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1
p. 20-57
LA MALADIE DE L'AMOUR.
Début :
L'Amour ne faisant pas moins parler de luy que la Mort / Les Graces venoient de laisser l'Amour entre les bras du [...]
Mots clefs :
Amour, Grâces, Destin, Beautés, Jeunesse, Maladie, Remèdes, Bonheur, Vénus, Hyménée , Plaisirs, Mercure, Éloignement, Temps, Raison
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texteReconnaissance textuelle : LA MALADIE DE L'AMOUR.
L'Amour ne faifant pas moins parler de luy que la Mort, adonnélieu depuis quelque temps à la Piece
ſuivante. Elle faitdu bruit,ellea ſes Partiſans,vousjugerez s'ils ont raiſon d'en dire du
bien.. LA MALADIE
DE L'AMOVR.
L
Es Graces venoient de
laiſſer l'Amour entre les
bras du Sommeil , &fe mocquoientde la ſtupiditéde ce Dieu, qui ayant l'avantage de poſſeder tousles joursles plus belles perſonnes du monde ,
ne leurdit iamais une parole ,
tant il a peurdedes-obligerle filence qui le loge dans ſon Palais , quandelles virent ar- river inopinément l'Amour.
lavoitfonBandeau àla main,
&laiſſoit voir autant de colere dansſesyeux, que d'aba- tementſur ſon viſage.
16 LE MERCURE
Non, dit- il,en entrant ie n'enreviendray pas,
lel'ay iuré,iabandone lemode,
Fuyons des lieux où l'iniuftice abonde,
C'est trop avoir comerce avecdes
Ingrats.
Pourprix de mes lõguesfatigues Alesſervirdas leurs intrigues,
Ozer tenir de moy mille infolens
propos?
Chercherfans ceſſe àmefaire in.
cartade,
Ien'enpuisplus,i'enſuis malade,
Promptement , un Lit de repos.
Les Graces qui n'ont iamais
plus de joye que quand elles font avec l'Amour , ne furent
point pareſſeuſes à le fatisfai- re. Elles luy dreſſerent un lit
de roſes , & le dépouillerent
GALANT.17 - de fon Carquois, dont il brifa les flêches devant elles. Il ſe
coucha en ſuite , & en ayant receu mille careſſes par lef- quelles elles tâcherent à le conſoler de ſon chagrin ;
Recouvrons le repos que trop
d'embarras m'oſte,
Cherchons,dit- il, cherchonsde la
tranquillité:
Si iesouffre c'est voſtre faute ,
Et mon malheur ne vient que de
voſtrefierté.
Partout ou vous mevoulezfuivre ,
Comme vous y menez &les Ris
&les leux,
Ie ne voy que des Gens affez con- tensdevivre
Lecœur embraséde mesfeux ;
Mais l'ordre du Destin qui vous
18 LE MERCURE fitimmortelles,
Vous faisant demeurer toûjours icunes &belles ,
CePrivilegegaste tout ,
Ilfait que vous n'aimez àvoir
quevosſemblables ;
Etquand iepense ailleurs vous rendreunpeu traitables,
Ien'ensçauroisveniràbout.
MilleAmantes ont beau chercher
defeurs remedes Aux maux que vous pourriez m'aideràdétourner,
Vousdédaignez les Vieilles &les
Laides
Chezqui ietâcheàvous mener;
Et cependantfans vous quepuis- iefeulpour elles ?
Ilm'enfaut tont les jours effuyer
:
cent querelles :
L'ay tortquandpardégoût on leur
manque defoy ,
GALANT. 19
!
lefuis traité d'injuste &d'aveugle&de traiſtre ,
Et tout cela , parce qu'avecque
moy 1 Auprésd'ellesiamaisvousnevou.
lezparoiſtre.
N
Lesgraces dirent mille choſes obligeantes à l'amour pourſe juſtifier auprés deluy,&rejer- terent leur manque de complaiſance ſur l'impoſſibilité qu'il y a de preſter quelque agrément à des Beautez déja furannées ; car pour les laides,
dirent- elles , vous ſçavez que nous ne les fuyons pas toutes.
Il yen a quelques-unes ſur le chapitre deſquelles vous avez aſſez àvousloüerde nos foins.
Nous demeurős d'accord que quand vous les allez engager
20 LE MERCURE
:
4
à reconnoître voſtre pouvoir,
nous ne vous accompagnons pas ſeules , & que vous faites en forte que la Jeuneſſe ſe trouve avec nous ; mais de
grace , ceſſez de nous rendre
reſponſables de vos chagrins;
les plus grands que vous ayez viennentdu coſté des Hommes , & ce ſont pourvous de
terribles eſprits à gouverner.
Il est vray,dit l' Amourqu'ils me cauſent despeines,
Qui m'accablent àtous momës,
Ienepuis nyferrer , ny relâcher
leurs chaînes,
Queie n'aye àsouffrir de leurs déréglemens.
:
Si trop de reſiſtance àleur flame
opposée Leur fait perdre l'espoir d'une Conqueste aisée,
GALANT. 2[
Ieneſuis qu'unTyran dont- ilfaut s'affranchir ;
Etfi laBelle àqui ie les engage Se laiſſe unpeu trop toſt fléchir,
Iamais elle n'a dû meriter leur
hommage.
Ainsi d'unfaux déguisement
Couvranttoutes leurs injaſtices,
Lorsque iem'accommode à leur
temperament,
Ilsseplaignent infolemment Qu'ils sont contraints defuture
mescaprices.
Qu'ils soient fourbes , ſan foy ,
trompeurs , audacieux,
Bizares,inconstans, emportez,fu- -
rieux,
De leurs defauts c'est moyseul -qu'ils accuſent,
Moy qui cherchepartout la con- corde&la paix,
22 LE MERCURE
Etquicentfois ay cõblédebiensfarts Ces lâches, ces ingratsqui de mon nomabusent.
C'en est fait, ma reſolution eſt
priſe , ie romps pour toûjours avec eux; & puis que les pei- nes qu'ils ſe font eux- mêmes leur font oublier lesavantages qu'ils reçoivent de moy , ie m'en vengeray hautement, en ne retournant iamais ſur la
terre. Aces mots il demanda
qu'on le laiſſat repoſer pour ſe remettre des fatigues qu'il avoit euës avec les hommes; &
comme les maux des Dieux
s'en vont auſſi promptement
qu'ils viennent , & que leur gueriſon dépend toûjours de leur volonté, lesGraces ne ſe
GALANT. 23
1
mirent pas en peinedu reme- de qu'il falloir apparter à la maladie dontil s'eſtoit plaint,
&elles le laiſſerent dormir
juſqu'au lendemain , qu'elles nemanquerent pasdeſe trou- verà ſon réveil. Ce repos qu'il avoit pris extraordinairement
(car il luy eſt fort nouveau
d'en prendre) luyavoit mis ſur leteint une fraîcheur qui les
ébloüit. Il leur parut plus po- relé qu'il n'avoit accoûtumé
- del'eſtre,&elles le trouverent
ſi beau, qu'elles ne pouvoient ſe laſſer de luy en faire paroître leur admiration .
Ahquelbonheur, dit- il, de pouvoiràfon aiſe
Dormir ainſi tranquillement !
Ie puis d'un doux loisir profuer
pleinement ,
24 LE MERCURE
Sansqu'ilfoitsurprenant que le
:: repos me plause,
?
:
Vnlong trava Idemande un long
delaffement Que n'ay jepointfouffert , pen.
dant quesur laterre L'offrois en vain la Paix qui doit
Suivre l'Amour !
Toûjours dispute,toûjours guerre:
L'étois àtout calmeremployénuit
&iour ;
Maisqu'avons- nous , immortels
que noussommes,
Anous inquieter, comme le monde ira ?
Quant àmoydeformais , prenne Soinqui voudra
Des affaires du cœur des homes,
;
İyrenonce,fansmoyſoit aiméqui
pourra.
Cefont des importuns qu'on ne
peutSatisfaire,
Et
GALANT. 25 7
Et qui d'un sentiment toûjours contraire au mien,
Trouvant ce qu'ils n'ont pas dignefeul de leurplaire ,
Veulent tout &ne veulent rien.
Trois jours s'écoulerent de
cette forte , pendant leſquels lesGraces tinrent fidelle compagnie à l'Amour. Comme ce n'est qu'un enfant, elles avoiét
le plaifir de le pouvoir baifer
ſans ſcrupule , & c'eſt entre- elles à qui l'auroit plus ſou- vent entre lesbras. Cependant Vénus qui avoit fait un voyage en terre , en eſtoit revenuë toute indignée , de ce qu'au lieudeshonneurs qu'elle avoit
accouſtumé d'y recevoir , elle avoit trouvé ſes Temples de
ferts.
Tome 2. B
26 LE MERCURE
Parcetteoyfivetéquepretendezvousfaire,
Dit-elleàsonfils triſtement ?
Magloire vous est-elle aujour.
d'huy lipeuchere,
Quevous puissiezvoirvôtre mere
Qu'àl'envytoutle mondeoutrageimpunément ?
Ladifcorde en ma placeen terre reverée,
Par voſtre éloignement joüit de meshonneurs :
Temevoyfans encens quand elle estadorée;
Etparses discoursfuborneurs,
Ellea tant fait partout quema
honteestjurée.
C'est trop , nesouffrez pasqu'elle mepousse àbout ,
Remettez les mortels dans leurs
premieres chatnes ;
S'il vous en coûtequelquespeines,
と
GALANT. 27
Par elles il est beau d'estre maistre
detout.
Venus eut beau faire des remontrances, l'Amour s'obſtina
àvouloireſtre malade, &pre- tendit que les hommes ne va- loient pas qu'il ſe privat pour euxdu repos quiluyeſtoit ne- ceffaire. Il s'en accommodoit
lemieux dumonde, &il n'avoit jamais rien trouvé de fi
doux que de paſſer les iours entiers, comme il fa foit , à fo lâtrer avec les Graces qui ne le
quitoient point. Mercure qui le cherchoit pour luy rendre comptede ce qui s'eſtoit paſſé fur la terre depuis ſon départ ,
le trouva qui ſe divertiſſoit avec elles &le voyant aſſis fur
les genoux del'une,tandis que l'autre luy tenoit les mains;
Bij
28 LE MERCURE
Ah vrayement,lay dit ilie vous
Lçayfort bongré Detout cejoly badınage ,
Detels amusemens conviennentà
voſtre âge ,
Maispourvous eſtre icy du mon- deretiré,
Vous avezfait un beau ménage.
Depuis qu'il vous a plû de vous
en éloigner,
Sçavez vous qu'iln'est rien qui n'ait changé de face ?
L'intereſtſeul en vôtre place
S'est acquis le droit de regner.
Il corrompt l'ame la plusſaine :
Ce n'est qu'emportement trouble, quefureur ,
, que
3
Chacun ne respire que haine ,
Les moins méchansfontfurpris de L'erreur
Quivers la difcorde les mene,
Tout s'y laiſſe entrainer , on s'at
GALANT. 29
taque, onsenuit.
Vouloir eftre obligeant, c'estfui- vre unechimere
Quedans les cerveaux creuxle
mauvais goût produit.
Comme on n'a nal defir de plaire,
On est pour lebeausexe , infolent,
temerare,
Et la civilité que tout le monde
:
fuit,
Cherchant employ par tout ne trouve rien àfaire.
L'Avarice eſt le mal leplus commundetous ,
L'épargne est en credit , plus de Modes nouvelles ,
Plus d'ornemens, plus de bijoux.
On nevoit qu'envieux , dont les
efprit jaloux
Semblentſe nourrir de querelles.
Personne ne fait plus ny Vers , uy Billets doux,
Biij
30 LE MERCVRE Plus d'agreables bagatelles ;
Onne donne ny Bals , nygalants Rendez-vous,
Et tous les homes pourles belles Sont devenus devrais hiboux.
Que ie ſuis ravy de cedeſor- dre , dit l'Amour tout réjouy !
Voilaun renverſementquime charme. Les hommes vont
connoiſtre ce que ie vaux, par les malheurs où les plongera mon éloignement. Mais,dites- moy ie vous prie que fait l'A- mitié ? At'on conſervé quel que reſpect pourelle?Et l'Hy menée avec qui i'eſtois ſi ſou- vent broüillé , fait-il mieux ſes
affaires ſeul qu'il ne les faiſoit
avec moy ?
L'Amitié, dit Mercure, avoulu
S'ingerer
GALANT.31
DEL
Defaire en terre vêtre office ;
Elleentretient les nœuds qu'on luy donneàferrer,
Mais le moindre debat la fait
presque expirer,
Et contrel'intereſt, pourpeu qu'il l'affoibliffe,
YON
Satiedeurnesçauroitdurer.
Quantàl'Hymen,parvôtre ab- fence
C'eſtpis centfois quecen'estoit
Acause du dégoût de l'indif ference [alliance,
Avecquidetout temps elleafait
vouséclatoit;
Toûjours quelque divorce entre
Maispourveu qu'on s'armâtd'un peudepatience,
Apresavoirgrondé, rompul'in- telligence ,
Vous vous raccommodiez, & tout
: feremettoit.
Biiij
32 LE MERCURE Apreſent que la Politique Portefans vous les gens às'unir pourtoûjours,
Dés qu'ons'estengagél'onn'aplus de beaux jours ;
Chacun en mots dolens
malheurs'explique ,
de fon
Etles regretsfont laseule Musiique,
Quichez les marieza cours.
Vous en riez ? Voila bien dequoy
rive.
Prenez-le ſur un autre ton ;
Sivous neretournez exercervôtre
empire,
Lemondesevaperdre, chacun
ensoupire,
Comme on faisoit du temps de Phaëton.
N'importe , repartit l'Amour ,
c'eſt ce que ie demande , ie ne
GALANT. 33
ſçaurois trop punir des fantaſ- ques, qui me faiſant trop inju- ſtement autheur de tous les
maux qu'ils fouffrent par leurs folies, n'ont aucune reconnoifſance des plaiſirs que ie leur procure. Le reposm'a'a fait goû- ter icy desdouceurs que ie n'a- voisiamais éprouvées , & iene meſens pas en humeur d'y re- noncer. Mercure le laiſſa dans
ceſentiment, &quelque temps s'eſtant encor paffé ſans que Venus pût obtenir de luy qu'il changeât de reſolution , un iour qu'il étoit fort en trainde rire , il entendit du bruit qui P'obligea à tourner la tête pour ſçavoir qui le venoit troubler dans ſa Retraite. Lecroiriezvous , luy dirent les Graces ,
c'eſt la Raiſon, vôtre plus irre
Bv
34. LE MERCURE
conciliable ennemie , quide- mande à vous parler.
Voilade mes ingrats oùvalamé- diſance,
S'écria-t'il touten courroux ;
Parce qu'illeurplaîtd'êtrefous,
D'aimerlahonteuse licence ,
Quin'est propre qu'aux loupsgaroux,
Ils nesçauroientsouffrir, fanss'en:
faire une offence ,
Qu'avecque la Raiſon iefois d'intelligence Pour mieuxfairegoûtermescharmes les plus doux ;
C'est elle cependant qu'à mefui- vrei'invite,
Partout ou iaydeffein de merendrevainqueur,
L'empruntefes couleurspourpein..
dre lemerite
GALANT.
35 Quidoit toucher unnoble cœur.
C'est alors qu'à mes traits se li- vrant avecjoye Ce cœurs'en laiſſepenetrer ,
Ie lay dois trop pour neme pas
montrer,
LaRaiſon me demande , ilfaut
queie la voye,
Dépêchez, qu'on lafaſſe entrer.
Acesmotsil courut au devant
d'elle , & témoigna parl'ac- cüeil le plus obligeant l'eſtime particuliere qu'il en faiſoit. La Raiſon receut ſes careſſes avec
plaifir , & le regardant d'un œil plus ſatisfait qu'elle n'avoit paru l'avoir en entrant :
Parcerestede bienveillance,
Luydit-elle , accordezàmes empreſſemens
36 LE MERCURE
Lebonheur de vostre presence,
Vous devez cette complaisance Al'appuy que ie donne àtous vos Sentimens.
Vousfçavezqueiamais ienevous fus contraire,
Que 'iay toûjours cherché l'union
avec vous,
Etqu'où nous terminons enſemble quelque affaire.
On se trouve affez bien denous.
Etouffez un chagrin qui nepeut
quemenuire.
Nos communs interêts nous y doi-
: vent porter :
L'un & l'autre, partout où vous
m'ofez conduire ,
Nous avons quelque appuy toûjoursànousprester ,
Vous meservez àm'introduire,
Etievousſirs àvousfaire écouter.
Depuis que les mortels ne vouS.
GALANT. 37
ontpluspourguide,
Vous desgroffieretez l'ennemy déclaré,
Il n'est rienſi défiguré,
I'ay beau chercherà leur tenir
labride,
Iene trouve par tout qu'orgueil
démesuré,
Quefaste insupportable, ou bêtise
timide;
Si ie quite un brutal ie rencontre
unstupide,
Pointde cœurgenereux point d'efprit éclairé.
Vousſeul à tant de maux pouvez donnerremede ,
Parvous lafiertés'adoucit,.
Parvous àſepolir ,ſans emprun- terd'autreaide ,
Leplus farouche reüſſit .
Revenez- donc au monde , oùpar vostre presence
38 LE MERCURE
Vous remettrez foudain la concorde&lapaix ,
l'ySoûtiendraypartout laforcede
vos traits,
Et nous en bannirons l'audace &
l'inſolence,
Si nous ne nousquittons iamais.
La propoſition ne déplût pas à l'Amour ; mais comme il fut
quelquetemps fans répondre,
la perfuafion qui eſtoit de -
meurée à la porte, crût qu'il eſtoit temps qu'elle parlat ; &
l'Amour ne la vit pas plûtoſt s'avancer , que prevenant ce qu'elle pouvoit avoir à luydi- re ; Arreſtez , luy cria-t'il de loin , ce ſeroit faire tort à l'union qui a eſtédetout temps entre la Raifon&moy,quede
croire qu'elle ait beſoin de vo
GALANT. 39
ſtre ſecours pour me faire en- trer dans ſes ſentimens. Il eſt
de certains Amours évaporez qui ne s'en accommoderoient
pas ; mais pour moy qui ſuis ennemydudéreglemét ( quoy que s'en ſoient voulu imagi- ner les hommes ) ie n'ay point
demeilleure amie que la Raifon. Il eut à peine achevé ces mots , qu'il apperçeutlaGloi- re , qui eſtant accouſtumée à
eſtre receuë par tout àbras ouverts , crut qu'il feroit inutile
de faire demander ſi l'entrée
buy ſeroit permiſe. L'Amour prit plaifir à la voir marcher d'un pas auſſi majestueux que fa mine eſtoit altiere. Il la receutfort civilement ; & apres
qu'elle eut répondu à ſes pre- mieres honneſtetez.
40 LE MERCURE Paroùpeut on avoir merité, luy
ditelle,
Que vous vous obſtiniez dans ce honteux repos ?
Il n'a iamais esté d'absence fi
cruelle:
Finiſſez là, chacun àl'envy voas
rappelle,
Eti'ay beſoindevous pourfaire
desHeros.
Pour les Exploits d'éclat quelque prixque l'étale,
Lavaleurſans Amourest aveugle,
brutale,
Etſemblemoins cueillir qu'arra- cherdes lauriers.
Dansle métier de Mars l'Amour
eft neceffaire,
Etc'est lefeul defir deplaire,
Qui fait lesplusfameux Guerriers.
4
GALANT. 41 L'Amour ſe trouva agreable- ment flaté de ce que la Gloire
luy dit,& il révoit à la réponſe qu'il luy devoit faire, quand il vitentrer tout à la fois,la Beauté , la Conſtance , la Galante
rie,& les Plaiſirs qui luy firent mille plaintes de ce que fon éloignement leur faiſoit ſouf- frir. La Beauté exagera com- bien il luy eſtoit honteux de
n'avoir aucun avantage ſur la laideur,&de n'être plus confiderée de perſonne , parce que
perſonne ne ſongeoit plus à
aimer. Mais ce qui commença d'ébranler l'Amour , ce fur ce
queluydirent les Plaiſirs , qui ſe voyoient malheureuſement exilez par le retranchement
des Feſtes galantes , & de tout
ce qui pouvoit contribuer au
42 LE MERCURE
divertiſſement des belles, tous
les jeunes gens eſtans tombez depuis ſon départdans une fa- le débauche , qui ne leur laif- ſoit trouverde lajoye quedans la ſeule brutalité. Ils parlerent fi fortement , & ils furent fi
bien ſecondez par les autres qui avoient le même intereſt qu'eux de faire revenir l'A- mour en terre , que ſe laiſſant
toucheràleurs prieres ;
C'estfait , vous l'emportez,leur dit-il,iemerends,
Quoyqu'endouceurpourmoy cet- teretraite abonde,
Ilfaut aller revoir mes injustes.
tyrans,
Er tâcher de mettre ordre à tous
les differens Que mon éloignement a caufé
GALANT. 43 dans lemonde ;
Puisqu'on le veut ainsi,igretourneavecvouS ,
Mais à condition qu'un traitementplus doux Effacerade moy ce que l'on afait croire,
Etquepour empêcher mille brutalitez
QuijettentsurmonNomunetâ- chetrop noire,
Partout ouieſeray, la Raison &
laGloire
Iront toûjours à mes costez.
Le party fut accepté, &il plut tellement aux Graces,qu'elles
jugerent de ne plus abandon- ner l'Amour.
ſuivante. Elle faitdu bruit,ellea ſes Partiſans,vousjugerez s'ils ont raiſon d'en dire du
bien.. LA MALADIE
DE L'AMOVR.
L
Es Graces venoient de
laiſſer l'Amour entre les
bras du Sommeil , &fe mocquoientde la ſtupiditéde ce Dieu, qui ayant l'avantage de poſſeder tousles joursles plus belles perſonnes du monde ,
ne leurdit iamais une parole ,
tant il a peurdedes-obligerle filence qui le loge dans ſon Palais , quandelles virent ar- river inopinément l'Amour.
lavoitfonBandeau àla main,
&laiſſoit voir autant de colere dansſesyeux, que d'aba- tementſur ſon viſage.
16 LE MERCURE
Non, dit- il,en entrant ie n'enreviendray pas,
lel'ay iuré,iabandone lemode,
Fuyons des lieux où l'iniuftice abonde,
C'est trop avoir comerce avecdes
Ingrats.
Pourprix de mes lõguesfatigues Alesſervirdas leurs intrigues,
Ozer tenir de moy mille infolens
propos?
Chercherfans ceſſe àmefaire in.
cartade,
Ien'enpuisplus,i'enſuis malade,
Promptement , un Lit de repos.
Les Graces qui n'ont iamais
plus de joye que quand elles font avec l'Amour , ne furent
point pareſſeuſes à le fatisfai- re. Elles luy dreſſerent un lit
de roſes , & le dépouillerent
GALANT.17 - de fon Carquois, dont il brifa les flêches devant elles. Il ſe
coucha en ſuite , & en ayant receu mille careſſes par lef- quelles elles tâcherent à le conſoler de ſon chagrin ;
Recouvrons le repos que trop
d'embarras m'oſte,
Cherchons,dit- il, cherchonsde la
tranquillité:
Si iesouffre c'est voſtre faute ,
Et mon malheur ne vient que de
voſtrefierté.
Partout ou vous mevoulezfuivre ,
Comme vous y menez &les Ris
&les leux,
Ie ne voy que des Gens affez con- tensdevivre
Lecœur embraséde mesfeux ;
Mais l'ordre du Destin qui vous
18 LE MERCURE fitimmortelles,
Vous faisant demeurer toûjours icunes &belles ,
CePrivilegegaste tout ,
Ilfait que vous n'aimez àvoir
quevosſemblables ;
Etquand iepense ailleurs vous rendreunpeu traitables,
Ien'ensçauroisveniràbout.
MilleAmantes ont beau chercher
defeurs remedes Aux maux que vous pourriez m'aideràdétourner,
Vousdédaignez les Vieilles &les
Laides
Chezqui ietâcheàvous mener;
Et cependantfans vous quepuis- iefeulpour elles ?
Ilm'enfaut tont les jours effuyer
:
cent querelles :
L'ay tortquandpardégoût on leur
manque defoy ,
GALANT. 19
!
lefuis traité d'injuste &d'aveugle&de traiſtre ,
Et tout cela , parce qu'avecque
moy 1 Auprésd'ellesiamaisvousnevou.
lezparoiſtre.
N
Lesgraces dirent mille choſes obligeantes à l'amour pourſe juſtifier auprés deluy,&rejer- terent leur manque de complaiſance ſur l'impoſſibilité qu'il y a de preſter quelque agrément à des Beautez déja furannées ; car pour les laides,
dirent- elles , vous ſçavez que nous ne les fuyons pas toutes.
Il yen a quelques-unes ſur le chapitre deſquelles vous avez aſſez àvousloüerde nos foins.
Nous demeurős d'accord que quand vous les allez engager
20 LE MERCURE
:
4
à reconnoître voſtre pouvoir,
nous ne vous accompagnons pas ſeules , & que vous faites en forte que la Jeuneſſe ſe trouve avec nous ; mais de
grace , ceſſez de nous rendre
reſponſables de vos chagrins;
les plus grands que vous ayez viennentdu coſté des Hommes , & ce ſont pourvous de
terribles eſprits à gouverner.
Il est vray,dit l' Amourqu'ils me cauſent despeines,
Qui m'accablent àtous momës,
Ienepuis nyferrer , ny relâcher
leurs chaînes,
Queie n'aye àsouffrir de leurs déréglemens.
:
Si trop de reſiſtance àleur flame
opposée Leur fait perdre l'espoir d'une Conqueste aisée,
GALANT. 2[
Ieneſuis qu'unTyran dont- ilfaut s'affranchir ;
Etfi laBelle àqui ie les engage Se laiſſe unpeu trop toſt fléchir,
Iamais elle n'a dû meriter leur
hommage.
Ainsi d'unfaux déguisement
Couvranttoutes leurs injaſtices,
Lorsque iem'accommode à leur
temperament,
Ilsseplaignent infolemment Qu'ils sont contraints defuture
mescaprices.
Qu'ils soient fourbes , ſan foy ,
trompeurs , audacieux,
Bizares,inconstans, emportez,fu- -
rieux,
De leurs defauts c'est moyseul -qu'ils accuſent,
Moy qui cherchepartout la con- corde&la paix,
22 LE MERCURE
Etquicentfois ay cõblédebiensfarts Ces lâches, ces ingratsqui de mon nomabusent.
C'en est fait, ma reſolution eſt
priſe , ie romps pour toûjours avec eux; & puis que les pei- nes qu'ils ſe font eux- mêmes leur font oublier lesavantages qu'ils reçoivent de moy , ie m'en vengeray hautement, en ne retournant iamais ſur la
terre. Aces mots il demanda
qu'on le laiſſat repoſer pour ſe remettre des fatigues qu'il avoit euës avec les hommes; &
comme les maux des Dieux
s'en vont auſſi promptement
qu'ils viennent , & que leur gueriſon dépend toûjours de leur volonté, lesGraces ne ſe
GALANT. 23
1
mirent pas en peinedu reme- de qu'il falloir apparter à la maladie dontil s'eſtoit plaint,
&elles le laiſſerent dormir
juſqu'au lendemain , qu'elles nemanquerent pasdeſe trou- verà ſon réveil. Ce repos qu'il avoit pris extraordinairement
(car il luy eſt fort nouveau
d'en prendre) luyavoit mis ſur leteint une fraîcheur qui les
ébloüit. Il leur parut plus po- relé qu'il n'avoit accoûtumé
- del'eſtre,&elles le trouverent
ſi beau, qu'elles ne pouvoient ſe laſſer de luy en faire paroître leur admiration .
Ahquelbonheur, dit- il, de pouvoiràfon aiſe
Dormir ainſi tranquillement !
Ie puis d'un doux loisir profuer
pleinement ,
24 LE MERCURE
Sansqu'ilfoitsurprenant que le
:: repos me plause,
?
:
Vnlong trava Idemande un long
delaffement Que n'ay jepointfouffert , pen.
dant quesur laterre L'offrois en vain la Paix qui doit
Suivre l'Amour !
Toûjours dispute,toûjours guerre:
L'étois àtout calmeremployénuit
&iour ;
Maisqu'avons- nous , immortels
que noussommes,
Anous inquieter, comme le monde ira ?
Quant àmoydeformais , prenne Soinqui voudra
Des affaires du cœur des homes,
;
İyrenonce,fansmoyſoit aiméqui
pourra.
Cefont des importuns qu'on ne
peutSatisfaire,
Et
GALANT. 25 7
Et qui d'un sentiment toûjours contraire au mien,
Trouvant ce qu'ils n'ont pas dignefeul de leurplaire ,
Veulent tout &ne veulent rien.
Trois jours s'écoulerent de
cette forte , pendant leſquels lesGraces tinrent fidelle compagnie à l'Amour. Comme ce n'est qu'un enfant, elles avoiét
le plaifir de le pouvoir baifer
ſans ſcrupule , & c'eſt entre- elles à qui l'auroit plus ſou- vent entre lesbras. Cependant Vénus qui avoit fait un voyage en terre , en eſtoit revenuë toute indignée , de ce qu'au lieudeshonneurs qu'elle avoit
accouſtumé d'y recevoir , elle avoit trouvé ſes Temples de
ferts.
Tome 2. B
26 LE MERCURE
Parcetteoyfivetéquepretendezvousfaire,
Dit-elleàsonfils triſtement ?
