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Liste
1
p. 88-101
REQUESTE DE L'AMOUR AU ROY. Sur le bruit de son Départ pour l'Armée.
Début :
Rien n'ayant tant de charmes que la diversité, nous / Que me dit-on de tous costez ? [...]
Mots clefs :
Amants, Ardeur , Gloire, Amour, Roi, Départ pour l'armée, Mars, Exploits
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texteReconnaissance textuelle : REQUESTE DE L'AMOUR AU ROY. Sur le bruit de son Départ pour l'Armée.
Rien n ’ayant tant de
charmes que la diverfite,
nous devons pafTer d’une
matière aufli trille que
celle dont nous venons de
I
G A L A N T . 89
parler, à une plus diverciffante-, & je croy que nous
ne le pouvons faire plus
agréablement, que par la
Piece qui fuit, puis qu’il y a
de'ja quelque temps quelle
fait du bruit dans les plus
belles Ruelles de Paris.
W 1
RE Q U E S T E
DE L’AM OUR’
A U R O Y.
Sur le bruic de fon Départ
pour l’Armce.
Q
V e me d it-o n de tout
Ef-ce fournie faire querelle7
.
D e mille Amans qu'unit l'ardeur
la fins fidelle^
P a r mon ordre les vœux font p refis
d'efire acceptez^
E t fans attendre icy que la Saifon
nouvelle
— m x.
t
G A L A N T . pi
Dans îe Champ de Mars vous
Tout-à-coup y
GrandRoy^ vous
partez*.
une P lace,
i l riefl rien qui vous puijje arrefier
un moment,
E t que lors qu'aux Soldats vous
aÜez^fierement
P ar voftre exemple infpirer de
l a u d a c e »
Vous eftes dans voftre élément5
M ais qui fait tout trembler^ loifir
fe dèlaffe^
Et vous pouvez* devant envoyer la
> menace.*
Sans la fuivrefi promptement.
S” /. ,
» • W
■peine vos Guerriers dont M ____ _ H ii
9i LE MERCURE
Gloire difpofe
Sous la fa v e u r de voflre appuy,
( C aria Gloire (fix o n s aujourdi'huy
Ce ri eft plus qu'une me fine chofe)
ril peine auprès de moy cesGuerriers
de retour,
Commencent d'efperer la douceur
d'un beau jour,
Que l'ardeur de vous fiuivre à mes
foins les arrache.
E n va in en les flatant je tafihe
d'obtenir
Que l'am our du repos à moy fin i
les attache,
S i vous partc^auatn d'eux ne me
cache
Que rien ne les peut retenir.
&
A in fi voila par tout mon attonte
trompée^
G A L A N T . 9j
P ar tout mes deffeins avortez^
Pour réduire des Libertez^
M on adreffe en ces lieux a beau
s'eftre occupée, .
Chacun fe rend en foule aux Emplois de T Epée
E t dés qu'on peut aller combatre à
voscoftez^
De mes trais les plus vifs l *ame la
mieuxfrâpée,
F uit mes douces oyfivetez^
Cependant combien de tendreffes
P ar voftre éloignement des cœurs fe
vont bannir ?
Combien £ Amans à leurs M a ifirejjts ,
Ont fa it d'agréables PromeJJes^
Qu ils vont eftre par vous hors d'eftat de tenir ?
J.'un pour un bel Objet faiftant
I
9 4 LE MERCURE
gloire de vivre,
D es Patens oppofcz^devoit venir
abouti
Contre un cœur qui bientofi a céder
Je réjbut:
jJa u tre ayant commence s obfiinoit
à pourfuivrei
M a is vous partes^, & pour vous
Juivre
On fe croit dégage de tout.
JLe fins mortel chaqrin que reçoivent les B elles,
Q u i croyaient qu'un accord auffi
tendre que doux,
Æ endroit de leurs Amans les chaifnes éternelles,
C'eflde les voir courir aux coups
A v e c bien plus d'ardeur pour
vous,
Q ù i h n’en eurent jamais
elles.
»
G A LA N T. 95
p o u r obtenir q u ils ne s'eloi<£
nentpaty
Elles ont beau verferdes larmes *
Ces larmes ri ont que d'impuiffans
appas.
P ra v e r auprès de vous les plus ru •
des alarmes
y
. Chercher dans les périls l'honneur
d'un beau trépas,
C e font leursveritables charmes:
Si-tofl quevous prene^les armes
V iv e n t pour eux la Guerre & les
Combats.
L e m al eft que par tout ces Pelles
affligées
M e conjurent d'entrer dans leurs
reflentimens.
J e les rencontre à tous momens.
Q u i dans de vifs ennuis plongées
ê
96 LE MERCURE
M e viennent fatiguer de leurs gemifemens.
l'a y tort de les avoir fous mesLoix
E t je ne fuis qu'un D ieu de Chanfons, de Romans,
Si vous laijfant enlever leurs A -
mans,
z
,
J?fouffre que fa r vous elles foient
outragées.
En vain pour affaiblir Hardeur de
ces Guerriers,
le combats le panchant qui vers
vous les entraîne,
D u Cbamf de M ars dignes A '
vanturiers,
ils dédaignent pour vous ma grandeur fouveraine,
E t mes plus beaux Mirthes u
peine
Valent un
G A L A N T . i>7
le rouqisfiuisquilfaut avouer ma
D evoir que contre vous faifant ce
que je puis,
Ces Belles vainement implorent
mon adreffe^
ennuis^
le dis que c'efl a vous qu'il fa u t que
. Ion s'adrejfeî
M ais elles feavent trop par quels
fermes appuis *
pour la Gloire en tout temps vofre
cœur s*interejfeî
Elles fa v e n t que d efl vofre unique
M a i greffe.
98 LE MERCURE
Si-toÇi que la fervir efi un foin qui
vous greffe.
Pleines de vos Exploits^elles nianorent Pas
Que quittant les P la ifr s, C? liï
leu x & les Fejles^
M algré la glace & le s frim ât s,
On vous a veu déjà pour de nobles
ConqucfteS)
.Au milieu d'un H y v e r avancer a
grand pas.
Quel eft donc l’avantage où vofrc
eÇpoirfe fonde?
Ffl ce que vous voulez^ que l A~
rnour ne (bit rien?
ous vous nuifegy penffr y bien»
E t que vous fervira la fagejfe pw
GALANT. 99
Cette infiqne valeur qui ria fom t
Si ne pouvant des coeurs me rendre
un feurlien,
le laifle dépeupler le Monde?
&
P"oyez^com bien vous hasardez}
A vecm oy, qu'en cela vous fierez^
bien de croire-,
Si vous ne vous raccommodez,
le laifle rayfinir le M onde,& v offre
Gloire,
E t de vos. Actions la merveilleufe
"Mifioire
U ira pas aujjî loin que vous le
lepouroismefme parvangeace.
Pour vous ofler l'apuy de M ars,
Sur quelque autre Vénus arn
I
ioo LE MERCURE
E t l'empefcher par la d'avoir la
eomplaifance
Dém archer [bus vos EtendartsS
M a is qu en vain contre vous femVous averti oute fa Valliance
P our affronter fans luy les plus
mortels hasards,
E t vous le pa(fe\en prudence.
E e plus feurpeur vous retenir^
C'eft de de[cendre à la priere> >
yîccordc^un peu moins à cette ar~
deur querrier e3
Q u i de ces lieux fi-tofl s empreffe à
vous bannir,
jdttendezje Printemps qui senva
revenir 3
E t de v offre pouvoir, quoy que il on
fuijfe fa ire,
G A L A N T . iôi
Jamais vous ne verrez^ le mien fè
def-unir*
cœur tributaire,
Contre vous par mes foins rien ne
pourra tenir.
Cette offre ne vous touche Qqueres
M uie queff-ce auffi que f en
E t que peut’ elle m obtenir ?
Pour allumer des feu x qui ne p u if
fient finir,
Vousrfie(les bien plus neeeffiaire
Que je ne vous le fuie à les entretenir*)
A in fi c eftà moy de me taire,
Et d attendre à voffre retour
T out ce que vous voudre^ordonner
de r Am
charmes que la diverfite,
nous devons pafTer d’une
matière aufli trille que
celle dont nous venons de
I
G A L A N T . 89
parler, à une plus diverciffante-, & je croy que nous
ne le pouvons faire plus
agréablement, que par la
Piece qui fuit, puis qu’il y a
de'ja quelque temps quelle
fait du bruit dans les plus
belles Ruelles de Paris.
W 1
RE Q U E S T E
DE L’AM OUR’
A U R O Y.
Sur le bruic de fon Départ
pour l’Armce.
Q
V e me d it-o n de tout
Ef-ce fournie faire querelle7
.
D e mille Amans qu'unit l'ardeur
la fins fidelle^
P a r mon ordre les vœux font p refis
d'efire acceptez^
E t fans attendre icy que la Saifon
nouvelle
— m x.
t
G A L A N T . pi
Dans îe Champ de Mars vous
Tout-à-coup y
GrandRoy^ vous
partez*.
une P lace,
i l riefl rien qui vous puijje arrefier
un moment,
E t que lors qu'aux Soldats vous
aÜez^fierement
P ar voftre exemple infpirer de
l a u d a c e »
Vous eftes dans voftre élément5
M ais qui fait tout trembler^ loifir
fe dèlaffe^
Et vous pouvez* devant envoyer la
> menace.*
Sans la fuivrefi promptement.
S” /. ,
» • W
■peine vos Guerriers dont M ____ _ H ii
9i LE MERCURE
Gloire difpofe
Sous la fa v e u r de voflre appuy,
( C aria Gloire (fix o n s aujourdi'huy
Ce ri eft plus qu'une me fine chofe)
ril peine auprès de moy cesGuerriers
de retour,
Commencent d'efperer la douceur
d'un beau jour,
Que l'ardeur de vous fiuivre à mes
foins les arrache.
E n va in en les flatant je tafihe
d'obtenir
Que l'am our du repos à moy fin i
les attache,
S i vous partc^auatn d'eux ne me
cache
Que rien ne les peut retenir.
&
A in fi voila par tout mon attonte
trompée^
G A L A N T . 9j
P ar tout mes deffeins avortez^
Pour réduire des Libertez^
M on adreffe en ces lieux a beau
s'eftre occupée, .
Chacun fe rend en foule aux Emplois de T Epée
E t dés qu'on peut aller combatre à
voscoftez^
De mes trais les plus vifs l *ame la
mieuxfrâpée,
F uit mes douces oyfivetez^
Cependant combien de tendreffes
P ar voftre éloignement des cœurs fe
vont bannir ?
Combien £ Amans à leurs M a ifirejjts ,
Ont fa it d'agréables PromeJJes^
Qu ils vont eftre par vous hors d'eftat de tenir ?
J.'un pour un bel Objet faiftant
I
9 4 LE MERCURE
gloire de vivre,
D es Patens oppofcz^devoit venir
abouti
Contre un cœur qui bientofi a céder
Je réjbut:
jJa u tre ayant commence s obfiinoit
à pourfuivrei
M a is vous partes^, & pour vous
Juivre
On fe croit dégage de tout.
JLe fins mortel chaqrin que reçoivent les B elles,
Q u i croyaient qu'un accord auffi
tendre que doux,
Æ endroit de leurs Amans les chaifnes éternelles,
C'eflde les voir courir aux coups
A v e c bien plus d'ardeur pour
vous,
Q ù i h n’en eurent jamais
elles.
»
G A LA N T. 95
p o u r obtenir q u ils ne s'eloi<£
nentpaty
Elles ont beau verferdes larmes *
Ces larmes ri ont que d'impuiffans
appas.
P ra v e r auprès de vous les plus ru •
des alarmes
y
. Chercher dans les périls l'honneur
d'un beau trépas,
C e font leursveritables charmes:
Si-tofl quevous prene^les armes
V iv e n t pour eux la Guerre & les
Combats.
L e m al eft que par tout ces Pelles
affligées
M e conjurent d'entrer dans leurs
reflentimens.
J e les rencontre à tous momens.
Q u i dans de vifs ennuis plongées
ê
96 LE MERCURE
M e viennent fatiguer de leurs gemifemens.
l'a y tort de les avoir fous mesLoix
E t je ne fuis qu'un D ieu de Chanfons, de Romans,
Si vous laijfant enlever leurs A -
mans,
z
,
J?fouffre que fa r vous elles foient
outragées.
En vain pour affaiblir Hardeur de
ces Guerriers,
le combats le panchant qui vers
vous les entraîne,
D u Cbamf de M ars dignes A '
vanturiers,
ils dédaignent pour vous ma grandeur fouveraine,
E t mes plus beaux Mirthes u
peine
Valent un
G A L A N T . i>7
le rouqisfiuisquilfaut avouer ma
D evoir que contre vous faifant ce
que je puis,
Ces Belles vainement implorent
mon adreffe^
ennuis^
le dis que c'efl a vous qu'il fa u t que
. Ion s'adrejfeî
M ais elles feavent trop par quels
fermes appuis *
pour la Gloire en tout temps vofre
cœur s*interejfeî
Elles fa v e n t que d efl vofre unique
M a i greffe.
98 LE MERCURE
Si-toÇi que la fervir efi un foin qui
vous greffe.
Pleines de vos Exploits^elles nianorent Pas
Que quittant les P la ifr s, C? liï
leu x & les Fejles^
M algré la glace & le s frim ât s,
On vous a veu déjà pour de nobles
ConqucfteS)
.Au milieu d'un H y v e r avancer a
grand pas.
Quel eft donc l’avantage où vofrc
eÇpoirfe fonde?
Ffl ce que vous voulez^ que l A~
rnour ne (bit rien?
ous vous nuifegy penffr y bien»
E t que vous fervira la fagejfe pw
GALANT. 99
Cette infiqne valeur qui ria fom t
Si ne pouvant des coeurs me rendre
un feurlien,
le laifle dépeupler le Monde?
&
P"oyez^com bien vous hasardez}
A vecm oy, qu'en cela vous fierez^
bien de croire-,
Si vous ne vous raccommodez,
le laifle rayfinir le M onde,& v offre
Gloire,
E t de vos. Actions la merveilleufe
"Mifioire
U ira pas aujjî loin que vous le
lepouroismefme parvangeace.
Pour vous ofler l'apuy de M ars,
Sur quelque autre Vénus arn
I
ioo LE MERCURE
E t l'empefcher par la d'avoir la
eomplaifance
Dém archer [bus vos EtendartsS
M a is qu en vain contre vous femVous averti oute fa Valliance
P our affronter fans luy les plus
mortels hasards,
E t vous le pa(fe\en prudence.
E e plus feurpeur vous retenir^
C'eft de de[cendre à la priere> >
yîccordc^un peu moins à cette ar~
deur querrier e3
Q u i de ces lieux fi-tofl s empreffe à
vous bannir,
jdttendezje Printemps qui senva
revenir 3
E t de v offre pouvoir, quoy que il on
fuijfe fa ire,
G A L A N T . iôi
Jamais vous ne verrez^ le mien fè
def-unir*
cœur tributaire,
Contre vous par mes foins rien ne
pourra tenir.
Cette offre ne vous touche Qqueres
M uie queff-ce auffi que f en
E t que peut’ elle m obtenir ?
Pour allumer des feu x qui ne p u if
fient finir,
Vousrfie(les bien plus neeeffiaire
Que je ne vous le fuie à les entretenir*)
A in fi c eftà moy de me taire,
Et d attendre à voffre retour
T out ce que vous voudre^ordonner
de r Am
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Résumé : REQUESTE DE L'AMOUR AU ROY. Sur le bruit de son Départ pour l'Armée.
La pièce de théâtre 'Requête de l'Amour à Aurore' traite du départ d'un amant, Galant, pour l'armée. Galant exprime son désir ardent de partir pour le champ de Mars et de se battre. Il reconnaît que son départ causera de la tristesse parmi les amants et les belles, dont les promesses d'amour seront rompues. Les femmes, malgré leurs larmes et leurs supplications, ne peuvent retenir les guerriers attirés par la gloire et l'honneur des combats. Galant admet que son départ est inévitable et que même les prières des femmes affligées ne peuvent le retenir. Il affirme que son cœur est entièrement dédié à la gloire et aux exploits militaires, et qu'il ne peut être détourné de son chemin par les charmes de l'amour. Les femmes, admiratives de ses exploits, reconnaissent qu'il est prêt à affronter les périls pour l'honneur. Galant conclut en affirmant que son cœur est tributaire de ses devoirs militaires et qu'il ne peut être retenu par les offres d'amour. Il choisit de se taire et d'attendre son retour pour obéir aux ordres de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 139-150
JULIE A LEANDRE.
Début :
Apres avoir parlé de tant de Personnes illustres, disons quelque / Il est donc vray, Cruel, que sans que rien vous touche, [...]
Mots clefs :
Gloire, Maux, Amour, Honneur, Armée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : JULIE A LEANDRE.
Apres avoir parlé de tant
de Perfonnes iliullres, difons quelque chofe d’une
Belle affligée, ou plutoft
d’une Lettre écrire par une
Amante à fon Amant, fur J >
ce qu’il fe préparoit à partir
pour fc rendre à l’Armée.
• m »
>40 LE MERCURE
Cette Lettre a tellement
efté applaudie par tout où
elle aeftéleuë, que je croirois qu’on auroitfujet de fe
plaindre du Mercure, fi
l’on ne l’y renconcroit pas.
La voicy
J U L I E
A LE A N D R E .
I
L eftdoncvray > Crue f que fans
que rien vous touche
Vous vous préparera partir?
ïa y beau faire f honneur eftunTyran farouche
Qui vousforce d y confentir.
' , ,
i l vous rend des Amans le plus impitoyable
Pour qui jamais aima le mieux,
Ltvousflatant d'un nom , malgré
le temos durable,
i l vous éloigne de mes yeux*
i
4
t LE MERCURE
E té les ! ignorez-vous quelle vaine
chimere
Eft cet honneur qui voiesféduit,
E t d'un bien effectif un bien imaginaire
D o it-il vous dérober le fruit ?
&
A u x plus mortels dangers quand
v offre vie offerte (pris,
Payera quelque Exploit entre*
Peut-effre un jour ou deux on plaindra v offre perte3
E t çenfera la tout le prix.
Vivez^ par fe$ confcils la Gloire
vous abufe. ( jour,
Quoy qu elle vous promette un
Pour ne l'écouterpas, peut-on
querd'exeufe
Lorsqu'o ne mâquepointddmourl
I
O
GA LA N T. 145
yous navez^quà vouloir, c? vous
en aurezjnille
pour rompre ce cruel départ. O uand l'Am our en rai fins ue /croit
l i a toujours fies droits àpart 9
S il efi fier quelquefois, impétueux,
terrible^ S 'il donne de fanflans Arrefis,
I l cherche le repos, ^ devien t doux,
Dans cette occafion, ou confufe,
tremblante, '
ïattens ou la vie, ou la mort: I l veut que vous cediez^aux foùpirs
d'une Amante <
Dont vous p ouvezpeoftrie fierté
x ,F /? Son^ez^vous a quels maux vofire
rigueur m'expofe,
Si vous ojez, vous éloiqner ?
E t peut-on de ces maux fe rendre
exprès la caufe,
Quandon me les peut épargner l
le veux bien, s9
il lefa u t, compter
à rien l'abfence,
QuoyquinfuportableauxAwtàiï
Que ne plaiflM au Ciel de borner
ma fouffrance
e r < W
douleur extrême..
Conjole l'Amour aux abois-,
M ais avoir à trembler toujours
pour ce quon aime,
Combien efl-ce mourir de fois ?
GALANT. i4
j
Chaque pas avâcé, chaque T ra n
chée ouverte,
M c va glacer le cæurd'effroy,
Et d'un heureux (uccezjlimage en
vain offerte, (moy.
M y peindra mille maux pour
TT"3
'euft la plus forte Place emporté
qu'une tefie,
Dontle bruitviennejufquà nous,
Vous croyant aujjl-toft le prix de
M es larmes couleront pour vous9
•îji
Toùjours impatiente , & toujours
allarmèe.
Si je voy quon fe parle bas,
le rnmagineray que parlant de
P Armée,
On me cache voflre trépas >
N
LE MERCURE
Dans l'ardeur a efre infimité , &
le doute d'entendre
Ce qui fcroit mon defefpoir3
i
ray d'apprendre
Ce que je craindray de feavoir,
1
*
Qui iauroit jamais cru 1 M a joye
efioit parfaite!
j4u bruit des Triomphes du Roy,
Rien n auroit pu me, rendre inftdelle Sujete, , .
E t je vay l'efire malgré moy.
Je voudrons que fa gloire à nulle
autre fécondé,
Entaffafi Exploits fur Exploit^
Q uainfi que de nos coeurs il
M aiftre du Monde,
Que tout y reconnut fies Rotsc,
GALANT. 147
Cependant je fensbien dans les rudes a II arm es
Où vofire fort me plongera,
Que je feray réduite à répandre des
larmes
Chaque fois q u il triomphera.
I
Sas que vos y eux en foiët témoinsÙ4ura-t'il plus de peine a fa ire des
co nquefics,
pour avoir unGuerrier de moins?
K
\A ne le fuivre pas où toujours la
Piéloire
S*emprejfe à luy faire fa cour^
Eloigné des périls vous aurerjnoins
/
M aie vous m h rere^lu s£ amour.
♦
i
4
8 le mercure
fh fo n blâme ce defein dont l'ar*
deiïr de me 'plaire
Voies doit avoir fa it fine Loy,
Efi-ce, quoy quon endife,une peine
à voies fa ire ,
S i voies ne vive^queperur moyl
& ,,
Q uynd df
un feu véritable on a l
me en fam ée,
<Aimer eft noflre unique bien,
E t pouiveu que don plaife u l#
Personne aimée,
On compte tout le rejle à rien.
Vous m'en pouvez, convaincre écoti’
tant ma priere, ,
Pourquoy ne le faites vous pris.
G A LA N T. 149
T , 5/ de vous fignalerpar quelque
grand fcrvice,
Le defir vous tient partage,
JT'n coeur comme le mien vaut bien
le fa orifice
D'un peu de renom ncgligf.
L 'A m our vous le demande, il efl
bon de [e rendre
A qui brûle tout de fesfeux>
E t ce quont fa it Ce fa r, Annibal,
Alexandre,
fo u s le pouvezjaire comme eux.
&
Ils riont cru rien ofler a l'éclat de
leur gloire,
En fa fa n t triompher F Amour*,
S ils luy lai foientfur eux emporter
la victoire,
11 le s fa i foi t vaincre a leur tour.
N iij
K
Ijo LE MERCURE
Apres ces Conquérons, vous luy
Abandonner voflre fiertés
Soûmettezfia, pourveuquil vous
■ en tienne compte
Vous en aurait il trop coûté l
I l a pour qui confient a luy rendre
les armes,
Des hiensquon ne peut exprimer^
Pour qoùter purement leurs plus
finfibles charmes,
Vous riavez^qu cifiçavoiraimer
de Perfonnes iliullres, difons quelque chofe d’une
Belle affligée, ou plutoft
d’une Lettre écrire par une
Amante à fon Amant, fur J >
ce qu’il fe préparoit à partir
pour fc rendre à l’Armée.
• m »
>40 LE MERCURE
Cette Lettre a tellement
efté applaudie par tout où
elle aeftéleuë, que je croirois qu’on auroitfujet de fe
plaindre du Mercure, fi
l’on ne l’y renconcroit pas.
La voicy
J U L I E
A LE A N D R E .
I
L eftdoncvray > Crue f que fans
que rien vous touche
Vous vous préparera partir?
ïa y beau faire f honneur eftunTyran farouche
Qui vousforce d y confentir.
' , ,
i l vous rend des Amans le plus impitoyable
Pour qui jamais aima le mieux,
Ltvousflatant d'un nom , malgré
le temos durable,
i l vous éloigne de mes yeux*
i
4
t LE MERCURE
E té les ! ignorez-vous quelle vaine
chimere
Eft cet honneur qui voiesféduit,
E t d'un bien effectif un bien imaginaire
D o it-il vous dérober le fruit ?
&
A u x plus mortels dangers quand
v offre vie offerte (pris,
Payera quelque Exploit entre*
Peut-effre un jour ou deux on plaindra v offre perte3
E t çenfera la tout le prix.
Vivez^ par fe$ confcils la Gloire
vous abufe. ( jour,
Quoy qu elle vous promette un
Pour ne l'écouterpas, peut-on
querd'exeufe
Lorsqu'o ne mâquepointddmourl
I
O
GA LA N T. 145
yous navez^quà vouloir, c? vous
en aurezjnille
pour rompre ce cruel départ. O uand l'Am our en rai fins ue /croit
l i a toujours fies droits àpart 9
S il efi fier quelquefois, impétueux,
terrible^ S 'il donne de fanflans Arrefis,
I l cherche le repos, ^ devien t doux,
Dans cette occafion, ou confufe,
tremblante, '
ïattens ou la vie, ou la mort: I l veut que vous cediez^aux foùpirs
d'une Amante <
Dont vous p ouvezpeoftrie fierté
x ,F /? Son^ez^vous a quels maux vofire
rigueur m'expofe,
Si vous ojez, vous éloiqner ?
E t peut-on de ces maux fe rendre
exprès la caufe,
Quandon me les peut épargner l
le veux bien, s9
il lefa u t, compter
à rien l'abfence,
QuoyquinfuportableauxAwtàiï
Que ne plaiflM au Ciel de borner
ma fouffrance
e r < W
douleur extrême..
Conjole l'Amour aux abois-,
M ais avoir à trembler toujours
pour ce quon aime,
Combien efl-ce mourir de fois ?
GALANT. i4
j
Chaque pas avâcé, chaque T ra n
chée ouverte,
M c va glacer le cæurd'effroy,
Et d'un heureux (uccezjlimage en
vain offerte, (moy.
M y peindra mille maux pour
TT"3
'euft la plus forte Place emporté
qu'une tefie,
Dontle bruitviennejufquà nous,
Vous croyant aujjl-toft le prix de
M es larmes couleront pour vous9
•îji
Toùjours impatiente , & toujours
allarmèe.
Si je voy quon fe parle bas,
le rnmagineray que parlant de
P Armée,
On me cache voflre trépas >
N
LE MERCURE
Dans l'ardeur a efre infimité , &
le doute d'entendre
Ce qui fcroit mon defefpoir3
i
ray d'apprendre
Ce que je craindray de feavoir,
1
*
Qui iauroit jamais cru 1 M a joye
efioit parfaite!
j4u bruit des Triomphes du Roy,
Rien n auroit pu me, rendre inftdelle Sujete, , .
E t je vay l'efire malgré moy.
Je voudrons que fa gloire à nulle
autre fécondé,
Entaffafi Exploits fur Exploit^
Q uainfi que de nos coeurs il
M aiftre du Monde,
Que tout y reconnut fies Rotsc,
GALANT. 147
Cependant je fensbien dans les rudes a II arm es
Où vofire fort me plongera,
Que je feray réduite à répandre des
larmes
Chaque fois q u il triomphera.
I
Sas que vos y eux en foiët témoinsÙ4ura-t'il plus de peine a fa ire des
co nquefics,
pour avoir unGuerrier de moins?
K
\A ne le fuivre pas où toujours la
Piéloire
S*emprejfe à luy faire fa cour^
Eloigné des périls vous aurerjnoins
/
M aie vous m h rere^lu s£ amour.
♦
i
4
8 le mercure
fh fo n blâme ce defein dont l'ar*
deiïr de me 'plaire
Voies doit avoir fa it fine Loy,
Efi-ce, quoy quon endife,une peine
à voies fa ire ,
S i voies ne vive^queperur moyl
& ,,
Q uynd df
un feu véritable on a l
me en fam ée,
<Aimer eft noflre unique bien,
E t pouiveu que don plaife u l#
Personne aimée,
On compte tout le rejle à rien.
Vous m'en pouvez, convaincre écoti’
tant ma priere, ,
Pourquoy ne le faites vous pris.
G A LA N T. 149
T , 5/ de vous fignalerpar quelque
grand fcrvice,
Le defir vous tient partage,
JT'n coeur comme le mien vaut bien
le fa orifice
D'un peu de renom ncgligf.
L 'A m our vous le demande, il efl
bon de [e rendre
A qui brûle tout de fesfeux>
E t ce quont fa it Ce fa r, Annibal,
Alexandre,
fo u s le pouvezjaire comme eux.
&
Ils riont cru rien ofler a l'éclat de
leur gloire,
En fa fa n t triompher F Amour*,
S ils luy lai foientfur eux emporter
la victoire,
11 le s fa i foi t vaincre a leur tour.
N iij
K
Ijo LE MERCURE
Apres ces Conquérons, vous luy
Abandonner voflre fiertés
Soûmettezfia, pourveuquil vous
■ en tienne compte
Vous en aurait il trop coûté l
I l a pour qui confient a luy rendre
les armes,
Des hiensquon ne peut exprimer^
Pour qoùter purement leurs plus
finfibles charmes,
Vous riavez^qu cifiçavoiraimer
Fermer
Résumé : JULIE A LEANDRE.
Dans une lettre adressée à son amant André, Julie exprime son désarroi face à son départ imminent pour l'armée. Elle compare ce départ à la tyrannie et critique l'honneur qui l'oblige à partir, le qualifiant de chimère vaine et de bien imaginaire. Julie met en garde contre les dangers auxquels André s'expose et la brièveté de la reconnaissance pour ses exploits. Julie supplie André de ne pas l'abandonner, affirmant que l'amour a toujours des droits, même s'il peut être impétueux et terrible. Elle décrit sa propre souffrance et sa peur de le perdre, imaginant les pires scénarios. Elle exprime son désir de partager sa douleur et son inquiétude constante pour lui. Malgré les triomphes et les exploits, elle sait qu'elle pleurera à chaque victoire, car elle sera loin de lui. Julie conclut en admettant que, malgré son amour, elle ne peut empêcher André de partir. Elle reconnaît la noblesse de son devoir mais exprime son espoir qu'il revienne sain et sauf. Elle compare son amour à celui des grands conquérants, soulignant que même eux n'ont pas pu résister à l'amour. Elle invite André à soumettre sa fierté à l'amour, suggérant qu'il pourrait en valoir la peine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 20-57
LA MALADIE DE L'AMOUR.
Début :
L'Amour ne faisant pas moins parler de luy que la Mort / Les Graces venoient de laisser l'Amour entre les bras du [...]
Mots clefs :
Amour, Grâces, Destin, Beautés, Jeunesse, Maladie, Remèdes, Bonheur, Vénus, Hyménée , Plaisirs, Mercure, Éloignement, Temps, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA MALADIE DE L'AMOUR.
L'Amour ne faifant pas moins parler de luy que la Mort, adonnélieu depuis quelque temps à la Piece
ſuivante. Elle faitdu bruit,ellea ſes Partiſans,vousjugerez s'ils ont raiſon d'en dire du
bien.. LA MALADIE
DE L'AMOVR.
L
Es Graces venoient de
laiſſer l'Amour entre les
bras du Sommeil , &fe mocquoientde la ſtupiditéde ce Dieu, qui ayant l'avantage de poſſeder tousles joursles plus belles perſonnes du monde ,
ne leurdit iamais une parole ,
tant il a peurdedes-obligerle filence qui le loge dans ſon Palais , quandelles virent ar- river inopinément l'Amour.
lavoitfonBandeau àla main,
&laiſſoit voir autant de colere dansſesyeux, que d'aba- tementſur ſon viſage.
16 LE MERCURE
Non, dit- il,en entrant ie n'enreviendray pas,
lel'ay iuré,iabandone lemode,
Fuyons des lieux où l'iniuftice abonde,
C'est trop avoir comerce avecdes
Ingrats.
Pourprix de mes lõguesfatigues Alesſervirdas leurs intrigues,
Ozer tenir de moy mille infolens
propos?
Chercherfans ceſſe àmefaire in.
cartade,
Ien'enpuisplus,i'enſuis malade,
Promptement , un Lit de repos.
Les Graces qui n'ont iamais
plus de joye que quand elles font avec l'Amour , ne furent
point pareſſeuſes à le fatisfai- re. Elles luy dreſſerent un lit
de roſes , & le dépouillerent
GALANT.17 - de fon Carquois, dont il brifa les flêches devant elles. Il ſe
coucha en ſuite , & en ayant receu mille careſſes par lef- quelles elles tâcherent à le conſoler de ſon chagrin ;
Recouvrons le repos que trop
d'embarras m'oſte,
Cherchons,dit- il, cherchonsde la
tranquillité:
Si iesouffre c'est voſtre faute ,
Et mon malheur ne vient que de
voſtrefierté.
Partout ou vous mevoulezfuivre ,
Comme vous y menez &les Ris
&les leux,
Ie ne voy que des Gens affez con- tensdevivre
Lecœur embraséde mesfeux ;
Mais l'ordre du Destin qui vous
18 LE MERCURE fitimmortelles,
Vous faisant demeurer toûjours icunes &belles ,
CePrivilegegaste tout ,
Ilfait que vous n'aimez àvoir
quevosſemblables ;
Etquand iepense ailleurs vous rendreunpeu traitables,
Ien'ensçauroisveniràbout.
MilleAmantes ont beau chercher
defeurs remedes Aux maux que vous pourriez m'aideràdétourner,
Vousdédaignez les Vieilles &les
Laides
Chezqui ietâcheàvous mener;
Et cependantfans vous quepuis- iefeulpour elles ?
Ilm'enfaut tont les jours effuyer
:
cent querelles :
L'ay tortquandpardégoût on leur
manque defoy ,
GALANT. 19
!
lefuis traité d'injuste &d'aveugle&de traiſtre ,
Et tout cela , parce qu'avecque
moy 1 Auprésd'ellesiamaisvousnevou.
lezparoiſtre.
N
Lesgraces dirent mille choſes obligeantes à l'amour pourſe juſtifier auprés deluy,&rejer- terent leur manque de complaiſance ſur l'impoſſibilité qu'il y a de preſter quelque agrément à des Beautez déja furannées ; car pour les laides,
dirent- elles , vous ſçavez que nous ne les fuyons pas toutes.
Il yen a quelques-unes ſur le chapitre deſquelles vous avez aſſez àvousloüerde nos foins.
Nous demeurős d'accord que quand vous les allez engager
20 LE MERCURE
:
4
à reconnoître voſtre pouvoir,
nous ne vous accompagnons pas ſeules , & que vous faites en forte que la Jeuneſſe ſe trouve avec nous ; mais de
grace , ceſſez de nous rendre
reſponſables de vos chagrins;
les plus grands que vous ayez viennentdu coſté des Hommes , & ce ſont pourvous de
terribles eſprits à gouverner.
Il est vray,dit l' Amourqu'ils me cauſent despeines,
Qui m'accablent àtous momës,
Ienepuis nyferrer , ny relâcher
leurs chaînes,
Queie n'aye àsouffrir de leurs déréglemens.
:
Si trop de reſiſtance àleur flame
opposée Leur fait perdre l'espoir d'une Conqueste aisée,
GALANT. 2[
Ieneſuis qu'unTyran dont- ilfaut s'affranchir ;
Etfi laBelle àqui ie les engage Se laiſſe unpeu trop toſt fléchir,
Iamais elle n'a dû meriter leur
hommage.
Ainsi d'unfaux déguisement
Couvranttoutes leurs injaſtices,
Lorsque iem'accommode à leur
temperament,
Ilsseplaignent infolemment Qu'ils sont contraints defuture
mescaprices.
Qu'ils soient fourbes , ſan foy ,
trompeurs , audacieux,
Bizares,inconstans, emportez,fu- -
rieux,
De leurs defauts c'est moyseul -qu'ils accuſent,
Moy qui cherchepartout la con- corde&la paix,
22 LE MERCURE
Etquicentfois ay cõblédebiensfarts Ces lâches, ces ingratsqui de mon nomabusent.
C'en est fait, ma reſolution eſt
priſe , ie romps pour toûjours avec eux; & puis que les pei- nes qu'ils ſe font eux- mêmes leur font oublier lesavantages qu'ils reçoivent de moy , ie m'en vengeray hautement, en ne retournant iamais ſur la
terre. Aces mots il demanda
qu'on le laiſſat repoſer pour ſe remettre des fatigues qu'il avoit euës avec les hommes; &
comme les maux des Dieux
s'en vont auſſi promptement
qu'ils viennent , & que leur gueriſon dépend toûjours de leur volonté, lesGraces ne ſe
GALANT. 23
1
mirent pas en peinedu reme- de qu'il falloir apparter à la maladie dontil s'eſtoit plaint,
&elles le laiſſerent dormir
juſqu'au lendemain , qu'elles nemanquerent pasdeſe trou- verà ſon réveil. Ce repos qu'il avoit pris extraordinairement
(car il luy eſt fort nouveau
d'en prendre) luyavoit mis ſur leteint une fraîcheur qui les
ébloüit. Il leur parut plus po- relé qu'il n'avoit accoûtumé
- del'eſtre,&elles le trouverent
ſi beau, qu'elles ne pouvoient ſe laſſer de luy en faire paroître leur admiration .
Ahquelbonheur, dit- il, de pouvoiràfon aiſe
Dormir ainſi tranquillement !
Ie puis d'un doux loisir profuer
pleinement ,
24 LE MERCURE
Sansqu'ilfoitsurprenant que le
:: repos me plause,
?
:
Vnlong trava Idemande un long
delaffement Que n'ay jepointfouffert , pen.
dant quesur laterre L'offrois en vain la Paix qui doit
Suivre l'Amour !
Toûjours dispute,toûjours guerre:
L'étois àtout calmeremployénuit
&iour ;
Maisqu'avons- nous , immortels
que noussommes,
Anous inquieter, comme le monde ira ?
Quant àmoydeformais , prenne Soinqui voudra
Des affaires du cœur des homes,
;
İyrenonce,fansmoyſoit aiméqui
pourra.
Cefont des importuns qu'on ne
peutSatisfaire,
Et
GALANT. 25 7
Et qui d'un sentiment toûjours contraire au mien,
Trouvant ce qu'ils n'ont pas dignefeul de leurplaire ,
Veulent tout &ne veulent rien.
Trois jours s'écoulerent de
cette forte , pendant leſquels lesGraces tinrent fidelle compagnie à l'Amour. Comme ce n'est qu'un enfant, elles avoiét
le plaifir de le pouvoir baifer
ſans ſcrupule , & c'eſt entre- elles à qui l'auroit plus ſou- vent entre lesbras. Cependant Vénus qui avoit fait un voyage en terre , en eſtoit revenuë toute indignée , de ce qu'au lieudeshonneurs qu'elle avoit
accouſtumé d'y recevoir , elle avoit trouvé ſes Temples de
ferts.
Tome 2. B
26 LE MERCURE
Parcetteoyfivetéquepretendezvousfaire,
Dit-elleàsonfils triſtement ?
Magloire vous est-elle aujour.
d'huy lipeuchere,
Quevous puissiezvoirvôtre mere
Qu'àl'envytoutle mondeoutrageimpunément ?
Ladifcorde en ma placeen terre reverée,
Par voſtre éloignement joüit de meshonneurs :
Temevoyfans encens quand elle estadorée;
Etparses discoursfuborneurs,
Ellea tant fait partout quema
honteestjurée.
C'est trop , nesouffrez pasqu'elle mepousse àbout ,
Remettez les mortels dans leurs
premieres chatnes ;
S'il vous en coûtequelquespeines,
と
GALANT. 27
Par elles il est beau d'estre maistre
detout.
Venus eut beau faire des remontrances, l'Amour s'obſtina
àvouloireſtre malade, &pre- tendit que les hommes ne va- loient pas qu'il ſe privat pour euxdu repos quiluyeſtoit ne- ceffaire. Il s'en accommodoit
lemieux dumonde, &il n'avoit jamais rien trouvé de fi
doux que de paſſer les iours entiers, comme il fa foit , à fo lâtrer avec les Graces qui ne le
quitoient point. Mercure qui le cherchoit pour luy rendre comptede ce qui s'eſtoit paſſé fur la terre depuis ſon départ ,
le trouva qui ſe divertiſſoit avec elles &le voyant aſſis fur
les genoux del'une,tandis que l'autre luy tenoit les mains;
Bij
28 LE MERCURE
Ah vrayement,lay dit ilie vous
Lçayfort bongré Detout cejoly badınage ,
Detels amusemens conviennentà
voſtre âge ,
Maispourvous eſtre icy du mon- deretiré,
Vous avezfait un beau ménage.
Depuis qu'il vous a plû de vous
en éloigner,
Sçavez vous qu'iln'est rien qui n'ait changé de face ?
L'intereſtſeul en vôtre place
S'est acquis le droit de regner.
Il corrompt l'ame la plusſaine :
Ce n'est qu'emportement trouble, quefureur ,
, que
3
Chacun ne respire que haine ,
Les moins méchansfontfurpris de L'erreur
Quivers la difcorde les mene,
Tout s'y laiſſe entrainer , on s'at
GALANT. 29
taque, onsenuit.
Vouloir eftre obligeant, c'estfui- vre unechimere
Quedans les cerveaux creuxle
mauvais goût produit.
Comme on n'a nal defir de plaire,
On est pour lebeausexe , infolent,
temerare,
Et la civilité que tout le monde
:
fuit,
Cherchant employ par tout ne trouve rien àfaire.
L'Avarice eſt le mal leplus commundetous ,
L'épargne est en credit , plus de Modes nouvelles ,
Plus d'ornemens, plus de bijoux.
On nevoit qu'envieux , dont les
efprit jaloux
Semblentſe nourrir de querelles.
Personne ne fait plus ny Vers , uy Billets doux,
Biij
30 LE MERCVRE Plus d'agreables bagatelles ;
Onne donne ny Bals , nygalants Rendez-vous,
Et tous les homes pourles belles Sont devenus devrais hiboux.
Que ie ſuis ravy de cedeſor- dre , dit l'Amour tout réjouy !
Voilaun renverſementquime charme. Les hommes vont
connoiſtre ce que ie vaux, par les malheurs où les plongera mon éloignement. Mais,dites- moy ie vous prie que fait l'A- mitié ? At'on conſervé quel que reſpect pourelle?Et l'Hy menée avec qui i'eſtois ſi ſou- vent broüillé , fait-il mieux ſes
affaires ſeul qu'il ne les faiſoit
avec moy ?
L'Amitié, dit Mercure, avoulu
S'ingerer
GALANT.31
DEL
Defaire en terre vêtre office ;
Elleentretient les nœuds qu'on luy donneàferrer,
Mais le moindre debat la fait
presque expirer,
Et contrel'intereſt, pourpeu qu'il l'affoibliffe,
YON
Satiedeurnesçauroitdurer.
Quantàl'Hymen,parvôtre ab- fence
C'eſtpis centfois quecen'estoit
Acause du dégoût de l'indif ference [alliance,
Avecquidetout temps elleafait
vouséclatoit;
Toûjours quelque divorce entre
Maispourveu qu'on s'armâtd'un peudepatience,
Apresavoirgrondé, rompul'in- telligence ,
Vous vous raccommodiez, & tout
: feremettoit.
Biiij
32 LE MERCURE Apreſent que la Politique Portefans vous les gens às'unir pourtoûjours,
Dés qu'ons'estengagél'onn'aplus de beaux jours ;
Chacun en mots dolens
malheurs'explique ,
de fon
Etles regretsfont laseule Musiique,
Quichez les marieza cours.
Vous en riez ? Voila bien dequoy
rive.
Prenez-le ſur un autre ton ;
Sivous neretournez exercervôtre
empire,
Lemondesevaperdre, chacun
ensoupire,
Comme on faisoit du temps de Phaëton.
N'importe , repartit l'Amour ,
c'eſt ce que ie demande , ie ne
GALANT. 33
ſçaurois trop punir des fantaſ- ques, qui me faiſant trop inju- ſtement autheur de tous les
maux qu'ils fouffrent par leurs folies, n'ont aucune reconnoifſance des plaiſirs que ie leur procure. Le reposm'a'a fait goû- ter icy desdouceurs que ie n'a- voisiamais éprouvées , & iene meſens pas en humeur d'y re- noncer. Mercure le laiſſa dans
ceſentiment, &quelque temps s'eſtant encor paffé ſans que Venus pût obtenir de luy qu'il changeât de reſolution , un iour qu'il étoit fort en trainde rire , il entendit du bruit qui P'obligea à tourner la tête pour ſçavoir qui le venoit troubler dans ſa Retraite. Lecroiriezvous , luy dirent les Graces ,
c'eſt la Raiſon, vôtre plus irre
Bv
34. LE MERCURE
conciliable ennemie , quide- mande à vous parler.
Voilade mes ingrats oùvalamé- diſance,
S'écria-t'il touten courroux ;
Parce qu'illeurplaîtd'êtrefous,
D'aimerlahonteuse licence ,
Quin'est propre qu'aux loupsgaroux,
Ils nesçauroientsouffrir, fanss'en:
faire une offence ,
Qu'avecque la Raiſon iefois d'intelligence Pour mieuxfairegoûtermescharmes les plus doux ;
C'est elle cependant qu'à mefui- vrei'invite,
Partout ou iaydeffein de merendrevainqueur,
L'empruntefes couleurspourpein..
dre lemerite
GALANT.
35 Quidoit toucher unnoble cœur.
C'est alors qu'à mes traits se li- vrant avecjoye Ce cœurs'en laiſſepenetrer ,
Ie lay dois trop pour neme pas
montrer,
LaRaiſon me demande , ilfaut
queie la voye,
Dépêchez, qu'on lafaſſe entrer.
Acesmotsil courut au devant
d'elle , & témoigna parl'ac- cüeil le plus obligeant l'eſtime particuliere qu'il en faiſoit. La Raiſon receut ſes careſſes avec
plaifir , & le regardant d'un œil plus ſatisfait qu'elle n'avoit paru l'avoir en entrant :
Parcerestede bienveillance,
Luydit-elle , accordezàmes empreſſemens
36 LE MERCURE
Lebonheur de vostre presence,
Vous devez cette complaisance Al'appuy que ie donne àtous vos Sentimens.
Vousfçavezqueiamais ienevous fus contraire,
Que 'iay toûjours cherché l'union
avec vous,
Etqu'où nous terminons enſemble quelque affaire.
On se trouve affez bien denous.
Etouffez un chagrin qui nepeut
quemenuire.
Nos communs interêts nous y doi-
: vent porter :
L'un & l'autre, partout où vous
m'ofez conduire ,
Nous avons quelque appuy toûjoursànousprester ,
Vous meservez àm'introduire,
Etievousſirs àvousfaire écouter.
Depuis que les mortels ne vouS.
GALANT. 37
ontpluspourguide,
Vous desgroffieretez l'ennemy déclaré,
Il n'est rienſi défiguré,
I'ay beau chercherà leur tenir
labride,
Iene trouve par tout qu'orgueil
démesuré,
Quefaste insupportable, ou bêtise
timide;
Si ie quite un brutal ie rencontre
unstupide,
Pointde cœurgenereux point d'efprit éclairé.
Vousſeul à tant de maux pouvez donnerremede ,
Parvous lafiertés'adoucit,.
Parvous àſepolir ,ſans emprun- terd'autreaide ,
Leplus farouche reüſſit .
Revenez- donc au monde , oùpar vostre presence
38 LE MERCURE
Vous remettrez foudain la concorde&lapaix ,
l'ySoûtiendraypartout laforcede
vos traits,
Et nous en bannirons l'audace &
l'inſolence,
Si nous ne nousquittons iamais.
La propoſition ne déplût pas à l'Amour ; mais comme il fut
quelquetemps fans répondre,
la perfuafion qui eſtoit de -
meurée à la porte, crût qu'il eſtoit temps qu'elle parlat ; &
l'Amour ne la vit pas plûtoſt s'avancer , que prevenant ce qu'elle pouvoit avoir à luydi- re ; Arreſtez , luy cria-t'il de loin , ce ſeroit faire tort à l'union qui a eſtédetout temps entre la Raifon&moy,quede
croire qu'elle ait beſoin de vo
GALANT. 39
ſtre ſecours pour me faire en- trer dans ſes ſentimens. Il eſt
de certains Amours évaporez qui ne s'en accommoderoient
pas ; mais pour moy qui ſuis ennemydudéreglemét ( quoy que s'en ſoient voulu imagi- ner les hommes ) ie n'ay point
demeilleure amie que la Raifon. Il eut à peine achevé ces mots , qu'il apperçeutlaGloi- re , qui eſtant accouſtumée à
eſtre receuë par tout àbras ouverts , crut qu'il feroit inutile
de faire demander ſi l'entrée
buy ſeroit permiſe. L'Amour prit plaifir à la voir marcher d'un pas auſſi majestueux que fa mine eſtoit altiere. Il la receutfort civilement ; & apres
qu'elle eut répondu à ſes pre- mieres honneſtetez.
40 LE MERCURE Paroùpeut on avoir merité, luy
ditelle,
Que vous vous obſtiniez dans ce honteux repos ?
Il n'a iamais esté d'absence fi
cruelle:
Finiſſez là, chacun àl'envy voas
rappelle,
Eti'ay beſoindevous pourfaire
desHeros.
Pour les Exploits d'éclat quelque prixque l'étale,
Lavaleurſans Amourest aveugle,
brutale,
Etſemblemoins cueillir qu'arra- cherdes lauriers.
Dansle métier de Mars l'Amour
eft neceffaire,
Etc'est lefeul defir deplaire,
Qui fait lesplusfameux Guerriers.
4
GALANT. 41 L'Amour ſe trouva agreable- ment flaté de ce que la Gloire
luy dit,& il révoit à la réponſe qu'il luy devoit faire, quand il vitentrer tout à la fois,la Beauté , la Conſtance , la Galante
rie,& les Plaiſirs qui luy firent mille plaintes de ce que fon éloignement leur faiſoit ſouf- frir. La Beauté exagera com- bien il luy eſtoit honteux de
n'avoir aucun avantage ſur la laideur,&de n'être plus confiderée de perſonne , parce que
perſonne ne ſongeoit plus à
aimer. Mais ce qui commença d'ébranler l'Amour , ce fur ce
queluydirent les Plaiſirs , qui ſe voyoient malheureuſement exilez par le retranchement
des Feſtes galantes , & de tout
ce qui pouvoit contribuer au
42 LE MERCURE
divertiſſement des belles, tous
les jeunes gens eſtans tombez depuis ſon départdans une fa- le débauche , qui ne leur laif- ſoit trouverde lajoye quedans la ſeule brutalité. Ils parlerent fi fortement , & ils furent fi
bien ſecondez par les autres qui avoient le même intereſt qu'eux de faire revenir l'A- mour en terre , que ſe laiſſant
toucheràleurs prieres ;
C'estfait , vous l'emportez,leur dit-il,iemerends,
Quoyqu'endouceurpourmoy cet- teretraite abonde,
Ilfaut aller revoir mes injustes.
tyrans,
Er tâcher de mettre ordre à tous
les differens Que mon éloignement a caufé
GALANT. 43 dans lemonde ;
Puisqu'on le veut ainsi,igretourneavecvouS ,
Mais à condition qu'un traitementplus doux Effacerade moy ce que l'on afait croire,
Etquepour empêcher mille brutalitez
QuijettentsurmonNomunetâ- chetrop noire,
Partout ouieſeray, la Raison &
laGloire
Iront toûjours à mes costez.
Le party fut accepté, &il plut tellement aux Graces,qu'elles
jugerent de ne plus abandon- ner l'Amour.
ſuivante. Elle faitdu bruit,ellea ſes Partiſans,vousjugerez s'ils ont raiſon d'en dire du
bien.. LA MALADIE
DE L'AMOVR.
L
Es Graces venoient de
laiſſer l'Amour entre les
bras du Sommeil , &fe mocquoientde la ſtupiditéde ce Dieu, qui ayant l'avantage de poſſeder tousles joursles plus belles perſonnes du monde ,
ne leurdit iamais une parole ,
tant il a peurdedes-obligerle filence qui le loge dans ſon Palais , quandelles virent ar- river inopinément l'Amour.
lavoitfonBandeau àla main,
&laiſſoit voir autant de colere dansſesyeux, que d'aba- tementſur ſon viſage.
16 LE MERCURE
Non, dit- il,en entrant ie n'enreviendray pas,
lel'ay iuré,iabandone lemode,
Fuyons des lieux où l'iniuftice abonde,
C'est trop avoir comerce avecdes
Ingrats.
Pourprix de mes lõguesfatigues Alesſervirdas leurs intrigues,
Ozer tenir de moy mille infolens
propos?
Chercherfans ceſſe àmefaire in.
cartade,
Ien'enpuisplus,i'enſuis malade,
Promptement , un Lit de repos.
Les Graces qui n'ont iamais
plus de joye que quand elles font avec l'Amour , ne furent
point pareſſeuſes à le fatisfai- re. Elles luy dreſſerent un lit
de roſes , & le dépouillerent
GALANT.17 - de fon Carquois, dont il brifa les flêches devant elles. Il ſe
coucha en ſuite , & en ayant receu mille careſſes par lef- quelles elles tâcherent à le conſoler de ſon chagrin ;
Recouvrons le repos que trop
d'embarras m'oſte,
Cherchons,dit- il, cherchonsde la
tranquillité:
Si iesouffre c'est voſtre faute ,
Et mon malheur ne vient que de
voſtrefierté.
Partout ou vous mevoulezfuivre ,
Comme vous y menez &les Ris
&les leux,
Ie ne voy que des Gens affez con- tensdevivre
Lecœur embraséde mesfeux ;
Mais l'ordre du Destin qui vous
18 LE MERCURE fitimmortelles,
Vous faisant demeurer toûjours icunes &belles ,
CePrivilegegaste tout ,
Ilfait que vous n'aimez àvoir
quevosſemblables ;
Etquand iepense ailleurs vous rendreunpeu traitables,
Ien'ensçauroisveniràbout.
MilleAmantes ont beau chercher
defeurs remedes Aux maux que vous pourriez m'aideràdétourner,
Vousdédaignez les Vieilles &les
Laides
Chezqui ietâcheàvous mener;
Et cependantfans vous quepuis- iefeulpour elles ?
Ilm'enfaut tont les jours effuyer
:
cent querelles :
L'ay tortquandpardégoût on leur
manque defoy ,
GALANT. 19
!
lefuis traité d'injuste &d'aveugle&de traiſtre ,
Et tout cela , parce qu'avecque
moy 1 Auprésd'ellesiamaisvousnevou.
lezparoiſtre.
N
Lesgraces dirent mille choſes obligeantes à l'amour pourſe juſtifier auprés deluy,&rejer- terent leur manque de complaiſance ſur l'impoſſibilité qu'il y a de preſter quelque agrément à des Beautez déja furannées ; car pour les laides,
dirent- elles , vous ſçavez que nous ne les fuyons pas toutes.
Il yen a quelques-unes ſur le chapitre deſquelles vous avez aſſez àvousloüerde nos foins.
Nous demeurős d'accord que quand vous les allez engager
20 LE MERCURE
:
4
à reconnoître voſtre pouvoir,
nous ne vous accompagnons pas ſeules , & que vous faites en forte que la Jeuneſſe ſe trouve avec nous ; mais de
grace , ceſſez de nous rendre
reſponſables de vos chagrins;
les plus grands que vous ayez viennentdu coſté des Hommes , & ce ſont pourvous de
terribles eſprits à gouverner.
Il est vray,dit l' Amourqu'ils me cauſent despeines,
Qui m'accablent àtous momës,
Ienepuis nyferrer , ny relâcher
leurs chaînes,
Queie n'aye àsouffrir de leurs déréglemens.
:
Si trop de reſiſtance àleur flame
opposée Leur fait perdre l'espoir d'une Conqueste aisée,
GALANT. 2[
Ieneſuis qu'unTyran dont- ilfaut s'affranchir ;
Etfi laBelle àqui ie les engage Se laiſſe unpeu trop toſt fléchir,
Iamais elle n'a dû meriter leur
hommage.
Ainsi d'unfaux déguisement
Couvranttoutes leurs injaſtices,
Lorsque iem'accommode à leur
temperament,
Ilsseplaignent infolemment Qu'ils sont contraints defuture
mescaprices.
Qu'ils soient fourbes , ſan foy ,
trompeurs , audacieux,
Bizares,inconstans, emportez,fu- -
rieux,
De leurs defauts c'est moyseul -qu'ils accuſent,
Moy qui cherchepartout la con- corde&la paix,
22 LE MERCURE
Etquicentfois ay cõblédebiensfarts Ces lâches, ces ingratsqui de mon nomabusent.
C'en est fait, ma reſolution eſt
priſe , ie romps pour toûjours avec eux; & puis que les pei- nes qu'ils ſe font eux- mêmes leur font oublier lesavantages qu'ils reçoivent de moy , ie m'en vengeray hautement, en ne retournant iamais ſur la
terre. Aces mots il demanda
qu'on le laiſſat repoſer pour ſe remettre des fatigues qu'il avoit euës avec les hommes; &
comme les maux des Dieux
s'en vont auſſi promptement
qu'ils viennent , & que leur gueriſon dépend toûjours de leur volonté, lesGraces ne ſe
GALANT. 23
1
mirent pas en peinedu reme- de qu'il falloir apparter à la maladie dontil s'eſtoit plaint,
&elles le laiſſerent dormir
juſqu'au lendemain , qu'elles nemanquerent pasdeſe trou- verà ſon réveil. Ce repos qu'il avoit pris extraordinairement
(car il luy eſt fort nouveau
d'en prendre) luyavoit mis ſur leteint une fraîcheur qui les
ébloüit. Il leur parut plus po- relé qu'il n'avoit accoûtumé
- del'eſtre,&elles le trouverent
ſi beau, qu'elles ne pouvoient ſe laſſer de luy en faire paroître leur admiration .
Ahquelbonheur, dit- il, de pouvoiràfon aiſe
Dormir ainſi tranquillement !
Ie puis d'un doux loisir profuer
pleinement ,
24 LE MERCURE
Sansqu'ilfoitsurprenant que le
:: repos me plause,
?
:
Vnlong trava Idemande un long
delaffement Que n'ay jepointfouffert , pen.
dant quesur laterre L'offrois en vain la Paix qui doit
Suivre l'Amour !
Toûjours dispute,toûjours guerre:
L'étois àtout calmeremployénuit
&iour ;
Maisqu'avons- nous , immortels
que noussommes,
Anous inquieter, comme le monde ira ?
Quant àmoydeformais , prenne Soinqui voudra
Des affaires du cœur des homes,
;
İyrenonce,fansmoyſoit aiméqui
pourra.
Cefont des importuns qu'on ne
peutSatisfaire,
Et
GALANT. 25 7
Et qui d'un sentiment toûjours contraire au mien,
Trouvant ce qu'ils n'ont pas dignefeul de leurplaire ,
Veulent tout &ne veulent rien.
Trois jours s'écoulerent de
cette forte , pendant leſquels lesGraces tinrent fidelle compagnie à l'Amour. Comme ce n'est qu'un enfant, elles avoiét
le plaifir de le pouvoir baifer
ſans ſcrupule , & c'eſt entre- elles à qui l'auroit plus ſou- vent entre lesbras. Cependant Vénus qui avoit fait un voyage en terre , en eſtoit revenuë toute indignée , de ce qu'au lieudeshonneurs qu'elle avoit
accouſtumé d'y recevoir , elle avoit trouvé ſes Temples de
ferts.
Tome 2. B
26 LE MERCURE
Parcetteoyfivetéquepretendezvousfaire,
Dit-elleàsonfils triſtement ?
Magloire vous est-elle aujour.
d'huy lipeuchere,
Quevous puissiezvoirvôtre mere
Qu'àl'envytoutle mondeoutrageimpunément ?
Ladifcorde en ma placeen terre reverée,
Par voſtre éloignement joüit de meshonneurs :
Temevoyfans encens quand elle estadorée;
Etparses discoursfuborneurs,
Ellea tant fait partout quema
honteestjurée.
C'est trop , nesouffrez pasqu'elle mepousse àbout ,
Remettez les mortels dans leurs
premieres chatnes ;
S'il vous en coûtequelquespeines,
と
GALANT. 27
Par elles il est beau d'estre maistre
detout.
Venus eut beau faire des remontrances, l'Amour s'obſtina
àvouloireſtre malade, &pre- tendit que les hommes ne va- loient pas qu'il ſe privat pour euxdu repos quiluyeſtoit ne- ceffaire. Il s'en accommodoit
lemieux dumonde, &il n'avoit jamais rien trouvé de fi
doux que de paſſer les iours entiers, comme il fa foit , à fo lâtrer avec les Graces qui ne le
quitoient point. Mercure qui le cherchoit pour luy rendre comptede ce qui s'eſtoit paſſé fur la terre depuis ſon départ ,
le trouva qui ſe divertiſſoit avec elles &le voyant aſſis fur
les genoux del'une,tandis que l'autre luy tenoit les mains;
Bij
28 LE MERCURE
Ah vrayement,lay dit ilie vous
Lçayfort bongré Detout cejoly badınage ,
Detels amusemens conviennentà
voſtre âge ,
Maispourvous eſtre icy du mon- deretiré,
Vous avezfait un beau ménage.
Depuis qu'il vous a plû de vous
en éloigner,
Sçavez vous qu'iln'est rien qui n'ait changé de face ?
L'intereſtſeul en vôtre place
S'est acquis le droit de regner.
Il corrompt l'ame la plusſaine :
Ce n'est qu'emportement trouble, quefureur ,
, que
3
Chacun ne respire que haine ,
Les moins méchansfontfurpris de L'erreur
Quivers la difcorde les mene,
Tout s'y laiſſe entrainer , on s'at
GALANT. 29
taque, onsenuit.
Vouloir eftre obligeant, c'estfui- vre unechimere
Quedans les cerveaux creuxle
mauvais goût produit.
Comme on n'a nal defir de plaire,
On est pour lebeausexe , infolent,
temerare,
Et la civilité que tout le monde
:
fuit,
Cherchant employ par tout ne trouve rien àfaire.
L'Avarice eſt le mal leplus commundetous ,
L'épargne est en credit , plus de Modes nouvelles ,
Plus d'ornemens, plus de bijoux.
On nevoit qu'envieux , dont les
efprit jaloux
Semblentſe nourrir de querelles.
Personne ne fait plus ny Vers , uy Billets doux,
Biij
30 LE MERCVRE Plus d'agreables bagatelles ;
Onne donne ny Bals , nygalants Rendez-vous,
Et tous les homes pourles belles Sont devenus devrais hiboux.
Que ie ſuis ravy de cedeſor- dre , dit l'Amour tout réjouy !
Voilaun renverſementquime charme. Les hommes vont
connoiſtre ce que ie vaux, par les malheurs où les plongera mon éloignement. Mais,dites- moy ie vous prie que fait l'A- mitié ? At'on conſervé quel que reſpect pourelle?Et l'Hy menée avec qui i'eſtois ſi ſou- vent broüillé , fait-il mieux ſes
affaires ſeul qu'il ne les faiſoit
avec moy ?
L'Amitié, dit Mercure, avoulu
S'ingerer
GALANT.31
DEL
Defaire en terre vêtre office ;
Elleentretient les nœuds qu'on luy donneàferrer,
Mais le moindre debat la fait
presque expirer,
Et contrel'intereſt, pourpeu qu'il l'affoibliffe,
YON
Satiedeurnesçauroitdurer.
Quantàl'Hymen,parvôtre ab- fence
C'eſtpis centfois quecen'estoit
Acause du dégoût de l'indif ference [alliance,
Avecquidetout temps elleafait
vouséclatoit;
Toûjours quelque divorce entre
Maispourveu qu'on s'armâtd'un peudepatience,
Apresavoirgrondé, rompul'in- telligence ,
Vous vous raccommodiez, & tout
: feremettoit.
Biiij
32 LE MERCURE Apreſent que la Politique Portefans vous les gens às'unir pourtoûjours,
Dés qu'ons'estengagél'onn'aplus de beaux jours ;
Chacun en mots dolens
malheurs'explique ,
de fon
Etles regretsfont laseule Musiique,
Quichez les marieza cours.
Vous en riez ? Voila bien dequoy
rive.
Prenez-le ſur un autre ton ;
Sivous neretournez exercervôtre
empire,
Lemondesevaperdre, chacun
ensoupire,
Comme on faisoit du temps de Phaëton.
N'importe , repartit l'Amour ,
c'eſt ce que ie demande , ie ne
GALANT. 33
ſçaurois trop punir des fantaſ- ques, qui me faiſant trop inju- ſtement autheur de tous les
maux qu'ils fouffrent par leurs folies, n'ont aucune reconnoifſance des plaiſirs que ie leur procure. Le reposm'a'a fait goû- ter icy desdouceurs que ie n'a- voisiamais éprouvées , & iene meſens pas en humeur d'y re- noncer. Mercure le laiſſa dans
ceſentiment, &quelque temps s'eſtant encor paffé ſans que Venus pût obtenir de luy qu'il changeât de reſolution , un iour qu'il étoit fort en trainde rire , il entendit du bruit qui P'obligea à tourner la tête pour ſçavoir qui le venoit troubler dans ſa Retraite. Lecroiriezvous , luy dirent les Graces ,
c'eſt la Raiſon, vôtre plus irre
Bv
34. LE MERCURE
conciliable ennemie , quide- mande à vous parler.
Voilade mes ingrats oùvalamé- diſance,
S'écria-t'il touten courroux ;
Parce qu'illeurplaîtd'êtrefous,
D'aimerlahonteuse licence ,
Quin'est propre qu'aux loupsgaroux,
Ils nesçauroientsouffrir, fanss'en:
faire une offence ,
Qu'avecque la Raiſon iefois d'intelligence Pour mieuxfairegoûtermescharmes les plus doux ;
C'est elle cependant qu'à mefui- vrei'invite,
Partout ou iaydeffein de merendrevainqueur,
L'empruntefes couleurspourpein..
dre lemerite
GALANT.
35 Quidoit toucher unnoble cœur.
C'est alors qu'à mes traits se li- vrant avecjoye Ce cœurs'en laiſſepenetrer ,
Ie lay dois trop pour neme pas
montrer,
LaRaiſon me demande , ilfaut
queie la voye,
Dépêchez, qu'on lafaſſe entrer.
Acesmotsil courut au devant
d'elle , & témoigna parl'ac- cüeil le plus obligeant l'eſtime particuliere qu'il en faiſoit. La Raiſon receut ſes careſſes avec
plaifir , & le regardant d'un œil plus ſatisfait qu'elle n'avoit paru l'avoir en entrant :
Parcerestede bienveillance,
Luydit-elle , accordezàmes empreſſemens
36 LE MERCURE
Lebonheur de vostre presence,
Vous devez cette complaisance Al'appuy que ie donne àtous vos Sentimens.
Vousfçavezqueiamais ienevous fus contraire,
Que 'iay toûjours cherché l'union
avec vous,
Etqu'où nous terminons enſemble quelque affaire.
On se trouve affez bien denous.
Etouffez un chagrin qui nepeut
quemenuire.
Nos communs interêts nous y doi-
: vent porter :
L'un & l'autre, partout où vous
m'ofez conduire ,
Nous avons quelque appuy toûjoursànousprester ,
Vous meservez àm'introduire,
Etievousſirs àvousfaire écouter.
Depuis que les mortels ne vouS.
GALANT. 37
ontpluspourguide,
Vous desgroffieretez l'ennemy déclaré,
Il n'est rienſi défiguré,
I'ay beau chercherà leur tenir
labride,
Iene trouve par tout qu'orgueil
démesuré,
Quefaste insupportable, ou bêtise
timide;
Si ie quite un brutal ie rencontre
unstupide,
Pointde cœurgenereux point d'efprit éclairé.
Vousſeul à tant de maux pouvez donnerremede ,
Parvous lafiertés'adoucit,.
Parvous àſepolir ,ſans emprun- terd'autreaide ,
Leplus farouche reüſſit .
Revenez- donc au monde , oùpar vostre presence
38 LE MERCURE
Vous remettrez foudain la concorde&lapaix ,
l'ySoûtiendraypartout laforcede
vos traits,
Et nous en bannirons l'audace &
l'inſolence,
Si nous ne nousquittons iamais.
La propoſition ne déplût pas à l'Amour ; mais comme il fut
quelquetemps fans répondre,
la perfuafion qui eſtoit de -
meurée à la porte, crût qu'il eſtoit temps qu'elle parlat ; &
l'Amour ne la vit pas plûtoſt s'avancer , que prevenant ce qu'elle pouvoit avoir à luydi- re ; Arreſtez , luy cria-t'il de loin , ce ſeroit faire tort à l'union qui a eſtédetout temps entre la Raifon&moy,quede
croire qu'elle ait beſoin de vo
GALANT. 39
ſtre ſecours pour me faire en- trer dans ſes ſentimens. Il eſt
de certains Amours évaporez qui ne s'en accommoderoient
pas ; mais pour moy qui ſuis ennemydudéreglemét ( quoy que s'en ſoient voulu imagi- ner les hommes ) ie n'ay point
demeilleure amie que la Raifon. Il eut à peine achevé ces mots , qu'il apperçeutlaGloi- re , qui eſtant accouſtumée à
eſtre receuë par tout àbras ouverts , crut qu'il feroit inutile
de faire demander ſi l'entrée
buy ſeroit permiſe. L'Amour prit plaifir à la voir marcher d'un pas auſſi majestueux que fa mine eſtoit altiere. Il la receutfort civilement ; & apres
qu'elle eut répondu à ſes pre- mieres honneſtetez.
40 LE MERCURE Paroùpeut on avoir merité, luy
ditelle,
Que vous vous obſtiniez dans ce honteux repos ?
Il n'a iamais esté d'absence fi
cruelle:
Finiſſez là, chacun àl'envy voas
rappelle,
Eti'ay beſoindevous pourfaire
desHeros.
Pour les Exploits d'éclat quelque prixque l'étale,
Lavaleurſans Amourest aveugle,
brutale,
Etſemblemoins cueillir qu'arra- cherdes lauriers.
Dansle métier de Mars l'Amour
eft neceffaire,
Etc'est lefeul defir deplaire,
Qui fait lesplusfameux Guerriers.
4
GALANT. 41 L'Amour ſe trouva agreable- ment flaté de ce que la Gloire
luy dit,& il révoit à la réponſe qu'il luy devoit faire, quand il vitentrer tout à la fois,la Beauté , la Conſtance , la Galante
rie,& les Plaiſirs qui luy firent mille plaintes de ce que fon éloignement leur faiſoit ſouf- frir. La Beauté exagera com- bien il luy eſtoit honteux de
n'avoir aucun avantage ſur la laideur,&de n'être plus confiderée de perſonne , parce que
perſonne ne ſongeoit plus à
aimer. Mais ce qui commença d'ébranler l'Amour , ce fur ce
queluydirent les Plaiſirs , qui ſe voyoient malheureuſement exilez par le retranchement
des Feſtes galantes , & de tout
ce qui pouvoit contribuer au
42 LE MERCURE
divertiſſement des belles, tous
les jeunes gens eſtans tombez depuis ſon départdans une fa- le débauche , qui ne leur laif- ſoit trouverde lajoye quedans la ſeule brutalité. Ils parlerent fi fortement , & ils furent fi
bien ſecondez par les autres qui avoient le même intereſt qu'eux de faire revenir l'A- mour en terre , que ſe laiſſant
toucheràleurs prieres ;
C'estfait , vous l'emportez,leur dit-il,iemerends,
Quoyqu'endouceurpourmoy cet- teretraite abonde,
Ilfaut aller revoir mes injustes.
tyrans,
Er tâcher de mettre ordre à tous
les differens Que mon éloignement a caufé
GALANT. 43 dans lemonde ;
Puisqu'on le veut ainsi,igretourneavecvouS ,
Mais à condition qu'un traitementplus doux Effacerade moy ce que l'on afait croire,
Etquepour empêcher mille brutalitez
QuijettentsurmonNomunetâ- chetrop noire,
Partout ouieſeray, la Raison &
laGloire
Iront toûjours à mes costez.
Le party fut accepté, &il plut tellement aux Graces,qu'elles
jugerent de ne plus abandon- ner l'Amour.
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Résumé : LA MALADIE DE L'AMOUR.
Le texte relate une conversation entre l'Amour et les Grâces, suivie par l'intervention de Vénus et Mercure. L'Amour, épuisé par les ingratitudes et les comportements injustes des hommes, décide de se retirer et de se reposer. Les Grâces, inquiètes, lui préparent un lit de roses et tentent de le consoler. L'Amour exprime son désir de tranquillité et critique les hommes pour leur inconstance et leur ingratitude, refusant de revenir sur terre et préférant rester avec les Grâces. Vénus, furieuse de voir ses temples profanés, tente de convaincre son fils de revenir, mais sans succès. Mercure informe l'Amour des changements sur terre, où l'intérêt et la discorde règnent. L'Amour se réjouit de ces malheurs, trouvant son repos doux et agréable. La Raison intervient alors et demande à l'Amour de revenir pour rétablir l'ordre et la justice. Parallèlement, une conversation critique l'absence de l'Amour, qui a laissé le monde dans le chaos. La Raison et la Gloire rappellent l'importance de l'Amour, soulignant que sans lui, les exploits héroïques sont vains et que la valeur sans amour est aveugle et brutale. La Beauté, la Constance, la Galanterie et les Plaisirs se plaignent également de leur souffrance due à l'absence de l'Amour, qui a conduit à une débauche brutale parmi les jeunes gens. Touché par ces plaintes, l'Amour accepte de revenir à condition que la Raison et la Gloire l'accompagnent pour éviter les brutalités et les mauvaises interprétations. Les Grâces approuvent cette décision, promettant de ne plus abandonner l'Amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 47-72
« Une fort aimable Marquise, qui valoit bien l'attachement entier [...] »
Début :
Une fort aimable Marquise, qui valoit bien l'attachement entier [...]
Mots clefs :
Cavalier, Amitié, Régal, Veuve, Fête, Musique, Billet, Avare, Conseiller, Amour, Jardin, Lettre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Une fort aimable Marquise, qui valoit bien l'attachement entier [...] »
Une fort aimable Marquiſe,qui va- loit bien l'attachement entier
GALANT. 3:7
d'un honneſte,Homme, avoit
étably une amitié de confiance &d'eſtime avec un Cavalier qui la meritoit. Il joignoit àbeaucoup d'eſprit le don d'eſtre auffi galant qu'aucum
autre qui ait jamais eu de la complaifance pour le beau Sexe;&unedes conditions de
leur amitié fut qu'ils ne ſe cacheroient rien l'un à l'autre.
