevoitcette pré- |
cieuse liqueur, &enfinles i
diverses préparations qu'- j
onluydonnoit,onanean- )
moins mis la Teinture de !
Pourpre des Anciens au j
nombre des secrets per- ! dus.
Ce que ces Autheurs ,
poursuit-il ;nousont laissé Hj
sur cettematiere, n'a point j
<' a
empesché le Public de
trouver les agréments de
la nouveauté dans les obfervations
d'un Anglois sur
la Teinture de Pourpre,
que fournit un coquillage
communsur les costes de
son pays.Cecoquillage
n'est qu'une desespeces
comprises fous le genre
appelléBuccinum par les
Anciens, notn qu'ils a"
voient donné à ces especes
de poissons
, parce que la
figure dela coquille dont
ils sont revestus,a quelque
t, ressemblanceà celle d'un
cors de chasse. Pline
livre7. chap. 5*. rangetoutes
lesespeces de coquillages
qui donnent la Teinture
de Pourpre, fous deux
genres, dont le premier
comprend les petites especes
de Buccinum
,
& le second
les coquillages ausquels
on a donné le nom
de Pourpre comme à la
Teinture qu'ils fournis- sent
Nos costes d'Ocean
continuë Mr de Reaumur,
ne nous donnent point de
ces dernieres especes de coquillages
; mais en revanche
on y rencontre trescommunemenc
une petite
espece de Buccinum ,
donc
les plus grandes ont douze
àtreize lignes de long, &
sept à huit de diamettre
dans l'endroit où elles sont
plus grosses.tournées
en spiralescomme ce lles
de nos limaçons de jardin,
mais un peu plus allongées.
C'est en considerant au
bord de la coste les coquillages
de cette espece, que
je trouvay une nouvelle
Teinture de Pourpre, que
je ne cherchois point.
Je remarquay que les Buc.
cinum estoient ordinairement
assemblez autour, de
certaines pierres
, ou fous
certaines arcadesdesable,
pour ainsi dire cimenté,
que la Mer seuleatravail-
] , r'I lées. & qu'ils s'y assembloient
quelquefoisen
si grande quantité
,
qu'on
pouvoitles y amasser à pleines
mains, au lieu qu'ils
estoient dispersez ça & là
par tout ailleurs. Je remarquay
enmesme temps
que ces pierres ou ces lables
estoient couverts de
certains petits grains.
dont la figure avoit quelque
ressemblance à celle
d'un spheroïde elliptique,
ou d'une boule allongée;la
longueur de ces grains eC.
toit d'un peu plus de trois
lignes,& leur grosseur d'un
peu plus d'une ligne. Ils
me parurent contenirune
liqueur d'un blanc tirant
sur le jaune, couleur assez
approchante de celle de la
liqueur que les Buccinum
donnent pour teindre en
Pourpre; cette seule ressemblance,
& la maniere
dont les Buccinum estoient
tousjours aÍfernblez autour
de ces petits grains,suffirent
pour me faire soupçonner
qu'on en pourroit
peut-estre tirer une Teinture
de Pourpre, telle
qu'on la tire de ces coquillages
J'examinay
ces grains de plus prés, j'en
apperceus quelques-uns
qui avoient un oeil rougeastre.
J'endétachay aush-
raft des pierres ausquelles
ils sont fortadhérants,
& me servant du premicl".
linge, & le moins coloré
qui se presenta dans lemoment,
j'exprimay de.]eue,
suc sur les manchettesde
ma chemise
j
elles m'eparurent
un peu plus sales,
mais je n'y vis d'autres
couleurs qu'un petit oeil
jaunaftre que je demeslois
à peine dans certains endroits.
D'autres objets qui
attiroient mon attention,
me firent oublierceque je
venois de faire. Je n'y pensois
plus du tout, lorsque
jettant par hasardles yeux
surces mesmes manches
tesun aprés, demi quart d'heure
je fus frappé d'une
greable surprise
,
je vis
une fort belle couleur
pourpre sur les endroits où
les grains avoient esté
écrasez. J'avois peine à
croire un changement si
prompt& si grand.
Je ramassay de nouveau de
ces grains, mais avec plus
de choix, car j'avois foin
de ne détacher des pierres
que ceux qui me paroissoient
les plus blancs, ou
plustost les moins jaunes.
Je moüillay encore mesV
manchettes de leur suc , mais en des endroits differents
, ce qui ne leur donna
point d'abord de couleur
qui approchast en auXs
cune façon du rouge. Cependant
je les consideray
à peine pendant trois ou
quatre minutes que je leur
vis tout d'un coup prendre
une aussi belle couleur
pourpre que la premiere
que ces grains avoient donnée.
C'en estoitassez pour
ne pouvoir pas douter que
ces grains donnoient une
couleur pourpre aussi belle
ouLe1le des Buccinurn,
Monsieur de Reaumur
ra pporte ensuite plusieurs
experiences qu'il fit pour
connoistre si cette liqueur
avoit autant de tenacité
quecelle desBuccinum,fait
remarquer que le linge
trempé dans la liqueur de
ces grains,ne prend lacouleur
de pourpre que lorsqu'on
l'expose au grand
air; & que quelques experiences
qu'il ait tentées
pour découvrir ce que sont
ces petits grains, il n'en a
point fait d'assez heureuses
pour y parvenir; qu on tireroic
la liqueur de ces
grains de Pourpre d'une
maniere infiniment p!bc
commode que celle dont
les Anciens ostoient la liqueur
des Buccinum
,
& fait
à ce sujet un détail tresample
& très-curieux,
aprés lequelil conclut qu'-
on pourroit tirer de ces
oeufs plus d'utilité que les
Anciens n'en tiroient des
Buccinum, parce qu'il y a
; incomparablement plus de
cesoeufs que decescoquili-
-
lages,& quon auroit leur
liqyeur beaucoup plus aisément
: enfin que la couleur
de cette liqueur paroist
parfaitement belle sur
le linge
, & que dans le
grand goust où l'on est à
present pour les toiles
peintes, on pourroit s'en
servir avec succez pour imprimer
sur du linge toutes
fortes de figures; cette liqueur
aussi bien que celle
des Buccinum, y seroit, ditil,
d'autant plus propre qu'elle , ne s'étend point
par delà l'endroitoùonl'a
posée
,
de sortequ'elle
pourroittousjours tracer
des traits nets.
Fermer
Résumé : Extrait du Discours de Mr de Reaumur, lû à l'ouverture de l'Académie Royale des Sciences, [titre d'après la table]
Monsieur de Reaumur a présenté à l'Académie Royale des Sciences une découverte concernant une nouvelle teinture de pourpre. Malgré les travaux des Modernes et les descriptions d'Aristote et de Pline, la nature de la liqueur fournissant la pourpre ancienne restait peu connue. Les auteurs anciens avaient mentionné des mollusques à coquilles produisant cette liqueur, mais leurs descriptions n'avaient pas permis de percer ce secret. Reaumur a observé des coquillages de l'espèce Buccinum sur les côtes de l'Océan, regroupés autour de certaines pierres ou sous des arches de sable. Il a remarqué des petits grains sphéroïdes elliptiques contenant une liqueur blanche jaunâtre, similaire à celle des Buccinum. En écrasant ces grains sur ses manchettes, il a observé une coloration pourpre après quelques minutes. Pour vérifier la ténacité de cette liqueur, Reaumur a mené plusieurs expériences. Il a constaté que le linge trempé dans cette liqueur prenait une couleur pourpre lorsqu'il était exposé à l'air. Il a également noté que cette liqueur pouvait être extraite de manière plus simple que celle des Buccinum anciens. Reaumur a conclu que cette nouvelle teinture pourrait être utilisée pour imprimer des figures sur du linge, car elle ne s'étend pas au-delà de l'endroit où elle est posée, permettant ainsi de tracer des traits nets.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
26
s. p.
Discours de Madame l'Abbesse du Val de Grace.
Début :
C'est Monseigneur, dans les sentiments d'une vive douleur [...]
Mots clefs :
Respect, Douleur, Discours, Reconnaissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours de Madame l'Abbesse du Val de Grace.
Difcoursde Madame l' Abbesse
adu Val de Grace.p Grace.
C'eft Monfeigneur
dans les fentiments d'une
de Monfeigneur, &c.
vive douleur , avec un profond refpect , & une parfaite reconnoiffance , que
nous recevons les Cœurs
de Monfeigneur le Dau
phin & deMadame la Dau.
phine , que le Roy nous
fait l'honneur de nous confier. Ce grand Prince , &
cette grande Princeſſe faifoient le bonheur de la
Cour , & l'efperance des
Peuples par leurs auguftes
qualitez, & s'eftoient attiré
l'eftime de noftre grand
Monarque par leurs héroïques vertus , puifque le
MORT
Ciel n'a point exaucé nos
prieres en leur rendant une
fanté fi précieuſe à la France, & qu'illes a voulu pri
ver d'une couronne tempo
relle ,nous allons, Monfei
gneur, redoubler nos vœux
pour leur en obtenir une
éternelle,
adu Val de Grace.p Grace.
C'eft Monfeigneur
dans les fentiments d'une
de Monfeigneur, &c.
vive douleur , avec un profond refpect , & une parfaite reconnoiffance , que
nous recevons les Cœurs
de Monfeigneur le Dau
phin & deMadame la Dau.
phine , que le Roy nous
fait l'honneur de nous confier. Ce grand Prince , &
cette grande Princeſſe faifoient le bonheur de la
Cour , & l'efperance des
Peuples par leurs auguftes
qualitez, & s'eftoient attiré
l'eftime de noftre grand
Monarque par leurs héroïques vertus , puifque le
MORT
Ciel n'a point exaucé nos
prieres en leur rendant une
fanté fi précieuſe à la France, & qu'illes a voulu pri
ver d'une couronne tempo
relle ,nous allons, Monfei
gneur, redoubler nos vœux
pour leur en obtenir une
éternelle,
Fermer
Résumé : Discours de Madame l'Abbesse du Val de Grace.
Madame l'Abbesse du Val-de-Grâce reçoit les cœurs du Dauphin et de la Dauphine, confiés par le Roi. Elle exprime sa douleur et son respect, soulignant leurs qualités et vertus. Malgré les prières pour leur santé, la France est privée de leur présence. Elle promet de prier pour leur couronne éternelle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
27
p. 192-212
Discours sur l'Academie Royale des Sciences. [titre d'après la table]
Début :
L'Academie Royale des Sciences tint séance publique, le Mercredy 6. Avril [...]
Mots clefs :
Académie royale des sciences, Discours, Mercure, Opium, Vitriol, Vapeurs, Sel, Chaux, Tartre, Chimiste
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur l'Academie Royale des Sciences. [titre d'après la table]
Ne croyant pas pou voir donner ce mois-ci
le memoire suivant, on
avoir déja imprimé un
morceau de Monsieur
Parent. Quoique cette
Piece foitégalement belle &solide, on en trouvera peut-être trop de
ce même genre pour
un seul mois: mais à
coup sûr ce ne fera pas lessçavans quis'en plaindront.
L'Academie Royale des
Sciences tint séance publique, le Mercredy 6. Avril
Mr l'Abbé Bignon qui prefidoit felicita la Compagnie
sur ce que cette Assemblée
ne commençoit point
à@.
l'ordinaire par l'Eloge funebre de quelque Académicien
,
n'en étant mort aucun
dans le dernier Semestre.
Mr Lemery le fils, sçavant
Medecin & Chimistehabile, lut un memoire sur les
differentes couleurs des Précipitez du Mercure;il raporta plusieurs experiences des
changementsdecouleurs
qui arrivent à
ces précipitez,
le Mercure dissous dans
l'esprit de nitre est sans
couleurs, c'est-à-dire que
la dissolution est claire &
transparente, si on verse
dessus du sel Marin, la liqueur blanchit & il se précipire peu à peu une poudre
blanche qui cft le Mercure
dans sa couleur naturelle, le
sel Ammoniac la précipite
en un blanc sale, l'eau de
chaux en jaune, & le sel de
tartre en jaune orangé, &c.
Il dit que la couleur na-
•>
turelle du Mercure étoit le
blanc, que la couleur jaune
Du rouge luy étoit étrangère, & il l'anribua aux
parties dé ftü qui portées
avec la chaux où lé sel de
Tartre penetroient le Mercure, & se méslant avec luy
prenoient la couleur rougé
& naturelle à
ces mesmes
parties de feu.
Il prouva que la couleur
haturelle des parties de feu
étoit le rouge, par la couleur
mesme dufeuordinaire, par lacouleurque prend le Mercure seul calciné de long-
temps qui le convertit de
lui-mesme en une poudre
rouge, & par la couleur des
vapeurs du Salpêtre quand
on le convertit en cfprit de
nitre, car les vapeurs qui
emplissent le bâlon dans
cette operation font rouges
comme du sang; ce qui ne
peur provenir que des partics de feu. Il dit aussi que le
sel de tartre& la chaux ne
teignoient en jaune ou en
orange que parce que con'
tenant des parties de feu,
ces parties dans le melange
des matieres abandonnoient
la chaux ou le sel de tartre
pour fc joindre au Mercure.
Un homme quisetrouvoit
auprès de moy cm qui me crut
grând Chimiste
,
me demanda pourquoy ces mêmes partics de feu qui rougissoient
le Mercure, ne rougissoient
pas neantmoins la chaux &
le sel de tartre que l'on
joignoit au Mercure dans
ces expériences? je tiray m es Tablettes & ayant mis sa
demande par écrit je lui dis
que je pourrois lui rendre
réponse dans un mois, li
parut un peu surpris du long
terme, mais cependant cela
l'encourageaà me faire une
secondedemande, pourquoy les parties de feu qui
rougissent les vapeurs de
l'esprit de pitre ne rou- girent de elles^p^ lçs vapeurs
l'huille de Vitriol; je
voulus faire le sçavant pour
cette fois, & lui répondis
que si les vapeurs de l'huile
de Vitriol n'étoient pas
rouges, sans doute qu'iln'y.
avoirpointde partiesde feu;
mais il me soutint qu'il y
avoit des parties de feu I°.
parce qu'il faut un feu
bien plus violent pour tirer
l'huile de Vitriol que pour
£jre& l'esprit de n~rc~2.~
par l'action violente de
l'huile de Vitriol qui corrode & brule trèsfortement; enfin par ce que si
ron jette l'huile glaciale de
Vitriol dans de l'eau froide,
elle y
excite un gresillement
p^çil celuy que fait un
charbonrouge que l'onjette
dans l'eau froide. Comme
cela passoit ma portée j'écrivis&luy promisréponse
dans un mois, je prie ou
Mr Lémeri ou quelque
Chimiste de vouloir bien me dégager de ma parole en
m'envoyant réponseà ces deux demandes.
Mr Cassin le fils, digne
héritier du nom qu'il
porte, lut ensuite un mémoire sur le flux & le reflux
de la Mer, il y
donna des
moyens de trouver juste
l'heure des hautes,& basses
Marées dans les Ports de
France, il fit voir que les
Equinoxes ne sont pas les
temps des plus hautes Marées comme on se l'étoit
persuadé jufqucs icy, & il
démontra que ces mouvements reglez de la Mer dépendoient presque entièrement de la pression de la
Lune sur les eaux.
Mr Boulduc le pere, trèshabile Chimiste donna la
découverte d'un nouvel
Opium, après avoir tenté
plusieurs moyens de corri.
ger l'Opium ordinaire que
l'on ne sçauroit donner que
dans une dose très petite, &
qui souvent toute petite
qu'elle est ne laisse pas de
produire encore de fâcheux
effets,&voyant que toutes
ses corrections ne changeoient point l'Opium, il
essayade différentes si narco- çliçrch4 dans l'extrait des fleurs de Coquelicot
la qualité anodine, qu'il n'y
trQuya point, lprfqueJ'e^
trait n'étoitfait qu'avec lq,
seules feuilles de la fleur;
mais il observa que lesirop
de Coquelicot & l'extrait
croient un peu somnifères
lorsqu'on laissoit la reste des
Coquelicots avec les Feuilles
des fleurs,cela l'engagea de
fairel'extrait des testes
seules, & il trouva qyic
c'étaitfun somnifere des
plus doux qu'il y eut, qui a
la dose de quatre grains faisoit dormir sanslaisser aucun
trouble dans la teste: remede
d'autant plus utile qu'il ne
faut point l'aller chercher en
Turquieétant trèscommun
en France.
:
Deux de mes woifms
chausserentbeaucoup à l'occasion
de cette dissertation poursçavoir
si l'on déçoit mettre l'Opium
au rang des remedes ou des
poisonsfroids ou chauds. Je ne
rapporteray point leurs raisons
qui me parurentfort peu deci-
fivesi mais leurs disputefinit
par une demande que je rapporte icicommem'ayantparuplusimportante;sçavoir,s'ily aquelques marques pour connoistre
si
un hommeseroitmort d'avoir
pris une trop grande doss d'Opium? l'un deux dit qu'il n'y
avoit aucune marque. L'autre
dit que tous ceux qui mouroient
ayant pris beaucoup d'Opium
avoient le sang tellement
dissous qu'ilnesefigeoitjamais.
Unepetitedissertation de quelque
habile Medecinsur cette
matiere, aideroit àremplirmon
Mercure & pourroit estre
agreable &utile au public. Mr Vinflou habile &
sçavant Anatomiste, donna
un mémoire touchant les
glandes qui se rencontrent
dans les corps des animaux, illesdiftnbuaft fous ses différentesclasses qu'ilfubdivisa aussi en plusieurs especes.
Il range dansla première
Classe les glandes conglobéesj ce sont les glandesqui
font en quelquemanière
arrondies un peu fermes
d'une grandeur confiderablc,& d'une surface lisle
&unie comme les reins,&c.
Dans la sceonde Claffclefc
glandes conglomcrécs,qui
font des amas de plusieurs
pelotons étroitement collez ensemble & renfermez
fous une menbrane commune, comme le Pancreas,
les Parotides,&c.
Dans latroisiéme Classe,
les glandes en grain, il
nommaainfide petits corps
glanduleux tantost solitaires, tantost parfemez sur ua",
mesme plan de différentes
figures,telles font une
grande parties des glandes
intestinales, les çutan*écs.,&c.,
Dans la quatrième Classe
les glandes à poil ce font
celles qui forment
ce que l'on nomme le velouté de
l'estomach & des intestins,
composé d'une infinité de
petits tuyaux glanduleux en forme de panne ou de
velours.
Dans la cinquiémc Classe
les glandes irregulieres,qui
font celles qui par leur
forme extérieure ne se rapportent à
pas une des
precedentes, par exemple lefoye,&c.
;
:', Dans la sixiémeClasse les
glandes inperceptibles, qui
son celles qui sont sipetites
qu'onne les peut pas diflip*,
guersans microscope,ouque
l'onne découvre pas même
àl'aide du Microscope; mais
dontonne supposoit que
par leurs effets, ou à l'occasion de certaines maladies,
quiles rendent sensibles
celles sont les glandes du
Pericarde & du Pericorne
Il subdivisaensuitecessix
Classes générales en differentesespeccs, en les con.
siderant fous differens égards ,1 ; ou par raport
à leur uÍfu) ou par
raport aux sucs qu'elles
filtrent, ou par raport à
leursemploys, ou par raport
à leur durée.
Il donna ensuite la description & la figure de la
plus simple de ces glandes
pour la structure qui est la
glande à poil, dont l'assemblage forme le velouté de
l'estomach
,
ensuite celle du
rein, qui est un peu plus
composée
,
celle du
foye
qu'il dit estre une glandeconglobée cellulaire, dont chacune des cellules estgarnie
intérieurementd'un velouté
fort fin, dont chaque poil
estune glande comme auvelouté des intestins, & en
fin celle de la Ratte qui cft
U glande la plus composée;
puisque c'est selon luy unr.
glande conglobée, celluleuse, reticulaire & vasculeuse.
Il fcroit difficile de bien
faire comprendre la ftruc-4
ture de ces parties qu'en raportant sa propre description jointe aux figures, ce
quele peu de pratiqueque
ayAnqçpmicne m'apas
permis de faire.
Il raporta dans ces discours une chose fort singuliere, c'est que l'on pouvoit
avoir des preuves visiblesde
la transpiration des corps
vivants, en se presentant la
teste nuë, ou le corps de
quelque animal que ce soit
au grand soleil contre une
muraille blanche on aperçoir, dit il,une ombre legere
& voltigeante au dessus de
la teste ou du corps de l'animal, qui est l'ombre de la
waticre de l'insensible transpiration. Mes voisins se de*
manderent s'il étoit possible
qu'un corps invisible produisit une ombre visible,
chacun se promit de vérifier
l'expérience avant que d'en
chercher l'explication.
Mt l'Abbé Bignon reprit
à la fin de chaque mémoire
précis de ce qui avoitétédit,
& fit sentir au public l'utilité qu'il devoir attendre de
chacune deces observations
ou de ces découvertes, ce
qu'il fit avec cette facilité,
cette netteté
,
& cette
Eloquence qui luy font si natur
le memoire suivant, on
avoir déja imprimé un
morceau de Monsieur
Parent. Quoique cette
Piece foitégalement belle &solide, on en trouvera peut-être trop de
ce même genre pour
un seul mois: mais à
coup sûr ce ne fera pas lessçavans quis'en plaindront.
L'Academie Royale des
Sciences tint séance publique, le Mercredy 6. Avril
Mr l'Abbé Bignon qui prefidoit felicita la Compagnie
sur ce que cette Assemblée
ne commençoit point
à@.
l'ordinaire par l'Eloge funebre de quelque Académicien
,
n'en étant mort aucun
dans le dernier Semestre.
Mr Lemery le fils, sçavant
Medecin & Chimistehabile, lut un memoire sur les
differentes couleurs des Précipitez du Mercure;il raporta plusieurs experiences des
changementsdecouleurs
qui arrivent à
ces précipitez,
le Mercure dissous dans
l'esprit de nitre est sans
couleurs, c'est-à-dire que
la dissolution est claire &
transparente, si on verse
dessus du sel Marin, la liqueur blanchit & il se précipire peu à peu une poudre
blanche qui cft le Mercure
dans sa couleur naturelle, le
sel Ammoniac la précipite
en un blanc sale, l'eau de
chaux en jaune, & le sel de
tartre en jaune orangé, &c.
Il dit que la couleur na-
•>
turelle du Mercure étoit le
blanc, que la couleur jaune
Du rouge luy étoit étrangère, & il l'anribua aux
parties dé ftü qui portées
avec la chaux où lé sel de
Tartre penetroient le Mercure, & se méslant avec luy
prenoient la couleur rougé
& naturelle à
ces mesmes
parties de feu.
Il prouva que la couleur
haturelle des parties de feu
étoit le rouge, par la couleur
mesme dufeuordinaire, par lacouleurque prend le Mercure seul calciné de long-
temps qui le convertit de
lui-mesme en une poudre
rouge, & par la couleur des
vapeurs du Salpêtre quand
on le convertit en cfprit de
nitre, car les vapeurs qui
emplissent le bâlon dans
cette operation font rouges
comme du sang; ce qui ne
peur provenir que des partics de feu. Il dit aussi que le
sel de tartre& la chaux ne
teignoient en jaune ou en
orange que parce que con'
tenant des parties de feu,
ces parties dans le melange
des matieres abandonnoient
la chaux ou le sel de tartre
pour fc joindre au Mercure.
Un homme quisetrouvoit
auprès de moy cm qui me crut
grând Chimiste
,
me demanda pourquoy ces mêmes partics de feu qui rougissoient
le Mercure, ne rougissoient
pas neantmoins la chaux &
le sel de tartre que l'on
joignoit au Mercure dans
ces expériences? je tiray m es Tablettes & ayant mis sa
demande par écrit je lui dis
que je pourrois lui rendre
réponse dans un mois, li
parut un peu surpris du long
terme, mais cependant cela
l'encourageaà me faire une
secondedemande, pourquoy les parties de feu qui
rougissent les vapeurs de
l'esprit de pitre ne rou- girent de elles^p^ lçs vapeurs
l'huille de Vitriol; je
voulus faire le sçavant pour
cette fois, & lui répondis
que si les vapeurs de l'huile
de Vitriol n'étoient pas
rouges, sans doute qu'iln'y.
avoirpointde partiesde feu;
mais il me soutint qu'il y
avoit des parties de feu I°.
parce qu'il faut un feu
bien plus violent pour tirer
l'huile de Vitriol que pour
£jre& l'esprit de n~rc~2.~
par l'action violente de
l'huile de Vitriol qui corrode & brule trèsfortement; enfin par ce que si
ron jette l'huile glaciale de
Vitriol dans de l'eau froide,
elle y
excite un gresillement
p^çil celuy que fait un
charbonrouge que l'onjette
dans l'eau froide. Comme
cela passoit ma portée j'écrivis&luy promisréponse
dans un mois, je prie ou
Mr Lémeri ou quelque
Chimiste de vouloir bien me dégager de ma parole en
m'envoyant réponseà ces deux demandes.
Mr Cassin le fils, digne
héritier du nom qu'il
porte, lut ensuite un mémoire sur le flux & le reflux
de la Mer, il y
donna des
moyens de trouver juste
l'heure des hautes,& basses
Marées dans les Ports de
France, il fit voir que les
Equinoxes ne sont pas les
temps des plus hautes Marées comme on se l'étoit
persuadé jufqucs icy, & il
démontra que ces mouvements reglez de la Mer dépendoient presque entièrement de la pression de la
Lune sur les eaux.
Mr Boulduc le pere, trèshabile Chimiste donna la
découverte d'un nouvel
Opium, après avoir tenté
plusieurs moyens de corri.
ger l'Opium ordinaire que
l'on ne sçauroit donner que
dans une dose très petite, &
qui souvent toute petite
qu'elle est ne laisse pas de
produire encore de fâcheux
effets,&voyant que toutes
ses corrections ne changeoient point l'Opium, il
essayade différentes si narco- çliçrch4 dans l'extrait des fleurs de Coquelicot
la qualité anodine, qu'il n'y
trQuya point, lprfqueJ'e^
trait n'étoitfait qu'avec lq,
seules feuilles de la fleur;
mais il observa que lesirop
de Coquelicot & l'extrait
croient un peu somnifères
lorsqu'on laissoit la reste des
Coquelicots avec les Feuilles
des fleurs,cela l'engagea de
fairel'extrait des testes
seules, & il trouva qyic
c'étaitfun somnifere des
plus doux qu'il y eut, qui a
la dose de quatre grains faisoit dormir sanslaisser aucun
trouble dans la teste: remede
d'autant plus utile qu'il ne
faut point l'aller chercher en
Turquieétant trèscommun
en France.
:
Deux de mes woifms
chausserentbeaucoup à l'occasion
de cette dissertation poursçavoir
si l'on déçoit mettre l'Opium
au rang des remedes ou des
poisonsfroids ou chauds. Je ne
rapporteray point leurs raisons
qui me parurentfort peu deci-
fivesi mais leurs disputefinit
par une demande que je rapporte icicommem'ayantparuplusimportante;sçavoir,s'ily aquelques marques pour connoistre
si
un hommeseroitmort d'avoir
pris une trop grande doss d'Opium? l'un deux dit qu'il n'y
avoit aucune marque. L'autre
dit que tous ceux qui mouroient
ayant pris beaucoup d'Opium
avoient le sang tellement
dissous qu'ilnesefigeoitjamais.
Unepetitedissertation de quelque
habile Medecinsur cette
matiere, aideroit àremplirmon
Mercure & pourroit estre
agreable &utile au public. Mr Vinflou habile &
sçavant Anatomiste, donna
un mémoire touchant les
glandes qui se rencontrent
dans les corps des animaux, illesdiftnbuaft fous ses différentesclasses qu'ilfubdivisa aussi en plusieurs especes.
Il range dansla première
Classe les glandes conglobéesj ce sont les glandesqui
font en quelquemanière
arrondies un peu fermes
d'une grandeur confiderablc,& d'une surface lisle
&unie comme les reins,&c.
Dans la sceonde Claffclefc
glandes conglomcrécs,qui
font des amas de plusieurs
pelotons étroitement collez ensemble & renfermez
fous une menbrane commune, comme le Pancreas,
les Parotides,&c.
Dans latroisiéme Classe,
les glandes en grain, il
nommaainfide petits corps
glanduleux tantost solitaires, tantost parfemez sur ua",
mesme plan de différentes
figures,telles font une
grande parties des glandes
intestinales, les çutan*écs.,&c.,
Dans la quatrième Classe
les glandes à poil ce font
celles qui forment
ce que l'on nomme le velouté de
l'estomach & des intestins,
composé d'une infinité de
petits tuyaux glanduleux en forme de panne ou de
velours.
Dans la cinquiémc Classe
les glandes irregulieres,qui
font celles qui par leur
forme extérieure ne se rapportent à
pas une des
precedentes, par exemple lefoye,&c.
;
:', Dans la sixiémeClasse les
glandes inperceptibles, qui
son celles qui sont sipetites
qu'onne les peut pas diflip*,
guersans microscope,ouque
l'onne découvre pas même
àl'aide du Microscope; mais
dontonne supposoit que
par leurs effets, ou à l'occasion de certaines maladies,
quiles rendent sensibles
celles sont les glandes du
Pericarde & du Pericorne
Il subdivisaensuitecessix
Classes générales en differentesespeccs, en les con.
siderant fous differens égards ,1 ; ou par raport
à leur uÍfu) ou par
raport aux sucs qu'elles
filtrent, ou par raport à
leursemploys, ou par raport
à leur durée.
Il donna ensuite la description & la figure de la
plus simple de ces glandes
pour la structure qui est la
glande à poil, dont l'assemblage forme le velouté de
l'estomach
,
ensuite celle du
rein, qui est un peu plus
composée
,
celle du
foye
qu'il dit estre une glandeconglobée cellulaire, dont chacune des cellules estgarnie
intérieurementd'un velouté
fort fin, dont chaque poil
estune glande comme auvelouté des intestins, & en
fin celle de la Ratte qui cft
U glande la plus composée;
puisque c'est selon luy unr.
glande conglobée, celluleuse, reticulaire & vasculeuse.
Il fcroit difficile de bien
faire comprendre la ftruc-4
ture de ces parties qu'en raportant sa propre description jointe aux figures, ce
quele peu de pratiqueque
ayAnqçpmicne m'apas
permis de faire.
Il raporta dans ces discours une chose fort singuliere, c'est que l'on pouvoit
avoir des preuves visiblesde
la transpiration des corps
vivants, en se presentant la
teste nuë, ou le corps de
quelque animal que ce soit
au grand soleil contre une
muraille blanche on aperçoir, dit il,une ombre legere
& voltigeante au dessus de
la teste ou du corps de l'animal, qui est l'ombre de la
waticre de l'insensible transpiration. Mes voisins se de*
manderent s'il étoit possible
qu'un corps invisible produisit une ombre visible,
chacun se promit de vérifier
l'expérience avant que d'en
chercher l'explication.
Mt l'Abbé Bignon reprit
à la fin de chaque mémoire
précis de ce qui avoitétédit,
& fit sentir au public l'utilité qu'il devoir attendre de
chacune deces observations
ou de ces découvertes, ce
qu'il fit avec cette facilité,
cette netteté
,
& cette
Eloquence qui luy font si natur
Fermer
Résumé : Discours sur l'Academie Royale des Sciences. [titre d'après la table]
Lors d'une séance publique de l'Académie Royale des Sciences le 6 avril, l'Abbé Bignon félicita la compagnie pour l'absence de décès d'académiciens au dernier semestre. Plusieurs mémoires furent présentés. Mr Lemery, fils, lut un mémoire sur les différentes couleurs des précipités du mercure, expliquant que le mercure dissous dans l'esprit de nitre change de couleur selon les substances ajoutées. Il attribua la couleur jaune ou rouge du mercure à la présence de 'parties de feu' dans les substances mélangées. Mr Cassini, fils, présenta un mémoire sur le flux et le reflux de la mer, fournissant des moyens de déterminer l'heure des marées en France et démontrant que les mouvements réguliers de la mer dépendent principalement de la pression lunaire. Mr Boulduc, père, découvrit un nouvel opium à partir des fleurs de coquelicot, somnifère doux et utile, contrairement à l'opium ordinaire qui peut avoir des effets néfastes. Mr Vinflou, anatomiste, discuta des glandes animales, les classant en six catégories : glandes conglobées, conglomérées, en grain, à poil, irrégulières et imperceptibles. Il décrivit la structure de plusieurs glandes, comme celles de l'estomac, du rein, du foie et de la rate. L'Abbé Bignon conclut chaque présentation en soulignant l'utilité des observations et découvertes présentées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
28
p. 60-72
Nouvelles Responses aux Questions des Mercures précedens, sur les grands parleurs, & les taciturnes.
Début :
Aux éloquences diffuses & brillantes on preferoit l'éloquence tenebreuse [...]
Mots clefs :
Éloquence, Grands parleurs, Taciturnes, Entendre, Table, Esprit, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Nouvelles Responses aux Questions des Mercures précedens, sur les grands parleurs, & les taciturnes.
Nouvelles Kefponjèsaux
Que(lions des Mercuresprécedens, sur les
grandsparleurs, &les
taciturnes. Auxéloquencesdiffuses & brillantes on prese
reroit l'éloquence tenebreuse d'Heraclite incité
par les Citoïens à haranguer le peuple dans une
sédition.Ilponte sur la
Tribune,' verse de l'eau
froidedans un vase
,
se
saupoudre de farine, l'avale & s'en va sans rien
dire, signifiant par là à
sesCytoiens que leur luxe & leurs excès en tou-
,
teschosesaussi-bien qu'en
paroles estoient la cause
de leurs désordres Se
qu'il n'y avoit que la fragilité qui pust les faire
cesser. Le symbole estoit
obscur,mais il donna de
l'attention
au peuple, le
fit penser & le rendit fage. Celui qui pique Se
embarrasse nostre entendement par une idée obscure, nous déplaift moins
que celui qui lui oste
[on action en l'étouffant
( pour ainsi dire) par
une éloquence trop diffuse
,
nous aimons mieux
n'entendre pas assez que
d'entendre trop.
Eloquence de Table.
Plutarque compare nos
tre esprit & nostre aIne
à une merenourrice à le-
gard du corps; S6 dit
que de mesme qu'elle
ne prend les plaisirs & ne
fait bonne chere qu'après
avoir allaitté son nourrisfouSe l'avoir fait dormir,
nôtre esprit pareillement
ne doit songerà s'exercer
qu'après avoir bien traitté son poupon. Il ne peut
être tranquille ni content
que l'autre n'ait ce qu'il
lui faut & ne foit en bon
estat. Homere fait manger ses Heros en silence,
après quoi le plus digne
foit par son rang soitpar
son esprit entretient la
compagnie.
,
Athenée semocque avec
raison du pedantesque
banquet d'Epicure où
l'on ne voyoit que des
éplucheurs d'atomes, &C
où l'un des plus severes
commença d'abord par
proposer une question
comme dansl'Ecole. Un
.-
plat devuide&d'atomes
a
l'entrée de table quels
entremets.
entremets. Les Sophistes
croient bien mieux celebrer l'entrée de table,
parce qu'ils s'empressent
dés le potage à debiter
leurs vains arguments.
On les voit, dit un Grec,
suffoquez par le potage
qui veut entrer, & la
vanité qui veut sortir
dans le mefine temps.
LeGrammairien & le
Rhetoricienont raison
de dire qu'ils né font rien
lors qu'ils ne
parlent
point, le silence au contraire ne couste rien au
Philosophe à l'homme de bon sens, parce
qu'il estpersuadé qu'on
n'est aimable & estimable qu'autant qu'on a
d'attention pour les autres & peu pour foy. Il
efl: persuadé que l'homme fê montre tel par le
silenceencore mieux que
par la parole. Non seulement lebabil & les
grandes conversations
sont ridiculesàl'entrée
decable, l'esprit mesme,
tout cfpdt- qu'ilest, doit
eY taire, & ne se regargeralors que comme
présidentà une fonction
corporelle comme le surintendant & surveillant
4tJ goust. Lecorps estant
satisfait veut bien partagor^LV<C1eiprk la volupté a laquelle tout le
restedurepasestdestiné;
alorstous propos intelligibles
,
agréables & fa-
ges feront reçeus avec
plaisir ;
je dis intelligibles à toute l'assemblée
,
car les discours comme
le vin doivent estre commun en un repas, & le
Metaphysicien où le Geometrequi veulent y
donner un plat de leur façon,font d'aussi mauvasse compagnie que le
Renard à l'égard de la
Cigogne, & de la Cigogne àl'égard du Renard.
Selon les Anciens tout
Sophiste devoit estre exclus de la table, & n'y point
troubler la vérité & le plaisir dans le seul afile qui leur
reste & où ils doivent régner seuls
:
j'entends la verité du cœur & non de rcc.
prie, car celuy- cy est si fort
altéré & abatardi des son
enfance,par la tirannie du
Sofisme, qu'on ne peut plus
se fierà ce qui part de lui.
Les discours quisortent du
cœursont tousjours agréables par eux-mesmes, & un
grain de selsuffit pour leur
donner un goust charmant. Voir & estre vu eû
le charme & la perfection
de la societé;mais qujpeuç
estre vu impunement ôç
qui peut voir&penetrer le
cœur d'autruiassez chajricablement& assez£^çmejuï
Il estmal aisé&prcfque-iHipossible d'assortir une comT
pagnie où l'on puUlegosuC
ter ce plaisir,il;fa^tplaft^fl:
s'en mefier que
feïpçrefYî
Repetez-vous efuvççtJ
vous nefme ce Proverbe
Arabe, teivim estentré, ig
secret va sortir ,ilplu*
seur comme plus ordinaire
à table de se moquer de son
prochain que de se fier à
luy,cen'estpas à dire que
la raillerie doive estre approuvai table plus qu'ailleurs. Au contraire dit un
Auteur Grec, comme on
renveseaisément ceux qui
sont dans un lieu glissant
& penchant pour peu
qu'on leur touche, aink
desesprits échauffez parle
vin sont tousjours prests à
broncher de colere.
Quipeut divertir & rai ller une personne en mesme
temps, loin de l'offenser
,
qui peut à l'occasion du
moindre petit ridicule innocent qu'on luy presente,
imaginer des traits plaisants
,
& leur donner un
tourvif & poli, qui sçait
se moquer de soy-mesme
encore plus souvent
,
Se
plus plaisamment que des
autres, aura attrape le vray
cfprit de raillerie
,
qui fait
l'agrément d'un convive
Que(lions des Mercuresprécedens, sur les
grandsparleurs, &les
taciturnes. Auxéloquencesdiffuses & brillantes on prese
reroit l'éloquence tenebreuse d'Heraclite incité
par les Citoïens à haranguer le peuple dans une
sédition.Ilponte sur la
Tribune,' verse de l'eau
froidedans un vase
,
se
saupoudre de farine, l'avale & s'en va sans rien
dire, signifiant par là à
sesCytoiens que leur luxe & leurs excès en tou-
,
teschosesaussi-bien qu'en
paroles estoient la cause
de leurs désordres Se
qu'il n'y avoit que la fragilité qui pust les faire
cesser. Le symbole estoit
obscur,mais il donna de
l'attention
au peuple, le
fit penser & le rendit fage. Celui qui pique Se
embarrasse nostre entendement par une idée obscure, nous déplaift moins
que celui qui lui oste
[on action en l'étouffant
( pour ainsi dire) par
une éloquence trop diffuse
,
nous aimons mieux
n'entendre pas assez que
d'entendre trop.
Eloquence de Table.
Plutarque compare nos
tre esprit & nostre aIne
à une merenourrice à le-
gard du corps; S6 dit
que de mesme qu'elle
ne prend les plaisirs & ne
fait bonne chere qu'après
avoir allaitté son nourrisfouSe l'avoir fait dormir,
nôtre esprit pareillement
ne doit songerà s'exercer
qu'après avoir bien traitté son poupon. Il ne peut
être tranquille ni content
que l'autre n'ait ce qu'il
lui faut & ne foit en bon
estat. Homere fait manger ses Heros en silence,
après quoi le plus digne
foit par son rang soitpar
son esprit entretient la
compagnie.
,
Athenée semocque avec
raison du pedantesque
banquet d'Epicure où
l'on ne voyoit que des
éplucheurs d'atomes, &C
où l'un des plus severes
commença d'abord par
proposer une question
comme dansl'Ecole. Un
.-
plat devuide&d'atomes
a
l'entrée de table quels
entremets.
entremets. Les Sophistes
croient bien mieux celebrer l'entrée de table,
parce qu'ils s'empressent
dés le potage à debiter
leurs vains arguments.
On les voit, dit un Grec,
suffoquez par le potage
qui veut entrer, & la
vanité qui veut sortir
dans le mefine temps.
LeGrammairien & le
Rhetoricienont raison
de dire qu'ils né font rien
lors qu'ils ne
parlent
point, le silence au contraire ne couste rien au
Philosophe à l'homme de bon sens, parce
qu'il estpersuadé qu'on
n'est aimable & estimable qu'autant qu'on a
d'attention pour les autres & peu pour foy. Il
efl: persuadé que l'homme fê montre tel par le
silenceencore mieux que
par la parole. Non seulement lebabil & les
grandes conversations
sont ridiculesàl'entrée
decable, l'esprit mesme,
tout cfpdt- qu'ilest, doit
eY taire, & ne se regargeralors que comme
présidentà une fonction
corporelle comme le surintendant & surveillant
4tJ goust. Lecorps estant
satisfait veut bien partagor^LV<C1eiprk la volupté a laquelle tout le
restedurepasestdestiné;
alorstous propos intelligibles
,
agréables & fa-
ges feront reçeus avec
plaisir ;
je dis intelligibles à toute l'assemblée
,
car les discours comme
le vin doivent estre commun en un repas, & le
Metaphysicien où le Geometrequi veulent y
donner un plat de leur façon,font d'aussi mauvasse compagnie que le
Renard à l'égard de la
Cigogne, & de la Cigogne àl'égard du Renard.
Selon les Anciens tout
Sophiste devoit estre exclus de la table, & n'y point
troubler la vérité & le plaisir dans le seul afile qui leur
reste & où ils doivent régner seuls
:
j'entends la verité du cœur & non de rcc.
prie, car celuy- cy est si fort
altéré & abatardi des son
enfance,par la tirannie du
Sofisme, qu'on ne peut plus
se fierà ce qui part de lui.
Les discours quisortent du
cœursont tousjours agréables par eux-mesmes, & un
grain de selsuffit pour leur
donner un goust charmant. Voir & estre vu eû
le charme & la perfection
de la societé;mais qujpeuç
estre vu impunement ôç
qui peut voir&penetrer le
cœur d'autruiassez chajricablement& assez£^çmejuï
Il estmal aisé&prcfque-iHipossible d'assortir une comT
pagnie où l'on puUlegosuC
ter ce plaisir,il;fa^tplaft^fl:
s'en mefier que
feïpçrefYî
Repetez-vous efuvççtJ
vous nefme ce Proverbe
Arabe, teivim estentré, ig
secret va sortir ,ilplu*
seur comme plus ordinaire
à table de se moquer de son
prochain que de se fier à
luy,cen'estpas à dire que
la raillerie doive estre approuvai table plus qu'ailleurs. Au contraire dit un
Auteur Grec, comme on
renveseaisément ceux qui
sont dans un lieu glissant
& penchant pour peu
qu'on leur touche, aink
desesprits échauffez parle
vin sont tousjours prests à
broncher de colere.
Quipeut divertir & rai ller une personne en mesme
temps, loin de l'offenser
,
qui peut à l'occasion du
moindre petit ridicule innocent qu'on luy presente,
imaginer des traits plaisants
,
& leur donner un
tourvif & poli, qui sçait
se moquer de soy-mesme
encore plus souvent
,
Se
plus plaisamment que des
autres, aura attrape le vray
cfprit de raillerie
,
qui fait
l'agrément d'un convive
Fermer
Résumé : Nouvelles Responses aux Questions des Mercures précedens, sur les grands parleurs, & les taciturnes.
Le texte 'Nouvelles Kefponjèsaux' explore les principes d'éloquence et de comportement approprié lors des repas. Il commence par une comparaison entre différents styles d'éloquence, opposant la simplicité et l'obscurité d'Héraclite à l'éloquence diffuse et brillante. Plutarque compare l'esprit et l'âme à une nourrice qui doit prendre soin du corps avant de s'exercer elle-même. Homère et Athénée critiquent les repas où les discussions philosophiques ou pédantesques dominent, au détriment du silence et de la convivialité. Les sophistes et les érudits sont décrits comme des mauvais convives, perturbant la vérité et le plaisir des repas par leurs interventions. Le texte met en avant l'importance du silence et de l'attention aux autres lors des repas, soulignant que les discours doivent être intelligibles et agréables pour tous. Les Anciens excluaient les sophistes des tables pour préserver la vérité du cœur. La raillerie est déconseillée, car elle peut offenser les esprits échauffés par le vin. Enfin, le texte valorise la capacité à divertir et à railler avec politesse et auto-dérision, qualifiant cela comme l'agrément d'un convive.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
29
p. 139-154
ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
Début :
Monsieur de la Vieuville, Bailly, Grand-Croix, Ambassadeur Extraordinaire de [...]
Mots clefs :
Chevalier de la Vieuville, Ordre de Malthe, Bailly, Ambassadeur de Malthe, Cérémonial, Carrosse, Gardes du corps, Discours, Roi
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
ENT R E £
de Monsieur le Chevalier de la ViçuviU:
Ambassadeur de A4-alîhe.
;
Monsieur de la Vieuville, Bailly
,
Grand Croix ,
Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malthe
près Sa M ajesté,fit sonentréepubliqueencetteVille
le quatre decemois.
Plusieurs personnes curieuses ducérémonial qui..
s'observe dans ces occa,q.
*
sions, seront bienaises devoir ce que j'en rapporte
icy ,-gui fera d'autant plur
de plaisir que tout Paris a
trouvé cette Entrée toute
des plus belles.
Monsieur rAmbafTadeu*
de Malthe se rendit le Dimanche matin quatriéme
Decembre au Convent dePiquepus pour y recevoir
les compliments des Princes & Princesses du Sang,
&ceux des Ministres Etrangers. Il estoit accom pagné
de ses deux camarades
d'Ambassade,de Monsieur
le Commandeur Perrot,
Lieutenant cta GrandPrieur
,
& Receveur dudit
Ordre, de Messieurs les
Grands- Croix
,
Commandeurs,Chevaliers Profez &
Novices
,
qui pour faire
honneur à leur Religion &
à Monsieur l'Ambassadeur
estoient venus le trouver
audit Convent de Piquepus ,
où Monsieur le Mareschal de Besons vint de
la parc du Roy Ty prendre
dans lecarrosse de Sa Majesté avec Monsieur le Chevalier de Saintot Introduc-
teur des Ambassadeurs.
Le Mareschal de France
sità l'Ambassadeur l'honneur du carrosse du Roy::
la marche se fitainsi.
La Mareschaussee à cheval.
Le carrosse de l'Introducteur..
Celuy du Mareschal de
France.
La Livrée de l'Ambassadeur
,
après son Escuyer
& les pages à cheval.
Le carrosse du Roy oir
estoient l'Ambassadeur
,
le
Mareschal de France, l'In-
troducteur
,
le Commandeur de Balincour & le
Commandeur de Frenoy
camarades d'Ambassade, ôc leCommandeur Perrot.
Le carrosse de Monseigneur leDuc de Berry.
De Madame la Duchesse
de Berry.
Le carrosse de Madame,
Celuy de Monsieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la Duchesse d'Orléans.
Celuy de la Princesse de
Condé.
De la Princesse de Bour- bon.*)
D.; la Princesse Dbiiairiere de Concy.
De la Princesse de Conty.
Celuy du pricvcc de Conty.
Ceux de Monsieur le
Duc du Maine.
De Madame la Duchesse
du Maine."*
DeMadamela Duchesse
deVandosme.
•
De Monsieur le Comte
de Thoulouse.
Celuy du Marquis de
Torcy Ministre & Secretaire d'Estat.
Ensuite venoient lesquatrecarrosses del'AmbassV
deur,
deur, dont le bon goust &
la magnificence dans une
conjoncture comme cellecy, se sont entierement attirez l'admiration du public. Il est vrayque le
nombreux cortege des
Grands-Croix
,
Commandeurs, & Chevaliers qui
suivoientles carrosses de
l'Ambassadeur dans plus de
quarante à sixchevaux y
donnoient un air de grandeur & de distinction, qui
a
fait de cetteEntrée le
plus magnifique spectacle
qui ait esté veudepuis long-
temps; il y avoit mesme
plus de cinquante ans qu'il
n'y avoit eu à Paris d'Entréed'Ambassadeur de
Malthe.
Lesix suivant son Excellence fut à Versailles dans
le carrosse duRoy, accompagné du mesme Mareschal de France,& conduit
par l'Introducteur des Ambassadeurs,où les Gardss
de
la Porte, les Gardes de la
Prévosté estoient fous les
armes, les Cent Suisses en
haye sur le grand Escalier,
dans leur habitdecérémo-
nie, leurs hallebardes à la
main, les Gardes du Corps
fous les armes dans leur
Salle, à la porte de laquelle
le Mareschal Duc d Harcour Capitaine des Gardes
du Corps du Roy en quartier
,
vint recevoir Monsieur l'Ambassadeur & le
conduisit aussi à son Audience. Sa Majesté le voyant arriver dans sa chambre se tint debout & découvert:l'Ambassadeur y entrant fit une profonde reverence, & passa au milieu
de ce nombreux cortege
qui l'avoir précedé dans là
marche; il en fit encore
deux autres à differentes
distances, puisil entra seul
dans l'alcove du lit du Roy
où Sa Majesté estoit avec
les Princes de sa Maison &
ses
1
princi paux Officiers;
elle luy marqua de se couvrir lors qu'il commença
sa Harangue qu'Elle écouta debout enfuire Elle y
respondit, & ordonnaune
feconde fois à l'Ambassadeur qui s'estoit découvert,
deserecouvrir. Pendantce
temps-Jates termes dont
Sa Majesté se servit pour le
remercier,estoient si avantageux pour l'Ordre de
Malthe
,
& si remplis de
bonté pour l'Ambassadeur,
qu'il en sortit penetrédela
plus vive reconnoissance
;
il fut reconduit dans le meime ordre par le Capitaine
des Gardes du Corps julaques à
la porte de la Salle
des Gardes, & retrouva sur
son passage les mesmes
honneurs qu'il avoit eus en
allant. Monsieurl'Ambassadeur descendu dans la
Salle des Ambassadeurs y
-
attendit l'heure que Monsieur l'Introducteur - avoit
prise pour aller chez Monseigneur le Dauphin où il
fut receu à la porte de la
SaHe par l'Exempt des Gardes du Corps qui est auprès
du Prince. Ensuite il alla
chez Monseigneur le Duc
de Berry
,
chez Madame
laDuchessede Berry,chez
Madame, chez Monsieur
le Duc d'Orleans, chez
Madame laDuchesse d'Orleans
,
où il receut tous les
honneurs accoustumez &
deus à soncaractere..
L'heure du disner arrivce son Excellence passa
dans la Salle du traitement
où il y eut deux tables de
vingt-cinq couverts chacune magnifiquementservie,
& en mesme tempsqui su
rent remplies des GrandsCroix, Commandeurs
,
f,
Chevaliers qui avoient esté
du correge de Monsieur
l'Ambassadeur, qui alla
a
prés ce superbe disnéchez
Monsieur le Marquis de
Torcy
,
& sur ensuite ramené en son Hostel dans
le carrosse du Roy parMon-
fleur l'Introducteur dee
Ambassadeurs.
Lanoblesse avec laquelle
ils'acquitta de ces différentes fonctions n'ont fait
qu'augmenter l'estime que
son Ordre & le public avoient pour luy.
OJI joint icy sonDiscours
au IUyy qui a
pieu infiniment à tous ceux qui l'ont
entendu, Ôc que vous serez aussi bien aise de voir.
SIRE,
Le seul objet du Grand
Mastre de l'Ordre de Aialthe
efiant de donner à
Sa Majesté
des marques continuelles de sa
parfaite obeïssance Cm de son
reJpeÛ
,
m'a choisi pour avoir
l'honneur de luy enrenouveller
les asseurances, & luy demander la continuation de sa Royale proicé-lion;je m'en acquitte,
SIRE
,
avec confiance en la
honte qu'Elle a eu d'agréer mes
services pour ce
glorieux employ. Quel bonheur pour un
Ordre aussi attaché aux interefis de VostreMajesté, &
pour un sujet qui luy est auss
dévoilé de luy rendre ses treShumbles hommages dans le
temps que la Victoirese Journée
à
la justice deses Armes.
Puissent ces
heureux fucce"{).
SIRE
,
suivis de plusieurs
autres, nous laisser admirer
pendant une longue fuite d'années
ce que peut un Prince que
Dieu protege, & qu'il a
formé pour estre dans les temps t
venir le njraj modelle des plus
grands Rois
de Monsieur le Chevalier de la ViçuviU:
Ambassadeur de A4-alîhe.
;
Monsieur de la Vieuville, Bailly
,
Grand Croix ,
Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malthe
près Sa M ajesté,fit sonentréepubliqueencetteVille
le quatre decemois.
Plusieurs personnes curieuses ducérémonial qui..
s'observe dans ces occa,q.
*
sions, seront bienaises devoir ce que j'en rapporte
icy ,-gui fera d'autant plur
de plaisir que tout Paris a
trouvé cette Entrée toute
des plus belles.
Monsieur rAmbafTadeu*
de Malthe se rendit le Dimanche matin quatriéme
Decembre au Convent dePiquepus pour y recevoir
les compliments des Princes & Princesses du Sang,
&ceux des Ministres Etrangers. Il estoit accom pagné
de ses deux camarades
d'Ambassade,de Monsieur
le Commandeur Perrot,
Lieutenant cta GrandPrieur
,
& Receveur dudit
Ordre, de Messieurs les
Grands- Croix
,
Commandeurs,Chevaliers Profez &
Novices
,
qui pour faire
honneur à leur Religion &
à Monsieur l'Ambassadeur
estoient venus le trouver
audit Convent de Piquepus ,
où Monsieur le Mareschal de Besons vint de
la parc du Roy Ty prendre
dans lecarrosse de Sa Majesté avec Monsieur le Chevalier de Saintot Introduc-
teur des Ambassadeurs.
Le Mareschal de France
sità l'Ambassadeur l'honneur du carrosse du Roy::
la marche se fitainsi.
La Mareschaussee à cheval.
Le carrosse de l'Introducteur..
Celuy du Mareschal de
France.
La Livrée de l'Ambassadeur
,
après son Escuyer
& les pages à cheval.
Le carrosse du Roy oir
estoient l'Ambassadeur
,
le
Mareschal de France, l'In-
troducteur
,
le Commandeur de Balincour & le
Commandeur de Frenoy
camarades d'Ambassade, ôc leCommandeur Perrot.
Le carrosse de Monseigneur leDuc de Berry.
De Madame la Duchesse
de Berry.
Le carrosse de Madame,
Celuy de Monsieur le
Duc d'Orleans.
Celuy de Madame la Duchesse d'Orléans.
Celuy de la Princesse de
Condé.
De la Princesse de Bour- bon.*)
D.; la Princesse Dbiiairiere de Concy.
De la Princesse de Conty.
Celuy du pricvcc de Conty.
Ceux de Monsieur le
Duc du Maine.
De Madame la Duchesse
du Maine."*
DeMadamela Duchesse
deVandosme.
•
De Monsieur le Comte
de Thoulouse.
Celuy du Marquis de
Torcy Ministre & Secretaire d'Estat.
Ensuite venoient lesquatrecarrosses del'AmbassV
deur,
deur, dont le bon goust &
la magnificence dans une
conjoncture comme cellecy, se sont entierement attirez l'admiration du public. Il est vrayque le
nombreux cortege des
Grands-Croix
,
Commandeurs, & Chevaliers qui
suivoientles carrosses de
l'Ambassadeur dans plus de
quarante à sixchevaux y
donnoient un air de grandeur & de distinction, qui
a
fait de cetteEntrée le
plus magnifique spectacle
qui ait esté veudepuis long-
temps; il y avoit mesme
plus de cinquante ans qu'il
n'y avoit eu à Paris d'Entréed'Ambassadeur de
Malthe.
Lesix suivant son Excellence fut à Versailles dans
le carrosse duRoy, accompagné du mesme Mareschal de France,& conduit
par l'Introducteur des Ambassadeurs,où les Gardss
de
la Porte, les Gardes de la
Prévosté estoient fous les
armes, les Cent Suisses en
haye sur le grand Escalier,
dans leur habitdecérémo-
nie, leurs hallebardes à la
main, les Gardes du Corps
fous les armes dans leur
Salle, à la porte de laquelle
le Mareschal Duc d Harcour Capitaine des Gardes
du Corps du Roy en quartier
,
vint recevoir Monsieur l'Ambassadeur & le
conduisit aussi à son Audience. Sa Majesté le voyant arriver dans sa chambre se tint debout & découvert:l'Ambassadeur y entrant fit une profonde reverence, & passa au milieu
de ce nombreux cortege
qui l'avoir précedé dans là
marche; il en fit encore
deux autres à differentes
distances, puisil entra seul
dans l'alcove du lit du Roy
où Sa Majesté estoit avec
les Princes de sa Maison &
ses
1
princi paux Officiers;
elle luy marqua de se couvrir lors qu'il commença
sa Harangue qu'Elle écouta debout enfuire Elle y
respondit, & ordonnaune
feconde fois à l'Ambassadeur qui s'estoit découvert,
deserecouvrir. Pendantce
temps-Jates termes dont
Sa Majesté se servit pour le
remercier,estoient si avantageux pour l'Ordre de
Malthe
,
& si remplis de
bonté pour l'Ambassadeur,
qu'il en sortit penetrédela
plus vive reconnoissance
;
il fut reconduit dans le meime ordre par le Capitaine
des Gardes du Corps julaques à
la porte de la Salle
des Gardes, & retrouva sur
son passage les mesmes
honneurs qu'il avoit eus en
allant. Monsieurl'Ambassadeur descendu dans la
Salle des Ambassadeurs y
-
attendit l'heure que Monsieur l'Introducteur - avoit
prise pour aller chez Monseigneur le Dauphin où il
fut receu à la porte de la
SaHe par l'Exempt des Gardes du Corps qui est auprès
du Prince. Ensuite il alla
chez Monseigneur le Duc
de Berry
,
chez Madame
laDuchessede Berry,chez
Madame, chez Monsieur
le Duc d'Orleans, chez
Madame laDuchesse d'Orleans
,
où il receut tous les
honneurs accoustumez &
deus à soncaractere..
L'heure du disner arrivce son Excellence passa
dans la Salle du traitement
où il y eut deux tables de
vingt-cinq couverts chacune magnifiquementservie,
& en mesme tempsqui su
rent remplies des GrandsCroix, Commandeurs
,
f,
Chevaliers qui avoient esté
du correge de Monsieur
l'Ambassadeur, qui alla
a
prés ce superbe disnéchez
Monsieur le Marquis de
Torcy
,
& sur ensuite ramené en son Hostel dans
le carrosse du Roy parMon-
fleur l'Introducteur dee
Ambassadeurs.
Lanoblesse avec laquelle
ils'acquitta de ces différentes fonctions n'ont fait
qu'augmenter l'estime que
son Ordre & le public avoient pour luy.
OJI joint icy sonDiscours
au IUyy qui a
pieu infiniment à tous ceux qui l'ont
entendu, Ôc que vous serez aussi bien aise de voir.
SIRE,
Le seul objet du Grand
Mastre de l'Ordre de Aialthe
efiant de donner à
Sa Majesté
des marques continuelles de sa
parfaite obeïssance Cm de son
reJpeÛ
,
m'a choisi pour avoir
l'honneur de luy enrenouveller
les asseurances, & luy demander la continuation de sa Royale proicé-lion;je m'en acquitte,
SIRE
,
avec confiance en la
honte qu'Elle a eu d'agréer mes
services pour ce
glorieux employ. Quel bonheur pour un
Ordre aussi attaché aux interefis de VostreMajesté, &
pour un sujet qui luy est auss
dévoilé de luy rendre ses treShumbles hommages dans le
temps que la Victoirese Journée
à
la justice deses Armes.
Puissent ces
heureux fucce"{).