Magloire vous est-elle aujour.
d'huy lipeuchere,
Quevous puissiezvoirvôtre mere
Qu'àl'envytoutle mondeoutrageimpunément ?
Ladifcorde en ma placeen terre reverée,
Par voſtre éloignement joüit de meshonneurs :
Temevoyfans encens quand elle estadorée;
Etparses discoursfuborneurs,
Ellea tant fait partout quema
honteestjurée.
C'est trop , nesouffrez pasqu'elle mepousse àbout ,
Remettez les mortels dans leurs
premieres chatnes ;
S'il vous en coûtequelquespeines,
と
GALANT. 27
Par elles il est beau d'estre maistre
detout.
Venus eut beau faire des remontrances, l'Amour s'obſtina
àvouloireſtre malade, &pre- tendit que les hommes ne va- loient pas qu'il ſe privat pour euxdu repos quiluyeſtoit ne- ceffaire. Il s'en accommodoit
lemieux dumonde, &il n'avoit jamais rien trouvé de fi
doux que de paſſer les iours entiers, comme il fa foit , à fo lâtrer avec les Graces qui ne le
quitoient point. Mercure qui le cherchoit pour luy rendre comptede ce qui s'eſtoit paſſé fur la terre depuis ſon départ ,
le trouva qui ſe divertiſſoit avec elles &le voyant aſſis fur
les genoux del'une,tandis que l'autre luy tenoit les mains;
Bij
28 LE MERCURE
Ah vrayement,lay dit ilie vous
Lçayfort bongré Detout cejoly badınage ,
Detels amusemens conviennentà
voſtre âge ,
Maispourvous eſtre icy du mon- deretiré,
Vous avezfait un beau ménage.
Depuis qu'il vous a plû de vous
en éloigner,
Sçavez vous qu'iln'est rien qui n'ait changé de face ?
L'intereſtſeul en vôtre place
S'est acquis le droit de regner.
Il corrompt l'ame la plusſaine :
Ce n'est qu'emportement trouble, quefureur ,
, que
3
Chacun ne respire que haine ,
Les moins méchansfontfurpris de L'erreur
Quivers la difcorde les mene,
Tout s'y laiſſe entrainer , on s'at
GALANT. 29
taque, onsenuit.
Vouloir eftre obligeant, c'estfui- vre unechimere
Quedans les cerveaux creuxle
mauvais goût produit.
Comme on n'a nal defir de plaire,
On est pour lebeausexe , infolent,
temerare,
Et la civilité que tout le monde
:
fuit,
Cherchant employ par tout ne trouve rien àfaire.
L'Avarice eſt le mal leplus commundetous ,
L'épargne est en credit , plus de Modes nouvelles ,
Plus d'ornemens, plus de bijoux.
On nevoit qu'envieux , dont les
efprit jaloux
Semblentſe nourrir de querelles.
Personne ne fait plus ny Vers , uy Billets doux,
Biij
30 LE MERCVRE Plus d'agreables bagatelles ;
Onne donne ny Bals , nygalants Rendez-vous,
Et tous les homes pourles belles Sont devenus devrais hiboux.
Que ie ſuis ravy de cedeſor- dre , dit l'Amour tout réjouy !
Voilaun renverſementquime charme. Les hommes vont
connoiſtre ce que ie vaux, par les malheurs où les plongera mon éloignement. Mais,dites- moy ie vous prie que fait l'A- mitié ? At'on conſervé quel que reſpect pourelle?Et l'Hy menée avec qui i'eſtois ſi ſou- vent broüillé , fait-il mieux ſes
affaires ſeul qu'il ne les faiſoit
avec moy ?
L'Amitié, dit Mercure, avoulu
S'ingerer
GALANT.31
DEL
Defaire en terre vêtre office ;
Elleentretient les nœuds qu'on luy donneàferrer,
Mais le moindre debat la fait
presque expirer,
Et contrel'intereſt, pourpeu qu'il l'affoibliffe,
YON
Satiedeurnesçauroitdurer.
Quantàl'Hymen,parvôtre ab- fence
C'eſtpis centfois quecen'estoit
Acause du dégoût de l'indif ference [alliance,
Avecquidetout temps elleafait
vouséclatoit;
Toûjours quelque divorce entre
Maispourveu qu'on s'armâtd'un peudepatience,
Apresavoirgrondé, rompul'in- telligence ,
Vous vous raccommodiez, & tout
: feremettoit.
Biiij
32 LE MERCURE Apreſent que la Politique Portefans vous les gens às'unir pourtoûjours,
Dés qu'ons'estengagél'onn'aplus de beaux jours ;
Chacun en mots dolens
malheurs'explique ,
de fon
Etles regretsfont laseule Musiique,
Quichez les marieza cours.
Vous en riez ? Voila bien dequoy
rive.
Prenez-le ſur un autre ton ;
Sivous neretournez exercervôtre
empire,
Lemondesevaperdre, chacun
ensoupire,
Comme on faisoit du temps de Phaëton.
N'importe , repartit l'Amour ,
c'eſt ce que ie demande , ie ne
GALANT. 33
ſçaurois trop punir des fantaſ- ques, qui me faiſant trop inju- ſtement autheur de tous les
maux qu'ils fouffrent par leurs folies, n'ont aucune reconnoifſance des plaiſirs que ie leur procure. Le reposm'a'a fait goû- ter icy desdouceurs que ie n'a- voisiamais éprouvées , & iene meſens pas en humeur d'y re- noncer. Mercure le laiſſa dans
ceſentiment, &quelque temps s'eſtant encor paffé ſans que Venus pût obtenir de luy qu'il changeât de reſolution , un iour qu'il étoit fort en trainde rire , il entendit du bruit qui P'obligea à tourner la tête pour ſçavoir qui le venoit troubler dans ſa Retraite. Lecroiriezvous , luy dirent les Graces ,
c'eſt la Raiſon, vôtre plus irre
Bv
34. LE MERCURE
conciliable ennemie , quide- mande à vous parler.
Voilade mes ingrats oùvalamé- diſance,
S'écria-t'il touten courroux ;
Parce qu'illeurplaîtd'êtrefous,
D'aimerlahonteuse licence ,
Quin'est propre qu'aux loupsgaroux,
Ils nesçauroientsouffrir, fanss'en:
faire une offence ,
Qu'avecque la Raiſon iefois d'intelligence Pour mieuxfairegoûtermescharmes les plus doux ;
C'est elle cependant qu'à mefui- vrei'invite,
Partout ou iaydeffein de merendrevainqueur,
L'empruntefes couleurspourpein..
dre lemerite
GALANT.
35 Quidoit toucher unnoble cœur.
C'est alors qu'à mes traits se li- vrant avecjoye Ce cœurs'en laiſſepenetrer ,
Ie lay dois trop pour neme pas
montrer,
LaRaiſon me demande , ilfaut
queie la voye,
Dépêchez, qu'on lafaſſe entrer.
Acesmotsil courut au devant
d'elle , & témoigna parl'ac- cüeil le plus obligeant l'eſtime particuliere qu'il en faiſoit. La Raiſon receut ſes careſſes avec
plaifir , & le regardant d'un œil plus ſatisfait qu'elle n'avoit paru l'avoir en entrant :
Parcerestede bienveillance,
Luydit-elle , accordezàmes empreſſemens
36 LE MERCURE
Lebonheur de vostre presence,
Vous devez cette complaisance Al'appuy que ie donne àtous vos Sentimens.
Vousfçavezqueiamais ienevous fus contraire,
Que 'iay toûjours cherché l'union
avec vous,
Etqu'où nous terminons enſemble quelque affaire.
On se trouve affez bien denous.
Etouffez un chagrin qui nepeut
quemenuire.
Nos communs interêts nous y doi-
: vent porter :
L'un & l'autre, partout où vous
m'ofez conduire ,
Nous avons quelque appuy toûjoursànousprester ,
Vous meservez àm'introduire,
Etievousſirs àvousfaire écouter.
Depuis que les mortels ne vouS.
GALANT. 37
ontpluspourguide,
Vous desgroffieretez l'ennemy déclaré,
Il n'est rienſi défiguré,
I'ay beau chercherà leur tenir
labride,
Iene trouve par tout qu'orgueil
démesuré,
Quefaste insupportable, ou bêtise
timide;
Si ie quite un brutal ie rencontre
unstupide,
Pointde cœurgenereux point d'efprit éclairé.
Vousſeul à tant de maux pouvez donnerremede ,
Parvous lafiertés'adoucit,.
Parvous àſepolir ,ſans emprun- terd'autreaide ,
Leplus farouche reüſſit .
Revenez- donc au monde , oùpar vostre presence
38 LE MERCURE
Vous remettrez foudain la concorde&lapaix ,
l'ySoûtiendraypartout laforcede
vos traits,
Et nous en bannirons l'audace &
l'inſolence,
Si nous ne nousquittons iamais.
La propoſition ne déplût pas à l'Amour ; mais comme il fut
quelquetemps fans répondre,
la perfuafion qui eſtoit de -
meurée à la porte, crût qu'il eſtoit temps qu'elle parlat ; &
l'Amour ne la vit pas plûtoſt s'avancer , que prevenant ce qu'elle pouvoit avoir à luydi- re ; Arreſtez , luy cria-t'il de loin , ce ſeroit faire tort à l'union qui a eſtédetout temps entre la Raifon&moy,quede
croire qu'elle ait beſoin de vo
GALANT. 39
ſtre ſecours pour me faire en- trer dans ſes ſentimens. Il eſt
de certains Amours évaporez qui ne s'en accommoderoient
pas ; mais pour moy qui ſuis ennemydudéreglemét ( quoy que s'en ſoient voulu imagi- ner les hommes ) ie n'ay point
demeilleure amie que la Raifon. Il eut à peine achevé ces mots , qu'il apperçeutlaGloi- re , qui eſtant accouſtumée à
eſtre receuë par tout àbras ouverts , crut qu'il feroit inutile
de faire demander ſi l'entrée
buy ſeroit permiſe. L'Amour prit plaifir à la voir marcher d'un pas auſſi majestueux que fa mine eſtoit altiere. Il la receutfort civilement ; & apres
qu'elle eut répondu à ſes pre- mieres honneſtetez.
40 LE MERCURE Paroùpeut on avoir merité, luy
ditelle,
Que vous vous obſtiniez dans ce honteux repos ?
Il n'a iamais esté d'absence fi
cruelle:
Finiſſez là, chacun àl'envy voas
rappelle,
Eti'ay beſoindevous pourfaire
desHeros.
Pour les Exploits d'éclat quelque prixque l'étale,
Lavaleurſans Amourest aveugle,
brutale,
Etſemblemoins cueillir qu'arra- cherdes lauriers.
Dansle métier de Mars l'Amour
eft neceffaire,
Etc'est lefeul defir deplaire,
Qui fait lesplusfameux Guerriers.
4
GALANT. 41 L'Amour ſe trouva agreable- ment flaté de ce que la Gloire
luy dit,& il révoit à la réponſe qu'il luy devoit faire, quand il vitentrer tout à la fois,la Beauté , la Conſtance , la Galante
rie,& les Plaiſirs qui luy firent mille plaintes de ce que fon éloignement leur faiſoit ſouf- frir. La Beauté exagera com- bien il luy eſtoit honteux de
n'avoir aucun avantage ſur la laideur,&de n'être plus confiderée de perſonne , parce que
perſonne ne ſongeoit plus à
aimer. Mais ce qui commença d'ébranler l'Amour , ce fur ce
queluydirent les Plaiſirs , qui ſe voyoient malheureuſement exilez par le retranchement
des Feſtes galantes , & de tout
ce qui pouvoit contribuer au
42 LE MERCURE
divertiſſement des belles, tous
les jeunes gens eſtans tombez depuis ſon départdans une fa- le débauche , qui ne leur laif- ſoit trouverde lajoye quedans la ſeule brutalité. Ils parlerent fi fortement , & ils furent fi
bien ſecondez par les autres qui avoient le même intereſt qu'eux de faire revenir l'A- mour en terre , que ſe laiſſant
toucheràleurs prieres ;
C'estfait , vous l'emportez,leur dit-il,iemerends,
Quoyqu'endouceurpourmoy cet- teretraite abonde,
Ilfaut aller revoir mes injustes.
tyrans,
Er tâcher de mettre ordre à tous
les differens Que mon éloignement a caufé
GALANT. 43 dans lemonde ;
Puisqu'on le veut ainsi,igretourneavecvouS ,
Mais à condition qu'un traitementplus doux Effacerade moy ce que l'on afait croire,
Etquepour empêcher mille brutalitez
QuijettentsurmonNomunetâ- chetrop noire,
Partout ouieſeray, la Raison &
laGloire
Iront toûjours à mes costez.
Le party fut accepté, &il plut tellement aux Graces,qu'elles
jugerent de ne plus abandon- ner l'Amour.
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Résumé : LA MALADIE DE L'AMOUR.
Le texte relate une conversation entre l'Amour et les Grâces, suivie par l'intervention de Vénus et Mercure. L'Amour, épuisé par les ingratitudes et les comportements injustes des hommes, décide de se retirer et de se reposer. Les Grâces, inquiètes, lui préparent un lit de roses et tentent de le consoler. L'Amour exprime son désir de tranquillité et critique les hommes pour leur inconstance et leur ingratitude, refusant de revenir sur terre et préférant rester avec les Grâces. Vénus, furieuse de voir ses temples profanés, tente de convaincre son fils de revenir, mais sans succès. Mercure informe l'Amour des changements sur terre, où l'intérêt et la discorde règnent. L'Amour se réjouit de ces malheurs, trouvant son repos doux et agréable. La Raison intervient alors et demande à l'Amour de revenir pour rétablir l'ordre et la justice. Parallèlement, une conversation critique l'absence de l'Amour, qui a laissé le monde dans le chaos. La Raison et la Gloire rappellent l'importance de l'Amour, soulignant que sans lui, les exploits héroïques sont vains et que la valeur sans amour est aveugle et brutale. La Beauté, la Constance, la Galanterie et les Plaisirs se plaignent également de leur souffrance due à l'absence de l'Amour, qui a conduit à une débauche brutale parmi les jeunes gens. Touché par ces plaintes, l'Amour accepte de revenir à condition que la Raison et la Gloire l'accompagnent pour éviter les brutalités et les mauvaises interprétations. Les Grâces approuvent cette décision, promettant de ne plus abandonner l'Amour.
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2
p. 174-176
III.
Début :
L'Autre jour dans un Bois où régne le silence, [...]
Mots clefs :
Bois, Charme, Tristesse, Destin, Coeur, Mot
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texteReconnaissance textuelle : III.
III.
' Autre jour dans un Bois où régne le
filence,
Je fongeoisaux rigueurs dont la charmante-
Fris
Depuis prés de deux ansfatigue ma conftance,
Sans vouloir d'unfeul mot adoucir mes
ennuis..
de
Non, difois-je , emporté de rage & do
colere,
Je ne veux plus l'aimer, & deformais fes
yeux
Ne me reverront plus en deffein de luy
plaire,
Mefoumettre à desfers & peſans & honteux
.
Ils ne me verront plus en Amant trop
fidelle,
du Mercure Galant,
175
Prodiguer vainement mes foûpirs & mes
pleurs,
Et peut - eftre qu'un jour je verray la
Cruelle d
Sans appuy, fans Amant, éprouver mes
malheurs.
Je me teus un moment , pour calmer ma
trifteffe,
Quand j'apercens Iris qui venoit àgrands
pas,
En me difant ces Vers dictez par la tendreffe,
Et dont chaque parole eut pour moy mille
appas.
Enfin, moncher Damon , je cède àta conftance;
Et fi jufques icy mon deftin rigoureux
A retenu mon coeur & mon ame en balance,
Apprens que deformais je veux te rendre
beureux.
Enachevant ces Mots , qui me rendoient
la vie,
Elle vint m'embraffer d'un air charmant
& doux.
176
Extraordinaire
Jugez apres cela du bonheur de ma vie,
Et s'il ne me doit pas faire mille jaloux.
Du MONT, ou le Cadet aîné,
de Vitré en Bretagne.
' Autre jour dans un Bois où régne le
filence,
Je fongeoisaux rigueurs dont la charmante-
Fris
Depuis prés de deux ansfatigue ma conftance,
Sans vouloir d'unfeul mot adoucir mes
ennuis..
de
Non, difois-je , emporté de rage & do
colere,
Je ne veux plus l'aimer, & deformais fes
yeux
Ne me reverront plus en deffein de luy
plaire,
Mefoumettre à desfers & peſans & honteux
.
Ils ne me verront plus en Amant trop
fidelle,
du Mercure Galant,
175
Prodiguer vainement mes foûpirs & mes
pleurs,
Et peut - eftre qu'un jour je verray la
Cruelle d
Sans appuy, fans Amant, éprouver mes
malheurs.
Je me teus un moment , pour calmer ma
trifteffe,
Quand j'apercens Iris qui venoit àgrands
pas,
En me difant ces Vers dictez par la tendreffe,
Et dont chaque parole eut pour moy mille
appas.
Enfin, moncher Damon , je cède àta conftance;
Et fi jufques icy mon deftin rigoureux
A retenu mon coeur & mon ame en balance,
Apprens que deformais je veux te rendre
beureux.
Enachevant ces Mots , qui me rendoient
la vie,
Elle vint m'embraffer d'un air charmant
& doux.
176
Extraordinaire
Jugez apres cela du bonheur de ma vie,
Et s'il ne me doit pas faire mille jaloux.
Du MONT, ou le Cadet aîné,
de Vitré en Bretagne.
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Résumé : III.
Dans un bois, le narrateur exprime sa souffrance et sa colère face à un amour non réciproque qu'il endure depuis deux ans. Il décide de ne plus aimer cette personne et de ne plus chercher à lui plaire, refusant des efforts humiliants. Il imagine même la voir souffrir de son absence. Cependant, après un moment de tristesse, il aperçoit Iris, qui lui déclare son amour en récitant des vers tendres. Iris avoue céder à sa confiance et souhaite désormais le rendre heureux. Elle l'embrasse, lui rendant la vie. Le narrateur exprime alors son bonheur extrême et invite à en juger par soi-même. Le texte est signé Du Mont, originaire de Vitré en Bretagne.
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3
p. 33-56
DIVERTISSEMENT donné depuis peu à une noce d'un Officier general. Les paroles sont de M. P... & mises en musique par M. de la E.....
Début :
SCENE 1. BELONNE, suivie des Guerrier, & L'HYMEN accompagné [...]
Mots clefs :
Spectacles et divertissements, Noces, Musique, Belonne, Hymen, Amour, Fureur, Plaisir, Douceur, Destin, Didascalie, Soleil, Heures, Ballet, Étourdis, Choeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DIVERTISSEMENT donné depuis peu à une noce d'un Officier general. Les paroles sont de M. P... & mises en musique par M. de la E.....
DIVERTISSEMENT
donné depuis peu à une node
d'un Officier general.
Les paroles font de M. P...
mifes en mufique par M.
de la E.......
SCENE L
BELONNE , fuivie des:
Guerriers & L'HYMEN
acccompagné des Amours:
O
BELONNE..
Ui rend l'Hymenfi
teméraire ?
H vient mêler aux cris de
341 MERCURE
guerre & de fureur
De fes chants amoureux:
l'importune langueur.
Ne craint-il point de me
déplaire ?
L'HYMEN.
Sima douceur déplaît à Belonne en colere ,
Ses fureurs ne plaifent gueress
Aux paifibles Amours, I
Quiviennent pour toujours
Diffipertes horreurs par des
chants d'allegreffe.
BELONNE.
Nefçais- tu pas que la fierté
D'une impitoyable Déeſſe
GALANT. 35%
S'irrite par la tendreffe ?
Je fens déja mon cœur de
colere agité :
Mais je fais grace à ta temerité
En faveur de ta foibleffe.
L'HYMEN.
L'Hymen & les Amours
Sont plus forts qu'on ne
penſe ;
Uneheureufe alliance.
Vient d'unir pour toûjours
L'Hymen & les Amours.
Er la Difcorde a bien peu
de puiffance
Lorfque l'on voit d'intelli
gence
MERCURE
L'Hymen & les Amours:
L'HYMEN aux Amours.
Invoquonsle Deftin, lui feul
par fa prefence
Peut de Belonne arrêter la
puiffance.
BELONNE.
Guerriers,par vos fieres cla
meurs:
Venez au Deftin même inſpirer mes fureurs.
CHOEURS des Guerriers »
accompagnez de trompettes.
Deftin , foyez inexorable ,
Que la guerre dure à jamais.
GALANT. 37
CHOEURS des Amours
accompagnez de Autes
douces..
Deltin , ſoyez- nous favorable ,
LHymenvous demande la
paix.
SCENE 11.
LE DESTIN.
JE fais le malheur extrême
De'a plûpart des h'ima'ns :
Mais leurbonheur fupr ne
Eft auffi dans mes mains.
38 MERCURE
Pour les punir je defole la
terre
Par Belonne & par ſon tonnerre ;
Et quand je veux leur donner d'heureux jours ,
J'éteins le flambeau de la
guerre
Par le flambeau des Amours.
Al'arrêt du Deftin que Belonne obeiffe ,
Et qu'Hymen à jamais de
ces lieux la banniſſe.
BELONNE.
Si tout languit dans un pròfond repos,
1
GALANT. 3.9
Que deviendra la valeur
des Heros?
LE DESTIN avec un accompagnement.
La valeur des Heros triomphera du vice ,
La force des Guerriers fervira deformais
Afaire trembler l'injuſtice ,
La force des Guerriers fervira deformais
A maintenir la juftice &
la paix.
LE DESTIN feul.
Fuis donc , va porter la
guerre
Et les horreurs du trépas
40 MERCURE
En quelque coin de la terre
Que le Soleil n'éclaire pas.
Belonne les Guerriers
prennent lafuite, & le Deftin ordonne aux peuples d'invoquer le Soleil, & de de
mander l'abondance lebon.
heur que la guerre avoit in
terrompus.
SCENE IH
LE DESTIN,
APrés avoir chaffé Belonne ,
Peuples , le Deftin vous orསྙབག བརྡ ལྟ D'a-
GALANT. 41
D'avoir recours au Dieuqui
doircombler nos vœux;
C'eſt le Soleil , dont la prèfence
Peut feule conferver dans
ces climats heureux
L'ordre, le calme & l'abon2 dance i
CeDieuquiparfa prudense
Sçait moderer la courfe en
parcourant les airs ;
• CeDieu quipar luiſeulfçait
regler fa puiffance,
Merite feul auffi de regler
2715 Funivers. e
* Le Deftin rentre dans-la
Grotte profonde d'où il étoit Octobre 17125 D
42 MERCURE
forti, & on voit paroître les
Soleil accompagné des Heures.
SCENE IV.
LE SOLEIL & LES
HEURES.
TAnt que le demon de
la guerre
Par fes fureurs a defolé la
terre ,
Le Deſtin a permis que le
demon des airs ,
Le cruel Aquilonfit regner
les hyvers
GALANT.
Dans l'excés de fa rage
Ila voulu confondre les faifons ,
Renverfer les moiffons.
Enfin j'ai diffipé l'orage ,
Jeramene en ces lieux,pour
combler vos defirs
Et l'abondance & les plaifirs.
Une NYMPHE.
Sans l'abondance
Tous les plaiſirs font languiffans,
2.1
On languiroit dans l'abondance
Sans les plaifirs & les jeux
innocens.
Dij
44 MERCURE.
Une autre NYMPHE
Le Soleil qui donne
Une riche autonne
Donne auffi de doux printemps ;.
La même ardeur qui rend
nos moiffons abondantes ,
Parent nos champs.
De mille fleurs naiffantes
Qui charment les fens.
LE SOLEIL parlant
aux Heures.
Vous qui fuivez les loix que
j'ai ſçû vous preſcrire ,
Vous , Heures , dont les pas.
égaux
GALANT.
Marquent mesglorieux tra
vaux ,
Faites qu'on admire
Jufques dans vos jeux
Cet ordre merveilleux
Que ma juſteſſe inſpire.
DIVERTISSEMENT
des Heures..
Les douze Heures forment
une entrée de Baller , fur plufieurs airs dont la méfure &
les chauts imitent au naturel
toutes les differentes manieres
dont les Horloges & les Pendules fonuent les Heures.
464 MERGURE
Toute la Scene ſuivante~
marque la jufteffe des heures ,
&l'égalité du cours du So--
leil.
SCENE V..
Une des HEURES
QUel bruit nouveau ſe
fait entendre ?
Ce font Une autre HEURE..
les Plaifirs turbu
lens
,
Qui malgré nous viennent
ici fe rendre
Leurs chants impetueux
GALANT 47
leurs tranfports violens
Vont troubler nos jeux innocens.
Entrée de Plaifirs turbulens.
L'ETOURDI
Nous cherchions en ces
lieux une Fête éclatante.
Mais rien n'y flate nôtre attente.
Quelle tranquilité le cal
bat me regne icis , wing
Eft- ce done ainfi 260231
Qu'un divertiffement s'aps prête ?
Le defardre, le bruit , le
trouble & le fracas
Nefont-ils pasbenq-294
48 MERCURE
Les charmes d'une Fête?
L'ordre pour nous n'apomt
d'appas.
Quittez , Heures , quittez
l'importune jufteffe ,
Et n'exprimez que la vîteffe :
Du temps , dont vous marquez les pas.
Une des Heures tranquilles.
chante ce qui fuit , accompa
gnée d'une fymphonie douce.
Les pas des Heures char
TODA antes nuo
I
mantes
Ne font jamais affez lents.
Unpetit Chœur d'Heures.
reprend.
Les pas des Heures charmantes Ne
GALANT. 49
Nefont jamais affez lents.
L'ETOURDI.
Les Heures font toûjours
trop lentes
Pour les plaiſirs impatiens.
Courons , agitons- nous , le
repos nous ennuye.
LES ETOURDIS.
Courons , agitons-nous , le
repos nous ennuye ,
Brufquons le temps, paffons
la vie.
Une des HEURES tranquilles.
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Octobre 1712.
E
SP%.
MERCURE
Et nous cherchons à la goûtter
La courfe du temps vous
ennuye
Vous voulez la precipiter,
Que ne pouvons nous l'ar
rêter ?
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Et nous cherchons à la goû
ter..
L'ETOURDI.
Le temps qui fuit , & que
je fuis,
Tout rapide qu'il eft, m'ennuye & minquieter,
Toûjours je le regrette ,
GALANT.
ST
Jamais je n'en joüis.
Une des HEURES tranquilles.
Sans regret. du paffé , la
tranquille innocence
Joüit d'unjour quicontente
fes vœux,
Elle attend fans impatience
Des jours encore plus heu
reux.
L'ETOURDI.
Suivons le temps &ſa vìteffe extrême ,
Il faut courir auffi vîte que
lui ,
s'é¿ ·
S'agiter , s'étourdir , &s'é
viter foy- même
Eij
MERCURE
Pour éviter l'ennui.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
30་ ིན་ vie.
Une des HEURES tran...
quilles.
Tout eft plaifir dans la vie.
? L'ETOURDI.
1:20
Tout eſt chagrin dans la
vie :
Mais ce qui t tient lieu de
plaifirs ,
C'eft de voler de defirs en
defirs.
Hors l'inconftance tout en
nuye.
GALANT. 53
DUO.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
.niv
vie.
L'HEURE tranquille.
Tout eft plaifir dans la vie.
L'HEURE tranquille ſeule.
Quand on fçait avec peu
contenter fon envie ,
Lorique des tranquiles plaifirs
L'innocence nous defennuye,
Tout eft plaifir dans la vie.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin.
E iij
$4
MERCURE
L'HEURE
Tout eft plaifir.
TOUS DEUX enfemble.
Tout eft chagrin dans la
vie.
Tout eft plaifir dans la vie,
DIVERTISSEMENT
des Plaiſirs innocens
& des Heures.
Unpetit Chœur formé par
les Heures reprend les paroles.
dis Duo.
Tout eft plaifir.....
GALANT. 55
UnPlaifir innocent chante
ce qui fuit.
Tout eft plaifir dans la vie ,
Qui fçait dans un heureux
féjour
Profiter d'un beau jour ,
Jamais ne s'ennuye.
Le chant des oifeaux ,
Le murmure des eaux
Une fleur fraîchement . .
cueillie ,
Touteft plaifir dans la vie.
On finit par un Chaur
d'Ecos , qui repetent en differentes manieres les paroles
fuivantes.
Tout eft plaifir dans la vie ;
E
iiij
56 MERCURE
Quand on s'eft fait un fort
au-deffus de l'envie ;
Quand on fçait mêler à
propos
Aux travaux glorieux les
charmes du repos ,
Tout eft plaifir dans la vie.
CHOEUR.
Faifons redire auxEchos :
Tout eft plaifir dans la vie
donné depuis peu à une node
d'un Officier general.
Les paroles font de M. P...
mifes en mufique par M.
de la E.......
SCENE L
BELONNE , fuivie des:
Guerriers & L'HYMEN
acccompagné des Amours:
O
BELONNE..
Ui rend l'Hymenfi
teméraire ?
H vient mêler aux cris de
341 MERCURE
guerre & de fureur
De fes chants amoureux:
l'importune langueur.
Ne craint-il point de me
déplaire ?
L'HYMEN.
Sima douceur déplaît à Belonne en colere ,
Ses fureurs ne plaifent gueress
Aux paifibles Amours, I
Quiviennent pour toujours
Diffipertes horreurs par des
chants d'allegreffe.
BELONNE.
Nefçais- tu pas que la fierté
D'une impitoyable Déeſſe
GALANT. 35%
S'irrite par la tendreffe ?