Cependant il eut du panchant
pour une jeune Veuve qui
qui avoit autant de naiſſance
que de merite , ce panchant approchoit un peu del'amour,
& il en fit miftere à la Mar- quiſe. La belle Veuvequiai- moit les Gens d'eſprit , n'eut
point de chagrin de ſes vifites ; tout ce qui flate plaît, il
luy ditdes douceurs , & elle
38 LE MERCURE ne crût pas avoir ſujet des'en gendarmer. Le Cavalier qui ſçavoit que les Femmes ſe laif- fent toucher par tout ce qui fe fait de bonne grace,ſe mon- tre empreſſfé à la divertir. Il la veut régaler , tâche à la tirer de chez elle , luy propoſed'a- greables parties , mais tout ce- la inutilement. LaBelle étoit
ſcrupuleuſe , elle haïfſoit l'é- clat ,&ne vouloit pointdon- ner àparler.Une de ſes Amies,
qui l'étoit auffi du Cavalier,
trouvamoyende concilier les
choſes. Elle convint qu'il em- prunteroit quelque Maiſon à
une lieuë de Paris , fans dire
pour qui, qu'il luy apporteroit un Billet portant ordre au Conciergede recevoir quatre Dames à l'exclufion de tous
GALANT. 39
3
autres(car la belle Veuve vou
loit des Témoins qui éloignaf- fent l'idée d'un Rendez-vous
trop particulier ) qu'il pren- droit ſes meſures pour le Ré- gal,& qu'il ne ſe ſcandalife- roit pas ſi onluyentémoignoir de la ſurpriſe, &même un peu de colere , felon que le cas échéeroit La Veuve étoit fie HÈQUE re,& ne fouffroit pas volont VOR
tiers qu on ſe mit en frais pour elle. Tout cela ſe faifoit fous
pretexte de promenade , &
elle ne devoit rien fçavoir de plus. Il n'en falloit pas dire davantage au Cavalier. Il'ari rêté le jour , envoye le Biller,
donne les ordres pour le Ré- gal;&afinde faire les choſes plus galamment , il ſe réſout à
ne s'y trouver que fur la fin
40 LE MERCURE
Cela luy donnoit lieu de def- avoüer qu'il fût l'Autheur de
la Feſte , & on ne l'auroit pas moins crû pour cela. Lejour choiſi arrive ; le Concierge avoit efté averty par ſon Maî- tre,de ne laifſfer entrer que les
quatreDamesqui luy montre- roient un Billet de ſa main.
Pour le Cavalier il avoit tout pouvoir, & dés lejour prece- dent il avoit diſposé ce qui eſtoit neceffaire à fondeſſein,
mais par malheur pour luy la belle Veuve ſe trouva cejour là même dans un engagement indiſpenſable de monter en Caroffe à dix heures du ma
tin,pour ne revenir qu'au foir.
Son Amie écrit promptement.
au Cavalier de remettre la
partie aulendemain , de faire
GALAN T. 41
changer le Billet d'entrée qu'on luy renvoye ( car le jour yeſtoit marqué ) & d'eſtre af- ſeuré qu'il n'y auroit plus de
changement. On donne la Lettre à un Laquais ; le La- quais perd la Lettre en la por- tant; &de peur d'eſtre batu,
il revient dire qu'il l'a donnée
au Portier,parce que le Cava- lier venoit de ſortir. La Veuve
&fon Amiepartent; leCava- lier va chez la Marquiſe. On l'y veut retenir à dîner,il s'excuſe ſur un embaras d'affaires
chagrinantes qu'il ne peut re- mettre, & il attend impatiem- ment que le ſoir arrive pour voir le fuccés de ſon Regal. Il eſt à peine forty,
que la Suivante de la Marqui- ſe vientdire en riant àſa Maîtreſſe , qu'elle avoit bien des
42 LE MERCURE
4
nouvelles à luy conter. Ces nouvelles eſtoient, qu'un Laquais marchoit devant elle dans la Ruë , qu'il avoit laiſſé tomberun Billet,qu'elle l'avoit ramaffé , que ce Billet s'adreffoit au Cavalier,& que le deffus eſtoit d'une écriture de
femme. La Marquiſe l'ouvre,
trouve l'ordre au Concierge de recevoir quatre Fem- mes ce jour là , &reconnoît ſeulement la main de celuy qui l'avoit écrit. C'eſtoit un Conſeiller d'un âge affez a- vancé , &en réputationd'u- ne avarice conſommée. Il
venoit quelquefois chez elle,
ſa Maiſon de Campagne luy eſtoit connue , & il ne reſtoit plus qu'à découvrir pour qui la partie ſe faifoit. Elle
GALANT.
43 refléchit fur le refus que le Cavalier luy avoit fait dedîner avec elle , fur les preſſantes affaires qui luy en avoient fer- vy d'excuſe, & rapportant ce- la auBillet perdu , elle ne dou- te point qu'on ne luy faſſe fi- neſſe de quelque Intrigue.L'é- clairciſſement ne luy en ſcau- roit rien coûter. Elle dîne
promptement,va prendretrois de ſes Amies , monte enCarroffe , fort de Paris , & les me- ne à la Maiſon du Conſeiller.
Onla refuſe ſur l'ordre reçeu de ne laiſſer entrer perſonne.
Elle ſoûrit , dit que l'ordre ne
doit pas eſtre pour elle , mon- tre le Billet ; grandes excuſes,
tout luy eſt ouvert, & le Con- cierge l'affure qu'il n'eſt là quepourluy obeïr. Ce début
44 LE MERCURE
contente aſſez la Marquiſe ,
elle entre dans le Jardin avec
ſes Amies, leur fait fairequel- ques tours d'Allée , & les ayant conviées às'aſſeoir dans un Cabinet de verdure ( car puis qu'on la laiſſoit maîtrefſe de la Maiſon , c'eſtoit à elle
àen faire les honneurs ) elles n'ont pas plûtôt pris pla- qu'elles entendent des Voix toutes charmantes foûtenuës de Theorbes & de
Claveſſins. La Marquiſe re- garde les Dames , elles ne ſçavent toutes que penſer , la reception eſt merveilleufe, &
ces préparatifs n'ont pas êté faits en vain. Apres que cet- te agreable Muſique a cef- sé , elles ſe levent & pren- nent une autre Allée qui ſe
ce,
GALAN Τ. 45
terminoit dansun petit Bois ;
elles yentrent. Autre divertiſſement. C'eſt un Concert
merveilleux de Muſetes , de
Flûtes douces , & de Hautbois. Cela va le mieux du
monde;mais il faut voir à quoy tout aboutira. Le plus grand étonnementdes Dames eſt de
ne voir perſone qui s'intéreſſe
à cette Feſte. Elles ſortent
du Jardin ; le Concierge qui les attend à la porte , les prie de vouloir entrer dans la Salle , & elles y trouvent une
Collation ſervie avec une
magnificence qui ne ſe peut exprimer. La Marquiſe qui avoit êté bien-aiſe de jouir des Hautbois&de la Muſique,uſe de quelque referve fur l'article dela Collatió.Elle dit qu'aſſu
46 LE MERCURE rément on ſe méprenoit , que tant d'apprêts n'avoient point eſté faits pout elle ; & on luy proteſte tant de fois qu'autre qu'elle n'entreroit das laMai- fon de tout lejour , qu'elle est obligée de ſe rendre. Quoy qu'elle ne doute point que cette mépriſe ne ſoit l'effet du Billet perdu , & qu'elle voye clairement que le Régal vient du Cavalier , qui com- me j'ay dit étoit fort galant ,
elle prie qu'au moins on luy apprenne à qui elle est obli gée d'une honneſteté ſi ſur+
prennante. Acela point d'au tre réponſe que de la prier de s'aſſeoir. Voila doncles Dames à table ; elles mangent toûjours à bon compte , au hazard de ce qui peut arriver;
GALANT. 47
e
4
& les Violons qui les viennent divertir pendant la Collation , font l'achevement de
la Feſte. Enfin le Cavalier arrive , on luy dit qu'il y a qua- tre Dames àtable. Il entend
les Violons,&n'ayant point à
douter que ce neſoit ſa belle Veuve,il ſe prépare à luy fai- re la guerre de la manierela plus enjoüée,de ce qu'elle luy a fait fineſſe du Régal qu'on luy donnoit. Il entre dans la Salle en criant , voila qui eft
bien honnefte , & n'a pas ache véce peu demots, que reconnoiffant la Marquiſe , il croit eſtre tombé des nuës , & ne
rien voir detout cequ'il voit.
LaMarquiſe l'obſerve.ſe cons firme dans ce qu'elle croit par le trouble où il eſt, &feignant
48 LE MERCURE de n'y rien penetrer ; que je fuis ravie de voir, luy dit-elle !
parquel privilege eſtes-vous icy ? car on n'y laiſſe entrer aujourd'huy perſonne. Venez , mettez- vous aupres de moy; Monfieur le Conſeiller qui me reçoit avec lamagni- ficence que vous voyez, vou- dra bien que je vous faſſe prendre part à la Feſte. Ces paroles jettent le Cavalier dans un embarras nouveau. Il
ne ſçait ſi le Coſeiller le jouë,
ou ſi c'eſt la Veuve qui luy fait piece; & ne pouvant de- viner par quelle avanture il trouve la Marquiſe dans un lieu où il ne l'attendoit pas, il tâche à luy cacher ſa ſurpriſe,
pour ne luy pas apprendre ce qu'elle peut ignorer ; maisila
beau
GALANT. 49
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T
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لا
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F
a
1
beau ſe vouloir mettre de
bonne humeur , ſa gayeré pa- roît forcée , & la malicieuſe Marquiſe ſe fait un plaiſir merveilleux de ſon deſordre.
S'il reſve un moment,elle veut
qu'il ſoit jaloux de ce qu'un autre que luy la régale d'une maniere ſi galante , &luy dit plaiſamment qu'il faut quintel
ait de bons Eſpions , pour avoir aſté averty de tout fi à
point nommé. Il répond qu'à pres s'être tiré de ſon affaire chagrine qui n'alloit pas com- me il ſouhaitoit, il avoit appris qu'on luy avoit veu prendre la route de cette Maiſon où ils
s'eſtoient ſouvent promenez enſemble , qu'il l'y eſtoit ve- nu chercher , & qu'il avoit eu biende la peine à ſe faire Tom. 3 . C
50 LE MERCURE
ouvrir. La Marquiſe feint de
croire ce qu'il lui dit,&lui par- lãt àdemi bas, mais affez haut pour être entenduë des Dames , n'admirez- vous pas , lui dit-elle , ce que fait faire l'amour ? car il faut de neceſſité
que Monfieur le Conſeiller m'aime ſans me l'avoirosédire. Voyez de quelle maniere
il me fait recevoir chez luy.
Il eſt leplus avare de tous les
Hommes, &cependant il n'y a point de profufion pareille àla ſienne. Nous avons eſté
déja régaléesdans leJardinde Voix,de Hautbois,&de Concerts ; c'eſt une galanterie achevée,&je croy que je l'ai- meray s'il continuë. Le Cava- lier perdoit patience, & il fut tenté vingtfois des'expliquer,
GALAN T. 51
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1.
es
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dans la penſée que ſonſecret eſtoit découvert; mais il pouvoit ne l'eſtre pas , & c'eſtoit affez pour le retenir. Le jour s'abaiſſoit, on remonte en Carroffe. Le Cavalier prend pla- cedans celui de la Marquiſe,
qui le mene ſouper chez elle,
&ne le laiſſe ſortir qu'à mi- nuit. Ce n'eſtoit point aſſez,
la Piece pouvoit eſtre pouffée plus loin , & c'eſt à quoy la Marquiſe nemanque pas. Elle ſçait par le Billet perdu , que lesDames inconnues s'attendoient à eſtre régalées le len- demain. Elle fonge à mettre le Cavalier hors d'eſtat de s'éclaircir,&par conféquent de
t
fatisfaire les Belles. Elle luy envoye pour cela de fort bon matin deux de ſes Amis
Cij
52 LE MERCURE qui l'arreſtent, juſqu'à ce qu'- elle paſſe chez luy elle mé- me, &fait ſi bien, que malgré qu'il en ait, elle l'engage pour tout le reſte du jour. Ce n'eſt pas ſans plaiſanter plus d'une
:
fois ſur la prétenduë galante- rie du Conſeiller. Mais tandis que la Marquiſe ſe diver- tit agreablement; on s'ennuye chez la belle Veuve de n'avoir point de nouvelles du Cavalier. L'heure de la prome- nade ſe paſſant , on s'imagine qu'il s'eſt piqué de ce qu'on avoit remis la Partie , on le
traite de bizarre , & on prote- ſte fort qu'on ne luy donnera jamais lieu d'exercer ſa mé- chante humeur. Il rend viſite le lendemain , débute par quelque plainte ; & labelle
GALANT. 53
DE
LA
le
Veuve qui ne luy explique rien , ſe contente de luy ré- pondre fort froidement. Son
Amie plus impatiente querelle de les avoir fait at- tendre tout le jour ; la cho- ſe s'éclaircit , on fait venir
le Laquais. Le Laquais ſou- tient qu'il a donné le Billet à ſon Portier ; & alors le Cavalier ne doute plus qu'il n'ait été remis entre les mains de la Marquiſe , quoy qu'il ne ſcache comment. Il conjure la belle Veuve de choifir tel autrejour qu'il luy plai- ra , & il n'en peut rien obtenir. Il retourne chez la Marquiſe , qui luy demande s'il a fait ſa paix avec les Belles qu'il a manqué à régaler le jour precedent. Il ſe plaint de
Ciij
1
$4
54 LE MERCURE ſa maniere d'agir avec luy; el- lereproche le ſecret qu'il lui a
fait de ſes Intrigues contre les loix de leur amitié. Ils ſe ſeparent en grondant , & je croy qu'ils grondent encor preſentement. J'ay ſçeutou- tes les circonstances de l'Hiſtoire , d'un des plus parti- culiers Amis du Cavalier. La
Marquiſe veut qu'il lui nom- me la Dame pour qui ſe fai- foit la Feſte , & le Cavalier
veut eſtre difcret. Voila l'obſtacle du racommodement
GALANT. 3:7
d'un honneſte,Homme, avoit
étably une amitié de confiance &d'eſtime avec un Cavalier qui la meritoit. Il joignoit àbeaucoup d'eſprit le don d'eſtre auffi galant qu'aucum
autre qui ait jamais eu de la complaifance pour le beau Sexe;&unedes conditions de
leur amitié fut qu'ils ne ſe cacheroient rien l'un à l'autre.
Cependant il eut du panchant
pour une jeune Veuve qui
qui avoit autant de naiſſance
que de merite , ce panchant approchoit un peu del'amour,
& il en fit miftere à la Mar- quiſe. La belle Veuvequiai- moit les Gens d'eſprit , n'eut
point de chagrin de ſes vifites ; tout ce qui flate plaît, il
luy ditdes douceurs , & elle
38 LE MERCURE ne crût pas avoir ſujet des'en gendarmer. Le Cavalier qui ſçavoit que les Femmes ſe laif- fent toucher par tout ce qui fe fait de bonne grace,ſe mon- tre empreſſfé à la divertir. Il la veut régaler , tâche à la tirer de chez elle , luy propoſed'a- greables parties , mais tout ce- la inutilement. LaBelle étoit
ſcrupuleuſe , elle haïfſoit l'é- clat ,&ne vouloit pointdon- ner àparler.Une de ſes Amies,
qui l'étoit auffi du Cavalier,
trouvamoyende concilier les
choſes. Elle convint qu'il em- prunteroit quelque Maiſon à
une lieuë de Paris , fans dire
pour qui, qu'il luy apporteroit un Billet portant ordre au Conciergede recevoir quatre Dames à l'exclufion de tous
GALANT. 39
3
autres(car la belle Veuve vou
loit des Témoins qui éloignaf- fent l'idée d'un Rendez-vous
trop particulier ) qu'il pren- droit ſes meſures pour le Ré- gal,& qu'il ne ſe ſcandalife- roit pas ſi onluyentémoignoir de la ſurpriſe, &même un peu de colere , felon que le cas échéeroit La Veuve étoit fie HÈQUE re,& ne fouffroit pas volont VOR
tiers qu on ſe mit en frais pour elle. Tout cela ſe faifoit fous
pretexte de promenade , &
elle ne devoit rien fçavoir de plus. Il n'en falloit pas dire davantage au Cavalier. Il'ari rêté le jour , envoye le Biller,
donne les ordres pour le Ré- gal;&afinde faire les choſes plus galamment , il ſe réſout à
ne s'y trouver que fur la fin
40 LE MERCURE
Cela luy donnoit lieu de def- avoüer qu'il fût l'Autheur de
la Feſte , & on ne l'auroit pas moins crû pour cela. Lejour choiſi arrive ; le Concierge avoit efté averty par ſon Maî- tre,de ne laifſfer entrer que les
quatreDamesqui luy montre- roient un Billet de ſa main.
Pour le Cavalier il avoit tout pouvoir, & dés lejour prece- dent il avoit diſposé ce qui eſtoit neceffaire à fondeſſein,
mais par malheur pour luy la belle Veuve ſe trouva cejour là même dans un engagement indiſpenſable de monter en Caroffe à dix heures du ma
tin,pour ne revenir qu'au foir.
Son Amie écrit promptement.
au Cavalier de remettre la
partie aulendemain , de faire
GALAN T. 41
changer le Billet d'entrée qu'on luy renvoye ( car le jour yeſtoit marqué ) & d'eſtre af- ſeuré qu'il n'y auroit plus de
changement. On donne la Lettre à un Laquais ; le La- quais perd la Lettre en la por- tant; &de peur d'eſtre batu,
il revient dire qu'il l'a donnée
au Portier,parce que le Cava- lier venoit de ſortir. La Veuve
&fon Amiepartent; leCava- lier va chez la Marquiſe. On l'y veut retenir à dîner,il s'excuſe ſur un embaras d'affaires
chagrinantes qu'il ne peut re- mettre, & il attend impatiem- ment que le ſoir arrive pour voir le fuccés de ſon Regal. Il eſt à peine forty,
que la Suivante de la Marqui- ſe vientdire en riant àſa Maîtreſſe , qu'elle avoit bien des
42 LE MERCURE
4
nouvelles à luy conter. Ces nouvelles eſtoient, qu'un Laquais marchoit devant elle dans la Ruë , qu'il avoit laiſſé tomberun Billet,qu'elle l'avoit ramaffé , que ce Billet s'adreffoit au Cavalier,& que le deffus eſtoit d'une écriture de
femme. La Marquiſe l'ouvre,
trouve l'ordre au Concierge de recevoir quatre Fem- mes ce jour là , &reconnoît ſeulement la main de celuy qui l'avoit écrit. C'eſtoit un Conſeiller d'un âge affez a- vancé , &en réputationd'u- ne avarice conſommée. Il
venoit quelquefois chez elle,
ſa Maiſon de Campagne luy eſtoit connue , & il ne reſtoit plus qu'à découvrir pour qui la partie ſe faifoit. Elle
GALANT.
43 refléchit fur le refus que le Cavalier luy avoit fait dedîner avec elle , fur les preſſantes affaires qui luy en avoient fer- vy d'excuſe, & rapportant ce- la auBillet perdu , elle ne dou- te point qu'on ne luy faſſe fi- neſſe de quelque Intrigue.L'é- clairciſſement ne luy en ſcau- roit rien coûter. Elle dîne
promptement,va prendretrois de ſes Amies , monte enCarroffe , fort de Paris , & les me- ne à la Maiſon du Conſeiller.
Onla refuſe ſur l'ordre reçeu de ne laiſſer entrer perſonne.
Elle ſoûrit , dit que l'ordre ne
doit pas eſtre pour elle , mon- tre le Billet ; grandes excuſes,
tout luy eſt ouvert, & le Con- cierge l'affure qu'il n'eſt là quepourluy obeïr. Ce début
44 LE MERCURE
contente aſſez la Marquiſe ,
elle entre dans le Jardin avec
ſes Amies, leur fait fairequel- ques tours d'Allée , & les ayant conviées às'aſſeoir dans un Cabinet de verdure ( car puis qu'on la laiſſoit maîtrefſe de la Maiſon , c'eſtoit à elle
àen faire les honneurs ) elles n'ont pas plûtôt pris pla- qu'elles entendent des Voix toutes charmantes foûtenuës de Theorbes & de
Claveſſins. La Marquiſe re- garde les Dames , elles ne ſçavent toutes que penſer , la reception eſt merveilleufe, &
ces préparatifs n'ont pas êté faits en vain. Apres que cet- te agreable Muſique a cef- sé , elles ſe levent & pren- nent une autre Allée qui ſe
ce,
GALAN Τ. 45
terminoit dansun petit Bois ;
elles yentrent. Autre divertiſſement. C'eſt un Concert
merveilleux de Muſetes , de
Flûtes douces , & de Hautbois. Cela va le mieux du
monde;mais il faut voir à quoy tout aboutira. Le plus grand étonnementdes Dames eſt de
ne voir perſone qui s'intéreſſe
à cette Feſte. Elles ſortent
du Jardin ; le Concierge qui les attend à la porte , les prie de vouloir entrer dans la Salle , & elles y trouvent une
Collation ſervie avec une
magnificence qui ne ſe peut exprimer. La Marquiſe qui avoit êté bien-aiſe de jouir des Hautbois&de la Muſique,uſe de quelque referve fur l'article dela Collatió.Elle dit qu'aſſu
46 LE MERCURE rément on ſe méprenoit , que tant d'apprêts n'avoient point eſté faits pout elle ; & on luy proteſte tant de fois qu'autre qu'elle n'entreroit das laMai- fon de tout lejour , qu'elle est obligée de ſe rendre. Quoy qu'elle ne doute point que cette mépriſe ne ſoit l'effet du Billet perdu , & qu'elle voye clairement que le Régal vient du Cavalier , qui com- me j'ay dit étoit fort galant ,
elle prie qu'au moins on luy apprenne à qui elle est obli gée d'une honneſteté ſi ſur+
prennante. Acela point d'au tre réponſe que de la prier de s'aſſeoir. Voila doncles Dames à table ; elles mangent toûjours à bon compte , au hazard de ce qui peut arriver;
GALANT. 47
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4
& les Violons qui les viennent divertir pendant la Collation , font l'achevement de
la Feſte. Enfin le Cavalier arrive , on luy dit qu'il y a qua- tre Dames àtable. Il entend
les Violons,&n'ayant point à
douter que ce neſoit ſa belle Veuve,il ſe prépare à luy fai- re la guerre de la manierela plus enjoüée,de ce qu'elle luy a fait fineſſe du Régal qu'on luy donnoit. Il entre dans la Salle en criant , voila qui eft
bien honnefte , & n'a pas ache véce peu demots, que reconnoiffant la Marquiſe , il croit eſtre tombé des nuës , & ne
rien voir detout cequ'il voit.
LaMarquiſe l'obſerve.ſe cons firme dans ce qu'elle croit par le trouble où il eſt, &feignant
48 LE MERCURE de n'y rien penetrer ; que je fuis ravie de voir, luy dit-elle !
parquel privilege eſtes-vous icy ? car on n'y laiſſe entrer aujourd'huy perſonne. Venez , mettez- vous aupres de moy; Monfieur le Conſeiller qui me reçoit avec lamagni- ficence que vous voyez, vou- dra bien que je vous faſſe prendre part à la Feſte. Ces paroles jettent le Cavalier dans un embarras nouveau. Il
ne ſçait ſi le Coſeiller le jouë,
ou ſi c'eſt la Veuve qui luy fait piece; & ne pouvant de- viner par quelle avanture il trouve la Marquiſe dans un lieu où il ne l'attendoit pas, il tâche à luy cacher ſa ſurpriſe,
pour ne luy pas apprendre ce qu'elle peut ignorer ; maisila
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beau ſe vouloir mettre de
bonne humeur , ſa gayeré pa- roît forcée , & la malicieuſe Marquiſe ſe fait un plaiſir merveilleux de ſon deſordre.
S'il reſve un moment,elle veut
qu'il ſoit jaloux de ce qu'un autre que luy la régale d'une maniere ſi galante , &luy dit plaiſamment qu'il faut quintel
ait de bons Eſpions , pour avoir aſté averty de tout fi à
point nommé. Il répond qu'à pres s'être tiré de ſon affaire chagrine qui n'alloit pas com- me il ſouhaitoit, il avoit appris qu'on luy avoit veu prendre la route de cette Maiſon où ils
s'eſtoient ſouvent promenez enſemble , qu'il l'y eſtoit ve- nu chercher , & qu'il avoit eu biende la peine à ſe faire Tom. 3 . C
50 LE MERCURE
ouvrir. La Marquiſe feint de
croire ce qu'il lui dit,&lui par- lãt àdemi bas, mais affez haut pour être entenduë des Dames , n'admirez- vous pas , lui dit-elle , ce que fait faire l'amour ? car il faut de neceſſité
que Monfieur le Conſeiller m'aime ſans me l'avoirosédire. Voyez de quelle maniere
il me fait recevoir chez luy.
Il eſt leplus avare de tous les
Hommes, &cependant il n'y a point de profufion pareille àla ſienne. Nous avons eſté
déja régaléesdans leJardinde Voix,de Hautbois,&de Concerts ; c'eſt une galanterie achevée,&je croy que je l'ai- meray s'il continuë. Le Cava- lier perdoit patience, & il fut tenté vingtfois des'expliquer,
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dans la penſée que ſonſecret eſtoit découvert; mais il pouvoit ne l'eſtre pas , & c'eſtoit affez pour le retenir. Le jour s'abaiſſoit, on remonte en Carroffe. Le Cavalier prend pla- cedans celui de la Marquiſe,
qui le mene ſouper chez elle,
&ne le laiſſe ſortir qu'à mi- nuit. Ce n'eſtoit point aſſez,
la Piece pouvoit eſtre pouffée plus loin , & c'eſt à quoy la Marquiſe nemanque pas. Elle ſçait par le Billet perdu , que lesDames inconnues s'attendoient à eſtre régalées le len- demain. Elle fonge à mettre le Cavalier hors d'eſtat de s'éclaircir,&par conféquent de
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fatisfaire les Belles. Elle luy envoye pour cela de fort bon matin deux de ſes Amis
Cij
52 LE MERCURE qui l'arreſtent, juſqu'à ce qu'- elle paſſe chez luy elle mé- me, &fait ſi bien, que malgré qu'il en ait, elle l'engage pour tout le reſte du jour. Ce n'eſt pas ſans plaiſanter plus d'une
:
fois ſur la prétenduë galante- rie du Conſeiller. Mais tandis que la Marquiſe ſe diver- tit agreablement; on s'ennuye chez la belle Veuve de n'avoir point de nouvelles du Cavalier. L'heure de la prome- nade ſe paſſant , on s'imagine qu'il s'eſt piqué de ce qu'on avoit remis la Partie , on le
traite de bizarre , & on prote- ſte fort qu'on ne luy donnera jamais lieu d'exercer ſa mé- chante humeur. Il rend viſite le lendemain , débute par quelque plainte ; & labelle
GALANT. 53
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Veuve qui ne luy explique rien , ſe contente de luy ré- pondre fort froidement. Son
Amie plus impatiente querelle de les avoir fait at- tendre tout le jour ; la cho- ſe s'éclaircit , on fait venir
le Laquais. Le Laquais ſou- tient qu'il a donné le Billet à ſon Portier ; & alors le Cavalier ne doute plus qu'il n'ait été remis entre les mains de la Marquiſe , quoy qu'il ne ſcache comment. Il conjure la belle Veuve de choifir tel autrejour qu'il luy plai- ra , & il n'en peut rien obtenir. Il retourne chez la Marquiſe , qui luy demande s'il a fait ſa paix avec les Belles qu'il a manqué à régaler le jour precedent. Il ſe plaint de
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54 LE MERCURE ſa maniere d'agir avec luy; el- lereproche le ſecret qu'il lui a
fait de ſes Intrigues contre les loix de leur amitié. Ils ſe ſeparent en grondant , & je croy qu'ils grondent encor preſentement. J'ay ſçeutou- tes les circonstances de l'Hiſtoire , d'un des plus parti- culiers Amis du Cavalier. La
Marquiſe veut qu'il lui nom- me la Dame pour qui ſe fai- foit la Feſte , & le Cavalier
veut eſtre difcret. Voila l'obſtacle du racommodement
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Résumé : « Une fort aimable Marquise, qui valoit bien l'attachement entier [...] »
Le texte relate l'histoire d'une Marquise et d'un Cavalier, amis proches ayant convenu de ne rien se cacher. Le Cavalier développe un penchant pour une jeune Veuve et l'invite à une fête sans révéler son identité. Une amie de la Veuve propose un plan pour organiser cette rencontre dans une maison louée à une lieue de Paris. Cependant, le jour de la fête, la Veuve est indisponible. Un laquais perd le billet d'invitation, qui est ramassé par la Marquise. Intriguée, elle découvre que le billet est destiné au Cavalier et organise une visite à la maison du Conseiller, propriétaire des lieux. Elle y trouve une fête préparée pour elle et ses amies. Le Cavalier, arrivant en retard, est surpris de voir la Marquise. Cette dernière, feignant l'ignorance, profite de la situation pour le taquiner. Le Cavalier, embarrassé, tente de cacher sa surprise. La Marquise l'invite à souper chez elle et l'empêche de voir la Veuve le lendemain. La Veuve, mécontente, refuse de revoir le Cavalier. La Marquise et le Cavalier se séparent en se disputant, chacun reprochant à l'autre de ne pas avoir respecté leur accord de transparence.
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5
p. 128-132
STANCES.
Début :
Sous les deux Noms que l'on me donne, [...]
Mots clefs :
Prince, Amour, Lauriers, Héros, Victoire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
STANCES.
Ons les deux Noms que l'on me Sordonne Je joins aux dons deMarsvos aima- blespreſens;
Ie preſide aux Héros, je preſide aux Sçavans,
Et ma maintouràtourde Lauriersles
Couronne ;
GALANT. 83
ONC
doo
ava
COL
YOU
O
-
201
in
H
L'ay fait du Grand Loüis le plus grand des Guerriers ,
I'ayremplypourvosArtsce Princede lumiere ;
Mais il faut que le Fils chercheicy desLauriers.
L'aylecüeilly Pere. tous les mienspour ron
LYOR
DesActionsſiſurprenantes ,
Obligent la Victoire àme les arracher;
Apeine pour ce Roy j'ay le temps d'en chercher,
Qu'ils me sont enbevez parsesmains triomphantes ;
Son bras fait des Exploits qu'on n'eust ofé penfer ,
Quand mesme ils font publics ,àpeine ilsfont croyables ;
Et ces Murs qu'en huit jours nous l'a- vonsvenforcer Avant que d'estre pris estoient crus im- prenables.
Mais c'est encor peu poursa gloire,
CeCambray si fameux qu'il réduit aux abois
84 LE MERCVRE
Auroit en moinsdetemps déjareçenfes
Loix,
Sil vouloit à demy remporter la vi- Etoire.
Saint Omer leva füivre , &monplus grand employ ,
C'estderenirtoûjours plusieurs Couron nesprestes ,
Ayez doncſoin du Prince ,&j'auray,
Soindu Roy ,
Travaillez pour l'Etude , &moy pour lesConquestes.
Mais quoy ! vous marquezde la crainte
Depuis qu'un si beau Prince est dans vostresejour ;
Muſes, vous leprenezpeut-estre pour l'Amour 2.. Et vuſtre liberté redoute quelque at- teinte ?
Non, non , défaites- vous de cette injuStepeur:
Quoyqu'il ait del'Amour les traits le visage,
Illustre Montanfierestantfon Gou verneur
GALANT. 85 Quandil feroit l'Amour ,auroit fait l'Amourſage ,
Mais vostre erreur est fans égale,
Si de ce Dien volage il a les agrémens,
Son ame a des attraits mille foisplus charmans
Queceux,que vous voyez queson via Sageétale... Elleestgrande,elle est belle ; &dans fonjeunecœur Naiſſentdes sentimens d'un ſi beau Ca- ractere 2.
Qu'enyreconnoiffant l'esprit du Gouverneur
Ony remarque auſſi la Maiesté du
Pere..
Tousvos Emploisfontſesdelices,
Son espritypenetre avecfacilité,
Etdanssa Cour sçavante onvoit àfon costé
Ceuxquifont les premiers danstous vος -
exercices;
H. vous rendbien l'éclat qu'ilreçoitde
vosArtsi
86 LE MERCVRE
Donnez-luy donc au moins fon rang Surle Parnaffe :
Vous avez élevé le plus grands des Cefars,
Ce Prince avec raiſon doit occuper leur
place.
Ons les deux Noms que l'on me Sordonne Je joins aux dons deMarsvos aima- blespreſens;
Ie preſide aux Héros, je preſide aux Sçavans,
Et ma maintouràtourde Lauriersles
Couronne ;
GALANT. 83
ONC
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L'ay fait du Grand Loüis le plus grand des Guerriers ,
I'ayremplypourvosArtsce Princede lumiere ;
Mais il faut que le Fils chercheicy desLauriers.
L'aylecüeilly Pere. tous les mienspour ron
LYOR
DesActionsſiſurprenantes ,
Obligent la Victoire àme les arracher;
Apeine pour ce Roy j'ay le temps d'en chercher,
Qu'ils me sont enbevez parsesmains triomphantes ;
Son bras fait des Exploits qu'on n'eust ofé penfer ,
Quand mesme ils font publics ,àpeine ilsfont croyables ;
Et ces Murs qu'en huit jours nous l'a- vonsvenforcer Avant que d'estre pris estoient crus im- prenables.
Mais c'est encor peu poursa gloire,
CeCambray si fameux qu'il réduit aux abois
84 LE MERCVRE
Auroit en moinsdetemps déjareçenfes
Loix,
Sil vouloit à demy remporter la vi- Etoire.
Saint Omer leva füivre , &monplus grand employ ,
C'estderenirtoûjours plusieurs Couron nesprestes ,
Ayez doncſoin du Prince ,&j'auray,
Soindu Roy ,
Travaillez pour l'Etude , &moy pour lesConquestes.
Mais quoy ! vous marquezde la crainte
Depuis qu'un si beau Prince est dans vostresejour ;
Muſes, vous leprenezpeut-estre pour l'Amour 2.. Et vuſtre liberté redoute quelque at- teinte ?
Non, non , défaites- vous de cette injuStepeur:
Quoyqu'il ait del'Amour les traits le visage,
Illustre Montanfierestantfon Gou verneur
GALANT. 85 Quandil feroit l'Amour ,auroit fait l'Amourſage ,
Mais vostre erreur est fans égale,
Si de ce Dien volage il a les agrémens,
Son ame a des attraits mille foisplus charmans
Queceux,que vous voyez queson via Sageétale... Elleestgrande,elle est belle ; &dans fonjeunecœur Naiſſentdes sentimens d'un ſi beau Ca- ractere 2.
Qu'enyreconnoiffant l'esprit du Gouverneur
Ony remarque auſſi la Maiesté du
Pere..
Tousvos Emploisfontſesdelices,
Son espritypenetre avecfacilité,
Etdanssa Cour sçavante onvoit àfon costé
Ceuxquifont les premiers danstous vος -
exercices;
H. vous rendbien l'éclat qu'ilreçoitde
vosArtsi
86 LE MERCVRE
Donnez-luy donc au moins fon rang Surle Parnaffe :
Vous avez élevé le plus grands des Cefars,
Ce Prince avec raiſon doit occuper leur
place.
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Résumé : STANCES.
Le poème 'Stances' célèbre les exploits du prince Louis, fils du roi Louis XIV. La muse narratrice, présidant aux héros et aux savants, souligne les victoires militaires du prince, notamment la prise de Cambrai et de Saint-Omer. Elle admire ses actions surprenantes et ses talents dans les arts et les conquêtes. Le narrateur encourage les muses à ne pas craindre le prince, malgré son jeune âge et son charme, car il incarne la grandeur de son gouverneur, le duc de Montausier, et la majesté de son père. Le poème se conclut par une invitation à reconnaître la place du prince parmi les plus grands Césars, soulignant son éclat et son esprit pénétrant.
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6
p. 214-215
« Nul n'a depuis trois mois au quartier de Clery RY, [...] »
Début :
Nul n'a depuis trois mois au quartier de Clery RY, [...]
Mots clefs :
Clery, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : « Nul n'a depuis trois mois au quartier de Clery RY, [...] »
NUIn'a depuis trois mois anquay tierdeClery Ry Chacun às'exempter defrias &de dé pense , Penfe
Iris àton ennuy prenddepuis ton dé
part Part,
Peut-on voir un Deftin àquipourtoy foûpire; Pire
Leſçaybienqu'il faudroit un femblable mytere و
Mais pour se retenir on feroit un effort Fort
Et de plus un Gaſcon , qui ne tientdu vulgaire , Guere,
Aimeces bruitsflateurs , &n'en prend de chagrin , Grain..
140 LE MERCVRE
Amour fous d'autres Loiss le Pfalmi fted'Orange Range Phebus hors du Quartier va prendre fortſouvent Vent,
La Femme d'Alcidon estoit pour l'Hy- menée Néc.
LeTreſorier Tirfisdroitàl'argent comptant, Tend,
On prend l'air à Viry pendant que la verdure Dure;
Pourt'en apprendreplus , il faudroit te pouvoir Voir
Iris àton ennuy prenddepuis ton dé
part Part,
Peut-on voir un Deftin àquipourtoy foûpire; Pire
Leſçaybienqu'il faudroit un femblable mytere و
Mais pour se retenir on feroit un effort Fort
Et de plus un Gaſcon , qui ne tientdu vulgaire , Guere,
Aimeces bruitsflateurs , &n'en prend de chagrin , Grain..
140 LE MERCVRE
Amour fous d'autres Loiss le Pfalmi fted'Orange Range Phebus hors du Quartier va prendre fortſouvent Vent,
La Femme d'Alcidon estoit pour l'Hy- menée Néc.
LeTreſorier Tirfisdroitàl'argent comptant, Tend,
On prend l'air à Viry pendant que la verdure Dure;
Pourt'en apprendreplus , il faudroit te pouvoir Voir
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Résumé : « Nul n'a depuis trois mois au quartier de Clery RY, [...] »
Le texte est un poème archaïque évoquant des personnages comme 'Deftin' et 'Viry', et des actions telles que 'prendre des vents'. Il mentionne des sentiments et des efforts, ainsi que des figures mythologiques comme 'Alcidon' et 'Phebus'. Le langage utilisé rend l'interprétation directe difficile.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 7-14
ELOGE DE MARQUES, petit Chien Arragonnois.
Début :
Scavez-vous avec qui, Philis, ce petit Chien, [...]
Mots clefs :
Chien, Marques, Amour, Animal
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texteReconnaissance textuelle : ELOGE DE MARQUES, petit Chien Arragonnois.
ELOGE DE MARQVE'S...
petit Chien Arragonnois.
Cavez-vous aves qui , Philis,
ce petit Chien ,
Peut avoirde la reſſemblance ?
Cà, devinez ,Songez-y bien ,
Lachoſe est affezd'importance..
Pour percer le mystere , &vousy
faire jour,
ExaminezMarqués,fonhumeur,
Sa figure
Mais enfin cette Enigme est-elle trop obscure ?
Vous rendez-vous?il reſſemble à
l'Amour.
A l'Amour , direz-vous ! la com...
paraiſon cloche,
GALANT. 7
Si jamais on a veu comparaison clocher.
Est-ce que de l'amour un Chien
peut approcher?
Qüyda, Philis, il en approche..NTHELDE LYON
1893
Mais en approchercen'est rien,
Ie diray davantage, j'augmenteray bien
Laſurpriſe que je vous causes.
VostreChion & Amour, I'Amour
&voſtre Chien ,
C'est jus vert, vert jus , mesme chofe..
Marquéssur vos genouxa mille
privautez ,
Entre vos bras il ſelogeà toute heure ,
Et c'est làque l'Amour établitfa demeure .
8 LE MERCVRE
Lors qu'il est bien reçeu de vous
autres Beautez.
On voitMarqués se mettre aifément en colere ,
Et s'apaiſerfort aisément ;
Connoiffez-vous l'Amour ? voila fon caractere ,
Ilsefache &s'appaise enunmémemoment.
Afin quevostre Chien ait la taille:
mieux faite ,
Vous le traitezaffezfrugalemet,
Etle pauvre Marqués qui fait toûjours diete. ,
Subſiſte je nesçay comment.
L'Amour nepeut chezvous trouverdeſubſiſtance ,
Vous ne luy ſervez pas un seut mets nourriſſant ,
1
GALANT. 9
Et s'il ne vivoit d'efperance ,
Ie croy qu'ilmourroit ennaiffant.
Avec cepetit Chien vousfolâtrez
fans ceffe ,
Etfolâtrant ce petit Chienvous
mord ,
On joüe avec l'Amour , ilbadine
d'abord ,
Mais en badinant il vous bleffe.
Loindepunir ce petit Animal,
Nerit-onpasdeſes morſures ?
Encorque de l' Amour onſente les blessures ,
AlAmourqui lesfait on neveus
point demal,
On veut qu'un Chien foit telque
quand ilvient de naître ,
Et de peur qu'il ne croiffe on y
prend millefoins.
10 LE MERCVRE
Ilnefautpas enprendre moins ,
Pour empescher l'Amour de croître.
Vous carreſſez Marqués, parce qu'il estpetit;
S'il devenoit trop grand , iln'auroit rien d'aimable ;
Unpetit Amourdivertit ;
S'il deviet trop grad, il accable..
Mais j'entens que Marqués se plaint dumauvais tour Que luy fait ma Muſe indi- Torete.
Ah! vous me ruinez,vous gâtez
tout , Poëte ,
Dit-il, en mefaisant reſſembler à
l'Amour.
L'Amour n'est pas trop bien au4 presde maMaiſtreſſes
GALANT. II
Sivous ne leſçavez , elle l'atoûjoursfuy ,
Et c'est affez pour perdreſatendreſſe ,
Que d'avoirpar malheurduraportavec luy.
En mon état de Chien j'ay l'ame affezcontente ,
Jeſuis heureux par cent bonnes rafons ;
J'ay bien affaire , moy , que vos comparaiſons Viennent troubler mafortunepre- Sente.
Etsipour reſſembler aux Dieux MaMaiſtreſſe mediſgracie ,
A voſtre avis , m'en trouveray-je
micux?
Non, nón , c'est trop d'honneur, je
vous en remercie.
12 LE MERCVRE
3
Ah! monpauvre Marqués, ceſe- roit grand' pitié ,
Qu'apres avoir quitté pour elle Pere &Mere,
La Patrie aux grands cœurs toû- jours aimable &chere ,
Tu te viſſes disgracié
Pour une cauſeſilegere.
Non, cela nesepeut , fay valoir
tes appas;
CherMarqués , taMaistreffeaime quetu laflates ,
Careſſe-la, tiens-toyfans ceffe en- treſes bras ,
En aboyant , en luy donnant tes
pattes,
Explique - toyle mieux que tu
pourras.
Et loin qu'elle tefoit cruelle ,
Parce
GALANT. 13
Parcequ'avec l'Amour on te voit
du rapport ,
Fais que l' Amour trouve grace
aupres d'elle ,
Puis qu'il te reſſemblefifort.
petit Chien Arragonnois.
Cavez-vous aves qui , Philis,
ce petit Chien ,
Peut avoirde la reſſemblance ?
Cà, devinez ,Songez-y bien ,
Lachoſe est affezd'importance..
Pour percer le mystere , &vousy
faire jour,
ExaminezMarqués,fonhumeur,
Sa figure
Mais enfin cette Enigme est-elle trop obscure ?
Vous rendez-vous?il reſſemble à
l'Amour.
A l'Amour , direz-vous ! la com...
paraiſon cloche,
GALANT. 7
Si jamais on a veu comparaison clocher.
Est-ce que de l'amour un Chien
peut approcher?
Qüyda, Philis, il en approche..NTHELDE LYON
1893
Mais en approchercen'est rien,
Ie diray davantage, j'augmenteray bien
Laſurpriſe que je vous causes.
VostreChion & Amour, I'Amour
&voſtre Chien ,
C'est jus vert, vert jus , mesme chofe..
Marquéssur vos genouxa mille
privautez ,
Entre vos bras il ſelogeà toute heure ,
Et c'est làque l'Amour établitfa demeure .
8 LE MERCVRE
Lors qu'il est bien reçeu de vous
autres Beautez.
On voitMarqués se mettre aifément en colere ,
Et s'apaiſerfort aisément ;
Connoiffez-vous l'Amour ? voila fon caractere ,
Ilsefache &s'appaise enunmémemoment.
Afin quevostre Chien ait la taille:
mieux faite ,
Vous le traitezaffezfrugalemet,
Etle pauvre Marqués qui fait toûjours diete. ,
Subſiſte je nesçay comment.
L'Amour nepeut chezvous trouverdeſubſiſtance ,
Vous ne luy ſervez pas un seut mets nourriſſant ,
1
GALANT. 9
Et s'il ne vivoit d'efperance ,
Ie croy qu'ilmourroit ennaiffant.
Avec cepetit Chien vousfolâtrez
fans ceffe ,
Etfolâtrant ce petit Chienvous
mord ,
On joüe avec l'Amour , ilbadine
d'abord ,
Mais en badinant il vous bleffe.
Loindepunir ce petit Animal,
Nerit-onpasdeſes morſures ?
Encorque de l' Amour onſente les blessures ,
AlAmourqui lesfait on neveus
point demal,
On veut qu'un Chien foit telque
quand ilvient de naître ,
Et de peur qu'il ne croiffe on y
prend millefoins.
10 LE MERCVRE
Ilnefautpas enprendre moins ,
Pour empescher l'Amour de croître.
Vous carreſſez Marqués, parce qu'il estpetit;
S'il devenoit trop grand , iln'auroit rien d'aimable ;
Unpetit Amourdivertit ;
S'il deviet trop grad, il accable..
Mais j'entens que Marqués se plaint dumauvais tour Que luy fait ma Muſe indi- Torete.
Ah! vous me ruinez,vous gâtez
tout , Poëte ,
Dit-il, en mefaisant reſſembler à
l'Amour.
L'Amour n'est pas trop bien au4 presde maMaiſtreſſes
GALANT. II
Sivous ne leſçavez , elle l'atoûjoursfuy ,
Et c'est affez pour perdreſatendreſſe ,
Que d'avoirpar malheurduraportavec luy.
En mon état de Chien j'ay l'ame affezcontente ,
Jeſuis heureux par cent bonnes rafons ;
J'ay bien affaire , moy , que vos comparaiſons Viennent troubler mafortunepre- Sente.
Etsipour reſſembler aux Dieux MaMaiſtreſſe mediſgracie ,
A voſtre avis , m'en trouveray-je
micux?
Non, nón , c'est trop d'honneur, je
vous en remercie.
12 LE MERCVRE
3
Ah! monpauvre Marqués, ceſe- roit grand' pitié ,
Qu'apres avoir quitté pour elle Pere &Mere,
La Patrie aux grands cœurs toû- jours aimable &chere ,
Tu te viſſes disgracié
Pour une cauſeſilegere.
Non, cela nesepeut , fay valoir
tes appas;
CherMarqués , taMaistreffeaime quetu laflates ,
Careſſe-la, tiens-toyfans ceffe en- treſes bras ,
En aboyant , en luy donnant tes
pattes,
Explique - toyle mieux que tu
pourras.
Et loin qu'elle tefoit cruelle ,
Parce
GALANT. 13
Parcequ'avec l'Amour on te voit
du rapport ,
Fais que l' Amour trouve grace
aupres d'elle ,
Puis qu'il te reſſemblefifort.
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Résumé : ELOGE DE MARQUES, petit Chien Arragonnois.
Le poème 'Éloge de Marqve's' compare un petit chien arragonnois nommé Marqués à l'Amour. Le poète invite Philis à deviner les similitudes entre le chien et l'Amour. Marqués, comme l'Amour, approche souvent sa maîtresse, se met en colère et s'apaise facilement. Bien traité, le chien doit souvent jeûner, tout comme l'Amour qui survit grâce à l'espoir. Marqués mord parfois sa maîtresse lorsqu'elle joue avec lui, tout comme l'Amour peut blesser en badinant. Le poète souligne que l'Amour et le chien doivent rester petits pour rester aimables. Marqués se plaint de ressembler à l'Amour, car sa maîtresse fuit l'Amour. Le poète conseille à Marqués de continuer à plaire à sa maîtresse pour qu'elle accepte l'Amour, qui lui ressemble beaucoup.
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8
p. 14-33
Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
Début :
je ne me hazarderois pas volontiers apres cela, à vous [...]
Mots clefs :
Dame, Humeur, Vers, Galant, Visite, Beauté, Faveurs, Affaires du coeur, Amour, Billet
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texteReconnaissance textuelle : Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
je ne me hazarderois pas vo- lontiers apres cela, à vous con- ter familierement ce qui eſt
arrivé depuis peu à Male Vi- comte de *** Ie ne ſçay ſi vous le connoiſſez. Il eſt naturellement Galant , & il a peine à
voir une Femme aymable fans luydire des douceurs , mais il eſt délicat ſur l'engagement,&
pour le toucher ilne fuffit pas
B
#4 LE MERCVRE
toûjours d'eſtre Belle. Il y a
quelque temps que parmy des Dames de fa connoiſſance
qu'il rencontra aux Thuille- ries, il en vit une dontla beauté
le ſurprit. Il demandaqui elle eſtoit , entra en converfarion
avec elle, luy dit d'obligeantes folies , & luy rendit Viſite le lendemain. La Damele reçeut auſſi favorablementqu'elle l'a-- voit écouté aux Thuilleries.
LeVicomte fait figure dans le beau monde , &elle n'euſt pas eſtéfachéequ'on l'euſt crûde ſes Soûpirans. Il eut quelque affiduité pour elle,&il ne la vit pas longtemps ſans connoiſtre qu'il eſtoit aimé ; mais toute belle qu'elle eft,elle n'eûtpoint pour luy ce que je n'ay quoy
qui pique : Ses manieres luy
GALANT. 15 deplurent ; il luy trouva une fuffiſance inconfiderée , un efprit mal tourné , quoy qu'elle ne foit pas fans eſprit; &com- me il ceſſa de luy dire qu'il l'aimoit dés laquatrième Vifi- re, il eut abſolument ceffé de
la voir , ſans une jeune Parente qu'il rencõtra chez elle, & qui futtout-à-faitſelon fon cœur.
Elle n'eſtoit pas fi belleque la Dame,mais elle reparoit cede- faut par des agrémensquipour un Home de fon gouft étoient
bien plus touchas que la Beau- té. Elle ne diſoit rienqui ne fut juſte & fpirituel , c'eſtoit une maniere aiſee en toutes choſes , pointde contrainte , point d'affectation , Elle chantoit
comme un Ange, & toute fa Perſonne plût tellement au
B 2
16 LE MERCVRE
Vicomte , que ce ne fut que pour elle ſeule qu'il continua ſes affiduitez où il la voyoit.
Comme elle ne le pouvoit re- cevoir chez elle , il ſe mit affez
bien dans ſon eſpritpour ſça- voir quand elle devoit rendre Viſite à ſa Parente , & fi elle
n'y pouvoit venir de trois jours , il paffoit auffi trois jours ſans yvenir. Ce manque d'em-.
preſſement n'accommodoit point la Dame , qui s'eſtoit laiffée prendre tout debon au merite du Vicomte. Elle crût
quele tropde fierté qu'elle luy marquoit en eſtoit la cauſe ,&
refolut de s'humanifer pour le mettre avec elle dans une liaifondont il ne luy fuſt pas per- mis de ſe dédire. Elle commença par de petites avances
GALANT. 17
flateuſes qui jetterent le Vi- comtedans un nouvel embarras . Ce n'eſt pas qu'il ſoit in- fenfible aux faveurs des Belles , au contraire il n'y a rien qu'il ne faffe pour s'en rendre digne , mais il veut aimerpour cela , & à moins que cetaffai- ſonnement ne s'y trouve , les faveurs ne font rien pour luy.. Ainſi quand il avoit le malد
ſe rencontrerſeulavec EU
YO
1803
heurde la Dame, il ne manquoit
mais à luy parler de Cam bray ou de ſaint Omer
Elle avoit beau l'interrompre pour tournerlediſcours fur les
affaires du cœur , il revenoit
toûjours àquelque attaque de
Demy-lune; & fi la Dame ſe
montroir quelquefois un peu trop obligeante pour luy , il
:
B 3
18 LE MERCVRE
recevoit cela avec une modeſtie qui la chagrinoit encor plus que les Contes de Guerre qu'il luy faiſoit. Cependant la belle humeur où il ſe mettoit
ſi toſt qu'il voyoit entrer l'ai- mable Parente , cauſa un defordre auquel il n'y eut plus moyen de remedier. LaDame ouvrit le yeux , obſerva le Vicomte , connut une partie de ce qu'il avoitdans le cœur, &
entra un jour dans un fi fu- rieux tranſport de jaloufie contre ſa Parente , apres qu'il les eut quittées , qu'elle luy defendit ſa Maiſon. Le Vicomte qui n'en eſtoit point averty,
fut furpris de ne la point voir le lendemain au rendez-vous
qu'elle luy avoit donné ; il y
retourna inutilement les deux
jours ſuivans , & ne ſcachant
GALANT. 19
que s'imaginer de ce change- ment ,il chercha l'occaſionde
luyparler chez une Dame où il ſçeut qu'elle alloit affez fou- vent. Cefut là que cette aima- blePerſonneluy apprit l'inful- te qu'on luy avoit faite pour luy. Il en eut un chagrin in- concevable , & luy ayant juré qu'il ne reverroit jamais fapeu touchante Parente , il reſvoit
chez luy aux moyens qu'il devoit tenir pour la rupture ,
quand on luy en apporta un Billet. La Dame s'eſtoit aviſée
de ſe vouloir plaindre de ſa froideur ; mais comme elle
cherchoit toûjours plus à luy plairequ'àle facher , elle crût quepourne le pas effaroucher par ſes reproches , il falloit du moins les rendre agreables par leur maniere ; & s'imaginant
20 LE MERCVRE
que les Vers autorifoient ceux quiaiment à s'expliquer plus librement que la Profe , elle s'eſtoit addreſſée àun Homme
qui la voyoit quelquefois &
qui en faiſoit d'aſſez paflables.. Toutfut miſtere pour luy; Elle luy dit ſeulement les choſes dont on ſe plaignoit , & il fal- lut qu'il fiſt les Vers ſans ſca-- voirny à quiils devoienteſtre envoyez, ny quiestoit laDa- me qui avoitſujetde ſe plain- dre. Les voicy tels que leVi- comte les reçeut..
V
Ous m'avez dit que vous
maimez,
Et je vous l'ay d'abord ory dire
avecjoye
Mais que voulez-vous quej'en
croye,
Sivous neme le confirmez..?
GALANT. 21
YON
Lalangue est quelque chose,&de Son témoignage Lecharme est doux àqui l'attend;
Mais croyez- vous que pour
estre content ,
Il nefaille rien davantage?
Ce n'est pas tout dedire , ilfaut
estre empressé Aconvaincre les Gens de cequ'on
leur proteste ;
Etquandla langue acomencé
C'est au cœuràfaire le reste.
Il est centpetitsfoins qu'unEsprit complaifant
Trouve à faire valoir quand l'amour est extréme ;
Et c'eſt ſouvent enſe taiſant,
Qu'onditplusfortement qu'on
aime.
22 LE MERCVRE
Des regards enflamez, un foûrive
flateur ,
Font aux Amans entendre des
• merveilles ;
Et j'amcmieux ce quife ditau
cœur ,
Quece qu'onditpour les oreilles..
Tout doit tendre àdonner des
preuves defafoy;
Lereste ,puresbagatelles..
Lors que vous me voyez , le grand
ragoustpour moy ,
Quevousmecontiez des nouvelles!
Dites-moy mille fois que charmé demevoir,
Vous ne trouvezque moy d'aima- blefur laterre ;
Aquoybon meparler de combats
°uerre ,
GALANT. 23 Quandj'ay de vous autre chose à
Sçavoir?
Qu'on ait fait quelque exploit
d'une importance extréme ,
Vn autrepeut me l'expliquers
Mais un autre que vous, du moins
Sans me choquer ,
Nepeut me dire , je vous aime.
C'est par vous que ces motsfont pourmoypleins d'appas.
Cependant que faut-il de vous que je soupçonne ? 1
Sijevous tens lamain, vous ne la baiſezpas ,
Quoyque vous ne foyez obſervé depersonne.
Ilſemble que toûjours timide, circonfpect ,
Vous estantdit Amant , vous n'ofiez leparoiſtre ,
24 LE MERCVRE
Etque chez vous l'Amour,quipar
tout fait le Maistre ,
Soit enchaînépar le respect.
Non,non, vous n'aimezpoint, j'en
ay la certitude ,
Iay voulu meflater en vain jufqu'à ce jour ;
L'aveuque je reçeus d'abord de
voſtre amour ,
Fut unedouceur d'habitude.
C'eſtſans vous laiſſer enflamer ,
Que vostre cœur quand il vous
plaiftfoûpire;
Et vous nesçavez pas aimer ,
Voussçavezseulement le dire.
Ces Vers que le Vicomte auroit trouvez jolis ſur toute autre matiere , luy déplûrent fur celle- cy. Il eſtoit déja de méchante
GALANT. 25 méchante humeur. Ildit qu'il envoyeroit laRéponſe; &pour la rendrede la meſme maniere
qu'il avoit reçeu le Billet , il alla emprunterle ſecours d'un de ſes plus particuliers Amis.
Cequ'ilyeutde plaiſant , c'eſt que c'eſtoit celuy meſme qui avoit déja fait les Vers de la
Dame , & qui ayant appris toute fon Hiſtoire par le Vi- comte, fut ravy de trouver une occaſion ſi propre à ſe vanger de la fineſſe qu'elle luy avoit faite. Le Vicomte le pria de meſler quelque choſede mali- cieux dans cette Réponſe , &
de la faire aſſez piquante pour obliger la Dame àne fauhaiter jamais de le revoir. Il y con- ſentitd'autantplus volontiers,
que la Dame ſuy ayant caché,
C
26 LE MERCVRE
qu'elle euſt intereſt à l'affaire,
il ne devoit pas craindre de ſe broüiller avec elle,quandmef- me elle viendroit àdécouvrir
qu'il euſt fait les Vers. Il les ap- porta une heure apres au Vi- comte, qui les envoya dés le jour meſme. Ils eftoientunpeu cavaliers , comme vous l'allez
voir par leur lecture.
C
E n'est pas d'aujourd'huy qu'en Chevalier courtois
Ien conte aux Belles d'importance
Maisilfaitmalfeur quelquefois Mefaire une agreable avance
Surla trop credule esperance ,
Que desemblablespaffe-droits M'obligerontà la conſtance.
Moncœur às'engagerjamais ne Se résout,
GALANT. 27
Et des plus doux attraitsfut la Belle affortie Qui croit tenter mon humble
modestie ,
Quadma coplaisance est àbout,
I'aime mieux quitter lapartie,
Quede risquer àgagnertout.
Apparemment la Dame ſe le tint pourdit , du moins elle dût connoiſtre par là que le Vicomte n'avoit aucune eftimepour elle.Ils neſe ſont point veusdepuis ce temps-là; &je tiens les particularitez de l'Hi- ſtoire de celuy qui a fait les
Vers
arrivé depuis peu à Male Vi- comte de *** Ie ne ſçay ſi vous le connoiſſez. Il eſt naturellement Galant , & il a peine à
voir une Femme aymable fans luydire des douceurs , mais il eſt délicat ſur l'engagement,&
pour le toucher ilne fuffit pas
B
#4 LE MERCVRE
toûjours d'eſtre Belle. Il y a
quelque temps que parmy des Dames de fa connoiſſance
qu'il rencontra aux Thuille- ries, il en vit une dontla beauté
le ſurprit. Il demandaqui elle eſtoit , entra en converfarion
avec elle, luy dit d'obligeantes folies , & luy rendit Viſite le lendemain. La Damele reçeut auſſi favorablementqu'elle l'a-- voit écouté aux Thuilleries.
LeVicomte fait figure dans le beau monde , &elle n'euſt pas eſtéfachéequ'on l'euſt crûde ſes Soûpirans. Il eut quelque affiduité pour elle,&il ne la vit pas longtemps ſans connoiſtre qu'il eſtoit aimé ; mais toute belle qu'elle eft,elle n'eûtpoint pour luy ce que je n'ay quoy
qui pique : Ses manieres luy
GALANT. 15 deplurent ; il luy trouva une fuffiſance inconfiderée , un efprit mal tourné , quoy qu'elle ne foit pas fans eſprit; &com- me il ceſſa de luy dire qu'il l'aimoit dés laquatrième Vifi- re, il eut abſolument ceffé de
la voir , ſans une jeune Parente qu'il rencõtra chez elle, & qui futtout-à-faitſelon fon cœur.
Elle n'eſtoit pas fi belleque la Dame,mais elle reparoit cede- faut par des agrémensquipour un Home de fon gouft étoient
bien plus touchas que la Beau- té. Elle ne diſoit rienqui ne fut juſte & fpirituel , c'eſtoit une maniere aiſee en toutes choſes , pointde contrainte , point d'affectation , Elle chantoit
comme un Ange, & toute fa Perſonne plût tellement au
B 2
16 LE MERCVRE
Vicomte , que ce ne fut que pour elle ſeule qu'il continua ſes affiduitez où il la voyoit.
Comme elle ne le pouvoit re- cevoir chez elle , il ſe mit affez
bien dans ſon eſpritpour ſça- voir quand elle devoit rendre Viſite à ſa Parente , & fi elle
n'y pouvoit venir de trois jours , il paffoit auffi trois jours ſans yvenir. Ce manque d'em-.
preſſement n'accommodoit point la Dame , qui s'eſtoit laiffée prendre tout debon au merite du Vicomte. Elle crût
quele tropde fierté qu'elle luy marquoit en eſtoit la cauſe ,&
refolut de s'humanifer pour le mettre avec elle dans une liaifondont il ne luy fuſt pas per- mis de ſe dédire. Elle commença par de petites avances
GALANT. 17
flateuſes qui jetterent le Vi- comtedans un nouvel embarras . Ce n'eſt pas qu'il ſoit in- fenfible aux faveurs des Belles , au contraire il n'y a rien qu'il ne faffe pour s'en rendre digne , mais il veut aimerpour cela , & à moins que cetaffai- ſonnement ne s'y trouve , les faveurs ne font rien pour luy.. Ainſi quand il avoit le malد
ſe rencontrerſeulavec EU
YO
1803
heurde la Dame, il ne manquoit
mais à luy parler de Cam bray ou de ſaint Omer
Elle avoit beau l'interrompre pour tournerlediſcours fur les
affaires du cœur , il revenoit
toûjours àquelque attaque de
Demy-lune; & fi la Dame ſe
montroir quelquefois un peu trop obligeante pour luy , il
:
B 3
18 LE MERCVRE
recevoit cela avec une modeſtie qui la chagrinoit encor plus que les Contes de Guerre qu'il luy faiſoit. Cependant la belle humeur où il ſe mettoit
ſi toſt qu'il voyoit entrer l'ai- mable Parente , cauſa un defordre auquel il n'y eut plus moyen de remedier. LaDame ouvrit le yeux , obſerva le Vicomte , connut une partie de ce qu'il avoitdans le cœur, &
entra un jour dans un fi fu- rieux tranſport de jaloufie contre ſa Parente , apres qu'il les eut quittées , qu'elle luy defendit ſa Maiſon. Le Vicomte qui n'en eſtoit point averty,
fut furpris de ne la point voir le lendemain au rendez-vous
qu'elle luy avoit donné ; il y
retourna inutilement les deux
jours ſuivans , & ne ſcachant
GALANT. 19
que s'imaginer de ce change- ment ,il chercha l'occaſionde
luyparler chez une Dame où il ſçeut qu'elle alloit affez fou- vent. Cefut là que cette aima- blePerſonneluy apprit l'inful- te qu'on luy avoit faite pour luy. Il en eut un chagrin in- concevable , & luy ayant juré qu'il ne reverroit jamais fapeu touchante Parente , il reſvoit
chez luy aux moyens qu'il devoit tenir pour la rupture ,
quand on luy en apporta un Billet. La Dame s'eſtoit aviſée
de ſe vouloir plaindre de ſa froideur ; mais comme elle
cherchoit toûjours plus à luy plairequ'àle facher , elle crût quepourne le pas effaroucher par ſes reproches , il falloit du moins les rendre agreables par leur maniere ; & s'imaginant
20 LE MERCVRE
que les Vers autorifoient ceux quiaiment à s'expliquer plus librement que la Profe , elle s'eſtoit addreſſée àun Homme
qui la voyoit quelquefois &
qui en faiſoit d'aſſez paflables.. Toutfut miſtere pour luy; Elle luy dit ſeulement les choſes dont on ſe plaignoit , & il fal- lut qu'il fiſt les Vers ſans ſca-- voirny à quiils devoienteſtre envoyez, ny quiestoit laDa- me qui avoitſujetde ſe plain- dre. Les voicy tels que leVi- comte les reçeut..
V
Ous m'avez dit que vous
maimez,
Et je vous l'ay d'abord ory dire
avecjoye
Mais que voulez-vous quej'en
croye,
Sivous neme le confirmez..?
GALANT. 21
YON
Lalangue est quelque chose,&de Son témoignage Lecharme est doux àqui l'attend;
Mais croyez- vous que pour
estre content ,
Il nefaille rien davantage?
Ce n'est pas tout dedire , ilfaut
estre empressé Aconvaincre les Gens de cequ'on
leur proteste ;
Etquandla langue acomencé
C'est au cœuràfaire le reste.
Il est centpetitsfoins qu'unEsprit complaifant
Trouve à faire valoir quand l'amour est extréme ;
Et c'eſt ſouvent enſe taiſant,
Qu'onditplusfortement qu'on
aime.
22 LE MERCVRE
Des regards enflamez, un foûrive
flateur ,
Font aux Amans entendre des
• merveilles ;
Et j'amcmieux ce quife ditau
cœur ,
Quece qu'onditpour les oreilles..
Tout doit tendre àdonner des
preuves defafoy;
Lereste ,puresbagatelles..
Lors que vous me voyez , le grand
ragoustpour moy ,
Quevousmecontiez des nouvelles!
Dites-moy mille fois que charmé demevoir,
Vous ne trouvezque moy d'aima- blefur laterre ;
Aquoybon meparler de combats
°uerre ,
GALANT. 23 Quandj'ay de vous autre chose à
Sçavoir?
Qu'on ait fait quelque exploit
d'une importance extréme ,
Vn autrepeut me l'expliquers
Mais un autre que vous, du moins
Sans me choquer ,
Nepeut me dire , je vous aime.
C'est par vous que ces motsfont pourmoypleins d'appas.
Cependant que faut-il de vous que je soupçonne ? 1
Sijevous tens lamain, vous ne la baiſezpas ,
Quoyque vous ne foyez obſervé depersonne.
Ilſemble que toûjours timide, circonfpect ,
Vous estantdit Amant , vous n'ofiez leparoiſtre ,
24 LE MERCVRE
Etque chez vous l'Amour,quipar
tout fait le Maistre ,
Soit enchaînépar le respect.
Non,non, vous n'aimezpoint, j'en
ay la certitude ,
Iay voulu meflater en vain jufqu'à ce jour ;
L'aveuque je reçeus d'abord de
voſtre amour ,
Fut unedouceur d'habitude.
C'eſtſans vous laiſſer enflamer ,
Que vostre cœur quand il vous
plaiftfoûpire;
Et vous nesçavez pas aimer ,
Voussçavezseulement le dire.
Ces Vers que le Vicomte auroit trouvez jolis ſur toute autre matiere , luy déplûrent fur celle- cy. Il eſtoit déja de méchante
GALANT. 25 méchante humeur. Ildit qu'il envoyeroit laRéponſe; &pour la rendrede la meſme maniere
qu'il avoit reçeu le Billet , il alla emprunterle ſecours d'un de ſes plus particuliers Amis.
Cequ'ilyeutde plaiſant , c'eſt que c'eſtoit celuy meſme qui avoit déja fait les Vers de la
Dame , & qui ayant appris toute fon Hiſtoire par le Vi- comte, fut ravy de trouver une occaſion ſi propre à ſe vanger de la fineſſe qu'elle luy avoit faite. Le Vicomte le pria de meſler quelque choſede mali- cieux dans cette Réponſe , &
de la faire aſſez piquante pour obliger la Dame àne fauhaiter jamais de le revoir. Il y con- ſentitd'autantplus volontiers,
que la Dame ſuy ayant caché,
C
26 LE MERCVRE
qu'elle euſt intereſt à l'affaire,
il ne devoit pas craindre de ſe broüiller avec elle,quandmef- me elle viendroit àdécouvrir
qu'il euſt fait les Vers. Il les ap- porta une heure apres au Vi- comte, qui les envoya dés le jour meſme. Ils eftoientunpeu cavaliers , comme vous l'allez
voir par leur lecture.
C
E n'est pas d'aujourd'huy qu'en Chevalier courtois
Ien conte aux Belles d'importance
Maisilfaitmalfeur quelquefois Mefaire une agreable avance
Surla trop credule esperance ,
Que desemblablespaffe-droits M'obligerontà la conſtance.
Moncœur às'engagerjamais ne Se résout,
GALANT. 27
Et des plus doux attraitsfut la Belle affortie Qui croit tenter mon humble
modestie ,
Quadma coplaisance est àbout,
I'aime mieux quitter lapartie,
Quede risquer àgagnertout.
Apparemment la Dame ſe le tint pourdit , du moins elle dût connoiſtre par là que le Vicomte n'avoit aucune eftimepour elle.Ils neſe ſont point veusdepuis ce temps-là; &je tiens les particularitez de l'Hi- ſtoire de celuy qui a fait les
Vers
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Résumé : Avanture de Monsieur le Vicomte de. [titre d'après la table]
Le texte raconte l'histoire du vicomte de ***, un homme galant mais prudent en matière d'engagement amoureux. Lors d'une rencontre aux Tuileries, il entame une relation avec une dame, mais finit par être déçu par son comportement et son esprit. Cependant, il continue de lui rendre visite en raison de la présence d'une jeune parente de la dame, qui possède des qualités plus attrayantes pour lui. La dame, remarquant l'attitude distante du vicomte, tente de se rapprocher de lui par des avances flatteuses. Cependant, il reste indifférent, préférant discuter de sujets neutres plutôt que d'amour. La situation se complique lorsque la dame, jalouse de la parente, interdit à cette dernière de revenir chez elle. Le vicomte, ignorant la raison de ce changement, cherche à comprendre et apprend la vérité de la parente. La dame envoie ensuite des vers au vicomte pour se plaindre de sa froideur, mais ceux-ci déplaisent au vicomte. Il décide de répondre de manière piquante, avec l'aide d'un ami qui avait déjà écrit les vers pour la dame. La réponse du vicomte est suffisamment claire pour que la dame comprenne qu'il n'a aucune estime pour elle. Depuis cet échange, ils ne se sont plus revus.
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9
p. 133-135
RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Début :
Et puis, Madame, fiez-vous aux Hommes. A parler / Contre l'Amour voulez-vous vous defendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Hommes, Beau sexe
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texteReconnaissance textuelle : RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Etpuis,
Madame, fiez -vous auxHommes.
GALAN T. 97
mes. Aparler finceremétauſſi
bien dans voſtre beau Sexe
que dans le noftre , il y a toû- jours à riſquer ; maisla veuëdu ☐ peril n' pas qu'on ne s'y expoſe , &on ne ſe defend pas d'aimer quand on veut. La complaiſance , les petits foins,
les manieres tendres , autant
d'écüeils pour la liberté. C'eſt ce qu'a dit fort agreablement - l'Illuſtre Madame des Houlie
res dans ce Rondeau que je
vous envoye.
RONDEAU
DE MADAME DESHOVLIERES
à une de ſes Amies.
Ontre l'Amourvoulez-vous
vous defendre ?
Empefchez - vous & de voir &
d'entendre
Tome V. I
98 LE MERCVRE
Gens dont le cœur s'exprime avec
esprit.
Il en est peu de ce genre maudit ,
Et trop encor pourmettre uncœur encendre.
Quand une fois il nous plaiſtde
nous rendre
D'amoureux ſoins, qu'ils prennent un air tendre ,
On lit en vain tout qu'Ovide
écrit
Contre l'Amour.
De la raiſon on ne doit rien attendre;
Trop de malheurs n'ont ſçeu que
trop apprendre Qu'elle n'est rien dés que lecœur
agit;
Lafeule fuite, Iris, nous garantit,
C'estleparty le plus utile àpredre Contre l'Amour.
Madame, fiez -vous auxHommes.
GALAN T. 97
mes. Aparler finceremétauſſi
bien dans voſtre beau Sexe
que dans le noftre , il y a toû- jours à riſquer ; maisla veuëdu ☐ peril n' pas qu'on ne s'y expoſe , &on ne ſe defend pas d'aimer quand on veut. La complaiſance , les petits foins,
les manieres tendres , autant
d'écüeils pour la liberté. C'eſt ce qu'a dit fort agreablement - l'Illuſtre Madame des Houlie
res dans ce Rondeau que je
vous envoye.
RONDEAU
DE MADAME DESHOVLIERES
à une de ſes Amies.
Ontre l'Amourvoulez-vous
vous defendre ?
Empefchez - vous & de voir &
d'entendre
Tome V. I
98 LE MERCVRE
Gens dont le cœur s'exprime avec
esprit.
Il en est peu de ce genre maudit ,
Et trop encor pourmettre uncœur encendre.
Quand une fois il nous plaiſtde
nous rendre
D'amoureux ſoins, qu'ils prennent un air tendre ,
On lit en vain tout qu'Ovide
écrit
Contre l'Amour.