SIRE
,
suivis de plusieurs
autres, nous laisser admirer
pendant une longue fuite d'années
ce que peut un Prince que
Dieu protege, & qu'il a
formé pour estre dans les temps t
venir le njraj modelle des plus
grands Rois
Fermer
Résumé : ENTRÉE de Monsieur le Chevalier de la Vieuville Ambassadeur de Malthe.
Le 4 décembre, Monsieur de la Vieuville, Ambassadeur Extraordinaire de l'Ordre de Malte, fit une entrée solennelle à Paris. Plusieurs observateurs jugèrent cette entrée comme l'une des plus belles. Le matin du 4 décembre, l'ambassadeur se rendit au Convent de Piquepus pour recevoir les compliments des princes et princesses du sang ainsi que des ministres étrangers. Il était accompagné de membres de son ordre, incluant le Commandeur Perrot et divers Grands-Croix, Commandeurs, Chevaliers Profès et Novices. La procession fut organisée avec un ordre précis : elle débuta avec la Maréchaussée à cheval, suivie du carrosse de l'Introducteur, celui du Maréchal de France, la livrée de l'ambassadeur, et plusieurs carrosses de personnalités importantes, tels que le Duc de Berry, la Duchesse de Berry, Madame, le Duc d'Orléans, et d'autres princes et princesses. Le cortège comptait plus de quarante carrosses à six chevaux, ainsi qu'un nombreux cortège de Grands-Croix, Commandeurs et Chevaliers. L'ambassadeur se rendit ensuite à Versailles dans le carrosse du roi, accompagné du Maréchal de France et conduit par l'Introducteur des Ambassadeurs. Il fut reçu par le roi, qui se tint debout et découvert, et écouta la harangue de l'ambassadeur. Le roi invita à deux reprises l'ambassadeur à se couvrir. L'ambassadeur fut ensuite reconduit dans le même ordre et reçut les honneurs accoutumés lors de ses visites au Dauphin, au Duc de Berry, à la Duchesse de Berry, à Madame, au Duc d'Orléans et à la Duchesse d'Orléans. L'ambassadeur dîna dans la Salle du traitement, où deux tables de vingt-cinq couverts furent magnifiquement servies. Il se rendit ensuite chez le Marquis de Torcy avant de retourner à son hôtel dans le carrosse du roi. La noblesse avec laquelle il s'acquitta de ses fonctions augmenta l'estime que son ordre et le public avaient pour lui. Le discours de l'ambassadeur au roi exprima la dévotion de l'Ordre de Malte et demanda la continuation de la protection royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
30
p. 284-286
Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Début :
Voicy un article où tous les termes consacrés aux loüanges [...]
Mots clefs :
Discours, Académie française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Voicy un article où
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
GALANT. 285
tous les termes conſacrés
aux loüanges les mieux
meritées , font épuiſez.
Monfieur le Mareſchal de
Villars fut reçeu le 23 .
l'Academie Françoiſe. 11
fit un Diſcours d'un Heros
tel que luy. Mr de la
Chappelle luy fit au nom
de cette Illuſtre Affemblée
, un autre Diſcours
fort éloquent. J'ay pris
bien des peines inutiles
pour avoir ces deux pieces
; fi on me permet de
186 MERCURE
les faire imprimer , com
me je l'efpere , je les donneraydans
mon premier
Mercure.
Fermer
Résumé : Reception de Mr de Villars à l'Académie Françoise [titre d'après la table]
Le 23, le maréchal de Villars a été reçu à l'Académie française. Il a prononcé un discours héroïque. Monsieur de La Chapelle a répondu au nom de l'assemblée. L'auteur a tenté d'obtenir ces discours pour les publier dans le premier numéro du Mercure.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
31
p. 323-328
EXTRAIT d'un Discours prononcé à Rennes sur la Naissance du DAUPHIN.
Début :
Le Pere Coriou, Professeur de Rethorique au College des Jesuites de la Ville de Rennes [...]
Mots clefs :
Naissance du Dauphin, Jésuites, Discours, Orateur, Vertus, Larmes, Princes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT d'un Discours prononcé à Rennes sur la Naissance du DAUPHIN.
E XTR AlT d'un Discours prononcé h
' Rennes fur la Naissance du Dauph i n.
LE Pere Coriou , Professeur de Rethorique
au Collège des Jésuites de la Ville de Rennés
, n'a semblé différer de célébrer I'heuteuse
Naissance d'un Dauphin, qu'afin de re
veiller la joye publique par les motifs les plus
interessans pouj la France.
Le Programme étoit conçu en ces termes.:
Telfhinum Varentìbus, Parentes Delphino gratulahìtur
Orator, Le dessein étoit naturel,
mais il fut traité d'une façon qui le rendit, fìnr
gulier à son ingénieux Auteur.
L'Orateur dans son Exorde , conduisoit Iei
ris & les grâces au berceau de l'Auguste En
fant, rien ne s'y offre que d'aimable & d«
propre à fixer les regards. L'amour des Pranr
çois se mêle à cette troupe badine. Les Zephirs
raccompagnent » re:pcctent & augmen
tent le sommeil du Dauphin. II viendra un
tems où la valeur & la gloire ne troubleront
.que trop son repos. L'Exorde étoit terminé
{>ar un Compliment à l'Illustre Chef du Par
ement de Bretagne, qui honoroit l'Oraceur
de fa présence.
L'Orateur entra dans fa première Partie, en
marquant que les Enfans des Rois naissent à &
yerité dans les larmes comme les autres , mais
que la Grandeur , la Majesté , 1 allégresse sui
vent de près les premiers instants de leur séjour
sur la terre. Nafcuxtur ut ateris ìmperent hotninil/
tts ìnter ques fe'dent ut Patres , t minent
Ht foles , coluntur ut numina.
. Ensuite il félicita le Roy & la Reine d'ayoir
un Dauphin, puisque cetoe Naissance* dis.
- - '■ 1 F sijpe
3a4 MERCURE DE FRANGE,
sipe toutes les inquiétudes du Roy, puisqu'elle
donne un nouvel accroissement à l'autorité de
la Reine.
i'9-, Qu'il est douloureux à un Grand Roy
de se voir privé d' un héritier de son Thrône! A
quoi même les Peuples rie sont-ils pas exposés
dans défi critiques conjonctures i L'áge de nos
'Pères ne nous -en est qu'un" trop fidèle garand.
les Guerres intestines ou Etrangères dont il?
furent les victimes , l'ambition , la perfidie >
qu'allumèrent les intérêts divisés , font sentir
Je déplorable état d'un Royaume dont le Mo
narque n'a point de Fils auquel il transmette
sa Couronne. La France n'a plus à redouter
de pareils malheurs. Le Dauphin , heureux
présage du calme . écarte en naisíant toutes les;
tempêtes que nous pouvions redotiter.
Les larmes que nous versâmes fur la perte
de "nos Princes, font taries dans un jour £
forrttné. L'Orateur exposa ici les justes dou
leurs qui saisirent tous les François à la mort
des Princes. Leurs caractères étoient maniés
4e plus délicatement. Celui du feu Roy plus
Çrand dans ses revers qu'au milieu de l'éclat
de ses prospérités , couronnoit ces magnifiques
-éloges.
Après tant d'alarmes , un Astre nouveau
s'élève, & nous fournit les plus heureux au
gures pour rendre la fortune tributaire à ses
armes , donner la loy aux Nations jalouses ,
faire trembler les Rois , affermir son Trône par
de nouvelles conquêtes . ce fera un "jour l'occupation
du Dauphin. Les Augustes , les Tites,
les Alexandres , les Henrys & les Louis , feront
ses modelés ; mais s'il se peut , il les surpas
sera.
- j>. L'autorité de la Reine s'accroît à la
• Náïflanc*
FEVRIER. 1730."
íîíaissance d'un Dauphin. II a été l'objet de ses
demandes & de ses soupirs. L'Orateur congra
tula la Bretagne, d'avoir trouvé dans sainte
Anne un de ses Anges turelaires , qui ait porté
au Trône de TEternel l'encens de ses prières »
pour obtenir un bien si précieux; quoiqu'ajottta
t il , il n'est aucun Temple dans la France
qui n'ait retenti des Voeux qu'on y a addressé,de
concert avec les désirs de la Reine. II prit à té
moin les aziles secrets où elle presentoit au
Tout- puissant ses prières les plus ferventes , '
les Vierges consacrées à Dieu , les pauvres qui
ont intcrrefle le Ciel à combler les Voeux de
leur Bienfaitrice. Il invita ses Auditeurs i
contempler cette Princesse aux pieds de sainte
iGenevieve > y répandant d'abord ses larmes
& ses désirs , Sc peu après > les tendres gages
de fa reconnoiffance.
Il fit voir par le détail de ses hautes qualitez,,
que la Reine leur doit Péclat du rang qu'elle
occupe. Aujourd'hui comme une autre Cor*
-nelie» elle montre dans son Dauphin le plus
précieux de ses Trésors. Ce fera aussi le Tré
sor de tous les malheureux. Le coeur de la
Reine compatira à toutes les misères , & le
Dauphin à qui elle ies postera , suffira pour les
bannir dans tous les Etats. C'est à cet usage,
que la Reine consacrera l'accroiilèment nou-
.Veau de son autorité.
De cette première Partie , l'Orateur conclut
que les François retrouvent à Ja 'Naissance du
Dauphin leur bonheur , uni à celui du Roy St
de la Reine.
L'Orateur commençoit la seconde Partie, en
disant que le Dauphin ne devoit •point enviée
aux anciens Héros la Noblesse de leur origine,
■wrexcellencc des Maîtres fous qui ils s'étoiene
F ij fuîmes.
■%*6 MERCURE DE FRANCE,
formez. Le Roy son Pere lui apprendra l'art de
régner . la Reine sa Mere sera son Modelé dans
ice qu'il doit à la Religion.
i°. C'est beaucoup de fournir le Sang des
Rois , c'est plus de former un Roy. C'est le
double bien que Louis XV. transporte à son
Dauphin. Autrefois il mit les délices à cultiver
des Fleurs ; il s'en présente une à ia culture
qui aura tous ses foins.
G'eít sous un tel Maître que le Dauphin ap
prendra à mériter l'amour des Peuples , à es
suyer leurs larmes , à procurer leur félicité >
à en devenir le Pere-
C'est fous un tel Maître qu'il apprendra à
donner des Batailles & à y vaincre. Les autres
n'apprennent à commander qu'à leurs dépens ,
pu par une longue expérience. Les Bourbons
naissent Héros & triomphateurs.
, C'est sous un tel Maîrre qu'il apprendra à
préférer les vertus pacifiques aux vertus GuerrieresL,
. . Déja la paix est née avec le Roy son
Pere, il s'emprefiera comme lui d'accroître
son Temple.
Ênfin , point de vertus héroïques dont le
Dauphin ne trouve en son Pere l'éclatant mo
delé ; Hector, Achille, César ou Alexandre
Îeuyent servir de Guides aux autres Princes ,
,oúis est le seul que le Dauphin doive consul
ter , puisqu'il a tout ce qui fait & les Grandi
Rois & les bons Rois.
i°. La tendre pieté de la Reine n'est pas une
leçon moins précieuse pour le Dauphin. Au
trefois Saùl demanda à David quelle étoit fa
Famille. A peine Peut- il fçu , qu'il connut que
le jeune David devoit être l'appui de la Reli
gion en Israël : II suffit de seavoir que le Dau
phin a pour Mere la plus religieuse Prineeiie,
FEVRIER. Ï730'. jl?
p«ur augurer quel sera son zele pour la Reli
gion de ies Pères.
L'Orateur exposa avec rout l'art possible les
exemples de pieté que la Reine fait briller aux
yeux de íës Sujets , & avec quelle ardeur elle
conservera pour le Ciel le Héros qu'elle en a
reçu.
Il marqua ensuite que les Nations Etrangères
préparent leurs Princes à l'exercice des vertus
par des Symboles qui leur en retracent la prati-
!^ue dès l'enfance j le Dauphin n'a besoin pour
è former à la prêté , que des foins d'une
Reine dont le coeur est l'Autel même de-la
Religion. II fit le parallèle d'Annibal présenté
aux Autels, & dont la consécration n'eut dèslors
rien que de funeste gux Romains , & ce
lui *du Dauphin offert au Seigneur , & en qui
la Religion dès ee moment a reconnu son ap
pui & son vengeur.
L'Orateur conclut cette seconde Partie, en
recueillant les avantages que l'éducatton pa
ternelle & maternelle vont Ini procurer. II la
termine par les Voeux les plus touchants pour
•la conservation d'un fi cher Dépôt. I! n'a rien
de plus grand à désirer à son Héros naiíìànt ,
que de ressembler à Louis & à Marie , vivat
dignus Pâtre , vivat digvus Matre , vivat
utrique fimilis.
L'accompagnement de la Harangue répon-.'
dok au sujet. La Salle étoit décorée de super*
bes Tapisseries , fur lesquelles éroient dans un
riche enfoncement les Portraits du Roy & de
la Reine , & l'Ecusson du Dauphin. Ils étoienc
couronnés d'un Dais , & éclairés par une in
finité de lumières. Plusieurs Lustres & Giran
doles éroient placés de distance en distance.
L' Assemblée étoit des plus choisies. M. de Bril-
F iij lac
fttt MERCURE'DE FRANCE.
lac, Premier Président , s'y trouva â la tête de?
plusieurs Presidens. à Mortier & Conseillers
du Parlement.
Le Discours fini , on donna à l'Orateur les
applaudillemens que déja plusieurs fois pen-' ^i
dant l'adtion , l'admiration unanime n'avoic
pû suspendre. On fut agréablement frappé en'
sortant-, de trouver toute la Cour du Collège'
illuminée } chaque Croisée étoic chargée de
Piramides de Lampions, ou chargée de Pots
à Feu , ou d'Ecuílons aux Armes du Roy , de'
là Reine & du Dauphin. Un grand Bûcher
étoit préparé au milieu de la Cour. Cent Ecoî
lîers richement habillés 7 & portant chacun un-
Drapeau j firent autour diverses évolutions ,
& deux des plus qualifiés y mirent le feu au
bruit des Tambours & dés Trompettes. Les<
Boëtes tirèrent avec un fracas qui n'avoit rien
que de superbe ; les Fusées se mêlèrent dans les
airs, 3i firent disparoître pendant quelques)
heures , les ténèbres de la nuit. Le Public pa*
nu charmés du Spectacle, & ranima à cette
nouvelle Fête les premiers sentimensde joye
tìjue la Naissance du Dauphin avoic causé 3 f
avoit quelques mois.
' Rennes fur la Naissance du Dauph i n.
LE Pere Coriou , Professeur de Rethorique
au Collège des Jésuites de la Ville de Rennés
, n'a semblé différer de célébrer I'heuteuse
Naissance d'un Dauphin, qu'afin de re
veiller la joye publique par les motifs les plus
interessans pouj la France.
Le Programme étoit conçu en ces termes.:
Telfhinum Varentìbus, Parentes Delphino gratulahìtur
Orator, Le dessein étoit naturel,
mais il fut traité d'une façon qui le rendit, fìnr
gulier à son ingénieux Auteur.
L'Orateur dans son Exorde , conduisoit Iei
ris & les grâces au berceau de l'Auguste En
fant, rien ne s'y offre que d'aimable & d«
propre à fixer les regards. L'amour des Pranr
çois se mêle à cette troupe badine. Les Zephirs
raccompagnent » re:pcctent & augmen
tent le sommeil du Dauphin. II viendra un
tems où la valeur & la gloire ne troubleront
.que trop son repos. L'Exorde étoit terminé
{>ar un Compliment à l'Illustre Chef du Par
ement de Bretagne, qui honoroit l'Oraceur
de fa présence.
L'Orateur entra dans fa première Partie, en
marquant que les Enfans des Rois naissent à &
yerité dans les larmes comme les autres , mais
que la Grandeur , la Majesté , 1 allégresse sui
vent de près les premiers instants de leur séjour
sur la terre. Nafcuxtur ut ateris ìmperent hotninil/
tts ìnter ques fe'dent ut Patres , t minent
Ht foles , coluntur ut numina.
. Ensuite il félicita le Roy & la Reine d'ayoir
un Dauphin, puisque cetoe Naissance* dis.
- - '■ 1 F sijpe
3a4 MERCURE DE FRANGE,
sipe toutes les inquiétudes du Roy, puisqu'elle
donne un nouvel accroissement à l'autorité de
la Reine.
i'9-, Qu'il est douloureux à un Grand Roy
de se voir privé d' un héritier de son Thrône! A
quoi même les Peuples rie sont-ils pas exposés
dans défi critiques conjonctures i L'áge de nos
'Pères ne nous -en est qu'un" trop fidèle garand.
les Guerres intestines ou Etrangères dont il?
furent les victimes , l'ambition , la perfidie >
qu'allumèrent les intérêts divisés , font sentir
Je déplorable état d'un Royaume dont le Mo
narque n'a point de Fils auquel il transmette
sa Couronne. La France n'a plus à redouter
de pareils malheurs. Le Dauphin , heureux
présage du calme . écarte en naisíant toutes les;
tempêtes que nous pouvions redotiter.
Les larmes que nous versâmes fur la perte
de "nos Princes, font taries dans un jour £
forrttné. L'Orateur exposa ici les justes dou
leurs qui saisirent tous les François à la mort
des Princes. Leurs caractères étoient maniés
4e plus délicatement. Celui du feu Roy plus
Çrand dans ses revers qu'au milieu de l'éclat
de ses prospérités , couronnoit ces magnifiques
-éloges.
Après tant d'alarmes , un Astre nouveau
s'élève, & nous fournit les plus heureux au
gures pour rendre la fortune tributaire à ses
armes , donner la loy aux Nations jalouses ,
faire trembler les Rois , affermir son Trône par
de nouvelles conquêtes . ce fera un "jour l'occupation
du Dauphin. Les Augustes , les Tites,
les Alexandres , les Henrys & les Louis , feront
ses modelés ; mais s'il se peut , il les surpas
sera.
- j>. L'autorité de la Reine s'accroît à la
• Náïflanc*
FEVRIER. 1730."
íîíaissance d'un Dauphin. II a été l'objet de ses
demandes & de ses soupirs. L'Orateur congra
tula la Bretagne, d'avoir trouvé dans sainte
Anne un de ses Anges turelaires , qui ait porté
au Trône de TEternel l'encens de ses prières »
pour obtenir un bien si précieux; quoiqu'ajottta
t il , il n'est aucun Temple dans la France
qui n'ait retenti des Voeux qu'on y a addressé,de
concert avec les désirs de la Reine. II prit à té
moin les aziles secrets où elle presentoit au
Tout- puissant ses prières les plus ferventes , '
les Vierges consacrées à Dieu , les pauvres qui
ont intcrrefle le Ciel à combler les Voeux de
leur Bienfaitrice. Il invita ses Auditeurs i
contempler cette Princesse aux pieds de sainte
iGenevieve > y répandant d'abord ses larmes
& ses désirs , Sc peu après > les tendres gages
de fa reconnoiffance.
Il fit voir par le détail de ses hautes qualitez,,
que la Reine leur doit Péclat du rang qu'elle
occupe. Aujourd'hui comme une autre Cor*
-nelie» elle montre dans son Dauphin le plus
précieux de ses Trésors. Ce fera aussi le Tré
sor de tous les malheureux. Le coeur de la
Reine compatira à toutes les misères , & le
Dauphin à qui elle ies postera , suffira pour les
bannir dans tous les Etats. C'est à cet usage,
que la Reine consacrera l'accroiilèment nou-
.Veau de son autorité.
De cette première Partie , l'Orateur conclut
que les François retrouvent à Ja 'Naissance du
Dauphin leur bonheur , uni à celui du Roy St
de la Reine.
L'Orateur commençoit la seconde Partie, en
disant que le Dauphin ne devoit •point enviée
aux anciens Héros la Noblesse de leur origine,
■wrexcellencc des Maîtres fous qui ils s'étoiene
F ij fuîmes.
■%*6 MERCURE DE FRANCE,
formez. Le Roy son Pere lui apprendra l'art de
régner . la Reine sa Mere sera son Modelé dans
ice qu'il doit à la Religion.
i°. C'est beaucoup de fournir le Sang des
Rois , c'est plus de former un Roy. C'est le
double bien que Louis XV. transporte à son
Dauphin. Autrefois il mit les délices à cultiver
des Fleurs ; il s'en présente une à ia culture
qui aura tous ses foins.
G'eít sous un tel Maître que le Dauphin ap
prendra à mériter l'amour des Peuples , à es
suyer leurs larmes , à procurer leur félicité >
à en devenir le Pere-
C'est fous un tel Maître qu'il apprendra à
donner des Batailles & à y vaincre. Les autres
n'apprennent à commander qu'à leurs dépens ,
pu par une longue expérience. Les Bourbons
naissent Héros & triomphateurs.
, C'est sous un tel Maîrre qu'il apprendra à
préférer les vertus pacifiques aux vertus GuerrieresL,
. . Déja la paix est née avec le Roy son
Pere, il s'emprefiera comme lui d'accroître
son Temple.
Ênfin , point de vertus héroïques dont le
Dauphin ne trouve en son Pere l'éclatant mo
delé ; Hector, Achille, César ou Alexandre
Îeuyent servir de Guides aux autres Princes ,
,oúis est le seul que le Dauphin doive consul
ter , puisqu'il a tout ce qui fait & les Grandi
Rois & les bons Rois.
i°. La tendre pieté de la Reine n'est pas une
leçon moins précieuse pour le Dauphin. Au
trefois Saùl demanda à David quelle étoit fa
Famille. A peine Peut- il fçu , qu'il connut que
le jeune David devoit être l'appui de la Reli
gion en Israël : II suffit de seavoir que le Dau
phin a pour Mere la plus religieuse Prineeiie,
FEVRIER. Ï730'. jl?
p«ur augurer quel sera son zele pour la Reli
gion de ies Pères.
L'Orateur exposa avec rout l'art possible les
exemples de pieté que la Reine fait briller aux
yeux de íës Sujets , & avec quelle ardeur elle
conservera pour le Ciel le Héros qu'elle en a
reçu.
Il marqua ensuite que les Nations Etrangères
préparent leurs Princes à l'exercice des vertus
par des Symboles qui leur en retracent la prati-
!^ue dès l'enfance j le Dauphin n'a besoin pour
è former à la prêté , que des foins d'une
Reine dont le coeur est l'Autel même de-la
Religion. II fit le parallèle d'Annibal présenté
aux Autels, & dont la consécration n'eut dèslors
rien que de funeste gux Romains , & ce
lui *du Dauphin offert au Seigneur , & en qui
la Religion dès ee moment a reconnu son ap
pui & son vengeur.
L'Orateur conclut cette seconde Partie, en
recueillant les avantages que l'éducatton pa
ternelle & maternelle vont Ini procurer. II la
termine par les Voeux les plus touchants pour
•la conservation d'un fi cher Dépôt. I! n'a rien
de plus grand à désirer à son Héros naiíìànt ,
que de ressembler à Louis & à Marie , vivat
dignus Pâtre , vivat digvus Matre , vivat
utrique fimilis.
L'accompagnement de la Harangue répon-.'
dok au sujet. La Salle étoit décorée de super*
bes Tapisseries , fur lesquelles éroient dans un
riche enfoncement les Portraits du Roy & de
la Reine , & l'Ecusson du Dauphin. Ils étoienc
couronnés d'un Dais , & éclairés par une in
finité de lumières. Plusieurs Lustres & Giran
doles éroient placés de distance en distance.
L' Assemblée étoit des plus choisies. M. de Bril-
F iij lac
fttt MERCURE'DE FRANCE.
lac, Premier Président , s'y trouva â la tête de?
plusieurs Presidens. à Mortier & Conseillers
du Parlement.
Le Discours fini , on donna à l'Orateur les
applaudillemens que déja plusieurs fois pen-' ^i
dant l'adtion , l'admiration unanime n'avoic
pû suspendre. On fut agréablement frappé en'
sortant-, de trouver toute la Cour du Collège'
illuminée } chaque Croisée étoic chargée de
Piramides de Lampions, ou chargée de Pots
à Feu , ou d'Ecuílons aux Armes du Roy , de'
là Reine & du Dauphin. Un grand Bûcher
étoit préparé au milieu de la Cour. Cent Ecoî
lîers richement habillés 7 & portant chacun un-
Drapeau j firent autour diverses évolutions ,
& deux des plus qualifiés y mirent le feu au
bruit des Tambours & dés Trompettes. Les<
Boëtes tirèrent avec un fracas qui n'avoit rien
que de superbe ; les Fusées se mêlèrent dans les
airs, 3i firent disparoître pendant quelques)
heures , les ténèbres de la nuit. Le Public pa*
nu charmés du Spectacle, & ranima à cette
nouvelle Fête les premiers sentimensde joye
tìjue la Naissance du Dauphin avoic causé 3 f
avoit quelques mois.
Fermer
Résumé : EXTRAIT d'un Discours prononcé à Rennes sur la Naissance du DAUPHIN.
Le texte relate un discours prononcé par le Père Coriou, professeur de rhétorique au Collège des Jésuites de Rennes, à l'occasion de la naissance du Dauphin. Le discours, intitulé 'Telfhinum Varentibus, Parentes Delphino gratulatur Orator', visait à célébrer cet événement joyeux pour la France. L'orateur commence par évoquer les grâces et les zéphyrs accompagnant le sommeil du Dauphin, contrastant avec les futurs défis de la valeur et de la gloire. Il adresse ensuite un compliment à l'Illustre Chef du Parlement de Bretagne présent. Dans la première partie, l'orateur souligne que les enfants des rois naissent dans les larmes mais sont rapidement entourés de grandeur et de majesté. Il félicite le roi et la reine pour la naissance du Dauphin, qui apaise les inquiétudes du roi et renforce l'autorité de la reine. Il rappelle les douleurs passées lors de la perte des princes et les dangers pour la France en l'absence d'héritier. La naissance du Dauphin est perçue comme un présage de calme et de prospérité. L'orateur exprime ensuite ses vœux pour que le Dauphin surpasse les grands souverains du passé et affermisse le trône par de nouvelles conquêtes. Il souligne l'augmentation de l'autorité de la reine et son rôle de protectrice des malheureux. Dans la seconde partie, l'orateur affirme que le Dauphin n'a pas besoin d'envier les héros anciens, car il sera formé par le roi son père et la reine sa mère. Il met en avant les vertus du roi et de la reine comme modèles pour le Dauphin, soulignant la piété et la religiosité de la reine. Il conclut en exprimant des vœux pour la conservation et l'éducation du Dauphin, afin qu'il ressemble à Louis XV et à Marie. Le discours est accompagné de décorations somptueuses et d'un spectacle pyrotechnique, illustrant la joie et l'enthousiasme suscités par la naissance du Dauphin.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
32
p. 2382-2398
LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
Début :
Lorsque vous m'avez fait l'honneur, Monsieur, de me proposer la question [...]
Mots clefs :
Poètes, Poésie, Orateur, Éloquence, Discours, Homère, Expression, Force, Vérité, Racine, Homme, Esprit, Âme, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
LETTRE fur la gloire des Orateurs
& des Poëtes.
Lorfque vous m'avez fait l'honneur
Monfieur , de me propofer la queftion
, fçavoir : Si la gloire des Orateurs eft
preferable à celle des Poëtes , je l'avois déja
lue dans le Mercure du mois du Juin
premier Volume. Il eft certain que ceux
qui excellent dans des fujets difficiles , &
en même-tems très utiles , & très agréa
bles , acquierent plus de gloire & d'honneur
que ceux qui excellent dans des fujets
qui le font beaucoup moins. Pour ju
ger plus fainement de la queſtion dont il
s'agit , il fuffit d'examiner deux chofes ;
la
NOVEMBRE . 1730. 2383
la premiere
quel eft celui de ces deux
genres du Difcours ou de la Poëfie qui
demande plus de talens
pour y exceller
& la feconde : quel eft le plus utile & le
plus agréable.
*
a Les Poëtes comme les Orateurs fe
propofent
d'inftruire
& de plaire , tous leurs efforts tendent à cette même fin
mais ils y arrivent les uns & les autres
par des voyes bien differentes . b L'inven
tion , la difpofition
, l'élocution
, la mémoire
& la prononciation
font tout le mérite des Orateurs. La Poëfie eft affujetie
à un bien plus grand nombre de regles.
Le Poëte Epique doit d'abord former
un plan ingénieux
de toute la fuite
de fon action , en tranfportant
dès l'entrée
fon Lecteur au milieu , ou prefque à la fin
du fujet , en lui laiffant croire qu'il n'a
plus qu'un pas à faire pour voir la conclufion
de l'action , en faifant naître enfuite
mille obftacles qui la reculent , &
qui irritent les defirs du Lecteur , en lui
rappellant
les évenemens
qui ont précedé
,
, par des récits placés avec bienfeance,
en les amenant enfin avec des liaiſons &
à Cic. de Oratore.
b Quintil.
* Arift. Poët.
Horat. Art. Poët.
-
Defpr. Art. Poës.
Cüiti des
2384 MERCURE DE FRANCE
des préparations qui reveillent fa curiofité
, qui l'intereffent de plus en plus ,
qui l'entretiennent dans une douce inquiétude
, & le menent de ſurpriſe en
furprife jufqu'au dénouement ; récits cu
rieux , expreffions vives & furprenantes ,
defcriptions riches & agréables , compa
raifons nobles , difcours touchans , incidens
nouveaux , rencontres inopinées ,
paffions bien peintes ; joignez à cela une
ingénieufe diftribution de toutes ces parties
, avec une verfification harmonieuſe ,
pure & variée ; voilà des beautés prefque
toutes inconnuës à l'Orateur . * Ciceron
lui - même , d'ailleurs fi rempli d'eſtime
pour l'Eloquence , ne peut pas s'empêcher
de mettre la Poëfie beaucoup au- deffus
de la Profe : elle eft , dit- il , un enthoufiafme
un tranfport divin qui éleve
P'homme au- deffus de lui-même ; les vers
que nous avons de lui , quoique mauvais
, nous font bien voir le cas qu'il
faifoit de la Poëfie , il fit auffi tout ce qu'il
pût pour y réuffir ; mais tout grand Órateur
qu'il étoit, il n'avoit pas affez d'imagination
, & il manquoit des autres talens
neceffaires pour devenir un bon
Poëte.
,
Il faut affurément de grands talens
* De Orati
pour
NOVEMBRE . 1730. •
238 5
pour faire un bon Orateur , de la fécondité
dans l'invention , de la nobleffe dans
les idées & dans les fentimens , de l'ima
gination , de la magnificence & de la hardieffe
dans les expreffions . Les mêmes talens
font neceffaires à la Poëfie ; mais il
faut les poffeder dans un degré bien plus.
parfait pour y réuffir ; elle cherche les
penfées & les expreffions les plus nobles,
elle accumule les figures les plus hardies,
elle multiplie les comparaifons & les
images les plus vives , elle parcourt la
nature , & en épuife les richeffes pour
peindre ce qu'elle fent , elle ſe plaît à im→
primer à fes paroles le nombre , la mefu
re & la cadence ; la Poëfie doit être élevée
& foutenue par tout ce qu'on peut imaginer
de plus vif & de plus ingenieux ; en
un mot , elle change tout , mais elle le
change en beau:
* Là pour nous enchanter tout eft mis en
usage ;
Tout prend un corps , une ame , un eſprit , un
viſage ;
·Chaque vertu devient une Divinité ;
Minerve eft la prudence , & Venus la beauté,
Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerres
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre .
Un orage terrible aux yeux des Matelois
* Defer. Art. Poët. Chant 111.
(
C v C'efe
2386 MERCURE DE FRANCE
Ceft Neptune en couroux qui gourmande les
flots.
Echo n'eft plus un fon qui dans l'air retentiffe,
C'est une Nymphe en pleurs qui fe plaint de
Narciffe.
'Ainfi dans cet amas de nobles fictions
Le Poëte s'égaye en mille inventions ,
Orne , éleve , embellit , agrandit toutes chofes,
Et trouve fous fa main des fleurs toujours éclo
Jes
La Profe n'oblige pas à tant de frais ,
& ne prépare pas à tant de chofes ; au
contraire il faut que l'imagination regne
dans les Vers , & s'ils ne font rehauffés
par quelque penfées fublimes , ou fines &
délicates , ils font froids & languiffans ; la
Poëfie ne fouffre rien de médiocre : ainfi
ce n'eſt pas fans raison que l'on a comparé
les Poëtes aux Cavaliers à caufe du feu &
de la rapidité qui animent la Poëſie , &
les Orateurs aux Fantaffins qui marchent
plus tranquilement & avec moins de bruit.
D'ailleurs la Poëfie s'exerce fur toutes
fortes de genres , le badin , le férieux , le
comique le tragique , l'héroïque. Le
foin des troupeaux , les beautés de la nature
& les plaifirs ruftiques en font fouvent
les plus nobles fujets. Enfin Moïſe
Ifaïe , David ne trouverent que la Poëfie
digne de chanter les louanges du Créa-
,
teur
NOVEMBRE . 1730. 2387
teur , de relever fes divins attributs & de
celebrer fes bienfaits ; les Dieux de la Fa
ble , les Héros , les fondateurs des Villes
& les liberateurs de la Patrie auroient
dédaigné tout autre langage ; la Poëfic
feule étoit capable de celebrer leur gloire
& leurs exploits. * Auffi ne fe fervoit- on
anciennement que de la Poëfie : tout jufqu'à
l'hipire même étoit écrit en Vers ,
& l'on ne commença que fort tard à employer
la Profe . La Nature comme épuifée
ne pouvant plus foutenir le langage
fublime de la Poëfie , fut obligée d'avoir
recours à un Difcours moins cadencé &
moins difficile.
Tous les bons connoiffeurs , entr'autres
le P. Bouhours , le P. Rapin , le P. Le
Boffu & M. Daubignac conviennent que
le Poëme Epique eft le chef- d'oeuvre de
l'efprit humain. Avons - nous quelque
harrangue où il y ait tant de fublime ,
d'élevation & de jugement que dans
P'Iliade ou l'Eneide. L'Eloquence ellemême
n'est jamais employée avec plus
d'éclat & plus de fuccès que lors qu'elle
eft foutenue par la Poëffe. Y a - t'il en
effet quelque genre d'Eloquence dont les
Poëmes d'Homere ne fourniffent des mo
deles parfaits ? c'eft chez lui que les Ora-
* Plutarq
C vj teurs
2388 MERCURE DE FRANCE
teurs ont puifé les regles & les beautés
de leur art , ce n'eft qu'en l'imitant qu'ils
ont acquis de la gloire . Pour fe convaincre
de cette verité il fuffit de jetter les
yeux fur quelques unes de fes Harangues
, & l'on conviendra fans peine qu'elles
font au- deffus des plus belles de Ciceron
& de Demofthenes auffi bien que des Modernes.
Les Harangues d'Uliffe de Phenix
& d'Ajax qui furent députés par
l'Armée des Grecs vers Achile pour l'engager
à reprendre les armes , font de ce
genre. Il faut voir a l'art admirable avec
lequel Homere fait parler le Prince d'Ithaque
: il paroît d'abord embaraffé & timide
, les yeux fixes & baiffés , fans geſte
& fans mouvement , ayant affaire à un
homme difficile & intraitable , il employe
des manieres infinuantes , douces & touchantes
; mais quand il s'eft animé ce n'eſt
plus le même homme , & femblable à un
torrent qui tombe avec impétuofité du
haut d'un rocher , il entraîne tous les efprits
par la force de fon éloquence. Les
deux autres ne parlent pas avec moins
d'art moins de force & d'adreffe , & il
eft remarquable que chaque perfonage
parle toujours felon fon caractere , ce qui¹
fait une des principales beautés du Poëa
Il. III. 2. 16. 224
me
NOVEMBRE . 1730 : 238 g*
me Epique. Rien n'eft plus éloquent que
le petit Difcours d'Antiloque à Achile ,
par lequel il lui apprend la mort de Pa
trocle . L'endroit a où Hector prêt d'aller
au combat, fait ſes adieux à Andromaque
& embraffe Aftianax , eft un des plus
beaux & des plus touchans. M. Racine
en a imité une partie dans l'endroit où
Andromaque parle ainfi à ſa confidente :
bab ! de quel fouvenir viens- tu frapper mon
ame !
Quoi ! Cephife , j'irai voir expirer encor
Ce fils , ma feule joye , & l'image d'Hector ?
Ce fils que de fa flamme il me laiſſa pourgage?
Helas je m'en fonviens , le jour que son courage
Lui fit chercher Achille , ou plutôt le trépas ,
Il demanda fon fils , & le prit dans fes bras :
Chere Epouse ( dit- il , en effuyant mes larmes )
J'ignore quelfuccès lè fort garde à mes armes ,
Je te laiffe mon fils , pour gage de ma fòi ;
S'il me perdje prétends qu'il me retrouve en
toi;
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eſt chere
Montre au fils à quel point tu chériffois le
pere.
Le Difcours de Priam à Achille
a Il VI. 390. 494 •
b Androm . Act. 117. Scen. VIII.
, par
lequel
2390 MERCURE DE FRANCE
lequel il lui demande le corps de fon fils
Hector , renferme encore des beautés admirables.
Pour les bien fentir il faut fe
rappeller le caractere d'Achille , brufque,
violent & intraitable ; mais il étoit fils
& avoit un pere , & c'eft par où Priam
commence & finit fon difcours . Etant entré
dans la tente d'Achille , il ſe jette à
fes genoux , lui baife la main ; Achille
eft fort furpris d'un fpectacle fi imprévu ,
tous ceux qui l'environnent font dans le
même étonnement & gardent un profond
filence . Alors Priam prenant la parole :
Divin Achille , dit-il , fouvenez - vous
que vous avez un pere avancé en âge comme
moi , & peut- être de même accablé de
maux , fans fecours & fans appui ; mais il
fait que vous vivez , & la douce efperance
de revoir bientôt un fils tendrement aimé le
foutient & le confole : & moi le plus infortuné
des peres de cette troupe nombreufe d'enfans
dont j'étois environné , je n'en ai confervé
aucun : j'en avois cinquante quand les
Grecs aborderent fur ce rivage , le cruel Mars
me les aprefque tous ravis : l'unique qui me
reftoit , feule reffource de ma famille & de
Troye , mon cher Hector , vient d'expirer
fous votre bras vainqueur en deffendant genereuſementfa
Patrie. Je viens ici chargé de
* II. XXIV. 48ĥ
préfens
4
NOVEMBRE. 1730. 239T
prefens pour racheter fon corps : Achille
Taiffez- vous fléchir par le fouvenir de votre
pere , par le refpect que vous devez aux
Dieux , par la vie de mes cruels malheurs
Fut-il jamais un pere plus à plaindre que
moi qui fuis obligé de baifer une main bomicide
, encore fumante du fang de mes enfans.
par
C'eſt la nature même qui s'exprime
la bouche de ce venerable Vieillard
& quelque impitoyable que fut Achille ,
Il ne pût refifter à un Difcours fi touchant,
le doux nom de pere lui arracha des lar
mes. Il eft aifé de comprendre que la Profe
fait perdre à ce Difcours une partie de fa
beauté , il a bien plus de grace & de force
revêtu de tout l'éclat des expreffions
Poëtiques. Il y a dans Homere une infinité
d'autres endroits , peut- être encore
plus beaux ; mais il faut fe borner.
L'éloquence de la Chaire & du Barreau
font affurément d'une grande utilité,
& il faut convenir qu'on a bien de l'obligation
à ceux qui veulent bien y em-
.ployer leurs talens. Mais après tout tous
nos Orateurs enfemble ne fourniroient
pas un endroit qui exprimât avec tant,
d'éclat , de nobleffe & d'élevation la gran
deur & la puiffance du fouverain Maître
de l'Univers que ces Vers de Racine.
Que
2392 MERCURE DE FRANCE
a Que peuvent contre lui tous les Rois de la
terre i
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre,
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à ſe montrer ;
Il parle , dans la poudre il les fait tous renfrer.
Au feul fon de fa voix la mer fuit , le Ciel
tremble ;
Il voit comme un néant tout l'Univers enfemble
,
Et les foibles Mortels , vains jouets du trépas ,
Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoienz
pas.
Que de grandeur ! que de nobleffe !
qui ne fent que les mêmes penfées tournées
en Profe par une habile main perdroient
toute leur grace & toute leur force.
Voici un endroit dans le même goût,
tiré d'un de nos plus celebres Orateurs.
O Dieu terrible , mais jufte dans vos confeils
fur les enfans des hommes , vous difpofez
& des Vainqueurs & des Victoires pour
accomplir vos volontés & faire craindre vos
jugemens votre puiſſance renverse ceux que
votre puissance avoit élevés : vous immolez
à votre fouveraine grandeur de grandes victimes
, & vous frappez quand il vous plaît
ces têtes illuftres que vous avez tant de fois
couronnées..
a Efther Att. II. Scen. K
Cee
NOVEMBRE. 1730. 2393
Cet endroit , quoique grand , eft bien
au-deffous des Vers de Racine , c'eſt cependant
un des plus grands efforts de
l'éloquence de M. Flechier, a Cet autre
trait du même Poëte , quoiqu'en un feul
Vers , n'eſt pas moins inimitable à l'Orateur.
b Je crains Dieu , cher Abner , & n'ai point
d'autre crainte.
Pour prouver fans réplique combien
la Poëfie prête à PEloquence , que l'on
mette en Profe les morceaux les plus éloquens
des Poëtes , qu'on les revête de
toutes les expreffions les plus brillantes ;
& l'on jugera aifément combien ils per
dent dans ce changement. Je pourrois
en donner des exemples d'Homere , de
Sophocle & des autres Poëtes , & citer
tous nos Traducteurs ; mais je renvoye
au feul récit de Theramene dans la Tragédie
de Phedre de Racine , & je prie les
partifans de l'éloquence de la Profe de le
rendre fans l'harmonie des Vers auffi touchant
, auffi vif , j'ajoûte même auffi effrayant
qu'il l'eft dans ce Poëte. Qu'un
habile Poëte, au contraire , prenne les endroits
les plus éloquens & les plus pathe
a Oraif. Funebre de M. de Turr.
b Athalie , A &t . 1. Scen. X.
tiques
2394 MERCURE DE FRANCE
tiques de Demofthenes & de Ciceron
qu'il les pare de tous les ornemens de ce
même recit de Theramene , & l'on juge
ra alors combien ils y auront gagné.
Y a t'il quelque chofe qui foit fi propre
à infpirer des fentimens nobles & genereux
fur la Religion que ce que Cor
neille fait dire à Polieucte ; les mêmes Y
chofes en Profe feroient belles, fans doute,
mais bien plus froides & plus languiffantes.
Quelle eft la Harangue qui renferme
une plus belle morale que celle que
Rouffeau a inferée dans fon Ode fur la
Fortune ? trouve- t'on quelque part la ve
tité accompagnée de tant d'agrémens &
de tant de force.
Fortune dont la main couronné
Les forfaits les plus inoùis ,
Du faux éclat qui t'environne
Serons-nous toujours éblouis ;
Jufques à quand , trompeuſe Idole
D'un culte honteux & frivole
Honorerons- nous tes Autels ?
Verra t'on toujours tes caprices
Confacrés par les facrifices ,
Et par l'hommage des mortels . &c.
Toute la fuite de cette Ode renfermé
une infinité de traits admirables ; je pourois
NOVEMBRE. 1730. 2395
rois ajoûter encore les Odes facrées du
même Auteur qui font bien au - deffus de
celle ci , les Pleaumes de Madame Des
Houllieres , ceux de Malherbe &c . où l'on
trouve des traits que l'éloquence la plus
vive ne sçauroit imiter. Mais fi on vouloit
rapporter tout ce qu'il y a de plus
beau tant en Vers qu'en Proſe , on ne finiroit
point.
On s'ennuye du moins en beaucoup
d'endroits d'un beau Sermon qui contient
les mêmes penſées fur les mêmes fujets
, qui annonce les mêmes verités
qu'une Piece de Poëfie , les vers nous y
rendent beaucoup plus fenfibles , on eſt
plus
plus touché , on entre plus dans toutes
les paffions du Poëte , on s'efforce de la
fuivre , on ſe plaît à fes expreffions , on
aime fes penfées qu'on tâche de retenir ,
on fe fait même un plaifir & un honneur
de les reciter. L'éloquence férieuſe de
F'Orateur fait bien moins d'impreffion
que ces peintures vives & naturelles
du vice que
le Poëte fçait rendre fi méprifable
, & ce n'eft
fans raifon que
Rouffeau a dit que
pas
Des fictions la vive liberté
Peint fouvent mieux l'austere verité
Que neferoit la froideur Monacale
D'une lugubre & pefante morale.
En
2396 MERCURE DE FRANCË
cette
En effet , rien ne touche le coeur de
l'homme , rien n'eft capable de lui faire
impreffion que ce qui lui plaît ; la Poëfie
nous montre la verité avec un viſage
doux & riant , par là elle l'infinue adroitement
entraînés par le plaifir , nous
entrons infenfiblement dans les fentimens
du Poëte , dans fes maximes ; nous prenons
de lui cette nobleffe , cette grandeur
d'ame , ce défintereffement
haine de l'injuftice & cet amour de la
vertu qui éclatent de toutes parts dans
fes Vers. La verité , au contraire , dite
par un Orateur , nous paroît bien plus
fevere , elle n'eft pas accompagnée de ces
graces , de ces ornemens , enfin de toutes
čes beautés qui la rendent aimable , l'efprit
fe ferme à fa voix , & fi quelquefois
on l'écoute , ce n'eft que par un grand
effort de la raifon. Quelqu'un dira peutêtre
que l'éloquence oratoire eft plus utile
à l'Orateur pour fa fortune , & on aura
raifon de dire comme Bachaumont :
a Non non , les doctes damoiselles
N'eurent jamais un bon morceau
Et ces vieilles fempiternelles
Ne burent jamais que de l'eau.
Les Poëtes ont toujours été bien éloia
Voyage de Bach. & de la Chapelle.
gnés
NOVEMBRE. 1730. 2397
grés de cette avidité qui fait dire à tant
de
gens
•
Quærenda pecunia primùm eft
Virtus poft nummos.
Je ne doute point que les gens d'efprit
& de bon goût , les Heros & fur tout le
beau fexe, à qui la Poëfie a fait tant d'honneur
, & dont elle a fi fouvent relevé la
beauté & le mérite , ne préferent la gloire
des Poëtes à celle des Orateurs , &
quand je n'aurois que leur fuffrage j'aurois
toujours celui de la plus brillante
partie du monde . Au refte , on peut encore
juger de la gloire des Poëtes par l'eftime
& la veneration qu'ont eûs pour eux
de tout tems les hommes les plus illuftres
& les plus grands Princes. b Ptolomée
Philopator fit élever un Temple à Homere
; il l'y plaça fur un Trône , & fit repréfenter
autour de lui les fept Villes qui
Te difputoient l'honneur de fa naiffance.
c. Alexandre avoit toujours l'Iliade fous
le chevet de fon lit , enfermé dans la caffete
de Cyrus. d Hyparque , Prince des
Athéniens , envoya une Galere exprès
chercher Anacréon pour faire honneur à
b Elien.
Plutarq. in Vita Alexand.
Elien,
yous
2398 MERCURE DE FRANCE
fa Patrie. Hyeron de Syracufe voulut
avoir Pindare & Simonide à fa Cour .
& perfonne n'ignore que dans le fac
de Thebes Alexandre ordonna qu'on
épargnat la maiſon & la famille du pre
mier des deux Poëtes que je viens de nommer.
On fçait le crédit qu'eurent Virgile
& Horace à la Cour d'Augufte , & enfin
l'eftime particuliere dont Louis XIV. a
toujours honoré nos Poëtes François , Mais
pourquoi chercher de nouvelles preuves?
Le langage des hommes égalera- t'il jamais
le langage des Dieux ? Je fens bien
que je dois me borner à ce petit nombre
de réfléxions , quoiqu'il foit difficile d'être
court en parlant des beautés de la
Poëfie , où l'on trouve tant de choſes qui
enchantent que l'on en pourroit dire ce
que difoit Tibulle de toutes les actions
de fa Maîtreffe
Componit furtim , fubfequiturque decor.
J'ai l'honneur d'être & c .
& des Poëtes.
Lorfque vous m'avez fait l'honneur
Monfieur , de me propofer la queftion
, fçavoir : Si la gloire des Orateurs eft
preferable à celle des Poëtes , je l'avois déja
lue dans le Mercure du mois du Juin
premier Volume. Il eft certain que ceux
qui excellent dans des fujets difficiles , &
en même-tems très utiles , & très agréa
bles , acquierent plus de gloire & d'honneur
que ceux qui excellent dans des fujets
qui le font beaucoup moins. Pour ju
ger plus fainement de la queſtion dont il
s'agit , il fuffit d'examiner deux chofes ;
la
NOVEMBRE . 1730. 2383
la premiere
quel eft celui de ces deux
genres du Difcours ou de la Poëfie qui
demande plus de talens
pour y exceller
& la feconde : quel eft le plus utile & le
plus agréable.
*
a Les Poëtes comme les Orateurs fe
propofent
d'inftruire
& de plaire , tous leurs efforts tendent à cette même fin
mais ils y arrivent les uns & les autres
par des voyes bien differentes . b L'inven
tion , la difpofition
, l'élocution
, la mémoire
& la prononciation
font tout le mérite des Orateurs. La Poëfie eft affujetie
à un bien plus grand nombre de regles.
Le Poëte Epique doit d'abord former
un plan ingénieux
de toute la fuite
de fon action , en tranfportant
dès l'entrée
fon Lecteur au milieu , ou prefque à la fin
du fujet , en lui laiffant croire qu'il n'a
plus qu'un pas à faire pour voir la conclufion
de l'action , en faifant naître enfuite
mille obftacles qui la reculent , &
qui irritent les defirs du Lecteur , en lui
rappellant
les évenemens
qui ont précedé
,
, par des récits placés avec bienfeance,
en les amenant enfin avec des liaiſons &
à Cic. de Oratore.
b Quintil.
* Arift. Poët.
Horat. Art. Poët.
-
Defpr. Art. Poës.
Cüiti des
2384 MERCURE DE FRANCE
des préparations qui reveillent fa curiofité
, qui l'intereffent de plus en plus ,
qui l'entretiennent dans une douce inquiétude
, & le menent de ſurpriſe en
furprife jufqu'au dénouement ; récits cu
rieux , expreffions vives & furprenantes ,
defcriptions riches & agréables , compa
raifons nobles , difcours touchans , incidens
nouveaux , rencontres inopinées ,
paffions bien peintes ; joignez à cela une
ingénieufe diftribution de toutes ces parties
, avec une verfification harmonieuſe ,
pure & variée ; voilà des beautés prefque
toutes inconnuës à l'Orateur . * Ciceron
lui - même , d'ailleurs fi rempli d'eſtime
pour l'Eloquence , ne peut pas s'empêcher
de mettre la Poëfie beaucoup au- deffus
de la Profe : elle eft , dit- il , un enthoufiafme
un tranfport divin qui éleve
P'homme au- deffus de lui-même ; les vers
que nous avons de lui , quoique mauvais
, nous font bien voir le cas qu'il
faifoit de la Poëfie , il fit auffi tout ce qu'il
pût pour y réuffir ; mais tout grand Órateur
qu'il étoit, il n'avoit pas affez d'imagination
, & il manquoit des autres talens
neceffaires pour devenir un bon
Poëte.
,
Il faut affurément de grands talens
* De Orati
pour
NOVEMBRE . 1730. •
238 5
pour faire un bon Orateur , de la fécondité
dans l'invention , de la nobleffe dans
les idées & dans les fentimens , de l'ima
gination , de la magnificence & de la hardieffe
dans les expreffions . Les mêmes talens
font neceffaires à la Poëfie ; mais il
faut les poffeder dans un degré bien plus.
parfait pour y réuffir ; elle cherche les
penfées & les expreffions les plus nobles,
elle accumule les figures les plus hardies,
elle multiplie les comparaifons & les
images les plus vives , elle parcourt la
nature , & en épuife les richeffes pour
peindre ce qu'elle fent , elle ſe plaît à im→
primer à fes paroles le nombre , la mefu
re & la cadence ; la Poëfie doit être élevée
& foutenue par tout ce qu'on peut imaginer
de plus vif & de plus ingenieux ; en
un mot , elle change tout , mais elle le
change en beau:
* Là pour nous enchanter tout eft mis en
usage ;
Tout prend un corps , une ame , un eſprit , un
viſage ;
·Chaque vertu devient une Divinité ;
Minerve eft la prudence , & Venus la beauté,
Ce n'est plus la vapeur qui produit le tonnerres
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre .
Un orage terrible aux yeux des Matelois
* Defer. Art. Poët. Chant 111.
(
C v C'efe
2386 MERCURE DE FRANCE
Ceft Neptune en couroux qui gourmande les
flots.
Echo n'eft plus un fon qui dans l'air retentiffe,
C'est une Nymphe en pleurs qui fe plaint de
Narciffe.
'Ainfi dans cet amas de nobles fictions
Le Poëte s'égaye en mille inventions ,
Orne , éleve , embellit , agrandit toutes chofes,
Et trouve fous fa main des fleurs toujours éclo
Jes
La Profe n'oblige pas à tant de frais ,
& ne prépare pas à tant de chofes ; au
contraire il faut que l'imagination regne
dans les Vers , & s'ils ne font rehauffés
par quelque penfées fublimes , ou fines &
délicates , ils font froids & languiffans ; la
Poëfie ne fouffre rien de médiocre : ainfi
ce n'eſt pas fans raison que l'on a comparé
les Poëtes aux Cavaliers à caufe du feu &
de la rapidité qui animent la Poëſie , &
les Orateurs aux Fantaffins qui marchent
plus tranquilement & avec moins de bruit.
D'ailleurs la Poëfie s'exerce fur toutes
fortes de genres , le badin , le férieux , le
comique le tragique , l'héroïque. Le
foin des troupeaux , les beautés de la nature
& les plaifirs ruftiques en font fouvent
les plus nobles fujets. Enfin Moïſe
Ifaïe , David ne trouverent que la Poëfie
digne de chanter les louanges du Créa-
,
teur
NOVEMBRE . 1730. 2387
teur , de relever fes divins attributs & de
celebrer fes bienfaits ; les Dieux de la Fa
ble , les Héros , les fondateurs des Villes
& les liberateurs de la Patrie auroient
dédaigné tout autre langage ; la Poëfic
feule étoit capable de celebrer leur gloire
& leurs exploits. * Auffi ne fe fervoit- on
anciennement que de la Poëfie : tout jufqu'à
l'hipire même étoit écrit en Vers ,
& l'on ne commença que fort tard à employer
la Profe . La Nature comme épuifée
ne pouvant plus foutenir le langage
fublime de la Poëfie , fut obligée d'avoir
recours à un Difcours moins cadencé &
moins difficile.
Tous les bons connoiffeurs , entr'autres
le P. Bouhours , le P. Rapin , le P. Le
Boffu & M. Daubignac conviennent que
le Poëme Epique eft le chef- d'oeuvre de
l'efprit humain. Avons - nous quelque
harrangue où il y ait tant de fublime ,
d'élevation & de jugement que dans
P'Iliade ou l'Eneide. L'Eloquence ellemême
n'est jamais employée avec plus
d'éclat & plus de fuccès que lors qu'elle
eft foutenue par la Poëffe. Y a - t'il en
effet quelque genre d'Eloquence dont les
Poëmes d'Homere ne fourniffent des mo
deles parfaits ? c'eft chez lui que les Ora-
* Plutarq
C vj teurs
2388 MERCURE DE FRANCE
teurs ont puifé les regles & les beautés
de leur art , ce n'eft qu'en l'imitant qu'ils
ont acquis de la gloire . Pour fe convaincre
de cette verité il fuffit de jetter les
yeux fur quelques unes de fes Harangues
, & l'on conviendra fans peine qu'elles
font au- deffus des plus belles de Ciceron
& de Demofthenes auffi bien que des Modernes.
Les Harangues d'Uliffe de Phenix
& d'Ajax qui furent députés par
l'Armée des Grecs vers Achile pour l'engager
à reprendre les armes , font de ce
genre. Il faut voir a l'art admirable avec
lequel Homere fait parler le Prince d'Ithaque
: il paroît d'abord embaraffé & timide
, les yeux fixes & baiffés , fans geſte
& fans mouvement , ayant affaire à un
homme difficile & intraitable , il employe
des manieres infinuantes , douces & touchantes
; mais quand il s'eft animé ce n'eſt
plus le même homme , & femblable à un
torrent qui tombe avec impétuofité du
haut d'un rocher , il entraîne tous les efprits
par la force de fon éloquence. Les
deux autres ne parlent pas avec moins
d'art moins de force & d'adreffe , & il
eft remarquable que chaque perfonage
parle toujours felon fon caractere , ce qui¹
fait une des principales beautés du Poëa
Il. III. 2. 16. 224
me
NOVEMBRE . 1730 : 238 g*
me Epique. Rien n'eft plus éloquent que
le petit Difcours d'Antiloque à Achile ,
par lequel il lui apprend la mort de Pa
trocle . L'endroit a où Hector prêt d'aller
au combat, fait ſes adieux à Andromaque
& embraffe Aftianax , eft un des plus
beaux & des plus touchans. M. Racine
en a imité une partie dans l'endroit où
Andromaque parle ainfi à ſa confidente :
bab ! de quel fouvenir viens- tu frapper mon
ame !
Quoi ! Cephife , j'irai voir expirer encor
Ce fils , ma feule joye , & l'image d'Hector ?
Ce fils que de fa flamme il me laiſſa pourgage?
Helas je m'en fonviens , le jour que son courage
Lui fit chercher Achille , ou plutôt le trépas ,
Il demanda fon fils , & le prit dans fes bras :
Chere Epouse ( dit- il , en effuyant mes larmes )
J'ignore quelfuccès lè fort garde à mes armes ,
Je te laiffe mon fils , pour gage de ma fòi ;
S'il me perdje prétends qu'il me retrouve en
toi;
Si d'un heureux hymen la mémoire t'eſt chere
Montre au fils à quel point tu chériffois le
pere.
Le Difcours de Priam à Achille
a Il VI. 390. 494 •
b Androm . Act. 117. Scen. VIII.
, par
lequel
2390 MERCURE DE FRANCE
lequel il lui demande le corps de fon fils
Hector , renferme encore des beautés admirables.
Pour les bien fentir il faut fe
rappeller le caractere d'Achille , brufque,
violent & intraitable ; mais il étoit fils
& avoit un pere , & c'eft par où Priam
commence & finit fon difcours . Etant entré
dans la tente d'Achille , il ſe jette à
fes genoux , lui baife la main ; Achille
eft fort furpris d'un fpectacle fi imprévu ,
tous ceux qui l'environnent font dans le
même étonnement & gardent un profond
filence . Alors Priam prenant la parole :
Divin Achille , dit-il , fouvenez - vous
que vous avez un pere avancé en âge comme
moi , & peut- être de même accablé de
maux , fans fecours & fans appui ; mais il
fait que vous vivez , & la douce efperance
de revoir bientôt un fils tendrement aimé le
foutient & le confole : & moi le plus infortuné
des peres de cette troupe nombreufe d'enfans
dont j'étois environné , je n'en ai confervé
aucun : j'en avois cinquante quand les
Grecs aborderent fur ce rivage , le cruel Mars
me les aprefque tous ravis : l'unique qui me
reftoit , feule reffource de ma famille & de
Troye , mon cher Hector , vient d'expirer
fous votre bras vainqueur en deffendant genereuſementfa
Patrie. Je viens ici chargé de
* II. XXIV. 48ĥ
préfens
4
NOVEMBRE. 1730. 239T
prefens pour racheter fon corps : Achille
Taiffez- vous fléchir par le fouvenir de votre
pere , par le refpect que vous devez aux
Dieux , par la vie de mes cruels malheurs
Fut-il jamais un pere plus à plaindre que
moi qui fuis obligé de baifer une main bomicide
, encore fumante du fang de mes enfans.
par
C'eſt la nature même qui s'exprime
la bouche de ce venerable Vieillard
& quelque impitoyable que fut Achille ,
Il ne pût refifter à un Difcours fi touchant,
le doux nom de pere lui arracha des lar
mes. Il eft aifé de comprendre que la Profe
fait perdre à ce Difcours une partie de fa
beauté , il a bien plus de grace & de force
revêtu de tout l'éclat des expreffions
Poëtiques. Il y a dans Homere une infinité
d'autres endroits , peut- être encore
plus beaux ; mais il faut fe borner.