Je fens déja mon cœur de
colere agité :
Mais je fais grace à ta temerité
En faveur de ta foibleffe.
L'HYMEN.
L'Hymen & les Amours
Sont plus forts qu'on ne
penſe ;
Uneheureufe alliance.
Vient d'unir pour toûjours
L'Hymen & les Amours.
Er la Difcorde a bien peu
de puiffance
Lorfque l'on voit d'intelli
gence
MERCURE
L'Hymen & les Amours:
L'HYMEN aux Amours.
Invoquonsle Deftin, lui feul
par fa prefence
Peut de Belonne arrêter la
puiffance.
BELONNE.
Guerriers,par vos fieres cla
meurs:
Venez au Deftin même inſpirer mes fureurs.
CHOEURS des Guerriers »
accompagnez de trompettes.
Deftin , foyez inexorable ,
Que la guerre dure à jamais.
GALANT. 37
CHOEURS des Amours
accompagnez de Autes
douces..
Deltin , ſoyez- nous favorable ,
LHymenvous demande la
paix.
SCENE 11.
LE DESTIN.
JE fais le malheur extrême
De'a plûpart des h'ima'ns :
Mais leurbonheur fupr ne
Eft auffi dans mes mains.
38 MERCURE
Pour les punir je defole la
terre
Par Belonne & par ſon tonnerre ;
Et quand je veux leur donner d'heureux jours ,
J'éteins le flambeau de la
guerre
Par le flambeau des Amours.
Al'arrêt du Deftin que Belonne obeiffe ,
Et qu'Hymen à jamais de
ces lieux la banniſſe.
BELONNE.
Si tout languit dans un pròfond repos,
1
GALANT. 3.9
Que deviendra la valeur
des Heros?
LE DESTIN avec un accompagnement.
La valeur des Heros triomphera du vice ,
La force des Guerriers fervira deformais
Afaire trembler l'injuſtice ,
La force des Guerriers fervira deformais
A maintenir la juftice &
la paix.
LE DESTIN feul.
Fuis donc , va porter la
guerre
Et les horreurs du trépas
40 MERCURE
En quelque coin de la terre
Que le Soleil n'éclaire pas.
Belonne les Guerriers
prennent lafuite, & le Deftin ordonne aux peuples d'invoquer le Soleil, & de de
mander l'abondance lebon.
heur que la guerre avoit in
terrompus.
SCENE IH
LE DESTIN,
APrés avoir chaffé Belonne ,
Peuples , le Deftin vous orསྙབག བརྡ ལྟ D'a-
GALANT. 41
D'avoir recours au Dieuqui
doircombler nos vœux;
C'eſt le Soleil , dont la prèfence
Peut feule conferver dans
ces climats heureux
L'ordre, le calme & l'abon2 dance i
CeDieuquiparfa prudense
Sçait moderer la courfe en
parcourant les airs ;
• CeDieu quipar luiſeulfçait
regler fa puiffance,
Merite feul auffi de regler
2715 Funivers. e
* Le Deftin rentre dans-la
Grotte profonde d'où il étoit Octobre 17125 D
42 MERCURE
forti, & on voit paroître les
Soleil accompagné des Heures.
SCENE IV.
LE SOLEIL & LES
HEURES.
TAnt que le demon de
la guerre
Par fes fureurs a defolé la
terre ,
Le Deſtin a permis que le
demon des airs ,
Le cruel Aquilonfit regner
les hyvers
GALANT.
Dans l'excés de fa rage
Ila voulu confondre les faifons ,
Renverfer les moiffons.
Enfin j'ai diffipé l'orage ,
Jeramene en ces lieux,pour
combler vos defirs
Et l'abondance & les plaifirs.
Une NYMPHE.
Sans l'abondance
Tous les plaiſirs font languiffans,
2.1
On languiroit dans l'abondance
Sans les plaifirs & les jeux
innocens.
Dij
44 MERCURE.
Une autre NYMPHE
Le Soleil qui donne
Une riche autonne
Donne auffi de doux printemps ;.
La même ardeur qui rend
nos moiffons abondantes ,
Parent nos champs.
De mille fleurs naiffantes
Qui charment les fens.
LE SOLEIL parlant
aux Heures.
Vous qui fuivez les loix que
j'ai ſçû vous preſcrire ,
Vous , Heures , dont les pas.
égaux
GALANT.
Marquent mesglorieux tra
vaux ,
Faites qu'on admire
Jufques dans vos jeux
Cet ordre merveilleux
Que ma juſteſſe inſpire.
DIVERTISSEMENT
des Heures..
Les douze Heures forment
une entrée de Baller , fur plufieurs airs dont la méfure &
les chauts imitent au naturel
toutes les differentes manieres
dont les Horloges & les Pendules fonuent les Heures.
464 MERGURE
Toute la Scene ſuivante~
marque la jufteffe des heures ,
&l'égalité du cours du So--
leil.
SCENE V..
Une des HEURES
QUel bruit nouveau ſe
fait entendre ?
Ce font Une autre HEURE..
les Plaifirs turbu
lens
,
Qui malgré nous viennent
ici fe rendre
Leurs chants impetueux
GALANT 47
leurs tranfports violens
Vont troubler nos jeux innocens.
Entrée de Plaifirs turbulens.
L'ETOURDI
Nous cherchions en ces
lieux une Fête éclatante.
Mais rien n'y flate nôtre attente.
Quelle tranquilité le cal
bat me regne icis , wing
Eft- ce done ainfi 260231
Qu'un divertiffement s'aps prête ?
Le defardre, le bruit , le
trouble & le fracas
Nefont-ils pasbenq-294
48 MERCURE
Les charmes d'une Fête?
L'ordre pour nous n'apomt
d'appas.
Quittez , Heures , quittez
l'importune jufteffe ,
Et n'exprimez que la vîteffe :
Du temps , dont vous marquez les pas.
Une des Heures tranquilles.
chante ce qui fuit , accompa
gnée d'une fymphonie douce.
Les pas des Heures char
TODA antes nuo
I
mantes
Ne font jamais affez lents.
Unpetit Chœur d'Heures.
reprend.
Les pas des Heures charmantes Ne
GALANT. 49
Nefont jamais affez lents.
L'ETOURDI.
Les Heures font toûjours
trop lentes
Pour les plaiſirs impatiens.
Courons , agitons- nous , le
repos nous ennuye.
LES ETOURDIS.
Courons , agitons-nous , le
repos nous ennuye ,
Brufquons le temps, paffons
la vie.
Une des HEURES tranquilles.
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Octobre 1712.
E
SP%.
MERCURE
Et nous cherchons à la goûtter
La courfe du temps vous
ennuye
Vous voulez la precipiter,
Que ne pouvons nous l'ar
rêter ?
Vous cherchez à paffer la
vie ,
Et nous cherchons à la goû
ter..
L'ETOURDI.
Le temps qui fuit , & que
je fuis,
Tout rapide qu'il eft, m'ennuye & minquieter,
Toûjours je le regrette ,
GALANT.
ST
Jamais je n'en joüis.
Une des HEURES tranquilles.
Sans regret. du paffé , la
tranquille innocence
Joüit d'unjour quicontente
fes vœux,
Elle attend fans impatience
Des jours encore plus heu
reux.
L'ETOURDI.
Suivons le temps &ſa vìteffe extrême ,
Il faut courir auffi vîte que
lui ,
s'é¿ ·
S'agiter , s'étourdir , &s'é
viter foy- même
Eij
MERCURE
Pour éviter l'ennui.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
30་ ིན་ vie.
Une des HEURES tran...
quilles.
Tout eft plaifir dans la vie.
? L'ETOURDI.
1:20
Tout eſt chagrin dans la
vie :
Mais ce qui t tient lieu de
plaifirs ,
C'eft de voler de defirs en
defirs.
Hors l'inconftance tout en
nuye.
GALANT. 53
DUO.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin dans la
.niv
vie.
L'HEURE tranquille.
Tout eft plaifir dans la vie.
L'HEURE tranquille ſeule.
Quand on fçait avec peu
contenter fon envie ,
Lorique des tranquiles plaifirs
L'innocence nous defennuye,
Tout eft plaifir dans la vie.
L'ETOURDI.
Tout eft chagrin.
E iij
$4
MERCURE
L'HEURE
Tout eft plaifir.
TOUS DEUX enfemble.
Tout eft chagrin dans la
vie.
Tout eft plaifir dans la vie,
DIVERTISSEMENT
des Plaiſirs innocens
& des Heures.
Unpetit Chœur formé par
les Heures reprend les paroles.
dis Duo.
Tout eft plaifir.....
GALANT. 55
UnPlaifir innocent chante
ce qui fuit.
Tout eft plaifir dans la vie ,
Qui fçait dans un heureux
féjour
Profiter d'un beau jour ,
Jamais ne s'ennuye.
Le chant des oifeaux ,
Le murmure des eaux
Une fleur fraîchement . .
cueillie ,
Touteft plaifir dans la vie.
On finit par un Chaur
d'Ecos , qui repetent en differentes manieres les paroles
fuivantes.
Tout eft plaifir dans la vie ;
E
iiij
56 MERCURE
Quand on s'eft fait un fort
au-deffus de l'envie ;
Quand on fçait mêler à
propos
Aux travaux glorieux les
charmes du repos ,
Tout eft plaifir dans la vie.
CHOEUR.
Faifons redire auxEchos :
Tout eft plaifir dans la vie
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Résumé : DIVERTISSEMENT donné depuis peu à une noce d'un Officier general. Les paroles sont de M. P... & mises en musique par M. de la E.....
Un divertissement récent a été organisé en l'honneur d'un officier général. La scène s'ouvre sur Belonne, déesse de la guerre, accompagnée de guerriers, et l'Hymen, dieu du mariage, entouré des Amours. Belonne s'interroge sur l'audace de l'Hymen à mêler les chants amoureux aux cris de guerre. L'Hymen répond que les Amours et lui sont plus puissants que les fureurs de Belonne. Le Destin intervient alors, expliquant qu'il peut à la fois causer le malheur et le bonheur des hommes. Il ordonne à Belonne de porter la guerre ailleurs et aux peuples d'invoquer le Soleil pour l'abondance et le bonheur. Le Soleil apparaît ensuite, accompagné des Heures, et explique qu'il a dissipé les fureurs de la guerre pour apporter l'abondance et les plaisirs. Une nymphe souligne que l'abondance sans plaisirs est languissante. Le Soleil et les Heures célèbrent l'ordre et la justice, illustrés par une danse des Heures. Des plaisirs turbulents perturbent ensuite la scène, cherchant une fête plus animée. Les Heures tranquilles chantent la beauté de leur rythme régulier, tandis que les étourdis expriment leur ennui face au repos et leur désir de précipiter le temps. Les Heures et les étourdis débattent sur la nature de la vie, les uns trouvant tout chagrin, les autres tout plaisir. Le divertissement se conclut par un chœur affirmant que la vie est pleine de plaisirs pour ceux qui savent en profiter.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 222-225
AIR A BOIRE.
Début :
On mettra toûjours les paroles de chaque Air d'abord sans Musique, / Il n'est point icy bas de plaisir sans chagrin : [...]
Mots clefs :
Plaisir, Chagrin, Musique, Destin, Paroles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AIR A BOIRE.
On mettra toujours lesparoles
de chaqueAird'abordsansMufique,&
dans la feüille suivante
, les paroles avec U Note ,
afin que si lafeuille volante de
la Musique embarasse ceux qui
ne sisoucient point àu chant,
ilspuissent la décoller & que les
paroles ressent. La Musique de
celle cy est de Ad* Dubrteuil.
AIR A BOIRE.
Il n'est point icy bas de plaisir
sans chagrin:
C'est un Arrest du Destin.
Quand mon oeilse delecte à voir
ce jus divin,
Mon gosiers'impatiente,
Ma soifredouble & me tour,
mente,
Etlors qu'en avallant mon gasier
se contente,
Mon oeil voit à regretdisparoître
levin.
Il n'est point icy bas deplaisirsans
chagrin.
-C'est un Arrest du Destin.
Ab ! goûtons icy bas un plaisir
Bravons l'Arrest du Destin.
Voicy deux rouges bords que Bac-
, cus mepresentey
En buvant l'un,je voyl'autre
tout plein,
Mon gosiersedelccte,&mmoeil
se contente.
Ab ! je goûte icy bas un plaisir
sans chagrin,
Malgrél'ArretduDestin.
de chaqueAird'abordsansMufique,&
dans la feüille suivante
, les paroles avec U Note ,
afin que si lafeuille volante de
la Musique embarasse ceux qui
ne sisoucient point àu chant,
ilspuissent la décoller & que les
paroles ressent. La Musique de
celle cy est de Ad* Dubrteuil.
AIR A BOIRE.
Il n'est point icy bas de plaisir
sans chagrin:
C'est un Arrest du Destin.
Quand mon oeilse delecte à voir
ce jus divin,
Mon gosiers'impatiente,
Ma soifredouble & me tour,
mente,
Etlors qu'en avallant mon gasier
se contente,
Mon oeil voit à regretdisparoître
levin.
Il n'est point icy bas deplaisirsans
chagrin.
-C'est un Arrest du Destin.
Ab ! goûtons icy bas un plaisir
Bravons l'Arrest du Destin.
Voicy deux rouges bords que Bac-
, cus mepresentey
En buvant l'un,je voyl'autre
tout plein,
Mon gosiersedelccte,&mmoeil
se contente.
Ab ! je goûte icy bas un plaisir
sans chagrin,
Malgrél'ArretduDestin.
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Résumé : AIR A BOIRE.
Le texte présente une méthode de présentation des paroles et de la musique dans des feuilles volantes. Les paroles apparaissent d'abord sans musique, permettant de détacher la feuille musicale. La musique de l'air 'AIR A BOIRE' est composée par Ad* Dubrteuil. Cet air reflète la nature éphémère des plaisirs, soulignant que tout plaisir est accompagné de chagrin. Il décrit la frustration de boire du vin et encourage à profiter des plaisirs malgré cette fatalité.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. [1627]-1637
ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Début :
Quelle douleur obstinée, [...]
Mots clefs :
Tombeau, Chagrin, Funèbres couleurs, Ombre, Douleur extrême, Destin, Mort, Gémir, Ennui, Mânes paisibles
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
ODE
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
A Made *** Mere.d'une jeune Religieuse,
morte à Amiens au mois de Mars 1731.
Uelle douleur obstinée ,
Change en nuits vos plus beaux
jours ?
Près d'un Tombeau prosternée ,
Voulez-vous pleurer toûjours ?
Le chagrin qui vous dévore ,
Chaque jour , avant l'Aurore ,
A ij Remet
SHIP
1628
MERCURE DE
FRANCE
Remet votre esprit aux fers :
La nuit vient , et trouve encore
Vos yeux aux larmes ouverts.
Les Graces accoûtumées ,
'A servir votre enjoûment ,
Sont surprises , allarmées ,
De cet affreux changement ;
Elles ne sçauroient se plaire ,
Dans ce réduit solitaire ,
Peint de funebres couleurs , *
Où votre ennui volontaire ,
Vient se nourrir dans les pleurs.
Trop justement attendrie ,
Vous avez dû pour un temps ,
Plaindre une fille chérie ,
Moissonnée en son printemps :
Dans ces premieres allarmes ,
La plainte même a des charmes ,
Dont un coeur triste est jaloux ;
Loin de condamner vos larmes ,
J'en répandois avec vous.
Mais c'est être trop constante ,
Dans de mortels déplaisirs :
La Nature se contente ,
T
D'u
JUILLET.
16.29
1731.
D'un mois entier de soupirs.
Hélas ! un chagrin si tendre,
Ranimera- t'il ta cendre
Ombre , encor chere à nos coeurs ?
Non , tu ne peux nous entendre ,
Ni répondre à nos clameurs.
C'en est fait : son jour suprême ,
Est expiré sans retour.;
Er votre douleur extrême ,
Ne peut lui rendre un seul jour.
Si les larmes maternelles ,
Du sein des nuits éternelles ,
Pouvoient enfin l'arracher ,
Vos yeux à l'amour fidelles ,
Ne devroient point se sécher..
La plainte la plus amére ,
N'attendrit pas le Destin :
Malgré les cris d'une mere "
La Mort retient sọn butin ;
Avide de funerailles ,
Ce Monstre né sans entrailles ,
g Sans cesse armé de flambeaux
Erre autour de nos Murailles
Pour nous creuser des Tombeaux,
y
A iij La
1630 MERCURE DE FRANCE
La Mort dans sa vaste course ,
Voit des Parens éplorez ,
Gémir ( trop foible ressource ! )
Sur des Enfans expirez ;
Sourde à leur plainte importune ,
Elle unit leur infortune-
Aux objets de leurs regrets ,
Dans une tombe commune
Et sous les mêmes Cyprès.
Des Enfers pâle Ministre ,
L'Ennui , comme un fier Vautour
Suit leurs pas d'un vol sinistre ,
Et les devore à leur tour.
De leur tragique tristesse ,
N'imitez point la foiblesse ;
Victime de vos langueurs 2
Bientôt à notre tendresse ,
Vous couteriez d'autres pleurs.
Soupirez-vous par coutume ,
Comme ces sombres Esprits ,
`Qui traînent dans l'amertume ,
La chaîne de leurs ennuis ?
C'est à tort que le Portique ,
Avec le Parnasse antiquè ,
Tient qu'il est doux de gémir ;
Un
JUILLET. 1731 , 1631
Un deüil lent et léthargique
Ne fut jamais un plaisir.
Quelle constance insensée ,
Veut nous dévouer aux Morts ?
Croit- on leur cendre glacée ,
Jalouse de ces transports ?
Pourquoi ces sanglots pénibles ,
Qui chez les Mânes paisibles ,
Ne seront point entendus ?
Leurs Ombres sont insensibles
Er nos soupirs sont perdus.
Dans l'horreur d'un bois sauvage ,
La Tourterelle gémie ,
Mais des peines du veuvage ,
Le Temps enfin l'affranchit ;
Semblable à la Tourterelle ,
En vain la douleur fidelle
T
Veut conserver son dégout ,
Le Temps triomphe enfin d'elle ,
Comme il triomphe de tout.
' D'Iphigénie immolée ,
Je vois le Bucher fumant:
Clytemnestre désolée ,
A iiij
Veut
1622
MERCURE DE FRANCE
Veut la suivre au Monument ;.
Une si triste manie ,
Par Egisthe fut bannie ,
L'Amour essuya ses pleurs.
Tels , de notre Iphigénie ,
Nous oublirons les malheurs.
Sur son aîle fugitive ,
Si le Temps doit emporter ,
Cette tristesse plaintive ,
Que vous semblez, respecter 3.
Sans attendre en servitude
Que de votre inquiétude ,
Il chasse le noir poison ,
Combattez-en l'habitude ,
Et vainquez-vous par raison.
D'une Grecque
magnanime ,
L'Héroïque fermeté ,
D'un chagrin pusillanime ,
Vous apprend l'indignité ;
Céphise , d'un oeil austere ,
Voit sa fille la plus chere ,
Entre ses bras expirer ,
Plus Heroïne que mere ,.
Elle craint de soupirer.,
D&
JUILLET. 1731. 1633
De son courage infléxible ,
Nature , ne te plains pas ;
Un coeur peut être sensible,
Sans cris pompeux sans éclats.
A la Parque en vain rebelle ,
Pourquoi m'affliger , dit-elle ,
J'y songeai , dès soǹ Berceau
J'élevois une Mortelle
Soumise au fatal Cizeau.
Mais non , Stoïques exemples ,,
Vous êtes d'un vain secours ;
Ce n'est que dans tes saints Temples ,
Grand Dieu , qu'est notre recours :
Pour guérir ce coup
funeste
Il faut une main Celeste ,
N'esperons rien des Mortels;
Un Consolateur nous reste
Il nous attend aux Autels.
"
Portez donc au Sanctuaire ,,
Soumise aux Divins Arrêts ,
Portez le coeur d'une mere
97
Chrétienne dans ses regrets..
Adorez- y , dans vos peines ,
L'Auteur des Loix souveraines ,
Qui décident de nos jours :
Av
1634 MERCURE DE FRANCE
Il rompt nos plus tendres chaînes,
Pour fixer seul nos amours.
Son choix nous l'avoit ravie ,
Celle dont j'écris le sórt ,
Long -temps avant que sa vie ,
Fût éteinte par la Mort.
D'un Monde que P'erreur vante
Une retraite fervente ,
Lui fermoit tous les chemins ;
Pour Dieu seul encor vivante ,
Elle étoit morte aux Humains...
La Victime , Dieu propice ,
A l'Autel alloit marcher ;
Déja pour le Sacrifice ,
L'Amour Saint dresse un Bucher ;
L'Encens , les Fleurs , tout s'aprête ,
Bien- tôt ta jeune Conquête ,
Va s'offrir ... Que dis-je ? helas !
J'allois chanter une Fête ,
Il faut pleurer un Trépas.
Qu'entens -je ? quels cris funebres !"
* Quelque temps avant sa derniere maladie
alle étoit sur le point de faire ses voeux ; elle
les prononça au lit de la mort,
Je
JUILLET. 1731. 1635
Je vois la Jeunesse en deuil :
Dans ces profondes tenebres.
Pour qui s'ouvre le cercueil ?
O Mort ! s'il est temps encore
De ses jours , dans leur Aurore
Ne tranche point le tissu ;
Cruelle ! envain je t'implore ,
Elle expire ! elle a vécu.
Ainsi périt une Rose ,
Que frappe un souffle mortel
On la cueille à peine éclose ,
Pour en parer un Autel
Depuis l'Aube matinale ,
La douce odeur qu'elle exhale
Parfume un Temple enchanté ;
Le jour fuit , la nuit fatale
Ensevelit sa beauté.
}
Ciel , nous plaignons sa jeunesse ,
Dont tes Loix ferment le cours ,
de ta Sagesse
Mais aux yeux
Elle avoit rempli ses jours ;
Ce n'est point par la durée,
Que doit être mesurée ,
La course de tes Elus ::
La mort n'est prématurée ,
Que pour qui meurt sans vertusä
A vj Pour
1636 MERCURE DE FRANCE
Pour départir ses Couronnes
Dieu ne compte point les ans ,
De ceux qu'aux Celestes Trônes ,
Sa main place avant le temps ;
Oui , d'un âge exempe de vices,
Les innocentes Prémices ,
Egalent , devant ses yeux ,
Vos plus nombreux sacrifices ,
Heros , vicillis pour les Cieux..
Vous donc Objet de mes rimes
De votre coeur abbatu ,
Par ces solides maximes ,
Fortifiez la vertu ; .·
A mille maux asservie ,,
Celle qui vous est ravie
Sembloit née à la douleur ::
Pour elle une courte vie ,
Fut un bienfait du Seigneur..
Si le Ciel est son partage ),
Gardez d'elle à l'avenir ,
Sans la pleurer davantage ,
112 .
uile souvenir ;.
Arbitre des années ,
(
Dieu, qui voit nos destinées:
Eclore et s'évanouir ,
Joigne
JUILLET. 1637 1737.
Joigne à vos ans les journées ,
Dont elle auroit dû joüit.
A Tours....
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Résumé : ODE A Made *** Mere d'une jeune Religieuse, morte à Amiens au mois de Mars 1731.
L'ode commémore une jeune religieuse décédée à Amiens en mars 1731. Le texte exprime la douleur intense et persistante de la mère de la défunte, qui pleure sa fille emportée en pleine jeunesse. Les Grâces, habituées à servir le bonheur, sont surprises par ce changement funeste et ne peuvent se plaire dans ce lieu de deuil. La mère reconnaît la légitimité de son chagrin après une telle perte, mais critique la constance excessive dans la douleur. Elle souligne que les larmes maternelles ne peuvent ramener les morts. La Mort est décrite comme un monstre avide, indifférent aux pleurs des parents. Le poème met en garde contre l'imitation de la faiblesse tragique et encourage à surmonter la tristesse par la raison. Il évoque l'exemple de Céphise, une mère stoïque qui, malgré sa douleur, ne se laisse pas submerger par les pleurs. La mère de la jeune religieuse trouve finalement du réconfort dans la foi chrétienne, adore Dieu et accepte la volonté divine. Elle rappelle que la mort n'est prématurée que pour ceux qui meurent sans vertus et que Dieu récompense les âmes pures, indépendamment de leur âge. Elle conclut en souhaitant que les jours perdus par la défunte soient ajoutés à sa propre vie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 1908-1912
ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Début :
Muse, raconte moi par quels heureux ressorts, [...]
Mots clefs :
Amour trompeur, Muse, Tyran des morts, Alarmes, Destin, Lois, Furie
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
ORPHE' E ,
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
OU L'AMOUR TROMPEUR
Muse, raco
..
POE ME.
1
Use, raconte moi ,par quels heureux ressorts,
Orphée eût triomphé du fier Tyran des Morts ,
Si l'Amour qui l'aida n'eût trahi sa constance .
Ce Dieu fait - il toujours redouter sa puissance a
Par un himen flateur , ce Chantre si fameux
Orphée étoit enfin au comble de ses voeux ,
L'Amour reconnoissant , sensible à ses allarmes ,
Le couronnoit de Myrthe en essuyant ses larmes
,
Et prodiguant sur lui ses dons et ses bienfaits¸
L'invitoit à gouter les biens les plus parfaits.
Son bonheur ne fut pas d'une longue durée ;
Euridice bientôt fut de lui séparée ,
Son malheureux déstin , rompant un noeud si
beau ,
Précipita ses jours dans la nuit du tombeau.
Que ce coup fut cruel pour un Epoux si tendre !
Du désespoir affreux son sort alloit dépendre ,
Quand le fils de Venus touché de son malheur ,
Réveilla ses esprits , appaisa sa douleur ,
E
A O UST . 1909 1731 .
It sous le feint maintient d'un ami doux et sage,
Au Chantre de la Thrace addressa ce langage :
les grands revers qu'un Heros ab-
C'est par
batu ,
» Montre quel est son coeur et quelle est sa vertu.
» Chassez , fils d'Appollon , cette sombre tristesse
; -
» Son cours poussé trop loin dégenere en foiblesse
;
Craignez donc de ternir ces exploits glorieux ;
» Et d'attirer sur vous la colere des Dieux.
Rappelés ces hauts faits que tout le monde
admire
» Ces prodiges divers qu'enfante votre Lyre ;
La nature attentive écoute votre voix ;
» Elle subit le joug de vos aimables Loix ;
»Les Monstres à vos pieds déposent leur furie ,
» Et viennent s'abreuver d'une douce harmonie ;
» Courés et vangés - vous des injures du sort ;
Allés dans les Enfers triompher de la Mort ; -
De ses sanglantes mains tirés votre conquête
,
» Redonnés à la Thrace une nouvelle fête :
» Rien ne peut resister , vous l'avés éprouvé ,
>> Ce triomphe inoui vous étoit reservé.
Il dit , et du succès lui peignant l'apparence ,
Il souffle dans son coeur la flateuse esperance ,
Sur le Mort Rhodopé l'amour conduit ses pas ,
L'abord de l'antre affreux ne le tebute pas ,
pas,
D Il
1910 MERCURE DE FRANCE
Il descend , et poussé par l'amour et la gloire ,
Il contemple d'abord le prix de sa victoire.
Il prend en main sa Lyre et forme ses accords ;
Il chante , il se surpasse , et ses derniers efforts
Assoupissent Cerbere , enchantent le Tenare ;
Pluton sent attendrir son cur dur et barbare
Il écoute , il resiste , il se rend , et soudain
Son sceptre rédouté lui tombe de la main.
Quel est donc ce mortel qui par de si doux
charmes ,
Vient , dit alors Pluton , de m'arracher les
armes ;
» Quel nouveau stratagéme enchante ainsi mes
sens ?
Rend ma fureur docile et mes bras impuissants
?
Vous , de mon Trône ardent soutiens iné
branlables ,
* Victimes des Enfers , infortunés coupables ;
» Qui goutés comme moy , tous ces charmes
nouveaux
Dont les effets vainqueurs suspendent mes
Aeaux ,
» Connoissés-vous encor mon infernal em
pire ?
» Ressentés - vous l'effroy que son seul nom inspire
?
>>
·
Non ; ce séjour n'est plus un séjour de tourments;
¡» Un
1
A OUST 1911 17317
Un Dieu plus fort que moy fait ces enchan
tements.
A ces mots il s'avance et les ombres craintives',
Accourent avec lui sur les obscures rives ,
Il apperçoit Orphée , et s'addressant à lui ,
Dissipe ainsi sa crainte et charme son ennui :
30 Je sçai , dit-il , je sçai le sujet qui t'ameine
Dans ces lieux ou les Morts n'abordent qu'avec
peine
» Epoux trop genereux , pour couronner ta foy,
» Je veux te satisfaire et revoquer ma loy.
Pour prix de tant d'amour je te rends Eu
ridice ;
Je Consens que l'hymen tous deux vous reünisse
;
Joüis, charmant mortel,du fruit de tes soupirs;
Pluton charmé , vaincu , l'accorde à tes dé
sirs.
Abstien- toy de la voir dans mon Royaume
sombre ,
Autrement tes regards ne verroient que son
ombre.
Que ne peut point l'amour reduit au déses
Epour ?
Mais qu'il est dangereux avec tant de pouvoir !
Orphée impatient ne contient point sa vuë ;
La voit en un moment recouvrée et perduë.
Ainsi punit Pluton l'infracteur de ses loix.
A
Dij
Le
1912 MERCURE DE FRANCE
Le coupable a recours à sa Lyre , à sa voix ;
Icrie , il se tourmente , il rappelle Euridice ;
Il attend que Pluton derechef s'attendrisse.