De la raiſon on ne doit rien attendre;
Trop de malheurs n'ont ſçeu que
trop apprendre Qu'elle n'est rien dés que lecœur
agit;
Lafeule fuite, Iris, nous garantit,
C'estleparty le plus utile àpredre Contre l'Amour.
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Résumé : RONDEAU DE MADAME DESHOULIERES à une de ses Amies.
Le texte est une correspondance mettant en garde une dame contre les dangers de l'amour. L'auteur reconnaît que les femmes, malgré leur finesse, sont vulnérables en matière de sentiments. Il souligne que la conscience du danger ne suffit pas à empêcher les gens de tomber amoureux. Les attentions et les tendresses sont décrites comme des pièges pour la liberté. L'auteur cite un rondeau de Madame des Houlières, qui explore la difficulté de se défendre contre l'amour. Le rondeau se demande si éviter de voir et d'entendre des personnes spirituelles peut protéger contre l'amour, mais conclut que ces personnes sont trop nombreuses pour être évitées. Une fois que l'on s'abandonne à des soins amoureux, les conseils contre l'amour deviennent inutiles. La raison est impuissante face aux sentiments du cœur. La fuite est présentée comme la meilleure stratégie pour se protéger de l'amour.
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10
p. 207-208
POUR MADAME LA MARESCHALE DE CLEREMBAUT.
Début :
Mareschale de Clerembaut, [...]
Mots clefs :
Vertu, Maréchale de Clérembaut, Amour, Amitié
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texteReconnaissance textuelle : POUR MADAME LA MARESCHALE DE CLEREMBAUT.
POVR MADAME
MARESCHALE
CLEREMBAUT..
MArefchale deClerembaut,
Vous portez la vertu fi baut ,
Quel Amouren est en colere.
Ils'en plaignit l'autrejour àſa
Mere,
Elle luy dit ; mon Fils , chacun a
Son defaut,
Cette vertu pourtant afait tombersur elle
L'heureux cho'x dont la gloire estoit deuë àfonZele,
Choix qui mit en ses mains le Charmede la Cour ,
CettePrinceſſeſansſeconde ,
Dont les yeuxpourront bien un
jour
Niij
10 LE MERCVRE
Tefoûmettre le Fils duplus grand Roydumonde.
QuantàlaMareſchale, en vain
dela toucher
Tu crois l'avantagepoßible..
Son cœur est un rocher
Qui fut toûjours inacceßible.
L'Amour à cediscours luy répondit; Et bien
Ie consens qu'ellesoit inſenſible à
ma flame ,
Mais qu'elle aille du tout au rië,
Iene le puisfouffrir;tout au moins quefon ame Soit tendre àla pitié,
Puis qu'on le peutfans blâme.. Leſuis de fon avis , &j'espere ,
Madame,
Quej'auray furcepie Quelquepartà vostre amitié.
MARESCHALE
CLEREMBAUT..
MArefchale deClerembaut,
Vous portez la vertu fi baut ,
Quel Amouren est en colere.
Ils'en plaignit l'autrejour àſa
Mere,
Elle luy dit ; mon Fils , chacun a
Son defaut,
Cette vertu pourtant afait tombersur elle
L'heureux cho'x dont la gloire estoit deuë àfonZele,
Choix qui mit en ses mains le Charmede la Cour ,
CettePrinceſſeſansſeconde ,
Dont les yeuxpourront bien un
jour
Niij
10 LE MERCVRE
Tefoûmettre le Fils duplus grand Roydumonde.
QuantàlaMareſchale, en vain
dela toucher
Tu crois l'avantagepoßible..
Son cœur est un rocher
Qui fut toûjours inacceßible.
L'Amour à cediscours luy répondit; Et bien
Ie consens qu'ellesoit inſenſible à
ma flame ,
Mais qu'elle aille du tout au rië,
Iene le puisfouffrir;tout au moins quefon ame Soit tendre àla pitié,
Puis qu'on le peutfans blâme.. Leſuis de fon avis , &j'espere ,
Madame,
Quej'auray furcepie Quelquepartà vostre amitié.
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Résumé : POUR MADAME LA MARESCHALE DE CLEREMBAUT.
Une lettre poétique à Madame de Clerembaut évoque l'amour et la vertu. La maréchale, inaccessible, est louée pour sa vertu et son influence à la cour. L'amour, en colère, demande de la pitié sans blâme, espérant ainsi son amitié.
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11
p. 218-220
POUR MADAME LA PRESIDENTE D'OZEMBRAY.
Début :
Voicy d'autres Vers que Monsieur de S. Aignan fit pour / Pourquoy nous honorer d'une courte visite, [...]
Mots clefs :
Bal, Le Havre, Amour
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texteReconnaissance textuelle : POUR MADAME LA PRESIDENTE D'OZEMBRAY.
Voicy d'autres Vers que Monfieur de S.Aignan fit pour Madame la Preſidente d'Ozembray , qui estoit venuë au Havre pour peu de jours. Elle devoit partifle lendemain , &
voicy ce que cet Illuſtre Duc luydonna au fortir d'un Bal où
Tome V.
158 LE MERCVRE -toutle monde eſtoit en couleur
defeu.
POVR
MADAME LA PRESIDENTE
D'OZEMBRAY.
Pourquoy courte viſite nous ,honorer d'une
Pourquoy faire éclater icy tantde
merite ,
Avec tant de rigueurs ?
C'est avoir peu d'amour pour le
biende la France ,
Que de venir troubler les cœurs
Dans une Place d'importance.
On devroit vous traiter comme
une criminelle ,
Vous mettre dans les fers comme
ingrate , rebelle ,
GALANT. 159
?
C
ce.
Et vous pouſſer àbout.
Vous dites qu'avec vous nous n'a
vons rien àcraindre ,
Mais vous mettez le feu par
tout ,
Et puis, vous partezfans l'é
voicy ce que cet Illuſtre Duc luydonna au fortir d'un Bal où
Tome V.
158 LE MERCVRE -toutle monde eſtoit en couleur
defeu.
POVR
MADAME LA PRESIDENTE
D'OZEMBRAY.
Pourquoy courte viſite nous ,honorer d'une
Pourquoy faire éclater icy tantde
merite ,
Avec tant de rigueurs ?
C'est avoir peu d'amour pour le
biende la France ,
Que de venir troubler les cœurs
Dans une Place d'importance.
On devroit vous traiter comme
une criminelle ,
Vous mettre dans les fers comme
ingrate , rebelle ,
GALANT. 159
?
C
ce.
Et vous pouſſer àbout.
Vous dites qu'avec vous nous n'a
vons rien àcraindre ,
Mais vous mettez le feu par
tout ,
Et puis, vous partezfans l'é
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Résumé : POUR MADAME LA PRESIDENTE D'OZEMBRAY.
Monsieur de S.Aignan a composé des vers pour Madame la Présidente d'Ozembray, venue au Havre pour quelques jours. Le poème exprime l'admiration et l'étonnement face à sa visite, tout en critiquant la brièveté de son séjour. Sa présence, bien que bénéfique, perturbe les habitants et enflamme les cœurs avant de partir sans laisser de traces.
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12
p. 8
MADRIGAL.
Début :
Voicy un autre Madrigal que nous devons encor à l'Amour. / Le Respect & l'Amour pleins de glace & de flame, [...]
Mots clefs :
Respect, Amour, Guerre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
Voicy un autre Madrigal que nous devons encor à l'Amour.
Aij
6 LE MERCVRE
L
MADRIGAL.
ERespect &l'Amour pleins de de glace &de flame ,
Sefont l'a guerre dans mon ame,
Et nese veulent point ceder :
Mais, ô Beauté charmante &rare,
Si je nepuis les accorder,
Permettez que je lesſepare.
Aij
6 LE MERCVRE
L
MADRIGAL.
ERespect &l'Amour pleins de de glace &de flame ,
Sefont l'a guerre dans mon ame,
Et nese veulent point ceder :
Mais, ô Beauté charmante &rare,
Si je nepuis les accorder,
Permettez que je lesſepare.
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13
p. 8-9
« Un Amour sans respect fait toûjours de grandes entreprises; c'est [...] »
Début :
Un Amour sans respect fait toûjours de grandes entreprises; c'est [...]
Mots clefs :
Respect, Pudeur, Amour, Progrès
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texteReconnaissance textuelle : « Un Amour sans respect fait toûjours de grandes entreprises; c'est [...] »
Un Amour ſans reſpect fait.
toûjours de grandes entrepri- fes; c'eſt un Enfant perdu qur vabien viſte , & qu'il est bien difficile d'arreſter. Il pouſſe ſes affaires plus loin qu'on ne croit dés qu'on luy a laiſſe faire le premier pas ; & qui veut em- peſcher ſes progrés , ne luy doit d'abord rien pardonner.. Je ſçay Madame , que c'eſt
voſtre ſentiment , & que vous
,
GALANT. 7
eftes ennemie declarée de ces
Amans ſans reſpect , dont la trop grande hardieffe decla- re toûjours la guerre à la pu- deur
toûjours de grandes entrepri- fes; c'eſt un Enfant perdu qur vabien viſte , & qu'il est bien difficile d'arreſter. Il pouſſe ſes affaires plus loin qu'on ne croit dés qu'on luy a laiſſe faire le premier pas ; & qui veut em- peſcher ſes progrés , ne luy doit d'abord rien pardonner.. Je ſçay Madame , que c'eſt
voſtre ſentiment , & que vous
,
GALANT. 7
eftes ennemie declarée de ces
Amans ſans reſpect , dont la trop grande hardieffe decla- re toûjours la guerre à la pu- deur
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Résumé : « Un Amour sans respect fait toûjours de grandes entreprises; c'est [...] »
Le texte décrit les relations amoureuses sans respect, qualifiées d''Enfant perdu'. Ces relations progressent rapidement et dépassent les attentes. Pour les arrêter, il est crucial de ne rien pardonner dès le début. Madame partage ce sentiment et s'oppose à ces amants audacieux, souvent en conflit avec la puissance.
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14
p. 15-16
CHANSON.
Début :
Les deux Couplets qui suivent sont pour Madame la Mareschale [...]
Mots clefs :
Amour, Guerriers, Gloire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : CHANSON.
Les deux Couplets qui fuivent font pourMadamelaMa- refchalede Lorge. L'Air en a
eſté fait par Monfieur Dam- broüys.
1.2 LE MERCVRE
V
******
CHANSON.
Os charmes , belle Iris , font aisément connaître Que l'Amour est toûjours le maître,
Etque tous lesGuerriersqu'on redoute leplus,
Sont ceux qu'il a plûtoſt vaincus.
Vostre Illustre Héros , que plus d'une
Victoire
Arendu tout brillant de Gloire ,
Soumis à vos appas , adore dans vos
yeux
Amour lepluspuiſſant des Dieux.
eſté fait par Monfieur Dam- broüys.
1.2 LE MERCVRE
V
******
CHANSON.
Os charmes , belle Iris , font aisément connaître Que l'Amour est toûjours le maître,
Etque tous lesGuerriersqu'on redoute leplus,
Sont ceux qu'il a plûtoſt vaincus.
Vostre Illustre Héros , que plus d'une
Victoire
Arendu tout brillant de Gloire ,
Soumis à vos appas , adore dans vos
yeux
Amour lepluspuiſſant des Dieux.
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15
p. 216-226
MAXIMES D'AMOUR.
Début :
Quoy qu'on fasse passer l'Amour pour la plus violente / Nous voulons qu'un Amant se declare luy-mesme, [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Lois, Déclaration, Roman, Théâtre, Méthode, Secret
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MAXIMES D'AMOUR.
Quoyqu'onfaffe paffer l'A- mour pour la plus violente de
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
1
Nij
150 LE MERCURE
que
toutes les Paffions ; il faut que laGloire ait quelque choſe de beaucoup plus fort, puisqu'el- le oblige les plus honneſtes Gens à preferer les fatigues aux plaifirs , & qu'elle les ar- rache fans peine de cequi leur eſt le plus cher, pour les pré- cipiter dans les occafions les plus redoutables. Il eſt vray l'éloignement de ce qu'on aime,n'eſt pas également ſen- fible àtout le monde. Il y en a
qui ne trouvent rien de plus inutile que d'en foûpirer , &
j'enconnois quelques uns qui s'accomodent admirablement
bien des maximes qu'on nous a données là -deſſus depuis quelque temps. Elles ont eſté faites en faveur d'une aimable
-Perſonne qui recevant tous les jours des reproches de ce
GALANT. Fer qu'elle n'aimoit pas , demanda enfin des Regles qui ne luy laiſſaſſent aucun embarras das l'engagement qu'on cherchoit àluy faire prendre. Ces Vers luy furent envoyez un peu apres. Je ne vous enpuis dire l'Autheur. Il nous a voulucacher ſon nom , quoy qu'il n'y ait que de la gloire pour luy à les avoüer.
MAXIMES
N
D'AMOUR.
"
Ous voulons qu'un Amant se declare luy- mesme ,
Etquefanstrop contester,
Dés qu'il a juré qu'il aime Onn'enpuiffeplus douter.
Parune injuste défiance,
Liij
152 LE MERCVRE •Etfur vin doutemalfondé,
Qui laffent d'un Amanttoute lapatience,
On perd ſouvent un Cœur qu'on au roit poffedé.
Ladéclaration unefois eftantfaite ,
Chacun de son costé la doit tenir t
andress
fe
Plus l'Amour est caché,plus il ade
douceur.
Ilfaut aimer&fe taire
Vneflamesans mystere Ne chatouille point un Cœur.
Apres qu'on s'est promis les plus tem dres amours
On doit vivre en paiſible &douce intelligende Ets'il arrive que l'absence Viennedecereposinterrompre lecours Il n'en fautpas aimer avse moinsde constantan, Quit Mais il est bon qu'on se dispense Deces tristes languours on t'on passe fes jours,
GALANT. 153 Lorsque deſe revoir on meurt d'imPatience;
Car enfin àquoy bon gémir jusqu'au
retour? L
En aura-t- on eu moins d'amour
Pour n'avoir pas pousé des soupirs dans les nues?
Non, aimer de la forte eft da ſtile
ancien
Adeplus douces loix nos mœurs fost descenduës ,
Etje tiens qu'à leprendre bien Lespeines en amour ſont des peines perduës ,
Dés que la belle n'en voit rien.
-Ilfaut , quand cét Amour s'explique,
Que ce foit averenjoiement,
Etqu'il laiſſe le ton tragique PourleTheatre &le Roman.
Iln'est rien deplusfalutaire Pour un Amant,que de railler.
L'Amour est un Enfant dont le babil
Sçait plaire ,
On l'écoute avec
veut parler,
joyee autant qu'il
154 LE MERCVRE Maisdés qu'ilcrie on lefait taire.
Nousſuivrons toûjours laméthode Decacher noftre paffion ,
Ne trouvant rienplus incommode Qu'unAmantdeprofeſſion.
Onrit quand on le voit dansfon cha grin extrême Semettre avec empreſſement DerriereleFauteñildela Beautéqu'il
aime,
Pourtuy parler tout-bas de fon cruel
tourment.. Chacun ſe divertit d'une amour fi
publique;
Enbonne&tendre politique,
UnAmant bien censé no doit paroître Amant
Qu'à ce qu'il aimeseulement.
Quejamais noſtre humeurtrabiſſant
nostre flame,
Ne faſſedécouvrir le ſecret denostre
ame.. Quejamais nosRivaux ne liſent dans
nosyeux.
GALANT. 155 Ce qui doit demeurer toûjours mysterieux.
Autrefois un Amant eust passé pour volage ,
S'il eust veu ſon Iris fans changer de couleur.
Maintenant, Dieu mercy,ny rougeur,
nypâleur ,
Chez les Gens de bon goût ne font plus en usage.
L'Amour vent du fecret ; sa joye &
Sadouleur Doivent eſtre dans noſtre cœur ,
Etnonpasfur nostre visage.
Ledeffeindeceſſer de vivre,
Si-toſt qu'onse voit maltraité De quelque inhumaine Beauté,
N'est pas ànostre avis un deffein fort àsuivre.
Auſſi nous abrogeons l'usage des poi- fons,
Defendons pour jamais les funestes Youpronsst Banniſſons tous les mots de rage dhumeursfombres
156 LE MERCVRE Retenant ſeulement le Silence &ler
Ombres.
Pour employer dans nos Chansons.
Que l'Amant àla Maistreſſe,
Ny la Maistreffe à l'Amant ,
Nedemandent jamais trop d'éclaircif- Sement ,
Quelque chagrin qui lespreffe.
Ilfautunpeudebonnefoy Pour estre heureux dans l'amoureux
mistere.
*le veux vous croire , croyez-moy,
C'est le mieux que nous puiffions
fuir.
Fuyonsfur tout lacuriofité,
En amouril n'est rien de pire. Toujours elle fait voir quelque infi
delité,
Etje connois telAmant quiſoupire D'avoir appris certaine verité Qu'on n'avoit pas voulu luy dire.
Enfindenos amours nouvelles Banniſſons les transports jaloux,
Ona tant deplaisir àse croirefidelles.
GALANT. 157 Aquoy bon se vouloir priver d'un bienfidoux?
Est-il fottiſe égale à la foibleſſe ex- tréme
D'unAmant toûjours alarmé ,
Qui malgré les ſermens de laBelle qu'il aime,
Cherche àse convaincre luy meſm
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Résumé : MAXIMES D'AMOUR.
Le texte explore la prééminence de la gloire sur l'amour, affirmant que la quête de gloire incite les individus à privilégier les défis aux plaisirs et à sacrifier ce qui leur est cher. Il se penche ensuite sur les maximes de l'amour, en énonçant plusieurs principes fondamentaux. Un amant doit se déclarer lui-même sans susciter de méfiance, car une défiance injustifiée peut entraîner la perte de l'être aimé. Une fois la déclaration faite, chacun doit la respecter. L'amour caché est perçu comme plus doux, et il est conseillé d'aimer en silence. L'absence ne doit pas affaiblir la constance de l'amour, bien que les tristesses soient à éviter. L'amour doit être exprimé avec joie plutôt qu'avec tragédie. Il est recommandé de cacher sa passion et de ne pas la rendre publique. Les signes extérieurs de l'amour, tels que la rougeur ou la pâleur, sont déconseillés. Les désespoirs excessifs et les poisons sont interdits. La curiosité en amour est jugée néfaste, car elle révèle souvent des infidélités. Enfin, les transports jaloux doivent être évités pour préserver la fidélité et le bonheur dans l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 301-303
RONDEAU.
Début :
Je finis, Madame, mais ne grondez point, je vous prie, / Contre l'Amour voulez-vous vous defendre ? [...]
Mots clefs :
Amour, Tendre, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RONDEAU.
Je finis , Madame, mais ne gron- dez point,je vous prie , ſi je finis ſans vous tenir parole ſur un ſecond Idylle de Madame des Houlieres.
Pour vous appaiſer ,je vous envoye un ſecond Rondeau qu'elle a fait
d'un ſtile fortdifférent de celuy que vous avez déja veu. Il a fait naiſtre une grande conteftation pour (çavoir lequel des deux devoit eſtre preferé.
Vous en entendrez parler au premier jour , &vous fcaurez les ſentimens d'une infinité de perſonnes d'eſpric qua ce différent a partagées. Jugez- en cependant vous- mefme. Jevous envoye avec le nouveau celuy que vousautiez la peine d'aller chercher dans ma Lettre du Mois de Iuillet.
Onm'en avoit donné une Copie fi défigurée ,qu'il eſt bon que vous le yoyez en meilleur état ; & d'ailleurs
GALANT. 215
s'agiſſant de les comparer , il ne les faut pas éloigner l'un de l'autre.
RONDEAV.
Ontre l'Amour voulez
vous deffendre ?
-
Vous
Empeſchez-vous & de voir &d'en- tendre
Gens dont le cœur s'explique avec
esprit.
Il en estpeude ce genre maudit ,
Mais trop encorpour mettre un caur
en cendre.
Quand une fois il leur plaiftde nous rendre
D'amoureuxfoins,qu'ils prennent un
air tendre ,
On lit en vain tout ce qu'Ovide écrit
Contre l'Amour.
Dela Raiſon on ne doit rien attendre.
Trop de malheurs n'ont ſçeu que trop
apprendre Qu'elle n'est riendés que le cœur agit,
Lafeulefuite,Iris ,nous garantit ,
Tiij
216 LE MERCVRE
C'est le party leplus utile à prendre Contrel'Amour.
Pour vous appaiſer ,je vous envoye un ſecond Rondeau qu'elle a fait
d'un ſtile fortdifférent de celuy que vous avez déja veu. Il a fait naiſtre une grande conteftation pour (çavoir lequel des deux devoit eſtre preferé.
Vous en entendrez parler au premier jour , &vous fcaurez les ſentimens d'une infinité de perſonnes d'eſpric qua ce différent a partagées. Jugez- en cependant vous- mefme. Jevous envoye avec le nouveau celuy que vousautiez la peine d'aller chercher dans ma Lettre du Mois de Iuillet.
Onm'en avoit donné une Copie fi défigurée ,qu'il eſt bon que vous le yoyez en meilleur état ; & d'ailleurs
GALANT. 215
s'agiſſant de les comparer , il ne les faut pas éloigner l'un de l'autre.
RONDEAV.
Ontre l'Amour voulez
vous deffendre ?
-
Vous
Empeſchez-vous & de voir &d'en- tendre
Gens dont le cœur s'explique avec
esprit.
Il en estpeude ce genre maudit ,
Mais trop encorpour mettre un caur
en cendre.
Quand une fois il leur plaiftde nous rendre
D'amoureuxfoins,qu'ils prennent un
air tendre ,
On lit en vain tout ce qu'Ovide écrit
Contre l'Amour.
Dela Raiſon on ne doit rien attendre.
Trop de malheurs n'ont ſçeu que trop
apprendre Qu'elle n'est riendés que le cœur agit,
Lafeulefuite,Iris ,nous garantit ,
Tiij
216 LE MERCVRE
C'est le party leplus utile à prendre Contrel'Amour.
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Résumé : RONDEAU.
L'auteur s'excuse auprès d'une dame de ne pas lui fournir une seconde idylle de Madame des Houlières, mais lui envoie un second rondeau de cette dernière. Ce rondeau diffère du précédent et a suscité une controverse sur la préférence entre les deux œuvres. L'auteur promet à la dame qu'elle entendra parler de cette controverse et des diverses opinions qu'elle a suscitées. Il lui envoie également une version améliorée d'un rondeau précédent pour permettre une comparaison juste entre les deux textes. Le rondeau en question aborde l'amour et la difficulté de s'en défendre. Il souligne que même les personnes les plus spirituelles peuvent être touchées par l'amour. Le texte affirme que la raison est impuissante face aux sentiments amoureux et que la meilleure défense contre l'amour est la fuite.
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17
p. 6-14
L'AMOUR COMMODE.
Début :
Hé bien, mon coeur facile & qui par tout se rend, [...]
Mots clefs :
Amour, Chagrin, Règles, Commode, Heureux, Badiner, Rire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMOUR COMMODE.
L'AMOUR COMMODE.
H
T
E' bien , mon cœur facile &qui partout se rend,
Pourquaire ou cing Beautez en mefime temps, foupire Entre nous , pelle be Iris, est-ce un crimefi
grand
Mon Qu'ilfailley trouver tant à dire ?
ધોની
:
GALANT.
Si j'ay dequoy vous engager ,
Parceque j'aymeailleurs en dois-jemoins
vousplaire,
Etpourquelques douceurs qu'on me voit
partager,
Nesçaurois- je estre vôtre affaire ?
Rendez plus dejustice à mafincerité.
Sij'en conte en tous lieux, c'eſtſans estre
volage,
P'aime tant que l'on m'aime , & cette fermeté Vant bien qu'auecmoy l'on s'engage.
Ilest vray qu'absent desbeauxyeux Dontmon amecharmée adore la lumiere,
Pourfinirdes jours ennuyeux.
Ien'aypaslamain meurtriere.
Ie cours oùje prétens qu'on seplaiſe à
me voir ,
Ie ris ,je chante,jefolâtre ,
Etregarde leDesespoir Commeune vertudeTheatre.
A iij
6 LE MERCVRE
C'est estre , je l'avoue , Amant peu regulier ,
Maisjefuis tous les mauxque le chagrin fait naiftre ,
Etsi c'eſt làn'aimer qu'en Ecolier ,
Dien me garde d'aimer en Maistre.
Apres tout , le repos estant un bien fi doux,
Aime-t-on afin qu'on enrage
Etpour sécher d'ennuy d'estre éloignéde
vous,
Vousen verray-je davantage? 1
Lesplaintes, les langueurs , les foûpirs,
lesfanglots,
Merendront- ils ceque m'ofte l'absence,
Etn'est - ilpas plus àpropos Qu'apres l'avoir perdu je prenne pa- tience ?
L'amourde tous les maux est leplus dangereux ,
Quand trop d'attachement nous livre à
Soncaprice,
GALAN Τ. 7
Et je ne ſcache point d'employ si malhenreux ,
Quede sefaire Amant d'office.
Achaque occafion il faut avectransport S'arracherles cheveux, se battre la poitrine د
Eftre tout prest decourir àla mort ,
Oudumoins en avoirla mine.
i
Franchement, ce mestier est des plusfatigans,
Ilamillechagrins qui rarement s'appai- Sent,
Et cen'est n' pasà
vagans
tart qu'on nommeextraLespauvres Dupesqui s'y plassent.
BIBLE
Aimeparregles qui voudr
lamais cenefut ma methode ,
Ie m'offre , &fansſonger comme le tour
ira ,
Ie prens d'abord du plus commode.
Mesvœuxn'ayantpour tout objet A iiij
ILE MERCVRE
Quede rendre heureux ce que j'aime,
Pourreüffir dans ceprojet Je croy devoir toûjours commencerpar moy-mefme.
Ainfi, charmante Iris, fi mon humeur
vousplaiſt ,
N'examinezrien autrechose,
Aimez- moyfansprendre interest Si de mon cœur quelqu'autre ainſi que vous dispose.
Tantque je vous verray ,je ſeray tout à
vous,
Point deſouvenirdesAbſentes ,
Vous allumerez ſeule en des momensfi doux
Mespaßions lesplus ardentes.
Dansquelquepaffe temps que vous väeil- *liez donner ,
I'ydonn erayfans le combattre ;
Etfi vous voulez badiner ,
Ieferaybadin comme quatre.
Iene dispas ,quandvous m'aurez quité,
و .GALANT
Qu'attendant que je vous revoye ,
Jen'aille d'un autre costé
Faire un nouvel amas de joye.
L
Mais ces égaremens facheux aux cœurs jaloux,
Nepeuvent estre àvoſtre honte;
Cequejeferay loin de vous ,
Neferapointfur vostre compte.
Dans le temps oùtousdeux nous nenous
verronspas ,
Comme d'aucunplaisir je ne veux medefendre ,
Nevousfaitespoint d'embarras Detous ceuxque vouspourrezprendre.
Recevezdes Amans, écoutez leurs douceurs ,
Et quand de nous revoir l'heure ſera venue دو Prenonsce que chacun nous aurons fait
ailleurs,
Comme chosenon avenuë.
*
Sans nous inquieter de rich 0
A V
LE MERCVRE
1
Faiſons -nous le mesme visage Quesi vostre cœur &le mien Estoient demeurezfanspartage.
Commed'amour tout tranſporté,
Ievousferay mille careſſes ,
Vous pourrez y répondre en toute sou- reté
Parvosplusflateuſes tendreſſes.
Mefaire des faveurs , c'eſt ne rien ha- zarder,
Ieſuis diferet , &recevant des vostres,
Vous aurez beau m'en accorder,
Ien'en parleraypoint aux autres.
Aces conditionsſi jeſuis voſtrefait,
Belle Iris, vous n'avez qu'àdire,
Cherchons en nous aimant l'amour leplus
parfait,
Mais n'aimonsjamaisque pour rire.
H
T
E' bien , mon cœur facile &qui partout se rend,
Pourquaire ou cing Beautez en mefime temps, foupire Entre nous , pelle be Iris, est-ce un crimefi
grand
Mon Qu'ilfailley trouver tant à dire ?
ધોની
:
GALANT.
Si j'ay dequoy vous engager ,
Parceque j'aymeailleurs en dois-jemoins
vousplaire,
Etpourquelques douceurs qu'on me voit
partager,
Nesçaurois- je estre vôtre affaire ?
Rendez plus dejustice à mafincerité.
Sij'en conte en tous lieux, c'eſtſans estre
volage,
P'aime tant que l'on m'aime , & cette fermeté Vant bien qu'auecmoy l'on s'engage.
Ilest vray qu'absent desbeauxyeux Dontmon amecharmée adore la lumiere,
Pourfinirdes jours ennuyeux.
Ien'aypaslamain meurtriere.
Ie cours oùje prétens qu'on seplaiſe à
me voir ,
Ie ris ,je chante,jefolâtre ,
Etregarde leDesespoir Commeune vertudeTheatre.
A iij
6 LE MERCVRE
C'est estre , je l'avoue , Amant peu regulier ,
Maisjefuis tous les mauxque le chagrin fait naiftre ,
Etsi c'eſt làn'aimer qu'en Ecolier ,
Dien me garde d'aimer en Maistre.
Apres tout , le repos estant un bien fi doux,
Aime-t-on afin qu'on enrage
Etpour sécher d'ennuy d'estre éloignéde
vous,
Vousen verray-je davantage? 1
Lesplaintes, les langueurs , les foûpirs,
lesfanglots,
Merendront- ils ceque m'ofte l'absence,
Etn'est - ilpas plus àpropos Qu'apres l'avoir perdu je prenne pa- tience ?
L'amourde tous les maux est leplus dangereux ,
Quand trop d'attachement nous livre à
Soncaprice,
GALAN Τ. 7
Et je ne ſcache point d'employ si malhenreux ,
Quede sefaire Amant d'office.
Achaque occafion il faut avectransport S'arracherles cheveux, se battre la poitrine د
Eftre tout prest decourir àla mort ,
Oudumoins en avoirla mine.
i
Franchement, ce mestier est des plusfatigans,
Ilamillechagrins qui rarement s'appai- Sent,
Et cen'est n' pasà
vagans
tart qu'on nommeextraLespauvres Dupesqui s'y plassent.
BIBLE
Aimeparregles qui voudr
lamais cenefut ma methode ,
Ie m'offre , &fansſonger comme le tour
ira ,
Ie prens d'abord du plus commode.
Mesvœuxn'ayantpour tout objet A iiij
ILE MERCVRE
Quede rendre heureux ce que j'aime,
Pourreüffir dans ceprojet Je croy devoir toûjours commencerpar moy-mefme.
Ainfi, charmante Iris, fi mon humeur
vousplaiſt ,
N'examinezrien autrechose,
Aimez- moyfansprendre interest Si de mon cœur quelqu'autre ainſi que vous dispose.
Tantque je vous verray ,je ſeray tout à
vous,
Point deſouvenirdesAbſentes ,
Vous allumerez ſeule en des momensfi doux
Mespaßions lesplus ardentes.
Dansquelquepaffe temps que vous väeil- *liez donner ,
I'ydonn erayfans le combattre ;
Etfi vous voulez badiner ,
Ieferaybadin comme quatre.
Iene dispas ,quandvous m'aurez quité,
و .GALANT
Qu'attendant que je vous revoye ,
Jen'aille d'un autre costé
Faire un nouvel amas de joye.
L
Mais ces égaremens facheux aux cœurs jaloux,
Nepeuvent estre àvoſtre honte;
Cequejeferay loin de vous ,
Neferapointfur vostre compte.
Dans le temps oùtousdeux nous nenous
verronspas ,
Comme d'aucunplaisir je ne veux medefendre ,
Nevousfaitespoint d'embarras Detous ceuxque vouspourrezprendre.
Recevezdes Amans, écoutez leurs douceurs ,
Et quand de nous revoir l'heure ſera venue دو Prenonsce que chacun nous aurons fait
ailleurs,
Comme chosenon avenuë.
*
Sans nous inquieter de rich 0
A V
LE MERCVRE
1
Faiſons -nous le mesme visage Quesi vostre cœur &le mien Estoient demeurezfanspartage.
Commed'amour tout tranſporté,
Ievousferay mille careſſes ,
Vous pourrez y répondre en toute sou- reté
Parvosplusflateuſes tendreſſes.
Mefaire des faveurs , c'eſt ne rien ha- zarder,
Ieſuis diferet , &recevant des vostres,
Vous aurez beau m'en accorder,
Ien'en parleraypoint aux autres.
Aces conditionsſi jeſuis voſtrefait,
Belle Iris, vous n'avez qu'àdire,
Cherchons en nous aimant l'amour leplus
parfait,
Mais n'aimonsjamaisque pour rire.
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Résumé : L'AMOUR COMMODE.
Le texte relate un dialogue entre un Galant et Iris sur la nature de l'amour. Le Galant décrit l'amour comme facile et ouvert à plusieurs beautés simultanément. Il cherche à éviter les souffrances causées par le chagrin et l'attachement excessif, préférant un amour sans contraintes et sans souffrances inutiles. Il privilégie le repos et le plaisir. Le Galant propose à Iris une relation basée sur le plaisir mutuel et la liberté. Il promet de lui être entièrement dévoué tant qu'ils seront ensemble, sans se soucier des absences ou des autres amours. Il suggère qu'ils puissent tous deux profiter de plaisirs ailleurs sans que cela affecte leur relation. Il insiste sur la discrétion et la fidélité dans leurs échanges, proposant de ne pas parler des faveurs reçues d'autres personnes. En résumé, le Galant prône un amour léger, sans attachement excessif, et basé sur le plaisir partagé et la liberté individuelle.
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18
p. 106
REPROCHE DE N'AIMER point assez.
Début :
C'est pour vostre interest plutost que pour moy mesme, [...]
Mots clefs :
Amour, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPROCHE DE N'AIMER point assez.
REPROCHE DE N'AIMER
pointaffez.
7
C'est pour vostre interest plutoſtque pourmoy mesme ,
GALANT. 67
Que vous devez m'aimer autant que je
vous aime.
Sivostre amour estoit égal au mien
Vous gousteriez cent douceurs que je
gouste,
Vous vous feriez milleplaiſirs de rien.
Pour n'aimer pas affez voila ce qu'il en couste. 2
Ab, Philis , vousyperdez bien.
pointaffez.
7
C'est pour vostre interest plutoſtque pourmoy mesme ,
GALANT. 67
Que vous devez m'aimer autant que je
vous aime.
Sivostre amour estoit égal au mien
Vous gousteriez cent douceurs que je
gouste,
Vous vous feriez milleplaiſirs de rien.
Pour n'aimer pas affez voila ce qu'il en couste. 2
Ab, Philis , vousyperdez bien.
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19
p. 108-109
PASSION NAISSANTE.
Début :
Le Nom de la troisiéme Dame fut tiré par un / Quoy déja d'un amour si tendre [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PASSION NAISSANTE.
Lenom de la troiſiéme Dame
fut tiré par un Cavalier qui ne P'avoitjamais veuë avant ce jour là. Elle eft blonde ,a le teint vif,
&les yeux ſi perçans , qu'en ayant eſté charmé d'abord, il ne s'en falloit guere qu'il ne luy euſt déja fait une declaration en for
me. Ce fut là-deſſus qu'il fit ces
Vers.
PASSION NAISSANTE.
roy déja d'un armour si rendre lemeſens le cœur enflame!
Deux велиxyeux dez l'abord ont- ils dû
meSurprendre !
GALAN T. 69
C'est trop tost en estre charmé.
Pourquoy ne me pas mieux defendre?
Aimerois-je autrement quand je ferois aimé?
fut tiré par un Cavalier qui ne P'avoitjamais veuë avant ce jour là. Elle eft blonde ,a le teint vif,
&les yeux ſi perçans , qu'en ayant eſté charmé d'abord, il ne s'en falloit guere qu'il ne luy euſt déja fait une declaration en for
me. Ce fut là-deſſus qu'il fit ces
Vers.
PASSION NAISSANTE.
roy déja d'un armour si rendre lemeſens le cœur enflame!
Deux велиxyeux dez l'abord ont- ils dû
meSurprendre !
GALAN T. 69
C'est trop tost en estre charmé.
Pourquoy ne me pas mieux defendre?
Aimerois-je autrement quand je ferois aimé?
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Résumé : PASSION NAISSANTE.
Un cavalier rencontre la troisième Dame, une blonde au regard perçant. Captivé, il compose 'Passion Naissante', exprimant son émoi et son interrogation sur la nature de son amour. Le texte se termine par la signature 'GALAN T. 69'.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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20
p. 110-135
Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Début :
Une jeune Veuve dont la beauté attiroit des Soûpirans, l'esprit [...]
Mots clefs :
Veuve, Marquis, Vieillard, Banquier, Homme, Amant, Carosse, Amour, Balcon, Jalousies, Chevaux, Rival, Garderobe, Cocher
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Une jeune Veuve dont la beauté attiroit des Soûpirans ,
l'eſprit des louanges , & l'air co-- quetdes railleries, avoit l'adreſſe
3
70 LE MERCVRE deménagertrois Amansque des raiſons d'intereſt ou de vanité
luy avoient fait choiſir d'un affez
diferent caractere. L'un eftoit un
jeûne Etouurdy , Marquis à bon titre , un peu gueux , mais bien fait, & fort capable de ſe faire ai -
mer. Il avoit l'air bon , ne manquoit derien en apparence , &
vivoit avec tout l'éclat qu'auroit pû faire un Homme de ſa naiffance,à qui la Fortune auroit été plus favorable qu'à luy. L'autre eſtoit un petit Vieillard,toûjours propre, de bonne humeur, libe- ral , & cette dernierequalité va- loit bienqu'on ne prit point gar- de à ſes années. Il avoit eſté autrefois Banquier , s'eſtoit meſlé enfuitede plus d'une affaire , &
pardes voyes inconnuës, il avoit trouvé moyen de ſe rendre un des plus riches Roturiers du
GALANT. 71T
Royaume. Les Viſites du Mar- quis luy faifoient paſſer de mé- chans momens , ſes grands airs n'eſtoient point à ſon uſage , &
c'eſtoit quelque choſe de fi re- doutable pour luy , qu'il eſtoit contraintde quiter la place ſi -tôt qu'il entroit. Il en avoit faires plaintes à la Dame, qui nos en N
incommodoit pas. Elle tournoit finement les choſes , &deuxou
trois paroles flateuſes menoient
lebon Homme où elle vouloit.
Son troifiéme Amanteſtoitd'une
eſpeceoppoſéeàl'un&à l'autre.
Il tenoit le milieu entre le Marquis &ile Banquier. UneCharge deRobe de rendoit confiderable,
&& il n'avoitrien d'ailleurs qui le
fit diftinguer. Pointde defaut re- marquable, point devertu parti.
culiere, il fervoit ſes Amis,&fans élevation ny baffeſſe il s'eſtoit
72 LE MERCVRE acquis la réputation d'honneſte Homme. Labelle Veuve l'attendoit un foir: Les jours eſtoient longs , & il ne devoit venirque fort tard. Une raiſon importante lobligeoit d'en ufer ainfi. Elle avoit un Procésdontil eſtoit Raporteur , & fi on l'euſt veu en- trer chez elle , ſes Parties au- roient eu droit de le récufer. Elle
croyoit le petit Vieillard à l'une de ſes Terres , le Marquis ne de voit pas revenir fi -toſt de la Cour,&fur cette afſurance elle avoit donné le rendez-vous; mais
comme les Coquetes font nées pour les Avantures , le Vieillard entra lors qu'elle y penſoit le moins. Il eſtoitdans ſa propreté ordinaire. Un Habit de Tafetas
noir tout chamarré de Dentelle,
le Bas de foye bien tiré Perru
E
que blonde , & un Rabat d'un
Point
GALANT 73 Point de France admirable. A
peine eut-il dit à la Veuve que Pimpatience de la revoir hay avoit fait précipiter ſon retour,
qu'on entendit le bruit d'un Car- roſſe àfix Chevaux. Il arreſta devant ſa Maiſon , on en defcendit
avec grand fracas , on heurta fort rudement à la Porte , & l'on
entra de plein- pied , fans s'in- former ſi on eſtoit en humeur
de voir les Gens. LaDame preſta l'oreille , & au bruit qui ſe fai- foit , elle n'eut pas de peine à
connoiſtre les manieres du Marquis. Elle s'en trouva embaraf- fée , il commençoit à faire nuit,
le Confeiller devoit venir àonze
heures,&pour ne ſe point brouil- ler avec luy , il falloit ſe défaire dedeuxAmans. Le Vieillardn'e
ſtoit pas moins en peinede ſon coſté , l'heure induë pour un
Tome VII.
D
74 LE MERCVRE
Homme de fa forte le pouvoit rendre ſuſpect au Marquis dont il avoit déja eſſuyé quelquebruf- querie ,& ne voulant s'expoſer ny à ſes emportemens jaloux,
ny àſe voir traité en petit Bour- geois , il témoigna fon inquié- tude à la Veuve. Elle en fut ra
vie, & luy propoſa d'entrer dans un Balcon aupres duquel il eſtoit affis. Le Party luy plût , il ouvrit promptement leBalcon,&n'eut que le temps d'en faire fermer la Porte apres qu'il s'y fur jetté. Le Marquis dit d'abord à la belle Veuve qu'il n'eſtoit venu que pour elle ſeule, ayant à le trou- ver le lendemain au lever du Roy ; que ſes Chevaux eſtant fatiguez , il s'eſtoit mis dans le Carroffe d'un Duc de ſes Amis,
qui l'avoit deſcendu àla Porte,
&qu'il eſperoit qu'elle voudroit
GALANT. 75 bien luy preſter le ſien pour le ramener chez luy quand il fe- roit temps de la quitter. Elle y
confentit,&apres avoir donné ordre qu'on avertiſt ſonCocher de ſe tenir preſt , elle entra en converſation avecle Marquis. If luy parla de fon amour, luy fit quelques reproches de certaines viſites qu'elle recevoit , & luy demanda fur tout des nouvelles
du petit Banquier qu'on luy fai- ſoit le tort dans lemondedeluy donner pour Amant. Il le tourna enridicule , & adjoûta que s'il le
rencontroit encore chez elle
comme il avoit déja fait , il, ne manqueroit pas à le divertir agreablement. La Dame qui a- voit intereſt àſe conferverle pe- tit Vieillard , & qui n'eſtant que Coquete,n'aimoit pas qu'on fiſt leSouverainavec elle , releva fes
Dij
76 LE MERCVRE
paroles d'un ton plus hautquele fien,& luy ayant ditqu'elle ne devoit compte de ſes actions à
perſonne. Elle luy témoigna fie- rementque s'il ne luy rendoit des foins que dans l'efperance du droit de maiſtriſe ,il ne fe pou- voit plus mal adreffer. Le Mar- quisluy réponditqueſon deſſein n'eſtoit pas de prendre aucune autorité ſur ſes ſentimens , qu'il diſputeroit volontiers ſon cœur avec un autre , mais qu'il y alloit deſagloire de ne pasfouffrir un Rivalqu'elle ne luy pouvoit don- ner fans ſe faire tort à elle-mefme. Ces jaloufies de gloire ne fatisfirent point la belle Veuve.
Elle pretendit qu'elles faifoient voir trop peu de tendreffe , &
que ſi on en devoit pardonner quelques-unes , ce ne pouvoit eſtre que celles qui estoient cau-
GALANT. 77
7
lées par l'amour. Il ſe dit là-def- fus des choſes affez délicates. Le
Marquis demeura dans ſon cha- grin , & ne pat s'empeſcher de faire connoiſtre à la Dame qu'il l'eſtimoit trop pour la ſoupçon- ner de répondre à la paffion du Banquier ; mais que fi ces petits Meſſieurs n'avoient pas dans leur perſonne dequoy ſe faire aimer comme lesGensdequalité , ils ſe faifoient fouffrir par de certains endroits ... LaVeuve ne le laiſſa
pas achever. Sa fierté luy fit dire quelque chofe de choquant pour luy , qu'il voulut bien endurer d'elle , mais dont, il fit porter la peine àſon Rival , en redoublant les menaces qu'il avoitdéja fai- tes de le divertir à la premiere occafion. Il parloit fi haut , que le Vieillard qui entendoit tout,
trembloit de crainte dans leBalDiij
78 LE MERCVRE conoù il s'eſtoit enfermé, mais il
n'en fut pas quitte pour cela , &
preſque auſſi-toſt if trembla de froid , quoy que la chaleur fut fort grande. Le Tonnere qui a- voit commencé àgronder éclata tout-à-coup avec tantde violen ce qu'il ne s'eſtoit veu de long- temps un pareilorage. Il fur fui- vy de la pluye , qui tombant en abondance eutbientoſt colé l'Habit de tafetas contre la peau de ce pauvre Amant tranſy. Apres qu'elle fut un peu diminuée , le Marquis dit qu'il falloit voir fur leBalcon ſi elle estoit encor bien
forte. Cesparoles mirent le Vieil- lard dans de nouvelles. frayeurs.
La Veuve qui estoit aſſiſe aupres du Balcon , l'entrouvrit fans balancer, Elle avança ſa mainqu'el- le retira auſſi-toſt enle refermant
avec précipitation , &diſant que
GALANT
1 la pluye ceſſoit , mais qu'il faifoit unvent horrible. Elle demanda
en meſme temps fi onavoit mis les Chevaux àfon Carroffe. Au
tre embarras qu'elle n'avoit point préveu. Son Cocher à qui on avoitdit qu'elle ne ſortiroit point ce foir là,estoit allé boire en lieu où il fut impoſſible de le trouver. Cette nouvelle la defef pere. Un grand Laquais qu'elle avoit , eſtoit dans l'accez d'une
groffe fièvre, il ne luy en reſtoit qu'unpetit incapable de condui re ſes Chevaux, l'heure s'avan- çoit,&elle craignoit l'arrivée du Confeiller. Son inquietude pa- roift. Le Marquis qui n'en ſçait point la veritable raifon , la prie deneſepoint impatienter. Ill'af- furedenouveauque laſeule en- vie de la voir l'afait venir àParis , luy dit que c'eſt un plaifir
Div
80 LE MERCVRE
qu'il ne sçauroit avoir trop long temps ,&attendant que fon Co- cher fot revenu , il luy demande fi elle veut ſe divertir à joüer. Le Vieillardqui écoute tout, ne ſçait où il en eſt de ce redoublement
dediſgrace. La pluye l'avoit en- rûmé,l'enviede touffer le prend,
il y reſiſte autant qu'il peut , &
n'ofant ſe moucher, ny cracher,
ny éternuër , il ne s'en faut guere qu'il n'étouffe. La Da- mene paſſe pas mieux ſon temps que luy. Elle veut ſe tirer d'af- faire à quelque prix que ce ſoit,
&n'en trouve point d'autre mo- yenquededeclarer franchement au Marquis que fon Cocher ne rentrant quelquefois que le ma- tin , elle ne pretendpointluy laif- ſer paſſer la nuit chez elle , &
ſe perdre d'honneur pour luy épargner la fatigue de s'en re-
GALANT. 81
tourner à pied. Le Marquis ré- pondque fi elle ne luy avoit pas promis fon Carroffe , il ſe ſe- roit aſſuré d'un autre , & qu'il n'y a pas lieu de demander qu'un Homme comme luy , quidemeu- re dans un Quartier tres-éloigné,
traverſe tout Paris au milieu des
bouës que la pluye a faites. Ces raiſons ne font point reçeuës. Il ira où il luy plaira , mais abfolu- ment il ne paſſera point la nuit chez elle. Ils s'aigriffent tous deux fur cette Difpute, ſe levent de deſſus leurs Sieges , & fe pro- menent dans la Chambre en ſe
querellant. LeMarquis entre dans une Garderobe oùil voit laDemoiſelle de la Dame. Elle estoit
de leur confidence , &il s'arreſte
à luyfaire des plaintesde fa Mai- ſtreſſe. La veuve prend ce temps pourtirer le Vieillard du Balcon,
D V
8 , LE MERCVRE
elle le mene fur l'Escalier , & le
conjure prefque à genoux de la delivrerdu Marquis. L'expedient qu'elle en trouve eſt de deſcendre
àl'Ecurie , de mettre les Chevaux à fon Carroſſe, de s'enve
loper dans unvieuxManteau de
Maiſtre Robert ſon Cocher qui reftoit toûjours au Logis ,de paf.. fer pour luy , &de ramener fon Rival. La propoſition luy paroiſt extravagante , il la rejette avec colere ,&ne fongequ'às'allerſe- cher. Elle ne fe rebute point, le preſſe , l'embaraffe à force de raiſons; &fur ce qu'illuy oppoſe qu'il fera verſer leCarroffeparce qu'il ne le ſçait pas mener , elle luy dit que ſes Chevauxſontfa- ciles àconduire , &que n'y ayant point d'embarras lanuitdans les Ruës , il faut qu'il manque d'a- mour pour elle , s'il s'obſtine à la
GALANT. 83 refufer. Tout cela ne leperfuade point. L'impatience la prend,&
elle va juſqu'à le menacerd'aller dire ſurl'heure auMarquisqu'el- le vient de le ſurprendre caché chez elle, épiantſesactions.L'en- viede plaire ſe meſle à la peur queluydonnecette menace. Il fe laiſſe mener à l'Ecurie , met les
Chevaux au Carroſſe le mieux
qu'il peut ,&apres qu'il s'eſt en- velopé du vieux Manteau de Maiſtre Robert , on avertit le
Marquis que le Cocher eft ren- tré , &qu'il peut deſcendre. Le Marquis dit adieu à la Dame affez froidement , ſe jette dans le Carroſſe avec un air chagrin,
&s'eftant laiſſe conduire par fon Rival , il luy donne unDemy- Loüis d'or endefcendant. Apei- ne eſtoit-il fortyde chez la Veu- ve , que le Conſeiller qui pen Dvj
84 LE MERCURE
dant la pluye n'avoit pas voulu faire marcherdeux uniques Che- vaux qu'il avoit , prit fon heure pour l'entretenir. Il entra ſans bruit, ayant laiſſe ſonCarroffe au bout de la Ruë pour éloigner le foupçon. Le petit Vieillardramena celuy de la Dame à laquelle il voulut inutilement donner le
bonfoir. On luy dit qu'elle dor-)
moit. II demanda fi l'on n'avoit
point veuſesGens , & fi lon ne
luy avoit point amené de Chai- ſe , ſuivant l'ordre qu'il en avoit donné. On luy répondit qu'on n'avoit veu perſonne , mais on les avoit renvoyez de peur qu'ils ne viſſent entrer le Conſeiller ::
Deforte qu'apres avoit ſervy de Cocher à fon Rival, il fut contraint de s'en retourner àpied fans autre récompenſe de ſes fra- yeurs&deſes peines ,que celle
3
GALANT. 85
D
du Demy-Lois qu'il avoit eſté obligé derecevoir.
l'eſprit des louanges , & l'air co-- quetdes railleries, avoit l'adreſſe
3
70 LE MERCVRE deménagertrois Amansque des raiſons d'intereſt ou de vanité
luy avoient fait choiſir d'un affez
diferent caractere. L'un eftoit un
jeûne Etouurdy , Marquis à bon titre , un peu gueux , mais bien fait, & fort capable de ſe faire ai -
mer. Il avoit l'air bon , ne manquoit derien en apparence , &
vivoit avec tout l'éclat qu'auroit pû faire un Homme de ſa naiffance,à qui la Fortune auroit été plus favorable qu'à luy. L'autre eſtoit un petit Vieillard,toûjours propre, de bonne humeur, libe- ral , & cette dernierequalité va- loit bienqu'on ne prit point gar- de à ſes années. Il avoit eſté autrefois Banquier , s'eſtoit meſlé enfuitede plus d'une affaire , &
pardes voyes inconnuës, il avoit trouvé moyen de ſe rendre un des plus riches Roturiers du
GALANT. 71T
Royaume. Les Viſites du Mar- quis luy faifoient paſſer de mé- chans momens , ſes grands airs n'eſtoient point à ſon uſage , &
c'eſtoit quelque choſe de fi re- doutable pour luy , qu'il eſtoit contraintde quiter la place ſi -tôt qu'il entroit. Il en avoit faires plaintes à la Dame, qui nos en N
incommodoit pas. Elle tournoit finement les choſes , &deuxou
trois paroles flateuſes menoient
lebon Homme où elle vouloit.
Son troifiéme Amanteſtoitd'une
eſpeceoppoſéeàl'un&à l'autre.
Il tenoit le milieu entre le Marquis &ile Banquier. UneCharge deRobe de rendoit confiderable,
&& il n'avoitrien d'ailleurs qui le
fit diftinguer. Pointde defaut re- marquable, point devertu parti.
culiere, il fervoit ſes Amis,&fans élevation ny baffeſſe il s'eſtoit
72 LE MERCVRE acquis la réputation d'honneſte Homme. Labelle Veuve l'attendoit un foir: Les jours eſtoient longs , & il ne devoit venirque fort tard. Une raiſon importante lobligeoit d'en ufer ainfi. Elle avoit un Procésdontil eſtoit Raporteur , & fi on l'euſt veu en- trer chez elle , ſes Parties au- roient eu droit de le récufer. Elle
croyoit le petit Vieillard à l'une de ſes Terres , le Marquis ne de voit pas revenir fi -toſt de la Cour,&fur cette afſurance elle avoit donné le rendez-vous; mais
comme les Coquetes font nées pour les Avantures , le Vieillard entra lors qu'elle y penſoit le moins. Il eſtoitdans ſa propreté ordinaire. Un Habit de Tafetas
noir tout chamarré de Dentelle,
le Bas de foye bien tiré Perru
E
que blonde , & un Rabat d'un
Point
GALANT 73 Point de France admirable. A
peine eut-il dit à la Veuve que Pimpatience de la revoir hay avoit fait précipiter ſon retour,
qu'on entendit le bruit d'un Car- roſſe àfix Chevaux. Il arreſta devant ſa Maiſon , on en defcendit
avec grand fracas , on heurta fort rudement à la Porte , & l'on
entra de plein- pied , fans s'in- former ſi on eſtoit en humeur
de voir les Gens. LaDame preſta l'oreille , & au bruit qui ſe fai- foit , elle n'eut pas de peine à
connoiſtre les manieres du Marquis. Elle s'en trouva embaraf- fée , il commençoit à faire nuit,
le Confeiller devoit venir àonze
heures,&pour ne ſe point brouil- ler avec luy , il falloit ſe défaire dedeuxAmans. Le Vieillardn'e
ſtoit pas moins en peinede ſon coſté , l'heure induë pour un
Tome VII.
D
74 LE MERCVRE
Homme de fa forte le pouvoit rendre ſuſpect au Marquis dont il avoit déja eſſuyé quelquebruf- querie ,& ne voulant s'expoſer ny à ſes emportemens jaloux,
ny àſe voir traité en petit Bour- geois , il témoigna fon inquié- tude à la Veuve. Elle en fut ra
vie, & luy propoſa d'entrer dans un Balcon aupres duquel il eſtoit affis. Le Party luy plût , il ouvrit promptement leBalcon,&n'eut que le temps d'en faire fermer la Porte apres qu'il s'y fur jetté. Le Marquis dit d'abord à la belle Veuve qu'il n'eſtoit venu que pour elle ſeule, ayant à le trou- ver le lendemain au lever du Roy ; que ſes Chevaux eſtant fatiguez , il s'eſtoit mis dans le Carroffe d'un Duc de ſes Amis,
qui l'avoit deſcendu àla Porte,
&qu'il eſperoit qu'elle voudroit
GALANT. 75 bien luy preſter le ſien pour le ramener chez luy quand il fe- roit temps de la quitter. Elle y
confentit,&apres avoir donné ordre qu'on avertiſt ſonCocher de ſe tenir preſt , elle entra en converſation avecle Marquis. If luy parla de fon amour, luy fit quelques reproches de certaines viſites qu'elle recevoit , & luy demanda fur tout des nouvelles
du petit Banquier qu'on luy fai- ſoit le tort dans lemondedeluy donner pour Amant. Il le tourna enridicule , & adjoûta que s'il le
rencontroit encore chez elle
comme il avoit déja fait , il, ne manqueroit pas à le divertir agreablement. La Dame qui a- voit intereſt àſe conferverle pe- tit Vieillard , & qui n'eſtant que Coquete,n'aimoit pas qu'on fiſt leSouverainavec elle , releva fes
Dij
76 LE MERCVRE
paroles d'un ton plus hautquele fien,& luy ayant ditqu'elle ne devoit compte de ſes actions à
perſonne. Elle luy témoigna fie- rementque s'il ne luy rendoit des foins que dans l'efperance du droit de maiſtriſe ,il ne fe pou- voit plus mal adreffer. Le Mar- quisluy réponditqueſon deſſein n'eſtoit pas de prendre aucune autorité ſur ſes ſentimens , qu'il diſputeroit volontiers ſon cœur avec un autre , mais qu'il y alloit deſagloire de ne pasfouffrir un Rivalqu'elle ne luy pouvoit don- ner fans ſe faire tort à elle-mefme. Ces jaloufies de gloire ne fatisfirent point la belle Veuve.
Elle pretendit qu'elles faifoient voir trop peu de tendreffe , &
que ſi on en devoit pardonner quelques-unes , ce ne pouvoit eſtre que celles qui estoient cau-
GALANT. 77
7
lées par l'amour. Il ſe dit là-def- fus des choſes affez délicates. Le
Marquis demeura dans ſon cha- grin , & ne pat s'empeſcher de faire connoiſtre à la Dame qu'il l'eſtimoit trop pour la ſoupçon- ner de répondre à la paffion du Banquier ; mais que fi ces petits Meſſieurs n'avoient pas dans leur perſonne dequoy ſe faire aimer comme lesGensdequalité , ils ſe faifoient fouffrir par de certains endroits ... LaVeuve ne le laiſſa
pas achever. Sa fierté luy fit dire quelque chofe de choquant pour luy , qu'il voulut bien endurer d'elle , mais dont, il fit porter la peine àſon Rival , en redoublant les menaces qu'il avoitdéja fai- tes de le divertir à la premiere occafion. Il parloit fi haut , que le Vieillard qui entendoit tout,
trembloit de crainte dans leBalDiij
78 LE MERCVRE conoù il s'eſtoit enfermé, mais il
n'en fut pas quitte pour cela , &
preſque auſſi-toſt if trembla de froid , quoy que la chaleur fut fort grande. Le Tonnere qui a- voit commencé àgronder éclata tout-à-coup avec tantde violen ce qu'il ne s'eſtoit veu de long- temps un pareilorage. Il fur fui- vy de la pluye , qui tombant en abondance eutbientoſt colé l'Habit de tafetas contre la peau de ce pauvre Amant tranſy. Apres qu'elle fut un peu diminuée , le Marquis dit qu'il falloit voir fur leBalcon ſi elle estoit encor bien
forte. Cesparoles mirent le Vieil- lard dans de nouvelles. frayeurs.
La Veuve qui estoit aſſiſe aupres du Balcon , l'entrouvrit fans balancer, Elle avança ſa mainqu'el- le retira auſſi-toſt enle refermant
avec précipitation , &diſant que
GALANT
1 la pluye ceſſoit , mais qu'il faifoit unvent horrible. Elle demanda
en meſme temps fi onavoit mis les Chevaux àfon Carroffe. Au
tre embarras qu'elle n'avoit point préveu. Son Cocher à qui on avoitdit qu'elle ne ſortiroit point ce foir là,estoit allé boire en lieu où il fut impoſſible de le trouver. Cette nouvelle la defef pere. Un grand Laquais qu'elle avoit , eſtoit dans l'accez d'une
groffe fièvre, il ne luy en reſtoit qu'unpetit incapable de condui re ſes Chevaux, l'heure s'avan- çoit,&elle craignoit l'arrivée du Confeiller. Son inquietude pa- roift. Le Marquis qui n'en ſçait point la veritable raifon , la prie deneſepoint impatienter. Ill'af- furedenouveauque laſeule en- vie de la voir l'afait venir àParis , luy dit que c'eſt un plaifir
Div
80 LE MERCVRE
qu'il ne sçauroit avoir trop long temps ,&attendant que fon Co- cher fot revenu , il luy demande fi elle veut ſe divertir à joüer. Le Vieillardqui écoute tout, ne ſçait où il en eſt de ce redoublement
dediſgrace. La pluye l'avoit en- rûmé,l'enviede touffer le prend,
il y reſiſte autant qu'il peut , &
n'ofant ſe moucher, ny cracher,
ny éternuër , il ne s'en faut guere qu'il n'étouffe. La Da- mene paſſe pas mieux ſon temps que luy. Elle veut ſe tirer d'af- faire à quelque prix que ce ſoit,
&n'en trouve point d'autre mo- yenquededeclarer franchement au Marquis que fon Cocher ne rentrant quelquefois que le ma- tin , elle ne pretendpointluy laif- ſer paſſer la nuit chez elle , &
ſe perdre d'honneur pour luy épargner la fatigue de s'en re-
GALANT. 81
tourner à pied. Le Marquis ré- pondque fi elle ne luy avoit pas promis fon Carroffe , il ſe ſe- roit aſſuré d'un autre , & qu'il n'y a pas lieu de demander qu'un Homme comme luy , quidemeu- re dans un Quartier tres-éloigné,
traverſe tout Paris au milieu des
bouës que la pluye a faites. Ces raiſons ne font point reçeuës. Il ira où il luy plaira , mais abfolu- ment il ne paſſera point la nuit chez elle. Ils s'aigriffent tous deux fur cette Difpute, ſe levent de deſſus leurs Sieges , & fe pro- menent dans la Chambre en ſe
querellant. LeMarquis entre dans une Garderobe oùil voit laDemoiſelle de la Dame. Elle estoit
de leur confidence , &il s'arreſte
à luyfaire des plaintesde fa Mai- ſtreſſe. La veuve prend ce temps pourtirer le Vieillard du Balcon,
D V
8 , LE MERCVRE
elle le mene fur l'Escalier , & le
conjure prefque à genoux de la delivrerdu Marquis. L'expedient qu'elle en trouve eſt de deſcendre
àl'Ecurie , de mettre les Chevaux à fon Carroſſe, de s'enve
loper dans unvieuxManteau de
Maiſtre Robert ſon Cocher qui reftoit toûjours au Logis ,de paf.. fer pour luy , &de ramener fon Rival. La propoſition luy paroiſt extravagante , il la rejette avec colere ,&ne fongequ'às'allerſe- cher. Elle ne fe rebute point, le preſſe , l'embaraffe à force de raiſons; &fur ce qu'illuy oppoſe qu'il fera verſer leCarroffeparce qu'il ne le ſçait pas mener , elle luy dit que ſes Chevauxſontfa- ciles àconduire , &que n'y ayant point d'embarras lanuitdans les Ruës , il faut qu'il manque d'a- mour pour elle , s'il s'obſtine à la
GALANT. 83 refufer. Tout cela ne leperfuade point. L'impatience la prend,&
elle va juſqu'à le menacerd'aller dire ſurl'heure auMarquisqu'el- le vient de le ſurprendre caché chez elle, épiantſesactions.L'en- viede plaire ſe meſle à la peur queluydonnecette menace. Il fe laiſſe mener à l'Ecurie , met les
Chevaux au Carroſſe le mieux
qu'il peut ,&apres qu'il s'eſt en- velopé du vieux Manteau de Maiſtre Robert , on avertit le
Marquis que le Cocher eft ren- tré , &qu'il peut deſcendre. Le Marquis dit adieu à la Dame affez froidement , ſe jette dans le Carroſſe avec un air chagrin,
&s'eftant laiſſe conduire par fon Rival , il luy donne unDemy- Loüis d'or endefcendant. Apei- ne eſtoit-il fortyde chez la Veu- ve , que le Conſeiller qui pen Dvj
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dant la pluye n'avoit pas voulu faire marcherdeux uniques Che- vaux qu'il avoit , prit fon heure pour l'entretenir. Il entra ſans bruit, ayant laiſſe ſonCarroffe au bout de la Ruë pour éloigner le foupçon. Le petit Vieillardramena celuy de la Dame à laquelle il voulut inutilement donner le
bonfoir. On luy dit qu'elle dor-)
moit. II demanda fi l'on n'avoit
point veuſesGens , & fi lon ne
luy avoit point amené de Chai- ſe , ſuivant l'ordre qu'il en avoit donné. On luy répondit qu'on n'avoit veu perſonne , mais on les avoit renvoyez de peur qu'ils ne viſſent entrer le Conſeiller ::
Deforte qu'apres avoit ſervy de Cocher à fon Rival, il fut contraint de s'en retourner àpied fans autre récompenſe de ſes fra- yeurs&deſes peines ,que celle
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GALANT. 85
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du Demy-Lois qu'il avoit eſté obligé derecevoir.
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Résumé : Histoire de l'Amant Cocher. [titre d'après la table]
Le texte relate une situation impliquant une jeune veuve et ses trois amants. La veuve, réputée pour sa beauté et son esprit, a sélectionné des amants aux caractères distincts. Le premier est un jeune marquis, séduisant et aimable, mais financièrement démuni. Le second est un ancien banquier, riche et libéral, mais âgé. Le troisième est un conseiller au Parlement, honnête et sans traits de caractère particuliers. Un soir, la veuve attend la visite du conseiller, mais le vieillard et le marquis apparaissent de manière inattendue. Le vieillard se cache sur un balcon après avoir été surpris par l'arrivée du marquis. Ce dernier, après une discussion avec la veuve, menace le banquier. Une violente tempête survient, aggravant la situation. La veuve, inquiète de l'arrivée imminente du conseiller, doit trouver une solution pour se débarrasser des deux autres amants. Elle persuade le vieillard de se déguiser en cocher pour reconduire le marquis chez lui. Le conseiller, ignorant les événements, arrive finalement et s'entretient avec la veuve. Le vieillard, après avoir joué le rôle de cocher, doit rentrer chez lui à pied, ne recevant qu'un demi-louis pour sa peine.
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21
p. 7-10
LES FLECHES D'AMOUR.
Début :
Si pourtant Mr de Fontenelle en est crû, il y / L'Amour n'avoit jadis que des Fléches d'Acier [...]
Mots clefs :
Amour, Flèches, Acier, Or
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES FLECHES D'AMOUR.
Si pourtant M' de Fonte- nelle eneſt crû , il y a une voye auſſi promptequ'infaillible pour réüffir en amour. Voyez s'il a
penſé iuſte quand il s'en eſt ex- pliqué par ces Vers.
Aij
4
LE MERCVRE
LES FLEC HES
D'AMOUR.
L
Amour n'avoit jadis que des Fléches d' Acier ,
Cen'estoit pasfaire grande dépense ,
Mais celafuffifoit pour un Siecle groffier ,
Ou tous les cœursse rendoientfansdefence.
Le temps changea ; plus de fimplicité,
Les traits d'Acier devinrent inutiles
Etl' Amour ent àfaire àdes Gensplus
habiless
Qui de les repousfer prenoient la li- berté.
S'ils bleffoient , la bleſſure estoit bientoft querie ,
Perſonne ne s'en trouvoitmal.
Quel remede ? Il falut changerde baterie ,
GALAN T.. 5
Il les fit d'un autre Metal ,
Cefut d'Or, à l' Amour la victoire estoit
Seure.
Quels Ennemis , Grands Dieux , n'auroit-il pas défaits ?
Auſſi,quoyqu ilparust d'abordse mettre en frais ,
Ilregagnaſesfrais avec ufure.
Achaque Fleche qui voloit Une foule de Cœurs couroit au devant,
d'elle.
Quoyque laplaye en fuſt mortelle ,
N'estoit pas bleſſe qui vouloit.
L'Amour ne lançoit plus ſes Fleches
quepargrace ,
Heureuxles Cœurs ſur qui tomboient
des traitsfi doux ,
Souvent de les percer sa mainſe trou- voit laſſe ,
Lors qu'ils ne l'estoientpas de recevoir
fescoups.
Chacun d'eux eust reçeu vingt Fleches
au lieud'une ,
Chacun eust volontiers épuisé le Carquois;
Se faire bleſſfer plusieurs fois ,
C'estoit affez pour fairefafortune.
A iij
6 LE MERCVRE
Cettemoden'apoint changés LesFleckes d'orfont toûjours en usage ,
Etpour peu qu'on s'enferve ,il n'est
CœursiSauvage,
Quiſous les Loixd'Amournefoit bien- toftrangé.
penſé iuſte quand il s'en eſt ex- pliqué par ces Vers.
Aij
4
LE MERCVRE
LES FLEC HES
D'AMOUR.
L
Amour n'avoit jadis que des Fléches d' Acier ,
Cen'estoit pasfaire grande dépense ,
Mais celafuffifoit pour un Siecle groffier ,
Ou tous les cœursse rendoientfansdefence.
Le temps changea ; plus de fimplicité,
Les traits d'Acier devinrent inutiles
Etl' Amour ent àfaire àdes Gensplus
habiless
Qui de les repousfer prenoient la li- berté.
S'ils bleffoient , la bleſſure estoit bientoft querie ,
Perſonne ne s'en trouvoitmal.
Quel remede ? Il falut changerde baterie ,
GALAN T.. 5
Il les fit d'un autre Metal ,
Cefut d'Or, à l' Amour la victoire estoit
Seure.
Quels Ennemis , Grands Dieux , n'auroit-il pas défaits ?
Auſſi,quoyqu ilparust d'abordse mettre en frais ,
Ilregagnaſesfrais avec ufure.
Achaque Fleche qui voloit Une foule de Cœurs couroit au devant,
d'elle.
Quoyque laplaye en fuſt mortelle ,
N'estoit pas bleſſe qui vouloit.
L'Amour ne lançoit plus ſes Fleches
quepargrace ,
Heureuxles Cœurs ſur qui tomboient
des traitsfi doux ,
Souvent de les percer sa mainſe trou- voit laſſe ,
Lors qu'ils ne l'estoientpas de recevoir
fescoups.
Chacun d'eux eust reçeu vingt Fleches
au lieud'une ,
Chacun eust volontiers épuisé le Carquois;
Se faire bleſſfer plusieurs fois ,
C'estoit affez pour fairefafortune.
A iij
6 LE MERCVRE
Cettemoden'apoint changés LesFleckes d'orfont toûjours en usage ,
Etpour peu qu'on s'enferve ,il n'est
CœursiSauvage,
Quiſous les Loixd'Amournefoit bien- toftrangé.
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Résumé : LES FLECHES D'AMOUR.
Le texte décrit l'évolution des flèches de l'Amour à travers les âges. Initialement, les flèches d'acier suffisaient à conquérir les cœurs, car les gens se rendaient sans défense. Cependant, les cœurs sont devenus plus résistants, rendant les flèches d'acier inefficaces. L'Amour a alors adopté des flèches d'or, plus précieuses et efficaces. Ces nouvelles flèches attiraient les cœurs, qui se précipitaient pour les recevoir, même si elles étaient mortelles. L'Amour lançait désormais ses flèches avec grâce, et les cœurs, heureux de les recevoir, en voulaient toujours plus. Cette stratégie reste en usage, capable de soumettre même les cœurs les plus sauvages.
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22
p. 29-37
RUPTURE.
Début :
A dire le vray, Madame, c'est une terrible affaire que / Quoy qu'on ait dit jusqu'à ce jour, [...]
Mots clefs :
Amour, Changement, Lasser, Inconstance, Libertin, Désirs, Plaisirs, Commerce nouveau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RUPTURE.
A dire le vray , Madame,
c'eſt une terrible affaire que de s'obliger d'aimer par Contract.
Le cœur qui veut eſtre toûjours
18 LE MERCVRE
libre dans fon choix , & qui fe
plaiſt quelquefois à choiſir fou- vent,n'a pas delegeres contrain- tes à ſouffrir, quand le devoir luy rend l'amour neceffaire. Il faut ſe faire de grands efforts pourſe ſoſûmettredebonnegra- ce à ſa tyrannie , &c'eſt une vio- lence dont je doute que celuy qui a fait les Vers queje vous envoye s'accommodat aiſement.
Vous le connoiſſez. Il a plus d'eſprit qu'il neveutlaiffer croi-- re qu'il en a , & ce que vous allez lire vous perfuadera ſans peine qu'il tourne les chofes fi- nement. C'eſt tout ce que vous ſçaurez de luy. Il a tellement peur que cette petite Piece ne vous le faffe croire trop libertin en amour, qu'il ne me l'a don- néequ'en me faiſant promettre que je vous cachetois fon nom.
GALANT. 19
わわわわわわ
RVPTVRE.
Voy qu'on ait dit jusqu'à ce jour,
Le changement , Iris ,n'est pas unsi grand crime;
On paffe fort fouvent de l'estime àl'ay
mour,
Paſſonsdel'amour à l'eſtime.
Comme ilcommence ànous laffer Rompons les nœudsſecrets de notreins
telligence Aquoybonnouspicquerd'unefote con- Stance,
Qui ne fert plus qu'à nous emba
raffer ?
Quand le Cœur que charmoit un pan- chant agreable ,
N'enfaitplusſafelicité,
Doit-anle croirefi coupable
20 LE MERCVRE
Pour le voir s'affranchir du dégoust qui
l'accable
Enmanquant de fidelité ?
C'est une vertu chimérique Dont il faut reformer l'erreur ;
L'usage en paroit tyrannique ,
Etpourentretenirune amoureuse ardeur Ilfaut je-ne-fçay-quoy qui pique.
C'est là ce qui cauſe aux Amans
Cequepour la Perſonne aimée Ils ontdedoux empreſſemens ;
Etpourune Amebien charmée,
Que l'amour ad'appasdansles commencemens !
Commeil ne fait que naiſtre , il est ardent,fidelle ,
Tous luy plaiſt dans l'Objet qui cauſe ſesdefirs,
Et le premier éclat d'une ardeur mutuelle Rempliſſant ſes ſouhaits ,le comble de
plaisirs.
ア
GALANT. 21
Mais on languit, Iris , fans cette donce
amorce
Quenous preste la nouveauté ;
Et de la paſſion le temps détruit la
force,
Sansqu'on sefoit fait mesme une infidelité.
Ne souhaitant plus rien, on nesçait ou Seprendre , L
La ſympathie alors est d'un foible feL'Amour nefefait plus entendre ,
Et par un changement difficile àcom- prendre ,
On ceffe d'eftre heureuxparce qu'on l'est toûjours.