L'éloquence de la Chaire & du Barreau
font affurément d'une grande utilité,
& il faut convenir qu'on a bien de l'obligation
à ceux qui veulent bien y em-
.ployer leurs talens. Mais après tout tous
nos Orateurs enfemble ne fourniroient
pas un endroit qui exprimât avec tant,
d'éclat , de nobleffe & d'élevation la gran
deur & la puiffance du fouverain Maître
de l'Univers que ces Vers de Racine.
Que
2392 MERCURE DE FRANCE
a Que peuvent contre lui tous les Rois de la
terre i
En vain ils s'uniroient pour lui faire la guerre,
Pour diffiper leur ligue il n'a qu'à ſe montrer ;
Il parle , dans la poudre il les fait tous renfrer.
Au feul fon de fa voix la mer fuit , le Ciel
tremble ;
Il voit comme un néant tout l'Univers enfemble
,
Et les foibles Mortels , vains jouets du trépas ,
Sont tous devant fes yeux comme s'ils n'étoienz
pas.
Que de grandeur ! que de nobleffe !
qui ne fent que les mêmes penfées tournées
en Profe par une habile main perdroient
toute leur grace & toute leur force.
Voici un endroit dans le même goût,
tiré d'un de nos plus celebres Orateurs.
O Dieu terrible , mais jufte dans vos confeils
fur les enfans des hommes , vous difpofez
& des Vainqueurs & des Victoires pour
accomplir vos volontés & faire craindre vos
jugemens votre puiſſance renverse ceux que
votre puissance avoit élevés : vous immolez
à votre fouveraine grandeur de grandes victimes
, & vous frappez quand il vous plaît
ces têtes illuftres que vous avez tant de fois
couronnées..
a Efther Att. II. Scen. K
Cee
NOVEMBRE. 1730. 2393
Cet endroit , quoique grand , eft bien
au-deffous des Vers de Racine , c'eſt cependant
un des plus grands efforts de
l'éloquence de M. Flechier, a Cet autre
trait du même Poëte , quoiqu'en un feul
Vers , n'eſt pas moins inimitable à l'Orateur.
b Je crains Dieu , cher Abner , & n'ai point
d'autre crainte.
Pour prouver fans réplique combien
la Poëfie prête à PEloquence , que l'on
mette en Profe les morceaux les plus éloquens
des Poëtes , qu'on les revête de
toutes les expreffions les plus brillantes ;
& l'on jugera aifément combien ils per
dent dans ce changement. Je pourrois
en donner des exemples d'Homere , de
Sophocle & des autres Poëtes , & citer
tous nos Traducteurs ; mais je renvoye
au feul récit de Theramene dans la Tragédie
de Phedre de Racine , & je prie les
partifans de l'éloquence de la Profe de le
rendre fans l'harmonie des Vers auffi touchant
, auffi vif , j'ajoûte même auffi effrayant
qu'il l'eft dans ce Poëte. Qu'un
habile Poëte, au contraire , prenne les endroits
les plus éloquens & les plus pathe
a Oraif. Funebre de M. de Turr.
b Athalie , A &t . 1. Scen. X.
tiques
2394 MERCURE DE FRANCE
tiques de Demofthenes & de Ciceron
qu'il les pare de tous les ornemens de ce
même recit de Theramene , & l'on juge
ra alors combien ils y auront gagné.
Y a t'il quelque chofe qui foit fi propre
à infpirer des fentimens nobles & genereux
fur la Religion que ce que Cor
neille fait dire à Polieucte ; les mêmes Y
chofes en Profe feroient belles, fans doute,
mais bien plus froides & plus languiffantes.
Quelle eft la Harangue qui renferme
une plus belle morale que celle que
Rouffeau a inferée dans fon Ode fur la
Fortune ? trouve- t'on quelque part la ve
tité accompagnée de tant d'agrémens &
de tant de force.
Fortune dont la main couronné
Les forfaits les plus inoùis ,
Du faux éclat qui t'environne
Serons-nous toujours éblouis ;
Jufques à quand , trompeuſe Idole
D'un culte honteux & frivole
Honorerons- nous tes Autels ?
Verra t'on toujours tes caprices
Confacrés par les facrifices ,
Et par l'hommage des mortels . &c.
Toute la fuite de cette Ode renfermé
une infinité de traits admirables ; je pourois
NOVEMBRE. 1730. 2395
rois ajoûter encore les Odes facrées du
même Auteur qui font bien au - deffus de
celle ci , les Pleaumes de Madame Des
Houllieres , ceux de Malherbe &c . où l'on
trouve des traits que l'éloquence la plus
vive ne sçauroit imiter. Mais fi on vouloit
rapporter tout ce qu'il y a de plus
beau tant en Vers qu'en Proſe , on ne finiroit
point.
On s'ennuye du moins en beaucoup
d'endroits d'un beau Sermon qui contient
les mêmes penſées fur les mêmes fujets
, qui annonce les mêmes verités
qu'une Piece de Poëfie , les vers nous y
rendent beaucoup plus fenfibles , on eſt
plus
plus touché , on entre plus dans toutes
les paffions du Poëte , on s'efforce de la
fuivre , on ſe plaît à fes expreffions , on
aime fes penfées qu'on tâche de retenir ,
on fe fait même un plaifir & un honneur
de les reciter. L'éloquence férieuſe de
F'Orateur fait bien moins d'impreffion
que ces peintures vives & naturelles
du vice que
le Poëte fçait rendre fi méprifable
, & ce n'eft
fans raifon que
Rouffeau a dit que
pas
Des fictions la vive liberté
Peint fouvent mieux l'austere verité
Que neferoit la froideur Monacale
D'une lugubre & pefante morale.
En
2396 MERCURE DE FRANCË
cette
En effet , rien ne touche le coeur de
l'homme , rien n'eft capable de lui faire
impreffion que ce qui lui plaît ; la Poëfie
nous montre la verité avec un viſage
doux & riant , par là elle l'infinue adroitement
entraînés par le plaifir , nous
entrons infenfiblement dans les fentimens
du Poëte , dans fes maximes ; nous prenons
de lui cette nobleffe , cette grandeur
d'ame , ce défintereffement
haine de l'injuftice & cet amour de la
vertu qui éclatent de toutes parts dans
fes Vers. La verité , au contraire , dite
par un Orateur , nous paroît bien plus
fevere , elle n'eft pas accompagnée de ces
graces , de ces ornemens , enfin de toutes
čes beautés qui la rendent aimable , l'efprit
fe ferme à fa voix , & fi quelquefois
on l'écoute , ce n'eft que par un grand
effort de la raifon. Quelqu'un dira peutêtre
que l'éloquence oratoire eft plus utile
à l'Orateur pour fa fortune , & on aura
raifon de dire comme Bachaumont :
a Non non , les doctes damoiselles
N'eurent jamais un bon morceau
Et ces vieilles fempiternelles
Ne burent jamais que de l'eau.
Les Poëtes ont toujours été bien éloia
Voyage de Bach. & de la Chapelle.
gnés
NOVEMBRE. 1730. 2397
grés de cette avidité qui fait dire à tant
de
gens
•
Quærenda pecunia primùm eft
Virtus poft nummos.
Je ne doute point que les gens d'efprit
& de bon goût , les Heros & fur tout le
beau fexe, à qui la Poëfie a fait tant d'honneur
, & dont elle a fi fouvent relevé la
beauté & le mérite , ne préferent la gloire
des Poëtes à celle des Orateurs , &
quand je n'aurois que leur fuffrage j'aurois
toujours celui de la plus brillante
partie du monde . Au refte , on peut encore
juger de la gloire des Poëtes par l'eftime
& la veneration qu'ont eûs pour eux
de tout tems les hommes les plus illuftres
& les plus grands Princes. b Ptolomée
Philopator fit élever un Temple à Homere
; il l'y plaça fur un Trône , & fit repréfenter
autour de lui les fept Villes qui
Te difputoient l'honneur de fa naiffance.
c. Alexandre avoit toujours l'Iliade fous
le chevet de fon lit , enfermé dans la caffete
de Cyrus. d Hyparque , Prince des
Athéniens , envoya une Galere exprès
chercher Anacréon pour faire honneur à
b Elien.
Plutarq. in Vita Alexand.
Elien,
yous
2398 MERCURE DE FRANCE
fa Patrie. Hyeron de Syracufe voulut
avoir Pindare & Simonide à fa Cour .
& perfonne n'ignore que dans le fac
de Thebes Alexandre ordonna qu'on
épargnat la maiſon & la famille du pre
mier des deux Poëtes que je viens de nommer.
On fçait le crédit qu'eurent Virgile
& Horace à la Cour d'Augufte , & enfin
l'eftime particuliere dont Louis XIV. a
toujours honoré nos Poëtes François , Mais
pourquoi chercher de nouvelles preuves?
Le langage des hommes égalera- t'il jamais
le langage des Dieux ? Je fens bien
que je dois me borner à ce petit nombre
de réfléxions , quoiqu'il foit difficile d'être
court en parlant des beautés de la
Poëfie , où l'on trouve tant de choſes qui
enchantent que l'on en pourroit dire ce
que difoit Tibulle de toutes les actions
de fa Maîtreffe
Componit furtim , fubfequiturque decor.
J'ai l'honneur d'être & c .
Fermer
Résumé : LETTRE sur la gloire des Orateurs & des Poëtes.
La lettre compare la gloire des orateurs à celle des poètes, en soulignant que ceux qui excellent dans des sujets difficiles, utiles et agréables acquièrent plus de renommée. Pour évaluer cette question, l'auteur propose d'examiner le talent requis et l'utilité de chaque domaine. Les poètes et les orateurs visent à instruire et à plaire, mais par des moyens différents. Les orateurs se distinguent par l'invention, la disposition, l'élocution, la mémoire et la prononciation. La poésie, quant à elle, est soumise à plus de règles et nécessite un plan ingénieux, des descriptions riches et des expressions vives. Cicéron, bien qu'il admire l'éloquence, reconnaît la supériorité de la poésie, qu'il décrit comme un enthousiasme divin. La poésie demande des talents plus élevés, tels que la fécondité dans l'invention, la noblesse des idées et une imagination riche. Elle transforme tout en beauté et utilise des fictions nobles pour enchanter le lecteur. La poésie s'exerce dans divers genres, du badin au sérieux, et a été utilisée par des figures bibliques comme Moïse et David pour chanter les louanges du Créateur. Les anciens utilisaient la poésie pour tous les écrits, y compris l'histoire, et n'ont commencé à utiliser la prose que plus tard. Des experts comme le Père Bouhours et le Père Rapin conviennent que le poème épique est le chef-d'œuvre de l'esprit humain. Les harangues d'Homère sont citées comme des modèles parfaits d'éloquence, surpassant même celles de Cicéron et Démosthène. Par exemple, la harangue d'Ulysse à Achille est louée pour son art et sa force. Enfin, la lettre compare des extraits de la poésie de Racine et de l'éloquence de Flechier, concluant que les pensées poétiques, même traduites en prose, perdent de leur grâce et de leur force. La poésie est ainsi présentée comme supérieure en termes de sublimité, d'élévation et de jugement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
33
p. 54-57
DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
Début :
Messieurs, Depuis l'élection que vous avez bien voulu faire en [...]
Mots clefs :
Discours, Assemblée, Prélat, Épiscopat, Honneur, Magistrat, Reconnaissance
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
DISCOURS de M. l'Olivier , Avocat
au Parlement , Substitut de M. le
Procureur General , et l'un des deux
Substituts des Procureurs Generaux ,
Sindics des Etats de Bretagne , prononcé
dans l'Assemblée des Etats.
MESSI ESSIEURS ,
Depuis l'élection que vous avez bien voulu
faire en ma faveur , j'ai 'souhaité avec
empressement qu'il se présentat quelque occasion
de vous en faire mes trés
remercimens.
respectueux
Penetré de la reconnoissance la plus vive,
je m'étois flatté que les expressions qui pou
voient la rendre sensible suivroient de près
les mouvemens de mon coeur ; mais le
respect
at la crainte dont je me sens penetré à la vuë
de cette auguste assemblée , ne me permettent
qu'à peine de vous faire entendre ma timide
voix.
Je ne trouve rien , Messieurs , de comparable
pour moi à la grace dont vous avez
bien voulu m'honorer. La préference que
vous m'avez donnée sur une foule de concurrens
distingués par leur mérite , en rehausse
infiniment le prix . Quelle gloire ne reçois-je
pas
JANVIER. 1731. 58
pas d'une place où je suis chargé de veiller
à la conservation des droits de la patrie ?
quelle satisfaction de pouvoir chaque jour
trouver de nouvelles occasions de la servir ?
L'honneur d'être admis dans vos assemblées
est encore un avantage qui me rend
cette place très précieuse ; c'est cette prérogative
, Messieurs , qui me met à portée de
connoître et d'admirer en même tems la superiorité
de vos lumieres , la penétration de
vos esprits , la sagesse de vos déliberations
c'est cette prérogative qui me rend témoin de
Fart et de la prudence avec lesquels vous
Scavez , Messieurs , concilier le service du
Roi avec les franchises et les libertés de cette
grande Province.
C'est enfin cette prérogative qui me procure
l'inestimable honneur d'approcher les augustes
personnages qui président à vos déliberations.
Un Prélat nourri dans la sagesse et dans
la pieté , également instruit de tous ses devoirs,
et fidele à les observer , qui joignant aux
vertus de l'Episcopat une parfaite connoissance
des affaires , et destiné à remplir
un jour les plus sublimes emplois de l'Eglise
et de l'Etat.
Un Seigneur aussi grand par sa haute
naissance , qu'il est aimable par les graces
naturelles qui l'accompagnent ; un Seigneur
qui dans un âge de tout tems consacré auxe
plaisirs
56 MERCURE DE FRANCE
plaisirs sçait s'occuper avec autant de dignité
que de succès des affaires les plus importantes
d'une Nation dont il est tout à la fois les délices
et la gloire.
Un Magistrat habile , prudent , équitable
qui par ses lumieres et une longue experience
s'est acquis une profonde connoissance des affaires
de la Province , et s'est tant de fois
distingué dans la place qu'il occupe si dignement.
Quelle gloire n'est ce pas pour moi , Messieurs
, de devoir à vos suffrages une place
qui me procure l'honneur de parler devant
des Personnes si illustres .
"
Des témoignages de bonté si marqués et si
éclatans exigent sans doute de ma part des
hommages pleins de respect pour cette majestueuse
assemblée , un zele à toute épreuve
pour les interêts qu'elle confie et une exactitude
scrupuleuse à tous mes devoirs.
C'est aussi , Messieurs , ce que je vous
supplie d'agréer , et en même tems tout ce
que je puis vous offrir. Quoique jeune , jose
esperer et le désir de répondre à votre choix
est le garant de mon esperance , que par mes:
soins et par mon attention à consulter les
maximes et à suivre les exemples de Messieurs
vos Procureurs Generaux Sindics , je
serai dans peu en état de travailler utilement
sous leurs ordres , et de vous donner des preuves
de mon inviolable dévouëment et de ma
respecineuse reconnoissance- Le
JANVIER. 1731. 57
Le Collegue de M. l'Olivier , dans la
même Charge de Subsitut des Procureurs
Generaux Sindics des Etats , est M. Odye,
Avocat au Parlement , et d'une réputation
distinguée.
au Parlement , Substitut de M. le
Procureur General , et l'un des deux
Substituts des Procureurs Generaux ,
Sindics des Etats de Bretagne , prononcé
dans l'Assemblée des Etats.
MESSI ESSIEURS ,
Depuis l'élection que vous avez bien voulu
faire en ma faveur , j'ai 'souhaité avec
empressement qu'il se présentat quelque occasion
de vous en faire mes trés
remercimens.
respectueux
Penetré de la reconnoissance la plus vive,
je m'étois flatté que les expressions qui pou
voient la rendre sensible suivroient de près
les mouvemens de mon coeur ; mais le
respect
at la crainte dont je me sens penetré à la vuë
de cette auguste assemblée , ne me permettent
qu'à peine de vous faire entendre ma timide
voix.
Je ne trouve rien , Messieurs , de comparable
pour moi à la grace dont vous avez
bien voulu m'honorer. La préference que
vous m'avez donnée sur une foule de concurrens
distingués par leur mérite , en rehausse
infiniment le prix . Quelle gloire ne reçois-je
pas
JANVIER. 1731. 58
pas d'une place où je suis chargé de veiller
à la conservation des droits de la patrie ?
quelle satisfaction de pouvoir chaque jour
trouver de nouvelles occasions de la servir ?
L'honneur d'être admis dans vos assemblées
est encore un avantage qui me rend
cette place très précieuse ; c'est cette prérogative
, Messieurs , qui me met à portée de
connoître et d'admirer en même tems la superiorité
de vos lumieres , la penétration de
vos esprits , la sagesse de vos déliberations
c'est cette prérogative qui me rend témoin de
Fart et de la prudence avec lesquels vous
Scavez , Messieurs , concilier le service du
Roi avec les franchises et les libertés de cette
grande Province.
C'est enfin cette prérogative qui me procure
l'inestimable honneur d'approcher les augustes
personnages qui président à vos déliberations.
Un Prélat nourri dans la sagesse et dans
la pieté , également instruit de tous ses devoirs,
et fidele à les observer , qui joignant aux
vertus de l'Episcopat une parfaite connoissance
des affaires , et destiné à remplir
un jour les plus sublimes emplois de l'Eglise
et de l'Etat.
Un Seigneur aussi grand par sa haute
naissance , qu'il est aimable par les graces
naturelles qui l'accompagnent ; un Seigneur
qui dans un âge de tout tems consacré auxe
plaisirs
56 MERCURE DE FRANCE
plaisirs sçait s'occuper avec autant de dignité
que de succès des affaires les plus importantes
d'une Nation dont il est tout à la fois les délices
et la gloire.
Un Magistrat habile , prudent , équitable
qui par ses lumieres et une longue experience
s'est acquis une profonde connoissance des affaires
de la Province , et s'est tant de fois
distingué dans la place qu'il occupe si dignement.
Quelle gloire n'est ce pas pour moi , Messieurs
, de devoir à vos suffrages une place
qui me procure l'honneur de parler devant
des Personnes si illustres .
"
Des témoignages de bonté si marqués et si
éclatans exigent sans doute de ma part des
hommages pleins de respect pour cette majestueuse
assemblée , un zele à toute épreuve
pour les interêts qu'elle confie et une exactitude
scrupuleuse à tous mes devoirs.
C'est aussi , Messieurs , ce que je vous
supplie d'agréer , et en même tems tout ce
que je puis vous offrir. Quoique jeune , jose
esperer et le désir de répondre à votre choix
est le garant de mon esperance , que par mes:
soins et par mon attention à consulter les
maximes et à suivre les exemples de Messieurs
vos Procureurs Generaux Sindics , je
serai dans peu en état de travailler utilement
sous leurs ordres , et de vous donner des preuves
de mon inviolable dévouëment et de ma
respecineuse reconnoissance- Le
JANVIER. 1731. 57
Le Collegue de M. l'Olivier , dans la
même Charge de Subsitut des Procureurs
Generaux Sindics des Etats , est M. Odye,
Avocat au Parlement , et d'une réputation
distinguée.
Fermer
Résumé : DISCOURS de M. l'Olivier, Avocat au Parlement, Substitut de M. le Procureur General, et l'un des deux Substituts des Procureurs Generaux, Sindics des Etats de Bretagne, prononcé dans l'Assemblée des Etats.
M. l'Olivier, avocat au Parlement et substitut du Procureur Général, adresse un discours aux États de Bretagne après son élection. Il exprime sa gratitude pour l'honneur reçu et la préférence accordée parmi de nombreux concurrents. Il se réjouit de pouvoir veiller sur les droits de la patrie et servir quotidiennement la province. L'honneur d'être admis dans les assemblées lui permet d'admirer la sagesse et la prudence des délibérations des États, ainsi que leur capacité à concilier le service du Roi avec les franchises et libertés de la Bretagne. M. l'Olivier admire également les personnalités présentes, notamment un prélat sage et pieux, un seigneur distingué par sa naissance et ses compétences, et un magistrat expérimenté. Il promet de faire preuve de respect, de zèle et de scrupule dans l'exercice de ses devoirs. Bien que jeune, il espère, en suivant les exemples de ses prédécesseurs, pouvoir travailler utilement et prouver son dévouement et sa reconnaissance. Son collègue, M. Odye, est également mentionné pour sa réputation distinguée.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
34
p. 342-357
Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
Le 17. Le Naufrage, et Bolus, Parodie de la nouvelle [...]
Mots clefs :
Tragédie, Parodie, Médecins, Brutus , Représentation, Scène, Discours, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le 17.Le Naufrage , et Bolus, Parodie de
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
la nouvelle Tragedie de Brutus, qu'ils donnerent
pour la premiere fois , et dont
les Sieurs Dominique et Romagnesi sont
les Auteurs .
La Scene est dans l'Ecole de Medecine.
Les Medecins y sont assemblez : Bolus
leur addresse la parole , en commençant
par ces vers : IllusFEVRIER.
1731. 343
Illustres Médecins , dont les divines Loix ,
Disposent du salut des Peuples et des Rois.
Notre ennemi , continue - t - il , commence
à nous connoître , et Tufquin nous
envoye un Frater pour traiter avec nous.
La Sonde , député des Chirurgiens , s'avance ;
Comme un Ambassadeur , il demande Audiance.
Il est dans l'Anti-Chambre à croquer le marmot
,.
Voulez-vous lui parler , ou ne lui dire mot ?
Coclicola répond que puisqu'il se porte
bien , il ne faut point l'entendre .
Tel est mon sentiment , et notre auguste corps ;
Ne voit ses ennemis que malades ou morts.
La cure que votre fils a faite , ajoute-t - il , ap.
prend à ces mutins ,
Qu'ils doivent se restraindre au travail de leurs
mains.
Cependant entraînez par d'extrêmes licences ,
Ils saignoient malgré nous , faisoient des or
donnances.
Enfin il conclut qu'il ne faut point lui
parler ; mais Bolus n'est pas du même
sentiment , et continue ainsi :
La
$ 44 MERCURE DE FRANCE.
La Sonde croit peut-être aux enfans d'Hypocrate
,
Inspirer la pitié , mais en vain il s'en flate ;
Nous avons tous juré de n'en jamais avoir.
Docteurs , c'est pour cela qu'il le faut recévoir.
Qu'il vienne contempler nos superbes Hermines,
Et qu'il tremble à l'aspect de nos augustes mines.
Coclicola approuve l'avis de Bolus , et
ordonne aux Bedeaux d'introduire la Sonde
, par ces deux vers :
Bedeaux , qu'on l'introduise , et par trois révé
rences ,
Qu'il marque le respect qu'il doit à nos presen
ces
La Sonde , Gascon , accompagné par
les Bédéaux , entre avec Syrop , se place
surun Tabouret , et commence ainsi :
Sçavante Faculté , qu'il m'est doux d'être admis
,
Dans ce Cercle fameux de sages ennemis !
Il vient , dit - il , de la part de Tusquin
pour leur offrir la paix ; par où , continue-
t-il.
Mon Maître Tusquin , a- t-il merité
cette fureur extrême ; et qui peut le dépoüiller
de ses droits ?
Luiz
FEVRIER . 1731 .
345.
Lui-même , répond Bolus.
S'il ne s'en fut tenu qu'à l'opération ,
Il n'auroit point perdu notre protection.
La Sonde.
Orgueilleux Medecins , qu'elle est votre manie
N'ose-t-on s'affranchir de votre tyrannie ?
Un malade à nos soins , n'ose-t-il recourir ?
N'est- il permis qu'à vous de le faire mourir a
Bolus.
Ouy-, nous faisons valoir les droits de nos an
cêtres ,
Et vos pareils sont nez pour servir sous des
Maîtres .
Voicy le serment que fait Bolus , et
qu'il adresse à Esculape.
L
Si jamais parmi nous il se trouvoit un traître ;
Qui regretta Tusquin , qui pût le reconnoître ,
Que le perfide meure au milieu des tourmens .
Et que son corps privé de nos médicamens ,
Languisse sans secours, et qu'au lieu d'Emétique,
De la Pierre infernale , on lui fasse un Topique.
t
Tous les Medecins se levent et jurent
sur un grand Livre;ce qui oblige la Sonde
de faire cet autre serment.
G Et
346 MERCURE DE FRANCE
Et moi sur ces Lancettes ,
Instrumens bien plus sûrs , sandis , que vos re
cettes ,
Je vous jure la guerre , au nom du grand Tusquin
,
Comme vous la jurez à tout le genre humain,
13
Bolus finit la Scene déliberative par ces
vers.:
Allons , plus longs discours rendroient la Scene
fade ;
lieu , vous avez fait une belle ambassade !
yous , Docteurs , suivez - moi , c'en est assez ♦
partons :
S'addressant à la Sonde.
Vous devriez sortir , et c'est nous qui sortons.
La Sonde reste avec Syrop , il lui demande
si Massacra osera venir chez Bolus
, et le prie de lui en faire le portrait,
Syrop après avoir exposé son mauvais caractere
, finit par ces vers :
Incrédule à la fois , et sur la Pharmacie
Et sur la Médecine , et sur la Chirurgie ;
Il les détruit , les sert sans aucun fondement ,
C'est un Pirrhonien anté sur un Normant,
Massacra arrive ; la Sonde lui dit qu'il
a pû sien gagner sur l'esprit des Médedecins
;
FEVRIER. 1731
347
decins la Sonde lui demande s'il connoît
quelqu'un qui voulut servir Tusquin , et
conspirer contre les Médecins. Massacra
répond que peu sont de cet avis .
Les esprits prévenus
Des Médecins encor ne sont pas revenus.
Il en est cependant dont la masle constance ,
Brave des Médecins la frivole assistance ,
Et meurent en Héros sans attendre leurs coups
Comptez sur leur appui , ces gens- là sont à vous.
De quel oeil , ajoute la Sonde , Tutie
voit- il l'injustice que les Médecins lui
font , en lui refusant le Bonnet de Docteur;
il est , répond Massacra , tout plein
de cette injure , et adore Tutie , la fille de
Tusquin. Que ne me le disiez -vous d'abord
, répond la Sonde , vous auriez épargné
des Portraits inutiles. Il envoye Syrop
versTusquin, et ils entrent tous deux chez
Tutie, pour tâcher de s'éclaircir et pour
pénétrer les secrets de son coeur.
Tutie apprend à Claudine sa suivante ,
qu'elle va bien-tôt partir , et que son pere
l'a fait revenir pourlui donner un Epoux.
A la sixième Scene , Tetu entre ; Tutie
veut le fuir , mais elle ne peut s'y résoudre.
Puis-je esperer , lui dit Tetu , que vous
recevrez sans colere l'ennemi de M. votr
Gij pere ;
348 MERCURE DE FRANCE
pere ; vous allez partir , je viens vous dire
adien.
Un grand Operateur deviendra votre Epoux ;
C'est le seul Charlatan dont mon coeur soit jaloux
,
Le seul dans l'Univers digne de mon envie,
Tutie.
Cache bien ton amour , malheureuse Tutie !
Sortons , où suis- je ?
Tetu.
Helas , où vais-je m'emporter a
Vous partez , et je viens ici vous en conter !
J'ai perdu l'heureux tems où je devois vous faire
Un aveu qui devient aujourd'hui temeraire.
Avant tout ce procès , imbécile Tetu ,
Tu ne lui disois rien ; à quoi t'amusois-tu ? &c .
Tutie.
Vous attendiez , Monsieur , pour me parler d'amour
Que de mon hymenée on eut marqué le jour.
Elle s'en va,cn lui disant qu'il manque
de respect à son futur Epoux . Tetu reste
desesperé.
Massacra arrive , qui le voyant dans
l'agitation , lui dit qu'il connoît aisément
la cause de son chagrin. L'injuste Faculté
vous refuse le grand nom de Docteur ,
parce-
་
FEVRIER. 1731. 349
parceque vous n'avez pas l'âge , et c'est ,
sans doute , ce refus injurieux qui fait naî
trevotre desespoir.
Ah ! ce n'est pas , répond Tetu , ce qui
me désole le plus , c'est la perte
de Tutie que
l'on m'enleve , et pour qui on a choisi un
Epoux. Ma foi , lui dit Massacra , sij'étois
en votre place j'épouserois Tutie , malgré
les Medecins qui s'y opposent.
Jeser virois Tusquin , même tout au plutôt.
Tetu.
Que dis-tu ? ce conseil est d'un fieffé maraut.
Vous ignorez aparemment , reprend
Massacra , que votre frere est déjà dans
notre parti.
Tutie.
A trahir son devoir il auroit consenti !
Mais la Soude paroît ; adieu , je me retire ,
Autre fripon , qui vient encor pour me séduire :
Evitons les discours d'un fourbe mal adroit
Passons à l'interêt , si tant est qu'il en soit.
>
La Sonde présente une Lettre à Tutie
de la part de Tusquin . N'est- ce point une
attrape , dit Tutie : voici ce que contient
sa lettre
Je ne veux point troubler les jours de votre vie,
G iij
Si
350 MERCURE DE FRANCE
Si vous aimez Tetu , j'en ferai votre Epoux ;
Mais à condition que de la Chirurgie
Il soutienne les droits , et s'unisse avec nous.
Tutie reste avec Claudine , et lui dit
avec empressement d'aller chercher Tetu
, qu'elle veut absolument lui parler.
Claudine rentre ; Tutie reste , et dit les
mêmes Vers qui sont dans la Tragédie .
Toi que je puis aimer , quand pourrai- je t'apprendre
Ce changement du sort où nous n'osions préten
dre !
Quand pourrai-je avec toi , libre dans mes transports
,
T'entendre , t'adorer , te parler sans remords ...
Mettons dans nos discours un peu de modestie ,
Ils ne peuvent passer que dans la Tragédie ,.
Qu'importe , puisqu'enfin ce sont ses propres
mots ;
Je fais la délicate ici mal à propos.
Tetu entre avec précipitation , et com
mence par ces Vers d'Oreste à Hermione ,
qui sont à peu près les mêmes dans la
Tragédie de Brutus .
Ah! Madame , est - il vrai qu'une fois
Je puisse en vous cherchant obéir à vos loix ?
Avez- vous,en effet , souhaité ma personne ¡
Tutie.
FEVRIER.
1731. 3fr
+
Tutie.
Vous me prenez sans doute , ici pour Her
mione ,
,
Et pour parler ainsi que vous vous exprimez.
Hé bien :
Tetu.
Tutie.
Je veux sçavoir , Seigneur , si vous m'aimez.
Tout vous en assure , lui répond tendrement
Tetu , mon sort est en vos mains.
Le mien dépend de vous , réprend Tutie :
Par cet heureux billet nos maux sont appaisés,
Seigneur , sçavez - vous lire ?
Tetu.
Oui , Madame.
Tutie.
Lisez.
Tetu prend la Lettre , et en la lisant
change de visage : vous trouvez -vous mal ,
s'écrie Tutie :
Tetu.
Non , je me porte bien :
Et puis vous épouser ; mais je n'en ferai rien.
G iiij
Tutie.
352 MERCURE DE FRANCE
Tutie .
D'un autre que de vous je serai donc la femme >
Et je vais epouser ...
Tetu.
Non , s'il vous plaît , Madame ;
Et je mourrai plutôt qu'un autre ait votre foi.
Tutie.
Que prétendez -vous donc , Monsieur , faire de
moi?
Je veux , répond Tetu , que vous deveniez
la fille de Bolus. Non , si tu veux
m'obtenir pour ta femme , ajoûte Tutie ,
il faut que tu te déclares en faveur de
Tusquin , ou tu me vas voir expirer à tes
yeux. Ah ! pour le coup ,
c'en est trop
me voilà rendu , réplique Tetu ,
Je ne le cache point , ce noir projet me choque:
La vertu le deffend ; mais mon amour s'en mocque.
Tutie sort ; Tetu reste , et ordonne
qu'on fasse venir Massacra , qui arrive sur
le champ. Tetu le prie de servir la fureur
d'un malheureux Amant : j'ai tout prévû,
répond Massacra , j'ai fait une cabale dans
un Cabaret qu'on nomme la Porte Royale :
Tusquin nous y attend , ne perdons point
des momen's précieux. Lors qu'ils veulent.
partir
FEVRIER. 1731. 3.5.3
partir , Bolus arrive ; il dit à son fils de
se préparer à guerir un malade en danger
, qui loge à la Porte Royale , que certain
Chirurgien doit traiter cette nuit :
ravis lui , continuë- t'il , cet avantage.
En un mot , qu'il guerisse ou qu'il perde la vie;
Quoiqu'il puisse arriver , tu feras mon envie.
;
Tetu ne peut cacher son trouble ; dans
le moment arrive Coclicola , qui prie
Bolus de les faire retirer . Tetu sort avec
Massacra Coclicola apprend à Bolus que
de rebelles enfans de la Faculté conspirent
;aussi-tôt on vient dire à Bolus qu'un
Apoticaire le demande ; Bolus renvoye
Coclicola , et le charge de s'informer des
Conjurés et de venir incessament l'en
éclaircir.
>
Scene 18. M. Fleurant vient , et dit à
Bolus :
Enfin j'ai découvert cette ligue fatale
Ils étoient rassemblés à la Porte Royale :
J'ai conduit avec moi vos fideles bedeaux
Qui portoient des bâtons en guise de faisceaux.
Fapperçois Massacrá , mon zele me transporte
Je le fais entourer soudain par mon escorte
Ne pouvant plus cacher sa noire trahison ,
Il fouille dans sa poche , il en tire un poison ,
Poison qu'à vous , Docteurs , il destinoit peut -être
་ ་ EF
354 MERCURE DE FRANCE.
Et meurt en Medecin , quoiqu'indigne de l'être.
Ah ! quand nous connoîtrons les Auteurs
de cette sédition , il faudra , die
Bolus , les en punir , selon notre serment;
puis s'adressant à Fleurant.
O toi , dont l'ignorance et l'aveugle Destin ,
Au lieu d'un Clistorel , dût faire un Medecin ,
Sois-le , prens ce Bonnet , que ta tête le porte,
Fleurant.
Je ne sçais pas un mot de Latin.
Bolus.
Et qu'importe ?
Coclicola vient avec empressement
présenter des Tablettes à Bolus , où les
noms des conjurez sont écrits . Il lit le
nom de Viperinus , son fils ; ensuite celui
de Tetu ; il témoigne sa douleur et
dit ensuite que cela ne peut être ; bon
répond Coclicola , il est sur la Liste que
Rhubarbus a trouvée chez Massacra ; čela
ne prouve rien , répond Bolus , on peut
par malice avoir écrit son nom ; écoutez
Pautre indice , dit Coclicola.
Sans armes on l'a vû seul qui se promenoit ,
Et qui ne parloit point , le fait est clair et net .
Voilà une plaisante preuve , dit Bolus ;
et
FEVRIER. 1731. 355
et Tutie , qu'est-elle devenue ? Voulezvous
, répond Coclicola , qu'elle vienne
se tuer ici , ou que je vous fasse un récit
de sa mort ; ni l'un ni l'autre , lui dit
Bolus ; mais faites venir mon fils , je veux
l'interroger. Puis s'adressant aux Medecins
, Messieurs , il n'est pas nécessaire
que vous soyez presens à ce que je vais
faire ici.
Adieu , retirez-vous , vos rôles sont remplis ,
Je vous suis obligé de tous vos bons avis.
Bolus reste seul , Coclicola rentre ,, après
avoir annoncé à Bolus que la volonté des
Medecins est qu'il prononce sur son fils ;
ils me font bien de l'honneur , reprend
Bolus ; cependant je doute de son crime ;
tous les conjurez l'accusent , ajoûte Coclicolas
cependant quand on l'a pris , il
étoit desarmé , et ne songeoit à rien , dit
Bolus , je le crois innocent ; cela pouroit
bien être , répond Coclicola , mais le voici
lui - même .
Tetu veut se jetter aux genoux
de son
pere , mais il l'arrête. Tu devrois , lui
dit-il , traiter cette nuit avec Tusquin ,
qu'avois-tu résolu ? je n'ai résolu rien , répond
Tétu .
Bolus.
Un tel discours renferme un sens impenetrable ,
G vj n'ayant
38 MERCURE DE FRANCE
N'ayant résolu rien , tu n'es donc pas coupable.
Si je n'ai plus de fils , tu n'es pas innocent ?
Ergo , ... ceci pour moi devient embarrassant.
Hé bien , voici le fait , répond Tétu ;
Massacra et la Sonde , par leurs mauvais
discours , secondant les transports de Tu
tie, m'ont débauché pour un seul moment.
Disposez de ma vie ;
A de vains préjugez Tétu la sacrific.
Honorez-moi , continuë t'il , de vos em
brassemens.
Bolus.
Pour te les refuser , serois - je assez barbare ...
Qu'on mene de ce pas mon fils à saint Lazare.
Bolus , seul.
Ah !puisqu'on me dictoit un Arrêt si cruel ,
On devoit rendre , au moins , mon fils plus cri
minel.
Coclicola s'avance , Bolus lui dit qu'on
ne voit que lui , et lui demande s'il vient
de la part des Medecins pour le complimenter
? Non , reprend-il , c'est pour
vous garroter,
La sage Faculté , pour de bonnes raisons ,
Yous envoye à l'instant aux petites Maisons.
Bolus.
FEVRIER. 1731. 35T
Bolus
Aux petites Maisons !
Rendons
Coclicola.
Oui , vous dis -je , et pour cause.
Bolus,
graces aux Dieux !
Coclicola.
C'est bien prendre la chose.
Le 22. les mêmes Comédiens donnerent
la premiere Représentation d'Arlequin
Phaeton , Piece en un Acte , mêlée
de Vaudevilles et de Divertissemens; c'est
la Parodie de l'Opera qu'on joue actuel
lement , composée par les S" Dominique
et Romagnesi , dont on parlera plus au
long , ayant été reçue très favorablement
du Public.
Fermer
Résumé : Bolus, Parodie de Brutus, Extrait, [titre d'après la table]
Le texte décrit une parodie de tragédie intitulée 'Le Naufrage, et Bolus', représentée pour la première fois en février 1731. L'action se déroule dans l'École de Médecine, où les médecins sont réunis. Bolus, s'adressant à ses collègues, mentionne un ennemi, Tufquin, qui envoie un représentant, la Sonde, pour négocier. Coclicola, un médecin, refuse de recevoir la Sonde, mais Bolus insiste pour l'accueillir. La Sonde, accompagnée de Syrop, entre et demande pourquoi Tusquin est persécuté. Bolus répond que Tusquin a perdu la protection des médecins en raison de ses actions. La Sonde accuse les médecins de tyrannie et de monopoliser les soins aux malades. Bolus et les médecins jurent de rester fidèles à leurs principes et de ne pas trahir leur serment. La Sonde, à son tour, jure la guerre au nom de Tusquin. La scène se poursuit avec l'arrivée de Massacra, qui discute avec la Sonde des conspirateurs contre les médecins. Tutie, la fille de Tusquin, est impliquée dans une intrigue amoureuse avec Tetu, un médecin. Tetu est déchiré entre son amour pour Tutie et sa loyauté envers les médecins. Massacra et la Sonde tentent de convaincre Tetu de trahir les médecins pour épouser Tutie. Tetu, après une confrontation avec Tutie, décide de se rallier à Tusquin. Bolus, informé de la conspiration, découvre que son fils Tetu et Viperinus sont impliqués. Malgré les preuves, Bolus doute de la culpabilité de son fils. La pièce se termine par l'interrogatoire de Tetu par Bolus, laissant en suspens la résolution du conflit. Le texte mentionne également la première représentation de la pièce 'Arlequin Phaeton', une parodie d'un opéra contemporain, composée par Dominique et Romagnesi, qui a été bien accueillie par le public.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
35
p. 469-479
RÉPONSE à la Lettre anonime sur la gloire des Orateurs et des Poëtes, inserée dans le Mercure de Novembre 1730.
Début :
MONSIEUR, Quoique vous preniez plaisir à scandaliser le Public en hazardant une décision [...]
Mots clefs :
Rhéteur, Orateurs, Poètes, Éloquence, Poésie, Rhétorique, Inspiration , Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à la Lettre anonime sur la gloire des Orateurs et des Poëtes, inserée dans le Mercure de Novembre 1730.
REPONSE à la Lettre anonime sur
la gloire des Orateurs et des Poëtes , inserée
dans le Mercure de Novembre 1730.
MONSIE ONSIEUR ,
Quoique vous preniez plaisir à scandaliser
le Public , en hazardant une décision
injuste sur ce qui fait , à peine , la
matiere d'une question , on vous sçait cependant
bon gré de faire marcher les
Orateurs avant les Poëtes à la tête de votre
Lettre , et si vous leur donniez toujours
le pas , elle seroit , ce semble , intitulée
avec plus de raison , sur la gloire des
Orateurs &c. Mais vous vous efforcez de
dégrader
l'Eloquence
par un parallele captieux
qui la représentant
avec ses moindres
attraits , la raproche
d'un enthou ~
siasme dont l'excellence
exagerée se trou-
CV ve
1
470 MERCURE DE FRANCE
ve soutenue des exemples les plus spe
cieux . C'est pourquoi , la seule question
qui se présente aujourd'hui consiste
sçavoir si vous avez atteint à votre but
et je ne crois pas que la décision en soit
difficile.
Pour juger d'abord sainement , il nesuffit
point d'examiner quel est celui des
deux genres , du Discours ou de la Poësie ,
qui demande le plus de talens pour y exceller
? car les plus excellens Poëtes sont
moins redevables de leur mérite à l'art
qu'à la nature , encore en est-il peu du
nombre de ceux dont on peut dire nascuntur
Poeta : nous ne pouvons , au-contraire
, parvenir à la gloire des Orateurs
qu'aprés bien des veilles et bien des travaux:
fiunt Oratores. Il s'agit encore moins
d'examiner quel est le plus utile et le plus
agréable du Discours ou de la Poësie ;
celle- ci peut s'arroger tout au plus l'agréable
, son utilité ne consistant que
dans le plaisir qu'elle donne au Lecteur ;
celui - là , non content de nous plaire ,
nous instruit , nous touche , nous persuade
, et conséquemment tient à des- `
honneur la parité d'objets qu'on lui
donne mal à propos avec la Poësie.
Oiii , Monsieur , la nature semble contribuer
toute seule à la gloire des Poëtes
une naissance heureuse pour la versifica
tion,
MARS. 1731. 471
tion , c'est à quoi peuvent se réduire les
talens des plus illustres , et ils n'ont rien
en cela que de commun avec l'Orateur
qui ne peut être parfait sans avoir des
dispositions naturelles ·la
pour prononciation
, au moins on conviendra que s'il
lui faut pour paroître en Public avec plus
de décence , une voix claire et distincte
et un visage qui n'ait rien de rebutant ;
ce n'est
pas l'Arr qui lui donne ces qualités
; c'est aussi où se termine tout le
parallele qu'on peut faire des Poëtes avec
les Orateurs. L'Eloquence exige bien.
d'autres talens que ceux de la prononciation
, puisqu'elle consiste encore , selon
vous , dans l'invention , la disposition
, l'élocution et la mémoire , que je
ne détaillerai point , il me suffit de vous
dire avec l'Auteur des Refléxions sur l'Eloquence
, qu'outré le naturel , il faut.
encore pour être éloquent beaucoup d'élevation
, un grand feu et une solidité
naturelle d'esprit , qui doit être perfecrionnée
par l'usage du monde , et par une
connoissance profonde des lettres , qu'il
faut aussi une grande étendue de mémoire
et d'imagination , une compréhension
aisée , beaucoup de capacité et d'application
, et que dans cet attachement
au travail et cette assiduité au Cabinet, qui
sont necessaires pour se remplir des connoissances
Cvj
472 MERCURE DE FRANCE
noissances propres à l'Eloquence , il est
bon de puiser dans les sources , d'étudier
à fond les Anciens , principalement ceux
qui sont originaux . Multo labore , assiduo
studio , varia exercitatione , pluribus experimentis
, altissimâ prudentia , potentissimo
consilio constat ars dicendi. * Enfin un enthousiasme
heureux , un beau vertige song
tout le mérite des Poëtes , sic insanire decorum
est. Un Discours Oratoire assujettie
à bien des regles , le bon sens , la prudence
et la sagesse en doivent être le mo
bile , et c'est là ce qu'on peut appeller
des beautés presque toujours inconnuës
aux Poëtes , Eloquentia fundamentum sapientia.
Tout cela n'est encore qu'une foible
ébauche des dispositions requises pour
parvenir à la gloire des Orateurs , et je
ne finirois jamais si j'entrois dans un plus
grand détail ; mais il s'agit de parcourir
votre Lettre .
•
Vous faites d'abord parade des qualités
dont on doit revêtir un Poëme Epique ,
et des beautés qui s'y rencontrent , lorsqu'il
en est revêtu ; si de mon côté je décrivois
ici les regles qu'on doit observer
pour mettre en oeuvre la moindre figure
de Rhétorique , sa beauté , son énergie ,
Fab, L. 2. C. 13.
MARS. 1731. 473
sa force , lorsqu'elle est bien maniée , je
me flatte que cette description ne donneroit
pas moins de relief à ma Lettreque
la peinture du Poëme Epique en donne
à la votre ; mais c'est à quoi je ne m'at
tacherai pas.
Tout ce qui me chagrine , c'est qu'en
parant les Poëtes de tous les talens qui ac
compagnent d'ordinaire l'Eloquence
vous osiez avancer qu'ils les possedent
dans un dégré plus éminent que les Ora
teurs ; car ce prétendu dégré de perfection
ne nous annonce rien autre chose
qu'un enthousiasme , un transport , que Ci
ceron a bien voulu diviniser en faveur
de ceux qui se mêlent de faire des Vers ;
en un mot , un vertige qui renverse l'ordre
de la nature , qui déïfie les plus grands
scelerats ,, qui personifie les choses les
plus idéales , qui change tout enfin , et le
change en faux.
Ce n'eft plus la vapeur qui produit le tonnerré
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre &c.
En verité , Monsieur , je trouve Ciceron
fort à plaindre ; vous vous inscrivez
en faux contre ses Vers , et votre moyen
a Cic. de Orat.
Despr. Art, Poët. Chant fo
est
474 MERCURE DE FRANCE
est fondé sur le deffaut de son imagina→
tion ; vous dépouillez le plus éloquent
des hommes du talent le plus essentiel à
l'Eloquence , et vous refusez une imagi
nation féconde à l'Orateur , dont les discours
sont remplis des plus vives images ;
si vous n'épousiez pas des interêrs Poëtiques
, j'aurois de la peine à vous pardonner
de si grands écarts..
Ignorez- vous qu'un grand Orateur dont
la vraye éloquence n'avoit rien que de
réél , et consistoit à dire les choses comme
elles étoient , qui né dans le sein du Pa
ganisme et de l'idolâtrie avoit néanmoins
sçû préserver son esprit de la contagion ,
et en instruire tout l'Univers par ses Trai
tés admirables de la Nature des Dieux et
de l'immortalité de l'ame , que Ciceron ,
dis-je , ne pouvoit pas astreindre ce mê
me esprit à des fictions ridicules ? il n'étoit
susceptible d'aucuns délires , et sauf
le respect que je dois à Homere , voici
comme s'explique le P. Gautruche : * Les
Grecs inventerent la plupart de ces folies et
de ces superstitions , qui étoient aussi le plus
ordinaire sujet de leurs Foësies , et ensuite
les répandirent par toutes les autres Nations.
Nos Poëtes modernes qui suivant ce
principe n'ont pas le mérite de l'inven-
Hist. Poët. Avantpropos , page 60
tion
MARS. 1731. 475
tion sont réduits à bien peu de choses.
J'avoue qu'il ne faut pas moins d'imagi
nation pour la Poësie que pour l'Eloquence
; mais Ciceron en étoit trop oeconome
pour perdre à cadencer un Vers le
tems précieux que sa docte plume employoit
plus à propos à coucher par écrit
les pensées sublimes qu'un génie fécond
lui suggeroit à tout moment , et si tous
les hommes se le proposoient en cela pour
modele , nous aurions un plus grand nombre
de bons Orateurs et moins de mauvais
Poëtes . La Poësie a d'ailleurs un fort triste
inconvenient , et les magnifiques morceaux
que vous citez n'y apportent aucun
remede ; la mesure d'un Vers qu'il faut
remplir ou qu'il ne faut pas exceder fait
toujours beaucoup perdre à une pensée ou
de sa force ou de sa beauté. Qu'il me soit
permis de vous retorquer ici M. Des
preaux , dont l'autorité cimente mon opinion
; l'excellente Traduction du Rheteur
Longin que nous avons de lui, fait bien
voir le cas qu'il faisoit de l'Eloquence , et
la Satire qu'il adresse à Moliere ne peint
pas avantageusement la Poësie , c'est un
caprice , c'est un Démon qui l'inspire
c'est un feu qui se rallume chez lui , c'est
un torrent qui l'entraîne c'est une de→
mangeaison qui se trouve dans son sang ;
nascuntur Poëta ; et cet excellent Poëte se
récrie
476 MERCURE DE FRANCE.
récrié ainsi dans le fort d'un enthousias
me qui met son esprit à la torture.
Maudit soit le premier dont la verve insensée
Dans les bornes d'un Vers renferma sa pensée,
Et donnant à ses mots une étroite prison
Voulut avec la rime enchaîner la raison.
›
Votre comparaison des Orateurs avec
les Fantassins , et des Poëtes avec les Cavaliers
me réjouit beaucoup , et je com-.
mence à comprendre comment la Prose
n'oblige pas à tant de frais que la Poësie ,
puisque chaque Cavalier doit avoir son
Pegaze , et ce qui m'en plaît davantage
c'est que l'Infanterie est un Corps d'un
plus grand service que la Cavalerie .
De tous les sujets dont vous faites l'énumération
, il n'en est aucun qui ne s'accommodât
aussi bien d'une Prose élegante
que d'une narration Poëtique , et quoique
Moïse , Isaye et David ayent eu quelquefois
recours à la Poësie pour chanter les
loüanges de Dieu , vous ne devez pas bor
ner là toute leur gloire; car ils m'assurent
que lorsqu'il s'agissoit de faire des conquêtes
au Seigneur , ou de contenir les
Peuples qui leur étoient confiés dans le
devoir , ils parloient un tout autre langa
ge- que celui des Muses. Il n'est pas non
plus étonnant que les Héros ayent été flas
τές
MARS. 1731. 477
•
tés de l'espoir de l'immortalité que promet
la Poësie , l'Eloquence n'ayant pas
moins contribué que la valeur à leur Héroïsme
; il n'est , dis -je, pas étonnant que
les Orateurs ayent crû mériter que des
Poëtes employassent leur suffisance et
leurs veilles à les louer dignement.
Plutarque aura de la peine à nous prouver
que les premiers hommes étoient tous
Poëtes , et que l'Histoire même étoit écrite
en Vers. Il ne nous reste aucuns Ouvrages
de ces tèms fabuleux , et le Déluge
universel qui n'épargna rien n'a , ce semble
, respecté Noé et sa famille que parcequ'ils
n'étoient pas Poëtes ; car depuis
eux nous ne voyons plus l'Historien emprunter
le langage des Dieux , et l'Histoire
n'est belle qu'autant qu'elle est
vraye et qu'elle est sincere.
Le Poëme Epique est veritablement le
chef-d'oeuvre de l'esprit humain ; mais
cela ne doit s'entendre que de la Posie ;
car l'Eloquence qui est beaucoup au - dessus
de la Poësie étant aussi du ressort de
l'esprit humain , les chefs-d'oeuvre de
P'Orateur surpassent toujours ceux des
Poëtes. La Poësie elle - même n'est jamais
employée avec plus d'éclat et de succès que
lorsqu'elle est soutenue par l'Eloquence. Y a
t'il , en effet , quelques genres de discours
dont Homere n'ait pris soin de décorer
ses.
478 MERCURE DE FRANCE
ses Poëmes , c'est chez lui qu'on aprend
à estimer les grands Orateurs ; cet illustre
Poëte ne croiroit point la gloire de
ses Héros complette , s'ils ne joignoient'
une éloquence mâle à un courage intrépide
; ce n'est qu'en imitant leurs Harangues
qu'il s'est acquis de la gloire. Pour
se convaincre de ces verités , il suffit de
jetter les yeux sur ses Ouvrages , et l'on
conviendra sans peine que les Orateurs
sont au-dessus des plus grands Poëtes ;
Il fait parler Ulisse , Phenix et Ajax avec
beaucoup de grace , il peint l'art admirable
que le Prince d'Itaque employe à
toucher un homme dur et intraitable
les differentes routes qu'il prend en un
moment pour aller jusqu'au coeur d'Achile
, les differens Rôles qu'il jouë pour
le préparer à ce qu'il veut lui dire , pour´
l'émouvoir , le déterminer enfin et l'entraîner
dans son sentiment ; j'avoue cependant
que le nombre , la cadence et la
mesure qui sont l'attirail ordinaire des
Poëtes , font perdre aur Discours d'Ulisse
beaucoup de sa force et de son énergie ,
et que ces trois illustres personnages qui
étoient députés vers Achille pour l'engager
à reprendre les armes , au lieu de le
toucher et de le convaincre , n'auroient
fait tout au plus que l'émouvoir ou le
réjouir avec un discours revêtu des expressions
MAR. S. 173T.
479%
sions Poëtiques. Quoiqu'il en soit , je veux
croire que la lecture des Poëtes est un
acheminement à l'Eloquence , sur cout
lorsqu'on s'attache à demasquer leurs Ouvrages
et à distinguer l'hyperbole Poërique
d'avec le vrai sublime ; c'est là l'unique
moyen de s'endoctriner avec la Poë--
sie , en lui faisant beaucoup gagner ; l'on
peut même dire que le clinquant des
Poëtes devient un or pur dans les mains
d'un Rhéteur habile..
La suite pour un autre Mercure
la gloire des Orateurs et des Poëtes , inserée
dans le Mercure de Novembre 1730.
MONSIE ONSIEUR ,
Quoique vous preniez plaisir à scandaliser
le Public , en hazardant une décision
injuste sur ce qui fait , à peine , la
matiere d'une question , on vous sçait cependant
bon gré de faire marcher les
Orateurs avant les Poëtes à la tête de votre
Lettre , et si vous leur donniez toujours
le pas , elle seroit , ce semble , intitulée
avec plus de raison , sur la gloire des
Orateurs &c. Mais vous vous efforcez de
dégrader
l'Eloquence
par un parallele captieux
qui la représentant
avec ses moindres
attraits , la raproche
d'un enthou ~
siasme dont l'excellence
exagerée se trou-
CV ve
1
470 MERCURE DE FRANCE
ve soutenue des exemples les plus spe
cieux . C'est pourquoi , la seule question
qui se présente aujourd'hui consiste
sçavoir si vous avez atteint à votre but
et je ne crois pas que la décision en soit
difficile.
Pour juger d'abord sainement , il nesuffit
point d'examiner quel est celui des
deux genres , du Discours ou de la Poësie ,
qui demande le plus de talens pour y exceller
? car les plus excellens Poëtes sont
moins redevables de leur mérite à l'art
qu'à la nature , encore en est-il peu du
nombre de ceux dont on peut dire nascuntur
Poeta : nous ne pouvons , au-contraire
, parvenir à la gloire des Orateurs
qu'aprés bien des veilles et bien des travaux:
fiunt Oratores. Il s'agit encore moins
d'examiner quel est le plus utile et le plus
agréable du Discours ou de la Poësie ;
celle- ci peut s'arroger tout au plus l'agréable
, son utilité ne consistant que
dans le plaisir qu'elle donne au Lecteur ;
celui - là , non content de nous plaire ,
nous instruit , nous touche , nous persuade
, et conséquemment tient à des- `
honneur la parité d'objets qu'on lui
donne mal à propos avec la Poësie.
Oiii , Monsieur , la nature semble contribuer
toute seule à la gloire des Poëtes
une naissance heureuse pour la versifica
tion,
MARS. 1731. 471
tion , c'est à quoi peuvent se réduire les
talens des plus illustres , et ils n'ont rien
en cela que de commun avec l'Orateur
qui ne peut être parfait sans avoir des
dispositions naturelles ·la
pour prononciation
, au moins on conviendra que s'il
lui faut pour paroître en Public avec plus
de décence , une voix claire et distincte
et un visage qui n'ait rien de rebutant ;
ce n'est
pas l'Arr qui lui donne ces qualités
; c'est aussi où se termine tout le
parallele qu'on peut faire des Poëtes avec
les Orateurs. L'Eloquence exige bien.
d'autres talens que ceux de la prononciation
, puisqu'elle consiste encore , selon
vous , dans l'invention , la disposition
, l'élocution et la mémoire , que je
ne détaillerai point , il me suffit de vous
dire avec l'Auteur des Refléxions sur l'Eloquence
, qu'outré le naturel , il faut.
encore pour être éloquent beaucoup d'élevation
, un grand feu et une solidité
naturelle d'esprit , qui doit être perfecrionnée
par l'usage du monde , et par une
connoissance profonde des lettres , qu'il
faut aussi une grande étendue de mémoire
et d'imagination , une compréhension
aisée , beaucoup de capacité et d'application
, et que dans cet attachement
au travail et cette assiduité au Cabinet, qui
sont necessaires pour se remplir des connoissances
Cvj
472 MERCURE DE FRANCE
noissances propres à l'Eloquence , il est
bon de puiser dans les sources , d'étudier
à fond les Anciens , principalement ceux
qui sont originaux . Multo labore , assiduo
studio , varia exercitatione , pluribus experimentis
, altissimâ prudentia , potentissimo
consilio constat ars dicendi. * Enfin un enthousiasme
heureux , un beau vertige song
tout le mérite des Poëtes , sic insanire decorum
est. Un Discours Oratoire assujettie
à bien des regles , le bon sens , la prudence
et la sagesse en doivent être le mo
bile , et c'est là ce qu'on peut appeller
des beautés presque toujours inconnuës
aux Poëtes , Eloquentia fundamentum sapientia.
Tout cela n'est encore qu'une foible
ébauche des dispositions requises pour
parvenir à la gloire des Orateurs , et je
ne finirois jamais si j'entrois dans un plus
grand détail ; mais il s'agit de parcourir
votre Lettre .
•
Vous faites d'abord parade des qualités
dont on doit revêtir un Poëme Epique ,
et des beautés qui s'y rencontrent , lorsqu'il
en est revêtu ; si de mon côté je décrivois
ici les regles qu'on doit observer
pour mettre en oeuvre la moindre figure
de Rhétorique , sa beauté , son énergie ,
Fab, L. 2. C. 13.
MARS. 1731. 473
sa force , lorsqu'elle est bien maniée , je
me flatte que cette description ne donneroit
pas moins de relief à ma Lettreque
la peinture du Poëme Epique en donne
à la votre ; mais c'est à quoi je ne m'at
tacherai pas.
Tout ce qui me chagrine , c'est qu'en
parant les Poëtes de tous les talens qui ac
compagnent d'ordinaire l'Eloquence
vous osiez avancer qu'ils les possedent
dans un dégré plus éminent que les Ora
teurs ; car ce prétendu dégré de perfection
ne nous annonce rien autre chose
qu'un enthousiasme , un transport , que Ci
ceron a bien voulu diviniser en faveur
de ceux qui se mêlent de faire des Vers ;
en un mot , un vertige qui renverse l'ordre
de la nature , qui déïfie les plus grands
scelerats ,, qui personifie les choses les
plus idéales , qui change tout enfin , et le
change en faux.
Ce n'eft plus la vapeur qui produit le tonnerré
C'eft Jupiter armé pour effrayer la terre &c.
En verité , Monsieur , je trouve Ciceron
fort à plaindre ; vous vous inscrivez
en faux contre ses Vers , et votre moyen
a Cic. de Orat.
Despr. Art, Poët. Chant fo
est
474 MERCURE DE FRANCE
est fondé sur le deffaut de son imagina→
tion ; vous dépouillez le plus éloquent
des hommes du talent le plus essentiel à
l'Eloquence , et vous refusez une imagi
nation féconde à l'Orateur , dont les discours
sont remplis des plus vives images ;
si vous n'épousiez pas des interêrs Poëtiques
, j'aurois de la peine à vous pardonner
de si grands écarts..