C'est en vain , Dieu d'Amour , sont-ce là de tes
jeux ?
Un moment voit Orphée heureux et malheu
reux .
Dieu trompeur ! les mortels sont toujours tes
victimes.
Soit qu'ils brûlent de feux impurs , ou legitimes
;
Ta faveur est un leurre et ton zele un abus ;
Tes faux biens sont suivis de regrets superflus.
M. de S. Bonet , Juge des Appellations
dans le Comtat Venaissin.
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Résumé : ORPHÉE, OU L'AMOUR TROMPEUR. POËME.
Le texte 'Orphée et l'Amour trompeur' relate l'histoire d'Orphée, un musicien talentueux, et de son épouse Euridice. Après la mort d'Euridice, Orphée, désespéré, décide de descendre aux Enfers pour la récupérer. Il est initialement encouragé par un ami à utiliser sa musique pour apaiser Pluton, le tyran des Morts. Orphée charme Cerbère, le chien des Enfers, et attendrit Pluton avec sa lyre. Pluton accepte de rendre Euridice à condition qu'Orphée ne la regarde pas avant d'avoir quitté les Enfers. Cependant, Orphée, impatient, viole cette condition et perd à nouveau Euridice. Le texte met en évidence la puissance et la dangerosité de l'amour, qui peut à la fois offrir des joies et causer des souffrances. L'Amour avait initialement aidé Orphée, mais sa constance fut trahie, soulignant ainsi la complexité et l'ambiguïté des sentiments amoureux.
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7
p. 229-231
A MAD. ***.
Début :
Le tems qui fuit, ou plutôt qui s'envole, [...]
Mots clefs :
Temps, Destin, Saisons, Charmes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A MAD. ***.
A MAD. ***.
E tems qui fuit , ou plutôt qui s'envole
Prend toujours , en fuyant, quelque chose sur
nous
By C'est
230 MERCURE DE FRANCE
C'est un assassin qui nous vole ,
Par un Art insensible et doux.
Qu'on s'en plaint justement , qu'à bon droit on
l'accuse ,
De promettre sans cesse et ne tenir jamais !
Imperceptiblement le perfide nous use ,
Nous déçoit, nous séduit, et souvent nous amuse,
De vains desirs , de fauts projets ;
Dont sottement l'ame se préoccupe.
Bientôt nous éprouvons par de cruels effets ,
Qu'attendre trop de lui , c'est en être la duppe ,
Et sés dons les plus sûrs sont de tristes regrets.
Mais à quoi bon la Morale ennuyeuse ?
Le Destin veut qu'ainsi le tems nous traite tous.
C'est pour vous, seule Immortelle. ...
Que ce Dieu va d'une aîle paresseuse ;
La Parque à beau filer et frémir de couroux
Il suspend devant vous sa course impetueuse.
Vos charmes semblent être à l'abri de leurs coups,
Et ce tyran cruel , ce destructeur terrible,
Paroît cesser d'être infléxible ,
'Puisque jamais il n'a rien pris sur vous.
Tour à tour la Nature à son devoir fidelle ,
Brille , languit , se renouvelle.
Mais qu'elle fasse attendre ou donner les beaux
jours ,
( Pouvoir que vous avez comme elle )
Des diverses saisons on n'a point vû le cours ,
Vous
FEVRIER. 1732. 231
Vous rendre moins aimable ni moins belle ;
Suivie avec ardeur des Graces , des Amours ;
Coinme Venus , qui vous voit , vous adore :
Tout l'éclat du Printemps regne sur vous encore,
Par cet esprit perçant , vif , juste et sans détours ;
A chaque instant on voit éclore ,
Même en dépit de la jalouse Flore ,
Sur vos traits délicats, sur vos moindres discours,
Des fleurs qui duréront toûjours.
L'ardeur que l'amitié vous donne ,
De vos yeux , la vivacité ,
Entretiennent chez vous le plus charmant Eté;
A votre generosité ,
Goût exquis , abondance , on reconnoît l'Automne ;
L'hyver qui tristement de glaçons se couronne ,
Dont les froids Aquilons suivent toûjours les pas,
Ne s'exprime en votre personne ,
Que par la nege et les frimats ,
Qui paroissent couvrir votre sein et vos bras.
Je me trompois , et mon erreur m'étonne
Au grand regret de maints adorateurs
Dont un Essain toûjours vous environne
Pour eux votre insensible cœur ,
Exprime mieux encor l'hiver et sa rigueur
E tems qui fuit , ou plutôt qui s'envole
Prend toujours , en fuyant, quelque chose sur
nous
By C'est
230 MERCURE DE FRANCE
C'est un assassin qui nous vole ,
Par un Art insensible et doux.
Qu'on s'en plaint justement , qu'à bon droit on
l'accuse ,
De promettre sans cesse et ne tenir jamais !
Imperceptiblement le perfide nous use ,
Nous déçoit, nous séduit, et souvent nous amuse,
De vains desirs , de fauts projets ;
Dont sottement l'ame se préoccupe.
Bientôt nous éprouvons par de cruels effets ,
Qu'attendre trop de lui , c'est en être la duppe ,
Et sés dons les plus sûrs sont de tristes regrets.
Mais à quoi bon la Morale ennuyeuse ?
Le Destin veut qu'ainsi le tems nous traite tous.
C'est pour vous, seule Immortelle. ...
Que ce Dieu va d'une aîle paresseuse ;
La Parque à beau filer et frémir de couroux
Il suspend devant vous sa course impetueuse.
Vos charmes semblent être à l'abri de leurs coups,
Et ce tyran cruel , ce destructeur terrible,
Paroît cesser d'être infléxible ,
'Puisque jamais il n'a rien pris sur vous.
Tour à tour la Nature à son devoir fidelle ,
Brille , languit , se renouvelle.
Mais qu'elle fasse attendre ou donner les beaux
jours ,
( Pouvoir que vous avez comme elle )
Des diverses saisons on n'a point vû le cours ,
Vous
FEVRIER. 1732. 231
Vous rendre moins aimable ni moins belle ;
Suivie avec ardeur des Graces , des Amours ;
Coinme Venus , qui vous voit , vous adore :
Tout l'éclat du Printemps regne sur vous encore,
Par cet esprit perçant , vif , juste et sans détours ;
A chaque instant on voit éclore ,
Même en dépit de la jalouse Flore ,
Sur vos traits délicats, sur vos moindres discours,
Des fleurs qui duréront toûjours.
L'ardeur que l'amitié vous donne ,
De vos yeux , la vivacité ,
Entretiennent chez vous le plus charmant Eté;
A votre generosité ,
Goût exquis , abondance , on reconnoît l'Automne ;
L'hyver qui tristement de glaçons se couronne ,
Dont les froids Aquilons suivent toûjours les pas,
Ne s'exprime en votre personne ,
Que par la nege et les frimats ,
Qui paroissent couvrir votre sein et vos bras.
Je me trompois , et mon erreur m'étonne
Au grand regret de maints adorateurs
Dont un Essain toûjours vous environne
Pour eux votre insensible cœur ,
Exprime mieux encor l'hiver et sa rigueur
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Résumé : A MAD. ***.
Le texte est une lettre poétique adressée à une femme, comparant le passage du temps à un voleur insidieux qui prend toujours quelque chose de nous. Le temps est décrit comme un assassin qui promet sans jamais tenir, usant et décevant les individus. La morale est jugée ennuyeuse, car le destin veut que le temps traite ainsi tout le monde. Cependant, la destinataire est présentée comme immortelle, échappant aux ravages du temps. Ses charmes sont comparés aux saisons : elle incarne le printemps par son esprit vif, l'été par son amitié ardente, l'automne par sa générosité et son goût exquis, et l'hiver par son cœur insensible. Malgré les saisons, elle reste toujours belle et aimable, adorée comme Vénus.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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8
p. 2233-2249
Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Début :
L'Académie Royale de Musique donna le premier Octobre la premiere [...]
Mots clefs :
Hippolyte, Thésée, Diane, Phèdre, Aricie, Amour, Père, Enfers, Mort, Monstre, Fils, Dieux, Vers, Théâtre, Destin
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
' Académie Royale de Musique donna
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
le premier Octobre la premiere
Représentation de la Tragédie nouvelle ,
intitulée : Hippolyte et Aricie. Le Poëme
est de M.le Chevalier Pellegrin , et la Musique
de M. Rameau. Le premier est déja
connu par plusieurs Ouvrages applaudis ;
et le second vient de faire voir par son
coup d'essai , dans ce genre de Musique,
qu'il peut égaler les plus grands Maîtres.
L'accueil favorable que le public a fait à
cet Opéra en fait esperer de nombreuses
Représentations : En voici l'Extrait.
L'Auteur du Poëme déclare dans sa Préface
que c'est
pour
authoriser
le caractere
qu'il
donne
à Diane
dans
la Piéce
, qu'il
a
fait
son
Prologue
. Hygin
lui en a fourni
la Fable
. Le Théatre
représente
la Forêt
d'Erymanthe
, si fameuse
par
un des trayaux
d'Hercule
. Diane
le fait
connoître
F par
1234 MERCURE DE FRANCE
par ces Vers , qu'elle addresse à ses Nym
phes et aux habitans des Bois.
Vous êtes dans ces mêmes lieux ,
Où sur un monstre furieux ,
Vn fils de Jupiter , remporta la victoire ;
Mais un monstre plus fier le soumit à son tour g
Du plus grand des Héros vous surpassez l
gloire ,
Quand vous triomphez de l'Amour.
L'Amour ne peut souffrir que Diane
le bannisse de ses Forêts ; il vient lui demander
raison de cet outrage ; Diane invoque
Jupiter son Pere,et le prie de con-
Armer le don qu'il lui a fait de l'Empire
des Forêts ; Jupiter descend au bruit du
tonnerre,et annonce à Diane que le Destin
ordonne que l'Amour regne par tout,
avec cette restriction , qu'il n'exercera sa
puissance sur les sujets de Diane qu'un
seul jour de l'année ; il ajoute que ce jour
doit être éclairé par le flambeau de l'Hymen.
Diane obéit aux Loix du Destin ;
elle ne veut pas pourtant être témoin
d'une Fête si favorable à l'Amour ; elle
annonce le sujet de la Tragédie , par ces
Vers :
Hippolyte , Aricie , exposés à périr ,
Ne fondent que sur moi leur derniere esperances
conOCTOBRE.
1733. 2235
Contre une injuste violence ,
C'est à moi de les secourir.
L'Amour entreprend de consoler les
sujets de Diane de l'absence de leur Souveraine
, par les plus doux plaisirs. Il ap
pelle par ces Vers ,les Jeux et les Amours.
Regnez , aimables jeux , regnez dans ces Forêts,
Qu'à mes voeux empressez votre zêle réponde :
Si vous, tendres Amours , faites voler ces traits ,
D'où dépend le bonheur du monde.
Cet ordre produit une Fête aussi affec
tueuse que brillante : Le Prologue finit
par ces quatre Vers , conformes aux vofontez
suprêmes du Destin; c'est l'Amour
qui parle
Par de nouveaux plaisirs , couronnons ce grand
jour ,
Au Temple de l'Hymen il faut que je vous guide
,
Qu'à cette heureuse Fête , avec lui je préside;
Que son flambeau s'allume aux flammes de l'A }
mour.
Le Théatre représente au premier Acte
de la Tragédie , un Temple consacré à
Diane.
Aricie,Princesse du Sang des Pallantides ,
expose sa situation par ce Monologue.
Fij Tem2236
MERCURE DE FRANCE
> Temple sacré , séjour tranquille
Où Diane aujourd'hui doit recevoir mes voeux
A mon coeur agité daigne servir d'azile ,
Contre un amour trop malheureux ¿
Et toi , dont malgré moi , je rappelle l'image ,
Sher Prince , si mes voeux ne te sont pas offerts;
Du moins j'en apporte l'hommage
A la Déesse que tu sers,
Temple sacré , & c,
Hyppolite vient assûrer Aricie de l'in
dignation que lui inspire la violence que
Phédre lui fait par l'ordre que Thesée son
Pere lui en a donné à son départ de Tréséne
; il déplore son sort d'une maniere
qui le fait soupçonner d'être Amant ;
Voici comment il le fait connoître.
Dans un Pere irrité , confondez -vous son Fils
Et comptez- vous mon coeur entre vos ennemis
& c.
Je pourrois vous hair quelle injustice extreme
!
Je sens pour vous une pitié ,
Aussi tendre que l'amour même."
: Cette déclaration a paru bien ménagée
de part et d'autre.
Les Prêtresses de Diane forment la Fêe
de ce premier Acte,
Phodre
OCTOBRE.´´ 1733.´´ £ 237ì
Phedre vient ensuite féliciter Aricie
sur la gloire qu'elle va acquerir en s'unissant
aux Immortels , par les voeux
qu'elle doit offrir à Diane. Aricie fait entendre
que ces voeux n'étant pas libres
ils ne sont pas dignes des Dieux ; les Prêtresses
de Diane se rangent de son parti,
Phédre fait sonner la Trompette pour
punir leur désobéïssance ; les Prêtresses
invoquent les Dieux pour la punir ellemême
de la violence qu'elle veut leur
faire. Diane descend au bruit du Tonnerre
, comme fille de Jupiter ; ce qu'elle
fait connoître par ces Vers , addressez à
ses Prêtresses :
售
Vous voyez Jupiter se déclarer mon Pere;
Sa foudre vole devant moy.
La Déesse après avoir rassuré ses Prêtresses
, menace Phedre de la vangeance
des Dieux , et prend Hippolyte et Aricie
sous sa protection . Elle remonte dans le
ciel. Les Prêtresses rentrent dans le Temple
; Hippolyte emmene Aricie. Phédre
abandonne à ses transports jaloux, qu'el¬
le fait connoître par ces Vers :
Que voi -je ? contre moi tous les Dieux soat
armez !
Ma Rivale me brave! Elle suit Hippolyte !
Fiij
Ah !
2238 MERCURE DE FRANCE
Ah ! plus je voi leurs coeurs, l'un pour l'aptres
enflammez *
Plus mon jaloux transport s'irrite ,
Que rien n'échappe à ma fureur , &c.
Arcas vient annoncer que Thésée es
descendu dans les Enfers : Il s'exprime
ainsi :
La terre sous ses pas ouverte .'
A favorisé ses efforts ;
Et d'affreux heurlemens , sortis des sombre
bords ,
Du plus grand des Mortels , m'ont confirmé la
perte
J
Anone fait entendre à Phédre qu'elle
peut aimer sans crime , et concevoir de
l'espérance, en offrant son Thrône à Hippolyte,
Phédre se livre à un espoir si flatteur.
Au II Acte, le Théatre représente l'entrée
des Enfers. Thésée tourmenté par
une Furie , expose ce qui s'est passé par
çes Vers :
Dieux! n'est- ce pas assez des maux que j'ai souf
ferts ?
J'ai vuPirythous déchiré par Cerbere ;
J'ai vu ce Monstre affreux , trancher des jours
si chers ,
Sans daigner dans mon sang, assouvir sa coferes
J'enOCTOBRE
17388 · 1239
J'attendois la mort sans effroi ,
Et la mort fuyoit loin de moi.
La Furie conduit Thésée au pied du
Thrône de Pluton : Thésée dit à ce Me
narque des Enfers :
Inéxorable Roy de l'Empire infernal ',
Digne Frere , et digne Rival ,
Du Dieu qui lance le tonnerre ,
Est-ce donc pour vanger tant de Monstres di
vers ,
Dont ce bras a purgé la Terre ,
Que l'on me livre en proye aux Monstres des
Enfers
Pluton
Si tes Exploits sont grands , voy quelle en est la
gloire ,
Ton nom sur les trépas remporte la victoire ;
Comme nous il est immortel ;
Mais , d'une égale main , puisqu'il faut qu'on
dispense ,
Et la peine et la récompense ;´
J'attends plus de Pluton qu'un tourment érernel.
Pluton reproche à Thésée le coupable
projet qu'il a formé avec Pirythoüs d'enlever
Proserpine. Thésée se justifie autant
qu'il lui est possible . Pluton le renvoie au
Tribunal des trois Juges des Enfers.Cette
Filij Scene
246 MERCURE DE FRANCE
Scene est sans contredit la plus belle de
la Tragédie , tant du côté du Poëte que
de celui du Musicien.
Pluton invite toutes les Divinitez infer
nales à le vanger. Thésée revient , suivi
de la Furie vangeresse ; ne pouvant revoir
que par le secours de la mort. Il
l'implore ; les Parques lui parlent ainsi ;
son ami
Du Destin le vouloir suprême ,
Amis entre nos mains la trame de tes jours ;
Mais le fatal Ciseau n'en peut trancher le cours
Qu'au redoutable instant , qu'il a marqué lui
même.
i..
Thésée ne pouvant obtenir la mort ,
implore Neptune son Pere , et lui deman
de l'exécution du serment qu'il a fait de
l'exaucer trois fois : Neptune lui ayant
ouvert la route des Enfers , il le prie de
l'en retirer. Mercure vient de la part du
Dieu des Mers ; il obtient le retour de
Thésée sur la terre , mais avant qu'il´en
sorte , il ordonne aux Parques de lui réveler
le sort que l'avenir lui garde. Ces
trois Déesses lui parlent ainsi .
Quelle soudaine horreur ton destin nous ins
pire !
Où cours-tu, malheureux Tremble, frémi d'ef
froi ;
Tu sors de l'infernal empire ,
Pou
OCTOBRE . 1733. 2241
Pour trouver les Enfers chez toi.
Ce Oracle remplit Thésée d'effroi au
Sujet de Phédre et d'Hippolyte ; qui sono
ce qu'il a de plus cher chez lui. Mercure
lui ouvre le chemin , pour remonter sur
la terre. Thésée dit en partant :
Ciel ! cachons mon retour, et trompons tous les
yeux.
Ce projet de se cacher à tout le mon
de, prépare le coup de Théatre qu'on doit
voir dans l'Acte suivant.
Le Théatre représente au III.Acte, une
partie du Palais de Thésée , sur le rivage
de la Mer.
Phedre prie Venus de lui être favorable.
Enone vient lui dire qu'Hippolyte
qu'elle a mandé , va se rendre auprès
d'elle . 漏
Hippolyte dit à Ph'dre que ce n'est
que pour obéir à ses ordres qu'il vient lui
montrer encore un objet odieux . Phédre
lui fait entendre qu'elle ne l'a jamais haï
qu'en apparence : Hippolyte se flatte de
ne l'avoir plus pour ennemie , et lui pro
met en récompense de tenir lieu de Pere à
son fils : Phédre trompée par le sens équivoque
de cette promesse , lui dit tendrement
&
Fv Hip
$ 242 MERCURE DE FRANCE
Vous pouviez jusques - là vous attendrir poun
y moi !
C'en est trop , et le Thrône , et le Fils er
Mere ,
Je range tout sous votre Loy.
Hippolyte lui répond qu'il borne toute
son ambition à regner sur le coeur d'Aricie.
Phédre détrompée par ces mots , ne
peut plus se contenir ; elle jure la mòrt
de sa Rivale. Au nom de Rivale, Hippolyte
saisi d'horreur s'écrie :
Terribles Ennemis des perfides humains ;
Dieux , si promts autrefois à les réduire en po
dre ,
Qu'attendez- vous ? Lancez la foudre
Qui la retient entre vos mains ?
Phédre au désespoir , lui dit :
Ah ! cesse par tes voeux d'allumer le tonnerre ;
Eclatte ; éveille-toi ; sors d'un honteux repos §
Rends toi digne Fils d'un Héros ,
Qui de Monstres sans nombre, a délivré la terres
El n'en est échappé qu'un seul à sa fureur ;
Frappe ; ce Monstre est dans mon coeur.
Phédre ne pouvant obtenir la mort
qu'elle demande à Hippolyte, se jette sur
son Epée , Hippolyte la lui arrache,Thé
séc
OCTOBRE. 1733. 2243
sée arrive et trouve son Fils l'Epée à la
main contre sa femme; il se rappelle aussi-
tôt la prédiction des Parques , ce qu'il
fait connoître par ces mots :
O'trop fatal oracle !
Je trouve les malheurs que m'a prédits l'Enfer.
Il interroge Phédre, qui le quitte après
lui avoir dit :
L'Amour est outrage ;
Que l'Amour soit vange
Hippolyte interrogé à son tour , n'ose
lui révéler sa honte , et lui demande un
exil éternel. Thésée ordonne à Enone de
ne lui rien cacher. Enone pour sauver
les jours et la gloire de la Reine , parle
ainsi à Thésée :
Un désespoir affreux ; ..... pouvez - vous l'ígnorer
Vous n'en avez été qu'un témoin trop fidelle
Je n'ose accuser votre Fils ...
Mais la Reine ... Seigneur , ce fer armé contre
elle ;
Ne vous en a que trop appris , &c.-
Un amour funeste , &c,-
Thésée n'en veut pas sçavoir davanta
ge ; livré à son désespoir , il invoque
B vj
Neptu
2244 MERCURE DE FRANCE
Neptune et lui demande la mort d'Hippolyte
; une Troupe de Matelots qui
viennent rendre graces à Neptune du retour
de leur Roy , obligent Thésée de se
retirer, et forment le Divertissement qui
finit ce troisiéme Acte.
Au IV Acte le Théatre représente un
Bois consacré à Diane.
,
Hippolyte expose dans un Monologue
ce qui s'est passé dans l'entr'Acte , c'està-
dire , l'exil où son Pere l'a condamné.
Aricie vient se plaindre à Hippolyte
du sort qui va les separer ; Hippolyte ,
pour excuser Thésée , lui dit qu'il a demandé
lui- même cet exil , qu'elle impute
à la rigueur de son Pere. Aricie lui
répond :
Votre exil me donne la mort ,
Et c'est vous seul , ingrat , qu'il faut que j'es
accuse !
Quel soupçon ? ... Dieux puissans , faites que
je m'abuse.
Hippolyte pour se justifier de l'incons
tance dont elle l'accuse , lui fait entendre
qu'une raison secrette lui a fait demander
cet exil dont elle se plaint ; il la prie
de ne lui en pas demander davantage ; cependant
quelques mots qui lui échappent
, quoique ménagez avec art , lui em
disent
OCTOBR E. 1733. 2245*
disent assez pour lui faire pénétrer cet
odieux mystere ; il l'invite à le suivre
dans son exil en qualité d'Epouse ; elle
consent à lui donner sa foy ; ils prient
Diane de vouloir bien former leur nouvelle
chaîne. Un bruit de Cors leur annonce
l'arrivée d'une Troupe de Chasseurs
et de Chasseresses ; ils conviennent
ensemble de les prendre pour témoins
de leurs sacrez sermens ; cependant ils ne
veulent point troubler des jeux qui sont
chers à Diane leur Protectrice : Ces Chasseurs
forment une Fête qui a paru des
plus brillantes. La Fête est interrompue
par une tempête; la Mer en courroux jette
sur le rivage un Monstre furieux. Hippolyte
va le combattre ; le Monstre blessé
vomit du feu et de la fumée , & c. Tout
étant dissipé , Arice éperduë de ne voir
plus ni Hippolyte ni le Monstre tombe
évanouie ; les Chasseurs trompés par la
disparition d'Hippolyte le croient mort
ils déplorent son sort. Phedre appellée
par leurs cris , arrive ; elle leur demande
la cause de leurs plaintes ; ils lui annoncent
la mort d'Hippolyte , par ces deux
Vers :
pa
Un Monstre furieux , sorti du sein des Flots ;
: Vient de nous ravir ce Héros.
Phedre
2246 MERCURE DE FRANCE
Phédre s'accuse elle-même d'une mort
qu'elle impute à son imposture ; agitéo
de remords , elle croit entendre le tonnerre
, voir trembler la terre , et les Enfers
s'ouvrir sous ses pas ; elle finit l’Acte
par ces Vres :
›
>
"
Dieux cruels , vangeurs implacables
Suspendez un courroux qui me glace d'effroi ş
Ah ! si vous êtes équitables ,
Ne tonnez pas encor sur moi ;
La gloire d'un Héros que l'imposture opprime &
Vous demande un juste secours ;
Laissez-moi révéler à l'Auteur de ses jours ,
Et son innocence , er mon crime.
Au VeActe , le Théatre ne change qu'à
la troisiéme Scene. Les deux premieres
Scenes sont employées à apprendre aux
Spectateurs que Phédre est morte aux
yeux de Thesée , après avoir justifié Hippolyte
, comme elle l'a promis à la fin de
PActe précédent. Ce malheureux Pere
veut se précipiter dans la Mer : Neptune
Pen empêche et lui apprend que son Fils
a été sauvé par Diane. Il lui annonce que
le Destin dans le temps qu'il alloit servir
son aveugle colere , à daigné l'affranchir
de son serment. Il ajoute que ce Maître
des Dieux a ordonné en même temps
qu'un
1
1
OCTOBRE 1733. 2247
qu'un Pere si injuste soit privé pour jas
mais de la vuë d'un Fils si vertueux.
1
On a retranché ces deux premieres
Scenes qui produisoient quelque irrégula
rité contre l'unité de lieu , par le chan
gement de Scene dans le même Acte.
L'Auteur avoit prévenu l'objection dans
sa Préface; mais le Public ne s'y étant pas
prêté , il n'a pas balancé à le satisfaire.
L'Acte commence présentement par
le changement de Lieuson voit un nuage
transporter Aricie dans la Forêt qui porte
son nom ; comme elle croit avoir vû
périr Hippolyte , elle se livre toute entiere
à sa douleur , qu'elle fait éclater par
un Monologue des plus touchans , tandis
qu'elle est ensevelie dans une profon
de tristesse ; une Troupe de Bergers et de
Bergeres invitent Diane à descendre des
Cieux. Au nom de Diane , Aricie , malgré
sa douleur mortelle, sent ranimer son
zele pour la Divinité , à qui elle s'est dévouée
dès sa plus tendre enfance.
La Déesse promet un nouveau Maître
aux Peuples , pour prix de leur zele ; elle
leur ordonne d'aller préparer les plus
beaux Jeux pour le recevoir ; elle arrête
Aricie prête à se retirer. Ala voix de
Diane , les Zéphirs amenent Hyppolyte
qu'elle leur a confié , après l'avoir sauvé
du
E248 MERCURE DE FRANCE
du Monstre ; ces tendres Amans passent
tout d'un coup de la plus mortelle dou
leur à la joye la plus vive. Diane leur
rend compte de tout ce qui s'est passé au
sujet de Thesée et de Phédre . Voici comme
elle s'explique :
Neptune alloit servir une aveugle vangeance ;
Quand le Destin , dont la puissance ,
Fait trembler les Enfers, et la Terre et les Cieux,
A daigné l'affranchir d'un serment odieux ;
Qui faisoit périr l'innocence .
Phédre , aux yeux de Thésée a terminé son sort,
Et t'a rendu ta gloire en se donnant la mort.
Les Peuples d'Aricie viennent célébrer
la fête du couronnement d'Hippolyte et
d'Aricie , par leurs Chants et par leurs
Danses.
On à trouvé la Musique de cet Opéra
un peu difficile à exécuter , mais par l'habileté
des Simphonistes et des autres Musicions
, la dificulté n'en a pas empêché
l'exécution . Les Principaux Acteurs , tant
chantans , que dansans ,s'y sont surpassez.
La DellePetitpas s'y est distinguée par un
ramage de Rossignol qu'on n'a jamais
porté si loin . Le Poëte n'a pas démenti ·
ses Ouvrages précedens ; et le Musicien a
forcé les plus séveres critiques à convenir
que
C
OCTOBRE. 1733. 2249
que dans son premier Ouvrage Lyrique .
li a donné une Musique mâle et harmonieuse
; d'un caractere neuf; nous
voudrions en rouvoir donner un Extrait,
comme nous faisons du Poëme , et faire
sentir ce qu'elle a de sçavant pour l'ex-.
pression dans les Airs caracterisez , les
Tableaux , les intentions heureuses et
soutenues, comme le Choeur et la Chasse
du 4 Acte ; l'Entrée des Amours au Prologue
; le Choeur et la Simphonie du To
nerre; la Gavotte parodiée que chante la
Delle Petitpas au ier Acte ; les Enfers du
2e Acte , l'Image effrayante de la Furie
avec Thesée et le Choeur,&c. Au 3me Ac
te , le Monologue de Thesée , son invocation
à Neptune , le Frémissement des
= Flots. Le Monologue de Phedre dâns
l'Acte suivant. Celui d'Aricie , dans le S
la Bergerie , & c.
