Résultats : 18 texte(s)
Accéder à la liste des mots clefs.
Détail
Liste
1
p. 138-139
M. de Breteül est reçeu Lecteur du Roy. [titre d'après la table]
Début :
Monsieur de Breteüil, Fils de Monsieur de Breteüil Conseiller d'Etat [...]
Mots clefs :
Monsieur de Breteüil, Charge, Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : M. de Breteül est reçeu Lecteur du Roy. [titre d'après la table]
Monfieur de
, Breteüil, Fils de Monfieur
de Breteüil Confeiller dEtat ordinaire, en a au!»
efté traité d ’une manier*
dont il a lieu d’eftre f°ri:
fatisfait; 3c apres avoir fervy fous Monfieur Colbert
& Monfieur le Marquis $
Seignelay a
il a eu 1 agrC'
G A L A N T , w
ment de la Charge de Lecteur de Sa Majefté, qui l’a
préféré à plufieurs autres.
11 eft bien fait, il a de l’eCprit, & des Lettres, & s’cft
toûjours fait un très-grand
plaifir d’obliger fes Amis
quand il a elle en état de
les fervir.
, Breteüil, Fils de Monfieur
de Breteüil Confeiller dEtat ordinaire, en a au!»
efté traité d ’une manier*
dont il a lieu d’eftre f°ri:
fatisfait; 3c apres avoir fervy fous Monfieur Colbert
& Monfieur le Marquis $
Seignelay a
il a eu 1 agrC'
G A L A N T , w
ment de la Charge de Lecteur de Sa Majefté, qui l’a
préféré à plufieurs autres.
11 eft bien fait, il a de l’eCprit, & des Lettres, & s’cft
toûjours fait un très-grand
plaifir d’obliger fes Amis
quand il a elle en état de
les fervir.
Fermer
Résumé : M. de Breteül est reçeu Lecteur du Roy. [titre d'après la table]
Monsieur de Breteüil, fils du Conseiller d'État ordinaire, a été nommé Lecteur du Roi. Il a servi sous Colbert et le Marquis de Seignelay. Préféré à plusieurs candidats, il est reconnu pour son esprit et ses lettres, ainsi que pour son aide aux amis.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
2
p. 236
« On donnera un Tome du Mercure Galant, le premier jour [...] »
Début :
On donnera un Tome du Mercure Galant, le premier jour [...]
Mots clefs :
Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « On donnera un Tome du Mercure Galant, le premier jour [...] »
ON donnera un Tome du Mercure Galant, le premier jour de
chique Mois fans aucun retardement;.
On le vendra vingt fols relie en Veau
& quinze relié en Parchemin.
chique Mois fans aucun retardement;.
On le vendra vingt fols relie en Veau
& quinze relié en Parchemin.
Fermer
3
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
VOICY le dixième Volume du Mercure, & le dernier de [...]
Mots clefs :
Lecteur, Planches, Nouvelles, Livre, Femmes, Galanterie, Modes nouvelles, Prix, Articles, Mercure
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AV LECTEUR.
OICY le dixiéme Volume du Mercure , &
le dernier de l'Année
1677. car quoy qu'il paroiſſe en Ianvier , il ne contient que les Nouvelles du MoisdeDecembre , &on ne donnera que le
premier jour de Fevrier celuy qui commencera l'Année 1678. Le
fuccés de ce Livre a estéextraordinaire. Ie ne doute point qu'il ne
foitdeûauxprodigesde cetteCam- pagne, aux Vers galans&ferieux,
&aux Pieces d'Eloquence qu'on m'a fait la grace de me donnerde
toutes parts , &c'est peut-estre le
feul Livre dont un Autheur puiffe publier le fuccés Sans paroiſtre wain , puis qu'en cela il ne love
a ij
AU LECTEUR.
que les ouvrages d'autruy. Ie me trouve meſme dans quelque obli- gation de ne pas taire l'approbation qu'on a donnée au Mercure ,
afin que ceux qui m'ont envoyé les agreables Pieces qui te composent,
connoiſſfent qu'elles ont plû par tout;
ce qu'il me feroit aisé de justifier parplus de quatre cens Lettres qui m'ont été écritesfur le plaisir que falecture acaufé. Lest certain que pours'en declarer l'ennemy, ilfau droit vouloir qu'iln'y eût ny Braves my beaux Esprits en France, &con- damner en même temps toutes les Actions de valeur , &tous les galans Ouvrages de ceux qui écrivět.
Ieſçay que leTitre afait croire d'abord que le Mercure estoitfim- plementgalant , &qu'ilne devoit tenirplace que dans la Bibliothe- que des Femmes , mais on est forty de cette erreur quand on y a ven
AU LECTEUR.
des Pieces d'éloquence, desHarangues, des Relations fidelles &exaEtes,des Sieges &des Batailles,des
Evenemens remarquables,des morceauxd'Histoire , &des Memoires
glorieux àdes Familles. Alorsil eft
devenu le Livredes Sçavans &des
Braves,aprés avoir étéle divertiſ Semet du beau Sexe;&une marque incontestable deſonſuccés, c'est qu'il a esté affez heureux pour plaire à
Monseign. leDAUPHIN , &que ce GrandPrince veut bien foufrir qu'il paroiſſe toûjours à l'avenir SousSonNom.Ainsivous verrez ce Nomauguste àla tefte de celuy qui contiendra les Nouelles de Ianvier,
&pourleredre moins indigne d'un figrandhonneur, il commencera en ce temps- lààparoître avec tous lesornemens dont un Livre de cette
nature puiſſe eſtre embelly. Onfera graver dans chaque Volume trois aij
AU LECTEUR.
ouquatre Planches,ſuivant les Sujets dont le Mercure parlera ; &
come les Enigmesfont devenuës un Ieud'esprit quiplaiſt , comme on be voit par un nombre infiny de Gens qui cherchent ày donner des Ex- plications,outre celles quiferont en Vers àl'ordinaire,on enmettra tous.
Les Moisune autre en Figures, dont on laifſfera le mot àdeviner. Ony
trouvera trois ou quatre Chansons dont les Notesferontgravées.Elles feront compofées par les meilleurs Maistres , & notées exprés pourle Mercure,defortequ'onpeut s'afſfu- rer qu'elles auront toute la grace de la nouveauté, puis queperſonne ne les aura venës avant que le Volumeoù ellesferont,foit envente.. Ceux quivoudront envoyer des Pa roles,le pourront faire,on aura ſoin deles faire noterfiellesse trouvent propres à être chantées. Ily aura FesCartes dagalanterie, la pre
AU LECTEUR.
miere qui paroiſtra , Sera l'Empire de la Poësie de M.de Fontenelle.On peut croire fur ce nom qu'elle ne manquerapas d'agrément. Ondon- nera auſſichaque Mois des Deffeins gravez des Modes nouvelles , &
quand on aura commencé , on ne
discontinueraplus,mais ilfaut éta- blirbeaucoupde chofes pour cela,&
lier commerce avec bien des Gens.
Cefera une commodité pour ceux qui aurot inventé quelque chose de nouveau, dans l'envie de contribuer
auplaisir deMgleDAUPHIN on qui auront quelque chef-d'œuvre d'Art àpropoſer au Public. Ils pourroten aporter les deſſeins,&on lesfera graver, s'ils meritent cette dépense. Ellefera grandepour tous ces embelliffemens, &devroitfaire rencherir leMercure de beaucoup
cependant come on s'attacke plus à
lagloire qu'àl'interêt,l'augmenta- tiaduprixſeratres-pen coſiderable
AU LECTEUR.
puisqu'ilneſevědrachezl'Impri- meurqueseizefols en blanc , &au Palais vintgfols en parchemin,&
vingt-cingfols en veau. LePublic areçeu ce Livreſifavorablement,
qu'il est juste de luy enmarquerde Lareconnoiffance par les nouvelles beautez qu'on luy prestera. Mais pourestre aſſuré d'en joüir , ildoit prendre garde si on ne luy vend point deMercures contrefaits. Il nesuffit pas de voiraubas qu'ils ont esté imprimez àParis ; c'est ce qu'onnemanque jamais d'ymettre pour empeſcher qu'on ne les rejet- te commefaux. Il faudra exami ners'ils auront les Lettres fleuron- nées &figurées , les vignetes , le Frontispice,&generalement toutes les Planches queje viens dedire,
qui feront àl'avenir dans les ve- ritables. Ceuxquife hazarderont àles contrefaire dans les Provin-
AU LECTEUR.
ces , s'il s'en trouve qui s'yveüit- lent expofer , comme ils lesdebite- ront fans Figures ,feront obligez d'ofter beaucoup de la matiere qui aura relation avec les Planches,&
tout le reste demeurant fant liai- fon,fera unpurgalimatias ; outre qu'un Livre contrefait eft toûjours remply de fautes, &qu'un Libraire quifonge à l'épargne,en retranche beaucoupde chofespour yemployer moins de feüilles. Il ne faut pas s'étonner ſi des Livres fidéfigurez Se donnent à meilleur marchéque les veritables,&c'est cette medio- crité de prix qui peut encorfaire voir qu'ils ne lefont pas. On prie ceux qui auront des Memoires à
dõner, de les adreſſfer au SieurBla- geart Imprimeur &Libraire , de- meurant à Paris Ruë S. Iacques, à
l'entrée de la Rue du Plâtre, &de
fairesçavoiren quel lieu on pourra
AU LECTEUR.
eftre éclaircy des circonstances das letemps quelesArticlesferont em- ployez. Pour les Histoires envoyées
pardes Particuliers,on croit devoir avertirunefois pour toutes , quefi on yretouche, c'est seulementpour les mettre dans le ſtile ferré du
Mercure,qui doit eftre lemémepar tout ou pour ofter quelquefois des chofes qui font trop libres , ou qui fatirisant trop,pourroient chagri- ner les Intéreſſez. S'ilarrive qu'on difére à mettre dans le Mois les choses qu'ondonne,ce n'est qu'àl'é- garddes Galanteries,qui n'ont au- tunbeſoin de l'ordre du temps,mais toft ou tard on y met tout ce qui est bon,ou quandonne le metpoint, ce n'estpas qu'on n'y trouve beaucoup d'eſprit,mais ily a des chofes tres- Spirituelles &tres-bie tournées qui neſont pas bonnes àimprimer. On nesçauroit avoirtrop de circonfpe-
AU LECTEUR.
LA
VILLE
Etion àrendre le Mercure digne
d'eſtre toûjours lûdans des lieux d'où lamoindrelibertéle banniroit.
Comme beaucoup de Perſonnesfont lagrace d'écrireà l'Autheur,il les priede ne point trouver mauvais s'il se diſpenſe de leurrépondre.
Outre qu'il a besoin deson temps pour travailler &pour s'informer des Nouvelles de chaque Mois, it 2006
croit répondre affez quand il met
les Ouvrages qu'ontuy envoye. Les Libraires de Provincefont avertis
qu'on leur fera bon marchéàpro portion del'éloignement des lieux,
&de ce qu'il leur pourra couster pour leport. Chacun n'aura qu'à envoyer Son Correspondant chez led.SieurBlageart, &onyféra les
Paquets tantpourles Libraires que
pour les Particuliers. Leprixdes dix Volumes de l'Année 1677.ne Serapoint augmenté. Ils contiennet lesNouvellesdesdouzeMois ,parce
AU LECTEUR.
qu'on a ramassé dans le premier celles de lanvier,de Fevrier, &de
Mars, jamais Conquérant n'ayant fait de fi grandes Conquestes que LOUIS LE GRAND dans le cours
d'une seule Année. Il n'y a point d'Histoire qui en faſſevoir de pa- veilles, fi on aégardà la forcedes Placesquinemaquoient nyd'Hommesny de Munitions.Elles auroient esté imprénables autrefois. Tant d'Actionsſurprenantes rendent ces dix Tomes considérables. Onyrend
la gloire qui est deuë à ceux qui
ont fait les Coquestes,&àceux qui les ont chantées , & on y ramaſſe mille choſes curieuses qu'on n'au- roit pû trouverenſemble si leMer- curen'avoit jamais estéfait. Les unes auroient estéſeparées;les au- tres n'estatqu'enfeüillesvolates,ſe ferviet perduës, &il y en auroit eu beaucoup quelanégligeredeles re- cuillir auroit empêchéde coſerver,
OICY le dixiéme Volume du Mercure , &
le dernier de l'Année
1677. car quoy qu'il paroiſſe en Ianvier , il ne contient que les Nouvelles du MoisdeDecembre , &on ne donnera que le
premier jour de Fevrier celuy qui commencera l'Année 1678. Le
fuccés de ce Livre a estéextraordinaire. Ie ne doute point qu'il ne
foitdeûauxprodigesde cetteCam- pagne, aux Vers galans&ferieux,
&aux Pieces d'Eloquence qu'on m'a fait la grace de me donnerde
toutes parts , &c'est peut-estre le
feul Livre dont un Autheur puiffe publier le fuccés Sans paroiſtre wain , puis qu'en cela il ne love
a ij
AU LECTEUR.
que les ouvrages d'autruy. Ie me trouve meſme dans quelque obli- gation de ne pas taire l'approbation qu'on a donnée au Mercure ,
afin que ceux qui m'ont envoyé les agreables Pieces qui te composent,
connoiſſfent qu'elles ont plû par tout;
ce qu'il me feroit aisé de justifier parplus de quatre cens Lettres qui m'ont été écritesfur le plaisir que falecture acaufé. Lest certain que pours'en declarer l'ennemy, ilfau droit vouloir qu'iln'y eût ny Braves my beaux Esprits en France, &con- damner en même temps toutes les Actions de valeur , &tous les galans Ouvrages de ceux qui écrivět.
Ieſçay que leTitre afait croire d'abord que le Mercure estoitfim- plementgalant , &qu'ilne devoit tenirplace que dans la Bibliothe- que des Femmes , mais on est forty de cette erreur quand on y a ven
AU LECTEUR.
des Pieces d'éloquence, desHarangues, des Relations fidelles &exaEtes,des Sieges &des Batailles,des
Evenemens remarquables,des morceauxd'Histoire , &des Memoires
glorieux àdes Familles. Alorsil eft
devenu le Livredes Sçavans &des
Braves,aprés avoir étéle divertiſ Semet du beau Sexe;&une marque incontestable deſonſuccés, c'est qu'il a esté affez heureux pour plaire à
Monseign. leDAUPHIN , &que ce GrandPrince veut bien foufrir qu'il paroiſſe toûjours à l'avenir SousSonNom.Ainsivous verrez ce Nomauguste àla tefte de celuy qui contiendra les Nouelles de Ianvier,
&pourleredre moins indigne d'un figrandhonneur, il commencera en ce temps- lààparoître avec tous lesornemens dont un Livre de cette
nature puiſſe eſtre embelly. Onfera graver dans chaque Volume trois aij
AU LECTEUR.
ouquatre Planches,ſuivant les Sujets dont le Mercure parlera ; &
come les Enigmesfont devenuës un Ieud'esprit quiplaiſt , comme on be voit par un nombre infiny de Gens qui cherchent ày donner des Ex- plications,outre celles quiferont en Vers àl'ordinaire,on enmettra tous.
Les Moisune autre en Figures, dont on laifſfera le mot àdeviner. Ony
trouvera trois ou quatre Chansons dont les Notesferontgravées.Elles feront compofées par les meilleurs Maistres , & notées exprés pourle Mercure,defortequ'onpeut s'afſfu- rer qu'elles auront toute la grace de la nouveauté, puis queperſonne ne les aura venës avant que le Volumeoù ellesferont,foit envente.. Ceux quivoudront envoyer des Pa roles,le pourront faire,on aura ſoin deles faire noterfiellesse trouvent propres à être chantées. Ily aura FesCartes dagalanterie, la pre
AU LECTEUR.
miere qui paroiſtra , Sera l'Empire de la Poësie de M.de Fontenelle.On peut croire fur ce nom qu'elle ne manquerapas d'agrément. Ondon- nera auſſichaque Mois des Deffeins gravez des Modes nouvelles , &
quand on aura commencé , on ne
discontinueraplus,mais ilfaut éta- blirbeaucoupde chofes pour cela,&
lier commerce avec bien des Gens.
Cefera une commodité pour ceux qui aurot inventé quelque chose de nouveau, dans l'envie de contribuer
auplaisir deMgleDAUPHIN on qui auront quelque chef-d'œuvre d'Art àpropoſer au Public. Ils pourroten aporter les deſſeins,&on lesfera graver, s'ils meritent cette dépense. Ellefera grandepour tous ces embelliffemens, &devroitfaire rencherir leMercure de beaucoup
cependant come on s'attacke plus à
lagloire qu'àl'interêt,l'augmenta- tiaduprixſeratres-pen coſiderable
AU LECTEUR.
puisqu'ilneſevědrachezl'Impri- meurqueseizefols en blanc , &au Palais vintgfols en parchemin,&
vingt-cingfols en veau. LePublic areçeu ce Livreſifavorablement,
qu'il est juste de luy enmarquerde Lareconnoiffance par les nouvelles beautez qu'on luy prestera. Mais pourestre aſſuré d'en joüir , ildoit prendre garde si on ne luy vend point deMercures contrefaits. Il nesuffit pas de voiraubas qu'ils ont esté imprimez àParis ; c'est ce qu'onnemanque jamais d'ymettre pour empeſcher qu'on ne les rejet- te commefaux. Il faudra exami ners'ils auront les Lettres fleuron- nées &figurées , les vignetes , le Frontispice,&generalement toutes les Planches queje viens dedire,
qui feront àl'avenir dans les ve- ritables. Ceuxquife hazarderont àles contrefaire dans les Provin-
AU LECTEUR.
ces , s'il s'en trouve qui s'yveüit- lent expofer , comme ils lesdebite- ront fans Figures ,feront obligez d'ofter beaucoup de la matiere qui aura relation avec les Planches,&
tout le reste demeurant fant liai- fon,fera unpurgalimatias ; outre qu'un Livre contrefait eft toûjours remply de fautes, &qu'un Libraire quifonge à l'épargne,en retranche beaucoupde chofespour yemployer moins de feüilles. Il ne faut pas s'étonner ſi des Livres fidéfigurez Se donnent à meilleur marchéque les veritables,&c'est cette medio- crité de prix qui peut encorfaire voir qu'ils ne lefont pas. On prie ceux qui auront des Memoires à
dõner, de les adreſſfer au SieurBla- geart Imprimeur &Libraire , de- meurant à Paris Ruë S. Iacques, à
l'entrée de la Rue du Plâtre, &de
fairesçavoiren quel lieu on pourra
AU LECTEUR.
eftre éclaircy des circonstances das letemps quelesArticlesferont em- ployez. Pour les Histoires envoyées
pardes Particuliers,on croit devoir avertirunefois pour toutes , quefi on yretouche, c'est seulementpour les mettre dans le ſtile ferré du
Mercure,qui doit eftre lemémepar tout ou pour ofter quelquefois des chofes qui font trop libres , ou qui fatirisant trop,pourroient chagri- ner les Intéreſſez. S'ilarrive qu'on difére à mettre dans le Mois les choses qu'ondonne,ce n'est qu'àl'é- garddes Galanteries,qui n'ont au- tunbeſoin de l'ordre du temps,mais toft ou tard on y met tout ce qui est bon,ou quandonne le metpoint, ce n'estpas qu'on n'y trouve beaucoup d'eſprit,mais ily a des chofes tres- Spirituelles &tres-bie tournées qui neſont pas bonnes àimprimer. On nesçauroit avoirtrop de circonfpe-
AU LECTEUR.
LA
VILLE
Etion àrendre le Mercure digne
d'eſtre toûjours lûdans des lieux d'où lamoindrelibertéle banniroit.
Comme beaucoup de Perſonnesfont lagrace d'écrireà l'Autheur,il les priede ne point trouver mauvais s'il se diſpenſe de leurrépondre.
Outre qu'il a besoin deson temps pour travailler &pour s'informer des Nouvelles de chaque Mois, it 2006
croit répondre affez quand il met
les Ouvrages qu'ontuy envoye. Les Libraires de Provincefont avertis
qu'on leur fera bon marchéàpro portion del'éloignement des lieux,
&de ce qu'il leur pourra couster pour leport. Chacun n'aura qu'à envoyer Son Correspondant chez led.SieurBlageart, &onyféra les
Paquets tantpourles Libraires que
pour les Particuliers. Leprixdes dix Volumes de l'Année 1677.ne Serapoint augmenté. Ils contiennet lesNouvellesdesdouzeMois ,parce
AU LECTEUR.
qu'on a ramassé dans le premier celles de lanvier,de Fevrier, &de
Mars, jamais Conquérant n'ayant fait de fi grandes Conquestes que LOUIS LE GRAND dans le cours
d'une seule Année. Il n'y a point d'Histoire qui en faſſevoir de pa- veilles, fi on aégardà la forcedes Placesquinemaquoient nyd'Hommesny de Munitions.Elles auroient esté imprénables autrefois. Tant d'Actionsſurprenantes rendent ces dix Tomes considérables. Onyrend
la gloire qui est deuë à ceux qui
ont fait les Coquestes,&àceux qui les ont chantées , & on y ramaſſe mille choſes curieuses qu'on n'au- roit pû trouverenſemble si leMer- curen'avoit jamais estéfait. Les unes auroient estéſeparées;les au- tres n'estatqu'enfeüillesvolates,ſe ferviet perduës, &il y en auroit eu beaucoup quelanégligeredeles re- cuillir auroit empêchéde coſerver,
Fermer
Résumé : AU LECTEUR.