Ignorez- vous qu'un grand Orateur dont
la vraye éloquence n'avoit rien que de
réél , et consistoit à dire les choses comme
elles étoient , qui né dans le sein du Pa
ganisme et de l'idolâtrie avoit néanmoins
sçû préserver son esprit de la contagion ,
et en instruire tout l'Univers par ses Trai
tés admirables de la Nature des Dieux et
de l'immortalité de l'ame , que Ciceron ,
dis-je , ne pouvoit pas astreindre ce mê
me esprit à des fictions ridicules ? il n'étoit
susceptible d'aucuns délires , et sauf
le respect que je dois à Homere , voici
comme s'explique le P. Gautruche : * Les
Grecs inventerent la plupart de ces folies et
de ces superstitions , qui étoient aussi le plus
ordinaire sujet de leurs Foësies , et ensuite
les répandirent par toutes les autres Nations.
Nos Poëtes modernes qui suivant ce
principe n'ont pas le mérite de l'inven-
Hist. Poët. Avantpropos , page 60
tion
MARS. 1731. 475
tion sont réduits à bien peu de choses.
J'avoue qu'il ne faut pas moins d'imagi
nation pour la Poësie que pour l'Eloquence
; mais Ciceron en étoit trop oeconome
pour perdre à cadencer un Vers le
tems précieux que sa docte plume employoit
plus à propos à coucher par écrit
les pensées sublimes qu'un génie fécond
lui suggeroit à tout moment , et si tous
les hommes se le proposoient en cela pour
modele , nous aurions un plus grand nombre
de bons Orateurs et moins de mauvais
Poëtes . La Poësie a d'ailleurs un fort triste
inconvenient , et les magnifiques morceaux
que vous citez n'y apportent aucun
remede ; la mesure d'un Vers qu'il faut
remplir ou qu'il ne faut pas exceder fait
toujours beaucoup perdre à une pensée ou
de sa force ou de sa beauté. Qu'il me soit
permis de vous retorquer ici M. Des
preaux , dont l'autorité cimente mon opinion
; l'excellente Traduction du Rheteur
Longin que nous avons de lui, fait bien
voir le cas qu'il faisoit de l'Eloquence , et
la Satire qu'il adresse à Moliere ne peint
pas avantageusement la Poësie , c'est un
caprice , c'est un Démon qui l'inspire
c'est un feu qui se rallume chez lui , c'est
un torrent qui l'entraîne c'est une de→
mangeaison qui se trouve dans son sang ;
nascuntur Poëta ; et cet excellent Poëte se
récrie
476 MERCURE DE FRANCE.
récrié ainsi dans le fort d'un enthousias
me qui met son esprit à la torture.
Maudit soit le premier dont la verve insensée
Dans les bornes d'un Vers renferma sa pensée,
Et donnant à ses mots une étroite prison
Voulut avec la rime enchaîner la raison.
›
Votre comparaison des Orateurs avec
les Fantassins , et des Poëtes avec les Cavaliers
me réjouit beaucoup , et je com-.
mence à comprendre comment la Prose
n'oblige pas à tant de frais que la Poësie ,
puisque chaque Cavalier doit avoir son
Pegaze , et ce qui m'en plaît davantage
c'est que l'Infanterie est un Corps d'un
plus grand service que la Cavalerie .
De tous les sujets dont vous faites l'énumération
, il n'en est aucun qui ne s'accommodât
aussi bien d'une Prose élegante
que d'une narration Poëtique , et quoique
Moïse , Isaye et David ayent eu quelquefois
recours à la Poësie pour chanter les
loüanges de Dieu , vous ne devez pas bor
ner là toute leur gloire; car ils m'assurent
que lorsqu'il s'agissoit de faire des conquêtes
au Seigneur , ou de contenir les
Peuples qui leur étoient confiés dans le
devoir , ils parloient un tout autre langa
ge- que celui des Muses. Il n'est pas non
plus étonnant que les Héros ayent été flas
τές
MARS. 1731. 477
•
tés de l'espoir de l'immortalité que promet
la Poësie , l'Eloquence n'ayant pas
moins contribué que la valeur à leur Héroïsme
; il n'est , dis -je, pas étonnant que
les Orateurs ayent crû mériter que des
Poëtes employassent leur suffisance et
leurs veilles à les louer dignement.
Plutarque aura de la peine à nous prouver
que les premiers hommes étoient tous
Poëtes , et que l'Histoire même étoit écrite
en Vers. Il ne nous reste aucuns Ouvrages
de ces tèms fabuleux , et le Déluge
universel qui n'épargna rien n'a , ce semble
, respecté Noé et sa famille que parcequ'ils
n'étoient pas Poëtes ; car depuis
eux nous ne voyons plus l'Historien emprunter
le langage des Dieux , et l'Histoire
n'est belle qu'autant qu'elle est
vraye et qu'elle est sincere.
Le Poëme Epique est veritablement le
chef-d'oeuvre de l'esprit humain ; mais
cela ne doit s'entendre que de la Posie ;
car l'Eloquence qui est beaucoup au - dessus
de la Poësie étant aussi du ressort de
l'esprit humain , les chefs-d'oeuvre de
P'Orateur surpassent toujours ceux des
Poëtes. La Poësie elle - même n'est jamais
employée avec plus d'éclat et de succès que
lorsqu'elle est soutenue par l'Eloquence. Y a
t'il , en effet , quelques genres de discours
dont Homere n'ait pris soin de décorer
ses.
478 MERCURE DE FRANCE
ses Poëmes , c'est chez lui qu'on aprend
à estimer les grands Orateurs ; cet illustre
Poëte ne croiroit point la gloire de
ses Héros complette , s'ils ne joignoient'
une éloquence mâle à un courage intrépide
; ce n'est qu'en imitant leurs Harangues
qu'il s'est acquis de la gloire. Pour
se convaincre de ces verités , il suffit de
jetter les yeux sur ses Ouvrages , et l'on
conviendra sans peine que les Orateurs
sont au-dessus des plus grands Poëtes ;
Il fait parler Ulisse , Phenix et Ajax avec
beaucoup de grace , il peint l'art admirable
que le Prince d'Itaque employe à
toucher un homme dur et intraitable
les differentes routes qu'il prend en un
moment pour aller jusqu'au coeur d'Achile
, les differens Rôles qu'il jouë pour
le préparer à ce qu'il veut lui dire , pour´
l'émouvoir , le déterminer enfin et l'entraîner
dans son sentiment ; j'avoue cependant
que le nombre , la cadence et la
mesure qui sont l'attirail ordinaire des
Poëtes , font perdre aur Discours d'Ulisse
beaucoup de sa force et de son énergie ,
et que ces trois illustres personnages qui
étoient députés vers Achille pour l'engager
à reprendre les armes , au lieu de le
toucher et de le convaincre , n'auroient
fait tout au plus que l'émouvoir ou le
réjouir avec un discours revêtu des expressions
MAR. S. 173T.
479%
sions Poëtiques. Quoiqu'il en soit , je veux
croire que la lecture des Poëtes est un
acheminement à l'Eloquence , sur cout
lorsqu'on s'attache à demasquer leurs Ouvrages
et à distinguer l'hyperbole Poërique
d'avec le vrai sublime ; c'est là l'unique
moyen de s'endoctriner avec la Poë--
sie , en lui faisant beaucoup gagner ; l'on
peut même dire que le clinquant des
Poëtes devient un or pur dans les mains
d'un Rhéteur habile..
La suite pour un autre Mercure
Fermer
Résumé : RÉPONSE à la Lettre anonime sur la gloire des Orateurs et des Poëtes, inserée dans le Mercure de Novembre 1730.
Le texte est une réponse à une lettre anonyme publiée dans le Mercure de novembre 1730, qui discutait de la gloire des orateurs et des poètes. L'auteur de la réponse critique l'idée que les poètes soient supérieurs aux orateurs. Il argue que l'éloquence, nécessaire aux orateurs, demande plus de talents et de travail que la poésie. Les poètes bénéficient souvent de dispositions naturelles, tandis que les orateurs doivent acquérir leurs compétences par des efforts soutenus. L'éloquence exige l'invention, la disposition, l'élocution, la mémoire, ainsi qu'une compréhension profonde des lettres et une grande étendue de mémoire et d'imagination. L'auteur souligne également que l'éloquence est utile et instructive, contrairement à la poésie qui se limite au plaisir du lecteur. Il critique l'idée que les poètes possèdent des talents d'éloquence de manière plus éminente, affirmant que l'enthousiasme poétique peut souvent mener à des excès et des fictions ridicules. L'auteur conclut en affirmant que les chefs-d'œuvre des orateurs surpassent ceux des poètes et que la poésie est plus efficace lorsqu'elle est soutenue par l'éloquence.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
36
p. 536-553
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Début :
Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union ; prononcé [...]
Mots clefs :
Lyon, Union, Discours, Prévôt, Concorde, Discorde, Magistrats, Justice, Société, Gouverneur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
DISCOURS sur les avantages et la né
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
*
au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
cessité de l'Union ; prononcé dans l'Hôtel
de Ville de Lyon , le 21 Decembre 1730.
jour de S. Thomas , la premiere année de
la Prevoté de M. Camille Perrichon , par
Me A. G. Boucher d'Argis , Avocat au
Parlement. A Lyon , chez André Laurent,
Imprimeur de M. le Duc de Villeroy & de
ta Ville , rue Raifin , à la Vérité , 1731 .
in 4.
Tous les ans , le 21 Decembre , il se
fait à Lyon , dans l'Hôtel de Ville , un
Discours public , où assistent en ceremonie
l'Archevêque , le Gouverneur de
la Ville , le Lieutenant de Roy , l'Intendant
, les Comtes de Lyon , la Cour des
Monnoyes , le Bureau des Finances , l'Election
, le Prevôt des Marchans et les
Echevins , les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Ce Discours qui roule sur tel sujet qu'il
plaît à l'Orateur de choisir , se termine
par des complimens addressez à chacune
des et à chacune des Compapersonnes
gnies que nous venons de nommer ,
il est précédé d'un Discours au Roy ,
et à present d'un autre à la Reine , et
d'un troisiéme au Dauphin.
६
M. Boucher d'Argis , Avccat au Parlement
de Paris , déja connu par quelques
Plaidoyers qui ont été goutez , fut
choisi
MAR S. 1731. 537
choisi pour faire le Discours du mois de
Decembre dernier , qui est celui dont
nous allons rendre compte.
L'Orateur y prend pour texte ces mots
de Salluste, dans son histoire de la guerre
des Romains contre Jugurtha.
› Concordia parve res crescunt . discordia
maxime dilabuntur. Et après avoir apos
trophé le Roy , la Reine , et Monseigneur
le Dauphin , dont les Portraits étoient
présens ; il apostrophe tout de suite M. le
Duc de Villeroy , Gouverneur de Lyons
M. le Duc de Retz , Lieutenant de Roy ;
M. Pouletier , Intendant ; Messieurs les
Comtes de Lyon , la Cour des Monnoyes ,
le Bureau des Finances,l'Election , M.Perrichon
, Prevôt des Marchands , Mess . les
Echevins , actuellement en charge , et
enfin Mrs les anciens Prevôts des Marchands
et Echevins.
Nous n'avons point nommé M. l'Archevêque
, parce que sa maladie ne lui
permit pas d'être présent.
Quoique le Discours soit françois , les
Apostrophes sont en latin , comme c'ess
Fusage : Les voici.
Rex Christianissime ,
Regina Christianissima.
Serenissime Delphine.
'Summe Provinciæ moderator,
1
Fiij Digni
538 MERCURE DE FRANCE
Dignissime Pro -Rex.
Amplissime Dicoearcha.
Nobilissimi Lugduni Comites.
Præses et Senatores integerrimi.
Præses et Regii Questores ornatissimi,
Tributorum Descriptores sapientissimi,
Clarissime Mercatorum Præses , nec non civitas
tis Præfecte .
Lectissimi ac Providentissimi Consules.
Viri de Patriâ quàm optime meriti.
Caterique Auditores omnium Ordinum commendatissimi.
c'est
Après ces saluts , M. Boucher d'Argis
commence son Discours, où il se propose
de montrer le prix inestimable de l'Union
. Son début est que de tous les avantages
qui contribuent à la splendeur d'un
Etat et au bonheur des Peuples , il n'en
est point de comparable à l'Union , que
par elle
que la fortune des particu
liers s'accroît et se conserve , que les
forces d'un Etat s'augmentent et se perpetuent
, que se forme cette Puissance qui
fait redouter un Empire à tous les autres
Peuples , et les force à le respecter ; que
sans l'Union,toute Société , quelque puissante
qu'elle paroisse à nos yeux , éprouve
bien-tôt que toute cette force apparente
n'étoit qu'une veritable foiblesse , enfin
que
MARS. 1731. $39
que sans l'Union l'on ne peut s'attendre
de voir subsister ni les Coutumes les
mieux établies , ni les Empires les plus
florissans.
,
Pour faire sentir la vérité de ces maximes
M. d'Argis demande quel autre
motif que celui des secours qu'on doit
attendre de l'Union , a engagé les hom
mes dans les siècles les plus reculez à for--
mer entr'eux ces Sociétez , que le temps
et l'experience n'ont pas encore cessé de
perfectionner. N'est- ce pas , dit-il , ce qui
Les a obligez de s'assembler , de bâtir des
Villes , de se faire des Loix pour y amener
FOrdre et la Justice parmi eux. L'Homme,,
continuë- t- il , ce chef- d'oeuvre de la naș
ture , si parfait , si achevé , et que ses prox
pres perfections rendent incompréhensible à
Ini-même; cet être , dont l'intelligence s'étend
·au-delà des bornes de l'Univers ; le croiroiton
, Messieurs , ne peut cependant se suffire
à lui-même il ne sçauroit fournir à tous ses
differens besoins , le secours de ses semblables:
lui est nécessaire ; je ne dis
pas
seulement
pour soutenir la foiblesse de l'enfance , mais
pour suppléer dans tous les âges , aux défauts
qui sont inséparables de sa nature ; ainsi l'a
ordonné le Créateur. Est-ce pour humilier
Homme et lui faire sentir qu'il n'est pas
encore tout àfait hors du neant ? N'est- cepas
plutôt pour lier ensemble les hommes par des
Fij noeuds
$40 MERCURE DE FRANCE.
noeuds d'autant plus indissolubles qu'un inferêt
commun les forme et les serre ? On peut
donc dire de l'Union , qu'elle est aussi nécessaire
qu'avantageuse , puisqu'elle est le
principe et la source de la grandeur d'un
Etat et de la félicité des Peuples .
M.d'Argis prévoit icy l'erreur où pourroit
conduire le mot équivoque d'Union,
et comme rien n'est plus important dans
un point de la conséquence de celui - cy
que de bien définir un terme essentiel sur
lequel roule tout ce qu'on avance , l'Orateur
a soin d'en éloigner jusqu'à la
moindre ambiguité. A
Mais quelle est , dit- il , cette Union désirable
qui peut seule procurer de si grands
avantages ? Ce n'est pas seulement une Sosiété
formée au hazard entre plusieurs hommes
qui se rassembleroient en un même lien
pour réunir leurs forces , leurs talens , leur
industrie, et se préter un secours mutuel.L’Vnion
dans ce point de vûë , ne laisseroit pas
de leur être utile et même nécessaire , mais
elle seroit encore imparfaite ce ne seroit
qu'une assemblée formée par l'interêt à laquelle
souvent le coeur n'auroit point de
part. Ceux qui seroient ainsi rassen.ble ,.
pourroient être divisez interieurement. Ils ne
seroient même que plus à plaindre d'être
réunis dans un même lieu , s'ils n'étoient
encore plus unis de coeur et d'affection.
A
MARS. 1731.
541
A ces trairs l'Auteur en ajoute d'autres
qui ne permettent pas de se méprendre
sur la véritable Union dont il parle .
•
La concorde , dit- il , qui doit nécessairement
procurer la gloire de l'Etat et la félicité
des Peuples , n'est autre chose qu'une société
formée par des liaisons de bienveillance
contractée entre un Peuple entier , qui semble
être convenu de ne composer qu'une simple
famille sous un même Chef: Cette société
est fondée sur les Loix qui reglent les devoirs
de chaque membre de cette famille . L
zele et l'application qu'ils ont à s'acquitter
chacun des fonctions qui leur ont été destinées
, l'attention qu'ils ont de ne point se
troubler les uns les autres , forment cett ?
union parfaite qui procure des avantages
considérables à la société , qu'elle se voit en
état de résister à tous ceux qui voudroient
La détruire. Chaque Membre de cette Société
voit augmenter chaque jour sa fortune et
fouit en paix du fruit de ses travaux et de
son industrie.
si
Après cette explication , M. d'Argis expose
ce que c'est qu'un Etat . Il remarque
que c'est un Corps , et que les Citoyens
en sont les membres ; que le rapport mutuel
que ces Citoyens ont entr'eux,donne
à ce Corps l'ame et la vie , et forme un
composé merveilleux qui ne peut subsiter,
ni conserver son être sans cette heu
F v reuse
$42 MERCURE DE FRANCE
reuse harmonie que l'on admire dans l'U
nivers et dans toutes les Parties qui le
composent.
Il appuye de l'expérience sa réfléxion.
11 demande si l'on n'éprouve pas tous les
jours dans l'éxécution des projets , même
les plus ordinaires , l'avantage et la nécessité
de se réünir plusieurs pour y
réüssir ; il fait observer que souvent un
seul se rebuteroit, et que deux s'animent ;
que l'un a le conseil et l'autre l'exécu
tion ; l'un la force et l'autre l'adresse ;
le se- les talens sont partagez et que que
Cours mutuel vient about de tout, ensorte
que l'Union conduit au succès des entreprises
les plus difficiles.
Nous passons quelques autres refléxions
pour venir à la peinture que M. Boucher
d'Argis, qui ne perd jamais de vûë
son objet , trouve occasion de faire du
bonheur complet d'un Etat. Peinture ,
dont les traits bien considerez , offrent
d'utiles leçons .
Le bonheur de l'Etat , dit-il , est parfait
Lorsque chaque Citoyen se renferme dans de
justes bornes , s'applique uniquement à remplir
ses devoirs , et ne contrevient point aux
Loix qui sont le fondement de la société civile
; car cette douce paix que la concorde
procure aux Peuples , est le fruit de lajus→
tice et l'ouvrage de ceux qui en sont les dér
posiMARS.
1731. 543
›
positaires ; c'est la justice qui apporte par
tout cet ordre , et cette simetrie politique qui
unit les personnes de différentes conditions
les différens corps , les differens états ; c'est
elle qui entretient cette liaison si utile et si
nécessaire entre les différentes nations , c'est
elle qui concilie par la modération l'inégalité
des humeurs et des esprits , et qui entretient
chacun dans son rang et ses droits , c'est
elle qui établit la subordination ; enfin qui
réprime la licence et le désordre enprotegeant
l'innocence et soutenant la vérité.
L'Orateur ajoute que les troubles , les
dissentions , qui interrompent quelquefois
la tranquillité d'un Etat , ou des par
ticuliers , ne viennent que des excès que
la Justice n'a point réprimez ; après quoi
il conclud que ce sont donc les Loix qui
forment et qui entretiennent cette Union
si avantageuse et si nécessaire pour la
gloire et le bonheur des Peuples , que pat
conséquent il est de l'attention des Magis
trats qui sont chargez du soin de faire
exécuter ces Loix , qu'on doit attendre la
conservation d'un bien si précieux, puis
que ce sont eux qui par leur autorité, et
plus encore par leur prudence , doivent
entretenir dans un Etat cet accord , cette
harmonie , cette subordination si désirables
, sans quoi les peuples ne peuvent
être sensibles aux autres biens..
Fvj Telle
་ ་
t
544 MERCURE DE FRANCE
Telle est l'idée que M. Boucher d'Argis
veut qu'on se fasse de la concorde et
de l'Union qui doit regner entre les differens
Peuples d'un même Etat. Tels sont
les fondemens qu'il pose de leur grandeu
er de leur félicité ? Il en appelle icy aux
exemples que fournit là- dessus l'Histoire.
Il veut que l'on jette les yeux sur les
Empires les plus florissans , qu'on les
considere dans leur origine , qu'on les
suive dans leurs différens progrès jusqu'au
dégré de Puissance et de Grandeur où ils
sont parvenus , et il soutient qu'on n'en
découvrira pas un seul qui dans toutes les
occasions importantes ne se soit soutena
et ne se soit élevé par l'effet de l'Union.
Il cite sur ce point l'ancienne Rome
qui par la force de ses armes , soumit
presque toute la terre.
Ce n'étoit d'abord , dit-il , qu'une assemblée
de quelques Bergers & les Nations voisines
étoient puissantes et redoutables ; il paroissoit
difficile qu'une Ville naissante comme
celle- là , pût jamais s'élever au milieu de
tant de Peuples , jaloux de son établissement
; cependant malgré tous les avantages
que les Peuples de l'Italie avoient sur elle ;
P'Union des Romains la rendit plus puissan
te que cette multitude de Nations ennemis
qui l'environnoient de toutes parts. Unis
pour le bien de la Patrie , animez d'un même
zele
MARS. 1731. 545
zéle pour la gloire , ilsfurent toujours invincibles
, et la posterité de cette petite troupe
Bergers conquit tout l'Univers.A
de
Notre Orateur ne manque pas icy
l'occasion qui se présente de rapporter ce
que firent les Romains , pour marquer
combien ils s'estimoient redevables à la-
Concorde. Comme leur Empire , remarque-
t- il , devoit tous ses progrès à l'Union
, ils la regarderent comme un présent
du ciel , et s'en firent une Divinité
qu'ils adorerent sous le nom de la Concorde.
Camille voulut qu'on lui rendit
un culte solennel , et lui éleva un Temple
, où l'on faisoit des Sacrifices pour
la
coujurer de répandre dans tous les coeurs
des sentimens de paix et d'union.
Mais sans s'arrêter à des exemples
étrangers pour faire voir ce que peut
l'Union , M.d'Argis n'en veut point d'autres
que le bonheur dont la France joüit
depuis son origine. Bonheur , dit - il ,
qui n'a souffert d'alteration que dans ces
tems orageux où les furies , je veux dire , les
passions , je veux dire cette ambition qui
rompt les attachemens les plus naturels, vint
soufler dans tous les coeurs le trouble et la
discorde , et causer des désordres que
la sagesse
et la valeur de nos Rois ont tellement
fait évanouir , que nous ne les connoissons
plus que par l'Histoire.
Ainsi
146 MERCURE DE FRANCE
Ainsi la Concorde, continuë notre Orateur
, ( lequel fait toujours servir ses réfléxions
de preuve à son texte, et ne sçait
ce que s'est que de s'écarter à de vaines
digressions. ) Ainsi la Concorde qui avoit
uni pendant tant de siécles toutes les Villes
et toutes les Provinces dont est composé
cet Etat si vaste et si floritsant, cette
même Concorde les réunit encore aujourd'hui
et les lie entr'elles par des liens
d'autant plus parfaits , qu'elles ont mieux
reconnu par une fatale experience, les mal .
heurs qu'entraîne après soi la Discorde.
Ici M. d'Argis , par une de ces tran
sitions, où il y a quelquefois d'autant plus
d'art qu'il y en paroît moins , trouve
moyen , en se tenant toujours renfermé
dans son sujet , de passer à l'éloge de la
Ville de Lyon.
Quelbonheur pour cette Ville , s'écrie - t-il,
de n'avoirjamais éprouvé que les avantages
de l'Union, et qu'il lui est glorieux de s'êtra
toujours élevée par sa sagesse et sa constance ,
au- dessus des exemples pernicieux que lui
donnerent dans les malheureux temps , dont
nous venons de parler , la pluspart des Villes
du Royaume , et d'avoir ainsi surpassé la
Ville même à laquelle seule elle peut ceder le
rang dans l'Etat.
Tout ne paroît- il pas annoncer icy cette
Union désirable , et ne dirait- on pas que la
natura
MARS. 1731. $47
"
nature même y porte les habitans fortune
de cette Ville.
M. d'Argis en appelle là- dessus à la
seule situation de la Ville dont il parle..
- Deux Fleuves superbes et majestueux ,
dit-il , qui après avoir arrosé diverses contrées
, viennent mêler leurs eaux aux pieds
des murs de cette Ville , pour ne faire plus
qu'un Fleuve , malgré l'extrême difference de
leur cours ; ne semblent - ils pas nous appren
dre quel est l'heureux caractere et la disposi
tion naturelle de ceux qui en habitent les
bords.
Cette Ville , située au centre de l'Europe,
ne paroît-elle pas faite pour réunir les diffé
rens Peuples que son commerce florissant y
attire ?
Après ces réfléxions sur la situation
du lieu , l'Orateur entre dans le détail de
plusieurs circonstances glorieuses à la
Ville de Lyon.
·
Il remarque que les Romains distin
guerent toujours cette Ville de tout le
reste de leur domination , qu'ils firent
gloire de contribuer à sa grandeur , et
qu'en reconnoissance
des avantages que
son commerce leur procuroit , ils voulurent
qu'elle fût , pour ainsi dire , unieavec
Rome , et qu'elle fût reconnue pour
Colonie Romaine; que l'Empereur Clau
de qui y étoit né , le proposa lui-même
348 MERCURE DE FRANCE
*
*
au Sénat , et fit à cette occasion la Ha
rangue que cette Ville conserve encore ,
dans laquelle il representa de quelle importance
il étoit pour l'Empire , d'attacher
de plus en plus à la Patrie de tant
d'Illustres Sénateurs , une Alliée fidelle incapable
de manquer à ses engagemens.
Que le Sénat qui connoissoit les avantages
et la nécessité de l'Union , reçut avec
empressement la proposition de l'Empereur,
et fit gloire d'associer Lyon à Rome.
Que ce n'est pas seulement avec les
Peuples voisins que les habitans de cette
celebre Ville sçavent entretenir des liaisons
utiles à leur Commerce , mais que
le succès de ce Commerce dépend encore
bien plus de la bonne intelligence dans
laquelle ces mêmes Habitans vivent entre
eux , et sur tout de ces societez particulieres
qui font l'union des fonds er
des soins de plusieurs Négocians ; societez
qui rendent le Commerce de Lyon
plus considerable et en même tems plus
facile , par le secours mutuel que ceux
qui les composent se prétent en travail,
lant de concert au bien commun.
M.d'Argis n'oublie pas de mettre ici sous
les yeux la justice et l'équité qui président
à ce Commerce ; l'attention des Magistrats
à maintenir par tout le bon ordre ,
l'empressement des Citoyens à observer
les
MARS. 1731. 549
les Loix , leur attachement au Prince 1
qu'ils regardent comme le lien de leur
union , enfin les épreuves que dans les
situations les plus difficiles nos Rois ont
faites de cet inviolable attachement , et
sur lesquelles est fondée cette confiance
singuliere qui se repose de la garde d'u
ne Ville si importante , sur ses seuls Citoyens
, & c.
Tout ce qu'a dit jusqu'ici l'Orateur ;
aboutit à cette conclusion , qu'il n'est rien
de plus avantageux que l'union , et que
c'est elle qui contribuë le plus à la gran,
deur d'un Etat et au bonheur des Peuples.
Concordia parva res crescunt.
Reste à montrer les malheurs qu'entraîne
avec soi la funeste discorde , selon
ces autres paroles du Texte : Discordia
maxima dilabuntur. Et c'est ce que M.d'Argis
fait voir par plusieurs Refléxions et
par plusieurs exemples.
Il veut qu'on se représente d'abord un
Monstre conduit par la rage , les yeux enflammez
, le front couvert de sang , secoüant
dans ses mains de noirs flambeaux,
répandant en tous lieux les soupçons , la
frayeur , les allarmes , traînant après lui
la haîne et l'inhumanité .
Telle est , dit-il , et plus affreuse encore
la Discorde qui ravage un Etat ; on n'y
voit que fuaestes, ligues , qu'intrigues crimi
nelles
5 MERCURE DE FRANCE
nelles , qu'odieuses conspirations ; les Peu
ples , au lieu de réunir leurs forces contre les
ennemis de l'Etat , les tournent contre euxmêmes
et se détruisent. La gloire de l'Etat
s'obscurcit , et bientôt sa grandeur et sa puissance
s'évanoüissent ; mais le plus terrible
effet de la desunion ce sont les Guerres civiless:
ces Guerres qui font frémir la Nature , et qui
pourtant l'échauffent. On suit aveuglément
differens partis , l'unjuste , si l'on veut , l'autre
injuste ; mais ils sont également violens
également cruels ; l'un et l'autre cherche à
verser le sang qu'il devroit deffendre. Le
fils armé contre le pere , le frere contre le freres.
tous aspirent à une victoire dont ils devroient
rongir; le parti que la fortune aveugle favorise,
ne triomphe que sur les ruines de la
Patrie.
M. d'Argis représente ici combien legere
est souvent la cause de tant de maux;
et remontant à l'Histoire Romaine , ildemande
combien les démêlez de Marius:
et de Sylla , devenus une dissension publique
, ne couterent pas de sang à Rome,
tour-à-tour esclave de ces deux Tyrans
? Il remarque comme elle se livre ensuite
à l'ambition de César et de Pompée,
non pour deffendre sa liberté , mais pour
servir la jalousie de deux Rivaux , et
comme le Trophée que César éleve à
Pharsale , devient le tombeau de la liberté
>
· pu
MARS. 1731. $52
publique ; mais une observation essen
tielle qu'il fait à ce sujet , c'est que le
sort de l'Empire fût le même que celui
de la République ; il soutint toute sa
gloire , il conserva toute son étendue
tant qu'il n'eut qu'un Maître absolu
dont l'autorité réunissoit tant de Peuples.
Au lieu le que partage l'affoiblit , en
avilit la majesté , et le rendit la conquête
facile des Barbares qu'il avoit autrefois.
subjuguez .
L'Orateur descend ensuite à la Monar
chie Françoise ; mais c'est pour déclarer
qu'il ne peut se résoudre à parler des périls
où la discorde a mis autrefois cette
Monarchie , qu'à la verité la fidélité de
Lyon paroîtroit avec éclat ; mais que
cette Ville veut bien renoncer à la gloire
qui lui en reviendroit , pourvû qu'on lui
épargne un souvenir si douloureux.
Si des Etats l'on passe à l'interieur des
Familles ; quels maux n'y cause pas la discorde
? Cet article n'échappe pas à M.d'Argis
, il expose aux yeux les desordres qui
surviennent , lorsque l'union , si necessaire
entre ceux que la Nature unit déja par
les liens du sang , cesse de regler leurs dé
marches , et qu'une haine implacable formée
par l'intérêt ou par quelqu'autre pas+
sion aussi funeste , s'empare de leurs es
prits. Plus l'union , dit- il , et l'amitié sant
natu
352 MERCURE DE FRANCE
naturelles entre ces personnes , plus il semble
qu'il soit difficile de les reunir lorsqu'elles
sont malheureusement divisées. La déroute
se met alors dans les fortunes les mieux établies
, les Maisons les plus brillantes et les
plus illustres périssent on voit avec douleur
ceux qui sont particulierement nez pour
se prêter un secours mutuel, prendre plaisir à
se détruire réciproquement delà ces inimitiez
irréconciliables qui se perpetuent dans
et qui se soutiennent encore
sur les ruines même des Maisons qu'elles
ont renversées.
les Familles
--
,
- Notre Auteur , après une suite d'autres
Refléxions sur les malheurs qu'entraîne
la discorde , finit en ces termes :
: Mais ne nous arrêtons pas davantage à
ses objets odieux , écartons ces images funespes
, qui ne doivent servir qu'à nous apprendre
la necessité de l'union. Je n'ai pas
besoin de faire envisager à cette Ville ," les
malheurs de la desunion qu'elle ne connut
jamais. Elle est , au contraire , le modele
d'union le plus parfait qu'on puisse proposer
à toutes les Villes du Royaume . Enfaut- il
d'autre preuve que cette auguste Assemblée
où j'ai l'honneur de voir tant de grands hom
mes et tant de Corps illustres réunis , qui
concourent tous à entretenir l'union parfaite
qui regne dans cette Ville..
Au Discours de M.d'Argis en succedent
qua-
养
MAR S. 1731 .
553
quatorze autres du même Orateur, comme
nous l'avons marqué ; le premier au Roi ,
le second à la Reine , le troisiéme au Dau
phin , et les autres aux differentes personnes
et aux differentes Compagnies que
nous avons nommées au commencement.
Ces Discours ont tous rapport à l'union;
et quoique très - differens entr'eux par
leurs differens sujets , ausquels ils sont si
propres , qu'ils ne peuvent être appliquez
à d'autres , l'Auteur a pris soin de
les tourner de maniere , que nonobstant
cette difference essentielle et absolument
requise,ils se réunissent tous à representer
F'excellence de l'union , ce qui n'est pas
l'effet d'un Art médiocre . Il conviendroit
d'en citer ici quelques uns , mais l'étendue
de notre Extrait ne le comporte pas.
Fermer
Résumé : Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union, [titre d'après la table]
Le 21 décembre 1730, Me A. G. Boucher d'Argis, avocat au Parlement de Paris, prononça un discours à Lyon sur l'importance de l'union. Cet événement annuel se déroulait à l'Hôtel de Ville de Lyon en présence de diverses autorités, dont l'archevêque, le gouverneur, le lieutenant du roi, l'intendant, les comtes de Lyon, et d'autres dignitaires. Le discours, intitulé 'Discours sur les avantages et la nécessité de l'Union', s'inspirait d'une citation de Salluste : 'Concordia parve res crescunt. discordia maxime dilabuntur.' Boucher d'Argis souligna que l'union est essentielle pour la grandeur d'un État et le bonheur des peuples. Il expliqua que l'union permet l'accroissement et la conservation de la fortune des individus, ainsi que l'augmentation et la pérennité des forces d'un État. Sans union, même les sociétés les plus puissantes risquent de s'effondrer. L'orateur définissait l'union non seulement comme une association d'intérêts, mais aussi comme une société fondée sur la bienveillance et les lois, où chaque membre contribue à la prospérité commune. Il illustra son propos par des exemples historiques, notamment l'ascension de Rome grâce à l'union de ses citoyens. Boucher d'Argis conclut en affirmant que les lois et les magistrats sont cruciaux pour maintenir cette union et assurer la paix et la justice dans l'État. Il cita également l'exemple de la France, dont le bonheur et la stabilité étaient attribués à la concorde entre ses provinces et villes. Le discours loua Lyon pour avoir toujours bénéficié des avantages de l'union et pour avoir su se maintenir au-dessus des exemples pernicieux donnés par d'autres villes du royaume. La situation géographique de Lyon, au centre de l'Europe et traversée par deux fleuves majestueux, symbolise l'union et la disposition naturelle de ses habitants à l'harmonie. L'orateur rappela que les Romains avaient distingué Lyon et l'avaient associée à Rome en raison de son importance commerciale et stratégique. Il insista sur la nécessité de l'union pour le succès du commerce lyonnais, qui repose sur la bonne intelligence entre les habitants et les sociétés de négociants. Boucher d'Argis décrivit ensuite les ravages de la discorde, qu'il compara à un monstre semant la haine et l'inhumanité. Il illustra ses propos par des exemples historiques, comme les guerres civiles romaines et les divisions au sein de la monarchie française. Il conclut en soulignant que Lyon, modèle d'union parfaite, doit continuer à promouvoir cette valeur essentielle pour éviter les malheurs de la désunion.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
37
p. 657-664
SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Début :
L'Éloquence de la Chaire et du Barreau sont d'une si grande utilité, [...]
Mots clefs :
Éloquence, Poètes, Orateurs, Chaire, Discours, Racine, Christianisme
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
SUITE de la Réponse à la Lettre sur
la gloire des Orateurs et des Poëtes.
L'Eloquence
de la Chaire et du Bary
reau sont d'une si grande utilité
qu'on a une obligation infinie à ceux qui
veulent bien y employer leurs talens ; il
n'en est pas de même des Poëtes , et
quelque préference que vous vous effor-
Bv
ciez
658 MERCURE DE FRANCE.
ciez de donner à Racine sur M. Flechier,
dans l'endroit où ils peignent tous les
deux la puissance du souverain Maître
de l'Univers , je crois que le Discours a
plus fructifié que le Poëme , et si l'un
paroît plus élevé que l'autre , c'est que
les pensées ne sont pas précisement les
mêmes , et que la Chaire de verité qui ne
souffre rien d'enflé , rien d'empoulé , rien
d'allambiqué , ne permettoit pas au sçavant
Evêque de Nîmes , de donner dans
le Phebus ; d'ailleurs on conviendra que
ces images monstrueuses d'un Dieu , tendent
plus à surprendre , qu'à émouvoir
à frapper l'esprit , qu'à toucher le coeur
et à effrayer l'Auditoire , qu'à le convaincre
de la Puissance divine.
Pour fasciner les yeux du Lecteur , vous
analisez les chefs- d'oeuvres des plus grands
Maîtres de la Poësie , vous mettez en oeuvre
tout ce qu'on peut imaginer de speeleux
pour étayer un sentiment ruineux,
et je vois bien qu'on ne pourroit vous
convaincre ' de l'hereticité de votre opinion
, qu'avec l'autorité des exemples ;
mais comme le grand nombre que j'aurois
à citer , si je ne voulois jamais finir ,
m'effraye ; j'ai fermé les yeux sur une
infinité d'éloquens Ouvrages que nous
voyons sortir de l'Académie Françoise
comme les Ruisseaux de leur source
و
et
$
AVRIL 1731. 659
y
et je me suis borné à ce qui suit.
Un de nos Rois qui marchoit à la tête
de son armée , voyant l'Ennemi et l'heure
du combat s'approcher , fait une Harangue
à ses Soldats. J'en appelle au jugement
des fameux Poëtes de l'Antiquité ;
n'invoqueroient-ils pas toutes les Puissances
du Parnasse pour faire parler dignement
ce grand Prince ? Oui , sans doute ,
ils le prépareroient par un talia fatur ou
par quelque chose d'équivalant , à circonstancier
l'approche de l'Ennemi , sans
oublier le son bruyant des Trompettes,
ni l'éclat que leurs Armes reçoivent de
la refléxion du Soleil ; après avoir promené
les Soldats dans tous les endroits
signalez par leurs anciennes Victoires , ils
les reconduiroient au Champ de bataille ,
où par une exageration fastueuse de l'honneur
qu'ils ont d'avoir le Roi à leur tête
et des récompenses qu'ils en peuvent attendre
, ils employeroient tout le tems
du combat à les haranguer. Que ces Nourrissons
des Muses , qui font descendre
leurs Héros dans un détail trop poëtique,
apprennent de ce grand Roi, à ne plus
dégrader l'Eloquence héroïque , il parle
moins qu'eux , et il dit davantage ; écou
tons comme il s'explique. Voila l'Ennemi,
Vous êtes François , je suis votre Roi. Quelle
dignité quelle majesté ! quelle sublimité
B vj tous
660 MERCURE DE FRANCE
tous les Poëtes ensemble feroient de vains
efforts pour nous donner quelque chose
qui approchât de ce Discours ; jamais si
peu de paroles n'ont renfermé un si grand
sens , et cette citation ne vous laissant rien'
à desirer , Monsieur , je me contente de
renvoyer les curieux aux Oraisons Funebres
de M. Flechier , aux Plaidoyers de
Patru , aux Oeuvres de S. Evremont , aux
Caracteres de la Bruyere , et à mille autres
Ouvrages de ce genre , qui préconisent
d'eux- mêmes l'Eloquence , et dont
les beautez frappantes font assez son
éloge.
و J'avoue Monsieur , à la honte du
Christianisme , que l'on fréquente plus
volontiers les Jeux et les Spectacles que
la Maison du Seigneur , et qu'on s'y plaît
davantage ; le fruit qu'on en tire est cependant
bien funeste , et nos Pieces comiques
dont une intrigue amoureuse est
toûjours le mobile , soüillent l'ame , énervent
l'esprit , et corrompent le coeur de
quiconque n'a pas assez de discernement
pour voir que la verité y est toûjours fardée
, et que le crime y prend un caractere
d'héroïsme qu'on ne doit
dre avec la vertu .
pas confon-
Cet abus vient encore de ce qu'on veut
être touché à la Comedie , et se plaire
au Sermon ; si on y assistoit dans un autre
esprit
AVRIL. 1731. 661
esprit , on sortiroit sain et sauf du Spectacle
, et on rapporteroit toûjours de l'Eglise
un exterieur content , un coeur penetré
, un esprit docile et une ame exemte
de soüillure ; la Chaire même et le Bareau
, ont des Sujets capables de nous dédommager
de toute la Poësie du monde ,
il ne faut pas un si grand effort de la raison
pour leur rendre cette justice.
L'indigence des Poëtes n'enrichit certainement
pas leur Panegyrique , et le
langage du Renard de la Fable à l'aspect
d'un Raisin qu'il desire et qu'il ne sçauroit
avoir , contribuë fort peu à leur justification
; il est plus vrai de dire que la
Poësie n'est utile aux Poëtes qu'autant
qu'ils le sont eux-mêmes au Public. L'Eloquence
rend, au contraire , l'Orateur
puissant et recommandable , parce qu'elle
sert à tout. Elle s'occupe aux interêts de
la Religion et à ceux de l'Etat , elle s'attache
à la Campagne aussi- bien qu'au Cabinet
, elle préside aux Etats , elle opine
dans les Conseils de Guerre ,va au combat,
et elle a plus de part au gouvernement
des Royaumes et au Ministere , que les
Ministres mêmes.
les
Jugez après cela si ce n'est pas compromettre
gens d'esprit et de bon gout ,
les Héros et le beau Sexe que de se vanter
de leur suffrage dans une aussi mauvaise
cause,
662 MERCURE DE FRANCE
se . Je suis persuadé qu'ils desavoüent unanimement
votre Lettre , les Dames y ont
sur tout un interêt fort sensible , la Poësie
en fait des portraits grotesques où la
vraisemblance est si peu gardée , que
leur merite seroit encore inconnu , si une
Prose élegante n'avoit pris soin de peindre
le beau Sexe tel qu'il est , c'est- à-dire,
joignant à toutes les
du graces corps les
plus puissans charmes de l'esprit , et cet
usage du monde qu'il faut avoir pour
être parfaitement éloquent , n'étant autre
chose que le commerce des Dames , j'ose
assurer qu'elles prennent plus de part à
la gloire des Orateurs qu'à celle des
Poëtes.
A Dieu ne plaise cependant que j'aye
intention de dégrader la Poësie , je sçais
trop l'estime qu'ont eu pour elle de tout
rems les hommes les plus illustres , mais
je suis bien aise de vous apprendre que
Fes Orateurs étoient si distinguez parmi
les Grecs et les Romains , qu'on faisoit
faire souvent des images , des Statuës et
des Inscriptions à leur honneur , que
leur mérite étoit une voye de parvenir
à tout , même au souverain pouvoir , et
qu'ainsi tout le crédit qu'avoient les Poëtes
à la Cour des plus grands Princes ,
peut s'entendre de l'honneur qu'ils recevoient
le plus souvent de ceux que ?
PE
AVRIL. 173.1 . 663
l'Eloquence avoit élevez à la souveraineté
.
Au reste on peut encore juger de l'éclat
des Orateurs pour l'importance des
personnages que l'on compte parmi eux,
comme les Cesars , les Scipions , les
Gachques , et tant d'autres Romains illustres
d'ailleurs par les plus grands exploits .
La Chaire retentit aussi tous les jours du
nom respectable des Chrisostômes , des
Ambroises , des Gregoires et des saints
Prédicateurs , dont l'eloquence victorieuse
a ravagé tant de consciences , subjugué
tant d'esprits et conquis tant d'ames.
La France enfin nous fournit assez de
preuves , et sans aller plus loin , nous
voyons les trois premiers emplois du
Royaume si bien distribuez , qu'on diroit
que l'Eloquence elle même en estrevêtuë,
Episcopat , le Ministere et les Charges
de Magistrature n'ont rien de trop élevé,
et à quoi ne puisse parvenir un homme
éloquent ; les Poëtes , au contraire , re
sont jamais que des Poëtes , ils n'ont de
rang , de crédit et d'autorité qu'au Par
nasse , tout leur bonheur consiste dans-
Festime qu'on fait d'eux lorsqu'ils s'en
rendent dignes ; et ce prétendu langage
des Dieux , que vous ne pouvez préconiser
qu'avec celui des hommes, c'est-à- dire,
sans le secours de l'Eloquence dont votre
Lettre
664 MERCURE DE FRANCE
Lettre est un modele parfait , suffit pour
faire respecter un talent qu'on ne sçauroit
attaquer qu'en l'opposant à lui - même
; pour moi , Monsieur , qui n'ai d'autre
mérite que le zele , je m'estimerai
très-heureux si le desir que j'ai eu de
vous desabuser , peut vous persuader de
l'estime particuliere avec laquelle j'ai
l'honneur d'être , &c.
J. G. Duchasteau , Bachelier en Droit.
la gloire des Orateurs et des Poëtes.
L'Eloquence
de la Chaire et du Bary
reau sont d'une si grande utilité
qu'on a une obligation infinie à ceux qui
veulent bien y employer leurs talens ; il
n'en est pas de même des Poëtes , et
quelque préference que vous vous effor-
Bv
ciez
658 MERCURE DE FRANCE.
ciez de donner à Racine sur M. Flechier,
dans l'endroit où ils peignent tous les
deux la puissance du souverain Maître
de l'Univers , je crois que le Discours a
plus fructifié que le Poëme , et si l'un
paroît plus élevé que l'autre , c'est que
les pensées ne sont pas précisement les
mêmes , et que la Chaire de verité qui ne
souffre rien d'enflé , rien d'empoulé , rien
d'allambiqué , ne permettoit pas au sçavant
Evêque de Nîmes , de donner dans
le Phebus ; d'ailleurs on conviendra que
ces images monstrueuses d'un Dieu , tendent
plus à surprendre , qu'à émouvoir
à frapper l'esprit , qu'à toucher le coeur
et à effrayer l'Auditoire , qu'à le convaincre
de la Puissance divine.
Pour fasciner les yeux du Lecteur , vous
analisez les chefs- d'oeuvres des plus grands
Maîtres de la Poësie , vous mettez en oeuvre
tout ce qu'on peut imaginer de speeleux
pour étayer un sentiment ruineux,
et je vois bien qu'on ne pourroit vous
convaincre ' de l'hereticité de votre opinion
, qu'avec l'autorité des exemples ;
mais comme le grand nombre que j'aurois
à citer , si je ne voulois jamais finir ,
m'effraye ; j'ai fermé les yeux sur une
infinité d'éloquens Ouvrages que nous
voyons sortir de l'Académie Françoise
comme les Ruisseaux de leur source
و
et
$
AVRIL 1731. 659
y
et je me suis borné à ce qui suit.
Un de nos Rois qui marchoit à la tête
de son armée , voyant l'Ennemi et l'heure
du combat s'approcher , fait une Harangue
à ses Soldats. J'en appelle au jugement
des fameux Poëtes de l'Antiquité ;
n'invoqueroient-ils pas toutes les Puissances
du Parnasse pour faire parler dignement
ce grand Prince ? Oui , sans doute ,
ils le prépareroient par un talia fatur ou
par quelque chose d'équivalant , à circonstancier
l'approche de l'Ennemi , sans
oublier le son bruyant des Trompettes,
ni l'éclat que leurs Armes reçoivent de
la refléxion du Soleil ; après avoir promené
les Soldats dans tous les endroits
signalez par leurs anciennes Victoires , ils
les reconduiroient au Champ de bataille ,
où par une exageration fastueuse de l'honneur
qu'ils ont d'avoir le Roi à leur tête
et des récompenses qu'ils en peuvent attendre
, ils employeroient tout le tems
du combat à les haranguer. Que ces Nourrissons
des Muses , qui font descendre
leurs Héros dans un détail trop poëtique,
apprennent de ce grand Roi, à ne plus
dégrader l'Eloquence héroïque , il parle
moins qu'eux , et il dit davantage ; écou
tons comme il s'explique. Voila l'Ennemi,
Vous êtes François , je suis votre Roi. Quelle
dignité quelle majesté ! quelle sublimité
B vj tous
660 MERCURE DE FRANCE
tous les Poëtes ensemble feroient de vains
efforts pour nous donner quelque chose
qui approchât de ce Discours ; jamais si
peu de paroles n'ont renfermé un si grand
sens , et cette citation ne vous laissant rien'
à desirer , Monsieur , je me contente de
renvoyer les curieux aux Oraisons Funebres
de M. Flechier , aux Plaidoyers de
Patru , aux Oeuvres de S. Evremont , aux
Caracteres de la Bruyere , et à mille autres
Ouvrages de ce genre , qui préconisent
d'eux- mêmes l'Eloquence , et dont
les beautez frappantes font assez son
éloge.
و J'avoue Monsieur , à la honte du
Christianisme , que l'on fréquente plus
volontiers les Jeux et les Spectacles que
la Maison du Seigneur , et qu'on s'y plaît
davantage ; le fruit qu'on en tire est cependant
bien funeste , et nos Pieces comiques
dont une intrigue amoureuse est
toûjours le mobile , soüillent l'ame , énervent
l'esprit , et corrompent le coeur de
quiconque n'a pas assez de discernement
pour voir que la verité y est toûjours fardée
, et que le crime y prend un caractere
d'héroïsme qu'on ne doit
dre avec la vertu .
pas confon-
Cet abus vient encore de ce qu'on veut
être touché à la Comedie , et se plaire
au Sermon ; si on y assistoit dans un autre
esprit
AVRIL. 1731. 661
esprit , on sortiroit sain et sauf du Spectacle
, et on rapporteroit toûjours de l'Eglise
un exterieur content , un coeur penetré
, un esprit docile et une ame exemte
de soüillure ; la Chaire même et le Bareau
, ont des Sujets capables de nous dédommager
de toute la Poësie du monde ,
il ne faut pas un si grand effort de la raison
pour leur rendre cette justice.
L'indigence des Poëtes n'enrichit certainement
pas leur Panegyrique , et le
langage du Renard de la Fable à l'aspect
d'un Raisin qu'il desire et qu'il ne sçauroit
avoir , contribuë fort peu à leur justification
; il est plus vrai de dire que la
Poësie n'est utile aux Poëtes qu'autant
qu'ils le sont eux-mêmes au Public. L'Eloquence
rend, au contraire , l'Orateur
puissant et recommandable , parce qu'elle
sert à tout. Elle s'occupe aux interêts de
la Religion et à ceux de l'Etat , elle s'attache
à la Campagne aussi- bien qu'au Cabinet
, elle préside aux Etats , elle opine
dans les Conseils de Guerre ,va au combat,
et elle a plus de part au gouvernement
des Royaumes et au Ministere , que les
Ministres mêmes.
les
Jugez après cela si ce n'est pas compromettre
gens d'esprit et de bon gout ,
les Héros et le beau Sexe que de se vanter
de leur suffrage dans une aussi mauvaise
cause,
662 MERCURE DE FRANCE
se . Je suis persuadé qu'ils desavoüent unanimement
votre Lettre , les Dames y ont
sur tout un interêt fort sensible , la Poësie
en fait des portraits grotesques où la
vraisemblance est si peu gardée , que
leur merite seroit encore inconnu , si une
Prose élegante n'avoit pris soin de peindre
le beau Sexe tel qu'il est , c'est- à-dire,
joignant à toutes les
du graces corps les
plus puissans charmes de l'esprit , et cet
usage du monde qu'il faut avoir pour
être parfaitement éloquent , n'étant autre
chose que le commerce des Dames , j'ose
assurer qu'elles prennent plus de part à
la gloire des Orateurs qu'à celle des
Poëtes.
A Dieu ne plaise cependant que j'aye
intention de dégrader la Poësie , je sçais
trop l'estime qu'ont eu pour elle de tout
rems les hommes les plus illustres , mais
je suis bien aise de vous apprendre que
Fes Orateurs étoient si distinguez parmi
les Grecs et les Romains , qu'on faisoit
faire souvent des images , des Statuës et
des Inscriptions à leur honneur , que
leur mérite étoit une voye de parvenir
à tout , même au souverain pouvoir , et
qu'ainsi tout le crédit qu'avoient les Poëtes
à la Cour des plus grands Princes ,
peut s'entendre de l'honneur qu'ils recevoient
le plus souvent de ceux que ?
PE
AVRIL. 173.1 . 663
l'Eloquence avoit élevez à la souveraineté
.
Au reste on peut encore juger de l'éclat
des Orateurs pour l'importance des
personnages que l'on compte parmi eux,
comme les Cesars , les Scipions , les
Gachques , et tant d'autres Romains illustres
d'ailleurs par les plus grands exploits .
La Chaire retentit aussi tous les jours du
nom respectable des Chrisostômes , des
Ambroises , des Gregoires et des saints
Prédicateurs , dont l'eloquence victorieuse
a ravagé tant de consciences , subjugué
tant d'esprits et conquis tant d'ames.
La France enfin nous fournit assez de
preuves , et sans aller plus loin , nous
voyons les trois premiers emplois du
Royaume si bien distribuez , qu'on diroit
que l'Eloquence elle même en estrevêtuë,
Episcopat , le Ministere et les Charges
de Magistrature n'ont rien de trop élevé,
et à quoi ne puisse parvenir un homme
éloquent ; les Poëtes , au contraire , re
sont jamais que des Poëtes , ils n'ont de
rang , de crédit et d'autorité qu'au Par
nasse , tout leur bonheur consiste dans-
Festime qu'on fait d'eux lorsqu'ils s'en
rendent dignes ; et ce prétendu langage
des Dieux , que vous ne pouvez préconiser
qu'avec celui des hommes, c'est-à- dire,
sans le secours de l'Eloquence dont votre
Lettre
664 MERCURE DE FRANCE
Lettre est un modele parfait , suffit pour
faire respecter un talent qu'on ne sçauroit
attaquer qu'en l'opposant à lui - même
; pour moi , Monsieur , qui n'ai d'autre
mérite que le zele , je m'estimerai
très-heureux si le desir que j'ai eu de
vous desabuser , peut vous persuader de
l'estime particuliere avec laquelle j'ai
l'honneur d'être , &c.
J. G. Duchasteau , Bachelier en Droit.
Fermer
Résumé : SUITE de la Réponse à la Lettre sur la gloire des Orateurs et des Poëtes.
Le texte traite de la comparaison entre l'utilité et la gloire des orateurs et des poètes. L'auteur met en avant l'éloquence de la chaire et du barreau comme étant d'une grande utilité, contrairement à la poésie qui, bien qu'elle puisse surprendre, ne touche pas nécessairement le cœur. Il compare un discours de Racine à un sermon de M. Flechier, estimant que ce dernier a eu plus d'impact. L'auteur critique les poètes pour leur tendance à utiliser des images monstrueuses et à fasciner les lecteurs avec des détails superflus. L'auteur illustre son propos en citant l'exemple d'un roi haranguant ses soldats avant une bataille, montrant que la simplicité et la dignité du discours royal surpassent les ornements poétiques. Il renvoie aux œuvres de Flechier, Patru, Saint-Évremond, et La Bruyère pour illustrer l'éloquence. Le texte aborde également la fréquentation des spectacles et des jeux plutôt que des lieux de culte, soulignant les effets néfastes des pièces comiques sur l'âme et l'esprit. L'auteur affirme que l'éloquence est plus utile et puissante, servant la religion, l'État, et le gouvernement, contrairement à la poésie qui n'enrichit pas son panégyrique. L'auteur mentionne l'importance des orateurs dans l'histoire, citant des figures illustres comme les Césars, les Scipions, et des saints prédicateurs. En France, les emplois élevés comme l'épiscopat, le ministère, et la magistrature sont accessibles aux hommes éloquents, tandis que les poètes restent confinés au Parnasse. Enfin, l'auteur exprime son désir de persuader son interlocuteur de l'estime particulière qu'il porte à l'éloquence, tout en reconnaissant la valeur de la poésie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
38
p. 1093-1098
Essay sur l'Esprit, &c. [titre d'après la table]
Début :
ESSAI SUR L'ESPRIT, ses divers caracteres et ses differentes opérations, divisé [...]
Mots clefs :
Esprit, Discours, Bel esprit, Fausseté, Talent, Sujet, Idées justes, Faux esprit, Esprit superficiel
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Essay sur l'Esprit, &c. [titre d'après la table]
ESSAI SUR L'ESPRIT , ses divers caracteres
et ses differentes opérations , divisé
en six Discours , &c . A Paris , chez Cailleau
, Place du Pont S. Michel , à côté du
Quai des Augustins , à S. André , 1731 .
Quelques personnes nous ayant priés
de donner une idée de cet Ouvrage , nous
n'avons pû le refuser. Il est divisé en six
Discours , comme le titre le porte. Le premier
Discours traite de la nature du veritable
Esprit. Le second , des causes de la
fausseté de l'Esprit. Le troisième , du bel
Esprit. Le quatrième , roule sur le bon
Esprit , consideré métaphysiquement. Le
cinquiéine , sur le bon Esprit , consideré
.comme vertu civile . Le sixième , enfin ,
traite de l'Esprit superficiel.
L'Auteur examinant dans le premier
Discours la nature du veritable Esprit ,
le prend dans le sens ordinaire de la conversation
, et le définit. Le talent de
pense
juste , et de s'exprimer de même. L'Auteur
trouve cette définition triomphante par sa
briéveté : deux mots l'expédient ; ce sont ses
termes par sa clarté ; car , dit-il , qui ne
sçait , au moins en géneral , ce que c'est
E iiij que
1094 MERCURE DE FRANCE
›
que penser juste? Le reste du Discours est
employé à prouver et à étendre la définition
de l'Esprit. L'Auteur tâche d'y prouver
d'abord qu'il est un talent. Ensuite
il définit ce que c'est que penser juste .
Penser , selon lui , c'est avoir des idées , des
Tableaux d'un Sujet. De là l'Auteur s'attache
à faire voir que la justesse de l'expression
est aussi nécessairement un car
ractere du veritable Esprit. L'ambiguité
ou l'obscurité avec laquelle on expose un
Sujet , est , comme il le remarque trèsbien
, une preuve certaine de la confusion
des pensées ; on trouve quelques
exemples de cette régle dans ces mêmes
Discours. Les expressions pour être justes
doivent être propres au Sujet que l'on traite ,.
vives , nobles , et élevées.
Dans le second Discours , l'Auteur définit
l'Esprit faux. C'est , dit -il , celui qui
a des idées opposées à l'essence de son Sujet.
Pour soutenir cette définition , il s'applique
à
prouver 1 ° . que nous avons plusieurs
idées d'une même chose : en second
lieu , que ces idées , que ces Tableaux ne
sont pas tous justes. Il entend par idées
justes celles qui embrassant leur sujet en entier
l'expriment parfaitement. Après quetques
écarts sur la Logique et là Rhetori
que , l'Auteur passe aux causes du faux
Esprit
MAY. 1731 .
1095
,
Esprit , qui sont , selon lui ,
,
selon lui , l'ignorance
La multiplicité des idées , la distraction , l'envie
de briller et de dire des choses que les autres
ne disent
pas
la contradiction , le préjugé
et le goût , enfin , l'authorité et l'exemple.
Le Lecteur remarquera qu'il y a
quelques-unes de ces causes du faux Esprit
qui en sont plutôt de veritables effets
, comme la distraction , l'envie de dire
des choses neuves , la contradiction . Nous
n'accorderons pas à cet Auteur que la
multiplicité des idées ou Tableaux d'un
même Sujet soit une cause du faux Esprit
: autrement , plus nous aurions d'idées
représentatives d'un objet , plus notre
esprit seroit susceptible de fausseté
ce qui est contre l'expérience et la raison
qui nous apprennent que la multiplicité
des Tableaux d'un même être ne sert qu'à
nous le representer plus parfaitement .
Mais ce qui est très - singulier , et que l'an
ne peut passer à l'Auteur , c'est qu'il apporte
ici pour cause du faux Esprit , ce
qu'il apporte dans le troisiéme Discours ,
comme un caractere du bel Esprit .
و
Pour définir ce que c'est que le bel Esprit
qui fait le sujet du troisiéme Discours
, l'Auteur examine ce que c'est que
nous appellons beau. Il le considere 1º.
en lui - même . 2 ° . Dans nos jugemens ,
+
E v 3
1096 MERCURE DE FRANCE
3. dans ses espéces. 4° . dans ses parties .