Oùsont ces douxtranſports où j'estois fi *fenfible ?
Vous lespartagiez avec moy ,
Rien ne vous estoit impoſſible
Quandvous croyiez devoir reconnoistre
mafoy.
22 LE MERCVRE
Nous avions chaque jour cent choses à
nous dire
Nous confondions tous nos defirs ;
S'ilfalloit nos quiter , Dieux , le cruel
martyre ,
Etqu'il nous coûtoit defoûpirs!
Mais l'absence pournous ceſſe d'eftre une
peine ,
Jene suis plus reſveur éloigné devos
yeux ,
Vous écoutez Damon , j'en conte àCelimene;
Etcommeenfin l'amour l'un pourl'autre
nous geſne ,
Nousquiter cefera le mieux.
L'inconstance apres tout estunvice com- mode.
De quelque bel Obiet qu'on puiſſe estre
charmé,
Il est bon deſuivre la mode,
Quiſoufrepeude temps que le cœurs'aca commode
GALAN T. 23 De l'habitude d'estre aimé.
Aforce defoins ,l'Amour s'use ,
Onn'ysçauroit trouver toniours lemesme appas ,
Et l'Etoile au beſoin nouspentfervir d'excufe ,
S'il est encordesdélicats
Quecettevieille erreur abuse ,
Qu'on doit aimer jusqu'au trépas.
Naffectons paint, Iris, d'avoir l'ame heroïque,
Unpeude foibleſſefied bien ,
Ceft de tres-bonne foy qu'avec vousje
m'explique,
Reprenezvostre cœur , je reprendray le mien.
Vous avezmille Amans, j'ay plus d'une Maistreffe,
Un commerce nouveau nous doit paroiſtredoux.
Croyez-moy, quelque Objet où nostre choix s'adreffe
24 LE MERCVRE Nous le verrons tous deuxsansen estre
jaloux.
c'eſt une terrible affaire que de s'obliger d'aimer par Contract.
Le cœur qui veut eſtre toûjours
18 LE MERCVRE
libre dans fon choix , & qui fe
plaiſt quelquefois à choiſir fou- vent,n'a pas delegeres contrain- tes à ſouffrir, quand le devoir luy rend l'amour neceffaire. Il faut ſe faire de grands efforts pourſe ſoſûmettredebonnegra- ce à ſa tyrannie , &c'eſt une vio- lence dont je doute que celuy qui a fait les Vers queje vous envoye s'accommodat aiſement.
Vous le connoiſſez. Il a plus d'eſprit qu'il neveutlaiffer croi-- re qu'il en a , & ce que vous allez lire vous perfuadera ſans peine qu'il tourne les chofes fi- nement. C'eſt tout ce que vous ſçaurez de luy. Il a tellement peur que cette petite Piece ne vous le faffe croire trop libertin en amour, qu'il ne me l'a don- néequ'en me faiſant promettre que je vous cachetois fon nom.
GALANT. 19
わわわわわわ
RVPTVRE.
Voy qu'on ait dit jusqu'à ce jour,
Le changement , Iris ,n'est pas unsi grand crime;
On paffe fort fouvent de l'estime àl'ay
mour,
Paſſonsdel'amour à l'eſtime.
Comme ilcommence ànous laffer Rompons les nœudsſecrets de notreins
telligence Aquoybonnouspicquerd'unefote con- Stance,
Qui ne fert plus qu'à nous emba
raffer ?
Quand le Cœur que charmoit un pan- chant agreable ,
N'enfaitplusſafelicité,
Doit-anle croirefi coupable
20 LE MERCVRE
Pour le voir s'affranchir du dégoust qui
l'accable
Enmanquant de fidelité ?
C'est une vertu chimérique Dont il faut reformer l'erreur ;
L'usage en paroit tyrannique ,
Etpourentretenirune amoureuse ardeur Ilfaut je-ne-fçay-quoy qui pique.
C'est là ce qui cauſe aux Amans
Cequepour la Perſonne aimée Ils ontdedoux empreſſemens ;
Etpourune Amebien charmée,
Que l'amour ad'appasdansles commencemens !
Commeil ne fait que naiſtre , il est ardent,fidelle ,
Tous luy plaiſt dans l'Objet qui cauſe ſesdefirs,
Et le premier éclat d'une ardeur mutuelle Rempliſſant ſes ſouhaits ,le comble de
plaisirs.
ア
GALANT. 21
Mais on languit, Iris , fans cette donce
amorce
Quenous preste la nouveauté ;
Et de la paſſion le temps détruit la
force,
Sansqu'on sefoit fait mesme une infidelité.
Ne souhaitant plus rien, on nesçait ou Seprendre , L
La ſympathie alors est d'un foible feL'Amour nefefait plus entendre ,
Et par un changement difficile àcom- prendre ,
On ceffe d'eftre heureuxparce qu'on l'est toûjours.
Oùsont ces douxtranſports où j'estois fi *fenfible ?
Vous lespartagiez avec moy ,
Rien ne vous estoit impoſſible
Quandvous croyiez devoir reconnoistre
mafoy.
22 LE MERCVRE
Nous avions chaque jour cent choses à
nous dire
Nous confondions tous nos defirs ;
S'ilfalloit nos quiter , Dieux , le cruel
martyre ,
Etqu'il nous coûtoit defoûpirs!
Mais l'absence pournous ceſſe d'eftre une
peine ,
Jene suis plus reſveur éloigné devos
yeux ,
Vous écoutez Damon , j'en conte àCelimene;
Etcommeenfin l'amour l'un pourl'autre
nous geſne ,
Nousquiter cefera le mieux.
L'inconstance apres tout estunvice com- mode.
De quelque bel Obiet qu'on puiſſe estre
charmé,
Il est bon deſuivre la mode,
Quiſoufrepeude temps que le cœurs'aca commode
GALAN T. 23 De l'habitude d'estre aimé.
Aforce defoins ,l'Amour s'use ,
Onn'ysçauroit trouver toniours lemesme appas ,
Et l'Etoile au beſoin nouspentfervir d'excufe ,
S'il est encordesdélicats
Quecettevieille erreur abuse ,
Qu'on doit aimer jusqu'au trépas.
Naffectons paint, Iris, d'avoir l'ame heroïque,
Unpeude foibleſſefied bien ,
Ceft de tres-bonne foy qu'avec vousje
m'explique,
Reprenezvostre cœur , je reprendray le mien.
Vous avezmille Amans, j'ay plus d'une Maistreffe,
Un commerce nouveau nous doit paroiſtredoux.
Croyez-moy, quelque Objet où nostre choix s'adreffe
24 LE MERCVRE Nous le verrons tous deuxsansen estre
jaloux.
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Résumé : RUPTURE.
Dans une correspondance, deux individus discutent de l'amour et de l'inconstance. L'auteur exprime la difficulté de s'obliger à aimer par contrat, soulignant que le cœur aspire à la liberté. Un poète, craignant d'être perçu comme trop libertin, a demandé que son nom reste caché. Le poème joint à la lettre explore les changements dans les sentiments amoureux, passant de l'estime à l'amour et vice versa. Il critique la fidélité absolue en amour, la qualifiant de vertu chimérique, et explique que la passion s'affaiblit avec le temps, même sans infidélité. L'auteur et son interlocutrice, Iris, constatent que leur amour s'est affaibli et décident de se séparer, trouvant l'inconstance plus commode. Ils reconnaissent que l'amour s'use avec le temps et qu'il est naturel de chercher de nouvelles affections. La lettre se conclut par une acceptation mutuelle de leur décision, chacun reprenant son cœur et acceptant de nouvelles relations.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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23
p. 334-335
AIR NOUVEAU de Mr Lambert.
Début :
Tous les Amans ne sont pas fortunez; & l'Amour / Philis, vous m'ordonnez de feindre [...]
Mots clefs :
Amour, Indifférence, Jaloux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU de Mr Lambert.
Tous lesAmansne font pas fortu
nez ; & l'Amour , pour mieux faire connoiſtre ſa puiſſance , ne prend pas toûjours le party des Dieux. Apollon.
alieu des'enplaindre; laiſſons- le- dans fonchagrin , & voyons ce que dit un Mortel plus heureux que luy. Sa Maî treſſe l'avoit prié de feindre pour tromper les laloux , & voicy ce qu'il lùy répond.
AIR NOUVEAU
de M. Lambert.."
D-Hilis, vous m'ordonnez de feindre Del'indiférence pour vous,
Afin detromper les laloux Quefansceffe nous devons craindresف
1
GALANT. 229
自
Maisquand onjouit chaquejour
Descharmesdevostre préſence, {
Qu'ilestmal-aiséquel'Amour Paroiſſe de l'indiférence!
nez ; & l'Amour , pour mieux faire connoiſtre ſa puiſſance , ne prend pas toûjours le party des Dieux. Apollon.
alieu des'enplaindre; laiſſons- le- dans fonchagrin , & voyons ce que dit un Mortel plus heureux que luy. Sa Maî treſſe l'avoit prié de feindre pour tromper les laloux , & voicy ce qu'il lùy répond.
AIR NOUVEAU
de M. Lambert.."
D-Hilis, vous m'ordonnez de feindre Del'indiférence pour vous,
Afin detromper les laloux Quefansceffe nous devons craindresف
1
GALANT. 229
自
Maisquand onjouit chaquejour
Descharmesdevostre préſence, {
Qu'ilestmal-aiséquel'Amour Paroiſſe de l'indiférence!
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Résumé : AIR NOUVEAU de Mr Lambert.
Le texte explore la difficulté de feindre l'indifférence en amour. Un mortel, aimé par sa maîtresse, doit tromper les jaloux. Il trouve ardu de paraître indifférent face à la présence quotidienne de l'être aimé. L'amour rend ainsi la simulation impossible malgré les exigences sociales.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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24
p. 16-40
Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Début :
Il faudroit n'estre pas Homme pour n'en point avoir [...]
Mots clefs :
Rouen, Chevalier, Mort, Maîtresse, Surprise, Château, Conseiller, Amour, Procès, Fantôme, Abbé, Ombre, Mariages
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Il faudroit n'eſtre
pas Homme pour n'en point avoir ; mais elle a quelquefois des effets bien dangereux , &
vous l'allez voir par ce qui eft arrivé depuis peu de temps à
une aimable Heritiere d'une des
meilleures Familles de Roüen.
Elle avoit pris de la tendreſſe
pour un jeune Chevalier qui
GALANT. 1.3
Laimoit avec paffion. Soit pour la naiſſance , foit pour le bien,
ils eſtoient aſſez le fait l'un de
l'autre; & comme l'Amour s'en
meſloit , il n'auroit pas eſté dif- ficile au Chevalier de ſe rendre
heureux, fi l'employ qu'il avoit à l'Armée ne l'euft obligé d'at- tendre à demander. l'agrément de ſes Parens au retour de la
Campagne , qu'il ne ſe pouvoit diſpenſer de faire. Il ſervoit en Allemagne fous Monfieur le Mareſchal de Créquy , &ayant eſté commandé dans une oсcaſion où nous perdîmes quel- que monde, il fut compte au nombre des Morts, La nouvelle
s'en répandit dans la Province.
Elle vint aux oreilles de laDemoifelle qui en fut inconfolable.
Elle pleura , foûpira, parla con- tinuellement de ſes bonnes qua
14 LE MERCVRE
litez , & ſe le mit ſi fortement dans l'eſprit, qu'elle croyoit le voir paroiſtre devant elle à tous
momens. Pour divertir un peu ſa douleur , on l'envoya chez une Dame de ſes Parentes qui avoit un Chaſteau au Païs de
Caux. C'eſtoitune Veuve d'un
eſprit fort agreable , &qui ayant encorde la jeuneffe & de la beauté , attiroit chez elle tout ce qu'il y avoit d'honneſtes Gens
dansſon voiſinage. LabelleAf- Aigée ytrouva quelquefoulage- ment à ſes déplaiſirs , elle n'en pût oublier la cauſe , &elle ſe déroboit tous les jours pour ve- nir reſver ſolitairement dans le
Jardin à la perte qu'elle avoit faite. Cependant le Chevalier n'eſtoit pas ſi bienmort, qu'il ne fit connoiſtre preſque auffi-toft qu'il avoit encor part àla vie.On
GALAN T. 15 viſita ſes bleſſures. Elles furent
trouvées dangereuſes , mais non pas de telle forte qu'il n'en puſt guerir. On en prit ſoin , &il fut eneſtat de quiter l'Armée dans
le temps que les Troupes entroient en Quartier d'Hyver. II
revient en Normandie. Grande
joye pour ſes Amis qui l'ont pleuré mort. Il s'informe de ſa Maiſtreſſe. On luy apprend où elle eft, &à quelles extremitez ſa douleur l'avoit portée. Son amour redouble par la connoif- fancequ'onluydonne deſes dé- plaiſirs. Il meurt d'impatience de la revoir , &luy veut porter luy-meſme la nouvelle de ſon retour à la vie. Comme il s'en
connoiſt fortement aimé , il ſe
faitunejoyeſenſiblede l'agrea- ble ſurpriſe que ſa veuëluy doit caufer,& fans la faire tirer de
16 LE MERCVRE
l'erreur où le bruit de ſa fauffe
mort l'a miſe , il part de Roüen avec un Confeiller &un Abbé
de ſes Amis. Aucun d'eux ne
connoiſſoit la Dame chez qui elle eſtoit , &ceła faciliteledeffein qu'ils ont de faire paſſer pour une rencontre du hazard ce qui est une occafion recher- chée. Il pouvoiteſtre onze heu- res du foir. Ils arriventau Chaſteau , feignent d'ignorer à qui il eft , le demandent au Portier
qui leur vient ouvrir; &ſur ſa -réponſe , ils le prient de fairedi- re àla Dame , qu'un Conſeiller duParlementqui s'eſt égaré en allant à Dieppe , la ſupplie de luy vouloir donner une Cham- bre à luy & à deuxde ſes Amis,
..poury attendre le jour. La Dame avoit un Procés ,& le cre
dit d'un Conſeiller qui peut ou
GALANT. I17 eſtre fon Juge , ou folliciter pour elle , luy paroiſt un ſecours en- voyéduCiel. Elle leur fait faire excuſe de ce qu'eſtant déja coit- chée,elle est contrainte d'attendre juſqu'au lendemain à les voir. Cependant les ordres ſe donnent , & on n'oublie rien
pourles recevoir obligeamment.
La nuit ſe paffe. Ils demandent à quelle heure ils pourront re- mercier la Dame de ſes bontez..
On leur répond qu'elle s'habil- le; &pendant ce temps,le Con feiller & l'Abbé defcendent à
l'Ecurie pour ſçavoir ſi on a en ſoinde leurs Chevaux. Le Chevalier qui ne fonge qu'à fon amour , obferve la ſituationdes
lieux qui font habitez , & ayant pris garde qu'ils donnent fur le Jardin , il y entre dans l'eſperan- ce que faMaiſtreſſe paroiſtra à
18 LE MERCVRE
4
quelque feneftre. Iln'y apas fait trente pas qu'il lavoit fortird'u- ne Allée couverte. Elley eftoit venuë comme elle avoit accouſtumé de le faire tous les matins,&dans ce momentelle effuyoit quelques larmes qu'elle avoit encor données au ſouvenirde ſa mort. Il s'avance. Elle
l'apperçoit ; &comme elle en avoit l'imagination toute rem- plie , elle le prend pour fon Phantoſme, fait des cris épou- vantables , & s'enfuit vers une
Salle qu'elle avoit laiſſée ouver- te. Il court apres elle pour taf- cher de l'arreſter , mais fa diligence eſt vaine. Elle redouble fes cris , & a plûtoſt fermé la Porte qu'il ne l'a pû joindre.
Cette action est remarquée d'un Domeſtique qui entroit dans le
Jardin. Il enva donneravis àla
GALANT. 19
Dame. Elle deſcend dans la
Salle , trouve ſa belle Parente
- évanoüie; & comme elle estoit
Heritiere , & qu'on avoit déja fait courir le bruit de quelque projet pour l'enlever , elle ne doute point qu'on n'ait voulu enveniràl'execution ,&que ce qu'on luy eſt venu dire le jour precedent du Conſeiller égaré,
n'ait efté un artifice pour don- ner une entrée aux Raviſſeurs.
Tout la confirme dans cette
croyance. On a ven courir un
Homme apres la Demoiselle quine s'en eſt ſauvée qu'en s'en- fermant , & on la trouve évanoüie de frayeurs. Ses deux A- mis qui s'arreſtent à voir leurs
Chevaux , femblent avoir eu deſſein de ſe tenir preſts à fuir quand il ſeroit venu à bout de
fon entrepriſe , & il n'y a rien
-
20 LE MERCVRE
I
autre choſe àpenſer de ce qui s'eſt fait. Tandis qu'on prend foin de la belle Evanoüie , la
Dame envoye chercher du Se- cours , fait armer ſes Gens , &
enmoins de rien vingt. Hom- mes , avec des Moufquetons &
des Halebardes vont àl'Ecurie,
oùle Chevalier eſtoit venu ren
de compte à ſes deuxAmísde la rencontre qu'ilavoit faite. Ils font ſurpris de ſe voir coucher enjouë,&d'entendre dire qu'il n'y a pointde quartier pour eux s'ils neſe laiſſent conduire dans
-un Cabinet grillé oùla Dame a
-donnéordre qu'on les enferme.
Ils ont beau demander la cauſe
de l'infulte qu'on leur fait , & fe
plaindre du peu dereſpect qu'on apourunConſeiller.Ce nomde
Conſeiller qui avoit fait de ſi
grands effets quand ils arrive-
GALANT. 21
rent,n'eſt plus d'aucune confi- deration ,&ils font à peine dans leCabineroù cette Troupe mu- tine les garde , que la Dame leur vient dire qu'apres les avoir fait recevoir chez elle de la maniere la plus obligeante , elle n'auroit jamais creu qu'ils euf- ſent voulu luy faire l'outrage dont elle prétend reparation. Le Conſeiller prend la parole , &
s'eſtant plaint ſans trop d'ai- greur de la violence qu'on luy a
faite , il adjoûte qu'il ne voit pas de quel mauvais deſſein on a pû le tenir ſuſpect , quand il vient avecunAbbé dont le caractere le doit faire croire incapable d'y preſter la main. La Dame répond que la partie ef- toit bien- faite , &qu'on ne vou- loit pas aller loin ſans mettre les choſes en estat deſe pacifier par
22 LE MERCVRE
le Mariage. Cette réponſe &
quelques autres paroles luy font comprendre qu'on les ſoupçon- nede n'eſtre venusau Chaſteau
quepour enlever ſa Parente. Le Chevalier qui ne devine point pourquoy on leurimpute cedef- fein ſur la frayeur qu'il ſçait que ſa veuë a cauſée àſaMaiſtreſſe,
dit qu'il eſt vray qu'une Demoi- ſelle a pris la fuite toute effrayée de l'avoir trouvé dans le Jardin,
mais qu'on la luy faſſe voir , &
qu'il eſt fort aſſuré qu'elle ne le reconnoiſtra point pour un Ra- viſſeur. Il conjure la Dame avee tant d'inſtance de luy accorder cette grace , qu'elle les quitte pour aller ſçavoir ſi ſa Parente eſt enestatde venir.Elle la trouve revenuë de fon Evanoüiffement , mais ſi interdite de ce
qu'elle a veu , quele troublede
GALANT. 23
ſon ameparoiſt encorpeintdans ſes regards. Cette belle Perſon- ne la prévient , &d'abord qu'el- le lavoit entrer elle luy dit qu'el- le ne ſçait comme elle eſt de- meurée vivante apres quel'Om- bre du Chevalier qu'elle a tant aimé luy eſt apparuë. LaDame perfuadéeque la frayeur qu'elle a euë de la pourſuite d'un Ra- viſſeur afait égarer ſa raiſon , la prie dela fuivre , &l'affurequ'- elle luy fera faire entiere ſatis- faction de l'injure qu'elle a re- çeuë. Elle entre dans leCabinet ſans ſçavoir pourquoyſa prefen- ce yeft neceſſaire , & elle n'a pas plûtoſt jetté les yeux fur leChe- valier qu'elle pouffe de nouveaux cris , & retombe preſque dans le meſme eſtat d'où elle
vientd'eſtre retirée. LeChevaliers'approche, & ſe plaint d'u-
,
24 LE MERCVRE
ne maniere fi tendredu malheur
qu'il a de ne pouvoir paroiſtre devat elle fans l'éfrayer,qu'enfin quoy qu'avec beaucoupde pei- ne , elle trouve affez de voix
pourluydemanders'il peuteſtre vray qu'il ne ſoit pas mort. Il répond qu'il ne ſçait ſi elle a
donné un ordre abſolu de le tuer à ceux qui l'ont amené dans le Cabinet avecdes Halebardes &
des Mousquetons , mais que fi elle veut bien conſentir qu'il vi- ve , il vivra tout à elle comme il
a fait juſque là , &toûjours dans les ſentimens paſſionnez qu'elle ne condamnoit pas avant qu'il la quittât pour l'Armée. Il n'en fallut pas davantage pour faire connoiſtre àla Dame ce qu'elle n'avoit pû démeſler d'abord. Ju- gez de ſa ſurpriſe. Elle entend nommerle Chevalier, & voyantla
GALANT. 25 joye éclater ſur le viſage de ſa Parente , elle tombe dans une
confufion dont elle ne fort que par les choſes agreables que le Conſeiller commence à luydire fur cettemépriſe. Elle luy en fait mille excuſes , &ſe ſertpource- la de termes ſi obligeans , que commeelle eſtoit tres-bien faite
de ſa perſonne, le Conſeiller s'en laiſſe toucher. Elle le prie de re- mettre ſon Voyage de Dieppe,
& de demeurer quelques jours chez elle pour luy donner lieu dereparer ce que fon inconfide- rée précipitation luy avoit fait faire d'injuſte. Outre que c'ef- toit ce que le Conſeiller avoit pretendu , il trouvoit tant d'ef- prit & d'agrément dans l'aima- ble Veuve , qu'il ne fut pas fa- ché de faire pour elle ce qu'un commencement d'amour luy
Tome IX. B
26 LE MERCVRE
faiſoit déja ſecrettement ſouhai- ter. Il paſſa donctrois ou quatre jours dans le Chaſteau , & l'en- tretiende cette aimable Perſonne eurde fi doux charmes pour luy, qu'iln'yparoiffoit pasmoins attaché que le Chevalier l'eſtoit àrenouveller àſa Maiſtreſſe les
proteſtations du plus tendre amour. L'Abbé s'aperçeut de l'engagement que le Confeiller prenoit pour la Dame ; & com- me il ne pouvoitſemettredela converfation d'aucun coſté fans
troubler un teſte-a-teſte , il leur dit enfin en riant qu'il s'ennu- yoit d'eſtre ſans employ , tandis qu'il les voyoit tousquatre ff agreablement occupez. Je ne ſçay ſi cet avis donna lieu au Conſeillerde s'expliquer ſerien- ſement , mais l'intelligence con- tinua ,les affaires ſe conclurent,
GALAINT.
27 & l'Abbé fut appellé quelque temps apres pour la Ceremonie des deux Mariages. Le grand oüy qu'il a fait prononcer à ces quatresAmans, les amisdans un eftat fi heureux , quepourl'en récompenfer il luy ſouhaitent tous les jours une Mitre
pas Homme pour n'en point avoir ; mais elle a quelquefois des effets bien dangereux , &
vous l'allez voir par ce qui eft arrivé depuis peu de temps à
une aimable Heritiere d'une des
meilleures Familles de Roüen.
Elle avoit pris de la tendreſſe
pour un jeune Chevalier qui
GALANT. 1.3
Laimoit avec paffion. Soit pour la naiſſance , foit pour le bien,
ils eſtoient aſſez le fait l'un de
l'autre; & comme l'Amour s'en
meſloit , il n'auroit pas eſté dif- ficile au Chevalier de ſe rendre
heureux, fi l'employ qu'il avoit à l'Armée ne l'euft obligé d'at- tendre à demander. l'agrément de ſes Parens au retour de la
Campagne , qu'il ne ſe pouvoit diſpenſer de faire. Il ſervoit en Allemagne fous Monfieur le Mareſchal de Créquy , &ayant eſté commandé dans une oсcaſion où nous perdîmes quel- que monde, il fut compte au nombre des Morts, La nouvelle
s'en répandit dans la Province.
Elle vint aux oreilles de laDemoifelle qui en fut inconfolable.
Elle pleura , foûpira, parla con- tinuellement de ſes bonnes qua
14 LE MERCVRE
litez , & ſe le mit ſi fortement dans l'eſprit, qu'elle croyoit le voir paroiſtre devant elle à tous
momens. Pour divertir un peu ſa douleur , on l'envoya chez une Dame de ſes Parentes qui avoit un Chaſteau au Païs de
Caux. C'eſtoitune Veuve d'un
eſprit fort agreable , &qui ayant encorde la jeuneffe & de la beauté , attiroit chez elle tout ce qu'il y avoit d'honneſtes Gens
dansſon voiſinage. LabelleAf- Aigée ytrouva quelquefoulage- ment à ſes déplaiſirs , elle n'en pût oublier la cauſe , &elle ſe déroboit tous les jours pour ve- nir reſver ſolitairement dans le
Jardin à la perte qu'elle avoit faite. Cependant le Chevalier n'eſtoit pas ſi bienmort, qu'il ne fit connoiſtre preſque auffi-toft qu'il avoit encor part àla vie.On
GALAN T. 15 viſita ſes bleſſures. Elles furent
trouvées dangereuſes , mais non pas de telle forte qu'il n'en puſt guerir. On en prit ſoin , &il fut eneſtat de quiter l'Armée dans
le temps que les Troupes entroient en Quartier d'Hyver. II
revient en Normandie. Grande
joye pour ſes Amis qui l'ont pleuré mort. Il s'informe de ſa Maiſtreſſe. On luy apprend où elle eft, &à quelles extremitez ſa douleur l'avoit portée. Son amour redouble par la connoif- fancequ'onluydonne deſes dé- plaiſirs. Il meurt d'impatience de la revoir , &luy veut porter luy-meſme la nouvelle de ſon retour à la vie. Comme il s'en
connoiſt fortement aimé , il ſe
faitunejoyeſenſiblede l'agrea- ble ſurpriſe que ſa veuëluy doit caufer,& fans la faire tirer de
16 LE MERCVRE
l'erreur où le bruit de ſa fauffe
mort l'a miſe , il part de Roüen avec un Confeiller &un Abbé
de ſes Amis. Aucun d'eux ne
connoiſſoit la Dame chez qui elle eſtoit , &ceła faciliteledeffein qu'ils ont de faire paſſer pour une rencontre du hazard ce qui est une occafion recher- chée. Il pouvoiteſtre onze heu- res du foir. Ils arriventau Chaſteau , feignent d'ignorer à qui il eft , le demandent au Portier
qui leur vient ouvrir; &ſur ſa -réponſe , ils le prient de fairedi- re àla Dame , qu'un Conſeiller duParlementqui s'eſt égaré en allant à Dieppe , la ſupplie de luy vouloir donner une Cham- bre à luy & à deuxde ſes Amis,
..poury attendre le jour. La Dame avoit un Procés ,& le cre
dit d'un Conſeiller qui peut ou
GALANT. I17 eſtre fon Juge , ou folliciter pour elle , luy paroiſt un ſecours en- voyéduCiel. Elle leur fait faire excuſe de ce qu'eſtant déja coit- chée,elle est contrainte d'attendre juſqu'au lendemain à les voir. Cependant les ordres ſe donnent , & on n'oublie rien
pourles recevoir obligeamment.
La nuit ſe paffe. Ils demandent à quelle heure ils pourront re- mercier la Dame de ſes bontez..
On leur répond qu'elle s'habil- le; &pendant ce temps,le Con feiller & l'Abbé defcendent à
l'Ecurie pour ſçavoir ſi on a en ſoinde leurs Chevaux. Le Chevalier qui ne fonge qu'à fon amour , obferve la ſituationdes
lieux qui font habitez , & ayant pris garde qu'ils donnent fur le Jardin , il y entre dans l'eſperan- ce que faMaiſtreſſe paroiſtra à
18 LE MERCVRE
4
quelque feneftre. Iln'y apas fait trente pas qu'il lavoit fortird'u- ne Allée couverte. Elley eftoit venuë comme elle avoit accouſtumé de le faire tous les matins,&dans ce momentelle effuyoit quelques larmes qu'elle avoit encor données au ſouvenirde ſa mort. Il s'avance. Elle
l'apperçoit ; &comme elle en avoit l'imagination toute rem- plie , elle le prend pour fon Phantoſme, fait des cris épou- vantables , & s'enfuit vers une
Salle qu'elle avoit laiſſée ouver- te. Il court apres elle pour taf- cher de l'arreſter , mais fa diligence eſt vaine. Elle redouble fes cris , & a plûtoſt fermé la Porte qu'il ne l'a pû joindre.
Cette action est remarquée d'un Domeſtique qui entroit dans le
Jardin. Il enva donneravis àla
GALANT. 19
Dame. Elle deſcend dans la
Salle , trouve ſa belle Parente
- évanoüie; & comme elle estoit
Heritiere , & qu'on avoit déja fait courir le bruit de quelque projet pour l'enlever , elle ne doute point qu'on n'ait voulu enveniràl'execution ,&que ce qu'on luy eſt venu dire le jour precedent du Conſeiller égaré,
n'ait efté un artifice pour don- ner une entrée aux Raviſſeurs.
Tout la confirme dans cette
croyance. On a ven courir un
Homme apres la Demoiselle quine s'en eſt ſauvée qu'en s'en- fermant , & on la trouve évanoüie de frayeurs. Ses deux A- mis qui s'arreſtent à voir leurs
Chevaux , femblent avoir eu deſſein de ſe tenir preſts à fuir quand il ſeroit venu à bout de
fon entrepriſe , & il n'y a rien
-
20 LE MERCVRE
I
autre choſe àpenſer de ce qui s'eſt fait. Tandis qu'on prend foin de la belle Evanoüie , la
Dame envoye chercher du Se- cours , fait armer ſes Gens , &
enmoins de rien vingt. Hom- mes , avec des Moufquetons &
des Halebardes vont àl'Ecurie,
oùle Chevalier eſtoit venu ren
de compte à ſes deuxAmísde la rencontre qu'ilavoit faite. Ils font ſurpris de ſe voir coucher enjouë,&d'entendre dire qu'il n'y a pointde quartier pour eux s'ils neſe laiſſent conduire dans
-un Cabinet grillé oùla Dame a
-donnéordre qu'on les enferme.
Ils ont beau demander la cauſe
de l'infulte qu'on leur fait , & fe
plaindre du peu dereſpect qu'on apourunConſeiller.Ce nomde
Conſeiller qui avoit fait de ſi
grands effets quand ils arrive-
GALANT. 21
rent,n'eſt plus d'aucune confi- deration ,&ils font à peine dans leCabineroù cette Troupe mu- tine les garde , que la Dame leur vient dire qu'apres les avoir fait recevoir chez elle de la maniere la plus obligeante , elle n'auroit jamais creu qu'ils euf- ſent voulu luy faire l'outrage dont elle prétend reparation. Le Conſeiller prend la parole , &
s'eſtant plaint ſans trop d'ai- greur de la violence qu'on luy a
faite , il adjoûte qu'il ne voit pas de quel mauvais deſſein on a pû le tenir ſuſpect , quand il vient avecunAbbé dont le caractere le doit faire croire incapable d'y preſter la main. La Dame répond que la partie ef- toit bien- faite , &qu'on ne vou- loit pas aller loin ſans mettre les choſes en estat deſe pacifier par
22 LE MERCVRE
le Mariage. Cette réponſe &
quelques autres paroles luy font comprendre qu'on les ſoupçon- nede n'eſtre venusau Chaſteau
quepour enlever ſa Parente. Le Chevalier qui ne devine point pourquoy on leurimpute cedef- fein ſur la frayeur qu'il ſçait que ſa veuë a cauſée àſaMaiſtreſſe,
dit qu'il eſt vray qu'une Demoi- ſelle a pris la fuite toute effrayée de l'avoir trouvé dans le Jardin,
mais qu'on la luy faſſe voir , &
qu'il eſt fort aſſuré qu'elle ne le reconnoiſtra point pour un Ra- viſſeur. Il conjure la Dame avee tant d'inſtance de luy accorder cette grace , qu'elle les quitte pour aller ſçavoir ſi ſa Parente eſt enestatde venir.Elle la trouve revenuë de fon Evanoüiffement , mais ſi interdite de ce
qu'elle a veu , quele troublede
GALANT. 23
ſon ameparoiſt encorpeintdans ſes regards. Cette belle Perſon- ne la prévient , &d'abord qu'el- le lavoit entrer elle luy dit qu'el- le ne ſçait comme elle eſt de- meurée vivante apres quel'Om- bre du Chevalier qu'elle a tant aimé luy eſt apparuë. LaDame perfuadéeque la frayeur qu'elle a euë de la pourſuite d'un Ra- viſſeur afait égarer ſa raiſon , la prie dela fuivre , &l'affurequ'- elle luy fera faire entiere ſatis- faction de l'injure qu'elle a re- çeuë. Elle entre dans leCabinet ſans ſçavoir pourquoyſa prefen- ce yeft neceſſaire , & elle n'a pas plûtoſt jetté les yeux fur leChe- valier qu'elle pouffe de nouveaux cris , & retombe preſque dans le meſme eſtat d'où elle
vientd'eſtre retirée. LeChevaliers'approche, & ſe plaint d'u-
,
24 LE MERCVRE
ne maniere fi tendredu malheur
qu'il a de ne pouvoir paroiſtre devat elle fans l'éfrayer,qu'enfin quoy qu'avec beaucoupde pei- ne , elle trouve affez de voix
pourluydemanders'il peuteſtre vray qu'il ne ſoit pas mort. Il répond qu'il ne ſçait ſi elle a
donné un ordre abſolu de le tuer à ceux qui l'ont amené dans le Cabinet avecdes Halebardes &
des Mousquetons , mais que fi elle veut bien conſentir qu'il vi- ve , il vivra tout à elle comme il
a fait juſque là , &toûjours dans les ſentimens paſſionnez qu'elle ne condamnoit pas avant qu'il la quittât pour l'Armée. Il n'en fallut pas davantage pour faire connoiſtre àla Dame ce qu'elle n'avoit pû démeſler d'abord. Ju- gez de ſa ſurpriſe. Elle entend nommerle Chevalier, & voyantla
GALANT. 25 joye éclater ſur le viſage de ſa Parente , elle tombe dans une
confufion dont elle ne fort que par les choſes agreables que le Conſeiller commence à luydire fur cettemépriſe. Elle luy en fait mille excuſes , &ſe ſertpource- la de termes ſi obligeans , que commeelle eſtoit tres-bien faite
de ſa perſonne, le Conſeiller s'en laiſſe toucher. Elle le prie de re- mettre ſon Voyage de Dieppe,
& de demeurer quelques jours chez elle pour luy donner lieu dereparer ce que fon inconfide- rée précipitation luy avoit fait faire d'injuſte. Outre que c'ef- toit ce que le Conſeiller avoit pretendu , il trouvoit tant d'ef- prit & d'agrément dans l'aima- ble Veuve , qu'il ne fut pas fa- ché de faire pour elle ce qu'un commencement d'amour luy
Tome IX. B
26 LE MERCVRE
faiſoit déja ſecrettement ſouhai- ter. Il paſſa donctrois ou quatre jours dans le Chaſteau , & l'en- tretiende cette aimable Perſonne eurde fi doux charmes pour luy, qu'iln'yparoiffoit pasmoins attaché que le Chevalier l'eſtoit àrenouveller àſa Maiſtreſſe les
proteſtations du plus tendre amour. L'Abbé s'aperçeut de l'engagement que le Confeiller prenoit pour la Dame ; & com- me il ne pouvoitſemettredela converfation d'aucun coſté fans
troubler un teſte-a-teſte , il leur dit enfin en riant qu'il s'ennu- yoit d'eſtre ſans employ , tandis qu'il les voyoit tousquatre ff agreablement occupez. Je ne ſçay ſi cet avis donna lieu au Conſeillerde s'expliquer ſerien- ſement , mais l'intelligence con- tinua ,les affaires ſe conclurent,
GALAINT.
27 & l'Abbé fut appellé quelque temps apres pour la Ceremonie des deux Mariages. Le grand oüy qu'il a fait prononcer à ces quatresAmans, les amisdans un eftat fi heureux , quepourl'en récompenfer il luy ſouhaitent tous les jours une Mitre
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Résumé : Histoire de Roüen. [titre d'après la table]
Le texte relate l'histoire d'une jeune héritière de Rouen qui sombre dans le désespoir après avoir appris la mort de son amant, un jeune chevalier. Pour la distraire, on l'envoie chez une parente veuve, réputée pour son esprit agréable et sa beauté, qui attire de nombreuses personnes honorables. Malgré les efforts pour la divertir, la jeune femme continue de pleurer la perte de son amant. Cependant, le chevalier n'est pas mort et, après avoir guéri de ses blessures, il revient en Normandie. Apprenant la douleur de sa maîtresse, il décide de lui annoncer son retour en personne. Accompagné d'un conseiller et d'un abbé, il se rend au château de la parente, se faisant passer pour un conseiller égaré. La dame, pensant qu'il s'agit d'un ravisseur, les enferme après que la jeune femme, en voyant le chevalier, s'évanouit de frayeur. Le chevalier explique la situation, et la dame, comprenant la méprise, s'excuse. La jeune femme, revenue à elle, reconnaît son amant et se réjouit. Le conseiller, charmé par la veuve, décide de rester et finit par se marier avec elle. L'abbé, témoin de la situation, suggère une solution qui aboutit à deux mariages. Par ailleurs, le texte mentionne une cérémonie organisée par une personne pour quatre amoureux, qui prononcent des vœux. Ces amoureux se trouvent dans un état de bonheur extrême. En guise de récompense pour cet acte, ils expriment chaque jour le souhait que cette personne obtienne une mitre, un couvre-chef ecclésiastique symbolisant une haute dignité religieuse.
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25
p. 44-50
A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
Début :
Comme les Charges & les grands Emplois font plutost honte / N'Est-il point fait cet Armement [...]
Mots clefs :
Amour, Guerre, Louis, Muses, Trésor, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
Comme les Charges & les grands Emplois font plutoſt honte qu'honneur ſi on ne les foûtient par le merite , heureux qui eneft liberalement partagé.
Je ſçay bien que la Cour eſt un grandTheatre où il paroiſt avec beaucoup plus d'éclat qu'ail- leurs; mais il n'y eſt pas fi fort renfermé qu'il ne ſe répande dans les Provinces ,&vous con- viendrez de celuy de M² Petit,
quand vous aurez leu ce que je vous envoye de ſa façon, C'eſt uneEpiſtre enjoüée qu'il adreſſe àMonfieurleDucde S.Aignan,
qui a pour luy une eſtime tres-
GALANT. 31 particuliere. Le ſtile en eſt libre,
&vous y trouverez un tour aile qui vous perfuadera aiſémentde de ce que j'ay à vous dire à l'a- vantage de fonAutheur.
YON
A MONSIEUR693
*
LE DUC DE S. AIGNAN.
'Est- il point fait cet Armement Qui depuis lõg-temps vous оссире?
Apollon s'en plaint hautement ,
Ainsiqu'Amourle Dieu charmant ;
Et lebeau Sexeporte jupe.
Quoy, Seigneur , ne parlera- t-on Ence Siecle que de Canon ,
Que deprendred'affaut des Villes ,
Quedepunir les Ennemis
De leurs manieres inciviles
D'oferſefrotter à Loüis,
LepremierHérosde la Terre ,
Sçavant au noble Art de la Guerre ,
Tout comme celuy qui lefit ,
Biiij
32 LE MERCVRE Etdont lagloire retentit
Mieuxquele bruit deſon Tonnerre ?
Nostre Parnasse eſtſans Laurier ;
Mais qui pourroit à ce Guerrier En fourniraffez poursa teste ?
Les Muses mefmesſont àbout ;
Elles pensent avoir dit tout ,
EtleurChant ſur une Conqueste Vient àgrand'peine de ceſſer ,
Que lasurprenante nouvelle D'uneautre &plus grande &plus belle,
Lesoblige àrecommencer..
Enfin ce Conquerant terrible LaffeMuses, Chefs &Soldats,
Etparcequ'il est Invincible ,
Il nese trouve jamais las.
Mais tandis qu'il tient dans la Plaine Ses braves Héros en haleine ,
Apresbiende tristes belas ,
MilleBellesdifent enlarmes,
Ah, mauditegloire des Armes ,
MauditsAfsants , mauditsCombats,
Quevousnous caufezde triſteſſe !
Quenousperdonsde doux ébats ,
Etquetant debelle Noblesse f
GALAN T. 33 Seroit bien mieux entre nos bras !
Mais que voulez vous davantage ?
Grand Monarque, vosEnnemis,
Nefont-ilspas vaincus,soumis:
Detous coſtezpliantbagage?
Laiſſezdonc Mars avecsa rage ,
Etrendant à l'Amourhommage,
Daignez nous rendre nos Amis.
Vous n'y perdrez rien, digne Prince,
Non,Grand Roy,vous n'y perdrezrien,
Nos amoursdans chaque Province
Feront naiſtre des Gens de bien.
Ceseront des Sujetsfidelles Dontfepeuplera voſtre Cour,
Mafles bienfaits,belles Femelles,
Tous Enfansde Mars &d'Amour..
N'ont ellespas raison,ces Belles ?
Ieveux vous en prendre àtémoin,
Vous ,qui toûjours avec grandfoin Fiftes mille choſespour elles.
L'Amour n'est- ilpas plus plaifant Que la Guerre,dont lafurie Jamais n'agit qu'en détruiſant Letresor des tresors, lavie ?
Ony, tout compté, tout rabatu,
Seigneur, l'amoureuse vertu
2
:
Bv
34 LE MERCVRE Vaut mieuxque la vertu guerriere.
Celanesepeutcontester,
Carenfin donner la lumiere Estplus nobleque de l'ofter.
Quoyqu'il en foit, poursatisfaire Auxjustesplaintes deces Dieux,
Et pour appaiser la colere Demille Dames aux beauxyeux;
De ces Rimesqui sçavent plaire Reprenez l'agreable employ ,
Etfurvostre charmante Lyre Dontpar tout lestons on admire,
Chantez Loüis, nostre Grand Roy ,
Enfuite,chantez les tendreſſes Del'Amour le Dieu des douceurs,
Etces vingt ou trente Maiſtreſſes
Dontvous avezgagnéles cœurs.
Je ſçay bien que la Cour eſt un grandTheatre où il paroiſt avec beaucoup plus d'éclat qu'ail- leurs; mais il n'y eſt pas fi fort renfermé qu'il ne ſe répande dans les Provinces ,&vous con- viendrez de celuy de M² Petit,
quand vous aurez leu ce que je vous envoye de ſa façon, C'eſt uneEpiſtre enjoüée qu'il adreſſe àMonfieurleDucde S.Aignan,
qui a pour luy une eſtime tres-
GALANT. 31 particuliere. Le ſtile en eſt libre,
&vous y trouverez un tour aile qui vous perfuadera aiſémentde de ce que j'ay à vous dire à l'a- vantage de fonAutheur.
YON
A MONSIEUR693
*
LE DUC DE S. AIGNAN.
'Est- il point fait cet Armement Qui depuis lõg-temps vous оссире?
Apollon s'en plaint hautement ,
Ainsiqu'Amourle Dieu charmant ;
Et lebeau Sexeporte jupe.
Quoy, Seigneur , ne parlera- t-on Ence Siecle que de Canon ,
Que deprendred'affaut des Villes ,
Quedepunir les Ennemis
De leurs manieres inciviles
D'oferſefrotter à Loüis,
LepremierHérosde la Terre ,
Sçavant au noble Art de la Guerre ,
Tout comme celuy qui lefit ,
Biiij
32 LE MERCVRE Etdont lagloire retentit
Mieuxquele bruit deſon Tonnerre ?
Nostre Parnasse eſtſans Laurier ;
Mais qui pourroit à ce Guerrier En fourniraffez poursa teste ?
Les Muses mefmesſont àbout ;
Elles pensent avoir dit tout ,
EtleurChant ſur une Conqueste Vient àgrand'peine de ceſſer ,
Que lasurprenante nouvelle D'uneautre &plus grande &plus belle,
Lesoblige àrecommencer..
Enfin ce Conquerant terrible LaffeMuses, Chefs &Soldats,
Etparcequ'il est Invincible ,
Il nese trouve jamais las.
Mais tandis qu'il tient dans la Plaine Ses braves Héros en haleine ,
Apresbiende tristes belas ,
MilleBellesdifent enlarmes,
Ah, mauditegloire des Armes ,
MauditsAfsants , mauditsCombats,
Quevousnous caufezde triſteſſe !
Quenousperdonsde doux ébats ,
Etquetant debelle Noblesse f
GALAN T. 33 Seroit bien mieux entre nos bras !
Mais que voulez vous davantage ?
Grand Monarque, vosEnnemis,
Nefont-ilspas vaincus,soumis:
Detous coſtezpliantbagage?
Laiſſezdonc Mars avecsa rage ,
Etrendant à l'Amourhommage,
Daignez nous rendre nos Amis.
Vous n'y perdrez rien, digne Prince,
Non,Grand Roy,vous n'y perdrezrien,
Nos amoursdans chaque Province
Feront naiſtre des Gens de bien.
Ceseront des Sujetsfidelles Dontfepeuplera voſtre Cour,
Mafles bienfaits,belles Femelles,
Tous Enfansde Mars &d'Amour..
N'ont ellespas raison,ces Belles ?
Ieveux vous en prendre àtémoin,
Vous ,qui toûjours avec grandfoin Fiftes mille choſespour elles.
L'Amour n'est- ilpas plus plaifant Que la Guerre,dont lafurie Jamais n'agit qu'en détruiſant Letresor des tresors, lavie ?
Ony, tout compté, tout rabatu,
Seigneur, l'amoureuse vertu
2
:
Bv
34 LE MERCVRE Vaut mieuxque la vertu guerriere.
Celanesepeutcontester,
Carenfin donner la lumiere Estplus nobleque de l'ofter.
Quoyqu'il en foit, poursatisfaire Auxjustesplaintes deces Dieux,
Et pour appaiser la colere Demille Dames aux beauxyeux;
De ces Rimesqui sçavent plaire Reprenez l'agreable employ ,
Etfurvostre charmante Lyre Dontpar tout lestons on admire,
Chantez Loüis, nostre Grand Roy ,
Enfuite,chantez les tendreſſes Del'Amour le Dieu des douceurs,
Etces vingt ou trente Maiſtreſſes
Dontvous avezgagnéles cœurs.
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Résumé : A MONSIEUR LE DUC DE S. AIGNAN.
L'auteur d'une lettre et d'un poème adressés au Duc de S. Aignan souligne l'importance du mérite dans l'obtention des charges et des grands emplois. Il compare la cour à un théâtre où l'éclat est visible et se répand également dans les provinces. La lettre mentionne une épître écrite par M. Petit, très estimée par le Duc de S. Aignan. Le poème qui suit interroge sur la préparation d'un armement et déplore que l'on parle uniquement de canons et de prises de villes. Il exalte les conquêtes du roi Louis, comparé à un héros invincible. Les Muses, bien que fatiguées par les constantes victoires, doivent recommencer à chanter de nouvelles conquêtes. Le poème exprime ensuite la tristesse des belles dames face à la guerre, souhaitant que le roi rende les amis et laisse la place à l'amour. Il argue que l'amour est plus plaisant que la guerre et que l'amour peut faire naître des gens de bien dans chaque province. Le texte se termine par une invitation au Duc de S. Aignan à chanter les tendresses de l'amour et les maîtresses dont il a gagné les cœurs.
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26
p. 93-111
LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
Début :
Il nous arriva hier de Lisbonne une Barque chargée de [...]
Mots clefs :
Perroquet, Guenuche, Amour, Animaux, Galanterie, Berger, Conversation, Belle, Laide, Inconstance, Métamorphose, Portugal, Histoire, Morale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
LE
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
PERROQUET
ET LA GUENUCHE.
7
FABLE.
A MADEMOISELLE DE M**
1
Lnous arriva hier de Lisbonneune
Barque chargéedeSinges &de Per- roquets. Vousjugezbien, Mademoiselle,
GALANT 61
que je n'ay pas perduune si belle occa- fion devous tenirparole. F'aychoisipar- my cegrand nombre un Perroquet d'un plumage tres particulier , &une Gue- nuche d'une petiteſſefort rare. Ce qu'il yade fâcheux , c'est que le Perroquet
neparle point François , que la Guenu- che ne sçait point danser , &que mesme elle est encore habillée à la Portugaise;
mais vous serez peut-estre bien aise d'estre leur Maiſtreſſe en toutes façons.
Vos Leçons leur apprendront la belle maniere. Tous les autres Perroquets ne Sçavent prononcerque des injures grof- fieres , & quand vous aurezinſtruit le voſtre , il sçaura dire des malices inge- nieuses. A voſtre Ecole la Guenuche
apprendra bien- toft la Bourrée & le
Menuët ; &fi vous avezſoin de l'ha biller à la mode & de voſtremain ,je
gage qu'on la trouvera plus propre &
demeilleur air que vostre petite laide Voisine. Cependant comme vous n'en- tendrez point d'abord le jargon ny de la Guenuche ny du Perroquet , je me crois obligé en vous les envoyant, d'estre aupres de vous leur Interprete. SansSça-
62 LE MERCVRE
voir la Langue de leur Pays, j'ay bien- toft compris leurs discours, parce qu'ils estoient tendres &amoureux..
Entendre àdemymotfut toûjoursmon
partage;
Si- toſt que l'on parle d'amour ,
Iln'eſt point pour moy de langage Qui ne foit clair comme le jour.
Pour vous ma , jeune Demoiselle,
Quand memes en François l'amour fertd'entretien ,
Malgré tout voſtre Eſprit , vous ne ré- pondez rien Et vousn'entendez pas la langue ma- ternelle;
Vous voila cependant dans la belle ſaiſon ,
Vous avez quatorze ans, à cet âge, ma Belle,
N'entendre pas l'Amour , mafoy cela s'appelle N'entendre pas raiſon.
Jeveux aujourd'huy tâcher devous rendre raisonnable , en vous faisant comprendre l'Histoire amoureuse de
GALAN T. 63 vostre Guenuche & de vostre Perroquet.
Aufſi- toft que ces deux petits Animauxfurent entre mes mains , ils parle- rent entr'eux certain jargon Moresque,
&j'entendis quele Perroquet reprochoit àla Guenucheſes ſingeries , & la Gue- nuche luy reprochoitſon caquet. Comme leursdiscours meſemblerent aſſez plai- Sans, j'entray dans leur conversation.
Ils enfurent d'abordsurpris , mais en- fin nous devinſmes familiers &fûmes bien toſt ſi grands Amis , que je les obligeay àme conter leurHistoire. Le Perroquet , comme le plus grand Cau- feur , voulut estre l'Historien ; &vo cy en François àpeu pres comme il pliqua en Moresque.. *
LYON
1893-
MaMere me donna le jour
Dans un Climat de la Guinée ,
Où le Soleil joint à l'Amour ,
Enflame tout toute l'année.
L'on n'y voit point de Cœur glacé,
N'yde Bergere indiferente;
Quand unBerger eſt empreſſé LaBergere ſe montre ardente.
64 LE MERCVRE
Là je vivois jadis enBerger fort coquet,
Aujourd'huyje ſuis Perroquet,
Car , helas ! ma Coqueterie ,
Queje nommois Galanterie ,
Choqua le cruel Cupidon ,
Qui ſans m'accorder de pardon ,
Fit de moy la Métamorphoſe ,
Queje vais vous conter en Profe.
Sur les bords du Fleuve Niger on ne fait pas l'amour ainſi que fur les bords de la Seine on du Rhône. On m'a dit
qu'icyla constance paſſe pour une vertu,
là elle paſſeroit pour un vice : En France un Amant bien reglé n'a beſoin que d'une Amante , &ſouvent en ayant une , il en a trop ; mais en Ethiopie les Galans ont beſoin de diverſes Maiſtref.
Ses , &nostre miserable Roy qui mourut ilyaquelque temps dans ce Royaume,
pourroit estre un témoin de cette verité.
Estant Berger je voyois ſuivant noftre coustume diverſesBergeres , &je témoi gnois à toutes beaucoup d'amour,mais àlaveritéje n'en reſſentois queres. Dans ma conversation, dans mes Chansons
GALANT. 65 dans mes Billets , je paroiſſois l' Amant du monde leplus ardent , &dans mon cœur ie mesentois fort tranquille; enfin tout mon amour n'estoit que du caquet.
Mais,helas ! depuis ce temps j'ay bien appris que Cupidon est un Dieu qui pu- nit cruellement le mensonge. Pour com.
mencer àse vanger demoy , il me fit devenir trop veritablement amoureux d'une petite Laide , plus volage &plus.
coquette que je n'estois , &c'est iuste.
ment Dame Guenuche que vous voyez là , qui a esté Bergere dans le temps que i'estois Berger. Apresavoir trompé tant de Perſonnes parmesfaux Sermens , ie ne pûs pas mesine perfuader mapetite Laide par des veritez tres- constantes.
Cependantpour mefaire mieux enrager,
au commencement elle fit mine de m'aimer, elle affecta toutes les petites ma- nieres d'une Perſonnefort paſſionnée, &
quand elle me vit bien ſenſiblement tou- ché , elle me fit cent malices & mequit- ta enfin pour un autre Bergerauffi laid qu'un vieux Singe.
Dieux ! qu'un Berger vivroit content
66 LE MERCVRE
Silchangeoit auffi-toft que changeſon Amante !
Mais,helas ! que de maux nous cauſe
une Inconftante,
Quandon ne peut être inconſtant !
L'amourque ieſentois pour mapetite Ingrate , & la haine que i'avois pour mon laid Rival , me mirent dans untel
deſeſpoir , que ie quitay mes Moutons,
&laſocietédes autres Bergers. Je m'en allay comme un furieux ,errant dans lesDeserts : ie déchiray mes habits , ie me couvris defeüilles d'arbres , &enfin
icdevins tout-à-fait infensé. L'Amour alors me voyantdans une Forest en estat demourir ,voulut meſauver la vie , &
ie nesçay si cefutparpitiéouparven- geance. Il changea mapeau &monha- bit en plumesde la couteur des feüilles
qui me couvroient , ma bouche en bec ,
mes bras en cuiſſes , &ainfi du reſte de
mon Corps. Voila comme ie me trouvay Perroquet , &ie vousiureque ien'en ay point confervé de regret.
Nehaïſſant plus monRival,
GALANT. 67 Etn'aimantplus mon Inconſtante Je ſens monAme plus contente ,
D'animer pour toûjours le Corps d'un Animal ,
Que celuy d'un Berger ,quand l'A- mour le tourmente.
Mapetite Laide ne demeura pas auſſiſans châtiment , parce qu'elle n'a- voit aiméqu'en apparence, & que toute fa tendreſſe n'avoit esté que fingerie ;
l'Amour n'ayant point esté trompépar ſes grimaces , voulut punirfonhipocri fie ,comme il avoit puny mon liberti- nage. Il la changea donc en Guenuche ; &comme c'estoit unepetite Berge- re fort laide &fort malicieuse , il n'eut
pas beaucoup depeine àfaire ce changement.
Depuis cette double Metamorphose nousavons vescu, maMaiſtreſſe &moy,
dans les Solitudes & dans les Forests.
Cependant nous n'eſtions pas tout -à-fait Sauvages , & cela est si vray que nous noussommes laislé prendre aux premiers Hommes qui ſeſont preſentez. D'abord onnous mena en Portugal , où l'humeur
68 LE MERCVRE
de la Nation ne nous plaiſoit gueres,
parcequele caquet &les fingeriesn'y ont pas tant de coursqu'en France , ou i'ap- prens que nous sommes auiourd'huy.
Nous nousyplaifons ſans doute ,parce que nous avons encoreconfervéquelque choſe de nostre premier caractere. Pour moy quipendantque i'estois Berger di- fois centfleurettesfans penser àce queie difois,iedis encore eftant Perroquet cent parolesfanssçavoir ce que ie dis. Pour ma Maistreffe , qui estant Bergerecon- trefaisoit l' Amante ſansſentird'amour,
&qui de plusfaisoit tous les jours mil- temalices , estant Guenuche elle enfait
encore, & contrefait mille choſesqu'elle voit faire.
Voila , me dit le Perroquet , noſtre Histoireiusques icy : c'est àvous, Mon- fieur, ànous apprendre le reſte. Dites- nous pourquoy nous sommes entre vos mains , &àquoy nousſommes deſtinez,
puis que vous nousfaitespartirpourun SecondVoyage. Acette question i'ay ré- pondude cettemaniere.
Allez trop heureux Animaux ,
GALAN T. 69
Voicy la fin de tous vos maux :
Aprenez que l'on vous deſtine Pour aller faire les plaiſirs D'une belle & jeune Blondine ,
Quidonne mille ardens defirs,
Etqui cauſe mille ſoûpirs Amille Amans qui n'oſent dire ,
Belle, c'est pour vous qu'on ſoûpire;
Vous, Peroquet , & nuit &jour ,
Vous luy pourrez parler d'amour ;
Vous pourrez dire , ie vous aime,
Sans vous attirer ſon courroux.
Que mon bonheur ſeroit extrême
Si j'ofois parler comme vous !
Vous Guenuche, VOS fingeries LYON
Loin de luy donnerdu chagrin,
La charmeront ſoir & matin ;
ODieux ! que'mes Galanteries N'ont-elles le meſmedeſtin !
C'est ainsi , Mademoiselle , que finit la conversation que i'ay cue avecvostre Perroquet & vostre Guenuche. L'ay crû que ie devois vous enfaire part,
quevousferiez bien aiſe deſçavoir leurs
Avantures, le pourrois bien tirer de cette Hiftoire une belle Morale en faveur de
70 LE MERCVRE l'Amour; mais belas ,je n'oferoisavec vous moraliſerſur cette matiere.
De Marſeille.
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Résumé : LE PERROQUET ET LA GUENUCHE. FABLE. A MADEMOISELLE DE M**
La fable 'Le Perroquet et la Guenuche' est adressée à Mademoiselle de M**. L'auteur décrit l'arrivée d'une barque de Lisbonne transportant des singes et des perroquets. Parmi eux, il choisit un perroquet au plumage particulier et une guenuche de petite taille. Cependant, le perroquet ne parle pas français et la guenuche ne sait pas danser, étant encore vêtue à la portugaise. L'auteur espère que la demoiselle pourra leur apprendre les bonnes manières, la danse et les habits à la mode. L'auteur raconte ensuite l'histoire amoureuse du perroquet et de la guenuche. Originaires de Guinée, ils vivaient autrefois comme bergers. Le perroquet, coquet et galant, séduisait plusieurs bergères sans ressentir de véritable amour. Cupidon le punit en le rendant amoureux d'une laide et volage bergère, la guenuche. Après avoir été trompé, le perroquet tomba dans le désespoir et fut transformé en perroquet. La guenuche, punie pour son hypocrisie, fut transformée en guenuche. Les deux animaux vécurent ensuite dans les solitudes et les forêts avant d'être capturés et emmenés au Portugal, puis en France. L'auteur les destine à la demoiselle, espérant qu'ils pourront lui parler d'amour et la charmer par leurs danses et leurs grimaces.
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27
s. p.
LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
Début :
Je vous sçay bon gré, Madame, de l'amitié que vous / Que vostre éloignement m'a fait souffrir de peine ! [...]
Mots clefs :
Ruisseau, Mérite, Prairie, Amour, Fleuve, Mourir, Fleurs, Eaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
E vous ſçay bon gré ,
Madame , de l'amitié
que vous témoignez avoir priſe pour le Ruiflſeau.
Elle ne me furprend point.
Vous avez l'eſprit délicat , &
j'eſtois perfuade en vous l'en- voyant , qu'il ſeroit favorable- ment reçeu. Comme le meri- te fait effet par tout , ce RuifTome X. A
12 LE MERCVRE
ſeau que vous appellez le plus galant des Ruiſſeaux, avoit fait un ſi grand bruit par les avan- tages que promettoit l'égalité de fon cours , que toutes les Prairies qui pouvoient préten- dre à ſes complaiſances, étoient charmées de ſa reputation.
Ainfi, quoyque ce foit quelque choſe d'aſſez fingulier qu'un Ruiſſeau Amant , celle qui euit la gloire de s'attirer ſon hom- mage , avoit déja entendu par- lerde ce qu'il valoit , & vous pouvez croire que l'offre de ſes ſoins ne luy déplût pas.
Vous en jugerez par cette Ré- ponſe qu'elle luy fit , aprés l'a- voir écouté ſans l'interrompre.
GALANT. 3
LA PRAIRIE
AU RUISSEAU.
Ve voſtre éloignement Q fouffrir de peine m'a fait
IeSéchoisſur lepied de me voir loin de
vous,
le n'avois plus de Fleurs , &j'estois
entre nous ,
Semblable à ces guérets que l'on voit dansles Plaines;
Mais puisque je vous voy , je m'en vay refleurir ,
Etfeûre de vos Eaux , je nesçaurois
perir.
Mais puis-je me flaterque ces Eaux fi cheries,
Ne coulent quepourmoy ? n'est- il point dePrairies
Dont l'émail éclatant puiſſe arreſter
Iecrainstout , mais enfin ie ne lepen- vos pas?
Sepas.
٤٠
A ij
4 LE MERCVRE
Vous estes décendu d'une Source trop
pure,
Pourternirparcette action Vostre crystal, &vostre nom ;
Etsi j'en croy voſtre murmure,
Vous ne ferez jamais inconstant ny parjure.
Cependant la rapidité Dont je vous voy courir le longdece rivage,
Estde vostre infidelité
Vnaffezfuneste préſage.
Ah, fi pour mon malheur , commeun Ruiſſeau volage ,
Aprèsavoir ſçeu m'engager,
Ie voyois voſtre cours ailleurs se parDe
3
tager,
combien de Soucis
remplie?
me verrois-je
Mais quand onva fi viſte,il fautqu'on
foit leger ;
Etfi ie m'en rapporte à ce qu'on en publie,
Vous estessujet àchanger.
GALANT.
Iefuisjalouſeenfin , &quand l'Ocean mesme ,
Richede tant de flots qu'il reçoit dans
Sonfein,
Anroitpourmoy quelque deſſein ,
Si ſon amourn'estoit extrême ,
J'aimerois cent fois mieux un fidelle Ruiffean Qui pourThétis , ny pourfon Diadéme ,
Ne voudroit pas ailleurs puiſer deux
goutes d'eau ;
Voilacomme ie fuis , &c'est ainsi que
j'aime.
Neme voir qu'en courant ! ah ien'ofe ypenser,
LeSens àce discours mes Fleurs se hé- riffer,
Et le Cruel Hyver me donne moins d'aLarmes:
Helas, où courez-vous ? coulez plus lentement ,
LeLitque je vous offre a- t-ilfi peu de charmes,
Qu'il ne puiſſe fixer la courſe d'un Amant ? A iij
6 LE MERCVRE
Venez vous égayer au bord de nos Fontaines ,
Leurs ondesparvostre moyen Se trouveront en moinsde rien
DesHélicons,desHippocrenes ,
Car ie n'ignore pas au bruit que vous
menez
Quevous boüillez de vousy rendre,
C'estvainement que vous tournez,
Ieſçayque c'est làvoſtretendre.
Quevous diray-jeplus ? jaydes tapis deFleurs
Surquivouspourezvous étendre,
L'Aurorechaque jour lesbaigne de
Sespleurs Quicompofent undouxmélange Quifaithonte à la fleur d'Orange.
Ah laiſſez- voustenter ! au nomde nos
amours
Faitesfurvousquelques retours,
Et coulez tout au moins avecplus de
pareſſe :
Sivous n'arrestez vostre cours,
Vous allez dans la Mer vous perdre Pour toûjours,
GALANT. 7
7
Et ieneSeray plus qu'un objet ſteſſe ;
de triMais c'est envainque ie vouspreſſe Deretarder un peu vostre extréme vi teffe ,
Etqu'un vent opposé seconde mes fou- haits;
L'Amour &lesRuiffeauxne remontens
-jamais.
Iene demande point que vous veniez Sans ceffe M'arroser nuit &iour fechereffe
non , quelque
Qui puiſſe me brûler, ie nem'en plain- draypas,
Pourven qu'en d'antres lieux, toûjours fidelle &tendre ,
VosEaux , vos cheres Eaux ,n'aillent
point se répandre ;
le ne me fonde point sur mes foibles
appas ,
Quoy qu'un Fleuve pompeux ſuivy de
cent Rivieres,
Quifont ſes humbles Tributaires,
En ſuperbe appareil me vienne tous les
ans
A ij
8 LE MERCVRE
Apporter sur mes bords cent liquides prefens.
Mais ilfaut dire tont , c'est un Fleuve volage Dont les débordemens Sans mesure ny choix
S'étendent dans les Champs ainsi que dansles Bois.
Qui peut s'accommoder d'un ſemblable
partage,
Ne me reſſemble pas : Euffiez- vous plus d'attraits
Que l'on ne voit d'Epis chez la blonde Cerés,
Si vous alliez ainsi de rivage en ri
vage,
Ie vous préfererois le moindre Maré
cage,
Et deuſſay-je en mourir, je romprois
Madame , de l'amitié
que vous témoignez avoir priſe pour le Ruiflſeau.
Elle ne me furprend point.
Vous avez l'eſprit délicat , &
j'eſtois perfuade en vous l'en- voyant , qu'il ſeroit favorable- ment reçeu. Comme le meri- te fait effet par tout , ce RuifTome X. A
12 LE MERCVRE
ſeau que vous appellez le plus galant des Ruiſſeaux, avoit fait un ſi grand bruit par les avan- tages que promettoit l'égalité de fon cours , que toutes les Prairies qui pouvoient préten- dre à ſes complaiſances, étoient charmées de ſa reputation.
Ainfi, quoyque ce foit quelque choſe d'aſſez fingulier qu'un Ruiſſeau Amant , celle qui euit la gloire de s'attirer ſon hom- mage , avoit déja entendu par- lerde ce qu'il valoit , & vous pouvez croire que l'offre de ſes ſoins ne luy déplût pas.
Vous en jugerez par cette Ré- ponſe qu'elle luy fit , aprés l'a- voir écouté ſans l'interrompre.
GALANT. 3
LA PRAIRIE
AU RUISSEAU.
Ve voſtre éloignement Q fouffrir de peine m'a fait
IeSéchoisſur lepied de me voir loin de
vous,
le n'avois plus de Fleurs , &j'estois
entre nous ,
Semblable à ces guérets que l'on voit dansles Plaines;
Mais puisque je vous voy , je m'en vay refleurir ,
Etfeûre de vos Eaux , je nesçaurois
perir.
Mais puis-je me flaterque ces Eaux fi cheries,
Ne coulent quepourmoy ? n'est- il point dePrairies
Dont l'émail éclatant puiſſe arreſter
Iecrainstout , mais enfin ie ne lepen- vos pas?
Sepas.
٤٠
A ij
4 LE MERCVRE
Vous estes décendu d'une Source trop
pure,
Pourternirparcette action Vostre crystal, &vostre nom ;
Etsi j'en croy voſtre murmure,
Vous ne ferez jamais inconstant ny parjure.
Cependant la rapidité Dont je vous voy courir le longdece rivage,
Estde vostre infidelité
Vnaffezfuneste préſage.
Ah, fi pour mon malheur , commeun Ruiſſeau volage ,
Aprèsavoir ſçeu m'engager,
Ie voyois voſtre cours ailleurs se parDe
3
tager,
combien de Soucis
remplie?
me verrois-je
Mais quand onva fi viſte,il fautqu'on
foit leger ;
Etfi ie m'en rapporte à ce qu'on en publie,
Vous estessujet àchanger.
GALANT.
Iefuisjalouſeenfin , &quand l'Ocean mesme ,
Richede tant de flots qu'il reçoit dans
Sonfein,
Anroitpourmoy quelque deſſein ,
Si ſon amourn'estoit extrême ,
J'aimerois cent fois mieux un fidelle Ruiffean Qui pourThétis , ny pourfon Diadéme ,
Ne voudroit pas ailleurs puiſer deux
goutes d'eau ;
Voilacomme ie fuis , &c'est ainsi que
j'aime.
Neme voir qu'en courant ! ah ien'ofe ypenser,
LeSens àce discours mes Fleurs se hé- riffer,
Et le Cruel Hyver me donne moins d'aLarmes:
Helas, où courez-vous ? coulez plus lentement ,
LeLitque je vous offre a- t-ilfi peu de charmes,
Qu'il ne puiſſe fixer la courſe d'un Amant ? A iij
6 LE MERCVRE
Venez vous égayer au bord de nos Fontaines ,
Leurs ondesparvostre moyen Se trouveront en moinsde rien
DesHélicons,desHippocrenes ,
Car ie n'ignore pas au bruit que vous
menez
Quevous boüillez de vousy rendre,
C'estvainement que vous tournez,
Ieſçayque c'est làvoſtretendre.
Quevous diray-jeplus ? jaydes tapis deFleurs
Surquivouspourezvous étendre,
L'Aurorechaque jour lesbaigne de
Sespleurs Quicompofent undouxmélange Quifaithonte à la fleur d'Orange.
Ah laiſſez- voustenter ! au nomde nos
amours
Faitesfurvousquelques retours,
Et coulez tout au moins avecplus de
pareſſe :
Sivous n'arrestez vostre cours,
Vous allez dans la Mer vous perdre Pour toûjours,
GALANT. 7
7
Et ieneSeray plus qu'un objet ſteſſe ;
de triMais c'est envainque ie vouspreſſe Deretarder un peu vostre extréme vi teffe ,
Etqu'un vent opposé seconde mes fou- haits;
L'Amour &lesRuiffeauxne remontens
-jamais.
Iene demande point que vous veniez Sans ceffe M'arroser nuit &iour fechereffe
non , quelque
Qui puiſſe me brûler, ie nem'en plain- draypas,
Pourven qu'en d'antres lieux, toûjours fidelle &tendre ,
VosEaux , vos cheres Eaux ,n'aillent
point se répandre ;
le ne me fonde point sur mes foibles
appas ,
Quoy qu'un Fleuve pompeux ſuivy de
cent Rivieres,
Quifont ſes humbles Tributaires,
En ſuperbe appareil me vienne tous les
ans
A ij
8 LE MERCVRE
Apporter sur mes bords cent liquides prefens.
Mais ilfaut dire tont , c'est un Fleuve volage Dont les débordemens Sans mesure ny choix
S'étendent dans les Champs ainsi que dansles Bois.
Qui peut s'accommoder d'un ſemblable
partage,
Ne me reſſemble pas : Euffiez- vous plus d'attraits
Que l'on ne voit d'Epis chez la blonde Cerés,
Si vous alliez ainsi de rivage en ri
vage,
Ie vous préfererois le moindre Maré
cage,
Et deuſſay-je en mourir, je romprois
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Résumé : LA PRAIRIE AU RUISSEAU.
Le texte présente une correspondance poétique entre un ruisseau et une prairie. L'auteur exprime sa gratitude à une dame pour son amitié envers un ruisseau nommé le Ruisseau, qu'elle décrit comme le 'plus galant des Ruisseaux'. Ce ruisseau est apprécié pour ses avantages et son égalité de cours, ce qui a attiré l'intérêt de nombreuses prairies. La prairie, après avoir entendu les hommages du ruisseau, lui répond en exprimant son désir de refleurir grâce à ses eaux. Cependant, elle craint l'infidélité du ruisseau, symbolisée par sa rapidité et sa tendance à changer de cours. La prairie avoue sa jalousie et préfère un ruisseau fidèle plutôt qu'un océan riche en flots. Elle invite le ruisseau à s'égayer au bord de ses fontaines et à ralentir son cours pour éviter de se perdre dans la mer. Malgré ses supplications, la prairie reconnaît que l'amour et les ruisseaux ne remontent jamais. Elle exprime sa préférence pour la fidélité plutôt que pour les débordements d'un fleuve volage. La prairie souhaite un ruisseau constant et fidèle, capable de rester à ses côtés sans se laisser emporter par d'autres courants.
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28
p. 48-55
L'AMANT TROMPÉ
Début :
Apres ces tristes Nouvelles, voudrez-vous bien, / Degoûté pour toûjours des Beautez de la Cour, [...]
Mots clefs :
Amour, Cour, Retraite, Berger, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : L'AMANT TROMPÉ
Apres ces triſtes Nouvelles,
voudrez-vous bien, Madame,
écouter les Plaintes d'un Malheureux , que plus d'une infi- delité ſoufferte n'a pû guerir de la foibleſſe d'engager toûjours fon cœur ? Il les fait avec affez
d'eſprit pour meriter que vous perdiez un peu de temps à
l'entendre ; & quoy que vous vous ſoyez renduë inſenſible
aux maux de l'Amour , la maniere dont il exprime les fiens vous pourra toucher.
32 LE MERCVRE
L'AMANT
TROMP Ε΄ .
DEgoûté delapour Courtoujours , des Beautez
le pestois hautement contre leurincon- Stance ,
Et d'un Homine, ennemy declaré de l'Amour,
L'affectois en tous lieux l'heurense In- diference.
LaChaſſe meplaiſoit, &toûjoursdans
lesBois,
Pour mieux me garantir des ſurpriſes
desBelles,
L'évitois avec ſoinlepiegedes Ruellles,
Et la Retraite estoit mon dernier
choix ,
Si mes traits poursuivoient quelque Bestesauvage,
GALANT. 33 Ien'apprehendois point d'en eſtre mal- traité,
Et des Oyſeaux,
tendre ramage,
d'accord dans leur
L'enviois lafidelité
Deleur commerce heureux le tranquille
avantage,
Mefaisoitplaindre le malheur D'un Amant qui ſurpris d'une douce langueur,
Sur la foy d'unbel œil imprudemment
s'engage ۱
Ariſquer en aimant , le repos defon
cœur.