Le texte est une lettre au lecteur introduisant le dixième et dernier volume du Mercure pour l'année 1677, paru en janvier mais contenant les nouvelles de décembre. Le succès de cette publication est attribué aux récits de la campagne, aux vers galants et féroces, ainsi qu'aux pièces d'éloquence reçues de diverses sources. L'auteur souligne que le Mercure n'est pas seulement un livre galant mais aussi un recueil de pièces d'éloquence, de harangues, de relations fidèles, de sièges, de batailles et de mémoires glorieux. Le Mercure a plu à Monseigneur le Dauphin, qui souhaite qu'il continue à paraître sous son nom. Pour honorer cet appui, le Mercure sera enrichi de planches gravées, d'énigmes, de chansons, de cartes de galanterie et de défenses des modes nouvelles. L'auteur met en garde contre les contrefaçons et invite les lecteurs à vérifier l'authenticité des volumes. Il encourage également l'envoi de mémoires et d'histoires, tout en précisant que certaines contributions peuvent être modifiées pour respecter le style du Mercure. Enfin, il informe que le prix des dix volumes de l'année 1677 ne sera pas augmenté et qu'ils contiennent les nouvelles des douze mois, soulignant les grandes conquêtes de Louis le Grand. Par ailleurs, le texte mentionne que des documents ou objets, qualifiés d'« autres », sont dispersés et en mauvais état, décrits comme « enfeüilles volates », c'est-à-dire des feuilles volantes ou des documents détachés. Ces éléments risquent de se perdre, mais un grand nombre d'entre eux pourraient être sauvés si l'on ne négligeait pas de les recueillir. Cette action de collecte est présentée comme essentielle pour conserver ces documents ou objets.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
4
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
L'Ambassade de Siam en France estant finie, & les quatre Volumes [...]
Mots clefs :
Voyage, Siam, France, Volume, Description, Lecteur, Villes, Paris, Roi, Ambassadeurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AU LECTEUR.
L'Ambassade de Siam en France
estantfinie 3 & les quatre Volu
mes qui la coins osent , remplissant
' quatre secondes Partits de quatre
.Mercures , on a souhaite de voirácjr
en feu de paroles , & comme en un
seul.corps j tout ce que cette Ambas
sade contient , parce qu'on les prend
les uns pour les autres , quoy que lét
difference en soit grande. Ze pre
mier Volume a pour Titre ,
Voyage des Ambastàdeur s de Siam eu
France, contenanr la Reception qui. leur
a esté faite dans les Villes où ils onc pa£
fé , leur Entrée à Paris , les Ceremonies
ebservées dans l' Audience qu'ils ©nreuë
du Roy Sc de la Maison Royale, les
.ÇomgUmens q u ils ont faits , la Defisri .
AU LECTEUR.
ption des lieux oìi ils ont este ,& ce qu'ils
ont die de remarquable fur tout ce qu'ils
ont veu.
Le second Volume a pour Titre ,
Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam
en France , contenant ce qui s'est passé à l'Au
dience de Madame ia Dauphine , des Princesses
du Sang» & de MrsdeCroissy & dcSeignekyv
avec une Description exacte des Chasteaux,
Appartemtns j Jardins» , & Fontaines de Ver
sailles, S. Germain , Marly & Clagny ; de la
Machine de Marly , des Invalides, de l'Observatoire
, de S. Cyr , & de ce que ces Ambassa
deurs ont veu dans tous les autres lieux où ils
ont esté depuis la premiere Relation ; à quoy
l'en joint le Discours qu'ils ont fait au Róy .
Lt troijièmc Volume a pour Titre,
Troisième Partie du Voyage des Ambassa
deurs de S iam en France , contenant la fuite de
la De script ion de Versailles, celle des Chevaux
qui font dans les deux Ecuries du Roy , cc qui
s'est passe dans les Visites qui leur ont este renuè's
, les experiences de la pesanteur de l'air
faites devant eux , la Description de la Galerie
de Sceaux , & les Receptions avec toutes lés
Herangues qu'on leur a faites dans toutes les
Villes de Flandres.
Ze quatrième Volume a pour Titre,
Quatrième Sc derniere Partie du Voyage dis
AU LECTEUR.
Ambassadeurs de Siamen France , contenant là
fuite de kur Voyage de Flandres depuis Valenciennes
jusqu'à Paris , la Description des Villes
où ils ont passe , & les Harangues de tous les
Corps , ce qu'ils out veu à Paris depuis leur rc.
tour , avec une Description de tous les lieux où
ils ont esté> & de la Feste donnee par Monsiuur
à S. Cloud , leurs Voyages à Ver(âilles—> leur
Audience de conge , & les dix-sept Audiences'
qu'ils eurent lemesme jour > avec tous les Com.
Íiliniens qu'ils ont faits , la liste des Presens qui
euroiit cité donnez, ce qui s'est passe à leur
départi & les noms des Personnes distinguees
qui vont à Siam.
La moitié du Met cure de Jsuillce
de l'annèe derniere , & la seconde
Partie du mejme Mercure• , contien
nent une Relation du Voyage que
M. le Chevalier de Chaumont a
fait à Siam S en qualité d'Ambas
sadeur de Sa Majesté. On. y trouve
beaucoup de choses dont il n'a poiut
parlé dam celle qu'il a donnée au,
Public j & elle ne doit pas eftre cotlfonduë
avec les quatre Volumes du
Voyage des Ambassadeurs de Siam
eu prance.
L'Ambassade de Siam en France
estantfinie 3 & les quatre Volu
mes qui la coins osent , remplissant
' quatre secondes Partits de quatre
.Mercures , on a souhaite de voirácjr
en feu de paroles , & comme en un
seul.corps j tout ce que cette Ambas
sade contient , parce qu'on les prend
les uns pour les autres , quoy que lét
difference en soit grande. Ze pre
mier Volume a pour Titre ,
Voyage des Ambastàdeur s de Siam eu
France, contenanr la Reception qui. leur
a esté faite dans les Villes où ils onc pa£
fé , leur Entrée à Paris , les Ceremonies
ebservées dans l' Audience qu'ils ©nreuë
du Roy Sc de la Maison Royale, les
.ÇomgUmens q u ils ont faits , la Defisri .
AU LECTEUR.
ption des lieux oìi ils ont este ,& ce qu'ils
ont die de remarquable fur tout ce qu'ils
ont veu.
Le second Volume a pour Titre ,
Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam
en France , contenant ce qui s'est passé à l'Au
dience de Madame ia Dauphine , des Princesses
du Sang» & de MrsdeCroissy & dcSeignekyv
avec une Description exacte des Chasteaux,
Appartemtns j Jardins» , & Fontaines de Ver
sailles, S. Germain , Marly & Clagny ; de la
Machine de Marly , des Invalides, de l'Observatoire
, de S. Cyr , & de ce que ces Ambassa
deurs ont veu dans tous les autres lieux où ils
ont esté depuis la premiere Relation ; à quoy
l'en joint le Discours qu'ils ont fait au Róy .
Lt troijièmc Volume a pour Titre,
Troisième Partie du Voyage des Ambassa
deurs de S iam en France , contenant la fuite de
la De script ion de Versailles, celle des Chevaux
qui font dans les deux Ecuries du Roy , cc qui
s'est passe dans les Visites qui leur ont este renuè's
, les experiences de la pesanteur de l'air
faites devant eux , la Description de la Galerie
de Sceaux , & les Receptions avec toutes lés
Herangues qu'on leur a faites dans toutes les
Villes de Flandres.
Ze quatrième Volume a pour Titre,
Quatrième Sc derniere Partie du Voyage dis
AU LECTEUR.
Ambassadeurs de Siamen France , contenant là
fuite de kur Voyage de Flandres depuis Valenciennes
jusqu'à Paris , la Description des Villes
où ils ont passe , & les Harangues de tous les
Corps , ce qu'ils out veu à Paris depuis leur rc.
tour , avec une Description de tous les lieux où
ils ont esté> & de la Feste donnee par Monsiuur
à S. Cloud , leurs Voyages à Ver(âilles—> leur
Audience de conge , & les dix-sept Audiences'
qu'ils eurent lemesme jour > avec tous les Com.
Íiliniens qu'ils ont faits , la liste des Presens qui
euroiit cité donnez, ce qui s'est passe à leur
départi & les noms des Personnes distinguees
qui vont à Siam.
La moitié du Met cure de Jsuillce
de l'annèe derniere , & la seconde
Partie du mejme Mercure• , contien
nent une Relation du Voyage que
M. le Chevalier de Chaumont a
fait à Siam S en qualité d'Ambas
sadeur de Sa Majesté. On. y trouve
beaucoup de choses dont il n'a poiut
parlé dam celle qu'il a donnée au,
Public j & elle ne doit pas eftre cotlfonduë
avec les quatre Volumes du
Voyage des Ambassadeurs de Siam
eu prance.
Fermer
Résumé : AU LECTEUR.
La série de volumes relatant l'ambassade de Siam en France décrit les différentes étapes du voyage des ambassadeurs. Le premier volume, 'Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', détaille leur réception dans diverses villes, leur entrée à Paris, et les cérémonies avec le roi et la maison royale. Le second volume, 'Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', couvre les audiences avec Madame la Dauphine, les princesses du sang, et des dignitaires, ainsi que des descriptions des châteaux et jardins de Versailles, Saint-Germain, Marly et Clagny, et d'autres lieux comme la Machine de Marly et les Invalides. Le troisième volume, 'Troisième Partie du Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', inclut des descriptions de Versailles, des écuries royales, des expériences scientifiques, et des réceptions en Flandres. Le quatrième volume, 'Quatrième et dernière Partie du Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', relate le retour des ambassadeurs de Flandres à Paris, les observations sur les villes traversées, les harangues des corps, et les audiences de congé. De plus, le Mercure de Juillet contient une relation du voyage du Chevalier de Chaumont à Siam.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
5
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
Il y a lieu de croire qu'on ne lit plus l'Avis qui a [...]
Mots clefs :
Lecteur, Caractères lisibles, Port
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AULECTEUR.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement dechaque
Volume duMercure , puif
que malgréles prieres réiterées qu'onafaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige de le faire , ce qui eft
cauſe qu'il y en a quantité
A ij
AU LECTEUR
dedéfigurez étant impoffible
dedeviner le nom d'une Terre , ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertitencore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires, & quel'on employera
tousles bons Ouvrages àleur
tour , pourvû qu'ils ne def
obligent perfonne, &que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuis tant d'années
aucommencement dechaque
Volume duMercure , puif
que malgréles prieres réiterées qu'onafaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye
pour eftre employez , on néglige de le faire , ce qui eft
cauſe qu'il y en a quantité
A ij
AU LECTEUR
dedéfigurez étant impoffible
dedeviner le nom d'une Terre , ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertitencore qu'on neprend
aucun argent pour ces Memoires, & quel'on employera
tousles bons Ouvrages àleur
tour , pourvû qu'ils ne def
obligent perfonne, &que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
Fermer
Résumé : AU LECTEUR.
L'éditeur du Mercure déplore la mauvaise lisibilité des noms propres dans les mémoires soumis, rendant difficile l'identification des lieux et familles. Il demande une orthographe correcte et précise que la publication est gratuite et accepte tous les ouvrages, à condition qu'ils soient affranchis et respectueux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
6
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
Il y a lieu de croire qu'on ne lit plus l'Avis qui a [...]
Mots clefs :
Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AULECTEUR.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuistant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puif
que malgré les prieres réiterées qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye.
pour eftre employez , on néglige de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AU LECTEUR
dedéfigurez, etant impoffible
dedeviner le nom d'une Terre , ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertitencorequ'on neprend
aucun argent pour ces Memoires, & quel'onemployera
tousles bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne defobligent perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
ILya lieu de croire qu'on
ne lit plus l'Avis qui a
efté mis depuistant d'années
au commencement de chaque
Volume du Mercure , puif
que malgré les prieres réiterées qu'on afaites d'écrire en
caracteres lifibles les Noms
propres quife trouvent dans
les Memoires qu'on envoye.
pour eftre employez , on néglige de le faire , ce qui eft
caufe qu'il y en a quantité
AU LECTEUR
dedéfigurez, etant impoffible
dedeviner le nom d'une Terre , ou d'une Famille , s'il
n'eft bien écrit. On prie de
nouveau ceux qui en envoyent d'y prendre garde ,
s'ils veulent que les noms
propres foient corrects. On
avertitencorequ'on neprend
aucun argent pour ces Memoires, & quel'onemployera
tousles bons Ouvrages à leur
tour , pourvû qu'ils ne defobligent perfonne , & que
ceux qui les envoyeront en
affranchiffent le port.
Fermer
Résumé : AU LECTEUR.
Le Mercure demande aux auteurs de rendre lisibles les noms propres dans leurs mémoires pour éviter les erreurs d'identification. La publication n'offre aucun paiement mais utilise tous les bons ouvrages reçus, à condition qu'ils ne nuisent à personne. Les auteurs doivent affranchir leurs envois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
7
p. 3-40
PARALELLE BURLESQUE Ou Disseratation, ou Discours qu'on nommera comme on voudra, sur Homere & Rabelais.
Début :
Croyez-vous en vostre foy, qu'onques Homere écrivant l' [...]
Mots clefs :
Rabelais, Homère, Vin, Anciens et Modernes, Auteur, Réputation, Lecteur, Digression
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PARALELLE BURLESQUE Ou Disseratation, ou Discours qu'on nommera comme on voudra, sur Homere & Rabelais.
fARALELLEKVRLESgVE
OuVijfertation, ouDiscours qu'-
on nommera, comme on voudra surHomère&Rabelais. ,
Crrrycz.
- vous en Toflre
foy
9
anonques Homère
écrivant C1Iliade&1'0..
dyj[ee>penja(l és allegories
lesquelles de luyont calefreté
Plutarque, Heraclides,&
c. Si lecroyez,
pourquoynecroirez-vous
lluJJi merveilles occultes
dans ces miennesjoyeuses
&nouvelles chroniques,
combienqu'en les dictant
ny pensasse non plus que
vous, qui par avantu
re beuvezcomme moy;
carà la composition de ce
Livrejeneperdis,n'employay
onquesplus ny autre
temps que celuy de ma
refection
,
sçavoir ep lnbeuvant
& mangeant;
aussi est-ce la jufle heure
décrire ces hautes matieres
&sciencesprofondes,
tomme bien jçarvoitfaire
Homeredont le /abeur
sentoit plus le vin
que l'huile. Autant en dira
quelque Turlupin de
mes livres, ce que prendray
àgloire: car, ocombien
l'odeur du vin est
Pli,içflriand,ri.,înt, priant,
plusceleste & delicieux
quel'huile.
C'cft à peu près dans ces
termes que Rabelais vers
l'an *55o. commença luimême
pour moy, sans le
sçavoirle paralelle que
je devais faire en iy(f.
d'Homere & de luy.
Ces deux Autheurs
ont premièrement cela
de commun j
qu'ils êtoient
nez pour la Poëlie
;ilne manque à Ra-
AI
belais pour estre grand
Poëre que d'avoir écrit
en Vers: son Livre efb
un Poëme en Prose,
quoy qu'il n'ait point dit
d'abord 3
Deesse chantez
Gargantua,&c.Ilprend
sa Lyre d'un air (Impte
comme Hbnlcre, ils
promettent peu l'un &:
l'autre, maisils donnent
beaucoup dans la suite ;
en commençant ce paralelle
,
je promets peu
ainsi qu'Homere^c^onne
beaucoup, ôc je ne
donneray presque rien;
il faut bien qu'il y ait
quelque difference entre
Homere & moy.
Avant que de comparer
les ouvrages de nos
deux Autheurs, comparons
la réputation de l'un
à celle de l'autre
, comparons-
les pourtant sans
comparaison, de peur
d'offenser quelqu'un;
respectons - les comme
-
comme s'ils estoient en:
J core en vie. Encomparant
deux Poëtes, deux
Avocats, deux Medercins,
même deux Magistrats
diray-je aussi
deuxHéros,Ton offen-
[e au moins l'un des
deux; toutparalelle ofsense
l'homme
, parce
que chaque homme se
« croit unique en son espece
: appellons donc cecy
braadinlagee pllultoest q.u-e pa- - Le ton sèrieuX' gâterait
tout: Homere Ô£
consors ic fâcheroient (I
j'empruntois la Lyre divine
pour chanrer Rabelais
; maisRabelais eil
bon Compagnon. Il me
prêtera bien son fiile,.
même pour mettre Homere
au-dessus de luy.
yy- Revenons à nos mou*
y, tons, diroiticy Maistre
y, François,paralellifons
yy
la haute & llliritlque;'
„ renommée Homerien-
»ne, à la renomméeRabc!
aiuenne., de son
temps &dunôtre
nonmoins grande en cf
dimention domina- c€
tion & tyranie, quoi- ee
que Picholine au gré
d'aucuns
, eu égard
aux pays&sujets qu'-
elle domine &tyranni- cc
se : car réputationHomerienne
regne & regna
és cerveaux heroï- e€
ques, scientifiques
, C,"
Philosophiques, Meta-,,,c
physiques
, Alchimi.
„ miques & Cabalis-
„tiques, & Rabelai-
„
sienne,manienerégné
s,
qu'és cerveaux joyeux
des Paht-igruel/fies>
)'
lequel mot de Pantagrueliste
seroit pour-
„ tant par - avanture
>,
mieux & plus sensé-
,', ment fignJÍlcatifJ que
„ nlll autre des grands
„ mots ci-dessussi l'on
5,
l'interpretoir à force
„ d'erudidonjSe de
„ han, han, comme on
faitaucuns jïiot grecs c<
Hoiperiens,inintcll ,,"
giblesaux
-
bonnesc<
gensnon-érudits.<c
Mais je m'amuseu
,,
trop à lanterner & cf
baguenauder endigrç(
fionsjdigressîons'f
Aulfm sont au Le<5teur
ce que font au Voya- «5
geur ,landes arides, u
sabloneuses
)
Se alte- ct
rantes, partant,vite, «
alerte de hait, de <f Jhait,doublons le pas,,
-,
s le pas-,
- - -' jk
-
yy courons aubut,allons
„ au fait,idest, buvons
,, fra is.
Aristote n'a peut-estre
pas dit avant moy que la
beauté de l'ouvrage fait
d'abord la réputation de
l'Auteur,& qu'ensuite la
réputation de l'Auteur
fait souvent la beauté de
l'ouvrage; les beautez réelles
qui sont dans Rabelais
lui ont sans doute d'abord
acquis sa réputation,
mais ensuite sa réputation
a fait trouver dans ses ouvrages
bien des beautez
qui n'y sont pas; je ivay
-garde de croirequ'il en
10it ainsi duPoëteGrec,
chut. laissons parler un
homme plus hardi que
moy ,
c'est Montagne. un Autheur, dit-il,
suissegagner cela d'attirer
,.& embesoignerapréssoy
la Posterité, ce que nonseulementl'habileté.
&
Jiijfifance>mais autantou
ylus lafaveurfortuite du
sijet & autres hasards
peuventgagner, qu'au demeurantun
Autheurse
presente ou par bètise ou
parfinese,unpeu obscurement,
&diversement>
ne luy chaille, nombre
d'esprits le belutant~tese-
(COUtint, en exprimeront
quantite de formes
9 ou
Jelcna ou à cosé , ou au
contraire de la sienne &
qui toutes luyferont honlicur;
c'tj.ce quiafait va"
loir plufteursebofes de
neant, qui a mis ericredirplusieurs
anciens eCrits) t'T,
les Ilchargez.,detoute/orle
de bautez, qu'on avoulu,
une même chose recevant
mille &mille
, &autant
qu'il nous plaist d'images
~& considerationsdiverses ; Est-ilpossiblequ'Homere
ait dit tout ce qu'on luy
fait dire, ~&c.
Est-il possible aussi que
Rabelais ait pensé tout ce
qu'on luy fait penser ?
Non sans doute
, on a
voulujustifier par des applications
fines & détournées,
plusieurs tirades inG..
pides où tombentnecessairement
ceux qui veulent
roûjours parler & toûjours
plaisanter ; quelque fond
de gayeté qu'on puisse
avoir,onn'est pas plaisant
toutes les fois qu'on plaifante
: il faut pardonner
au plus agreable convive
deux turlupinadespourun
bon mot, &C au plus
grand Poëte deux pensées
simplement communes ,
pour unesublimementsimple.