5 °. enfin dans ses degrez. Il applique ensuite
toutes ces notions du beau à l'Esprit
, et le regarde sous les mêmes points
de vûë. Delà il passe aux caracteres du
bel Esprit la netteté des idées , leur élévation
, leur multiplicité , ce qui est remarquable
, et leur étenduë ; le nombre et la
beauté des connoissances : enfin , Pintelligence
parfaite des Langues , et particulierement
de celle dans laquelle on parle on on
écrit.
:
que
Le quatriéme Discours roule sur le bon
Esprit consideré métaphysiquement , c'està-
dire , comme distingué seulement , et
non opposé au bel Esprit . L'Esprit regardé
de ce côté-là , est , dit l'Auteur , la
raison même la refléxion et l'étude ont
éclairée, et qui par- là juge sainement des objets
qui se présentent. Il examine sa définition
par parties , ce qui l'engage à faire
une digression sur les préjugez qu'il définit
ainsi. Les Préjugez sont des opinions
particulieres que nous avons sur les Sujets
qui se proposent , et qui ne sont appuyés que
sur des notions ou vagues on obscures , ou imparfaites
on fausses. Après avoir examiné
la cause des préjugez , qu'il dit être la paresse
dans les jugemens simples et absolus
, et la précipitation dans les jugemens
de
MAY. 1731. 1097
de comparaison , l'Auteur passe aux effets
des préjugez qu'il développe , et sur lesquels
il s'étend beaucoup . Il revient ensuite
au bon Esprit , dont il considere le
principe ou la cause , les productions et
les effets : enfin , les moyens qui servent
à l'entretenir et à l'étendre .
Le bon Esprit qui avoit été consideré
métaphysiquement dans le quatriéme
Discours , est regardé dans le cinquième
comme une vertu civile. Le bon Esprit
dit-il , est cette heureuse disposition , qui
dans toutes les occasions de la vie nous
fait prendre le parti de la sagesse et de la
raison. L'Auteur entre ensuite dans le détail
des avantages et des effets du bon Esprit
, soit dans la societé civile , soit dans
la societé domestique .
L'Esprit superficiel qui est la matiere
du dernier Discours , est , dit l'Auteur
celui qui n'ayant que les premieres idées d'un
Sujet , n'en embrasse, et n'en peut exprimer
que l'écorce . Le seul remede que l'on puisse
apporter pour se guérir de cet esprit
superficiel est le travail , qui entraîne avec
lui beaucoup de tems , et de difficultez ,
soit par la disposition de notre esprit , soit
par l'ignorance des qualitez du Sujet , sur
lequel l'esprit s'exerce , soit P'incertitude
du succès : mais il faut une applica-
E vj
par
tion
1098 MERCURE DE FRANCE
tion perseverante dans son travail , pour
ne pas perdre en un tems ce qu'on à acquis
avec peine dans un autre. L'Auteur
finit en proposant des moyens pour se
précautionner contre l'oubli de ce qu'on
a appris. Le stile de cet Ouvrage fait assez
connoître que l'Auteur est comme il
en avertit dans sa Préface ) d'un âge qui
ouvre naturellement une assez vaste carriere
aux refléxions et au travail.
et ses differentes opérations , divisé
en six Discours , &c . A Paris , chez Cailleau
, Place du Pont S. Michel , à côté du
Quai des Augustins , à S. André , 1731 .
Quelques personnes nous ayant priés
de donner une idée de cet Ouvrage , nous
n'avons pû le refuser. Il est divisé en six
Discours , comme le titre le porte. Le premier
Discours traite de la nature du veritable
Esprit. Le second , des causes de la
fausseté de l'Esprit. Le troisième , du bel
Esprit. Le quatrième , roule sur le bon
Esprit , consideré métaphysiquement. Le
cinquiéine , sur le bon Esprit , consideré
.comme vertu civile . Le sixième , enfin ,
traite de l'Esprit superficiel.
L'Auteur examinant dans le premier
Discours la nature du veritable Esprit ,
le prend dans le sens ordinaire de la conversation
, et le définit. Le talent de
pense
juste , et de s'exprimer de même. L'Auteur
trouve cette définition triomphante par sa
briéveté : deux mots l'expédient ; ce sont ses
termes par sa clarté ; car , dit-il , qui ne
sçait , au moins en géneral , ce que c'est
E iiij que
1094 MERCURE DE FRANCE
›
que penser juste? Le reste du Discours est
employé à prouver et à étendre la définition
de l'Esprit. L'Auteur tâche d'y prouver
d'abord qu'il est un talent. Ensuite
il définit ce que c'est que penser juste .
Penser , selon lui , c'est avoir des idées , des
Tableaux d'un Sujet. De là l'Auteur s'attache
à faire voir que la justesse de l'expression
est aussi nécessairement un car
ractere du veritable Esprit. L'ambiguité
ou l'obscurité avec laquelle on expose un
Sujet , est , comme il le remarque trèsbien
, une preuve certaine de la confusion
des pensées ; on trouve quelques
exemples de cette régle dans ces mêmes
Discours. Les expressions pour être justes
doivent être propres au Sujet que l'on traite ,.
vives , nobles , et élevées.
Dans le second Discours , l'Auteur définit
l'Esprit faux. C'est , dit -il , celui qui
a des idées opposées à l'essence de son Sujet.
Pour soutenir cette définition , il s'applique
à
prouver 1 ° . que nous avons plusieurs
idées d'une même chose : en second
lieu , que ces idées , que ces Tableaux ne
sont pas tous justes. Il entend par idées
justes celles qui embrassant leur sujet en entier
l'expriment parfaitement. Après quetques
écarts sur la Logique et là Rhetori
que , l'Auteur passe aux causes du faux
Esprit
MAY. 1731 .
1095
,
Esprit , qui sont , selon lui ,
,
selon lui , l'ignorance
La multiplicité des idées , la distraction , l'envie
de briller et de dire des choses que les autres
ne disent
pas
la contradiction , le préjugé
et le goût , enfin , l'authorité et l'exemple.
Le Lecteur remarquera qu'il y a
quelques-unes de ces causes du faux Esprit
qui en sont plutôt de veritables effets
, comme la distraction , l'envie de dire
des choses neuves , la contradiction . Nous
n'accorderons pas à cet Auteur que la
multiplicité des idées ou Tableaux d'un
même Sujet soit une cause du faux Esprit
: autrement , plus nous aurions d'idées
représentatives d'un objet , plus notre
esprit seroit susceptible de fausseté
ce qui est contre l'expérience et la raison
qui nous apprennent que la multiplicité
des Tableaux d'un même être ne sert qu'à
nous le representer plus parfaitement .
Mais ce qui est très - singulier , et que l'an
ne peut passer à l'Auteur , c'est qu'il apporte
ici pour cause du faux Esprit , ce
qu'il apporte dans le troisiéme Discours ,
comme un caractere du bel Esprit .
و
Pour définir ce que c'est que le bel Esprit
qui fait le sujet du troisiéme Discours
, l'Auteur examine ce que c'est que
nous appellons beau. Il le considere 1º.
en lui - même . 2 ° . Dans nos jugemens ,
+
E v 3
1096 MERCURE DE FRANCE
3. dans ses espéces. 4° . dans ses parties .
5 °. enfin dans ses degrez. Il applique ensuite
toutes ces notions du beau à l'Esprit
, et le regarde sous les mêmes points
de vûë. Delà il passe aux caracteres du
bel Esprit la netteté des idées , leur élévation
, leur multiplicité , ce qui est remarquable
, et leur étenduë ; le nombre et la
beauté des connoissances : enfin , Pintelligence
parfaite des Langues , et particulierement
de celle dans laquelle on parle on on
écrit.
:
que
Le quatriéme Discours roule sur le bon
Esprit consideré métaphysiquement , c'està-
dire , comme distingué seulement , et
non opposé au bel Esprit . L'Esprit regardé
de ce côté-là , est , dit l'Auteur , la
raison même la refléxion et l'étude ont
éclairée, et qui par- là juge sainement des objets
qui se présentent. Il examine sa définition
par parties , ce qui l'engage à faire
une digression sur les préjugez qu'il définit
ainsi. Les Préjugez sont des opinions
particulieres que nous avons sur les Sujets
qui se proposent , et qui ne sont appuyés que
sur des notions ou vagues on obscures , ou imparfaites
on fausses. Après avoir examiné
la cause des préjugez , qu'il dit être la paresse
dans les jugemens simples et absolus
, et la précipitation dans les jugemens
de
MAY. 1731. 1097
de comparaison , l'Auteur passe aux effets
des préjugez qu'il développe , et sur lesquels
il s'étend beaucoup . Il revient ensuite
au bon Esprit , dont il considere le
principe ou la cause , les productions et
les effets : enfin , les moyens qui servent
à l'entretenir et à l'étendre .
Le bon Esprit qui avoit été consideré
métaphysiquement dans le quatriéme
Discours , est regardé dans le cinquième
comme une vertu civile. Le bon Esprit
dit-il , est cette heureuse disposition , qui
dans toutes les occasions de la vie nous
fait prendre le parti de la sagesse et de la
raison. L'Auteur entre ensuite dans le détail
des avantages et des effets du bon Esprit
, soit dans la societé civile , soit dans
la societé domestique .
L'Esprit superficiel qui est la matiere
du dernier Discours , est , dit l'Auteur
celui qui n'ayant que les premieres idées d'un
Sujet , n'en embrasse, et n'en peut exprimer
que l'écorce . Le seul remede que l'on puisse
apporter pour se guérir de cet esprit
superficiel est le travail , qui entraîne avec
lui beaucoup de tems , et de difficultez ,
soit par la disposition de notre esprit , soit
par l'ignorance des qualitez du Sujet , sur
lequel l'esprit s'exerce , soit P'incertitude
du succès : mais il faut une applica-
E vj
par
tion
1098 MERCURE DE FRANCE
tion perseverante dans son travail , pour
ne pas perdre en un tems ce qu'on à acquis
avec peine dans un autre. L'Auteur
finit en proposant des moyens pour se
précautionner contre l'oubli de ce qu'on
a appris. Le stile de cet Ouvrage fait assez
connoître que l'Auteur est comme il
en avertit dans sa Préface ) d'un âge qui
ouvre naturellement une assez vaste carriere
aux refléxions et au travail.
Fermer
Résumé : Essay sur l'Esprit, &c. [titre d'après la table]
L'ouvrage 'Essai sur l'esprit, ses divers caractères et ses différentes opérations' est structuré en six discours. Le premier discours définit le véritable esprit comme la capacité de penser correctement et de s'exprimer de manière appropriée. Le second discours examine la fausseté de l'esprit, attribuée à des causes telles que l'ignorance, la distraction et le désir de briller. Le troisième discours explore le bel esprit, marqué par la netteté, l'élévation et la multiplicité des idées. Le quatrième discours considère le bon esprit du point de vue métaphysique, le décrivant comme une raison éclairée par la réflexion et l'étude. Le cinquième discours analyse le bon esprit en tant que vertu civile, promouvant la sagesse et la raison dans la vie quotidienne. Enfin, le sixième discours traite de l'esprit superficiel, qui ne saisit que les premières idées d'un sujet, et propose le travail persévérant comme antidote. L'auteur démontre, à travers son style, une maturité adaptée aux réflexions approfondies et au travail rigoureux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
39
p. 1334-1339
Discours Latin du P. Porée, [titre d'après la table]
Début :
Le Reverend Pere Porée, Jesuite, prononça le neuf de Février, devant une illustre [...]
Mots clefs :
Révérend, Discours, Orateur, Critiques, Républiques des Lettres, Rhéteurs, Grammairiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours Latin du P. Porée, [titre d'après la table]
Le Reverend Pere Porée , Jesuite , pro
nonça le neufde Février , devant une 11
lustre Assemblée un Discours Latin
fort éloquent sur les Critiques , dans le
College de Louis le Grand . L'Orateur
(a) L'Incrisalidano.
1. Vol. COR
JUIN. 1731. 133
convenant , qu'il y a aujourd'hui plus de
Critiques que d'Ouvrages à critiquer , et
que la licence de ceux qui se mêlent de
critiquer , a rendu la Critique aussi odieu
se que ses Auteurs , prétend néanmoins
qu'on ne doit pas proscrire de la Répu
blique des Lettres toute sorte de Critique,
mais qu'on doit seulement en corriger
les abus. Il partage donc son Discours , et
entreprend dans la premiere. Partie de
prouver la necessité de la Critique : dans
la seconde , il parle des qualitez d'un bon
Critique.
Par tout où il y a des procès , dit le
P. Porée , par tout où il se commet des
crimes , par tout où on entreprend d'in
troduire la licence , il faut des Juges
pour terminer ces procès , punir ces cri
mes et s'opposer à cette licence . Or tout
cela a lieu dans la Litterature . L'Orateur
laiffe peu de chose à dire sur les sujets
de querelle & de procès , qui divisent
les Gens de Lettres de toutes les sortes
Rhéteurs , Grammairiens , Philosophes ,
Géometres mêmes.. Desorte que tout ce
qu'il y a, ce semble, de plus propre à éclai
rer les Hommes & à les polir , devient
par l'abus qu'ils en font , une source de.
guerre et de discorde , & d'une guerre.
le plus souvent pleine de bassesse et de
I.Vol. mali
#336 MERCURE DE FRANCE
malignité. C'est pour terminer cette guerre
et décider ces procès , que le R. P. Po
rée croit les Gritiques nécessaires , sans
doute , comme le sont les Avocats pour
plaider et pour instruire l'Affaire dont le
Public seul est Juge sans appel . Que
fçait-on même s'il y auroit beaucoup de
procès dans la Litterature , supposé qu'il
n'y eut point de Critiques.
Le second chef des crimes Litteraires
eft bien traité. Que de fautes introduites
dans les Livres des Anciens par l'igno
rance ou la négligence des Libraires ou
des Copistes ! Quelle obligation n'a-t'on
donc pas aux Turnebes , aux Budées , aux
Murets , qui ont pris la peine de purger
ces Livres ? Quelle Chronologie aurions
nous , sans les Scaligers , les Ussers , les
Petaus ? La Céographie ne seroit qu'un
cahos , sans les Cluviers , les Briets , les
Samsons ? Et c'est le même de toutes les
autres parties de la Litterature . Le P.
Porée s'étend beaucoup sur les vols Litte
raires , que c'est aux Critiques de demas
Il s'en fait tous les jours plus qu'on:
quer.
ne pense. La diversité des langues en oc
casionne plusieurs. Souvent un Ami in
fidéle , dépositaire des Ecrits de son Ami
mort , se les attribuë , & c.
La troisiéme raison de la néceffité des
1. Vol .
Cri
JUIN. 1731. 1337
Critiques , est prise de la licence que se
donnent des demi-Sçavans d'altérer les
Sciences , sous pretexte de les enrichir ,
de les réduire , de les embellir , de les per
fectionner. Rien n'eft plus éloquent ni
plus judicieux que le Morceau , où l'O
rateur , rappellant la Coutume des Ro
mains , qui dans le tems orageux , aver
tissoient les Consuls de veiller que la Ré
publique ne souffrit aucun dommage
avertit dans les mêmes termes , les Cri
tiques de veiller que la Théologie , la
Philosophie , l'Histoire , les Mathéma
tiques , les Belles-Lettres , ne souffrent
aucun dommage de la part des demi-Sça
vans. Il est fâcheux que la République
Litteraire , n'ait pas ses Critiques auto
risez comme la République Romaine avoit
ses Consuls , & qu'une foule de Censeurs
sans aveu , plus ennemis des Auteurs que
des Ouvrages , plus malíns à reprendre ,
que judicieux à corriger , puissent pren
dre pour eux un Avertissement que le
P. Porée n'addresse qu'à des Critiques .
sçavans , prudens , & pleins de probité ,,
tels qu'il les caractérise dans la seconde
partie de son Discours.
25
Aujourd'hui tout homme qui se sent in
capable d'écrire sur aucun sujet, et qui vent
pourtant écrire , prend le parti de la Criti
L. Vol. que
T338 MERCURE DE FRANCE
que. Carpour affirmer,il faut avouer quet
que chose ; pour nier il suffit de ne rien sça
voir. On ne sçauroit traiter un sujet , mais
on scait suivre un Auteur qui l'a traité; on
sçait aboyer après lui , le mordre et le dé
chirer. Le sage Orateur croit-il persuader
quelqu'un , lorsqu'il exige d'un Critique,
une science immense , une vaste érudi
tion , une connoissance éxacte de toutes.
choses un Critique a renoncé à être
sçavant , & un véritable
communément si critique .
sçavant
n'est pas
.
La science ne suffit pas ; un Critique a
besoin de beaucoup de prudence , de dis
cernement de sagacité pour porter un
jugement sain, juste etdéfinitif. Mais sur
tout la probité est absolument necessaire
à un Critique. Celui que l'amitié séduit
ou que la haine emporte , ne sçauroit être
un Juge sain & éclairé. C'est pourtant- là
ce qui décide de la plupart des Critiques ,
et l'envie en est ordinairement le premier
mobile ; mais le Public qui est le Juge
Souverain en dernier ressort , et des Criti
ques , et des Ouvrages critiqués , fait et
rend justice aux uns & aux autres , et une
passion tropvive n'impose qu'à celui qui
en est atteint, et tout au plus à ceux qui en
sont complices. Toute critique que la
cabale a dictée , rentre bien- tôt dans le
L. Vol.
néant
,
JUIN. 1731. 1339
néant , d'où elle est à peine sortie , et laisse
en possession de l'immortalité , l'Ouvrage
& l'Auteur qu'elle avoit attaqué avec plus
de véhemence qué de force et de sagesse.
3
Le R. P. Porée dévoilé tous les arti
fices que l'envie , la haine , la partialité
les préjugez inspirent à des Critiques qui
n'ont pas toute la bonne foi que la Pro
bité inspire, et que la Religion exige avec
rigueur. Ilse déclare avec force contre un
Livre assez moderne , qui est effective
ment très- dangereux ; & d'autant plus
dangereux , que l'Auteur ne semble s'y
piquer de probité , que pour porter des
coups plus assurés à la Religion , d'im
partialité , que pour décrier tous les par
tis sans en excepter le bon , de discer
nement que pour rejetter tout , de non
crédulité que pour établir l'incrédulité.
L'Orateur en bon Critique loie ce que
cet Ouvrage a de bon , en blâmant`ce
qu'il a de mauvais.
.
:
On imprime chez Laisnel au. Chef
S. Jean rue S. Jacques , un Livre inti
tulé : Analyse de la Dissertation de M. Mo
rand sur la Taille au haut Appareil , ou Re
ponse aux Reflexions Anatomistes de M.
Rameau sur cet Ouvrage , in 8 °. par M. le
Cat.
nonça le neufde Février , devant une 11
lustre Assemblée un Discours Latin
fort éloquent sur les Critiques , dans le
College de Louis le Grand . L'Orateur
(a) L'Incrisalidano.
1. Vol. COR
JUIN. 1731. 133
convenant , qu'il y a aujourd'hui plus de
Critiques que d'Ouvrages à critiquer , et
que la licence de ceux qui se mêlent de
critiquer , a rendu la Critique aussi odieu
se que ses Auteurs , prétend néanmoins
qu'on ne doit pas proscrire de la Répu
blique des Lettres toute sorte de Critique,
mais qu'on doit seulement en corriger
les abus. Il partage donc son Discours , et
entreprend dans la premiere. Partie de
prouver la necessité de la Critique : dans
la seconde , il parle des qualitez d'un bon
Critique.
Par tout où il y a des procès , dit le
P. Porée , par tout où il se commet des
crimes , par tout où on entreprend d'in
troduire la licence , il faut des Juges
pour terminer ces procès , punir ces cri
mes et s'opposer à cette licence . Or tout
cela a lieu dans la Litterature . L'Orateur
laiffe peu de chose à dire sur les sujets
de querelle & de procès , qui divisent
les Gens de Lettres de toutes les sortes
Rhéteurs , Grammairiens , Philosophes ,
Géometres mêmes.. Desorte que tout ce
qu'il y a, ce semble, de plus propre à éclai
rer les Hommes & à les polir , devient
par l'abus qu'ils en font , une source de.
guerre et de discorde , & d'une guerre.
le plus souvent pleine de bassesse et de
I.Vol. mali
#336 MERCURE DE FRANCE
malignité. C'est pour terminer cette guerre
et décider ces procès , que le R. P. Po
rée croit les Gritiques nécessaires , sans
doute , comme le sont les Avocats pour
plaider et pour instruire l'Affaire dont le
Public seul est Juge sans appel . Que
fçait-on même s'il y auroit beaucoup de
procès dans la Litterature , supposé qu'il
n'y eut point de Critiques.
Le second chef des crimes Litteraires
eft bien traité. Que de fautes introduites
dans les Livres des Anciens par l'igno
rance ou la négligence des Libraires ou
des Copistes ! Quelle obligation n'a-t'on
donc pas aux Turnebes , aux Budées , aux
Murets , qui ont pris la peine de purger
ces Livres ? Quelle Chronologie aurions
nous , sans les Scaligers , les Ussers , les
Petaus ? La Céographie ne seroit qu'un
cahos , sans les Cluviers , les Briets , les
Samsons ? Et c'est le même de toutes les
autres parties de la Litterature . Le P.
Porée s'étend beaucoup sur les vols Litte
raires , que c'est aux Critiques de demas
Il s'en fait tous les jours plus qu'on:
quer.
ne pense. La diversité des langues en oc
casionne plusieurs. Souvent un Ami in
fidéle , dépositaire des Ecrits de son Ami
mort , se les attribuë , & c.
La troisiéme raison de la néceffité des
1. Vol .
Cri
JUIN. 1731. 1337
Critiques , est prise de la licence que se
donnent des demi-Sçavans d'altérer les
Sciences , sous pretexte de les enrichir ,
de les réduire , de les embellir , de les per
fectionner. Rien n'eft plus éloquent ni
plus judicieux que le Morceau , où l'O
rateur , rappellant la Coutume des Ro
mains , qui dans le tems orageux , aver
tissoient les Consuls de veiller que la Ré
publique ne souffrit aucun dommage
avertit dans les mêmes termes , les Cri
tiques de veiller que la Théologie , la
Philosophie , l'Histoire , les Mathéma
tiques , les Belles-Lettres , ne souffrent
aucun dommage de la part des demi-Sça
vans. Il est fâcheux que la République
Litteraire , n'ait pas ses Critiques auto
risez comme la République Romaine avoit
ses Consuls , & qu'une foule de Censeurs
sans aveu , plus ennemis des Auteurs que
des Ouvrages , plus malíns à reprendre ,
que judicieux à corriger , puissent pren
dre pour eux un Avertissement que le
P. Porée n'addresse qu'à des Critiques .
sçavans , prudens , & pleins de probité ,,
tels qu'il les caractérise dans la seconde
partie de son Discours.
25
Aujourd'hui tout homme qui se sent in
capable d'écrire sur aucun sujet, et qui vent
pourtant écrire , prend le parti de la Criti
L. Vol. que
T338 MERCURE DE FRANCE
que. Carpour affirmer,il faut avouer quet
que chose ; pour nier il suffit de ne rien sça
voir. On ne sçauroit traiter un sujet , mais
on scait suivre un Auteur qui l'a traité; on
sçait aboyer après lui , le mordre et le dé
chirer. Le sage Orateur croit-il persuader
quelqu'un , lorsqu'il exige d'un Critique,
une science immense , une vaste érudi
tion , une connoissance éxacte de toutes.
choses un Critique a renoncé à être
sçavant , & un véritable
communément si critique .
sçavant
n'est pas
.
La science ne suffit pas ; un Critique a
besoin de beaucoup de prudence , de dis
cernement de sagacité pour porter un
jugement sain, juste etdéfinitif. Mais sur
tout la probité est absolument necessaire
à un Critique. Celui que l'amitié séduit
ou que la haine emporte , ne sçauroit être
un Juge sain & éclairé. C'est pourtant- là
ce qui décide de la plupart des Critiques ,
et l'envie en est ordinairement le premier
mobile ; mais le Public qui est le Juge
Souverain en dernier ressort , et des Criti
ques , et des Ouvrages critiqués , fait et
rend justice aux uns & aux autres , et une
passion tropvive n'impose qu'à celui qui
en est atteint, et tout au plus à ceux qui en
sont complices. Toute critique que la
cabale a dictée , rentre bien- tôt dans le
L. Vol.
néant
,
JUIN. 1731. 1339
néant , d'où elle est à peine sortie , et laisse
en possession de l'immortalité , l'Ouvrage
& l'Auteur qu'elle avoit attaqué avec plus
de véhemence qué de force et de sagesse.
3
Le R. P. Porée dévoilé tous les arti
fices que l'envie , la haine , la partialité
les préjugez inspirent à des Critiques qui
n'ont pas toute la bonne foi que la Pro
bité inspire, et que la Religion exige avec
rigueur. Ilse déclare avec force contre un
Livre assez moderne , qui est effective
ment très- dangereux ; & d'autant plus
dangereux , que l'Auteur ne semble s'y
piquer de probité , que pour porter des
coups plus assurés à la Religion , d'im
partialité , que pour décrier tous les par
tis sans en excepter le bon , de discer
nement que pour rejetter tout , de non
crédulité que pour établir l'incrédulité.
L'Orateur en bon Critique loie ce que
cet Ouvrage a de bon , en blâmant`ce
qu'il a de mauvais.
.
:
On imprime chez Laisnel au. Chef
S. Jean rue S. Jacques , un Livre inti
tulé : Analyse de la Dissertation de M. Mo
rand sur la Taille au haut Appareil , ou Re
ponse aux Reflexions Anatomistes de M.
Rameau sur cet Ouvrage , in 8 °. par M. le
Cat.
Fermer
Résumé : Discours Latin du P. Porée, [titre d'après la table]
Le 9 février, le Père Porée, jésuite, prononça un discours en latin au Collège de Louis le Grand, abordant les critiques littéraires. Il souligna la nécessité de la critique tout en dénonçant ses abus potentiels. Le discours se structurait en deux parties : la première justifiait l'importance de la critique, tandis que la seconde décrivait les qualités requises pour être un bon critique. Le Père Porée expliqua que la critique est indispensable pour régler les querelles et les procès dans le monde littéraire, où les disputes entre rhéteurs, grammairiens, philosophes et géomètres sont fréquentes. Il compara les critiques aux juges et aux avocats, essentiels pour instruire et décider les affaires littéraires. Il mentionna également les erreurs introduites dans les livres anciens par l'ignorance ou la négligence des libraires et des copistes, soulignant l'importance des critiques comme Turnèbe, Budée et Muret qui ont corrigé ces erreurs. Il aborda aussi les vols littéraires et la licence prise par les demi-savants d'altérer les sciences. Pour être un bon critique, le Père Porée insista sur la nécessité de la prudence, du discernement et de la probité. Il dénonça les critiques motivées par l'envie ou la haine, affirmant que le public, en dernier ressort, rend justice aux critiques et aux ouvrages critiqués. Il se déclara contre un livre moderne dangereux, critiquant son manque de probité et d'impartialité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
40
p. 2939-2949
REMEDIUM AMORIS.
Début :
Beau Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs, [...]
Mots clefs :
Beaux sexe, Amour, Femmes, Discours, Grâces
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REMEDIUM AMORIS.
REMEDIUM AMORIS.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
BEEAaUu Sexe, c'est en vain que tes Adorateurs ,
De tes moindres attraits faux apréciateurs ,
Par un culte , fondé sur de fameux exemples ,
Te dressent des Autels et t'élevent des Temples ;
En vain dans leur yvresse et leur enchantement
Je les entends par tout publier hautement ,
Que les Palais des Rois, que le Ciel, le Ciel même,
Ne vaut pas un Desert où l'on voit ce qu'on aime,
Et qu'il n'est point enfin de sauvage séjour
Qui ne soit embelli par les mains de l'Amour ,
D'un fanatisme outré Sectateur temeraire ,
Je l'abjure , et j'ai trop éprouvé le contraire,
O vous à qui ce Dieu fait perdre la raison ,
Je vous offre ces Vers pour votre guérison.
Puissent dans ce récit mes tristes avantures ,
Passer de main en main jusqu'aux races futures.
D'un Enclos tout couvert d'ossemens infectez ,
Restes encor chéris , mais fuis et respectez ,
S'éleve une vapeur du centre de la Terre ,
Que le Dieu des Enfers pour nous livrer la
Et grossir à la fois ses immenses trésors ,
Exhale contre nous de l'Empire des Morts.
Des arbres jaunissans couvrent de leur verdure ,
guerre,
* Cimetiere.
I I. Vol.
Bij
Les
2940 MERCURE DE FRANCE
Les Squeletes voisins privez de sépulture ,
Et semblent reconnoître , en cachant leurs af
fronts ,
Le suc qui les sustente en passant dans leurs
-troncs .
Nul Oyseau ne nicha sous leur triste feuillage ,
Et nul n'y fit jamais entendre son ramage ,
Si ce n'est le Hibou qui s'en vient tous les soirs ,
Effrayer par ses cris les plus prochains Manoirs,
Les Corbeaux , attirez par tant de pourriture ,
Y croassent le jour en cherchant leur pâture ;
Mais leur croassement cede aux chants importuns
,
Que l'usage consacre à l'honneur des deffunts.
Ici les hurlemens dune veuve affligée ,
Et ceux de sa famille autour d'elle rangée ,
De leurs cris pénetrants formant des unissons ,
Font lever les chassis de toutes les maisons.
Quel spectacle d'y voir et le fils et le pere ,
Et le frere et la soeur , et la fille et la mere ,
Embrasser un cadavre , et vouloir avec lui
S'enfermer au tombeau pour finir leur ennui ;
Tous dans le desespoir dont l'excès les consume,
Semblent de l'Indoustan envier la coûtume :
Mais malgré les horreurs qu'on trouve dans ces
lieux ,
Il est d'autres objets encor plus odieux ;
Car jamais , après tout, quoiqu'on en puisse dire,
11. Vol.
Les
DECEMBRE 1737. 2941
Les Morts sur les vivans n'ont eu beaucoup d'Empire
;
Malgré les Contes bleux dont nous sommes
bercez ,
Je crains plus un Voleur que mille Trépassez ;
Et je traverserois plutôt dix Cimetieres ,
Quelqu'horreur que l'on ait et des Morts et des
Bieres ,
Que je n'affronterois le Cul-de - sac affreux ,
Que je passois les soirs , lorsqu'étant amoureux
J'allois me délasser avec ma Dulcinée ,
Des occupations de toute ma journée ,
Et chercher auprès d'elle un aimable loisir ;
Je risquois plus cent fois lorsque j'osois franchir ,
De ces lieux meurtiers le terrible passage ,
Que l'Amant de Hero qui gagnoit à la nâge ,
Les bords de l'Helespont , éclairé d'une Tour,
Ou plutôt du flambeau que lui prêtoit l'Amour .
Lieu terrible où cent fois Cartouche en ses batailles
,
A teint du sang humain le pied de ses murailles ,
Si je n'y reçûs point quelque coup de poignard ,
J'en rends graces au Dieu qui préside au hazard;
Ainsi dans l'Art d'aimer j'éprouvois plus d'allarmes
,
Qu'on n'en peut essuyer dans le métier des arines.
Quand après ces dangers et ces désagrémens ,
Je voulois à l'Amour donner quelques momens ,
II. Vol.
Bij
Tou
2942 MERCURE DE FRANCE
Toujours au tête-à- tête on mettoit quelqu'obs
tacle ,
Et pour nous trouver seuls , il falloit un miracle.
Tantôt une Nourrice apportoit son Poupon ,
Qu'allaitoit devant nous un dégoutant teton ;
L'enfant crie ; Amours , Jeux , Plaisirs , tout se
disperse
Un giron le reçoit ; on l'agite , on le berce ,
Il s'endort ; par malheur ce n'est pas pour longtemps
,
Nous entendons bien- tôt des cris plus éclatans.
Un bruit sourd de boyaux nous annonce une
pluye ;
L'enfant est inondé ; la Nourrice l'essuye ,
Et du débordement à nos yeux étalé ,
Notre nez pour surcroît est encor régalé.
En vain par des secours , maussadement utiles ,
Le Poupon se rendort ; sommes -nous plus tranquiles
a
La Nourrice bientôt nous apprend à quel prix ;
Elle entonne des chants plus aigres que les cris ;
Elle a pourtant le front de demander silence ,
Et , croyant nous payer de notre complaisance ,
Par de longs tremblemens elle commence un air
Propre à sonner l'allarmes aux Rives de l'Enfer.
Nous respirons enfin , grace au sommeil propice ,
Qui saisit à la fois et Poupon et Nourrice ;
Lorsqu'une Chambriere encor vient nous troubler
;
11. Vol. La
DECEMBRE. 1731. 2943
La Maîtresse l'envoye et nous fait appeller ;
On nous dit desa part qu'il n'est pas trop honnête;
De faire si long - temps durer un tête - à-tête.
C'est ainsi qu'abusoit de son autorité ,
La Dame du Logis sur la foi d'un Traité ,
Dont j'avois bien voulu convenir avec elle ,
Quand je lui confiai ma jeune Jouvencelle ;
Sur tout prendre bien soin de sauver les dehors,
Etoit specifié par nos communs accords ,
Et comme c'est la loy qui rend l'homme cou
pable ,
Par ces mots à ses yeux tout étoit condamnable..
Jugez par ces objets fâcheux et dégoutans ,
Si ma Maitresse et moi nous étions bien contens ,
Et moi , sur tout , qui hais à tel point la con
trainte ;
Que je préfererois à la plus belle Aminte ,
Le précieux trésor de vivre en liberté .
Un Soldat qu'on reprend quand il a deserté,
Bt qu'un Sergent conduit à la prison prochaine ,
L'Esclave fugitif qu'à son Maître on ramene ,
Ont l'air plus assuré que nous n'avions tous deux,
Quand nous obéissions à l'ordre rigoureux ,
De venir augmenter la charmante Assemblée ;
A peine arrivons-nous , que dix femmes d'emblée,
Se levent et nous font un assez froid accueil ;
Cependant on nous traîne à chacun un fauteiiil ,
Quand trois chiens , que pour nous on fit sortir.
de place ,
t
2944 MERCURE DE FRANCE
2
Semblent pour s'en venger et punir notre audace ,
Par de longs aboyemens
, réunis contre nous ,
Témoigner
à la fois leur peine et leur couroux :
On a beau menacer cette Troupe en furie ,
Elle aboye encor plus à mesure qu'on crie ;
On capitule enfin , et par convention
,
Trois Dames les prenant sous leur protection
Au mal qu'on leur a fait fournissent le remede ;
Mais quel triste silence à ce grand bruit succede !
Harpocrate , ce Dieu des femmes , ignoré ,
Pour la premiere fois , là se vit honoré .
Toutes se regardoient , honteuses d'un silence ,
Qu'elles ne supportoient
qu'avec impatience
;
La Dame du logis le prit pour un affront ,
La rougeur à l'instant lui monta sur le front
Puis donnant à son cercle une libre carriere ,
A rompre le silence elle fut la premiere :
Au flux de leurs caquets laissant un libre cours ,
Nos Dames à l'instant commencent
cent discours
,
Toutes dix à la fois saisissant la parole ;
Tels Virgile nous peint les Vents que lâche Eole ,
Pour faire succomber la Flotte des Troyens ;
Tels sont tous ces discours qui renferment des
riens ;
Encore s'ils sortoient de ces bouches vermeilles ,
Qui font plaisir aux yeux pour mieux plaire aux
oreilles
11. Vol.
Qui
DECEMBRE . 1731. 2945
Qui montrent en s'ouvrant deux rateliers charmans
Garnis d'un beau corail et de plus belles dents ;
Tout ce qui sort alors d'une si belle bouche ,
Paroît spirituel , nous enchante et nous touche ,
Et ne nous parla - t'on qu'ajustement , couleur ,
Tout est dit avec grace et tout va jusqu'au coeur
Mais celles qui parloient exhaloient une haleine ,
Qui n'auroit pas permis d'entendre Demosthene .
Quels furent donc pour moi les ennuyeux discours
,
Ausquels dans tout le cercle on donnoit libre
cours ?
A chaque quolibet que l'on venoit de dire ,
J'entendois coup sur coup de grands éclats de rires
J'aurois aussi ri moi ; mais à juste raison
De tous ces ris lâchez si fort hors de saison ,
Si toutes ces beautez, rien moins que Printanieres,,
Ne m'eussent fait songer aux quatre fins der
nieres.
Hélas ! disois-je alors , leur Eté s'est passé ,
Et tout leur sang bien - tôt dans leurs veines glacé,,
Ne soutenir leurs tremblantes carcasses pourra ;
Temps cruel, il n'est rien qu'à la fin tu n'effaces;
Et malgré les efforts du Talc et du Carmin ,
On reconnoît toujours l'ouvrage de la main ; ,
L'on ne voit plus ici l'éclar de la Jeunesse ;
Le tems l'a moissonnée avec trop de vitesse ,
Et les tristes regrets d'avoir jadis été ,
11. Vol,
B.V Est
2946 MERCURE DE FRANCE
Est tout ce qu'elles ont du fruit de leur beautés
J'avouerai cependant qu'à leur dixiéme lustre,
Ces femmes faisoient voir encore quelque lustre,
Quelqu'agrément , leur front , leur teint étoient
unis
Leurs sourcils n'étoient pas tout- à -fait dégarnis ;
C'étoient leurs propres dents qu'on voyoit dans
leur bouche ;
Elles n'avoient pas tant l'air de femmes en cou→
che ,
Enfin , en ménageant adroitement leur jour ,
Elles auroient encore inspiré de l'amour.
J'en aurois pû choisir sur tout une d'entre elles ,
Digne , à quelques ans près , d'être au nombre
des belles;
Mais , nouvelle Niobe , elle vantoit toujours ,
Deux enfans , jeunes fruits de ses vieilles amours.
J'aurois voulu la voir en Rocher transformée ,
Qu du moins que sa bouche à jamais fût fermée
Faites venir mon fils , qu'il amene sa soeur ;
»Dit - elle , vous verrez leur beauté , leur douceur:
» Mon fils est gros et fort , se tient plus droit
qu'un cierge ;
Ma fille a le teint frais et tout l'air d'une vierge,
Elle n'a qu'un deffaut, sa bouche enfonce un peu;
Mais ( vous devez m'en croire après un tel aveu) .
Combien elle a d'attraits ! sa beauté feroit honte
» A la Divinité qui regne en Amathonte ;
C'est tout mon vrai Portrait , il n'est rien de
plus beau ;
DECEMBRE . 1731 2947
Dans quelque temps
peau !
d'ici que de coups de cha-
Quelle nombreuse Cour , quand sa beauté
formée ,
Fera par tout Paris voler sa renommée !
» Que d'infidelitez causeront ses appas !
Que de femmes voudroient qu'on ne la connûr
pas !
Mais ce ne sera point son unique appanage ,
Elle aura de l'esprit , des talens , du langage ,
➡ Elle danse , elle chante , et sur un Clavecin ,
Les Graces et les Jeux guident sa juste main.
»Je reviens à mon fils ; à lui rendre justice ,
» Ce n'est point un Rival d'Adonis, de Narcisse ;
Il n'est pas des plus beaux , mais l'Empire
amoureux ,
»Demande seulement des Heros vigoureux.
2
Jamais en son chemin ne trouvant de cruelles ,
>>Sur tous ses concurrens primant dans les ruelles,
Je le vois devenir la terreur des Maris ,
Et les associer à l'Epoux de Cypris .
Quel flux ! ma patience à bout étoit poussée ,
Lorsqu'une Hebé parat la main embarassée ,
De cinq verres de vin rangez entre ses doigts ,
Dont elle m'arrosa de la valeur de trois ,
En voulant de son pied sur nous fermer la porte
Cet accident fit rire , et d'une telle sorte ,
Qu'à peine entendoit on la Dame de ces lieux ,
1.1. Vol Byj Qui
2948 MERCURE DE FRANCE
Qui crioit cependant et juroit de son mieux
Contre la pauvre Hebé , qu'on traita d'étourdie ;
Mais ne la croyant pas encore assez punie
Des paroles , la Dame en vint à l'action ,
Un soufflet mit le comble à la punition ,
Et ce coup , peu s'en faut ensanglantant la Scene,
Les ris à la pitié , firent place sans peine.
Alors voyant la part qu'on prend à son malheur,
Hebé fait sans contrainte éclater sa douleur ,
Se venge par ses cris des coups de sa Maîtresse
Et le cercle lui sert comme de Forteresse.
Pour moi , ne méditant que mon évasion ,
Je voulus profiter de la confusion ,
Pour quitter ce Sabbat et regagner mon gîte ,
Et j'enfilois déja le palier au plus vite ,
Quand , tel que Don Japhet , transi sur son-
Balcon
Je me trouve arrosé de la tête au talon ,,
D'une eau.... Grand Dieu ! quelle cau , je ne
pris pas le change ,
Jusqu'à prendre cela pour eau de fleur d'Orange ;
Je ne m'épuisai point en regrets superflus ,
Mais je résolus bien de n'y revenir plus.
Encore trop heureux même dans mes disgraces
Et je rendis au Ciel mille actions de graces ,
De me voir éloigné d'une telle maison ,
Plus affreuse pour moi qu'une horrible prison.
Amans qui gémissez sous le poids de vos chaînes;
II. Vol Voulez
DECEMBRE 1731. 2949%
Voulez - vous pour toujours mettre fin à vos
peines ?
Dans de semblables lieux allez faire l'amour ;.
Et comptez de guérir avant la fin du jour.
Fermer
Résumé : REMEDIUM AMORIS.
Le texte 'Remedium Amoris' critique l'amour et ceux qui l'idéalisent. L'auteur, ayant vécu des expériences contraires, propose ses vers comme remède à ceux qui perdent la raison à cause de l'amour. Il décrit un cimetière lugubre, peuplé de squelettes et d'oiseaux comme le hibou et les corbeaux, préférant affronter des dangers réels plutôt que cette atmosphère morbide. L'auteur relate ensuite les obstacles rencontrés lors de ses rendez-vous amoureux, tels que la présence d'un nourrisson et de sa nourrice, ou les interruptions constantes par des servantes et des visites impromptues. Les réunions sociales sont dépeintes comme des moments de contrainte et de malaise, avec des femmes âgées et des chiens hostiles. L'auteur exprime son dégoût pour ces situations et préfère la liberté à l'amour contraint. Il conclut en conseillant aux amants de fréquenter de tels lieux pour se guérir rapidement de leurs peines amoureuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
41
p. 107-112
Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
Début :
LE COUR DES SCIENCES par le Pere Buffier, se distribue [...]
Mots clefs :
Sciences, Cours, Traité, Principes, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
LE COUR DES SCIENCES par le Pere
Buffier , se distribue présentement au public , nous en avons indiqué le dessein selon le plan de l'Auteur avant l'impression
Depuis que l'ouvrage paroît , le titre de
CoursdesSciences sur des Principes nouveaux
simples , se justifie très bien . Chacun
des Traités des Sciences n'est , pour ainsi
dire , que
le développement
d'une
propo
sition
qui
se fait
sentir
d'elle
même
, et qui
sert
de
principe
: par
exemple
, le
principe
general
de
la Grammaire
, est
qu'il
faut
parler
selon
l'usage
établi
dans
la Nation
de
chaque
pays
; et que
dans
les
langues
de
toutes
les
nations
il se
trouve
quelque
chose
qui
leur
est
commun
, sçavoir
. 1 ,
Un
sujet
dont
on
énonce
quelque
chose
( ce
qui
s'appelle
nom
. ) 2 ° . Ce
qu'on
énonce
de
ce sujet
, ( ce qui
s'appelle
Verbe
)
3 °. La
maniere
ou
les
particularitez
du
su
fet
et
de
ce
qu'on
en
énonce
; ce
que
le
Pere
Buffier
appelle
modificatif
. Mais
ces
trois
chefs
se
diversifient
dans
chaque
Langue
en
tant
de
façons
par
la bizarerie
de
l'usage
, que
c'est
ce
qui
fait
la difficulté
d'apprendre
les
Langues
. D'ailleurs
comme
une
Langue
se fait
entendre
à l'oreille
et
qu'un
livre
ne
se fait
entendre
qu'aux
yeux
, la Grammaire
imprimée
d'une
Lan
gue
est
toujours
un
peu
épineuse
à apFij
prendre
08 MERCURE DE FRANCE
prendre, mais en recompense , en l'appre
nant comme on la donne ici , elle est la
semence des auttes Sciences en faisant conzoître et discerner la valeur des mots qui
sont les images de nos pensées.
LePrincipe dansle traité del'Eloquence,
est encore plus simple ; sçavoir , qu'elle
consiste , non , dans les regles , mais dans
le talent d'inspirer aux autres les sentimens que nous prétendons ; de sorte que
pour y réussir , il faut bien moins d'étu
de que du talent naturel et de l'usage acquis par l'exercice et par les exemples.
La simplicité des principes dans les
Sciences de l'entendement est encore
plus sensible et plus importante. Dans la
Metaphisique on reduit la premiere source de nos connoissances et des premieres
veritez au sens.commun répandu, non pas
dans la plupart des hommes , mais dans le
plus grand nombre des hommes , réunis
dans une même opinion.
Ce principe appliqué , à ce qui est veritablementbeau , fait découvrir une chose singuliere ; c'est quebien qu'il se trouve
beaucoup plus de personnes laides que de
belles, cependant il n'est point de conforation de visage plus commune que celle
qui fait la beauté. Sur une centaine de
acz me , par exemple , il n'y en aura que
vingt
JANVIER. 1732. 1 !
و
vingt de bien faits ; mais qui seront sur le
ême modele au lieu que des quatro
vingt autres malfaits , il s'en trouvera à
peine quatre our cinq sur le mêmemodele
de difformité : Cette pensée de l'Auteur
dans un point de Metaphisique pourroit
amuser ceuxqui sont le moins capables de
Metaphisique etde reflexions abstraites.
Le principe de la Logique en ce cours des
Sciences semble congedier toutes les regles
fatigantes qu'on enseigne depuis si longtéms dans les Ecoles ; la Logique ayant
pour but essentiel , de tirer une conséquence juste d'une connoissance anterieure, ( appellée principe par rapport à la conséquence , le Pere Buffier donne pour uni
que regle,qu'on ait bien presente à l'espri
cette connoissance anterieure ou principe. Si j'ai , dit-il , bien présente à l'esprit
Ta connoissance ou l'idée du noir , il sera
impossible d'en conclure que c'est du blanc
ou du rouge ; un homme vous avertit de
ne le pas toucherparce que vous le casseriez..
Vous croyez que cet homme raisonne en
fou , et il raisonne très-juste , et la consé
quence deson principe est très - legitime :c'est qu'il se croit de verre ; posé
ee principe qui , ( à la verité est fou) la
conséquence est raisonnable que vous pour
riez le. casser. Certainement les Sciences
E iij ex
110 MERCURE DE FRANCE
exposées sous ce jour peuvent servir à la
curiosité de l'esprit , quand elles ne serviroient pas à sa justesse erà sa solidité.
Le principe du traité de la Societé Civile est aussi facile et encore plus interessant,
le voici : Je veux être heureux ; mais vi◄
vant avec des hommes qui veulent être heureux chacun de leur côté , je dois cherchermon
bonheur sans nuire en rien à celui des autres;
voilà le fondement de toute la vertu moralé et humaine. Telle est la simplicité et
la nouveauté des principes. que l'Auteur
donne aux Sciences , il les traite sous un
jour qui n'ôte rien à la clarté et à la sensibilité des principes.
Ontrouve ici des notes critiques sur des .
Ouvrages renommez d'Ecrivains anciens
et modernes qui ont traité les mêmes
Sciences. L'Auteur y ajoute des éclaircissemens aux difficultez proposées contre
certains endroits de ses ouvrages , telles
que nous en avons inseré il y a quelques.
années dans notre Mercure.
Un Discours particulier touchant l'étude et la methode des Sciences contient encore des reflexions utiles et nouvelles ; on
y montre l'abus de vouloir donner unemethode generale pour acquerir les Sciences : il ne se trouvera qu'à peine deux esprits dit le Pere Buffier , qui ayent acquis
JANVIER. 1737. TFU
quis la mêine sorte de Science par la mê
me methode , chacunse fait et se doit faire
la sienne selon le caractere particulier de
son genie , de son goût , de son état et de
ses besoins. On indique en ce discours divers exercices qui peuvent abreger ou faciliter l'étude des Sciences. On recommande
de s'attacher d'abord dans l'étude des Langues à interpreter beaucoup plus qu'à composer. Dans l'exercice de la Rhetorique et
de l'éloquence, à faire l'analise de Discours
excellens , et de tâcher au bout d'un tems.
à le remplir soi - même pour le comparer
avec son modele: dans l'exercice de la Poësie, de ne s'y point arrêter quand on ne s'y
trouve pas un talent singulier ; dans la Mc--
thaphysique et la Logique de choisir un
maître qui forme sesEleves à n'admetre que
ce qu'ils conçoivent nettement et indépen
damment des mots et des expressions, &c.
Le volume finit par plusieurs petits Trai
tez ou Dissertations sur differents dujets ,
pour examiner 1 °. En quoi consiste la nature du goût : 2 si nous sommes en état
de bien juger des défauts d'Homere : 3º ..
si quelques gens d'esprit ont eu raison de
décrier le vers de Lucain , victrix causa,,
&c. Les Dieux sont pourCésar , mais Caton suit Pompée, &c. 4° . Si les regles et les
beautés de la Musique sont arbitraires ou E iiij. ex-
·
AE MERCURE DE FRANCE
réelles à cette occasion l'Autheur insere
un petit Traité de Musique intelligible à
ceux même qui n'en auroient jamais rien
appris. On expose encore une question
qu'on n'auroit peut- être pas attendue dans
un cours des Sciences, mais elle sert à montrer ici combien elles contribuent à éclaircir des choses dont on entend parler trèscommunément sans les entendre , et qui
deviennent très claires par la maniere de
les exposer , avec le secours des Sciences.
Cette question est celle où l'on demande
quel est le mobile quifait hausser ou baisserce
qui s'appelle le change parmi les commerçans
de l'Europe , dont les Gazettes parlent continuellement.
Buffier , se distribue présentement au public , nous en avons indiqué le dessein selon le plan de l'Auteur avant l'impression
Depuis que l'ouvrage paroît , le titre de
CoursdesSciences sur des Principes nouveaux
simples , se justifie très bien . Chacun
des Traités des Sciences n'est , pour ainsi
dire , que
le développement
d'une
propo
sition
qui
se fait
sentir
d'elle
même
, et qui
sert
de
principe
: par
exemple
, le
principe
general
de
la Grammaire
, est
qu'il
faut
parler
selon
l'usage
établi
dans
la Nation
de
chaque
pays
; et que
dans
les
langues
de
toutes
les
nations
il se
trouve
quelque
chose
qui
leur
est
commun
, sçavoir
. 1 ,
Un
sujet
dont
on
énonce
quelque
chose
( ce
qui
s'appelle
nom
. ) 2 ° . Ce
qu'on
énonce
de
ce sujet
, ( ce qui
s'appelle
Verbe
)
3 °. La
maniere
ou
les
particularitez
du
su
fet
et
de
ce
qu'on
en
énonce
; ce
que
le
Pere
Buffier
appelle
modificatif
. Mais
ces
trois
chefs
se
diversifient
dans
chaque
Langue
en
tant
de
façons
par
la bizarerie
de
l'usage
, que
c'est
ce
qui
fait
la difficulté
d'apprendre
les
Langues
. D'ailleurs
comme
une
Langue
se fait
entendre
à l'oreille
et
qu'un
livre
ne
se fait
entendre
qu'aux
yeux
, la Grammaire
imprimée
d'une
Lan
gue
est
toujours
un
peu
épineuse
à apFij
prendre
08 MERCURE DE FRANCE
prendre, mais en recompense , en l'appre
nant comme on la donne ici , elle est la
semence des auttes Sciences en faisant conzoître et discerner la valeur des mots qui
sont les images de nos pensées.
LePrincipe dansle traité del'Eloquence,
est encore plus simple ; sçavoir , qu'elle
consiste , non , dans les regles , mais dans
le talent d'inspirer aux autres les sentimens que nous prétendons ; de sorte que
pour y réussir , il faut bien moins d'étu
de que du talent naturel et de l'usage acquis par l'exercice et par les exemples.
La simplicité des principes dans les
Sciences de l'entendement est encore
plus sensible et plus importante. Dans la
Metaphisique on reduit la premiere source de nos connoissances et des premieres
veritez au sens.commun répandu, non pas
dans la plupart des hommes , mais dans le
plus grand nombre des hommes , réunis
dans une même opinion.
Ce principe appliqué , à ce qui est veritablementbeau , fait découvrir une chose singuliere ; c'est quebien qu'il se trouve
beaucoup plus de personnes laides que de
belles, cependant il n'est point de conforation de visage plus commune que celle
qui fait la beauté. Sur une centaine de
acz me , par exemple , il n'y en aura que
vingt
JANVIER. 1732. 1 !
و
vingt de bien faits ; mais qui seront sur le
ême modele au lieu que des quatro
vingt autres malfaits , il s'en trouvera à
peine quatre our cinq sur le mêmemodele
de difformité : Cette pensée de l'Auteur
dans un point de Metaphisique pourroit
amuser ceuxqui sont le moins capables de
Metaphisique etde reflexions abstraites.
Le principe de la Logique en ce cours des
Sciences semble congedier toutes les regles
fatigantes qu'on enseigne depuis si longtéms dans les Ecoles ; la Logique ayant
pour but essentiel , de tirer une conséquence juste d'une connoissance anterieure, ( appellée principe par rapport à la conséquence , le Pere Buffier donne pour uni
que regle,qu'on ait bien presente à l'espri
cette connoissance anterieure ou principe. Si j'ai , dit-il , bien présente à l'esprit
Ta connoissance ou l'idée du noir , il sera
impossible d'en conclure que c'est du blanc
ou du rouge ; un homme vous avertit de
ne le pas toucherparce que vous le casseriez..
Vous croyez que cet homme raisonne en
fou , et il raisonne très-juste , et la consé
quence deson principe est très - legitime :c'est qu'il se croit de verre ; posé
ee principe qui , ( à la verité est fou) la
conséquence est raisonnable que vous pour
riez le. casser. Certainement les Sciences
E iij ex
110 MERCURE DE FRANCE
exposées sous ce jour peuvent servir à la
curiosité de l'esprit , quand elles ne serviroient pas à sa justesse erà sa solidité.
Le principe du traité de la Societé Civile est aussi facile et encore plus interessant,
le voici : Je veux être heureux ; mais vi◄
vant avec des hommes qui veulent être heureux chacun de leur côté , je dois cherchermon
bonheur sans nuire en rien à celui des autres;
voilà le fondement de toute la vertu moralé et humaine. Telle est la simplicité et
la nouveauté des principes. que l'Auteur
donne aux Sciences , il les traite sous un
jour qui n'ôte rien à la clarté et à la sensibilité des principes.
Ontrouve ici des notes critiques sur des .
Ouvrages renommez d'Ecrivains anciens
et modernes qui ont traité les mêmes
Sciences. L'Auteur y ajoute des éclaircissemens aux difficultez proposées contre
certains endroits de ses ouvrages , telles
que nous en avons inseré il y a quelques.
années dans notre Mercure.
Un Discours particulier touchant l'étude et la methode des Sciences contient encore des reflexions utiles et nouvelles ; on
y montre l'abus de vouloir donner unemethode generale pour acquerir les Sciences : il ne se trouvera qu'à peine deux esprits dit le Pere Buffier , qui ayent acquis
JANVIER. 1737. TFU
quis la mêine sorte de Science par la mê
me methode , chacunse fait et se doit faire
la sienne selon le caractere particulier de
son genie , de son goût , de son état et de
ses besoins. On indique en ce discours divers exercices qui peuvent abreger ou faciliter l'étude des Sciences. On recommande
de s'attacher d'abord dans l'étude des Langues à interpreter beaucoup plus qu'à composer. Dans l'exercice de la Rhetorique et
de l'éloquence, à faire l'analise de Discours
excellens , et de tâcher au bout d'un tems.
à le remplir soi - même pour le comparer
avec son modele: dans l'exercice de la Poësie, de ne s'y point arrêter quand on ne s'y
trouve pas un talent singulier ; dans la Mc--
thaphysique et la Logique de choisir un
maître qui forme sesEleves à n'admetre que
ce qu'ils conçoivent nettement et indépen
damment des mots et des expressions, &c.
Le volume finit par plusieurs petits Trai
tez ou Dissertations sur differents dujets ,
pour examiner 1 °. En quoi consiste la nature du goût : 2 si nous sommes en état
de bien juger des défauts d'Homere : 3º ..
si quelques gens d'esprit ont eu raison de
décrier le vers de Lucain , victrix causa,,
&c. Les Dieux sont pourCésar , mais Caton suit Pompée, &c. 4° . Si les regles et les
beautés de la Musique sont arbitraires ou E iiij. ex-
·
AE MERCURE DE FRANCE
réelles à cette occasion l'Autheur insere
un petit Traité de Musique intelligible à
ceux même qui n'en auroient jamais rien
appris. On expose encore une question
qu'on n'auroit peut- être pas attendue dans
un cours des Sciences, mais elle sert à montrer ici combien elles contribuent à éclaircir des choses dont on entend parler trèscommunément sans les entendre , et qui
deviennent très claires par la maniere de
les exposer , avec le secours des Sciences.
Cette question est celle où l'on demande
quel est le mobile quifait hausser ou baisserce
qui s'appelle le change parmi les commerçans
de l'Europe , dont les Gazettes parlent continuellement.
Fermer
Résumé : Cours des Sciences, &c. [titre d'après la table]
Le texte présente le 'Cours des Sciences' du Père Buffier, un ouvrage caractérisé par la simplicité et la clarté de ses principes. Chaque traité de science est structuré autour d'une proposition fondamentale. En grammaire, le principe général est de parler selon l'usage établi dans chaque nation, tout en reconnaissant des éléments communs à toutes les langues, tels que le nom, le verbe et le modificatif. La grammaire imprimée, bien que difficile à apprendre, est essentielle pour comprendre les autres sciences en discernant la valeur des mots. En éloquence, le principe est que cette discipline repose davantage sur le talent naturel et l'usage acquis par l'exercice que sur les règles. En métaphysique, les connaissances et les vérités premières sont réduites au sens commun répandu parmi le plus grand nombre des hommes. La logique est simplifiée en se concentrant sur la clarté des connaissances antérieures. Le traité sur la société civile repose sur le principe de chercher son bonheur sans nuire à celui des autres, fondement de la vertu morale et humaine. L'ouvrage inclut également des notes critiques sur des ouvrages renommés et des éclaircissements sur les difficultés proposées. Un discours particulier sur l'étude et la méthode des sciences met en garde contre l'abus de vouloir imposer une méthode générale, chaque individu devant adapter son approche selon son génie et ses besoins. Le volume se termine par des dissertations sur divers sujets, tels que la nature du goût, les défauts d'Homère, les vers de Lucain, les règles de la musique, et le mobile du change parmi les commerçants européens. Ces sujets montrent comment les sciences peuvent éclaircir des questions couramment discutées.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
42
p. 135
« Le 30 du mois dernier, le Pere de la Sante, Jesuite, l'un des Professeurs de Rhétorique au [...] »
Début :
Le 30 du mois dernier, le Pere de la Sante, Jesuite, l'un des Professeurs de Rhétorique au [...]
Mots clefs :
Collège Louis le Grand, Discours, Rhétorique
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Le 30 du mois dernier, le Pere de la Sante, Jesuite, l'un des Professeurs de Rhétorique au [...] »
esuite , l'un des Professeurs de Rhétorique au
College de Louis le Grand , prononça un DisCours latin trés- éloquent , en presence du Cardinal de Bissy , de l'Archevêque de Paris , de
plusieurs autres Prélats , et d'un grand nombre
de personnes de consideration. Le sujet de son
Discours étoit ; Que de toutes les Histoires , celle
deFrance est une des plus difficiles à écrire , et une
des plus agréables à lire. Les applaudissemens que
cette Piece d'Eloquence a reçus, nous engageront à en donner un Extrait.