Fermer
Résumé : Hypolite et Aricie, Extrait, [titre d'après la table]
Le 1er octobre, l'Académie Royale de Musique a présenté la première représentation de la tragédie en musique 'Hippolyte et Aricie'. Le poème est de M. le Chevalier Pellegrin et la musique de M. Rameau. Le public a accueilli favorablement cet opéra, laissant espérer de nombreuses représentations. Le prologue, inspiré par Hygin, se déroule dans la forêt d'Érymanthe. Diane y évoque la victoire d'Hercule sur un monstre et l'invincibilité de l'amour. Jupiter descend et annonce que l'amour régnera partout, sauf un jour par an, éclairé par le flambeau de l'Hymen. Diane, obéissant au destin, quitte la scène. Dans la tragédie, Aricie, princesse des Pallantides, expose sa situation dans un monologue. Hippolyte assure Aricie de son indignation face à la violence de Phèdre, ordonnée par Thésée. Phèdre félicite Aricie sur sa future gloire, mais Aricie refuse ces vœux forcés. Diane descend et menace Phèdre, protégeant Hippolyte et Aricie. Phèdre, jalouse, se livre à ses transports. Arcas annonce que Thésée est descendu aux Enfers. Thésée, tourmenté par une Furie, expose ses malheurs à Pluton, qui le renvoie devant les juges des Enfers. Thésée implore Neptune, qui lui permet de revenir sur terre. Les Parques révèlent à Thésée que les Enfers l'attendent chez lui. Au troisième acte, Phèdre prie Vénus. Hippolyte, venu sur ordre de Phèdre, refuse ses avances. Phèdre, déçue, jure la mort d'Aricie. Thésée arrive et, rappelant la prédiction des Parques, ordonne à Enone de révéler la vérité. Enone accuse Phèdre d'amour funeste. Thésée, désespéré, invoque Neptune pour la mort d'Hippolyte. Au quatrième acte, Hippolyte, en exil, expose sa situation à Aricie. Ils décident de se marier et prient Diane. Une tempête apporte un monstre marin. Hippolyte combat le monstre, mais disparaît. Aricie, évanouie, est secourue par Phèdre, informée de la mort d'Hippolyte. Dans le cinquième acte, il est révélé que Phèdre est morte après avoir innocenté Hippolyte devant Thésée, son père. Thésée, désespéré, tente de se suicider mais est arrêté par Neptune, qui lui annonce qu'Hippolyte a été sauvé par Diane et que Thésée est puni pour son injustice. La scène change ensuite pour montrer Aricie, qui pleure la perte d'Hippolyte. Diane apparaît, ramène Hippolyte à la vie et les unit avec Aricie. La musique de l'opéra est décrite comme difficile mais bien exécutée, avec des performances remarquables des acteurs et musiciens. Le poète et le musicien sont loués pour leur travail, notamment pour les airs caractéristiques, les tableaux et les chœurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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9
p. 33-43
ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
Début :
Vieillirons-nous dans les entraves, [...]
Mots clefs :
Mensonge, Yeux, Amour, Nature, Vérité, Coeurs, Âme, Fleurs, Destin
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texteReconnaissance textuelle : ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
ÉLOGE DU MENSONGE.
A Damon.
Vieillirons -nous dans les entraves ,
Martyrs de notre auftérité ?
Cher Damon , de la vérité
Ne verra-t-on que nous d'efclaves ?
De ce perfonnage onéreux
Abjurons la morgue importune ,
Et fans faire les rigoureux ,
Mentons , puifque tout ment , fuivons la loi
commune.
Tu ris : tu prens cette leçon
Pour un frivole badinage ;
Mais je prétens à ce foupçon
Faire fuccéder ton fuffrage.
Raifonnons. Entraîné par une vaine erreur ,
Tu crus la vérité digne de préférence ;
Mais par quel attrait féducteur
Mérite -t-elle ta conftance ?
Eft-ce par un air fec , un ton fouvent grondeur ?
Sans foupleffe , fans complaifance ,
Que fait- elle pour le bonheur ?
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
Peut- elle l'emporter fur un rival aimable ?
Le menfonge riant , ce zélé bienfaiteur
Au contraire toujours affable ,
Par de là nos defirs nous comble de faveurs .
C'eft lui dont la main fecourable
Sur un affreux deftin fçait répandre des fleurs ;
Il féduit les efprits , il enchaîne les coeurs :
Nous lui devons enfin l'utile & l'agréable.
Damon , je n'exagere point ;
Sui moi pour éclaircir ce point.
Cet eſpace inconnu d'où nous vient la lumiere ,
Où des foleils fans nombre étincellent fans fin ,
Fut jadis une mer de fubtile matiere ,
Où le noyoit l'efprit humain.
Mon impofteur par fa bonté féconde ,
Dans ce cahos vous fabriqua des cieux ;
Fit mieux encor ; il les peupla de Dieux
Qu'il enfanta pour régir ce bas-monde.
A chacun d'eux il impofa fes loix ;
Son premier-né fut armé du tonnerre ;
L'un fit aimer , l'autre alluma la guerre ;
Ainfi de tous il fixa les emplois.
Il leur bâtit des temples fur la terre ,
Sur leurs autels il fit fumer l'encens ;
Bref , il voulut que de ces Dieux naifans.
L'homme attendît les biens & la mifere.
De tel événement vulgaire
Qu'on croiroit digne de mépris ,
Souvent il fçut faire un mystere ,
JUILLE T. 1755. 35
Lui donnant à propos ce divin caractere ,
Qui du peuple étonné fubjugue les efprits .
Autrefois à fon gré les Vautours , les Corneilles
Prophétifoient dans l'air par d'utiles ébats ;
Le bourdonnement des abeilles
Préfageoit le fort des combats ,
Et cent fois il fixa le deftin des états
Par d'auffi burleſques merveilles .
Combien de conquérans & de héros fameux
Verroient retrancher de leur gloire ,
S'il laiffoit redire à l'hiſtoire
Ce que le fort a fait pour eux ;
S'il ne nous déguifoit leurs honteufes foibleffes ;
Et fi d'un voile généreux ,
Il ne couvroit leurs petiteffes.
Laiffant à part ces hauts objets ;
C'eft dans le commerce ordinaire ,
Que du menfonge néceffaire
Tu vas admirer les bienfaits .
Pour ne point offenſer notre délicateſſe ,
Il s'y montre toujours fous un titre emprunté ;
Gardant l'incognito fous ceux de politeffe ,
D'amitié, d'amour , de tendreffe ,
Souvent même de charité ,
Seul il fait tous les frais de la fociété .
Suppofons un moment que le ciel en colere
Contraignit les mortels par un arrêt févere ,
A peindre dans leurs moeurs & dans tớis lears
discours ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ces fecrets fentimens dont ils gênent le cours ;
Quelle honte pour notre espece !
Paris plus effrayant que les antres des ours
Deviendroit un féjour d'horreur & de triſtelle !
Tu verrois , cher ami , les trois quarts des humains
S'accablant tour à tour de leur indifférence ;
De leur haine , de leurs dédains ,
S'annoncer par leur
arrogance
Qu'ils font prêts d'en venir aux mains.
Tu verrois des enfans , des héritiers avides ,
Sur des biens à venir trop lents
Attacher fans pudeur des regards dévorans
Et par des foupirs homicides
Compter les jours de leurs parens.
Dans les chaînes du mariage
Des captifs inquiets , victimes de P'humeur
Feroient par leur bifarre aigreur
Un enfer de leur esclavage.
Maint ami prétendu , léger , intéreſſé ,
Négligeant de voiler fon ame déteſtable ,
Ne fe montreroit empreffé
Que pour l'amuſement , la fortune & la table.
L'incorrigible protegé .
Dans les yeux du patron , ou glacés ou mauffades
,
Dans d'affligeantes rebuffades.
Liroit clairement fon congé..
Un amant brutal & volage
JUILLET. 1755 3.7 .
Sans prélude , fans petits foins ,
Offriroit à fa belle un infipide hommage
Toujours reglé fur fes befoins .
L'amante fans fard , fans fineffe ,
Soumise à fon vainqueur dès le premier inftant ,
Ne prendroit d'autre avis pour marquer la foibleffe
,
Que celui d'un groffier penchant.
Leurs defirs amortis diffipant toute ivreffe ,
Un prompt & fot dégoût finiroir le roman .
Tel feroit l'homme vrai guidé par ſa nature.
Mais détournons les yeux de ce tableau pervers ,
Et parcourons le bien que l'utile impofture
Fait en réformant l'univers .
L'intérêt , l'envie & la haine
Frémiffent vainement dans l'abîme des coeurs ;
La bienféance les enchaîne
Et dérobe au grand jour leurs perfides noirceurs.
L'homme , bien loin d'être farouche ,
D'un amour fraternel , prend les dehors ' trompeurs
;
Ses yeux font careffans , fes geftes font flateurs ,
Et le miel coule de ſa bouche.
A travers les égards , les doux empreffemens ,
Les foins refpectueux , la tendre inquiétude ;
Les yeux même les plus perçans
Pourroient - ils découvrir l'avide ingratitude
Des héritiers & des enfans ?
Şi maudire leur joug & perdre patience ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Eft le deftin fecret d'une foule d'époux ,
Le fçavoir vivre & la décence
De la tendreffe encor confervent l'apparence ,
Et couvrent au moins les dégoûts.
D'équivoques amis le monde entier foiſonne
Mais le peu de fincérité ,
L'intérêt & la vanité
Dont à bon droit on les foupçonne
S'éclipfent fous l'amenité ,
Sous l'air fagement affecté
De n'en vouloir qu'à la perfonne.
Le moins fenfible protecteur
Sous un mafque riant déguifant fa froideur ,
D'une féduifante fumée
Sçait repaître l'ame affamée
D'un fuppliant perfécuteur .
L'amour ne feroit qu'un fonge ,
Une puérilité ;
Mais l'officieux menfonge ,
L'érige en divinité ;
Redoutable par les armes ,
Ou foumettant à fes charmes
Le coeur le plus indompté ,
Il change en idolâtrie
Notre goût pour la beauté.
L'art de la coquetterie
Fut lui feul inventé ,
par
Et fans la fupercherie
Seroit-il exécuté ?
JUILLET. 39 1755.
*
Pour obtenir douce chance ,
L'amant jure la conftance
Et projette un autre amour :
à fon tour ;
L'amante trompe
Feint une pudeur craintive ,
Et pour s'affurer d'un coeur ,
Cache Pardeur la plus vive
Sous l'air froid & la rigueur.
Friands de tendres premices
Cherchons-nous la nouveauté ?
Malgré leur habileté ,
Nos belles font les novices ;
Un ton de naïveté ,
Mille obligeans artifices
Flattent notre vanité.
Si l'ufage des délices
Eteint leur vivacité ;
Le jeu fçavant des caprices
Rameine la volupté.
C'eſt ainfi qu'une folie
Devient par la tricherie
Le plaifir le plus vanté.
C'eft ainfi que dans la vie
Mutuelle duperie ,
Fait notre, félicité.
Si tu veux ajoûter un dégré d'évidence
Aux preuves de mon fentiment ,
Suivons notre Protée exerçant fa puiffance
Sur ces arts renommés on regne l'agrément..
40 MERCURE DE FRANCE.
Sans lui que feroit l'éloquence
Un infupportable talent .
Prives la de fes fleurs ; elle eft fans véhémence ,
Elle rampe fans ornemens :
Mais ces brillantes fleurs , métaphore , hyperbole
,
Allégorie & parabole ,
Et cent noms qu'à citer je perdrois trop de tems ;
Du menfonge orateur font les noms différens .
En vain fa rare modeftie
Permet qu'on invoque Apollon ;
Je ne m'y méprens point ; il est le feul génie
Qui préfide au facré vallon .
Pere de toute illufion ,
Seul il peut fouffler la manie
De plaire par la fiction.
Vois- tu prendre aux vertus , à chaque paffion ,
Un corps , la parole & la vie ?
C'est lui qui les perfonnifie.
Il déraisonne enfin dans tout égarement
D'une bouillante fantaisie :
Qui , mentir agréablement
Fait tout l'art de la poëfie .
Que vois-je , cher Damon ? que d'objets raviffans
!
Arrêtons - nous à ce ſpectacle ,
Où tout eft chef- d'oeuvre & miracle ,
Où tout enleve l'ame en ſurprenant les fens.
Quel pouvoir divin ou magique
JUILLET. 1755. 41
Fait qu'une e pace fi borné
Paroît vafte à mes yeux , & le plus magnifique
Que jamais nature ait orné ?
Qui fçut y renfermer ces fuperbes montagnes ,
Ces rochers , ces fombres forêts ,
Ces fleuves effrayans , ces riantes campagnes ,
Ces riches temples , ces palais ?
Quel génie ou démon pour enchanter ma vûe ,
A fes ordres audacieux
Fit obéir le ciel , la terre & l'étendue ?
Sans doute , quelqu'il foit , c'eſt l'émule des
Dieux.
Une amufante fymphonie
Des chantres des forêts imite les accens !
Que dis- je ? roffignols , ah ! c'eft vous que j'entens
,
De vos tendres concerts la champêtre harmonie
Me fait goûter ici les charmes du printemps.
Des ruiffeaux , l'aimable murmure
Vient s'unir à vos fons dictés par la nature :
On ne me trompe point , tout eft vrai , je le fens .
Mais grands Dieux ! quel revers étrange !
Le plaifir fuit , la scène change ;
Eole à leur fureur abandonne les vents.
Quels effroyables fifflemens !
L'air mugit , le tonnerre gronde !
Un defordre bruyant , le choc des élémens ,
Tout femble m'annoncer le dernier jour da
monde !
42 MERCURE DE FRANCE .
Fuyons vers quelqu'antre écarté ,
Echappons , s'il fe peut , à ce cruel orage ..
Mais je rougis de ma fimplicité.
J'ai pris pour la réalité
Ce qui n'en étoit que l'image.
Ces murmures , ces bruits , ces champêtres concerts
,
Ne font dus qu'aux accords d'une adroite mufique
;
Et ces payfages divers
Sont les jeux d'un pinceau que dirigea l'optique.
Mais de ces arts ingénieux
Comment s'opperent les merveilles ?
Servandoni ment à nos yeux ,
Et Rameau ment à nos oreilles.
En un mot tout ment ici -bas ;
A cet ordre commun , il n'eft rien de rebelle .
Eh ! pourquoi l'univers ne mentiroit- il pas a
Il imite en ce point le plus parfait modele.
L'or des aftres , l'azur des cieux
Sont une éternelle impofture ;
Toute erreur invincible à nos fens curieux
Eft menfonge de la nature .
Mais tu verrois fans fin les preuves s'amaffer ,
Si j'approfondiffois un fujet fi fertile ;
Pour terminer en omets mille ,
Dans la crainte de te laffer..
Je te laiffe à pourſuivré une route facile ..
Réfléchis à loifir : & , tout bien médité ,
JUILLET. 1755 . 43
Tu diras comme moi que notre utilité
A prefque interdit tout azile
A l'impuiffante vérité.
Où fe reffugira cette illuftre bannie ?
L'abandonnerons-nous à tant d'ignominie ?
Non : retirons la par pitié.
Logeons la dans nos coeurs : que toute notre vie ,
Elle y préfide à l'amitié.
A Damon.
Vieillirons -nous dans les entraves ,
Martyrs de notre auftérité ?
Cher Damon , de la vérité
Ne verra-t-on que nous d'efclaves ?
De ce perfonnage onéreux
Abjurons la morgue importune ,
Et fans faire les rigoureux ,
Mentons , puifque tout ment , fuivons la loi
commune.
Tu ris : tu prens cette leçon
Pour un frivole badinage ;
Mais je prétens à ce foupçon
Faire fuccéder ton fuffrage.
Raifonnons. Entraîné par une vaine erreur ,
Tu crus la vérité digne de préférence ;
Mais par quel attrait féducteur
Mérite -t-elle ta conftance ?
Eft-ce par un air fec , un ton fouvent grondeur ?
Sans foupleffe , fans complaifance ,
Que fait- elle pour le bonheur ?
B v
34 MERCURE DE FRANCE.
Peut- elle l'emporter fur un rival aimable ?
Le menfonge riant , ce zélé bienfaiteur
Au contraire toujours affable ,
Par de là nos defirs nous comble de faveurs .
C'eft lui dont la main fecourable
Sur un affreux deftin fçait répandre des fleurs ;
Il féduit les efprits , il enchaîne les coeurs :
Nous lui devons enfin l'utile & l'agréable.
Damon , je n'exagere point ;
Sui moi pour éclaircir ce point.
Cet eſpace inconnu d'où nous vient la lumiere ,
Où des foleils fans nombre étincellent fans fin ,
Fut jadis une mer de fubtile matiere ,
Où le noyoit l'efprit humain.
Mon impofteur par fa bonté féconde ,
Dans ce cahos vous fabriqua des cieux ;
Fit mieux encor ; il les peupla de Dieux
Qu'il enfanta pour régir ce bas-monde.
A chacun d'eux il impofa fes loix ;
Son premier-né fut armé du tonnerre ;
L'un fit aimer , l'autre alluma la guerre ;
Ainfi de tous il fixa les emplois.
Il leur bâtit des temples fur la terre ,
Sur leurs autels il fit fumer l'encens ;
Bref , il voulut que de ces Dieux naifans.
L'homme attendît les biens & la mifere.
De tel événement vulgaire
Qu'on croiroit digne de mépris ,
Souvent il fçut faire un mystere ,
JUILLE T. 1755. 35
Lui donnant à propos ce divin caractere ,
Qui du peuple étonné fubjugue les efprits .
Autrefois à fon gré les Vautours , les Corneilles
Prophétifoient dans l'air par d'utiles ébats ;
Le bourdonnement des abeilles
Préfageoit le fort des combats ,
Et cent fois il fixa le deftin des états
Par d'auffi burleſques merveilles .
Combien de conquérans & de héros fameux
Verroient retrancher de leur gloire ,
S'il laiffoit redire à l'hiſtoire
Ce que le fort a fait pour eux ;
S'il ne nous déguifoit leurs honteufes foibleffes ;
Et fi d'un voile généreux ,
Il ne couvroit leurs petiteffes.
Laiffant à part ces hauts objets ;
C'eft dans le commerce ordinaire ,
Que du menfonge néceffaire
Tu vas admirer les bienfaits .
Pour ne point offenſer notre délicateſſe ,
Il s'y montre toujours fous un titre emprunté ;
Gardant l'incognito fous ceux de politeffe ,
D'amitié, d'amour , de tendreffe ,
Souvent même de charité ,
Seul il fait tous les frais de la fociété .
Suppofons un moment que le ciel en colere
Contraignit les mortels par un arrêt févere ,
A peindre dans leurs moeurs & dans tớis lears
discours ,
B vj
36 MERCURE DE FRANCE.
Ces fecrets fentimens dont ils gênent le cours ;
Quelle honte pour notre espece !
Paris plus effrayant que les antres des ours
Deviendroit un féjour d'horreur & de triſtelle !
Tu verrois , cher ami , les trois quarts des humains
S'accablant tour à tour de leur indifférence ;
De leur haine , de leurs dédains ,
S'annoncer par leur
arrogance
Qu'ils font prêts d'en venir aux mains.
Tu verrois des enfans , des héritiers avides ,
Sur des biens à venir trop lents
Attacher fans pudeur des regards dévorans
Et par des foupirs homicides
Compter les jours de leurs parens.
Dans les chaînes du mariage
Des captifs inquiets , victimes de P'humeur
Feroient par leur bifarre aigreur
Un enfer de leur esclavage.
Maint ami prétendu , léger , intéreſſé ,
Négligeant de voiler fon ame déteſtable ,
Ne fe montreroit empreffé
Que pour l'amuſement , la fortune & la table.
L'incorrigible protegé .
Dans les yeux du patron , ou glacés ou mauffades
,
Dans d'affligeantes rebuffades.
Liroit clairement fon congé..
Un amant brutal & volage
JUILLET. 1755 3.7 .
Sans prélude , fans petits foins ,
Offriroit à fa belle un infipide hommage
Toujours reglé fur fes befoins .
L'amante fans fard , fans fineffe ,
Soumise à fon vainqueur dès le premier inftant ,
Ne prendroit d'autre avis pour marquer la foibleffe
,
Que celui d'un groffier penchant.
Leurs defirs amortis diffipant toute ivreffe ,
Un prompt & fot dégoût finiroir le roman .
Tel feroit l'homme vrai guidé par ſa nature.
Mais détournons les yeux de ce tableau pervers ,
Et parcourons le bien que l'utile impofture
Fait en réformant l'univers .
L'intérêt , l'envie & la haine
Frémiffent vainement dans l'abîme des coeurs ;
La bienféance les enchaîne
Et dérobe au grand jour leurs perfides noirceurs.
L'homme , bien loin d'être farouche ,
D'un amour fraternel , prend les dehors ' trompeurs
;
Ses yeux font careffans , fes geftes font flateurs ,
Et le miel coule de ſa bouche.
A travers les égards , les doux empreffemens ,
Les foins refpectueux , la tendre inquiétude ;
Les yeux même les plus perçans
Pourroient - ils découvrir l'avide ingratitude
Des héritiers & des enfans ?
Şi maudire leur joug & perdre patience ,
38 MERCURE DE FRANCE.
Eft le deftin fecret d'une foule d'époux ,
Le fçavoir vivre & la décence
De la tendreffe encor confervent l'apparence ,
Et couvrent au moins les dégoûts.
D'équivoques amis le monde entier foiſonne
Mais le peu de fincérité ,
L'intérêt & la vanité
Dont à bon droit on les foupçonne
S'éclipfent fous l'amenité ,
Sous l'air fagement affecté
De n'en vouloir qu'à la perfonne.
Le moins fenfible protecteur
Sous un mafque riant déguifant fa froideur ,
D'une féduifante fumée
Sçait repaître l'ame affamée
D'un fuppliant perfécuteur .
L'amour ne feroit qu'un fonge ,
Une puérilité ;
Mais l'officieux menfonge ,
L'érige en divinité ;
Redoutable par les armes ,
Ou foumettant à fes charmes
Le coeur le plus indompté ,
Il change en idolâtrie
Notre goût pour la beauté.
L'art de la coquetterie
Fut lui feul inventé ,
par
Et fans la fupercherie
Seroit-il exécuté ?
JUILLET. 39 1755.
*
Pour obtenir douce chance ,
L'amant jure la conftance
Et projette un autre amour :
à fon tour ;
L'amante trompe
Feint une pudeur craintive ,
Et pour s'affurer d'un coeur ,
Cache Pardeur la plus vive
Sous l'air froid & la rigueur.
Friands de tendres premices
Cherchons-nous la nouveauté ?
Malgré leur habileté ,
Nos belles font les novices ;
Un ton de naïveté ,
Mille obligeans artifices
Flattent notre vanité.
Si l'ufage des délices
Eteint leur vivacité ;
Le jeu fçavant des caprices
Rameine la volupté.
C'eſt ainfi qu'une folie
Devient par la tricherie
Le plaifir le plus vanté.
C'eft ainfi que dans la vie
Mutuelle duperie ,
Fait notre, félicité.
Si tu veux ajoûter un dégré d'évidence
Aux preuves de mon fentiment ,
Suivons notre Protée exerçant fa puiffance
Sur ces arts renommés on regne l'agrément..
40 MERCURE DE FRANCE.
Sans lui que feroit l'éloquence
Un infupportable talent .
Prives la de fes fleurs ; elle eft fans véhémence ,
Elle rampe fans ornemens :
Mais ces brillantes fleurs , métaphore , hyperbole
,
Allégorie & parabole ,
Et cent noms qu'à citer je perdrois trop de tems ;
Du menfonge orateur font les noms différens .
En vain fa rare modeftie
Permet qu'on invoque Apollon ;
Je ne m'y méprens point ; il est le feul génie
Qui préfide au facré vallon .
Pere de toute illufion ,
Seul il peut fouffler la manie
De plaire par la fiction.
Vois- tu prendre aux vertus , à chaque paffion ,
Un corps , la parole & la vie ?
C'est lui qui les perfonnifie.
Il déraisonne enfin dans tout égarement
D'une bouillante fantaisie :
Qui , mentir agréablement
Fait tout l'art de la poëfie .
Que vois-je , cher Damon ? que d'objets raviffans
!
Arrêtons - nous à ce ſpectacle ,
Où tout eft chef- d'oeuvre & miracle ,
Où tout enleve l'ame en ſurprenant les fens.
Quel pouvoir divin ou magique
JUILLET. 1755. 41
Fait qu'une e pace fi borné
Paroît vafte à mes yeux , & le plus magnifique
Que jamais nature ait orné ?
Qui fçut y renfermer ces fuperbes montagnes ,
Ces rochers , ces fombres forêts ,
Ces fleuves effrayans , ces riantes campagnes ,
Ces riches temples , ces palais ?
Quel génie ou démon pour enchanter ma vûe ,
A fes ordres audacieux
Fit obéir le ciel , la terre & l'étendue ?
Sans doute , quelqu'il foit , c'eſt l'émule des
Dieux.
Une amufante fymphonie
Des chantres des forêts imite les accens !
Que dis- je ? roffignols , ah ! c'eft vous que j'entens
,
De vos tendres concerts la champêtre harmonie
Me fait goûter ici les charmes du printemps.
Des ruiffeaux , l'aimable murmure
Vient s'unir à vos fons dictés par la nature :
On ne me trompe point , tout eft vrai , je le fens .
Mais grands Dieux ! quel revers étrange !
Le plaifir fuit , la scène change ;
Eole à leur fureur abandonne les vents.
Quels effroyables fifflemens !
L'air mugit , le tonnerre gronde !
Un defordre bruyant , le choc des élémens ,
Tout femble m'annoncer le dernier jour da
monde !
42 MERCURE DE FRANCE .
Fuyons vers quelqu'antre écarté ,
Echappons , s'il fe peut , à ce cruel orage ..
Mais je rougis de ma fimplicité.
J'ai pris pour la réalité
Ce qui n'en étoit que l'image.
Ces murmures , ces bruits , ces champêtres concerts
,
Ne font dus qu'aux accords d'une adroite mufique
;
Et ces payfages divers
Sont les jeux d'un pinceau que dirigea l'optique.
Mais de ces arts ingénieux
Comment s'opperent les merveilles ?
Servandoni ment à nos yeux ,
Et Rameau ment à nos oreilles.
En un mot tout ment ici -bas ;
A cet ordre commun , il n'eft rien de rebelle .
Eh ! pourquoi l'univers ne mentiroit- il pas a
Il imite en ce point le plus parfait modele.
L'or des aftres , l'azur des cieux
Sont une éternelle impofture ;
Toute erreur invincible à nos fens curieux
Eft menfonge de la nature .
Mais tu verrois fans fin les preuves s'amaffer ,
Si j'approfondiffois un fujet fi fertile ;
Pour terminer en omets mille ,
Dans la crainte de te laffer..
Je te laiffe à pourſuivré une route facile ..
Réfléchis à loifir : & , tout bien médité ,
JUILLET. 1755 . 43
Tu diras comme moi que notre utilité
A prefque interdit tout azile
A l'impuiffante vérité.
Où fe reffugira cette illuftre bannie ?
L'abandonnerons-nous à tant d'ignominie ?
Non : retirons la par pitié.
Logeons la dans nos coeurs : que toute notre vie ,
Elle y préfide à l'amitié.
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Résumé : ÉLOGE DU MENSONGE. A Damon.
Le texte 'Éloge du mensonge' explore la nécessité et les bienfaits du mensonge dans la société. L'auteur s'adresse à Damon pour démontrer que la vérité n'est pas toujours bénéfique et que le mensonge, sous diverses formes, joue un rôle essentiel dans les relations humaines et la vie quotidienne. Il argue que la vérité est souvent austère et intransigeante, tandis que le mensonge, plus aimable et flexible, contribue au bonheur et à l'harmonie sociale. L'auteur illustre son propos en montrant comment le mensonge structure l'univers et les croyances religieuses. Il explique que les dieux et leurs lois ont été créés par le mensonge pour régir le monde et donner un sens aux événements. Il cite également des exemples historiques où le mensonge a été utilisé pour exalter la gloire des conquérants et des héros en dissimulant leurs faiblesses. Dans la vie quotidienne, le mensonge est présenté comme indispensable pour maintenir la politesse, l'amitié, l'amour et la charité. Sans lui, les relations humaines seraient marquées par l'indifférence, la haine et les conflits. L'auteur décrit un scénario où les gens exprimeraient leurs véritables sentiments, conduisant à une société chaotique et hostile. Il conclut en affirmant que le mensonge est omniprésent et nécessaire dans les arts, la littérature et la poésie. Il cite des exemples comme l'éloquence, la coquetterie et les spectacles, où le mensonge enrichit et embellit la réalité. L'auteur invite Damon à reconnaître l'utilité du mensonge et à l'accepter comme une composante essentielle de la vie humaine.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 187-203
Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Début :
L'Opera que l'on représenta, est composé de trois Actes ; il est intitulé [...]
Mots clefs :
Opéra, Amour, Hymen, Dieux, Querelles, Humanité, Destin, Campagne, Mer, Nymphe, Conseils, Magnificence, Enchantements, Merveilles, Fête, Noblesse, Ministres étrangers, Comte, Dîner, Marquis, Cérémonie, Mariage, Escadrons, Église, Décorations, Cortège, Ornements, Argent, Or, Étoffes, Arcades, Nef, Lumières, Sanctuaire, Hallebardiers, Chevaux, Capitaine, Carosse, Anneaux, Salle, Repas, Plats, Palais, Union, Temple, Jardins, Colonnes, Pyramides, Beauté, Clémence, Fécondité, Douceur, Figures, Dignité, Intelligence, Fontaines, Illuminations, Feu d'artifice, Guirlandes, Fleurs, Bal, Archiduchesse, Officiers, Chevaliers
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Suite de la Relation de tout ce qui s'eft
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
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200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
paffé depuis.
L'Opera que l'on repréſenta , eft compofé de
trois Actes ; il eft intitulé les Fétes de L'Hymen
pour les nôces de LL. AA. RR. &c. il eft précédé
d'un Prologue.
Ce Prologue , qui a pour Titre le Triomphe de
PAmour , eft une querelle que les Dieux font à
l'Amour , fur les maux qu'il ne ceffe de faire
aux hommes . L'Amour convient de toutes ces
fauces, & obtient fon pardon en faveur de l'Union ,
qu'il vient de faire de la vertu & de la beauté,
188 MERCURE DE FRANCE.
Les fajets des trois Actes qui compofent l'Opéra
font féparés. C'est une licence que l'on a cru
devoir prendre à caufe du merveilleux & de la
galanterie qu'apportent avec eux des fujers fabuleux
& variés , qui femblent mieux convenir à la
Fête qu'on a célébrée .
L'Acte d'Aris eft le premier. L'Amour par ordre
du Deftin , ceffe d'être aveugle ; il jette fes premiers
regards fur Iris , & en devient amoureux ;
Iris le prend pour le Zéphire ; mais revenue de
fon erreur, elle en devient éprife , diffipe les nuages
qu'Aquilon jaloux lui oppofe fans ceffe , &
sunit à l'Amour pour rendre au monde les jours
les plus beaux & les plus fereins.
Le fecond Acte , eft celui de Sapho . Le Poëte
a feint cette dixiéme Muſe , amoureufe d'Alcée
celèbre Poëte Lyrique natif de Lesbos : il a
feint aufli Doris , fils de Neptune , amant de Sapho
, qui fe voyant préferer fon rival , a recours
a fon pére , & le prie de le vanger par la mort
de l'un & de l'autre. Neptune écoute les voeux
de fon fiis ; & par le fecours d'Eole , & des vents
fouléve tellement les eaux , que les habitans de
la campagne craignent d'ètre fubmergés : 1
paroît lui-même fur une vague qui s'élève beaucoup
au defius des autres ; menace de tour
inonder , fi dans une heure , Sapho n'eft pas fenible
à l'amour de fon fils il rentre dans le fein
de la mer , qui continue dans la plus grande
agitation .
Sapho invoque Apollon , & l'Amour. Une
Lyre defcend du Ciel attachée à des guirlandes
de fleurs ; un arc s'élève dans la Mer à l'endroit
où elle doit avoir fes bornes , & les lui marque
pour l'avenir.
Sapho prend la Lyre : à mesure qu'elle chante
les prodiges opérés par Apollon , & l'Amour ;
OCTOBRE. 1760. 189
la Mer fe calme & fe retire au lieu où elle
étoit avant le débordement ; remplie des infpirations
divines , & de l'enthousiasme poétique ,
elle voit dans l'avenir la fuitte nombreufe des
héros , dont elle doit célébrer l'alliance , annonce
le bonheur dont l'Univers doit jouir ; & par fon
mariage avec Alcée , accomplit le triomphe de
l'harmonie , & de l'amour.
Le troifiéme Acte eft intitulé Eglé. Cette Nymphe
eft amoureufe de Chromis ; Alcée fa compagne
l'eft de Lincée .Elles fe plaifent enſemble
à faire foupirer leurs Amants , en leur cachant
leur tendreffe ; enfin Eglé dit à Chromis qu'elle
l'aimera , lorfqu'elle verra les eaux d'un torrent
enchaînées ; Alcée promet à Lincée de l'aimer
quand Eglé aimera Chromis.
Ces deux jeunes Faunes , déſeſpérés , fe confultent
enſemble , & vont trouver Silene pour qu'il
les aide de fes confeils . Ce vieillard leur demande
où ils ont laillé Eglé & Alcée ; ils répondent
qu'elles font à cueillir des mûres pour lui
teindre le vifage, lorfqu'elles le trouveront endormi
. Silene confole les deux Faunes, leur ordonne
de ſe retirer , leur promet de les fervir , & fe
met fur un lit de gazon où il feint de dormir
en attendant les deux Nymphes. Elles arrivent
avec des guirlandes de fleurs , en enchaînent Si-
Lene qu'elles croyent endormi ; elles le pouffents
il feint de s'éveiller & montre de la colere :
mais bien-tôt après il leur conte la fable d'Acis
& Galatée. Au milieu de cette fable , il s'arrête
comme infpiré , & leur conſeille d'aller trouver
Prothée , de le furprendre endormi , & de l'enchaîner
fans s'épouvanter des différentes formes
qu'il prendra , parce qu'à la fin il parlera , & leur
apprendra des chofes merveilleules.
Elles remercient Silene , & le quittent pour al190
MERCURE DE FRANCE:
ler chercher Prothée ; Chromis & Lincée les accoma
pagnent. Elles le furprennent , l'enchaînent , &
ferrent toujours plus fes liens , à mesure qu'il change
de forme ; il fe change enfin en un Torrent
qui refte immobile : toutes les Nymphes admirent
ce prodige . Silene arrive , rapelle à Eglé le ferment
qu'elle a fait d'être à Chromis lorſqu'elle
verra enchaîner un torrent ; Eglé confent à être
unie à Chromis , & Alcée tient auffi fa parole à
Lincée ; les Faunes & les Nymphes applaudiffent
à cette union,& Silene; au lieu de finir la fable qu'il
fe fouvient d'avoir commencée , ordonne aux Faunes,
& aux Nymphes, de célébrer cet heureux jour,
en repréfentant par leurs danfes , les amours
d'Acis , & Galatée.
L'Italie a vû dans cette occafion renaître fur la
fcène les enchantemens , & la nouveauté de ce
fpectacle digne de l'admiration des étrangers , par
la magnificence , la vérité , & le bon goût qui eft
diftribué dans l'exécution de toutes ces parties. Les
machines employées aux différens prodiges amenés
par le Sujet , ont eu le plus grand fuccès ;
& le Théâtre actuellement difpofé par les machines
à recevoir tout ce que l'imagination peut fournir
de plus merveilleux , retracera chaque fois le
fouvenir de la fête pour laquelle il fert la premiere
fois.
Après l'Opéra l'Infant & Madame Infante Iſabelle,
furent à l'hôtel Palavicini où M. le Prince de
Lichtenſtein avoit fait préparer une Fête, à laquelle
toute la Nobleſſe fut invitée ; plufieurs tables furent
abondamment ſervies , ainſi que quantité de
rafraîchiffemens. On y danſa juſqu'au matin.
1
Le lendemain, M. le Prince de Lichtenſtein donna
un fuperbe dîner à tous les Miniftres étrangers ,
& à la Nobleffe la plus confidérable de l'Etat , &
Etrangere . Le foir il y eut Opéra.
OCTOBRE. 1760. Iol
Le Vendredi cinq , M. le Comte de Rochechouart
donna un grand dîner à M. le Prince de
Lichtenſtein & aux mêmes perfonnes qui avoient
dîné chez lui la veille . Il y eut Opéra le foir.
Le Samedi fix , M. de Lichtenſtein le Prince
dîna chez M. le Marquis de Revilla . Il y eut le foir
affemblée au Palais.
Le Dimanche ſept, jour fixé pour la Cérémonie
du Mariage , les Troupes prirent les Armes dès le
matin ; deux bataillons du Régiment de Parme &
quatorze Compagnies de Grenadiers borderent
les rues par où le Cortége devoit paffer.
Six cens Carabiniers formèrent quatre eſcadrons
fur la place , deux defquelles y retterent , jufques
après que le cortége y eut paffé ; les deux autres
furent repartis pour fermer toutes les rues qui
viennent aboutir à celles par où les Princes pafferent:
chaque troupe étoit formée fur deux rangs ,
à trente pas derriere l'Infanterie qui occupoit le
débouché de la rue.
" L'Eglife Cathédrale , où fe fit la cérémonie ,
étoit magnifiquement décorée. Les Peintures du
Corrége , & des autres excellents Maîtres dont ce
vafte Edifice fe trouve orné dans les voutes , &
dans les frifes , donnant des bornes à la richeffe
de la décoration projettée pour cette Augufte cérémonie
; on fut obligé de fe contenter d'orner
les pilaftres , les arcades , & les baffes nefs de damas
cramoifi à fleurs , enrichis de grandes lames
d'étoffes d'argent , de deux pieds de large; lefquelles
interrompoient fymétriquenient , d'espace
en efpace, le cours du damas d'une maniere agréable
& gracieufe; les impoftes fur lesquelles repofent
les arcades , étoient entourées d'une riche
pente du même damas , pliffée & terminée par
une frange d'or , ainfi que les rideaux qui ornoient
le dedans des arcades , & qui étoient retrouffés
192 MERCURE DE FRANCE.
vers l'impofte , pour donner lieu de découvrir la
décoration des chapelles , & des nefs laterales . Aux
deux côtés de la porte de lagrande nef étoient deur
orcheftres , parées dans le même goût que le refte
de l'Eglife : elles étoient remplies de trente Muficiens
que l'on avoit fait venir pour jouer des
fanfares , depuis le moment où les Princes defcen➡
dirent de carolles , juſqu'a celui où ils furent entrés
dans le fanctuaire ; les deux tribunes qui fe'
trouvent près du Maître Autel , étoient remplies
des Muficiens de la Chambre de S. A. R. qui exé-'
cuterent fupérieurement d'excellentes fymphonies
à deux choeurs.
Le Maître-Autel , beaucoup plus étendu qu'à
l'ordinaire , le trouvoit richement paré d'étoffe
d'or , & couvert d'une quantité de lumieres . Du
côté de l'Evangile , étoit le dais de S. A. R. du
côté de l'Epitre , étoit la Cathetra , deftinée pour
l'Evêque de Plaifance , qui devoit faire la cérémonie.
Au milieu du Sanctuaire , qui étoit couvert de
tapis de la Savonerie , étoit un prie- Dieu , cou-'
vert d'un grand tapis de velours cramoihi galonné
d'or , ainfi que trois couffins , qui étoient pofés
au bas.
Les latereaux du Sanctuaire , furent remplis
par un nombre infini de Nobleffe. Aux deux côtés ,
en face du Maître - Autel , étoient deux grands parquets
décorés dans la même ordonnance de l'Eglife
, l'un defquels étoit deftiné pour tous les
Miniftres Etrangers , l'autre pour les Dames de
la premiere diftinction .
Le Sanctuaire étoit gardé par les Gardes du
Corps de S. A. R. le veftibule du Sanctuaire ainfi
que les degrés qui defcendent à la grande nef
& toute cette nef jufqu'à la porte de l'Eglife
étoir bordée par la garde des Hallebardiers
Royaux. M.
OCTOBRE. 1760.
M.Je Prince de Lichtenſtein partit à 11 heures de
195
l'Hôtel Palavicini où il étoit logé pour le rendre à
la Cathédrale,fon cortége marchoit dans le même
ordre que le jour de fon Audience publique ; il fut
reçu à la porte de L'Eglife par le Chapitre qui le
complimenta. Sa Livrée entra dans la nef du milieu
& fe rangea des deux côtés devant les Hailebardiers
Royaux.
Pendant ce tems- là le cortége de la Cour s'étoit
mis en mrcche dans l'ordre fuivant.
Quarante Hallebardiers Royaux ouvroient la
marche ; la mufique de cette Compagnie étoit à
la tête.
Le Commandant de l'Ecurie & deux Officiers
de l'Ecurie à cheval , quatre Palfreniers les fuivoient
à pied .
I caroffe à fix chevaux pour le Maître des
Cérémonies & trois
Majordomes.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à fix chevaux, quatre Dames du Palais.
I caroffe à fix chevaux , quatre Dames du Palais.
I caroffe àfix chevaux , quatre
Gentilshommes
de la Chambre.
I caroffe à 8 chevaux. Le Gentilhomme de la
Chambre de fervice à l'Infant.
Le premier Ecuyer , le Majordome de ſervice.
I caroffe à huit chevaux . Le ſervice de Madame
Infante Ifabelle.
Les trompettes & timballes des Gardes du
Corps , avec feize Gardes.
1 caroffe à huit chevaux , l'Infant.
Le Capitaine des Gardes , le Grand Ecuyer.
I caroffe à 8 chevaux ,¡Madame InfanteÏfabelle,
Madame de Gonzales , Madame de Siſſa .
La Compagnie des Gardes du Corps ayant à
II. Vol. I
194 MERCURE DE FRANCE.
leur tête le Lieutenant , l'Enſeigne , & huic
Exempts.
2 caroffes de refpect vuidės , attelés à 8 chevaux.
I caroffe à fix chevaux , quatre Gentilshommes
de la Chambre.
Tous les Pages marchoient à pied aux deux côtés
des caroffes des Princes .
On arriva dans cet ordre à la porte de l'Eglife :
on marchoit lentement pour donner aux perfonnes
qui étoient dans les caroffes qui précédoient
ceux des Princes , le temps de defcendre .
M.le Prince de Lichtenſtein attendoit à la porte
de l'Eglife.
Pendant que l'Infant defcendoit de fon carolle,
Le Maître desCérémonies fut prendre M.le Prince
Liechtenſtein & le conduifit à la portiere du caroffe
de Madame Infantelfabelle . L'Infant s'en aprocha
auffi & reçut la main droite de Madame fa fille en
defcendant du caroffe;M. le Prince reçur la main
gauche.
Ils marcherent ainfi jufqu'au prie- Dieu qui fe
trouvoit dans le Sanctuaire en face du Maître-
Autel , où ils fe mirent à genoux fur les couffins
qui étoient au bas de ce prie- Dieu. L'Infant occupa
celui de la droite ; Madame Ifabelle celui
du milieu ; M. de Lichtenſtein celui de la gauche.
Ils fe leverent un moment après , & s'approcherent
des degrés de l'Autel ; l'Evêque déranda
à M. le Prince s'il avoit le pouvoir d'épouler Mae
InfanteIfabelle, au nom de l'Archiduc Jofeph ; fes
Pouvoirs furent lus à haute voix par un Secretaire
impérial , après quoi le Chancelier de l'Evêché
lutauffi à haute voix la Difpenfe du Pape .
Le refte de la Cérémonie fut exécutée ſuivant le
Rituel ordinaire de l'Eglife , excepté que l'anneau
fut préfenté à Madame l'Archiduchelle par M. le
Prince de Lichtenftein , fur une foucoupe , & qu'elle
le mit elle-même à fon doigt.
OCTOBRE. 1760.
195
Après cette cérémonie , Madame l'Archiducheffe
retourna au Pri - Dieu , ayant toujours M.
de Lichtenſtein à la gauche. Après une courte
priere , les Princes fe remirent en marche pour
fortir de l'Eglife dans le même ordre qu'ils y
étoient entrés ; l'Infant & M. de Lichtenttein
donnerent la main à Madaine
l'Archiducheffe
pour monter dans fon carolle , l'Infant monta
dans le fien , & M. le Prince fut joindre les
équipages qui l'attendoient à une des portes latérales
de l'Eglife.
l'on
On le mit en marche pour retourner au Palais
par un chemin plus long que celui
avoit fait en venant du Palais à la Cathédrale
que
afin que tout le Peuple , & une quantité prodigieufe
d'Etrangers qui s'étoient rendus à Parme
pullent voir la magnificence , de cette marche.
Le Cortége de M. le Prince de Lichtenſtein
précédoit celui de la Cour , de 60 ou 80 pas . Les
Troupes qui bordoient les rues lui préfenterent
les armes , les tambours rappelloient , & les
Officiers le faluerent du chapeau .
Pendant l'efpace qui étoit entre le caroffe de
M. de Lichtenftein & celui de l'Infant , l'Infanterie
mit la bayonnette au bout du fufl. Lorsqu'ils
pafferent , on préſenta les armes , les tambours
battirent au champ , & les Officiers faluerent de
l'eſponton .
M. de Lichtenſtein defcendit à la porte du Palais
pour y attendre Madame l'Archiducheſſe ;
l'Infant aufuôt arrivé defcendit de fon caroffe ,
& s'avança à la portiere de celui de Madame
l'Archiducheffe fa fille pour lui donner la main.
Elle fut conduite à ſon
appartement par l'Infant
& M. de Lichtenftein toujours dans l'ordre
obfervé
précédemment , c'eft à dire l'Infant à
fa droite , & M. de Lichtenſtein à la gauche ;
I j
196 MERCURE DE FRANCE.
yne quantité prodigieufe de Nobleffe rem pliffoit
le Palais .
S. A. R. l'Infant fe retira dans fon appartement
, après avoir reſté un moment dans celui
de la fille ; qui , après que l'Infant fut retiré
donna fa main à baifer à tous les Sujets de la
Maifon d'Autriche qui fe trouverent préfens.
L'heure du repas étant arrivée , le Maître des
Cérémonies fut avertir l'Infant , & marcha devant
lui jufques à l'appartement de Madame
l'Archiducheffe , où S. A. R. s'étoit propofée de
l'aller prendre pour la conduire à la table de
nôces.
2
Cette table étoit préparée dans la falle d'audience
, de façon que les trois fiéges fe trouvoient
fous le dais ; il n'y avoit pas de fauteuil ,
mais trois chaifes à dos parfaitement égales.
Madame l'Archiducheſſe entra dans la falle &
fut conduite à table par Monfeigneur l'Infant à
qui elle donnoit la main droite , & M. le Prince
de Lichtenſtein à qui elle donnoit la main gauche
; elle fe plaça au milieu , l'Infant à fa droite ,
& M. de Lichtenftein à fa gauche ; le Maître des
Cérémonies avoit toujours précédé les Princes jufques
à la table.
M. le Comte de S. Vital , Gouverneur de la
Maifon de S. A. R. avec tous les Majordomes ,
excepté celui qui étoit de fervice , furent prendre
lés plats au buffet , & les apporterent ſur la table
dans l'ordre ci-après.
L'Huifier des viandes entre deux Gardes du
Corps , la carabine fur l'épaule : les Gardes s'arrêterent
à la porte de la falle .
Le Maître des Cérémonies marchoit feul quatre
pas après l'Huiffier des viandes.
Douze Pages , portant chacun un plat.
Six Majordomes , portant chacun un plat.
OCTOBRE. 1760. 197
M. le Comte de S. Vital , marchant feul immédiatement
après ,
Le Contrôleur de la Bouche.
Quatre Gardes du Corps la carabine fur l'épaule
, qui fe font arrêtés au même endroit que
les deux premiers.
Le Majordome de fervice prit les plats des
mains des autres Majordomes , & des Pages , &
les arrangea fur la table. Pendant ce temps ,
M. de S. Vital fut fe mettre derriere les Princes
pour fervir Madame l'Archiducheffe , il lui ap
procha fa chaife , celle de l'Infant fut approchée
par un Majordone , & celle de M. le Prince de
Lichtentein par un Gentilhomme de la Maiſon
de S. A R. Madame l'Archiducheffe fut fervie
par M. de S. Vital , l'infant le fut à l'ordinaire
par le entilhomme de la Chambre de fervice ,
& M. le Prince de Lichtenſtein par un Gentilhomme
de la Maiſon.
Ce repas fut fervi avec toute la magnificence
& tout le goût imaginable.
Au fortir de table , Madame l'Archiducheffe
fut reconduite dans fon appartement dans le mê -
me ordre qui avoit été observé en venant à table.
Il n'y eut plus rien jufqu'au foir.
L
Toute la Nobleffe étoit invitée de fe rendre à
huit heures du foir au Palais du Jardin , pour de
là , voir tirer un feu d'artifice , & voir en même
temps une fuperbe illumination difpofée dans le
Jardin . L'ordonnance en étoit riche & galante.
Le Palais du jardin fut dès fept heures rempli
d'un grand nombre de Nobleffe. M. le Prince de
Lichtenftein s'y rendit à fept heures & demie. Le
Prince Ferdinand & Madame Louife , s'y rendirent
peu après , & l'Infant & Madame l'Archiduchefle
y arriverent à huit heures précifes.
Le feu d'artifice fut appliqué à un monument
· Iiij
198 MERCURE DE FRANCE.
Hlevé au milieu d'une très- grande place dans le
jardin de Parme , & faifoit face au Palais où les
Princes fe tranfportérent pour en voir l'effet .
Il repréfentoit l'union de l'Amour & de l'hymen
dans le Temple de Minerve. Ce Temple
étoit élevé fur un grand fondement amtique , dont
la forme étoit ovale , de quatre - vingt - dix - huit
pieds de longueur , fur foixante- quatre pieds de
large ; un grand focle de porphyre , comprenant.
dans fa hauteur les gradins qui formoient les deux
entrées principales du Temple , s'élevoit au-delfus
de ce fondement , & contournoit la baſe de ce
monument , qui étoit orné de vingt- quatre colonnes
d'ordre Dorique entourées de guirlandes
de fleurs. Il avoit quatre faces égales , & fes angles
étoient flanqués de quatre pyramides ifolées
dédiées aux Arts & portant leurs attributs en trophées.
Ces Pyramides étoient environnées de quatre
colonnes du même ordre , formant des avantcorne
à jour , rachetés fur les angles du quarré
du Temple , en forme de tours ou de baftions.
L'entablement étoit décoré de guirlandes de
fleurs dans la frife , & les quatre avant- corps. de
colonnes qui couvroient les Pyramides , foutenoient
fur chaque face des médaillons , en tout au
nombre de ſeize , moitié appuyés ſur la frife &
l'architrave de cet ordre , & moitié tombant dans
le vuide de l'entre- colonne. Ils repréſentoient
des tableaux où étoient peintes les qualités vertueufes
de l'Archiduc & de Madame Iſabelle
comme la nobleffe , la magnanimité , la Majesté
Royale , la libéralité , la jeunelle , la beauté , la
bonté , la clémence , la fécondité , la douceur ,
l'amour de la gloire , l'amour de la Patrie , l'amour
des Sciences , l'amour des Arts , l'enjoûment
& l'affabilité .
Au- deffus des quatre tours des Colonnes , s'élevoir
OCTOBRE. 1760. 199
au milieu des trophées Militaires, un piédeftal portant
des renommées,fur les quatre portes ou Arcades
de ce Temple étoient les Écuffons de l'Archiduc
& de Madame Ifabelle , au milieu de deux
vales ,de Parfums , & appuyé fur le focle qui couronnait
la Corniche .
Au -dellus de ce Socle, dont le plan étoit quarré
comme le Temple , s'élevoit une attique ronde
en forme de Piédeftal couronnée d'un dôme ouvert
par le haur & décoré de guirlandes de fleurs .
Ce Piédeſtal fervita porterautour dela Naillance
du dôme 12 Figures réprefentant les Jeux , les
Ris, & les Plairs , danfant & formant une chaîne
de guirlandes autour de ce monument.
Les quatre portes du Temple étoient décorées &
comme gardées par huit Figures repréſentantes la
vigilance , la dignité , l'Intelligence , la pureté ,
le filence , la douceur , & le courage , qui compo.
fept enfemble toutes les vertus qui caractérisent.
la fagelle.
Au milieu de ce temple dont la forme intérieure.
étoit octogone rachetant une voûte ronde & farbaillée
, étoit la Figure de Minerve fur différens
plans de quées , réuniffant entre fes bras les Figures
de l'Amour & de l'Hymen.
Sur les deux aîles du focle qui joignoit toute la
longueur du fondement ovale , & qui comprenoit
toute la hauteur des perrons , étoient de chaque
côté les autels de l'Amour & de l'Hymen .
Quatre fontaines de feu élevées fur des rochers
qui fortoient de terre contribuoient à la richeſſe de
la bafe de ce monument , en même tems qu'elles
augmentoient l'effet des différens tableaux de feu
qui fortoient de cet édifice deftiné à faire éclater
la joie publique que procure cet événement.
L'Illumination générale de cette machine d'Artifice
fur accompagnée de deux Phénomènes qui
I iv
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif :
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir ſur le ſommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illumination
générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baſſes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plane
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée .
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
de
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges .
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui par
devant , & on defcendoit de-là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchefe
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenſtein
prit fon Audience de congé ; tout fut obſervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
I v
200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils mon
troient chacun le Globe du Monde tranſparent
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage.
Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommer du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & balles ; les miroirs de feu , les
pots à- feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen➡
tes avenues en étoile , qui y conduifent ; enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête auguſte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame :
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe fe ren lit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal mafqué.
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui feparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryftal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlan
des de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Tur
quie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle ,
par une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheffe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danſerent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenſtein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande 9
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fur à celle de
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200 MERCURE DE FRANCE
fe voyoient à droite & à gauche à une certaine dif
tance du feu & comme dans le lointain. Ils montroient
chacun le Globe du Monde tranfparent , '
d'un diamètre confidérable , environnés dans l'air
d'un cercle de feu , en figne de l'allégreffe que
qu'infpire à tout l'Univers cet Augufte Mariage
. Une grande quantité de fufées fortoient
également de derriere ces Phénomènes , & formoient
en l'air des Bouquets qui , dirigés pour fe
réunir fur le fommet du Temple , conftruifoient
une voute de feu , qui le couvroit continuelle
ment.
Tout ce Spectacle étoit accompagné d'une illu
mination générale dans le jardin ; les terraffes décorées
d'ifs , de girandoles & de cordons de lu
mieres hautes & baffes ; les miroirs de feu , les
pots à-feu formant des cordons élevés , toutes les
allées éclairées fur différens deffeins , & l'illumination
de toute la façade du Palais qui fait face à
l'entrée de ce jardin , auffi bien que les différen
tes avenues en étoile , qui y conduifent enfin
rien ne fut oublié pour rendre cette Fête augufte
& digne de fon Souverain.
Après le feu d'artifice , l'Infant & Madame
l'Archiducheffe furent fouper. Pendant ce tems
toute la Nobleffe ſe ren fit au Théâtre , que l'on
avoit préparé pour y donner un Bal maſqué .
On avoit élevé le Parterre à la hauteur du plan
cher du Théâtre , & l'on avoit pratiqué fur ce
même Théâtre , des Loges folides , femblables à
celles de la Salle ; de façon que le Theâtre &
le Parterre ne faifoient qu'une grande Salle
ovale , applatie par les flancs , & toute entourrée
de trois rangs de Loges les unes fur les autres ;
cette Salle étoit ornée de guirlandes de fleurs , &
de gazes bleues & argent , qui fe rattachoient galamment
aux montants qui ſéparent les Loges , &
OCTOBRE. 1760. 201
qui tomboient en feftons fur les appuis des Loges ,
d'une maniere agréable & pleine de goût ; elle
étoit éclairée par une quantité de luftres de cryftal
ornés de guirlandes de petites fleurs , & par
des bras de cryſtal ornés de même , appliqués contre
les appuis des Loges des rangs fupérieurs ; c'étoit
à ces bras que venoient s'attacher les guirlandes
de fleurs , qui ornoient le devant des Loges.
On entroit dans cette Salle par la Loge de la couronne
qui s'avance fur le Parterre , comme les
Amphithéâtres employés en France dans les Salles
des Spectacles ; on en avoit coupé l'appui pardevant
, & on defcendoit de -là dans le corps de la
Salle par quatre degrés couverts de tapis de Turquie.
Toutes les Loges étoient remplies , tant celles
pratiquées fur le Théâtre que celles de la Salle
pår une grande quantité de Dames & de Cavaliers
ment parés.
Madame l'Archiducheſſe étant arrivée , on ouvrit
le Bal par une Allemande , où douze perfonnes
danferent enſemble : Madame l'Archiduchele
donnoit la main au Prince François , neveu de M.
le Prince de Lichtenftein . On danſa jufqu'à quatre
heures du matin ; & pendant tout le tems que
durat le Bal , les Officiers de la maiſon de l'Infant
fervirent abondamment de toutes fortes de rafraîchiflemens.
Tout fe paffa avec beaucoup d'ordre ,
& tout le monde fortit extrêmement fatisfait.
Le lendemain 8 , M. le Prince de Lichtenftein
prit fon Audience de congé ; tout fut obfervé à
cette Audience comme à celle de la demande ,
excepté que l'Introducteur , le Maître des Cérémonies
, & M. le Marquis Palavicini , furent pren .
dre.M. le Prince dans l'Appartement qu'il occupoit
à la Cour ; & que M. de Lichtenſtein , en
fortant de l'Audience de l'Infant , fut à celle de
I v
202 MERCURE DE FRANCE.
Madame l'Archiducheffe , avant d'être conduit à
celle du Prince Ferdinand.
Après l'Audience de Madame Louife , M. le
Prince , au lieu de retourner dans fon appartement
a la Cour , defcendit par le grand efcalier ,
& fut monter dans fon Caroffe qui l'attendoit a la
porte du Palais , pour le ramener à l'Hôtel Palavicini
.
Le Maître des Cérémonies l'accompagna juf
qu'au bas de l'efcalier , M. de Palavicini & M.
Introducteur jufques à la portiere de la voiture ,
qui ne fur fermée que quand ces Meffieurs fe futent
retirés.
Le foir , il y eut Opéra.
Le 9. l'Infant fut dîner chez M. de Lichtenſtein.
Lé foir , il y eut Opéra.
Le to M. le Prince de Lichtenſtein dina chez M.
Dutillot , & partit après dîner pour Cafalmajor.
Le foir , il y eut Aflemblée au Paļais .
Le 11. au matin tous les Corps de l'Etat , le
Militaire , la Nobleffe , & la Maifon de S. A R.
eurent l'honneur de baifer la main à Madame
l'Archiducheffe .
Il y eut Opéra , le ſoir.
Le .les Princes n'ont reçu perfonne .
Le 13. S. A. R. Madame l'Archiducheffe partit
à dix heures du matin pour le rendre à Cafalmajor:
elle y a été accompagnée par Madame de
Gonzales , Madame de Silla , quatre Dames du
Pálais , des Majordomes , & huit Gentilshommes
de la Chambre ; elle étoit faivîe d'un nombre de
Pages , d'Ecuyers , de fon premier fervice , & defon
fervice du fecond Ordre , du Commandant de
l'Ecurie de deux Officiers des Ecuries , du Sellier >
du Maréchal , du Charron & de 24 Palfreniers à
Cheval;elle étoit éfcortée par des Gardes du Corps.
Les rues par lesquelles elle a pallé, étoient bordées
OCTOBRE , 1760. 203
de troupes , on avoit difpofé des Détachemens de
Cavalerie & d'Infanterie fur différens endroits de
la roure.
Des Bataillons Provinciaux , fix Compagnies de
Grenadiers, un Bataillon du Régiment de Parme ,
& les deux Compagnies de Grenadiers de inême
Régiment, étoient difpofées fur les bords du Pô ,
en deçà de la tête du Pont. Elle y a trouvé des
Elcadrons de Gardes du Corps & de Cavalerie. Elle
eft arrivée à Cafalmajor à midi & deux minutes.
M. le Comte de S. Vital eft chargé de la Cérémonie
de la remife , un Secrétaire du Cabinet de
l'Acte de certe ' remiſe .
S. A. R. s'arrête demain à Cafalmajor pour y
donner la main à bailer aux Deputés de la Lombardie
Autrichienne , aux Chambres Souveraines ,
& à la Nobleffe. Le lundi elle ira à Mantoue, où elle
s'arrêtera encore un jour, pour un objet ſemblable.
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Résumé : Suite de la Relation de tout ce qui s'est passé depuis.
Le texte relate les festivités entourant le mariage des Altesses Royales, notamment Madame l'Archiduchesse à Parme. Les célébrations incluent la représentation de l'opéra 'Les Fêtes de l'Hymen', composé de trois actes indépendants précédés d'un prologue intitulé 'Le Triomphe de l'Amour'. Ce prologue met en scène une querelle entre les dieux et l'Amour, qui obtient leur pardon pour l'union de la vertu et de la beauté. Les trois actes de l'opéra sont 'Aris', 'Sapho' et 'Eglé', chacun racontant des histoires d'amour et d'interventions divines. Les festivités comprennent des réceptions et des dîners offerts par des nobles tels que le Prince de Liechtenstein et le Comte de Rochechouart, avec des représentations d'opéra et des danses. La cérémonie de mariage à la cathédrale est décrite avec une décoration somptueuse et une procession ordonnée. Les troupes et les gardes assurent la sécurité, et la cérémonie religieuse suit le rituel ordinaire avec quelques adaptations spécifiques. Après la cérémonie, les princes retournent au palais dans le même ordre qu'à l'arrivée. Les événements incluent également un feu d'artifice et une illumination dans le jardin du palais, représentant l'union de l'Amour et de l'Hymen, suivi d'un bal masqué au théâtre. Madame l'Archiduchesse ouvre le bal avec le Prince François. Le lendemain, le Prince de Liechtenstein prend congé selon les cérémonies protocolaires. Les festivités se poursuivent avec des audiences et des repas officiels. Le 11 octobre, divers corps de l'État rendent hommage à Madame l'Archiduchesse. Le 13 octobre, elle quitte pour Casalmaggiore, escortée par des troupes et des dignitaires, et arrive à midi. Elle prévoit de s'arrêter à Casalmaggiore et à Mantoue pour saluer les députés et la noblesse.
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11
p. 49-50
A M. G.
Début :
En lisant les Vers [...]
Mots clefs :
Vers, Larmes, Destin, Amour
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : A M. G.
E PITREN
EN
A M. G.
A M.
N lifant les Vers
12
Si remplis de charmes
Que tu m'as offerts ,
J'ai verfé des larmes.
Quoi ! faut-il , hélas !
Qu'un deftin barbare
Jufques au trépas
Tous deux nous fépare !
J'ai vu de nos jours
. Vol.
T
50 MERCURE DE FRANCE
i
S'éclipfer l'aurore
Les Ris , les Amours
Nous fuivent encore.
Enchaînons de fleurs
Leur troupe volage :
Les foucis , les pleurs
Sont-ils de notre âge ?
On tend au bonheur
Par des foins extrêmes :
Quelle aveugle erreur !
Il eſt en nous-mêmes.
Un Lys , un Jaſmin
Vaut une Couronne
Lorfque par ta main
Amour me le donne.
Au cours de nos ans
Quand l'amour préſide ,
Il fixe du temps 1
L'aîle trop rapide.
Le coeur eft preffant ;
Entends fon langage :
Jouir du préfent ,
Eft le lot du Sage.
Par M. B..
EN
A M. G.
A M.
N lifant les Vers
12
Si remplis de charmes
Que tu m'as offerts ,
J'ai verfé des larmes.
Quoi ! faut-il , hélas !
Qu'un deftin barbare
Jufques au trépas
Tous deux nous fépare !
J'ai vu de nos jours
. Vol.
T
50 MERCURE DE FRANCE
i
S'éclipfer l'aurore
Les Ris , les Amours
Nous fuivent encore.
Enchaînons de fleurs
Leur troupe volage :
Les foucis , les pleurs
Sont-ils de notre âge ?
On tend au bonheur
Par des foins extrêmes :
Quelle aveugle erreur !
Il eſt en nous-mêmes.
Un Lys , un Jaſmin
Vaut une Couronne
Lorfque par ta main
Amour me le donne.
Au cours de nos ans
Quand l'amour préſide ,
Il fixe du temps 1
L'aîle trop rapide.
Le coeur eft preffant ;
Entends fon langage :
Jouir du préfent ,
Eft le lot du Sage.
Par M. B..
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Résumé : A M. G.
Le poème de M. B. s'adresse à M. G. et M. A. Il exprime le regret de la séparation imminente et la cruauté du destin. L'auteur valorise les petits plaisirs offerts par amour et critique ceux qui cherchent le bonheur par des moyens extrêmes. Il prône la jouissance du présent comme sagesse.
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12
p. 13-16
TRADUCTION en Vers libres de la XIVe Ode du IIe Livre d'Horace : Otium divos rogat in patenti, &c.
Début :
LORSQU'AU milieu de sa carrière [...]
Mots clefs :
Dieux, Repos, Heureux, Guerre, Mort, Destin, Vulgaire
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texteReconnaissance textuelle : TRADUCTION en Vers libres de la XIVe Ode du IIe Livre d'Horace : Otium divos rogat in patenti, &c.
TRADUCTION en Vers libres de la
XIVe Ode du II Livre d'Horace :
Otium divos rogat in patenti , & c.
LORSQU'AU U'AU milieu de la carrière
L'Aftre des nuits dérobe la lumière,
Et que les vents fougueux tyrannifent les flots ;
Le timide Marchand furpris par la tempêre,
14 MERCURE DE FRANCE .
Redoutant les dangers ſuſpendus ſur ſa tête ,
Adreffe aux Immortels des voeux pour le repos.
Ces Favoris du Dieu redouté fur la terre ,
Ces Médes indomptés , brillans par leurs carquois ,
Laffés des longs travaux d'une pénible guerre
Recherchent un loifir qu'ils ont bravé cent fois.
Les rubis éclatans ; la pourpre éblouiſſante
Ces Palais , ces liceurs & ces nombreux troupeaux
Peavent- ils , cher Grofphus , procurer le repos ,
Repouffer des chagrins la foule renaiſſanté ,
Et calmer des efprits par l'ennui dévorés ?
Les foins volent toujours fous des lambris dorés.
Heureux cent fois celui que le Dieu des richeſſe s
Ne berce pas defes vaines promeffes !
Qui vit long-temps du bien de fes a ïeux
Sans crainte , fans remords , fans defirs odieux !
Sur un lit de gazon , couché dans la chaumière ,
Ce mortel peut goûter les douceurs du repos :
Le fommeil à fon gré vient fermer la paupière.
Et prodigue fur lui fes paifibles pavots.
Paifque l'on vit fi peu , pourquoi tout entreprendre
?
Crait- on fixer du temps le trop rapide cours ?
A quoi , mon cher Grofphus , l'homme oſe - t-il
prétendre ?
Prétend t- il reculer le terme de ſes jours ?
On a beau parcourir tous les climats du monde ,
On ne peut s'éviter ; on le trouve toujours.
M A I. 1763. 15
Ce fou , qui s'abandonne au caprice de l'onde ,
Croit- il , fur un vaiffeau plus léger que les vents
Se dérober aux traits des remords dévorans ?
Vaine erreur ! Le chagrin ardent à le poursuivre
S'élance fur la pourpe & fait voile avec lui.
Puifque rien ne nous en délivre ,
Tâchons du moins d'adoucir notre ennui .
Saififfons du préfent le rapide avantage ,
Et laiffons l'avenir entre les mains des Dieux.
Corrigeons du deftin le caprice odieux ,
Et faifons des plaifirs un agréable uſage.
On ne peut en tout être heureux< ;
Et le fort le plus doux a des revers affreux.
Achille eut en naiffant la valeur en partage ;
Achille des Troyens put renverfer les tours ;
Mais la mort a frappé du coup le plus terrible
Dans la fleur de fes ans , ce Héros invincible.
A l'amour de Titon l'Aurore fut fenfible ;
Titon fe vit aimé . Mais malgré fes amours
Une lente vieilleffe afçu miner les jours.
Le fort m'accordera peut -être
Ce qu'il vous aur arefufé.
Des plus riches Palais , les Dieux vous ont fait
maître ;
Plutus de tous fes dons pour vous s'eſt épuifé ;
Pour vous mille taureaux mugiffent dans la plaines
Vos habits font tiffus de pourpre Tyrienne;
Les Dieux des plus grands biens vous ont favorisé :
16 MERCURE DE FRANCE
Votre deftin ne me fait point envie:
Ces Dieux ne m'ont donné , (je les en remercie
Que ce ruftique toît & le foible talent
D'imiter de nos Grecs le lyrique genie.
Auffije fuis heureux ; rien ne trouble ma vie ;
Et je me ris des voeux du Vulgaire infolent.
Par M. B. D. S.
XIVe Ode du II Livre d'Horace :
Otium divos rogat in patenti , & c.
LORSQU'AU U'AU milieu de la carrière
L'Aftre des nuits dérobe la lumière,
Et que les vents fougueux tyrannifent les flots ;
Le timide Marchand furpris par la tempêre,
14 MERCURE DE FRANCE .
Redoutant les dangers ſuſpendus ſur ſa tête ,
Adreffe aux Immortels des voeux pour le repos.
Ces Favoris du Dieu redouté fur la terre ,
Ces Médes indomptés , brillans par leurs carquois ,
Laffés des longs travaux d'une pénible guerre
Recherchent un loifir qu'ils ont bravé cent fois.
Les rubis éclatans ; la pourpre éblouiſſante
Ces Palais , ces liceurs & ces nombreux troupeaux
Peavent- ils , cher Grofphus , procurer le repos ,
Repouffer des chagrins la foule renaiſſanté ,
Et calmer des efprits par l'ennui dévorés ?
Les foins volent toujours fous des lambris dorés.
Heureux cent fois celui que le Dieu des richeſſe s
Ne berce pas defes vaines promeffes !
Qui vit long-temps du bien de fes a ïeux
Sans crainte , fans remords , fans defirs odieux !
Sur un lit de gazon , couché dans la chaumière ,
Ce mortel peut goûter les douceurs du repos :
Le fommeil à fon gré vient fermer la paupière.
Et prodigue fur lui fes paifibles pavots.
Paifque l'on vit fi peu , pourquoi tout entreprendre
?
Crait- on fixer du temps le trop rapide cours ?
A quoi , mon cher Grofphus , l'homme oſe - t-il
prétendre ?
Prétend t- il reculer le terme de ſes jours ?
On a beau parcourir tous les climats du monde ,
On ne peut s'éviter ; on le trouve toujours.
M A I. 1763. 15
Ce fou , qui s'abandonne au caprice de l'onde ,
Croit- il , fur un vaiffeau plus léger que les vents
Se dérober aux traits des remords dévorans ?
Vaine erreur ! Le chagrin ardent à le poursuivre
S'élance fur la pourpe & fait voile avec lui.
Puifque rien ne nous en délivre ,
Tâchons du moins d'adoucir notre ennui .
Saififfons du préfent le rapide avantage ,
Et laiffons l'avenir entre les mains des Dieux.
Corrigeons du deftin le caprice odieux ,
Et faifons des plaifirs un agréable uſage.
On ne peut en tout être heureux< ;
Et le fort le plus doux a des revers affreux.
Achille eut en naiffant la valeur en partage ;
Achille des Troyens put renverfer les tours ;
Mais la mort a frappé du coup le plus terrible
Dans la fleur de fes ans , ce Héros invincible.
A l'amour de Titon l'Aurore fut fenfible ;
Titon fe vit aimé . Mais malgré fes amours
Une lente vieilleffe afçu miner les jours.
Le fort m'accordera peut -être
Ce qu'il vous aur arefufé.
Des plus riches Palais , les Dieux vous ont fait
maître ;
Plutus de tous fes dons pour vous s'eſt épuifé ;
Pour vous mille taureaux mugiffent dans la plaines
Vos habits font tiffus de pourpre Tyrienne;
Les Dieux des plus grands biens vous ont favorisé :
16 MERCURE DE FRANCE
Votre deftin ne me fait point envie:
Ces Dieux ne m'ont donné , (je les en remercie
Que ce ruftique toît & le foible talent
D'imiter de nos Grecs le lyrique genie.
Auffije fuis heureux ; rien ne trouble ma vie ;
Et je me ris des voeux du Vulgaire infolent.
Par M. B. D. S.
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Résumé : TRADUCTION en Vers libres de la XIVe Ode du IIe Livre d'Horace : Otium divos rogat in patenti, &c.
Le texte est une traduction en vers libres de la XIVe Ode du II Livre d'Horace. Il décrit divers personnages cherchant le repos et le bonheur dans des situations adverses. Un marchand, pris dans une tempête, prie pour sa sécurité. Les guerriers, fatigués de la guerre, recherchent la paix. Le poète s'interroge sur la capacité des richesses et des plaisirs à apporter le repos et à repousser les chagrins. Il loue la simplicité et la tranquillité de la vie rurale, où un homme peut trouver le repos sans craintes ni remords. Le texte met en garde contre la vanité des efforts pour prolonger la vie et souligne l'inévitabilité de la mort. Il conseille de profiter du présent et de laisser l'avenir aux dieux. Le poète reconnaît que même les héros comme Achille et Titon ont connu des destins tragiques. Il exprime sa satisfaction avec sa modeste vie et son talent poétique, contrastant avec les richesses et les envies du vulgaire.
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13
s. p.
LETTRE AUX AUTEURS DU MERCURE DE FRANCE SUR LE COMTE DE WARVICK TRAGÉDIE NOUVELLE EN CINQ ACTES ET EN VERS Représentée, pour la première fois, le lundi 7 Novembre 1763.
Début :
Voici, Messieurs, une nouvelle preuve de cette vérité que Corneille a devinée [...]
Mots clefs :
Warvick, Comte, Roi, Gloire, Coeur, Scène, Théâtre, Vengeance, Angleterre, Ingratitude, Destin, Espoir, Tragédie, Amour, Victoire
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texteReconnaissance textuelle : LETTRE AUX AUTEURS DU MERCURE DE FRANCE SUR LE COMTE DE WARVICK TRAGÉDIE NOUVELLE EN CINQ ACTES ET EN VERS Représentée, pour la première fois, le lundi 7 Novembre 1763.
LETTRE
AUX AUTEURS
DU MERCURE
DE FRANCE ,
SUR LE
COMTE DE WARVICK,
TRAGÉDIE NOUVELLE ,
EN CINQ ACTES ET EN VERS
Repréſentée , pour la première fois , le Lundi
2 Novembre 1763.
M. DCC . LXIII.
TELEEH
LETTRE
AUX AUTEURS
DU
MERCURE DE FRANCE.
VOICI , Meſſieurs , une nouvelle preuve
de cette vérité que Corneille a devinée
parſentiment &qu'il a fi bien placée dans
ſaTragédie duCid : e'eſt le Cid qui parle :
«Mes pareils à deux fois ne ſe font point connoître;
»Et pour leurs coups d'eſſai veulent des coups de
Maître. >>>
C'eſt ainſi que les Racine & les Voltaires'annonçoient
ſur laScène Françoiſe.
Monfieur de la Harpe paroît avoir bien
étudié la manière de ces grands Peintres
del'ame, & ſe voit, comme eux, couronné
A iij
dès le premier pas qu'il a fait dans la car
rière du Théatre .
La Tragédie de Warvick, dont je vais
faire l'analyſe exacte , eſt un Ouvrage
qu'on ne devoit pas attendre d'un Ecolier
àpeine forti des Univerſités. Il est vrai
que ſes premiers Maîtres n'avoient pas
méconnu fon génie , & que M. de la
Harpe , avant l'âge de vingt ans , avoit
rendu fon nom celebre & intéreſſant dans
les faſtes de cette Ecole de goût & de
moeurs , qui compte plus d'un Rollin parmi
ſes Chefs .
Tout le monde paroît demeurer d'ac
cord que le plan de cette Tragédie eft
heureuſement conçu , que les caractères
en font nobles , & auffi - bien foutenus
que contraſtés , les ſentimens vrais
& grands fans enfure , le ſtyle élégant
& la verſification facile , mais toujours
harmonieuſe . Ceux qui s'intéreſſent à la
gloire de notre Theatre voient avec plaifir
s'élever un jeune Poëte , qui a le courage
de ſacrifier à la préciſion de ſes
dialogues ces maximes & ces ſentences
tant rebattues & toujours applaudies .
Ils lui ſçauront gré ſans doute d'avoir
composé dans un genre preſque oublié de
nos jours , & qui a fait place aux monf
trueuſes &burleſques Pantomimes qu'on
nous apporte d'Angleterre ou d'Italie .
Mais outre le mérite réel de cette Tragé
die , il en eſt un qui appartient plus aux
moeurs qu'au génie ; l'Auteur ſemble ne
s'être écarté de l'hiſtoire que pour donner
à Warvick toute la grandeurdont une
ame eft capable. Auguſte qui pardonne a
Cinna , n'eſt pas plus généreux que Warvick
empriſonné par Edouard , & qui ne
fort de ſa priſon que pour le couronner
une ſeconde fois . Les acclamations univerfelles
données au Comte de Warvick
dans ce moment , font un témoignage
irrécuſable contre les détracteurs
de la Scène Françoiſe . Ce n'eſtpoint affez
qu'un beau diſcours devenu preſque une
action par la véhémente éloquence de
l'Orateur , nous imprime des leçons de
vertu , ce ſont des exemples de générofité
qui nous frappent au Théatre , qui rappellent
l'homme à ſa première dignité :
ce font peut - être ces applaudiſſemens
unanimes & forcés que nous donnons à
la vertu qui nous emportent juſqu'à elle ,
qui nous rendent capables d'y atteindre ,
& font du Théatre même une école de
moeurs , que rien ne peut remplacer.
A iiij
NOMS DES ACTEURS.
YORCK , Roi d'Angleterre , ſous le nom
d'Edouard.
MARGUERITE D'AN JOU , femme de
Lancaftre , Roi d'Angleterre, ſous le nom
de HENRY.
LE COMTE DE WARVICK.
SUFFOLK , Confident d'Edouard.
SUMMER , Ami de Warvick.
ELISABETH , Amante de Warwick.
NEVILLE , Confidente de Margueritean
GARDES.
?
A
C
Ho La Scène est à Londres.
?
1612
ACTE PREMIER
MARGUERITE ouvre la ſcèneavecNéville
ſa confidente , & lui découvre les
ſecrets motifs de ſa joie &de ſes nouvelles
eſpérances : Edouard vainqueur de
Henri VI , & placé ſur ſon Trône par la
valeur & l'amitié de Warvick , va dans
l'absence de ce guerrier lui ravir ſa Maîtreffe
, & doit ce jour même épouſer Elifabeth
de Gray. Marguerite ſe flatte que
Warvick , irrité d'un affront fi peu attendu
, va travailler avec elle à rétablir
fon mari ſur le Trône d'Angleterre :
c'eſt pourquoi elle ſe propoſe d'obtenir
d'Edouard la liberté de paſſer en France
pour y joindre le Comte de Warvick ,
& l'inſtruire des amours & de l'ingratitude
du Maître qu'il s'eſt donné.
Edouard , ſans lui refuſer ni lui accorder
ſa demande , lui fait entendre que
le moment de la paix ſera celui de ſa liberté.
Le Roi ouvre à Suffolck les replis
de ſon coeur , il lui confie ſes projets , ſes
craintes , ſes combats, la violence de fon
amour . C'eſt ſurtout l'amitié de Warvick
qui lui peſe ; c'eſt Warvick , c'eſt un ami
Av
A
qu'il craint d'offenſer ; mais il eſpere le
fléchir & ordonne à Suffolck de ſe rendre
à la Cour de France , &c. &c. Alors
on apprend que le Comte vient d'arriver
dans Londres aux acclamations de tout le
Peuple , & le Roi ſe retire dans le plus
grand trouble .
Telle eſt la marche du premier Acte ,
nous n'en citerons qu'un trait rendu ſublime
par Mademoiselle Dumeſnil , &
qui le paroîtra peut - être encore ſans
elle.
Cet MARGUERITE qui parle.
Demomens en momens j'attendois le trépas ;
Unbrigand ſe préſente ,& fon avide joie
Brille dans ſes regards à l'aſpect de ſa proie.
Il eſt prêt à frapper : je reſtai ſans frayeur ,
Un eſpoir imprévu vint ranimer mon coeur.
Sans guide , fans ſecours ,dans ce lieu folitaire,
J'oſai dans ce brigand voir un Dieu tutélaire.
« Tiens , approche , ( lui dis-je, en lui montrant
mon fils , 1
Qu'à peine ſoutenoient mes bras appeſantis,)
Ofe fauver ton Prince , oſe ſauver ſamere.>>>>
J'étonnai , j'attendris ce mortel ſanguinaire ,
Mon inttépidité le rendit généreux. alloy
LeCiel veilloit alors fur mon fils malheureux,
Oubien le front des Rois , que le deſtin accable ;
Sous les traits du malheur ſemble plus refpectable,
a Suivez-moi , me dit-il , &le fer à la main ,
Portant mon fils de Pautre, il nous fraye un ches
9039
2
2
Et ce mortel abject , tout fier de ouvrage ,
fon
Sembloit , en me ſauvant , égaler mon courage.
apne me ACTE II
WARVICK commence à s'applaudir
C
avec Summer d'avoir rétabli la paix entre
deux Nations rivales & hautaines , d'avoir
obtenu pour fon Maître la Soeur de Louis
XI , & de ſe voir à la fois l'arbitre , la
zerreur & le foutien des Rois. C'eſt dans
cet eſprit qu'il rend compte enſuite au Roi
du ſuccès de ſa négociation , & qu'il ſe
félicite de l'avoir ſervi dans la Cour des
Rois comme dans les combats. Edouard
loue ſon zèle , & conſent à ratifier la paix,
mais non à épouſer la Soeur de Louis XI .
Le Comte de Warvick inſiſte ſur la né
ceffité de fatisfaire au traité dont il fut
garant lui-même ; & le Roi , fans lui devoiler
tout-à-fait le myſtère de ſes nouvelles
amours , ſe retire en lui laiſſant
voir autantde trouble que d'amitié : War
vick reſte dans l'étonnement. Marguerite
vient l'en tirer , & s'exprime ainfier
MARGUERITE. ( Elle continue àparler
d'Edouard.)
Onditque ſur ſon coeur l'amour leplus ardent
Prend, depuis quelques jours, un ſuprême afcen
dant....
1.
On dit plus , & peut- être allez-vous en douter :
Ondit que cet objet, qu'il eût dû reſpecter,
Avoit promis ſa main , gage d'unfeufincère,
Auplus grand des Guerriers qu'ait produit l'Angle
terre ,
A qui même Edouard doit toute fa grandeur :
Qu'Edouard lâchement trahit ſon bienfaiteur :
Que pour prix de ſon zèle , & d'une foi conſtantel
Il lui ravit enfin ſa femme& ſon amante!
Ce ſont-là ſes projets , ſes voeux & ſon eſpoir,
Et c'eſt Elifabeth qu'il époufe ce ſoir.
•
: • • :
Pourquoi trouveriez -vous ce récit incroyable?
Lorſque l'on a trahi ſon Prince & ſon devoir ,
Voilà, voilà le prix qu'on en doit recevoir.
Si Warvick eût ſuivi de plusjuſtes maximes ,
S'il eût cherché pour moi des exploits légitimes,
४
Il me connoît aſſez , pour croire quemon cosur
D'unplus digne retour eût payé ſa valeur.
Adieu. Dans peu d'inftans vous pourrez reconnoî
tre
Cequ'a produit pour vous le choix d'un nouveau
Maître;
Vous apprendrez bien-tôt qui vous deviez ſervir.
Vous apprendrez du moins qui vous devez hair .
Je rends grace au deſtin. Oui , ſa faveur commence
Amefaireaujourd'hui goûter quelque vengeance ;
Et j'ai vû l'ennemi qui combattit ſon Roi,
Puni parun ingrat qu'il ſervît contre moi.
Warvick veut encore douter des dif
cours de Marguerite , & de l'ingratitude
de fon ami ; mais Summer & enſuite Eli
ſabeth viennent confirmer tout ce qu'il
a appris . Warvick jure d'en tirer ven
geance. Elifabeth s'efforce en vain de le19
calmer , & Warvick fort en menaçant.
Cof
3????? ?????????????
MA
ACTE III
ARGUERITE s'applaudit d'avoir irrite
Warvick , & peint ainſi le génie des
Anglois dont il eſt l'idole .
MARGUERITE, a Néville.
:
おす
)
Ne crois pas qu'Edouard triomphe impunément,
Mets-toi devant les yeux ce long enchaînement
De meurtres , de forfaits , dont la guerre civile
A, depuis fi long-tems , épouvanté cette Iſle.
Songe au ſang dont nos yeux ont vû couler des
flots ,
по
3
53
A
Sous le fer des foldats , ſous le fer des bourreaux ;
Ou d'un père ou d'un fils chacun pleure la perte ,
Et d'un deuil éternel l'Angleterre eſt couverte.
De vingt mille proſcrits les malheureux enfans
Brûlent tous en ſecret de venger leurs parens ;
Ils ont tous entendu , le jour de leur naiſſance ,
Autour de leur berceau le cri de la vengeance :
Tous ont été , depuis , nourris dans cet eſpoir ,
Et pour eux , en naiſſant , le meurtre eſt un devoirs
Je te dirai bien plus , le ſang & le ravage
Ont endurci ce Peuple , ont irrité ſa rage;
Et depuis ſi long-tems au carnage exercé;
II conferve la foifdu ſang qu'il a verſé.
Mais elle craint que ce Guerrier trop
ſuperbe n'éclate en menaces inſultantes
devant fon maître , & que le Roi ne le
faffe arrêter , elle fort : ( ce qui laiſſe le
Théatre vuide afſfez inutilement. C'eſt un
défaut dont les plus grands Maîtres ont
donné l'exemple , mais que leurs éleves ne
doivent jamais imiter. )Edouard cependant
qui vient d'apprendre de Suffolck
que Warvick ne lui a répondu que par
des emportemens , commande qu'on l'éloigne
Mais Warvick paroît , &
lui fait une longue énumération de ſes
ſervices , il lui rappelle ſes propres difcours
fur le champ de bataille où fon
pere venoit d'expirer , & ſe plaint de
fon ingratitude . Edouard lui fait une
réponſe très-moderée , quoique noble , &
qu'on ſera peut-être bien aiſe de trouver
ici.
?
...
Ceft EDOUARD qui parle.
Moderez devant moi ce tranſportqui m'offenfe.
Vantez moins vos exploits, j'en connois l'impor
tance;
Mais ſçachez qu'Edouard , arbitre de ſon fort,
Auroit trouvé ſans vous la victoire ou llaamort;
Vous n'enpouvezdouter, vous devez me connol
tre.
Eh! quels ſont donc enfin les torts de votre Mai-
; tre?
Je vous promis beaucoup: vous ai-je donnémoins ?
Lerang, où pres de moi vous ontplacé mes ſoins,
L'éclat de vos honneurs, vosbiens, votre puiſlance,
Sont-ils de vains effets de ma reconnoiſſance ?
Il eſt vrai, j'ai cherché l'Hymen d'Elifabeth.
N'ai-je pû faire au moins ce qu'a fait mon Sujet ,
Etm'est- il défendu d'écouter ma tendreſſe ,
De brûler pour l'objet où votre eſpoir s'adreſſe ?
Queme reprochez-vous? Suis-je injuſte ou cruel ?
L'ai-je, comme unTyran , fait traîner à l'autel ??
Je me fuis , comme vous , efforcé de lui plaire ,
Je me ſuis appuyé de l'aveu de ſon pere ;
J'ai demandé le ſien; & s'il faut dire plus ,
Elle n'a point encor expliqué ſes refus.
Laiſſez-moi juſques-là me flatter que ma flamme
Quemes foins , mes reſpects , n'offenſent point fon
ame;
Etqu'un coeur qui du vôtre a mérité les voeux,
Peut être , malgré vous, ſenſible à d'autres feux.
•
WARVICK & EDOUARD.
Jamais Elifabeth ne me ſera ravie ,
Onvous ne l'obtiendrez qu'aux dépen de maviej
Jamais impunémentje ne fus offenfé
יצ
Y
EDOUARD.
Jamais impunément je ne fus menacé ;
Et fi d'une amitié , qui me fut long-tems chère?
Le ſouvenir encor n'arrêtoit ma colère ,
Vous en auriez déjà reſſenti les effets ....
Peut-être cet effort vaut ſeul tous vos bienfaits.
Nepouſſez pas plus loinma bonté qui ſe laſſe
Et ne me forcez pas à punir votre audace.
Edouard peut d'un mot venger ſes droits bleſſés,
Etfût-il votre ouvrage ; il eſt Roi, frémiſſez.