Le mienque les dehors d'une belle ap
parence As'en laiſſer duper avoient cent fois reduit ,
-En retiroit au moinscefruit
Qu'une affez longue experience Le mettoit en estat de n'estre plus Seduit.
Mais pour ne pas aimer quandlepan- chantypousse,
By
34 LE MERCVRE En vain nous employons nosfoins;
C'est une habitude fi douce ,
Qu'on la reprend lors qu'on le croit le
moins.
Vn jour affis fur la Fougere ,
Ie prenois des Zéphirs lefrais délicieux ,
Quand j'aperceus une jeune Bergere Dont l'éclat ébloüit mes yeux.
Bart ne luy prestoit rien ; sa beauté
naturelle
Brilloit avec tant d'agrément ,
Queplein d'un douxſaiſiſſement ,
Auperil de nefaire encor qu'une Infidelle
Ie courus rendre hommage à cet Objet
charmant.
Quel bonheurfut le mien ! nos cœurs
d'intelligence Se trouverent tous deux en mefmetemps charmez ;
Ilſembloit que l'Amour jaloux de fa
puissance ,
L'unpour l'autre les eust formez.
GALANT 35 Depuis ce temps , unis par lesplus bel- les chaînes ,
Nous ignorons l'usage des soupirs;
Et dans leur pureté ,fansmélange de
peines ,
Nous goustions lesplus douxplaiſirs.
Nosflames chaque jour devenoient plus ardentes ,
Tout nous rendoit heureux dans ce
charmantSéjour ;
Etdespaffions violentes ,
Nous n'ySentions que celle de l'Amour.
L'amepleinement satisfaite ,
Ien'enviois lefort ny des Rois, nydes Dieux,
Etje préferois la Houlette
AuDestin leplus glorienx.
Vn Habit de Berger m'en donnoit l'innocence,
Ie ne dédaignois point de garder des Troupeaux ,
Et d'accorder des Chalumeaux ,
Favorisé de l'Ombre &du Silence
Au doux murmure des Ruiſſeaux.
Bvj
36 LE MERCVRE
Tel Iupiterdeſcendu ſur laTerre ,
Quitta l'éclat pompeux de ſa Divi- nité,
Etfit hommagedu Tonnerre
Auxpieds d'une jeune Beauté.
L'Amourcaufa cette métamorphose D'Apollon il fit un Pasteur ,
Et fur ce grand Exemple il n'est rien que l'on n'ofe Pourse rendremaiſtre d'un cœur.
I'aurois plus fait encorpour toucherma
Bergere.
Falloit-il qu'un Rivalvinst corrompre Safoy Oudevoit-il affez luy plaire Pour partager des vœuxqui n'estoient deus qu'àmoy
L'Ingrate me trahit ; Dieux, qui l'au- roit pü croire ?
Monfeu se repoſoitſurſafimplicité;
Cent fermens m'aſſuroient elle enperd Lamémoire,
Et court àl'infidelité.
GALANT. 37
Pourmevangerde l'Inhumaine ,
En vain d'un vif dépit j'écoute le transport.
I'aybeaum'abandonner tout entier àla haine,
L'Amourest toûjours le plus fort.
Monfort a bien changé,iepers tout ce
que j'aime ,
Ladouceur d'eſtre aimé rempliſſoit mes
defirs;
Onme l'ofte , & le Ciel dans mon malheurextréme
Me condamne peut- eftre à d'eternels foupirs.
Amour,toy qui d'abord mefusfifavo
rable ,
Dans cette triſte extremité ,
Rens-moy cette belle Coupable,
Ou ma premiere liberté.
voudrez-vous bien, Madame,
écouter les Plaintes d'un Malheureux , que plus d'une infi- delité ſoufferte n'a pû guerir de la foibleſſe d'engager toûjours fon cœur ? Il les fait avec affez
d'eſprit pour meriter que vous perdiez un peu de temps à
l'entendre ; & quoy que vous vous ſoyez renduë inſenſible
aux maux de l'Amour , la maniere dont il exprime les fiens vous pourra toucher.
32 LE MERCVRE
L'AMANT
TROMP Ε΄ .
DEgoûté delapour Courtoujours , des Beautez
le pestois hautement contre leurincon- Stance ,
Et d'un Homine, ennemy declaré de l'Amour,
L'affectois en tous lieux l'heurense In- diference.
LaChaſſe meplaiſoit, &toûjoursdans
lesBois,
Pour mieux me garantir des ſurpriſes
desBelles,
L'évitois avec ſoinlepiegedes Ruellles,
Et la Retraite estoit mon dernier
choix ,
Si mes traits poursuivoient quelque Bestesauvage,
GALANT. 33 Ien'apprehendois point d'en eſtre mal- traité,
Et des Oyſeaux,
tendre ramage,
d'accord dans leur
L'enviois lafidelité
Deleur commerce heureux le tranquille
avantage,
Mefaisoitplaindre le malheur D'un Amant qui ſurpris d'une douce langueur,
Sur la foy d'unbel œil imprudemment
s'engage ۱
Ariſquer en aimant , le repos defon
cœur.
Le mienque les dehors d'une belle ap
parence As'en laiſſer duper avoient cent fois reduit ,
-En retiroit au moinscefruit
Qu'une affez longue experience Le mettoit en estat de n'estre plus Seduit.
Mais pour ne pas aimer quandlepan- chantypousse,
By
34 LE MERCVRE En vain nous employons nosfoins;
C'est une habitude fi douce ,
Qu'on la reprend lors qu'on le croit le
moins.
Vn jour affis fur la Fougere ,
Ie prenois des Zéphirs lefrais délicieux ,
Quand j'aperceus une jeune Bergere Dont l'éclat ébloüit mes yeux.
Bart ne luy prestoit rien ; sa beauté
naturelle
Brilloit avec tant d'agrément ,
Queplein d'un douxſaiſiſſement ,
Auperil de nefaire encor qu'une Infidelle
Ie courus rendre hommage à cet Objet
charmant.
Quel bonheurfut le mien ! nos cœurs
d'intelligence Se trouverent tous deux en mefmetemps charmez ;
Ilſembloit que l'Amour jaloux de fa
puissance ,
L'unpour l'autre les eust formez.
GALANT 35 Depuis ce temps , unis par lesplus bel- les chaînes ,
Nous ignorons l'usage des soupirs;
Et dans leur pureté ,fansmélange de
peines ,
Nous goustions lesplus douxplaiſirs.
Nosflames chaque jour devenoient plus ardentes ,
Tout nous rendoit heureux dans ce
charmantSéjour ;
Etdespaffions violentes ,
Nous n'ySentions que celle de l'Amour.
L'amepleinement satisfaite ,
Ien'enviois lefort ny des Rois, nydes Dieux,
Etje préferois la Houlette
AuDestin leplus glorienx.
Vn Habit de Berger m'en donnoit l'innocence,
Ie ne dédaignois point de garder des Troupeaux ,
Et d'accorder des Chalumeaux ,
Favorisé de l'Ombre &du Silence
Au doux murmure des Ruiſſeaux.
Bvj
36 LE MERCVRE
Tel Iupiterdeſcendu ſur laTerre ,
Quitta l'éclat pompeux de ſa Divi- nité,
Etfit hommagedu Tonnerre
Auxpieds d'une jeune Beauté.
L'Amourcaufa cette métamorphose D'Apollon il fit un Pasteur ,
Et fur ce grand Exemple il n'est rien que l'on n'ofe Pourse rendremaiſtre d'un cœur.
I'aurois plus fait encorpour toucherma
Bergere.
Falloit-il qu'un Rivalvinst corrompre Safoy Oudevoit-il affez luy plaire Pour partager des vœuxqui n'estoient deus qu'àmoy
L'Ingrate me trahit ; Dieux, qui l'au- roit pü croire ?
Monfeu se repoſoitſurſafimplicité;
Cent fermens m'aſſuroient elle enperd Lamémoire,
Et court àl'infidelité.
GALANT. 37
Pourmevangerde l'Inhumaine ,
En vain d'un vif dépit j'écoute le transport.
I'aybeaum'abandonner tout entier àla haine,
L'Amourest toûjours le plus fort.
Monfort a bien changé,iepers tout ce
que j'aime ,
Ladouceur d'eſtre aimé rempliſſoit mes
defirs;
Onme l'ofte , & le Ciel dans mon malheurextréme
Me condamne peut- eftre à d'eternels foupirs.
Amour,toy qui d'abord mefusfifavo
rable ,
Dans cette triſte extremité ,
Rens-moy cette belle Coupable,
Ou ma premiere liberté.
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Résumé : L'AMANT TROMPÉ
Un amant malheureux exprime son dégoût pour la cour et les beautés artificielles, préférant la solitude et la chasse. Il tombe amoureux d'une bergère dont la beauté naturelle l'éblouit. Leur amour est intense et heureux, mais cette idylle est brisée par l'infidélité de la bergère. Malgré sa colère et sa haine, l'amant reste prisonnier de son amour. Il exprime son désespoir et demande à l'amour de lui rendre soit la bergère infidèle, soit sa liberté.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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29
p. 64
AIR.
Début :
Voicy d'autres Paroles sur un sujet tout diférent. Mr Moliere / J'Aime l'Eau pour l'amour du Vin; [...]
Mots clefs :
Eau, Vin, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR.
Voicy d'autres Paroles ſur un ſujet tout diferent. M. Moliere en a
fait l'Air depuis peu avec ſon fuccés ordinaire.
J
AIR.
Aime Ellel'Eau fringuepour l'amour du
mon Verre,
Elle arroſe la Terre ,
*
inYONE
1893 *
Et nourrit le Raisin.
P'aime l'Ean pour l'amour du Vin,
fait l'Air depuis peu avec ſon fuccés ordinaire.
J
AIR.
Aime Ellel'Eau fringuepour l'amour du
mon Verre,
Elle arroſe la Terre ,
*
inYONE
1893 *
Et nourrit le Raisin.
P'aime l'Ean pour l'amour du Vin,
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30
p. 89-116
Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Début :
Je sçay, Madame, que ces témoignages de joye & de [...]
Mots clefs :
Amour, Iris, Apollon, Indifférent, Conversion, Aimer, Livres, Lecture, Vers, Ecolière, Coeur, Madame, Aimable, Apprendre, Esprit, Lettre, Pétrarque, Laure, Amant, Belle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Je ſçay , Madame , que ces témoignages de joye & de ref- pect rendus à ce grand Mini- ſtre , n'auront rien de ſurpre
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
Cv
58 LE MERCVRE nant pour vous à qui tout fon merite eſt connu ; mais il vous
de ſera ſans doute d'apprendre la Converfion de l'Indifferent à
qui vous avez tant de fois re- proché l'air tranquille qui pa- roiſt dans toutes ſes actions , &
cette Philofophie ſoit natu- relle , ſoit artificielle dont il
ſe pique , quoy que la plupart des Gens la regardent en luy comme un défaut. Le croirezvous , Madame ? Il aime, & ap- paremment il ne ceſſera pas fi- toſt d'aimer, car quand l'Amour s'eſt une fois rendu maiſtre de
ces cœurs Philoſophes qui luy ont long-temps refifté , comme il ne ſeroit pas aſſuré d'y rentrer quand il voudroit , il n'aban- donne pas aisément la place.
Voicy ce que j'en ay pû décou- vrir. Il voyoit ſouvent une jeu-
GALANT. 59 ne & fort aimable Perfonne , &
n'avoit commencé à la voir que parce qu'elle aime les Livres &
ququ'elle a l'eſprit tres-éclairé.
Aprés luy avoir donné ſes avis ſur les lectures qu'elle
faire pour
devoz ne rien apprendre YON
Juy80%
confuſement , il s'offrit à
ſervir de Maiſtre pour l'Italien
& à force de luy faire dire ,
j'aime , dans une autre langue que la fienne , il ſouhaita d'en eſtre veritablement aimé. Ses
regards parlerent , & comme c'eſtoit un langage que la Belle n'entendoit pas , ou qu'elle fei- gnoit de ne point entendre , il ne put s'empeſcher un jour de buy reprocher ſon peu de fen- fibilité. Elle ſe défendit de ce
reproche ſur l'eſtime particu- liere qu'elle avoit pour luy.
Vous ſçavez , Madame , que Cvj
60 LE MERCVRE
l'eſtime ne ſatisfait point un Amant. Il luy declara qu'il en vouloit à ſon cœur , & qu'il ſe tiendroit malheureux tant qu'- elle luy en refuſeroit la tendref- fe. La Belle détourna ce difcours , & fit fi bien pendant quelque temps , qu'il ne pût trouver aucune occafion favorable de le pourſuivre. Il de- vint chagrin , & rêvoit aux
moyens de faire expliquer celle qu'il aimoit , quand on le vint confulter fur des Vers écrits
d'une main qui luy eſtoit in- connuë. Il eſt du meſtier , &
ceux que vous avez veus de ſa façon , vous donnent afſez lieu de croire qu'on s'en pouvoit rapporter à luy. Il prit le pa- pier qu'on luy donna, &leut ce qui fuit fans s'attacher qu'à la netteté de la Poësie.
{
GALANT. 61
Dourquoym'avoirfait confidence vous en vouliez à mon cœur?
Ilfaut que contre vous il se mette en défense,
Ie dois vous empeſcher d'en estre le vainqueur.
Ienem'estois point apperçeuë Que tous vospetits soins deuſſent m'e- tre suspects ,
Etquand j'enfaifois la revenë ,
Ieles prenoispour des reſpects.
Ah , que nem'avez vouslaiſſée ,
CruelTircis, dans cette douce erreur !
Vous me voyezembarrassée.
On l'est toûjours quand il s'agit du
cœur.
Il faut prendre party , je nedois plus attendre ,
Mais si vous m'attaquez , comment vousrepouffer ?
Quand on fent le besoin qu'on adese défendre,
Il estdéja bien tardde commencer.
62 LE MERCVRE
Ces Vers luy parurent d'un caractere doux & aife. Il le
dit d'abord à celuy qui luy en demandoit ſa penſée , & vous pouvez juger de ſa ſurpriſe quand on l'aſſura que c'eſtoit le début d'une Fille qu'il ap- prouvoit. Ce mot le frapa. II ſe ſouvint de la converſation
qu'il avoit euë avec ſa belle Ecoliere. Tout ce qu'il venoit
de lire s'y appliquoit , & cette penſée le fit entrer dans des tranſports de joye incroyables ;
mais il ceſſoit de ſe les permet- tre , fi- toſt qu'il faiſoit reflexion que ces Vers eſtoient trop bien tournez pour eftre le coupd'ef- ſay d'une Perſonne qui n'en avoit jamais fait , & qui ne ſe piquoit point du tout de s'y connoiſtre. L'incertitude luy faiſant peine, il reſolut d'en for-
GALANT. 63
tir. Il rendit viſite à la Belle, luy parla d'une nouveauté qui fai- foit bruit , leut ces Vers dont il avoit pris une copie , l'obferva en les lifant , & l'en ayant veu fourire, il l'embarafla fi fort,qu'il luy fit enfin avoüer que c'eſtoit elle qui les avoit faits. Elle ne luy fit cet aveu qu'en rougif- ſant , & en luy ordonnant de les regarder comme un fimple divertiſſement que fa Muſe naiſſante s'eſtoit permis , &
dont elle avoit voulu le rendre
Juge def- intereſſé , en luy ca- chant qu'elle s'eſtoit meflée de rimer. La referve ne l'étonna
point , il comprit ſans peine ce qu'on vouloit bien qu'il cruft,
& abandonna ſon cœur à ſa
paffion. Celle qui la cauſe en eft fort digne. Vous eſtes déja convaincuë de ſon eſprit par
64 LE MERCVRE fes Vers , &je ne la flate point en adjoûtant qu'elle eſt aſſez belle pour ſe pouvoir paffer d'eſprit , quoy qu'il ſemble que ce foit eſtre belle & fpirituelle contre les regles , que d'eſtre l'un & l'autre en meſime temps.
Si vous la voulez connoiſtre
plus particulierement , imagi- nez- vous une Brune qui a la taille tres-bien priſe , quoy que mediocre ; le plus bel œil qu'on ait jamais veu , la bouche éga- lement belle, le teint &la gorge admirables , & outre tout cela
un air doux & modefte qui ne vous la rendra nullement fufpecte de faire des Vers. Voila
fon veritable Portrait. Tout ce
qu'onluy reproche pourdéfaut,
c'eſt unpeu tropde mélancolie,
unedéfiance perpetuelle d'elle- meſme , & une_timidité qu'elle
GALAN T. 65
a peine à vaincre , meſme avec ceux dont elle ne doit rien ap- prehender. Les Vers d'une fi aimable Perſonne n'eſtoient pas de nature à demeurer ſans réponſe, &quand noſtre Amant Philoſophe n'auroit pas eſté Poëte il y avoit déja long- tems,
c'eſtoit là une occafion à le devenir. A peine deux ou trois jours s'eſtoient-ils pafſſez , que la Belle reçeut un Pacquet dans lequel elle ne trouva que cette Lettre. Elle estoit dattée du
Parnaffe & avoit pourTitre
APPOLLON,
A LA JEUNE
V
IRIS.
Os Vers aimable Iris, ont fait du
bruit icy
66 LE MERCVRE
Onvous nomme au Parnaffe une petite Muse.
Puisque voſtre début afi bien réüſſy,
Vous irez loin, ou jem'abuse.
NosPoëtes galans l'ont beaucoup ad-.
miré ,
Les Femmes Beaux Esprits ,telle que fut la Suze ,
Pourdire tout,l'ont unpeucenfuré.
Ieſuis ravyque vous soyez des noſtres.
Estre le Dieu des Vers feroit un fort biendoux ,
Si parmy les Autheurs il n'en estoit point d'autres Quedes Autheursfait comme vous.
I'ayfurles beaux Esprits unepuiſſance
9 Tentiere ,
Ils reconnoiſſent tous ma Iurisdiction.
Avous dire le vray c'est une Nation Dontje suis dégoûté d'une étrange ma- niere.
Et meſme quelquefois dans mes bruſques transports ,
GALAN T. 67
Peu s'en faut qu'à jamais je ne les
abandonne;
Mais si les beaux Esprits estoient de
jolis Corps,
Ieme plairois àl'employ qu'on me donne.
Dés que vous me ferez l'honneur de
m'invoquer ,
Fiez-vous-en à moy , je ne tarderay
guerre,
Et lorsque mon secours vousfera neceffaire ,
Affurez- vous qu'il ne vous pent
manquer.
Ie vous diray pourtant un point qui m'embarasse ;
Un certainpetit Dieu fripon ,
(Ienesçayſeulementfi vous sçavezfon
nom,
Ils'appelle l'Amour ) a pouffé son au dace
Iusqu'à meſoûtenir en face ,
Que vos Versſont deſa façon ,
Et pour vous , m'a-t-ildit , conſolez yous de grace',
-
68 LE MERCVRE
Cen'est pas vous dont elle a pris leçon.
Quoy qu'ilse pare envain de cefaux
avantage,
Il aquelqueſujet de dire ce qu'il dit ;
Vous parlez dans vos Vers un affez doux langage,
Etpeut-estre apres tout l'Amant dont ils'agit Iugeroit que ducœur ces Vers seroient l'ouvrage ,
Si parmalheur pour luy vous n'aviez
tropd'esprit.
N'allezpas de l'Amourdevenir l'Eco- liere ,
Ce Maistre dangereux conduit tout de
travers,
Vous ne feriez jamais de Piece regu
liere
Si cepetit Broisillon vous inspiroit vos
Vers.
Adieu, charmante Iris ,j'auray ſoin que la Rime د
GALAN T. 69
Quandvous compoſerez, ne vousrefu- Se rien.
Maisque cesoit moy ſeul au moins qui vous anime,
Autrement tout n'iroit pas bien.
La Belle n'eut pas de peine àdeviner qui eſtoit l'Appollon
de la Lettre , mais elle reſva quelque temps ſur unpetit ſcru- pule délicat qui luy vint. Elle n'euſt pas eſté bien- aiſe qu'on luy euſt fait l'injustice de don- ner à l'Amour tout l'honneur
des Vers qu'elle avoit faits,mais elle nepouvoit d'ailleurs pene- trer par quel intereſt ſon Amant avoit tant de peur qu'on ne les attribuât à l'Amour ; & fi elle
luy avoit defendu de croire qu'ils fufſent autre choſe qu'un jeu d'eſprit où ſon cœur n'a- voit point de part, elle trouvoit qu'il euſt pu ſe diſpenſer de
70 LE MERCVRE luy conſeiller auſſi fortement qu'il faiſoit de ne ſe ſervir ja- mais que des Leçons d'Apol- lon. C'eſtoit luy faire connoiſtre qu'il n'avoit fouhaité que foi- blement d'eſtre aimé ; &le dépit d'avoir répondu trop favo- rablement à ſa premiere decla- ration , luy faifoit relire ſa Let- tre, pour voir ſi elle n'y décou- vriroit point quelque ſens ca- ché qui pût affoiblir le repro- che qu'elle s'en faifoit , quand on luy en apporta une fecon- ded'une autre main. Elle l'ou- vrit avec précipitation, &y lût
cesVers.
GALANT. 71
.
L'AMOUR,
A LA BELLE IRIS.
A
Vez-vous lûmon nom fans chan- gerdecouleur ? :
VostreSurprise , Iris , n'est-elle pas ex- trème?
Raffurez-vous; mon nom fait toûjours plusdepeur Queien'en auroisfait moy-méme.
*
Voftre Ouvrage galant , début affez heureux,
loufie.
Entre Apollon &moy met de la'jaIl s'agit de sçavoir lequel est de nous
deux
Vostre Maistre de Poësie.
Franchement , Apollon n'est pas d'un grandSecours ,
72 LE MERCVRE
En matiere de Vers ie ne le craindrois
guere ,
Et ie le défierois defaire D'auſſi bons Ecoliers que i'enfais tous les jours.
Quels travaux affidus pour former un Poëte ,
Etquel temps ne luyfaut-ilpas ?
On est quitte avec moyde tout cet embarras ;
Qu'on aime unpeu, l'affaire est faite.
Cherchez- vous à vous épargner
Cent preceptes de l'Art , qu'il seroit longd'apprendre ?
Vne rêverie unpeu tendre ,
Enunmoment vousvatout enſeigner.
F'inſtruis d'une maniere affez courte &
facile;
Commencer par l'Esprit c'est un ſoin inutile ,
Fort longdumoins , quand mesme il
réuffit.
Ie
GALANT. 73 Ievais tout droit au Cœur , &fais plus deprofit ,
Carquandle Cœur est unefois docile,
Onfait ce qu'on veut de l'Esprit.
Quand vous fistes vos Vers, dites-le moyſans feinte,
Lesfentiez-vous couler de ſource &
Janscontraintes
Ievousles infpirois , Iris , n'endoutez.
pas..
Si fortant lentement & d'une froide
veine ,
Sillabe aprés fillabe ils marchoient avec
3. peine,
C'estoit Apollon en cecas.
Lequelavoñez- vous , Iris , pour vostre Maistre ?
Ie m'inquiete peu pour qui vous pro- nonciez;
Car enfin ie le pourrois estre - Sans que vous- meſme leſceuſſiez
Ie ne penſerois pas avoir perdu ma cause,
Tome X.
74 LE MERCVRE Quandvous décideriez, enfaveur d'un
Rival ;
Etmesme incognito, fi i'avoisfait la chofe,
Mes affaires chez-vous n'en iroientpas plus mat
Maisquand ie n'aurois point d'autre part à l'Ouvrage,
Sans contestation i'ay donnéleſuiet.
C'eſt toûjours un grand avantage,
Belle Iris, i'ensuisfatisfair.
Cette ſeconde Lettre éclaircit entierement le doute de la
Belle. Elle ne fut pas fâchéede voir que celuy qui avoit fi bien parlé pourApollon , n'euſt pas laiſſé le pauvre Amour indé- fendu , &elle vit bien qu'il ne luy avoit propoſé les raiſons de part &d'autre , que pour l'en- gager à décider lequel des deux avoit plus de part à ſes Vers,
ou de l'Eſprit , ou duCœur, La
GALANT. 75.
Queſtion eſtoit délicate. On la
preſſa long-temps de donner un Jugement. Elle ſe récuſoit toû- jours elle-meſme,&s'eſtant en- fin refoluë à prononcer , voicy un Billetqu'elle fit rendre àfon Amant pourApollon.
SireApollon, ce n'estpas une affaire Que deux ou trois Quatrainsque i'ay faitspar hazard,
Et ie croy qu'apres tout vousn'y per- driezquere Quand l'Amour Sſeut y devroit avoir
part.
Nevousalarmezpoint; s'il faut nom- mer mon Maistre ,
Ieiureray tout haut que mes Versfont devous.
Ilscouloientpourtant, entre nous,
Comme Amour dit qu'il les fait naiſtre.
Je croy , Madame , que fans enexcepterPetrarque, &Laure
:
Dij
76 LE MERCVRE d'amoureuſe memoire , voila
l'intrigue la plus poëtique dont on ait jamais entendu parler ,
car elle l'eſt des deux coſtez .
Nous ne trouvons point les Vers que la belle Laure a faits pour répõdre à ceux de Petrar- que ; mais cette Laure- cy paye ſon Petrarque en même mon- noye, & l'attachement qu'ils ont l'un pour l'autre s'eſt tellement augmétépar cet agreable com- merce dePoëfie, qu'ils ſemblent n'avoir plus de joye qu'en ſe voyant. Je les attens au Sacre- ment, s'ils vont jamais juſques- là; car il n'y a guere de paſſions qu'il n'affoibliſſe , & l'Amour dans l'ordinaire, demeure tellement déconcerté par le Maria- ge , qu'on a quelque raiſon d'af- furerqu'iln'a pointde plus irré- conciliable Ennemy.
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Résumé : Dispute d'Apollon & de l'Amour sur des Vers d'Iris. [titre d'après la table]
Le texte décrit la transformation amoureuse d'un homme initialement connu pour son indifférence et son détachement philosophique. Cet homme rencontre une jeune femme cultivée et aimable, ce qui marque le début de leur relation. Leur lien se renforce à travers des échanges littéraires et des poèmes. La jeune femme, après avoir écrit des vers, reçoit des lettres d'Apollon et d'Amour, chacun affirmant être l'inspirateur de ses poèmes. Après réflexion, elle reconnaît l'influence d'Apollon sur ses vers tout en admettant l'impact d'Amour. Le texte se conclut par une comparaison avec l'histoire de Pétrarque et Laure, soulignant la beauté poétique de cette intrigue amoureuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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31
p. 116-118
Excez d'amour d'une jeune Personne nouvellement mariée. [titre d'après la table]
Début :
Ce n'est pas pourtant une regle absolument generale, [...]
Mots clefs :
Tendresse, Époux, Portrait, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Excez d'amour d'une jeune Personne nouvellement mariée. [titre d'après la table]
Ce n'est pas pourtant une regle abſolument generale , &
ceque je vay vous dire d'une jeune Perſonne de la plus hau- te Qualité , vous en fera voir l'exception. Il y a peu de temps qu'elle eſt mariée , & les belles qualitezdel'Epoux qu'elle ait YON
heureux le rendent fi digne de poſſeder tout fon cœur , qu'elle n'a point mis de bornes à ſa tendreſſe. Elle voudroit le voir
dans tous les momens du jour,
&vous pouvez jugerdu plaifir qu'elle s'en fait par le genre de conſolation qu'elle choisit der- nierement pendant unVoyage qu'ilfut obligé de faire ſans el- le à la Cour. Elle ſe ſouvint
d'avoir veu ſonPortraitdans un
lieu où elle avoit tout pouvoir.
Elle y courut , le détacha elle- meſme de l'endroit où il avoit
F
Diij
78 LE MERCVRE eſté,placé , le fit porter à ſa Chambre , paffa la plus grande partie de la nuit à le regarder,
&je ne ſçay ſi elle ne luy fit point de tendres careſſes. Si
toutes les Femmes aimoient
avec une auffi forte paffion , il n'y auroit pas unfi grand nom- bre de Marys Coquets , & on feroit ravyde trouver chez ſoy l'Amour Complaifant que le chagrin engage quelquefois à
chercher ailleurs
ceque je vay vous dire d'une jeune Perſonne de la plus hau- te Qualité , vous en fera voir l'exception. Il y a peu de temps qu'elle eſt mariée , & les belles qualitezdel'Epoux qu'elle ait YON
heureux le rendent fi digne de poſſeder tout fon cœur , qu'elle n'a point mis de bornes à ſa tendreſſe. Elle voudroit le voir
dans tous les momens du jour,
&vous pouvez jugerdu plaifir qu'elle s'en fait par le genre de conſolation qu'elle choisit der- nierement pendant unVoyage qu'ilfut obligé de faire ſans el- le à la Cour. Elle ſe ſouvint
d'avoir veu ſonPortraitdans un
lieu où elle avoit tout pouvoir.
Elle y courut , le détacha elle- meſme de l'endroit où il avoit
F
Diij
78 LE MERCVRE eſté,placé , le fit porter à ſa Chambre , paffa la plus grande partie de la nuit à le regarder,
&je ne ſçay ſi elle ne luy fit point de tendres careſſes. Si
toutes les Femmes aimoient
avec une auffi forte paffion , il n'y auroit pas unfi grand nom- bre de Marys Coquets , & on feroit ravyde trouver chez ſoy l'Amour Complaifant que le chagrin engage quelquefois à
chercher ailleurs
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Résumé : Excez d'amour d'une jeune Personne nouvellement mariée. [titre d'après la table]
Le texte raconte l'histoire d'une jeune femme de haute qualité récemment mariée à un homme aux belles qualités. Profondément amoureuse, elle souhaite constamment la présence de son époux. Lors d'un voyage de son mari à la cour, elle trouve consolation en récupérant son portrait. Elle le détache elle-même et passe une grande partie de la nuit à le contempler, lui adressant peut-être des caresses tendres. Le narrateur suggère que si toutes les femmes aimaient avec une passion aussi intense, il y aurait moins de femmes coquettes et plus de femmes cherchant l'amour complaisant à domicile plutôt qu'ailleurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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32
p. 121-131
ELEGIE.
Début :
Prendre ce party est une maniere fort honneste de dire [...]
Mots clefs :
Philis, Amour, Beauté, Vers, M. Ferrier, Ouvrage galant, Plaisirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELEGIE.
Pren- dre ce party eſt une maniere fort honneſte de dire adieu au
Monde apres avoir expoſe ſa vie pour fon Prince , pendant un fort grand nombre d'années.
Des Adieux de cette forte ne
me paroiſtront jamais devoir eſtre retractez ; mais vous allez
voir, Madame, quej'avoisquel- que ſujetde n'en pas croire en- tierement celuy qui pretendoit l'avoir dit pour toûjours aux Muſes. Ses Amis n'ont pû ſoû- frir qu'il ſe dérobât plus long- temps lagloire qui luyeſt deuë.
Ils l'ont fait connoiſtre , & j'ay àvous apprendre qu'il s'appelle
GALANT. 81I
M.Ferrier. Les loüanges qu'il a
reçeuës ſur le tour aiſe qu'il donne à ſes Vers , l'ont engagé à faire un Ouvrage Galant qu'on croit déja ſous la Preffe.
On ne m'en a pû dire le Titre,
mais vous pouvez juger de quelle beauté il ſera par cette Elegie qui en doit faire le com- mencement. Elle donne lieu
de conjecturer que cet Ouvrage contiendra les manieres qui peuvent faire acquerir l'eftime du beau Sexe aux honneſtes
Gens , &on ne peut douter que cette matiere ne ſoit traitéedelicatement par un Homme qui penſe juſte , & qui écrit avec une fortgrande netteté.
Dv
82. LE MERCVRE
LIO THE
好好好好好好好好好好好好好好
1893 ELEGIE
.
Maistrefubtiles de tousflames les Dieux dont
Nebrûlentpoint les cœursfans éclairer
lesames ,
Amour, c'est àtoy ſeul que confacrant
mes Vers ,
Ievay de tes fecrets instruire l'Univers.
:
Ainsi, dans mes écrits revelant la Science ,
Detes droits ſur les cœurs j'étendray la puiſſance ,
Et ma Muse àton Temple appellant les Mortels,
Fera de toutes parts encenfer tes Au- tels ;
Ces Vers dontjetefais un heureuxfas
crifice ,
Am'en récompenser engagent ta ju- ffice.
Quoy,pourrois-tu me voir Esclave re- buté
GALANT. 83
D'une ingrate Maiſtreſſe effuyer la fierté ,
Moy, qui par desavis auſſi ſeurs que fidelles,
Montre l'art de toucher les Maiſtreſſes
cruelles?
Non,Amour, tu le vois, qu'ileſt de ton honneur A
D'employertous tesſoinsauſoin demon bonheur.
Ienedemandepas qu'à mes vœux fam vorable ,
Atoutes les Beauteztu me rendes ai- mable , T
Jen'étenspassiloin mes projets amou
reux ,
Etce n'est que Philis que demandent
mesvœux ,
Philis que j'aime envain , &dont l'indifference
Par de longues froideurs éprouve ma
constance.
Mais cette ame inſenſible auxpreuves
demafoy ,
Lefera-t-elle encorefi tu combatspour
moy ?
Dvj
84 LE MERCVRE Si i'obtiensfurſon cœurune entierevi- Etoire,
Lefruit que i'en auray t'en aſſure la gloire.
Pourtoy plus que pour moyfois ialoux de tesdroits ,
Aux cœurs indifferens fais réverer tes
Loix ,
Et foûmettant l'orgueil d'une Beauté rebelle ,
Fay luy sentirpourmoy ce que je sens pour elle.
Pendant que je pouffois ces regrets
amoureux ,
L'Amour vint me promettre un destin plusheureux.
•Toy qu'un zele fi fort attache à mon fervice,
Espere tous , dit-il , quand je te ſuis
propice :
Tum'as fait une offrande à n'oublier
jamais.
Et mesgracespourtoy préviendront tes Soubaits.
Des Dieuxpour les Mortel's la bonné Sans mesure,
D'unpeu d'encens brûlé les payeaves usures
GALANT. 85 Mais en est-il aucun de ces Dieux bienfaifans ,
Qui puiſſe parses dons égaler mes pre- Sens?
Helene,de Paris fut ledigne ſalaire
Désqu'on l'eut veu juger enfaveur de
ma Mere.
Iulie, aux yeuxde Rome , au milieude La Cour ,
D'Ovide ,par mes foins favoriſa l'amour.
Crois- tu que maintenant à tes veux
moins propice ,
Iemanque de puiſſance ,oumanquede justice,
Moy qui ſans borne juste,& puiſſant en tous lieux ,
Aurang de mes Sujets compte mesme les Dieux?
Ainsi,que ta Philis s'arme d'indiference ,
Elle doit sa tendreſſe à ta perſeverance.
Necrains rien , &fidelle aux yeux qui
t'ontcharmé,
Aime,le Dieud'Amour t'affure d'estre aimé. L
86 LE MERCVRE
Ah , Philis , vondrois-tudémentirfes
Oracles ,
Aux biens qu'il me promet oposer des obstacles?
Non,Sans doute, & ton cœur moinsrebelle àfes loix ,
Suivra l'avis d'un Dieu qui parle par
mavoix.
Si tu n'écoutes point fon fidelle Interprete,
Aumoins de ta raiſon entens la voix Secrete ,
Quitefollicitant de te laiſſer charmer ,
Te dit tout bas qu'un cœur n'est fait
quepouraimer.
Auxdouceurs de l'amourne fois donc
plus contraire ,
On ne peut en joüir qu'autant que l'on Sçait plaire ,
Etle Soleil,d'ailleursfijuſte dansfon
cours,
D'un plusrapide pas mesure nos beaux
jours.
LaNature,que regle une haute Prudence ,
En joignant de ſi prés la mort à ta naiſſance,
GALANT. 87 Semble nous avertir qu'il nous faut ménager
Iusqu'aumoindre moment d'un tempsſe paſſager.
Quelque courte en effet que paiſſe eſtre lavie,
Elle pourroit fuffire à remplir nostre envie ,
Sidonnant libre effor ànos jeunes defirs,
Désquel'onpeut lesprendre on prenoit les plaisirs.
Mais loin que la raison regte nos de ſtinées ,
Nous perdonsſans aimer nos plus bel- les années ,
Et lors que la vieilleffe efface nos
appas,
Nous cherchons les Amours &ne les
trouvonspas.
Ne croy point que des ans l'injurieux
• outrage Epargnepar respect les lis de ton vi- Sage.
Non, Philis , la beauté doit unjour te quitter.
Avant qu'elle te quitte il en fautpro five
Monde apres avoir expoſe ſa vie pour fon Prince , pendant un fort grand nombre d'années.
Des Adieux de cette forte ne
me paroiſtront jamais devoir eſtre retractez ; mais vous allez
voir, Madame, quej'avoisquel- que ſujetde n'en pas croire en- tierement celuy qui pretendoit l'avoir dit pour toûjours aux Muſes. Ses Amis n'ont pû ſoû- frir qu'il ſe dérobât plus long- temps lagloire qui luyeſt deuë.
Ils l'ont fait connoiſtre , & j'ay àvous apprendre qu'il s'appelle
GALANT. 81I
M.Ferrier. Les loüanges qu'il a
reçeuës ſur le tour aiſe qu'il donne à ſes Vers , l'ont engagé à faire un Ouvrage Galant qu'on croit déja ſous la Preffe.
On ne m'en a pû dire le Titre,
mais vous pouvez juger de quelle beauté il ſera par cette Elegie qui en doit faire le com- mencement. Elle donne lieu
de conjecturer que cet Ouvrage contiendra les manieres qui peuvent faire acquerir l'eftime du beau Sexe aux honneſtes
Gens , &on ne peut douter que cette matiere ne ſoit traitéedelicatement par un Homme qui penſe juſte , & qui écrit avec une fortgrande netteté.
Dv
82. LE MERCVRE
LIO THE
好好好好好好好好好好好好好好
1893 ELEGIE
.
Maistrefubtiles de tousflames les Dieux dont
Nebrûlentpoint les cœursfans éclairer
lesames ,
Amour, c'est àtoy ſeul que confacrant
mes Vers ,
Ievay de tes fecrets instruire l'Univers.
:
Ainsi, dans mes écrits revelant la Science ,
Detes droits ſur les cœurs j'étendray la puiſſance ,
Et ma Muse àton Temple appellant les Mortels,
Fera de toutes parts encenfer tes Au- tels ;
Ces Vers dontjetefais un heureuxfas
crifice ,
Am'en récompenser engagent ta ju- ffice.
Quoy,pourrois-tu me voir Esclave re- buté
GALANT. 83
D'une ingrate Maiſtreſſe effuyer la fierté ,
Moy, qui par desavis auſſi ſeurs que fidelles,
Montre l'art de toucher les Maiſtreſſes
cruelles?
Non,Amour, tu le vois, qu'ileſt de ton honneur A
D'employertous tesſoinsauſoin demon bonheur.
Ienedemandepas qu'à mes vœux fam vorable ,
Atoutes les Beauteztu me rendes ai- mable , T
Jen'étenspassiloin mes projets amou
reux ,
Etce n'est que Philis que demandent
mesvœux ,
Philis que j'aime envain , &dont l'indifference
Par de longues froideurs éprouve ma
constance.
Mais cette ame inſenſible auxpreuves
demafoy ,
Lefera-t-elle encorefi tu combatspour
moy ?
Dvj
84 LE MERCVRE Si i'obtiensfurſon cœurune entierevi- Etoire,
Lefruit que i'en auray t'en aſſure la gloire.
Pourtoy plus que pour moyfois ialoux de tesdroits ,
Aux cœurs indifferens fais réverer tes
Loix ,
Et foûmettant l'orgueil d'une Beauté rebelle ,
Fay luy sentirpourmoy ce que je sens pour elle.
Pendant que je pouffois ces regrets
amoureux ,
L'Amour vint me promettre un destin plusheureux.
•Toy qu'un zele fi fort attache à mon fervice,
Espere tous , dit-il , quand je te ſuis
propice :
Tum'as fait une offrande à n'oublier
jamais.
Et mesgracespourtoy préviendront tes Soubaits.
Des Dieuxpour les Mortel's la bonné Sans mesure,
D'unpeu d'encens brûlé les payeaves usures
GALANT. 85 Mais en est-il aucun de ces Dieux bienfaifans ,
Qui puiſſe parses dons égaler mes pre- Sens?
Helene,de Paris fut ledigne ſalaire
Désqu'on l'eut veu juger enfaveur de
ma Mere.
Iulie, aux yeuxde Rome , au milieude La Cour ,
D'Ovide ,par mes foins favoriſa l'amour.
Crois- tu que maintenant à tes veux
moins propice ,
Iemanque de puiſſance ,oumanquede justice,
Moy qui ſans borne juste,& puiſſant en tous lieux ,
Aurang de mes Sujets compte mesme les Dieux?
Ainsi,que ta Philis s'arme d'indiference ,
Elle doit sa tendreſſe à ta perſeverance.
Necrains rien , &fidelle aux yeux qui
t'ontcharmé,
Aime,le Dieud'Amour t'affure d'estre aimé. L
86 LE MERCVRE
Ah , Philis , vondrois-tudémentirfes
Oracles ,
Aux biens qu'il me promet oposer des obstacles?
Non,Sans doute, & ton cœur moinsrebelle àfes loix ,
Suivra l'avis d'un Dieu qui parle par
mavoix.
Si tu n'écoutes point fon fidelle Interprete,
Aumoins de ta raiſon entens la voix Secrete ,
Quitefollicitant de te laiſſer charmer ,
Te dit tout bas qu'un cœur n'est fait
quepouraimer.
Auxdouceurs de l'amourne fois donc
plus contraire ,
On ne peut en joüir qu'autant que l'on Sçait plaire ,
Etle Soleil,d'ailleursfijuſte dansfon
cours,
D'un plusrapide pas mesure nos beaux
jours.
LaNature,que regle une haute Prudence ,
En joignant de ſi prés la mort à ta naiſſance,
GALANT. 87 Semble nous avertir qu'il nous faut ménager
Iusqu'aumoindre moment d'un tempsſe paſſager.
Quelque courte en effet que paiſſe eſtre lavie,
Elle pourroit fuffire à remplir nostre envie ,
Sidonnant libre effor ànos jeunes defirs,
Désquel'onpeut lesprendre on prenoit les plaisirs.
Mais loin que la raison regte nos de ſtinées ,
Nous perdonsſans aimer nos plus bel- les années ,
Et lors que la vieilleffe efface nos
appas,
Nous cherchons les Amours &ne les
trouvonspas.
Ne croy point que des ans l'injurieux
• outrage Epargnepar respect les lis de ton vi- Sage.
Non, Philis , la beauté doit unjour te quitter.
Avant qu'elle te quitte il en fautpro five
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Résumé : ELEGIE.
Le texte relate l'adieu honorable à un individu nommé Galant, qui a dédié sa vie à son prince. Cet adieu, bien que définitif en apparence, cache le fait que Galant n'a pas réellement pris sa retraite. Ses amis ont veillé à ce qu'il ne se soustraie pas à la reconnaissance qui lui est due. Galant est particulièrement apprécié pour son talent poétique et s'apprête à publier un ouvrage sur les manières d'acquérir l'estime du beau sexe. Une élégie en début d'ouvrage suggère que Galant partagera les secrets de l'amour et étendra la puissance de l'amour sur les cœurs. Dans cette élégie, Galant s'adresse à l'Amour, affirmant qu'il ne peut être esclave d'une maîtresse ingrate et qu'il maîtrise l'art de toucher les maîtresses cruelles. Il exprime son amour pour Philis, malgré son indifférence, et espère que l'Amour l'aidera à conquérir son cœur. Galant cite des exemples mythologiques où l'amour a triomphé, comme Hélène pour Paris et Julie pour Ovide. Il encourage Philis à ne pas craindre et à aimer, car le dieu Amour assure qu'elle sera aimée en retour. Le texte se conclut par une réflexion sur la brièveté de la vie et l'importance de profiter des plaisirs amoureux avant que la beauté ne s'efface.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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33
p. 208-231
Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Début :
Quoy qu'il semble que ce stile soit trop simple [...]
Mots clefs :
Aventure, Musique, Fille, Divertissement public, Opéra, Voix, Cavalier, Père, Rival, Lambert, Hélas, Air, Accident, Amour, Vers, Billet, Sonnet, Orgue
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Quoyqu'il ſemble que ce ſtile foit trop fimple pour eftre pro- pre aux grandes matieres, il ne laiſſe pasd'avoir de lagrace le voudrois en avoir autantà vous
conter dansle mien,une Avanturede Muſiquequi a cauſe de- puis peu de grands embarras à
biendeGens. Un Homme confiderable &par fon bien & par l'employ qu'il a dans la Robe ,
eſtant demeuré veuf depuis quelque temps , avec une Fille unique, n'avoit point de plus fortepaffion que celle de lama- rier. La garde luy en ſembloit dangereuſe , & il croyoit ne pouvoir s'en défaire jamais af- ſez toſt. Ce n'eſt pas qu'elle n'euſt beaucoup de vertu , &
qu'ayant eſté toûjours élevée dans une fort grande modeſtie,
elle ne fuft incapable de man-
GALANT. 139
(
quer à rien de cequ'elle ſe de- voitàelle-meſme; mais une Fille qui a vingt ans , de l'efprit &
de la beauté , n'eſt point faite pour eftre cachée, il y adesme- furesdebien- feance à garder, &
un Pere que les Affairesdu Pu- blic occupent continuellement,
ne sçauroit mieux faire que de remettre en d'autres mains ce
qui court toûjours quelque pé- ril entre les ſiennes. Tant de
vertuqu'il vous plaira,unejeu- ne Perſonneaun cœur, ce cœur peuteſtre ſenſible , &on a d'au- tantplus à craindre qu'il ne le devienne , que l'Eſprit ſe joi- gnant à la Beauté , attire toû- jours force Adorateurs. La De- moiſelle dont jevous parle étoit faite d'une maniere àn'en pas manquer ſi les ſcrupules duPe- ren'yeuſſent mis ordre. Onla
:
140 LE MERCVRE voyoit , on l'admiroit dans les Lieux de devotion où il ne luy pouvoit eftredefendu de ſe mõtrer, mais elle ne recevoit chez
elleaucuneViſite, fi vous exceprezcellesde cinq ou fix Paren- tes ouVoifinesqui luy tenoient cõpagnie avec affez d'affiduité.
Celqu'elle regrettoit le plus des divertiſfemens publics,dont elle ne joüifſoit que par le rapport d'autruy, c'eſtoit Opera. Elle a- -voit la voix fort belle , ſçavoit parfaitement la muſique,&n'ai- -moitrientantqued'entédre bié chanter. Deux ou trois de ſesAmies avoient le méme talent&
la méme inclination , & la plus grande partie du temps qu'elles ſeplaifoient à paffer enſemble,
eſtoit employé à de petits Con- certsde leur façon. L'une d'elles avoit un Frere grandMuficien,
GALANT. 141 &c'eſtoit ſur ſes Leçons qu'el- les apprenoit aux autres ce qu'il yavoit de plus agreable &de plus touchant dans les Opéra.
La Belle brûloit d'envie de le
mettre de leurs Concerts,on luy diſoit mille biés de luy,&il n'en entendoit pas moins dire d'elle à
ſa Scœur. Ainfi ils furent preve- nus d'eſtime l'un pour l'autre avant qu'il leur fut permis deſe connoiſtre, & ladifficulté qu'ils y trouverent leur en augmenta le defir. Onparla au Pere,qui ſe montra plus traitable qu'on ne l'eſperoit.Le pretextede la mufi- que fut le ſeul dont on ſe fervit pourobtenir lapermiſſion qu'on luydemadoit.Il ne voulut point envier à ſa Fille l'unique plaifir qu'il ſçavoit eſtre capablede la toucher ; & le Cavalier ne luy paroiſſant point d'une Fortune
142 LE MERCVRE
àformer des pretétions d'allian- ce, il confentit à la priere que fa Sœur luy avoit faite, de trouver bon qu'elle l'amenaft.Ils ſe virét donc, ils ſe parlerent,ils chante- rent , &fans s'eſtre apperceus qu'ils euffent commencéà s'ay- mer, ils ſentirenten peu de téps qu'ils s'aymoient. Iln'yavoitrien quede tendre dans les Airs que
le Cavalier venoit apprendre àla Belle ; il les chantoit tendrement , & à force de les luy faire chanter de meſme , il mit
dans ſon ame des diſpoſitions favorables à bien recevoir la
declaration qu'ilſe hazarda enfin à luy faire. Ses regards a- voient parlé avant luy , & ils avoient eſté entendus fans que les Amiesde la Belle en euffent
penetré le ſecret. Elles impu- toient au feul deſſein d'animer
GALANT. 143 les parolesqu'il chantoit, ce qui eſtoit une explication paffion- née des ſentimens de ſon cœur,
Il trouva enfin l'occaſion d'un
teſte- à- tefte. Il ne la laiſſa pas échaper, & il employa des ter- mes ſi touchans , àfaire connoî tre toute la force de ſon amour
à la charmante Perſonne qui le cauſoit , qu'elle ne pût ſe défendre de luy dire qu'il re marqueroit par la promptitude de fon obeïſſance , l'eſtime par- ticuliere qu'elle avoit pour luy,
s'il pouvoit trouver moyen de luy faire ordonner par fon Pere de le regarder comme unHom- me qu'il luy vouloit donner pour Mary. Que de joye pour le Cavalier ! Il avoit des Alliances fort confiderables , &
ménageoit une Perſonne d'au- torité pour l'engager à venir
144 LE MERCVRE
faire la propoſition pour luy ,
quand il apprend de la Belle que ſon Pere la marioit à un Gentilhome fort richequ'il luy avoit déja amené; que les Arti- cles eſtoient arreftez , & qu'il s'en eſtoit expliqué avec elle d'une maniere ſi impérieuſe ,
qu'elle ne voyoit pas de jour à
ſe pouvoir diſpenſer de luy obeïr. Sa douleur eſt auſſi gran- de que ſa ſurpriſe. Il la conjure d'apporter à ſon malheur tous les retardemens qu'elle pour- roit , tandis que de fon coſté il mettroit tout en uſage pour l'empeſeher. Les témoignages
qu'ils ſe donnent de leurdéplai- fir font interrompus par l'arri- vée de l'Amant choify. Comme il eſtoit naturellement jaloux il obſerve le Cavalier , & trouve
dansſonchagrinje ne ſçayquoy
de
GALANT. 1451 de ſuſpect qui l'oblige àſe faire l'Eſpion de ſa Maiſtreſſe. Il la fuit par tout , & fe rend chez
elle tous les jours de fi bonne .
heure , que le Cavalier aimé ne peut plus trouver moyen de l'entretenir. Il cacheledeſeſpoir
où cet embarras le met, & la Muſique eſtant le pretexte de ſes vifites , il tâche d'éblouir ſon
Rival, encontinuant à luy faire chanter à elle & à ſes Amies,
tous les endroitsqu'elles ſçavent
desOpéra Quelquesjours apres ne pouvant venir à bout de trouver un momentde teſte- àteſte pourſçavoir ſes ſentimens,
il eſſaye un ſtratagême pareil à
celuy de l'Amant du Malade Imaginaire. Il feint que le fa- meux Lambert a fait unAir à
deuxParties que peu de PerſonG
כִּי
146 LE MERCVRE.
nés ont encor veu , &parle fur tout d'un Helas qui a quelque choſe de fort touchant quand la Baffe & le Deſſus ſont meflez enſemble. L'Air&les Paro- les estoient de luy,&le tour ſe
rapportoit àl'eftat preſent de ſa fortune. La Belle qui comme je vous ay deja dit avoit une par- faite connoiffance de la Mufique , demande à voir cet Air fi
touchant, & s'offre en meſine
temps à le chanter avec luy. II.
eſtoit fait furces Paroles.
Ievousd'aydit centfois,belle Iris , je vousaime ;
Comme voftre beauté , mon amour est
extréme 1
Maisje crains un Rival charmé devos
appast emp suis bi Vous pâliffez,Iris; l'aimeriez- vous?
GALANT. 147LI T
de
L'AmantMuficien avoit trouvé
des cheutes fi heureuſes dans la
répétition de cet Helas, que la Belle qui avoit commencé à
chanter ſans s'appercevoir du
miſtere , comprit bientoſt à la maniere tendre &languiſſante dont il attachoit ſes regards ſur elle,qu'il la conjuroitde luy ap- prendre ce qu'elle luy permet- toit d'eſperer. La douleur ſe voir contrainte de ſacrifier
fon amour àfon devoir ,la ſaiſit
tout-à-coup fi fortement,qu'elle perd la voix , tombe évanoüye,
&luy fait connoiſtre par cet ac- cident que fon malheur ne luy eſt pas moins ſenſible qu'àbuy.
C'eſt alors qu'il ne peut plus garder de mefures. L'envie de fecourir ſa belle Maiſtreſſe , le fait agir en Amant paffionné. IF Gij
148 LE MERCVRE
:
court , il va , revient , ſe met à
genoux devant elle , la prie de l'entendre , &ſemble mourir de T'apprehenfion qu'il a de ſa mort. SonRivalqui ne peut plus douter de fon amour , en eſt ja- louxdans l'excés , & le devient
encordavantage , quandla Bel- le commençant à ouvrir les yeux , prononce fon nom , &
demande triſtement s'il eſt par- ty. Il ſe plaint au Pere , en ob- tientle banniſſement du Muficien, le fait ſignifier à ſa Mai- ſtreffe ,&croit le triompheaf- ſurépourluy; mais le Pere em- ploye inutilement ſon autorité.
La Fille ſe révolte , prend pour outrage les défiances de l'A- mant qu'elle veut qu'il épouſe,
&ſous pretexte de luy laiſſer plus de temps à examiner ſa
GALANT 149 conduite, elle recule ſon Mariaged'un mois entier , pendant le- quel elle veutqu'il la voye vivre avec celuy qui luy fait ombra- ge, afin qu'il ſe gueriſſe de ſes injuftes ſoupçons , ouqu'il rom- pe avec elle , s'il la croit inca- pable de le rendre heureux.
-Ainſi les viſites continuent; &
*comme les deux Amans ne
cherchent qu'à dégoûter l'En- nemy de leur bonheur, ils ne ménagent plus ſa jaloufie , &
ſe vangentde l'inquietude qu'il leur donne par les méchantes heures qu'ilsluy font paſſer. Le hazard contribuë à leur en
fournir les occafions. Le Muſicienqui venoittoûjours chan- ter avec la Belle , luy avoit re-- cité des Vers aſſez agreables.
Elle en demande une copie.
Giij
SSO LE MERCVRE L'Amour eft induſtrieux , il ſe fait apporter de quoy écrire,
changeles Vers enbonneProfe bien fignificative, luy explique de la manieredu mondela plus touchante ce que ſa paſſion luy fait fouffrir , luy met ce qu'il a
écrit entre les mains , &la con- jure de luy dire fans déguiſe- ment fi ce quiaeu quelquegra- cedans ſa bouche , luy en pa- roift conferver fur le papier.
Elle lit, foûrit , montre de la
joye , & ne peut affez exagerer les nouvelles beautez que la
lecture luy a fait découvrirdans cet ouvrage. L'Amant jaloux ,
qui estoit veritablement amou-
-reux &gardien perpetuel de fa Maiſtreſſe , ne s'accommode
point de cette écriture. Il de- mandeà lire les Vers , on le re2
i
GALANT. 151 fuſe. Il y ſoupçonne du miftere,
&ce qui le convaincqu'il y en a, c'eſt que ſon Rival s'eſtant ſervy le lendemain du meſme artifice , & n'ayant à donner que la copie d'un Sonnet , il luy voit écrire plus de vingt lignes,
&remarque qu'elles font tou- tes continuées , au lieu que les Versſont ouplus courts ouplus longs ſelon le nombre des let- tres qui entrent dans les mots qui les compoſent. Il acheve de perdre patience en voyant prendre la plume à ſa Maiſtref- ſe. Elle écrit un aſſez longBil- let , le cachete , le donne à fon
Rival , commedevanteſtre ren- du à quelqu'une de ſes Amies,
&le prie de luy en apporter la réponſe le lendemain. Jugez de la joyede l'un , & du deſeſpoir
152 LE MERCVRE de l'autre. L'Amant aimé qui nedoute pas que la Belle n'ait répondupar ceBillet à fon Son- net metamorphofé , brûle d'im- patiencede le lire. Il fort. Son Rivalfortdans le meſmetemps,
le fuit , &l'ayantjoint dans une Ruë où il paſſoit fort peu de monde, il luy demande fiere- ment à voir le Biller. Ces gages de l'amour d'une Maiſtreſſe ne
s'abandonnent jamais qu'avec la vie. Ils mettent l'Epée à la main. La fureur qui anime le Jaloux , ne luy permet point de ſeménager. Il tombe d'une lar- ge bleſſure qu'il reçoit. On la tient mortelle , & cet accident
oblige ſon Rival à ſe cacher.
Voila , Madame, l'état où ſont
àpreſent les choſes. Le Pere fulmine, la Fille proteſte qu'elle
GALANT. 153 ne forcera point ſon inclination pourépouſer un Jaloux qui ne peut que la rendre malheureu- -ſe; & ce queje trouve de fa- cheux dans cette Avanture ,
c'eſt que je ne voy perſonne qui ait lieu d'en eſt
conter dansle mien,une Avanturede Muſiquequi a cauſe de- puis peu de grands embarras à
biendeGens. Un Homme confiderable &par fon bien & par l'employ qu'il a dans la Robe ,
eſtant demeuré veuf depuis quelque temps , avec une Fille unique, n'avoit point de plus fortepaffion que celle de lama- rier. La garde luy en ſembloit dangereuſe , & il croyoit ne pouvoir s'en défaire jamais af- ſez toſt. Ce n'eſt pas qu'elle n'euſt beaucoup de vertu , &
qu'ayant eſté toûjours élevée dans une fort grande modeſtie,
elle ne fuft incapable de man-
GALANT. 139
(
quer à rien de cequ'elle ſe de- voitàelle-meſme; mais une Fille qui a vingt ans , de l'efprit &
de la beauté , n'eſt point faite pour eftre cachée, il y adesme- furesdebien- feance à garder, &
un Pere que les Affairesdu Pu- blic occupent continuellement,
ne sçauroit mieux faire que de remettre en d'autres mains ce
qui court toûjours quelque pé- ril entre les ſiennes. Tant de
vertuqu'il vous plaira,unejeu- ne Perſonneaun cœur, ce cœur peuteſtre ſenſible , &on a d'au- tantplus à craindre qu'il ne le devienne , que l'Eſprit ſe joi- gnant à la Beauté , attire toû- jours force Adorateurs. La De- moiſelle dont jevous parle étoit faite d'une maniere àn'en pas manquer ſi les ſcrupules duPe- ren'yeuſſent mis ordre. Onla
:
140 LE MERCVRE voyoit , on l'admiroit dans les Lieux de devotion où il ne luy pouvoit eftredefendu de ſe mõtrer, mais elle ne recevoit chez
elleaucuneViſite, fi vous exceprezcellesde cinq ou fix Paren- tes ouVoifinesqui luy tenoient cõpagnie avec affez d'affiduité.
Celqu'elle regrettoit le plus des divertiſfemens publics,dont elle ne joüifſoit que par le rapport d'autruy, c'eſtoit Opera. Elle a- -voit la voix fort belle , ſçavoit parfaitement la muſique,&n'ai- -moitrientantqued'entédre bié chanter. Deux ou trois de ſesAmies avoient le méme talent&
la méme inclination , & la plus grande partie du temps qu'elles ſeplaifoient à paffer enſemble,
eſtoit employé à de petits Con- certsde leur façon. L'une d'elles avoit un Frere grandMuficien,
GALANT. 141 &c'eſtoit ſur ſes Leçons qu'el- les apprenoit aux autres ce qu'il yavoit de plus agreable &de plus touchant dans les Opéra.
La Belle brûloit d'envie de le
mettre de leurs Concerts,on luy diſoit mille biés de luy,&il n'en entendoit pas moins dire d'elle à
ſa Scœur. Ainfi ils furent preve- nus d'eſtime l'un pour l'autre avant qu'il leur fut permis deſe connoiſtre, & ladifficulté qu'ils y trouverent leur en augmenta le defir. Onparla au Pere,qui ſe montra plus traitable qu'on ne l'eſperoit.Le pretextede la mufi- que fut le ſeul dont on ſe fervit pourobtenir lapermiſſion qu'on luydemadoit.Il ne voulut point envier à ſa Fille l'unique plaifir qu'il ſçavoit eſtre capablede la toucher ; & le Cavalier ne luy paroiſſant point d'une Fortune
142 LE MERCVRE
àformer des pretétions d'allian- ce, il confentit à la priere que fa Sœur luy avoit faite, de trouver bon qu'elle l'amenaft.Ils ſe virét donc, ils ſe parlerent,ils chante- rent , &fans s'eſtre apperceus qu'ils euffent commencéà s'ay- mer, ils ſentirenten peu de téps qu'ils s'aymoient. Iln'yavoitrien quede tendre dans les Airs que
le Cavalier venoit apprendre àla Belle ; il les chantoit tendrement , & à force de les luy faire chanter de meſme , il mit
dans ſon ame des diſpoſitions favorables à bien recevoir la
declaration qu'ilſe hazarda enfin à luy faire. Ses regards a- voient parlé avant luy , & ils avoient eſté entendus fans que les Amiesde la Belle en euffent
penetré le ſecret. Elles impu- toient au feul deſſein d'animer
GALANT. 143 les parolesqu'il chantoit, ce qui eſtoit une explication paffion- née des ſentimens de ſon cœur,
Il trouva enfin l'occaſion d'un
teſte- à- tefte. Il ne la laiſſa pas échaper, & il employa des ter- mes ſi touchans , àfaire connoî tre toute la force de ſon amour
à la charmante Perſonne qui le cauſoit , qu'elle ne pût ſe défendre de luy dire qu'il re marqueroit par la promptitude de fon obeïſſance , l'eſtime par- ticuliere qu'elle avoit pour luy,
s'il pouvoit trouver moyen de luy faire ordonner par fon Pere de le regarder comme unHom- me qu'il luy vouloit donner pour Mary. Que de joye pour le Cavalier ! Il avoit des Alliances fort confiderables , &
ménageoit une Perſonne d'au- torité pour l'engager à venir
144 LE MERCVRE
faire la propoſition pour luy ,
quand il apprend de la Belle que ſon Pere la marioit à un Gentilhome fort richequ'il luy avoit déja amené; que les Arti- cles eſtoient arreftez , & qu'il s'en eſtoit expliqué avec elle d'une maniere ſi impérieuſe ,
qu'elle ne voyoit pas de jour à
ſe pouvoir diſpenſer de luy obeïr. Sa douleur eſt auſſi gran- de que ſa ſurpriſe. Il la conjure d'apporter à ſon malheur tous les retardemens qu'elle pour- roit , tandis que de fon coſté il mettroit tout en uſage pour l'empeſeher. Les témoignages
qu'ils ſe donnent de leurdéplai- fir font interrompus par l'arri- vée de l'Amant choify. Comme il eſtoit naturellement jaloux il obſerve le Cavalier , & trouve
dansſonchagrinje ne ſçayquoy
de
GALANT. 1451 de ſuſpect qui l'oblige àſe faire l'Eſpion de ſa Maiſtreſſe. Il la fuit par tout , & fe rend chez
elle tous les jours de fi bonne .
heure , que le Cavalier aimé ne peut plus trouver moyen de l'entretenir. Il cacheledeſeſpoir
où cet embarras le met, & la Muſique eſtant le pretexte de ſes vifites , il tâche d'éblouir ſon
Rival, encontinuant à luy faire chanter à elle & à ſes Amies,
tous les endroitsqu'elles ſçavent
desOpéra Quelquesjours apres ne pouvant venir à bout de trouver un momentde teſte- àteſte pourſçavoir ſes ſentimens,
il eſſaye un ſtratagême pareil à
celuy de l'Amant du Malade Imaginaire. Il feint que le fa- meux Lambert a fait unAir à
deuxParties que peu de PerſonG
כִּי
146 LE MERCVRE.
nés ont encor veu , &parle fur tout d'un Helas qui a quelque choſe de fort touchant quand la Baffe & le Deſſus ſont meflez enſemble. L'Air&les Paro- les estoient de luy,&le tour ſe
rapportoit àl'eftat preſent de ſa fortune. La Belle qui comme je vous ay deja dit avoit une par- faite connoiffance de la Mufique , demande à voir cet Air fi
touchant, & s'offre en meſine
temps à le chanter avec luy. II.
eſtoit fait furces Paroles.
Ievousd'aydit centfois,belle Iris , je vousaime ;
Comme voftre beauté , mon amour est
extréme 1
Maisje crains un Rival charmé devos
appast emp suis bi Vous pâliffez,Iris; l'aimeriez- vous?
GALANT. 147LI T
de
L'AmantMuficien avoit trouvé
des cheutes fi heureuſes dans la
répétition de cet Helas, que la Belle qui avoit commencé à
chanter ſans s'appercevoir du
miſtere , comprit bientoſt à la maniere tendre &languiſſante dont il attachoit ſes regards ſur elle,qu'il la conjuroitde luy ap- prendre ce qu'elle luy permet- toit d'eſperer. La douleur ſe voir contrainte de ſacrifier
fon amour àfon devoir ,la ſaiſit
tout-à-coup fi fortement,qu'elle perd la voix , tombe évanoüye,
&luy fait connoiſtre par cet ac- cident que fon malheur ne luy eſt pas moins ſenſible qu'àbuy.
C'eſt alors qu'il ne peut plus garder de mefures. L'envie de fecourir ſa belle Maiſtreſſe , le fait agir en Amant paffionné. IF Gij
148 LE MERCVRE
:
court , il va , revient , ſe met à
genoux devant elle , la prie de l'entendre , &ſemble mourir de T'apprehenfion qu'il a de ſa mort. SonRivalqui ne peut plus douter de fon amour , en eſt ja- louxdans l'excés , & le devient
encordavantage , quandla Bel- le commençant à ouvrir les yeux , prononce fon nom , &
demande triſtement s'il eſt par- ty. Il ſe plaint au Pere , en ob- tientle banniſſement du Muficien, le fait ſignifier à ſa Mai- ſtreffe ,&croit le triompheaf- ſurépourluy; mais le Pere em- ploye inutilement ſon autorité.
La Fille ſe révolte , prend pour outrage les défiances de l'A- mant qu'elle veut qu'il épouſe,
&ſous pretexte de luy laiſſer plus de temps à examiner ſa
GALANT 149 conduite, elle recule ſon Mariaged'un mois entier , pendant le- quel elle veutqu'il la voye vivre avec celuy qui luy fait ombra- ge, afin qu'il ſe gueriſſe de ſes injuftes ſoupçons , ouqu'il rom- pe avec elle , s'il la croit inca- pable de le rendre heureux.
-Ainſi les viſites continuent; &
*comme les deux Amans ne
cherchent qu'à dégoûter l'En- nemy de leur bonheur, ils ne ménagent plus ſa jaloufie , &
ſe vangentde l'inquietude qu'il leur donne par les méchantes heures qu'ilsluy font paſſer. Le hazard contribuë à leur en
fournir les occafions. Le Muſicienqui venoittoûjours chan- ter avec la Belle , luy avoit re-- cité des Vers aſſez agreables.
Elle en demande une copie.
Giij
SSO LE MERCVRE L'Amour eft induſtrieux , il ſe fait apporter de quoy écrire,
changeles Vers enbonneProfe bien fignificative, luy explique de la manieredu mondela plus touchante ce que ſa paſſion luy fait fouffrir , luy met ce qu'il a
écrit entre les mains , &la con- jure de luy dire fans déguiſe- ment fi ce quiaeu quelquegra- cedans ſa bouche , luy en pa- roift conferver fur le papier.
Elle lit, foûrit , montre de la
joye , & ne peut affez exagerer les nouvelles beautez que la
lecture luy a fait découvrirdans cet ouvrage. L'Amant jaloux ,
qui estoit veritablement amou-
-reux &gardien perpetuel de fa Maiſtreſſe , ne s'accommode
point de cette écriture. Il de- mandeà lire les Vers , on le re2
i
GALANT. 151 fuſe. Il y ſoupçonne du miftere,
&ce qui le convaincqu'il y en a, c'eſt que ſon Rival s'eſtant ſervy le lendemain du meſme artifice , & n'ayant à donner que la copie d'un Sonnet , il luy voit écrire plus de vingt lignes,
&remarque qu'elles font tou- tes continuées , au lieu que les Versſont ouplus courts ouplus longs ſelon le nombre des let- tres qui entrent dans les mots qui les compoſent. Il acheve de perdre patience en voyant prendre la plume à ſa Maiſtref- ſe. Elle écrit un aſſez longBil- let , le cachete , le donne à fon
Rival , commedevanteſtre ren- du à quelqu'une de ſes Amies,
&le prie de luy en apporter la réponſe le lendemain. Jugez de la joyede l'un , & du deſeſpoir
152 LE MERCVRE de l'autre. L'Amant aimé qui nedoute pas que la Belle n'ait répondupar ceBillet à fon Son- net metamorphofé , brûle d'im- patiencede le lire. Il fort. Son Rivalfortdans le meſmetemps,
le fuit , &l'ayantjoint dans une Ruë où il paſſoit fort peu de monde, il luy demande fiere- ment à voir le Biller. Ces gages de l'amour d'une Maiſtreſſe ne
s'abandonnent jamais qu'avec la vie. Ils mettent l'Epée à la main. La fureur qui anime le Jaloux , ne luy permet point de ſeménager. Il tombe d'une lar- ge bleſſure qu'il reçoit. On la tient mortelle , & cet accident
oblige ſon Rival à ſe cacher.
Voila , Madame, l'état où ſont
àpreſent les choſes. Le Pere fulmine, la Fille proteſte qu'elle
GALANT. 153 ne forcera point ſon inclination pourépouſer un Jaloux qui ne peut que la rendre malheureu- -ſe; & ce queje trouve de fa- cheux dans cette Avanture ,
c'eſt que je ne voy perſonne qui ait lieu d'en eſt
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Résumé : Avanture de Musique. [titre d'après la table]
Le texte relate une aventure musicale impliquant un homme respectable et sa fille unique, âgée de vingt ans, vertueuse et belle. Le père, occupé par ses affaires publiques, souhaite la marier mais craint les dangers de la garde de sa fille. Elle est admirée dans les lieux de dévotion mais ne reçoit que des visites de parents ou voisins fidèles. Sa passion secrète est l'opéra et la musique, qu'elle pratique avec quelques amies. L'une de ces amies a un frère musicien qui donne des leçons aux jeunes filles. La fille du narrateur et le musicien développent une estime mutuelle avant même de se rencontrer. Le père, après avoir été sollicité, accepte que le musicien vienne donner des leçons à sa fille. Ils tombent amoureux lors de ces rencontres musicales. Le musicien déclare son amour à la jeune fille, qui accepte de l'épouser à condition qu'il obtienne l'accord de son père. Cependant, le père annonce à sa fille qu'il la marie à un gentilhomme riche. Le musicien, désespéré, tente de retarder l'événement. Le nouveau fiancé, jaloux, surveille la jeune fille et interdit les visites du musicien. Ce dernier utilise un stratagème pour déclarer son amour à la jeune fille en composant un air musical avec des paroles explicites. La jeune fille, émue, s'évanouit. Le père, informé de la situation, bannit le musicien. La fille, révoltée, refuse d'épouser le gentilhomme jaloux et décide de vivre avec le musicien pour prouver son innocence. Les deux amants continuent de se voir, exacerbant la jalousie du gentilhomme. Un duel s'ensuit, lors duquel le gentilhomme est gravement blessé. Le musicien doit se cacher, laissant la situation en suspens.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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34
p. 163-165
AIR NOUVEAU.
Début :
Apres le bruit des armes que la Relation qui vient /Ah, que je sens d'inquietude ! [...]
Mots clefs :
Inquiétude, Solitude, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
as.
:
a
Apres le bruitdes armesque la Relation qui vient de vous occuper , vous doit avoir fait entendre, il eſt bon d'en faire fuivreunplus doux , la Mufique me le fournira , & vous pourrez vous délafſer agerablement de la Guerre , en chantant ce que je vous envoye. C'est un grand Airde la compoſition de m' de laTour. Vous ſçavez dansquel le eſtime il eſt parmy tous les.
Connoiffeurs ; mais avant que devous attacher àla Note , eха
minez les Paroles ſur lesquelles
GALAN T. 107 il a travaillé. Elles ſont d'une
Perſonne qui eſt au deſſus de
toute forte de loüanges. Le nom de Madame des Houlieres vous
enfera demeurer d'accord
AIR NOUVEAULYON
jeſens d'inquietude!
Aque Que j'ayje *1893*
de mouvemensqui m'e- ſtoient inconnus !
Més tranquilles plaisirs ,qu'eſtes- vous devenus?
Ie cherche en vain lafolitude.
•D'où viennent ces chagrins , ces mortel.
les langueurs ?
Qu'est-ce qui fait couler mespleurs Avec tant d'amertume &tant de vio
lence ?
De tout ce que je fais mon cœur n'est
pointcontent..
tant
Helas! cruel Amour que je méprifois
Ces mauxne font-ils,point l'effet de tà
vengeance ?!
E
:
a
Apres le bruitdes armesque la Relation qui vient de vous occuper , vous doit avoir fait entendre, il eſt bon d'en faire fuivreunplus doux , la Mufique me le fournira , & vous pourrez vous délafſer agerablement de la Guerre , en chantant ce que je vous envoye. C'est un grand Airde la compoſition de m' de laTour. Vous ſçavez dansquel le eſtime il eſt parmy tous les.
Connoiffeurs ; mais avant que devous attacher àla Note , eха
minez les Paroles ſur lesquelles
GALAN T. 107 il a travaillé. Elles ſont d'une
Perſonne qui eſt au deſſus de
toute forte de loüanges. Le nom de Madame des Houlieres vous
enfera demeurer d'accord
AIR NOUVEAULYON
jeſens d'inquietude!
Aque Que j'ayje *1893*
de mouvemensqui m'e- ſtoient inconnus !
Més tranquilles plaisirs ,qu'eſtes- vous devenus?
Ie cherche en vain lafolitude.
•D'où viennent ces chagrins , ces mortel.
les langueurs ?
Qu'est-ce qui fait couler mespleurs Avec tant d'amertume &tant de vio
lence ?
De tout ce que je fais mon cœur n'est
pointcontent..
tant
Helas! cruel Amour que je méprifois
Ces mauxne font-ils,point l'effet de tà
vengeance ?!
E
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Résumé : AIR NOUVEAU.
Le texte décrit une transition de la guerre vers une œuvre musicale plus apaisante. L'auteur mentionne un air composé par Monsieur de la Tour, apprécié par tous les connaisseurs. Avant de se concentrer sur la musique, il invite à examiner les paroles, écrites par Madame des Houlières, dont le talent est largement reconnu. L'air intitulé 'AIR NOUVEAU LYON' exprime des sentiments d'inquiétude et de confusion. Le narrateur ressent des émotions intérieures nouvelles et cherche en vain la tranquillité. Il s'interroge sur l'origine de ses chagrins et de ses larmes amères. Malgré ses efforts, son cœur ne trouve pas de contentement. Il se demande si ces maux ne sont pas la vengeance de l'amour qu'il méprisait.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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35
p. 26-27
AIR NOUVEAU.
Début :
Quelque agreable Chanson que la Musete fasse ressentir, elle aura / Le coeur tout déchiré par un secret martyre, [...]
Mots clefs :
Coeur, Tendresse, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR NOUVEAU.
uelque agreable Chanfon quela Mufete faſſe retentir , elle aura peine à
égaler ces belles Paroles de
l'incomparable Madame
Deshoulieres. Elles ont
efté mifes en Air par un
Homme de qualité de fes
Amis. Vous m'en ferez
fçavoir voftre fentiment
quand vous enaurez appris
la Note,
GALANT: 27
AIR NOUVEAU.
E cœur tout déchiréparunfecret
martyre,
Je nedemandepoint, Amour,
Quefouston tyrannique empire
L'infenfible Tirfis s'engage quelquejour.
Pourpunirfon ame orgueilleuse
Del'eternel affront qu'ilfait à mes
attraits,
N'arme point contre luy ta main
victorieufes
Sa tendreſſe pour moy feroit plus
dangereuse
Que tousles mauxque tu mefais.
égaler ces belles Paroles de
l'incomparable Madame
Deshoulieres. Elles ont
efté mifes en Air par un
Homme de qualité de fes
Amis. Vous m'en ferez
fçavoir voftre fentiment
quand vous enaurez appris
la Note,
GALANT: 27
AIR NOUVEAU.
E cœur tout déchiréparunfecret
martyre,
Je nedemandepoint, Amour,
Quefouston tyrannique empire
L'infenfible Tirfis s'engage quelquejour.
Pourpunirfon ame orgueilleuse
Del'eternel affront qu'ilfait à mes
attraits,
N'arme point contre luy ta main
victorieufes
Sa tendreſſe pour moy feroit plus
dangereuse
Que tousles mauxque tu mefais.
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Résumé : AIR NOUVEAU.
Le texte évoque une chanson intitulée 'Galant', dont les paroles sont attribuées à Madame Deshoulières et mises en musique par un ami. La chanson exprime une douleur amoureuse, avec un cœur déchiré par un secret martyre. Le narrateur préfère endurer cette souffrance plutôt que risquer la tendresse de l'être aimé, jugée plus dangereuse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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36
p. 296-298
REPONSE DE GRISETTE A TATA.
Début :
Comment osez.vous me conter [...]
Mots clefs :
Amour, Chatte, Coeur, Maîtresse
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE DE GRISETTE A TATA.
REPONSE
DE GRISETTE.
A TATA.
cOmment oft.-OU.s¡n conter
Lespertes que nom avezfaites?
En amour ccjlmal débuter,
Et je ne flot) que moy qui voulust
écouter
Vnpareil(jonteur defleurettes. Ifa!fy(diroientnonchalamment
rn tas de Chattesprétieuses)
Fy,mes Cheres, d'un telAmant;
Crsij'ose, TAt¡t, vousparler librement,
Chattes aux airspanchez font lesplus
amoureuses.
Mdthcurchez,elles auxMatous
AuJJï disgraciezquevous.
Tour moy qu'un heureux sortfit
naiflre tendre sage,
le "rous quitte aisémentdessolides
plaisirs.
jFdifom de nostreamourunplusgalant
Il cft un
c
harmant badinage
Qui ne taritjamais lasource desdesîrs.
Jerenoncepour vous à toutes les GouttiereSy
Où(joit dit en pdrint)je riayjamais
esté.
le fuis de ces MinetteslÙres
Quidonnent auxgrands airs, aux galantes maniérés.
I-feLti! ce futpar L; que mon cœurfut
tenté.
Quandj'appris ce qu'avoit contê
De yos appas, de vostre adresse,
Jrcjlre incomparable Maistresse,
Depuis ce dangereux moment,
PLine de vous autant qu'on lepeut
estre,
le fis dessein de vousfaire connoistre
Par un doucereux compliment,
L'amour que dans mon cœur ce recit
afait naistre. ( 7rers
Vous mavezconfirmépar d'agréailes
Tout ce qu'on m'avoit ditde vos charmes divers.
.A[a,ç:rto,/lÎe fllfte tr:p.?fje,
Onyvoit, cher Tata,briller un air
galant.
Lesmiensrépondrontmal à leur dêlicatesse,
Ecrire bienn'estpas nostretalent.
Ilestrare,diton, parmy les sommes
mesine.
Mais dequoyvais-je m'allarmer?
Vousyverrez que je yous aime,
C'est assez pour quisçait aimer.
DE GRISETTE.
A TATA.
cOmment oft.-OU.s¡n conter
Lespertes que nom avezfaites?
En amour ccjlmal débuter,
Et je ne flot) que moy qui voulust
écouter
Vnpareil(jonteur defleurettes. Ifa!fy(diroientnonchalamment
rn tas de Chattesprétieuses)
Fy,mes Cheres, d'un telAmant;
Crsij'ose, TAt¡t, vousparler librement,
Chattes aux airspanchez font lesplus
amoureuses.
Mdthcurchez,elles auxMatous
AuJJï disgraciezquevous.
Tour moy qu'un heureux sortfit
naiflre tendre sage,
le "rous quitte aisémentdessolides
plaisirs.
jFdifom de nostreamourunplusgalant
Il cft un
c
harmant badinage
Qui ne taritjamais lasource desdesîrs.
Jerenoncepour vous à toutes les GouttiereSy
Où(joit dit en pdrint)je riayjamais
esté.
le fuis de ces MinetteslÙres
Quidonnent auxgrands airs, aux galantes maniérés.
I-feLti! ce futpar L; que mon cœurfut
tenté.
Quandj'appris ce qu'avoit contê
De yos appas, de vostre adresse,
Jrcjlre incomparable Maistresse,
Depuis ce dangereux moment,
PLine de vous autant qu'on lepeut
estre,
le fis dessein de vousfaire connoistre
Par un doucereux compliment,
L'amour que dans mon cœur ce recit
afait naistre. ( 7rers
Vous mavezconfirmépar d'agréailes
Tout ce qu'on m'avoit ditde vos charmes divers.
.A[a,ç:rto,/lÎe fllfte tr:p.?fje,
Onyvoit, cher Tata,briller un air
galant.
Lesmiensrépondrontmal à leur dêlicatesse,
Ecrire bienn'estpas nostretalent.
Ilestrare,diton, parmy les sommes
mesine.
Mais dequoyvais-je m'allarmer?
Vousyverrez que je yous aime,
C'est assez pour quisçait aimer.
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Résumé : REPONSE DE GRISETTE A TATA.
Dans une lettre d'amour, Grisette s'adresse à Tata, exprimant d'abord son regret des pertes subies par cette dernière et son désir de lui parler librement. Grisette affirme que les chattes aux airs penchés sont les plus amoureuses et qu'elle a choisi de quitter des plaisirs solides pour un amour plus galant et un badinage charmant. Elle renonce pour Tata à toutes les gouttières où elle n'a jamais été et fuit les minettes légères. Grisette révèle que son cœur a été tenté après avoir entendu parler des appas et de l'adresse de Tata. Depuis, elle a décidé de lui faire connaître son amour par un compliment doux. Tata a confirmé les charmes divers qu'on lui avait décrits, et Grisette a vu briller un air galant en elle. Bien que Grisette reconnaisse que ses lettres ne sont pas délicates, elle assure à Tata qu'elle l'aime, ce qui suffit pour être aimée en retour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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37
p. 302-305
DOM GRIS, CHAT DE MADAME la Duchesse de Béthune, A GRISETTE.
Début :
Grisette, sçavez-vous qui vous parle d'amour ? [...]
Mots clefs :
Chat, Amour, Cour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DOM GRIS, CHAT DE MADAME la Duchesse de Béthune, A GRISETTE.
DOMGRIS
CHAT DE MADAME
la Duchesse deBéthune,
A GRISETTE.
Gt.riJrtte,sçavez-vousqui yous
p..rrlo dst;t;our.p
Qui '1 ous cherchezdepuis anj<wr?
£'ejli."?i Chat acc¡jl'{y,pltt' beau '/1:11
Chat d C;/'f.'Jé:,
Vu (fhit qu'tvcsjjamivzntla Fortune
accompagne,
¿;(¿:iflftù admirer des Chattesde la
Çour»
Voilace qu'ilvous faut, nonpas ce
-
Chat/,---'vd.e,,
Ce Tata, qui languitaumilieu des
plaisirs,
.fl.!!,i ne sçauroitauplus aller au badinage,
Qui nesçauroitjamais contenter vos
desirs,
et qui mourroit defaimsur un tas de
F"romage.
£erieftpa* apres tout, qu'ilnepuisse
amuser,
Qu'ilnesoitpropre à quelquechose,
Comme defeu Bertaud on pouroit en user
Mais qu'en sif»- 6!,du btau chbelllin emiiv oJIrt: Y-0flre
amourse repojfet)
Quoy que 'ÿDItS en disiez, on ne "vous
croirapas.
Pour vouscroire une Chatte àsimaigres ébats,
Surquoy yotde~yvousqu'onfcfonde?
Sur vospeu de b soins ? }TOIlJ vous moquez du monde.
A d'autres;
c'est troploin pousser le
prétieux.
Ce n'estpas avec moyqu'ilfaut qu'on
dissimule,
-
Aussi-bien aVe^yous -rotes des ycu,r des yeux
A détromperleplus credule.
GardezpourcesjeunesChattons
Qui ne vont encor qu'à tâtons,
D'unefaussevertule rusépréambule;
Ne tournezpoint en ridicule
Ces ahfy, ces airs nonchalans,
Qui cachent quelquefois des desirs violens.
Loin de les condamner, je blâme les
manieres
Des Chattes qui d'abordnousdisent mia-ou.
Depuis quepour la Courj'ay quitté les
Gouttieres,
Ie md/rift beaucoup unprocédéfîfou.
ToutAiïatou que jeftiis,j'ay l'ame
délicate,
le yeux qu'en certain temps on donne
de 1ftpatte,
Et je n'aimeroispas qu'on me sautast
aucou;
Mais defaire la Chatte-mite,
D'affectercomevous un minoissérieux,
Tandis que nous sçavons qu'Amour
voussollicite,
Et quÀ de certains Chats vous faites
les douxyeux,
Ievous ledis toutnet,Grisette,j'aime
Vnefollequ'une hypocrite.(mieux
Mettez-vousavecmoydessusunautre
pil,
Si vous voulez longtempsgarder vostre
conqueste,
Iesuis un Coureur de Clapié;
Cbllt qui prenddes Lapins, nepasse
pas pourbeste.
Adieujusqu'aupremierSabat,
C'estlà quej'attendray réponseàcette
Lettre
Et que vous connoistre sije livre
combat,
Que je sçay plus tenir que je ne frit; promettre
CHAT DE MADAME
la Duchesse deBéthune,
A GRISETTE.
Gt.riJrtte,sçavez-vousqui yous
p..rrlo dst;t;our.p
Qui '1 ous cherchezdepuis anj<wr?
£'ejli."?i Chat acc¡jl'{y,pltt' beau '/1:11
Chat d C;/'f.'Jé:,
Vu (fhit qu'tvcsjjamivzntla Fortune
accompagne,
¿;(¿:iflftù admirer des Chattesde la
Çour»
Voilace qu'ilvous faut, nonpas ce
-
Chat/,---'vd.e,,
Ce Tata, qui languitaumilieu des
plaisirs,
.fl.!!,i ne sçauroitauplus aller au badinage,
Qui nesçauroitjamais contenter vos
desirs,
et qui mourroit defaimsur un tas de
F"romage.
£erieftpa* apres tout, qu'ilnepuisse
amuser,
Qu'ilnesoitpropre à quelquechose,
Comme defeu Bertaud on pouroit en user
Mais qu'en sif»- 6!,du btau chbelllin emiiv oJIrt: Y-0flre
amourse repojfet)
Quoy que 'ÿDItS en disiez, on ne "vous
croirapas.
Pour vouscroire une Chatte àsimaigres ébats,
Surquoy yotde~yvousqu'onfcfonde?
Sur vospeu de b soins ? }TOIlJ vous moquez du monde.
A d'autres;
c'est troploin pousser le
prétieux.
Ce n'estpas avec moyqu'ilfaut qu'on
dissimule,
-
Aussi-bien aVe^yous -rotes des ycu,r des yeux
A détromperleplus credule.
GardezpourcesjeunesChattons
Qui ne vont encor qu'à tâtons,
D'unefaussevertule rusépréambule;
Ne tournezpoint en ridicule
Ces ahfy, ces airs nonchalans,
Qui cachent quelquefois des desirs violens.
Loin de les condamner, je blâme les
manieres
Des Chattes qui d'abordnousdisent mia-ou.
Depuis quepour la Courj'ay quitté les
Gouttieres,
Ie md/rift beaucoup unprocédéfîfou.
ToutAiïatou que jeftiis,j'ay l'ame
délicate,
le yeux qu'en certain temps on donne
de 1ftpatte,
Et je n'aimeroispas qu'on me sautast
aucou;
Mais defaire la Chatte-mite,
D'affectercomevous un minoissérieux,
Tandis que nous sçavons qu'Amour
voussollicite,
Et quÀ de certains Chats vous faites
les douxyeux,
Ievous ledis toutnet,Grisette,j'aime
Vnefollequ'une hypocrite.(mieux
Mettez-vousavecmoydessusunautre
pil,
Si vous voulez longtempsgarder vostre
conqueste,
Iesuis un Coureur de Clapié;
Cbllt qui prenddes Lapins, nepasse
pas pourbeste.
Adieujusqu'aupremierSabat,
C'estlà quej'attendray réponseàcette
Lettre
Et que vous connoistre sije livre
combat,
Que je sçay plus tenir que je ne frit; promettre
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Résumé : DOM GRIS, CHAT DE MADAME la Duchesse de Béthune, A GRISETTE.
Dans une lettre adressée à Grisette, Domgris s'enquiert de l'identité de son prétendant et la met en garde contre les chats insincères. Il critique ceux qui cachent leurs véritables intentions sous des apparences nonchalantes et hypocrites. Domgris valorise la franchise et la sincérité, se présentant comme un chat expérimenté. Il avertit Grisette des dangers de l'hypocrisie et lui conseille de modifier son comportement pour mieux conserver ses conquêtes. Il l'invite à lui répondre lors du prochain Sabbat.
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38
p. 306-311
MITIN, CHAT DE Mlle BOQUET, A GRISETTE.
Début :
Grisette, vous faites du bruit, [...]
Mots clefs :
Bruit, Amour, Souris, Chat, Maîtresse, Galant
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : MITIN, CHAT DE Mlle BOQUET, A GRISETTE.
MITIfTNl)
CHAT DE MlleBOQUET,
A GRISETTE.
G7?!f'tte,Vousfaitesdubruit,
Non de en bruit quefontd>'.r£tlan
Les AU:-'-testropamoureuses,-
C'esi' un bruitquelagloire fuity
Et quefont
en tout temps prétieuses. les Chattes
o bruit eft*tenujufqt:à moy,
-
Il a
troublé masolitude;
l'e yiyo/i libre, exempt de l'amoureuse
loy,
Etjefinsde l'inquiétude.
lime revient de tous costez
gvcyous avez cent raresqualitez
On dit que vous avezle regard doux
(.?" tendre,
et quepour enfaire comprendre
La charmantedouceur, (JF le brillant
éclat,
Vous n),¡)?e'{plU desyeux de Chat.
On dit quela Nature adroite Cg- bienfaisante,
Vous afaitdesa main uneRobe luisante
D'unpetitgris beaucoupplusfin
Que lepetitgris deLapin ;
gue vous ¡¡,,"'e'{ dYeC cent tours d14.
dresse
Chasser lesplusfâcheux ennuis,
Faire des jours heureux, d'agreables nuits
A vostresçavante Maistresse.
On vous voit quelquefoisd'un manege
leger
Sauter, bondir, Cg, voltiger,
Et quelquefois engalante Minete
Vous drejprsur vos piedspour atteindre au Miroir,
Trendreplaisir à vousy voir, Tonfaltervos traitsen illustre Co1
quette,
En Chatted'importance, nonpas en Grisette.
Vousn'aVe^ rien de brutalvde bas.
On ne vous vit jamaissoüiller v os
pates
Innocentes (y* délicates,
Dusangdes Sourisvdes Rats.
En amour vous "t'{ les plusb:!L-$
manieres ;
VousriaUe^pointpar des crisscandaleux
Promenersur les toits la honte de vos
f-u*,
Ny vous livreraux Matous des Gouttieres.
Par un tendre miolement
Vous expliquez vostre tourment,
Etvoussçavezsibien, dans l'ardeur
qui vousprejje
Touchervostre illustre Maiflro/fi,
Qu'elleprendsoin de vosplaifîrs*
Etd'un digneGalantrégalevos desirs.
J'en,pourrois dire davantage
Sur le bruitqu'onfait tous lesjours
De yos charmans appas de yos tendres
amours;
On n'endit que trop, dontj'enrage.
l'enrage de bon cœur, Grisette, quand
jevoy
Tant d'appas tant d'amour, qui ne
sontpas pour moy.
Je sensque le bruit quevousfaites
Allume dans mon cœur des passions
secretes,
Que dans tout lePaïsdesplus tendres
Matous
Il Nulle autre n'allume que vous.
Mais il est temps évidenceenfin de mettre en
Et m':'s talens v mes exploits.
JWrfolitude -9^monsïlence
M'ont oflc- jttfyu'icy l'honneur de
"ro/lr!: choix.
Ilfaut vousfaire ma peinture,
J-^OUJ dire que je suis un Chat des
mieux appris;
C'esttrop languirdasune vie obscure;
Et comme en la nuit tous Chats
sontgris, ilfautmettre aujour mafigure.
J'ay la mine areî. haute, C~ l'airfort
glorieux;
Tantd'eclat brille dans mes yeux,
Qu'onprendmes ardentesprunelles
Pour des Astres ou des Chandelles.
Je ne suis pointsujet aux facheux accidens
Où tombentles Chatsimprudens,
Ma conduite n'a rien de brutal, de
sauvage,
Et je nefis jamais aucun mauvais
usage
De mesgriffes, ny de mesdents,
Quoy que mon sérieux marque trop
dsfaZ*JP>
Et me donne tout l'aird'unsevere
Docteur,
Quandilfautplaire à ma Maistresse,
Jesuis badin,jesuis flateur,
Je la baise,je la (Arejft,
Etlaplus enjoüéevbrillatejeunesse
L'est bien moins que ma belle humeur.
Sf\'e{-"faits de quel air discretv
raisonnable
J'ay mapart dans un bon Repas ?
J'apuye adroitemetma patesurles bras
De ceux quisont assis à table.
Si leurfaim est inéxorable,
Mafaim neserebutepas,
Et d'un air toujours agreable
Je tire du moins charitable
Lesmorceauxlesplus délicats.
/<,uoJ que je fois servy d'une main
liberale, e) Et que jesois un Chat des mieux
nourris,
Je chasse d'une ardeurqui n'eutjamais
d'égale;
JSLUIMatou mieux que moy ne chasse
dans Paris,
Et je prétens qu'un jour mon amour
"fOus régale
D'unebécatomhe de Souris.
CHAT DE MlleBOQUET,
A GRISETTE.
G7?!f'tte,Vousfaitesdubruit,
Non de en bruit quefontd>'.r£tlan
Les AU:-'-testropamoureuses,-
C'esi' un bruitquelagloire fuity
Et quefont
en tout temps prétieuses. les Chattes
o bruit eft*tenujufqt:à moy,
-
Il a
troublé masolitude;
l'e yiyo/i libre, exempt de l'amoureuse
loy,
Etjefinsde l'inquiétude.
lime revient de tous costez
gvcyous avez cent raresqualitez
On dit que vous avezle regard doux
(.?" tendre,
et quepour enfaire comprendre
La charmantedouceur, (JF le brillant
éclat,
Vous n),¡)?e'{plU desyeux de Chat.
On dit quela Nature adroite Cg- bienfaisante,
Vous afaitdesa main uneRobe luisante
D'unpetitgris beaucoupplusfin
Que lepetitgris deLapin ;
gue vous ¡¡,,"'e'{ dYeC cent tours d14.
dresse
Chasser lesplusfâcheux ennuis,
Faire des jours heureux, d'agreables nuits
A vostresçavante Maistresse.
On vous voit quelquefoisd'un manege
leger
Sauter, bondir, Cg, voltiger,
Et quelquefois engalante Minete
Vous drejprsur vos piedspour atteindre au Miroir,
Trendreplaisir à vousy voir, Tonfaltervos traitsen illustre Co1
quette,
En Chatted'importance, nonpas en Grisette.
Vousn'aVe^ rien de brutalvde bas.
On ne vous vit jamaissoüiller v os
pates
Innocentes (y* délicates,
Dusangdes Sourisvdes Rats.
En amour vous "t'{ les plusb:!L-$
manieres ;
VousriaUe^pointpar des crisscandaleux
Promenersur les toits la honte de vos
f-u*,
Ny vous livreraux Matous des Gouttieres.
Par un tendre miolement
Vous expliquez vostre tourment,
Etvoussçavezsibien, dans l'ardeur
qui vousprejje
Touchervostre illustre Maiflro/fi,
Qu'elleprendsoin de vosplaifîrs*
Etd'un digneGalantrégalevos desirs.
J'en,pourrois dire davantage
Sur le bruitqu'onfait tous lesjours
De yos charmans appas de yos tendres
amours;
On n'endit que trop, dontj'enrage.
l'enrage de bon cœur, Grisette, quand
jevoy
Tant d'appas tant d'amour, qui ne
sontpas pour moy.
Je sensque le bruit quevousfaites
Allume dans mon cœur des passions
secretes,
Que dans tout lePaïsdesplus tendres
Matous
Il Nulle autre n'allume que vous.
Mais il est temps évidenceenfin de mettre en
Et m':'s talens v mes exploits.
JWrfolitude -9^monsïlence
M'ont oflc- jttfyu'icy l'honneur de
"ro/lr!: choix.
Ilfaut vousfaire ma peinture,
J-^OUJ dire que je suis un Chat des
mieux appris;
C'esttrop languirdasune vie obscure;
Et comme en la nuit tous Chats
sontgris, ilfautmettre aujour mafigure.
J'ay la mine areî. haute, C~ l'airfort
glorieux;
Tantd'eclat brille dans mes yeux,
Qu'onprendmes ardentesprunelles
Pour des Astres ou des Chandelles.
Je ne suis pointsujet aux facheux accidens
Où tombentles Chatsimprudens,
Ma conduite n'a rien de brutal, de
sauvage,
Et je nefis jamais aucun mauvais
usage
De mesgriffes, ny de mesdents,
Quoy que mon sérieux marque trop
dsfaZ*JP>
Et me donne tout l'aird'unsevere
Docteur,
Quandilfautplaire à ma Maistresse,
Jesuis badin,jesuis flateur,
Je la baise,je la (Arejft,
Etlaplus enjoüéevbrillatejeunesse
L'est bien moins que ma belle humeur.
Sf\'e{-"faits de quel air discretv
raisonnable
J'ay mapart dans un bon Repas ?
J'apuye adroitemetma patesurles bras
De ceux quisont assis à table.
Si leurfaim est inéxorable,
Mafaim neserebutepas,
Et d'un air toujours agreable
Je tire du moins charitable
Lesmorceauxlesplus délicats.
/<,uoJ que je fois servy d'une main
liberale, e) Et que jesois un Chat des mieux
nourris,
Je chasse d'une ardeurqui n'eutjamais
d'égale;
JSLUIMatou mieux que moy ne chasse
dans Paris,
Et je prétens qu'un jour mon amour
"fOus régale
D'unebécatomhe de Souris.
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Résumé : MITIN, CHAT DE Mlle BOQUET, A GRISETTE.
La lettre est adressée par un chat à Grisette, une chatte reconnue pour ses nombreuses qualités. Le narrateur admire Grisette pour son regard doux et tendre, ainsi que pour sa robe grise fine et élégante. Il la décrit comme une compagne agréable, capable de chasser les ennuis et de rendre sa maîtresse heureuse. Grisette est également dépeinte comme une chatte raffinée, évitant les comportements brutaux et indécents, et utilisant des manières tendres et respectueuses en amour. Jaloux des attentions que Grisette reçoit, le narrateur décide de se révéler à elle. Il se décrit comme un chat bien élevé, avec une mine altière et des yeux brillants. Il vante sa conduite sage et son savoir-vivre, notamment lors des repas où il sait se comporter discrètement et obtenir les meilleurs morceaux. Il se présente aussi comme un chasseur exceptionnel, prétendant pouvoir offrir à Grisette une abondance de souris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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39
p. 65-72
ELEGIE.
Début :
Cette Devise ne vous doit pas estre inconnuë, puis que / Genéreux Licidas, Amy sage & fidelle [...]
Mots clefs :
Raison, Amour, Douceurs, Berger, Sagesse, Amants, Ennemis, Esprit, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ELEGIE.
Cette Devise ne vous
doit pas estre inconnuë,
puis que je l'ay fait graver
parmy cellesquiont été faites
pour des Cachets, &qui
sont dans le sixiéme Extra-.-
ordinaire que je vous eiï^
voyayle 15. de ce Mois. Cependant
si vous voulez voir
de quelle maniere en doivent
user les aimables Fieres
qui cherchent à se défendre
d'aimer par raison,
vous n'avez qu'à lire l'E-:
legie qui fuit. Vous y trouverez
une peinture aussi
agréable que délicate, des
sentimens d'une Belle dont
le coeur pourroit devenir
sensible, si elle l'abandonnoit
à son panchant. Je ne
vous puis dire qui la fait
parler, mais je lçay bic4
que peu d'Ouvrages de
cette nature ont d'aussi
grandes beautez.
ELEG 1E.
GEnéreux LicidllJ, Amyfage
1 &fidelie,
Dont l'effrit cfisijufic, & dont
l'ame estsibelle,
Vous, de qui la Raison nefaitplus'
de fauxpas,
Ha,qu'ilvous est aiséde dire, n'aimezpas!
£)uand on connoiifl*Amour, j'es-,
- - caprices,sespeines,
Jguand onfiait comme vousce qti&
pesentseschaînes,
àagcparjes malheurs, on meprijt
aisément
Les douceurs dont ilflate un trop
crédule Amants
Mau quandon n'apointfaitla trifieexpérience
Desjalo/iflsfureurs,deschagrins
de l'absence,
£htepourfiiirefentirde redoutablesfeux
iIll ne ppaarrooii/?fusuinivjyy que ddeesr BRlwû* à*
desJeux,
JOttun coeur reftHe malàfinpou- voirréme!
Jt>ue defoins, que d'effortspour em
pefiherqu'iln'aime!
Jejfay ce qu'ilencou/le, (7ptllfefh&
jamais
JLyJmourn'acontre un coeurémoufi
tant de traits.
Jnfinfiblekl'honneur de fixerun
Volage,
On deforcerd'aimer.l'Ame la plus
sauvage.
Je n'ayjamdJU tombédans, ces vaines
erreurs,
Jj>uidonnent devrais mauxpour
desausses douceurs;
Mesfenssurma, raifin n'ontjamais
eu d'empire,
Et mon tranquille cættr ne feait.
comme onsoupire, Ill'ignore,Berger,mais nepréùnJumez,
pas tendre engagementfuflpour
luysansappas.
Ce coeur que le Cielfitdélicat &-
ftncére,
N'aimeroitquetrop bien,sije le
laissoisfaire?
Mais grace aux Immorteli, une
heureusefierté
Surunsidouxprancbantl'atoujours
anforle.
Sans cesse je me dis qu'une forte
tendrcffe
Bfimalgrétous nos foins l'écueit
de la SagejJè,
J>hfon s'y trompe toujours-, & qu'il:
faut s'allarmer
Des qu'unBerger paroisspropre i
sefaire aimer.
Comme unsubtilpoisonjeregarde
l'efiime,
Beje crains l'Amitié, quoy qu'elle
foitsans crime.
Fourfauver ma. vertu de ces égaremens,
Je ne veux point d'Amis quipbiffent
eflreAmans.
Jjhiandpar mon peu d'appas ma
raison eflféUuite,
Je cherche leurs défauts,j'impose à
leur mérite,
Rienpour les ménager ne meparoifi
permIS)
Et dans tous mes Amansjevois mes-
Ennemis
A l'abry d'une longue ¿""JètÎre indiférence,
De leurs tendres tranflorts je voir
la violence;
L'Ej;,itlibre defoins, & l'Ame
sans amour,
Dans lesacré Valon je passe tout
lejour, J) cueille avec flaifir cent& cent
fleurs nouvÍ."_,S
braverontdu tanps lesitteintet
cruellesi
Etfourfuivre unpanchant quej'ay
recetJ des Cieux,
Je consacre ces fleurs auplusgalant
des Dieux.
far unjufle retour on dit qu'ilffait
répandre
Sur toutce quej'écris un air toti?
chant & tendre;
je no/e allerplus loin, &sur lafoy
d'autruy
Je chante tous lesjours&pour, &
contre luys
Heureufcsiles maux dontjefeins'
d'eflre atteinter
Pour mon timide coeurfont toujours
une feinte.
doit pas estre inconnuë,
puis que je l'ay fait graver
parmy cellesquiont été faites
pour des Cachets, &qui
sont dans le sixiéme Extra-.-
ordinaire que je vous eiï^
voyayle 15. de ce Mois. Cependant
si vous voulez voir
de quelle maniere en doivent
user les aimables Fieres
qui cherchent à se défendre
d'aimer par raison,
vous n'avez qu'à lire l'E-:
legie qui fuit. Vous y trouverez
une peinture aussi
agréable que délicate, des
sentimens d'une Belle dont
le coeur pourroit devenir
sensible, si elle l'abandonnoit
à son panchant. Je ne
vous puis dire qui la fait
parler, mais je lçay bic4
que peu d'Ouvrages de
cette nature ont d'aussi
grandes beautez.
ELEG 1E.
GEnéreux LicidllJ, Amyfage
1 &fidelie,
Dont l'effrit cfisijufic, & dont
l'ame estsibelle,
Vous, de qui la Raison nefaitplus'
de fauxpas,
Ha,qu'ilvous est aiséde dire, n'aimezpas!
£)uand on connoiifl*Amour, j'es-,
- - caprices,sespeines,
Jguand onfiait comme vousce qti&
pesentseschaînes,
àagcparjes malheurs, on meprijt
aisément
Les douceurs dont ilflate un trop
crédule Amants
Mau quandon n'apointfaitla trifieexpérience
Desjalo/iflsfureurs,deschagrins
de l'absence,
£htepourfiiirefentirde redoutablesfeux
iIll ne ppaarrooii/?fusuinivjyy que ddeesr BRlwû* à*
desJeux,
JOttun coeur reftHe malàfinpou- voirréme!
Jt>ue defoins, que d'effortspour em
pefiherqu'iln'aime!
Jejfay ce qu'ilencou/le, (7ptllfefh&
jamais
JLyJmourn'acontre un coeurémoufi
tant de traits.
Jnfinfiblekl'honneur de fixerun
Volage,
On deforcerd'aimer.l'Ame la plus
sauvage.
Je n'ayjamdJU tombédans, ces vaines
erreurs,
Jj>uidonnent devrais mauxpour
desausses douceurs;
Mesfenssurma, raifin n'ontjamais
eu d'empire,
Et mon tranquille cættr ne feait.
comme onsoupire, Ill'ignore,Berger,mais nepréùnJumez,
pas tendre engagementfuflpour
luysansappas.
Ce coeur que le Cielfitdélicat &-
ftncére,
N'aimeroitquetrop bien,sije le
laissoisfaire?
Mais grace aux Immorteli, une
heureusefierté
Surunsidouxprancbantl'atoujours
anforle.
Sans cesse je me dis qu'une forte
tendrcffe
Bfimalgrétous nos foins l'écueit
de la SagejJè,
J>hfon s'y trompe toujours-, & qu'il:
faut s'allarmer
Des qu'unBerger paroisspropre i
sefaire aimer.
Comme unsubtilpoisonjeregarde
l'efiime,
Beje crains l'Amitié, quoy qu'elle
foitsans crime.
Fourfauver ma. vertu de ces égaremens,
Je ne veux point d'Amis quipbiffent
eflreAmans.
Jjhiandpar mon peu d'appas ma
raison eflféUuite,
Je cherche leurs défauts,j'impose à
leur mérite,
Rienpour les ménager ne meparoifi
permIS)
Et dans tous mes Amansjevois mes-
Ennemis
A l'abry d'une longue ¿""JètÎre indiférence,
De leurs tendres tranflorts je voir
la violence;
L'Ej;,itlibre defoins, & l'Ame
sans amour,
Dans lesacré Valon je passe tout
lejour, J) cueille avec flaifir cent& cent
fleurs nouvÍ."_,S
braverontdu tanps lesitteintet
cruellesi
Etfourfuivre unpanchant quej'ay
recetJ des Cieux,
Je consacre ces fleurs auplusgalant
des Dieux.
far unjufle retour on dit qu'ilffait
répandre
Sur toutce quej'écris un air toti?
chant & tendre;
je no/e allerplus loin, &sur lafoy
d'autruy
Je chante tous lesjours&pour, &
contre luys
Heureufcsiles maux dontjefeins'
d'eflre atteinter
Pour mon timide coeurfont toujours
une feinte.
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Résumé : ELEGIE.
Le texte présente une devise et une élégie. La devise est mentionnée dans un extra-ordinaire du 15 du mois. Pour comprendre comment les femmes fières cherchent à se défendre d'aimer par raison, il est suggéré de lire l'élégie intitulée 'l'Élégie qui fuit'. Cette élégie décrit les sentiments d'une belle dont le cœur pourrait devenir sensible si elle l'abandonnait à son penchant. L'auteur souligne que peu d'ouvrages de cette nature possèdent autant de beautés. L'élégie est adressée à un homme généreux, aimable et fidèle, doté d'un esprit judicieux et d'une belle âme. Elle évoque les caprices et les peines de l'amour, ainsi que la difficulté de résister à ses charmes. La narratrice affirme n'avoir pas succombé aux erreurs vaines de l'amour et que son cœur reste tranquille. Elle craint l'amitié, de peur qu'elle ne se transforme en amour, et préfère voir des ennemis dans ses amants. Elle passe ses journées dans un vallon, cueillant des fleurs pour braver le temps et les consacre au plus galant des dieux. Elle conclut en chantant les maux dont elle feint d'être atteinte, pour son cœur timide.
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40
p. 220-222
ENIGME EN PROSE.
Début :
Je suis François pour la vie ; & suis neanmoins comme les Italiens & les [...]
Mots clefs :
Amour
41
p. 71-81
POUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE. IDILLE.
Début :
Je joins à ces deux Sonnets, l'Idille de Madame des / L'Amour pressé d'une douleur amere, [...]
Mots clefs :
Académie, Amour, Enfant, Jaloux, Gloire, Louis, Prince
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : POUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE. IDILLE.
Je joins à ces deux Sonnets,
l'Idille de Madame des
Houlieres, dont le bruit doit
estreallé jusqua vous, par
les applaudissemens qu'il a
reçeus àla Cour & a Paris.
Il y a tant de délicatesse, de
bon goust, & de bon sens,
dans tout ce qui part de
cette illustre Personne, que si l'usage estoit que les Femmes
fussentreçeuës à l'Académie,
on préviendroit ses
souhaits) pour luy offrir place
gdanslceUtte céleébré.Compa-
POUR
POUR.
LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE.
IDILLE. LAmourpressed'une douleur
sincre,
Età'a(on FlambeAU,rewp'Jes
Traits
Et parle Six jure àfk Mere
JÇu'tlnes*appat[ra jamais.
Toutse ressont desa colere,
Déjà les Oiseaux dans les Bois
Nefont plusentendre leurs rvoixJI
Et déjà le Berger néglige sa Bergere.
Ce matin lesJeux &les Ris,
De l'Amour lesseuls Favoris, 4
M'ont découvert ce qui le désespere.
Voicy ce qu'ilsm'en ont appris.
Un divin Enfant vient de naître,
M'ont-ils dit, à qui les Mortels
Avec empressement élevent des Autels,
Et pour qui pms regret nom quittons
nostreMaistre.
Sil'Amour est jaloux des honneurs
qu'on luy rend,
Ill'est encorplus deses charmes;
En vainpouressuyerses larmes,
Vénussursesgenouxleprend,
Luyfait honte desesfoibleffess
Et quandpardetendrescaresses
Elle croitl'avoiradoucy,
D'un ton plus ferme elle luyparle
diuflVous
avez,fourny de matiere
Aumalheurdontvous vous plaignez;
L'aimable Enfant que vous craignez,
Sans vous n'eut pointveu lalumière,
Maù consolez-vous-en, luy qui vom rendjaloux,
Unjoursoûmis àvostreEmpire,
£htoy que la Gloireenpuisse dire,
Fera de 10s plaisirsson bonheur le
plus doux.
Reprenez, donc vostreArc; J^oy^moit
Fils,seriez, vous
Aux ordres des Destins rebelle?
Songez- que vous devez, vossoins 4
l'Univers,
.f<.!!epttr VOM toutse renouvelle;
Que dans le vastesein des Mers,
.f<!!,estr lA Terre & cAns les Airs,
La Nature àsonaide en tout temps
vous appelle.
Ha ! s'écria l'Amour,je veux me
vangerd'elle;
Contre elle avec raison je mefins-
animé;
Avecde trop grandssoins cette [11.
grateaformé
Cet Enfant, ce Rival dema gloire
immortelle.
Concevez-vous quelle est ma douleur,
neon effroy?
Il estdéjà beau commemoy;
Maisjusqu'où les Mortels portent-ils
l'insolence?
Sans respectermonpouvoir, ny mort
rang,
On ose comparerson sangavec mon
sangs
On faitplus,surlemien ila lapréferences
On ne craint point pour luy la eélefit
vangcancc;
lid dans son Ayeul un trop puissant
| Appuy. Ji>uel DieupourlaValeur, J^utlDu#
pour la Prudence,
Pourroit avec LOVISdisputer diijourd'huy?
liefuis qu'ilfutdonné pour le bien de
la France,
On n'a plus adoré que luy.
De l' Univers, il regle lafortunes
Parunprodigeilest tout-à-la-fois
Mars,Apollon, Jupiter & Neptune;
Ses bontez,sessoins, ses exploits,
Font la félicité commune.
Au dela de luy-mesmeilporteson bonheur,
Asonauguste Filsluy-mesmesert de
guide;
On voit ce Fils brûler d'une héroïque
ardeur,
Etde Gloire en tout temps avide,
DAns lêfeinmesme de 14 Paix,
Auxfrivoles plaisirs ne s'arrester jamais.
î1fcplaiflàlaChasse, image de 14
Guerre,
Ilsi plaifla dompter d'indomptables
Chevaux,
En attendant lejourqu'armédefin
Tonnerre,
LoriS en triomphant du reste de la
Terre,
JroumiJJe asa Valeur de plus nobles
travANX.
Sien que de la Beauté voussoyez, la
VousnDelleujfyi,
eauferiez, ny transports,
Heureux&digneEpouxd'une jeune
Trinceffe,
J^uimérite tousses soûpirs,
Il ne daigne tournerses regardssur
les autres;
lAsischarmesail(si quels charmes
sontégaux?
Elle a les yeux aussi doux que les
vostres,
Etn'a pas un de vos défauts.
Vénusalors rougit de honte,
EtlançantsursonFils desregards
enflâmez,
cf!0oJ donc, dit-elle, à vostre conte
UneMortellemesurmonte?
Hé-bien, l'illustre Enfantdont vous
vous alarmez,
Pres demoy tiendra vostreplace;
Je veux ( & le Destin ne m'en dédira
pas )
,tueqtioy qu'ildise, ou quoy qu'il
fassi)
On y trouve toûjours une nouvelle
Grace;
Toutes vontpar mon ordre accompagnerses
pas.
L Amouttnmble à cette menace, IlveutfiâttrVenus ; mais Vénus s
cesmots,
Sejette dansson Char, (jp noie t1 vers
Paphos.
nllnsfin coeur la colereà lahonte
s'assemble.
Le chagrin de l'Amouri'accroifl par
ce couroux,
Etcommelechagrindrnoué
Ne pouvons demeurer ensemble,
Nous avons résolu d'abandonner
l'Amour,
Pour venirfairenostre cour
Au beau Prince qui,luy ressemble.
Voilacceqoue lnes Rtisé&l;es^uxm'ont
Ce Prince estsi charmant, qu'on les en
peut bien croire;
L'Amour estaujourd'huijalouxdesa
beauté,
À
nj.o#rtli.cnirdque Mays leserade
sagloire,
pHÎjft-t-ilteneursgrand, estresonjours
keureuxi ThïJjc * lejuste Ciel accorder à nos
vaux
Fourluy denotnbreuefséttneesi
Jfïjt'il«pl/Jlè des Héros les Exploits Mt quunjour, s'ilse peut,sesgrandts
destinées
Egalent celles de LOVIS.
l'Idille de Madame des
Houlieres, dont le bruit doit
estreallé jusqua vous, par
les applaudissemens qu'il a
reçeus àla Cour & a Paris.
Il y a tant de délicatesse, de
bon goust, & de bon sens,
dans tout ce qui part de
cette illustre Personne, que si l'usage estoit que les Femmes
fussentreçeuës à l'Académie,
on préviendroit ses
souhaits) pour luy offrir place
gdanslceUtte céleébré.Compa-
POUR
POUR.
LA NAISSANCE
DE MONSEIGNEUR
LE DUC
DE BOURGOGNE.
IDILLE. LAmourpressed'une douleur
sincre,
Età'a(on FlambeAU,rewp'Jes
Traits
Et parle Six jure àfk Mere
JÇu'tlnes*appat[ra jamais.
Toutse ressont desa colere,
Déjà les Oiseaux dans les Bois
Nefont plusentendre leurs rvoixJI
Et déjà le Berger néglige sa Bergere.
Ce matin lesJeux &les Ris,
De l'Amour lesseuls Favoris, 4
M'ont découvert ce qui le désespere.
Voicy ce qu'ilsm'en ont appris.
Un divin Enfant vient de naître,
M'ont-ils dit, à qui les Mortels
Avec empressement élevent des Autels,
Et pour qui pms regret nom quittons
nostreMaistre.
Sil'Amour est jaloux des honneurs
qu'on luy rend,
Ill'est encorplus deses charmes;
En vainpouressuyerses larmes,
Vénussursesgenouxleprend,
Luyfait honte desesfoibleffess
Et quandpardetendrescaresses
Elle croitl'avoiradoucy,
D'un ton plus ferme elle luyparle
diuflVous
avez,fourny de matiere
Aumalheurdontvous vous plaignez;
L'aimable Enfant que vous craignez,
Sans vous n'eut pointveu lalumière,
Maù consolez-vous-en, luy qui vom rendjaloux,
Unjoursoûmis àvostreEmpire,
£htoy que la Gloireenpuisse dire,
Fera de 10s plaisirsson bonheur le
plus doux.
Reprenez, donc vostreArc; J^oy^moit
Fils,seriez, vous
Aux ordres des Destins rebelle?
Songez- que vous devez, vossoins 4
l'Univers,
.f<.!!epttr VOM toutse renouvelle;
Que dans le vastesein des Mers,
.f<!!,estr lA Terre & cAns les Airs,
La Nature àsonaide en tout temps
vous appelle.
Ha ! s'écria l'Amour,je veux me
vangerd'elle;
Contre elle avec raison je mefins-
animé;
Avecde trop grandssoins cette [11.
grateaformé
Cet Enfant, ce Rival dema gloire
immortelle.
Concevez-vous quelle est ma douleur,
neon effroy?
Il estdéjà beau commemoy;
Maisjusqu'où les Mortels portent-ils
l'insolence?
Sans respectermonpouvoir, ny mort
rang,
On ose comparerson sangavec mon
sangs
On faitplus,surlemien ila lapréferences
On ne craint point pour luy la eélefit
vangcancc;
lid dans son Ayeul un trop puissant
| Appuy. Ji>uel DieupourlaValeur, J^utlDu#
pour la Prudence,
Pourroit avec LOVISdisputer diijourd'huy?
liefuis qu'ilfutdonné pour le bien de
la France,
On n'a plus adoré que luy.
De l' Univers, il regle lafortunes
Parunprodigeilest tout-à-la-fois
Mars,Apollon, Jupiter & Neptune;
Ses bontez,sessoins, ses exploits,
Font la félicité commune.
Au dela de luy-mesmeilporteson bonheur,
Asonauguste Filsluy-mesmesert de
guide;
On voit ce Fils brûler d'une héroïque
ardeur,
Etde Gloire en tout temps avide,
DAns lêfeinmesme de 14 Paix,
Auxfrivoles plaisirs ne s'arrester jamais.
î1fcplaiflàlaChasse, image de 14
Guerre,
Ilsi plaifla dompter d'indomptables
Chevaux,
En attendant lejourqu'armédefin
Tonnerre,
LoriS en triomphant du reste de la
Terre,
JroumiJJe asa Valeur de plus nobles
travANX.
Sien que de la Beauté voussoyez, la
VousnDelleujfyi,
eauferiez, ny transports,
Heureux&digneEpouxd'une jeune
Trinceffe,
J^uimérite tousses soûpirs,
Il ne daigne tournerses regardssur
les autres;
lAsischarmesail(si quels charmes
sontégaux?
Elle a les yeux aussi doux que les
vostres,
Etn'a pas un de vos défauts.
Vénusalors rougit de honte,
EtlançantsursonFils desregards
enflâmez,
cf!0oJ donc, dit-elle, à vostre conte
UneMortellemesurmonte?
Hé-bien, l'illustre Enfantdont vous
vous alarmez,
Pres demoy tiendra vostreplace;
Je veux ( & le Destin ne m'en dédira
pas )
,tueqtioy qu'ildise, ou quoy qu'il
fassi)
On y trouve toûjours une nouvelle
Grace;
Toutes vontpar mon ordre accompagnerses
pas.
L Amouttnmble à cette menace, IlveutfiâttrVenus ; mais Vénus s
cesmots,
Sejette dansson Char, (jp noie t1 vers
Paphos.
nllnsfin coeur la colereà lahonte
s'assemble.
Le chagrin de l'Amouri'accroifl par
ce couroux,
Etcommelechagrindrnoué
Ne pouvons demeurer ensemble,
Nous avons résolu d'abandonner
l'Amour,
Pour venirfairenostre cour
Au beau Prince qui,luy ressemble.
Voilacceqoue lnes Rtisé&l;es^uxm'ont
Ce Prince estsi charmant, qu'on les en
peut bien croire;
L'Amour estaujourd'huijalouxdesa
beauté,
À
nj.o#rtli.cnirdque Mays leserade
sagloire,
pHÎjft-t-ilteneursgrand, estresonjours
keureuxi ThïJjc * lejuste Ciel accorder à nos
vaux
Fourluy denotnbreuefséttneesi
Jfïjt'il«pl/Jlè des Héros les Exploits Mt quunjour, s'ilse peut,sesgrandts
destinées
Egalent celles de LOVIS.
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Résumé : POUR LA NAISSANCE DE MONSEIGNEUR LE DUC DE BOURGOGNE. IDILLE.
Le texte est une lettre accompagnant deux sonnets et une idylle de Madame des Houlières, reconnue pour ses œuvres littéraires. L'auteur exprime son admiration pour la délicatesse, le bon goût et le bon sens de Madame des Houlières, suggérant qu'elle mériterait une place à l'Académie française si les femmes y étaient admises. L'idylle célèbre la naissance de Monseigneur le Duc de Bourgogne. L'Amour, éprouvant une douleur sincère, voit ses traits marqués par la colère. Les oiseaux et les bergers ressentent cette colère, et les jeux de l'Amour sont interrompus. L'Amour apprend qu'un divin enfant est né, pour qui les mortels élèvent des autels, et qu'il doit quitter son maître. Vénus tente de consoler l'Amour, lui rappelant que l'enfant ne serait pas né sans lui et qu'un jour, l'enfant sera soumis à son empire. L'Amour, jaloux et animé par la colère, exprime sa douleur et son effroi face à la beauté et à la gloire de l'enfant. Il décrit les exploits et les qualités de l'enfant, comparant ses talents à ceux des dieux et soulignant son rôle dans le bonheur de la France. Vénus, honteuse, reconnaît que l'enfant surpassera l'Amour en beauté et en grâce. L'Amour et Vénus décident d'abandonner leur querelle et de se rendre à la cour du prince, admirant sa beauté et sa gloire. Ils espèrent que le ciel accordera à l'enfant des exploits héroïques et des destinées grandioses, égales à celles de Louis.
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42
p. 273-275
BALADE.
Début :
Le Cavalier que vous me mandez qui se marie par amour dans / Dans ce Hameau je voy de toutes parts [...]
Mots clefs :
Hameau, Amour, Bacchus, Cérès, Hyménée
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BALADE.
Le Cavalier que vous me mandez
qui se marie par amour dans
vostre Province, ne fuit pas l'avis
d'une Personne des plus spirituelles
de vostre beau Sexe. Je
parlede l'illettré Madame des
Houlieres, qui s'est déclarée sur
cette nlatÏere: par les Vers qui
suivent.
BALADE.
DAns ce HAmeAHje voy de tontes
parts
De beaux atours mainte Fillete ornée;
Je gagerois quequelque jeune Gars
Avec Catin unit sa destinée.
Elleal'oeil doux,Ile a les traits mi¡nars,.
L\iirgratieux, l'humeur point obstinée)
Maisgranddéfautgasse toussesattraits.
Pointriad'icits-Poiir belle qu'on {oiltée,
L' Amour languitlansBacchus & Cerés.
De doux propos & d'ttmottreux regards
On nesçauroitvivre toute tdnnée.
Jeunes v'aryf deviennenttoifVieillards,'
Quanileurconvientjeûner chaque journée;
Soucis p"lJàm chassentpensers çra'llaràs*
TendreJJè alors est en bref terminée;
S'il en paroiss, ce riefl qu'ad honoles.>
Far maints grands Clercs fAffaire examinée,
L'Amour languit fansBacchus & Cerés,
L'Atre entouré duntasaEnfascriards,
De Créanciers la Porte environnée,
D'untrifte hymen totales autres hasards,
Font endurerpeine d'Ame damnée,
Et donnentjoyeaivfeJ-'însbab'IUirds.
Minh'!s dont fut la tcfle couronne
Voironvoudrait transformez, en Cjprès. un tel desirpoint ne fuisétonnée,
L'Amour languit fansBacchus & Cerés.
1 - ENVOY.
V-ous, gui damourfîtivezlss Etendars,
Pointfiecroyez cauteleux Papelars3
DisansBeautésuffitpourthymenée.
Si vom voûtez, en toutfaireflorès,
'avecBeautéçrosse dot (oit donnée,
L'Amour languitsansBacchus &Cerés.
qui se marie par amour dans
vostre Province, ne fuit pas l'avis
d'une Personne des plus spirituelles
de vostre beau Sexe. Je
parlede l'illettré Madame des
Houlieres, qui s'est déclarée sur
cette nlatÏere: par les Vers qui
suivent.
BALADE.
DAns ce HAmeAHje voy de tontes
parts
De beaux atours mainte Fillete ornée;
Je gagerois quequelque jeune Gars
Avec Catin unit sa destinée.
Elleal'oeil doux,Ile a les traits mi¡nars,.
L\iirgratieux, l'humeur point obstinée)
Maisgranddéfautgasse toussesattraits.
Pointriad'icits-Poiir belle qu'on {oiltée,
L' Amour languitlansBacchus & Cerés.
De doux propos & d'ttmottreux regards
On nesçauroitvivre toute tdnnée.
Jeunes v'aryf deviennenttoifVieillards,'
Quanileurconvientjeûner chaque journée;
Soucis p"lJàm chassentpensers çra'llaràs*
TendreJJè alors est en bref terminée;
S'il en paroiss, ce riefl qu'ad honoles.>
Far maints grands Clercs fAffaire examinée,
L'Amour languit fansBacchus & Cerés,
L'Atre entouré duntasaEnfascriards,
De Créanciers la Porte environnée,
D'untrifte hymen totales autres hasards,
Font endurerpeine d'Ame damnée,
Et donnentjoyeaivfeJ-'însbab'IUirds.
Minh'!s dont fut la tcfle couronne
Voironvoudrait transformez, en Cjprès. un tel desirpoint ne fuisétonnée,
L'Amour languit fansBacchus & Cerés.
1 - ENVOY.
V-ous, gui damourfîtivezlss Etendars,
Pointfiecroyez cauteleux Papelars3
DisansBeautésuffitpourthymenée.
Si vom voûtez, en toutfaireflorès,
'avecBeautéçrosse dot (oit donnée,
L'Amour languitsansBacchus &Cerés.
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Résumé : BALADE.
Madame des Houlières a exprimé son avis sur le mariage par amour dans une ballade. Cette ballade décrit les qualités et les défauts des jeunes filles et met en garde contre les dangers de l'amour sans soutien matériel. Elle souligne que l'amour seul ne suffit pas pour un mariage heureux et durable, car il nécessite également des ressources, symbolisées par Bacchus et Cérès, représentant respectivement le vin et les récoltes. La ballade critique les mariages sans dot et met en avant les souffrances que peuvent endurer les couples sans ressources. Elle conclut en affirmant que l'amour languit sans le soutien matériel.
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43
p. 3-67
DU STILE EPISTOLAIRE.
Début :
L'Ecriture est l'image de la Parole, comme la Parole [...]
Mots clefs :
Lettres, Amour, Écrire, Lettres galantes, Galanterie, Dire, Passion, Genre, Manière, Auteurs, Épîtres, Style, Homme, Monde, Billets, Lettres d'amour, Écriture, Gens, Personnes, Compliment, Voiture, Anciens, Belles, Parole, Papier, Aimer, Civilité, Manière d'écrire, Conversations
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DU STILE EPISTOLAIRE.
DU STILE
EPISTOLAIRE. ⠀
L
' Ecriture eft l'image de la
Parole , comme la Parole
eft l'image de la Penſée . L'uſage
de la Parole eft divin , l'invention
de l'Ecriture merveilleuſe. Enfin
toutes les deux nous rendent do-
& es & raiſonnables. Rien n'eft
plus prompt que la Parole ; ce
n'eft qu'un fon que l'air forme
& diffipe en mefme temps . L'Ecriture
eft plus durable , elle fixe
ce Mercure , elle arrefte cette
Fléche, qui eftant décochée, ne
revient jamais. Elle donne du
A ij
7
Extraordinaire
corps à cette noble expreffion
de l'ame , & la rendant viſible à
nos yeux , pour me fervir des
termes d'un de nos Poëtes , elle
conferve plufieurs fiecles , ce qui
me fembloit mourir en naiffant.
Mais fi l'Ecriture perpétuë la
Parole, elle la fait encore entendre
à ceux qui font les plus éloignez,
& comme un Echo fidelle,
elle répete en mille lieux , & à
mille Gens , ce que l'on n'a dit
quelquefois qu'en fecret , & à
l'oreille. C'est ce qui la rend fi
neceffaire dans la vie , & particulierement
dans l'ufage du Stile
Epiftolaire ; car enfin l'Ecriture
qui a esté inventée pour conferver
les Sciences, & pour eternifer
les actions des Grands Hommes,
ne l'a pas moins efté pour fupléer
du Mercure Galant.
5.
à l'éloignement des lieux , & à
l'abſence des Perfonnes. On n'a
pas toûjours eu befoin de Contracts
& d'Hiftoires , pour infpirer
la vertu , & la bonne-foy.
Nos anciens Gaulois mefme ont
efté braves, vertueux, & fçavans,
fans le fecours de ce bel Art . La
Parole & la Memoire contenoient
toutes leurs fciences , &
toute leur étude ; mais dans le
commerce de la vie , où l'on ne
peut cftre toûjours enſemble,
y a.t. il rien de plus agreable, &
de plus utile, que de fe parler &
de s'entretenir par le moyen
d'une Lettre , comme fi l'on ef
toit dans un mefme lieu ? Bien
plus, fi nous en croyons l'amou
reuſe Portugaife , les Lettres
nous donnent une plus forte idée
A üj
Extraordinaire
de la Perfonne que nous aimons .
Il mefemble, dit - elle à fon Amant,
que je vous parle quandje vous écris,
&
que vous m'eftes un peu plus préfent.
Un Moderne a donc eu raifon
de nommer les Lettres les
Difcours des Abfens. L'Homme fe
répand & fe communique par
elles dans toutes les Parties du
Monde . Il fçait ce qui s'y paffe,
& il y agit mefme pendant qu'il
fe repofe ; un peu d'encre & de
papier , fait tous ces miracles.
Mais que j'ay de dépit contre
ceux , qui pour rendre ce com ..
mercé plus agreable , l'ont rendu
fi difficile, qu'au lieu d'un quartd'heure
qu'il falloit pour faire
fçavoir de fes nouvelles à quelqu'un
, il y faut employer quelquefois
unejournée entiere ! L'adu
Mercure Galant.
rangement
d'une douzaine
de
paroles emporte deux heures de
temps. C'eſt une affaire qu'une
Lettre , & tel qui gagneroit
fon
Procés , s'il prenoit la peine d'écrire
pour le folliciter
, aime
mieux le perdre comme le Mifantrope
de Moliere , que de
s'engager
dans un pareil embarras
.
On a prétendu mettre en Art
ce genre d'écrire , & quelquesuns
( comme de la Serre & fes
Imitateurs ) en ont voulu faire
leçon . Un Moderne mefme , parmy
tant de préceptes qu'il a
donnez pour l'éducation d'une
Perfonne de qualité, a traité de
la maniere d'écrire des Lettres ,
de leur diférence, & du ſtile qui
leur eft propre. Je veux croire
A iiij
8 Extraordinaire
qu'il a tres - bien réuffy en cela ;
mais n'y a-t- il point un peu d'affectation
baffe & inutile , de donner
pour regles, qu'aux Perſonnes
d'un rang au deffus de nous,
aufquelles on écrit, il faut fe fervir
de grand papier, que la feüille
foit double ,qu'on mette un feuillet
blanc, outre l'envelope pour
couvrir cette feuille , fi elle eft
écrite de tous coſtez , qu'il y ait
un grand efpace entre le Monfei
gneur & la premiere ligne , & cent
autres chofes de cette nature ?
Cela , dis-je , ne fent- il point la
bagatelle, & y a- t - il rien de plus
ridicule qu'un Homme qui fe
pique d'écrire , de plier , & de
cacheter des Lettres à la mode ,
comme parlent quelques Prétieux
? Ce font des minuties indi
du Mercure Galant.
9
gnes d'un honnefte Homme , &
d'un bel Efprit. Qui fçait faire
une belle Lettre , la fçait bien plier
fans qu'on luy en donne des préceptes
, & ces petites façons de
quelques Cavaliers & de quelques
Dames pour leurs Poulets,
font des galateries hors d'oeuvre,
& des marques de la petiteffe de
leur efprit,plutoft que de leur po
liteffe , & de leur honnefteté.
Leurs Lettres n'ont rien de galat,
fi vous en oftez le papier doré, la
foye, & la cire d'Espagne. Cet endroit
de la Civilité Françoiſe, me
fait fouvenir de cet autre des
Nouvelles nouvelles , où deux
prétédus beaux Efprits difputent
s'il faut mettre la datte d'une
Lettre au commencement , ou à
la fin. L'un répond, & peut-eftre
ΙΟ Extraordinaire
avec efprit, qu'aux Lettres d'af.
faires & de nouvelles , il faut
écrire la datte au haut , parce
qu'on eft bien - aiſe de fçavoir
d'abord le lieu & le temps qu'el
les font écrites ; mais que dans
les Lettres galantes & de complimens
, où ces chofes font de
nulle importance , il faut écrire
la datte tout au bas . Mais ils font
encore une autre Queſtion , fçavoir
, s'il faut écrire , de Madrid,
ou à Madrid ; & l'un d'eux la réfout
affez plaifamment , en difant
qu'il ne faut mettre ny à , ny de,
mais feulement Madrid ; & que
c'eft de la forte que le pratiquent
les Perfonnes de qualité.
Je fçay qu'il y a mille choſes
qu'il ne faut pas négliger dans
les Lettres, à l'égard du refpect,
du Mercure Galant . II
de l'honnefteté , & de la bien .
féance ; & c'est ce qu'on appelle
le decorum du Stile Epiftolaire,
qui en fait tantoft l'acceffoire,
& tantoft le principal. Toutes
ces formalitez font le principal
des Lettres de compliment, mais
elles ne font que l'acceffoire des
Lettres d'affaires, ou de galanterie.
Quand une Lettre inftru-
Ative, ou galante, eft bien écrite ,
on ne s'attache pas à examiner
s'il y a affez de Monfieur ou de
Madame , & fi le Serviteur treshumble
eft mis dans toutes les
formes ; mais dans une Lettre de
pure civilité , on doit obſerver
cela exactement . Ceux qui fçavent
vivre , & qui font dans le
commerce du grand monde, ne
manquent jamais à cela , me dira12
Extraordinaire
t - on , & ainfi il eft inutile de faire
ces fortes d'obfervations . Il eft
vray ;mais quandje voy que dans
les plus importantes négotiations
, un mot arrefte d'ordinaire
les meilleures teftes , & retarde
les dépefches les plus preffées,
quand je voy que l'Académie
Françoife fe trouve en peine
comment elle foufcrira au bas
d'une Lettre qu'elle veut écrire
à M' de Boifrobert , qu'elle ne
fçait fi elle doit mettre Vos tres
affclionnez Serviteurs, parce qu'
elle ne veut pas foufcrire vos tres
humbles Serviteurs , qu'enfin elle
cherche un tempérament , &
qu'elle foufcrit Vos tres paffionnez
Serviteurs , je croy que ces formalitez
font neceffaires , qu'on
peut entrer dans ces détails , &
81
du Mercure Galant.
13
s'en faire des regles judicieuſes &
certaines. Mais je ne puis approuver
qu'on aille prendre des
modelles de Lettres dans la Traduction
de Jofephe par M'd'Andilly
, car quel raport peut -il y
avoir entre un Gouverneur de
Province qui écrit à Lours LE
GRAND, & Zorobabel qui écrit
au Roy de Perfe ? Je ne m'étonne
donc pPfces Ecrivains
qui femblent eftre faits pour en
tretenir les Colporteurs, & pour
garnir les rebords du Pont. neuf,
n'ont pas réüffy dans les modelles
qu'ils nous ont donnez pour
bien écrire des Lettres. Leurs
Ouvrages font trop froids, ou de
pur caprice , & les Autheurs
n'eftoient pas prévenus des paffions
qu'il faut reffentir , pour
14
Extraordinaire
entrer dans le coeur de ceux qui
en font émûs. Perfonne ne fe
reconnoift dans leurs Lettres ,
parce que ce font des portraits
de fantaiſie , qui ne reſſemblent
pas . On n'a donc fait que fe di .
vertir des regles qu'ils nous ont
voulu preſcrire, & on a toûjours
crû qu'il eftoit impoffible de
fixer les Lettres dans un Royaume,
où l'on ne change pas moins
de mode pour écrire que pour
s'habiller.
La Nature nous eft icy plus
neceffaire que l'Art ; & l'Ecriture ,
qui eft le Miroir dans lequel elle
fe repréſente, ne rend jamais nos
Lettres meilleures , que
lors qu '
elles luy font plus femblables.
Comme rien n'eft plus naturel
à l'Homme que la parole , rien
du Mercure Galant.
IS
ne doit eftre plus naturel que fon
expreffion. L'Ecriture , comme
un Peintre fidelle, doit la repréfenter
à nos yeux de la mefme
maniere qu'elle frape nos oreilles
, & peindre dans une Lettre ,
ainfi que dans un Tableau , non
feulement nos paffions, mais encore
tous les mouvemens qui les
accompagnent. Jeſçay bien que
le Jugement venant au fecours
de l'Ecriture, retouche cette premiere
Ebauche , mais ce doit
eftre d'une maniere fi naturelle,
que l'Art n'y paroiffe aucunement
; car la beauté de cette
peinture confifte dans la naïveté.
Nos Lettres qui font des
Converfations par écrit, doivent
donc avoir une grande facilité,
pour atteindre à la perfection du
16 Extraordinaire
genre Epistolaire , & pour y
réüffir , les principales regies
qu'il faut obferver, font d'écrire
felon les temps , les lieux , & les
perfonnes. De l'obfervation de
ces trois circonstances dépend la
réüffite des belles Lettres, & des
Billets galants ; mais à dire vray,
tout le monde ne connoift pas
veritablement ce que c'est que
cet Art imaginaire , ny quelles
font les Lettres qui doivent eftre
dans les bornes du Stile Epiftolaire.
On les peut réduire toutes à
quatre fortes , les Lettres d'af
faires , les Lettres de compliment,
les Lettres de galanterie ,
les Lettres d'amour. Comme le
mot d'Epiſtre eft finonime à celuy
de Lettre, je ne m'arreſteray
du Mercure Galant. 17
point à expliquer cette petite
diférence. Je diray feulement
que le ftile de la Lettre doit eftre
fimple & coupé , & que le ftile
de l'Epiftre doit avoir plus d'ornement
& plus d'étendue , comme
on peut le remarquer chez
Fes Maiftres de l'Eloquence
Greque & Romaine .
Enfin
chacun fçait que le mot d'Epiftre
eft confacré dans la Langue Latine,
& qu'il n'eft en ufage parmy
nous , que dans les Vers, & àla
tefte des Livres qu'on dédie;
mais ce qui eft affez remarquable
, c'eft d'avoir donné le nom
de Lettres à cette maniere d'écrire
, ce nom comprenant toutes
les Sciences . On
peut neantmoins
le donner veritablement
à ces grandes & fçavantes Let-
Q.de Fuillet 1683.
B
18 Extraordinaire
tres de Balzac, de Coftar , & de
quelques autres celebres Autheurs
. Les Lettres d'affaires
font faciles , il ne faut qu'écrire
avec un peu de netteté , & -bien
prendre les moyens qui peuvent
faire obtenir ce qu'on demande.
Peu de ces Lettres voyent le jour,
& perfonne ne s'avife d'en faire
la Critique. Il n'en eft pas de
meline des Lettres de compli
ment . Comme elles font faites
pour fatisfaire à noftre vanité,
on les expoſe au grand jour , &
on les examine avec beaucoup
de rigueur. Il n'y en a prefque
point d'achevées , & l'on n'en
peut dire la raifon , fi ce n'eft que
de toutes les manieres d'écrire ,
le Panégyrique eft le plus difficile,
C'eft le dernier effort du
du Mercure Galant.
19
genre démonftratif. Ainfi il eſt
rare qu'une Lettre foit une veritable
Piece d'éloquence. De
plus , ces fortes de Lettres s'adreffent
toûjours à des Gens,
qui eftant prévenus de fortes
paffions , comme de la joye & de
la trifteffe , & qui ne manquant
pas de vanité & d'amour propre,
ne croyent jamais qu'on en dife
affez. Ceux- mefme qui n'y ont
point de part , en jugent felon
leur inclination , & ils trouvent
toûjours quelque chofe à redire,
parce que les louanges qu'on
donne aux autres , nous paroiffent
fades, par une fecrete envie
que le bien qu'on en dit nous
caufe. Mais au refte fi on eftoit
bien defabufé que les Lettres
ne font pas toujours des compli
Bij
20 Extraordinaire
mens & des civilitez par écrit,
qu'elles n'ont point de regles
précifes & certaines , peut- eſtre
n'en blâmeroit- on pas comme
l'on fait , de fort bonnes , & de
bien écrites. Si on eftoit encore
perfuadé que les Lettres font de
fidelles Interpretes de nos penfées
& de nos fentimens , que ce
1 font de veritables portraits de
nous.mefmes , où l'on remarque
jufques à nos actions & à nos manieres
, peut- eftre que les plus
négligées & les plus naturelles.
feroient les plus eſtimées . A la
yerité ces peintures , pour eſtre
quelquefois trop reffemblantes,
en font moins agreables, & c'eſt
pourquoy on s'étudie à ſe cacher
dans les Lettres de civilité, & de
compliment. Elles veulent du
du Mercure Galant. 21
fard ; & cette maniere réfervée
& refpectueuse dans laquelle
nous y paroiffons , réüffit bien
mieux qu'un air libre & enjoüé,
qui laiffe voir nos defauts, & qui
ne marque pas affez de foûmiffion
& de dépendance. Nous
voulons eftre veus du bon costé,
& on nous veut voir dans le ref
pect ; mais lors que l'on s'expofe
familierement , fans honte de
noftre part , & fans ceremonie
pour les autres, il eſt rare qu'on
nous aime , & qu'on nous approuve
, fur tout ceux qui ne
nous connoiffent pas , & qui ne
jugent des Gens que par de
beaux déhors. D'ailleurs comme
nos manieres ne plaiſent pas
tout le monde , il eft impoffible
que des Lettres qui en font plei
22
Extraordinaire
nes, ayent une approbation genérale.
Le Portrait plaiſt fouvent
encore moins que la Perfonne,
foit qu'il tienne à la fantaifie
du Peintre , ou à la fituation
dans laquelle on eftoit lors qu'on
s'eft fait peindre. Les Lettres
qu'on écrit quand on eft cha .
grin, font bien diférentes de celles
que l'on écrit dans la joye , &
dans ces heureufes difpofitions
où l'on fe trouve quelquefois ; &
ce font ces favorables momens
qui nous rendent aimables dans
tout ce que nous faifons . Il faudroit
donc n'écrire que lors
qu'on s'y est bien difpofe , car
toutes nos Epiftres chagrines ne
font pas fi agreables que celles
de Scarron. Mais enfin pour
réuffir dans les Lettres de civi-
"
du Mercure Galant.
23
lité , il faut avoir une grande
douceur d'efprit , des manieres
Alateuſes & infinuantes , un ftile
pur & élegant, du bon fens , &
de la jufteffe , car on a banny des
Complimens , le phébus & le
galimathias, qui en faifoient autrefois
toute la grace & toute la
beauté . Mais avant que de finir
cet Article , je croy qu'il eft à
propos de dire quelque chofe
du Compliment, qui fert de fond
& de fujet à ces fortes de Lettres.
Le Compliment , à le prendre
dans toute fon étenduë , eft un
genre de civilité , qui fubfifte
feul , fans le fecours de la Converfation
, des Harangues, & des
Lettres . Ainfi on dit , F'ay envoyé
faire un Compliment , on m'eft
24
Extraordinaire
venu faire un Compliment. Il entre
à la verité dans la Converſation ,
dans les Harangues , & dans les
Lettres , & il en conftitue l'effence
en quelque façon , mais il
en fort quelquefois, & lors qu'il
eft feul , il en difére effentiellement.
Il eft plus court , plus fimple,
plus jufte, & plus exact ; &
c'eſt de cette forte qu'il eft difficile
de le définir dans les termes
de la Rhétorique , parce qu'on
peut dire que les Anciens n'ont
fçeu ce que c'eftoit , au moins
de la maniere que nous le pratiquons
, & qu'ils ne nous en ont
point laiffé d'exemples . Tout
fentoit la Déclamation chez eux ,
& avoit le tour de l'Oraiſon , &
de la Harangue . Cependant je
dis que faire un Compliment à
quelqu'un,
du Mercure Galant.
25
que
paquelqu'un,
n'eft autre choſe
de luy marquer par de belles
roles , l'eftime & le refpect que
nous avons pour luy. Complimenter
quelqu'un , eft encore
s'humilier agreablement devant
luy. Enfin un Compliment eft
un Combat de civilitez réciproques
; ce qui a fait dire à M
Coftar
, que les Lettres eftoient
des Duels , où l'on fe bat fouvent
de raiſons , & où l'on employe
fes forces fans réſerve & fans retenuë
. Il eſt vray qu'il y en a
qui n'y gardent aucunes mefures ,
mais nos Complimens ne font .
ils pas des oppofitions , & des
contradictions perpétuelles ? On
y cherche à vaincre , mais le
Vaincu devient enfin le Victo .
rieux par fon opiniâtreté . Quelle
2. de Juillet 1683.
Queli
26 Extraordinaire
ridicule & bizare civilité , que
celle des Complimens ! Il entre
encore de la rufe & de l'artifice
dans cette forte de Combat , &
je ne m'étonne pas files Homes
fracs & finceres y font fi peu propres,
& regardent nos Compli
mens comme un ouvrage de la
Politique, comme un effet de la
corruption du Siecle, comme la
pefte de la Societé civile . Ils apellent
cela faire la Comédie, & difent
qu'on doit y ajoûter peu de
foy, parce que c'eſt une maxime
du Sage , qu'on n'eſt pas obligé
de garantir la verité des Compli
mens. Ainfi la meilleure maniere
de répondre aux louanges, c'eſt
de les contredire agreablement,
& de marquer de bonne grace
qu'on ne les croit pas , ou plutoft
du Mercure Galant.
27
toute la juſtice qu'on peut rendre
aux méchantes Lettres , & aux
fades Complimens , eft de ne les
pas lire, & de n'y pas répondre.
Les Lettres de galanterie font
difficiles.
Cependant c'eſt le
genre où l'on en trouve de plus
raifonnables. Un peu d'air & des
manieres du monde, une expreffion
aifée & agreable, je- ne -fçay
quelle délicateffe de penfer & de
dire les choſes, avec le fecret de
bien appliquer ce que l'on a de
lecture & d'étude , tout cela en
compofe le veritable caractere,
& en fait tout le prix & tout le
mérite. Cicéron eft le feul des
Anciens qui ait écrit des Lettres
galantes , en prenant icy le mot
de galanterie pour celuy de politeffe
&
d'urbanité , comme par-
C
ij
28 Extraordinaire
loient les Romains , c'est à dire,
du ftile qu'ils appelloient tocofum
&Facetum, Il eft certain auffi que
Voiture a la gloire d'avoir efté le
premier , & peut- eftre l'unique
entre les Autheurs modernes ,
qui ait excellé en ce genre de
Lettres. Mr Sorel dit mefme qu'il
en eſt l'Inventeur , & que nous
luy avons beaucoup d'obligation
de nous avoir garantis de l'importunité
des anciens Complimens
, dont les Lettres eftoient
pleines , & d'auoir introduit une
plus belle & facile méthode d'écrire.
M'de Girac, fon plus grand
Ennemy , demeure d'accord ,
qu'on ne peut rien penfer de plus
agreable que fes Lettres galantes,
qu'elles font remplies de fel
Attique , qu'elles ont toute la
du Mercure Galant. 294
douceur & l'élegance de Terence
, & l'enjoüement de Lucien
. Il faut donc avoir le génie
de Voiture , ou de Balzac , pour
bien faire des Lettres galantes.
Le remercîment d'un Fromage;
ou d'une Paire de Gans, leur en
fourniffoit une ample matiere,
& ç'a efté par là qu'ils ont acquis
une fi grande réputation.
Nous n'avons point de belles
Lettres d'amour, & mefme il s'en
trouve peu chez les Anciens . Ce
n'eft pas affez que de fçavoir bien
écrire , il faut aimer. Ceux qui
réüffiffent ne font pas Autheurs.
Les Autheurs qui aiment, cherchent
trop à plaire ; & comme
les Billets d'amour les plus né .
gligez font les meilleurs , ils croiroient
fe faire tort s'ils paroif.
C iij
30 Extraordinaire
foient de la forte. Chacun fait
encore miftere de fa tendreffe ,
& craint d'eftre veu dans cette
négligence amoureuſe . Mais ce
qui fait auffi noftre délicateffe
fur ce fujet , c'eſt que la paffion
des autres nous femble une ridicule
chimere . Il faut donc aimer.
C'eſt là tout le fecret pour bien
écrire d'amour , & pour en bien
juger.
Pourbien chanter d'amour, ilfaut
eftre amoureux.
Je croy
meſme que
l'Amour a
efté le premier
Inventeur
des
Lettres. Il eft Peintre , il eft
Graveur, il eft encore un fidelle
Courrier
qui porte aux Amans
des nouvelles de ce qu'ils aiment.
La grande affaire a toûjours
eſté
celle du coeur. L'amour qui d'adu
Mercure Galant.
31
bord unit les Hommes, ne leur
donna point de plus grands defirs
que ceux de le voir & de fe
communiquer, lors qu'ils eftoient
féparez par une cruelle abfence.
Leurs foûpirs portoient dans les
airs leurs impatiences amoureufes
; mais ces foûpirs eftoient
trop foibles , quelques violens
qu'ils fuffent , pour ſe pouvoir
rencontrer . Ils demeuroient toû
jours en chemin , ardens , mais
inutiles meffagers des coeurs,
Mille Chifres gravoient fur les
Arbres , & fur les matieres les
plus dures , leurs inquiétudes &
leurs peines ; mais les Zéphirs
qui les baifoient en paffant, n'en
pouvoient conferver l'image, ny
la faire voir aux Amans abfens.
Les Portraits qui confervent fi
C iiij
32
Extraordinaire
vivement l'idée de l'Objet aimé ,
ne pouvoient répondre à leurs
careffes paffionnées . Il fallut
donc d'autres Interpretes , d'au.
tres Simboles , d'autres Images
, pour le faire entendre , fe &
pour s'expliquer , dans une fi
fâcheufe abfence ; & on s'eſt
fervy des Lettres qui , apres les
yeux , ne laiffent rien à defirer à
l'efprit , puis qu'elles font les
plus exacts , & les plus fidelles
Secretaires de nos coeurs . En
effet, ne font-elles pas fufceptibles
de toutes les paffions ? Elles
font triftes , gayes , coleres, amou
reufes , & quelquefois remplies
de haine & de reffentiment , car
les paffions fe peignent fur le
papier comme fur le vifage . On
avoit befoin de l'expreffion de
du Mercure Galant.
33
ces mouvemens, pour bien juger
de nos Amis pendant l'abſence.
C'est à l'Ecriture qu'on en eft
redevable , mais fur tout à l'A- .
mour, qui l'a inventée , Littera
opus amoris.
La gloire de bien écrire des
Lettres d'amour , a donc efté
réſervée avec juſtice au galant
Ovide. Il fçavoit l'art d'aimer,
& le mettoit en pratique. Quoy
qu'il ait pris quelquefois des fu
jets feints pour exprimer cette
paffion , il a fouvent traité de ſes
amours fous des noms empruncar
enfin qu'auroit - il pû
dire de plus pour luy mefme ?
Peut- on rien voir de plus touchant
& de plus tendre que les
Epiftres d'Ariane à Théfée , de
Sapho à Phaon , & de Léandre
tez ;
34
Extraordinaire
à Héro ? Mais ce que j'y admire
fur tout , ce font certains traits
fins & délicats , où le coeur a
bien plus de part que l'efprit.
Au refte on ne doit pas eftre
furpris , fi les Epiftres d'Ovide
l'emportent fur toutes
les Lettres d'amour , qui nous
font restées de l'Antiquité , &
mefme fur les Billets les plus galans
& les plus tendres d'apré.
fent. Elles font en Vers , & l'a
mour est l'entretien des Mufes.
Il eſt plus vif & plus animé dans
la Poëfie , que dans fa propre
effence , dit Montagne . L'avantage
de bien écrire d'amour appartient
aux Poëtes , affure M
de Girac ; & le langage des Hommes
eft trop bas pour exprimer
une paffion fi noble. C'est peutdu
Mercure Galant.
35
eftre la raison pourquoy nos
vieux Courtisans faifoient pref
que toujours leur Déclaration
d'amour en Vers , ou plutoft la
faifoient faire aux meilleurs Poëtes
de leur temps , parce qu'ils
croyoient qu'il n'y avoit rien de
plus excellent que la Poëfie , pour
bien repréſenter cette paffion ,
& pour l'inspirer dans les ames.
Mais tout le monde ne peut
pas eftre Poëte, & il y a encore
une autre raifon , qui fait que
nous avons fi peu de belles Lettres
d'amour ; c'eft qu'elles ne
font pas faites pour eftre veuës.
Ce font des oeuvres de tenebres,
qui fe diffipent au grand jour ; &
ce qui me le fait croire, c'eſt que
dans tous les Romans , où l'amour
eſt peint fi au naturel , où
36
Extraordinaire
les paffions font fi vives & fi ardentes
, où les mouvemens font
fi tendres & fi touchans , où les
fentimens font fi fins & fi délicats
; dans ces Romans , dis je,
dont l'amour profane a dicté toutes
les paroles , on ne trouvera
pas à prendre depuis l'Aſtrée jufqu'à
la Princeffe de Cléves , de
Lettres excellentes, & qui foient
achevées en ce genre. C'eft là
où prefque tous les Autheurs de
ces Fables ingénieuſes ont échoué.
Toutes les intrigues en
font merveilleufes , toutes les
avantures furprenantes , toutes
les converfations admirables ,
mais toutes les Lettres en font
médiocres ; & la raiſon eft, que
ces fortes de Lettres ne font pas
originales . Ce font des fantaifies,
du Mercure Galant. 37
des idées , & des peintures , qui
n'ont aucune reffemblance . Ces
Autheurs n'ont écrit ny pour
Cyrus , ny pour Clélie, ny pour
eux , mais feulement pour le Public
, dont ils ont quelquefois
trop étudié le gouft & les manieres
. Mais outre cela , s'il eft
permis de raconter les conqueftes
& les victoires de l'Amour,
les combats & les foufrances des
Amans , la gloire du Vainqueur,
la honte & les foûpirs des Vaincus
, il est défendu de réveler les
fecrets & les miſteres de ce Dieu,
& c'est ce que renferment les
Billets doux & les Lettres d'amour.
Il est dangereux de les intercepter
, & de les communiquer
à qui que ce ſoit qu'aux Intéreflez,
qui en connoiffent l'im38
Extraordinaire
portance. Le don de penétrer &
de bien goufter ces Lettres , n'apartient
pas aux Efprits fiers &
fuperbes , mais aux Ames fimples ,
pures & finceres , à qui l'amour
communique toutes les delices.
Les grands Génies fe perdent
dans cet abîme . Les fiers , les infenfibles
, les inconftans , enfin
ceux qui raiſonnent de l'amour,
& qui préfument tant de leurs
forces , ne connoiffent rien en
toutes ces chofés .
On ne doit pas chercher un
grand ordre dans les Lettres d'amour
, fur tout lors qu'elles repréfentent
une paffion naiffante,
& qui n'ofe fe déclarer ; mais il
faut un peu plus d'exactitude
dans les Réponses qu'on y fait.
Une Perfonne qui a épanché ſon
du Mercure Galant.
39
coeur fur plufieurs articles, & qui
eft entrée dans le détail de ſa paffion
, veut qu'on n'oublie rien, &
qu'on réponde à tout. Elle ne
feroit pas contente de ce qu'on
luy diroit en gros de tendre &
de paffionné , & le moindre article
négligé , luy paroiftroit d'un
mépris, & d'une indiférence impardonnable.
Le premier qui
écrit, peut répandre fur le papier
toutes les penfées de fon coeur,
fans y garder aucun ordre, & s'abandonner
à tous fes mouvemens
; mais celuy qui répond ,
a toûjours plus de modération .
Il obferve l'autre , le fuit pas
pas, & ne s'emporte qu'aux endroits
, où il juge que la paffion
eft neceffaire , car enfin les af
faires du coeur ont leur ordre &
à
40
Extraordinaire
leur exactitude auffi- bien que les
autres. J'avoue que ces Lettres
ont moins de feu , moins de bril .
lant , & moins d'emportement
que les premieres ; mais pour
eftre plus moderées & plus tranquilles
, elles ne font pas moins
tendres & moins amoureuſes.
Si l'on confidere fur ce pied - là
les Réponses aux Lettres Portugaifes
, on ne les trouvera pas fi
froides & fi languiffantes que
quelques- uns ont dit. C'est un
Homme qui écrit , dont le cara-
&tere eft toûjours plus judicieux
que celuy d'une Femme. Il fe
juftifie, il raffure l'efprit inquiet
de fa Maîtreffe , il luy ofte fes
fcrupules , il la confole enfin , il
répond exactement à tout . Cela
demande plus d'ordre , que les
du Mercure Galant.
41
faillies volontaires de l'amour,
dont les Lettres Portugaiſes font
remplies . Si les Réponses font
plus raisonnables , elles font auffi
tendres & auffi touchantes que
les autres , defquelles pour ne
rien dire de pis , on peut affurer
qu'elles font des images de la
paffion la plus defordonnée qui
fut jamais. L'amour y eft auffi
naturellement écrit , qu'il eftoit
naturellement reffenty . C'eft
une violence & un déreglement
épouvantable . S'il ne faut que
bien des foibleffes pour prouver
la force d'une paffion , fans -doute
que la Dame Portugaife aime
bien mieux que le Cavalier François
, mais s'il faut de la raiſon ,
du jugement, & de la conduite,
pour rendre l'amour folide &
Q. deJuillet 1683.
D
42 Extraordinaire
durable , on avoüera que le Cavalier
aime encore mieux que la
Dame. Les Femmes fe flatent
qu'elles aiment mieux que nous,
parce que l'amour fait un plus
grand ravage dans leurs ames,
& qu'elles s'y abandonnent entierement
; mais elles ne doivent
pas tirer de vanité de leur foibleffe
. L'Amour eft chez elles
un Conquérant, qui ne trouvant
aucune réfiftance dans leurs
cours, paffe comme un torrent,
& n'a pas plutoſt aſſujetty leur
raiſon, qu'il abandonne la place.
Mais chez nous , c'eſt un Ufurpateur
fin & rufé , qui fe retranche
dans nos coeurs , & qui les
conferve avec le mefine foin qu'il
les a pris . Il s'accommode avec
noftre raiſon , & il aime mieux
du Mercure Galant.
43
regner plus feûrement & plus
longtemps avec elle , que de
commander feul , & craindre à
tous momens la revolte de fon
Ennemie . C'eſt donc le bon fens
abufé , & la raiſon féduite , qui
rendent l'amour conftant & in
vincible , & c'eft de cette forte
d'amour dont nous voyons le
portrait dans les Réponses aux
Lettres Portugaifes, & dans prefque
toutes celles qui ont le veritable
caractere de l'Homme.
Ovide ne brille jamais tant dans
les Epiftres de fes Héros , que
dans celles de fes Héroïnes. Il
obſerve dans les premieres plus
de fageffe , plus de retenue , &
bien moins d'emportement
. On
fe trompe donc de croire
que
Lettres amoureufes ne doivent
les
Dij
44
Extraordinaire
Ne pas eftre fi raisonnables .
feroit.ce point plutoft que les
Femmes fentant que nous avons
l'avantage fur elles pour les Lettres
, & que nous regagnons à
bien écrire , ce qu'elles nous of
tent à bien parler , ont introduir
cette maxime, qu'elles l'emportoient
fur nous pour les Lettres
d'amour , qui pour eſtre bien paf
fionnées , ne demandent pas, difent
elles , tant d'ordre , de liaifon,
& de fuite ? Cette erreur a
gagné la plupart des Efprits, qui
font valoir je - ne - fçay quels Billets
déreglez , où l'on voit bien
de la paffion , mais peu d'efprit
& de délicateſſe
, non pas que je
veüille avec Mi de Girac , que
pour réüffir dans les Lettres d'amour
, on ait tant d'efprit , &
du Mercure Galant,
45
qu'on ne puiffe fçavoir trop de
chofes. La paffion manque rarement
d'eftre éloquente , a dit
agreablement un de nos Autheurs
; & en matiere d'amour,
on n'a qu'à fuivre les mouvemens
de fon coeur. Le Bourgeois Gentilhomme
n'eftoit pas fi ridicule
qu'on croiroit bien , de ne vou
loir ny les feux , ny les traits du
Pédant Hortenfius, pour déclarer
fa paffion à fa Maîtreffe, mais
feulement luy écrire , Belle Marquife,
vos beauxyeux me font mourir
d'amour. C'en feroit fouvent affez ,
& plus que toute la fauffe galanterie
de tant de Gens du monde,
qui n'avancent guére leurs affaires
avec tous leurs Billets doux,
qui cherchent fineffe à tout , &
qui fe tuënt à écrire des Riens,
46
Extraordinaire
d'une maniere galante , & qui
foient tournez gentiment , comme
parle encore le Bourgeois Gentilhomme.
Ceux qui ont examiné de pres
les Lettres amoureufes de Voiture
, n'y trouvent point d'autre
defaut que le peu d'amour . Voiture
avoit de l'efprit , il eftoit
galant, il prenoit feu meſme aupres
des Belles ; mais il n'aimoit
guére, & fongeoit plutoft à dire
de jolies chofes , qu'à exprimer
fa paffion. Il eftoit de compléxion
amoureufe, dit M' Pelliffon
dans fa Vie , ou du moins feignoit
de l'eftre, car on l'accuſoit
de n'avoir jamais veritablement
aimé. Tout fon amour eftoit
dans fa tefte , & ne defcendoit
jamais dans fon coeur. Cet amour
du Mercure Galant. · 47
fpirituel & coquet eft encore la
caufe pourquoy fes Lettres font
fi peu touchantes , & prefque
toutes remplies de fauffes pointes,
qui marquent un efprit badin
qui ne fçait que plaifanter . Or il
eft certain qu'en amour la plaifanterie
n'eft pas moins ridicule,
qu'une trop grande fageffe. Les
Lettres amoureufes de Voiture
ne font
pas des Originaux que la
Jeuneffe doive copier , mais que
dis-je , copier? Toutes les Lettres.
d'amour doivent eftre originales.
Dans toutes les autres on peut
prendre de bons modelles ,
les imiter ; mais icy il faut que
le coeur parle fans Truchement.
Qui fe laiffe gagner par des paroles
empruntées , mérite bien
d'en eftre la Dupe. L'amour eft
&
48
Extraordinaire
affez éloquent , laiffez le faire ;
s'il eft réciproque, on fçaura vous
entendre, & vous répondre . Mais
c'eft affez parler des Lettres d'a
mour, tout le monde s'y croit le
plus grand Maiftre.
Je pourrois ajoûter icy les Lettres
de Politique ; mais outre
qu'elles font compriſes dans les
Lettres d'affaires, il en eft comme
de celles d'amour. Le Cabinet
& la Ruelle obfervent des
regles particulieres , qui ne font
connues que des Maiftres . Il n'y
a point d'autres préceptes à pra
tiquer, que ceux que l'Amour &
la Politique infpirent ; mais neanmoins
fi l'on veut des modelles
des Lettres d'affaires, on ne peut
en trouver de meilleures que celles
du Cardinal du Perron , & du
Cardinal
du Mercure Galant.
49
Cardinal d'Offat, puis qu'au fentiment
de M'de la Mote leVayer,
la Politique n'a rien de plus confiderable
que les Lettres de ce
dernier.
Voila à peu prés l'ordre qu'on
peut tenir dans les Lettres . Cependant
il faut avouer qu'elles ne
font plus aujourd'huy das les bor.
nes du StileEpiftolaire . Celles des
Sçavans , font des Differtations ,
& des Préfaces ; celles des Cavaliers
& des Dames , des Entretiens
divers , & des Converſations
galantes. Si un Ecclefiaftique
écrit à quelqu'un fur la naiffance
d'un Enfant , il luy fait un
Sermon fur la fécondité du Ma.
riage , & fur l'éducation de la
Jeuneffe. Si c'eſt un Cavalier qui
traite le mefme fujet , il fe divertit
Q.de Fuillet 1683.
E
So Extraordinaire
fur les Couches de Madame , il
complimente le petit Emmailloté
, & faifant l'Aftrologue avant
que de finir fa Lettre , il
allume déja les feux de joye de
fesVictoires, & compofe l'Epithalame
de fes Nôces. Neantmoins
on appelle tout cela de belles &
de grandes Lettres ; mais on de
vroit plus juſtement les appeller
de grands Difcours , & de petits
Livres , au bas deſquels , comme
dit M' de Girac , on a mis voftre
tres-humble & tres- obeiſſant Serviteur.
Il n'y a plus que les Procureurs
qui demeurent dans le veritable
caractere des Lettres . On
ne craint point d'accabler une
Perfonne par un gros Livre fous
le nom de Lettre ; & je me fouviens
toûjours de la Lettre de
du Mercure Galant.
SI
trente- fix pages que Balfac écrivit
à Coftar , & dont ce dernier
ſe tenoit fi honoré. C'eſt à qui
en fera de plus grandes , & qui
pour un mot d'avis , compoſera
un Avertiffement au Lecteur,
mais quand on envoye de ces
grandes Lettres à quelqu'un , on
peut luy dire ce que Coftar dit
à Voiture , peut - eſtre dans un
autre fens , Habes ponderofiffimam
Epiftolam ,, quanquam non maximi
ponderis. Mais ces Meffieurs veu
lent employer le papier & écrire,
donec charta defecerit. C'est ce qu'a
fait M' de la Motte le Vayer dans
1 fes Lettres , qui ne font que des
compilations de lieux communs,
S & qu'avec raifon il a nommées
petits Traitez en forme de Lettres
, écrites à diverfes Perfonnes
E ij
32 Extraordinaire
ftudieuſes. Cependant il prétend
à la qualité de Seneque François,
& il dit que perfonne n'avoit encore
tenté d'en donner à la France
, à l'imitation de ce Philofophe.
Il éleve extrémement les
Epiftres de Seneque , afin de
donner du luftre aux fiennes . II
a raifon ; car il eft certain que
toute l'Antiquité n'a rien de
comparable en ce genre , non pas
mefme les Epiftres de Cicéron ,
qui toutes élegantes , & toutes
arbaniques qu'elles font , n'ont
rien qui approche, non feulement
du brillant & du folide de celles
de Seneque , mais encore de jene-
fçay- quel air , qui touche , qui
plaift , & qui gagne le coeur &
l'efprit , dés la premiere lecture .
Mais enfin quoy que ces petits
du Mercure Galant.
53
Ouvrages qu'on appelle Lettres,
n'ayent que le nom de Lettres,
c'eſt une façon d'écrire tres - fpirituelle
, tres- agreable , & mefme
tres - utile , comme on le voit par
les Lettres de M' de la Motte le
Vayer , qui font pleines d'érudi
tion , d'une immenfe lecture , &
d'une folide doctrine . Il n'a tenu
qu'à la Fortune , dit M' Ogier,
que les Lettres fçavantes de Balzac,
n'ayet efté des Harangues &
des Difcours d'Etat . Si on en ofte
le Monfeigneur , & voftre tres-humble
Serviteur , elles feront tout ce
• qu'il nous plaira ; & il ajoûte
apres Quintilien , que le Stile
des Lettres qui traitent de Sciences
, va du pair avec celuy de
l'Oraifon . Je voudrois donc qu'on
donnaſt un nouveau nom à ce
E iij
34
Extraordinaire
genre d'écrire , puis que c'eft
une nouvelle choſe. Je voudrois
encore qu'on laiſſaſt aux
Lettres d'affaires & de refpect,
l'ancien Stile Epiſtolaire , & que
tout le refte des chofes qu'on
peut traiter avec fes Amis , ou
avec les Maîtreffes , portaft le
nom dont on feroit convenu .
En effet ne feroit- il pas à propos
qu'une Lettre qu'on écrit à un
Homme fur la mort de fa Femme
, ne fuft pas une Oraifon funebre
; celle de conjoüiffance ,
une Panilodie , celle de recommandation
, un Plaidoyé , & ainſi
des autres , que les diverfes conjonctures
nous obligent d'écrire.
Ce n'eft pas que ces Livres en
forme de Lettres , manquent d'agrément
& d'utilité , on les peut
du Mercure Galant.
55
3.
lire fans ennuy quand elles font
bien écrites , & mefme on y apprend
quelquefois plus de chofes
que dans les autres Ouvrages ,
qui tiennent de l'ordre Romanefque
, ou de l'Ecole ; mais on ne
doit trouver dans chaque chofe
que ce qu'elle doit contenir. On
cherche des Civilitez & des
Complimens dans les Lettres , &
non pas des Hiftoires , des Sermons
, ou des Harangues ; on a
raifon de dire qu'il faut du temps
pour faire une Lettre courte , &
fuccincte. Ce n'eft pas un paradoxe
, non plus que cette autre
maxime , qu'il eft plus aifé de
faire de longues Lettres , que de
courtes ; tout le monde n'a pas
cette brieveté d'Empereur dont
parle Tacite , & tous les demis
E iiij
36
Extraordinaire
beaux Efprits ne croyent jamais
en dire affez , quoy qu'ils en difent
toûjours trop .
Il feroit donc à propos qu'on
remift les chofes au premier état,
on trouveroit encore affez d'autres
fujets , pour faire ce qu'on
appelle de grandes Lettres , &
l'on auroit plus de plaifir à y travailler
fous un autre nom ; car ce
qui fait aimer cette façon d'écrire
, c'est que beaucoup de
Perfonnes qui ont extrémement
de l'efprit , le font paroiftre par là.
Tout le monde ne fe plaift pas à
faire des Livres , & il feroit fâcheux
à bien des Gens , d'étoufer
tant de belles penſées , & de
beaux fentimens , dont ils veulent
faire part à leurs Amis. Les
Femmes fpirituelles font intedu
Mercure Galant.
$7
reffées en ce que je dis , auffibien
que les Hommes galans .
Ces Hommes doctes du Cercle ,
& de la Rüelle , dont les opinions
valent mieux que toute la doctrine
de l'Univerfité , & dont un
jour d'entretien vaut dix ans d'école
; les Balzac , les Coftar, les
Voiture , fe font rendus inimortels
par leurs grandes Lettres , &
cette lecture a plus poly d'Efprits ,
& plus fait d'honneftes Gens , que
tous les autres Livres. En effet
il y a bien de la diférence entre
leur Stile , & le langage figuré
de la Poëfie , l'emphatique des
Romans , & le guindé des Orateurs
, fans parler de cet ar de
politeffe , & de galanterie , qu'on
ne trouve paschez les autres Autheurs.
Si nous en croyons CoЯar
$8
Extraordinaire
dans Epiftre de fes Entretiens
qu'il dédie à Conrard , l'invention
de ces fortes de Lettres luy
eft deuë , & à Voiture . Nous
nous avifames , dit- il , M' de Voiture
& moy de cette forte d'Entretiens
qui nous fembloit une image
affez naturelle de nos Converfations
ordinaires, & qui lioit une fi étroite
communication de pensées entre deux
abfens , que dans noftre éloignement,
nous ne trouvions guéres à dire
qu'une fimple & legere fatisfaction
de nos yeux , & de nos oreilles. Tout
ce qu'on peut ajoûter à cela , eſt
que ces fortes de Lettres font feu
lement l'image de la Converfation
de deux Sçavans ; car d'autres
Lettres auffi longues , feroient
de faides images de la Converfation
des Ignorans , & du
du Mercure Galant.
59
vulgaire , mais enfin je voudrois
que l'Académie euft efté le Parain
de ce que nous appellons de
grandes Lettres.
Difons maintenant quelque
chofe des Billets , qu'on peut
nommer les Baftards des Lettres
& des Epiftres,fi j'ofe parler ainfi.
Ce que j'appellois tantoft des
Lettres d'affaires , fe nomme
quelquefois des Billets . Les Amans
mefme s'en fervent , quand
ils expriment leur paffion en racourcy
. Ce genre d'écrire fuplée
à toutes les Lettres communes,
& ce qui eft commode c'eft
qu'on n'y obferve point les qualitez
. Les noms de Monfieur &
de Madame s'y trouvent peu , toû
jours en parenteſe , & jamais au
commencement. J'ay crû que
60 Extraordinaire
cette invention eftoit venuë de la
lecture des Romans , où l'on s'appelle
Tirfis & Silvandre , & où
il n'y a que les Roys , & les Reynes
, aufquels on donne la qualité
de Seigneurs , & de Dames ; mais
j'ay remarqué qu'autrefois dans
les Lettres les plus férieuſes , on
n'obfervoit pas ces délicateffes
de cerémonies , comme de mettre
toûjours à la tefte , Sire, écrivant
au Roy ; ou Monseigneur , écrivant
à quelque Prince, ou à quelque
Grand, & de laiffer un grand
eſpace entre le commencement
de la Lettre. Toutes les Epiftres
dédicatoires de nos anciens Autheurs
en font foy , & commencent
comme celles des Tragédies
de Garnier. Si nous , originaires
Sujets de Voftre Majesté, Sire , vous
du Mercure Galant. 61
devons naturellement nos Perfonnes,
&c. Voila comme ce Poëte écrit
à Henry III . & à M¹ de Rambouillet
, Quand la Nobleffe Françoife
embraffant la vertu comme vous
faites , Monfeigneur , &c. Cela
femble imiter le Stile Epiſtolaire
des Anciens , dont le cerémonial
eftoit à peu prés de cette forte ,
car j'appelle ainfi ces fcrupuleuſes
regles de civilité , que
quelques uns ont introduites
dans les Lettres. Quoy qu'il en
foit , on dit que Madame la Marquife
de Sablé a inventé cette
maniere d'écrire commode &
galante , qu'on nomme des Billets.
Nous luy fommes bien redeva
bles de nous avoir délivrez par
ce moyen de tant de civilitez fâcheufes
, & de complimens in
-
62 Extraordinaire
fuportables. Ce n'eft pas qu'il n'y
faille apporter quelque modification
, car on en abufe en beaucoup
de rencontres , & l'on rend
un peu trop commun , ce qui n'ef
toit employé autrefois que par les
Perfonnes de la premiere qualité,
envers leurs inférieurs , d'égal à
égal , & dans quelque affaire de
peu d'importance , ou dans une
occafion preffante. Enfin les Bil
lets doivent eftre fuccincts pour
l'ordinaire , & n'eftre pas fans
civilité. Seneque veut que ceux
que nous écrivons à nos Amis ,
foient courts. Quandje vous écris,
dit- il à Lucilius , il me semble que
je ne dois pas faire une Lettre , mais
un Billet , parce que je vous vois , je
vous entens , & je fuis avec vous.
En effet , les Billets n'ayant lieu
du Mercure Galant.
63
que lors qu'on n'eft pas éloigné
les uns des autres , ou lors qu'on
n'a pas le loifir d'écrire plus amplement
, il n'eft pas befoin d'un
grand nombre de paroles , il ne
faut écrire que ce qui eft abfolument
neceffaire , & remettre
le refte à la premiere occafion.
Il femble qu'avec la connoiffance
de toutes ces chofes , il ne
foit pas difficile de réüffir dans le
Stile Epiftolaire. Cependant je
ne craindray point de dire que
les plus habiles Hommes n'y rencontrent
pas toûjours le mieux,
& qu'une Lettre bien faite eft le
chefd'oeuvre d'un bel Efprit . Il
y a mefme des Gens qui en ont
infiniment , qui n'ont aucun talent
pour cela , & qui envient
avec M' Sarazin , la condition de
64
Extraordinaire
leurs Procureurs , qui commencent
toutes leurs Lettres par je
vous diray , & les finiffent par je
fuis. Je ne m'en étonne pas . Il
n'y a point de plaifir à fe com.
mettre , & c'eft ordinairement
par les Lettres qu'on juge de l'ef
prit d'un Homme . Če doit eftre
fon veritable portrait , & s'il a
du bon fens , ou s'il en manque,
il cft impoffible qu'on ne le voye
par là . On voit bien à ta Lettre ,
dit Théophile répondant à un
Fat , que tu n'es pas capable de
beaucoup de choses. Qui ne fait pas
bien écrire , ne fçait pas bien imaginer.
Ton entendement n'eft pas
plus agreable que ton file. Ceux
qui brillent dans la Converfation
, & dans les Ouvrages de
galanterie , ont quelquefois de
du Mercure Galant. 65
la peine à s'affujettir aux regles
aufteres d'une Lettre férieufe. Il
ya encore bien des Gens qui ne
fçauroient écrire que comme ils
parlent , & ce n'eft pas cela .
Rien n'impofe fur le papier , la
voix , le gefte , ne peuvent s'y
peindre avec le difcours , & ces
chofes bien fouvent en veulent
plus dire que ce qu'on écrit . Mais
comme on ne dit pas aux Gens
les chofes de la maniere qu'on les
écrit , on ne doit pas auffi leur
écrire de la maniere qu'on leur
parle , & comme dit M le Chevalier
de Meré , Il y a de cerm
taines Perfonnes quiparlent bien en
apparence , & qui ne parlent pas
bien en effet. Comme ilfaut duſoin,
& de l'application pour bien écrire
& de
tes Perfonnes ne veulent pas fe don-
Q.deJuillet 1683 .
E
66 Extraordinaire
ner tant depeines , & c'est pourquoy
elles font rarement de belles Lettres .
De plus , ajoûte´ce galant Homme
, ces beaux Efprits commencent
toûjours leurs Lettres trop finement,
ils ne fçauroient les foutenir. Cela
les ennuye , les laffe , & les dégoûte.
Cependant ilfaut toûjours rencherir
fur ce qu'on adit en commençant, &
lors qu'une Lettre eft longue , tant de
fubtilité devient laffante. Enfin il ne
faut ny outrer, nyforcer , ny tirer de
loin ce qu'on veut dire , cela réuſſit
toûjours mal.
La pratique de toutes ces regles
, peut rendre un Homme ha
bile en ce genre d'écrire , & rien
n'eſt plus capable de luy donner
de la réputation. Nous l'avons
veu dans quelques Autheurs modernes
, & ce que les Anciens
du Mercure Galant.
67
2
J
1
S
nous ont laiſſé du Stile Epifto .
laire , l'emporte pour l'agrément
& la délicateffe , fur tous les autres
Ecrits. Les Epiftres de Ci
céron , les Epiftres de Seneque,
& celles d'Ovide , font encore
les délices des Sçavans , pour ne
rien dire des Epiftres de S. Jérôme
, de S. Grégoire , de S. Ber
nard , & de plufieurs autres Peres
de l'Eglife , où l'on ne voit pas
moins d'efprit , & d'éloquence,
que de doctrine , & de pieté.
EPISTOLAIRE. ⠀
L
' Ecriture eft l'image de la
Parole , comme la Parole
eft l'image de la Penſée . L'uſage
de la Parole eft divin , l'invention
de l'Ecriture merveilleuſe. Enfin
toutes les deux nous rendent do-
& es & raiſonnables. Rien n'eft
plus prompt que la Parole ; ce
n'eft qu'un fon que l'air forme
& diffipe en mefme temps . L'Ecriture
eft plus durable , elle fixe
ce Mercure , elle arrefte cette
Fléche, qui eftant décochée, ne
revient jamais. Elle donne du
A ij
7
Extraordinaire
corps à cette noble expreffion
de l'ame , & la rendant viſible à
nos yeux , pour me fervir des
termes d'un de nos Poëtes , elle
conferve plufieurs fiecles , ce qui
me fembloit mourir en naiffant.
Mais fi l'Ecriture perpétuë la
Parole, elle la fait encore entendre
à ceux qui font les plus éloignez,
& comme un Echo fidelle,
elle répete en mille lieux , & à
mille Gens , ce que l'on n'a dit
quelquefois qu'en fecret , & à
l'oreille. C'est ce qui la rend fi
neceffaire dans la vie , & particulierement
dans l'ufage du Stile
Epiftolaire ; car enfin l'Ecriture
qui a esté inventée pour conferver
les Sciences, & pour eternifer
les actions des Grands Hommes,
ne l'a pas moins efté pour fupléer
du Mercure Galant.
5.
à l'éloignement des lieux , & à
l'abſence des Perfonnes. On n'a
pas toûjours eu befoin de Contracts
& d'Hiftoires , pour infpirer
la vertu , & la bonne-foy.
Nos anciens Gaulois mefme ont
efté braves, vertueux, & fçavans,
fans le fecours de ce bel Art . La
Parole & la Memoire contenoient
toutes leurs fciences , &
toute leur étude ; mais dans le
commerce de la vie , où l'on ne
peut cftre toûjours enſemble,
y a.t. il rien de plus agreable, &
de plus utile, que de fe parler &
de s'entretenir par le moyen
d'une Lettre , comme fi l'on ef
toit dans un mefme lieu ? Bien
plus, fi nous en croyons l'amou
reuſe Portugaife , les Lettres
nous donnent une plus forte idée
A üj
Extraordinaire
de la Perfonne que nous aimons .
Il mefemble, dit - elle à fon Amant,
que je vous parle quandje vous écris,
&
que vous m'eftes un peu plus préfent.
Un Moderne a donc eu raifon
de nommer les Lettres les
Difcours des Abfens. L'Homme fe
répand & fe communique par
elles dans toutes les Parties du
Monde . Il fçait ce qui s'y paffe,
& il y agit mefme pendant qu'il
fe repofe ; un peu d'encre & de
papier , fait tous ces miracles.
Mais que j'ay de dépit contre
ceux , qui pour rendre ce com ..
mercé plus agreable , l'ont rendu
fi difficile, qu'au lieu d'un quartd'heure
qu'il falloit pour faire
fçavoir de fes nouvelles à quelqu'un
, il y faut employer quelquefois
unejournée entiere ! L'adu
Mercure Galant.
rangement
d'une douzaine
de
paroles emporte deux heures de
temps. C'eſt une affaire qu'une
Lettre , & tel qui gagneroit
fon
Procés , s'il prenoit la peine d'écrire
pour le folliciter
, aime
mieux le perdre comme le Mifantrope
de Moliere , que de
s'engager
dans un pareil embarras
.
On a prétendu mettre en Art
ce genre d'écrire , & quelquesuns
( comme de la Serre & fes
Imitateurs ) en ont voulu faire
leçon . Un Moderne mefme , parmy
tant de préceptes qu'il a
donnez pour l'éducation d'une
Perfonne de qualité, a traité de
la maniere d'écrire des Lettres ,
de leur diférence, & du ſtile qui
leur eft propre. Je veux croire
A iiij
8 Extraordinaire
qu'il a tres - bien réuffy en cela ;
mais n'y a-t- il point un peu d'affectation
baffe & inutile , de donner
pour regles, qu'aux Perſonnes
d'un rang au deffus de nous,
aufquelles on écrit, il faut fe fervir
de grand papier, que la feüille
foit double ,qu'on mette un feuillet
blanc, outre l'envelope pour
couvrir cette feuille , fi elle eft
écrite de tous coſtez , qu'il y ait
un grand efpace entre le Monfei
gneur & la premiere ligne , & cent
autres chofes de cette nature ?
Cela , dis-je , ne fent- il point la
bagatelle, & y a- t - il rien de plus
ridicule qu'un Homme qui fe
pique d'écrire , de plier , & de
cacheter des Lettres à la mode ,
comme parlent quelques Prétieux
? Ce font des minuties indi
du Mercure Galant.
9
gnes d'un honnefte Homme , &
d'un bel Efprit. Qui fçait faire
une belle Lettre , la fçait bien plier
fans qu'on luy en donne des préceptes
, & ces petites façons de
quelques Cavaliers & de quelques
Dames pour leurs Poulets,
font des galateries hors d'oeuvre,
& des marques de la petiteffe de
leur efprit,plutoft que de leur po
liteffe , & de leur honnefteté.
Leurs Lettres n'ont rien de galat,
fi vous en oftez le papier doré, la
foye, & la cire d'Espagne. Cet endroit
de la Civilité Françoiſe, me
fait fouvenir de cet autre des
Nouvelles nouvelles , où deux
prétédus beaux Efprits difputent
s'il faut mettre la datte d'une
Lettre au commencement , ou à
la fin. L'un répond, & peut-eftre
ΙΟ Extraordinaire
avec efprit, qu'aux Lettres d'af.
faires & de nouvelles , il faut
écrire la datte au haut , parce
qu'on eft bien - aiſe de fçavoir
d'abord le lieu & le temps qu'el
les font écrites ; mais que dans
les Lettres galantes & de complimens
, où ces chofes font de
nulle importance , il faut écrire
la datte tout au bas . Mais ils font
encore une autre Queſtion , fçavoir
, s'il faut écrire , de Madrid,
ou à Madrid ; & l'un d'eux la réfout
affez plaifamment , en difant
qu'il ne faut mettre ny à , ny de,
mais feulement Madrid ; & que
c'eft de la forte que le pratiquent
les Perfonnes de qualité.
Je fçay qu'il y a mille choſes
qu'il ne faut pas négliger dans
les Lettres, à l'égard du refpect,
du Mercure Galant . II
de l'honnefteté , & de la bien .
féance ; & c'est ce qu'on appelle
le decorum du Stile Epiftolaire,
qui en fait tantoft l'acceffoire,
& tantoft le principal. Toutes
ces formalitez font le principal
des Lettres de compliment, mais
elles ne font que l'acceffoire des
Lettres d'affaires, ou de galanterie.
Quand une Lettre inftru-
Ative, ou galante, eft bien écrite ,
on ne s'attache pas à examiner
s'il y a affez de Monfieur ou de
Madame , & fi le Serviteur treshumble
eft mis dans toutes les
formes ; mais dans une Lettre de
pure civilité , on doit obſerver
cela exactement . Ceux qui fçavent
vivre , & qui font dans le
commerce du grand monde, ne
manquent jamais à cela , me dira12
Extraordinaire
t - on , & ainfi il eft inutile de faire
ces fortes d'obfervations . Il eft
vray ;mais quandje voy que dans
les plus importantes négotiations
, un mot arrefte d'ordinaire
les meilleures teftes , & retarde
les dépefches les plus preffées,
quand je voy que l'Académie
Françoife fe trouve en peine
comment elle foufcrira au bas
d'une Lettre qu'elle veut écrire
à M' de Boifrobert , qu'elle ne
fçait fi elle doit mettre Vos tres
affclionnez Serviteurs, parce qu'
elle ne veut pas foufcrire vos tres
humbles Serviteurs , qu'enfin elle
cherche un tempérament , &
qu'elle foufcrit Vos tres paffionnez
Serviteurs , je croy que ces formalitez
font neceffaires , qu'on
peut entrer dans ces détails , &
81
du Mercure Galant.
13
s'en faire des regles judicieuſes &
certaines. Mais je ne puis approuver
qu'on aille prendre des
modelles de Lettres dans la Traduction
de Jofephe par M'd'Andilly
, car quel raport peut -il y
avoir entre un Gouverneur de
Province qui écrit à Lours LE
GRAND, & Zorobabel qui écrit
au Roy de Perfe ? Je ne m'étonne
donc pPfces Ecrivains
qui femblent eftre faits pour en
tretenir les Colporteurs, & pour
garnir les rebords du Pont. neuf,
n'ont pas réüffy dans les modelles
qu'ils nous ont donnez pour
bien écrire des Lettres. Leurs
Ouvrages font trop froids, ou de
pur caprice , & les Autheurs
n'eftoient pas prévenus des paffions
qu'il faut reffentir , pour
14
Extraordinaire
entrer dans le coeur de ceux qui
en font émûs. Perfonne ne fe
reconnoift dans leurs Lettres ,
parce que ce font des portraits
de fantaiſie , qui ne reſſemblent
pas . On n'a donc fait que fe di .
vertir des regles qu'ils nous ont
voulu preſcrire, & on a toûjours
crû qu'il eftoit impoffible de
fixer les Lettres dans un Royaume,
où l'on ne change pas moins
de mode pour écrire que pour
s'habiller.
La Nature nous eft icy plus
neceffaire que l'Art ; & l'Ecriture ,
qui eft le Miroir dans lequel elle
fe repréſente, ne rend jamais nos
Lettres meilleures , que
lors qu '
elles luy font plus femblables.
Comme rien n'eft plus naturel
à l'Homme que la parole , rien
du Mercure Galant.
IS
ne doit eftre plus naturel que fon
expreffion. L'Ecriture , comme
un Peintre fidelle, doit la repréfenter
à nos yeux de la mefme
maniere qu'elle frape nos oreilles
, & peindre dans une Lettre ,
ainfi que dans un Tableau , non
feulement nos paffions, mais encore
tous les mouvemens qui les
accompagnent. Jeſçay bien que
le Jugement venant au fecours
de l'Ecriture, retouche cette premiere
Ebauche , mais ce doit
eftre d'une maniere fi naturelle,
que l'Art n'y paroiffe aucunement
; car la beauté de cette
peinture confifte dans la naïveté.
Nos Lettres qui font des
Converfations par écrit, doivent
donc avoir une grande facilité,
pour atteindre à la perfection du
16 Extraordinaire
genre Epistolaire , & pour y
réüffir , les principales regies
qu'il faut obferver, font d'écrire
felon les temps , les lieux , & les
perfonnes. De l'obfervation de
ces trois circonstances dépend la
réüffite des belles Lettres, & des
Billets galants ; mais à dire vray,
tout le monde ne connoift pas
veritablement ce que c'est que
cet Art imaginaire , ny quelles
font les Lettres qui doivent eftre
dans les bornes du Stile Epiftolaire.
On les peut réduire toutes à
quatre fortes , les Lettres d'af
faires , les Lettres de compliment,
les Lettres de galanterie ,
les Lettres d'amour. Comme le
mot d'Epiſtre eft finonime à celuy
de Lettre, je ne m'arreſteray
du Mercure Galant. 17
point à expliquer cette petite
diférence. Je diray feulement
que le ftile de la Lettre doit eftre
fimple & coupé , & que le ftile
de l'Epiftre doit avoir plus d'ornement
& plus d'étendue , comme
on peut le remarquer chez
Fes Maiftres de l'Eloquence
Greque & Romaine .
Enfin
chacun fçait que le mot d'Epiftre
eft confacré dans la Langue Latine,
& qu'il n'eft en ufage parmy
nous , que dans les Vers, & àla
tefte des Livres qu'on dédie;
mais ce qui eft affez remarquable
, c'eft d'avoir donné le nom
de Lettres à cette maniere d'écrire
, ce nom comprenant toutes
les Sciences . On
peut neantmoins
le donner veritablement
à ces grandes & fçavantes Let-
Q.de Fuillet 1683.
B
18 Extraordinaire
tres de Balzac, de Coftar , & de
quelques autres celebres Autheurs
. Les Lettres d'affaires
font faciles , il ne faut qu'écrire
avec un peu de netteté , & -bien
prendre les moyens qui peuvent
faire obtenir ce qu'on demande.
Peu de ces Lettres voyent le jour,
& perfonne ne s'avife d'en faire
la Critique. Il n'en eft pas de
meline des Lettres de compli
ment . Comme elles font faites
pour fatisfaire à noftre vanité,
on les expoſe au grand jour , &
on les examine avec beaucoup
de rigueur. Il n'y en a prefque
point d'achevées , & l'on n'en
peut dire la raifon , fi ce n'eft que
de toutes les manieres d'écrire ,
le Panégyrique eft le plus difficile,
C'eft le dernier effort du
du Mercure Galant.
19
genre démonftratif. Ainfi il eſt
rare qu'une Lettre foit une veritable
Piece d'éloquence. De
plus , ces fortes de Lettres s'adreffent
toûjours à des Gens,
qui eftant prévenus de fortes
paffions , comme de la joye & de
la trifteffe , & qui ne manquant
pas de vanité & d'amour propre,
ne croyent jamais qu'on en dife
affez. Ceux- mefme qui n'y ont
point de part , en jugent felon
leur inclination , & ils trouvent
toûjours quelque chofe à redire,
parce que les louanges qu'on
donne aux autres , nous paroiffent
fades, par une fecrete envie
que le bien qu'on en dit nous
caufe. Mais au refte fi on eftoit
bien defabufé que les Lettres
ne font pas toujours des compli
Bij
20 Extraordinaire
mens & des civilitez par écrit,
qu'elles n'ont point de regles
précifes & certaines , peut- eſtre
n'en blâmeroit- on pas comme
l'on fait , de fort bonnes , & de
bien écrites. Si on eftoit encore
perfuadé que les Lettres font de
fidelles Interpretes de nos penfées
& de nos fentimens , que ce
1 font de veritables portraits de
nous.mefmes , où l'on remarque
jufques à nos actions & à nos manieres
, peut- eftre que les plus
négligées & les plus naturelles.
feroient les plus eſtimées . A la
yerité ces peintures , pour eſtre
quelquefois trop reffemblantes,
en font moins agreables, & c'eſt
pourquoy on s'étudie à ſe cacher
dans les Lettres de civilité, & de
compliment. Elles veulent du
du Mercure Galant. 21
fard ; & cette maniere réfervée
& refpectueuse dans laquelle
nous y paroiffons , réüffit bien
mieux qu'un air libre & enjoüé,
qui laiffe voir nos defauts, & qui
ne marque pas affez de foûmiffion
& de dépendance. Nous
voulons eftre veus du bon costé,
& on nous veut voir dans le ref
pect ; mais lors que l'on s'expofe
familierement , fans honte de
noftre part , & fans ceremonie
pour les autres, il eſt rare qu'on
nous aime , & qu'on nous approuve
, fur tout ceux qui ne
nous connoiffent pas , & qui ne
jugent des Gens que par de
beaux déhors. D'ailleurs comme
nos manieres ne plaiſent pas
tout le monde , il eft impoffible
que des Lettres qui en font plei
22
Extraordinaire
nes, ayent une approbation genérale.
Le Portrait plaiſt fouvent
encore moins que la Perfonne,
foit qu'il tienne à la fantaifie
du Peintre , ou à la fituation
dans laquelle on eftoit lors qu'on
s'eft fait peindre. Les Lettres
qu'on écrit quand on eft cha .
grin, font bien diférentes de celles
que l'on écrit dans la joye , &
dans ces heureufes difpofitions
où l'on fe trouve quelquefois ; &
ce font ces favorables momens
qui nous rendent aimables dans
tout ce que nous faifons . Il faudroit
donc n'écrire que lors
qu'on s'y est bien difpofe , car
toutes nos Epiftres chagrines ne
font pas fi agreables que celles
de Scarron. Mais enfin pour
réuffir dans les Lettres de civi-
"
du Mercure Galant.
23
lité , il faut avoir une grande
douceur d'efprit , des manieres
Alateuſes & infinuantes , un ftile
pur & élegant, du bon fens , &
de la jufteffe , car on a banny des
Complimens , le phébus & le
galimathias, qui en faifoient autrefois
toute la grace & toute la
beauté . Mais avant que de finir
cet Article , je croy qu'il eft à
propos de dire quelque chofe
du Compliment, qui fert de fond
& de fujet à ces fortes de Lettres.
Le Compliment , à le prendre
dans toute fon étenduë , eft un
genre de civilité , qui fubfifte
feul , fans le fecours de la Converfation
, des Harangues, & des
Lettres . Ainfi on dit , F'ay envoyé
faire un Compliment , on m'eft
24
Extraordinaire
venu faire un Compliment. Il entre
à la verité dans la Converſation ,
dans les Harangues , & dans les
Lettres , & il en conftitue l'effence
en quelque façon , mais il
en fort quelquefois, & lors qu'il
eft feul , il en difére effentiellement.
Il eft plus court , plus fimple,
plus jufte, & plus exact ; &
c'eſt de cette forte qu'il eft difficile
de le définir dans les termes
de la Rhétorique , parce qu'on
peut dire que les Anciens n'ont
fçeu ce que c'eftoit , au moins
de la maniere que nous le pratiquons
, & qu'ils ne nous en ont
point laiffé d'exemples . Tout
fentoit la Déclamation chez eux ,
& avoit le tour de l'Oraiſon , &
de la Harangue . Cependant je
dis que faire un Compliment à
quelqu'un,
du Mercure Galant.
25
que
paquelqu'un,
n'eft autre choſe
de luy marquer par de belles
roles , l'eftime & le refpect que
nous avons pour luy. Complimenter
quelqu'un , eft encore
s'humilier agreablement devant
luy. Enfin un Compliment eft
un Combat de civilitez réciproques
; ce qui a fait dire à M
Coftar
, que les Lettres eftoient
des Duels , où l'on fe bat fouvent
de raiſons , & où l'on employe
fes forces fans réſerve & fans retenuë
. Il eſt vray qu'il y en a
qui n'y gardent aucunes mefures ,
mais nos Complimens ne font .
ils pas des oppofitions , & des
contradictions perpétuelles ? On
y cherche à vaincre , mais le
Vaincu devient enfin le Victo .
rieux par fon opiniâtreté . Quelle
2. de Juillet 1683.
Queli
26 Extraordinaire
ridicule & bizare civilité , que
celle des Complimens ! Il entre
encore de la rufe & de l'artifice
dans cette forte de Combat , &
je ne m'étonne pas files Homes
fracs & finceres y font fi peu propres,
& regardent nos Compli
mens comme un ouvrage de la
Politique, comme un effet de la
corruption du Siecle, comme la
pefte de la Societé civile . Ils apellent
cela faire la Comédie, & difent
qu'on doit y ajoûter peu de
foy, parce que c'eſt une maxime
du Sage , qu'on n'eſt pas obligé
de garantir la verité des Compli
mens. Ainfi la meilleure maniere
de répondre aux louanges, c'eſt
de les contredire agreablement,
& de marquer de bonne grace
qu'on ne les croit pas , ou plutoft
du Mercure Galant.
27
toute la juſtice qu'on peut rendre
aux méchantes Lettres , & aux
fades Complimens , eft de ne les
pas lire, & de n'y pas répondre.
Les Lettres de galanterie font
difficiles.
Cependant c'eſt le
genre où l'on en trouve de plus
raifonnables. Un peu d'air & des
manieres du monde, une expreffion
aifée & agreable, je- ne -fçay
quelle délicateffe de penfer & de
dire les choſes, avec le fecret de
bien appliquer ce que l'on a de
lecture & d'étude , tout cela en
compofe le veritable caractere,
& en fait tout le prix & tout le
mérite. Cicéron eft le feul des
Anciens qui ait écrit des Lettres
galantes , en prenant icy le mot
de galanterie pour celuy de politeffe
&
d'urbanité , comme par-
C
ij
28 Extraordinaire
loient les Romains , c'est à dire,
du ftile qu'ils appelloient tocofum
&Facetum, Il eft certain auffi que
Voiture a la gloire d'avoir efté le
premier , & peut- eftre l'unique
entre les Autheurs modernes ,
qui ait excellé en ce genre de
Lettres. Mr Sorel dit mefme qu'il
en eſt l'Inventeur , & que nous
luy avons beaucoup d'obligation
de nous avoir garantis de l'importunité
des anciens Complimens
, dont les Lettres eftoient
pleines , & d'auoir introduit une
plus belle & facile méthode d'écrire.
M'de Girac, fon plus grand
Ennemy , demeure d'accord ,
qu'on ne peut rien penfer de plus
agreable que fes Lettres galantes,
qu'elles font remplies de fel
Attique , qu'elles ont toute la
du Mercure Galant. 294
douceur & l'élegance de Terence
, & l'enjoüement de Lucien
. Il faut donc avoir le génie
de Voiture , ou de Balzac , pour
bien faire des Lettres galantes.
Le remercîment d'un Fromage;
ou d'une Paire de Gans, leur en
fourniffoit une ample matiere,
& ç'a efté par là qu'ils ont acquis
une fi grande réputation.
Nous n'avons point de belles
Lettres d'amour, & mefme il s'en
trouve peu chez les Anciens . Ce
n'eft pas affez que de fçavoir bien
écrire , il faut aimer. Ceux qui
réüffiffent ne font pas Autheurs.
Les Autheurs qui aiment, cherchent
trop à plaire ; & comme
les Billets d'amour les plus né .
gligez font les meilleurs , ils croiroient
fe faire tort s'ils paroif.
C iij
30 Extraordinaire
foient de la forte. Chacun fait
encore miftere de fa tendreffe ,
& craint d'eftre veu dans cette
négligence amoureuſe . Mais ce
qui fait auffi noftre délicateffe
fur ce fujet , c'eſt que la paffion
des autres nous femble une ridicule
chimere . Il faut donc aimer.
C'eſt là tout le fecret pour bien
écrire d'amour , & pour en bien
juger.
Pourbien chanter d'amour, ilfaut
eftre amoureux.
Je croy
meſme que
l'Amour a
efté le premier
Inventeur
des
Lettres. Il eft Peintre , il eft
Graveur, il eft encore un fidelle
Courrier
qui porte aux Amans
des nouvelles de ce qu'ils aiment.
La grande affaire a toûjours
eſté
celle du coeur. L'amour qui d'adu
Mercure Galant.
31
bord unit les Hommes, ne leur
donna point de plus grands defirs
que ceux de le voir & de fe
communiquer, lors qu'ils eftoient
féparez par une cruelle abfence.
Leurs foûpirs portoient dans les
airs leurs impatiences amoureufes
; mais ces foûpirs eftoient
trop foibles , quelques violens
qu'ils fuffent , pour ſe pouvoir
rencontrer . Ils demeuroient toû
jours en chemin , ardens , mais
inutiles meffagers des coeurs,
Mille Chifres gravoient fur les
Arbres , & fur les matieres les
plus dures , leurs inquiétudes &
leurs peines ; mais les Zéphirs
qui les baifoient en paffant, n'en
pouvoient conferver l'image, ny
la faire voir aux Amans abfens.
Les Portraits qui confervent fi
C iiij
32
Extraordinaire
vivement l'idée de l'Objet aimé ,
ne pouvoient répondre à leurs
careffes paffionnées . Il fallut
donc d'autres Interpretes , d'au.
tres Simboles , d'autres Images
, pour le faire entendre , fe &
pour s'expliquer , dans une fi
fâcheufe abfence ; & on s'eſt
fervy des Lettres qui , apres les
yeux , ne laiffent rien à defirer à
l'efprit , puis qu'elles font les
plus exacts , & les plus fidelles
Secretaires de nos coeurs . En
effet, ne font-elles pas fufceptibles
de toutes les paffions ? Elles
font triftes , gayes , coleres, amou
reufes , & quelquefois remplies
de haine & de reffentiment , car
les paffions fe peignent fur le
papier comme fur le vifage . On
avoit befoin de l'expreffion de
du Mercure Galant.
33
ces mouvemens, pour bien juger
de nos Amis pendant l'abſence.
C'est à l'Ecriture qu'on en eft
redevable , mais fur tout à l'A- .
mour, qui l'a inventée , Littera
opus amoris.
La gloire de bien écrire des
Lettres d'amour , a donc efté
réſervée avec juſtice au galant
Ovide. Il fçavoit l'art d'aimer,
& le mettoit en pratique. Quoy
qu'il ait pris quelquefois des fu
jets feints pour exprimer cette
paffion , il a fouvent traité de ſes
amours fous des noms empruncar
enfin qu'auroit - il pû
dire de plus pour luy mefme ?
Peut- on rien voir de plus touchant
& de plus tendre que les
Epiftres d'Ariane à Théfée , de
Sapho à Phaon , & de Léandre
tez ;
34
Extraordinaire
à Héro ? Mais ce que j'y admire
fur tout , ce font certains traits
fins & délicats , où le coeur a
bien plus de part que l'efprit.
Au refte on ne doit pas eftre
furpris , fi les Epiftres d'Ovide
l'emportent fur toutes
les Lettres d'amour , qui nous
font restées de l'Antiquité , &
mefme fur les Billets les plus galans
& les plus tendres d'apré.
fent. Elles font en Vers , & l'a
mour est l'entretien des Mufes.
Il eſt plus vif & plus animé dans
la Poëfie , que dans fa propre
effence , dit Montagne . L'avantage
de bien écrire d'amour appartient
aux Poëtes , affure M
de Girac ; & le langage des Hommes
eft trop bas pour exprimer
une paffion fi noble. C'est peutdu
Mercure Galant.
35
eftre la raison pourquoy nos
vieux Courtisans faifoient pref
que toujours leur Déclaration
d'amour en Vers , ou plutoft la
faifoient faire aux meilleurs Poëtes
de leur temps , parce qu'ils
croyoient qu'il n'y avoit rien de
plus excellent que la Poëfie , pour
bien repréſenter cette paffion ,
& pour l'inspirer dans les ames.
Mais tout le monde ne peut
pas eftre Poëte, & il y a encore
une autre raifon , qui fait que
nous avons fi peu de belles Lettres
d'amour ; c'eft qu'elles ne
font pas faites pour eftre veuës.
Ce font des oeuvres de tenebres,
qui fe diffipent au grand jour ; &
ce qui me le fait croire, c'eſt que
dans tous les Romans , où l'amour
eſt peint fi au naturel , où
36
Extraordinaire
les paffions font fi vives & fi ardentes
, où les mouvemens font
fi tendres & fi touchans , où les
fentimens font fi fins & fi délicats
; dans ces Romans , dis je,
dont l'amour profane a dicté toutes
les paroles , on ne trouvera
pas à prendre depuis l'Aſtrée jufqu'à
la Princeffe de Cléves , de
Lettres excellentes, & qui foient
achevées en ce genre. C'eft là
où prefque tous les Autheurs de
ces Fables ingénieuſes ont échoué.
Toutes les intrigues en
font merveilleufes , toutes les
avantures furprenantes , toutes
les converfations admirables ,
mais toutes les Lettres en font
médiocres ; & la raiſon eft, que
ces fortes de Lettres ne font pas
originales . Ce font des fantaifies,
du Mercure Galant. 37
des idées , & des peintures , qui
n'ont aucune reffemblance . Ces
Autheurs n'ont écrit ny pour
Cyrus , ny pour Clélie, ny pour
eux , mais feulement pour le Public
, dont ils ont quelquefois
trop étudié le gouft & les manieres
. Mais outre cela , s'il eft
permis de raconter les conqueftes
& les victoires de l'Amour,
les combats & les foufrances des
Amans , la gloire du Vainqueur,
la honte & les foûpirs des Vaincus
, il est défendu de réveler les
fecrets & les miſteres de ce Dieu,
& c'est ce que renferment les
Billets doux & les Lettres d'amour.
Il est dangereux de les intercepter
, & de les communiquer
à qui que ce ſoit qu'aux Intéreflez,
qui en connoiffent l'im38
Extraordinaire
portance. Le don de penétrer &
de bien goufter ces Lettres , n'apartient
pas aux Efprits fiers &
fuperbes , mais aux Ames fimples ,
pures & finceres , à qui l'amour
communique toutes les delices.
Les grands Génies fe perdent
dans cet abîme . Les fiers , les infenfibles
, les inconftans , enfin
ceux qui raiſonnent de l'amour,
& qui préfument tant de leurs
forces , ne connoiffent rien en
toutes ces chofés .
On ne doit pas chercher un
grand ordre dans les Lettres d'amour
, fur tout lors qu'elles repréfentent
une paffion naiffante,
& qui n'ofe fe déclarer ; mais il
faut un peu plus d'exactitude
dans les Réponses qu'on y fait.
Une Perfonne qui a épanché ſon
du Mercure Galant.
39
coeur fur plufieurs articles, & qui
eft entrée dans le détail de ſa paffion
, veut qu'on n'oublie rien, &
qu'on réponde à tout. Elle ne
feroit pas contente de ce qu'on
luy diroit en gros de tendre &
de paffionné , & le moindre article
négligé , luy paroiftroit d'un
mépris, & d'une indiférence impardonnable.
Le premier qui
écrit, peut répandre fur le papier
toutes les penfées de fon coeur,
fans y garder aucun ordre, & s'abandonner
à tous fes mouvemens
; mais celuy qui répond ,
a toûjours plus de modération .
Il obferve l'autre , le fuit pas
pas, & ne s'emporte qu'aux endroits
, où il juge que la paffion
eft neceffaire , car enfin les af
faires du coeur ont leur ordre &
à
40
Extraordinaire
leur exactitude auffi- bien que les
autres. J'avoue que ces Lettres
ont moins de feu , moins de bril .
lant , & moins d'emportement
que les premieres ; mais pour
eftre plus moderées & plus tranquilles
, elles ne font pas moins
tendres & moins amoureuſes.
Si l'on confidere fur ce pied - là
les Réponses aux Lettres Portugaifes
, on ne les trouvera pas fi
froides & fi languiffantes que
quelques- uns ont dit. C'est un
Homme qui écrit , dont le cara-
&tere eft toûjours plus judicieux
que celuy d'une Femme. Il fe
juftifie, il raffure l'efprit inquiet
de fa Maîtreffe , il luy ofte fes
fcrupules , il la confole enfin , il
répond exactement à tout . Cela
demande plus d'ordre , que les
du Mercure Galant.
41
faillies volontaires de l'amour,
dont les Lettres Portugaiſes font
remplies . Si les Réponses font
plus raisonnables , elles font auffi
tendres & auffi touchantes que
les autres , defquelles pour ne
rien dire de pis , on peut affurer
qu'elles font des images de la
paffion la plus defordonnée qui
fut jamais. L'amour y eft auffi
naturellement écrit , qu'il eftoit
naturellement reffenty . C'eft
une violence & un déreglement
épouvantable . S'il ne faut que
bien des foibleffes pour prouver
la force d'une paffion , fans -doute
que la Dame Portugaife aime
bien mieux que le Cavalier François
, mais s'il faut de la raiſon ,
du jugement, & de la conduite,
pour rendre l'amour folide &
Q. deJuillet 1683.
D
42 Extraordinaire
durable , on avoüera que le Cavalier
aime encore mieux que la
Dame. Les Femmes fe flatent
qu'elles aiment mieux que nous,
parce que l'amour fait un plus
grand ravage dans leurs ames,
& qu'elles s'y abandonnent entierement
; mais elles ne doivent
pas tirer de vanité de leur foibleffe
. L'Amour eft chez elles
un Conquérant, qui ne trouvant
aucune réfiftance dans leurs
cours, paffe comme un torrent,
& n'a pas plutoſt aſſujetty leur
raiſon, qu'il abandonne la place.
Mais chez nous , c'eſt un Ufurpateur
fin & rufé , qui fe retranche
dans nos coeurs , & qui les
conferve avec le mefine foin qu'il
les a pris . Il s'accommode avec
noftre raiſon , & il aime mieux
du Mercure Galant.
43
regner plus feûrement & plus
longtemps avec elle , que de
commander feul , & craindre à
tous momens la revolte de fon
Ennemie . C'eſt donc le bon fens
abufé , & la raiſon féduite , qui
rendent l'amour conftant & in
vincible , & c'eft de cette forte
d'amour dont nous voyons le
portrait dans les Réponses aux
Lettres Portugaifes, & dans prefque
toutes celles qui ont le veritable
caractere de l'Homme.
Ovide ne brille jamais tant dans
les Epiftres de fes Héros , que
dans celles de fes Héroïnes. Il
obſerve dans les premieres plus
de fageffe , plus de retenue , &
bien moins d'emportement
. On
fe trompe donc de croire
que
Lettres amoureufes ne doivent
les
Dij
44
Extraordinaire
Ne pas eftre fi raisonnables .
feroit.ce point plutoft que les
Femmes fentant que nous avons
l'avantage fur elles pour les Lettres
, & que nous regagnons à
bien écrire , ce qu'elles nous of
tent à bien parler , ont introduir
cette maxime, qu'elles l'emportoient
fur nous pour les Lettres
d'amour , qui pour eſtre bien paf
fionnées , ne demandent pas, difent
elles , tant d'ordre , de liaifon,
& de fuite ? Cette erreur a
gagné la plupart des Efprits, qui
font valoir je - ne - fçay quels Billets
déreglez , où l'on voit bien
de la paffion , mais peu d'efprit
& de délicateſſe
, non pas que je
veüille avec Mi de Girac , que
pour réüffir dans les Lettres d'amour
, on ait tant d'efprit , &
du Mercure Galant,
45
qu'on ne puiffe fçavoir trop de
chofes. La paffion manque rarement
d'eftre éloquente , a dit
agreablement un de nos Autheurs
; & en matiere d'amour,
on n'a qu'à fuivre les mouvemens
de fon coeur. Le Bourgeois Gentilhomme
n'eftoit pas fi ridicule
qu'on croiroit bien , de ne vou
loir ny les feux , ny les traits du
Pédant Hortenfius, pour déclarer
fa paffion à fa Maîtreffe, mais
feulement luy écrire , Belle Marquife,
vos beauxyeux me font mourir
d'amour. C'en feroit fouvent affez ,
& plus que toute la fauffe galanterie
de tant de Gens du monde,
qui n'avancent guére leurs affaires
avec tous leurs Billets doux,
qui cherchent fineffe à tout , &
qui fe tuënt à écrire des Riens,
46
Extraordinaire
d'une maniere galante , & qui
foient tournez gentiment , comme
parle encore le Bourgeois Gentilhomme.
Ceux qui ont examiné de pres
les Lettres amoureufes de Voiture
, n'y trouvent point d'autre
defaut que le peu d'amour . Voiture
avoit de l'efprit , il eftoit
galant, il prenoit feu meſme aupres
des Belles ; mais il n'aimoit
guére, & fongeoit plutoft à dire
de jolies chofes , qu'à exprimer
fa paffion. Il eftoit de compléxion
amoureufe, dit M' Pelliffon
dans fa Vie , ou du moins feignoit
de l'eftre, car on l'accuſoit
de n'avoir jamais veritablement
aimé. Tout fon amour eftoit
dans fa tefte , & ne defcendoit
jamais dans fon coeur. Cet amour
du Mercure Galant. · 47
fpirituel & coquet eft encore la
caufe pourquoy fes Lettres font
fi peu touchantes , & prefque
toutes remplies de fauffes pointes,
qui marquent un efprit badin
qui ne fçait que plaifanter . Or il
eft certain qu'en amour la plaifanterie
n'eft pas moins ridicule,
qu'une trop grande fageffe. Les
Lettres amoureufes de Voiture
ne font
pas des Originaux que la
Jeuneffe doive copier , mais que
dis-je , copier? Toutes les Lettres.
d'amour doivent eftre originales.
Dans toutes les autres on peut
prendre de bons modelles ,
les imiter ; mais icy il faut que
le coeur parle fans Truchement.
Qui fe laiffe gagner par des paroles
empruntées , mérite bien
d'en eftre la Dupe. L'amour eft
&
48
Extraordinaire
affez éloquent , laiffez le faire ;
s'il eft réciproque, on fçaura vous
entendre, & vous répondre . Mais
c'eft affez parler des Lettres d'a
mour, tout le monde s'y croit le
plus grand Maiftre.
Je pourrois ajoûter icy les Lettres
de Politique ; mais outre
qu'elles font compriſes dans les
Lettres d'affaires, il en eft comme
de celles d'amour. Le Cabinet
& la Ruelle obfervent des
regles particulieres , qui ne font
connues que des Maiftres . Il n'y
a point d'autres préceptes à pra
tiquer, que ceux que l'Amour &
la Politique infpirent ; mais neanmoins
fi l'on veut des modelles
des Lettres d'affaires, on ne peut
en trouver de meilleures que celles
du Cardinal du Perron , & du
Cardinal
du Mercure Galant.
49
Cardinal d'Offat, puis qu'au fentiment
de M'de la Mote leVayer,
la Politique n'a rien de plus confiderable
que les Lettres de ce
dernier.
Voila à peu prés l'ordre qu'on
peut tenir dans les Lettres . Cependant
il faut avouer qu'elles ne
font plus aujourd'huy das les bor.
nes du StileEpiftolaire . Celles des
Sçavans , font des Differtations ,
& des Préfaces ; celles des Cavaliers
& des Dames , des Entretiens
divers , & des Converſations
galantes. Si un Ecclefiaftique
écrit à quelqu'un fur la naiffance
d'un Enfant , il luy fait un
Sermon fur la fécondité du Ma.
riage , & fur l'éducation de la
Jeuneffe. Si c'eſt un Cavalier qui
traite le mefme fujet , il fe divertit
Q.de Fuillet 1683.
E
So Extraordinaire
fur les Couches de Madame , il
complimente le petit Emmailloté
, & faifant l'Aftrologue avant
que de finir fa Lettre , il
allume déja les feux de joye de
fesVictoires, & compofe l'Epithalame
de fes Nôces. Neantmoins
on appelle tout cela de belles &
de grandes Lettres ; mais on de
vroit plus juſtement les appeller
de grands Difcours , & de petits
Livres , au bas deſquels , comme
dit M' de Girac , on a mis voftre
tres-humble & tres- obeiſſant Serviteur.
Il n'y a plus que les Procureurs
qui demeurent dans le veritable
caractere des Lettres . On
ne craint point d'accabler une
Perfonne par un gros Livre fous
le nom de Lettre ; & je me fouviens
toûjours de la Lettre de
du Mercure Galant.
SI
trente- fix pages que Balfac écrivit
à Coftar , & dont ce dernier
ſe tenoit fi honoré. C'eſt à qui
en fera de plus grandes , & qui
pour un mot d'avis , compoſera
un Avertiffement au Lecteur,
mais quand on envoye de ces
grandes Lettres à quelqu'un , on
peut luy dire ce que Coftar dit
à Voiture , peut - eſtre dans un
autre fens , Habes ponderofiffimam
Epiftolam ,, quanquam non maximi
ponderis. Mais ces Meffieurs veu
lent employer le papier & écrire,
donec charta defecerit. C'est ce qu'a
fait M' de la Motte le Vayer dans
1 fes Lettres , qui ne font que des
compilations de lieux communs,
S & qu'avec raifon il a nommées
petits Traitez en forme de Lettres
, écrites à diverfes Perfonnes
E ij
32 Extraordinaire
ftudieuſes. Cependant il prétend
à la qualité de Seneque François,
& il dit que perfonne n'avoit encore
tenté d'en donner à la France
, à l'imitation de ce Philofophe.
Il éleve extrémement les
Epiftres de Seneque , afin de
donner du luftre aux fiennes . II
a raifon ; car il eft certain que
toute l'Antiquité n'a rien de
comparable en ce genre , non pas
mefme les Epiftres de Cicéron ,
qui toutes élegantes , & toutes
arbaniques qu'elles font , n'ont
rien qui approche, non feulement
du brillant & du folide de celles
de Seneque , mais encore de jene-
fçay- quel air , qui touche , qui
plaift , & qui gagne le coeur &
l'efprit , dés la premiere lecture .
Mais enfin quoy que ces petits
du Mercure Galant.
53
Ouvrages qu'on appelle Lettres,
n'ayent que le nom de Lettres,
c'eſt une façon d'écrire tres - fpirituelle
, tres- agreable , & mefme
tres - utile , comme on le voit par
les Lettres de M' de la Motte le
Vayer , qui font pleines d'érudi
tion , d'une immenfe lecture , &
d'une folide doctrine . Il n'a tenu
qu'à la Fortune , dit M' Ogier,
que les Lettres fçavantes de Balzac,
n'ayet efté des Harangues &
des Difcours d'Etat . Si on en ofte
le Monfeigneur , & voftre tres-humble
Serviteur , elles feront tout ce
• qu'il nous plaira ; & il ajoûte
apres Quintilien , que le Stile
des Lettres qui traitent de Sciences
, va du pair avec celuy de
l'Oraifon . Je voudrois donc qu'on
donnaſt un nouveau nom à ce
E iij
34
Extraordinaire
genre d'écrire , puis que c'eft
une nouvelle choſe. Je voudrois
encore qu'on laiſſaſt aux
Lettres d'affaires & de refpect,
l'ancien Stile Epiſtolaire , & que
tout le refte des chofes qu'on
peut traiter avec fes Amis , ou
avec les Maîtreffes , portaft le
nom dont on feroit convenu .
En effet ne feroit- il pas à propos
qu'une Lettre qu'on écrit à un
Homme fur la mort de fa Femme
, ne fuft pas une Oraifon funebre
; celle de conjoüiffance ,
une Panilodie , celle de recommandation
, un Plaidoyé , & ainſi
des autres , que les diverfes conjonctures
nous obligent d'écrire.
Ce n'eft pas que ces Livres en
forme de Lettres , manquent d'agrément
& d'utilité , on les peut
du Mercure Galant.
55
3.
lire fans ennuy quand elles font
bien écrites , & mefme on y apprend
quelquefois plus de chofes
que dans les autres Ouvrages ,
qui tiennent de l'ordre Romanefque
, ou de l'Ecole ; mais on ne
doit trouver dans chaque chofe
que ce qu'elle doit contenir. On
cherche des Civilitez & des
Complimens dans les Lettres , &
non pas des Hiftoires , des Sermons
, ou des Harangues ; on a
raifon de dire qu'il faut du temps
pour faire une Lettre courte , &
fuccincte. Ce n'eft pas un paradoxe
, non plus que cette autre
maxime , qu'il eft plus aifé de
faire de longues Lettres , que de
courtes ; tout le monde n'a pas
cette brieveté d'Empereur dont
parle Tacite , & tous les demis
E iiij
36
Extraordinaire
beaux Efprits ne croyent jamais
en dire affez , quoy qu'ils en difent
toûjours trop .
Il feroit donc à propos qu'on
remift les chofes au premier état,
on trouveroit encore affez d'autres
fujets , pour faire ce qu'on
appelle de grandes Lettres , &
l'on auroit plus de plaifir à y travailler
fous un autre nom ; car ce
qui fait aimer cette façon d'écrire
, c'est que beaucoup de
Perfonnes qui ont extrémement
de l'efprit , le font paroiftre par là.
Tout le monde ne fe plaift pas à
faire des Livres , & il feroit fâcheux
à bien des Gens , d'étoufer
tant de belles penſées , & de
beaux fentimens , dont ils veulent
faire part à leurs Amis. Les
Femmes fpirituelles font intedu
Mercure Galant.
$7
reffées en ce que je dis , auffibien
que les Hommes galans .
Ces Hommes doctes du Cercle ,
& de la Rüelle , dont les opinions
valent mieux que toute la doctrine
de l'Univerfité , & dont un
jour d'entretien vaut dix ans d'école
; les Balzac , les Coftar, les
Voiture , fe font rendus inimortels
par leurs grandes Lettres , &
cette lecture a plus poly d'Efprits ,
& plus fait d'honneftes Gens , que
tous les autres Livres. En effet
il y a bien de la diférence entre
leur Stile , & le langage figuré
de la Poëfie , l'emphatique des
Romans , & le guindé des Orateurs
, fans parler de cet ar de
politeffe , & de galanterie , qu'on
ne trouve paschez les autres Autheurs.
Si nous en croyons CoЯar
$8
Extraordinaire
dans Epiftre de fes Entretiens
qu'il dédie à Conrard , l'invention
de ces fortes de Lettres luy
eft deuë , & à Voiture . Nous
nous avifames , dit- il , M' de Voiture
& moy de cette forte d'Entretiens
qui nous fembloit une image
affez naturelle de nos Converfations
ordinaires, & qui lioit une fi étroite
communication de pensées entre deux
abfens , que dans noftre éloignement,
nous ne trouvions guéres à dire
qu'une fimple & legere fatisfaction
de nos yeux , & de nos oreilles. Tout
ce qu'on peut ajoûter à cela , eſt
que ces fortes de Lettres font feu
lement l'image de la Converfation
de deux Sçavans ; car d'autres
Lettres auffi longues , feroient
de faides images de la Converfation
des Ignorans , & du
du Mercure Galant.
59
vulgaire , mais enfin je voudrois
que l'Académie euft efté le Parain
de ce que nous appellons de
grandes Lettres.
Difons maintenant quelque
chofe des Billets , qu'on peut
nommer les Baftards des Lettres
& des Epiftres,fi j'ofe parler ainfi.
Ce que j'appellois tantoft des
Lettres d'affaires , fe nomme
quelquefois des Billets . Les Amans
mefme s'en fervent , quand
ils expriment leur paffion en racourcy
. Ce genre d'écrire fuplée
à toutes les Lettres communes,
& ce qui eft commode c'eft
qu'on n'y obferve point les qualitez
. Les noms de Monfieur &
de Madame s'y trouvent peu , toû
jours en parenteſe , & jamais au
commencement. J'ay crû que
60 Extraordinaire
cette invention eftoit venuë de la
lecture des Romans , où l'on s'appelle
Tirfis & Silvandre , & où
il n'y a que les Roys , & les Reynes
, aufquels on donne la qualité
de Seigneurs , & de Dames ; mais
j'ay remarqué qu'autrefois dans
les Lettres les plus férieuſes , on
n'obfervoit pas ces délicateffes
de cerémonies , comme de mettre
toûjours à la tefte , Sire, écrivant
au Roy ; ou Monseigneur , écrivant
à quelque Prince, ou à quelque
Grand, & de laiffer un grand
eſpace entre le commencement
de la Lettre. Toutes les Epiftres
dédicatoires de nos anciens Autheurs
en font foy , & commencent
comme celles des Tragédies
de Garnier. Si nous , originaires
Sujets de Voftre Majesté, Sire , vous
du Mercure Galant. 61
devons naturellement nos Perfonnes,
&c. Voila comme ce Poëte écrit
à Henry III . & à M¹ de Rambouillet
, Quand la Nobleffe Françoife
embraffant la vertu comme vous
faites , Monfeigneur , &c. Cela
femble imiter le Stile Epiſtolaire
des Anciens , dont le cerémonial
eftoit à peu prés de cette forte ,
car j'appelle ainfi ces fcrupuleuſes
regles de civilité , que
quelques uns ont introduites
dans les Lettres. Quoy qu'il en
foit , on dit que Madame la Marquife
de Sablé a inventé cette
maniere d'écrire commode &
galante , qu'on nomme des Billets.
Nous luy fommes bien redeva
bles de nous avoir délivrez par
ce moyen de tant de civilitez fâcheufes
, & de complimens in
-
62 Extraordinaire
fuportables. Ce n'eft pas qu'il n'y
faille apporter quelque modification
, car on en abufe en beaucoup
de rencontres , & l'on rend
un peu trop commun , ce qui n'ef
toit employé autrefois que par les
Perfonnes de la premiere qualité,
envers leurs inférieurs , d'égal à
égal , & dans quelque affaire de
peu d'importance , ou dans une
occafion preffante. Enfin les Bil
lets doivent eftre fuccincts pour
l'ordinaire , & n'eftre pas fans
civilité. Seneque veut que ceux
que nous écrivons à nos Amis ,
foient courts. Quandje vous écris,
dit- il à Lucilius , il me semble que
je ne dois pas faire une Lettre , mais
un Billet , parce que je vous vois , je
vous entens , & je fuis avec vous.
En effet , les Billets n'ayant lieu
du Mercure Galant.
63
que lors qu'on n'eft pas éloigné
les uns des autres , ou lors qu'on
n'a pas le loifir d'écrire plus amplement
, il n'eft pas befoin d'un
grand nombre de paroles , il ne
faut écrire que ce qui eft abfolument
neceffaire , & remettre
le refte à la premiere occafion.
Il femble qu'avec la connoiffance
de toutes ces chofes , il ne
foit pas difficile de réüffir dans le
Stile Epiftolaire. Cependant je
ne craindray point de dire que
les plus habiles Hommes n'y rencontrent
pas toûjours le mieux,
& qu'une Lettre bien faite eft le
chefd'oeuvre d'un bel Efprit . Il
y a mefme des Gens qui en ont
infiniment , qui n'ont aucun talent
pour cela , & qui envient
avec M' Sarazin , la condition de
64
Extraordinaire
leurs Procureurs , qui commencent
toutes leurs Lettres par je
vous diray , & les finiffent par je
fuis. Je ne m'en étonne pas . Il
n'y a point de plaifir à fe com.
mettre , & c'eft ordinairement
par les Lettres qu'on juge de l'ef
prit d'un Homme . Če doit eftre
fon veritable portrait , & s'il a
du bon fens , ou s'il en manque,
il cft impoffible qu'on ne le voye
par là . On voit bien à ta Lettre ,
dit Théophile répondant à un
Fat , que tu n'es pas capable de
beaucoup de choses. Qui ne fait pas
bien écrire , ne fçait pas bien imaginer.
Ton entendement n'eft pas
plus agreable que ton file. Ceux
qui brillent dans la Converfation
, & dans les Ouvrages de
galanterie , ont quelquefois de
du Mercure Galant. 65
la peine à s'affujettir aux regles
aufteres d'une Lettre férieufe. Il
ya encore bien des Gens qui ne
fçauroient écrire que comme ils
parlent , & ce n'eft pas cela .
Rien n'impofe fur le papier , la
voix , le gefte , ne peuvent s'y
peindre avec le difcours , & ces
chofes bien fouvent en veulent
plus dire que ce qu'on écrit . Mais
comme on ne dit pas aux Gens
les chofes de la maniere qu'on les
écrit , on ne doit pas auffi leur
écrire de la maniere qu'on leur
parle , & comme dit M le Chevalier
de Meré , Il y a de cerm
taines Perfonnes quiparlent bien en
apparence , & qui ne parlent pas
bien en effet. Comme ilfaut duſoin,
& de l'application pour bien écrire
& de
tes Perfonnes ne veulent pas fe don-
Q.deJuillet 1683 .
E
66 Extraordinaire
ner tant depeines , & c'est pourquoy
elles font rarement de belles Lettres .
De plus , ajoûte´ce galant Homme
, ces beaux Efprits commencent
toûjours leurs Lettres trop finement,
ils ne fçauroient les foutenir. Cela
les ennuye , les laffe , & les dégoûte.
Cependant ilfaut toûjours rencherir
fur ce qu'on adit en commençant, &
lors qu'une Lettre eft longue , tant de
fubtilité devient laffante. Enfin il ne
faut ny outrer, nyforcer , ny tirer de
loin ce qu'on veut dire , cela réuſſit
toûjours mal.
La pratique de toutes ces regles
, peut rendre un Homme ha
bile en ce genre d'écrire , & rien
n'eſt plus capable de luy donner
de la réputation. Nous l'avons
veu dans quelques Autheurs modernes
, & ce que les Anciens
du Mercure Galant.
67
2
J
1
S
nous ont laiſſé du Stile Epifto .
laire , l'emporte pour l'agrément
& la délicateffe , fur tous les autres
Ecrits. Les Epiftres de Ci
céron , les Epiftres de Seneque,
& celles d'Ovide , font encore
les délices des Sçavans , pour ne
rien dire des Epiftres de S. Jérôme
, de S. Grégoire , de S. Ber
nard , & de plufieurs autres Peres
de l'Eglife , où l'on ne voit pas
moins d'efprit , & d'éloquence,
que de doctrine , & de pieté.
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Résumé : DU STILE EPISTOLAIRE.
Le texte explore l'art épistolaire, soulignant que l'écriture est l'image de la parole, elle-même reflet de la pensée. La parole est divine et rapide, tandis que l'écriture est durable et fixe les pensées, permettant ainsi de communiquer à distance et de conserver les connaissances et les actions des grands hommes. L'écriture épistolaire est particulièrement utile pour suppléer à l'absence et à l'éloignement des personnes. Les anciens Gaulois, par exemple, étaient braves et savants sans l'aide de l'écriture, mais dans le commerce de la vie, les lettres permettent de se parler et de s'entretenir comme si l'on était ensemble. Elles donnent une forte idée de la personne aimée, comme le dit une amoureuse portugaise, et sont nommées les 'discours des absents', permettant à l'homme de se répandre et de se communiquer dans le monde entier. Le texte critique ceux qui rendent l'écriture des lettres difficile et fastidieuse, préférant la simplicité et la naturalité. Il mentionne que l'art de l'écriture épistolaire a été formalisé par certains auteurs, mais que ces règles peuvent sembler affectées et inutiles. Les lettres doivent respecter le decorum, c'est-à-dire le respect, l'honnêteté et la bienséance, mais ces formalités varient selon le type de lettre (compliment, affaire, galanterie). Le texte distingue quatre types de lettres : les lettres d'affaires, les lettres de compliment, les lettres de galanterie et les lettres d'amour. Les lettres de compliment sont les plus difficiles à écrire, car elles doivent flatter la vanité des destinataires. Les lettres doivent être naturelles et refléter les pensées et les sentiments de l'auteur, même si elles sont souvent fardées pour plaire. Le texte aborde également les caractéristiques des lettres amoureuses et des réponses aux Lettres portugaises, soulignant que ces réponses ne sont pas froides ou languissantes, mais plutôt judicieuses et rassurantes. Il compare les expressions de l'amour entre hommes et femmes, notant que les femmes se laissent souvent submerger par la passion, tandis que les hommes intègrent la raison et la conduite pour rendre l'amour constant et durable. Les lettres d'amour sont rares et nécessitent de véritables sentiments amoureux. L'amour est présenté comme l'inventeur des lettres, permettant aux amants de communiquer à distance. Ces lettres doivent être tenues secrètes et sont mieux exprimées en poésie. Le texte discute des 'grandes Lettres' qui reflètent la conversation entre savants, et des 'Billets', qualifiés de 'bâtards des Lettres et des Épîtres', utilisés pour des communications brèves et informelles. Les billets sont pratiques car ils ne suivent pas les formalités des lettres traditionnelles. Ils sont attribués à Madame la Marquise de Sablé, qui a simplifié les lettres en supprimant les civilités excessives. Cependant, les billets doivent rester courtois et concis, adaptés aux situations urgentes ou aux communications entre proches. Le texte souligne la difficulté de bien écrire une lettre, considérant qu'elle est le chef-d'œuvre d'un bel esprit. Il mentionne que certains, malgré leur intelligence, manquent de talent épistolaire. Les lettres bien écrites révèlent l'esprit de leur auteur. Enfin, le texte insiste sur la nécessité de suivre des règles pour maîtriser l'art épistolaire, citant des auteurs anciens et modernes dont les épîtres sont des modèles de délicatesse et d'agrément.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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44
p. 181-184
REPONSE DE Me DES HOULLIERES, A Mr le Duc de S. Aignan.
Début :
Cette Réponse en a attiré une autre que j'ajoûte icy. / Duc plus vaillant que ces fiers Paladins, [...]
Mots clefs :
Chevalerie, Preux, Écriture, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : REPONSE DE Me DES HOULLIERES, A Mr le Duc de S. Aignan.
Cette Réponſe en a attiré
une autre que j'ajoûte icy.
Elle eft encore de Madame
des Houlieres.
REPONSE DE M
DES HOULLIERES,
AMrle Duc de S. Aignan.
D'
VCplus vaillant que cesfiers
Paladins,
QuideGéans cinqueſtoient les Armures;
182 MERCURE
Ducplus galant que n'eftoient Gré.
nadins,
Point contre vous nefont mes Ecritures.
Grand tort aurois de blafonner vos
feux.
Et qui nefçait, beau Sire, je vous
prie,
Qu'enfait d'amour & de Chevalerie
Onques ne fut plus véritable
Preux?
S&
Vous pourfendez vousfeul quatre
Affaffins,
Vousreparez les torts &les injuress
Feriez encerplus d'amoureux larcins
QueJouvenceaux à blondes chevelures.
Cequejadisfit le beau Tenébreux,
Aupres de vous n'eft que badinerie;
GALANT. 183
D'encombriers vousfortezfansfurie,
Onques ne fut plus véritable Preux.
25
Iamais l'Aurore aux doigts incarnadins,
Auxjours brillans nechange nuits
obfcares,
Quecault amour, &Mars aux airs
mutins
Vous n'invoquiezpour avoirAvantures.
You bravez tout; malgré les ans
nombreux
Qui volontiers empefchent qu'on ne
rie,
Avez d'un Fils augmenté voftre
Hoirie.
Onques ne fut plus véritable
Preux.
184 MERCURE
ENVOY.
Quepuiffiez- vous, Chevalier valeureux,
En tout Combat, en Butin amoureux,
Ne vous douloir jamais de tromperie;
Et qu'à l'envy chez nos derniers
Neveux,
Lifant vos Faits, hautement on s'écrie,
Onques ne fut plus véritable
Preux.
une autre que j'ajoûte icy.
Elle eft encore de Madame
des Houlieres.
REPONSE DE M
DES HOULLIERES,
AMrle Duc de S. Aignan.
D'
VCplus vaillant que cesfiers
Paladins,
QuideGéans cinqueſtoient les Armures;
182 MERCURE
Ducplus galant que n'eftoient Gré.
nadins,
Point contre vous nefont mes Ecritures.
Grand tort aurois de blafonner vos
feux.
Et qui nefçait, beau Sire, je vous
prie,
Qu'enfait d'amour & de Chevalerie
Onques ne fut plus véritable
Preux?
S&
Vous pourfendez vousfeul quatre
Affaffins,
Vousreparez les torts &les injuress
Feriez encerplus d'amoureux larcins
QueJouvenceaux à blondes chevelures.
Cequejadisfit le beau Tenébreux,
Aupres de vous n'eft que badinerie;
GALANT. 183
D'encombriers vousfortezfansfurie,
Onques ne fut plus véritable Preux.
25
Iamais l'Aurore aux doigts incarnadins,
Auxjours brillans nechange nuits
obfcares,
Quecault amour, &Mars aux airs
mutins
Vous n'invoquiezpour avoirAvantures.
You bravez tout; malgré les ans
nombreux
Qui volontiers empefchent qu'on ne
rie,
Avez d'un Fils augmenté voftre
Hoirie.
Onques ne fut plus véritable
Preux.
184 MERCURE
ENVOY.
Quepuiffiez- vous, Chevalier valeureux,
En tout Combat, en Butin amoureux,
Ne vous douloir jamais de tromperie;
Et qu'à l'envy chez nos derniers
Neveux,
Lifant vos Faits, hautement on s'écrie,
Onques ne fut plus véritable
Preux.
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Résumé : REPONSE DE Me DES HOULLIERES, A Mr le Duc de S. Aignan.
Madame des Houllières adresse un poème au Duc de Saint-Aignan, le comparant à des paladins et des géants pour souligner sa vaillance et sa galanterie. Elle affirme que ses écrits ne contiennent aucune critique à son égard et reconnaît ses qualités en matière d'amour et de chevalerie. Elle le décrit comme un preux véritable, capable de défendre des assassins, de réparer les torts et les injures, et de commettre des larcins amoureux. Elle mentionne qu'il invoque l'amour et Mars pour des aventures, bravant tout malgré son âge avancé. Le poème se conclut par une louange à son courage et à ses exploits, affirmant qu'il ne connaît jamais la tromperie et que ses faits seront célébrés par les générations futures. Elle note également qu'il a augmenté sa descendance en ayant un fils.
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45
p. 29-35
PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Début :
Le mot de Chien est pris fort souvent pour un terme de mépris ; / Bonjour & bonne anné à ma belle Maistresse. [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Coeur, Chien
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texteReconnaissance textuelle : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le mot de Chien eft pris fort
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
fouvent pour un terme de mépris
; & quand on dit d'un Ouvrage
, c'est un Ouvrage de Chien,
on n'a pas deffein de le loüer.
Cependant les Vers qui ſuivent
fontun langage de Chien , & cc
langage vaut bien qu'on l'écoute.
Vous en jugerez.
B 3
30 MERCURE
PETONNE
A MADEMOISELLE CH …..
B
ETRENNES.
On iour & bonne anné à mø
belle Maiftreffe.
Je viens un peu matin , i’aymes rai.
fons aufft.
Auiourd'huy mille Amans vont
aborder icy;
Fay voulu prévenir la preffe..
Tous viennent à deffein de ſe voir
étrenne ,
Tous vousferont quelques demandes
vaines ;
·Pour moy , ie veux pour mes Etrennes
,
GALANT.
3F
Le volage Bichon , que vous me retencz.
L'Ingrat me donne mille peines .
Vous riez ? hélas ! fi jamais
D'un bel amour voftre coeur brûle,
La demande
que je vous fais
Ne vous paroiftra pas tout- à-fait
ridicule.
Son premier feu , mes yeux l'ont
allumé
;
Pour rendre fa flame eternelle ,
Je me flatois d'eftre affez belle ;
Mais de mes foibles traits avois
trop préfumé,
Depuis qu'à vos baifers il s'eft ac
tumé ..
Atoutes mes faveurs je le trouve
rebelle , ·
En vainpar un tendre abeyment
J'appelle ce perfide Amant ;
Il ne daigne pas , l'infidelle
Me confoler d'un regard feulement.
B 4
32
MERCURE
Quefaut ildonc que je devienne?
Fut- il jamais plus malheureufe
Chienne ?
Vous tenez tous le jour Bichon entre
vos bras ,
Ilcouche la nuit dans vos draps,
Pendant
que la trifte Petonne
A de mortels chagrins jour & nuit
s'abandonne.
Eft- ce que lapitié ne vous touchera
Pas ?
Par grace, ma belle Maîtreffe ,
Place ailleurs voftre tendreffe ,
Aujourd'huy mille Amans , je vous
l'ay déja dit ,
De voftre coeur viendront chercher
les routes.
Il faudroit une fois pour toutes
A faire unjufte choix appliquer vôtre
efprit.
L'un va vous étaler fes amoureufes
peines ;
Un autre en Amoureux tranfi.
GALANT.
33
Vous pouffera des foûpirs à douzaines
;
Et vous entendre celuy - cy
Vanter le doux poids de fes
chaînes .
L'autre,par un difcours qu'ils croira
bien tourné,
Sur tous voudra la préference ,
Mais s'il faut là- deffus dire ce que
je pense ,
N'écoute que l'Amant borné;
Luy Seut vous aime plus que
tres ensemble ,
les au-
Je l'examine chaque jour.
Croyez- moy, ma Maîtresse , en matiere
d'amour
K
Je ne fuis pas fi befte qu'il vous
femble.
D'abord que je le vois entrer
Je me campe fur une Chaife .
D'où regardant fort à mon aiſe ,
Je tâche de tout penéirer.
Plus de millefois jay pris garde
B S
'34
• MERCURE
Que le pauvre Enfant vous regarde
Avec de certains yeux panchez
Dont les coeurs les plus fiers devroient
eftre touchez.
Vous, à voftre ouvrage aſſiduë ,
Pleine pour luy de cruauté ,
Vous empefchez que voſtre veuë
Nefe tourne de fan cofté;
Mais malgré vostre dureté ,
Voicy de fon amour la preuve convaincante
C'est vous qui regle ſon humeur.
Eftes- vous trifte ? il eft refveur;
Ileft content fi vous eftes contente.
Il n'est qu'un feul endroit qu'il ne
peut imiter.
Vous ne l'aimez pas , il vous aime.
Si parfesfoins il peut le mériter,
N'en ferez - vous pas bien de
mefme ?
Vous repondre à tout cecy »
Queſon eſperance eft bornée..
GALANT.
35
Ah, que vous eftes obstinée ?
Et celle de Bichon l'eft - ellepas auffi?
Cependant le Fripon vous baife.
L'autre enrage dans fapeau.
Il eft vray que Bichon eft beau;
Mais la bouche,ne vous déplaife,
Vaut bienpour le moins le muſeau .
Par cet avis que ie vous donne
Satisfaites à vos defirs ;
Laiffez Bichon à la pauvre Petonne,
Prenez l'Amant borné pour vos
menus plaifirs.
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Résumé : PETONNE A MADEMOISELLE CH... ETRENNES.
Le poème 'Étrennes' est adressé à une demoiselle par une chienne nommée Petonne. Petonne exprime son amour pour sa maîtresse et sa jalousie envers un autre chien, Bichon, qui semble préféré. Elle décrit les attentions et les souffrances de l'amant rejeté, contrastant avec les faveurs accordées à Bichon. Petonne observe les comportements de Bichon et note qu'il imite les humeurs de la maîtresse, sauf en ce qui concerne l'amour. Elle conclut en demandant à la maîtresse de considérer l'amour sincère de l'amant borné et de laisser Bichon à Petonne. Le poème utilise un langage familier et des jeux de mots pour exprimer les émotions et les désirs des personnages.
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46
p. 35-36
MADRIGAL. A. M. T. D. C.
Début :
Des Fleurs envoyées avec les Vers que vous allez lire, / L'Hyver avecque ses rigueurs [...]
Mots clefs :
Hiver, Fleurs, Peines, Amour, Vérité
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL. A. M. T. D. C.
Des Fleurs envoyées avec les
Vers que vous allez lire , ont ferd'Etrennes
pour une fort belle vy
Dame.
36 MERCURE
L'
MADRIGAL.
A. M. T. D. C.
'Hyver avecque fes rigueurs
N'a pu faire mourir ces Fleurs.
Philis, c'eft voftre destinée.
Nul iour, nul mois , ny nulle année
Ne terniront voftre beauté,
Mais à dire la verité,
Quoy que vous soyez tres- bienfaite,
Ilfaut pour devenir parfaite ,
Et rendre nos joursfortunez ,
Que ce qu'aux autres vous donnez ,
Vous lepreniez pour vos Etrennes ,
Et vous foulagere leurs peines ;
C'est àdire qu'à vostre tour
Vous prendre du feu de l'amour.
Vers que vous allez lire , ont ferd'Etrennes
pour une fort belle vy
Dame.
36 MERCURE
L'
MADRIGAL.
A. M. T. D. C.
'Hyver avecque fes rigueurs
N'a pu faire mourir ces Fleurs.
Philis, c'eft voftre destinée.
Nul iour, nul mois , ny nulle année
Ne terniront voftre beauté,
Mais à dire la verité,
Quoy que vous soyez tres- bienfaite,
Ilfaut pour devenir parfaite ,
Et rendre nos joursfortunez ,
Que ce qu'aux autres vous donnez ,
Vous lepreniez pour vos Etrennes ,
Et vous foulagere leurs peines ;
C'est àdire qu'à vostre tour
Vous prendre du feu de l'amour.
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Résumé : MADRIGAL. A. M. T. D. C.
Le poète offre des fleurs et des vers à Philis pour la nouvelle année, symbolisant sa beauté durable. Il affirme que ni le temps ni l'hiver ne peuvent altérer sa beauté. Pour atteindre la perfection et rendre les jours heureux, elle doit accepter et offrir de l'amour, soulageant ainsi les peines des autres.
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47
p. 147-150
Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
Début :
Je vous envoye des Vers qui ont esté faits à l'occasion du calme / Voicy le doux temps de l'Amour [...]
Mots clefs :
Amour, Dieux, Louis, Lauriers, Honneur, Nature, Trésor, Tranquilité
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texteReconnaissance textuelle : Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
le vous envoye des Vers qui
ont efté faits à l'occafion du calme
dont jouit la France .
Voicy le doux temps de l' Amour
Et du charmant Dieu des Bouteilles
;
Nous ne verrons plus le Tambour
Faire du bruit à nos oreilles.
LOUIS couronné de Lauriers ,
G 2
148
MERCURE
A licentie fes Guerriers.
Au lieu de Clairons , de Trompettes.
Nous n'entendrons que des Mufettes;
Et déia j'entens dans nos Bois ,
A l'honneur du plus grand des Roys,
Le Berger avec fa Bergere ,
Chanter fur la verte Fougere ,
Vive LOVIS ! Puiffe le Ciel
Sur fes jours découler le miel ;
Que toujours à pleine Faucille
On moiffonne dans fa Famille
Des Lauriers; & que
le Soleil
Aux cheveux blõds, au teint vermeil
Empefche que la Medecine
Sur luy n'exerce fa Doctrine.
C'est par luy que le Siecle d'or ,
Mort filong- temps avant Neftor,
Va renaiftre , & combler la France
De tout ce qui fait l'abondance.
Que l'Hymen va joindre de coeurs
Sous le joug d'un amour fidelle ,
Et qu'il va moiffonner de Fleurs
Avant que la brune Hyrondelle
GALANT. 149
Par fes premiers gazoüillemeus
Nous ait marqué les jours charmans
Qui ramenent la Tourterelle !
Que fous l'Empire de Bacchus
Nous allons voir caffer de Verres,
Et quefous celuy de Vénus
Nous verrons d'amoureux Parterres!
Combien verrons.nous fous l'Ormeau
Danfer au fon du Chalumeau !
Combien de Garçons & de Filles
Les Dimanches jouer aux Quilles ,
Courir , & la Boule à la main
Bondir comme feroit un Dain !
Le Vilageois dans fa Chaumiere
Verra pendre àSa Cremilliere
Dans un Chaudron bien écuré
Dequoy feftoyer fon Curé.
Au Bourgeois étofé de Pane
Nul ne verra faire la Cane ,
Quand il faudra de fon Trefor
Tirer de l'argent & de l'or ,
Pour degager la Girouette
De l'Amy, qu'un Sergent decrete.
G 3
150 MERCURE
.
Le Noble, la Plume au Chapeau ,
Et le Clinquant fur l'Ecarlate ,
Fera tapiffer fon Chasteau ,
Qui n'eftoit meublé que de Natte.
On luy verra des Chiens courants ,
Vne Ecurie à doubles rangs,
Vne Cuifine à double Broche,
Toujours de l'argent dans fa Poche .
Enfin , grace au Maistre des Lys,
Nous ferons gorgez de Louis ;
Et d'un bout à l'autre du Monde ,
Sur la Terre , & mefme fur l'onde,
On dira , c'eft cheles François
Qu'on vit content comme des Rois.
ont efté faits à l'occafion du calme
dont jouit la France .
Voicy le doux temps de l' Amour
Et du charmant Dieu des Bouteilles
;
Nous ne verrons plus le Tambour
Faire du bruit à nos oreilles.
LOUIS couronné de Lauriers ,
G 2
148
MERCURE
A licentie fes Guerriers.
Au lieu de Clairons , de Trompettes.
Nous n'entendrons que des Mufettes;
Et déia j'entens dans nos Bois ,
A l'honneur du plus grand des Roys,
Le Berger avec fa Bergere ,
Chanter fur la verte Fougere ,
Vive LOVIS ! Puiffe le Ciel
Sur fes jours découler le miel ;
Que toujours à pleine Faucille
On moiffonne dans fa Famille
Des Lauriers; & que
le Soleil
Aux cheveux blõds, au teint vermeil
Empefche que la Medecine
Sur luy n'exerce fa Doctrine.
C'est par luy que le Siecle d'or ,
Mort filong- temps avant Neftor,
Va renaiftre , & combler la France
De tout ce qui fait l'abondance.
Que l'Hymen va joindre de coeurs
Sous le joug d'un amour fidelle ,
Et qu'il va moiffonner de Fleurs
Avant que la brune Hyrondelle
GALANT. 149
Par fes premiers gazoüillemeus
Nous ait marqué les jours charmans
Qui ramenent la Tourterelle !
Que fous l'Empire de Bacchus
Nous allons voir caffer de Verres,
Et quefous celuy de Vénus
Nous verrons d'amoureux Parterres!
Combien verrons.nous fous l'Ormeau
Danfer au fon du Chalumeau !
Combien de Garçons & de Filles
Les Dimanches jouer aux Quilles ,
Courir , & la Boule à la main
Bondir comme feroit un Dain !
Le Vilageois dans fa Chaumiere
Verra pendre àSa Cremilliere
Dans un Chaudron bien écuré
Dequoy feftoyer fon Curé.
Au Bourgeois étofé de Pane
Nul ne verra faire la Cane ,
Quand il faudra de fon Trefor
Tirer de l'argent & de l'or ,
Pour degager la Girouette
De l'Amy, qu'un Sergent decrete.
G 3
150 MERCURE
.
Le Noble, la Plume au Chapeau ,
Et le Clinquant fur l'Ecarlate ,
Fera tapiffer fon Chasteau ,
Qui n'eftoit meublé que de Natte.
On luy verra des Chiens courants ,
Vne Ecurie à doubles rangs,
Vne Cuifine à double Broche,
Toujours de l'argent dans fa Poche .
Enfin , grace au Maistre des Lys,
Nous ferons gorgez de Louis ;
Et d'un bout à l'autre du Monde ,
Sur la Terre , & mefme fur l'onde,
On dira , c'eft cheles François
Qu'on vit content comme des Rois.
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Résumé : Vers sur le calme dont joüit la France, [titre d'après la table]
Le poème célèbre la paix et la prospérité en France sous le règne de Louis. Il décrit une époque où l'amour et la joie remplacent les bruits de la guerre. Le roi Louis, couronné de lauriers, permet à ses guerriers de se reposer. Les instruments de guerre sont remplacés par des musettes et des chants de bergers. Le poète souhaite longue vie et santé au roi, comparant son règne à un âge d'or de prospérité et d'abondance. Il imagine une France où l'Hymen unit les cœurs sous le signe de l'amour fidèle, et où les plaisirs de Bacchus et de Vénus sont célébrés. Les villageois vivent paisiblement, tandis que les nobles et les bourgeois prospèrent. Grâce au roi, les Français vivent heureux et contents, et cette félicité est reconnue à travers le monde.
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48
p. 154-156
STANCES.
Début :
Le Sort ayant favorisé dans ces jours de Réjouïssance, une / Aimable Enfant, on vient de dire, [...]
Mots clefs :
Enfant, Empire, Rois, Sort, Sang, Nature, Domination, Amour, Clémence, Cruauté, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : STANCES.
Le Sort ayant favorisé dans
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
ces jours de Réjouiffance , une
fort jeune Perfonne qui eft d'une
tres grande beauté , & dont la
Mere n'a pas moins de charmes ,
un Cavalier fort fpirituel prit de
là occafion de faire ces Vers.
A
STANCE S.
Imable Enfant , on vient de
dire,
Que le Sort par un juste choix
Vous a fait prefent d'un Empire,
Le jour qu'il peut faire des Roys :
Mais faloit il prendre la peine
De faire declarer le Sort,
GALANT . 155
Et chacun d'un commun accord
Ne vous auroit - il pas fait Reyne ?
Le Sang dont vous tirez naiffance
Eut toûjours droit de dominer;
Et pourquoy donc dés vostre enfance
Ne vous verroit - on pas regner ?
La Nature vous a fait naître
Avec certain je- ne -fçay quoy,
Qui ne nous fait que trop connoître
Que nous vivrons fous voftre Loy.
Mais il court certain bruit critique
De vostre Domination ,
C'est que celles de voftre nom
Sont de Race un peu tyrannique.
Ma belle
De fuivre ces cruels modeles ;
Pour avoir des Sujets fidèles,
Attachez- les d'un doux lien.
Enfant ,gardez- vous bien
Serez-vous pas plus fatisfaite
De vous voir fervir par amour,
G 6
156
MERCURE
Que de voir toujours voftre Cour
De mille chagrins inquiete ?
Songe qu'il vous feroit honteux ,
Que dans le monde l'on puft dire,
Que vous faites de voftre Empire
Un Empire de Malheureux.
<
Que ce foit toûjours la clemence
Qui conduife tous vos projets.
Helas ! un peu de complaifance
Contentera tous vos Sujets.
Mais , entre nous , je me défie
De ce que cache voftre coeur ;
Celle dont vous tene la vie
Ne panche point vers la douccur.
Soyez plitoft , s'il fe peut faire,
Dans voftre Souveraineté,
Moins charmante que vostre Mere;
Mais ayez moins de cruauté.
que
les charmes
Ne prenez d'elle
Qui peuvent enchanter les coeurs;
Mais n'en prenez point les rigueurs
Qui nous oat coûté tant d'alarmes.
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Résumé : STANCES.
Le poème est adressé à une jeune femme d'une grande beauté, dont la mère est également charmante. Composé par un cavalier spirituel lors d'une fête, il célèbre la beauté et la noblesse de la jeune femme, soulignant que son sang royal lui confère le droit de régner. Cependant, il met en garde contre la tyrannie, rappelant la cruauté des ancêtres de la jeune femme. Le cavalier conseille à la jeune femme de gouverner avec clémence et amour pour éviter les chagrins et les malheurs. Il exprime des doutes sur la véritable nature de la jeune femme, craignant qu'elle n'hérite pas de la douceur de sa mère. Le poème se termine par un avertissement contre la cruauté, exhortant la jeune femme à ne pas reproduire les erreurs de ses ancêtres.
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49
p. 184-200
Histoire, [titre d'après la table]
Début :
J'ay à vous apprendre une Avanture que vous trouverez fort [...]
Mots clefs :
Veuve, Tante, Cavalier, Mariage, Nièce, Amour, Galant, Sentiments, Estime, Coeur, Maîtresse, Déclaration, Amants, Chagrin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Histoire, [titre d'après la table]
J'ay à vous apprendre une
Avanture que vous trouverez
fort fingulière. Elle eft arrivée
icy depuis peu de temps . Un Cavalier
fort bien fait , fpirituel ,´
jeune & riche , aprés avoir joüé
pendant cinq ou fix années , tous
les perfonnages que
font aupres
des belles Perfonnes , ceux qui
font prodigues de douceurs , &
que les plus fortes proteftations
qu'ils viennent de faire , n'empefchent
point de jurer encore
ailleurs qu'ils ont de l'amour , fe
fentit enfin veritablement touché
de la beauté d'une aimable Brune
qu'il trouva un jour chez une
Veuve , qui quoy qu'elle paffaft
GALANT.
185
quarante ans , n'en avoüoit que
vingt huit , & qui par de certains
airs du monde qui luy étoient
naturels , reparoit avec affez d'agrément
ce qui luy manquoit du
cofté de la jeuneffe . La belle
Brune joignoit à des traits piquans
, une modeſtie qui charma
le Cavalier. Il fçut auffitoft qu'elle
eftoit voifine de la Veuve , &
les fentimens d'eftime qu'il prit
dés l'abord pour elle , l'engageant
à fouhaiter d'avoir un entier
éclairciffement fur ce qui la regardoit
, il apprit par ceux qu'il
chargea du foin de s'en informer,
qu'elle dépendoit d'un Pere affez
peu accommodé , qui ne fouffroit
point qu'elle reçuft de vifites ;
qu'on ne la voyoit que chez une
vieille Tante qui eftant fort riche
, prometoit de luy donner
une Partie de fon bien ; qu'ainfi
}
186 MERCURE
1
•
tout ce qu'elle avoit d'Amans
faifoit la cour à la Tante , & que
c'eftoit d'elle qu'il faloit obtenir.
Le Cavalier inftruit de ces chofes
, voulut connoiftre le coeur
de la Belle, avant que de prendre
aucunes mefures . Sçachant qu'elle
voyoit fort ſouvent la Veuve ,
il fe rendit affidu chez elle . Toutes
ſes viſites furent reçues agréablement
, & l'on vit avec plaifir
qu'elles devenoient fréquentes.
La Belle fe trouvoit de temps en
temps avec fon Amie , qui l'eftoit
auffi de la vieille Tante , & tout
ce qu'elle difoit , faifoit paroître
tant de jugement , & tant de fageffe
au Cavalier que quoy qu'il
ne marquaft rien qui puft décou
vrir ce qui fe paffoit dans fon
coeur pour elle , il s'affermiffoit
de plus en plus dans la réfolution
d'en faire fon unique attacheGALANT.
187
ment . Cependant à force de voir
la Veuve , il ne s'appercevoit pas
qu'il luy donnoit lieu de croire
qu'il en eftoit amoureux. Elle en
demeura perfuadée , & pour l'obliger
à fe déclarer plus fortement
, elle faifoit pour luy dest
avances , dont il auroit connu le
deffein , s'il n'eut pas efté remply
d'une paffion qui l'aveugloit
1 fur toute autre chofe. Apres
quelques entreveuës , dans lefaquelles
il crût avoir remarqué
que faperfonne ne déplaifoit pas
à la belle Brune , il réfolut de luy
faire part de fon deffein , & de
fçavoir d'elle- même , quels fentimens
elle avoit pour luy. Dans
cette penſée il alla l'attendre à
une Eglife , où il apprit qu'elle
alloit tous les matins , & l'abordant
lors qu'elle en fortoit , il la
remena chez elle , & pendant ce
1.
188 MERCURE
1
temps , il luy fit une fi tendre & fi
férieufe déclaration , qu'elle connût
aifément qu'un véritable &
fincére amour le faifoit parler.
Le party luy eftoit affez avantageux
de toutes maniéres pour
l'engager à répondre avec des
marques d'eftime qui luy fiffent
concevoir qu'il n'auroit aucune
peine à luy infpirer quelque chofe
de plus fort. Elle luy dit qu'el
le dépendoit d'un Pere à qui
elle obéiroit fans répugnance
en tout ce qu'il luy voudroit ordonner
en fa faveur , mais qu'il
n'étoit pas le feul qu'il y euft à
s'acquerir dans une affaire de
cette importance ; qu'une Tante
qui luy promettoit de partager
fon bien avec elle , s'étoit chargée
en quelque façon du ſoin de
la marier , & que toutes les démarches
que l'on pourroit faire
GALANT. 189
pour réüffir dans ce qu'il luy propofoit
, feroient inutiles , fi l'on
n'avoit fon confentement.Le Cavalier
fort ravy de voir que fa
Maîtreffe ne s'oppofoit point à fon
bonheur , ne fongea plus qu'à
gagner la Tante. Ce qui luy donnoit
de l'inquietude , c'eft qu'il
avoit fçeu qu'elle aimoit le monde
, & qu'elle amuſoit tous ceux
qui pretendoient à fa Niéce , par
le plaifir de fe voir long - temps
faire la Cour. Il crût cependant
qu'étant plus riche que tous fes
Rivaux , & peut- eftre auffi plus
confiderable par d'autres endroits
, on pourroit craindre de
le laiffer échaper , & que cette
crainte feroit terminer plûtoft fes
affaires. Pour les avancer ,
il ne
trouva point de plus fur moyen
que de parler à la Veuve , qui
pouvoit beaucoup fur l'efprit de
190 MERCURE
cette Tante . Ainfi la rencontrant
feule dés le mefme jour , il
luy dit avec des yeux tout brillans
du feu qui l'animoit , qu'il
avoit pris chez elle un mal dangereux
, dont la guerifon dépen
doit de fon fecours , & qu'il efperoit
qu'ayant pour luy autant de
bonté qu'elle en avoit toûjours
fait paroiftre , elle voudroit bien
entrer dans les fentimens pour le
fuccés d'un deffein tres - legitime .
La Veuve perfuadée par les affi
duitez du Cavalier , qu'elle eftoit
l'objet de tous fes defirs , eut tant
de joye de luy entendre tenir ce
langage , que fans luy donner le
temps de s'expliquer mieux , elle
l'interrompit pour luy dire , que
ce qu'il avoit à luy apprendre ,
luy étoit déja connu qu'elle
n'étoit point d'un âge à s'effrayer
d'une declaration d'amour ; que
GALANT. 191
fes foins l'avoient inftruite de fa
paffion ; que l'état de Veuve la
mettant en droit de difpofer d'elle-
mefme , elle y répondoit avec
plaifir , & qu'elle ne ſouhaitoit
autre choſe de fa complaifance,
finon que pour quelque intereft
de famille qu'elle achevoit de regler.
il vouluft bien attendre trois
mois à faire le Mariage ; que cependant
elle luy donnoit ,parole
de n'écouter perfonne à fon prejudice
& qu'elle eftoit prefte à
bannir tous ceux dont les vifites
luy feroient ſuſpectes . Imaginezvous
dans quelle furpriſe fe trouva
le Cavalier. Elle fut telle que
ne la pouvant cacher tout- à- fait,
il fe trouva obligé de s'excufer de
fon trouble fur fon exceffive joye,
qui en refferrant fon coeur , le
rendoit comme interdit. Vous
jugez bien qu'il confentit fans
1.92
MERCURE
aucune peine que fon pretendu
Mariage avec la Veuve fuft differé
de trois mois. Il luy laiffa un
pouvoir entier fur cet article , mais
il vit en mefme temps tous les
embarras que luy cauferoit le
peu de précaution qu'il avoit pris
avec elle. Il n'y avoit plus à eſperer
qu'elle le ferviſt auprès de la
Tante . Au contraire , il luy étoit
important que cette Tante ne
fçuſt rien de fon amour. La Veuve
auroit pû l'apprendre par elle,
& c'euft efté s'attirer une Ennemie
qui euft tout mis en ufage ,
pour empefcher qu'on ne l'euft
rendu heureux . Parmy toutes ces
contraintes , il devint réveur &
inquiet , & il le fut encore plus
quand la belle Brune, ne voulant
pas qu'il s'imaginaſt que la declaration
qu'il luy avoit faite, luy
fift chercher avec plus d'empreffement
GALANT. 193
fement l'occafion de le voir , rendit
à la Veuve des vifites moins
frequentes. Il en devina la cauſe
par les manieres honneftes &
pleines d'eftime qu'elle avoit
pour luy , toutes les fois qu'il la
trouvoit à l'Eglife , & ne pût blâmer
une referve qui marquoit un
coeur fenfible à la gloire.La Veuamour
,
qui remarquoit fon chagrin ,
ne l'impuroit qu'aux trois mois
de terme qu'elle avoit voulu qu'il
luy donnaſt , & touchée de l'impatience
où elle s'imaginoit qu'un
fi long retardement euft mis fon
elle tâchoit d'adoucir fa
peine , en l'affurant que fes diligences
redoublées la tireroient
d'embarras plûtoft qu'elle n'avoit
crû. Toutes ces chofes porterent
le Cavalier à prendre une refolution
qui le délivraft de crainte.
Il communiqua à ſa Maîtreffe le
Ianvier 1685. I
194
MERCURE
deffein où il étoit de l'époufer,
fans en rien dire à fa Tante , &
de renoncer aux avantages qu'elle
en pouvoit efperer , parce
qu'en l'avertiffant de fa recherche,
la Veuve qui le fçauroit auffitoft
, l'obligeroit de traîner fon
Mariage en longueur ; à quoy la
Tante feroit affez portée d'ellemefme
pour fon intereft particulier
, & peut - eftre mefme obtiendroit
d'elle qu'elle fe declaraft
contre luy. Il s'épargnoit par
là beaucoup de traverſes , ou du
moins plufieurs reproches , qu'il
ne craignoit point quand il feroit
marié. La Belle ayant confenty
à ce qu'il vouloit , il alla trouver
fon Pere , luy exagera la force de
fon amour,le conjura de luy vouloir
accorder fa Fille , & luy expliqua
toutes les raifons qui luy
faifoient fouhaiter un entier fe
GALANT. 195
cret fur fon Mariage . Le Pere qui
connoiffoit les grands Biens du
Cavalier , ne balança rien à conclure
toutes chofes de la manicře
qu'il le propofoit . Le Notaire
vint,& le Contract fut figné ,fans
que perfonne en eût connoiffance.
Cependant , comme il n'y a
rien de fi caché qui ne le découvre
, le jour qui preceda celuy
qu'on avoit choisi pour le
Mariage , une Servante de cette
Maiſon ayant foupçonné la verité
à quelques aprefts que
l'on y
faifoit , en inftruific la Suivante
de la Veuve , qui alla en meſme
temps le redire à fa Maîtreffe ,
avec qui la Veuve étoit . L'une
& l'autre fut dans une colere
inconcevable. La Veuve , qui
pretendoit que le Cavalier luy
euft engagé fa foy, traita fa nouvelle
paffion de trahison & de
1 2
196 MERCURE
·
perfidie ; & la Tante ne pouvoit
fe confoler de ce qu'ayant promis
de faire à fa Niéce de grands
avantages, on la marioit fans luy
en parler. Elle jura que fi elle
ne pouvoit venir à bout de rompre
le Mariage , du moins les
longs obftacles qu'elle trouveroit
moyen d'y mettre , feroient foufrir
ceux qui oublioient ce qu'on
luy devoit. Elle réva quelque
temps, & quitta la Veuve , en luy
difant qu'elle viendroit luy donner
de les nouvelles le foir ,
quelque heure que ce fuft . Sitoft
qu'elle fut fortie , elle mit des
Efpions en campagne , & aprit
enfin avec certitude , que le Mariage
fe devoit faire à deux heures
apres minuit . Lors qu'il en fut
dix du foir , elle monta en Carroffe
, & fe rendit chez fa Niéce.
La Belle apprenant qu'elle eftoit
GALANT. .197
à la porte, fe trouva embarraffée,
par la crainte que fa vifite ne
fuft un peu longue , & ne retardaft
quelques petits foins qu'elle
avoit à prendre . Elle fut tirée de
fon embarras , lors qu'on la vint
avertir que fa Tante la prioit de
luy venir parler un moment. Elle
y courut auffi- toft , & entra dans
fon Carroffe , pour entendre ce
qu'elle avoit à luy dire . Elle n'y
fut pas plûtoft , que le Cocher
qu'on avoit inftruit , pouffa fes
Chevaux à toute bride , paffa
par diverfes Ruës , pour tromper
ceux qui auroient voulu le fuivre
, & vint s'arrefter à la porte
de la Veuve , chez qui la Tante
fit entrer la Niece. Ce qui venoit
d'arriver l'avoit jettée dans une
grande furprife ; mais elle augmenta
beaucoup , lors qu'étant
montée , elles luy firent toutes
I
3
198 MERCURE
deux connoiftre qu'elles eftoient
informées de fon Mariage.Je paffe
les reproches qu'on luy fit fur
cette Affaire. La Tante , qui la
laiffa en la garde de la Veuve , retourna
chez elle , où l'on vint
luy demander ce que fa Niéce
eftoit devenue. Elle répondit
qu'elle en rendroit compte quand
il feroit temps , & qu'elle prenoit
affez d'intereft en elle , pour ne
l'avoir confiée qu'à des Perfonnes
chez qui elle eftoit en fûreté . Le
Cavalier apprenant ce changemét,
tomba dans un defefpoir qui
ne fe peut croire.ll alla trouver la
Tante , luy fit les foûmiffions les
plus capables de la toucher , &
noublia rien de ce qui pouvoit la
fatisfaire ; mais elle fut inflexible
à fes prieres & à fon amour. Le
Pere qui eftoit bien aiſe d'éviter
l'éclat , employa toutes les voyes
GALANT 199
de douceur qui
à la gagner. Pendant
LYO
Cervir
imps ,
la Tante & la Veuve inventérent
mille chofes pour noircir le Ca
valier auprés de la Belle ; mais
rien ne put effacer dans fon efprit
les favorables impreffions que fon
amour & fon mérite y avoient
faites. Elle perfifta dans fes premiers
fentimens pour luy ; & enfin
malgré toutes les précautions
que l'on avoit prifes pour cacher
le lieu où elle eftoit , les Domeftiques
parlérent . Si - tôt qu'on
fçût qu'elle avoit efté laiffée entre
les mains de la Veuve , il ne fut
pas malaifé de l'obliger à la rendre.
Elle la remit entre celles de
fon Pere , qui fit de nouveaux
efforts pour apaifer la colere de
la Tante ; mais tout cela s'eftant
trouvé inutile , on ne garda plus
aucun fecret pour le Mariage . On
I 4.
200 MERCURE
en arrefta le jour , & il fut fait
avec autant de joye des Amans
traverſez injuftement , que de
chagrin pour la Tante & pour la
Veuve.
Avanture que vous trouverez
fort fingulière. Elle eft arrivée
icy depuis peu de temps . Un Cavalier
fort bien fait , fpirituel ,´
jeune & riche , aprés avoir joüé
pendant cinq ou fix années , tous
les perfonnages que
font aupres
des belles Perfonnes , ceux qui
font prodigues de douceurs , &
que les plus fortes proteftations
qu'ils viennent de faire , n'empefchent
point de jurer encore
ailleurs qu'ils ont de l'amour , fe
fentit enfin veritablement touché
de la beauté d'une aimable Brune
qu'il trouva un jour chez une
Veuve , qui quoy qu'elle paffaft
GALANT.
185
quarante ans , n'en avoüoit que
vingt huit , & qui par de certains
airs du monde qui luy étoient
naturels , reparoit avec affez d'agrément
ce qui luy manquoit du
cofté de la jeuneffe . La belle
Brune joignoit à des traits piquans
, une modeſtie qui charma
le Cavalier. Il fçut auffitoft qu'elle
eftoit voifine de la Veuve , &
les fentimens d'eftime qu'il prit
dés l'abord pour elle , l'engageant
à fouhaiter d'avoir un entier
éclairciffement fur ce qui la regardoit
, il apprit par ceux qu'il
chargea du foin de s'en informer,
qu'elle dépendoit d'un Pere affez
peu accommodé , qui ne fouffroit
point qu'elle reçuft de vifites ;
qu'on ne la voyoit que chez une
vieille Tante qui eftant fort riche
, prometoit de luy donner
une Partie de fon bien ; qu'ainfi
}
186 MERCURE
1
•
tout ce qu'elle avoit d'Amans
faifoit la cour à la Tante , & que
c'eftoit d'elle qu'il faloit obtenir.
Le Cavalier inftruit de ces chofes
, voulut connoiftre le coeur
de la Belle, avant que de prendre
aucunes mefures . Sçachant qu'elle
voyoit fort ſouvent la Veuve ,
il fe rendit affidu chez elle . Toutes
ſes viſites furent reçues agréablement
, & l'on vit avec plaifir
qu'elles devenoient fréquentes.
La Belle fe trouvoit de temps en
temps avec fon Amie , qui l'eftoit
auffi de la vieille Tante , & tout
ce qu'elle difoit , faifoit paroître
tant de jugement , & tant de fageffe
au Cavalier que quoy qu'il
ne marquaft rien qui puft décou
vrir ce qui fe paffoit dans fon
coeur pour elle , il s'affermiffoit
de plus en plus dans la réfolution
d'en faire fon unique attacheGALANT.
187
ment . Cependant à force de voir
la Veuve , il ne s'appercevoit pas
qu'il luy donnoit lieu de croire
qu'il en eftoit amoureux. Elle en
demeura perfuadée , & pour l'obliger
à fe déclarer plus fortement
, elle faifoit pour luy dest
avances , dont il auroit connu le
deffein , s'il n'eut pas efté remply
d'une paffion qui l'aveugloit
1 fur toute autre chofe. Apres
quelques entreveuës , dans lefaquelles
il crût avoir remarqué
que faperfonne ne déplaifoit pas
à la belle Brune , il réfolut de luy
faire part de fon deffein , & de
fçavoir d'elle- même , quels fentimens
elle avoit pour luy. Dans
cette penſée il alla l'attendre à
une Eglife , où il apprit qu'elle
alloit tous les matins , & l'abordant
lors qu'elle en fortoit , il la
remena chez elle , & pendant ce
1.
188 MERCURE
1
temps , il luy fit une fi tendre & fi
férieufe déclaration , qu'elle connût
aifément qu'un véritable &
fincére amour le faifoit parler.
Le party luy eftoit affez avantageux
de toutes maniéres pour
l'engager à répondre avec des
marques d'eftime qui luy fiffent
concevoir qu'il n'auroit aucune
peine à luy infpirer quelque chofe
de plus fort. Elle luy dit qu'el
le dépendoit d'un Pere à qui
elle obéiroit fans répugnance
en tout ce qu'il luy voudroit ordonner
en fa faveur , mais qu'il
n'étoit pas le feul qu'il y euft à
s'acquerir dans une affaire de
cette importance ; qu'une Tante
qui luy promettoit de partager
fon bien avec elle , s'étoit chargée
en quelque façon du ſoin de
la marier , & que toutes les démarches
que l'on pourroit faire
GALANT. 189
pour réüffir dans ce qu'il luy propofoit
, feroient inutiles , fi l'on
n'avoit fon confentement.Le Cavalier
fort ravy de voir que fa
Maîtreffe ne s'oppofoit point à fon
bonheur , ne fongea plus qu'à
gagner la Tante. Ce qui luy donnoit
de l'inquietude , c'eft qu'il
avoit fçeu qu'elle aimoit le monde
, & qu'elle amuſoit tous ceux
qui pretendoient à fa Niéce , par
le plaifir de fe voir long - temps
faire la Cour. Il crût cependant
qu'étant plus riche que tous fes
Rivaux , & peut- eftre auffi plus
confiderable par d'autres endroits
, on pourroit craindre de
le laiffer échaper , & que cette
crainte feroit terminer plûtoft fes
affaires. Pour les avancer ,
il ne
trouva point de plus fur moyen
que de parler à la Veuve , qui
pouvoit beaucoup fur l'efprit de
190 MERCURE
cette Tante . Ainfi la rencontrant
feule dés le mefme jour , il
luy dit avec des yeux tout brillans
du feu qui l'animoit , qu'il
avoit pris chez elle un mal dangereux
, dont la guerifon dépen
doit de fon fecours , & qu'il efperoit
qu'ayant pour luy autant de
bonté qu'elle en avoit toûjours
fait paroiftre , elle voudroit bien
entrer dans les fentimens pour le
fuccés d'un deffein tres - legitime .
La Veuve perfuadée par les affi
duitez du Cavalier , qu'elle eftoit
l'objet de tous fes defirs , eut tant
de joye de luy entendre tenir ce
langage , que fans luy donner le
temps de s'expliquer mieux , elle
l'interrompit pour luy dire , que
ce qu'il avoit à luy apprendre ,
luy étoit déja connu qu'elle
n'étoit point d'un âge à s'effrayer
d'une declaration d'amour ; que
GALANT. 191
fes foins l'avoient inftruite de fa
paffion ; que l'état de Veuve la
mettant en droit de difpofer d'elle-
mefme , elle y répondoit avec
plaifir , & qu'elle ne ſouhaitoit
autre choſe de fa complaifance,
finon que pour quelque intereft
de famille qu'elle achevoit de regler.
il vouluft bien attendre trois
mois à faire le Mariage ; que cependant
elle luy donnoit ,parole
de n'écouter perfonne à fon prejudice
& qu'elle eftoit prefte à
bannir tous ceux dont les vifites
luy feroient ſuſpectes . Imaginezvous
dans quelle furpriſe fe trouva
le Cavalier. Elle fut telle que
ne la pouvant cacher tout- à- fait,
il fe trouva obligé de s'excufer de
fon trouble fur fon exceffive joye,
qui en refferrant fon coeur , le
rendoit comme interdit. Vous
jugez bien qu'il confentit fans
1.92
MERCURE
aucune peine que fon pretendu
Mariage avec la Veuve fuft differé
de trois mois. Il luy laiffa un
pouvoir entier fur cet article , mais
il vit en mefme temps tous les
embarras que luy cauferoit le
peu de précaution qu'il avoit pris
avec elle. Il n'y avoit plus à eſperer
qu'elle le ferviſt auprès de la
Tante . Au contraire , il luy étoit
important que cette Tante ne
fçuſt rien de fon amour. La Veuve
auroit pû l'apprendre par elle,
& c'euft efté s'attirer une Ennemie
qui euft tout mis en ufage ,
pour empefcher qu'on ne l'euft
rendu heureux . Parmy toutes ces
contraintes , il devint réveur &
inquiet , & il le fut encore plus
quand la belle Brune, ne voulant
pas qu'il s'imaginaſt que la declaration
qu'il luy avoit faite, luy
fift chercher avec plus d'empreffement
GALANT. 193
fement l'occafion de le voir , rendit
à la Veuve des vifites moins
frequentes. Il en devina la cauſe
par les manieres honneftes &
pleines d'eftime qu'elle avoit
pour luy , toutes les fois qu'il la
trouvoit à l'Eglife , & ne pût blâmer
une referve qui marquoit un
coeur fenfible à la gloire.La Veuamour
,
qui remarquoit fon chagrin ,
ne l'impuroit qu'aux trois mois
de terme qu'elle avoit voulu qu'il
luy donnaſt , & touchée de l'impatience
où elle s'imaginoit qu'un
fi long retardement euft mis fon
elle tâchoit d'adoucir fa
peine , en l'affurant que fes diligences
redoublées la tireroient
d'embarras plûtoft qu'elle n'avoit
crû. Toutes ces chofes porterent
le Cavalier à prendre une refolution
qui le délivraft de crainte.
Il communiqua à ſa Maîtreffe le
Ianvier 1685. I
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MERCURE
deffein où il étoit de l'époufer,
fans en rien dire à fa Tante , &
de renoncer aux avantages qu'elle
en pouvoit efperer , parce
qu'en l'avertiffant de fa recherche,
la Veuve qui le fçauroit auffitoft
, l'obligeroit de traîner fon
Mariage en longueur ; à quoy la
Tante feroit affez portée d'ellemefme
pour fon intereft particulier
, & peut - eftre mefme obtiendroit
d'elle qu'elle fe declaraft
contre luy. Il s'épargnoit par
là beaucoup de traverſes , ou du
moins plufieurs reproches , qu'il
ne craignoit point quand il feroit
marié. La Belle ayant confenty
à ce qu'il vouloit , il alla trouver
fon Pere , luy exagera la force de
fon amour,le conjura de luy vouloir
accorder fa Fille , & luy expliqua
toutes les raifons qui luy
faifoient fouhaiter un entier fe
GALANT. 195
cret fur fon Mariage . Le Pere qui
connoiffoit les grands Biens du
Cavalier , ne balança rien à conclure
toutes chofes de la manicře
qu'il le propofoit . Le Notaire
vint,& le Contract fut figné ,fans
que perfonne en eût connoiffance.
Cependant , comme il n'y a
rien de fi caché qui ne le découvre
, le jour qui preceda celuy
qu'on avoit choisi pour le
Mariage , une Servante de cette
Maiſon ayant foupçonné la verité
à quelques aprefts que
l'on y
faifoit , en inftruific la Suivante
de la Veuve , qui alla en meſme
temps le redire à fa Maîtreffe ,
avec qui la Veuve étoit . L'une
& l'autre fut dans une colere
inconcevable. La Veuve , qui
pretendoit que le Cavalier luy
euft engagé fa foy, traita fa nouvelle
paffion de trahison & de
1 2
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·
perfidie ; & la Tante ne pouvoit
fe confoler de ce qu'ayant promis
de faire à fa Niéce de grands
avantages, on la marioit fans luy
en parler. Elle jura que fi elle
ne pouvoit venir à bout de rompre
le Mariage , du moins les
longs obftacles qu'elle trouveroit
moyen d'y mettre , feroient foufrir
ceux qui oublioient ce qu'on
luy devoit. Elle réva quelque
temps, & quitta la Veuve , en luy
difant qu'elle viendroit luy donner
de les nouvelles le foir ,
quelque heure que ce fuft . Sitoft
qu'elle fut fortie , elle mit des
Efpions en campagne , & aprit
enfin avec certitude , que le Mariage
fe devoit faire à deux heures
apres minuit . Lors qu'il en fut
dix du foir , elle monta en Carroffe
, & fe rendit chez fa Niéce.
La Belle apprenant qu'elle eftoit
GALANT. .197
à la porte, fe trouva embarraffée,
par la crainte que fa vifite ne
fuft un peu longue , & ne retardaft
quelques petits foins qu'elle
avoit à prendre . Elle fut tirée de
fon embarras , lors qu'on la vint
avertir que fa Tante la prioit de
luy venir parler un moment. Elle
y courut auffi- toft , & entra dans
fon Carroffe , pour entendre ce
qu'elle avoit à luy dire . Elle n'y
fut pas plûtoft , que le Cocher
qu'on avoit inftruit , pouffa fes
Chevaux à toute bride , paffa
par diverfes Ruës , pour tromper
ceux qui auroient voulu le fuivre
, & vint s'arrefter à la porte
de la Veuve , chez qui la Tante
fit entrer la Niece. Ce qui venoit
d'arriver l'avoit jettée dans une
grande furprife ; mais elle augmenta
beaucoup , lors qu'étant
montée , elles luy firent toutes
I
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198 MERCURE
deux connoiftre qu'elles eftoient
informées de fon Mariage.Je paffe
les reproches qu'on luy fit fur
cette Affaire. La Tante , qui la
laiffa en la garde de la Veuve , retourna
chez elle , où l'on vint
luy demander ce que fa Niéce
eftoit devenue. Elle répondit
qu'elle en rendroit compte quand
il feroit temps , & qu'elle prenoit
affez d'intereft en elle , pour ne
l'avoir confiée qu'à des Perfonnes
chez qui elle eftoit en fûreté . Le
Cavalier apprenant ce changemét,
tomba dans un defefpoir qui
ne fe peut croire.ll alla trouver la
Tante , luy fit les foûmiffions les
plus capables de la toucher , &
noublia rien de ce qui pouvoit la
fatisfaire ; mais elle fut inflexible
à fes prieres & à fon amour. Le
Pere qui eftoit bien aiſe d'éviter
l'éclat , employa toutes les voyes
GALANT 199
de douceur qui
à la gagner. Pendant
LYO
Cervir
imps ,
la Tante & la Veuve inventérent
mille chofes pour noircir le Ca
valier auprés de la Belle ; mais
rien ne put effacer dans fon efprit
les favorables impreffions que fon
amour & fon mérite y avoient
faites. Elle perfifta dans fes premiers
fentimens pour luy ; & enfin
malgré toutes les précautions
que l'on avoit prifes pour cacher
le lieu où elle eftoit , les Domeftiques
parlérent . Si - tôt qu'on
fçût qu'elle avoit efté laiffée entre
les mains de la Veuve , il ne fut
pas malaifé de l'obliger à la rendre.
Elle la remit entre celles de
fon Pere , qui fit de nouveaux
efforts pour apaifer la colere de
la Tante ; mais tout cela s'eftant
trouvé inutile , on ne garda plus
aucun fecret pour le Mariage . On
I 4.
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en arrefta le jour , & il fut fait
avec autant de joye des Amans
traverſez injuftement , que de
chagrin pour la Tante & pour la
Veuve.
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Résumé : Histoire, [titre d'après la table]
Un jeune cavalier, riche et spirituel, est séduit par une aimable brune rencontrée chez une veuve charmante. La brune, modeste et belle, dépend d'un père sévère et d'une tante riche. Le cavalier, désirant connaître ses sentiments, lui déclare son amour et obtient une réponse favorable, sous réserve du consentement de son père et de sa tante. Il cherche alors à gagner la faveur de la tante en passant par la veuve, qui accepte de l'aider mais impose un délai de trois mois pour le mariage. La brune, pour éviter les soupçons, réduit ses visites à la veuve. Le cavalier décide d'épouser la brune sans informer la tante pour éviter les obstacles. Il obtient le consentement du père de la brune et signe le contrat de mariage en secret. Cependant, une servante découvre la vérité et informe la veuve, qui entre en colère. La tante, furieuse, enlève la brune et la confie à la veuve pour contrecarrer le mariage. Le cavalier tente en vain de raisonner la tante et le père. La tante et la veuve cherchent à discréditer le cavalier auprès de la brune, mais celle-ci reste fidèle à ses sentiments. Finalement, la brune est rendue à son père, et le mariage est célébré malgré les tentatives de la tante et de la veuve pour l'empêcher.
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50
p. 231-235
Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Début :
Le Théatre François ne nous a encore donné qu'une Piéce [...]
Mots clefs :
Théâtre, Nouvelles pièces, Ajax, L'Usurier, Tragédie, Comédie, Héros, Amour, Aventure
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texteReconnaissance textuelle : Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Le Théatre François ne nous
a encore donné qu'une Piéce
nouvelle , depuis le commencement
de l'Hyver ; c'est une Tragedie
intitulée Ajax ; elle eſt de
Monfieur de la Chapelle. Cer
232 MERCURE
Autheur a fait dans toutes fes
Piéces des Scenes fi brillantes
pour Monfieur Baron , que quoy
que cet excellent Acteur ait toûjours
eu beaucoup de réputation ,
il femble en avoir acquis une
nouvelle dans celle- cy . Les mêmes
Comediens promettent une
Piéce Comique fous le nom de
l'ufurier , & elle doit eftre reprefentée
l'un des premiers jours de
la Semaines prochaine. Le nom
de fon Heros me fait fouvenird'un
Mariage que fit ces jours.
paffez un Heros pareil . Cet.
Ufurier avoit prefté une fomme
tres confidérable à un
Homme qui faifoit une affez
bonne figure , & dont le Fils
étoit Amoureux de fa Fille .
Quelque temps apres , on luy
vint dire que fon Emprunteur
avoit fait banquetoute , & que
3
GALANT. 233
les chofes avoient tourné d'unc
maniere qui ne luy laiffoit aucune
espérance de rien retirer
de ce qu'il avoit prêté . Il imagina
mille expédiens pour ne pas
perdre toute fa fomme; & faifant
tout à coup réflexion que le Fils
de celuy dont les Affaires étoient
en defordre aimoit fa Fille , il
réfolut de luy propofer de la luy
donner en mariage & pour dot ,
F'argent que fon Pere luy faifoit
perdre , aimant mieux que fa
Fille fuft gueufe toute la vie ,
que de ne pas tirer
avantage
de
quelque maniere que ce fuft,
de l'argent qu'on luy avoit emporté.
Le Party fut accepté par
l'Amant ; le mariage fe fit ; il fut
confommé ; & l'Ufurier apprit
enfuite , que c'eftoit un tour
qu'on luy avoit joué pour l'obliger
à le faire , parce qu'il n'y auroit
234
MERCURE
cer
pas confenty fans cela ,
Amant ayant beaucoup moins
de bien que fa Fille . Cette Avanture
ne paroiftra pas dans la
Comédie de l'vfurier , dont le
hazard m'a fait trouver à une
lecture que l'Autheur en a faite;
mais l'on y découvre , fans choquer
perfonne , & en marquant
feulement les vices en general ,
tous les fecrets de la Banque ,
c'est à dire , à l'égard de ceux
qui prétent & qui empruntent
de l'argent à ufure ; car àl'égard
de ce qui touche le Commerce ,
on n'en parle point du tout. Ce
qui fait l'agrément de cette Comédie
, qui peut eſtre auffi - toft
appellée le Banquier, que l'Vfurier
eft que les Banquiers connoiffant
l'intérieurs des Affaires
Hommes , & principalement les
Gens de qualité , & les Perſondes
GALANT. 235
nes de toutes les Profeffions
ayant à faire à eux , on en voit
dans cette Piece un grand nombre
de diférens caracteres , &
l'on y remarque une perpétuelle
oppoſition de la Nobleffe gueuſe
à la riche Roture . Ainfi quoy
que cette Piece femble avoir un
Titre Bourgeois , elle ne laiffe
pas d'eftre pour toutes fortes
d'Etats .
a encore donné qu'une Piéce
nouvelle , depuis le commencement
de l'Hyver ; c'est une Tragedie
intitulée Ajax ; elle eſt de
Monfieur de la Chapelle. Cer
232 MERCURE
Autheur a fait dans toutes fes
Piéces des Scenes fi brillantes
pour Monfieur Baron , que quoy
que cet excellent Acteur ait toûjours
eu beaucoup de réputation ,
il femble en avoir acquis une
nouvelle dans celle- cy . Les mêmes
Comediens promettent une
Piéce Comique fous le nom de
l'ufurier , & elle doit eftre reprefentée
l'un des premiers jours de
la Semaines prochaine. Le nom
de fon Heros me fait fouvenird'un
Mariage que fit ces jours.
paffez un Heros pareil . Cet.
Ufurier avoit prefté une fomme
tres confidérable à un
Homme qui faifoit une affez
bonne figure , & dont le Fils
étoit Amoureux de fa Fille .
Quelque temps apres , on luy
vint dire que fon Emprunteur
avoit fait banquetoute , & que
3
GALANT. 233
les chofes avoient tourné d'unc
maniere qui ne luy laiffoit aucune
espérance de rien retirer
de ce qu'il avoit prêté . Il imagina
mille expédiens pour ne pas
perdre toute fa fomme; & faifant
tout à coup réflexion que le Fils
de celuy dont les Affaires étoient
en defordre aimoit fa Fille , il
réfolut de luy propofer de la luy
donner en mariage & pour dot ,
F'argent que fon Pere luy faifoit
perdre , aimant mieux que fa
Fille fuft gueufe toute la vie ,
que de ne pas tirer
avantage
de
quelque maniere que ce fuft,
de l'argent qu'on luy avoit emporté.
Le Party fut accepté par
l'Amant ; le mariage fe fit ; il fut
confommé ; & l'Ufurier apprit
enfuite , que c'eftoit un tour
qu'on luy avoit joué pour l'obliger
à le faire , parce qu'il n'y auroit
234
MERCURE
cer
pas confenty fans cela ,
Amant ayant beaucoup moins
de bien que fa Fille . Cette Avanture
ne paroiftra pas dans la
Comédie de l'vfurier , dont le
hazard m'a fait trouver à une
lecture que l'Autheur en a faite;
mais l'on y découvre , fans choquer
perfonne , & en marquant
feulement les vices en general ,
tous les fecrets de la Banque ,
c'est à dire , à l'égard de ceux
qui prétent & qui empruntent
de l'argent à ufure ; car àl'égard
de ce qui touche le Commerce ,
on n'en parle point du tout. Ce
qui fait l'agrément de cette Comédie
, qui peut eſtre auffi - toft
appellée le Banquier, que l'Vfurier
eft que les Banquiers connoiffant
l'intérieurs des Affaires
Hommes , & principalement les
Gens de qualité , & les Perſondes
GALANT. 235
nes de toutes les Profeffions
ayant à faire à eux , on en voit
dans cette Piece un grand nombre
de diférens caracteres , &
l'on y remarque une perpétuelle
oppoſition de la Nobleffe gueuſe
à la riche Roture . Ainfi quoy
que cette Piece femble avoir un
Titre Bourgeois , elle ne laiffe
pas d'eftre pour toutes fortes
d'Etats .
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Résumé : Comédie de l'Usurier, [titre d'après la table]
Le Théâtre François a présenté une nouvelle tragédie intitulée 'Ajax', écrite par Monsieur de la Chapelle, depuis le début de l'hiver. Cette pièce met en vedette Monsieur Baron, un acteur réputé dont la renommée a été accrue par cette œuvre. Les comédiens préparent également une pièce comique intitulée 'L'Usurier', prévue pour la semaine prochaine. Cette comédie ne traite pas d'une aventure spécifique mais révèle les secrets de la banque et des prêts à intérêt sans choquer le public. Elle met en scène divers personnages, notamment des banquiers connaissant les affaires intimes des hommes, et oppose la noblesse démunie à la roture riche. Bien que le titre semble bourgeois, la pièce est accessible à toutes les classes sociales.
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