College de Louis le Grand , prononça un DisCours latin trés- éloquent , en presence du Cardinal de Bissy , de l'Archevêque de Paris , de
plusieurs autres Prélats , et d'un grand nombre
de personnes de consideration. Le sujet de son
Discours étoit ; Que de toutes les Histoires , celle
deFrance est une des plus difficiles à écrire , et une
des plus agréables à lire. Les applaudissemens que
cette Piece d'Eloquence a reçus, nous engageront à en donner un Extrait.
Fermer
Résumé : « Le 30 du mois dernier, le Pere de la Sante, Jesuite, l'un des Professeurs de Rhétorique au [...] »
Un professeur de rhétorique au Collège de Louis le Grand a prononcé un discours latin sur la difficulté d'écrire et le plaisir de lire l'histoire de France. Le Cardinal de Bissy, l'Archevêque de Paris et d'autres personnalités étaient présents. Le discours a été acclamé, motivant sa publication.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
43
p. 165-169
Discours du Roy au Parlement, &c. [titre d'après la table]
Début :
MYLORDS ET MESSIEURS, C'est un grand plaisir pour moi [...]
Mots clefs :
Discours, Roi d'Angleterre, Chambre des pairs, Espagne, Chambre des communes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours du Roy au Parlement, &c. [titre d'après la table]
idi , le Roy se rendit en Cortège en la Chambre des Pairs , ayant mandé les Communes.S M. fit l'ouverture de la Scéance du Parlement par le.
Discours suivant.
MYLORDS ET MESSIEURS,
C'est un grand plaisir pour moi de pouvoir vous dire que les esperances que je vous ai données de
temps en temps , de voir la tranquillité de l'Europe rétablie et affermie , sont à present entierement
accomplies,je m'assure que la part du crédit et de
l'influence que la Couronne d'Angleterre a eue dans
La réussite de cette affaire , comme on le reconnoît au dehors , sera agréable à mon peuple , et que vous en aurez de la reconnoissance..
On sçait que depuis le temps de la conclusion,
de la Quadruple Alliance , les diferentes Cours de
l'Europe ont cherché les moyens d'exécuter ce qui
avoit été convenu par les Puissances principales pour la succession de Toscane , et des Duchez de
Parme et de Plaisance , en faveur d'un Infant
d'Espagne
2
18 MERCURE DE FRANCE
Espagne , mais les interets differens et opposez
difficiles à concilier et à réunir pour faire réussir
une affaire de si grande importance; les vues éten
dues et les esperances qu'on avoit conçûës de chaque côté, d'obtenir de plus grands avantages , les ja- ·
lousies naturelles et les défiances que de tels principes
et des desseins contraires les uns aux autres , ont
fait naître parmi les differentes Puissances interessées avoit tenu en suspens et dans l'inéxécution ;
ce quela Cour d'Espagne avoit extrêmement àcœur,,
et avoit causé des troubles et des désordes qui ont
embarassé les affaires de l'Europe pendant plusieurs
années , et dans lesquels les interêts particuliers de
cette Nation ont été envelopez. ,
Vous avez été de temps en temps informez des :
differentes mesures et négociations qu'on a employées
de tous côtez durant cette situation incertaine des affaires , et vous m'avez mis en état de continuer
mes soins , pour conserver les droits et possessions .
de ce Royaume, la paix et la balance de l'Europe
Les articles préliminaires et les transactions qui les
ont suivies , n'ayant pas répondu aux attentes de la
Cour d'Espagne , et ayant causéde la froideur et du mécontentement entre les Parties contractantes di
premier Traité de Vienne , furent le fondement et là
cause du Traité de Séville , et détruisirent parla :
cette union , qui avoit fait naître tant de crainte et allarmé le monde si long- temps.
L'exécution du Traité de Séville étoit la grande
difficulté qui restoit encore ; et quelqu'insurmontable qu'on a crût,j'aipar lesecours etparlaconfiance que vous avez euë en moi , été en état de la vaincre par des Traitez justes et honorables , sans en
venir aux extrémitez , sans courir le hazard ni
m'exposer à la dépense qu'auroit causé une rupture··
générale , et sans allumer la guerre dans aucune
partie de l'Europe... Parme
JANVIER 1732: 167-
Parme et Plaisance sont à présent dans l'actuelle ·
possession de l'Infant Don Carlos. Six mille Espagnols ont été tranquillement reçus et mis en quar-.
tiers dans le Duché de Toscane , afin d'assurer à ce
Prince, du propre consentement et de l'agrément du Grand Duc, la survivance à ses Etats ; et l'on a:
fait une convention de famille entre les Cours d'Espagne et de Toscane , pour conserver la Paixet l'a
mitié entre ses deux Maisons pendant la vie du
Grand Duc.
Pour perfectionner et finir cet Ouvrage ennuyeux,
conduit au travers d'une suite de changement et de ·
vicissitude infinie , et embarassé de toutes les diffe .
rentes vûës d'interêts et d'ambition ; j'ay conclu le :
dernier Traité de Vienne , oùje ne suis entré dans ;
aucuns engagemens contraires aux précédens Trai
tez, ni qui tendent à agrandir ou diminuer lepouvoir ou le poids d'aucun Potentat ; le but n'étant, &
de conserver une juste balance et d'éviter la confusion que les nouveaux changemens et de nouveaux troubles , que les évenemens futurs feroient
naitre , causeroient inévitablement, et dans lesquels .
PAngleterre ne pourroit jamais demeurer tranquille
ni être spectatrice oisive.
que
Quandcela aura été bien consideréet qu'on verra
queles playes qui ont saigné long-temps , sont entierement consolidées ; les jalousies sans fondement cesseront , la paix et la bonne harmonie reviendront
ensemble , toute défiance et soupçon , effet naturel des
délais réitérez , artificieusement insinués et indus-..
trieusement augmentez et aggravez , seront éloignez ; une mutuelle satisfaction sera la conséquence
de la ponctuelle et effective exécution de tous nos
Engagemens , dont on se ressouviendra toujours
avec beaucoup d'égard et d'honneur pour la Couronne et pour cette Nation , et qui mettra ceux quiJu
13 MERCURE DE FRANCE
·
sont immédiatement intéressez , dans une obliga--
tion indispensable d'en avoir la reconnoissance que
P'honneur et la justice demandent.
MESSIEURS de la Chambre des
Communes ,
On remettra devant vous les estimations où l'é--
tat des dépenses pour le service de l'année courante , qui , comme vous le remarquerez, sont beau coup moins considérables que celles des années précédentes. C'est un plaisir pour moi de soulager mes :
Sujets quand le temps le permet , vous avez veu les
heureux effets de votre ancien zele et fermeté , le
succès a accompagné mes mesures et vous recueillez
le fruit de mes efforts et de votre confiance en moy.
C'est pour vous une satisfaction de sçavoir quetour
tes les dépenses que vous avez faites en dernier lieu,
sont amplement recompensées, en en évitant de beaucoup plus grandes.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Je mepromets que cette heureuse situation des affaires vous donnera des dispositions unanimes et un juste zele pour le bien public , telles qu'elles convien
nenta un Parlement qui connoit les grands bonheurs
dont il jouit. Le devoir et l'affection de mes Sujets ·
sont toute la reconnoissance queje désire pour l'amour paternel que j'ai pour eux , et pour l'interêt que
jeprends en tout ce qui les regarde.. Mon gouvernement n'a de sureté que dans -ce
qui peut contribuer également à votre bonheur et
ala protection de mon peuple , et votre prosperité n'a
de fondement que dans la défense et le soutien de
mon gouvernement. Notre sureté est mutuelle , nas
intérêts sont inséparables. ·
Le Roy étant sorti de la Chambre , les Sei
gneurs
JANVIER. 1732. 169
gneurs résolurent unanimement de présenter une
adresse à S M. pour le remercier de sa Harangue,
Les Communes retirées dans leur Chambre , y
prirent une semblable résolution.
Discours suivant.
MYLORDS ET MESSIEURS,
C'est un grand plaisir pour moi de pouvoir vous dire que les esperances que je vous ai données de
temps en temps , de voir la tranquillité de l'Europe rétablie et affermie , sont à present entierement
accomplies,je m'assure que la part du crédit et de
l'influence que la Couronne d'Angleterre a eue dans
La réussite de cette affaire , comme on le reconnoît au dehors , sera agréable à mon peuple , et que vous en aurez de la reconnoissance..
On sçait que depuis le temps de la conclusion,
de la Quadruple Alliance , les diferentes Cours de
l'Europe ont cherché les moyens d'exécuter ce qui
avoit été convenu par les Puissances principales pour la succession de Toscane , et des Duchez de
Parme et de Plaisance , en faveur d'un Infant
d'Espagne
2
18 MERCURE DE FRANCE
Espagne , mais les interets differens et opposez
difficiles à concilier et à réunir pour faire réussir
une affaire de si grande importance; les vues éten
dues et les esperances qu'on avoit conçûës de chaque côté, d'obtenir de plus grands avantages , les ja- ·
lousies naturelles et les défiances que de tels principes
et des desseins contraires les uns aux autres , ont
fait naître parmi les differentes Puissances interessées avoit tenu en suspens et dans l'inéxécution ;
ce quela Cour d'Espagne avoit extrêmement àcœur,,
et avoit causé des troubles et des désordes qui ont
embarassé les affaires de l'Europe pendant plusieurs
années , et dans lesquels les interêts particuliers de
cette Nation ont été envelopez. ,
Vous avez été de temps en temps informez des :
differentes mesures et négociations qu'on a employées
de tous côtez durant cette situation incertaine des affaires , et vous m'avez mis en état de continuer
mes soins , pour conserver les droits et possessions .
de ce Royaume, la paix et la balance de l'Europe
Les articles préliminaires et les transactions qui les
ont suivies , n'ayant pas répondu aux attentes de la
Cour d'Espagne , et ayant causéde la froideur et du mécontentement entre les Parties contractantes di
premier Traité de Vienne , furent le fondement et là
cause du Traité de Séville , et détruisirent parla :
cette union , qui avoit fait naître tant de crainte et allarmé le monde si long- temps.
L'exécution du Traité de Séville étoit la grande
difficulté qui restoit encore ; et quelqu'insurmontable qu'on a crût,j'aipar lesecours etparlaconfiance que vous avez euë en moi , été en état de la vaincre par des Traitez justes et honorables , sans en
venir aux extrémitez , sans courir le hazard ni
m'exposer à la dépense qu'auroit causé une rupture··
générale , et sans allumer la guerre dans aucune
partie de l'Europe... Parme
JANVIER 1732: 167-
Parme et Plaisance sont à présent dans l'actuelle ·
possession de l'Infant Don Carlos. Six mille Espagnols ont été tranquillement reçus et mis en quar-.
tiers dans le Duché de Toscane , afin d'assurer à ce
Prince, du propre consentement et de l'agrément du Grand Duc, la survivance à ses Etats ; et l'on a:
fait une convention de famille entre les Cours d'Espagne et de Toscane , pour conserver la Paixet l'a
mitié entre ses deux Maisons pendant la vie du
Grand Duc.
Pour perfectionner et finir cet Ouvrage ennuyeux,
conduit au travers d'une suite de changement et de ·
vicissitude infinie , et embarassé de toutes les diffe .
rentes vûës d'interêts et d'ambition ; j'ay conclu le :
dernier Traité de Vienne , oùje ne suis entré dans ;
aucuns engagemens contraires aux précédens Trai
tez, ni qui tendent à agrandir ou diminuer lepouvoir ou le poids d'aucun Potentat ; le but n'étant, &
de conserver une juste balance et d'éviter la confusion que les nouveaux changemens et de nouveaux troubles , que les évenemens futurs feroient
naitre , causeroient inévitablement, et dans lesquels .
PAngleterre ne pourroit jamais demeurer tranquille
ni être spectatrice oisive.
que
Quandcela aura été bien consideréet qu'on verra
queles playes qui ont saigné long-temps , sont entierement consolidées ; les jalousies sans fondement cesseront , la paix et la bonne harmonie reviendront
ensemble , toute défiance et soupçon , effet naturel des
délais réitérez , artificieusement insinués et indus-..
trieusement augmentez et aggravez , seront éloignez ; une mutuelle satisfaction sera la conséquence
de la ponctuelle et effective exécution de tous nos
Engagemens , dont on se ressouviendra toujours
avec beaucoup d'égard et d'honneur pour la Couronne et pour cette Nation , et qui mettra ceux quiJu
13 MERCURE DE FRANCE
·
sont immédiatement intéressez , dans une obliga--
tion indispensable d'en avoir la reconnoissance que
P'honneur et la justice demandent.
MESSIEURS de la Chambre des
Communes ,
On remettra devant vous les estimations où l'é--
tat des dépenses pour le service de l'année courante , qui , comme vous le remarquerez, sont beau coup moins considérables que celles des années précédentes. C'est un plaisir pour moi de soulager mes :
Sujets quand le temps le permet , vous avez veu les
heureux effets de votre ancien zele et fermeté , le
succès a accompagné mes mesures et vous recueillez
le fruit de mes efforts et de votre confiance en moy.
C'est pour vous une satisfaction de sçavoir quetour
tes les dépenses que vous avez faites en dernier lieu,
sont amplement recompensées, en en évitant de beaucoup plus grandes.
MYLORDS ET MESSIEURS ,
Je mepromets que cette heureuse situation des affaires vous donnera des dispositions unanimes et un juste zele pour le bien public , telles qu'elles convien
nenta un Parlement qui connoit les grands bonheurs
dont il jouit. Le devoir et l'affection de mes Sujets ·
sont toute la reconnoissance queje désire pour l'amour paternel que j'ai pour eux , et pour l'interêt que
jeprends en tout ce qui les regarde.. Mon gouvernement n'a de sureté que dans -ce
qui peut contribuer également à votre bonheur et
ala protection de mon peuple , et votre prosperité n'a
de fondement que dans la défense et le soutien de
mon gouvernement. Notre sureté est mutuelle , nas
intérêts sont inséparables. ·
Le Roy étant sorti de la Chambre , les Sei
gneurs
JANVIER. 1732. 169
gneurs résolurent unanimement de présenter une
adresse à S M. pour le remercier de sa Harangue,
Les Communes retirées dans leur Chambre , y
prirent une semblable résolution.
Fermer
Résumé : Discours du Roy au Parlement, &c. [titre d'après la table]
Le roi s'est rendu à la Chambre des Pairs pour ouvrir la séance du Parlement par un discours. Il a annoncé que les espoirs de rétablir la tranquillité en Europe étaient accomplis, mettant en avant le rôle de la Couronne d'Angleterre dans cette réussite. Depuis la Quadruple Alliance, les cours européennes cherchaient à exécuter les accords concernant la succession de la Toscane et des duchés de Parme et de Plaisance en faveur d'un infant d'Espagne. Cependant, les intérêts divergents et les défiances avaient retardé l'exécution de ces accords, causant des troubles en Europe. Le roi a mentionné les différentes mesures et négociations employées durant cette période incertaine, visant à conserver les droits et possessions du Royaume, ainsi que la paix et la balance en Europe. Les articles préliminaires et les transactions du premier Traité de Vienne n'ayant pas répondu aux attentes de la Cour d'Espagne, ils furent à l'origine du Traité de Séville. L'exécution de ce traité fut facilitée par des accords justes et honorables, évitant ainsi une rupture générale et une guerre en Europe. Parme et Plaisance sont désormais sous la possession de l'infant Don Carlos, et des Espagnols ont été installés en Toscane pour assurer la succession. Une convention de famille entre les cours d'Espagne et de Toscane a été conclue pour maintenir la paix et l'amitié. Le roi a conclu le dernier Traité de Vienne, visant à conserver une juste balance et à éviter de nouveaux troubles. Le roi a souligné que les dépenses pour l'année courante étaient moins considérables que les années précédentes, remerciant ses sujets pour leur zèle et leur confiance. Il a exprimé son désir de voir le Parlement uni et zélé pour le bien public, soulignant que la sécurité et la prospérité mutuelles dépendaient de la défense et du soutien réciproques. À la fin du discours, les seigneurs et les communes ont résolu de présenter une adresse au roi pour le remercier de sa harangue.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
44
p. 756-769
Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Début :
M. l'Evêque de Luçon, (Michel Celse Roger de Rabutin [...]
Mots clefs :
Académie française, Discours, Éloquence grave, Évêque de Luçon, Fontenelle, Assemblée, Antoine Houdard de la Motte
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
M. l'Evêque de Luçon , ( Michel Celse
Roger de Rabutin de Bussy ) , ayant été
élu par Messieurs de l'Académie Françoise , à la place de feu M. Houdar de la
Motte; y prit séance le Jeudi , 6 Mars
1732, et prononça un Discours de remerciment , également convenable à sa dignité et à sa naissance ; un Discours dont le
caractére est une Eloquencé grave , noble
et simple. Ce Discours , quoique prononcé avec beaucoup de grace ,
fit moins de
plaisir aux Auditeurs , qu'il n'en a fait depuis aux Lecteurs. C'est le sort des Ouvrages excellens qui gagnent toujours à
être approfondis. La mesure d'attention
que peut donner l'Auditeur , ne suffit
pas pour sentir dans toute leur étendueJ
les.
AVRIL ' . 1732. 797
que
les beautez d'un certain ordre. M. l'Evêde Luçon commence en ces termes :
MESSIEURS ,
Ce n'est point avec des sentimens ordinaires que je reçois l'honneur que vous
me faites aujourd'hui. Attentif, dès mon
enfance , au récit de vos exercices , accoutumé à entendre exalter vos talens , né
dans une Maison où je croyois partager
vos avantages et votre gloire : Disciple de
ces Hommes celebres, qui formoient alors
l'Académie ; je n'ai jamais pensé que je
fusse étranger pour vous ; et quoique persuadé de mon insuffisance , je me suis fa
miliarisé avec l'idée , que je pourrois vous
appartenir quelque jour. Souffrez donc
Messieurs , que sans rien perdre de l'admiration que vous méritez , j'ose me présenter à Vous , avec la confiance d'un
homme.élevé sous vos auspices.
·
1
Ensuite M. l'Evêque de Luçon, par un
tour très heureux , fait l'éloge du Cardinal de Richelieu , comme d'après les
Grands Hommes qui l'ont souvent entretenu des qualitez éminentes de ce fameux Ministre et des merveilles de son
Ministere. Il saisit la circonstance de le
compter au nombre de ses Prédécesseurs
dans l'Evêché de Luçon , et le loue, comme
758 MERCURE DE FRANCE
me Evêque , après l'avoir loué comme
Ministre d'Etat.
Deux Monumens immortaliseront à jamais le C. de R. La Sorbonne et l'Académie. La Sorbonne , qui sera toujours la
Mere et la Maîtresse des Forts d'Israel ; la
Dépositaire fidelle de la saine Doctrine.
L'Académie Françoise , destinée , non à
L'unique emploi depolir le Langage, mais encore àformer le goût en tout genre de Litterature.
Tels furent , Messieurs , continue l'élo
quent Prélat, les nobles Emplois que vous ·
destina votre illustre Fondateur. Il voyoit
approcher les temps où vous deveniez
plus necessaires à la France ; il présageoit
les merveilles du Regne suivant , parce
qu'il les avoit préparées. il falloit donc
une Société d'Hommes choisis pour les
recueillir ; il falloit une juste proportion
entre ces merveilles et ceux qui devoient
les célébrer ; il falloit pour unnouvel Au
guste , des Ecrivains dignes du siécle
d'Auguste même.
Vous l'avez fait revivre, Messieurs , ce
siécle admirable. Eh ! qui pourroit exprimer aujourd'hui ce que la France vousdoit
d'éclat et de splendeur. Je ne parle pas
seulement de ces Ouvrages comparables à
ceux de la Grece et de l'ancienne Rome,
mais
AVRIL. 1732: 759
mais encore de ce nombre infini de grandes actions , que nous devons au désir de l'Immortalité , dont vous êtes les dispensateurs. Semblables à ce fameux Tribunal
des Egyptiens , où la vie des Princes mêmes étoit jugée après leur mort ; c'est
vous qui pesez les actions des plus grands personages ; c'est icy que le vrai merite
peut esperer le juste tribut qui lui est dû.
Noms celebres , réputations éclatantes
vous n'auriez jamais été sans l'amour de
la gloire. C'est cet amour qui a produit
les Héros ; et à la honte de la Nature hu
maine , c'est à ce même amourque la vertu
est souvent redevable de ses plus grands efforts.
A la fin de l'éloge du feu Roy, M. de
Luçon parle de sa mort en ces termes :
Courageux sans ostentation , tendre sans
foiblesse ; il fut occupé , comme Roy et
comme Pere , à préparer à ses sujets un
Regne qui , avec les avantages du sien
eut encore ceux ausquels il n'avoit pû
parvenir. Bien éloigné de cet Empereur
qui se ménagea le plaisir barbare de se
faire regretter par les défauts de son successeur, il ne fut point jaloux qu'un autre
rendit ses peuples plus heureux. Assuré
d'être à jamais célébré dans une Nation
qu'il avoit élevée au dessus des autres ; il
n'en-
760 MERCURE DE FRANCE
n'envia point à son successeur le bonheur
de la faire jouir de toutes les douceurs de
la paix. Dans ces derniers momens , où
l'on voit si nettement le faux des opinions des hommes , il connut que la
Guerre ne peut passer aux yeux du Sage
que pour un mal quelquefois nécessaire ,
et que la paix qui en doit étre l'unique
objet, est presque toujours trop achetée ,
même par la Guerre la plus heureuse.
Cependant vous n'étiez encore qu'un
bien stérile pour nous , poursuit l'Orateur plus bas , en parlant du Roy , et de
Louis XIV. Si ce grand Roy , qui connoissoit si parfaitement les talens necessaires à chaque place , n'avoit choisi le Ministre le plus digne pour être le dépositaire de l'éducation de cet Auguste Enfant , de ce gage précieux de la sureté de
toutes les Nations. Que ne devient point
le plus heureux naturel , cultivé par des
mains si habiles ? De là , toutes ces vertus , qui font aujourd'hui le bonheur de
la France ; cette piété tendre et égale, dont
l'exemple a plus de force que les Loix :
une justice qui garentit les Sujets de toutes oppression. De- là , cette Sagesse qui
contient les hommes , et cette douceur
qui les concilie ; enfin cette modération
qui fait l'assurance de nos voisins , et la
tranquillité de l'Europe,
Quelle
AVRIL 1732. 761
Quelle entreprise pour moi , ( dit M.de
Luçon sur la fin de son Discours , en parlant de M. de la Motte ) que l'éloge d'un
homme de tous les talens , et à qui ses
ennemis , ou plutôt ses envieux , ne refuseront pas l'excellence en plusieurs genres , et des places honorables en tous les
autres. Content de jetter quelques fleurs
sur son Tombeau , je ne m'attacherai
donc qu'à vous rappeller ici les qualitez
estimables qu'il possedoit..
Avant lui peu d'Auteurs avoient connu la moderation et la douceur dans la
dispute. On voyoit souvent l'homme de
Lettre écrire avec grossiereté , le Philosophe avec emportement , le Chrétien
même, en combattant pour la Religion ,
oublier la charité. M. de la Motte , Maître en cet Art presque inconnu , nous
apprit que dans les disputes les plus vives,
on peut conserver toute la grace et toute la moderation d'un homme du monde. Dans cette fameuse querelle , où il
entreprit d'élever les Modernes au- dessus
des Anciens , s'il ne remporta pas la victoire , du moins un jour ses Ouvrages devenus anciens , serviront à leur tour de
preuves à ceux qui soutiendront l'opinion
contraire à la sienne. Jamais la force de
ses raisons ne prit rien sur la politesse
qui
762 MERCURE DE FRANCE
qui les accompagnoit , son Adversaire négligea cet avantage et si leur cause avoit
été jugée sur leur maniere d'écrire , elle
ne seroit pas restée indécise , &c.
Après le Discours de M. l'Evêque de
Luçon , M. de Fontenelle , Directeur , répondit au nom de l'Académie.
MONSIEUR,
Il arrive quelquefois que sans examiner
les motifs de notre conduite , on nous
accuse d'avoir dans nos Elections beaucoup d'égard aux noms et aux dignitez ,
et de songer du moins autant à décorer
notre Liste , qu'à fortifier solidement la
Compagnie. Aujourd'hui nous n'avons
point cette injuste accusation à craindre ;
il est vrai que vous portez un beau nom,
il est vrai que vous êtes revêtu d'une
dignité respectable ; on ne nous reprochera cependant ni l'un ni l'autre. Le
nom vous donneroit presque un droit
hereditaire , la dignité vous a donné lieu
de fournir vos veritables titres , ces Ouvrages où vous avez traité des matieres
qui , très-épineuses par elles- mêmes , le
sont devenues encore davantage par les
circonstances présentes , &c.
t
3
Ici , Monsieur , je ne puis resister à la
vanité de dire que vous n'avez pas dédaigné
AVRIL. 1732. 75.3
gné de m'admettre au plaisir que votre›
commerce faisoit à un nombre de personnes mieux choisies, et je rendrois graces avec beaucoup de joye au sort qui m'a
place de vous en marquer publiquement ma reconnoissance , si ce même
sort ne me chargeoit aussi d'une autre
fonction très- douloureuse et très pénible.
Il fautque je parle de votre illustre Prédecesseur , d'un ami qui m'étoit extrémement cher, et que j'ai perdu ; il faut que
j'en parle , que j'appuye sur tout ce qui
cause mes regrets , et que je mette du
soin à rendre la playe de mon cœur encore plus profonde. Je conviens qu'il y
a toujours un certain plaisir à dire ce
que que l'on sent , mais il faudroit le dire
dans cette Assemblée d'une maniere digne
d'elle et digne du sujet , et c'est à quoi
je ne crols pas pouvoir suffire, quelque
aidé que je sois par un tendre souvenir,
par ma douleur même , et par mon zele
pour la memoire de mon ami.
Le plus souvent on est étrangement
borné par la Nature. On ne sera qu'un.
bon Poëte , c'est être déja assez réduit ,
mais de plus on ne le sera que dans un
certain genre; la Chanson même en est
un où on peut se trouver renfermé. M. de
la . Motre a traité presque tous les genres
de
764 MERCURE DE FRANCE
de Poësie. L'Ode étoit assez oubliée de
puis Malherbe , l'élevation qu'elle demande, les contraintes particulieres qu'elle impose , avoient causé sa disgrace
quand un jeune Inconnu parut subitement avec des Odes à la main , dont plusieurs étoient des Chef- d'œuvres , et les
plus foibles avoient de grandes beautez.
Pindare , dans les siennes , est toujours
Pindare , Anacreon toujours Anacreon
et ils sont tous deux très- opposez. M. de
la Motte, après avoir commencé par être
Pindare , sçut devenir Anacreon.
Il passa au Théatre Tragique , et il y
fut universellement applaudi dans trois
Pieces de caracteres differens. Les Machas
bées ont le sublime et le majestueux qu'exige une Religion divine ; Romulus réprésente la grandeur Romaine , naissante
et mêlée de quelque ferocité ; Inés de
Castro , exprime les sentimens les plus
tendres , les plus touchans , les plus adroitement puisez dans le sein de la Nature.
Aussi l'Histoire du Théatre n'a- t'elle
point d'exemple d'un succès pareil à celui
d'Inés. C'en est un grand pour une Piece
que d'avoir attiré une fois chacun de ceux
qui vont aux Spectacles ; Inés n'a peutêtre pas eu un seul Spectateur qui ne l'ait
été qu'une fois. Le desir de la voir renaissoit après la curiosité satisfaite.
AVRIL 1732 765
Un autre Théatre a encore plus souvent occupé le même Auteur , c'est celui
où la Musique , s'unissant à la Poësie , la
pare quelquefois et la tient toujours dans
un rigoureux esclavage. De grands Poëtes ont fierement méprisé ce genre , dont
leur génie trop roide et trop flexible , les
excluoit ; et quand ils ont voulu prouver
que leur mépris ne venoit pas d'incapacité , ils n'ont fait que prouver par des
efforts malheureux , que c'est un genre
très-difficile. M. de la Motte eût été aussi
en droit de le mépriser ; mais il a fait
mieux , il y a beaucoup reüssi , &c.
Lorsque ses premiers Ouvrages parurent , il n'avoit point passé par de foibles
Essais , propres seulement à donner des
esperances , on n'étoit point averti , et
on n'eut point le loisir de se précautionner contre l'admiration , mais dans la
suite on se tint sur ses gardes , on l'attendoit avec une indisposition secrette
contre lui. Il en eût coûté trop d'estime
pour lui rendre une justice entiere. Il fit
une Iliade , en suivant seulement le plan
general d'Homere , et on trouva mauvais
qu'il touchât au divin Homere sans l'adorer. Il donna un Recueil de Fables ,
dont il avoit inventé la plupart des sujets , et on demanda pourquoi il faisoit
des
66 MERCURE DE FRANCE
des Fables après la Fontaine. Sur ces raisons on prit la résolution de ne lire ni
I'lliade , ni les Fables , et de les condamner , &c.
Il n'a manqué, poursuit plus bas le célébre Académicien , à un Poëte si universel, qu'un seul genre , la Satyre , et il
est plus glorieux pour lui qu'elle lui manque , qu'il ne l'est d'avoir eu tout les
autres genres à sa disposition.
Malgré tout cela , M. de la M. n'étoit
pas Poëte ( ont dit quelques- uns, et mille
echos l'ont repeté, ) Ce n'étoit point un
enthousiasme involontaire qui le saisît,
une fureur divine qui l'agitât , c'étoit seulement une volonté de faire des Vers qu'il
executoit , parce qu'il avoit beaucoup
d'esprit. Quoi ce qu'il y aura de plus
estimable en nous , sera-ce donc ce qui
dépendra le moins de nous , ce qui agira
le plus en nous , sans nous- mêmes ? ce
qui aura le plus de conformité avec l'instinct des animaux? car cet enthousiasme ,
cette fureur bien expliquez , se réduiront
à de veritables instincts, &c.
Après avoir parlé éloquemment sur
cette foule de Censeurs que son mérite
lui avoit faits , et dont les coups partoient de trop bas pour aller jusqu'à lui,
dit M. de Fontenelle , il continuë en cette
maniere. Quand
AVRIL. 1732. 767
Quand on a été le plus avare de louanges sur son sujet , on lui a accordé un ,
premier rang dans la Prose , pour se dispenser de lui en donner un pareil dans
la Poësie ; et le moyen qu'il n'eût pas excellé en Prose ! lui , qui avec un esprit
• nourri de refléxions , plein d'idées bien
saines et bien ordonnées , avoit une force,
une noblesse et une élegance singuliere
d'expression , même dans son discours
ordinaire.
1
Cependant cette beauté d'expression ,
ces refléxions , ces idées , il ne les devoit
presque qu'à lui- même. Privé dès sa jeunesse de l'usage de ses yeux et de ses jambes , il n'avoit pû guere profiter ni du
grand commerce du monde , ni du secours des Livres. Il ne se servoit que des
yeux d'un Neveu , dont les soins constans et perpetuels pendant 24. années qu'il
a entierement sacrifiées à son Oncle , méritent l'estime , et en quelque sorte la reconnoissance de tous ceux qui aiment les
Lettres , ou qui sont sensibles à l'agréa
bleSpectacle que donnent des devoirs d'amitié bien remplis. Ce qu'on peut se faire,
lire , ne va pas foin ; et M. de la Motte
étoit donc bien éloigné d'être sçavants
Mais sa gloire en redouble. Il seroit luimême dans la dispute des Anciens et des
G Mo-
768 MERCURE DE FRANCE
Modernes , un assez fort argument contre
l'indispensable necessité dont on prétend
que soit la grande connoissance des Anciens, si ce n'est qu'on pourroit fort légi
timement répondre qu'un homme si rare
ne tire pas à conséquence.
Nousesperons que nos Lecteurs nedesapprouverontpas la longueur de ces Extraits
ou plutôt nous nous flattens qu'ils nous en
sçauront gré.Nous finirons par cet Article.
Un des plus celebres incidens de la
querelle sur Homere , fut celui où l'on
vit paroître dans la lice , d'un côté le
Sçavoir, sous la figure d'une Dame illustre; de l'autre l'Esprit , je ne veux pas
dire la Raison , car je ne pétens point
toucher au fond de la dispute , mais seulement à la maniere dont elle fut traitée.
En vain le Sçavoir voulut se contraindre
à quelques dehors de moderation dont
notre siecle impose la nécessité , il retomba malgré lui dans son ancien stile , et
laissa échapper de l'aigreur , de la hauteur et de l'emportement. L'Esprit au
-contraire fut doux , modeste , tranquille
même enjoi é , toûjours respectueux pour
le venerable Sçavoir , et encore plus pour
celle qui le représentoit.Si M.de la Morte
eût par art le ton qu'il prit , il eût fait
un Chef d'œuvre d'habileté ; mais les effets
AVRIL. 17320 789
forts7 de l'Art ne vont pas si loin , et
son caractere naturel eut beaucoup de
part à la victoire complette qu'il rem
porta.
Roger de Rabutin de Bussy ) , ayant été
élu par Messieurs de l'Académie Françoise , à la place de feu M. Houdar de la
Motte; y prit séance le Jeudi , 6 Mars
1732, et prononça un Discours de remerciment , également convenable à sa dignité et à sa naissance ; un Discours dont le
caractére est une Eloquencé grave , noble
et simple. Ce Discours , quoique prononcé avec beaucoup de grace ,
fit moins de
plaisir aux Auditeurs , qu'il n'en a fait depuis aux Lecteurs. C'est le sort des Ouvrages excellens qui gagnent toujours à
être approfondis. La mesure d'attention
que peut donner l'Auditeur , ne suffit
pas pour sentir dans toute leur étendueJ
les.
AVRIL ' . 1732. 797
que
les beautez d'un certain ordre. M. l'Evêde Luçon commence en ces termes :
MESSIEURS ,
Ce n'est point avec des sentimens ordinaires que je reçois l'honneur que vous
me faites aujourd'hui. Attentif, dès mon
enfance , au récit de vos exercices , accoutumé à entendre exalter vos talens , né
dans une Maison où je croyois partager
vos avantages et votre gloire : Disciple de
ces Hommes celebres, qui formoient alors
l'Académie ; je n'ai jamais pensé que je
fusse étranger pour vous ; et quoique persuadé de mon insuffisance , je me suis fa
miliarisé avec l'idée , que je pourrois vous
appartenir quelque jour. Souffrez donc
Messieurs , que sans rien perdre de l'admiration que vous méritez , j'ose me présenter à Vous , avec la confiance d'un
homme.élevé sous vos auspices.
·
1
Ensuite M. l'Evêque de Luçon, par un
tour très heureux , fait l'éloge du Cardinal de Richelieu , comme d'après les
Grands Hommes qui l'ont souvent entretenu des qualitez éminentes de ce fameux Ministre et des merveilles de son
Ministere. Il saisit la circonstance de le
compter au nombre de ses Prédécesseurs
dans l'Evêché de Luçon , et le loue, comme
758 MERCURE DE FRANCE
me Evêque , après l'avoir loué comme
Ministre d'Etat.
Deux Monumens immortaliseront à jamais le C. de R. La Sorbonne et l'Académie. La Sorbonne , qui sera toujours la
Mere et la Maîtresse des Forts d'Israel ; la
Dépositaire fidelle de la saine Doctrine.
L'Académie Françoise , destinée , non à
L'unique emploi depolir le Langage, mais encore àformer le goût en tout genre de Litterature.
Tels furent , Messieurs , continue l'élo
quent Prélat, les nobles Emplois que vous ·
destina votre illustre Fondateur. Il voyoit
approcher les temps où vous deveniez
plus necessaires à la France ; il présageoit
les merveilles du Regne suivant , parce
qu'il les avoit préparées. il falloit donc
une Société d'Hommes choisis pour les
recueillir ; il falloit une juste proportion
entre ces merveilles et ceux qui devoient
les célébrer ; il falloit pour unnouvel Au
guste , des Ecrivains dignes du siécle
d'Auguste même.
Vous l'avez fait revivre, Messieurs , ce
siécle admirable. Eh ! qui pourroit exprimer aujourd'hui ce que la France vousdoit
d'éclat et de splendeur. Je ne parle pas
seulement de ces Ouvrages comparables à
ceux de la Grece et de l'ancienne Rome,
mais
AVRIL. 1732: 759
mais encore de ce nombre infini de grandes actions , que nous devons au désir de l'Immortalité , dont vous êtes les dispensateurs. Semblables à ce fameux Tribunal
des Egyptiens , où la vie des Princes mêmes étoit jugée après leur mort ; c'est
vous qui pesez les actions des plus grands personages ; c'est icy que le vrai merite
peut esperer le juste tribut qui lui est dû.
Noms celebres , réputations éclatantes
vous n'auriez jamais été sans l'amour de
la gloire. C'est cet amour qui a produit
les Héros ; et à la honte de la Nature hu
maine , c'est à ce même amourque la vertu
est souvent redevable de ses plus grands efforts.
A la fin de l'éloge du feu Roy, M. de
Luçon parle de sa mort en ces termes :
Courageux sans ostentation , tendre sans
foiblesse ; il fut occupé , comme Roy et
comme Pere , à préparer à ses sujets un
Regne qui , avec les avantages du sien
eut encore ceux ausquels il n'avoit pû
parvenir. Bien éloigné de cet Empereur
qui se ménagea le plaisir barbare de se
faire regretter par les défauts de son successeur, il ne fut point jaloux qu'un autre
rendit ses peuples plus heureux. Assuré
d'être à jamais célébré dans une Nation
qu'il avoit élevée au dessus des autres ; il
n'en-
760 MERCURE DE FRANCE
n'envia point à son successeur le bonheur
de la faire jouir de toutes les douceurs de
la paix. Dans ces derniers momens , où
l'on voit si nettement le faux des opinions des hommes , il connut que la
Guerre ne peut passer aux yeux du Sage
que pour un mal quelquefois nécessaire ,
et que la paix qui en doit étre l'unique
objet, est presque toujours trop achetée ,
même par la Guerre la plus heureuse.
Cependant vous n'étiez encore qu'un
bien stérile pour nous , poursuit l'Orateur plus bas , en parlant du Roy , et de
Louis XIV. Si ce grand Roy , qui connoissoit si parfaitement les talens necessaires à chaque place , n'avoit choisi le Ministre le plus digne pour être le dépositaire de l'éducation de cet Auguste Enfant , de ce gage précieux de la sureté de
toutes les Nations. Que ne devient point
le plus heureux naturel , cultivé par des
mains si habiles ? De là , toutes ces vertus , qui font aujourd'hui le bonheur de
la France ; cette piété tendre et égale, dont
l'exemple a plus de force que les Loix :
une justice qui garentit les Sujets de toutes oppression. De- là , cette Sagesse qui
contient les hommes , et cette douceur
qui les concilie ; enfin cette modération
qui fait l'assurance de nos voisins , et la
tranquillité de l'Europe,
Quelle
AVRIL 1732. 761
Quelle entreprise pour moi , ( dit M.de
Luçon sur la fin de son Discours , en parlant de M. de la Motte ) que l'éloge d'un
homme de tous les talens , et à qui ses
ennemis , ou plutôt ses envieux , ne refuseront pas l'excellence en plusieurs genres , et des places honorables en tous les
autres. Content de jetter quelques fleurs
sur son Tombeau , je ne m'attacherai
donc qu'à vous rappeller ici les qualitez
estimables qu'il possedoit..
Avant lui peu d'Auteurs avoient connu la moderation et la douceur dans la
dispute. On voyoit souvent l'homme de
Lettre écrire avec grossiereté , le Philosophe avec emportement , le Chrétien
même, en combattant pour la Religion ,
oublier la charité. M. de la Motte , Maître en cet Art presque inconnu , nous
apprit que dans les disputes les plus vives,
on peut conserver toute la grace et toute la moderation d'un homme du monde. Dans cette fameuse querelle , où il
entreprit d'élever les Modernes au- dessus
des Anciens , s'il ne remporta pas la victoire , du moins un jour ses Ouvrages devenus anciens , serviront à leur tour de
preuves à ceux qui soutiendront l'opinion
contraire à la sienne. Jamais la force de
ses raisons ne prit rien sur la politesse
qui
762 MERCURE DE FRANCE
qui les accompagnoit , son Adversaire négligea cet avantage et si leur cause avoit
été jugée sur leur maniere d'écrire , elle
ne seroit pas restée indécise , &c.
Après le Discours de M. l'Evêque de
Luçon , M. de Fontenelle , Directeur , répondit au nom de l'Académie.
MONSIEUR,
Il arrive quelquefois que sans examiner
les motifs de notre conduite , on nous
accuse d'avoir dans nos Elections beaucoup d'égard aux noms et aux dignitez ,
et de songer du moins autant à décorer
notre Liste , qu'à fortifier solidement la
Compagnie. Aujourd'hui nous n'avons
point cette injuste accusation à craindre ;
il est vrai que vous portez un beau nom,
il est vrai que vous êtes revêtu d'une
dignité respectable ; on ne nous reprochera cependant ni l'un ni l'autre. Le
nom vous donneroit presque un droit
hereditaire , la dignité vous a donné lieu
de fournir vos veritables titres , ces Ouvrages où vous avez traité des matieres
qui , très-épineuses par elles- mêmes , le
sont devenues encore davantage par les
circonstances présentes , &c.
t
3
Ici , Monsieur , je ne puis resister à la
vanité de dire que vous n'avez pas dédaigné
AVRIL. 1732. 75.3
gné de m'admettre au plaisir que votre›
commerce faisoit à un nombre de personnes mieux choisies, et je rendrois graces avec beaucoup de joye au sort qui m'a
place de vous en marquer publiquement ma reconnoissance , si ce même
sort ne me chargeoit aussi d'une autre
fonction très- douloureuse et très pénible.
Il fautque je parle de votre illustre Prédecesseur , d'un ami qui m'étoit extrémement cher, et que j'ai perdu ; il faut que
j'en parle , que j'appuye sur tout ce qui
cause mes regrets , et que je mette du
soin à rendre la playe de mon cœur encore plus profonde. Je conviens qu'il y
a toujours un certain plaisir à dire ce
que que l'on sent , mais il faudroit le dire
dans cette Assemblée d'une maniere digne
d'elle et digne du sujet , et c'est à quoi
je ne crols pas pouvoir suffire, quelque
aidé que je sois par un tendre souvenir,
par ma douleur même , et par mon zele
pour la memoire de mon ami.
Le plus souvent on est étrangement
borné par la Nature. On ne sera qu'un.
bon Poëte , c'est être déja assez réduit ,
mais de plus on ne le sera que dans un
certain genre; la Chanson même en est
un où on peut se trouver renfermé. M. de
la . Motre a traité presque tous les genres
de
764 MERCURE DE FRANCE
de Poësie. L'Ode étoit assez oubliée de
puis Malherbe , l'élevation qu'elle demande, les contraintes particulieres qu'elle impose , avoient causé sa disgrace
quand un jeune Inconnu parut subitement avec des Odes à la main , dont plusieurs étoient des Chef- d'œuvres , et les
plus foibles avoient de grandes beautez.
Pindare , dans les siennes , est toujours
Pindare , Anacreon toujours Anacreon
et ils sont tous deux très- opposez. M. de
la Motte, après avoir commencé par être
Pindare , sçut devenir Anacreon.
Il passa au Théatre Tragique , et il y
fut universellement applaudi dans trois
Pieces de caracteres differens. Les Machas
bées ont le sublime et le majestueux qu'exige une Religion divine ; Romulus réprésente la grandeur Romaine , naissante
et mêlée de quelque ferocité ; Inés de
Castro , exprime les sentimens les plus
tendres , les plus touchans , les plus adroitement puisez dans le sein de la Nature.
Aussi l'Histoire du Théatre n'a- t'elle
point d'exemple d'un succès pareil à celui
d'Inés. C'en est un grand pour une Piece
que d'avoir attiré une fois chacun de ceux
qui vont aux Spectacles ; Inés n'a peutêtre pas eu un seul Spectateur qui ne l'ait
été qu'une fois. Le desir de la voir renaissoit après la curiosité satisfaite.
AVRIL 1732 765
Un autre Théatre a encore plus souvent occupé le même Auteur , c'est celui
où la Musique , s'unissant à la Poësie , la
pare quelquefois et la tient toujours dans
un rigoureux esclavage. De grands Poëtes ont fierement méprisé ce genre , dont
leur génie trop roide et trop flexible , les
excluoit ; et quand ils ont voulu prouver
que leur mépris ne venoit pas d'incapacité , ils n'ont fait que prouver par des
efforts malheureux , que c'est un genre
très-difficile. M. de la Motte eût été aussi
en droit de le mépriser ; mais il a fait
mieux , il y a beaucoup reüssi , &c.
Lorsque ses premiers Ouvrages parurent , il n'avoit point passé par de foibles
Essais , propres seulement à donner des
esperances , on n'étoit point averti , et
on n'eut point le loisir de se précautionner contre l'admiration , mais dans la
suite on se tint sur ses gardes , on l'attendoit avec une indisposition secrette
contre lui. Il en eût coûté trop d'estime
pour lui rendre une justice entiere. Il fit
une Iliade , en suivant seulement le plan
general d'Homere , et on trouva mauvais
qu'il touchât au divin Homere sans l'adorer. Il donna un Recueil de Fables ,
dont il avoit inventé la plupart des sujets , et on demanda pourquoi il faisoit
des
66 MERCURE DE FRANCE
des Fables après la Fontaine. Sur ces raisons on prit la résolution de ne lire ni
I'lliade , ni les Fables , et de les condamner , &c.
Il n'a manqué, poursuit plus bas le célébre Académicien , à un Poëte si universel, qu'un seul genre , la Satyre , et il
est plus glorieux pour lui qu'elle lui manque , qu'il ne l'est d'avoir eu tout les
autres genres à sa disposition.
Malgré tout cela , M. de la M. n'étoit
pas Poëte ( ont dit quelques- uns, et mille
echos l'ont repeté, ) Ce n'étoit point un
enthousiasme involontaire qui le saisît,
une fureur divine qui l'agitât , c'étoit seulement une volonté de faire des Vers qu'il
executoit , parce qu'il avoit beaucoup
d'esprit. Quoi ce qu'il y aura de plus
estimable en nous , sera-ce donc ce qui
dépendra le moins de nous , ce qui agira
le plus en nous , sans nous- mêmes ? ce
qui aura le plus de conformité avec l'instinct des animaux? car cet enthousiasme ,
cette fureur bien expliquez , se réduiront
à de veritables instincts, &c.
Après avoir parlé éloquemment sur
cette foule de Censeurs que son mérite
lui avoit faits , et dont les coups partoient de trop bas pour aller jusqu'à lui,
dit M. de Fontenelle , il continuë en cette
maniere. Quand
AVRIL. 1732. 767
Quand on a été le plus avare de louanges sur son sujet , on lui a accordé un ,
premier rang dans la Prose , pour se dispenser de lui en donner un pareil dans
la Poësie ; et le moyen qu'il n'eût pas excellé en Prose ! lui , qui avec un esprit
• nourri de refléxions , plein d'idées bien
saines et bien ordonnées , avoit une force,
une noblesse et une élegance singuliere
d'expression , même dans son discours
ordinaire.
1
Cependant cette beauté d'expression ,
ces refléxions , ces idées , il ne les devoit
presque qu'à lui- même. Privé dès sa jeunesse de l'usage de ses yeux et de ses jambes , il n'avoit pû guere profiter ni du
grand commerce du monde , ni du secours des Livres. Il ne se servoit que des
yeux d'un Neveu , dont les soins constans et perpetuels pendant 24. années qu'il
a entierement sacrifiées à son Oncle , méritent l'estime , et en quelque sorte la reconnoissance de tous ceux qui aiment les
Lettres , ou qui sont sensibles à l'agréa
bleSpectacle que donnent des devoirs d'amitié bien remplis. Ce qu'on peut se faire,
lire , ne va pas foin ; et M. de la Motte
étoit donc bien éloigné d'être sçavants
Mais sa gloire en redouble. Il seroit luimême dans la dispute des Anciens et des
G Mo-
768 MERCURE DE FRANCE
Modernes , un assez fort argument contre
l'indispensable necessité dont on prétend
que soit la grande connoissance des Anciens, si ce n'est qu'on pourroit fort légi
timement répondre qu'un homme si rare
ne tire pas à conséquence.
Nousesperons que nos Lecteurs nedesapprouverontpas la longueur de ces Extraits
ou plutôt nous nous flattens qu'ils nous en
sçauront gré.Nous finirons par cet Article.
Un des plus celebres incidens de la
querelle sur Homere , fut celui où l'on
vit paroître dans la lice , d'un côté le
Sçavoir, sous la figure d'une Dame illustre; de l'autre l'Esprit , je ne veux pas
dire la Raison , car je ne pétens point
toucher au fond de la dispute , mais seulement à la maniere dont elle fut traitée.
En vain le Sçavoir voulut se contraindre
à quelques dehors de moderation dont
notre siecle impose la nécessité , il retomba malgré lui dans son ancien stile , et
laissa échapper de l'aigreur , de la hauteur et de l'emportement. L'Esprit au
-contraire fut doux , modeste , tranquille
même enjoi é , toûjours respectueux pour
le venerable Sçavoir , et encore plus pour
celle qui le représentoit.Si M.de la Morte
eût par art le ton qu'il prit , il eût fait
un Chef d'œuvre d'habileté ; mais les effets
AVRIL. 17320 789
forts7 de l'Art ne vont pas si loin , et
son caractere naturel eut beaucoup de
part à la victoire complette qu'il rem
porta.
Fermer
Résumé : Discours de M. l'Evêque de Luçon à l'Académie Françoise, &c. [titre d'après la table]
Le 6 mars 1732, Michel Celse Roger de Rabutin de Bussy, évêque de Luçon, fut élu à l'Académie Française pour succéder à Houdar de la Motte. Lors de son discours de remerciement, il exprima son admiration pour l'Académie et son honneur de rejoindre ses rangs. Il loua le cardinal de Richelieu pour ses qualités de ministre d'État et son rôle d'évêque de Luçon. L'évêque de Luçon souligna l'importance de l'Académie Française, non seulement pour polir le langage, mais aussi pour former le goût littéraire. Il rendit hommage au siècle admirable que l'Académie avait contribué à revivre, en célébrant les grands écrivains et les actions héroïques. Il évoqua également la mort du roi, le décrivant comme courageux et sage, préoccupé par le bien-être de ses sujets et la paix en Europe. Enfin, il rendit hommage à Houdar de la Motte, louant sa modération et sa douceur dans les disputes littéraires. Après le discours de l'évêque de Luçon, M. de Fontenelle, directeur de l'Académie, répondit en soulignant les mérites de l'évêque et en évoquant la mémoire de Houdar de la Motte. Le texte traite de la figure de M. de la Motte, reconnu pour son excellence en prose et son potentiel en poésie. Doté d'un esprit riche en réflexions et idées bien ordonnées, il possédait une force, une noblesse et une élégance singulières dans son expression, même dans son discours ordinaire. Malgré une jeunesse marquée par la privation de l'usage de ses yeux et de ses jambes, il a développé ses compétences principalement par lui-même, sans bénéficier du grand commerce du monde ou du secours des livres. Il se servait des yeux de son neveu, qui a consacré 24 années à l'assister, méritant ainsi l'estime et la reconnaissance des amateurs de lettres et des sensibles aux devoirs d'amitié. Bien que M. de la Motte ne fût pas savant, sa gloire en est redoublée. Il aurait pu être un argument contre la nécessité absolue de la grande connaissance des Anciens. Le texte mentionne également un incident célèbre de la querelle sur Homère, opposant le Savoir et l'Esprit. Le Savoir, représenté par une dame illustre, a montré de l'aigreur et de l'emportement malgré des efforts de modération, tandis que l'Esprit a adopté une attitude douce, modeste et respectueuse. M. de la Motte, par son caractère naturel, a remporté une victoire complète dans cette dispute.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
45
p. 2206-2208
Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
Début :
DISCOURS qui ont été présentez à l'Académie des Belles-Lettres de Marseille, [...]
Mots clefs :
Discours, Académie des Belles-Lettres de Marseille, Prix, Médaille d'or, Poésie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
DISCOURS qui ont été présentez à l'Académie des Belles - Lettres de Marseille
pour le Prix de l'année 1732. Brochure in
12. de 63. pag. A Marseille , chezla veuve
Boy.
Un Avertissement , qui est à la tête de
ce Recueil , apprend que M. le Maréchal
Duc de Villars, Protecteur de l'Académie,
vient de fonder sur sa Principaúté de
Martigues en Provence, le Prix annuelde
300 liv.qu'il a bien voulu lui fournir tous
les ans, depuis son Institution, fondation
qui assure à la Ville de Marseille , et à
toute la Province , l'avantage de récompenser le mérite , et aux Muses une source immortelle d'émulation de gloire et de
couronnes.
On apprend aussi dans cette petite Préface que le Prix sera toujours une Médaille d'or de la valeur de 300 liv.mais au lieu
que cette Médaille portoit d'un côté les
Armes de M. le Maréchal , et sur le Revers , la Devise de l'Académie ; elle portera
OCTOBRE. 1732. 2207
tera désormais d'un côté le Buste , et sur
le Revers la Devise de M. de Villars . Le
jour de l'adjudication du Prix , qui étoit
cy-devant fixé au premier Mécredy après
Quasimodo , le sera à l'avenir pour toujours au 25 Aoust , jour de la Fête de S.
Louis ; ce qui ne commencera d'avoir lieu
que l'année prochaine 173 3. par les rai- sons énoncées.
Le Prix sera adjugé à une Piéce de Poësie de 100 Vers au plus,et de 80 au moins,
quisera une Ode , ou un Poëme à rimes
Plattes , dont le sujet sera ; l'Utilité des
Prix Académiques , à l'occasion de la fondation de celui de l'Academie des Belles
-Lettres de Marseille , par M. le Maré
chal de Villars , son Protecteur.
On addressera jusqu'au premier jour de
May inclusivément , les Ouvrages destinez au concours , à M. Chalamont de la
Visclede, Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie, rue de l'Evêché , en affranchissant
les Paquets.Les Auteurs ne mettront point
leurs noms , mais une Sentence de l'Ecriture, des Peres ou des Auteurs pròfanes , &c.
L'Auteur qui aura remporté le Prix ,
viendra le recevoir dans la Salle de l'Académie , le jour de la Séance publique, s'il
est à Marseille , sinon il enverra à une
per-
2208 MERCURE DE FRANCE
t
personne domiciliée , le Récepissé de M.
fe Secretaire , à qui les Auteurs auront
eu soin de donner leurs addresses , et
moïennant le Récepissé on delivrera le
Prix à cette personne.
Les Discours imprimez dans cette Brochure , sont au nombre de quatre, et roulent sur ces paroles de Seneque : Neminem
adversa Fortuna comminuit nisi quem secunda decepit.L'adversité n'abat que ceux que
la prosperité avoit aveuglés. Le premier
qui se presente est celui qui, au jugement
de l'Académie , a remporté le prix. Il est
du R. P. Raynaud , de l'Oratoire. Nous
n'entrerons là- dessus dans aucun détail ,
pour nepoint exceder nos bornes ordinaires.Nous ne dirons rien par la même raison
d'une Lettre anonyme , dattée d'Aix, le 3
Juillet 1732. imprimée à Marseille sans
nom d'Imprimeur , et sans aucune marque d'authorisation , intitulée : Réfléxions
critiques sur le Discours qui a remporté le
Prix de l'Académie des Belles Lettres de
Marseille , en l'année 1731. addressées à
M. de*** brochure in 12. de 42 pag.
pour le Prix de l'année 1732. Brochure in
12. de 63. pag. A Marseille , chezla veuve
Boy.
Un Avertissement , qui est à la tête de
ce Recueil , apprend que M. le Maréchal
Duc de Villars, Protecteur de l'Académie,
vient de fonder sur sa Principaúté de
Martigues en Provence, le Prix annuelde
300 liv.qu'il a bien voulu lui fournir tous
les ans, depuis son Institution, fondation
qui assure à la Ville de Marseille , et à
toute la Province , l'avantage de récompenser le mérite , et aux Muses une source immortelle d'émulation de gloire et de
couronnes.
On apprend aussi dans cette petite Préface que le Prix sera toujours une Médaille d'or de la valeur de 300 liv.mais au lieu
que cette Médaille portoit d'un côté les
Armes de M. le Maréchal , et sur le Revers , la Devise de l'Académie ; elle portera
OCTOBRE. 1732. 2207
tera désormais d'un côté le Buste , et sur
le Revers la Devise de M. de Villars . Le
jour de l'adjudication du Prix , qui étoit
cy-devant fixé au premier Mécredy après
Quasimodo , le sera à l'avenir pour toujours au 25 Aoust , jour de la Fête de S.
Louis ; ce qui ne commencera d'avoir lieu
que l'année prochaine 173 3. par les rai- sons énoncées.
Le Prix sera adjugé à une Piéce de Poësie de 100 Vers au plus,et de 80 au moins,
quisera une Ode , ou un Poëme à rimes
Plattes , dont le sujet sera ; l'Utilité des
Prix Académiques , à l'occasion de la fondation de celui de l'Academie des Belles
-Lettres de Marseille , par M. le Maré
chal de Villars , son Protecteur.
On addressera jusqu'au premier jour de
May inclusivément , les Ouvrages destinez au concours , à M. Chalamont de la
Visclede, Secretaire perpétuel de l'Acadé
mie, rue de l'Evêché , en affranchissant
les Paquets.Les Auteurs ne mettront point
leurs noms , mais une Sentence de l'Ecriture, des Peres ou des Auteurs pròfanes , &c.
L'Auteur qui aura remporté le Prix ,
viendra le recevoir dans la Salle de l'Académie , le jour de la Séance publique, s'il
est à Marseille , sinon il enverra à une
per-
2208 MERCURE DE FRANCE
t
personne domiciliée , le Récepissé de M.
fe Secretaire , à qui les Auteurs auront
eu soin de donner leurs addresses , et
moïennant le Récepissé on delivrera le
Prix à cette personne.
Les Discours imprimez dans cette Brochure , sont au nombre de quatre, et roulent sur ces paroles de Seneque : Neminem
adversa Fortuna comminuit nisi quem secunda decepit.L'adversité n'abat que ceux que
la prosperité avoit aveuglés. Le premier
qui se presente est celui qui, au jugement
de l'Académie , a remporté le prix. Il est
du R. P. Raynaud , de l'Oratoire. Nous
n'entrerons là- dessus dans aucun détail ,
pour nepoint exceder nos bornes ordinaires.Nous ne dirons rien par la même raison
d'une Lettre anonyme , dattée d'Aix, le 3
Juillet 1732. imprimée à Marseille sans
nom d'Imprimeur , et sans aucune marque d'authorisation , intitulée : Réfléxions
critiques sur le Discours qui a remporté le
Prix de l'Académie des Belles Lettres de
Marseille , en l'année 1731. addressées à
M. de*** brochure in 12. de 42 pag.
Fermer
Résumé : Discours présentez à l'Academie de Marseille, pour les Prix, &c. [titre d'après la table]
Le document décrit le Prix annuel de l'Académie des Belles-Lettres de Marseille pour l'année 1732. Fondé par le Maréchal Duc de Villars, ce prix, doté de 300 livres, récompense une œuvre poétique de 80 à 100 vers sur l'utilité des prix académiques. La récompense est une médaille d'or portant le buste et la devise de M. de Villars. La date de remise du prix est fixée au 25 août, jour de la fête de Saint-Louis, à partir de 1733. Les candidatures doivent être soumises au secrétaire perpétuel, M. Chalamont de la Visclede, avant le 1er mai, anonymement et accompagnées d'une citation. Le lauréat reçoit le prix lors d'une séance publique ou peut envoyer un représentant. La brochure inclut quatre discours sur une citation de Sénèque, le meilleur étant celui du R. P. Raynaud de l'Oratoire. Une lettre anonyme critique a également été publiée à Marseille sans autorisation.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
46
p. 2440-2444
LETTRE et Discours sur les Paranymphes
Début :
Je vous envoye, Monsieur, un Discours, ou plutôt une petite Dissertation [...]