Le Comte de Warvick lui répond
par des reproches encore plus amers ;
Edouard fait entrer ſesGardes ; Elifabeth
arrive avec eux : le Comte lui exagere
les torts de l'ingrat Yorck , & la quitte
pour courir à la vengeance. Edouard or
donne qu'on arrête le Comte de Warvick .
Elifabeth demeure avec le Roi pour l'appaifer
, & l'on vient leur annoncer que
Warvick s'eſt laiſſe conduire à la tour ,
mais que le peuple s'émeut en fa faveur :
le Roi fort pour aller le contenir.
SOIVAAT
0
C
ACTE IV.
WARVICK feul & dans la prifon , fe
retrace ainſi le fort de ſon premier maître :
.. C'eſt dans ces lieux, dans cette tour horrible
Qu'à vivre dans les fers par moi ſeul condamné
Lemalheureux Henri languit abandonné ,
L'Oppreſſeur , l'Opprimé n'ont plus qu'un même
afyle.
Hélas ! dans ſon malheur il eſt calme& tranquille,
Il eſt loin de penſer qu'un revers plein d'horreur
Enchaîne auprès de lui ſon ſuperbe vainqueur.
Summer vient lui apprendre que le parti
de Marguerite doit bientôt le délivrer.
Warvick le conjure par les pleurs qu'il
verſe encore devant lui , de hâter le moment
de ſa liberté. Summer lui promet
tout , & fort pour lui obéir.
Plus calme après ces eſpérances , Warwick
réfléchit ſur l'illuſion qui l'a confolé
; Elifabeth arrive,
L'objet de cette Scène n'eſt ni précis ,
ni déterminé ; mais l'art de l'Auteur , la
figure aimable & la voix touchante de MademoiſelleDubois,
fur-tout les talens ſupérieurs
de M. Le Kain , qu'on peut appellerleGarrickFrançois
, concourent àpal
lier ce léger défaut .
Enfin des Gardes viennent chercher
Elifabeth pour la conduire auprès du
Roi ; Warvick retombe dans ſes incertitudes
, & dans l'agitation . Alors
des Gardes enfoncent la prifon , & Summer
à leur tête parle ainfi.
SCENE VII.
SUMMER..
J'apporte la vengeance ,
Ami , prenez ce fer ; foyez libre & vainqueur .
WARVICK.
Tout estdonc réparé ? .. Cherami , quel bonheut !
SUMMER.
Votre nom, votre gloire, & la Reine & moi-même ,
Tout range ſous vos loix un peuple qui vous aime
Marguerite , échappée aux Gardes du Palais ,
D'abord, à votre nom , raſſemble les Anglois ,
Jemejoins à ſes cris : tout s'émeut, tout s'emprefle,
Tous veulent vous offrir une main vengereſſe.
On attaque , on aſſiége Edouard allarmé
Avec Elifabeth au Palais renfermé.
Paroiſſez ; c'eſt à vous d'achever la victoire.
mivenez chercher la vengeance & la gloire.
WARVICK.
Voilàdonc où ſa faute & le fort l'ont réduit :
De ſon ingratitude il voît enfin le fruit.
Il l'a trop mérité. Marchons ... Warvick, arrête.
Tu vas donc d'une femme achever la conquête
Ecrafer fans effort un rival abbatu?
20 Sont-ce làdes exploits dignes de ta vertu ?
Eft-ce un ſi beautriomphe offert à ta vaillance ;
D'immoler Edouard, quand il eſt ſans défenſe ?
Ah!j'embraffe unprojetplus grand,plus généreux.
Voici de mes inftans l'inſtant le plus heureux.
Ce jour de mes malheurs eſt le jour de ma gloire.
C'eſt moiqui vais fixer le fort & la victoire.
Le deſtin d'Edouard ne dépend que de moi.
J'ai guidé ſa jeuneſſe & mon bras l'a fait Roi ;
J'al conſervé ſes jours & je vais les défendre .
Je luidonnai le ſceptre , &je vais le lui rendre
Detous les ennemis confondre les projets,
Et je veux le punit à force de bienfaitsig
Il connoîtra mon coeur autant que mon courage W
Une ſeconde fois il ſera monouvrage, Do
Qu'il va ſe repentir de m'avoir outrage
Combien it va rougir ! ... Amis , je ſuis venge.
Allons, braves Anglois , c'eſt Warvick qui vous
guide,
Ne déſavouez point votre Chef intrépide.
Sivous aimez l'honneur, venez tous avec mo
Et combattre Lançaſtre, & fauver votre Roi
Fin du quatrième Alte
uby
ACTE V
ELISABETH qui ne connoîtdeWarvick
que fa fureur &fes projets de vengeance ,
tremble également pour les jours de fon
amant , &pour ceux de fon Roi. Suffolck
vient la raſſurer par le récit de ce qui
s'eſt paffé ſous les yeux, Warvick a
diffipe le parti de Marguerite qui affiés
geoit Edouard dans ſon palais , & l'a
couronné pour la feconde fois. Elifabeth
ſe livre à la joie. Edouard l'augmente
encore en lui déclarant qu'il eſt prêt à
épouſer la foeur de Louis XI , & à
l'unir au Comte de Warvick. Marguerite
priſonniere , mais triomphante , leur apprend
qu'elle s'eſt vengée du Comte de
Warvick , & qu'il eſt expirant,
Voici les vers qui ſont dans la bouche
du Comte de Warvick qu'on amene ſur
le Théatre , & qui terminent la piece :
... Ecoutez moins de vains reſſentimens.
Renvoyez à Louis cette femme cruelle ,
Il pourroit la venger , ne craignez plus riend'elle.
Cepeuplequi m'aima ,la déteſte aujourd'hui
Quim'adonné la mort ne peut régner ſur lui,
Pleurez moinsmon trépas. Macarriere eſt finic
Aumoment leplus beaudont s'illuſtrama vie.
Mavoix a fait encor le deſtin des Anglois :
Etj'emporte au tombeau ma gloire & vos regrets
Π
WARVICK continueens'adreſſant à EDOUARD.
N'accuſons de vos maux que yous & que moi
même.
Votre amour fut aveugle &mon orgueil extrême,
Vous aviez oublié mes ſervices : &moi
J'oubliai trop , hélas ! que vous étiez monRei,
J'ai l'honneur d'être ,
MESSIEURS,
Votre très-humble & très
obéiſſant Serviteur ,
JOUBERT.
AUX AUTEURS
DU MERCURE
DE FRANCE ,
SUR LE
COMTE DE WARVICK,
TRAGÉDIE NOUVELLE ,
EN CINQ ACTES ET EN VERS
Repréſentée , pour la première fois , le Lundi
2 Novembre 1763.
M. DCC . LXIII.
TELEEH
LETTRE
AUX AUTEURS
DU
MERCURE DE FRANCE.
VOICI , Meſſieurs , une nouvelle preuve
de cette vérité que Corneille a devinée
parſentiment &qu'il a fi bien placée dans
ſaTragédie duCid : e'eſt le Cid qui parle :
«Mes pareils à deux fois ne ſe font point connoître;
»Et pour leurs coups d'eſſai veulent des coups de
Maître. >>>
C'eſt ainſi que les Racine & les Voltaires'annonçoient
ſur laScène Françoiſe.
Monfieur de la Harpe paroît avoir bien
étudié la manière de ces grands Peintres
del'ame, & ſe voit, comme eux, couronné
A iij
dès le premier pas qu'il a fait dans la car
rière du Théatre .
La Tragédie de Warvick, dont je vais
faire l'analyſe exacte , eſt un Ouvrage
qu'on ne devoit pas attendre d'un Ecolier
àpeine forti des Univerſités. Il est vrai
que ſes premiers Maîtres n'avoient pas
méconnu fon génie , & que M. de la
Harpe , avant l'âge de vingt ans , avoit
rendu fon nom celebre & intéreſſant dans
les faſtes de cette Ecole de goût & de
moeurs , qui compte plus d'un Rollin parmi
ſes Chefs .
Tout le monde paroît demeurer d'ac
cord que le plan de cette Tragédie eft
heureuſement conçu , que les caractères
en font nobles , & auffi - bien foutenus
que contraſtés , les ſentimens vrais
& grands fans enfure , le ſtyle élégant
& la verſification facile , mais toujours
harmonieuſe . Ceux qui s'intéreſſent à la
gloire de notre Theatre voient avec plaifir
s'élever un jeune Poëte , qui a le courage
de ſacrifier à la préciſion de ſes
dialogues ces maximes & ces ſentences
tant rebattues & toujours applaudies .
Ils lui ſçauront gré ſans doute d'avoir
composé dans un genre preſque oublié de
nos jours , & qui a fait place aux monf
trueuſes &burleſques Pantomimes qu'on
nous apporte d'Angleterre ou d'Italie .
Mais outre le mérite réel de cette Tragé
die , il en eſt un qui appartient plus aux
moeurs qu'au génie ; l'Auteur ſemble ne
s'être écarté de l'hiſtoire que pour donner
à Warvick toute la grandeurdont une
ame eft capable. Auguſte qui pardonne a
Cinna , n'eſt pas plus généreux que Warvick
empriſonné par Edouard , & qui ne
fort de ſa priſon que pour le couronner
une ſeconde fois . Les acclamations univerfelles
données au Comte de Warvick
dans ce moment , font un témoignage
irrécuſable contre les détracteurs
de la Scène Françoiſe . Ce n'eſtpoint affez
qu'un beau diſcours devenu preſque une
action par la véhémente éloquence de
l'Orateur , nous imprime des leçons de
vertu , ce ſont des exemples de générofité
qui nous frappent au Théatre , qui rappellent
l'homme à ſa première dignité :
ce font peut - être ces applaudiſſemens
unanimes & forcés que nous donnons à
la vertu qui nous emportent juſqu'à elle ,
qui nous rendent capables d'y atteindre ,
& font du Théatre même une école de
moeurs , que rien ne peut remplacer.
A iiij
NOMS DES ACTEURS.
YORCK , Roi d'Angleterre , ſous le nom
d'Edouard.
MARGUERITE D'AN JOU , femme de
Lancaftre , Roi d'Angleterre, ſous le nom
de HENRY.
LE COMTE DE WARVICK.
SUFFOLK , Confident d'Edouard.
SUMMER , Ami de Warvick.
ELISABETH , Amante de Warwick.
NEVILLE , Confidente de Margueritean
GARDES.
?
A
C
Ho La Scène est à Londres.
?
1612
ACTE PREMIER
MARGUERITE ouvre la ſcèneavecNéville
ſa confidente , & lui découvre les
ſecrets motifs de ſa joie &de ſes nouvelles
eſpérances : Edouard vainqueur de
Henri VI , & placé ſur ſon Trône par la
valeur & l'amitié de Warvick , va dans
l'absence de ce guerrier lui ravir ſa Maîtreffe
, & doit ce jour même épouſer Elifabeth
de Gray. Marguerite ſe flatte que
Warvick , irrité d'un affront fi peu attendu
, va travailler avec elle à rétablir
fon mari ſur le Trône d'Angleterre :
c'eſt pourquoi elle ſe propoſe d'obtenir
d'Edouard la liberté de paſſer en France
pour y joindre le Comte de Warvick ,
& l'inſtruire des amours & de l'ingratitude
du Maître qu'il s'eſt donné.
Edouard , ſans lui refuſer ni lui accorder
ſa demande , lui fait entendre que
le moment de la paix ſera celui de ſa liberté.
Le Roi ouvre à Suffolck les replis
de ſon coeur , il lui confie ſes projets , ſes
craintes , ſes combats, la violence de fon
amour . C'eſt ſurtout l'amitié de Warvick
qui lui peſe ; c'eſt Warvick , c'eſt un ami
Av
A
qu'il craint d'offenſer ; mais il eſpere le
fléchir & ordonne à Suffolck de ſe rendre
à la Cour de France , &c. &c. Alors
on apprend que le Comte vient d'arriver
dans Londres aux acclamations de tout le
Peuple , & le Roi ſe retire dans le plus
grand trouble .
Telle eſt la marche du premier Acte ,
nous n'en citerons qu'un trait rendu ſublime
par Mademoiselle Dumeſnil , &
qui le paroîtra peut - être encore ſans
elle.
Cet MARGUERITE qui parle.
Demomens en momens j'attendois le trépas ;
Unbrigand ſe préſente ,& fon avide joie
Brille dans ſes regards à l'aſpect de ſa proie.
Il eſt prêt à frapper : je reſtai ſans frayeur ,
Un eſpoir imprévu vint ranimer mon coeur.
Sans guide , fans ſecours ,dans ce lieu folitaire,
J'oſai dans ce brigand voir un Dieu tutélaire.
« Tiens , approche , ( lui dis-je, en lui montrant
mon fils , 1
Qu'à peine ſoutenoient mes bras appeſantis,)
Ofe fauver ton Prince , oſe ſauver ſamere.>>>>
J'étonnai , j'attendris ce mortel ſanguinaire ,
Mon inttépidité le rendit généreux. alloy
LeCiel veilloit alors fur mon fils malheureux,
Oubien le front des Rois , que le deſtin accable ;
Sous les traits du malheur ſemble plus refpectable,
a Suivez-moi , me dit-il , &le fer à la main ,
Portant mon fils de Pautre, il nous fraye un ches
9039
2
2
Et ce mortel abject , tout fier de ouvrage ,
fon
Sembloit , en me ſauvant , égaler mon courage.
apne me ACTE II
WARVICK commence à s'applaudir
C
avec Summer d'avoir rétabli la paix entre
deux Nations rivales & hautaines , d'avoir
obtenu pour fon Maître la Soeur de Louis
XI , & de ſe voir à la fois l'arbitre , la
zerreur & le foutien des Rois. C'eſt dans
cet eſprit qu'il rend compte enſuite au Roi
du ſuccès de ſa négociation , & qu'il ſe
félicite de l'avoir ſervi dans la Cour des
Rois comme dans les combats. Edouard
loue ſon zèle , & conſent à ratifier la paix,
mais non à épouſer la Soeur de Louis XI .
Le Comte de Warvick inſiſte ſur la né
ceffité de fatisfaire au traité dont il fut
garant lui-même ; & le Roi , fans lui devoiler
tout-à-fait le myſtère de ſes nouvelles
amours , ſe retire en lui laiſſant
voir autantde trouble que d'amitié : War
vick reſte dans l'étonnement. Marguerite
vient l'en tirer , & s'exprime ainfier
MARGUERITE. ( Elle continue àparler
d'Edouard.)
Onditque ſur ſon coeur l'amour leplus ardent
Prend, depuis quelques jours, un ſuprême afcen
dant....
1.
On dit plus , & peut- être allez-vous en douter :
Ondit que cet objet, qu'il eût dû reſpecter,
Avoit promis ſa main , gage d'unfeufincère,
Auplus grand des Guerriers qu'ait produit l'Angle
terre ,
A qui même Edouard doit toute fa grandeur :
Qu'Edouard lâchement trahit ſon bienfaiteur :
Que pour prix de ſon zèle , & d'une foi conſtantel
Il lui ravit enfin ſa femme& ſon amante!
Ce ſont-là ſes projets , ſes voeux & ſon eſpoir,
Et c'eſt Elifabeth qu'il époufe ce ſoir.
•
: • • :
Pourquoi trouveriez -vous ce récit incroyable?
Lorſque l'on a trahi ſon Prince & ſon devoir ,
Voilà, voilà le prix qu'on en doit recevoir.
Si Warvick eût ſuivi de plusjuſtes maximes ,
S'il eût cherché pour moi des exploits légitimes,
४
Il me connoît aſſez , pour croire quemon cosur
D'unplus digne retour eût payé ſa valeur.
Adieu. Dans peu d'inftans vous pourrez reconnoî
tre
Cequ'a produit pour vous le choix d'un nouveau
Maître;
Vous apprendrez bien-tôt qui vous deviez ſervir.
Vous apprendrez du moins qui vous devez hair .
Je rends grace au deſtin. Oui , ſa faveur commence
Amefaireaujourd'hui goûter quelque vengeance ;
Et j'ai vû l'ennemi qui combattit ſon Roi,
Puni parun ingrat qu'il ſervît contre moi.
Warvick veut encore douter des dif
cours de Marguerite , & de l'ingratitude
de fon ami ; mais Summer & enſuite Eli
ſabeth viennent confirmer tout ce qu'il
a appris . Warvick jure d'en tirer ven
geance. Elifabeth s'efforce en vain de le19
calmer , & Warvick fort en menaçant.
Cof
3????? ?????????????
MA
ACTE III
ARGUERITE s'applaudit d'avoir irrite
Warvick , & peint ainſi le génie des
Anglois dont il eſt l'idole .
MARGUERITE, a Néville.
:
おす
)
Ne crois pas qu'Edouard triomphe impunément,
Mets-toi devant les yeux ce long enchaînement
De meurtres , de forfaits , dont la guerre civile
A, depuis fi long-tems , épouvanté cette Iſle.
Songe au ſang dont nos yeux ont vû couler des
flots ,
по
3
53
A
Sous le fer des foldats , ſous le fer des bourreaux ;
Ou d'un père ou d'un fils chacun pleure la perte ,
Et d'un deuil éternel l'Angleterre eſt couverte.
De vingt mille proſcrits les malheureux enfans
Brûlent tous en ſecret de venger leurs parens ;
Ils ont tous entendu , le jour de leur naiſſance ,
Autour de leur berceau le cri de la vengeance :
Tous ont été , depuis , nourris dans cet eſpoir ,
Et pour eux , en naiſſant , le meurtre eſt un devoirs
Je te dirai bien plus , le ſang & le ravage
Ont endurci ce Peuple , ont irrité ſa rage;
Et depuis ſi long-tems au carnage exercé;
II conferve la foifdu ſang qu'il a verſé.
Mais elle craint que ce Guerrier trop
ſuperbe n'éclate en menaces inſultantes
devant fon maître , & que le Roi ne le
faffe arrêter , elle fort : ( ce qui laiſſe le
Théatre vuide afſfez inutilement. C'eſt un
défaut dont les plus grands Maîtres ont
donné l'exemple , mais que leurs éleves ne
doivent jamais imiter. )Edouard cependant
qui vient d'apprendre de Suffolck
que Warvick ne lui a répondu que par
des emportemens , commande qu'on l'éloigne
Mais Warvick paroît , &
lui fait une longue énumération de ſes
ſervices , il lui rappelle ſes propres difcours
fur le champ de bataille où fon
pere venoit d'expirer , & ſe plaint de
fon ingratitude . Edouard lui fait une
réponſe très-moderée , quoique noble , &
qu'on ſera peut-être bien aiſe de trouver
ici.
?
...
Ceft EDOUARD qui parle.
Moderez devant moi ce tranſportqui m'offenfe.
Vantez moins vos exploits, j'en connois l'impor
tance;
Mais ſçachez qu'Edouard , arbitre de ſon fort,
Auroit trouvé ſans vous la victoire ou llaamort;
Vous n'enpouvezdouter, vous devez me connol
tre.
Eh! quels ſont donc enfin les torts de votre Mai-
; tre?
Je vous promis beaucoup: vous ai-je donnémoins ?
Lerang, où pres de moi vous ontplacé mes ſoins,
L'éclat de vos honneurs, vosbiens, votre puiſlance,
Sont-ils de vains effets de ma reconnoiſſance ?
Il eſt vrai, j'ai cherché l'Hymen d'Elifabeth.
N'ai-je pû faire au moins ce qu'a fait mon Sujet ,
Etm'est- il défendu d'écouter ma tendreſſe ,
De brûler pour l'objet où votre eſpoir s'adreſſe ?
Queme reprochez-vous? Suis-je injuſte ou cruel ?
L'ai-je, comme unTyran , fait traîner à l'autel ??
Je me fuis , comme vous , efforcé de lui plaire ,
Je me ſuis appuyé de l'aveu de ſon pere ;
J'ai demandé le ſien; & s'il faut dire plus ,
Elle n'a point encor expliqué ſes refus.
Laiſſez-moi juſques-là me flatter que ma flamme
Quemes foins , mes reſpects , n'offenſent point fon
ame;
Etqu'un coeur qui du vôtre a mérité les voeux,
Peut être , malgré vous, ſenſible à d'autres feux.
•
WARVICK & EDOUARD.
Jamais Elifabeth ne me ſera ravie ,
Onvous ne l'obtiendrez qu'aux dépen de maviej
Jamais impunémentje ne fus offenfé
יצ
Y
EDOUARD.
Jamais impunément je ne fus menacé ;
Et fi d'une amitié , qui me fut long-tems chère?
Le ſouvenir encor n'arrêtoit ma colère ,
Vous en auriez déjà reſſenti les effets ....
Peut-être cet effort vaut ſeul tous vos bienfaits.
Nepouſſez pas plus loinma bonté qui ſe laſſe
Et ne me forcez pas à punir votre audace.
Edouard peut d'un mot venger ſes droits bleſſés,
Etfût-il votre ouvrage ; il eſt Roi, frémiſſez.
Le Comte de Warvick lui répond
par des reproches encore plus amers ;
Edouard fait entrer ſesGardes ; Elifabeth
arrive avec eux : le Comte lui exagere
les torts de l'ingrat Yorck , & la quitte
pour courir à la vengeance. Edouard or
donne qu'on arrête le Comte de Warvick .
Elifabeth demeure avec le Roi pour l'appaifer
, & l'on vient leur annoncer que
Warvick s'eſt laiſſe conduire à la tour ,
mais que le peuple s'émeut en fa faveur :
le Roi fort pour aller le contenir.
SOIVAAT
0
C
ACTE IV.
WARVICK feul & dans la prifon , fe
retrace ainſi le fort de ſon premier maître :
.. C'eſt dans ces lieux, dans cette tour horrible
Qu'à vivre dans les fers par moi ſeul condamné
Lemalheureux Henri languit abandonné ,
L'Oppreſſeur , l'Opprimé n'ont plus qu'un même
afyle.
Hélas ! dans ſon malheur il eſt calme& tranquille,
Il eſt loin de penſer qu'un revers plein d'horreur
Enchaîne auprès de lui ſon ſuperbe vainqueur.
Summer vient lui apprendre que le parti
de Marguerite doit bientôt le délivrer.
Warvick le conjure par les pleurs qu'il
verſe encore devant lui , de hâter le moment
de ſa liberté. Summer lui promet
tout , & fort pour lui obéir.
Plus calme après ces eſpérances , Warwick
réfléchit ſur l'illuſion qui l'a confolé
; Elifabeth arrive,
L'objet de cette Scène n'eſt ni précis ,
ni déterminé ; mais l'art de l'Auteur , la
figure aimable & la voix touchante de MademoiſelleDubois,
fur-tout les talens ſupérieurs
de M. Le Kain , qu'on peut appellerleGarrickFrançois
, concourent àpal
lier ce léger défaut .
Enfin des Gardes viennent chercher
Elifabeth pour la conduire auprès du
Roi ; Warvick retombe dans ſes incertitudes
, & dans l'agitation . Alors
des Gardes enfoncent la prifon , & Summer
à leur tête parle ainfi.
SCENE VII.
SUMMER..
J'apporte la vengeance ,
Ami , prenez ce fer ; foyez libre & vainqueur .
WARVICK.
Tout estdonc réparé ? .. Cherami , quel bonheut !
SUMMER.
Votre nom, votre gloire, & la Reine & moi-même ,
Tout range ſous vos loix un peuple qui vous aime
Marguerite , échappée aux Gardes du Palais ,
D'abord, à votre nom , raſſemble les Anglois ,
Jemejoins à ſes cris : tout s'émeut, tout s'emprefle,
Tous veulent vous offrir une main vengereſſe.
On attaque , on aſſiége Edouard allarmé
Avec Elifabeth au Palais renfermé.
Paroiſſez ; c'eſt à vous d'achever la victoire.
mivenez chercher la vengeance & la gloire.
WARVICK.
Voilàdonc où ſa faute & le fort l'ont réduit :
De ſon ingratitude il voît enfin le fruit.
Il l'a trop mérité. Marchons ... Warvick, arrête.
Tu vas donc d'une femme achever la conquête
Ecrafer fans effort un rival abbatu?
20 Sont-ce làdes exploits dignes de ta vertu ?
Eft-ce un ſi beautriomphe offert à ta vaillance ;
D'immoler Edouard, quand il eſt ſans défenſe ?
Ah!j'embraffe unprojetplus grand,plus généreux.
Voici de mes inftans l'inſtant le plus heureux.
Ce jour de mes malheurs eſt le jour de ma gloire.
C'eſt moiqui vais fixer le fort & la victoire.
Le deſtin d'Edouard ne dépend que de moi.
J'ai guidé ſa jeuneſſe & mon bras l'a fait Roi ;
J'al conſervé ſes jours & je vais les défendre .
Je luidonnai le ſceptre , &je vais le lui rendre
Detous les ennemis confondre les projets,
Et je veux le punit à force de bienfaitsig
Il connoîtra mon coeur autant que mon courage W
Une ſeconde fois il ſera monouvrage, Do
Qu'il va ſe repentir de m'avoir outrage
Combien it va rougir ! ... Amis , je ſuis venge.
Allons, braves Anglois , c'eſt Warvick qui vous
guide,
Ne déſavouez point votre Chef intrépide.
Sivous aimez l'honneur, venez tous avec mo
Et combattre Lançaſtre, & fauver votre Roi
Fin du quatrième Alte
uby
ACTE V
ELISABETH qui ne connoîtdeWarvick
que fa fureur &fes projets de vengeance ,
tremble également pour les jours de fon
amant , &pour ceux de fon Roi. Suffolck
vient la raſſurer par le récit de ce qui
s'eſt paffé ſous les yeux, Warvick a
diffipe le parti de Marguerite qui affiés
geoit Edouard dans ſon palais , & l'a
couronné pour la feconde fois. Elifabeth
ſe livre à la joie. Edouard l'augmente
encore en lui déclarant qu'il eſt prêt à
épouſer la foeur de Louis XI , & à
l'unir au Comte de Warvick. Marguerite
priſonniere , mais triomphante , leur apprend
qu'elle s'eſt vengée du Comte de
Warvick , & qu'il eſt expirant,
Voici les vers qui ſont dans la bouche
du Comte de Warvick qu'on amene ſur
le Théatre , & qui terminent la piece :
... Ecoutez moins de vains reſſentimens.
Renvoyez à Louis cette femme cruelle ,
Il pourroit la venger , ne craignez plus riend'elle.
Cepeuplequi m'aima ,la déteſte aujourd'hui
Quim'adonné la mort ne peut régner ſur lui,
Pleurez moinsmon trépas. Macarriere eſt finic
Aumoment leplus beaudont s'illuſtrama vie.
Mavoix a fait encor le deſtin des Anglois :
Etj'emporte au tombeau ma gloire & vos regrets
Π
WARVICK continueens'adreſſant à EDOUARD.
N'accuſons de vos maux que yous & que moi
même.
Votre amour fut aveugle &mon orgueil extrême,
Vous aviez oublié mes ſervices : &moi
J'oubliai trop , hélas ! que vous étiez monRei,
J'ai l'honneur d'être ,
MESSIEURS,
Votre très-humble & très
obéiſſant Serviteur ,
JOUBERT.
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Résumé : LETTRE AUX AUTEURS DU MERCURE DE FRANCE SUR LE COMTE DE WARVICK TRAGÉDIE NOUVELLE EN CINQ ACTES ET EN VERS Représentée, pour la première fois, le lundi 7 Novembre 1763.
La lettre aux auteurs du Mercure de France présente la tragédie 'Le Comte de Warwick', représentée pour la première fois le 2 novembre 1763. L'auteur de la pièce, Jean-François de La Harpe, est comparé à Corneille, Racine et Voltaire, soulignant son talent précoce et prometteur. La tragédie est appréciée pour son plan bien conçu, ses personnages nobles et contrastés, ainsi que pour son style élégant et sa versification harmonieuse. Elle se distingue par des dialogues précis et l'absence de maximes rebattues. L'intrigue se déroule à Londres en 1612 et met en scène des personnages historiques tels que le roi Édouard, Marguerite d'Anjou, le comte de Warwick, et Élisabeth. Marguerite, épouse de Henri VI, espère que Warwick, irrité par l'infidélité d'Édouard, l'aidera à restaurer son mari sur le trône. Édouard est partagé entre son amour pour Élisabeth et son amitié pour Warwick. La pièce explore les thèmes de la loyauté, de l'ingratitude et de la générosité, avec Warwick incarnant une grandeur d'âme comparable à celle d'Auguste pardonnant Cinna. Les actes suivants développent les tensions entre Warwick et Édouard, avec Marguerite manipulant les événements pour provoquer une rébellion. Warwick, après avoir été emprisonné, est libéré par le peuple et retourne sur le trône. La pièce illustre la capacité du théâtre à inspirer des leçons de vertu et de générosité. Warwick, confronté à des dilemmes moraux et politiques, hésite à se venger d'Édouard mais décide de le protéger et de restaurer son trône. Il rappelle son rôle crucial dans l'ascension d'Édouard et rallie les Anglais pour combattre les ennemis du roi. Élisabeth, amoureuse de Warwick, est rassurée par Suffolk qui lui raconte les actions héroïques de Warwick. Édouard, reconnaissant, accepte d'épouser la sœur de Louis XI et de l'unir à Warwick. Marguerite, prisonnière, révèle que Warwick est mortellement blessé. Sur son lit de mort, Warwick conseille Édouard de renvoyer la femme cruelle à Louis XI et exprime son regret pour les erreurs passées. Il meurt en héros, laissant derrière lui une nation reconnaissante.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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