Je ne parle pas d'Homere
deà, diroit Rabe- tcf
lais, il est en les moindres
lanternages fubli- <€
mirifiquemententoufiafmé
; je le vois tout cc"
embrasé .& tout embrasant
d'un feu A- tcf
pollonien; mais après
tout il n'y a point de
feu sans fumée, comme
aussi n'y a-t-il point de
fumée sans feu: fumée
„ je nomme en ce dernier
„cas, réputationodoran-
„ te , comme fumée de
cassolette, ou comme
„ vapeur de musc&d'am-
„ bre- gris delectant les
„ bonnes & fortes testes,
„ mais entestans parfois
j, aucuns à teste-foible,si
„ aucunes y a.
„ Je voulois donc dire
J) par ce didon de fu-
~J
111ée làns feu , que ré-- putatioii ne va point
fê sans merite,laquelle
maxime les fabula- cc
teurs anciens eussent
ainsi allegorisée.
Réputation mariée à
Merite, a engendré Prévention
1 , & par aprés
Prévention,Fille née de,
Réputation,a engendré
sa Merebienplusgrande
& plus belle que n'estoit
naturellement, lors que
fut mariée à Merite. ; -
Homere a environ
: deux millesix cens ans
de réputation acquise ;'),
Rabelais n'en a qu'environ
cent soixante ;
Corneille n'en a qu'environ
cinquante:lequel
des trois doit l'emporter.
A juger seulement par
l'âge des réputations
, ,.
c'est peut-estre la plus
jeune; car plus une réputation
vieillit, plus elle
estabsorbée dans le vaste
fein de la Prévention.
.-j.Vingt ou trente ans
aprés la mort d'un Aut1
heur y c''e1s1t .à' peu pré1s -
là vraye distance ; c'est
le vray point de vûë
d'où , je voudrois juger
de sa réputation.
-
En voyant Homere
àtravers vingt-six siecles
- imaginez - vous
voir de loin une femme
à travers un brouillard
épais; quelqu'un qui en
feroit devenu amoureux
par ouirdire auroit beau
vous crier: voyez-vous
la délicatesse de ces
traits,la douce vivacité
de ces yeux, la nuance
imperceptible des lys &c
des roses de ce tein délicat
; mais sur tout remarquez
bien ce je ne
sçay quoy , ces graces.
Hé morbleu, répondriez-
vous à cet Amant
enthousiasmé,comment
voulez-vous que j'en juge
, à travers d'un tel
broüillard ; il faudroit
quejeusse les yeux d'un
Linx,ou ceux de l'Amour.
;
Voyez
Voyez au contraire un
Autheur de trop prés
,
c'est encore pis ; la réputation
d'un Autheur
vivant est offusquée par
la jalousie de ses contemporains
, par la cabale;
,
on estime mêmesesouvrages
selon le crédit qu'.
il a, selon sa qualité, ses
richesses , ses moeurs ;
que sçai - je moy, mille
autres sujets de prévention
: par exemple, nous
ne sçaurions nous imaginerqu'un
hommeque
nous voyons de si prés
soit si grand homme :
comment seroit-il divin,
nousle voyons boire &
manger avec nous, &c
nous luyentendons sou.
vent dire à tableplus
de sottises qu'à ce gros
yvrognesimple & pesant,
quiparlant& beu.
vant avec une égalité
merveilleuse ,soutient
beaucoup mieux ridée
q^Uon nousavoicdonnée
de luy, que cet Auteur ne
soutient celle que ses livres
nous avoient donnée
de l'élevarion de son genie.
Revenons à nostre
point deVue que je placerois
environ vingt ou
trente ans après la mort
d'un Autheur, afin que
dégagé des préventions
dont je viens de parler,
on puisse juger de toutes
les beautez del'ouvra,
par rapport au goust,aux
moeurs , aux usages, aux
proprietez de la langue,
& à cent autres circont
tances qu'il est essentiel
de bien sçavoir, pour
porter un jugement équitable
& de l'ouvrage
& de l'Auteur, maissur
tout de l'Auteur, car on
peut quelquefois juger
d'un ouvrage par l'ouvrage
seul, mais on ne
sçauroit juger du mérité
d'un Autheur que par
rapport au siecleoù il
a vécu.
, Mais lesujet que je
traiteme mène plus loin
que je n'avois crû ; je
voulois parler feulement
dans ce mois-cy de la ré.
putation, de nos deux
Autheurs,8cdelà préventionqu'on
a pour
eux Réputation ,Prévention;
c'estoù je m'étois
borné. Quelles borlies.,
grand Dieu! le chapitre
de la Prévention
feule rempliroit mille
volumes àne faire qu'un
petitarticle sur chacun
des préjugez qui entrent
dans la composition des
jugemens des hommes : il pourra donc encore
dans la suite m'échaper
quelques traits non-envenimez,
contre la prévention
qu'on a pour les
Anciens; & comme cette
prévention pourroit
allerjusqu'àm'accufer
d'estre prévenu pour
les Modernes, il faut
se dèclarer. Je croy
donc que tout confideré
tout compensé
Homme , pour Homme,
Auteur pour Auteur.
Teste pour Teste ,Ancien,
Moderne, tout est
à peu près égal; parce
que les coeurs & les cerveaux
sont à peu prés fabriquez
comme ils étoient
jadis. A l'égard
d'Homere & de Rabelais,
je les crois chacun
dans leur genre grands
& excellens Autheurs' ';
c'est assez dire pour Rabelais
, mais je crains
d'avoir trop peu dit
en l'honneur d'Homere.
Ceux qui le divinisent,
& qui sont dévoilez à
son culte voudroient-ils
me forcer à l'adorer comme
ils sont.
A ce propos ilme souvient
de ce que dit Rabelais,
non en ses livres
connus, mais en quelque
sien manuscrit. Croyezdonc
si voulez que c'est
baliverne posthume du
grand Balivernier Maître
François.
- Un jour Panurge dans
un Caveau du Temple
6 renommé de 14 dive
-
Bouteille buvoit debout,
-& buvant avaloit, &;,
avalant se déledoit, &. se
-
délectant chantoit : Hé
bon bon bon,que le Vin
- el bon, par mafoy j'en
-rueux boire: Or comme il
chantoit & beuvoit sur
ce ton, un Sacrificateur-
-zélé de l'antique & dive
Bouteille,s'avança tout
courroucé
, vers Panurge
3Ci qu'en son courroux
il l'appella buveur profane
; qu'est-ce à dire,
répliqua le Buveur moderne
: n'est point profane
qui bon Vin boit-, •
qui bon Vin aime, &
qui bon Vin chante.
Non certes,dit le Sacrificateur,
mais tu bois debout,
& c'est mal - fait
car il faut boire à genoux,
tu chante fimpiement
que le Vin est bon ;
il faut chanter qu'il est
divin,car c'est vin grec.
Hé, que m'importe,dit
Panurge, vin Grec ou
Bourguignon, ny celuy-
ci, ny celuy-là, ny
aucun Vin n'estchose
divine: non ce n'est: que
boisson humaine,& pour
ce j'en boiray tout ce
qu'humainen peut boire
humainement & ne la
boiray que debout, ou
assis à table,ouà che*
val
, car on boit aussi le
vin de cheval,mais à
genoux on ne but oncques,
& n'y boiray mie.
Alors le Sacrificateur
homme gravement colerique
n'enrendit point
railleriey & à grands,
coups de Tirfe voulut
faire agenouiller le bon
Panurge; mais luy s'obstinoit
à boire debout,
criant seulement, Bon,
bon,bon, vin pour moy
bon , bon me suffit,bon
veut tout dire. 0 tu diras
divin
3
crioit le Sacrificateur
, tu en viendras
à mon mot; divin,
divin, crioit l'un en battant
: bon bon,bon,
crioit l'autre en buvant
en forte qu'entre ces
deux obstinez ne pou.
voitavenir, non plus
qu'aux Ecoles Aristoteliciennes
aucune folotion
raisonnable. Devinez
qu'elle fut celle-cy,
A force de boire&;
d'avoir bû, le vin manqua
à Panurge, qui pour
lors cria commec'estoit
sa coûtume, des que [a
bouteilleestoit vuide, il
cria, dis-je, du vin, du
vin:enforce quele Sacrificateur
crut oiiir divin?
divin,cette équivoque
Panurgienne finit
ainsi le debat au Temple
de la dive Bouteille, sans
quoy ces deux obstinez y
croient encore, l'un à
battre &c l'autre à boire.
i,:
Autant en pend à
Foeit à quiconque voudra
crier en lisant Homere,
beau, beau beau,
admirable
,
sublime ce
n'est rien dire si l'on ne
crie divin, divin
Or apres ce conte bon
ou mauvais , selon le
Lecteur, adieu vous di-,
fent Homere & Rabelais
jusqu'aux Calendes
Mercuriales du prochain
mois. Si pour lors devriez
revoir Mercure paralelliisant
vous, après
avoir tousse un coup en
boirez trois ou quatre ;
ensuitebesicles pren- drez, si debesicles usez,
& alors lirez peut-estre
merveilles & peut-estre
billevezées
OuVijfertation, ouDiscours qu'-
on nommera, comme on voudra surHomère&Rabelais. ,
Crrrycz.
- vous en Toflre
foy
9
anonques Homère
écrivant C1Iliade&1'0..
dyj[ee>penja(l és allegories
lesquelles de luyont calefreté
Plutarque, Heraclides,&
c. Si lecroyez,
pourquoynecroirez-vous
lluJJi merveilles occultes
dans ces miennesjoyeuses
&nouvelles chroniques,
combienqu'en les dictant
ny pensasse non plus que
vous, qui par avantu
re beuvezcomme moy;
carà la composition de ce
Livrejeneperdis,n'employay
onquesplus ny autre
temps que celuy de ma
refection
,
sçavoir ep lnbeuvant
& mangeant;
aussi est-ce la jufle heure
décrire ces hautes matieres
&sciencesprofondes,
tomme bien jçarvoitfaire
Homeredont le /abeur
sentoit plus le vin
que l'huile. Autant en dira
quelque Turlupin de
mes livres, ce que prendray
àgloire: car, ocombien
l'odeur du vin est
Pli,içflriand,ri.,înt, priant,
plusceleste & delicieux
quel'huile.
C'cft à peu près dans ces
termes que Rabelais vers
l'an *55o. commença luimême
pour moy, sans le
sçavoirle paralelle que
je devais faire en iy(f.
d'Homere & de luy.
Ces deux Autheurs
ont premièrement cela
de commun j
qu'ils êtoient
nez pour la Poëlie
;ilne manque à Ra-
AI
belais pour estre grand
Poëre que d'avoir écrit
en Vers: son Livre efb
un Poëme en Prose,
quoy qu'il n'ait point dit
d'abord 3
Deesse chantez
Gargantua,&c.Ilprend
sa Lyre d'un air (Impte
comme Hbnlcre, ils
promettent peu l'un &:
l'autre, maisils donnent
beaucoup dans la suite ;
en commençant ce paralelle
,
je promets peu
ainsi qu'Homere^c^onne
beaucoup, ôc je ne
donneray presque rien;
il faut bien qu'il y ait
quelque difference entre
Homere & moy.
Avant que de comparer
les ouvrages de nos
deux Autheurs, comparons
la réputation de l'un
à celle de l'autre
, comparons-
les pourtant sans
comparaison, de peur
d'offenser quelqu'un;
respectons - les comme
-
comme s'ils estoient en:
J core en vie. Encomparant
deux Poëtes, deux
Avocats, deux Medercins,
même deux Magistrats
diray-je aussi
deuxHéros,Ton offen-
[e au moins l'un des
deux; toutparalelle ofsense
l'homme
, parce
que chaque homme se
« croit unique en son espece
: appellons donc cecy
braadinlagee pllultoest q.u-e pa- - Le ton sèrieuX' gâterait
tout: Homere Ô£
consors ic fâcheroient (I
j'empruntois la Lyre divine
pour chanrer Rabelais
; maisRabelais eil
bon Compagnon. Il me
prêtera bien son fiile,.
même pour mettre Homere
au-dessus de luy.
yy- Revenons à nos mou*
y, tons, diroiticy Maistre
y, François,paralellifons
yy
la haute & llliritlque;'
„ renommée Homerien-
»ne, à la renomméeRabc!
aiuenne., de son
temps &dunôtre
nonmoins grande en cf
dimention domina- c€
tion & tyranie, quoi- ee
que Picholine au gré
d'aucuns
, eu égard
aux pays&sujets qu'-
elle domine &tyranni- cc
se : car réputationHomerienne
regne & regna
és cerveaux heroï- e€
ques, scientifiques
, C,"
Philosophiques, Meta-,,,c
physiques
, Alchimi.
„ miques & Cabalis-
„tiques, & Rabelai-
„
sienne,manienerégné
s,
qu'és cerveaux joyeux
des Paht-igruel/fies>
)'
lequel mot de Pantagrueliste
seroit pour-
„ tant par - avanture
>,
mieux & plus sensé-
,', ment fignJÍlcatifJ que
„ nlll autre des grands
„ mots ci-dessussi l'on
5,
l'interpretoir à force
„ d'erudidonjSe de
„ han, han, comme on
faitaucuns jïiot grecs c<
Hoiperiens,inintcll ,,"
giblesaux
-
bonnesc<
gensnon-érudits.<c
Mais je m'amuseu
,,
trop à lanterner & cf
baguenauder endigrç(
fionsjdigressîons'f
Aulfm sont au Le<5teur
ce que font au Voya- «5
geur ,landes arides, u
sabloneuses
)
Se alte- ct
rantes, partant,vite, «
alerte de hait, de <f Jhait,doublons le pas,,
-,
s le pas-,
- - -' jk
-
yy courons aubut,allons
„ au fait,idest, buvons
,, fra is.
Aristote n'a peut-estre
pas dit avant moy que la
beauté de l'ouvrage fait
d'abord la réputation de
l'Auteur,& qu'ensuite la
réputation de l'Auteur
fait souvent la beauté de
l'ouvrage; les beautez réelles
qui sont dans Rabelais
lui ont sans doute d'abord
acquis sa réputation,
mais ensuite sa réputation
a fait trouver dans ses ouvrages
bien des beautez
qui n'y sont pas; je ivay
-garde de croirequ'il en
10it ainsi duPoëteGrec,
chut. laissons parler un
homme plus hardi que
moy ,
c'est Montagne. un Autheur, dit-il,
suissegagner cela d'attirer
,.& embesoignerapréssoy
la Posterité, ce que nonseulementl'habileté.
&
Jiijfifance>mais autantou
ylus lafaveurfortuite du
sijet & autres hasards
peuventgagner, qu'au demeurantun
Autheurse
presente ou par bètise ou
parfinese,unpeu obscurement,
&diversement>
ne luy chaille, nombre
d'esprits le belutant~tese-
(COUtint, en exprimeront
quantite de formes
9 ou
Jelcna ou à cosé , ou au
contraire de la sienne &
qui toutes luyferont honlicur;
c'tj.ce quiafait va"
loir plufteursebofes de
neant, qui a mis ericredirplusieurs
anciens eCrits) t'T,
les Ilchargez.,detoute/orle
de bautez, qu'on avoulu,
une même chose recevant
mille &mille
, &autant
qu'il nous plaist d'images
~& considerationsdiverses ; Est-ilpossiblequ'Homere
ait dit tout ce qu'on luy
fait dire, ~&c.
Est-il possible aussi que
Rabelais ait pensé tout ce
qu'on luy fait penser ?
Non sans doute
, on a
voulujustifier par des applications
fines & détournées,
plusieurs tirades inG..
pides où tombentnecessairement
ceux qui veulent
roûjours parler & toûjours
plaisanter ; quelque fond
de gayeté qu'on puisse
avoir,onn'est pas plaisant
toutes les fois qu'on plaifante
: il faut pardonner
au plus agreable convive
deux turlupinadespourun
bon mot, &C au plus
grand Poëte deux pensées
simplement communes ,
pour unesublimementsimple.
Je ne parle pas d'Homere
deà, diroit Rabe- tcf
lais, il est en les moindres
lanternages fubli- <€
mirifiquemententoufiafmé
; je le vois tout cc"
embrasé .& tout embrasant
d'un feu A- tcf
pollonien; mais après
tout il n'y a point de
feu sans fumée, comme
aussi n'y a-t-il point de
fumée sans feu: fumée
„ je nomme en ce dernier
„cas, réputationodoran-
„ te , comme fumée de
cassolette, ou comme
„ vapeur de musc&d'am-
„ bre- gris delectant les
„ bonnes & fortes testes,
„ mais entestans parfois
j, aucuns à teste-foible,si
„ aucunes y a.
„ Je voulois donc dire
J) par ce didon de fu-
~J
111ée làns feu , que ré-- putatioii ne va point
fê sans merite,laquelle
maxime les fabula- cc
teurs anciens eussent
ainsi allegorisée.
Réputation mariée à
Merite, a engendré Prévention
1 , & par aprés
Prévention,Fille née de,
Réputation,a engendré
sa Merebienplusgrande
& plus belle que n'estoit
naturellement, lors que
fut mariée à Merite. ; -
Homere a environ
: deux millesix cens ans
de réputation acquise ;'),
Rabelais n'en a qu'environ
cent soixante ;
Corneille n'en a qu'environ
cinquante:lequel
des trois doit l'emporter.
A juger seulement par
l'âge des réputations
, ,.
c'est peut-estre la plus
jeune; car plus une réputation
vieillit, plus elle
estabsorbée dans le vaste
fein de la Prévention.
.-j.Vingt ou trente ans
aprés la mort d'un Aut1
heur y c''e1s1t .à' peu pré1s -
là vraye distance ; c'est
le vray point de vûë
d'où , je voudrois juger
de sa réputation.
-
En voyant Homere
àtravers vingt-six siecles
- imaginez - vous
voir de loin une femme
à travers un brouillard
épais; quelqu'un qui en
feroit devenu amoureux
par ouirdire auroit beau
vous crier: voyez-vous
la délicatesse de ces
traits,la douce vivacité
de ces yeux, la nuance
imperceptible des lys &c
des roses de ce tein délicat
; mais sur tout remarquez
bien ce je ne
sçay quoy , ces graces.
Hé morbleu, répondriez-
vous à cet Amant
enthousiasmé,comment
voulez-vous que j'en juge
, à travers d'un tel
broüillard ; il faudroit
quejeusse les yeux d'un
Linx,ou ceux de l'Amour.
;
Voyez
Voyez au contraire un
Autheur de trop prés
,
c'est encore pis ; la réputation
d'un Autheur
vivant est offusquée par
la jalousie de ses contemporains
, par la cabale;
,
on estime mêmesesouvrages
selon le crédit qu'.
il a, selon sa qualité, ses
richesses , ses moeurs ;
que sçai - je moy, mille
autres sujets de prévention
: par exemple, nous
ne sçaurions nous imaginerqu'un
hommeque
nous voyons de si prés
soit si grand homme :
comment seroit-il divin,
nousle voyons boire &
manger avec nous, &c
nous luyentendons sou.
vent dire à tableplus
de sottises qu'à ce gros
yvrognesimple & pesant,
quiparlant& beu.
vant avec une égalité
merveilleuse ,soutient
beaucoup mieux ridée
q^Uon nousavoicdonnée
de luy, que cet Auteur ne
soutient celle que ses livres
nous avoient donnée
de l'élevarion de son genie.
Revenons à nostre
point deVue que je placerois
environ vingt ou
trente ans après la mort
d'un Autheur, afin que
dégagé des préventions
dont je viens de parler,
on puisse juger de toutes
les beautez del'ouvra,
par rapport au goust,aux
moeurs , aux usages, aux
proprietez de la langue,
& à cent autres circont
tances qu'il est essentiel
de bien sçavoir, pour
porter un jugement équitable
& de l'ouvrage
& de l'Auteur, maissur
tout de l'Auteur, car on
peut quelquefois juger
d'un ouvrage par l'ouvrage
seul, mais on ne
sçauroit juger du mérité
d'un Autheur que par
rapport au siecleoù il
a vécu.
, Mais lesujet que je
traiteme mène plus loin
que je n'avois crû ; je
voulois parler feulement
dans ce mois-cy de la ré.
putation, de nos deux
Autheurs,8cdelà préventionqu'on
a pour
eux Réputation ,Prévention;
c'estoù je m'étois
borné. Quelles borlies.,
grand Dieu! le chapitre
de la Prévention
feule rempliroit mille
volumes àne faire qu'un
petitarticle sur chacun
des préjugez qui entrent
dans la composition des
jugemens des hommes : il pourra donc encore
dans la suite m'échaper
quelques traits non-envenimez,
contre la prévention
qu'on a pour les
Anciens; & comme cette
prévention pourroit
allerjusqu'àm'accufer
d'estre prévenu pour
les Modernes, il faut
se dèclarer. Je croy
donc que tout confideré
tout compensé
Homme , pour Homme,
Auteur pour Auteur.
Teste pour Teste ,Ancien,
Moderne, tout est
à peu près égal; parce
que les coeurs & les cerveaux
sont à peu prés fabriquez
comme ils étoient
jadis. A l'égard
d'Homere & de Rabelais,
je les crois chacun
dans leur genre grands
& excellens Autheurs' ';
c'est assez dire pour Rabelais
, mais je crains
d'avoir trop peu dit
en l'honneur d'Homere.
Ceux qui le divinisent,
& qui sont dévoilez à
son culte voudroient-ils
me forcer à l'adorer comme
ils sont.
A ce propos ilme souvient
de ce que dit Rabelais,
non en ses livres
connus, mais en quelque
sien manuscrit. Croyezdonc
si voulez que c'est
baliverne posthume du
grand Balivernier Maître
François.
- Un jour Panurge dans
un Caveau du Temple
6 renommé de 14 dive
-
Bouteille buvoit debout,
-& buvant avaloit, &;,
avalant se déledoit, &. se
-
délectant chantoit : Hé
bon bon bon,que le Vin
- el bon, par mafoy j'en
-rueux boire: Or comme il
chantoit & beuvoit sur
ce ton, un Sacrificateur-
-zélé de l'antique & dive
Bouteille,s'avança tout
courroucé
, vers Panurge
3Ci qu'en son courroux
il l'appella buveur profane
; qu'est-ce à dire,
répliqua le Buveur moderne
: n'est point profane
qui bon Vin boit-, •
qui bon Vin aime, &
qui bon Vin chante.
Non certes,dit le Sacrificateur,
mais tu bois debout,
& c'est mal - fait
car il faut boire à genoux,
tu chante fimpiement
que le Vin est bon ;
il faut chanter qu'il est
divin,car c'est vin grec.
Hé, que m'importe,dit
Panurge, vin Grec ou
Bourguignon, ny celuy-
ci, ny celuy-là, ny
aucun Vin n'estchose
divine: non ce n'est: que
boisson humaine,& pour
ce j'en boiray tout ce
qu'humainen peut boire
humainement & ne la
boiray que debout, ou
assis à table,ouà che*
val
, car on boit aussi le
vin de cheval,mais à
genoux on ne but oncques,
& n'y boiray mie.
Alors le Sacrificateur
homme gravement colerique
n'enrendit point
railleriey & à grands,
coups de Tirfe voulut
faire agenouiller le bon
Panurge; mais luy s'obstinoit
à boire debout,
criant seulement, Bon,
bon,bon, vin pour moy
bon , bon me suffit,bon
veut tout dire. 0 tu diras
divin
3
crioit le Sacrificateur
, tu en viendras
à mon mot; divin,
divin, crioit l'un en battant
: bon bon,bon,
crioit l'autre en buvant
en forte qu'entre ces
deux obstinez ne pou.
voitavenir, non plus
qu'aux Ecoles Aristoteliciennes
aucune folotion
raisonnable. Devinez
qu'elle fut celle-cy,
A force de boire&;
d'avoir bû, le vin manqua
à Panurge, qui pour
lors cria commec'estoit
sa coûtume, des que [a
bouteilleestoit vuide, il
cria, dis-je, du vin, du
vin:enforce quele Sacrificateur
crut oiiir divin?
divin,cette équivoque
Panurgienne finit
ainsi le debat au Temple
de la dive Bouteille, sans
quoy ces deux obstinez y
croient encore, l'un à
battre &c l'autre à boire.
i,:
Autant en pend à
Foeit à quiconque voudra
crier en lisant Homere,
beau, beau beau,
admirable
,
sublime ce
n'est rien dire si l'on ne
crie divin, divin
Or apres ce conte bon
ou mauvais , selon le
Lecteur, adieu vous di-,
fent Homere & Rabelais
jusqu'aux Calendes
Mercuriales du prochain
mois. Si pour lors devriez
revoir Mercure paralelliisant
vous, après
avoir tousse un coup en
boirez trois ou quatre ;
ensuitebesicles pren- drez, si debesicles usez,
& alors lirez peut-estre
merveilles & peut-estre
billevezées
Fermer
Résumé : PARALELLE BURLESQUE Ou Disseratation, ou Discours qu'on nommera comme on voudra, sur Homere & Rabelais.
Le texte compare deux auteurs majeurs de la littérature, Homère et Rabelais. Homère, auteur de l'Iliade et de l'Odyssée, utilisait des allégories que des écrivains comme Plutarque et Héraclide ont commentées. Rabelais, vers 1550, a établi un parallèle entre lui-même et Homère, soulignant que les deux étaient nés pour la poésie, bien que Rabelais ait écrit en prose. L'auteur invite le lecteur à croire en des merveilles occultes dans ses propres œuvres, écrites dans un état d'ivresse, tout comme Homère. La réputation des deux auteurs est également comparée. Homère est respecté dans les cercles héroïques, scientifiques et philosophiques, tandis que Rabelais est apprécié dans les cercles joyeux et pantagruéliques. La réputation d'Homère est estimée à environ deux mille six cents ans, celle de Rabelais à environ cent soixante, et celle de Corneille à environ cinquante. L'auteur note que juger de la réputation d'un auteur est difficile, soit à cause de la distance temporelle, soit à cause des préjugés contemporains. L'auteur conclut en affirmant que, toutes choses considérées, les auteurs anciens et modernes sont à peu près égaux. Il croit qu'Homère et Rabelais sont tous deux grands et excellents auteurs dans leurs genres respectifs. Le texte se termine par une anecdote impliquant Panurge et un sacrificateur, illustrant la dispute sur la divinité du vin, et par une comparaison entre les admirateurs d'Homère et ceux de Rabelais.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 1-76
HISTOIRE toute veritable.
Début :
Dans les Ilsles d'Hieres est scitué entre des rochers [...]
Mots clefs :
Îles d'Hyères, Amant, Vaisseau, Amour, Homme, Soeur, Capitaine, Château, Surprise, Passion, Roman, Chambre, Mariage, Négociant, Gentilhomme, Rochers, Mari, Bonheur, Fortune, Esprit, Fille, Joie, Mérite, Équivoque , Valets, Mer, Maître, Lecteur, Infidélité, Rivage
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE toute veritable.
DAns les Isles d'Hieres
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
cft scitué entre
;:
des rochers, sur le bord
1
de la mer, un petit Chasteau
antique, dont la
deicription.xnericeroii
d'occuper trentepagedansun
Roman Espagnol
maisl'impatience
du Lecteur François
paslè à present pour alIcJ
au fait , par dessus le
descriptions, &les converfations
qui amufoien
si agréablement nospe
res^5 je ne parleray dota
icyque d'une allée d'O
rangers fort commun
dans lesIslesd-Hieres
c'est fous ces Orangers
qui couvrent une espece
de terrasse naturelle, que
se promenoient au mois
de Septembre dernier,
deux foeurs, dont le pere
habite ce Chasteauiblitaire.
L'aisnée de ces deux
soeurs peut estrecitée
pour belle, & la cadette
est très-jolie
,
l'une est
faite pour causer de l'admiration,
l'autre est plus
propre à donner de Pal
mour ; raifnée que je
nommeray Lucille, a du
merveilleux dans l'esprit;
Marianne sa cadette si
contente d'avoir du naturel
& del'enjouement
elle joint à cela un bot
coeur & beaucoup de
raison: Lucilleaaussi de
la raison, mais ellç a ui
fond de fierté, Se d'à
mour pour ellemesme
qui lempesche d'aimé
les autres. Marianne ai
moit sa soeur tendre
ment, quoyque cette aisnée
méprisante prit sur
elle certaine superiorité
,
que les semmes graves
croyent
-
avoir sur les enjouées.
Lucilles'avançoit
à pas lents vers le bout de
la terrasse qui regarde la
mer,elle estoit triste depuis
quelques jours, Marianne
,
la plaifancoitsur
ce que leur pere vouloit
lamarier par interest de
famille à un Gentilhomme
voisin, qui n'estoit ny
jeune ny aimable. Ce
mariagene vous convient
gueres, luy disoit Marianne
en badinant jvom
ejfie{ née pôur époujer à
la fin d'un Roman, quelque
Gyrus9 ou quelque
Qroftdate.
Lucilleavoiteneffet,
cet esprit romanesque àpresent
banni de Paris &
des Provincesmefiiie, &
relegué dans quelque
Chasteau defèrt comme
celuy qu'habitoit Lucilleoù
l'on n'a d'autre
societé que celle des Romans.
Elle tenoit alors en
main celuy de Hero
dont elle avoit leu , certainsendroits
tres - convenables
aux idées qui
l'occupoient
,
& après
avoir long-temps parcouru
des yeux la pleine
mer ,
elle tombadans,
une rêverie profonde:
Marianne lapriadeluy,
en dire la cause, elle
ne respondoit que par
des soupirs
,
mais Marianne
la pressa tant
qu'elle résolut enfinde
rompre le silence. D'abord,
malgré sa fierté
naturelle, elle s'abbaissa
jusqu'à embrassèr sa ca- dette
,
& l'embrassa
de bon coeur, car elle
aimoit tendrement ceux
dont elle avoitbesoin,
Ensuite,presentant d'un
air précieux son Livre
ouvert à Marianne, liseZ,
luy dit-elle
,
lifcz> icy les
inquietudes ce les allarmes
de la tendreHero,
attendant sur une tour
son cherLeandrequi devoit
traverser les mers
pourvenir au rendez:
vous. Je n'ay pas besoin
de lire ce Livre, luy ref:
pondit Marianne, pour
jçavoirque vous attendez
comme Hero
, un cher
Leandre. La parente de
ce Leandre
,
ma conté
rvoftre avanture , que
FAJ feint d'ignorer par
discretion f5 parrejpe£f
pour mon aisnée;je sçais
qu'enquittant cette Ijle,.
où il vint ily a quelques
mois, il vouspromit dj
revenirpour vous demander
en mariage à mon
pere. '1;
Lucille la voyant si
bien instruite, acheva de
luy faire confidence de
son amour, c'est-à-dire,
de l'amour qu'elle s'imaginoit
avoir car lesrichesses
& la qualité dec
son Leandre l'avoient
beaucoup plus touchée
que son merite, mais
elle se piquoit de grands
fentinlents, &à force de
les affeder.,elles-li-naginoit
ressentir ce qu'elle ne
faisoitqu'imaginer
: elle
n'avoit alors que la poësie
de l'amour dans lateste3
& elle dit à Marianne
tout cequ'on pourroit
écrire de mieux sur la
plus belle passion dit
monde.
Venonsaujait,luydit
Marianne, Leandre est
très- riche: le maryque
mon pere vous donne ne test gueres, (jf je rveux
bien epoujerceluy-cy pour
wous laisserlibrea9epoufer
l'autre> j'obtiendray cela
de mon pere.
Le pere estoit un bon
gentilhomme, qui charmé
de l'humeur de Marianne
,Taimoit beaucoup
plus que son aisnée
,
c'estoit à table sur
tout que le bon homme,
sensible auplaisir du bon
vin & de l'enjouement
de sa cadette,regloit avec
elle les affaires de sa samille
; elle eut pourtant
de la peine à obtenir de
ce pere scrupuleux sur le
droit d'aisnesse, qu'il mariast
une cadette avant
une aisnée, il fallut que
Lucillecedaft ion droit
d'aisnesse à Marianne par
un écrit qui fut signé à
table:&Lucillen'osant
dire sonvray motifà son
pere,dit seulement,qu'-
ellesentoit jenescay quelle
antipathiepour le mary
quelle cedoit à sa flEur.
On plaisanta beaucoup
sur ce mary cedé avec
le droit d'aisnesse
,
le
bon homme but à la
fanté de Marianne devenuë
l'aisnée, le mariage
fut resolu, & l'on le fit
agréer au gentilhomme,
qui aima mieux Marianne
que Lucille, parce
qu'en effet
, quoyque
moins belle, elle se faifmoit
beauecouprpl.us ai- Le mariage résolu, les
deux foeurs furent également
contentes; car Marianneindifférente
sur ses
propres interests, partageoit
sincerement avec
sa soeur l'esperance d'une
fortune brillante : cependant
quelques jours s'écoulerent
,
& le temps
que Leandre avoit marqué
pour ion retour, ettoit
desja passé. Lucille
commençoit à ressentir
de mortelles inquietudes,
& Marianne retardoit de
jouren jourson petit establissement,
resoluë de le
ceder à sa soeur en cas
que l'autre luy manquait.
::..
Un jour enfin elles estoient
toutes deux au
bout de cette mesme terrasse
d'oùl'ondécouvroit
la pleine mer. Lucille
avoit
avoit les yeux fixez vers
la rade de Toulon, d'où
devoit partir celuy qui
nes'estoit separé d'elle
que pour aller disposer
fès parents à ce mariage:
elle estoit plongée dans
la tristesse lorsqu'elle apperceut
un vaisseau; cet
objet la transporta de
joye, comme s'il n'eust
pû y avoir sur la mer que
le vaisseau qui devoit luy
ramenerson amant; sa
joye futbien plus grande
encore;lorsqu'un vent
qui s'éleva,sembla pouf
fer ce vaisseau du costé
de son Isle; mais ce vent
ne fut pas long-temps favorable
à ses desirs. Ce
vaisseaus'aprochoitpourtant
d'une grande vitesse,
mais il se forma tout à
coup une tempeste si fiirieuse
,
qu'elle luy fit
voir des abysmesouverts
pour son Leandre.La Romanesque
Lucille diroit
sans doute en racontant
cet endroit de ion hiitoire
: que la tourmente nefut
pas moins orageusè,.
dansson coeur quesur Itt;
mer où le vaisseaupensa
perir.
Après quelques heures
de peril, un coup de
vent jetta le vaisseau sur
le rivage entre des rochers
qui joignent 1q
Chasteau, jugez du plaisir
qu'eutLucille en voyranet
sotnéAm.ant en seuLeandre
devoit se trouver
à son retour chez une
voisine où s'estoient faites
les premieres entreveuës
,
elle estoit
pour lors au Chasteau
où les deux soeurs coururent
l'avertir de ce
qu'elles venoient devoir,
& elles jugerent à propos
de n'en point encore
parler au pere. Lucille
luy dit qu'elle alloit coucher
ce soir-là chez cette
voisine, car elle y alloit
assez souvent,& Marianne
resta pour tenir compagnie
à son pere ,qui
ne pouvoit se
,
d'ellepas.ser
;
Un moment aprèsque
Lucille & la voisine furent
montées en carosse.,
un homme du vaisseau
vint demander à parler
au maistreduChasteau,
cet homme estoit une cCpece
de valet grossier qui
debuta par un recit douloureux
de ce que son
jeune maistre avoit souffert
pendant la tcmpefie).
& pour exciter la compassion,
il s'eftendoit sur
les bonnes qualitez de ce,
jeune maistre qui demandoitdu
secours & le couvert
pour cette nuit.
Le pere qui estoit le
meilleurhommedumonde
,
fit allumer au plus
viste des flambeaux, parce
qu'il estoit presque
nuit; il voulut aller luymesme
aurivage où Marianne
le suivit,curieuse
de voir l'Amant de sa
soeur, &' ne doutant
point qu'il n'eust pris le
pretexte de la tempeste ,
pour venir incognito dans
le Chasteauoù il pourroit
voir Lucille plus
promptement que chez
sa parente.
En marchant vers le
rivage on apperceut à la
lueurd'autres flambeaux
dans un chemin creux
entre des rochers, plusieurs
valets occupez autour
du nouveau debarqué,
qui fatigué de ce
qu'il avoit souffert, tomba
dans une espece d'évanoüissement,
l'on s'arresta
quelque temps pour
luy donner du secours :
Marianne le consideroit
attentivement
,
elle admiroit
sa bonne mine,
& l'admira tant, qu'elle
ne put s'empescher ,elle
quin'estoit point envieu-
Lé, d'envier à sa ïbeur le
bonheur
bonheurd'avoir un tel
Amant;cependant il revenoit
à luy, il souffroit
beaucoup; mais dès qu'il
eut jetté les yeuxsur Marianne,
son mal fut suspendu,
il ne sentit plus
que leplaisir de la voir.
Admirez icy lavariété
des effets de l'amour, la
vivacité naturelle de Marianne
,
est tout à coup
rallentie par une passion
naissante, pendant qu'un
homme presque mortest
ranimé par un feu dont
la, violence se fit sentir
au premier coup d'oeil,
jamais passion ne fut plus
vive dans sa naissance;
comment est-ilpossible,
dira-t'on quece Leandre,
tout occupéd'une autre
passion qui luy fait traverser
les mers pour Lucille,
soit d'abord si sensible
pour Marianne. Il
n'est pas encore temps de
respondre à cette question.
Imaginez-vousseulementun
hommequine
languit plus que d'a
mour ; les yeux fixez
sur Marianne, qui avoit
les siens baissez contre
terre ,
ils estoient
muets l'un & l'autre, 6C
le pere marchant entre
eux deux, fournissoitseul
à la conversation sans se
douter de la cau se de leur
silence. Enfin ils arrivent
au Chasteau,oùMarianne
donne d'abord
tous ses soins, elle court,
elle ordonne, elle s'empresse
pour cet hoste ai-
Jnahle avec un zele qu'-
elle ne croit encore anirne
que par latendresse
de l'hospitalité: le pere
donna ordre qu'on ailaft
avertir Lucille de revenir
au plustost pour rendre
la compagnie plus agréable
à son nouvel hoste
qu'on avoit laissé seul en
liberté avec ses valets
dans une chambre.
On alla avertir Lucille
chez sa voisine
,
elle
vint au plus viste, elle
estoit au camble de sa
joyc,&Marianne au contraire
commençoitàeftrc
fort chagrine, cette vertueuse
fille s'estoit desja
apperceuë de son amour,
elle avoit honte de se
trouver rivale de la soeur,
mais elle prit dans le moment
une forte resolutiondevaincre
une passion
si contraire aux sentimens
vertueux qui luy
estroient naturels ; elle
court au devant de Lucille,&
la felicite de
bonne foy
,
elle fait l'éloge
de celuy qui vient
d'arriver
elle luy exagere
tout ce qu'elle st
trouvé d'aimable dans sa
phisionomie,
dans l'og
air, & se laissant insensiblement
emporter au
plaisir de le louër
,
elle
luy en fait une peinture
si vive qu'elle se la grave
dans le coeur à elle-mesme,
encore plus prorondementqu'elle
n'y estoit;
elle finit cet éloge par un
soupir, en s'écriant: Ah,
ma soeur, que rvous estes
heureuse ! &£ faisant aufsitost
reflexion sur ce
soupir, elle resta muette,
confuse, & fort surprise
de seretrouver encore
•
amoureuse après avoir
resolu de ne l'estre plus.
Lucille en attendant
que [on Leandre parust,
fit force reflexions Romanelques
lur la singularité
de cette avanture ;
je fuis enchantée, difoitelle
, du procédé mysterieux
de cet Amant delicat
,
il feint de s'évanoüir
entre des rochers
en presence de mon pere,
pour avoir un prétexte
de venir,incognito me furprendre
agréablement,
je veux moy par delicatesse
aussi, luy laisser le
plaisir de me croire surprise,
& je seindray dèsqu'il
paroiftra un estonnement
extreme de trouver
dans un hoste inconnu
l'objet charmant.
En cet endroit Lucille
fut interrompue par un
valet qui vint annoncer
le souper, les deux foeur£
entrerent dans la salle
par une porte pendant
que le pere y entroit par
l'autre avec l'objet cher,
mant, qui s'avança pour
saluërLucille: dès quelle
l'apperceut elle fit
un cri, & resta immobile
, quoy qu'elle eust
promis de feindre de la
surprise; Marianne trouva
la feinte un peu outrée;
le pere n'y prit pointgarde,
parce qu'il ne prenoit
garde à rien, tantil estoit
bon homme,
Lucille estoit réelle*
ment tres eftonnée
,
SC
on le feroit à moins, car
cet inconnu n'estoit
point le Leandre qu'-
elle attendoit, c'estoit
un jeune négociant, mais
aussi aimable par son air
& par sa figure que le
Cavalier le plus galant.
Il estoit tres riche
,
ôd
rapportoit des Indes
quantité de marchandé
ses dans son vaisseau
,
il
avoit esté surpris d'un
vent contraire, en tou..
chantla Rade de Toulon,
& jetté, comme vous
avez veu, dans cette iHe.
Ce jeune Amant se
mit à table avec le pere
&: les deux filles, le fou-i
per ne fut pas fort guay ,
il n'y avoir que le perc
de content
,
aussin'y
avoit-il que luy qui parlait
, le negociant encore
estourdi du naufrage,&€
beaucoup plus de son
nouvel amour , ne respondoit
que par quelques
mots de politesse,
& ce qui paroistra surprenant
icy, c'est, qu'en
deux heures de temps
qu'on fut à table, ny là
pere ny les filles ne s'apperceurent
point de foa
amour; Lucille ne pouvant
regarder ce faux
Leandre sans douleur,
eut tousjours les yeux
baissez, & Mariannes'estant
apperceuë qu'elle
prenoit trop de plaisîr à
le voir, s'en punissoit en
ne le regardant qu'à la
dérobée; à l'égard du
pere il estoit bien esloignéde
devinerun amour
si prompt &, si violent.
Il faut remarquer icy
que le pere qui estoit bon
convive, excitoit sans
cesse son hoste à boire,&
ses filles à le réjoüir :
Qî£ejl donc devenue ta
belle humeur? disoit il à
Marianne, aussitostelle
s'efforçoit de paroistre
enjoüée, & comme les
plaisanteries ne viennent
pas aisément a ceux qui
les cherchent, la première
qui luy vint, fut sur
le droit d'aisnesse
,
qui
faisoit depuis quelques
jours le sujet de leurs
conversations, jesuis fort
surprise, dit Marianne à
son pere , que vous me
demandiez de la guayeté
quand je dois estre serieuse,
la gravité m'appartientcomme
à l'aisnée, 8c
l'enjouement est le partage
des cadettes: & le
negociant conclut naturellement
de là que Marianne
estoit l'aisnée, Sc
c'est ce qui fit le lendemain
un Equivoque facheux,
le pere ne se souvenant
plus de ces pro
posde table, son caractere
estoit d'oublierau se,
cond verre de vintout ce
que le premier luy avoit
faitdire,enfin après avoir
bien régalé son hoste
,
il
leconduisitàsa chambre;
&Lucillequirestaseule
avec sa soeur luyapprit
que ce n'estoit point là
son Amant. Quelle joye
eust esté celle de Marianne
ne si elleavoiteu le coeur
moins bon, mais elle fut
presque aussiaffligée de
la tristesse de sa soeur.,
qu'elle fut contente de
n'avoir plus de rivale.,
Les deux soeurs se retirèrent
chacune dans
leur chambre où elles ne
dormirent gueres. Marianne
s'abandonna sans
fcrupule à toutes les idées
qui pouvoient flatter son
amour, & Lucille ne faifoit
que de tristes reflexions
,
desesperant de rc4
voir jamais ce Leandre , de qui elle esperoit sa fortune,
mais elle estoitdestinée
à estre rejouië par
tous les événements qui
chagrineroient Mariant
ne : le jeune négociant
estoit vif dans £espat
sions,& de plus il n'avoit
pas le loisir de languir;
il falloit quil s'en retournast
aux Indes, Il prit
sa resolution aussi promptement
queson-amour
luy estoit venu. Le pere
entrant le matin dans sa
chambre,, luy demanda
s'il avoit bien passé la
nuit: Helas, luy rcfpondit-
il, je l'ay fort mal
poejjsée, maisj'ay huit cens
millefrancsd'gaernt ccoormn*-
ptant, le pere ne comprenoit
rien d'abord à cette
éloquence de négociant
1; l'Amantpaflîoanés'expliqua.
plus clairement
ensuite ,il luy demanda
ça, mariage f-. fille aifnée^
ils estoient l'un & l'autre;
pleins de franchise, leur
affaire fut bien tost concluë,
& le pere sortit de
la chambre, conjurant
son hoste de prendre
quelques heures de repos
pendant qu'il iroit
annoncer cette bonne
nouvelle à safille aimée,
ce bon homme estoit si
transporté qu'il ne se fouvint
point alors des plaisanteries
qu'onavoit faites
à table Cuxlc droit
d'aisnesse de Marianne
que le négociant avoit
prises à la lettre. Cet
équivoque fut bien triste
pour Marianne au mo-*
ment que le pere vint annoncer
à Lucille que le
riche negociant estoit
amoureux d'elle,&Lucille
voyant le négociant
beaucoup plus riche que:
son Leandre, ne pensa
plusqu'à justifier son inconfiance
par de grande
Íentiments, & elle en
trouvoit sur tout,pour
& contre, son devoir luy
en fournissoit un, il est
beau desacrifierson a,
mour a lavoloté d'un pere.
A l'égard de Mariant
ne ellefe feroit livrée dabord
auplaisir devoir sa
soeur bien pourveuë
ceuss esté là son premier
mouvement, mais un
autre premier mouvez
ment la sassit: quelle dou-r
leur d'apprendre que celuy
qu'elle aime ,
eili
amoureux de sa soeur.
Pendant que toutcecy
se passoit au Chasteau,
Leandre , le veritable
Leandre arriva chez sa
parente, qui vint avec
empressement en avertir
Lucille, mais elle la trou-
Va insensible à cette nouvelle
, sa belle passion
avoit disparu, Leandre
devoit arriverplustost
elle jugea par delicatesse,
qu'un Amantqui venoit
trop tard aurendez-vous,
n'ayantque cinquante
milleescus; meritoit bien
quon le facrifiaft à un
mary de huit cens mille
livres. La parente de
Leandre s'écria. d'abord
sur une infidélité si lfiar-"
quéé>maisLucille luy
prouva par les regles de
Xofçipm leplusfiné que
Leandre avoit le premier
tort ,que les feuç^de
coeur ne ie pardonnent
point, que plus une fem*
meaime., Rlus-.;clle doit
se
se venger, & que la vengeance
la plus delicate
qu'on puisseprendre d'un
Amant qui oublie c'etf
d'oublieraussi.
Lucille
,
après s'estre
très spirituellement justifiée
, courut à sa toillette
se parer, pour estre belle
comme un astre au reveil
de son Amant, & la parente
de Leandrequis'in
reressoit à luy parune ve.
ritable amitié, retourna
chez elle si indignée, qu'
elle convainquit bientost
Leandre de l'infidélitéde
Lucille, & Leandre resolut
de quitter cette IHe
dès le mesme jour pour
n'y retournerjamais.
Marianne de soncossé
ne songeoit qu'à bien cacher
son amour & sa
douleur à un pere tout
occupé de ce qui pouvoit
plaireà sonnouveau gendre
: Viens, mafille, ditil
à Marianne, viens avec
moytfaijons-luj voir par
nos empressements îtfîfar
nos carresses, qu'il entre
dans unefamille qui aura
pour luy toutessortes d'at.
tentions, il les mérité bien,
n'est-ce pas, mafille, conviens
avec rfioy que tu as
là un aimablebeaufrere
:-
Marianne le suivoit
sans luy respondre, très
affmogée de n'estre que la
belle foeur de ce beaufrere
charmant; Dès qu'ils
furent à la porte de sa
chambre, Marianne detourna
les yeux. çrjak
gnant d'envisagerle peril.
Son père entra le prêt
mier
,
&dit à nostré
Amant que sa filleaisnée
alloit venir le trquvef),
qu'elle avoit pour luy
toute la reconnoissance
possible, &C mesme desja
de l'stime, Cepetit trait
de flatterie échappa à cet
homme si franc; l'amour
& les grandes richesses
changent toujours quelque
petite choseau coeur
du plus honneste homme
,
cependant Marianne
s'avançoit lentement.
Dès que nostre Amant
la vit entrer il courut au
devant d'elle, & luy dit
Cent choses plus passionnées
les unes que les autres;
enfin aprés avoir exprimé
ses transports par
tout ce qu'on peut dire,
il ne parla plus,parce que
les paroles luy manquoient.
, Marianne estoit si surprise
& si troublée,qu'elle
ne put prononcer un
fcul mot; le pere ne fut
pas moins estonné ,ils
resterenttous troismuets
&immobiles:cefut pendant
cette scene muette
que Lucille vint a pas
mesurez, grands airs majestueux
& tendres, brillante
& parée comme
une Divinité qui vient
chercher desadorations.
Pendant qu'elle s'avance
le pere rappelle dans fcn
idée les plaisanteriesdu
souper qui avoient donné
lieu à l'équivoque, &
pendant qu'il l'éclaircir
; Lucille va tousjours son
chemin
,
fait une reverence
au Negociant, qui
baisseles yeux, interdit
&confus,elle prend cetro
confusionpourla pudeur
d'un amant timide, elle
minaude pour tascher de
le rassurer ; mais le pauvre
jeunehomme ne pouvant
soustenir cette situation,
sort doucement de
la chambre sans riendire.
Que croira-t-elle d'un
tel procédé? l'amour peut
rendre un amant muet,
mais il ne le fait point
fuir: Lucille estonnée
regarde sa soeurqui 11ose
luy apprendre son malheur
, le pere n'a pas le
courage de la detromper.
Il fort, Marianne le fuit,
& Lucille reste feule au
milieu de la chambre, jugez
de son embarras, elle
; '-
n'en feroit jamais sortie
d'elle-mesme ; elle n'estoit
pas d'un caractere à
deviner qu'on pu st aimer
sa soeur plus qu'elle. Je
n'ay point sceu par qui
elle fut detrompée ; mais
quoy qu'elle fust accablée
du coup, elle ne perdit
point certaine presence
d'esprit qu'ont les
femmes, & sur toutcelles
qui font un peu coquettes
; elle court chez
sa voisine pour tascher
de ratrapperson vray
Leandre, je ne sçay si
elle y reussira.
Le pere voyant sortir
Lucille du Chasteau,
crut qu'elle n'alloit chez
cettevoisine que pour
n' estre point tesmoin du
bonheur de sa soeur. On
ne songea qu'aux préparatifs
de la nôce, avant
laquelle le Negociant
vouloit faire voir beaucoup
d'effets qu'il avoit
dansson vaisseau, dont
le Capitaine commençoit
a s'impatienter, car
le vaisseau radoubé estoit
prest à repartir. CeCapitaine
estoit un homme
franc, le meilleur amy
du monde, & fort attachéauNégociant,
c'estoit
son compagnon de
voyage,il l'aimoit comme
un pere, cestoit son
conseil, & pour ainsidire
,
son tuteur, il attendoit
avec impatience des
nouvelles de fbn amy;
mais vous avezveuqtfé
l'amour la tropoccupé,
il ne se souvintduCapitaine
qu'en le voyantentrer
dans le Chasteau
,
il
courut l'embrasser, & ce
fut un signal naturel à
tous ceux du Chaftcau
pour luy faire unaccuëil
gracieux; il y fut receu
comme l'amy du gendre
de la maison
,
il receut
toutes ces gracieusetez
fort froidement, parce
qu'il estoit fortfroid dm,
fo11 naturel. On estoit
pour lors à table
, on fit
rapporter du vin pour
émouvoir le fang froid
du Capitaine,chacun luy
porta la santé de son jeune
amy, & 4e là maistrciïc
: a la sante de mon
gendre,disoit le pere ,
tope à mon beaupere
,
disoit
le Négociant : à tout
celaleCapitaine ouvroit
-
les yeux Se les oreilles,
estonné comme vous
pouvez vous l'imaginer
il avoit crcu trouver ron
amy malade
,
gesné &
mal à son 21fe-1 comme
on l'esten maison étrangère
avec des hostesqu'-
on incommode, & il le
trouve en joye
, en liberté
comme dans sa famille
,
ilne pouvoit rien
comprendre àcette avanture
,
c'estoit un misantrope
marin
y
homme
flegmatique, mais qui
prenoit aisément son party:
ilécoutatout,& après
avoir révé un moment il
rompit le silence par une
plaisanterie àik façon : à
la jante des nouveaux
Efoux
,
dit-il, & de bon
coeur,j'aime les mariages
de table moy y car ils se
font en un momentse
rompent de rnejine.
-Après plusieurs propos
pareils, il se fit expliquerserieusement
à
quoy en estoient les affaires
,& redoublantson
sang-froid il promit une
feste marine pour la nôce.
Ca mon cheramy.
dit-il au Negociant,
venez,m'aider à donnerpour
cela des ordres
dans mon vaisseau; w
lontiers,respondit l'amy, ,wf]îbienfaj quelque choie
aprendre dansmes coffres;
&jeveuxfaire voir
mespierreriesàmon beaupere.
Il y alla en effet
immédiatement après le
diincr, & le pere resta
au Chasteau avec Marianne
rianne, qui se voyant au
çomble de son bonheur,
nelaissoitpasdeplaindre
beaucoup Lucille.Trois
ou quatre heures de tems
sepasserent en converstions,&
Marianneimpatiente
de revoir son
Amant, trouva qu'il tardoittrop
à revenir; l'impatience
redoubloit de
moment en momentlorsque
quelqu'un par hafard
vint dire que leNegociant
avoit pris le large
avec le Capitaine,&que
le vaisseauestoit desja
bien avant en mer. On
fut long-temps sans pouvoir
croire un évenement
si peu vray -
semblable.
On courut sur la terrasse
d'où l'on vit encore de
fort loin le vaisseau qu'-
on perdit enfin de veuë,
il feroit difficile de rapporter
tous les differents
jugements qu'on fit là
dessus
,
personnene put
deviner la cause d'uir
départ si bijare, & si précipité;
jeneconseille pas
au lecteur de le fLati-guer la teste pour y réver, la
fin de l'histoire n'est pas
loin.
Après avoir fait pendant
plusieurs jours une
infinité de raisonnements
sur l'apparition de ce riche
&C passionné voyageur
, on l'oublia enfin
comme un fonge ; mais
les songes agreables font
quelquefois de fortes impressions
sur le coeur d'une
jeune personne, Mariannenepouvoit
oublier
ce tendre Amant
,
elle
merite bien que nous employions
un moment à
la plaindre, tout le monde
la plaignit, excepté
Lucille, qui ressentit une
joye maligne qui la dédommageoit
un peu de
ce qu'elleavoit perdu par
la faute:car on apprit que
son Leandre trouvant
l'occasion du vaisseau,
s'estoit embarqué avec le
Capitaine pour ne jamais
revenir, & le gentilhomme
voyant Marianne engagée
au Negociant, n'avoit
plus pensé à redemander
Lucille. Le pere
jugea à propos de renoüerl'affaire
avec Marianne
,
qui voulut bien
se sacrifier, parce que ce
mariage restablissoit urr
peu les affaires de son
pere qui n'estoientpasen
bon ordre, enun mot
on dressa le contract
,
&'.
l'on fit les préparatifs de
la nôce.
Ceux quis'interessent
un peu à Marianne ne seront
pas indifferentsau
recit de ce qui est arrivé
au Negociantdepuis
qu'on l'aperdu de veuë,
il avoit suivi le Capitaine
dans son vaisseau
,
où il
vouloit prendre quelques
papiers. Il l'avoit entretenu
en cheminduplaisirqu'il
avoit defairela
fortune d'une fille qui
meritoit d'estre aimée ,
enfin il arriva au vaisseau
où il fut long temps à deranger
tous ses coffres
JI'
pourmettre ensemble ses
papiers,&ensuite il voulut
retourner au Chasteau
: quelle surprise fut
la sienne
,
il vit que le
vaisseau s'esloignoit du
bord, ilfait un cry, court
au Capitaine qui estoit
debout sur son tillac, fumant
une pipe, d'un
grand fang froid: Hé,
tnon cher llmy ,
luy dit
nostre Amant allarmé,
ne voyez-vouspas que
nous avons demaré? je le
vois, bien , respond tranquillement
le Capitaine,
en continuantdefumer,
cejl doncparvostre ordre,
repritl'autre, ifnevous,
ay-je pas dit que je veux
ter?nmer ce mariage avantque
departir.Pourquoy
doncmejoueruntour
si cruel ? parce que jzfais:
vostre
votre ami, luy dit nôtre
fumeur.Ah! si njow êtes
mon ami, reprit leNegociant,
ne me defelpere7,,pas,
rtrnentz-moy dans l'ijle,je
vous en prie
,
je vous en
conjure.L'amant passionné
se jette à ses genoux,
se desole, verse même des
larmes: point de pitié, le
Capitaine acheve sa Pipe,
& le vaisseau va toûjours
son train.Le Négociant a
beau luy remontrer qu'il
a donné sa parole, qu'il y
va de son honneur & de
sa vie
,
l'ami inexorable
luy jure qu'il ne souffrira
point qu'avec un million
de bien il se marie, sans
avoir au moins quelque
temps pour y rêver.Il
faut,lui dit-il, promener
un peu cet amour-là sur
mer, pour voir s'il ne se
refroidira point quand il
aura passé la Ligne.
Cette promenade setermina
pourtant à Toulon
ou le Capitaine aborda
voyantle desespoir de son
ami, qui fut obligé de
chercher un autre vaisseau
pour le reporter aux
Ines d'Hyere, il ne s'en falut
rien qu'il n'y arrivât
trop tard, mais heureusement
pour Marianne elle
n'étoit encor mariée que
par la signature du Contrat,
& quelques milli ers
de Pistoles au Gentilhomme
rendirent le Contrat
nul. Toute 1Isle est encor
en joye du mariage de ce
Negociant & de Marianne,
qui étoit aimée & respectée
de tout le Pays.
LI Ce Mariage a et' c lebré
magn siquement sur 1A
fin du mois de Septembre
dernier, & j'nai reçû ces
Memoires par un parent ail
Capitaine.
Fermer
Résumé : HISTOIRE toute veritable.
Le texte décrit une scène dans les Isles d'Hières, où deux sœurs, Lucille et Marianne, se promènent dans une allée d'orangers. Lucille, l'aînée, est belle et admirée, mais triste car son père souhaite la marier à un gentilhomme voisin. Marianne, enjouée, taquine Lucille qui attend le retour de son amant, Leandre. Lucille rêve de Leandre et avoue son amour pour lui, motivé par ses richesses et sa qualité. Marianne obtient de leur père qu'il marie d'abord Marianne, permettant ainsi à Lucille d'attendre Leandre. Quelques jours passent sans nouvelles de Leandre. Un vaisseau accoste près du château après une tempête. Lucille court avertir Leandre, mais découvre qu'un valet demande de l'aide pour son maître, blessé. Marianne, séduite par l'apparence du jeune homme, s'occupe de lui avec zèle. Lors du souper, l'inconnu se révèle être un jeune négociant riche, mais ce n'est pas Leandre. Lucille est triste, tandis que Marianne reste silencieuse, troublée par ses sentiments. Le père, ignorant des tensions, est content de la situation. Marianne, amoureuse du négociant, évite de le regarder pour se punir de son plaisir. Une méprise survient lorsque le père annonce au négociant qu'il souhaite l'épouser. Lucille accepte la situation et se prépare à recevoir le négociant, mais celui-ci, confus, quitte la chambre sans rien dire. Lucille retrouve Leandre chez une voisine. Le négociant, accompagné du capitaine de son vaisseau, révèle qu'il doit repartir aux Indes. Cependant, ils prennent la mer sans prévenir, laissant les sœurs et le père perplexes. Marianne accepte de se marier avec le négociant pour rétablir les affaires de son père. Le mariage est célébré magnifiquement à la fin du mois de septembre. Le négociant, souhaitant annuler son mariage, supplie son ami capitaine de le ramener à l'île. Le capitaine reste inflexible, insistant pour que le négociant réfléchisse à son amour pendant le voyage. Le contrat de mariage est annulé grâce à une somme d'argent versée au gentilhomme. Le mariage entre le négociant et Marianne est finalement célébré.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
9
p. 187-191
Parodie de l'Enigme du mois passé, le Vers de la Poësie.
Début :
Le Vers, selon la rime, est ou mâle, ou femelle, [...]
Mots clefs :
Vers, Rime, Fruits, Pieds, Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Parodie de l'Enigme du mois passé, le Vers de la Poësie.
Article des Enigmes.
Parodie de l'Enigme du
mois passé, le Vers de
laPoëjîe.
L E Vers, selon larime;
est ou mâle, oufemelle,
Quiseseparent rarement,
Et pensent peu differemmtnt,
Tant l'un est pour l'autre
fidelle.
Selon leterroiroùjesuis,
Dit le Vers, jeproduis,
de bons oumauvais
fruits:
-
'Tantôt,tendre &galant,
&quelquefoitbarbare,
Jechemined'unpasinégal
, & bizarre,
^Tantôt triste &chagrin,
tantôt joyeux,plaifant,
Tantôtfaisant éloge,&
tantôt médisant.
Quand je suis serieux ,
quandj'ai dela trijr -
,
r tesie
sifors mon corps plusentendu
Sur plus de piedsest rè~
panai*:
Maisloin d'augmenter
mavtttfie,
je n'en vais que plus gravement.
Quandje suis gai,quand
j'ai de l'enjoûment,
Alors moncorps& ma
'- figure
Sontuneftrucr
ture,
Et ne marchentqu'à petit train. fers,dansïamoureufc.
peine
Lesfoins dutendre amour3,,. ledépit&lahaine>
Jt mords,je
pique,& répands du venin,
.,
Dont le poison a tant, de
violence,
Qu'il revient vivement
sur celui quile lance.
he buveurtransportédes
douceursde Baccus,
Vient chanter avec moy
la douceur de sonjus.
Cejlmoy qui fous laloy
,
de cette rime obscure
Te viens,cacher ici cette
sombre peinture.
C'est chercher trop longtemps, leffeur trop
curieux
,
QHOJ tu ne me vois pas ?
-
jefuis devanttes
yeux..
Parodie de l'Enigme du
mois passé, le Vers de
laPoëjîe.
L E Vers, selon larime;
est ou mâle, oufemelle,
Quiseseparent rarement,
Et pensent peu differemmtnt,
Tant l'un est pour l'autre
fidelle.
Selon leterroiroùjesuis,
Dit le Vers, jeproduis,
de bons oumauvais
fruits:
-
'Tantôt,tendre &galant,
&quelquefoitbarbare,
Jechemined'unpasinégal
, & bizarre,
^Tantôt triste &chagrin,
tantôt joyeux,plaifant,
Tantôtfaisant éloge,&
tantôt médisant.
Quand je suis serieux ,
quandj'ai dela trijr -
,
r tesie
sifors mon corps plusentendu
Sur plus de piedsest rè~
panai*:
Maisloin d'augmenter
mavtttfie,
je n'en vais que plus gravement.
Quandje suis gai,quand
j'ai de l'enjoûment,
Alors moncorps& ma
'- figure
Sontuneftrucr
ture,
Et ne marchentqu'à petit train. fers,dansïamoureufc.
peine
Lesfoins dutendre amour3,,. ledépit&lahaine>
Jt mords,je
pique,& répands du venin,
.,
Dont le poison a tant, de
violence,
Qu'il revient vivement
sur celui quile lance.
he buveurtransportédes
douceursde Baccus,
Vient chanter avec moy
la douceur de sonjus.
Cejlmoy qui fous laloy
,
de cette rime obscure
Te viens,cacher ici cette
sombre peinture.
C'est chercher trop longtemps, leffeur trop
curieux
,
QHOJ tu ne me vois pas ?
-
jefuis devanttes
yeux..
Fermer
Résumé : Parodie de l'Enigme du mois passé, le Vers de la Poësie.
Le texte 'Le Vers de la Poëjîe' est une parodie qui explore les caractéristiques du vers en poésie. Il distingue deux types de vers : mâle et femelle, qui se ressemblent beaucoup. Le vers affirme que sa qualité dépend de son terroir, produisant des fruits bons ou mauvais. Son comportement est variable : il peut être tendre et galant, barbare, triste, ou joyeux et plaisant. Sa forme change selon son état : sérieux ou gai. Lorsqu'il est sérieux, il s'étend sur plus de pieds, mais cela n'augmente pas sa valeur. Lorsqu'il est gai, il avance lentement. Le vers peut également mordre, piquer et répandre du venin, dont le poison revient sur celui qui le lance. Il accompagne le buveur sous l'influence de Bacchus. Le texte se conclut par une énigme : 'C'est chercher trop longtemps, le lecteur trop curieux, que tu ne me vois pas ? - je suis devant tes yeux.'
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
10
p. 10-14
Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Début :
Il m'a paru que la suite d'une histoire interrompüe [...]
Mots clefs :
Digressions, Histoire, Palais, Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Il m'a paru que la
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
titude.
fuite d'une histoire interrompuë
par des defcriptions
de palais, de
villes & de campagnes ,
refroidiſſoit l'attention
du lecteur, dont naturellement
l'esprit n'a pour
objet que le dénoûment
de l'intrigue qu'on lui raconte.
Si quelqu'un doute
de l'effet dégoûtant de
ces digreffions ,je lui confeillede
prendre la peine
ou le plaisir de lire
GALANT. 11
i
Clelie, Polexandre, Cyrus,&
vingt autresRo.
mans semblables , où il
verra ſouvent, àlasuite
d'un combat àoutrance ,
ou du raviſſement d'une
belle Princeße ,la Princeffe&
leChevalierfaire
un inventaire des
meubles & des tableaux
admirables dont étoient
ornezles Palais de leurs
ayeux. Pourmoy , je ne
Sçaifi c'estfaute de goût
pour l'architecture , que
1
12 MERCURE
lorſque j'ai rencontré
quelques-uns de ces édi
fices superbes je les ai
toûjours fautez , pour
me remettre plûtôt à
l'histoire , & j'ai pense
que les lecteurs qui trouveroient
de pareilles
descriptions dans mon
Mercare , pourroient
bienfauter tout mon liure.
Il y a cependant
des circonstances dont le
détail , neceſſaire à l'in
telligence de l'histoire
GALANT .
Erablit pour les acteurs
des fituations interesfantes
s'il nefaut ni les
negligers nitrop les éten
- Pour ne rien laiffer à
desirer au lecteur qui
veut s'inſtruire , j'ai crû
ne pouvoir mieux faire
que de marquer d'un
chiffre tous les endroits
dont je ne pourrai tui
faire la peinturefansin
terrompre le fil de ma
narration ,& de to rom
14 MERCURE
voyer , par le moyen de
ces chiffres , à lafin de
Chiſtoire, où il trouvera
tout ce qui manquoit à
Sacuriosité. J'aurai tous
les mois la même еxас-
titude.
Fermer
Résumé : Réflexions sur l'Histoire [titre d'après la table]
Le texte examine les effets négatifs des descriptions détaillées de palais, villes et campagnes sur l'attention du lecteur dans une histoire. Ces digressions interrompent le récit et détournent l'esprit du lecteur du dénouement de l'intrigue. Pour illustrer ce point, l'auteur cite des romans comme 'Clelie', 'Polexandre', 'Cyrus' et d'autres, où des descriptions superflues apparaissent souvent après des moments clés de l'intrigue. L'auteur avoue avoir sauté ces descriptions dans ces ouvrages et craint que les lecteurs fassent de même avec son propre travail, le 'Mercure'. Cependant, il reconnaît l'importance de certains détails nécessaires à la compréhension de l'histoire. Il propose de marquer d'un chiffre les passages descriptifs pour permettre au lecteur de les consulter à la fin du récit sans interrompre la narration. Cette méthode sera appliquée mensuellement avec exactitude.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
11
p. 563-567
L'esprit des conversations agréables, &c. [titre d'après la table]
Début :
M. de Pitaval vient de nous donner encore un Livre [...]
Mots clefs :
Conversations agréables, Pensées choisies, Anecdotes, Historiettes , Critiques, Poésie, Histoire, Variété, Lecteur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'esprit des conversations agréables, &c. [titre d'après la table]
M.de Pitaval vient de nous donner encore un Livre
nouveau , sous le titre d'Esprit des conversations
agréables, ou nouveau Mélange de Pensées
choisies , en Vers et en Prose , sérieuses et enjouées
, et de plusieurs traits d'Histoires curieux
et interressans , d'Anecdotes singulieres , d'Historiettes
instructives , et de Remarques critiques
sur plusieurs Ouvrages d'esprit. Ouvrage en 3
volumes in 12. Il se vend au Palais , chez le
Gras , dans la Grande Salle , au troisiéme Pilliër
; et dans la rue S. Jacques , chez la veuve
Delaulne , vis- à- vis la ruë des Noyers ; et Cavelier
, proche la Fontaine S. Severin .
"
Rien n'est plus séduisant que le titre ; on ne
peut pas disputer à M. de Pitaval l'art de donner
à ses Onvrages des titres spécieux . Un Censeur
qui sera malin et qui lira dans le dessein de rabaisser
le Livre et son Auteur , sera disposé à
trouver le Frontispice du Livre plus beau que le
Livre. Cependant on ne peut pas nier qu'il n'y
ait dans ces trois Volumes un choix assez heureux
de bonnes choses . Ce qui distingue cet
Ouvrage des autres Livres de ce gehre que l'Auteur
a donnez au public , c'est qu'il y a fait entrer
plusieurs beaux morceaux de l'Histoire qui
font
presque la moitié de l'Ouvrage . Comme il
aime la Poësie , il a fait un choix de plusieurs
Giiij Vers
564 MERCURE DE FRANCE
Vers , qui aident à former cette grande variété
qui regne dans son Livre.
On voit dans le 1 tome des Poësies choisies de
l'Abbé Regnier Desmarais . Ce Poëte n'a pas toujours
été égal. M. de Pitaval nous fait part des
Vers les plus gracieux de cet Abbé, Académicien.
On doit lui être obligé de nous sauver la peine de
les démêler dans les Ouvrages de ce Poëte. Il
nous présente aussi un choix de Vers qu'il a fait
du sieur Roubin , celebre par un Placet qu'il presenta
au Roy , au sujet de la taxe d'une Isle qu'il
possedoit ; on ne connoissoit ce Poëte que par
ce Placet . Plusieurs Vers de Sanlec servent aussi
à diversifier ce Volume. Il rapporte plusieurs
Fables , qu'il dit avoir une teinture de celles de la
Fontaine. Elles ne sont pas connues , on en jugera.
Il y a une petite historiette , sans doute , de
la façon de M. de Pitaval. Elle est singuliere,
C'est une Dame qui raconte ses foiblesses à une
de ses amies. Elle represente une aventure où elle
se trouva au bord du précipice , elle n'y tomba
pourtant point. L'Auteur a fait de grands efforts
pour dépeindre cette situation ; il a voulu la bien
exprimer , en se refusant pourtant à des images
dangereuses. J'ai remarqué qu'il a tâché dans le
morceau d'Histoire qu'il a rapporté , d'y mettre
les du stile ,
graces
la surprise que Chaïs voulut
faire à Xenocrate ; les deux avantures de Stratonice
en fourniront la preuve. Au reste il rentre
zoujours dans son dessein de rapporter plusieurs
bons mots , plusieurs traits vifs. Voilà ce que j'ai
observé en lisant le premier volume.
J'oublie la Préface , par où je devois commencer
; il y fait l'histoire de ses Ouvrages et de ses
critiques. Il donne des coups de dents à ses Censeurs.
Il regne dans ce Prélude un badinage qui
garantira le Lecteur de l'ennui attaché aux Préfaces.
MARS.
1731. 565
A la tête du second tome il y a des traits d'his
toire qui finissent par plusieurs applications heu
reuses de Vers de Virgile. Ce second volume ,
ainsi que le premier , est varié par des traits
d'histoire choisies et par diverses Poësies. On y
voit le portrait d'un Sçavant ridicule , qui est
assez réjouissant . M. de Pitaval a travaillé ce
Portrait d'histoire , ou plutôt le Roman de la
Comtesse de Châteaubriant , qui est de sa façon,
orne ce second volume. Il a fait un Parallèle de
l'Héroïque de Virgile, traduit par M. de Segrais ,
avec le Burlesque de Scarron . Cela forme un contraste
assez plaisant . On trouvera encore dans ce
volume une ou deux historiettes, qu'on soupçonera
facilement être sorties de la plume de M. de Pitaval.
Il n'a rien oublié pour mettre dans son
Livre une grande variété ; si l'uniformité est la
mere de l'ennui , la variété doit être la mere du
plaisir . Ainsi on peut dire que M. de Pitaval a
voulu s'attacher uniquement à la voie de plaire à
son Lecteur.
Le troisiéme Tome est assez dans le goût du
second ; on y voit plusieurs traits d'Histoire
mêlez de Poesies. Il y a une Historiete qui
est sans doute de lui ; elle pourra avoir des Censeurs
qui soutiendront qu'elle pêche contre la
vrai- semblance. On trouve dans ce Volume une
Critique de l'Amour Métaphisique de Madame
de L ***. Il paroît que M.de Pitaval estime beaucoup
cette Dame qu'il critique . On trouvera encore
dans ce volume un Parallele de deux Poëtes ,
dont l'un ne remerciera pas M de Pitaval. Chaque
Volume est terminé par des Vers de l'Auteur.
C'est une transition Poëtique du premier au second,
du second au troisième , qui finit par 1112
adieu en Vers, Ces Volumes , à tous égards ,
GY On
566
MERCURE
DE FRANCE
ont plus droit de plaire au Lecteur que ceux que
l'Auteur a déja donnez dans ce genre.
Pierre Humbert , Libraire à Amsterdam , a
imprimé et débite l'Histoire de la Guerre des
Hussites et du Concile de Bâle , Enrichie de Portraits
et de Vignettes à la tête de chaqué Livre,
qui en representent les principaux Evenemens ;
par M. Lenfant. 2 Vol. in 4. Il débite aussi les
Histoires des Conciles de Pise et de Constance
du même Auteur, 4 vol. in 4.enrichis de 38 Por◄.
traits Il vendra ces Ouvrages , avec et sans
Portraits, à ceux qui voudront les avoir.Ayant
appris qu'on lui contrefaisoit actuellement à Paris
, l'Histoire du Concile de Bâle , dont on retranchoit
les Vignettes , et peut- être bien autre
chose. Il avertit le Public qu'à quel prix qu'on
donne cette Edition contrefaite , il donnera la
sienne à beaucoup meilleur marché, et en feræ
de même de tous les Livres qu'on lui contreferd.
/ J F. Bernard , travaille à donner une nouvelle
Edition des Oeuvres de Rabelais , enrichie et
augmentée de nouvelles notes , avec les figures de
Picart , en 3 vol in 4 , et 6 in 8. aussi propre et
aussi belle qu'il soit possible. Il en publiera dans
peu le Projet, et donnera dans 4 mois les Imaget
des Héros et des Grands Hommes de l'antiquité
, dessinées et gravées par Picar: ; et à la
la fin de l'année , le tome 5. des Ceremonies Religieuses
, &c. contenant les Grecs , les Lutheriens
les Anglicans et les Calvinistes ; tous
dessinés par Picart . Il avertit ainsi qu'il ne lui
reste encore que quelques Exemplaires des 4 premiers
vol . en grand Papier, figures choisies et du
premier tirage. On trouve aussi chez ledit Bernard,
MARS. 1731 .
567
mard les cent Nouvelles , nouvelles , en 2 vol.8.
avec les fig. dessinées par
nouveau , sous le titre d'Esprit des conversations
agréables, ou nouveau Mélange de Pensées
choisies , en Vers et en Prose , sérieuses et enjouées
, et de plusieurs traits d'Histoires curieux
et interressans , d'Anecdotes singulieres , d'Historiettes
instructives , et de Remarques critiques
sur plusieurs Ouvrages d'esprit. Ouvrage en 3
volumes in 12. Il se vend au Palais , chez le
Gras , dans la Grande Salle , au troisiéme Pilliër
; et dans la rue S. Jacques , chez la veuve
Delaulne , vis- à- vis la ruë des Noyers ; et Cavelier
, proche la Fontaine S. Severin .
"
Rien n'est plus séduisant que le titre ; on ne
peut pas disputer à M. de Pitaval l'art de donner
à ses Onvrages des titres spécieux . Un Censeur
qui sera malin et qui lira dans le dessein de rabaisser
le Livre et son Auteur , sera disposé à
trouver le Frontispice du Livre plus beau que le
Livre. Cependant on ne peut pas nier qu'il n'y
ait dans ces trois Volumes un choix assez heureux
de bonnes choses . Ce qui distingue cet
Ouvrage des autres Livres de ce gehre que l'Auteur
a donnez au public , c'est qu'il y a fait entrer
plusieurs beaux morceaux de l'Histoire qui
font
presque la moitié de l'Ouvrage . Comme il
aime la Poësie , il a fait un choix de plusieurs
Giiij Vers
564 MERCURE DE FRANCE
Vers , qui aident à former cette grande variété
qui regne dans son Livre.
On voit dans le 1 tome des Poësies choisies de
l'Abbé Regnier Desmarais . Ce Poëte n'a pas toujours
été égal. M. de Pitaval nous fait part des
Vers les plus gracieux de cet Abbé, Académicien.
On doit lui être obligé de nous sauver la peine de
les démêler dans les Ouvrages de ce Poëte. Il
nous présente aussi un choix de Vers qu'il a fait
du sieur Roubin , celebre par un Placet qu'il presenta
au Roy , au sujet de la taxe d'une Isle qu'il
possedoit ; on ne connoissoit ce Poëte que par
ce Placet . Plusieurs Vers de Sanlec servent aussi
à diversifier ce Volume. Il rapporte plusieurs
Fables , qu'il dit avoir une teinture de celles de la
Fontaine. Elles ne sont pas connues , on en jugera.
Il y a une petite historiette , sans doute , de
la façon de M. de Pitaval. Elle est singuliere,
C'est une Dame qui raconte ses foiblesses à une
de ses amies. Elle represente une aventure où elle
se trouva au bord du précipice , elle n'y tomba
pourtant point. L'Auteur a fait de grands efforts
pour dépeindre cette situation ; il a voulu la bien
exprimer , en se refusant pourtant à des images
dangereuses. J'ai remarqué qu'il a tâché dans le
morceau d'Histoire qu'il a rapporté , d'y mettre
les du stile ,
graces
la surprise que Chaïs voulut
faire à Xenocrate ; les deux avantures de Stratonice
en fourniront la preuve. Au reste il rentre
zoujours dans son dessein de rapporter plusieurs
bons mots , plusieurs traits vifs. Voilà ce que j'ai
observé en lisant le premier volume.
J'oublie la Préface , par où je devois commencer
; il y fait l'histoire de ses Ouvrages et de ses
critiques. Il donne des coups de dents à ses Censeurs.
Il regne dans ce Prélude un badinage qui
garantira le Lecteur de l'ennui attaché aux Préfaces.
MARS.
1731. 565
A la tête du second tome il y a des traits d'his
toire qui finissent par plusieurs applications heu
reuses de Vers de Virgile. Ce second volume ,
ainsi que le premier , est varié par des traits
d'histoire choisies et par diverses Poësies. On y
voit le portrait d'un Sçavant ridicule , qui est
assez réjouissant . M. de Pitaval a travaillé ce
Portrait d'histoire , ou plutôt le Roman de la
Comtesse de Châteaubriant , qui est de sa façon,
orne ce second volume. Il a fait un Parallèle de
l'Héroïque de Virgile, traduit par M. de Segrais ,
avec le Burlesque de Scarron . Cela forme un contraste
assez plaisant . On trouvera encore dans ce
volume une ou deux historiettes, qu'on soupçonera
facilement être sorties de la plume de M. de Pitaval.
Il n'a rien oublié pour mettre dans son
Livre une grande variété ; si l'uniformité est la
mere de l'ennui , la variété doit être la mere du
plaisir . Ainsi on peut dire que M. de Pitaval a
voulu s'attacher uniquement à la voie de plaire à
son Lecteur.
Le troisiéme Tome est assez dans le goût du
second ; on y voit plusieurs traits d'Histoire
mêlez de Poesies. Il y a une Historiete qui
est sans doute de lui ; elle pourra avoir des Censeurs
qui soutiendront qu'elle pêche contre la
vrai- semblance. On trouve dans ce Volume une
Critique de l'Amour Métaphisique de Madame
de L ***. Il paroît que M.de Pitaval estime beaucoup
cette Dame qu'il critique . On trouvera encore
dans ce volume un Parallele de deux Poëtes ,
dont l'un ne remerciera pas M de Pitaval. Chaque
Volume est terminé par des Vers de l'Auteur.
C'est une transition Poëtique du premier au second,
du second au troisième , qui finit par 1112
adieu en Vers, Ces Volumes , à tous égards ,
GY On
566
MERCURE
DE FRANCE
ont plus droit de plaire au Lecteur que ceux que
l'Auteur a déja donnez dans ce genre.
Pierre Humbert , Libraire à Amsterdam , a
imprimé et débite l'Histoire de la Guerre des
Hussites et du Concile de Bâle , Enrichie de Portraits
et de Vignettes à la tête de chaqué Livre,
qui en representent les principaux Evenemens ;
par M. Lenfant. 2 Vol. in 4. Il débite aussi les
Histoires des Conciles de Pise et de Constance
du même Auteur, 4 vol. in 4.enrichis de 38 Por◄.
traits Il vendra ces Ouvrages , avec et sans
Portraits, à ceux qui voudront les avoir.Ayant
appris qu'on lui contrefaisoit actuellement à Paris
, l'Histoire du Concile de Bâle , dont on retranchoit
les Vignettes , et peut- être bien autre
chose. Il avertit le Public qu'à quel prix qu'on
donne cette Edition contrefaite , il donnera la
sienne à beaucoup meilleur marché, et en feræ
de même de tous les Livres qu'on lui contreferd.
/ J F. Bernard , travaille à donner une nouvelle
Edition des Oeuvres de Rabelais , enrichie et
augmentée de nouvelles notes , avec les figures de
Picart , en 3 vol in 4 , et 6 in 8. aussi propre et
aussi belle qu'il soit possible. Il en publiera dans
peu le Projet, et donnera dans 4 mois les Imaget
des Héros et des Grands Hommes de l'antiquité
, dessinées et gravées par Picar: ; et à la
la fin de l'année , le tome 5. des Ceremonies Religieuses
, &c. contenant les Grecs , les Lutheriens
les Anglicans et les Calvinistes ; tous
dessinés par Picart . Il avertit ainsi qu'il ne lui
reste encore que quelques Exemplaires des 4 premiers
vol . en grand Papier, figures choisies et du
premier tirage. On trouve aussi chez ledit Bernard,
MARS. 1731 .
567
mard les cent Nouvelles , nouvelles , en 2 vol.8.
avec les fig. dessinées par
Fermer
Résumé : L'esprit des conversations agréables, &c. [titre d'après la table]
M. de Pitaval a publié un nouvel ouvrage intitulé 'Esprit des conversations agréables, ou nouveau Mélange de Pensées choisies, en Vers et en Prose, sérieuses et enjouées, et de plusieurs traits d'Histoires curieux et intéressants, d'Anecdotes singulières, d'Historiettes instructives, et de Remarques critiques sur plusieurs Ouvrages d'esprit'. Cet ouvrage, en trois volumes, est disponible au Palais chez le Gras et dans la rue Saint-Jacques chez la veuve Delaulne et Cavelier. Le livre est apprécié pour son titre attrayant et son contenu varié, incluant des morceaux d'histoire, des poèmes et des anecdotes. Le premier volume contient des poèmes choisis de l'Abbé Regnier Desmarais, du sieur Roubin et de Sanlec, ainsi que des fables et une historiette originale de M. de Pitaval. La préface de l'ouvrage traite de l'histoire de ses œuvres et de ses critiques, avec un ton badin. Le second volume présente des traits d'histoire, des poèmes et des portraits, comme celui d'un savant ridicule. Il inclut également des parallèles entre des œuvres littéraires et des historiettes probablement écrites par M. de Pitaval. Le troisième volume suit le même style, avec des traits d'histoire, des poèmes et une critique de l'Amour Métaphysique de Madame de L***. Chaque volume se termine par des vers de l'auteur. Par ailleurs, Pierre Humbert, libraire à Amsterdam, a imprimé et vendu des ouvrages historiques enrichis de portraits et de vignettes, tels que l'Histoire de la Guerre des Hussites et du Concile de Bâle. J.F. Bernard prépare une nouvelle édition des Œuvres de Rabelais, enrichie de nouvelles notes et de figures de Picart, ainsi que des ouvrages sur les cérémonies religieuses et les grands hommes de l'antiquité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 426-431
RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Début :
Je voudrois, MADAME, pouvoir me dispenser de répondre aux raisons [...]
Mots clefs :
Emilie, Lecteur, Règles, Amour, Sentiments, Héroïne, Caractère, Histoire d'Émilie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
REPONSE à Madame MEHEULT
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
Auteur de l'Histoire d'Emilie , on
des Amours de Mule de...
J
E voudrois , MADAME , pouvoir
me dispenser de répondre aux raisons
que vous venez d'alléguer pour la deffence
d'Emilie. Outre que j'ai quelque confusjon
de combattre les sentimens d'une
Dame dont j'honore et respecte infiniment
le mérite , je sens bien que c'est
mal reconnoître la confiance que vous
avez euë pour moi ; j'aurois sans doute
sacrifié à ces considérations la vanité que
l'on peut gouter , en soûtenant ses sentimens
contre un adversaire tel que
vous , si de pressantes sollicitations ne
m'avoient pas , pour ainsi dire , forcé à
répli
MARS. 1733 . 427
répliquer ; quoiqu'il en soit , si je rentre
dans la carriere , si j'ose faire quelques
nouvelles observations , ce sera toujours
avec ces égards que l'émulation et que
les Regles de la politesse nous prescrivent.
Dès que l'on est infortuné que l'amour
d'Emilie, n'est qu'une feinte , l'esprit n'a
plus rien qui l'occupe . Voilà l'objection ;
mais vous avez négligé d'y répondre ;
on convient avec les Maitres de l'Art, que
vos Entretiens sont beaux ; s'ils sont ennu
yeux,c'est parce qu'il n'y a plus d'interêt,
et qu'ils ne concourent à rien. Vous conviendrez
que les plus grandes beautez ne
font plus d'effet , dès le moment qu'elles
sont déplacées . Les Allarmes , dites- vous,
sont le partage des Amans , il est vrai. La
crainte de l'infidélité , le moindre éloignement
de l'objet que l'on aime; les dangers
ausquels on est exposé dans le cours
de la Vie , sont pour eux des sources intarissables
de craintes et d'allarmes . Celles
que l'on reproche à Emilie ne sont pas de
cette nature ; elle craint, sans cesse , que
sa mere ne veuille pas l'unir à son cher
Comte. Mais cette appréhension est- elle
fondée ? Au contraire, il semble que tout
conspire à son bonheur ; l'union intime
des deux familles ; la naissance de l'une ,
les
$28 MERCURE DE FRANCE
}
les grands biens de l'autre , sont des rai
sons qui doivent lever tous ses doutes.
On vous reproche aussi d'avoir fait
mourir trop de personnes sans utilité
pour votre sujet. Ce raisonnement , ditesvous
, est si frivole qu'il ne merite pas la peine
d'être rélévé. Je m'en tiendrai, si vous le
souhaittez , à cette décision . Mais est- elle
sans replique ? Pour rendre les évenemens
vrai-semblables , ajoutez -vous , il faut puiser
dans les sentimens et chercher des incidens
ordinaires. Rien ne l'est plus que la morts
la douleur que nous cause un si triste moment
nous touche , nous émeut , et nous fait répandre
des larmes.Cela est incontestable .Aussi
dans une Tragédie rien n'est plus tou
chant , rien n'est si pathetique qu'une
belle reconnoissance , qu'une déclaration
d'amour , et que le récit d'une mort héroïque
et courageuse ; cependant si ces
mêmes beautez se trouvoient sept ou huit
fois dans la même Piéce , au lieu de toucher
et de plaire , elles ennuyeroient et
rebuteroient le Lecteur ; l'esprit , ainsi
que nos sens , rejette une trop grande
uniformité ; il faut émouvoir , mais diver
sement ; vous me direz peut être , que
cela est bon dans un Poëme Dragmatioù
l'action est de peu de durée ; ne
Vous y trompez pas , Madame , les Regles
que ,
MAR S. 17337 429
gles sont à peu près les mêmes dans le
Roman , et dans une pièce de Théatre; du
moins leur but est égal , et le Lecteur ne
met guere de différence entre une Tragedie
et une Histoiriette qui n'occupe qu'un
volume .
Si l'on vous condamne d'avoir rapporté
les exemples de Julie , de Messaline et
de Marguerite de Valois . Il faut , ditesvous
, proscrire les Livres qui sont entre les
mains de tout le monde ; sans vouloir icy
trancher du critique , je crois qu'on peut
hardiment avancer qu'il y a beaucoup de
Livres non-seulement inutiles , mais mê
me très- dangereux ; enfin pour exprimer
cette pensée en deux mots , je dirai seulement
qu'il est toujours d'une dangereuse
conséquence de donner l'idée du vice
à la jeunesse ; qu'il est à craindre qu'elle
n'envisage pas tant l'infamie qui suit le
crime , que l'appas du vain plaisir qui l'y
entraîne ; en un mot , point d'ignorance
avec le vice .
Vous auriez mal soutenu le caractere de
votre Héroïne , en lui faisant refuser M. de
S. Hilaire , pour Punique motif qu'elle ne
se croioit plus digne de lui.
Enfin pour la premiere fois vous vous
exprimez dans les termes de l'Art ; vous
deviez bien , suivant ces mêmes princi-.
pes
430 MERCURE DE FRANCE
pes , répondre aux objections qui vous
ont été faites , d'avoir laissé le lecteur si
long-temps en suspens ', lorsqu'Emilie a
déclaré que son amour étoit simulé ;
pourquoi les Amours du Comte et d'Emilie
viennent trop subitement; et quelle
nécessité il y avoit à faire périr tant de
personnes ; mais vous l'avez négligé, vous
avez éludé , par des raisonnemens vagues
, des accusations réclles , de sorte
que la plupart de vos repliques ne tom
bent pas même sur l'imputation . Revenons
à notre examen,
Vous avez voulu soutenir le caractere
de votre Héroïne en lui faisant conserver
toute sa fierté ; ou, je me trompe , ou
l'intervale est bien court depuis son refus
jusqu'au temps de sa retraite ; cependant
on ne voit pas que cette résolution d'entrer
dans un Convent , soit la démarche
d'une Coquette des plus étourdies, done
elle est devenue bien- tôt raisonnable ;
d'ailleurs , il faut sçavoir quelquefois sor-.
tir des Regles , sur tout lorsque cela sert
à rendre une circonstance moins désagréable.
Voilà , Madame , ce que j'ai cru neces-.
saire d'expliquer pour soûtenir ce que
j'avois avancé, et pour satisfaire le Public; ›
au reste , on ne sçauroit nier que votre
Lettre
M A R⚫S, 1733. 43 %
Lettre ne soit bien écrite , et qu'elle ne
confirme bien dans les esprits , la haute
opinion qu'on a de vos heureux talens ;
pour moi , si je me sçai quelque gré d'avoir
écrit ma Lettre , ce n'est pas tant le
succès qu'elle a eu , qui me flatte , que le
bonheur d'avoir occasionné une réponse
qui m'est si honorable , et dont je ne perdrai
jamais le souvenir , non plus que
l'occasion de vous prouver le dévoliment
respectueux avec lequel je suis , Madame,
votre , &c.
C ***
Fermer
Résumé : RÉPONSE à Madame MEHEULT, Auteur de l'Histoire d'Emilie, ou des Amours de Mlle de...
Le texte est une réponse à Madame Meheult, autrice de l'Histoire d'Émilie. L'auteur commence par exprimer sa réticence à répondre aux arguments de Madame Meheult, par respect pour son mérite et sa confiance. Cependant, il se sent obligé de répliquer en raison de pressantes sollicitations. Il souligne que les objections à l'histoire d'Émilie sont fondées sur l'absence d'intérêt et la déplacation des beautés littéraires. L'auteur critique également la mort de plusieurs personnages sans utilité pour le sujet et l'excès de scènes similaires, qui peuvent ennuyer le lecteur. Il mentionne aussi la dangerosité de donner des exemples de vice à la jeunesse. L'auteur reproche à Madame Meheult de ne pas avoir répondu aux objections sur la simulation de l'amour d'Émilie et la nécessité de la mort de certains personnages. Enfin, il reconnaît la qualité de la lettre de Madame Meheult et exprime son respect et sa gratitude pour sa réponse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 69-93
LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
Début :
Vous ne sçaviez probablement pas Monsieur, que la premiere Enigme du [...]
Mots clefs :
Mot, Lettres, Indiquer, Corps, Combinaisons, Transpositions, Lecteur, Musique, Divisions, Énigmes, Logogriphes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
réputées les mem→
bres de ce corps : comme dans cet ancien
Logogryphe Latin , dont le mot
eft mufcatum ; & où par la diffection
du mot , on trouve mus
muftum.
mufca &
Sume caput mus ) , curram : ventrem ( ca ) conjunge
, volabo. ( mufca )
Addepedes ( tum ) , comedes , ( muſcatum ) ;
& fine ventre ( ca ) , bibes. ( muftum ).
Le premier Logogryphe François qui
ait paru dans les Mercures , fe trouve à
la fin du 2 volume de Décembre 1727 .
Il est bien fait , & le Mercure du mois
de Février 1728 , pag. 310 , lui donne
pour auteur le Marquis de la Guefnerie
en Anjou. Cependant au mois de Juillet
fuivant, M. le Clouftier d'Andely p. 1612.
prétendit que les deux premiers qui
avoient paru dans le Mercure , & qu'il
ne cite ni n'indique , font de lui.
Mais il s'en faut bien que ces premiers
Logogryphes , introduits dans les MerAVRIL.
1763. 83'
cures de France il y a environ 35 ans ,
foient les plus anciens dans notre Langue.
J'en connois un du célébre Dufrefni
qui doit avoir au moins 50 ou 60
ans. Je ne fçais s'il fut imprimé en fon
temps dans le Mercure galant : encore
moins s'il eft le doyen des Logogryphes
François ; mais au befoin , il pourroit
leur fervir de modéle. Le voici . Le
mot eft Orange.
Sans ufer de pouvoir magique ,
Mon corps entier en France ( Orange ) a deux
tiers en Afrique. ( Oran ) .
Ma tête ( Or ) n'a jamais rien entrepris en vain ;
Sans elle , en moi tout eft divin . ( Ange )
Je fuis affez propre au ruftique , ( Orge )
Quand on me veut ôter le coeur ( An )
Qu'a vu plus d'une fois renaître le Lecteur,
Mon nom bouleverfé , dangereux voisinage ,
Au Gafcon imprudent peut caufer le naufrage.
( Garone. )
D'après ce Logogryphe & quelques
autres qui ont été goûtés , on en peut
établir les régles. La plupart de celles
de l'énigme lui font communes avec le
Logogryphe , mais le Logogryphe en
a de particulières que voici.
Préfenter d'abord une énigme fort
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
courte fur le mot entier du Logogryphe.
Je dis fort courte , parce qu'elle ne doit
fervir que d'introduction aux énigmes
qui doivent fuivre , fur les divifions ou
combinaiſons du même mot.
On pourroit objecter que l'a uteur
du Logogryphe précédent ne s'eft pas
affujetti à cette régle ; & que fon début
, Mon corps entier en France , n'eſt
pas une énigme ; puifqu'on peut dire
également de toutes les villes & de tous
les lieux du Royaume Mon corps entier
en France , comme il le dit de la
ville d'Orange : mais l'auteur y a fuppléé
avantageufement en ajoutant que
ce corps entier en France a deux tiers
en Afrique : ce qui ne peut plus convenir
qu'au mot Orange , & fait deux
énigmes en un ſeul vers .
Če ne feroit pas abfolument un défaut
, que la petite énigme préparatoire
du Logogryphe fur le mot entier convînt
à deux mots différens ; puifque les
énigmes fuivantes ferviroient à reconnoître
lequel eft le véritable. Il eſt cependant
mieux que l'énigme du début
ne puiffe pas recevoir deux différentes
explications.
Après l'énigme fur le mot entier
viennent les énigmes particulières fur
AVRIL 1763. 85
il
les démembremens & les tranfpofitions
de ce mot. Voici en quoi confifte leur
mérite ; 1º. dans la clarté de l'indication
des fyllabes ou lettres qui par leurs divifions
& combinaifonsforment de nouveaux
mots & donnent lieu aux nouvelles
énigmes. Rien n'eft plus clair
que cette indication dans le Logogryphe
que nous venons de citer. Ma
tete n'a jamais rien entrepris en vain
défigne bien la pre miere fyllabe . Sans
elle en moi tout eft divin : otez Or ,
refte Ange. Les autres mots font pareillement
indiqués fans équivoque :
comme Orge en retranchant la fyllabe
du milieu An , qui fait le coeur du
mot. & c. 2°. Dans la jufteffe de ces
énigmes fubalternes , qui ne doivent
être ni trop claires ni trop bbfcures :
j'ajoute , ni trop longues pour ne pas.
fatiguer l'attention du lecteur. Si une
énigme en forme doit être courte , à
plus forte raifon la briéveté convientelle
aux énigmes dont l'affemblage compofe
le Logogryphe . Elles ont ici toutes
les conditions requife's . 3 ° . Dans le nombre
des énigmes que le mot entier renferme
dans fes divifions. Il eft clair que c'eft
un mérite de plus pour un Logogryphe
, le reſte étant égal , de contenir
86 MERCURE DE FRANCE .
un plus grand nombre d'énigmes.
Il y en a fix dans celui d'Orange ,
quoique le mot n'ait que fix lettres .
L'Auteur auroit pu en tirer un plus grand
nombre d'énigmes , puifqu'il a négligé
les mots Orage , Rage , Age , Gare ,
Argo , &c. Il a fans doute craint
de devenir trop long ou trop confus.
4°. Enfin dans l'art de referrer le
tout dans le moins d'espace poffible , en
évitant les inutilités & les longueurs .
Ici l'auteur a renfermé fes fix énigmes
en neuf vers.
Les mots les plus favorables aux Logogryphes
font ceux dans lefquels on
trouve un plus grand nombre de mots
par de fimples divifions , lefquelles font
beaucoup plus faciles à indiquer que les
tranfpofitions de lettres . Tel eft le mot
Courage , dont les fimples divifons ou
retranchemens feront trouver Cou, rage;
Cour , age; Courge , Cage , Orage. &c.
Ainfi les mots les plus longs, quoiqu'ils
fourniffent d'ordinaire un plus grand
nombre de combinaiſons , font les moins
avantageux pour un Logogryphe. Imagineroit-
on que pour en faire un , on
eût choifi un mot tel que Métamorphofe ,
d'où l'on n'en peut guères tirer d'autre
qu'en fe donnant la torture , & où pour
AVRIL. 1763.
87
e
indiquer le mot , phare , par exemple ,
il faut avertir le Lecteur de raffembler
la 8 , la 9 , la 4 , la 7 & la 2º lettre
& qu'alors il trouvera ce qni fait
lefalu des navigateurs , c'eft ce qu'on
exprimera dans le vers fuivant ou dans
quelque autre auffi harmonieux :
Huit , neuf, quatre , fept , deux : je guide le
Nocher.
C'est au choix heureux de mots de
cette espéce qu'on a l'obligation d'avoir
vû longtemps les Mercures remplis de
Logogryphes dans ce ftyle.
On s'eft enfin laffé de ce langage
barbare , & plutôt que d'indiquer les
tranfpofitions de lettres par leur numé
ro , on a pris le parti de ne les point
indiquer du tout , & de faire dire au
mot entier du Logogryphe ; vous trouverez
en moi un adverbe , une Saiſon ,
un Elément , un Saint , un Pape , un
Empereur , un fleuve , une note de mufique
, &c. fans défigner l'ordre des lettres
qui forment ces mots , ce qui eft
auffi vague & auffi confus , que l'autre
expédient étoit uniforme & faftidieux.
Si les mots trop longs font rarement
propres pour un Logogryphe , les mots
les plus courts offrent quelquefois dans
88 MERCURE DE FRANCE.
un très -petit nombre de lettres un affez
grand nombre de combinaiſons , ce
qui leur donne une forte de grace , parce
qu'on ne s'attend pas à cette fécondité.
Par exemple on vous annonce un
mot de trois lettres , dans lequel on trouve
neuf ou dix mots différens , fur lef
quels on fera neuf ou dix petites énigmes
par diverfes combinaiſons bien indiquées
en devinant le mot ail,vous ferez
furpris d'y trouver lia , ali , lai , ai,
ia , al , la , note de mufique , la , article,
là , adverbe , il article ; & li meſure itinéraire
de la Chine.
Il y a des mots tellement compofés,
qu'en retranchant fucceffivement une
deux , trois , quatre lettres , il refte toujours
un mot entier & enfin une lettre ,
lefquels peuvent fournir matière à autant
d'énigmes,& faire de tout un joli Logogryphe.
Par exemple, canon , par le retranchement
fucceffif d'une lettre , devient
anon , non , on , & la lettre n. Silex
, mot latin , eft dans le même cas ;
on y trouve ilex , lex ex & x , fans
compter file & lis. Dans Avoie , nom
d'une Sainte que porte une rue de Paris
, en fuivant la même méthode , vous
trouverez voye , vie , ie , & l'e muet. Ce
mor a cela de particulier encore , que
> >
AVRIL. 1763. 89
les cinq lettres qui le compofent, font
a , i , o , u. Ces deux derniers Logogryphes
ont été faits & donnés au Mercure
il y a quelques années.
Le mot latin adamas fournit un
exemple encore plus fingulier & peutêtre
unique. En le rognant lettre à lettre
( qu'on me permette cette expreffion )
par le commencement , il deviendra
damas , amas , mas , as & s ; & en lė
mutilant à rebours , adama , adam , ada,
( Princeffe connue dans l'hiftoire ) ad
& a ; mais cela feroit un mêlange bizarre
de mots François , Latins & Efpagnols
qu'il faudroit diftinguer , ce qui
feroit difficile & de plus cauferoit des
longueurs & de l'embrouillement.
Un mot qui a plufieurs anagrames,
peut fournir un Logogryphe par de fim
ples tranfpofitions fans retranchement.
Je connois un Logogryphe dans ce cas
dont le mot eft nacre. On y trouve par
fimple tranfpofition de lettres , crane ,
carne , écran , Nerac , Rance , ( carrière
de marbre ) & ancre. 1
Depuis quelque temps , le défaut ordinaire
des Logogryphes du Mercure
eft de n'être Logogryphes que de nom ;
puiſqu'on y dit au Lecteur préciſement
tout ce qu'il faut pour lui faire trouver
90 MERCURE DE FRANCE.
le mot fans avoir rien à deviner , ce
qui provient de ce qu'on péche contre
la feconde des quatres régles que j'ai
données plus haut & qu'au lieu de faire
des énigmes fur les parties féparées du
mot total , on exprime ces parties par
des fynonymes équivalens à leur nom .
Je n'en chercherai point la preuve plus
loin que dans le Mercure de Janvier
où fe trouve l'énigme du Fiacre. Le
mot du fecond Logogryphe eft Soif:
l'énigme fur ce mot par laquelle on
commence le Logogryphe, eft affez bien
faite , mais trop longue , puifque la
préface d'un ouvrage n'en doit pas
faire prés de la moitié. Si la lecture
de cette énigme préliminaire n'a pas
fuffi pour me faire deviner le mot
Soif, le refte va me l'indiquer fi
clairement, qu'il ne me fera pas poffible
de m'y méprendre. Je pourfuis ma lecture
& je vois que l'on m'annonce que
je trouverai dans le mot que je cherche
, 1 ° . l'objet des foins d'Argus. Eftce
là une énigme ? C'eft comine fi l'on
me difoit,vous trouverez Io ; j'écris donc
Io : voilà déja deux lettres . 2° . Certaine
note de Mufique ; rien ne m'indique encore
laquelle c'eft des fept notes ; je
laiffe donc fon nom en blanc , & je conAVRIL
1763. or
,
inue . 3 ° . Un arbriffeau des plus touf
fus , ce pourroit être if ou bien hour.
Je fufpends mon jugement. Je lis juf
qu'au bout , & le dernier vers m'apprend
que le mot entier n'a que quatre
lettres. Or j'en fçais déja deux , i & o :
je reprens où j'en étois , & je vois 4 ° .
qu'il faut trouver dans le mot entier une
vertu théologale. Laquelle des trois ?
Ce ne peut être que foi , puifque le
mot entier n'a que quatre lettres , &
que i & o que j'ai déja font du nombre .
J'écris donc foi. Je conclus auffitôt que
l'arbriffeau dont j'étois en doute ne
peut être qu'if, puifqu'il fe trouve dans
le mot foi. Il ne manque denc plus
qu'une lettre. 5. Ce dont un chien quand
il peut fe régale. Autant vaudroit dire
un os. Or dans le mot os je trouve la
lettre o que j'ai déja , & de plus la lettres
; celle -ci eft donc la quatriéme qui
me manquoit.J'écris donc os.5º.Un terme
enfin de dédain , de mépris. On ne peut
exprimer plus clairement le mot fi, que
je trouve en effet dans les mots que j'ai
déja. Les quatre lettres du mot font
donc i , o , f & f. J'y cherche la note
de mufique que j'ai laiffée en fouffrance
; & je vois que ce ne peut être que
la note fi. Il ne reste plus qu'à faire un
92 MERCURE
DE FRANCE.
mot avec les quatre lettres trouvées ¿
o,f, s. Quatre lettres ne peuvent s'ar- .
ranger que de vingt- quatre façons différentes
, dont la moitié dans le cas préfent
ne pourroit fe prononcer. Dès les
premiers effais de combinaifons , je
m'apperçois que ces quatre lettres i ,
o, f, s , ne peuvent faire que les mots
fois & foif. Ce dernier mot explique
très-bien l'énigme du début : le mot
du Logogryphe eft donc foif.Toutes ces
opérations fe font beaucoup plus promptement
qu'elles ne peuvent fe décrire ;
enforte qu'à la feconde lecture
avoir rien deviné , je reconnois évidemment
que le mot cherché eft foif, &
que tout ce qu'on m'a dit avec apparence
de mystère , fe réduit à cette propofition
, Lecteur , faites un mot françois
de ces quatre lettres , i , o , f , s ;
or je demande fi c'eft- là un Logogryphe.
J'en dirois prèfque autant de l'autre qui
fuit , dont le mot eft mode , ainfi que'
de la plupart de ceux que je vois dans
les Mercures depuis quelques années.
fans
Il est vrai que fouvent le mot a
plus de quatre lettres, & que quoiqu'elles
me foient toutes indiquées auffi clairement
que fi l'on me les eût nommées ,
il feroit long & pénible d'en compofer
AVRIL. 1763. 93
#
an feul mot.Je me contente alors d'avoir
toutes les lettres du mot, & j'abandonne
fans regret une recherche purement ennuyeuſe
, qui n'éxige que la patience de
former 120 arrangemens différens , file
mot a cinq lettres ; 720, s'il en a fix ; ſept
fois 720 ou 5047 , s'il y a fept lettres
& c,ce qui n'eft plus que l'ouvrage d'un
manoeuvre. Il n'y a que l'utilité ou l'im-
-portance de l'objet , cu une raiſon d'interêt
, qui pût faire furmonter un tra
vail auffi rebutant.
J'ai l'honneur d'être , & c.
bres de ce corps : comme dans cet ancien
Logogryphe Latin , dont le mot
eft mufcatum ; & où par la diffection
du mot , on trouve mus
muftum.
mufca &
Sume caput mus ) , curram : ventrem ( ca ) conjunge
, volabo. ( mufca )
Addepedes ( tum ) , comedes , ( muſcatum ) ;
& fine ventre ( ca ) , bibes. ( muftum ).
Le premier Logogryphe François qui
ait paru dans les Mercures , fe trouve à
la fin du 2 volume de Décembre 1727 .
Il est bien fait , & le Mercure du mois
de Février 1728 , pag. 310 , lui donne
pour auteur le Marquis de la Guefnerie
en Anjou. Cependant au mois de Juillet
fuivant, M. le Clouftier d'Andely p. 1612.
prétendit que les deux premiers qui
avoient paru dans le Mercure , & qu'il
ne cite ni n'indique , font de lui.
Mais il s'en faut bien que ces premiers
Logogryphes , introduits dans les MerAVRIL.
1763. 83'
cures de France il y a environ 35 ans ,
foient les plus anciens dans notre Langue.
J'en connois un du célébre Dufrefni
qui doit avoir au moins 50 ou 60
ans. Je ne fçais s'il fut imprimé en fon
temps dans le Mercure galant : encore
moins s'il eft le doyen des Logogryphes
François ; mais au befoin , il pourroit
leur fervir de modéle. Le voici . Le
mot eft Orange.
Sans ufer de pouvoir magique ,
Mon corps entier en France ( Orange ) a deux
tiers en Afrique. ( Oran ) .
Ma tête ( Or ) n'a jamais rien entrepris en vain ;
Sans elle , en moi tout eft divin . ( Ange )
Je fuis affez propre au ruftique , ( Orge )
Quand on me veut ôter le coeur ( An )
Qu'a vu plus d'une fois renaître le Lecteur,
Mon nom bouleverfé , dangereux voisinage ,
Au Gafcon imprudent peut caufer le naufrage.
( Garone. )
D'après ce Logogryphe & quelques
autres qui ont été goûtés , on en peut
établir les régles. La plupart de celles
de l'énigme lui font communes avec le
Logogryphe , mais le Logogryphe en
a de particulières que voici.
Préfenter d'abord une énigme fort
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
courte fur le mot entier du Logogryphe.
Je dis fort courte , parce qu'elle ne doit
fervir que d'introduction aux énigmes
qui doivent fuivre , fur les divifions ou
combinaiſons du même mot.
On pourroit objecter que l'a uteur
du Logogryphe précédent ne s'eft pas
affujetti à cette régle ; & que fon début
, Mon corps entier en France , n'eſt
pas une énigme ; puifqu'on peut dire
également de toutes les villes & de tous
les lieux du Royaume Mon corps entier
en France , comme il le dit de la
ville d'Orange : mais l'auteur y a fuppléé
avantageufement en ajoutant que
ce corps entier en France a deux tiers
en Afrique : ce qui ne peut plus convenir
qu'au mot Orange , & fait deux
énigmes en un ſeul vers .
Če ne feroit pas abfolument un défaut
, que la petite énigme préparatoire
du Logogryphe fur le mot entier convînt
à deux mots différens ; puifque les
énigmes fuivantes ferviroient à reconnoître
lequel eft le véritable. Il eſt cependant
mieux que l'énigme du début
ne puiffe pas recevoir deux différentes
explications.
Après l'énigme fur le mot entier
viennent les énigmes particulières fur
AVRIL 1763. 85
il
les démembremens & les tranfpofitions
de ce mot. Voici en quoi confifte leur
mérite ; 1º. dans la clarté de l'indication
des fyllabes ou lettres qui par leurs divifions
& combinaifonsforment de nouveaux
mots & donnent lieu aux nouvelles
énigmes. Rien n'eft plus clair
que cette indication dans le Logogryphe
que nous venons de citer. Ma
tete n'a jamais rien entrepris en vain
défigne bien la pre miere fyllabe . Sans
elle en moi tout eft divin : otez Or ,
refte Ange. Les autres mots font pareillement
indiqués fans équivoque :
comme Orge en retranchant la fyllabe
du milieu An , qui fait le coeur du
mot. & c. 2°. Dans la jufteffe de ces
énigmes fubalternes , qui ne doivent
être ni trop claires ni trop bbfcures :
j'ajoute , ni trop longues pour ne pas.
fatiguer l'attention du lecteur. Si une
énigme en forme doit être courte , à
plus forte raifon la briéveté convientelle
aux énigmes dont l'affemblage compofe
le Logogryphe . Elles ont ici toutes
les conditions requife's . 3 ° . Dans le nombre
des énigmes que le mot entier renferme
dans fes divifions. Il eft clair que c'eft
un mérite de plus pour un Logogryphe
, le reſte étant égal , de contenir
86 MERCURE DE FRANCE .
un plus grand nombre d'énigmes.
Il y en a fix dans celui d'Orange ,
quoique le mot n'ait que fix lettres .
L'Auteur auroit pu en tirer un plus grand
nombre d'énigmes , puifqu'il a négligé
les mots Orage , Rage , Age , Gare ,
Argo , &c. Il a fans doute craint
de devenir trop long ou trop confus.
4°. Enfin dans l'art de referrer le
tout dans le moins d'espace poffible , en
évitant les inutilités & les longueurs .
Ici l'auteur a renfermé fes fix énigmes
en neuf vers.
Les mots les plus favorables aux Logogryphes
font ceux dans lefquels on
trouve un plus grand nombre de mots
par de fimples divifions , lefquelles font
beaucoup plus faciles à indiquer que les
tranfpofitions de lettres . Tel eft le mot
Courage , dont les fimples divifons ou
retranchemens feront trouver Cou, rage;
Cour , age; Courge , Cage , Orage. &c.
Ainfi les mots les plus longs, quoiqu'ils
fourniffent d'ordinaire un plus grand
nombre de combinaiſons , font les moins
avantageux pour un Logogryphe. Imagineroit-
on que pour en faire un , on
eût choifi un mot tel que Métamorphofe ,
d'où l'on n'en peut guères tirer d'autre
qu'en fe donnant la torture , & où pour
AVRIL. 1763.
87
e
indiquer le mot , phare , par exemple ,
il faut avertir le Lecteur de raffembler
la 8 , la 9 , la 4 , la 7 & la 2º lettre
& qu'alors il trouvera ce qni fait
lefalu des navigateurs , c'eft ce qu'on
exprimera dans le vers fuivant ou dans
quelque autre auffi harmonieux :
Huit , neuf, quatre , fept , deux : je guide le
Nocher.
C'est au choix heureux de mots de
cette espéce qu'on a l'obligation d'avoir
vû longtemps les Mercures remplis de
Logogryphes dans ce ftyle.
On s'eft enfin laffé de ce langage
barbare , & plutôt que d'indiquer les
tranfpofitions de lettres par leur numé
ro , on a pris le parti de ne les point
indiquer du tout , & de faire dire au
mot entier du Logogryphe ; vous trouverez
en moi un adverbe , une Saiſon ,
un Elément , un Saint , un Pape , un
Empereur , un fleuve , une note de mufique
, &c. fans défigner l'ordre des lettres
qui forment ces mots , ce qui eft
auffi vague & auffi confus , que l'autre
expédient étoit uniforme & faftidieux.
Si les mots trop longs font rarement
propres pour un Logogryphe , les mots
les plus courts offrent quelquefois dans
88 MERCURE DE FRANCE.
un très -petit nombre de lettres un affez
grand nombre de combinaiſons , ce
qui leur donne une forte de grace , parce
qu'on ne s'attend pas à cette fécondité.
Par exemple on vous annonce un
mot de trois lettres , dans lequel on trouve
neuf ou dix mots différens , fur lef
quels on fera neuf ou dix petites énigmes
par diverfes combinaiſons bien indiquées
en devinant le mot ail,vous ferez
furpris d'y trouver lia , ali , lai , ai,
ia , al , la , note de mufique , la , article,
là , adverbe , il article ; & li meſure itinéraire
de la Chine.
Il y a des mots tellement compofés,
qu'en retranchant fucceffivement une
deux , trois , quatre lettres , il refte toujours
un mot entier & enfin une lettre ,
lefquels peuvent fournir matière à autant
d'énigmes,& faire de tout un joli Logogryphe.
Par exemple, canon , par le retranchement
fucceffif d'une lettre , devient
anon , non , on , & la lettre n. Silex
, mot latin , eft dans le même cas ;
on y trouve ilex , lex ex & x , fans
compter file & lis. Dans Avoie , nom
d'une Sainte que porte une rue de Paris
, en fuivant la même méthode , vous
trouverez voye , vie , ie , & l'e muet. Ce
mor a cela de particulier encore , que
> >
AVRIL. 1763. 89
les cinq lettres qui le compofent, font
a , i , o , u. Ces deux derniers Logogryphes
ont été faits & donnés au Mercure
il y a quelques années.
Le mot latin adamas fournit un
exemple encore plus fingulier & peutêtre
unique. En le rognant lettre à lettre
( qu'on me permette cette expreffion )
par le commencement , il deviendra
damas , amas , mas , as & s ; & en lė
mutilant à rebours , adama , adam , ada,
( Princeffe connue dans l'hiftoire ) ad
& a ; mais cela feroit un mêlange bizarre
de mots François , Latins & Efpagnols
qu'il faudroit diftinguer , ce qui
feroit difficile & de plus cauferoit des
longueurs & de l'embrouillement.
Un mot qui a plufieurs anagrames,
peut fournir un Logogryphe par de fim
ples tranfpofitions fans retranchement.
Je connois un Logogryphe dans ce cas
dont le mot eft nacre. On y trouve par
fimple tranfpofition de lettres , crane ,
carne , écran , Nerac , Rance , ( carrière
de marbre ) & ancre. 1
Depuis quelque temps , le défaut ordinaire
des Logogryphes du Mercure
eft de n'être Logogryphes que de nom ;
puiſqu'on y dit au Lecteur préciſement
tout ce qu'il faut pour lui faire trouver
90 MERCURE DE FRANCE.
le mot fans avoir rien à deviner , ce
qui provient de ce qu'on péche contre
la feconde des quatres régles que j'ai
données plus haut & qu'au lieu de faire
des énigmes fur les parties féparées du
mot total , on exprime ces parties par
des fynonymes équivalens à leur nom .
Je n'en chercherai point la preuve plus
loin que dans le Mercure de Janvier
où fe trouve l'énigme du Fiacre. Le
mot du fecond Logogryphe eft Soif:
l'énigme fur ce mot par laquelle on
commence le Logogryphe, eft affez bien
faite , mais trop longue , puifque la
préface d'un ouvrage n'en doit pas
faire prés de la moitié. Si la lecture
de cette énigme préliminaire n'a pas
fuffi pour me faire deviner le mot
Soif, le refte va me l'indiquer fi
clairement, qu'il ne me fera pas poffible
de m'y méprendre. Je pourfuis ma lecture
& je vois que l'on m'annonce que
je trouverai dans le mot que je cherche
, 1 ° . l'objet des foins d'Argus. Eftce
là une énigme ? C'eft comine fi l'on
me difoit,vous trouverez Io ; j'écris donc
Io : voilà déja deux lettres . 2° . Certaine
note de Mufique ; rien ne m'indique encore
laquelle c'eft des fept notes ; je
laiffe donc fon nom en blanc , & je conAVRIL
1763. or
,
inue . 3 ° . Un arbriffeau des plus touf
fus , ce pourroit être if ou bien hour.
Je fufpends mon jugement. Je lis juf
qu'au bout , & le dernier vers m'apprend
que le mot entier n'a que quatre
lettres. Or j'en fçais déja deux , i & o :
je reprens où j'en étois , & je vois 4 ° .
qu'il faut trouver dans le mot entier une
vertu théologale. Laquelle des trois ?
Ce ne peut être que foi , puifque le
mot entier n'a que quatre lettres , &
que i & o que j'ai déja font du nombre .
J'écris donc foi. Je conclus auffitôt que
l'arbriffeau dont j'étois en doute ne
peut être qu'if, puifqu'il fe trouve dans
le mot foi. Il ne manque denc plus
qu'une lettre. 5. Ce dont un chien quand
il peut fe régale. Autant vaudroit dire
un os. Or dans le mot os je trouve la
lettre o que j'ai déja , & de plus la lettres
; celle -ci eft donc la quatriéme qui
me manquoit.J'écris donc os.5º.Un terme
enfin de dédain , de mépris. On ne peut
exprimer plus clairement le mot fi, que
je trouve en effet dans les mots que j'ai
déja. Les quatre lettres du mot font
donc i , o , f & f. J'y cherche la note
de mufique que j'ai laiffée en fouffrance
; & je vois que ce ne peut être que
la note fi. Il ne reste plus qu'à faire un
92 MERCURE
DE FRANCE.
mot avec les quatre lettres trouvées ¿
o,f, s. Quatre lettres ne peuvent s'ar- .
ranger que de vingt- quatre façons différentes
, dont la moitié dans le cas préfent
ne pourroit fe prononcer. Dès les
premiers effais de combinaifons , je
m'apperçois que ces quatre lettres i ,
o, f, s , ne peuvent faire que les mots
fois & foif. Ce dernier mot explique
très-bien l'énigme du début : le mot
du Logogryphe eft donc foif.Toutes ces
opérations fe font beaucoup plus promptement
qu'elles ne peuvent fe décrire ;
enforte qu'à la feconde lecture
avoir rien deviné , je reconnois évidemment
que le mot cherché eft foif, &
que tout ce qu'on m'a dit avec apparence
de mystère , fe réduit à cette propofition
, Lecteur , faites un mot françois
de ces quatre lettres , i , o , f , s ;
or je demande fi c'eft- là un Logogryphe.
J'en dirois prèfque autant de l'autre qui
fuit , dont le mot eft mode , ainfi que'
de la plupart de ceux que je vois dans
les Mercures depuis quelques années.
fans
Il est vrai que fouvent le mot a
plus de quatre lettres, & que quoiqu'elles
me foient toutes indiquées auffi clairement
que fi l'on me les eût nommées ,
il feroit long & pénible d'en compofer
AVRIL. 1763. 93
#
an feul mot.Je me contente alors d'avoir
toutes les lettres du mot, & j'abandonne
fans regret une recherche purement ennuyeuſe
, qui n'éxige que la patience de
former 120 arrangemens différens , file
mot a cinq lettres ; 720, s'il en a fix ; ſept
fois 720 ou 5047 , s'il y a fept lettres
& c,ce qui n'eft plus que l'ouvrage d'un
manoeuvre. Il n'y a que l'utilité ou l'im-
-portance de l'objet , cu une raiſon d'interêt
, qui pût faire furmonter un tra
vail auffi rebutant.
J'ai l'honneur d'être , & c.
Fermer
Résumé : LETTRE à l'Auteur du Mercure Sur les ÉNIGMES & les LOGOGRYPHES,
Le texte traite des logogryphes, des énigmes basées sur la manipulation des mots. Il commence par mentionner un ancien logogryphe latin et le premier logogryphe français publié dans les Mercures en décembre 1727, attribué au Marquis de la Guésnerie. Cependant, le Clouftier d'Andely a revendiqué la paternité des premiers logogryphes parus dans le Mercure. Le texte présente ensuite un logogryphe du célèbre Dufresny, daté d'au moins 50 à 60 ans avant la publication, utilisant le mot 'Orange'. Il explique les règles des logogryphes, soulignant l'importance d'une énigme introductive courte et claire, suivie d'énigmes sur les divisions et combinaisons du mot. Le texte critique les logogryphes récents du Mercure, les jugeant trop explicites et manquant de mystère. Il conclut en mentionnant des exemples de mots favorables aux logogryphes et des erreurs courantes dans leur composition.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
14
p. 69-70
LOGOGRYPHE.
Début :
Sept lettres, cher ami, qui forment ma structure, [...]
Mots clefs :
Lecteur
17
p. 6-7
LOGOGRIPHE.
Début :
Tout Auteur me désire & me craint à la fois, [...]
Mots clefs :
Lecteur