Mots clefs :
Paranymphes, Dissertation, Docteur, Discours, Pièce en latin, Université de Paris, Faculté des Arts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE et Discours sur les Paranymphes
LETTRE et Discours sur les
Paranymphes
E vous envoye , Monsieur , un Discours , ou plutôt une petite Dissertation au sujet des Paranymphes. Je l'ai obtenu d'un Docteur de mes amis , qui l'a
prononcé il y a quelques jours dans les
Ecoles de Médecine à la suite d'un Dis- ,
cours oratoire sur la difficulté & les avantages de son Art. Celui qui regarde les
Paranymphes me paroît d'autant plus
propre à être publié , qu'il pourroit donner occasion à une plus grande recherche , dont le Public profiteroit : la chose
est de quelque conséquence , car faute de
bien entendre ce que c'est que Paranymphe , ceux qui se chargent de cette action , soit dans la Faculté de Théologie
soit dans celle de Médecine , se donnent
souvent la licence , pour réjouir les Auditeurs , de débiter des traits d'histoire
satyriques , et d'une médisance outrée
ce qui ne manque guéres de s'attirer réci
proquement des veritez choquantes qui
deviennent publiques , &c.
On
NOVEMBRE. 1732. 244
On dira peut peut-être être que cet Exercice n'est
institué que pour faire rire : ce seroit là
une belle institution ! Le veritable esprit
des Paranymphes est au contraire de loüer
les Licentiez , mais de les louer d'une
maniere enjouée et agréable qui puisse exciter de ces ris de satisfaction dignes des
gens sensez , et non de ces ris effrenez ,
que causent les sotises d'autrui , ou de ces
pensées boufonnes , qui ne devroient sortir que de la bouche des Histrions et des
Farceurs.
Je vous envoye cette Piéce en Latin
comme elle a été prononcée , crainte de
la rendre mal et de la gâter. Je crois qu'au
mot Limen mariti scandere , on pourroit
trouver l'origine du Proverbe sauter le
pas. Je suis , &c.
AParis , le 1. Septembre 1732.
Cogitanti mihi, clarissimi Licentiandi, quâ po- tissimum ratione susceptas Paranymphi partes
pro dignitate exequerer, non prudentius me actu
rum esse existimavi , quam si quæ fuerint ab
origine Paranymphi munia , curiosè perquiren- do , officii mei mentem perfectius intelligerem.
Apud Græcos acaruμpos ille vocabatur qui
magno rerum usu edoctus , addicebatur à Parentibus desponsatæ comes puellæ ; usquedum mariti limen scanderet. Fidus. et oculatus assidebat virgini , stabili connubio jam jam jungendæ , ipsam
2442 MERCURE DE FRANCE
samque blandè crudiebat quanta, quamque varia
præstare deberet officia; singulare illius erat mu
nus sapientibus dictis ipsi præscribere quid viro,
deberet ut uxor amica , quid liberis ut benigna
mater , quid familiæ ut sedula domina. Nec prius
benignis hujusmodi officiis certabat quam fidei
prudentiæque suæ commissum pignus in sponsi
manus deponeret.
A Græcis ad Romanos , à Romanis ad Patres
nostros , victoriæ legibus , fluxit illa consuetudo
quam adoptare , et retinere non dedignata est
antiquissima Parens , Parisiensis Universitas.
Hinc suus est Theologis,suus est Medicis Paranyinphus , adhoc institutus ut Licentiandos inter
et almam facultatem sponsalia quædam inducat.
Ut indissolubili fædere longis repetitisque comprobatos examinibus , cum Facultate suâ conjun- gat , ut deniquè ipsos nuptia i thalamo non indignos commendet. Errat igitur qui sibi persuaserit Paranymphi partes esse dicteriis unumquemque lacessere , mordaci dente carpere , so- lutos risus captare mimicis scurrilitatibus Audi- tores recreare , uno deniquè verbo Histrianiam agere , meminerint omnes me dignissimi
Ecclesiæ Parisiensis Cancellarii , qui ab Instituto
Paranymphicam actionem ipse peragebat , vices adimplere.
T
Quamquam satyrâ plurimum delectentur ho
mines , quanquam dicacitatis famam plurimi
sectentur , gravitate et dignitate plenam me personam gerere fas non est oblivisci. Laudator
non derisor Cathedram ascendi. Impium esset
eos collegas rubore suffundere quos summo prosequor honore , quos si reprehendere vellem nul- lis contaminatos vitiis reperirem , quos deniquè
lau
NOVEMBRE. 1732 2443
laudare et commendare dum meditor , suavissi
mis et integerrimis moribus imbutos , omni doctrinæ et eruditionis genere instructos , omnibus deniquè tum ingenii , tum animæ dotibus
longè lateque fulgentes facilè deprehendo.
Ergo nullus erit nigra loliginis succus , nulla
zrugo , hoc vitium procul ab fore verbis verè
promitto, &c.
,
L'université de Paris , et la Faculté des
Arts en particulier , ont fait une perte
considérable par la mort de M. Louis Benet , ci devant Recteur et actuellement Receveur General de l'Université
Professeur de Philosophie au College de Beauvais , arrivée à Fontainebleau le 12 .
de ce mois , d'une attaque d'apoplexie.
Il étoit fort distingué par son sçavoir et
par d'autres belles qualitez qui l'avoient
tendu cher à toute l'Université. Il en
avoit soutenu la premiere charge pendant près de trois années avec toute la dignité et tout le succès possible. A la sortie de son Rectorat , la Nation de Nor
mandie , dont il étoit Membre , l'élut en
1731. pour son Procureur par voye d'acclamation , qui est la plus honorable ;
cette Charge n'empêcha pas qu'à la mort
de M. le Vasseur , Receveur General ;
l'Université ne lui conférat encore celle
de l'administration generale de ses deniers.
2444 MERCURE DE FRANCE
niers. M. Benet avoit un talent merveilleux pour parler et pour écrire noblement et élégamment en Latin. Dans le
Recueil imprimé chez Thiboust en 1730.
intitulé : SELECTA Rectorum Universitatis
Parisiensis mandata , &c. Il y a de lui
cinq Mandemens qui furent admirez dans
le tems , et qui passeront sans doute à la
Posterité. Les sujets sont 1°. l'Arrivée de
la Reine à Paris. 2°. Le Rétablissement
de la santé du Roi. 3º La Naissance du
Dauphin. 4°. L'Anniversaire de la Naissance du Roi. 5. La Naissance du Duc d'Anjou.
Paranymphes
E vous envoye , Monsieur , un Discours , ou plutôt une petite Dissertation au sujet des Paranymphes. Je l'ai obtenu d'un Docteur de mes amis , qui l'a
prononcé il y a quelques jours dans les
Ecoles de Médecine à la suite d'un Dis- ,
cours oratoire sur la difficulté & les avantages de son Art. Celui qui regarde les
Paranymphes me paroît d'autant plus
propre à être publié , qu'il pourroit donner occasion à une plus grande recherche , dont le Public profiteroit : la chose
est de quelque conséquence , car faute de
bien entendre ce que c'est que Paranymphe , ceux qui se chargent de cette action , soit dans la Faculté de Théologie
soit dans celle de Médecine , se donnent
souvent la licence , pour réjouir les Auditeurs , de débiter des traits d'histoire
satyriques , et d'une médisance outrée
ce qui ne manque guéres de s'attirer réci
proquement des veritez choquantes qui
deviennent publiques , &c.
On
NOVEMBRE. 1732. 244
On dira peut peut-être être que cet Exercice n'est
institué que pour faire rire : ce seroit là
une belle institution ! Le veritable esprit
des Paranymphes est au contraire de loüer
les Licentiez , mais de les louer d'une
maniere enjouée et agréable qui puisse exciter de ces ris de satisfaction dignes des
gens sensez , et non de ces ris effrenez ,
que causent les sotises d'autrui , ou de ces
pensées boufonnes , qui ne devroient sortir que de la bouche des Histrions et des
Farceurs.
Je vous envoye cette Piéce en Latin
comme elle a été prononcée , crainte de
la rendre mal et de la gâter. Je crois qu'au
mot Limen mariti scandere , on pourroit
trouver l'origine du Proverbe sauter le
pas. Je suis , &c.
AParis , le 1. Septembre 1732.
Cogitanti mihi, clarissimi Licentiandi, quâ po- tissimum ratione susceptas Paranymphi partes
pro dignitate exequerer, non prudentius me actu
rum esse existimavi , quam si quæ fuerint ab
origine Paranymphi munia , curiosè perquiren- do , officii mei mentem perfectius intelligerem.
Apud Græcos acaruμpos ille vocabatur qui
magno rerum usu edoctus , addicebatur à Parentibus desponsatæ comes puellæ ; usquedum mariti limen scanderet. Fidus. et oculatus assidebat virgini , stabili connubio jam jam jungendæ , ipsam
2442 MERCURE DE FRANCE
samque blandè crudiebat quanta, quamque varia
præstare deberet officia; singulare illius erat mu
nus sapientibus dictis ipsi præscribere quid viro,
deberet ut uxor amica , quid liberis ut benigna
mater , quid familiæ ut sedula domina. Nec prius
benignis hujusmodi officiis certabat quam fidei
prudentiæque suæ commissum pignus in sponsi
manus deponeret.
A Græcis ad Romanos , à Romanis ad Patres
nostros , victoriæ legibus , fluxit illa consuetudo
quam adoptare , et retinere non dedignata est
antiquissima Parens , Parisiensis Universitas.
Hinc suus est Theologis,suus est Medicis Paranyinphus , adhoc institutus ut Licentiandos inter
et almam facultatem sponsalia quædam inducat.
Ut indissolubili fædere longis repetitisque comprobatos examinibus , cum Facultate suâ conjun- gat , ut deniquè ipsos nuptia i thalamo non indignos commendet. Errat igitur qui sibi persuaserit Paranymphi partes esse dicteriis unumquemque lacessere , mordaci dente carpere , so- lutos risus captare mimicis scurrilitatibus Audi- tores recreare , uno deniquè verbo Histrianiam agere , meminerint omnes me dignissimi
Ecclesiæ Parisiensis Cancellarii , qui ab Instituto
Paranymphicam actionem ipse peragebat , vices adimplere.
T
Quamquam satyrâ plurimum delectentur ho
mines , quanquam dicacitatis famam plurimi
sectentur , gravitate et dignitate plenam me personam gerere fas non est oblivisci. Laudator
non derisor Cathedram ascendi. Impium esset
eos collegas rubore suffundere quos summo prosequor honore , quos si reprehendere vellem nul- lis contaminatos vitiis reperirem , quos deniquè
lau
NOVEMBRE. 1732 2443
laudare et commendare dum meditor , suavissi
mis et integerrimis moribus imbutos , omni doctrinæ et eruditionis genere instructos , omnibus deniquè tum ingenii , tum animæ dotibus
longè lateque fulgentes facilè deprehendo.
Ergo nullus erit nigra loliginis succus , nulla
zrugo , hoc vitium procul ab fore verbis verè
promitto, &c.
,
L'université de Paris , et la Faculté des
Arts en particulier , ont fait une perte
considérable par la mort de M. Louis Benet , ci devant Recteur et actuellement Receveur General de l'Université
Professeur de Philosophie au College de Beauvais , arrivée à Fontainebleau le 12 .
de ce mois , d'une attaque d'apoplexie.
Il étoit fort distingué par son sçavoir et
par d'autres belles qualitez qui l'avoient
tendu cher à toute l'Université. Il en
avoit soutenu la premiere charge pendant près de trois années avec toute la dignité et tout le succès possible. A la sortie de son Rectorat , la Nation de Nor
mandie , dont il étoit Membre , l'élut en
1731. pour son Procureur par voye d'acclamation , qui est la plus honorable ;
cette Charge n'empêcha pas qu'à la mort
de M. le Vasseur , Receveur General ;
l'Université ne lui conférat encore celle
de l'administration generale de ses deniers.
2444 MERCURE DE FRANCE
niers. M. Benet avoit un talent merveilleux pour parler et pour écrire noblement et élégamment en Latin. Dans le
Recueil imprimé chez Thiboust en 1730.
intitulé : SELECTA Rectorum Universitatis
Parisiensis mandata , &c. Il y a de lui
cinq Mandemens qui furent admirez dans
le tems , et qui passeront sans doute à la
Posterité. Les sujets sont 1°. l'Arrivée de
la Reine à Paris. 2°. Le Rétablissement
de la santé du Roi. 3º La Naissance du
Dauphin. 4°. L'Anniversaire de la Naissance du Roi. 5. La Naissance du Duc d'Anjou.
Fermer
Résumé : LETTRE et Discours sur les Paranymphes
L'auteur adresse une lettre et un discours sur les paranymphes à un destinataire non nommé. Il envoie une dissertation sur les paranymphes, prononcée récemment par un docteur ami lors des écoles de médecine après un discours oratoire sur la médecine. L'auteur considère ce discours digne de publication, car il pourrait encourager des recherches bénéfiques pour le public. Il souligne que le rôle des paranymphes est souvent mal compris, ce qui entraîne des comportements inappropriés tels que des traits d'histoire satiriques et des médisances, provoquant des réactions publiques négatives. Le véritable esprit des paranymphes est de louer les licenciés de manière enjouée et agréable, suscitant des rires de satisfaction plutôt que des rires effrénés ou des pensées bouffonnes. L'auteur envoie la pièce en latin pour éviter toute déformation due à la traduction. Il mentionne également la mort de M. Louis Benet, ancien recteur et receveur général de l'Université de Paris, professeur de philosophie au Collège de Beauvais, survenue à Fontainebleau le 12 novembre 1732. M. Benet était distingué par son savoir et d'autres qualités qui l'avaient rendu cher à toute l'Université. Il avait soutenu la première charge de l'Université pendant près de trois années avec dignité et succès. Après son rectorat, il fut élu procureur par la Nation de Normandie en 1731 et reçut la charge d'administration générale des deniers de l'Université à la mort de M. le Vasseur. M. Benet possédait un talent remarquable pour parler et écrire noblement et élégamment en latin. Cinq de ses mandements, imprimés en 1730, furent admirés et sont destinés à passer à la postérité. Les sujets de ces mandements incluent l'arrivée de la Reine à Paris, le rétablissement de la santé du Roi, la naissance du Dauphin, l'anniversaire de la naissance du Roi, et la naissance du Duc d'Anjou.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
47
p. 2738-2761
EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
Début :
On continue à faire dans ce College tous les ans avec un succès constant [...]
Mots clefs :
Collège de Louis le Grand, Plaidoyers, Père de la Santé, Délibération, Luxe, Rhétorique, Duel, Combat, Citoyens, Oisiveté, Indépendance, Prince, Discours, France
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
EXTRAIT des Plaidoyers prononcer
an College de Louis le Grand.
Ο
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'or- dinaire se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le cœur de la jeune
Noblesse qu'on y éleve .
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DE-
DECEMBRE. 1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de Louis
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus verò
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres qui commençoient à s'introduire parmi la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein.
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire,quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'ar
rêter le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la découII. Vol A v verte
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre le Luxe ou les folles dépenses.
Le second contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la fai
neantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs.
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve, mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
·garderà dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation et dujugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Préliminaire , fait voir quelle doit être la vigilance d'un Prince sur tous les Membres d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres au Peuple , elle doit aussi lui donner des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
II. Vol. Ex-
DECEMBRE. 1732. 2741
}
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxe.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses ; 1. elles sont , disent- ils , nécessaires pour soutenir leur rang. 2 ° . Elles
contribuent même à la gloire et à l'utilité de la Nation. Le jeune Orateur employe deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2 ° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison sur opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend. Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre. Sur le mérite de ceux qui la compo-.
sent ? Un homme livré au luxe n'a gueres d'autre mérite que celui de bien arranger un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
II. Vol. A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront-ils de quoi
les acheter ? ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont- ils de ce caractere sur
les alliances honorables qu'elle peut former mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir une maison chancelante; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte opulence , acheter des biens aux dépens de l'honneur , et former des nœuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles et le ridicule des Riches ... Qu'estce qui a forcé tant de familles illustres
tombées par l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol. travers
DECEMBRE. 1732. 2743
travers du faste. Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et dé
sole tant de miserables ? .. Le luxe n'est .
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources.
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui authorisent une magnificence extraordinaire: elle est alors légitime pour le particu .
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent ; c'est un abus criminel , c'est une injustice criante contre les droits du Prince,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce , et dont par - là elle épuise les ressources.
"
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront ils leur ministere au maintien de tout ce corps ? le commerce
nesera-t-il pas détruit,quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
II. Fol lui
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services , ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable mendicité...Quelle inhumanité,
quede se repaître les yeux des larmes ameresque l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe-t-il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires...L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Duel.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol. voie
DECEMBRE. 1732. 2745
-voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé et c'est , ajoutent- ils, un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériqués , l'Orateur en établit deux réelles , par lesquelles il prouve 1 ° . que le
duel à plus de quoi deshonorer un ´homme que de quoi lui faire honneur. 2°.Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel.
Les unes et les autres deshonorent la raison , et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
ces combats singuliers ? consultons les acteurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne.
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné; approche-t- il ? la pa- 11. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent. Les
separe-t-on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite. A- t -on eu du dessous dans le
combat? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle &c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie ? Quel sujet les arme communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi. Il
faut du sang pour cimenter la connoissance, et pour paroître brave devenir inhu
main. Cent autres sujets plus legers armcnt cent autres combatans plus coupables. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfermerdans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer et là renouveller les scenes effrayantes des cruels Andabates , qui se portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voi la mortq'ils s'entredonnoient Onen
a vu d'autres s'embrasser avant que de
II. Vol. s'égorger
DECEMBRE. 1732: 27+7 27+7
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier, dira quelqu'un: Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque-t-on ? que n'êtes vous plus humain , plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux que sur l'article du duel... mais l'usa
ge le veut dites l'abus. Si vous vous trouviés dans ces contrées barbares, où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez- vous pouvoir sans folie vous assujettir à une si étran
ge coutume ? ... mais je compte icy donner la mort et non pas la recevoir. Combien d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués, ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience ,
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter les yeux sur ses suites infamantes.L'indignation du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse,des biens, de la vie; l'indiII. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité du coupable , tout cela ne suffit il
pas pour faire voir combien le duël flétrit
l'honneur du Vivant et du Mort, du vainqueur et du vaincu : mais quel tort ne faitil pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à exami- ner.
Seconde Partie.
Prétendre le duel forme des Braves que
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure. Elle consiste dans
un courage intrépide animépar le devoir,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie . La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante.
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le cœur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent-ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBR E. 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est-il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser par
l'exemple des anciens Heros. Leurs combats singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particulieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces. Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien l'ancienne Rome cherissoit le sang
de ses Citoyens de là ces Couronnes civiques pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décernées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
l'Ar-
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes ?
:
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer de la Pologne par une loy aussi severe dans son exécution , qu'immuable
dans sa durée. Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition fréquente. Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des particuliers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS,
Contre P'Oisiveté
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoîtte ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République. 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. Pre-
DECEMBRE. 1732. 2758
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux
pourroit- on lui répondre ; mais votre fai
néantise ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé.humaine ? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit : mais êtes- vous un homme?
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut - il s'en acquitter ?
?
Comment veut-on qu'un jeune effeminé , toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis atta
chez à sa maison ? il n'interromproit pas son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation , la mollesse en a éteint le feu dans
son cœur sa famille se flattoit qu'il seI. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui à peine sçait- il qu'il en est
membre.
:
Est- il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur qui gouverneune Province en donne à tous ceux qui l'habitent : les Sciences , les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait.
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat , d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera- t'on ? Sçaurat'il remettre ou entretenir dans une Province le bon ordre , prévoir et réprimer
les mauxque l'on craint ? quel embarras !
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos. Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau ! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes. Lui confiera- t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 1732. 2753
Guerre s'accommoda t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient, tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit : mais son portrait n'est encore qu'ébauché , il ne peut être citoyen.
inutile sans devenir citoyen perni
cieux.
>
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glis
sé dans un jeune cœur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque tou
jours se livrer au mal. Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront ils point baisser les yeux à la sage
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées dans ses repas ? mais surtout , que ne
II.Vol. doin
4754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général ?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république laborieuse des Abeilles , et la troublent sans cesse dans ses travaux utiles
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent de leur aiguillon contre elle. Ils boivent les sucurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'éxige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe ? Ne le verra- t- on pas secouer bien-tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur , et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage, n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne futII. Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV. DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination. L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle
les porte à prétendre mêmeau droit d'impunité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance, il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime. La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent dans l'enfance éblouit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom- II. Vol.
B pent
2755 MERCURE DE FRANCE
pent leur cœur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépare
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap.
peller aux devoirs? les flatteurs les en écartent , et leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy, on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal ,
et les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve-t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
II. Vol.
L'In-
DECEMBRE.
873202757
L'Indépendance conduit à la révolte ,
l'Eleve intraitable devient fils rebelle ;
combien en a-t'on vû braver l'autorité
paternelle , outrager la Nature , et d'indépendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
que de changer de nom pour devenir dénaturés ? Mauvais fils sera- t'il bon sujet ?
peut- on s'en flatter surtout dans un
Royaume électif, où l'on est quelquefois
tenté , de faire avec audace , ' ce qu'on croit
pouvoir faire avec avantage ?
,
La plus florissante République de la
terre , Rome la maîtresse du monde pres- -qu'entier , se vit sur le point d'être saccagée et réduite en cendres. Qui alluma
l'incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
conduits par Catilina , et possedés du
démon de l'indépendance. Que de sang
ne fallut- il pas répandre pour éteindre ce
feu ? Autorité domestique et publique
loix divines et humaines , tout est sacrifié
à l'impérieux désir de se rendre indépendant. La loi violée s'arme- t'elle du glaive
pour vanger ces attentats ? Après avoir bravé ses réglemens , ils bravent ses menaces , et s'arrogent le droit d'impunité.
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs indépendans , leur jeunesse et leur condi11. Vol.
Bij tion
4758 MERCURE DE FRANCE
tion les mettent à couvert des loix et do
la punition qu'elles prescrivent.
La jeunesse est l'âge où le feu des passions s'allume ; c'est donc aussi le tems.
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre. Fautil attendre que l'incendie ait pris des forces et se soit communiqué ? trop de severité , il est vrai , révolte et fait hair le
devoir , mais tropd'indulgence enhardit ,
et fait violer la loi.
- La Noblesse est l'état où les exemples
sont plus contagieux ; mais c'est donc
aussi l'etat où les punitions sont plus
- nécessaires. Les sujets d'un moindre étage regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leurs
maîtres. Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'espé
rance de l'impunité.
Aussi Rome et Sparte punissoient- elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebéïens , pour n'avoir pas assez promptement obéï à un Proconsul.
peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépendance. Comme l'élévation du rang produit les fumées de l'orgueil , l'humilia
Un
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732 2750
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
des Parties , fait sentir le fort et le foible
des raisons alleguées , et en ajoute plu
sieurs nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur , est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est à dire , celui qui est le plus
considérable en lui- même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance long-tems par une infinité de preu
ves que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, c'est- à- dire l'obéïssance et la soumission : et nous pouvons , dit le Juge , espe- rer de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'hon- neur , à l'indolence et à l'oisiveté des faineans par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
260 MERCURE DE FRANCE
2
,
cepenpour l'indépendant , si son caprice le porte à être dissipateur , dueliste , et indolent de profession , en vertu de son systeme et de ses principes d'indépendance , il
se maintiendra en possession de ces trois
desordres , et ses maximes favorites nous
répondent par avance qu'il comptera pour
rien la loi que nous allons porter contre
lui et contre ses consorts. Portons - la
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce , 1° contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 ° .
contre le Duel , 4° contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté , Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie de l'Europe contre le Duel.
Enfin M. d'Aligre qui avoit été complimenté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imagina
DECEMBRE. 1732. 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation . L'illustre Assemblée souscrivit sans peine à la justice de ces éloges.
an College de Louis le Grand.
Ο
N continue à faire dans ce College
tous les ans avec un succès constant
des Plaidoyers François , qui pour l'or- dinaire se font sur des sujets propres à
former l'esprit et le cœur de la jeune
Noblesse qu'on y éleve .
Le Pere de la Sante , Jesuite , l'un des
Professeurs de Rhétorique , en fit réciter
un le 27. d'Août dernier , dont nous allons donner l'Extrait , et dont voici le
sujet tel qu'il étoit dans le Programme
imprimé.
II. Vol. DE-
DECEMBRE. 1732. 2739
DELIBERATION concernant la
jeune Noblesse d'un Etat. Sujet traité
en forme de Plaidoyer François , par
les Rhétoriciens du College de Louis
LE GRAND.
Le jeune Casimir , Prince des plus verò
tueux qu'ait eûs la Pologne , indigné des désordres qui commençoient à s'introduire parmi la jeune Noblesse de sa Cour , pressa
fortement le Roy son pere de réprimer cette
licence par des Loix salutaires. Le Roy
Casimir III. surnommé le Grand , établit
pour cet effet une Commission , à la tête de
laquelle il mit le Prince son fils , avec plein.
pouvoir de regler tout ce qu'il jugeroit de
plus convenable au bien public , après avoir
entendu les discours et pris les avis des Commissaires.
Casimir nomme pour la discussion de cette
importante affaire,quelques Seigneurs des plus
reglez et des mieux instruits de la conduite
des jeunes gens ; il leur ordonne de proposer
en sa présence ce qui leur semble le plus
répréhensible , et même d'indiquer les moyens
qui leur paroissent les plus capables d'ar
rêter le cours du mal ; il leur promet au
nom du Roy une place plus ou moins distinguée dans le Conseil d'Etat , suivant
Putilité plus ou moins grande de la découII. Vol A v verte
2740 MERCURE DE FRANCE
verte qu'ils feront et de la Loy qu'ils suggereront en cette Seance.
Le premier qui parle , porte sa plainte contre le Luxe ou les folles dépenses.
Le second contre le Duel on le faux
point d'honneur.
Le troisieme , contre l'oisiveté ou la fai
neantise.
Le quatrième , contre l'indépendance des
jeunes Seigneurs.
Chacun d'eux prétend que le desordre qu'il
releve, mérite le plus l'attention du Prince ,
et la séverité des Loix. Casimir dresse les
articles de la Loy , décide sur l'ordre qu'on
·garderà dans l'execution, et regle le rang que
les quatre Commissaires tiendront dans le
Conseil d'Etat. Tel est l'objet de cette déliberation et dujugement qui la doit suivre.
Casimir , dans un Discours Préliminaire , fait voir quelle doit être la vigilance d'un Prince sur tous les Membres d'un Etat et particulierement sur la
conduite de la jeune Noblesse , dont les
exemples sont d'une utile ou dangereuse
consequence, parce que donnant des Maîtres au Peuple , elle doit aussi lui donner des modelles. Il invite les Seigneurs
qui composent son Conseil à l'éclairer de
leurs lumieres dans la délibération qui
doit préceder le Reglement general.
II. Vol. Ex-
DECEMBRE. 1732. 2741
}
EXTRAIT DU I. DISCOURS.
Contre le Luxe.
Les Partisans du Luxe employent deux
prétextes pour colorer leurs folles dépenses ; 1. elles sont , disent- ils , nécessaires pour soutenir leur rang. 2 ° . Elles
contribuent même à la gloire et à l'utilité de la Nation. Le jeune Orateur employe deux veritez pour réfuter ces deux
prétextes ; 1º . le Luxe , bien loin de
mettre la jeune Noblesse en état de soutenir son rang , ruine les esperances des
plus grandes Maisons. 2 ° . Le Luxe , bien
loin d'être glorieux et utile à la Nation
épuise les plus sures ressources.
Premiere Partie.
Sur quoi est fondée l'esperance d'une
grande Maison sur opulence qu'elle
possede ou qu'elle attend. Le Luxe épuise
l'une et met hors d'état d'acquerir l'autre. Sur le mérite de ceux qui la compo-.
sent ? Un homme livré au luxe n'a gueres d'autre mérite que celui de bien arranger un repas , et d'autre talent que
celui de se ruiner avec éclat sur les places distinguées qu'elle peut occuper ? mais
ou ces places sont venales , et alors ces
II. Vol. A vj jeunes
2742 MERCURE DE FRANCE
jeunes dissipateurs trouveront-ils de quoi
les acheter ? ou c'est la liberalité du Prince
qui en fait la récompense de la capacité
et de l'application d'un sujet habile et
laborieux ; sont- ils de ce caractere sur
les alliances honorables qu'elle peut former mais où les trouver ? parmi des
égaux ? qui d'entre eux voudra courir les
risques de voir des biens , le fruit de ses
sueurs , devenir la proye d'un prodigue
qui en a déja tant dissipé ... pour soutenir une maison chancelante; il faudra
donc la dégrader , et mêlant un sang
illustre avec celui de quelqu'une de ces
familles ennoblies par une rapide et suspecte opulence , acheter des biens aux dépens de l'honneur , et former des nœuds
peu sortables , qui font la honte des Nobles et le ridicule des Riches ... Qu'estce qui a forcé tant de familles illustres
tombées par l'indigence dans une espece
de roture , à s'ensevelir dans le sombre
réduit d'une Campagne ignoré ? quest- ce
qui a confondu avec les fils des Artisans
les descendans de tant de Héros , dont
les mains enchaînées par la pauvreté , ne
peuvent plus manier d'autre fer que celui
des vils instrumens de leur travail ! remontons à la source : c'est un Pere ou un
Ayeul prodigue qui a donné dans tous les
II. Vol. travers
DECEMBRE. 1732. 2743
travers du faste. Posterité nombreuse que
vous êtes à plaindre ! faut- il qu'un Pere
dissipateur enfante tant de miseres et dé
sole tant de miserables ? .. Le luxe n'est .
pas moins préjudiciable à l'Etat dont il
épuise les ressources.
Seconde Partie.
Il est certaines occasions d'éclat qui authorisent une magnificence extraordinaire: elle est alors légitime pour le particu .
lier , et glorieuse pour la nation. Mais
que ces mêmes Seigneurs n'écoutant que
leur passion pour le luxe , dissipent en
dépenses frivoles et le bien qu'ils ont , et
celui qu'ils doivent , et celui qu'ils esperent ; c'est un abus criminel , c'est une injustice criante contre les droits du Prince,
de leurs créanciers , de leurs enfans et de
la nation entiere , dont elle ruine le commerce , et dont par - là elle épuise les ressources.
"
Il est certains besoins qui obligent le
Prince à demander des secours pour la
conservation de tout le corps de l'Etat :
si les particuliers prodiguent leurs fonds ,
comment préteront ils leur ministere au maintien de tout ce corps ? le commerce
nesera-t-il pas détruit,quand le marchand,
faute d'être payé, sera hors d'état de payer
II. Fol lui
2744 MERCURE DE FRANCE
lui-même , et quand obligé de faire une
banqueroute imprévue , il fera succomber ses correspondants sous ses ruines ,
comment pourvoira un dissipateur à l'éducation de ses enfans , dont il risque sur
une carte la fortune et la subsistance ? les
domestiques d'un tel maître , renvoyez
sans gages après plusieurs années de services , ne sont-ils pas réduits à la plus déplorable mendicité...Quelle inhumanité,
quede se repaître les yeux des larmes ameresque l'on fait verser à tant de misérables ?
Que ne trempe-t-il ses mains parricides
dans leur sang? que ne leur arrache- t il la
vie , puisqu'il les prive de toutes ses douceurs.
Ce furent ces considérations qui firent
autrefois proscrire le luxe de toutes les Républiques bien réglées , comme une des
principales sources du renversement des
Empires...L'Orateur conclut à réprimer
par une severité sans adoucissement une
licence qui est sans bornes ; et à faire , s'il
le faut , un malheureux pour le mettre
hors d'état d'en faire des millions d'autres.
EXTRAIT DU II. DISCOURS.
Contre le Duel.
Le duel , disent ses partisans , est une
II. Vol. voie
DECEMBRE. 1732. 2745
-voie glorieuse pour réparer l'honneur outragé et c'est , ajoutent- ils, un moyen des
plus éficaces pour former des braves à
l'Etat. Pour détruire ces deux idées chimériqués , l'Orateur en établit deux réelles , par lesquelles il prouve 1 ° . que le
duel à plus de quoi deshonorer un ´homme que de quoi lui faire honneur. 2°.Que
l'Etat y perd beaucoup plus qu'il n'y gagne.
Premiere Partie.
La premiere proposition doit paroître
aux duelistes paradoxe , on en établit la
verité sur les causes et les suites du duel.
Les unes et les autres deshonorent la raison , et doivent le faire regarder comme
une insigne folie et comme l'opprobre de
l'humanité.
De quelles sources partent d'ordinaire
ces combats singuliers ? consultons les acteurs de ces scenes tragiques ; c'est selon
eux courage, intrépidité, grandeur d'ame.
Consultons l'expérience , c'est fureur ,
emportement , petitesse d'esprit qui ne.
peut digerer une raillerie , ce sont tous les
vices qui font les lâches. Tel voudroit passer pour un Achille , qui n'est au fond
qu'un Thersite decidé. On brave le peril
quand il est éloigné; approche-t- il ? la pa- 11. Vol. leur
2746 MERCURE DE FRANCE
leur peinte sur le visage des champions
annonce le trouble de leur esprit. Les uns
cherchent un lieu écarté, pour n'avoir aucun témoin qui les censure , les autres
cherchent un lieu frequenté pour avoir
des amis officieux qui les separent. Les
separe-t-on ! on blâme en public comme
un mal dont on doit se plaindre , ce qu'en
secret on regarde comme un bien dont on
se felicite. A- t -on eu du dessous dans le
combat? les glaives étoient inégaux , un
hazard imprévu a decidé la querelle &c.
D'autres vont au combat avec moins
de lâcheté y vont- ils avec moins de folie ? Quel sujet les arme communément ?
un étranger paroît dans la ville ; il passe
pour brave , on veut être son ennemi. Il
faut du sang pour cimenter la connoissance, et pour paroître brave devenir inhu
main. Cent autres sujets plus legers armcnt cent autres combatans plus coupables. Quelles horreurs ! deux rivaux se
font un divertissement de ces combats
sanguinaires on en a vu autrefois s'enfermerdans des tonneaux où ils ne pouvoient
reculer et là renouveller les scenes effrayantes des cruels Andabates , qui se portoient
des coups à l'aveugle , comme pour ne pas
voi la mortq'ils s'entredonnoient Onen
a vu d'autres s'embrasser avant que de
II. Vol. s'égorger
DECEMBRE. 1732: 27+7 27+7
s'égorger , et le symbole de l'amitié devenir le signal d'un assassinat.
Je n'attaque jamais le premier, dira quelqu'un: Je vous loue; mais pourquoi vous
attaque-t-on ? que n'êtes vous plus humain , plus poli , plus complaisant ? On
m'attaque sans raison : pourquoi accepter
le cartel ? n'est- il point d'autre voye pour
vous faire justice ? mais si je refuse , je suis deshonoré ; ouy , si vous n'êtes scrupuleux que sur l'article du duel... mais l'usa
ge le veut dites l'abus. Si vous vous trouviés dans ces contrées barbares, où la loi de
l'honneur veut qu'on se jette dans la flamme du bucher , sur lequel se consume le
corps mort d'un ami , croiriez- vous pouvoir sans folie vous assujettir à une si étran
ge coutume ? ... mais je compte icy donner la mort et non pas la recevoir. Combien d'autres l'ont reçue en comptant la,
donner ? Du moins avoués, ou que vous la
craignez , et deslors vous êtes lâche , ou
que vous la cherchez de sang froid , et
deslors vous êtes insensé , et que vous y
exposant contre les loix de la conscience ,
vous êtes impie.
Quant aux effets du duel, il n'y a qu'à jetter les yeux sur ses suites infamantes.L'indignation du Prince, la perte de la liberté,
de la noblesse,des biens, de la vie; l'indiII. Vol. gence
2748 MERCURE DE FRANCE
gence , l'inominie qu'il attire sur la posterité du coupable , tout cela ne suffit il
pas pour faire voir combien le duël flétrit
l'honneur du Vivant et du Mort, du vainqueur et du vaincu : mais quel tort ne faitil pas à l'Etat ? c'est ce qui reste à exami- ner.
Seconde Partie.
Prétendre le duel forme des Braves que
à l'Etat , c'est ne pas avoir une juste idée
de la veritable bravoure. Elle consiste dans
un courage intrépide animépar le devoir,
soutenu par la justice , armé par le zele
pour la deffense de la Patrie . La valeur
des Duelistes a- t'elle ces caracteres ? Au
lieu de produire dans l'ame cette fermeté
tranquille qu'inspire la bonté du parti
pour lequel on combat , elle n'y enfante.
que le trouble et ces violens transports
qui suivent toujours les grands crimes. Au
lieu d'allumer dans le cœur et dans les
yeux ce beau feu qui fait reconnoître les
Heros , elle répand sur le visage une sombre fureur qui caracterise les assassins.
Le Duel est une espece d'image de la
Guerre civile ; le nombre des combattans
en fait presque l'unique difference. Il est
moindre dans le Duel , mais le péril n'en
est que plus certain. Ignorent-ils donc
II. Vol. qu'ils
DECEMBR E. 1732. 2749
qu'ils doivent leur sang au service du
Prince ? Leur est-il permis d'en disposer
au gré de leur haine ? et tourner leurs armes contre les Citoyens , n'est- ce pas les
tourner contre le sein de la Patrie , leur
Mere commune.
En vain veulent - ils s'authoriser par
l'exemple des anciens Heros. Leurs combats singuliers n'étoient rien moins que
des Duels , puisqu'ils ne s'agissoit point
entr'eux de vanger des injures particulieres , mais d'épargner pour l'interêt de
la Patrie le sang de la multitude. Tel fut
le combat des trois Horaces , et des trois
Curiaces. Les Romains qui lui ont donné
de si justes éloges , étoient les ennemis
les plus déclarez du Duel. On sçait combien l'ancienne Rome cherissoit le sang
de ses Citoyens de là ces Couronnes civiques pour quiconque avoit sauvé la vie
à un de ses Enfans : de là ces peines décernées contre tout Citoyen convaincu d'en
avoir appellé un autre dans la lice sanglan
te; on cessoit dès- lors d'être Citoyen , et
la profession de Dueliste conduisoit au
rang d'esclave gladiateur.
Les Maures dans un siecle plus barbare
avoient conçû une telle horreur pour ces
sortes de combats , qu'ils ne les permettoient qu'aux valets chargés du bagage de
II. Vol.
l'Ar-
2750 MERCURE DE FRANCE
l'Armée quel modele pour nos Duelistes ?
:
C'est donc ce monstre qu'il faut exterminer de la Pologne par une loy aussi severe dans son exécution , qu'immuable
dans sa durée. Punir certains crimes , c'est
prévenir la tentation de les commettre.
Une punition sévere dispense d'une punition fréquente. Après tout , le plus sûr
moyen d'abolir le duel dépend des particuliers. Qu'ils écoutent la raison aidée de
l'honneur et de la foi ; qu'ils soient hommes et Chrétiens , et ils cesseront d'être
Duelistes.
EXTRAIT DU III. DISCOURS,
Contre P'Oisiveté
L'Oisiveté fait trop d'heureux en idée
pour ne point avoir de Partisans. Que ne
doit pas craindre l'Etat d'un vice qui est
la source de tous les autres. Plus elle a
d'attraits qui la rendent dangereuse , plus
on doit empêcher qu'elle ne devienne
commune ; pour mieux connoîtte ce qu'on
doit en penser , il faut voir ce qu'on en
peut craindre. 10. Un homme oisif est un
citoyen inutile à la République. 20. il ne
peut lui être inutile sans devenir bien- tôt
pernicieux.
II. Vol. Pre-
DECEMBRE. 1732. 2758
Premiere Partie.
Je ne suis , dit un oisif , coupable d'au
eun vice qui me deshonore : je le veux
pourroit- on lui répondre ; mais votre fai
néantise ne vous rend- elle pas capable de
tous les vices ? Vous n'entrés dans aucune
Societé mauvaise ; à la bonne heure : mais
quel rang tenez- vous dans la Societé.humaine ? Vous n'êtes point un méchant
homme , soit : mais êtes- vous un homme?
Membres d'une même famille, Sujets d'un
même Roi , Parties d'une même Societé
nous avons des devoirs à remplir à leur
égard un oisif peut - il s'en acquitter ?
?
Comment veut-on qu'un jeune effeminé , toujours occupé à ne rien faire , ou
à faire des riens , soutienne le crédit de sa
famille pourra- t'il acquerir de la réputa
tion dans un Etat ? elle est le prix du
travail ; rendre des services aux amis atta
chez à sa maison ? il n'interromproit pas son repos pour ses interêts , le sacrifierat'il aux interêts d'autrui ? Eterniser les
vertus de ses peres , et le souvenir de leurs
travaux il faudroit une noble émulation , la mollesse en a éteint le feu dans
son cœur sa famille se flattoit qu'il seI. Vol. roit
#752 MERCURE DE FRANCE
roit son appui à peine sçait- il qu'il en est
membre.
:
Est- il plus utile à la Société civile ? la
Noblesse doit être comme l'ame de tout
ce corps de citoyens : le goût d'un Seigneur qui gouverneune Province en donne à tous ceux qui l'habitent : les Sciences , les beaux Arts , tout s'anime à sa
vûë , tout prend une forme riante : à sa
place substituer un homme oisif; quel
changement ! tout languit , tout s'endort
avec lui ; non- seulement il ne fait aucun
bien , mais il rend inutile le bien qu'on
avoit fait.
Que peuvent attendre le Prince et l'Etat , d'un homme qui se regarde comme
l'unique centre où doivent aboutir tous
ses sentimens , et toutes ses pensées ? quel
poste important lui confiera- t'on ? Sçaurat'il remettre ou entretenir dans une Province le bon ordre , prévoir et réprimer
les mauxque l'on craint ? quel embarras !
il ne craint d'autre mal que le sacrifice
de son repos. Chargera t'on ses foibles
mains de cette balance redoutable , qui
pese les interêts des hommes ? quel fardeau ! il faut s'en décharger dans une
main étrangere aux dépens de son honneur
et de nos fortunes. Lui confiera- t'on la
conduite des armées ? quel tumulte ! La
II. Vol. Guerre
DECEMBRE. 1732. 1732. 2753
Guerre s'accommoda t'elle jamais avec la
mollesse ? Ainsi l'oisif devient, tout à la
fois la honte de sa famille qu'il dégrade ,
de la Societé qu'il deshonore , de l'Etat
qu'il trahit : mais son portrait n'est encore qu'ébauché , il ne peut être citoyen.
inutile sans devenir citoyen perni
cieux.
>
Seconde Partie.
Dès que le poison de l'oisiveté s'est glis
sé dans un jeune cœur , il en glace toute
l'ardeur , il dérange tous ses ressorts , il
arrête tous ses mouvemens vers le bien
il en fait le theatre de ses passions et le
jouer des passions d'autrui. C'est par là
que l'oisiveté devient funeste aux jeunes
Seigneurs , et ne les rend presque jamais
inutiles qu'elle ne les rende en même
tems pernicieux à l'Etat.
Se refuser au bien , c'est presque tou
jours se livrer au mal. Qu'une Maison , où
ces Heros de la mollesse trouvent accès
est à plaindre que de vices , un seul vice
n'y fera t'il pas entrer ! ces discours ne feront ils point baisser les yeux à la sage
Retenue , à la timide Pudeur ? La Tem
pérance et la Sobrieté seront-elles respectées dans ses repas ? mais surtout , que ne
II.Vol. doin
4754 MERCURE DE FRANCE
doit pas craindre la République en général ?
Semblables à ces Insectes odieux , qui
ne subsistent qu'aux dépens de la république laborieuse des Abeilles , et la troublent sans cesse dans ses travaux utiles
ils vivent délicieusement dans le sein et
aux frais de la Patrie , et se servent souvent de leur aiguillon contre elle. Ils boivent les sucurs des citoyens laborieux , et
s'enyvrent quelquefois de leur sang.
Ce qui doit armer le plus les loix contre l'Oisiveté , c'est qu'elle réunit ce que
les trois autres vices qui entrent en concurrence avec elle ont de plus odieux . Un
jeune oisif qui confie le soin de sa maison
à un perfide Intendant dont il n'éxige
presque aucun compte , ne perd- il pas
souvent plus de biens par sa négligence ,
que le prodigue n'en dissipe par son luxe ? Ne le verra- t- on pas secouer bien-tôt
le joug de la contrainte qui gêne son humeur , et voulant donner à tous la loy ,
ne la recevoir que de son caprice ? L'amour des oisifs pour la vie douce est un
préservatif contre la tentation du duel ;
mais la seule idée que l'on a conçue de
leur peu de courage, n'engagera-t'elle pas
de jeunes Duelistes à les attaquer , ne futII. Vol. ce
DECEMBRE. 1732 2755
ce que pour se faire une réputation aux
dépens de la leur.
L'Orateur conclut à bannir de toutes
charges ceux qui seront convaincus de ce
vice , et à les noter par quelque punition
qui caracterise leur défaut.
EXTRAIT DU IV. DISCOURS.
Contre l'Indépendance.
L'ame du bon gouvernement c'est le
bon ordre ; le bon ordre ne subsiste que
par la subordination. L'Indépendance en
sappe tous les fondemens ; quand elle se
trouve dans les jeunes Seigneurs , 1º elle
les accoûtume à braver l'autorité ; 20 elle
les porte à prétendre mêmeau droit d'impunité.
Premiere Partie.
Pour connoître le danger de l'indépen
dance, il faut voir comment elle se forme
dans la jeune Noblesse , et jusqu'où elle
peut étendre ses progrès contre l'autorité
légitime. La naissance et l'éducation , voilà
ses sources. Comment éleve- t'on les jeunes Seigneurs ? L'or sous lequel ils rampent dans l'enfance éblouit leurs yeux ; le
faste qui les environne enfle leur esprit ;
les plaisirs qu'on leur procure corrom- II. Vol.
B pent
2755 MERCURE DE FRANCE
pent leur cœur : mollesse d'éducation qui
fait les délices de l'enfance , et prépare
les révoltes de la jeunesse.
,
La raison est à peine éclose , qu'ils ferment les yeux à sa lumiere , et les oreilles
à sa voix. Les Maîtres veulent- ils les rap.
peller aux devoirs? les flatteurs les en écartent , et leur apprennent qu'ils sont plus
nés pour commander que pour obéïr ; à
force de donner la loy, on s'habituë à ne la
plus recevoir. Veut-on s'opposer au mal ,
et les confier à des Maîtres plus amis du
devoir que de la fortune ? ils ne plient
que pour se redresser bien- tôt avec plus
de force dès qu'ils en auront la li
berté.
Quel bonheur pour un jeune Indépen
dant , s'il a auprès de lui un Mentor qui
craignant beaucoup moins pour la vie
que pour l'innocence de son Telemaque ,
aime mieux se précipiter avec lui du haut
d'un affreux Rocher , que de le voir se
précipiter dans l'abîme du vice ! Mais
trouve-t'on beaucoup de Gouverneurs de
ce caractere ? Combien flattent leur Eleve dans ses desirs , se mettent de moitié
avec lui pour ses plaisirs ; et devant être
ses maîtres , deviennent ses esclaves ! détestable éducation qui d'un indépendant
fait quelquefois un scelerat.
II. Vol.
L'In-
DECEMBRE.
873202757
L'Indépendance conduit à la révolte ,
l'Eleve intraitable devient fils rebelle ;
combien en a-t'on vû braver l'autorité
paternelle , outrager la Nature , et d'indépendans qu'ils étoient , n'avoir besoin
que de changer de nom pour devenir dénaturés ? Mauvais fils sera- t'il bon sujet ?
peut- on s'en flatter surtout dans un
Royaume électif, où l'on est quelquefois
tenté , de faire avec audace , ' ce qu'on croit
pouvoir faire avec avantage ?
,
La plus florissante République de la
terre , Rome la maîtresse du monde pres- -qu'entier , se vit sur le point d'être saccagée et réduite en cendres. Qui alluma
l'incendie ? une cabale de jeunes factieux ,
conduits par Catilina , et possedés du
démon de l'indépendance. Que de sang
ne fallut- il pas répandre pour éteindre ce
feu ? Autorité domestique et publique
loix divines et humaines , tout est sacrifié
à l'impérieux désir de se rendre indépendant. La loi violée s'arme- t'elle du glaive
pour vanger ces attentats ? Après avoir bravé ses réglemens , ils bravent ses menaces , et s'arrogent le droit d'impunité.
Seconde Partie.
Si l'on en croit les jeunes Seigneurs indépendans , leur jeunesse et leur condi11. Vol.
Bij tion
4758 MERCURE DE FRANCE
tion les mettent à couvert des loix et do
la punition qu'elles prescrivent.
La jeunesse est l'âge où le feu des passions s'allume ; c'est donc aussi le tems.
où l'on doit s'appliquer à l'éteindre. Fautil attendre que l'incendie ait pris des forces et se soit communiqué ? trop de severité , il est vrai , révolte et fait hair le
devoir , mais tropd'indulgence enhardit ,
et fait violer la loi.
- La Noblesse est l'état où les exemples
sont plus contagieux ; mais c'est donc
aussi l'etat où les punitions sont plus
- nécessaires. Les sujets d'un moindre étage regardent ces jeunes Seigneurs autant
comme leurs modéles que comme leurs
maîtres. Un coupable de la sorte impuni
fait un million de coupables dans l'espé
rance de l'impunité.
Aussi Rome et Sparte punissoient- elles
séverement l'indépendance et le mépris
des loix dans les jeunes gens de qualité.
Deux Chevaliers Romains furent autrefois dégradés de leur ordre , et mis au
rang des Plebéïens , pour n'avoir pas assez promptement obéï à un Proconsul.
peu de roture parut alors un excellent
remède contre le vertige de l'indépendance. Comme l'élévation du rang produit les fumées de l'orgueil , l'humilia
Un
tion les dissipe
DECEMBRE. 1732 2750
EXTRAIT DU V. DISCOURS.
Fait par le Prince après les Plaidoyers:
Casimir après avoir entendu les discours
des Parties , fait sentir le fort et le foible
des raisons alleguées , et en ajoute plu
sieurs nouvelles dont le détail seroit long.
Il établit pour principe que le premier
desordre contre lequel doive sévir le Législateur , est celui qui porte un plus
grand préjudice au plus grand nombre des
sujets ; c'est à dire , celui qui est le plus
considérable en lui- même et le plus étendu
dans ses suites. Sur ce principe il éxamine
les quatres desordres proposez , et les balance long-tems par une infinité de preu
ves que nous sommes fâchez d'omettre
mais que ne nous permet pas la brièveté
que nous nous sommes prescrite dans les
extraits. Il résulte de cet examen que les
jeunes Seigneurs independans sont les
plus coupables , sur tout parce qu'ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, c'est- à- dire l'obéïssance et la soumission : et nous pouvons , dit le Juge , espe- rer de mettre un frein à l'amour des folles
dépenses , à la manie du faux point-d'hon- neur , à l'indolence et à l'oisiveté des faineans par de bons et salutaires Edits : mais
II. Vol. Biij pour
260 MERCURE DE FRANCE
2
,
cepenpour l'indépendant , si son caprice le porte à être dissipateur , dueliste , et indolent de profession , en vertu de son systeme et de ses principes d'indépendance , il
se maintiendra en possession de ces trois
desordres , et ses maximes favorites nous
répondent par avance qu'il comptera pour
rien la loi que nous allons porter contre
lui et contre ses consorts. Portons - la
dant cette loi , &c.
Là- dessus le Prince prononce , 1° contre
l'Indépendance , 2 ° contre l'Oisiveté , 3 ° .
contre le Duel , 4° contre le Luxe , et il
rend raison de l'ordre qu'il observe en ce
Jugement. Ensuite il porte differentes loix
qu'il croit les plus propres à remedier à
chaque desordre , et telles à peu près qu'Athenes en porta contre l'Indépendance ,
Lacedemone contre l'Oisiveté , Rome
contre le Luxe , et la France avec une partie de l'Europe contre le Duel.
Enfin M. d'Aligre qui avoit été complimenté par M. le Pelletier de Rosambo sur
la noblesse et la dignité avec laquelle il
avoit présidé à ce Jugement , le felicita à
son tour de la finesse et de la délicatesse
d'esprit qui avoit éclaté dans son discours ;
il fit aussi compliment à M. de Bussy sur
son éloquence et sur son talent à parler
en public; à M. Petit, sur son beau feu
II. Vol. d'imagina
DECEMBRE. 1732. 2761
d'imagination ; à M. de Verac sur l'élegance de son Plaidoyer et les graces de sa prononciation . L'illustre Assemblée souscrivit sans peine à la justice de ces éloges.
Fermer
Résumé : EXTRAIT des Plaidoyers prononcez au College de Louis le Grand.
Le texte relate un plaidoyer prononcé au Collège de Louis le Grand, où les élèves de rhétorique abordent des sujets destinés à former l'esprit et le cœur de la jeune noblesse. Le sujet choisi est la délibération concernant la jeune noblesse d'un État, inspirée par le prince Casimir de Pologne. Indigné par les désordres parmi la noblesse, Casimir demande à son père, le roi Casimir III, d'établir une commission pour réprimer ces excès. Le roi nomme des seigneurs pour discuter des problèmes et proposer des lois. Les quatre principaux désordres identifiés sont le luxe, le duel, l'oisiveté et l'indépendance des jeunes seigneurs. Chaque orateur argue que son désordre mérite la plus grande attention et sévérité. Casimir dresse ensuite les articles de la loi, décide de l'ordre d'exécution et règle le rang des commissaires dans le Conseil d'État. Dans le premier discours, contre le luxe, l'orateur réfute les prétextes des partisans du luxe, affirmant que celui-ci ruine les grandes maisons et épuise les ressources de la nation. Il souligne que le luxe empêche la jeune noblesse de soutenir son rang et est préjudiciable à l'État. Le luxe est décrit comme une injustice criante contre les droits du prince, des créanciers, des enfants et de la nation entière. Dans le deuxième discours, contre le duel, l'orateur démontre que le duel déshonore plus qu'il n'honore et que l'État y perd plus qu'il n'y gagne. Il critique les motivations des duels, souvent basées sur la fureur et la petitesse d'esprit, et non sur le véritable courage. Le duel est comparé à une forme de guerre civile et est jugé impie et insensé. L'orateur conclut en appelant à la répression sévère de ces désordres pour le bien public. Le texte aborde également l'oisiveté, décrite comme la source de nombreux autres vices. Un homme oisif est inutile à la République et devient rapidement pernicieux. L'oisiveté est comparée à un poison qui glace l'ardeur des jeunes cœurs et les rend funestes à l'État. Les oisifs vivent aux dépens de la patrie et troublent les travaux utiles des citoyens laborieux. L'indépendance est également critiquée. Elle s'enracine dans une éducation malsaine qui enseigne aux jeunes nobles à commander plutôt qu'à obéir. Cette indépendance conduit à la révolte et au mépris des lois. Les jeunes indépendants se croient au-dessus des lois et des punitions. Le texte cite l'exemple de la République romaine, où l'indépendance a failli la détruire. Les punitions sévères sont nécessaires pour dissuader les jeunes nobles de leur comportement rebelle. Enfin, le texte mentionne un discours du Prince qui examine quatre désordres : l'indépendance, l'oisiveté, le duel et le luxe. Il conclut que les jeunes seigneurs indépendants sont les plus coupables car ils violent la loi fondamentale de l'ordre politique, l'obéissance et la soumission. Le Prince prononce des lois contre ces quatre maux, en commençant par l'indépendance. Le document mentionne également des compliments échangés lors d'un jugement. M. d'Aligre a été félicité pour la noblesse et la dignité avec lesquelles il a présidé au jugement. Il a ensuite complimenté plusieurs personnes pour leurs talents respectifs. L'assemblée a approuvé ces éloges.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
48
p. 110-113
Panegyrique de S. François d'Assise, &c. [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. François d'Assise, prononcé dans l'Eglise du grand Convent [...]
Mots clefs :
Saint François d'Assise, R. P. Poisson, Autorités, Discours
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panegyrique de S. François d'Assise, &c. [titre d'après la table]
P ANEGYRIQUE de S. François
d’Assisc, prononcé dans l’Eglise du grand
Convenr des R R. P P. Cordeliers de
Paris, le 4. Octobre 1732. Par le Par:
Poisson , Cardelier , Prédicateur ordinaire
_du Roy, Ex-DéfinitaurGeneral de tout l ‘Or
dre de -S. François , ancien Provincial, et
Premier Pare de la grande Province de Fmn
ce , eÿw‘. Brocñure in 4.. de 102. pages,
sans une Préface , qui en contient 12.. A
Paris, chez F- Joue , ruiSaint Iacqucs,
M. DCC. XXXIII, _
Si la grande réputation du R. P. Pois
1
son lui attira un nombreux Auditoire dans‘
l’Eglise où il prononça ce Panégyriquc,
il ne faut pas dourerque Pimpression de
cet Ouvrage , depuis refléchi et orné par‘
l'Auteur, nexcire les mêmes empresse
mcns pour sa lecture. Nous voudrions
bien pouvoir en donner un-Extrait; mais
c’est un Ouvrage si rempli et si étendu ,
ue cette entreprise nous portcroxtv 1n
gnilliblement ait-delà des bornes dans lcs
- e _ ' 1 quelles
J A NV I ER. i733. j n!
quelles nous sommes nécessairement res
serrez. ll est d'ailleurs de certaines pro
ductions qu’il est à propos de voir dans
leur entier , et qui ne peuvent que perg
dre par des Extraits. .
Comme le R. P. Poisson a parlé dans
son Discours le langage de l’Ectitu_re,'
' des Peres et des Ecrivains Ecclesiastiques,
et qu'il n’y a pas omis les autoriiez des
_ Auteurs Profanes _, des Poètes mêmes
‘Grecs et Latins , appuyé de cette expres
=sion de Tertullien : i‘ O testimauiu vari
tutis que upud Cbristiamarum ! iilpam eduomsaoniinaldetesfteanitre im
primer exactement toutes ces autoritez ,
qui en insttuisant, ne donnent pas un
‘petit ornement au corps de l’Ouv'ragv,
et marquent une prodigieuse lecture de
la part de l’Autcur. , .
î ' Cette Méthode, au reste, est justifiée
au long dans la Préface, et se trouve ici
bien differente de celle qui éroit en vos
gue il y a 150. ans. Elle consistoir, dit
u le P.Poisson, à faire un prétendu Sermon
n François d’un amas de Citations Grec
» ques ‘et’ Latines , cousuës presque sans
ndessein , avec quelques mots de notre
n Langue , qui croient la seule qiose que
n le Peuple pût en tendlre. Louons- 16s Ora
g Lia. de TestitrnvfnimwCwz. __ “
w ‘ F iuj acteurs
Q
‘tu. MERCURE DE FRANCE
nteurs qui ont banni ce mauvais goût.
n mais ce ne doit pas non-plus être à la.
nmode de ne mettre dans des Discours
n qu’en a ppelleEvangeliquegque des ph ra.
» sestoures languissanres, toutes vuides l,
n toutes moribondes , que de vaines iina
.3) ges , des raisonnemens énerver, des
a preuves froides, des comparaisons in
ca sipides. , ' .
Le sçavant Panegyriste est , comme
nous Pavons dit, bien éloigné de cette
maniere de prêcher ; on peut: dire en
gilet qu’en citant un si grand nombre
d’autoritez, il s’est parfaitement accom
modé au goût de ce Public éclairé , dont
il parle en ces termes. q _
_ n Il veut, ce Public,-que nous sçachions
o) si bien fondre nos études , qu'avec la
n substance et l’esprit des grands Ecri
r» vains, nous lui donnions des Périodes
» vivantes , des descriptions animées , des
"raisons solides , des preuves victorieu-_
s: ses , des autoritez respectables et‘ assor
Ÿties; il aime à trouver dans la force de
7’ nos Discours la garantie de notre capa:
9’ cire’ ,2‘: ne pouvoir nous soupçonner d'i
”_ gnorance, et nous regarderxjusques dans
ê’ la Chaire Evangelique , comme un Airain
D sonnant e: comme- une Cymbale retentir-q
v sante, 1. Corinrh. 15.2..
r _ , Enfin.
JANVIER. 173;.‘ tf3’
" Enfin il faut comîenir que tohuf ce Dis
cours, d’une pour ainsi-diraes,seiznonodnëld1ee étcee Fleëuv,eedste:
Litteratute , qui est si nécessaire à l’es:
prit pour produire quelque chose cle grand
et d’accompli, suivant la pensée et l'ex
Pression. d’un Ecrivain de l’Antiquité la
plus polie: Neque cunciperç , nm caler: par
tnm {ment patît, trin‘ iflgffili flumine Lit-_
ter-arum 1mm 4m.
d’Assisc, prononcé dans l’Eglise du grand
Convenr des R R. P P. Cordeliers de
Paris, le 4. Octobre 1732. Par le Par:
Poisson , Cardelier , Prédicateur ordinaire
_du Roy, Ex-DéfinitaurGeneral de tout l ‘Or
dre de -S. François , ancien Provincial, et
Premier Pare de la grande Province de Fmn
ce , eÿw‘. Brocñure in 4.. de 102. pages,
sans une Préface , qui en contient 12.. A
Paris, chez F- Joue , ruiSaint Iacqucs,
M. DCC. XXXIII, _
Si la grande réputation du R. P. Pois
1
son lui attira un nombreux Auditoire dans‘
l’Eglise où il prononça ce Panégyriquc,
il ne faut pas dourerque Pimpression de
cet Ouvrage , depuis refléchi et orné par‘
l'Auteur, nexcire les mêmes empresse
mcns pour sa lecture. Nous voudrions
bien pouvoir en donner un-Extrait; mais
c’est un Ouvrage si rempli et si étendu ,
ue cette entreprise nous portcroxtv 1n
gnilliblement ait-delà des bornes dans lcs
- e _ ' 1 quelles
J A NV I ER. i733. j n!
quelles nous sommes nécessairement res
serrez. ll est d'ailleurs de certaines pro
ductions qu’il est à propos de voir dans
leur entier , et qui ne peuvent que perg
dre par des Extraits. .
Comme le R. P. Poisson a parlé dans
son Discours le langage de l’Ectitu_re,'
' des Peres et des Ecrivains Ecclesiastiques,
et qu'il n’y a pas omis les autoriiez des
_ Auteurs Profanes _, des Poètes mêmes
‘Grecs et Latins , appuyé de cette expres
=sion de Tertullien : i‘ O testimauiu vari
tutis que upud Cbristiamarum ! iilpam eduomsaoniinaldetesfteanitre im
primer exactement toutes ces autoritez ,
qui en insttuisant, ne donnent pas un
‘petit ornement au corps de l’Ouv'ragv,
et marquent une prodigieuse lecture de
la part de l’Autcur. , .
î ' Cette Méthode, au reste, est justifiée
au long dans la Préface, et se trouve ici
bien differente de celle qui éroit en vos
gue il y a 150. ans. Elle consistoir, dit
u le P.Poisson, à faire un prétendu Sermon
n François d’un amas de Citations Grec
» ques ‘et’ Latines , cousuës presque sans
ndessein , avec quelques mots de notre
n Langue , qui croient la seule qiose que
n le Peuple pût en tendlre. Louons- 16s Ora
g Lia. de TestitrnvfnimwCwz. __ “
w ‘ F iuj acteurs
Q
‘tu. MERCURE DE FRANCE
nteurs qui ont banni ce mauvais goût.
n mais ce ne doit pas non-plus être à la.
nmode de ne mettre dans des Discours
n qu’en a ppelleEvangeliquegque des ph ra.
» sestoures languissanres, toutes vuides l,
n toutes moribondes , que de vaines iina
.3) ges , des raisonnemens énerver, des
a preuves froides, des comparaisons in
ca sipides. , ' .
Le sçavant Panegyriste est , comme
nous Pavons dit, bien éloigné de cette
maniere de prêcher ; on peut: dire en
gilet qu’en citant un si grand nombre
d’autoritez, il s’est parfaitement accom
modé au goût de ce Public éclairé , dont
il parle en ces termes. q _
_ n Il veut, ce Public,-que nous sçachions
o) si bien fondre nos études , qu'avec la
n substance et l’esprit des grands Ecri
r» vains, nous lui donnions des Périodes
» vivantes , des descriptions animées , des
"raisons solides , des preuves victorieu-_
s: ses , des autoritez respectables et‘ assor
Ÿties; il aime à trouver dans la force de
7’ nos Discours la garantie de notre capa:
9’ cire’ ,2‘: ne pouvoir nous soupçonner d'i
”_ gnorance, et nous regarderxjusques dans
ê’ la Chaire Evangelique , comme un Airain
D sonnant e: comme- une Cymbale retentir-q
v sante, 1. Corinrh. 15.2..
r _ , Enfin.
JANVIER. 173;.‘ tf3’
" Enfin il faut comîenir que tohuf ce Dis
cours, d’une pour ainsi-diraes,seiznonodnëld1ee étcee Fleëuv,eedste:
Litteratute , qui est si nécessaire à l’es:
prit pour produire quelque chose cle grand
et d’accompli, suivant la pensée et l'ex
Pression. d’un Ecrivain de l’Antiquité la
plus polie: Neque cunciperç , nm caler: par
tnm {ment patît, trin‘ iflgffili flumine Lit-_
ter-arum 1mm 4m.
Fermer
Résumé : Panegyrique de S. François d'Assise, &c. [titre d'après la table]
Le texte relate un panégyrique de Saint François d'Assise prononcé par le Père Poisson dans l'église des Cordeliers de Paris le 4 octobre 1732. Le Père Poisson, prédicateur ordinaire du roi et ancien Provincial de la grande Province de France, a attiré un large public grâce à sa réputation. L'ouvrage, publié en 1733, est une brochure de 102 pages sans préface, contenant 12 pages. Le Père Poisson utilise un langage ecclésiastique et cite des auteurs profanes, grecs et latins, justifiant cette méthode dans la préface. Il critique les sermons anciens, composés d'amas de citations sans cohérence, et les discours modernes trop languissants et vides. Le panégyrique est adapté au goût du public éclairé, qui apprécie des discours fondés sur des études solides, des descriptions animées, des raisons solides et des autorités respectables. Le discours est décrit comme un fleuve de littérature, essentielle pour produire des œuvres grandes et accomplies.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
49
p. 1174-1189
Discours sur les Spectacles, traduit du Latin, [titre d'après la table]
Début :
THEATRUM ne sit vel esse possit Schola informandis moribus idonea ; oratio habita [...]
Mots clefs :
Scène, Théâtre, Orateur, Moeurs, Histoire, Philosophie, Nature, Racine, Comédie, Corneille, Tragédie, Héros, Discours, Effet
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Discours sur les Spectacles, traduit du Latin, [titre d'après la table]
THEATRUM ne sit vel esse possit Schola
informandis moribus idonea ; oratio habita
die 13. Martii an . 1733. in Regio Ludovici
Magni Collegio Societatis Jesu , à
Carolo Porée , ejusdem Societatis Sacerdote.
ITEM , Discours sur les Spectacles , tradit
du Latin du Pere Charles Porée , de
la Compagnie de Jesus , par le P. Brumoy
de la même Compagnie..
L'une et l'autre Piéce est imprimée chez
Jean Baptiste Coignard fils , rue S. Jacques
, 1733 .
Le P. Porée , après avoir piqué la curiosité
du Public par son titre , a pleinement
satisfait celle de ses illustres Auditeurs
, au nombre desquels se trouverent
MM. les Cardinaux de Polignac et de .
Bissy , M. le Nonce , plusieurs Prélats
et autres personnes de distinction . On
souhaita que son Discours fût imprimé ,
et peu de tems après l'impression ,
Pere Brumoy l'a donné en françois. Ce
Discours a paru interessant par bien des .
endroits . Nous en exposerons briévement
le sujet et l'ordre , autant que la
fertilité laconique de l'Orateur pourra
permettre .
le
1. Vol. II
JUIN. 1733 117
Il établit dans l'Exorde que le Théatre
depuis son origine a toujours été un
sujet de contestation , comme un attrait
de curiosité , parce qu'en effet Athénes ,
Rome , et la France ont vû naître succes
sivement à son occasion des disputes qui
ne sont pas encore terminées. Il détaille
celle du siécle passé , où l'on vît partis
contre partis , Grands contre Grands ,
Doctes contre Doctes , agiter avec beaucoup
de vivacité et de chaleur la question
, sçavoir si le Théatre étoit utile our
pernicieux aux bonnes moeurs. Il s'attache
à la même question , et il se propose
de rapprocher les amateurs du vrai
en prenant le caractere de Conciliateur.
Il répond donc que le Théatre par sa nature
peut être une Ecole capable de former
les moeurs , mais qu'il arrive par
notre faute qu'elle ne l'est pas en effet.
Ce sont les deux parties du Discours.
Puis , après un Compliment ingénieu
aux deux Cardinaux , il entre en matiere.
Une Ecole propre à former les meurs
est celle qui se sert de préceptes et d'éxemples
convenables à ce but. La Philosophie
et l'Histoire ne passent en effet
pour d'excellentes Ecoles de meurs que
par les préceptes que donne l'ane , et
1. Vol.
par
1176 MERCURE DE FRANCE
par les exemples que l'autre fournit . Or
l'Orateur prétend que la Scene comparée
à la Philosophie et à l'Histoire peut leur
disputer l'avantage de former les moeurs ,
en employant les mêmes ressorts d'une
maniere plus convenable.
La Philosophie ouvre un vaste champ à
sa Morale. Elle considere l'homme qu'elle
se propose d'instruire , ou comme occupé
dans une famille , ou comme seul, ou comme
engagé dans les affaires civiles .Mais la
Scene de son côté embrasse tous les Etats,
toutes les professions , tous les devoirs ,
toutes les vertus , tous les vices , tous les
travers même que la Philosophie se met
peu en peine d'observer et de réformer.
De plus les sottises des hommes , la sagesse
humaine et même les Eaux sacrées
de la divine Sagesse , sont les sources
fécondes où la Scene peut puiser ses importantes
et nombreuses leçons . Ce détail
est vif et serré. Enfin l'on fait sentir
finement par une espece de communication
ironique ( à la façon de Socrate )
avec un Philosophe , que la maniere d'instruire
dont la Scene se sert , est veritablement
plus instructive et plus efficace
que ne l'est la Méthode grave et sérieuse
des Philosophes. Voicy un trait de ce
Morceau , qu'il adresse aux Philofophes .
1. Vol. Vos
JUIN. 1733. 1177
Vos Discours sur nos devoirs sont bien
raisonnez , quoiqu'un peu diffus , j'aurois
tort assurément de les blâmer. Vous avez
épousé une Méthode qui vous astraint à
proceder par ordre de propositions , de preuves
, d'objections , de réfutations . Le moyen
de n'être pas discoureur ! mais le Poëte en
auroit- il moins d'autorité sur la Scene parce
qu'il ne sçauroit être sententieux et court ,
souvent sublime Philosophe en un seul Vers ?
Que voulez- vous ? nous aimons la briéveté.
Se mêle-t'on de nous instruire ? nous voulons
qu'on nous dise beaucoup en peu de
mots.
Vous philosophez sur les passions humaines
avec beaucoup de subtilité ; le dirai -je
aussi ? souvent avec un peu de secheresse .
Vous en sçauroit - on mauvais gré ? non.
C'est à vous de définir , de diviser , de développer
vos idées par articles ; ce n'est pas à
vous d'émouvoir. Trouveriez- vous pour cela
que le Poëte dont je parle en auroit moins
grace , parce qu'il mettroit en oeuvre les
pleurs et le courroux , la terreur et la pitié ?
Nous sommes un composé d'esprit et de corps ;
nous voulons être éclairez ; nous voulons être
émus , et l'on ne nous éclaire pas assez ,
on ne tâche de nous émouvoir.
de
si
Enfin vous vous en tenez aux préceptes $
vous écartez bien loin les exemples. Con-
I. Vol.
damnerois-je
F178 MERCURE DE FRANCE
damnerois je votre maniere ? nullement. C'est
la loi que vous vous êtes prescrite. Fose
ici vous le demander sans détour ; notre
Poëte n'a- t'il pas visiblement l'avantage sur
vous , lui qui joint les exemples aux préceptes
en quoi il s'éloigne de vous , car il
devient en quelque sorte Historien , comme
Vous venez de le voir Philosophe ; et par
l'heureux accord de deux Ecoles differentes ,
il en forme une troisième plus efficace pour
faire agir les deux ressorts , je veux dire ,
pour éclairer et pour toucher.
Par cette transition l'Orateur entre
dans la comparaison de la Scene avec
⚫ l'Histoire. Il traite cet endroit avec toute
la justesse et tout le feu qui conviennent
à un parallele si heureux , des évenemens
qu'exposent l'Histoire et la Scene ; et de
la maniere dont l'une et l'autre les expose.
Si des exemples , dit- il , attachez à
des lettres mortes , confiez à des dépositaires
inanimez , ont toutefois une sorte d'ame ;
un reste de leur antique chaleur ; quelle sera
Leur force et leur vie , lorsqu'ils renaîtront
dans l'action , qu'ils seront vivifiez par le
feu du mouvement , qu'ils parleront eux-mêmes
au coeur, à l'oreille , à l'oeil , avec toute
la grandeur des sentimens , avec tous les
charmes de la voix , avec toute l'éloquence
du geste Telle est Pinnocente Magie que
I. Vol. se
JUIN. 1733.
1179
l'imise
propose la Scene. Par elle tout revit , tout
respire , au point de faire croire
tation l'emporte sur la réalité , &c.
que
Ce ne sont plus les Annales des Martyrs
de tout âge et de tout sexe que l'on vous
récite. Vous devenez spectateur et témoin des
combats et des palmes de ces saints Athletes.
A vosyeux les Tyrans menacent, et ils menacent
en vain; mere , pere , épouse chérie, tous
pleurent tous embrassent les genoux du Héros.
Les larmes coulent vainement, les prieres sont
perdues. Délices , richesses , grandeurs , vous
étalez vos plus dangereux attraits . Une indignation
chrétienne , un noble mépris , une
fiertéplus qu'humaine vous foulent aux pieds.
Tourmens cruels , morts effroyables ; vous
paroiffez avec toutes vos horreurs. Un regard
intrépide vous brave . Juges , vous
foudroyez, Arrêt fatal et prononcés on baise
Péchaffaut et l'on vous rend graces . Vous balancez
, Bourreaux , vous tardez tròp ; l'on
vole au-devant de vos coups , &c.
Autre effort plus considerable de la Scene.
L'Histoire est astrainte au temps , au
lieu , à l'ordre des évenemens , pour les y
attacher. Elle n'ose d'ordinaire exposer les
vertus et les vices que séparément et en leur
place. La Scene au contraire ( semblable à
la Peinture qui entend le ton des couleurs
et l'heureux mêlange du clair et de l'obscur
(
I. Vol.
fair
1180 MERCURE DE FRANCE
;
fait dans la même action le contraste inte
ressant du vice et de la vertu. Elle balance
dans les caracteres approchez , la valeur et
la lâcheté , la douceur et le courroux , la modestie
et la fierté , la libéralité et l'avarice ,
la frugalité et la profusion , l'honnête homme
et le scelerat. De cette opposition d'om
bres et de lumieres , quel doux éclat rejaillit
sur la vertu pour l'embellir! que d'hor
ribles tenebres se répandent sur le vice pour
le confondre !
Voulez- vous des autoritez sur le paral
lele de la Scene , telle que je viens de la
peindre , et de l'Histoire telle qu'elle est ?
Consultez le Lecteur et le Spectateur , les
Bibliotheques et les Amphithéatres , et demandez
où l'on verse des pleurs.
Le P. Porée conclud que la Scene l'emporte
sur la Philosophie et sur l'Histoi
re ; et que cela même est prouvé non
seulement par l'idée pure du Théatre ;
mais encore par le suffrage de la Philosophie
et par la déposition de l'Histoire. Il
allégue en preuve Socrate qui assistoit
aux Pieces d'Euripide , la Poëtique d'Aristote
; l'authorité de S. Charles Borro
mée qui revoyoit les Comédies , la plume
à la main , avant qu'on les jouât , celle
du Cardinal de Richelieu qui n'a pas dédaigné
de composer lui - même des Vers
1. Vol.
traJUI
N. 1181. 1733.
tragiques , et de donner une partie de ses
soins à la perfection de la Scene. Celle de
Louis XIV. celle des Etats qui authorisent
des Spectacles pour exercer la jeunesse
; celle enfin des particuliers qui
croïent ces exercices utiles. Voici ce qu'il
dit de Louis XIV. Manes du Grand Louis,
rougiriez - vous d'avoir rappellé Racine an
Cothurne qu'il avoit quitté , pour engager cet
autre Prince de la Scene à donner des Tra
gedies dignes du Théatre , et des Actrices de,
S. Cyr? étoit ce un divertissement puerile
que vous ménagiez à des enfans ? Vos vûës
si-bienfaisantes , si sages , si religieuses se
portoient sans doute à quelque chose de plus
auguste.Jeune Noblesse trop mal dottée par la
fortune , ce Monarque vous reservoit une
dot dont il connoissoit tout le prix,des exemples
et des leçons de piété , thrésor préférable
à tous les thrésors , dot précieuse , que vous
deviez faire passer dans les familles les plus
distinguées pour la perpetuer. Quelles pieces
en effet tira- t-il du grand Maître qu'il em
ploya?
O Athalie! Esther ! Oeuvres divines,
dont l'unique ou le plus digne éloge est de
vous demander, Messieurs , si le Problême
que j'ai proposé auroit lieu , supposé qu'on
en composat d'égales , ou du moins de sem
blables. Ah ! il ne faudroit plus demander
I. Vol.
, alers ,
1182 MERCURE DE FRANCE
alors si le Théatre peut être utile aux moeurs,
mais s'il seroit possible qu'il leur devint pernicieux.
Voilà pour la Tragédie et la Comédie.
Il restoit à prononcer sur l'Opéra , matiére
délicate.Ce morceau est tourné avec
tant de délicatesse et de circonspection
qu'on ne peut l'abréger sans l'alterer.
Nous y renvoïons le Lecteur , tres - fâchez
de ne pouvoir mieux faire , et nous passons
à la seconde Partie.
Elle tend à faire voir que la Scene propre
par elle- même à former les moeurs ,
est dépravée par l'abus qu'en font les
Autheuts , les Acteurs et les Spectateurs ;
Particle qui regarde les Ecrivains de
Théatre est le plus étendu ; c'est à eux
que l'Orateur impute d'abord la dépra
vation des Spectacles. Il les compare avec
les Autheurs du Théatre Athénien ; ceuxci
se regardoient comme des hommes dévoüez
au bien public , et chargez par la
Patrie de réformer les moeurs. Est - ce là
l'idée de ceux qui destinent leur pluie
au Théatre ? Ils ont perdu de vûë , dit
F'Orateur , le but que se proposoient les
anciens. Ils ne comprennent plus , parce
qu'ils ne veulent pas le comprendre , ce
qu'exigent les Loix de leur emploi , ce
que veut la nature de la Poësie drama-
1. Vol.
tique
JUIN. 1733. 1183
*
tique. Elle veut qu'on ait en vûë le bien
de l'Etat , et que l'on profite en amusant.
On s'écarte de cet objet , on ne cherche
qu'à plaire , fût- ce aux dépens de l'utilité
publique . L'Orateur appuïe ses preuyes
sur une revûë détaillée des divers
Spectacles. Il rend à la Tragédie de nos
jours la justice qu'elle mérite par la gravité
de ses Sentences , et par l'élégance de
sa diction, Mais il demande ; Qu'est devenue
la sévérité Athénienne.Dans Athénes
la Tragedie se servoit du ressort des passions
pour les guérir ; elle le met en oeuvre
aujourd'hui pour augmenter leurs maux . La
Scene antique éteignoit dans les Athéniens
la soif de l'ambition , parce qu'elle la regardoit
comme la plus dangereuse peste de la
République. La Scene Françoise souffle aujourd'hui
dans les cours un double poison,
que nous devons regarder comme également
funeste à la Religion et à l'Etat , la vengeance
et l'amour..
>
Pour la Vengeance, le P. P. cite le Cid.
et l'emportement de Rodrigue et de son
Pere , par lequel Corneille , sans le sçavoir
, semble infpirer la fureur des Duels.
Heureux ( continuë l'Orateur ) d'avoir
été moins propre à traiter des sujets d'un caractere
tout opposé! Si les tendresses et le
Langage efféminé des Amours avoient pû
I. Vol.
s'as1184
MERCURE DE FRANCE
saccommoder de l'énergie de l'esprit le plus
ferme , et de l'enthousiasme de la Poësie la
plus sublime , de quels feux n'auriez vous
pas embraze la Scene ! Malheureusement le
Dieu de Cythere sçut trop se dédommager ;
la main à qui il confia son flambeau , n'eut
que trop de grace à le manier , à en ranimer
ia flamme , et à en répandre les étincelles
dans le sein des Spectateurs ..
Racine jeune, le consola de Corneille vieilli
et peu docile à suivre ses traces. Le nou
veau Peintre, génie heureux, aisé dans l'invention
, habile dans l'ordonnance , sçavant
dans l'étude de la nature , exact et patient
dans la correction enrichi des dépouilles
de la Grece , riche de son propre
fonds , pur dans sa diction , doux et coulant
dans ses Vers , sembla fait pour attendrir la
Scene , soit penchant , soit émulation on désespoir
d'atteindre le vieux Monarque du
Theatre dans la ronte qu'il avoit fraiée le
premier , il osa s'en tracer une toute nouvelle
pour regner à son tour.
Corneille dans le grand , avoit étonné
les esprits par la majesté pompeuse de ses pensées.
Racine , dans le tendre fascina les
coeurs par le charme enchanteur des sentimens.
L'un avoit élevé l'homme au dessus de
T'humanité, l'autre le rendit à lui - même et à ses
foiblesses. L'un avoit fait ses Héros Ro-
I. Vol.
mains,
JUIN. 1733 1185
mains , Arméniens , Parthes ; il nous transportoit
chez leurs Nations et dans leurs Climats
: l'autre , au contraire , les transportant
tous en France , les naturalisa François , et
les forma sur l'urbanitégalante de nos moeurs.
L'un , métamorphosant les femmes même en
autant de Héros , leur avoit donné une ame
veritablement Tragique : l'autre , rabaissant
ses Heros presqu'au rang des Héroïnes , leur
fit soupirer des sentimens d'Elegie. Le génie
du premier avoit pénétré dans le Cabinet
des Rois pour y sonder les profondeurs de la
politique ; l'esprit du second s'insinua dans
les Cercles , pour y apprendre les délicatesses
de la galanterie. Corneille, semblable à l'Oisean
de Jupiter , qui s'élance dans les nuës
et paroît se jouer au milieu des Eclairs et des
Tonneres , avoit fait retentir la Scene des
fréquens éclats de ce bruit majestueux qui
frappe tous les esprits. Racine, comme le tendre
Oiseau de Cypris , voltigeant autour des
Myries et des Roses , fit repeter aux Echos
ses gémissemens et ses soupirs. Corneille , en-
·fin forçant les obstacles d'un sentier escarpé
et sujet par consequent à d'illustres chutes ;
redoublant toujours ses efforts pour tendre de
plus en plus au sublime et au merveilleux
Scherchanpar la voie de l'admiration des
-applaudissemens trop merités , qu'il arracha
des plus déterminés à les lui refuser : Racine
I. Vol.
sur1186
MERCURE DE FRANCE
suivant une pente plus douce , mais par là
plus sûre, s'élevant rarement , soutenant son
vol avec grace et le ramenant promptement
aux amours , parut s'offrir de lui- même aux
suffrages qui prévenoient son attraïante donccur.
Il ne soupira pas en vain ; l'art inexprimable
des soupirs lui. procura la Palme
qu'il ambitionnoit ; il n'enleva pas
les Lanriers
à son Rival ; mais il se vit ceint de
Myrtes , par les mains empressées de ses Héros
et sut tout de ses Héroïnes . Il ne déthrôna
pas Corneille ; mais ilpartagea le Thrône
de la Scene avec lui. L'Aigle foudroïa
La Colombe gémit , et l'Empire fut divisé.
Quelle gloire pour Racine ! Regner ainsi sur.
le Theatre c'est avoir vaincu , c'est avoir
triomphé.
Vous sçavez , Messieurs , l'issue d'une si
brillante victoire. :.cette heureuse audace
produisit
une foule d'imitateurs. Les soupirs
avoient couronné ce grand Maître ; vaine
ment les désavoia - t- il vainement la piété
le ravit-elle dux honneurs du Théatre ; les
éleves nombreux soumirent le Cothurne aux
loix du tendre Législateur ; ils leur sacrifierent
la severité des loix fondamentales de la
Scene.
Le P. Porée prétend en effet que l'unité
d'action , la simplicité , la verité des sujets
, la vrai - semblance , la variété , one
I. Vol. extrê
JUIN. 1733 . 1187
extrêmement souffert de cette nouvelle
tournure de la Tragédie , devenuë amoureuse.
Il en montre le danger par un morceau
pathetique et fort éloquent en revenant
au parallele de la Tragédie ancienne
et de la moderne, puis il passe à la Comédie
avec un tour d'éloquence tout
nouveau ; car on remarque dans la diversité
de ses tours une conformité singulicre
entre chaque sujet et la maniere pro
pre de le traiter ; il feint une conversation.
La Comédie se donne pour être fort
differente de ce qu'elle fut jadis ; elle étale
les vices et les défauts qu'elle réforme
par ses Piéces, elle cite les petits Maîtres,
les Femmes sçavantes , les Misantropes
les Malades imaginaires, les diverses écoles
, & c. L'Orateur insére un mot sur
chaque chose ; et fait ensuite une récapitulation
des vices plus pernicieux
Comedie moderne , a ( dit - il ) introduits
et qu'elle authorise . Mais pourquoi, ajoutet-
il , s'en prendre à la Comédie ? Est- ce par
sa nature , où n'est- ce pas plutôt par la ma
lice d'autrui qu'elle s'est pervertie ? Ah ! prenons-
nous- en à ceux qui pouvant la rendre
bonne et utile , l'ont renduë nuisible et peri
nicieuse : Oui,j'ose m'en prendre d'abord an
chefmême des Autheurs et des Acteurs de
notre Scene. Poëte par goût,plus que par émque
la
1. Vol. G de
1188 MERCURE DE FRANCE
de , ce fut un feu de jeunesse , non la malignité
de la fortune , qui le fit Comédien. Né
pour des emplois sérieux , transporté dans le
comique, rigide observateur du ridicule,peintre
plaisant d'après nature , exact sans affectation
d'exactitude , correct sans paroitre
s'êtregêné , serré dans sa Prose , libre et aisé
dans ses Vers , riche en Sentences, fertile en
Plaisanteries, on peut dire qu'il réunit en lui
seni toutes les qualitez et la plupart des dé
fauts des Poëtes celebres en ce genre , aussi
piquant qu' Aristophane , quelquefois aussi.
peu retenu, aussi vif que Plaute, de temps en
temps aussi bouffon , aussi fin dans l'in
telligence des moeurs que Terence , souvent
aussi libre dans ses Tableaux, Moliere futil
plus grand par la nature ou par l'art ?
Inimitable dans l'un et dans l'autre , vicieux
par ces deux Endroits , il nuisit autant qu'il
excella, Le meilleur Maître , s'il enseigne le
mal , est le pire de tous les Maîtres.
L'Orateur taxe de la même sorte les
differens imitateurs de ce Prince de la
Comédie. Les Autheurs qui travaillent
pour le Théatre Lyrique viennent ensuite
sur les rangs par une figure d'éloquence
fort remarquable. Les Acteurs ont
aussi leur tour , et enfin les Spectateurs ;
nous n'insistons point sur cette fin, parce
qu'il seroit difficile d'en rien retrancher
I. Vol. et
JUIN. 1733. 1189
et de choisir . Cette . Analyse generale suffit
pour l'idée que nous nous sommes
proposée . Nous observerons seulement
que
le blâme de l'abus du Théatre, ( suivant
la pensée du P. Porée) retombe principalement
et presqu'entierement sur les
Spectateurs, que l'on sert selon leur goût.
informandis moribus idonea ; oratio habita
die 13. Martii an . 1733. in Regio Ludovici
Magni Collegio Societatis Jesu , à
Carolo Porée , ejusdem Societatis Sacerdote.
ITEM , Discours sur les Spectacles , tradit
du Latin du Pere Charles Porée , de
la Compagnie de Jesus , par le P. Brumoy
de la même Compagnie..
L'une et l'autre Piéce est imprimée chez
Jean Baptiste Coignard fils , rue S. Jacques
, 1733 .
Le P. Porée , après avoir piqué la curiosité
du Public par son titre , a pleinement
satisfait celle de ses illustres Auditeurs
, au nombre desquels se trouverent
MM. les Cardinaux de Polignac et de .
Bissy , M. le Nonce , plusieurs Prélats
et autres personnes de distinction . On
souhaita que son Discours fût imprimé ,
et peu de tems après l'impression ,
Pere Brumoy l'a donné en françois. Ce
Discours a paru interessant par bien des .
endroits . Nous en exposerons briévement
le sujet et l'ordre , autant que la
fertilité laconique de l'Orateur pourra
permettre .
le
1. Vol. II
JUIN. 1733 117
Il établit dans l'Exorde que le Théatre
depuis son origine a toujours été un
sujet de contestation , comme un attrait
de curiosité , parce qu'en effet Athénes ,
Rome , et la France ont vû naître succes
sivement à son occasion des disputes qui
ne sont pas encore terminées. Il détaille
celle du siécle passé , où l'on vît partis
contre partis , Grands contre Grands ,
Doctes contre Doctes , agiter avec beaucoup
de vivacité et de chaleur la question
, sçavoir si le Théatre étoit utile our
pernicieux aux bonnes moeurs. Il s'attache
à la même question , et il se propose
de rapprocher les amateurs du vrai
en prenant le caractere de Conciliateur.
Il répond donc que le Théatre par sa nature
peut être une Ecole capable de former
les moeurs , mais qu'il arrive par
notre faute qu'elle ne l'est pas en effet.
Ce sont les deux parties du Discours.
Puis , après un Compliment ingénieu
aux deux Cardinaux , il entre en matiere.
Une Ecole propre à former les meurs
est celle qui se sert de préceptes et d'éxemples
convenables à ce but. La Philosophie
et l'Histoire ne passent en effet
pour d'excellentes Ecoles de meurs que
par les préceptes que donne l'ane , et
1. Vol.
par
1176 MERCURE DE FRANCE
par les exemples que l'autre fournit . Or
l'Orateur prétend que la Scene comparée
à la Philosophie et à l'Histoire peut leur
disputer l'avantage de former les moeurs ,
en employant les mêmes ressorts d'une
maniere plus convenable.
La Philosophie ouvre un vaste champ à
sa Morale. Elle considere l'homme qu'elle
se propose d'instruire , ou comme occupé
dans une famille , ou comme seul, ou comme
engagé dans les affaires civiles .Mais la
Scene de son côté embrasse tous les Etats,
toutes les professions , tous les devoirs ,
toutes les vertus , tous les vices , tous les
travers même que la Philosophie se met
peu en peine d'observer et de réformer.
De plus les sottises des hommes , la sagesse
humaine et même les Eaux sacrées
de la divine Sagesse , sont les sources
fécondes où la Scene peut puiser ses importantes
et nombreuses leçons . Ce détail
est vif et serré. Enfin l'on fait sentir
finement par une espece de communication
ironique ( à la façon de Socrate )
avec un Philosophe , que la maniere d'instruire
dont la Scene se sert , est veritablement
plus instructive et plus efficace
que ne l'est la Méthode grave et sérieuse
des Philosophes. Voicy un trait de ce
Morceau , qu'il adresse aux Philofophes .
1. Vol. Vos
JUIN. 1733. 1177
Vos Discours sur nos devoirs sont bien
raisonnez , quoiqu'un peu diffus , j'aurois
tort assurément de les blâmer. Vous avez
épousé une Méthode qui vous astraint à
proceder par ordre de propositions , de preuves
, d'objections , de réfutations . Le moyen
de n'être pas discoureur ! mais le Poëte en
auroit- il moins d'autorité sur la Scene parce
qu'il ne sçauroit être sententieux et court ,
souvent sublime Philosophe en un seul Vers ?
Que voulez- vous ? nous aimons la briéveté.
Se mêle-t'on de nous instruire ? nous voulons
qu'on nous dise beaucoup en peu de
mots.
Vous philosophez sur les passions humaines
avec beaucoup de subtilité ; le dirai -je
aussi ? souvent avec un peu de secheresse .
Vous en sçauroit - on mauvais gré ? non.
C'est à vous de définir , de diviser , de développer
vos idées par articles ; ce n'est pas à
vous d'émouvoir. Trouveriez- vous pour cela
que le Poëte dont je parle en auroit moins
grace , parce qu'il mettroit en oeuvre les
pleurs et le courroux , la terreur et la pitié ?
Nous sommes un composé d'esprit et de corps ;
nous voulons être éclairez ; nous voulons être
émus , et l'on ne nous éclaire pas assez ,
on ne tâche de nous émouvoir.
de
si
Enfin vous vous en tenez aux préceptes $
vous écartez bien loin les exemples. Con-
I. Vol.
damnerois-je
F178 MERCURE DE FRANCE
damnerois je votre maniere ? nullement. C'est
la loi que vous vous êtes prescrite. Fose
ici vous le demander sans détour ; notre
Poëte n'a- t'il pas visiblement l'avantage sur
vous , lui qui joint les exemples aux préceptes
en quoi il s'éloigne de vous , car il
devient en quelque sorte Historien , comme
Vous venez de le voir Philosophe ; et par
l'heureux accord de deux Ecoles differentes ,
il en forme une troisième plus efficace pour
faire agir les deux ressorts , je veux dire ,
pour éclairer et pour toucher.
Par cette transition l'Orateur entre
dans la comparaison de la Scene avec
⚫ l'Histoire. Il traite cet endroit avec toute
la justesse et tout le feu qui conviennent
à un parallele si heureux , des évenemens
qu'exposent l'Histoire et la Scene ; et de
la maniere dont l'une et l'autre les expose.
Si des exemples , dit- il , attachez à
des lettres mortes , confiez à des dépositaires
inanimez , ont toutefois une sorte d'ame ;
un reste de leur antique chaleur ; quelle sera
Leur force et leur vie , lorsqu'ils renaîtront
dans l'action , qu'ils seront vivifiez par le
feu du mouvement , qu'ils parleront eux-mêmes
au coeur, à l'oreille , à l'oeil , avec toute
la grandeur des sentimens , avec tous les
charmes de la voix , avec toute l'éloquence
du geste Telle est Pinnocente Magie que
I. Vol. se
JUIN. 1733.
1179
l'imise
propose la Scene. Par elle tout revit , tout
respire , au point de faire croire
tation l'emporte sur la réalité , &c.
que
Ce ne sont plus les Annales des Martyrs
de tout âge et de tout sexe que l'on vous
récite. Vous devenez spectateur et témoin des
combats et des palmes de ces saints Athletes.
A vosyeux les Tyrans menacent, et ils menacent
en vain; mere , pere , épouse chérie, tous
pleurent tous embrassent les genoux du Héros.
Les larmes coulent vainement, les prieres sont
perdues. Délices , richesses , grandeurs , vous
étalez vos plus dangereux attraits . Une indignation
chrétienne , un noble mépris , une
fiertéplus qu'humaine vous foulent aux pieds.
Tourmens cruels , morts effroyables ; vous
paroiffez avec toutes vos horreurs. Un regard
intrépide vous brave . Juges , vous
foudroyez, Arrêt fatal et prononcés on baise
Péchaffaut et l'on vous rend graces . Vous balancez
, Bourreaux , vous tardez tròp ; l'on
vole au-devant de vos coups , &c.
Autre effort plus considerable de la Scene.
L'Histoire est astrainte au temps , au
lieu , à l'ordre des évenemens , pour les y
attacher. Elle n'ose d'ordinaire exposer les
vertus et les vices que séparément et en leur
place. La Scene au contraire ( semblable à
la Peinture qui entend le ton des couleurs
et l'heureux mêlange du clair et de l'obscur
(
I. Vol.
fair
1180 MERCURE DE FRANCE
;
fait dans la même action le contraste inte
ressant du vice et de la vertu. Elle balance
dans les caracteres approchez , la valeur et
la lâcheté , la douceur et le courroux , la modestie
et la fierté , la libéralité et l'avarice ,
la frugalité et la profusion , l'honnête homme
et le scelerat. De cette opposition d'om
bres et de lumieres , quel doux éclat rejaillit
sur la vertu pour l'embellir! que d'hor
ribles tenebres se répandent sur le vice pour
le confondre !
Voulez- vous des autoritez sur le paral
lele de la Scene , telle que je viens de la
peindre , et de l'Histoire telle qu'elle est ?
Consultez le Lecteur et le Spectateur , les
Bibliotheques et les Amphithéatres , et demandez
où l'on verse des pleurs.
Le P. Porée conclud que la Scene l'emporte
sur la Philosophie et sur l'Histoi
re ; et que cela même est prouvé non
seulement par l'idée pure du Théatre ;
mais encore par le suffrage de la Philosophie
et par la déposition de l'Histoire. Il
allégue en preuve Socrate qui assistoit
aux Pieces d'Euripide , la Poëtique d'Aristote
; l'authorité de S. Charles Borro
mée qui revoyoit les Comédies , la plume
à la main , avant qu'on les jouât , celle
du Cardinal de Richelieu qui n'a pas dédaigné
de composer lui - même des Vers
1. Vol.
traJUI
N. 1181. 1733.
tragiques , et de donner une partie de ses
soins à la perfection de la Scene. Celle de
Louis XIV. celle des Etats qui authorisent
des Spectacles pour exercer la jeunesse
; celle enfin des particuliers qui
croïent ces exercices utiles. Voici ce qu'il
dit de Louis XIV. Manes du Grand Louis,
rougiriez - vous d'avoir rappellé Racine an
Cothurne qu'il avoit quitté , pour engager cet
autre Prince de la Scene à donner des Tra
gedies dignes du Théatre , et des Actrices de,
S. Cyr? étoit ce un divertissement puerile
que vous ménagiez à des enfans ? Vos vûës
si-bienfaisantes , si sages , si religieuses se
portoient sans doute à quelque chose de plus
auguste.Jeune Noblesse trop mal dottée par la
fortune , ce Monarque vous reservoit une
dot dont il connoissoit tout le prix,des exemples
et des leçons de piété , thrésor préférable
à tous les thrésors , dot précieuse , que vous
deviez faire passer dans les familles les plus
distinguées pour la perpetuer. Quelles pieces
en effet tira- t-il du grand Maître qu'il em
ploya?
O Athalie! Esther ! Oeuvres divines,
dont l'unique ou le plus digne éloge est de
vous demander, Messieurs , si le Problême
que j'ai proposé auroit lieu , supposé qu'on
en composat d'égales , ou du moins de sem
blables. Ah ! il ne faudroit plus demander
I. Vol.
, alers ,
1182 MERCURE DE FRANCE
alors si le Théatre peut être utile aux moeurs,
mais s'il seroit possible qu'il leur devint pernicieux.
Voilà pour la Tragédie et la Comédie.
Il restoit à prononcer sur l'Opéra , matiére
délicate.Ce morceau est tourné avec
tant de délicatesse et de circonspection
qu'on ne peut l'abréger sans l'alterer.
Nous y renvoïons le Lecteur , tres - fâchez
de ne pouvoir mieux faire , et nous passons
à la seconde Partie.
Elle tend à faire voir que la Scene propre
par elle- même à former les moeurs ,
est dépravée par l'abus qu'en font les
Autheuts , les Acteurs et les Spectateurs ;
Particle qui regarde les Ecrivains de
Théatre est le plus étendu ; c'est à eux
que l'Orateur impute d'abord la dépra
vation des Spectacles. Il les compare avec
les Autheurs du Théatre Athénien ; ceuxci
se regardoient comme des hommes dévoüez
au bien public , et chargez par la
Patrie de réformer les moeurs. Est - ce là
l'idée de ceux qui destinent leur pluie
au Théatre ? Ils ont perdu de vûë , dit
F'Orateur , le but que se proposoient les
anciens. Ils ne comprennent plus , parce
qu'ils ne veulent pas le comprendre , ce
qu'exigent les Loix de leur emploi , ce
que veut la nature de la Poësie drama-
1. Vol.
tique
JUIN. 1733. 1183
*
tique. Elle veut qu'on ait en vûë le bien
de l'Etat , et que l'on profite en amusant.
On s'écarte de cet objet , on ne cherche
qu'à plaire , fût- ce aux dépens de l'utilité
publique . L'Orateur appuïe ses preuyes
sur une revûë détaillée des divers
Spectacles. Il rend à la Tragédie de nos
jours la justice qu'elle mérite par la gravité
de ses Sentences , et par l'élégance de
sa diction, Mais il demande ; Qu'est devenue
la sévérité Athénienne.Dans Athénes
la Tragedie se servoit du ressort des passions
pour les guérir ; elle le met en oeuvre
aujourd'hui pour augmenter leurs maux . La
Scene antique éteignoit dans les Athéniens
la soif de l'ambition , parce qu'elle la regardoit
comme la plus dangereuse peste de la
République. La Scene Françoise souffle aujourd'hui
dans les cours un double poison,
que nous devons regarder comme également
funeste à la Religion et à l'Etat , la vengeance
et l'amour..
>
Pour la Vengeance, le P. P. cite le Cid.
et l'emportement de Rodrigue et de son
Pere , par lequel Corneille , sans le sçavoir
, semble infpirer la fureur des Duels.
Heureux ( continuë l'Orateur ) d'avoir
été moins propre à traiter des sujets d'un caractere
tout opposé! Si les tendresses et le
Langage efféminé des Amours avoient pû
I. Vol.
s'as1184
MERCURE DE FRANCE
saccommoder de l'énergie de l'esprit le plus
ferme , et de l'enthousiasme de la Poësie la
plus sublime , de quels feux n'auriez vous
pas embraze la Scene ! Malheureusement le
Dieu de Cythere sçut trop se dédommager ;
la main à qui il confia son flambeau , n'eut
que trop de grace à le manier , à en ranimer
ia flamme , et à en répandre les étincelles
dans le sein des Spectateurs ..
Racine jeune, le consola de Corneille vieilli
et peu docile à suivre ses traces. Le nou
veau Peintre, génie heureux, aisé dans l'invention
, habile dans l'ordonnance , sçavant
dans l'étude de la nature , exact et patient
dans la correction enrichi des dépouilles
de la Grece , riche de son propre
fonds , pur dans sa diction , doux et coulant
dans ses Vers , sembla fait pour attendrir la
Scene , soit penchant , soit émulation on désespoir
d'atteindre le vieux Monarque du
Theatre dans la ronte qu'il avoit fraiée le
premier , il osa s'en tracer une toute nouvelle
pour regner à son tour.
Corneille dans le grand , avoit étonné
les esprits par la majesté pompeuse de ses pensées.
Racine , dans le tendre fascina les
coeurs par le charme enchanteur des sentimens.
L'un avoit élevé l'homme au dessus de
T'humanité, l'autre le rendit à lui - même et à ses
foiblesses. L'un avoit fait ses Héros Ro-
I. Vol.
mains,
JUIN. 1733 1185
mains , Arméniens , Parthes ; il nous transportoit
chez leurs Nations et dans leurs Climats
: l'autre , au contraire , les transportant
tous en France , les naturalisa François , et
les forma sur l'urbanitégalante de nos moeurs.
L'un , métamorphosant les femmes même en
autant de Héros , leur avoit donné une ame
veritablement Tragique : l'autre , rabaissant
ses Heros presqu'au rang des Héroïnes , leur
fit soupirer des sentimens d'Elegie. Le génie
du premier avoit pénétré dans le Cabinet
des Rois pour y sonder les profondeurs de la
politique ; l'esprit du second s'insinua dans
les Cercles , pour y apprendre les délicatesses
de la galanterie. Corneille, semblable à l'Oisean
de Jupiter , qui s'élance dans les nuës
et paroît se jouer au milieu des Eclairs et des
Tonneres , avoit fait retentir la Scene des
fréquens éclats de ce bruit majestueux qui
frappe tous les esprits. Racine, comme le tendre
Oiseau de Cypris , voltigeant autour des
Myries et des Roses , fit repeter aux Echos
ses gémissemens et ses soupirs. Corneille , en-
·fin forçant les obstacles d'un sentier escarpé
et sujet par consequent à d'illustres chutes ;
redoublant toujours ses efforts pour tendre de
plus en plus au sublime et au merveilleux
Scherchanpar la voie de l'admiration des
-applaudissemens trop merités , qu'il arracha
des plus déterminés à les lui refuser : Racine
I. Vol.
sur1186
MERCURE DE FRANCE
suivant une pente plus douce , mais par là
plus sûre, s'élevant rarement , soutenant son
vol avec grace et le ramenant promptement
aux amours , parut s'offrir de lui- même aux
suffrages qui prévenoient son attraïante donccur.
Il ne soupira pas en vain ; l'art inexprimable
des soupirs lui. procura la Palme
qu'il ambitionnoit ; il n'enleva pas
les Lanriers
à son Rival ; mais il se vit ceint de
Myrtes , par les mains empressées de ses Héros
et sut tout de ses Héroïnes . Il ne déthrôna
pas Corneille ; mais ilpartagea le Thrône
de la Scene avec lui. L'Aigle foudroïa
La Colombe gémit , et l'Empire fut divisé.
Quelle gloire pour Racine ! Regner ainsi sur.
le Theatre c'est avoir vaincu , c'est avoir
triomphé.
Vous sçavez , Messieurs , l'issue d'une si
brillante victoire. :.cette heureuse audace
produisit
une foule d'imitateurs. Les soupirs
avoient couronné ce grand Maître ; vaine
ment les désavoia - t- il vainement la piété
le ravit-elle dux honneurs du Théatre ; les
éleves nombreux soumirent le Cothurne aux
loix du tendre Législateur ; ils leur sacrifierent
la severité des loix fondamentales de la
Scene.
Le P. Porée prétend en effet que l'unité
d'action , la simplicité , la verité des sujets
, la vrai - semblance , la variété , one
I. Vol. extrê
JUIN. 1733 . 1187
extrêmement souffert de cette nouvelle
tournure de la Tragédie , devenuë amoureuse.
Il en montre le danger par un morceau
pathetique et fort éloquent en revenant
au parallele de la Tragédie ancienne
et de la moderne, puis il passe à la Comédie
avec un tour d'éloquence tout
nouveau ; car on remarque dans la diversité
de ses tours une conformité singulicre
entre chaque sujet et la maniere pro
pre de le traiter ; il feint une conversation.
La Comédie se donne pour être fort
differente de ce qu'elle fut jadis ; elle étale
les vices et les défauts qu'elle réforme
par ses Piéces, elle cite les petits Maîtres,
les Femmes sçavantes , les Misantropes
les Malades imaginaires, les diverses écoles
, & c. L'Orateur insére un mot sur
chaque chose ; et fait ensuite une récapitulation
des vices plus pernicieux
Comedie moderne , a ( dit - il ) introduits
et qu'elle authorise . Mais pourquoi, ajoutet-
il , s'en prendre à la Comédie ? Est- ce par
sa nature , où n'est- ce pas plutôt par la ma
lice d'autrui qu'elle s'est pervertie ? Ah ! prenons-
nous- en à ceux qui pouvant la rendre
bonne et utile , l'ont renduë nuisible et peri
nicieuse : Oui,j'ose m'en prendre d'abord an
chefmême des Autheurs et des Acteurs de
notre Scene. Poëte par goût,plus que par émque
la
1. Vol. G de
1188 MERCURE DE FRANCE
de , ce fut un feu de jeunesse , non la malignité
de la fortune , qui le fit Comédien. Né
pour des emplois sérieux , transporté dans le
comique, rigide observateur du ridicule,peintre
plaisant d'après nature , exact sans affectation
d'exactitude , correct sans paroitre
s'êtregêné , serré dans sa Prose , libre et aisé
dans ses Vers , riche en Sentences, fertile en
Plaisanteries, on peut dire qu'il réunit en lui
seni toutes les qualitez et la plupart des dé
fauts des Poëtes celebres en ce genre , aussi
piquant qu' Aristophane , quelquefois aussi.
peu retenu, aussi vif que Plaute, de temps en
temps aussi bouffon , aussi fin dans l'in
telligence des moeurs que Terence , souvent
aussi libre dans ses Tableaux, Moliere futil
plus grand par la nature ou par l'art ?
Inimitable dans l'un et dans l'autre , vicieux
par ces deux Endroits , il nuisit autant qu'il
excella, Le meilleur Maître , s'il enseigne le
mal , est le pire de tous les Maîtres.
L'Orateur taxe de la même sorte les
differens imitateurs de ce Prince de la
Comédie. Les Autheurs qui travaillent
pour le Théatre Lyrique viennent ensuite
sur les rangs par une figure d'éloquence
fort remarquable. Les Acteurs ont
aussi leur tour , et enfin les Spectateurs ;
nous n'insistons point sur cette fin, parce
qu'il seroit difficile d'en rien retrancher
I. Vol. et
JUIN. 1733. 1189
et de choisir . Cette . Analyse generale suffit
pour l'idée que nous nous sommes
proposée . Nous observerons seulement
que
le blâme de l'abus du Théatre, ( suivant
la pensée du P. Porée) retombe principalement
et presqu'entierement sur les
Spectateurs, que l'on sert selon leur goût.
Fermer
Résumé : Discours sur les Spectacles, traduit du Latin, [titre d'après la table]
Le texte présente un discours intitulé 'THEATRUM ne sit vel esse possit Schola informandis moribus idonea' prononcé par le Père Charles Porée, jésuite, le 13 mars 1733 au Collège Royal de Louis le Grand. Ce discours, traduit en français par le Père Brumoy et publié en 1733, a suscité l'intérêt de personnalités distinguées telles que les cardinaux de Polignac et de Bissy, ainsi que le Nonce apostolique. Le Père Porée examine la question de savoir si le théâtre peut être une école de formation des mœurs. Il affirme que, par nature, le théâtre peut former les mœurs, mais que les abus en empêchent la réalisation effective. Le discours se divise en deux parties : la première compare le théâtre à la philosophie et à l'histoire, et la seconde examine les abus commis par les auteurs, les acteurs et les spectateurs. Porée soutient que le théâtre, comme la philosophie et l'histoire, peut instruire et émouvoir les spectateurs. Il critique la méthode philosophique, jugée trop abstraite et peu émotive, et valorise la capacité du théâtre à illustrer les préceptes par des exemples vivants et touchants. Il compare également le théâtre à l'histoire, soulignant que le théâtre rend les événements historiques plus vivants et émouvants. Porée conclut que le théâtre, bien utilisé, peut être supérieur à la philosophie et à l'histoire pour former les mœurs. Il cite des autorités comme Socrate, Aristote, et des figures historiques comme Louis XIV pour appuyer son argumentation. Dans la seconde partie, Porée critique les auteurs de théâtre modernes, les accusant de ne plus se consacrer au bien public et de chercher uniquement à plaire, souvent au détriment des mœurs. Il cite des exemples comme 'Le Cid' de Corneille et les pièces de Racine pour illustrer comment le théâtre moderne peut encourager des comportements nuisibles, comme la vengeance et les passions amoureuses excessives. Le texte compare également les contributions de Corneille et Racine au théâtre français. Corneille est décrit comme un maître du grand et du majestueux, tandis que Racine est apprécié pour la tendresse et le charme de ses sentiments. Corneille a exploré la politique et la grandeur, tandis que Racine s'est concentré sur la galanterie et les délicatesses des mœurs françaises. Le Père Porée critique la tragédie moderne, devenue amoureuse, et la comédie, qui étale les vices et les défauts. Il blâme les auteurs, les acteurs et les spectateurs pour la perversion du théâtre. Enfin, Molière est décrit comme un comédien exceptionnel, réunissant les qualités et les défauts des poètes célèbres, mais nuisant autant qu'il a excellé.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
50
p. 2206-2211
Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Début :
PANEGYRIQUE de S. Loüis, prononcé à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733. [...]
Mots clefs :
Saint Louis, Monde, Religion, Rois, Discours, Paroles, Éloge, Héros, Académie française
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
PANEGYRIQUE de S. Loüis , prononcé
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
à l'Académie Françoise le 25 Aoust 1733.
par le R. P. Tournemine , de la Compagnie
de Jesus , brochure in 4. de 20
pag. A Paris , de l'Imprimerie de J. B.
Coignard.
Ce Discours, dont la lecture ne peut
que confirmer l'applaudissement general
avec lequel il a été écouté , a pour texte
ces
OCTOBRE. 1733. 2207
7
ces grandes paroles de S. Paul , dans son
Epître aux Galates , ch. 6. Mihi autem
absitgloriari nisi in Cruce Domini nostri
Fesu Christi , per quem mihi mundus crucifixus
est , et ego mundo . Paroles qui n'ont
peut être jamais été plus heureusement
appliquées que
dans le sujet auguste dont
il s'agit icy , dans un éloge de S. Louis
que les plus grandes prosperitez n'ont pú
corrompre , que l'adversité la plus accablante
n'a pû abbatre. Deux traits dontle
Panégiriste forme le caractere de notre
saint Roy , et qui le distinguent des autres
Saints , dont notre Religion a consacré
la mémoire. Par une sagesse divinement
éclairée S. Loüis a rebuté le monde
flateur , et s'est élevé au dessus des Héros
mondains. Par une fermeté héroïque
ce S. Monarque surmontant les rebuts
mystérieux de Dieu , qui n'étoient que
des épreuves ,a été trouvé digne de Dieu .
Heureux , lorsque le Monde le croyoit le
plus malheureux. Deux Propositions qui
enferment la division et toute l'oeconomie
d'unDiscours, dont lebut principal est
de montrer combien le Christianisme est
propre à former des Héros , et quelle est
la supériorité des Héros qu'il forme.L'Illustre
Orateur a inséré dans son Exorde
san Eloge de l'Académie Françoise , qui
mé.
2208 MERCURE DE FRANCE
mérite d'être lû, le sujet le fournit, et rien
n'est plus délicatement touché . 63
La premiere Partie offre d'abord une
peinture aussi vrayc que vive, du Monde
prophane , de ce monde que l'Evangile
ordonne de fuir , de haïr¸ au moins s'il
ne nous est pas libre de le fuït , aversion
et violence qui coutent cher , principalement
aux Grands de la Terre .C'est
cependant ce Monde que le S. Roi a vaincu
en tant de manieres . Le détail de ces
Victoires fait la matiere de cette Partie
du Discours , où l'on voit par tout que
le plus Saint de nos Rois , a été le meilleur
de nos Rois ; ainsi s'exprime l'Orateur
Chrétien .
Il n'auroit pas été le meilleur de nos
Rois , continue til , s'il n'avoit pas cultivé
l'esprit de ses peuples pour former
leur coeur ; s'il n'avoit adouci par les
sciences la barbarie des François belliqueux
et ignorans ; fiers même de leur
ignorance. Il se plaisoit , sçavant lui - même,
à rassembler dans son Palais S. Thomas
d'Aquin , S. Bonaventure , Sorbon
Colonne , Vincent de Beauvais , Pierre
de Fontaines , la lumiere de leur siécle ,
les Oracles de la Religion ,de la Jurisprudence
et de l'Erudition ; il leur. donnoit
le dessein des Ouvrages dont ils ont enrichi
1
OCTOBRE. 1733 . 2209
chi le Public . Sa liberalité soutenoit l'entrepЯse,
son goût la conduisoit. Le Grand
Cardinal de Richelieu n'a exécuté que
ce que S. Louis avoit commencé. On
voyoit dans les Assemblées où il se délassoit
des fatigues du Gouvernement, ce
qu'on voit dans les vôtres, Messieurs , les
grands Génies , et les grands Seigneurs ,
le Roy de Navarre , le Comte de Bretagne
, le Sire de Joinville , cet Historien
inimitable ; aussi naturel , plus sincere
que César , deux Cardinaux confidens
du Prince , et chargez par lui des plus
importantes négociations , dont l'un fût
élevé sur le S. Siége , mêlez sans distinction
avec les autres Sçavans , reconnoître
que la naissance et le rang doivent un
légitime hommage à la supériorité de l'esprit.
Roy véritablement tres chrétien ;
S..Louis , dans les soins qu'il prit pour
faire fleurir les Sciences , avoit en vûë le
bien de l'Etat , la gloire de la Nation
et plus encore la défense de la Religion .
Dans la seconde Partie , le`Saint Roy
est representé d'autant plus éprouvé par
une longue suite de tribulations , qu'il
étoit agréable à Dieu , suivant cet Óracle
de l'Ecriture , quia acceptus eras Deo ,
necesse fuit ut tentatio probaret te. Tob . 12.
L'Affliction des Justes étant nécessaire
E pour
2280 MERCURE DE FRANCE
pour leur interêt , pour l'inrerêt de Dieu .
Les plus beaux traits de l'Histoire de
S. Louis , appliquez à ces grandes maximes
, fournissent une Carriere dans la
quelle la Religion triomphe toujours
une Eloquence chrétienne et pathétique
Y brille par tout. On en jugera par le
traits suivans , nos bornes ne nous per
mettant pas de nous étendre davantage.
›
Le Ciel et le Nil viennent au secours
des Sarrazins vaincus ; la terre et l'air infectez
font périr l'Armée victorieuse , et
livrent sans combat le Saint Roy , languissant
à la barbarie des vaincus ... Ne
lui échapera- t- il point au moins quelques
plaintes ? Non sa douleur sera
muette , son amour pour Dieu sera maître
de sa bouche comme de son coeur :
Vous seul , dit- il , vous seul, mon Dieu ,
méritez d'être aimé , lorsque vous traitez si
rigoureusement ceux qui vous aiment... Il
fût dans les prisons de Memphis aussi
Roy que dans son Palais , plus conquerant
qu'à la tête de son Armée : Sapientia
descendit cum illo in foveam , et in
vinculis non dereliquit eum , donec afferret
illi Sceptrum regni .
Et de quelle multitude de benedictions
Dieu n'a- t-il pas continué de recompenser
la fidelité de S.Louis ? Quelle longue
suite
OCTOBRE. 1733. 221F
suite de Rois le reconnoissent pour Peret
Sa postérité regne dans les deux Mondes.
France , rendez graces à la patience de
S. Louis ; vous lui devez , Charles le Sage
, les miraculeuses victoires de Charles
VII . Louis , le Pere du Peuple , François
I. restaurateur des Sciences , la clémence
d'Henri le Grand , Louis le Juste,
* dompteur de l'Hérésie. Vous lui devez ,
LOUIS LE GRAND , qui a réuni toutès
leurs vertus avec la patience héroïque ·
de S. Louis , vous lui devez le Regne de
S. Lours qui se renouvelle.
Il faudroit tout copier ; plutôt qu'extraire
, si on vouloit ne rien omettre dans
un Discours si rempli de beautez et de
grandes véritez. Disons en finissant, que
l'Auteur du Panégyrique , dont nous rendons
compte , a solidement démontré
dans un Ouvrage , digne de passer à la
Postérité , ce qu'un * Historien n'a , pour
ainsi dire, fait qu'ébaucher ,lorsqu'en parlant
de notre S. Roy , il a fait son Eloge
dans ce peu de paroles : Il a été tres grand
Roy , mais en Saint ; il a été tres--grand
Saint , mais en Roy.
Fermer
Résumé : Panégirique de S. Loüis, &c. [titre d'après la table]
Le 25 août 1733, le Père Tournemine a prononcé un panégyrique de Saint Louis à l'Académie Française, s'inspirant des paroles de Saint Paul dans l'Épître aux Galates. Ce discours met en avant Saint Louis comme un roi dont les prospérités n'ont pas corrompu et les adversités n'ont pas abattu. Deux traits distinctifs de Saint Louis sont soulignés : sa sagesse divine et sa fermeté héroïque face aux épreuves. Le panégyrique est structuré en deux parties. La première partie décrit le monde profane que Saint Louis a su vaincre, le présentant comme le meilleur des rois en raison de son soutien aux sciences et à l'éducation. Saint Louis est loué pour avoir rassemblé des érudits et des savants dans son palais, favorisant ainsi le développement intellectuel et spirituel de son peuple. La seconde partie relate les tribulations de Saint Louis, soulignant que ses épreuves étaient nécessaires pour son intérêt et celui de Dieu. Le discours se termine par une série de bénédictions et de reconnaissances de la postérité de Saint Louis, soulignant son héritage durable et son influence sur les rois suivants.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer