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1
p. 170-172
Autre sur le nom de M. le Marquis de Dangeau, [titre d'après la table]
Début :
La premiere de ces deux Enigmes a esté expliquée sur le nom de Mr le / Quelle nouvelle Aritmétique, [...]
Mots clefs :
Arithmétique, Esprits, Pythagore, Ennemis, Diadème, Apôtres, Nom, Apollon, Muse
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texteReconnaissance textuelle : Autre sur le nom de M. le Marquis de Dangeau, [titre d'après la table]
La premiere de ces deux Enigmes
a efté expliquée fur le nom de M le
Marquis de Dangeau , par M Bonvallon
du Limofin. Ie croy vous obliger
en vousfaifant part de cette Explication.
Q
Velle nouvelle Aritmétique,
Pour embarraffer les Efprits,
Vicnt fe mefler, Mercure, aux Enigmes
fans prix
De ta galante République?
Trois & quatrefont ſept, ce calcul eſt aiſe;
Les fept parts font le tout, je le comprens
encore
Sans les Nombres divins du profond Py
thagore,
Je ne m'y fuis pas abufé;
Maislors qu'il s'agit de décrire
Quellesfont ces fept parts, quel enfin eft
ce tout,
Mon Art de déchiffrer eſt tout àfait àbout,
Et je n'ay nul deffein de rire.....
du Mercure Galant.
171
Tudis quela part du milieu
Parmy nos Ennemis occupe un triple lieu.
Ces Ennemis, feroit- ce point l'Espagne,
Génesfuperbe, & la fiere Allemagne?
Mais dans ces Nations qu'eft- ce donc que
AM tu agis.IN
Troisfois?
De l' Alphabet c'est la Lettrefeptième,
Nombre mistérieux qui vaut un Diademe.
O Dieux ! fi je pouvois, toin du Peuple
Etranger,
Délivrerdu péril trois qui font en danger,
Tirer du Tombeau les trois autres
Enfevelie's fous lesflots
Au plus profonddes Eaux,
Ne meprendroit-on pas pour quelqu'un
des Apoftres?
Apoftre ou non, le miracle en eft fait.
Venez Dan, fortez eau, vous, Lettre mitoyenne
,
Placez- vous entre deux, vous formerez
fans peine
L'heureux Nom de Dangeau , qui ne
craint en effet
Pij
172
Extraordinaire
Ny périls de Fortune,
Ny la Parque commune.
Son Maistre eftantfavory d'Apollon,
Et des plus honorez dans le facré Vallon,
D'un Pinceau délicat il tracerafa gloire
Sur les mefmes Autels du Temple de Mémoire,
Et fes traits animeż
Dont nousfommes charmez,
Donneurs de vie, & de vie immortelle
L'éternifent auffi parfa Mufe fidelle.
a efté expliquée fur le nom de M le
Marquis de Dangeau , par M Bonvallon
du Limofin. Ie croy vous obliger
en vousfaifant part de cette Explication.
Q
Velle nouvelle Aritmétique,
Pour embarraffer les Efprits,
Vicnt fe mefler, Mercure, aux Enigmes
fans prix
De ta galante République?
Trois & quatrefont ſept, ce calcul eſt aiſe;
Les fept parts font le tout, je le comprens
encore
Sans les Nombres divins du profond Py
thagore,
Je ne m'y fuis pas abufé;
Maislors qu'il s'agit de décrire
Quellesfont ces fept parts, quel enfin eft
ce tout,
Mon Art de déchiffrer eſt tout àfait àbout,
Et je n'ay nul deffein de rire.....
du Mercure Galant.
171
Tudis quela part du milieu
Parmy nos Ennemis occupe un triple lieu.
Ces Ennemis, feroit- ce point l'Espagne,
Génesfuperbe, & la fiere Allemagne?
Mais dans ces Nations qu'eft- ce donc que
AM tu agis.IN
Troisfois?
De l' Alphabet c'est la Lettrefeptième,
Nombre mistérieux qui vaut un Diademe.
O Dieux ! fi je pouvois, toin du Peuple
Etranger,
Délivrerdu péril trois qui font en danger,
Tirer du Tombeau les trois autres
Enfevelie's fous lesflots
Au plus profonddes Eaux,
Ne meprendroit-on pas pour quelqu'un
des Apoftres?
Apoftre ou non, le miracle en eft fait.
Venez Dan, fortez eau, vous, Lettre mitoyenne
,
Placez- vous entre deux, vous formerez
fans peine
L'heureux Nom de Dangeau , qui ne
craint en effet
Pij
172
Extraordinaire
Ny périls de Fortune,
Ny la Parque commune.
Son Maistre eftantfavory d'Apollon,
Et des plus honorez dans le facré Vallon,
D'un Pinceau délicat il tracerafa gloire
Sur les mefmes Autels du Temple de Mémoire,
Et fes traits animeż
Dont nousfommes charmez,
Donneurs de vie, & de vie immortelle
L'éternifent auffi parfa Mufe fidelle.
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Résumé : Autre sur le nom de M. le Marquis de Dangeau, [titre d'après la table]
Le texte présente une énigme et son explication, attribuée à M. Bonvallon du Limosin, concernant le nom du Marquis de Dangeau. Cette énigme, publiée dans le Mercure Galant, utilise des nombres et des lettres pour décrire une situation politique. Elle mentionne 'trois & quatrefont sept' et parle des 'fept parts' et du 'tout', sans que l'auteur comprenne ces 'fept parts' sans les nombres divins de Pythagore. L'énigme évoque également des ennemis potentiels comme l'Espagne, Gênes et l'Allemagne, et une lettre de l'alphabet, la septième, qui vaut un diadème. L'auteur souhaite délivrer des périls trois personnes en danger et trois autres ensevelies sous les flots. Il mentionne un miracle accompli et la formation du nom 'Dangeau' à partir de lettres. Le Marquis de Dangeau est décrit comme ne craignant ni les périls de la fortune ni la mort commune. Son maître, favori d'Apollon et honoré dans un vallon sacré, tracera sa gloire avec un pinceau délicat sur les autels du Temple de Mémoire. Les traits animés du Marquis, sources de charme, donnent la vie et l'immortalité, éternisés par une muse fidèle.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 273-274
IV.
Début :
Scavans Esprits, Hommes capables, [...]
Mots clefs :
Esprits, Talents, Écriture, Dons, Lanterne
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texteReconnaissance textuelle : IV.
I V.
Sai ne
travaillezque pour vous, Cavans
Efprits, Hommes
capables,
Qui
Qu'avec vos beaux talens vous faites de
jaloux!
Vous les laiffez enfriche, & vous eftes
coupables.
Vous qui cachez voftre Flambeau,
Et le mettezfous le Boiffeau,
Commedit la Sainte Ecriture ;
Vous qui nefaites jamais rien
De ces grands Dons de la Nature,
Dont on peut faire tant de bien,
Vous eftes une Hapelourde,
Qu'on ne met point en oeuvre ; une molte
langueur
Que vous devez bannir, vous ôte la vigueur,
Trop bien l'on vous appelle une Lanterne
Jourde.
Toutefombre qu'elle eft, elle éclaire pourtant;
Vous ne voulez pas cependant
274
Extraordinaire
Faire voir autant de lumiere,
Et vous la cachez toute entiere.
Vous eftes des Livresfermez
Qu'on nesçauroit ouvrir, Docteurs inanimez.
GYGES, du Havre.
Sai ne
travaillezque pour vous, Cavans
Efprits, Hommes
capables,
Qui
Qu'avec vos beaux talens vous faites de
jaloux!
Vous les laiffez enfriche, & vous eftes
coupables.
Vous qui cachez voftre Flambeau,
Et le mettezfous le Boiffeau,
Commedit la Sainte Ecriture ;
Vous qui nefaites jamais rien
De ces grands Dons de la Nature,
Dont on peut faire tant de bien,
Vous eftes une Hapelourde,
Qu'on ne met point en oeuvre ; une molte
langueur
Que vous devez bannir, vous ôte la vigueur,
Trop bien l'on vous appelle une Lanterne
Jourde.
Toutefombre qu'elle eft, elle éclaire pourtant;
Vous ne voulez pas cependant
274
Extraordinaire
Faire voir autant de lumiere,
Et vous la cachez toute entiere.
Vous eftes des Livresfermez
Qu'on nesçauroit ouvrir, Docteurs inanimez.
GYGES, du Havre.
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Résumé : IV.
Le texte critique des individus doués mais paresseux, accusés de ne pas utiliser leurs talents. Ces personnes cachent leurs compétences, comparées à un flambeau sous un boisseau. Elles ne mettent pas en œuvre leurs grands dons naturels, les rendant inutiles. L'auteur les compare à des livres fermés et à des docteurs inanimés, exprimant son mécontentement face à cette inaction.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 311-312
DEVISE SUR LA STATUE de Diane trouvée en la Ville d'Arles, qui depuis plusieurs siécles y estoit cachée, & qui a esté présentée au Roy.
Début :
Cette Devise a pour corps la Lune, qui apres l'Eclipse qu'elle [...]
Mots clefs :
Statue, Lune, Éclipses, Lumière, Diane, Gloire, Esprits, Bonheur
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texteReconnaissance textuelle : DEVISE SUR LA STATUE de Diane trouvée en la Ville d'Arles, qui depuis plusieurs siécles y estoit cachée, & qui a esté présentée au Roy.
DEVISE SUR LA STATUE
de Diane trouvée en lav VVailllëe
Artes, qui depuis plufieurs
fiécles y eftoit cachée , & qui
ma efté préſentée au Royd saa
Cette Devife a pour corps la Lune,
qui apres ↳ Eclipſe qu'elle fouffre par
l'interpofition de la Terre diametralemensoppofée
entre lle & le Soleil, fe
tire de l'ombre & reçoit la lumiere
de ce mefme Aftre. Cesparoles luyfervent
d'ame , Aliena luce corufcat .
Ellesfont expliquées par ces Vers.
Pourquoy
Ourquoy ne vanter pas cette illuftre
Diane,
Cet Oraclefameux, ce Chefd'oeuvre de
l'Art;
Puis que lesbeaux Efprits yprennent.tant
de parta
.
312
Extraordinaire
3
Et n'y trouvent rien de profane?
Pendant un long filence , & fans gloire
& fans bruit,
La terreluvfervoit d'une profonde nuit,
Quoy quel Aftredujourfist toûjoursfa
carrière ;
Mais par un bonheurfans pareil,
Si- toft qu'elle voit la lumiere,
Elle prendfon éclat de celuy du Soleil
RAULT.
de Diane trouvée en lav VVailllëe
Artes, qui depuis plufieurs
fiécles y eftoit cachée , & qui
ma efté préſentée au Royd saa
Cette Devife a pour corps la Lune,
qui apres ↳ Eclipſe qu'elle fouffre par
l'interpofition de la Terre diametralemensoppofée
entre lle & le Soleil, fe
tire de l'ombre & reçoit la lumiere
de ce mefme Aftre. Cesparoles luyfervent
d'ame , Aliena luce corufcat .
Ellesfont expliquées par ces Vers.
Pourquoy
Ourquoy ne vanter pas cette illuftre
Diane,
Cet Oraclefameux, ce Chefd'oeuvre de
l'Art;
Puis que lesbeaux Efprits yprennent.tant
de parta
.
312
Extraordinaire
3
Et n'y trouvent rien de profane?
Pendant un long filence , & fans gloire
& fans bruit,
La terreluvfervoit d'une profonde nuit,
Quoy quel Aftredujourfist toûjoursfa
carrière ;
Mais par un bonheurfans pareil,
Si- toft qu'elle voit la lumiere,
Elle prendfon éclat de celuy du Soleil
RAULT.
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Résumé : DEVISE SUR LA STATUE de Diane trouvée en la Ville d'Arles, qui depuis plusieurs siécles y estoit cachée, & qui a esté présentée au Roy.
La devise sur la statue de Diane, découverte dans la vallée de Vaillèle, utilise la Lune comme symbole central. Après une éclipse, la Lune sort de l'ombre et reçoit la lumière du Soleil, illustrée par 'Aliena luce corufcat'. Les vers soulignent la grandeur de Diane et l'admiration pour cette œuvre. Le texte décrit une période de silence et d'obscurité sur Terre, suivie d'un retour à la lumière grâce au Soleil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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4
p. 73-93
Dialogue d'Apollon, & de Polimnie. [titre d'après la table]
Début :
Vous sçavez, Madame, quelle grande contestation s'est émeuë / Nous nous jettons, Seigneur, toutes à vos genoux, [...]
Mots clefs :
Apollon, Polimnie, Temps, Perrault, Gloire, Génie, Montmor, Esprits, Parnasse, Beau sexe
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Dialogue d'Apollon, & de Polimnie. [titre d'après la table]
Vous fçavez , Madame ,
quelle grande conteſtation
s'eft émeue il y a déja quelques années entre les Sçavans
Novembre 1690. G
74 MERCURE
aufujet d'un Poëme intirulé,
Le Siecle de Louis le Grand , de
Mr Perrault de l'Academic
Françoife. Le fieur Coignard,
Libraire , a donné au public
depuis ce temps-là deux Volumes du Paralelle des Anciens
des Modernes, du meſme
Auteur , & ces Ouvrages
ont efté attaquez par un Poëte
Hollandois fous le nom de
Montmor. C'eft cert Critique qui a donné lieu à M¹ de
Vin , dont vous connoiffez
T'heureux genic par plufieurs
galantes pieces que je vous en
ay déja envoyées ,de faire le
GALANT. 75
Dialogue que vous allez lire.
Il eſt entre Apollon , & la
Mufe Polimnic, qui parle au
nom de toutes les autres.
NOS
POLIMNIE.
Ous nous jettons , Seigneur ,
toutes à vos genoux,
Etnous vous demandonsjuſtice.
APOLLON.
Relevez-vous , mes Sœurs, parlez ,
expliquez- vous ,
Etfeachez qu'Apollon propice
Entre , comme il le doit , dans tous
vos interefts.
Quelsfont vos Ennemis,ou publics,
ou fecrets ?
De qui vous plaignez- vous , & quel témeraire ofe
Gij
76 MERCURE
·Sans craindre ma colere , à mesyeux
infulter
Les Filles du grand Jupiter ?
Du trouble où je vous vois quelle eft
enfin la caufe?
POLIMNIE.
Il ne falloit pas moins pour enfinir
le cours
Que l'offre de vostre fecours.
Nous allons reprendre courage ,
Et nous en craignons moins l'outrage
Qu'on nous faitdepuis quelques
jours.
Malgré l'épais broüllard , & les va
peurs groffieres
Qui couvrent en tout temps le Batave Climat,
Nous n'avons pas laiẞé d'y porter
nos lumieres.
Cependant ce Paysfombre , & tou-
' jours ingrat,
GALANT. 77
Loin de nous en montrer quelque
reconnoiffance ,
Ne ;
s'enfert qu'à nous décrier ;
Et Montmor vient de publier
Qu'il ne fort plus de nous qu'une
froide Eloquence.
Il eft vray que cet entefté
Nousfait encor l'honneur de croire
Qu'autrefois nous eûmes la gloire
D'inspirer à l'Antiquité
Ces traits vifs, cette politeffe,
Ce gouftfin , ce bonfens , cette delicatele
Qu'on voit briller dans fes ef
crits :
Mais ilfoutient que la vieilleffe
Qu'il nous donne , & qu'il traite
avec tant de mépris ,.
A fait fentir à nos efprits
La perte du beaufeu qu'avoit noftre
jeuneffe.
G`iij
78 MERCURE
ilfemble , fi l'on veut s'en rapporter
à luy ,
Que l'Hiver ait fur nous versé
toute fa glace ,
Et qu'inutilement Hefiode aujour
'dbuy
S'endormiroit fur le Parnaffe.
Tel eft l'impertinent difcours
De ceux qui fecs , &fans genie,
Sur ce qu'on voit de bon répandent
tous les jours
Le venin de leur jalousie,
Etfe vangentpar là du malbeureux
fuccés
Des fots Ouvrages qu'ils ontfaits.
Cependant fi leur medifance
Dans le monde unefois trouve quelque créance ,
Adieu les fuprêmes honneurs
Que nous ont juſqu'icy rendus tous
les Auteurs.
GALANT 79
Nous feront-ils , helas ! le moindre
Sacrifice ?
Ils en croirontplus leur caprice
Que lesfalutaires ardeurs
Qu'onpuife dans noftre fontaine,
Et nous refuferont les glorieux tributs
Qu'ils ont toujours payez àſon eaù
Souveraine.
Qui voudrafe donner la peine
D'y chercher unfecours qu'on traitera
d'abus ?
Qui nous invoquera? Perfonne
Ne s'avifera plus de nous offrir des
vœux ,
Et des beaux Arts ( quel coup! j'en
tremble, j'enfriffonne ) 1
Peut-eftre que chacun fe fera d'autres Dieux.
Il me femble déja que l'on nous
abandonne,
G iiij
80 MERCURE
Que l'on nefonge plus à nous ,
Et que nostre fejour , devenu foli- taire ,
Sans Encens fans Autels, n'eft plus
que le repaire
-Des Ours , des Lions & des Loups.
APOLLO N.
Le mai n'eft pas encorfi grand qu'on
s'imagine,
Raffeurez- vous , mes Sœurs , Montwow mor, & fes pareils ,
Pour vous nuire , tiendront d'inutiles confeils ,
Et quoy que du Parnaffe ils tententla ruine , C
Ils nefont pasfi dangereux,\
Que leurs traits mal lancez ne
retombent fur eux:
Autant, & plus que vous , leur audace m'offenfe,
Etje les traiterois comme des MarSyas
GALANT. 81
S'ils eftoient dignes de mon bras :
Maisplein d'une reconnoiffance
Qui doit confondre ces ingrats ,.
Vn de nos Favoris travaille à sa
deffenfe ,
Et Perrault que j'ayfçeu remplir de
tous mes feux,
Eft un Athlete vigoureux ,
Et tel que d'Apollon exige la vengeance.
Ils ont desjafenty ce quepefent fes
coups ;
•
Sa plume &polie , &féconde
Commence à détromper le monde
Des contes que l'onfait de vous.
Chacun fçait que de la vieilleffe
La froideur& l'infirmité.
N'attaquent point une Déeffe ,
Et qu'une éternelle jeunesse
Eft le fruit precieux de l'immortalité.
82 MERCURE
Chacun fçait que toujours &vives,
&folides ,
Vous pouvez aujourd'huy, comme
dans les vieux temps :>
Faire , malgré ces médifans ,
Des Sophocles , des Euripides,
Des Plines , des Saphos , des Longins , des Varrons ,
Des Ariftotes , des Euclides,
Des Horaces , des Thucidides ,
Des Terences , des Cicerons
Des Luciens , des Praxiteles
Des Virgiles, & des Appelles.
onfçait qu'autant de fois qu'on ver.
ra des Heros
Amateurs de nos jeux , affables ,
liberaux
Et tels qu'en poffede un la
reufe France ;
trop beuOn ne manquera pas de fublimes.
Efprits ;
GALANT.
83
Que vos feux, & leurs dons unis.
En produifent en abondance ,
Et quefans la douce efperance
D'eftre unjour honorez de ces glorieux dons ,
Plufieurs qui negligeoient vos inf
pirations ,
Auroient languy toute leur vie
Dans une molle oifiveté ;
Ce prix de leurs travaux réveille
leur genie ,
A mieux faire par là l'on fe fent
excité ,
Et chacun, cherchant à leurplaire,
Redoublefes efforts , &pour en obtenir
La recompenfe qu'il efpere ,
Leur confacre fes foins , fes veilles,
fon loifir.
On fçait ce que valut autrefois à la
Grece
84 MERCURE
D'Alexandre le Grand la prodigue
Largeffe,
Et quejamais l'efprit dans cet heureux Climat
Nefutplus éclairé , plus fort , plus
delicat.
Famais Romefe trouva-t-elle
Plus docte, plus polie, &plus Spiri- tuelle
Quefous les deux premiers Cefars ?
Cette tendreffe liberale
Que le Pere & leFils * eurentpour
les beaux Arts,
Les y fit cultiver d'une ardeur fans
égale ,
Et leurfecours peut-eftre autant que
fa valeur,
Fufqu'au point qu'on l'a veuë éleva
Ja grandeur.
Augufte fut adopté par Jules Celar.
GALANT. 85
Ne leur doit-elle pas la fameuse Eneide ,
Les Plaintes , les Amours, & les Fables d'Ovide ,
Le delicat Horaces & tant d'Auteurs
divers ,
Quifoit enProfe , foit en Vers,
Ont rendufa gloire immortelle,
Et dont le gouft fi fin fert encor de
modelle ?
Le Filsfurtout en leurfaveur
De fon Trône fouvent fe plaifoit à
defcendre.
Rome vit fans chagrin defon grand
Empereur
Fufqu'à l'excés fur eux les bienfaits
Je répandre ,
Et quelques - uns mefme d'entre
eux
Se trouverent affez heureux ,
Pourjouir de fa confidence .
86 MRECURE
Onfçait enfin que dans la France
Louis que le Cielaime , & qui nous
aime auffi ,
Aparfes Penfions , par leur douce
influence
Plus fait pour nous quejusqu'icy
N'ontfait tous ces Heros que vante
tant l'Hiftoire.
Tout grandqu'il eft , &plus qu'Alexandre & Cefar
De proteger les Arts dédaigne-t-il la
gloire,
Et ce favorable regard
Qu'iljette fur l'Academie ,
N-a-t-il pas des François porté le
beau genie
Jusqu'au point d'effacer ce que firent
jadis
Les Grecs, & les Romains quand ils
furent polis ?
C'est par là que chez eux ont brillé
les Molieres,
GALANT: 87
LesVoitures, les Ablancours,
Et qu'éclairé de vos lumieres
Voftre beau Sexe mefme y fait voir
en ces jours
Des Scuderis , des Deshoulieres.
POLIMNIE.
Ces Dames as Parnaffe, il eft vray,
font honneur ,
Et pleines qu'elles font de toute nofire ardeur,
Leurs Ecrits ſeuls devroient fuffire
Pour confondre nos Ennemis.
Ceux de Sapho font-ils plus vifs ,
ou plus polis ,
Et de ce fiecte enfin qui les force à
médire ?
APOLLON.
Tel qu'il fut autrefois Apollon l'eft
encor s
Ainfi méprifons de Montmor
L'ennuyeufe critique , la fade Satire.
88 MERCURE
•
L'opiniaftre erreur qui l'attache aux
vieux temps
N'a pour elle que peu de genss
Et chacun, quoy qu'il puiffe dire,
Ouvre, & prefte l'oreille à la voix
du bon fens.
•
Athenes, comme Rome , en a fourny
fans doute,
Mais fans prévention pour peu
que l'on l'écoute,
Croira-t-on qu'en ces lieux trouvant
trop de douceurs ,
Il n'ait pu fe refoudre à ſe produire
ailleurs ?
Lors qu'à l'antiquité ce fiecle rend
justice ,
Par quel injurieux caprice
Refufe- t-on aux beaux efprits
Qui regnent dans la France, &fur
tout dans Paris ,
Celle qui leur eft deuë ,
fi ere Athenes,
من que la
GALANT. 89
Plus équitable, que Montmor ,
Elle-mefme rendroit à tant de nobles
veines ?
Faut- il, pour le preffer plus fort,
Diffiper les fombres nuages
Doni un dépit jaloux envelope fes
yeux ,
Et, comme aux Ecoliers ; faire à cet
envieux ,
Comprendre , & remarquer la beauté
des Ouvrages
Des Racines , des Despréaux + ,
Des Patrus , des Le-Bruns , des
Mignards, des Corneilles.
Mais fans de tant d'Auteurs
nouveaux
M'étendre fur les doctes veilles,
Que ne veulent pas voir ces efprits
mécontens ,
Ou qui font au deffus de leur intelligence
Nov. 1690.
H
90 MERCURE
Sans , dis je- , perdre en vain &fa
peine , & fon temps
A leur en expliquer la force &
l'exellence ,
Perrault écrit pour Nous, & fes
heureux talens
Suffifent feuls pour prouver que
France
la
Egale en leur bon gouft les ficcles
précedens.
Sa netteté , fa politeffe ,
Ses traits vifs & brillans , fon
gouſt fin , Sajuſteſſe,
Tout cela de Montmor a fceu bleffer
les yeux.
Quels que foient ſes efforts , ſa
plume languiffante
Wepeut en approcher , c'eft en vain
qu'il le tente,
Et dans fon defefpoir , de ce lâche
envieux
GALANT. 91
La trop ingenieuſe & jalouſe
malice
Par un trop injufte artifice ,
Détournefur l'antiquitér
Le legitime encens qu'à Perrault il
refufe ,
-
Et par cefaux trait d'equîcê ,
D'en avoir peu pour luy ne craint
pas qu'on l'accufe.
On en ufa toujours ainsi ,
Et des ficcles paffez comme de celuycy
Telle fut l'adroite manie.
Horace, le plus beau genie
Que Rome vit chez elle , eut auffi
fon Montmort;
"
Tout habile qu'il fut le celebre
Mecene
A gouverner l'Empire eut mefme
moins de peine
Qu'à l'exemter de cet indignefort.
Hij
92 MERCURE
L'injustice toujours bizarre
Ne vantoit de fon temps que Sapho,
que Pindare ;
Toute la gloire eftoit pour eux,
On envioit la fienne, & ceux cy
dans la Grece ,
Lors qu'ils y prodiguoient leur fçaAvante vante richeffe ,
Ne fe virent-ils pas préferer leurs
Ayeux ?
Tant que vefcut legrand Homere,
Sur fa mendicité jetta-t- elle un
regard ?
Cette ingrate prit elle part
A fa longue &dure mifere ?
Non , ce ne fut qu'aprésfa mort
Que fept Villes en concurrence :
Difputant, mais trop tard, l'honneur
de fa naissance,
S'en firent un illustrefort.
Laiffons donc à Perrault lefoin de
noftre gloire,
GALANT 93
Nous ne pouvions la mettre en de
meilleures mains;
Et que les Filles de Memoire
Calmant leurs fenfibles chagrins,
S'appreftent au pluftoft à chanter fa
Victoire.
quelle grande conteſtation
s'eft émeue il y a déja quelques années entre les Sçavans
Novembre 1690. G
74 MERCURE
aufujet d'un Poëme intirulé,
Le Siecle de Louis le Grand , de
Mr Perrault de l'Academic
Françoife. Le fieur Coignard,
Libraire , a donné au public
depuis ce temps-là deux Volumes du Paralelle des Anciens
des Modernes, du meſme
Auteur , & ces Ouvrages
ont efté attaquez par un Poëte
Hollandois fous le nom de
Montmor. C'eft cert Critique qui a donné lieu à M¹ de
Vin , dont vous connoiffez
T'heureux genic par plufieurs
galantes pieces que je vous en
ay déja envoyées ,de faire le
GALANT. 75
Dialogue que vous allez lire.
Il eſt entre Apollon , & la
Mufe Polimnic, qui parle au
nom de toutes les autres.
NOS
POLIMNIE.
Ous nous jettons , Seigneur ,
toutes à vos genoux,
Etnous vous demandonsjuſtice.
APOLLON.
Relevez-vous , mes Sœurs, parlez ,
expliquez- vous ,
Etfeachez qu'Apollon propice
Entre , comme il le doit , dans tous
vos interefts.
Quelsfont vos Ennemis,ou publics,
ou fecrets ?
De qui vous plaignez- vous , & quel témeraire ofe
Gij
76 MERCURE
·Sans craindre ma colere , à mesyeux
infulter
Les Filles du grand Jupiter ?
Du trouble où je vous vois quelle eft
enfin la caufe?
POLIMNIE.
Il ne falloit pas moins pour enfinir
le cours
Que l'offre de vostre fecours.
Nous allons reprendre courage ,
Et nous en craignons moins l'outrage
Qu'on nous faitdepuis quelques
jours.
Malgré l'épais broüllard , & les va
peurs groffieres
Qui couvrent en tout temps le Batave Climat,
Nous n'avons pas laiẞé d'y porter
nos lumieres.
Cependant ce Paysfombre , & tou-
' jours ingrat,
GALANT. 77
Loin de nous en montrer quelque
reconnoiffance ,
Ne ;
s'enfert qu'à nous décrier ;
Et Montmor vient de publier
Qu'il ne fort plus de nous qu'une
froide Eloquence.
Il eft vray que cet entefté
Nousfait encor l'honneur de croire
Qu'autrefois nous eûmes la gloire
D'inspirer à l'Antiquité
Ces traits vifs, cette politeffe,
Ce gouftfin , ce bonfens , cette delicatele
Qu'on voit briller dans fes ef
crits :
Mais ilfoutient que la vieilleffe
Qu'il nous donne , & qu'il traite
avec tant de mépris ,.
A fait fentir à nos efprits
La perte du beaufeu qu'avoit noftre
jeuneffe.
G`iij
78 MERCURE
ilfemble , fi l'on veut s'en rapporter
à luy ,
Que l'Hiver ait fur nous versé
toute fa glace ,
Et qu'inutilement Hefiode aujour
'dbuy
S'endormiroit fur le Parnaffe.
Tel eft l'impertinent difcours
De ceux qui fecs , &fans genie,
Sur ce qu'on voit de bon répandent
tous les jours
Le venin de leur jalousie,
Etfe vangentpar là du malbeureux
fuccés
Des fots Ouvrages qu'ils ontfaits.
Cependant fi leur medifance
Dans le monde unefois trouve quelque créance ,
Adieu les fuprêmes honneurs
Que nous ont juſqu'icy rendus tous
les Auteurs.
GALANT 79
Nous feront-ils , helas ! le moindre
Sacrifice ?
Ils en croirontplus leur caprice
Que lesfalutaires ardeurs
Qu'onpuife dans noftre fontaine,
Et nous refuferont les glorieux tributs
Qu'ils ont toujours payez àſon eaù
Souveraine.
Qui voudrafe donner la peine
D'y chercher unfecours qu'on traitera
d'abus ?
Qui nous invoquera? Perfonne
Ne s'avifera plus de nous offrir des
vœux ,
Et des beaux Arts ( quel coup! j'en
tremble, j'enfriffonne ) 1
Peut-eftre que chacun fe fera d'autres Dieux.
Il me femble déja que l'on nous
abandonne,
G iiij
80 MERCURE
Que l'on nefonge plus à nous ,
Et que nostre fejour , devenu foli- taire ,
Sans Encens fans Autels, n'eft plus
que le repaire
-Des Ours , des Lions & des Loups.
APOLLO N.
Le mai n'eft pas encorfi grand qu'on
s'imagine,
Raffeurez- vous , mes Sœurs , Montwow mor, & fes pareils ,
Pour vous nuire , tiendront d'inutiles confeils ,
Et quoy que du Parnaffe ils tententla ruine , C
Ils nefont pasfi dangereux,\
Que leurs traits mal lancez ne
retombent fur eux:
Autant, & plus que vous , leur audace m'offenfe,
Etje les traiterois comme des MarSyas
GALANT. 81
S'ils eftoient dignes de mon bras :
Maisplein d'une reconnoiffance
Qui doit confondre ces ingrats ,.
Vn de nos Favoris travaille à sa
deffenfe ,
Et Perrault que j'ayfçeu remplir de
tous mes feux,
Eft un Athlete vigoureux ,
Et tel que d'Apollon exige la vengeance.
Ils ont desjafenty ce quepefent fes
coups ;
•
Sa plume &polie , &féconde
Commence à détromper le monde
Des contes que l'onfait de vous.
Chacun fçait que de la vieilleffe
La froideur& l'infirmité.
N'attaquent point une Déeffe ,
Et qu'une éternelle jeunesse
Eft le fruit precieux de l'immortalité.
82 MERCURE
Chacun fçait que toujours &vives,
&folides ,
Vous pouvez aujourd'huy, comme
dans les vieux temps :>
Faire , malgré ces médifans ,
Des Sophocles , des Euripides,
Des Plines , des Saphos , des Longins , des Varrons ,
Des Ariftotes , des Euclides,
Des Horaces , des Thucidides ,
Des Terences , des Cicerons
Des Luciens , des Praxiteles
Des Virgiles, & des Appelles.
onfçait qu'autant de fois qu'on ver.
ra des Heros
Amateurs de nos jeux , affables ,
liberaux
Et tels qu'en poffede un la
reufe France ;
trop beuOn ne manquera pas de fublimes.
Efprits ;
GALANT.
83
Que vos feux, & leurs dons unis.
En produifent en abondance ,
Et quefans la douce efperance
D'eftre unjour honorez de ces glorieux dons ,
Plufieurs qui negligeoient vos inf
pirations ,
Auroient languy toute leur vie
Dans une molle oifiveté ;
Ce prix de leurs travaux réveille
leur genie ,
A mieux faire par là l'on fe fent
excité ,
Et chacun, cherchant à leurplaire,
Redoublefes efforts , &pour en obtenir
La recompenfe qu'il efpere ,
Leur confacre fes foins , fes veilles,
fon loifir.
On fçait ce que valut autrefois à la
Grece
84 MERCURE
D'Alexandre le Grand la prodigue
Largeffe,
Et quejamais l'efprit dans cet heureux Climat
Nefutplus éclairé , plus fort , plus
delicat.
Famais Romefe trouva-t-elle
Plus docte, plus polie, &plus Spiri- tuelle
Quefous les deux premiers Cefars ?
Cette tendreffe liberale
Que le Pere & leFils * eurentpour
les beaux Arts,
Les y fit cultiver d'une ardeur fans
égale ,
Et leurfecours peut-eftre autant que
fa valeur,
Fufqu'au point qu'on l'a veuë éleva
Ja grandeur.
Augufte fut adopté par Jules Celar.
GALANT. 85
Ne leur doit-elle pas la fameuse Eneide ,
Les Plaintes , les Amours, & les Fables d'Ovide ,
Le delicat Horaces & tant d'Auteurs
divers ,
Quifoit enProfe , foit en Vers,
Ont rendufa gloire immortelle,
Et dont le gouft fi fin fert encor de
modelle ?
Le Filsfurtout en leurfaveur
De fon Trône fouvent fe plaifoit à
defcendre.
Rome vit fans chagrin defon grand
Empereur
Fufqu'à l'excés fur eux les bienfaits
Je répandre ,
Et quelques - uns mefme d'entre
eux
Se trouverent affez heureux ,
Pourjouir de fa confidence .
86 MRECURE
Onfçait enfin que dans la France
Louis que le Cielaime , & qui nous
aime auffi ,
Aparfes Penfions , par leur douce
influence
Plus fait pour nous quejusqu'icy
N'ontfait tous ces Heros que vante
tant l'Hiftoire.
Tout grandqu'il eft , &plus qu'Alexandre & Cefar
De proteger les Arts dédaigne-t-il la
gloire,
Et ce favorable regard
Qu'iljette fur l'Academie ,
N-a-t-il pas des François porté le
beau genie
Jusqu'au point d'effacer ce que firent
jadis
Les Grecs, & les Romains quand ils
furent polis ?
C'est par là que chez eux ont brillé
les Molieres,
GALANT: 87
LesVoitures, les Ablancours,
Et qu'éclairé de vos lumieres
Voftre beau Sexe mefme y fait voir
en ces jours
Des Scuderis , des Deshoulieres.
POLIMNIE.
Ces Dames as Parnaffe, il eft vray,
font honneur ,
Et pleines qu'elles font de toute nofire ardeur,
Leurs Ecrits ſeuls devroient fuffire
Pour confondre nos Ennemis.
Ceux de Sapho font-ils plus vifs ,
ou plus polis ,
Et de ce fiecte enfin qui les force à
médire ?
APOLLON.
Tel qu'il fut autrefois Apollon l'eft
encor s
Ainfi méprifons de Montmor
L'ennuyeufe critique , la fade Satire.
88 MERCURE
•
L'opiniaftre erreur qui l'attache aux
vieux temps
N'a pour elle que peu de genss
Et chacun, quoy qu'il puiffe dire,
Ouvre, & prefte l'oreille à la voix
du bon fens.
•
Athenes, comme Rome , en a fourny
fans doute,
Mais fans prévention pour peu
que l'on l'écoute,
Croira-t-on qu'en ces lieux trouvant
trop de douceurs ,
Il n'ait pu fe refoudre à ſe produire
ailleurs ?
Lors qu'à l'antiquité ce fiecle rend
justice ,
Par quel injurieux caprice
Refufe- t-on aux beaux efprits
Qui regnent dans la France, &fur
tout dans Paris ,
Celle qui leur eft deuë ,
fi ere Athenes,
من que la
GALANT. 89
Plus équitable, que Montmor ,
Elle-mefme rendroit à tant de nobles
veines ?
Faut- il, pour le preffer plus fort,
Diffiper les fombres nuages
Doni un dépit jaloux envelope fes
yeux ,
Et, comme aux Ecoliers ; faire à cet
envieux ,
Comprendre , & remarquer la beauté
des Ouvrages
Des Racines , des Despréaux + ,
Des Patrus , des Le-Bruns , des
Mignards, des Corneilles.
Mais fans de tant d'Auteurs
nouveaux
M'étendre fur les doctes veilles,
Que ne veulent pas voir ces efprits
mécontens ,
Ou qui font au deffus de leur intelligence
Nov. 1690.
H
90 MERCURE
Sans , dis je- , perdre en vain &fa
peine , & fon temps
A leur en expliquer la force &
l'exellence ,
Perrault écrit pour Nous, & fes
heureux talens
Suffifent feuls pour prouver que
France
la
Egale en leur bon gouft les ficcles
précedens.
Sa netteté , fa politeffe ,
Ses traits vifs & brillans , fon
gouſt fin , Sajuſteſſe,
Tout cela de Montmor a fceu bleffer
les yeux.
Quels que foient ſes efforts , ſa
plume languiffante
Wepeut en approcher , c'eft en vain
qu'il le tente,
Et dans fon defefpoir , de ce lâche
envieux
GALANT. 91
La trop ingenieuſe & jalouſe
malice
Par un trop injufte artifice ,
Détournefur l'antiquitér
Le legitime encens qu'à Perrault il
refufe ,
-
Et par cefaux trait d'equîcê ,
D'en avoir peu pour luy ne craint
pas qu'on l'accufe.
On en ufa toujours ainsi ,
Et des ficcles paffez comme de celuycy
Telle fut l'adroite manie.
Horace, le plus beau genie
Que Rome vit chez elle , eut auffi
fon Montmort;
"
Tout habile qu'il fut le celebre
Mecene
A gouverner l'Empire eut mefme
moins de peine
Qu'à l'exemter de cet indignefort.
Hij
92 MERCURE
L'injustice toujours bizarre
Ne vantoit de fon temps que Sapho,
que Pindare ;
Toute la gloire eftoit pour eux,
On envioit la fienne, & ceux cy
dans la Grece ,
Lors qu'ils y prodiguoient leur fçaAvante vante richeffe ,
Ne fe virent-ils pas préferer leurs
Ayeux ?
Tant que vefcut legrand Homere,
Sur fa mendicité jetta-t- elle un
regard ?
Cette ingrate prit elle part
A fa longue &dure mifere ?
Non , ce ne fut qu'aprésfa mort
Que fept Villes en concurrence :
Difputant, mais trop tard, l'honneur
de fa naissance,
S'en firent un illustrefort.
Laiffons donc à Perrault lefoin de
noftre gloire,
GALANT 93
Nous ne pouvions la mettre en de
meilleures mains;
Et que les Filles de Memoire
Calmant leurs fenfibles chagrins,
S'appreftent au pluftoft à chanter fa
Victoire.
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Résumé : Dialogue d'Apollon, & de Polimnie. [titre d'après la table]
En novembre 1690, une controverse majeure a éclaté entre les savants à propos du poème 'Le Siècle de Louis le Grand' de Charles Perrault. Ce poème, publié par le libraire Coignard, a suscité des critiques, notamment de la part d'un poète hollandais se faisant appeler Montmor. Cette critique a incité M. de Vin à écrire un dialogue intitulé 'Le Galant Dialogue', impliquant Apollon et la Muse Polymnie. Dans ce dialogue, les Muses se plaignent à Apollon des attaques dont elles sont victimes, notamment de la part de Montmor, qui les accuse de froide éloquence et de vieillesse. Elles expriment leur frustration face à l'ingratitude des Pays-Bas, malgré leurs efforts pour y apporter la lumière. Apollon les rassure en leur affirmant que leurs ennemis ne sont pas aussi puissants qu'ils le croient et que leur talent est toujours vivant. Apollon mentionne également que Perrault, un de ses favoris, travaille à défendre les Muses et à prouver que la littérature moderne peut égaler l'antiquité. Il cite des exemples de grands écrivains et artistes anciens et modernes pour illustrer la persistance de la créativité et du génie. Apollon souligne également le soutien des grands souverains, comme Alexandre, César et Auguste, aux arts, et compare leur patronage à celui de Louis XIV en France. Le dialogue se termine par une défense vigoureuse de la littérature moderne et une critique des préjugés en faveur de l'antiquité. Apollon encourage les Muses à mépriser les critiques de Montmor et à continuer de briller par leur talent.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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5
p. 92-93
Monseigneur le Duc de Bourgogne. [titre d'après la table]
Début :
Pour faire connoistre quel est l'objet de mon émulation, [...]
Mots clefs :
Esprits, Émulation, Duc de Bourgogne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Monseigneur le Duc de Bourgogne. [titre d'après la table]
Quelqueagrément
que je puissejetter dans
mon Livre par des Poësies
galantes& badines)
on me dira qu'il faut des
Pieces solides pour contenter
les esprits solides.
Je ne le sçay que trop;
mon unique ambition
serois d'amuser par quelque
ouvrage sublime cet
esprit véritablement solide
dont la pénétration
& l'étendue nese fait
qu'un Jeu des Sciences
les plus profondes.
Pour faire connoistre
quel estl'objet de mon
émulation
)
il n'est pas
neccessaire que je prononce
son grand nom. On
fait qu'il est entre les
esprits du premier ordre,
ce qu'il est entre les Princes
du premier rang.
Quoy donc, parce que
je n'ay rien icy qui merite
l'attention de ce grand
Piiiice, n'honorera -t - il
point mes Bagatelles
'(j'un coup d'oeil. Ce seul
coupd'oeil feroit la fortune
de mon Livre, 6C
donneroit à l'Auteur
tant d'émulation qù-il,
seroit à coup feur son sécond
Livre plus solide,
que le premier.
que je puissejetter dans
mon Livre par des Poësies
galantes& badines)
on me dira qu'il faut des
Pieces solides pour contenter
les esprits solides.
Je ne le sçay que trop;
mon unique ambition
serois d'amuser par quelque
ouvrage sublime cet
esprit véritablement solide
dont la pénétration
& l'étendue nese fait
qu'un Jeu des Sciences
les plus profondes.
Pour faire connoistre
quel estl'objet de mon
émulation
)
il n'est pas
neccessaire que je prononce
son grand nom. On
fait qu'il est entre les
esprits du premier ordre,
ce qu'il est entre les Princes
du premier rang.
Quoy donc, parce que
je n'ay rien icy qui merite
l'attention de ce grand
Piiiice, n'honorera -t - il
point mes Bagatelles
'(j'un coup d'oeil. Ce seul
coupd'oeil feroit la fortune
de mon Livre, 6C
donneroit à l'Auteur
tant d'émulation qù-il,
seroit à coup feur son sécond
Livre plus solide,
que le premier.
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Résumé : Monseigneur le Duc de Bourgogne. [titre d'après la table]
L'auteur souhaite créer des œuvres littéraires pour des esprits exigeants. Il aspire à produire un ouvrage sublime et solide. Il espère l'attention d'une figure illustre, dont un simple regard suffirait à valoriser son livre et l'encourager à écrire un second ouvrage.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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6
p. 40-48
Sur le Delire melancolique.
Début :
Monsieur Vieussens le fils a expliqué le délire mélancolique par [...]
Mots clefs :
Mélancolie, Délire, Centre ovale, Esprit, Esprits
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Sur le Delire melancolique.
SurleDelire mélancolique.
riMonfieur VieufTcnsle
fils
fils a expliqué le délire
mélancolique par une
supposït ion nouvelle
assez curieuse.Ilétablit
le siege des fonctions de
l'esprit dans le centre ovale,&
non pas dans la
glande pineale, comme
l'a imaginé Mr Descartes.
Je ne sçaurois. mieux
faire que de trauscrire
icy les proprestermes de
Mrde Fontenelle,l'Hypothesede
Mr Vieussens
ne sçauroit-estre expliquéed'unemaniéré
plus
nette & plus abrégée.
„ Selon les découvertes &
„ le sistéme de Mr Vieussens
3,
le pere qui a pousse fort
,,
loin les recherches anato-
„ miques
,
le centre ovale
„ est un tiilù de petits Vais-
„ feaux très deilez.qui com-
„ muniquent tous les uns
„ avecles autres par une „infinité d'autres petits
y>
Vaisseaux encore infini- *
_„menc plus dcHez) que
,, produisenttous lespoints
de leur surface extérieure,
C'cll dans les premiers de .(C
ces petits Vaisseaux que le cc
fang arteriel se subtilise»
au point de deveniresprit“
animal
, & il coule dans »
les séconds fous la forme cc
l'esprit. Au dedans dece cr
nombre prodigieux decc
tuyaux presqueabsolu- »
ment imperceptibles, se <c
sont tous les mouvemens“
aufqucls répondent des»
idées, & les impressions«
queces mouvemens y lais- «
sent, font les traces cjuicc
l'apellent lesidéesque l'on «
a déjà eues. fÇ
Il ne faut pas oublier
„ que le centre ovale se
trouveplacé à l'origine
„ des nerfs; ce qui favorise
„ beaucoup la fonction
yy
qu'on lui donne icy.
„ Si cette méchanique est
3J une foisadmise,il estaisé
„ d'imaginer que la fanté
"de l'esprit ( en ce qu'elle a de mareriel) dépend de
„ la regularité,del'égalité.
J,
de la liberté du cours des
„ cfprits dans ces petits ca..
”naux. S'ilyenalaplupart
,,
d'affaissez,comme pen-
1)
dant le sommeil, les es.
pries qui coulentdans V*
ceux quirelient fortuitement
ouverts revei1illcnt."
au hasard des idées, en-cc
tre lesquelles il n'yale le'
plus souvent aucune liai- c,
son, & que l'ame ne laisse cc
pas d'assembler faute d'en Ct
avoir en même temps<e
d'autres qui lui en fassent
voir l'incompatibilité. Si ce
au contraire tous les pe- cc
tits tuyaux sont ouverts,
& que les esprits s'y por- cC
tenten trop grande abon- Cf
dance & avec une" trop ”
grande rapidité, il fc re:
#)
veille à la fois une foui*
J)
d'idées très-vives, que
„ l'ame n'a pas le temps de
J'
distinguer nyde compa-
9y
rer,&c'estlà la frenesie.
”S'il ya feulement dans
J)
quelques petits tuyaux “uneobstruction telle que
„ lesespritscessent d'ycou-
„ 1er, les idées qui yétoientf
”attachées sont absolu-
„ment perduës pour l'ame,
y, &ellen'en peut plusfaire
„aucune usage dans ses
,, operations,de forte qu'eU
vle portera un jugemen t
„iafenfé toutes les fois
que ces idées lui auront cc
esté necessaires pouren se
former un raisonnable.”
Hors de là tous ses jugc-.cc
mens feront fains. CVftl*
là le delire melancolique. t€
MrVieussens a fait voir”
combien sa supposition Cr'
saccorde avec tout ce qui”
s'observe dans cette ma- <e
ladie. Puisquellevient”
d'une obstruction ; elle cr
ca produite par un fang <f
trop épais & trop lent, ”
aussi n'd- t on point de t€
fiévre. Ceux qui habitent c,
les Pays chauds, &dont cC
„ le sang èst dépouillée de
- „ ses parties lesplus subti-
„ les par unetrop grande
» transpiration ; ceux qui
9)
usentd'alimenstropgros-
,,
siers ; ceux qui ontesté
>Y
frapez de quelque grande
„ crainte, &c. doivent eftrc
plus sujetsaudelire me- „,lancoliqueNousn'entre-
,y rons point dans unplus
„grand dénombrement»,
„iliroit peut-estre trop
loin ; il n'y a guerrede
>y
teste si saine, où il n'y ait
quelque petit tuyau du
„,centre Ovale bien bou-
„ché.
riMonfieur VieufTcnsle
fils
fils a expliqué le délire
mélancolique par une
supposït ion nouvelle
assez curieuse.Ilétablit
le siege des fonctions de
l'esprit dans le centre ovale,&
non pas dans la
glande pineale, comme
l'a imaginé Mr Descartes.
Je ne sçaurois. mieux
faire que de trauscrire
icy les proprestermes de
Mrde Fontenelle,l'Hypothesede
Mr Vieussens
ne sçauroit-estre expliquéed'unemaniéré
plus
nette & plus abrégée.
„ Selon les découvertes &
„ le sistéme de Mr Vieussens
3,
le pere qui a pousse fort
,,
loin les recherches anato-
„ miques
,
le centre ovale
„ est un tiilù de petits Vais-
„ feaux très deilez.qui com-
„ muniquent tous les uns
„ avecles autres par une „infinité d'autres petits
y>
Vaisseaux encore infini- *
_„menc plus dcHez) que
,, produisenttous lespoints
de leur surface extérieure,
C'cll dans les premiers de .(C
ces petits Vaisseaux que le cc
fang arteriel se subtilise»
au point de deveniresprit“
animal
, & il coule dans »
les séconds fous la forme cc
l'esprit. Au dedans dece cr
nombre prodigieux decc
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ment imperceptibles, se <c
sont tous les mouvemens“
aufqucls répondent des»
idées, & les impressions«
queces mouvemens y lais- «
sent, font les traces cjuicc
l'apellent lesidéesque l'on «
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Il ne faut pas oublier
„ que le centre ovale se
trouveplacé à l'origine
„ des nerfs; ce qui favorise
„ beaucoup la fonction
yy
qu'on lui donne icy.
„ Si cette méchanique est
3J une foisadmise,il estaisé
„ d'imaginer que la fanté
"de l'esprit ( en ce qu'elle a de mareriel) dépend de
„ la regularité,del'égalité.
J,
de la liberté du cours des
„ cfprits dans ces petits ca..
”naux. S'ilyenalaplupart
,,
d'affaissez,comme pen-
1)
dant le sommeil, les es.
pries qui coulentdans V*
ceux quirelient fortuitement
ouverts revei1illcnt."
au hasard des idées, en-cc
tre lesquelles il n'yale le'
plus souvent aucune liai- c,
son, & que l'ame ne laisse cc
pas d'assembler faute d'en Ct
avoir en même temps<e
d'autres qui lui en fassent
voir l'incompatibilité. Si ce
au contraire tous les pe- cc
tits tuyaux sont ouverts,
& que les esprits s'y por- cC
tenten trop grande abon- Cf
dance & avec une" trop ”
grande rapidité, il fc re:
#)
veille à la fois une foui*
J)
d'idées très-vives, que
„ l'ame n'a pas le temps de
J'
distinguer nyde compa-
9y
rer,&c'estlà la frenesie.
”S'il ya feulement dans
J)
quelques petits tuyaux “uneobstruction telle que
„ lesespritscessent d'ycou-
„ 1er, les idées qui yétoientf
”attachées sont absolu-
„ment perduës pour l'ame,
y, &ellen'en peut plusfaire
„aucune usage dans ses
,, operations,de forte qu'eU
vle portera un jugemen t
„iafenfé toutes les fois
que ces idées lui auront cc
esté necessaires pouren se
former un raisonnable.”
Hors de là tous ses jugc-.cc
mens feront fains. CVftl*
là le delire melancolique. t€
MrVieussens a fait voir”
combien sa supposition Cr'
saccorde avec tout ce qui”
s'observe dans cette ma- <e
ladie. Puisquellevient”
d'une obstruction ; elle cr
ca produite par un fang <f
trop épais & trop lent, ”
aussi n'd- t on point de t€
fiévre. Ceux qui habitent c,
les Pays chauds, &dont cC
„ le sang èst dépouillée de
- „ ses parties lesplus subti-
„ les par unetrop grande
» transpiration ; ceux qui
9)
usentd'alimenstropgros-
,,
siers ; ceux qui ontesté
>Y
frapez de quelque grande
„ crainte, &c. doivent eftrc
plus sujetsaudelire me- „,lancoliqueNousn'entre-
,y rons point dans unplus
„grand dénombrement»,
„iliroit peut-estre trop
loin ; il n'y a guerrede
>y
teste si saine, où il n'y ait
quelque petit tuyau du
„,centre Ovale bien bou-
„ché.
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Résumé : Sur le Delire melancolique.
Le texte aborde le délire mélancolique et la théorie de Raymond Vieussens, un anatomiste. Contrairement à René Descartes, qui situait les fonctions de l'esprit dans la glande pinéale, Vieussens les localise dans le centre ovale du cerveau. Ce centre est composé de petits vaisseaux délicats interconnectés par des vaisseaux encore plus minuscules. Le sang artériel se transforme en esprit animal dans ces vaisseaux et circule sous cette forme. Les émotions intenses, telles que la peur, peuvent obstruer ces vaisseaux, augmentant ainsi la susceptibilité au délire mélancolique. Le texte précise que presque toutes les personnes présentent au moins un petit vaisseau du centre ovale obstrué.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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7
p. 1-72
BULLE D'OR. Au nom de la sainte & indivisible Trinité. Ainsi soit-il.
Début :
CHARLES par la grace de Dieu Empereur des Romains, toûjours [...]
Mots clefs :
Dieu, Saint, Empereur, Bulle d'Or, Prince, Esprits, Électeurs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : BULLE D'OR. Au nom de la sainte & indivisible Trinité. Ainsi soit-il.
BULLED'OR.
/lunom de lasainte c3- indivisible
Trinité. Ainsisoit-il. cH ARLES par la grace
de Dieu Empereur des
Romains, toujours Auguste
& Roy de Boheme ; à la mémoire
perpetuelle de lamofc-"
Tout Royaume divisé en foimême
fera desolé : & parce
que Ces Princes Ce sont faits
compagnons de voleurs, Dieu
a répandu parmi eux un esprit
d'étourdissement & de veritige
, afin qu'ils marchent
comme à tâtons enpleinmidi
d£nïcme<Jues'ils-efloient au
milieudesténèbres ; il a osté
leurs chandeliers du lieu où
ils estoient,afin qu'ils soient
aveugles & conducteurs d'aveugles.
Et en effet, ceux qui
marchent dans l'obscurité Ce
heurtent; &c'est dans la division
que les aveuglesdtpten..
dement commettentdes mê'.
chancetez. Dis, Orguëil,
comment aurois-tu regné en Lucifer, si tu n'avois appelle laDissention à ton secours?
Dis, Satan envieux commënt
aurois-tuchassé Adam du Paradis
, si tune l'avois détourné
de l'obéïssance qu'il devoit
à son Createur? Dis, Colere,
comment aurois-tu détruit la
Republique Romaine,situne
t'etois servi de laDivision
pour animerPompée.& Jules
à une guerre intestine
,
l'une
çpnçre l'autre; Dis, Luxure,
comment aurois-tu ruiné les
Troyens
,
si tu n'avois separé
Helened'avec sonMary? Mais
toi,Envie,combien de foist'éstuefforcée
de ruiner par laditvHion
l'Empire Chrestien que
Dieu a fondé sur les trois Vertus
Theologales, la Foi,l'Esperance,
&la Charité
, comme sur,unefainteindivisible
Trinité,vomissant le vieux
venin de la dissention parmi
lessept Electeurs, qui sontles
colomnes & les principaux
Membres du saint Empire,
fc par l'éclat defquçls le saint
Empire doit estreéclairé,
Icomme-e, par sept flalnbea'Ux'¡
dont la lumiere elt fortiifés
par l'union dessept Dons du
Saint-Esprit? C'est pourquoy
estant obligez ,tant à cause
du devoir quenousimpose la
Dignité Imperiale dont nous
sommesrevêtus; que pour
maintenirnostreDroit d'Elec.
tear entant que Roy de Bohême
,
d'aller au-devant desdangereufes
suites que les divisions&
dissentions poudroient
faire naître à l'avenir entre les
ËJë&eùrsdont noussommes
dunombre;Nous, àprésavoir
tnetirement délibéréen fioifoè
Cour& Assemblée solemnelle
de Nurenrberg
, en presence
detousles Princes Elecmn.
5 Eccelesiastiques &: Seculiers,
& autresPrinces, COIntes,
Barons, Seigneurs, Gentilshommes,
& Villes, éstant
assis dansle Trône Imperial,
revestu des Habits, Impériaux,
.aveC" les ornemens en main
Il laCouronne sur la telle,
par laplenitudedelaPuissançe
Imperiale,avons fait &publie
parcet Editferme&irrevocable
les Loix suivantes
,
pour cultiver l'unionentre les
fcie&eurs
5
établiruneforme
d'Election unanime, &fermertout
cheminà cette divijinn
detestable&aux dangers
extrêmes quila suivent. Don-
- né l'andu Seigneur mille trois
cent cinquante-six
,
li-ididionneuviéme
le dixiéme Janvier,
de nostre regne le dixieme
,
te de nostre Empirele cond. tond.
ARTICLE PREMIEK,
-
Commenté*farquiUsEleftcufs
, doivent efireconduitsau Ikté
oùsefera l'Election du ROf
des Romains. -'- NOUS declarons & ordonnons
par le present
EdIt Impérial, qui durera
éternellement, de nôtre cer.
taine Science, pleine Puissance,
& Autorité Inlperiale)
Que toutes les fois qu'il arrivera
à l'avenir necessité ou
occasion d'élire un Roy des
Romains pour être Empereur,
& que les Ele&p^irs^'
suivant l'ancienne & louable
coustume
, auront à faire
voyage au sujet de telleElection,
chaquePrince Electeur
fera obligé en étant requis,
de faire conduire &escorter
{ùrçlpcnt & sans fraude par ses
Pays,Terres&lieux,&plus
loin même s'il peut, tous
ses co-Electeurs ou leurs Députez,
vers laVille où l'Election
se devra faire, tant en
allant qu'en retournant; sous
peinede parjure, &: deperdre
( mais pour cette foisseulement
) la voix &: le suffrage
qu'il devoit avoir dans
cette Election,déclarant celui
ou ceux qui se serontrendus
encecinegligens ou rebelles
avoir encouru dés-lors lesdites
peines, sans qu'il foie
besoin d'autre Déclaration
que la Presente.
§. 2. Nous ordonnons de
plus, & mandons à tous les
autres Princes qui tiennent
desFiefs du saint Empire ROH
main, quelque nom qu'ils
puissent avoir;comme aussi
à tous Comtes, Barons, Gens
de guerre & Vassaux
, tant
Nobles que non Nobles, Bourgeois & Communautés
de Bourgs,deVilles &dè
tous autres lieux du saint Empire,
qu'ils ayent ,
lorsqu'il
s'agira de procéder à l'Election
d'un Roi des Romains
pourêtreEmpereur,àcon8c
sans fraude, comme il a
estédit, par leurs Territoires
&:. ailleurs ,le plus loin qu'il
se pourra, chaque Prince
Electeur,oulesDéputez qu'il
envoyera àl'Election ,pour
lesquels aussi bien que pour
lui il leur aura demande ou
a aucun d'eux tel sauf-conduit
; '&-en cas que quelqu'un
ait la présomption de contrevenir
à nostre presenteOrdonnance,
qu'il encoure aussi
toutes les peines suivantes :
sçavoir
, en casde contravention
par les Princes, Comtes,
Barons,Gentilshommes, Gens
de guerre & Vassaux
,
la peine
de parjure, & la privation
de tous les Fiefs qu'ils tiennent
dusaint Empire Romaia
&de tousautres quelconque;
comme aussi de toutesleurs
autres possessionsdequelque
nature qu'elles soienn! Età
l'égard des Communautez &£
Bourgeois contrevenans àce
que dessus
,
qu'ils soient aum
reputez parjures, & qu'avec
cela ils soient privez de tous
les Droits
,
Libertez, Privileges
&: Graces qu'ils ont obtenuës
du. saint Empire, ôc
encourent en leurs Personnes
& en leurs biens, le Banc ÔC
la proscription Imperiale ;&
c'est pourquoy nous les privons
dés-à- present, comme
pour lors, le cas arrivant, de
tous Droits quelconques. Permettons
aussi à tous& un
chacun de courte fus aux
proscrits& de les attaquer,
offenser Se outrager impunémentd'autorité
privée ,sans
pour ce demander autre permiïïibri
des Magistrats,ny
avoirà craindre aucune pum-*
tion de la part de l'Empire ,
ou de quelqu'autre que ce
soit, attendu que lesdits prof.
crits font convaincus du crime
de felonie envers la Republique,
l'Etat &: la Dignité du
saint Empire, & même contre
leur honneur & leur salut ,
ayant méprisé temerairement
èc comme rebelles, desobéïssans
&traîtres, une chose si
importante au bien public.
- §. 3. Nous ordonnons
mandons aussi aux Bourgeois
de toutes les Villes, & aux
Communautez, de vendreou
faire vendre à chaque Electeur
ouà leurs Deputez pour
l'Election, tant en allant qu'en
retournant, à prixraisonnable
& sans fraude, les vivres
&: autres choses dont ils aiiront
besoin pour eux & pour
ceux de leur fuite;le tout fous
les mêmes peines ci
-
dessus
mentionnées à l'égard desdits
Bourgeois & Communautez
,
que nous declarons par eux
encouruës de fait.
§. 4. Que si quelque Prince,
Comte, Baron, Homme de
guerre, Vassal Noble ou Inoble,
Bourgeois ou Communauté
de Villes, estoit assez
temeraire pour apporter quel*
que empêchement ou tendre
quelques embûches aux
teurs ou à leurs Deputez allant
pour l'Election d'un Roy
des Romainsou en revenant,
&les attaquer, offenser ou inquieter
en leurs perfonncs
eu en celles de leurs domestiques
, suite
, ou même en
leurséquipages, soit qu'ils
eussent demandé le fau£-cor&-
duit ordinaire
,
soit qu'ils
n'eussent pas jugé à propos de
le demander:Nous déclarons
celuy-là& tous ses complices,
avoir encouru de fait les susdites
peines, felon la qualité
des personnes
,
ainsi qu'il est
ci-dessus marque.
§. 5. Et même si un Prince
Electeuravoit quelqueinimitié
,
différentou procésavec
quelqu'unde ses Collègues>
cette querelle ne le doit point
empêcher de donner,enestant
requis,laditeconduite ôcef*
corte à l'autre ou à ses Députcz
pour ladite Elçéhop
,
à
peine de parjure & de perdre
sa voix en l'Election pour cette
fois-làseulement,comme ii.g
,esté dit ci-dessus.
§.6.Commeaussi,silesautres
Princes, Comtes, Barons,
Gens de guerre, Vaflfauî*
Nobles,& Inobles,Bourgeois
&: Communautez des-Ville$
vouloient du malà quelque
Electeur ou à plusieurs
, ou
s'il y avoirquelque diiïerenç
ou guerre entr'eux, ils ne laisferont
pas,sans contradiction
pu fraude aucune,deconduire
al' d'escorterle Prince Electeur,
ou lesPrinces Electeurs
ou leurs Députez ,foit en
allant au lieu où se devrafaire
l'Election, foit en s'en retournant
, s'ils veulent éviter les
peines dont ils font menacez
par cet Edit, lesquelles ils
encourront de fait au même
temps qu'ils en useront ment.¡;' autre-
§: 7. Et pour une plus gran- defermeté, & plus ample
assurance de toutes les choses
ci-dessusmentionnées ,Nous
voulons & ordonnons, Que
tous & chacun les Princes
Electeurs & autres Princes,
Comtes
,
Barons,Nobles
Villes; ou leurs Communautez,
promettent par Lettres ,
&par Serment toutes lesdites
choses
, & qu'ils s'obligent
de bonne foy & sans fraude
de les accomplir , &c mettre
en effet ; & que quiconque
refusera de donner telles Lettres,
encoure defait les peines
ordonnées, pour estre executées
contre les refufans
,
selon
la £ondizinii des personnes.
§. 8. Que si quelque Prince
Electeur ou autre Prince
relevantde l'Empire
,
de quelque
qualité ou condition qu'ii soit, Comtes
,
Barons ou
Gentilhommes, leursSuccesfeursou
Heritiers tenans des
Fiefs du saint Empire
,
refu*-
soit d'accomplir nos Ordonnances
6c Loix Impériales cidessus
ôc ci-aprés écrites, ou qu'il
qu'il eût la presomption d'y
contrevenir ,
liceftunrElec*
teur , que dés-lors ses Coélecteurs
l'excluënt dorenavant
de leur Société,& qu'il soit
privé de savoix pour l'Election
&de la place, de la Dignité
& du Droit de P rince Elec., ,
teur ; & qu'il ne soit point
investi des Fiefs qu'il tiendra
du saint Empire Et si c'efl;
quelqu'autre Princeou
Gentilhomme (comme il a
esté dit ) quicontrevienne
àces mêmes Loix, qu'il ne
foit. point non plus investi
de Fiefs qu'il peut tenir de
l'Empire, oudequi quece
soitqu'il les tienne, &cependant
,qu'ilencoure dés-lors
lesmêmepeinespersonnelles
c§i-d.cElius tspécifiées. 1; encore quehîous
entendions & ordonnonsque
tous les Princes, Comtes,
Barons, Gentils- h01îlmeS:,
Gens deguerre, Vassaux; VisJ.
les & Communautez soient
obligezindifferemment de
donner ladite escorte Se. conduite
à chaque Electeur ou
à ses Deputez, comme il a
esté dit;Nous avons toutesfois
estimé à propos d'assigner
à chaque Electeur une escorte
& des conducteurs particuliers,
selonles pays & leslieux
où il aura à passer,comme il
se verra plus amplement par
ce qui fuit.
§.io. Premierement, le
Roy deBohemeArchiéchançon
du SaintEmpire, sera
conduit par l'Archevêque de
Mayence,parlesEvêquesde
Bamberg &de Virtzbourg,
par les Bourgraves de Nuremberg
, par ceux de Hohenloë,
deVertheim, de Bruneck &
de Hanau, &. par les Villesde
Nuremberg
,
de Rotembourg,
&deW indesteim.
- ii. L'Archevêque de
Cologne Archichancelier du
saint Empire en Italie, sera
conduit par desArchevêques
de Mayence & de Tréves,par
le Comte Palatin du Rhin^
par le LandgravedeHesse,
parlesComtes de Catzenellenbogen
,
de NafTaw ,
de
Dierz
,
d'Issembourg de
Westerbourg
-1
de Runc KC^r,
de Limbourg & de Falckenstein
,
& par les Villes de wetzlar
, de Geylnhaufen & de
Fridberg. ---»
§. 12. L'Archevêque de
Tréves Archichancelier du
saint Empire dans lesGaules
& au Royaume d'Arles, sera
conduit par l'Archevêque de
Mayence, par les Comtes Palatin
du Rhin, par lesComtes
de Spanheim & de Veldens,
par les Bourgraves&Wildgraves
de Nassavv, d'!ffem.L
bourg, de Westerbourg, de
deRanckel
,
de Limbourg, de Dietz
,
deCatzenellebogon
,
d'Eppenstein& de Falckenstein
,&parlaVille de
Mayence.
- v,$. 14Le Comte Palatin du
Rhin Archimaîtredu saint
Empire, fera conduit par
l'Archevêque de Mayence.
§. 14. Le Duc de Saxe Archimarêchal
du saint Empire,
seraconduit par le Roi de
Bohême, les Archevêques de
Mayence &: de Magdebourg,
les Evêques de Bamberg 8c
de Wirtzbourg, le Marquis
de Misnie, le Langravede
Hesse, les Abbez de Fulden
& de Hirchsfelt
,
les Bouc*-
graves de Nuremberg
, ceux
de Hohenloë,de Wertheim, de Bruneck
,
de Hanau)'cS¿: de
Falckenstein ; commeaussipar
les Villesd'Erford,Mulhausen
,, Nuremberg
, Rotembourg
&: Windesheim.
§«1j.Et tousceuxvieQ^•
nent d'estre nommez seront
pareillement tenus de conduire
le Marquis de BrandebEourgmArchpichanicerlieer
d.u s.
: §. 16.Voulons en outre,&
ordonnons expressément que
chaque Prince Electeur qui
voudra avoir tel sauf-conduit
&i escorte, le fasse duëment
sçavoir à ceux par lesquelsil
voudra estre conduit& escorté
,
leur indiquant le chemin
qu'il prendra; afin que
ceux qui font ordonnezpour
ladite conduite, & qui en auront
esté ainsi requis, s'y puissent
preparer commodement
& assez à temps. : §.17. Declarons toutefois,
jque les presentes Constitutions
faites àú sujet'deladittè
conduite,doivent estre entenduës,
en forte que chacun
dessus-nommez , ou toutau-*
tre qui n'a pas peut-êtreesté
ci-dessus dénommé à qui dans
le cas susdit il arrivera d'efirè
requis de fournir ladite con.
duite & escorte, foit obligé
de la donner dans ses Terres
& Pays feulement
, & même
au de-là, si loin qu'il le pourra,
le tout sans fraude, fous
lmes peineés cie- desssus e.xpri* • $. 18. Mandons & Ordonnons
de plus, que l'Archevê^
que de
-
Mayence qui tiendri
alors leSiege, envoye ses Let:..
tres Patentes par Couriers êxprés,
à chacundesditsaut4:ci
Princes Electeurs Ecclesiastiques
6c Seculiers
,
ses CoHejot
gues , pour leur intimer ladite
Election
; & que dans ces
Lettres soit exprimé le jour
& le terme dans lequel vraisemblablemeut
elles pourront
estre renduës à chacun deces
Princes.
§. 19. Ces Lettrescontiendront,
que dans trois mois, à
compter du jour qui y feraexr
primé, tous & chacun les
Princes Electeurs ayent à fit
rendre à Francfort sur leMein
en personne
, ou à y envoyer
leurs Ambassadeurs
, par eux
autentiquement autorisez &
munis de Procuration valable,
• iîgnée de leur main &: scellée
de leur grand Sceau,pourproceder
ceder à l'Election d'un Roy
des Romains futur Empereur.
§. 20. Or comment & en
quelle forme ces fortes de
Lettresdoivent estre dressées,
&quelle solemnité y doitestre
observée inviolablement, &e;i
quelle forme & maniere les
Princes Electeurs auront à
dresser&faire leurs Pouvoirs,
Mandemens 8>C Procurations
pour les Députez qu'ilsvoudront
envoyer à l'Election;
cela se trouvera plus clairement
exprimé à la fin de la
présente Ordonnance;laquelleforme
en cet endroit prescrite,
Ordonnons de nostre
pleine Puissance &: Autorité
Imperiale, estreen tout &:
par tout observée.
§..il. QiiFind les choses
serontvenuës à cepoint,que
la nouvellecertaine de lamort
.dç l'Empereur ouduRoydes
Romains sera arrivéedansle
Diocese de Mayence, Nous
commandons ôç ordonnons,
que dés-lors
,
dans l'espace
d'un mois, àcompter du jour
de l'avis reçu de cette piort
l'Archevêque de Mayence par
sesLettres Patentes en donne
part aux autres Princes Electeurs
, & fasse l'intimation
dontilest ci-dessusparlé. Que
il par hasard cet Archevêque
négligeoit ouapportoit de la
lenteur à faire ladite intimation
,
alors les autres Princes
Electeurs, de leurpropremouvement,
sans mêmeetreàpgellez
, & par lafidelité avec laquelle
ils sont obligez d'assisterle
saint Empire
,
se rendront
dans trois mois( ainsi
qu'il aesté dit) en ladite Ville
cleFrancfort, pour élire un
Roy des Romains futur Empereur.
§. il. Or chacun des Princes
Electeurs ou ses Ambassadeurs
, ne pourront entrer
dans le temps de ladite Election
en ladite Ville de Francfort
,qu'avec deux cent chevaux
feulement, parmi lesquels
il pourra y avoir cin-
; quante Cavaliers armez, ou
moins s'il veut, mais non pas
davantage.
§. 2 3. Le Prince Electeur
ainsi appellé & invité à cette
.Election^ & n'yvenant t\-s
ou n'y envoyantpasks Anibai--
sadeurs avec ses Lettres Patentes
scellées de son grand
Sceau, contenant un plein,
libre&entier pouvoir d'élire
un RoydesRomains, ou bien y
estant venu ou y ayant envoyé à
son deffaut les Ambassadeurs,
si ensuitelemême Prince
ou lesdits Ambassadeurs se
retiroient du lieu de l'Election
avant que le Roy desRomainsfutur
Empereur eust
esté élû) & sans avoir substituésolemnellement&
latRë
un, Procureur legitime, afin
d'y agir pour ce que dessus
,
que pour cette fois il soit privé
de sa voix pour l'^Icjfbion
& du Droit qu'il y avoit §c
(Ju'il aainsi abandonné.
§. 24. Enjoignons &mandons
aussiauxBourgeois de
Francfort, qu'en vertu du Serment
que Nous voulons qu'ils
prêtentàcette fin sur les fuints
Evangiles, ils ayent à proteger&
a"defféndCfe avec tout
foin,fidélité &vigilance,tous
nlees rParli,nces Elet-i-etirs en ge- &unchacund'eux en
particulier ; ensemble leurs
gens ,
<k chacun .desdeux
crnc Cavaliers qu'ils auront
amenez en laditeVille
, contre
toute insulte &attaque,
en cas qu'il arrivast quelque
dispute ou querelle entr'eux
,
&: ce envers &: contre tous; à faute de quoy encourront
la peine .de parjure, avec p?rte
de tous leurs Droits,Libertez,
Graces & Indults
qu'ils tiennent ou pourront
tenirduSaint Empire : & serontdésaussi-
tost mis avec
leurs Personnes & tous leurs
bièns
, au Banc Imperial: Et
dés-lors comme dés-à-prefent
, il fera loisible à tout
Homme de sa propre autorité
, sans estre obligé de recourirà
aucun Magistrat, d'attaquer
impunément ces inemes
Bourgeois, que nous privons
en ce cas dés-à-present
comme pour lors de tout
Droit, comme traîtres, infidelles
& rebelles à l'Empire ;
sans que ceux qui les attaqueront
pour ce sujet en doivent
apprehender,aucune punition
de la part du saintEmpire,ou
d'aucune autre-,par , §.25.Deplus, lesdits Bourgeoisde
laVille de Francfort
n'introduiront & ne permettront
fous quelque pretexte
que ce soit, de laisser entrer
en leur Ville aucun Etranger,
de quelque condition ou qualité
qu'il puisse estre, pendant
tout le temps qu'on procedera
à l'Election, à l'exception seulement
des Princes Electeurs,
leurs Deputez ou Procureurs,
chacun desquels pourra faire
entrer deux cent chevaux,
comme il a esté dit.
§. 16. Mais si après l'entrée
des mêmes Electeurs il se
trouvoit dans la Ville ou en
leur presence quelqueEtranger,
lesdits Bourgeoisen conséquence
du Serment qu'ils
aurontprêté pour ce sujet en
vertu de la presence Ordonnance
sur les saints Evangiles (comme il a esté ci -devant
marqué ) feront obligez de les'
faire sortir incontinent êc sans
retardement, fous les mêmes
peines ci-dessus prononcées
contre eux.
i>
Article II.
De l'Election du Roy des
ROrIJains.
§. I.APRE's que les Electeurs
ou leurs Plenipotentiaires
auront r1au leurs
entrées en la Ville de Francfort
, ils se transporteront le
lendemain du grand matin en
l'Eglise de Saint Barthelemy
Apôtre, &: là ils feront chanter
la Messe du Saint-Esprit,
&: yassisteront tous jusqu'à la
fin; afin que le même Saint-
Esprit éclairant leurs coeurs,
& répandant en eux la lumiere
de sa Vertu
,
ils puissent
estre fortifiez de son secours
pour élire Roy des Romains &
futur Empereur
, un Ho11me
juste, bon, &utile pour le salut
duPeuple Chrestien.
§. 2. Aussi-tost aprèsla Messe
, tous les Electeurs ou Plenipotentiairess'approcheront
de l'Autel où la Mené clé aura celebrée ; & là les Princes
Elèâréuri Ecclesiastiques,
l'Evangile de Saint Jean In
principio erat Verbum'dfcJ
estantexposée devant eux ,
mettront leurs mains avec reverence
sur la poitrine, & les
Princes Electeurs toucheront
réellement de leurs mains ledit
Evangile;àquoy tous avec
toute leur Famille assisteront
non-armez. Et alors l'Archevêque
de Mayence leur presentera
la forme du Serment;
& luy avec eux,&: eux ou les
Plenipotentiaires des absens
avec luy, prêteront le Serment
en cette maniere.
5* 3. Je N. Archevêque de
Mayence, Archichancelier du
Saint Empire en Allemagne &
Prince Electeur , jure sur ctf
SiilntsEvangilesky mis devant
moy , par la Foy avec laquelle je
suisobligé à Dieu dr au Saint
Empire Romain, que selon tout:
mon discernement, &jugement,
avec l'aide de Dieu
,
je veux élire
un Chef temporel auPeuple
Chrestien, c'est-à-dire un Roy
des Romains futur Empereur,
qui soit digne de l'estre autant
que par mon discernement &
mon jugement je le pourray connoistre
; ,& sur la même Foy je
donneray ma voix &monsuffrage
en ladite Election, sans aucun
pactenyesperance d'interest,
de récompense, ou de promesse,
0% d'aucune chosesemblable, de
quelquemanierequ'elle puisse
estre IlJpeUée. Ainsi Dieu m'aide
<&tous les Saints;
§. 4. Apres avoir preslc"Scr-,
ment en la forme & manieresusdite
,
fti fd1 te les Electeurs ou les
F il s o~t Ambassadeurs des absens procederont
à l'Election; & déslorsilsne
forciront plus dela
Ville de Francfort
,
.qu'aupav.
ravant ils n'ayent, àla pluralité
des voix,élû & donné ail
Monde ou au Peuple Chrêtien,
un Chef temporel,à
sfçauvoti ruunrREoymdpeseRroemuairn.s
§. 5. Que s'ilsdisseroient
de le E:ire dans trente jours
consecutifs,àcompterdujour
qu'ils auront presté le Serment
; alors,les trente jours
expirez ,ils n'auront, pour
nourriture que du pain &: de
Feau;&nc sortiront pas de la*».
dite Ville, qu'auparavant tous
oulaplus grande partie d'eux,
n'ayent élu unConducteur ou
Cheftemporel des Fidelles,
comme il aesté dit.
§. (y. Or après que les Electeurs
ou le plus grand nombre
d'eux l'aurontainsi élû dans
le même lieu
, cette Election
tiendra & fera réputée comme
si elle avoiresté faite par tous
unanimement sans contradiction
d'aucun.
§.7. Et si quelqu'un des Electeurs
ou desdits Ambassadeurs
avoit tardé quelque peu.cLe
tems à arriverà Francfort, ôc
quetoutefoisil yvintavantque •l'Ele&ionfr.fl: achevée;Nous
voulons qu'il soit admis à l'Election
en l'estat qu'elle se
trouvera lors de son arrivée.
§. 8.Et dautantque par une
coutume ancienne, approuvée
,&. loüable
, tout cequi estcidessousécrita
esté invariablement
observéjusqu'à pretent;
Nous, pour cette raison, voulons
&: ordonnons, de nostre
pleine puissance &: autorité
Imperiale, qu'à l'avenir celuy
qui dela maniere susdite aura
^fté élû Roy des Romains,
auaI-tofi après son Election
&C avant qu'il puisse se mesler
4e l'administration des autres
affaires de l'Empire.coiifiriiie
& approuve sans aucun délay,
par ses Lettres & son Sceau,
à tous & chacun les Princes
ElecteursEcclesiastiques&
Seculiers, comme aux principaux
Membres de l'Empire,
tous leurs Privileges,Lettres,
Droits, Libertez,Immunitez
,
Concessions anciennes
Coutumes & Dignitez,&
tout ce qu'ils ont obtenu ex;
possedé de l'Empire jusques au
jour de tonElection;&: qu'aprés
qu'il aura esté couronné
de la Couronne Imperiale, il
leur confirme de nouveautoutes
les choses susdites.
§. 9. Cette confirmation
fera faite par le Prince élua.
chacun des Princes L-leâeurs
en particulier, premierement
sous le Nom de Roy, & puis
renouvellée fous le Titre
d'Empereur
: Et fera tenu ledit
Prince élu d'y maintenir
sans fraude & de son bonmou*
vement les mêmes Princesen
général, &c chacun d'eux en
particulier; bien loin de leur
y donner aucun trouble ou
empêchement.
§. 10. Voulons enfin, & ordonnons
qu'au cas que trois
Electeurs presens, ou les Ambassadeurs.
des absenséliferçt.
un quatrième d'entr'eux, (çar
voir un Prince Elet[e-lli- present
ou absent, Roy des Romains
; lavoixde cet éllîs'il
est present,oulavoix de ses
Ambaissadeurs,s'il cil; absent,
ait sa vigueur & augmente Σ
nombre & la plus grande partie
des élisans, à l'instar des
autres Princes Electeurs,
ARTICLEIII.
'F>e la Séance des Archevêques
-
de Tréves, de CQtogm
drdeM-ayence. ,
9
A#nom de Lifaidtc{jr iiïdifViJi->
hle Trinité, d? à nojfreplus
grand bonheur. Ainsi soit-il.
iCgHraAcReLES IV.par la
de Dieu Empereur
des Romains, toujours Auguste&
Roy de Boheme; 'l
*kmémoire perpetuelle de la
chose.
§.I.L'union & la concordedes
venerables&illustres.
Princes Eleveurs, fait l'ornement
& la gloire du saint
Empire Romain, l'honneur
de la Majesté Impériale
, &:
l'avantage des autres Etats de
cette Republique, dont ces
Princes soutiennent l'édifice
sacré, comme en estant les
principales colonnes, par leur
pieté égale à leur prudence
: cesont euxaussi qui for.,.
tissent le bras de la PuiOEltlCC
Imperiale;& l'on peut dire
que plus le noeud de leuramitié
mutuelle s'étreint, plus le
Peuple chrestien joüit abondamment
de toutes les commoditez
qu'apporte la Paix &
la tranquillité.
§. 2. C'est pourquoy,pour
doresnavant prévenir lesdifputes
& les jalousies qui pourtoieht
naître entre les venetables
Archevêques de Mayeince,
de Cologne & de Tréves,
Princes Electeurs du Saint
Empire, à cause de la primauté
& du rang qu'ils doivent
avoir pour leursSéances
dans les Assemblées Imperiales
& Royales, & faire
en forte qu'ils demeurent entr'eux
dans un estattranquille
de coeur & d'esprit
,
& puissenttravailler
unanimement&
employer tous leurssoins aux
affaires & aux avantages du
saint Empire pour laconsolation
du Peuple Chrestien ;
Nous avons, par délibération
& par le Conseil de tousles
Electeurs, tant Ecclesiastiques
que Seculiers, arresté & oih
donné, arrestons & ordonnons
,
de nostre pleine Puissance
& Autorité Imperiale,
par ce present nostreEditperpetuel
& irrévocable
, que lesdics
vénérables Archevêques
auront Séance; sçavoir celuy
de Trevesvis-à-vis la face
de l'Empereur ;celuy de
Mayence, soit en ion Diocese
& en saProvince, soit même
hors de sa Province dans,
l'étenduë de la Chancellerie
Allemande, excepté en laProvince
de Cologne seulement,,.
à la main droite de l'Empereur
;ainsi que l'Archevêque
de Cologne l'aura en sa Province
& en fôn Diocese
, &:
hors de sa Province en toute
l'Italie & en France,àla
main droite de l'Empereur,
&: ce en tous les Actes publics
Impériaux , de même
qu'aux Jugemens, Collations,
Investitures desFiefs,Festins,
Conseils& en toutes leurs
autres Assemblées où il s'agira&
se traitera de l'honneur
& du bien de l'Empire Romain.
Voulantquecet ordre
de Séance foit observé entre
lesdits Archevêques de Colo-"*
gne, de Tréves & de Mayence
, & de leurs Successeurs cU
perpetuité
,
sans que l'on puisse
à jamais y apporter aucun
changement,ou y former aucune
contestation,
ArticleIV.
*Der Princes Electeurs en
commun.
§.1.oRdonnons aussi, que
coûtes les sois que
l'Empereur ou le Roy desRomains
se trouvera assis dans
les Assemblées Impériales,
foit au Conseil, à table, ou
eh toute autre rencontre avec
les Princes Electeurs, le Roy
de Boheme, comme le Prince
couronné &: sacré,occupela
la premiere place immédiatement
après l'Archevêque de
Mayence ou celuy de Cologne;
sçavoir après celuy d'eux deux
qui pour lors
,
selon la qualité
des lieux & varieté des Provinces
,
fera assis au cofté droit
de l'Empereur ou du Roy des
Romains
,
suivant la teneur de
son Privilege; &que le Comte
Palatin occupe aprés luy la
seconde place du même costé
droit : qu'aucofté gauche le
Ducde Saxe occupe la première
place aprèsl'Archevêque
qui fera assis à la main
gauchede l'Empereur;& que
le
,.
Marquis de Brandebourg
se mettra après le Duc de
Saxe. §.2.Toutes & quantefois
que le Saint Empire viendra
à vacquer ,
l'Archevêque de
Mayence aura le pouvoir qu'il
a eu d'ancienneté
,
d'inviter
jfar "LcttÉe's'les ancresPHT^
des sesConfreresdevenir àx
l'Election.
§. ~34
Touslesquels,ouceux
d'entr'eux qui auront pû ou
vtmluaflïftcr à ladite Elèétion
eilantalIèrnblez pour yprôceder
, ce fera à l'Electeur de
Mayence &: non à un autre ,de
-rêciieillir particulièrementles
voix de ce-Electeurs,enl'or-*'
dtoc fuivann I;*> -
era pre ic-@
;
§. 4. Il demanderapremier
rèment l'avis à l'Archevêque
de Trêves,àqui nousdeclarons
que le premier sutfrage
appartient,ainsî que nôus
avons trouvé qu'il luy avoio
appartenu jusqu'à present. Serondement
,àl'Archevêqud
deCologne, à qui appartient
l'honneur
l'honneur & l'office de mettre
le premierleDiadème sur la
teste du Roy des Romains.
Troisiémement
, au Roy de
Boheme qui tient laprimauté
par l'Eminence,le droit & le
mérité de sa Dignité Royale
entre les Electeurs Laïques.
En quatrième lieu
, au Comte
Palatin du Rhin. En cinquième
lieu, au Duc de Saxe; &.
en sixiéme lieu, auMarquis
de Brandebourg. L'A rchevêl-
que de Mayence ayant ainsi &:
en l'ordre susdit, recüeilli les
suffrages de tous, fera en- tendre aux Princes ses Confreres
& leur découvrira [es.
intentions, &: à qui il donne
sa voix, en estant par eux requis.
§. y'. Ordonnons aufh'qu'-
aux ceremonies des Festins
Imperiaux, le Marquis de
Brandebourg donnera l'eau à
laver les mains à l'Empereur
ou au Roy des Romains; le
Roy deBohême lui donnera la
pemiere fois à boire, (lequel
service toute-fois il ne serapas
tenu de rendre avec la Couronne
Royale sur la téte, conformément
aux Privilèges de
son Royaume, s'il ne le veut
de sa propre & libre volonté;)
le Comte Palatin du Ii. hin fera
tenu d'apporter la viandè; 8c
le Duc de Saxe exercera sa
charge d'Archi-marecchal ,
comme il a accoûtumé de faire
de toute ancienneté.
ARTICLE V.
Du Droit dIt Comte Palatirs
duRhin,&duDuc.
1. de Saxe.
§.I. DE plus, toutes les
fois ques le saint
Empire viendra à vaquer
comme il cfi dit, l'liluiti'e
Comte Palatin du Rhin Archimaître
du saint Empire Romain
,
fera l roviseur ou Vicaire
de l'impire dans les
partiedu Rhin& de la Suabc,,
& de la Jurisdiction de Franconie,
à cause de sa Principauté,
ou du Privilège du
ComtéPalatin, avec pouvoir
d'administrer la Jllfijce.,j- de
nommeraux Benefices -Ecc1e.,
siastiques, de recevoir le revenu
de l'Empire,,d'investir
des Fiefs,&de recevoirlesfoi
& hommages de la part & au
nom du saint Empire; coures
lesquelles choses toutefois seront
renouvellées en leur terris
par le Roy des Romains après
dûy auquel les foi & hommages
devront être de nouveau
prêtez ; à la reserve des Fiefs
des Princes, & de ceux qui se
donnent ordinairement avec
l'étendart,dontnous reservons
spécialement l'invèstiture & la
collation à l'Empereur seul ou
au Roy des Romains. Le
Comte Palatin sçaura toutefois
qu'illui est défendu exjsireffement
d'aliénner ou d'eri.
gager aucune chose appartenant
à l'Empire, pendant le
temps de son Administration
ouVicariat.
§. 2. Et Nousvoulons que
l'Illustre Duc de Saxe Archimareschal
du saint Empire
joüisse du mêmedroitd'Administration
dans les lieux où le
droit Saxon est observé, en
toutes les mêmes maniéres&.
cfonpditeioncs qiuitftonet cei-dseum.s
§. 3. Et quoi-que parune
coustume fort ancienne il ait
esté introduit que l'Empereur
ou le Roy des Romains cR:
obligéderépondre dans les
causesintentées contre luipardevant
le Comte Palatin du
Rhin Archimaistre, Prince
Electeur du saint Empire>leK
dit Cpmte Palatin ne pourra
toutefois exercer cette Jurisdiction
qu'en la Cour Impériale
où l'Empereur ou leRoy
des Romainsfera present en
personne,&:nonailleurs.
ARTICLE VI.
,De la compawifoM des Princes
ElecteuPrrsiancveesccomlmeusnasu. tres
NOU s ordonnons qu'en
toutes les Cérémonies
& Assemblées de la Cour Impériale
qui feront doresnavant
&: à l'avenir; les Princes Electeurs
Ecclesiastiques & Séculiers
tiendront invariablement
leursplaces à droite &à
gauche,selon l'ordre &:J«i
maniéré prescrite; ôc que nul
autre Prince,de quelque Etat,
dignitéPrééminence ou qualité
qu'il soit, ne leur puisse
être ou à aucuns d'eux,préféré
en aucunes actions quelconques
qui regarde, les Assemblées
Impériales, Toit en marchant
, séant ou demeurant
debout; avec cette condition
expresse, que le Roy de
Boheme nommément, précédera
invariablement dans toute?
& chacunes lesactions &:
célébrationssusdites des Assemblées
Imperiales, toutau-
,.tre Roy
,
quelque dignitéou
Prérogative particulière qu~ii
puisseavoir, & pour quelque
causeoucas qu'il y puissevenir
ou assister.
ARTICLE VII.
De la fùceejjion des Princes
Electeurs.
Au Nom de tif sainte & tndî~
visible Trinté, & à nojhré
plus grand bonheur. Ainjisoit-
il. cHARLES Quatrième
par la
-
grace de Dieu
Empereur des Romains toûjours
Auguste &: Roy de Bohême
; à la mémoire perpértuclte
delachose. 1
--
§. I. Parmi les soins inrion*
: brables que nous apportons
journellement pourmettre en1
un état heureux le saint Empire,
oùnousprésidons par
l'assistance duSeigneur,nôtre
principale aplication est à faire
fleurir & à entretenir toujours
parmi les Princes Electeurs du
saint Empire, une Unionsalutaire&
une concorde&charité
sincere, estant certain que
leurs conseils font d'autant
plus utiles au Monde Chrestien,
qu'ils se trouvent éloignez
de toute erreur; que la
Charité regne plus purement
entre eux; que tout doute en
est banni; &: que les droits
d'un chacunsont clairement
,diecllarez & specifiez.Certes, cftgeneralement manifesté
& notoire àtout le Monde,
que les Illustres le Roy de
Boheme, le Comte Palatin du
Rhin, le Duc de Saxe &: le
Marquis de Brandebourg : le
premier envertude son Royaume
, & les autres en vertu
de leurs Principautez, ont
droit, voix&séanceen l'tlection
du Roy des Romains futur
Empereur, avec les Princes
Ecclesiastiques leurs Coélec-
.'teints, avec lesquels ils sont
tous reputez, comme ils sont
en effet, vrais & légitimés
-
Princes Electeurs du saint
Empire.
§. 2. Néanmoins
,
afinqu'à
-l'avenir onjie puisse fufclcer
;¡aucun sujet de scandale & de
division entre les Fils de ces Princes Electeurs Seculiers,,
touchant lesdits droit, voix
&&: faculté d'élection ; SC
qu'àinsi le bien public ne cour- te aucun risque d'estre retardé
ou troublé par des délais dangereux
; Nous, avec l'aide de
Dieu, desirant en prévenir les
perils à venir.
§. ;. Statuons &: ordonnons
,
de notrePuissance &
Autorité Iir periale, par la presente
Loi perpetuelle, que cas
avenant que lesdits Princes
Electeurs Seculiers, &: quelqu'un
d'eux viennent à deceder,
le droit, la voix,& le
pouvoir d'élire, fera dévolu
librement & Las contradiction
de qui que ce (cit) à îoà
Fils aîné légitimé & laïque ;&
en cas que l'aîné ne fust plus
au monde, au Fils aînédel'ainé
semblablementlaïque.
§. 4. Et si ledit Fils aîné,
venoit à mourir sans laisser
d'enfansmâleslegitimes Iaft
ques, le droit, la voix &, le
pouvoir de l'élection feront
dévolus en vertu du presens
Edit, à son Frere puîné descenduen
ligne directe légitime
paternelle, & ensuite au Fîfé
aîné laïque de celui-ci.
§. y. Cette succession des
aînez &: des Héritiers de ces
Princes fera perpétuellement
observée en ce qui regarde le
sdurositd,liat. vvooiixx,. Ô&C le ppoouuvvooiirr
l, §. 6. A cette condition&
en sorte toutefois, que si le
Prince Eleaeur ou son Fils
aîné, ou le Filspuisné laïque
venoit à deceder, laissant des
Heritiers mâles legitimes laïques
mineurs, le plusâgé
Frere de ce désunt aîné fera
Tuteur &Administrateur desdits
mineurs
,
jusqu'à ce que
l'aîné d'entr'eux ait atteint
l'âge légitime »
lequel âge en
^in Prince Electeur, voulons
ordonnons estre à toujours
dedix-huit ans accomplis ; &
lorsquel'Electeur mineur aujra
atteint cet âge,son Tuteur
ou Administrateur fera tenu
de luy remettre incontinent
& entièrement le droit
,
la
yoix & le pouvoir avec l'Qf;
jrr
fices d;gieéteur ,Se généralement
tout ce qui en dé..
pend. .:tJ §. 7. Etsi quelqu'une deces
Principautez venoitàvacquer
au profit de l'Empire
,
l'Em",
pereur ou le Roy des Romains
d'alors en pourra disposer
comme d'une chose dévoluë
légitimement à luy &
au saintEmpire.
§. 8. Sans préjudice néan~
moins des Privileges,Droits
& Coutumes de nostre Royaume
de Boheme
,
pour ce qui
regardel'Election d'un nouveau
Royen cas de vaccance;
en vertu desquels les Regnicoles
de Boheme peuvent élire
un Roy de Boheme suivant
la Coutume observée detout
temps , &: la teneur desdits
Priviléges obtenus des Empereurs
ou Rois nos Predecesseurs
; ausquels Privilèges
1Nous n'entendons nullement
prejudicier par la presente
Sanction Imperiale, au contraire
ordonnons expressement
que nostredit Royaume
y soit maintenu
,
& que ses
Privilegesluy soient confervez
à perpétuité
,
selon leur
forme & teneur.
Article VIII.
De 1,Immunité du Roy de Bohê*
, ~me3& des Habitans audit
Royaume.
Ski.cOMME les Empe»
reurs & Rois nos
Predecesseurs ont accordé
aux Illustres Rois de Boheme
nos Ayeuls&Predecesseurs,
aussi-bien qu'au Royaume ÔC
à la Couronne de Boheme , Je Privilege qui par grace a
esté accordé & qui a eu son
effet dans ledit Royaume, sans
interruption dèpuis un temps
immemorial, par une lo.üa.
ble Coutume incontestablement
observée pendant tout
ce temps &: prescrite par l'ufage,
sans contradiction 8c interruption
aucune, qui est
qu'aucun Prince, Baron
Noble, Homme de , guerre,
Vassal, Bourgeois, Habitant,
Paisan & autre personne de
ce Royaume & de ses appartenances,
de quelque Etat,
Dignité,Prééminence ou
condition qu'il puisse être, ne
puisse pour quelque cause ou
fous quelque prétexte, ou par
quelque personne que ce soit,
être ajourné & cité hors le
Royaume &: pardevant d'autre
Tribunal, que celui du Roy
de Boheme &; des juges de sa
Cour Royale. Nous, desirans
renouveller &: confirmerledit
Induit,Usage&Privilege,Ordonnons
de nostre autorité &:
pleine Puissance Imperiale, par
cette Constitution perpetuelle
& irrévocable à toujours, que
si nonobstant ce Privilege,
Coûtume & Indult, quelque
Prince, Baron, Noble, Vassal,
Bourgeois ou Paisan,ouquelque,
autre personne susdite
, étoitcité ou ajourné à quelque
Tribunal que ce fut hors du
Royaume, pour cause quelconque
civile, criminelle ou
mixte, il ne foit nullement
tenu d'y comparoistre &: d'y
répond re, en aucun temps, en
personne ou parProcureur:Et
1 le Juge étranger &: qui ne
demeure point dans le Royaume,
quelque autorité qu'il
.air, ne laisse pas de proceder
contre les Défaillans ou le non
Comparant, & de passer outre
jusques à Jugementinterlocutoire
on definitif, &de rendre
.une ou plusieurs Sentences
.<lans les Causes &: Affaires
susdites., dequelque maniere
que cesoit;Nous déclarons,
de nostre Autorité & pleine
Puissence Imperiale, toutes
lesditesCitations, Commandemens
,P rocédures,Sentences
&: executions faitesen
consequence generaloment
quelconques, nulles. &de nul
effet,sansqu'il puisse <eftt?è
.., ïienexecutéou attentéaupréjudice
de ce Privilege.
§. 2. Surquoi Nous ajouicons
expressement & ordonjnons
par cet Edit Imperial,
perpetuel &: irrévocable,de
la même pleine Puissance &
Autorité;que comme dans ledit
Royaume de Boheme ila
été toujours & de tems immémorial
observé, il ne soit
permis à aucun Prince, Baron,
Noble, Homme de guerre,
Vassal, Citoyen, Bourgeois,
JPaïfan, ou tout autre Habitant
du Royaume de Boheme susdit,
de quelque Etat, Prééminence,
Dignité ou condition
qu'il foit, d'appeller à tout
autre Tribunal de quelcon<
tues, Procedures, Sentences
interlocutoires& définitives,
Mandemens ou Jugemens du
Roy de Boheme ou de ses
Juges; comme aussi de l'execution
desdites Sentences
--& jugemens rendus contre
acun d'eux, par le Roy ou
par les Tribunaux du Roy,
du Royaume &: des autres
Juges susdits, &C s'il arrive
qu'au préjudice de ce que
l'on interjette de tels appels,
qu'ilssoientdéclarez nuls ,(&
que les Appellans encourent
dés-lors réellement & de fait
la peine de leur Cause.
ARTICLEIX.
DesMinés d'or, d'Argent d.-
autres Métaux, NOu s ordonnons par la
presente Constitution
perpetuelle &: irrévocable
, & déclarons denostre Science
, que nos Successeurs Rois
de Bohême
, comme aussi
tous &: chacuns les Princes
ElecteursEcclesiastiques &
Seculiers presens & à venir,
pourrontjustement & legitimement
avoir & posseder toutes
les Mines & Minieres
d'Or,d'Argent, d' E taim, de
Cuivre,de Fer & de Plomb
3. & de toutes fortes d'au res
Métaux ; comme aussi les Salines
découvertes ou qui se
découvriront avec le tir ps
en nostredit Royam e & dans
les Terres &: Pays sujets audit
Royaume
, ce même que
lesdits Princes dans leursPrincipautez
,
Terres, Domaines
& Appartenances, avec tous
Droits, sans en excepter aucun
, comme ils peuveut ou
ont accoutumé de les posseder.
Pourront aussi donner retraite
aux Juifs & recevoir à
l'avenir les Droits <5c les Peages
établis par le passé, tout
ainsi qu'il a esté Jusqu'à present
observé & pratiqué legU
timement par nos Predecesseurs
Rois de Boheme d'heureuse
memoire
,
& par les
Princes Electeurs
,
& leurs
Predecesseurs
,
suivant l'ancienne
,
loüable & approuvée
Coutume, & le cours d'un
temps immemorial.
/lunom de lasainte c3- indivisible
Trinité. Ainsisoit-il. cH ARLES par la grace
de Dieu Empereur des
Romains, toujours Auguste
& Roy de Boheme ; à la mémoire
perpetuelle de lamofc-"
Tout Royaume divisé en foimême
fera desolé : & parce
que Ces Princes Ce sont faits
compagnons de voleurs, Dieu
a répandu parmi eux un esprit
d'étourdissement & de veritige
, afin qu'ils marchent
comme à tâtons enpleinmidi
d£nïcme<Jues'ils-efloient au
milieudesténèbres ; il a osté
leurs chandeliers du lieu où
ils estoient,afin qu'ils soient
aveugles & conducteurs d'aveugles.
Et en effet, ceux qui
marchent dans l'obscurité Ce
heurtent; &c'est dans la division
que les aveuglesdtpten..
dement commettentdes mê'.
chancetez. Dis, Orguëil,
comment aurois-tu regné en Lucifer, si tu n'avois appelle laDissention à ton secours?
Dis, Satan envieux commënt
aurois-tuchassé Adam du Paradis
, si tune l'avois détourné
de l'obéïssance qu'il devoit
à son Createur? Dis, Colere,
comment aurois-tu détruit la
Republique Romaine,situne
t'etois servi de laDivision
pour animerPompée.& Jules
à une guerre intestine
,
l'une
çpnçre l'autre; Dis, Luxure,
comment aurois-tu ruiné les
Troyens
,
si tu n'avois separé
Helened'avec sonMary? Mais
toi,Envie,combien de foist'éstuefforcée
de ruiner par laditvHion
l'Empire Chrestien que
Dieu a fondé sur les trois Vertus
Theologales, la Foi,l'Esperance,
&la Charité
, comme sur,unefainteindivisible
Trinité,vomissant le vieux
venin de la dissention parmi
lessept Electeurs, qui sontles
colomnes & les principaux
Membres du saint Empire,
fc par l'éclat defquçls le saint
Empire doit estreéclairé,
Icomme-e, par sept flalnbea'Ux'¡
dont la lumiere elt fortiifés
par l'union dessept Dons du
Saint-Esprit? C'est pourquoy
estant obligez ,tant à cause
du devoir quenousimpose la
Dignité Imperiale dont nous
sommesrevêtus; que pour
maintenirnostreDroit d'Elec.
tear entant que Roy de Bohême
,
d'aller au-devant desdangereufes
suites que les divisions&
dissentions poudroient
faire naître à l'avenir entre les
ËJë&eùrsdont noussommes
dunombre;Nous, àprésavoir
tnetirement délibéréen fioifoè
Cour& Assemblée solemnelle
de Nurenrberg
, en presence
detousles Princes Elecmn.
5 Eccelesiastiques &: Seculiers,
& autresPrinces, COIntes,
Barons, Seigneurs, Gentilshommes,
& Villes, éstant
assis dansle Trône Imperial,
revestu des Habits, Impériaux,
.aveC" les ornemens en main
Il laCouronne sur la telle,
par laplenitudedelaPuissançe
Imperiale,avons fait &publie
parcet Editferme&irrevocable
les Loix suivantes
,
pour cultiver l'unionentre les
fcie&eurs
5
établiruneforme
d'Election unanime, &fermertout
cheminà cette divijinn
detestable&aux dangers
extrêmes quila suivent. Don-
- né l'andu Seigneur mille trois
cent cinquante-six
,
li-ididionneuviéme
le dixiéme Janvier,
de nostre regne le dixieme
,
te de nostre Empirele cond. tond.
ARTICLE PREMIEK,
-
Commenté*farquiUsEleftcufs
, doivent efireconduitsau Ikté
oùsefera l'Election du ROf
des Romains. -'- NOUS declarons & ordonnons
par le present
EdIt Impérial, qui durera
éternellement, de nôtre cer.
taine Science, pleine Puissance,
& Autorité Inlperiale)
Que toutes les fois qu'il arrivera
à l'avenir necessité ou
occasion d'élire un Roy des
Romains pour être Empereur,
& que les Ele&p^irs^'
suivant l'ancienne & louable
coustume
, auront à faire
voyage au sujet de telleElection,
chaquePrince Electeur
fera obligé en étant requis,
de faire conduire &escorter
{ùrçlpcnt & sans fraude par ses
Pays,Terres&lieux,&plus
loin même s'il peut, tous
ses co-Electeurs ou leurs Députez,
vers laVille où l'Election
se devra faire, tant en
allant qu'en retournant; sous
peinede parjure, &: deperdre
( mais pour cette foisseulement
) la voix &: le suffrage
qu'il devoit avoir dans
cette Election,déclarant celui
ou ceux qui se serontrendus
encecinegligens ou rebelles
avoir encouru dés-lors lesdites
peines, sans qu'il foie
besoin d'autre Déclaration
que la Presente.
§. 2. Nous ordonnons de
plus, & mandons à tous les
autres Princes qui tiennent
desFiefs du saint Empire ROH
main, quelque nom qu'ils
puissent avoir;comme aussi
à tous Comtes, Barons, Gens
de guerre & Vassaux
, tant
Nobles que non Nobles, Bourgeois & Communautés
de Bourgs,deVilles &dè
tous autres lieux du saint Empire,
qu'ils ayent ,
lorsqu'il
s'agira de procéder à l'Election
d'un Roi des Romains
pourêtreEmpereur,àcon8c
sans fraude, comme il a
estédit, par leurs Territoires
&:. ailleurs ,le plus loin qu'il
se pourra, chaque Prince
Electeur,oulesDéputez qu'il
envoyera àl'Election ,pour
lesquels aussi bien que pour
lui il leur aura demande ou
a aucun d'eux tel sauf-conduit
; '&-en cas que quelqu'un
ait la présomption de contrevenir
à nostre presenteOrdonnance,
qu'il encoure aussi
toutes les peines suivantes :
sçavoir
, en casde contravention
par les Princes, Comtes,
Barons,Gentilshommes, Gens
de guerre & Vassaux
,
la peine
de parjure, & la privation
de tous les Fiefs qu'ils tiennent
dusaint Empire Romaia
&de tousautres quelconque;
comme aussi de toutesleurs
autres possessionsdequelque
nature qu'elles soienn! Età
l'égard des Communautez &£
Bourgeois contrevenans àce
que dessus
,
qu'ils soient aum
reputez parjures, & qu'avec
cela ils soient privez de tous
les Droits
,
Libertez, Privileges
&: Graces qu'ils ont obtenuës
du. saint Empire, ôc
encourent en leurs Personnes
& en leurs biens, le Banc ÔC
la proscription Imperiale ;&
c'est pourquoy nous les privons
dés-à- present, comme
pour lors, le cas arrivant, de
tous Droits quelconques. Permettons
aussi à tous& un
chacun de courte fus aux
proscrits& de les attaquer,
offenser Se outrager impunémentd'autorité
privée ,sans
pour ce demander autre permiïïibri
des Magistrats,ny
avoirà craindre aucune pum-*
tion de la part de l'Empire ,
ou de quelqu'autre que ce
soit, attendu que lesdits prof.
crits font convaincus du crime
de felonie envers la Republique,
l'Etat &: la Dignité du
saint Empire, & même contre
leur honneur & leur salut ,
ayant méprisé temerairement
èc comme rebelles, desobéïssans
&traîtres, une chose si
importante au bien public.
- §. 3. Nous ordonnons
mandons aussi aux Bourgeois
de toutes les Villes, & aux
Communautez, de vendreou
faire vendre à chaque Electeur
ouà leurs Deputez pour
l'Election, tant en allant qu'en
retournant, à prixraisonnable
& sans fraude, les vivres
&: autres choses dont ils aiiront
besoin pour eux & pour
ceux de leur fuite;le tout fous
les mêmes peines ci
-
dessus
mentionnées à l'égard desdits
Bourgeois & Communautez
,
que nous declarons par eux
encouruës de fait.
§. 4. Que si quelque Prince,
Comte, Baron, Homme de
guerre, Vassal Noble ou Inoble,
Bourgeois ou Communauté
de Villes, estoit assez
temeraire pour apporter quel*
que empêchement ou tendre
quelques embûches aux
teurs ou à leurs Deputez allant
pour l'Election d'un Roy
des Romainsou en revenant,
&les attaquer, offenser ou inquieter
en leurs perfonncs
eu en celles de leurs domestiques
, suite
, ou même en
leurséquipages, soit qu'ils
eussent demandé le fau£-cor&-
duit ordinaire
,
soit qu'ils
n'eussent pas jugé à propos de
le demander:Nous déclarons
celuy-là& tous ses complices,
avoir encouru de fait les susdites
peines, felon la qualité
des personnes
,
ainsi qu'il est
ci-dessus marque.
§. 5. Et même si un Prince
Electeuravoit quelqueinimitié
,
différentou procésavec
quelqu'unde ses Collègues>
cette querelle ne le doit point
empêcher de donner,enestant
requis,laditeconduite ôcef*
corte à l'autre ou à ses Députcz
pour ladite Elçéhop
,
à
peine de parjure & de perdre
sa voix en l'Election pour cette
fois-làseulement,comme ii.g
,esté dit ci-dessus.
§.6.Commeaussi,silesautres
Princes, Comtes, Barons,
Gens de guerre, Vaflfauî*
Nobles,& Inobles,Bourgeois
&: Communautez des-Ville$
vouloient du malà quelque
Electeur ou à plusieurs
, ou
s'il y avoirquelque diiïerenç
ou guerre entr'eux, ils ne laisferont
pas,sans contradiction
pu fraude aucune,deconduire
al' d'escorterle Prince Electeur,
ou lesPrinces Electeurs
ou leurs Députez ,foit en
allant au lieu où se devrafaire
l'Election, foit en s'en retournant
, s'ils veulent éviter les
peines dont ils font menacez
par cet Edit, lesquelles ils
encourront de fait au même
temps qu'ils en useront ment.¡;' autre-
§: 7. Et pour une plus gran- defermeté, & plus ample
assurance de toutes les choses
ci-dessusmentionnées ,Nous
voulons & ordonnons, Que
tous & chacun les Princes
Electeurs & autres Princes,
Comtes
,
Barons,Nobles
Villes; ou leurs Communautez,
promettent par Lettres ,
&par Serment toutes lesdites
choses
, & qu'ils s'obligent
de bonne foy & sans fraude
de les accomplir , &c mettre
en effet ; & que quiconque
refusera de donner telles Lettres,
encoure defait les peines
ordonnées, pour estre executées
contre les refufans
,
selon
la £ondizinii des personnes.
§. 8. Que si quelque Prince
Electeur ou autre Prince
relevantde l'Empire
,
de quelque
qualité ou condition qu'ii soit, Comtes
,
Barons ou
Gentilhommes, leursSuccesfeursou
Heritiers tenans des
Fiefs du saint Empire
,
refu*-
soit d'accomplir nos Ordonnances
6c Loix Impériales cidessus
ôc ci-aprés écrites, ou qu'il
qu'il eût la presomption d'y
contrevenir ,
liceftunrElec*
teur , que dés-lors ses Coélecteurs
l'excluënt dorenavant
de leur Société,& qu'il soit
privé de savoix pour l'Election
&de la place, de la Dignité
& du Droit de P rince Elec., ,
teur ; & qu'il ne soit point
investi des Fiefs qu'il tiendra
du saint Empire Et si c'efl;
quelqu'autre Princeou
Gentilhomme (comme il a
esté dit ) quicontrevienne
àces mêmes Loix, qu'il ne
foit. point non plus investi
de Fiefs qu'il peut tenir de
l'Empire, oudequi quece
soitqu'il les tienne, &cependant
,qu'ilencoure dés-lors
lesmêmepeinespersonnelles
c§i-d.cElius tspécifiées. 1; encore quehîous
entendions & ordonnonsque
tous les Princes, Comtes,
Barons, Gentils- h01îlmeS:,
Gens deguerre, Vassaux; VisJ.
les & Communautez soient
obligezindifferemment de
donner ladite escorte Se. conduite
à chaque Electeur ou
à ses Deputez, comme il a
esté dit;Nous avons toutesfois
estimé à propos d'assigner
à chaque Electeur une escorte
& des conducteurs particuliers,
selonles pays & leslieux
où il aura à passer,comme il
se verra plus amplement par
ce qui fuit.
§.io. Premierement, le
Roy deBohemeArchiéchançon
du SaintEmpire, sera
conduit par l'Archevêque de
Mayence,parlesEvêquesde
Bamberg &de Virtzbourg,
par les Bourgraves de Nuremberg
, par ceux de Hohenloë,
deVertheim, de Bruneck &
de Hanau, &. par les Villesde
Nuremberg
,
de Rotembourg,
&deW indesteim.
- ii. L'Archevêque de
Cologne Archichancelier du
saint Empire en Italie, sera
conduit par desArchevêques
de Mayence & de Tréves,par
le Comte Palatin du Rhin^
par le LandgravedeHesse,
parlesComtes de Catzenellenbogen
,
de NafTaw ,
de
Dierz
,
d'Issembourg de
Westerbourg
-1
de Runc KC^r,
de Limbourg & de Falckenstein
,
& par les Villes de wetzlar
, de Geylnhaufen & de
Fridberg. ---»
§. 12. L'Archevêque de
Tréves Archichancelier du
saint Empire dans lesGaules
& au Royaume d'Arles, sera
conduit par l'Archevêque de
Mayence, par les Comtes Palatin
du Rhin, par lesComtes
de Spanheim & de Veldens,
par les Bourgraves&Wildgraves
de Nassavv, d'!ffem.L
bourg, de Westerbourg, de
deRanckel
,
de Limbourg, de Dietz
,
deCatzenellebogon
,
d'Eppenstein& de Falckenstein
,&parlaVille de
Mayence.
- v,$. 14Le Comte Palatin du
Rhin Archimaîtredu saint
Empire, fera conduit par
l'Archevêque de Mayence.
§. 14. Le Duc de Saxe Archimarêchal
du saint Empire,
seraconduit par le Roi de
Bohême, les Archevêques de
Mayence &: de Magdebourg,
les Evêques de Bamberg 8c
de Wirtzbourg, le Marquis
de Misnie, le Langravede
Hesse, les Abbez de Fulden
& de Hirchsfelt
,
les Bouc*-
graves de Nuremberg
, ceux
de Hohenloë,de Wertheim, de Bruneck
,
de Hanau)'cS¿: de
Falckenstein ; commeaussipar
les Villesd'Erford,Mulhausen
,, Nuremberg
, Rotembourg
&: Windesheim.
§«1j.Et tousceuxvieQ^•
nent d'estre nommez seront
pareillement tenus de conduire
le Marquis de BrandebEourgmArchpichanicerlieer
d.u s.
: §. 16.Voulons en outre,&
ordonnons expressément que
chaque Prince Electeur qui
voudra avoir tel sauf-conduit
&i escorte, le fasse duëment
sçavoir à ceux par lesquelsil
voudra estre conduit& escorté
,
leur indiquant le chemin
qu'il prendra; afin que
ceux qui font ordonnezpour
ladite conduite, & qui en auront
esté ainsi requis, s'y puissent
preparer commodement
& assez à temps. : §.17. Declarons toutefois,
jque les presentes Constitutions
faites àú sujet'deladittè
conduite,doivent estre entenduës,
en forte que chacun
dessus-nommez , ou toutau-*
tre qui n'a pas peut-êtreesté
ci-dessus dénommé à qui dans
le cas susdit il arrivera d'efirè
requis de fournir ladite con.
duite & escorte, foit obligé
de la donner dans ses Terres
& Pays feulement
, & même
au de-là, si loin qu'il le pourra,
le tout sans fraude, fous
lmes peineés cie- desssus e.xpri* • $. 18. Mandons & Ordonnons
de plus, que l'Archevê^
que de
-
Mayence qui tiendri
alors leSiege, envoye ses Let:..
tres Patentes par Couriers êxprés,
à chacundesditsaut4:ci
Princes Electeurs Ecclesiastiques
6c Seculiers
,
ses CoHejot
gues , pour leur intimer ladite
Election
; & que dans ces
Lettres soit exprimé le jour
& le terme dans lequel vraisemblablemeut
elles pourront
estre renduës à chacun deces
Princes.
§. 19. Ces Lettrescontiendront,
que dans trois mois, à
compter du jour qui y feraexr
primé, tous & chacun les
Princes Electeurs ayent à fit
rendre à Francfort sur leMein
en personne
, ou à y envoyer
leurs Ambassadeurs
, par eux
autentiquement autorisez &
munis de Procuration valable,
• iîgnée de leur main &: scellée
de leur grand Sceau,pourproceder
ceder à l'Election d'un Roy
des Romains futur Empereur.
§. 20. Or comment & en
quelle forme ces fortes de
Lettresdoivent estre dressées,
&quelle solemnité y doitestre
observée inviolablement, &e;i
quelle forme & maniere les
Princes Electeurs auront à
dresser&faire leurs Pouvoirs,
Mandemens 8>C Procurations
pour les Députez qu'ilsvoudront
envoyer à l'Election;
cela se trouvera plus clairement
exprimé à la fin de la
présente Ordonnance;laquelleforme
en cet endroit prescrite,
Ordonnons de nostre
pleine Puissance &: Autorité
Imperiale, estreen tout &:
par tout observée.
§..il. QiiFind les choses
serontvenuës à cepoint,que
la nouvellecertaine de lamort
.dç l'Empereur ouduRoydes
Romains sera arrivéedansle
Diocese de Mayence, Nous
commandons ôç ordonnons,
que dés-lors
,
dans l'espace
d'un mois, àcompter du jour
de l'avis reçu de cette piort
l'Archevêque de Mayence par
sesLettres Patentes en donne
part aux autres Princes Electeurs
, & fasse l'intimation
dontilest ci-dessusparlé. Que
il par hasard cet Archevêque
négligeoit ouapportoit de la
lenteur à faire ladite intimation
,
alors les autres Princes
Electeurs, de leurpropremouvement,
sans mêmeetreàpgellez
, & par lafidelité avec laquelle
ils sont obligez d'assisterle
saint Empire
,
se rendront
dans trois mois( ainsi
qu'il aesté dit) en ladite Ville
cleFrancfort, pour élire un
Roy des Romains futur Empereur.
§. il. Or chacun des Princes
Electeurs ou ses Ambassadeurs
, ne pourront entrer
dans le temps de ladite Election
en ladite Ville de Francfort
,qu'avec deux cent chevaux
feulement, parmi lesquels
il pourra y avoir cin-
; quante Cavaliers armez, ou
moins s'il veut, mais non pas
davantage.
§. 2 3. Le Prince Electeur
ainsi appellé & invité à cette
.Election^ & n'yvenant t\-s
ou n'y envoyantpasks Anibai--
sadeurs avec ses Lettres Patentes
scellées de son grand
Sceau, contenant un plein,
libre&entier pouvoir d'élire
un RoydesRomains, ou bien y
estant venu ou y ayant envoyé à
son deffaut les Ambassadeurs,
si ensuitelemême Prince
ou lesdits Ambassadeurs se
retiroient du lieu de l'Election
avant que le Roy desRomainsfutur
Empereur eust
esté élû) & sans avoir substituésolemnellement&
latRë
un, Procureur legitime, afin
d'y agir pour ce que dessus
,
que pour cette fois il soit privé
de sa voix pour l'^Icjfbion
& du Droit qu'il y avoit §c
(Ju'il aainsi abandonné.
§. 24. Enjoignons &mandons
aussiauxBourgeois de
Francfort, qu'en vertu du Serment
que Nous voulons qu'ils
prêtentàcette fin sur les fuints
Evangiles, ils ayent à proteger&
a"defféndCfe avec tout
foin,fidélité &vigilance,tous
nlees rParli,nces Elet-i-etirs en ge- &unchacund'eux en
particulier ; ensemble leurs
gens ,
<k chacun .desdeux
crnc Cavaliers qu'ils auront
amenez en laditeVille
, contre
toute insulte &attaque,
en cas qu'il arrivast quelque
dispute ou querelle entr'eux
,
&: ce envers &: contre tous; à faute de quoy encourront
la peine .de parjure, avec p?rte
de tous leurs Droits,Libertez,
Graces & Indults
qu'ils tiennent ou pourront
tenirduSaint Empire : & serontdésaussi-
tost mis avec
leurs Personnes & tous leurs
bièns
, au Banc Imperial: Et
dés-lors comme dés-à-prefent
, il fera loisible à tout
Homme de sa propre autorité
, sans estre obligé de recourirà
aucun Magistrat, d'attaquer
impunément ces inemes
Bourgeois, que nous privons
en ce cas dés-à-present
comme pour lors de tout
Droit, comme traîtres, infidelles
& rebelles à l'Empire ;
sans que ceux qui les attaqueront
pour ce sujet en doivent
apprehender,aucune punition
de la part du saintEmpire,ou
d'aucune autre-,par , §.25.Deplus, lesdits Bourgeoisde
laVille de Francfort
n'introduiront & ne permettront
fous quelque pretexte
que ce soit, de laisser entrer
en leur Ville aucun Etranger,
de quelque condition ou qualité
qu'il puisse estre, pendant
tout le temps qu'on procedera
à l'Election, à l'exception seulement
des Princes Electeurs,
leurs Deputez ou Procureurs,
chacun desquels pourra faire
entrer deux cent chevaux,
comme il a esté dit.
§. 16. Mais si après l'entrée
des mêmes Electeurs il se
trouvoit dans la Ville ou en
leur presence quelqueEtranger,
lesdits Bourgeoisen conséquence
du Serment qu'ils
aurontprêté pour ce sujet en
vertu de la presence Ordonnance
sur les saints Evangiles (comme il a esté ci -devant
marqué ) feront obligez de les'
faire sortir incontinent êc sans
retardement, fous les mêmes
peines ci-dessus prononcées
contre eux.
i>
Article II.
De l'Election du Roy des
ROrIJains.
§. I.APRE's que les Electeurs
ou leurs Plenipotentiaires
auront r1au leurs
entrées en la Ville de Francfort
, ils se transporteront le
lendemain du grand matin en
l'Eglise de Saint Barthelemy
Apôtre, &: là ils feront chanter
la Messe du Saint-Esprit,
&: yassisteront tous jusqu'à la
fin; afin que le même Saint-
Esprit éclairant leurs coeurs,
& répandant en eux la lumiere
de sa Vertu
,
ils puissent
estre fortifiez de son secours
pour élire Roy des Romains &
futur Empereur
, un Ho11me
juste, bon, &utile pour le salut
duPeuple Chrestien.
§. 2. Aussi-tost aprèsla Messe
, tous les Electeurs ou Plenipotentiairess'approcheront
de l'Autel où la Mené clé aura celebrée ; & là les Princes
Elèâréuri Ecclesiastiques,
l'Evangile de Saint Jean In
principio erat Verbum'dfcJ
estantexposée devant eux ,
mettront leurs mains avec reverence
sur la poitrine, & les
Princes Electeurs toucheront
réellement de leurs mains ledit
Evangile;àquoy tous avec
toute leur Famille assisteront
non-armez. Et alors l'Archevêque
de Mayence leur presentera
la forme du Serment;
& luy avec eux,&: eux ou les
Plenipotentiaires des absens
avec luy, prêteront le Serment
en cette maniere.
5* 3. Je N. Archevêque de
Mayence, Archichancelier du
Saint Empire en Allemagne &
Prince Electeur , jure sur ctf
SiilntsEvangilesky mis devant
moy , par la Foy avec laquelle je
suisobligé à Dieu dr au Saint
Empire Romain, que selon tout:
mon discernement, &jugement,
avec l'aide de Dieu
,
je veux élire
un Chef temporel auPeuple
Chrestien, c'est-à-dire un Roy
des Romains futur Empereur,
qui soit digne de l'estre autant
que par mon discernement &
mon jugement je le pourray connoistre
; ,& sur la même Foy je
donneray ma voix &monsuffrage
en ladite Election, sans aucun
pactenyesperance d'interest,
de récompense, ou de promesse,
0% d'aucune chosesemblable, de
quelquemanierequ'elle puisse
estre IlJpeUée. Ainsi Dieu m'aide
<&tous les Saints;
§. 4. Apres avoir preslc"Scr-,
ment en la forme & manieresusdite
,
fti fd1 te les Electeurs ou les
F il s o~t Ambassadeurs des absens procederont
à l'Election; & déslorsilsne
forciront plus dela
Ville de Francfort
,
.qu'aupav.
ravant ils n'ayent, àla pluralité
des voix,élû & donné ail
Monde ou au Peuple Chrêtien,
un Chef temporel,à
sfçauvoti ruunrREoymdpeseRroemuairn.s
§. 5. Que s'ilsdisseroient
de le E:ire dans trente jours
consecutifs,àcompterdujour
qu'ils auront presté le Serment
; alors,les trente jours
expirez ,ils n'auront, pour
nourriture que du pain &: de
Feau;&nc sortiront pas de la*».
dite Ville, qu'auparavant tous
oulaplus grande partie d'eux,
n'ayent élu unConducteur ou
Cheftemporel des Fidelles,
comme il aesté dit.
§. (y. Or après que les Electeurs
ou le plus grand nombre
d'eux l'aurontainsi élû dans
le même lieu
, cette Election
tiendra & fera réputée comme
si elle avoiresté faite par tous
unanimement sans contradiction
d'aucun.
§.7. Et si quelqu'un des Electeurs
ou desdits Ambassadeurs
avoit tardé quelque peu.cLe
tems à arriverà Francfort, ôc
quetoutefoisil yvintavantque •l'Ele&ionfr.fl: achevée;Nous
voulons qu'il soit admis à l'Election
en l'estat qu'elle se
trouvera lors de son arrivée.
§. 8.Et dautantque par une
coutume ancienne, approuvée
,&. loüable
, tout cequi estcidessousécrita
esté invariablement
observéjusqu'à pretent;
Nous, pour cette raison, voulons
&: ordonnons, de nostre
pleine puissance &: autorité
Imperiale, qu'à l'avenir celuy
qui dela maniere susdite aura
^fté élû Roy des Romains,
auaI-tofi après son Election
&C avant qu'il puisse se mesler
4e l'administration des autres
affaires de l'Empire.coiifiriiie
& approuve sans aucun délay,
par ses Lettres & son Sceau,
à tous & chacun les Princes
ElecteursEcclesiastiques&
Seculiers, comme aux principaux
Membres de l'Empire,
tous leurs Privileges,Lettres,
Droits, Libertez,Immunitez
,
Concessions anciennes
Coutumes & Dignitez,&
tout ce qu'ils ont obtenu ex;
possedé de l'Empire jusques au
jour de tonElection;&: qu'aprés
qu'il aura esté couronné
de la Couronne Imperiale, il
leur confirme de nouveautoutes
les choses susdites.
§. 9. Cette confirmation
fera faite par le Prince élua.
chacun des Princes L-leâeurs
en particulier, premierement
sous le Nom de Roy, & puis
renouvellée fous le Titre
d'Empereur
: Et fera tenu ledit
Prince élu d'y maintenir
sans fraude & de son bonmou*
vement les mêmes Princesen
général, &c chacun d'eux en
particulier; bien loin de leur
y donner aucun trouble ou
empêchement.
§. 10. Voulons enfin, & ordonnons
qu'au cas que trois
Electeurs presens, ou les Ambassadeurs.
des absenséliferçt.
un quatrième d'entr'eux, (çar
voir un Prince Elet[e-lli- present
ou absent, Roy des Romains
; lavoixde cet éllîs'il
est present,oulavoix de ses
Ambaissadeurs,s'il cil; absent,
ait sa vigueur & augmente Σ
nombre & la plus grande partie
des élisans, à l'instar des
autres Princes Electeurs,
ARTICLEIII.
'F>e la Séance des Archevêques
-
de Tréves, de CQtogm
drdeM-ayence. ,
9
A#nom de Lifaidtc{jr iiïdifViJi->
hle Trinité, d? à nojfreplus
grand bonheur. Ainsi soit-il.
iCgHraAcReLES IV.par la
de Dieu Empereur
des Romains, toujours Auguste&
Roy de Boheme; 'l
*kmémoire perpetuelle de la
chose.
§.I.L'union & la concordedes
venerables&illustres.
Princes Eleveurs, fait l'ornement
& la gloire du saint
Empire Romain, l'honneur
de la Majesté Impériale
, &:
l'avantage des autres Etats de
cette Republique, dont ces
Princes soutiennent l'édifice
sacré, comme en estant les
principales colonnes, par leur
pieté égale à leur prudence
: cesont euxaussi qui for.,.
tissent le bras de la PuiOEltlCC
Imperiale;& l'on peut dire
que plus le noeud de leuramitié
mutuelle s'étreint, plus le
Peuple chrestien joüit abondamment
de toutes les commoditez
qu'apporte la Paix &
la tranquillité.
§. 2. C'est pourquoy,pour
doresnavant prévenir lesdifputes
& les jalousies qui pourtoieht
naître entre les venetables
Archevêques de Mayeince,
de Cologne & de Tréves,
Princes Electeurs du Saint
Empire, à cause de la primauté
& du rang qu'ils doivent
avoir pour leursSéances
dans les Assemblées Imperiales
& Royales, & faire
en forte qu'ils demeurent entr'eux
dans un estattranquille
de coeur & d'esprit
,
& puissenttravailler
unanimement&
employer tous leurssoins aux
affaires & aux avantages du
saint Empire pour laconsolation
du Peuple Chrestien ;
Nous avons, par délibération
& par le Conseil de tousles
Electeurs, tant Ecclesiastiques
que Seculiers, arresté & oih
donné, arrestons & ordonnons
,
de nostre pleine Puissance
& Autorité Imperiale,
par ce present nostreEditperpetuel
& irrévocable
, que lesdics
vénérables Archevêques
auront Séance; sçavoir celuy
de Trevesvis-à-vis la face
de l'Empereur ;celuy de
Mayence, soit en ion Diocese
& en saProvince, soit même
hors de sa Province dans,
l'étenduë de la Chancellerie
Allemande, excepté en laProvince
de Cologne seulement,,.
à la main droite de l'Empereur
;ainsi que l'Archevêque
de Cologne l'aura en sa Province
& en fôn Diocese
, &:
hors de sa Province en toute
l'Italie & en France,àla
main droite de l'Empereur,
&: ce en tous les Actes publics
Impériaux , de même
qu'aux Jugemens, Collations,
Investitures desFiefs,Festins,
Conseils& en toutes leurs
autres Assemblées où il s'agira&
se traitera de l'honneur
& du bien de l'Empire Romain.
Voulantquecet ordre
de Séance foit observé entre
lesdits Archevêques de Colo-"*
gne, de Tréves & de Mayence
, & de leurs Successeurs cU
perpetuité
,
sans que l'on puisse
à jamais y apporter aucun
changement,ou y former aucune
contestation,
ArticleIV.
*Der Princes Electeurs en
commun.
§.1.oRdonnons aussi, que
coûtes les sois que
l'Empereur ou le Roy desRomains
se trouvera assis dans
les Assemblées Impériales,
foit au Conseil, à table, ou
eh toute autre rencontre avec
les Princes Electeurs, le Roy
de Boheme, comme le Prince
couronné &: sacré,occupela
la premiere place immédiatement
après l'Archevêque de
Mayence ou celuy de Cologne;
sçavoir après celuy d'eux deux
qui pour lors
,
selon la qualité
des lieux & varieté des Provinces
,
fera assis au cofté droit
de l'Empereur ou du Roy des
Romains
,
suivant la teneur de
son Privilege; &que le Comte
Palatin occupe aprés luy la
seconde place du même costé
droit : qu'aucofté gauche le
Ducde Saxe occupe la première
place aprèsl'Archevêque
qui fera assis à la main
gauchede l'Empereur;& que
le
,.
Marquis de Brandebourg
se mettra après le Duc de
Saxe. §.2.Toutes & quantefois
que le Saint Empire viendra
à vacquer ,
l'Archevêque de
Mayence aura le pouvoir qu'il
a eu d'ancienneté
,
d'inviter
jfar "LcttÉe's'les ancresPHT^
des sesConfreresdevenir àx
l'Election.
§. ~34
Touslesquels,ouceux
d'entr'eux qui auront pû ou
vtmluaflïftcr à ladite Elèétion
eilantalIèrnblez pour yprôceder
, ce fera à l'Electeur de
Mayence &: non à un autre ,de
-rêciieillir particulièrementles
voix de ce-Electeurs,enl'or-*'
dtoc fuivann I;*> -
era pre ic-@
;
§. 4. Il demanderapremier
rèment l'avis à l'Archevêque
de Trêves,àqui nousdeclarons
que le premier sutfrage
appartient,ainsî que nôus
avons trouvé qu'il luy avoio
appartenu jusqu'à present. Serondement
,àl'Archevêqud
deCologne, à qui appartient
l'honneur
l'honneur & l'office de mettre
le premierleDiadème sur la
teste du Roy des Romains.
Troisiémement
, au Roy de
Boheme qui tient laprimauté
par l'Eminence,le droit & le
mérité de sa Dignité Royale
entre les Electeurs Laïques.
En quatrième lieu
, au Comte
Palatin du Rhin. En cinquième
lieu, au Duc de Saxe; &.
en sixiéme lieu, auMarquis
de Brandebourg. L'A rchevêl-
que de Mayence ayant ainsi &:
en l'ordre susdit, recüeilli les
suffrages de tous, fera en- tendre aux Princes ses Confreres
& leur découvrira [es.
intentions, &: à qui il donne
sa voix, en estant par eux requis.
§. y'. Ordonnons aufh'qu'-
aux ceremonies des Festins
Imperiaux, le Marquis de
Brandebourg donnera l'eau à
laver les mains à l'Empereur
ou au Roy des Romains; le
Roy deBohême lui donnera la
pemiere fois à boire, (lequel
service toute-fois il ne serapas
tenu de rendre avec la Couronne
Royale sur la téte, conformément
aux Privilèges de
son Royaume, s'il ne le veut
de sa propre & libre volonté;)
le Comte Palatin du Ii. hin fera
tenu d'apporter la viandè; 8c
le Duc de Saxe exercera sa
charge d'Archi-marecchal ,
comme il a accoûtumé de faire
de toute ancienneté.
ARTICLE V.
Du Droit dIt Comte Palatirs
duRhin,&duDuc.
1. de Saxe.
§.I. DE plus, toutes les
fois ques le saint
Empire viendra à vaquer
comme il cfi dit, l'liluiti'e
Comte Palatin du Rhin Archimaître
du saint Empire Romain
,
fera l roviseur ou Vicaire
de l'impire dans les
partiedu Rhin& de la Suabc,,
& de la Jurisdiction de Franconie,
à cause de sa Principauté,
ou du Privilège du
ComtéPalatin, avec pouvoir
d'administrer la Jllfijce.,j- de
nommeraux Benefices -Ecc1e.,
siastiques, de recevoir le revenu
de l'Empire,,d'investir
des Fiefs,&de recevoirlesfoi
& hommages de la part & au
nom du saint Empire; coures
lesquelles choses toutefois seront
renouvellées en leur terris
par le Roy des Romains après
dûy auquel les foi & hommages
devront être de nouveau
prêtez ; à la reserve des Fiefs
des Princes, & de ceux qui se
donnent ordinairement avec
l'étendart,dontnous reservons
spécialement l'invèstiture & la
collation à l'Empereur seul ou
au Roy des Romains. Le
Comte Palatin sçaura toutefois
qu'illui est défendu exjsireffement
d'aliénner ou d'eri.
gager aucune chose appartenant
à l'Empire, pendant le
temps de son Administration
ouVicariat.
§. 2. Et Nousvoulons que
l'Illustre Duc de Saxe Archimareschal
du saint Empire
joüisse du mêmedroitd'Administration
dans les lieux où le
droit Saxon est observé, en
toutes les mêmes maniéres&.
cfonpditeioncs qiuitftonet cei-dseum.s
§. 3. Et quoi-que parune
coustume fort ancienne il ait
esté introduit que l'Empereur
ou le Roy des Romains cR:
obligéderépondre dans les
causesintentées contre luipardevant
le Comte Palatin du
Rhin Archimaistre, Prince
Electeur du saint Empire>leK
dit Cpmte Palatin ne pourra
toutefois exercer cette Jurisdiction
qu'en la Cour Impériale
où l'Empereur ou leRoy
des Romainsfera present en
personne,&:nonailleurs.
ARTICLE VI.
,De la compawifoM des Princes
ElecteuPrrsiancveesccomlmeusnasu. tres
NOU s ordonnons qu'en
toutes les Cérémonies
& Assemblées de la Cour Impériale
qui feront doresnavant
&: à l'avenir; les Princes Electeurs
Ecclesiastiques & Séculiers
tiendront invariablement
leursplaces à droite &à
gauche,selon l'ordre &:J«i
maniéré prescrite; ôc que nul
autre Prince,de quelque Etat,
dignitéPrééminence ou qualité
qu'il soit, ne leur puisse
être ou à aucuns d'eux,préféré
en aucunes actions quelconques
qui regarde, les Assemblées
Impériales, Toit en marchant
, séant ou demeurant
debout; avec cette condition
expresse, que le Roy de
Boheme nommément, précédera
invariablement dans toute?
& chacunes lesactions &:
célébrationssusdites des Assemblées
Imperiales, toutau-
,.tre Roy
,
quelque dignitéou
Prérogative particulière qu~ii
puisseavoir, & pour quelque
causeoucas qu'il y puissevenir
ou assister.
ARTICLE VII.
De la fùceejjion des Princes
Electeurs.
Au Nom de tif sainte & tndî~
visible Trinté, & à nojhré
plus grand bonheur. Ainjisoit-
il. cHARLES Quatrième
par la
-
grace de Dieu
Empereur des Romains toûjours
Auguste &: Roy de Bohême
; à la mémoire perpértuclte
delachose. 1
--
§. I. Parmi les soins inrion*
: brables que nous apportons
journellement pourmettre en1
un état heureux le saint Empire,
oùnousprésidons par
l'assistance duSeigneur,nôtre
principale aplication est à faire
fleurir & à entretenir toujours
parmi les Princes Electeurs du
saint Empire, une Unionsalutaire&
une concorde&charité
sincere, estant certain que
leurs conseils font d'autant
plus utiles au Monde Chrestien,
qu'ils se trouvent éloignez
de toute erreur; que la
Charité regne plus purement
entre eux; que tout doute en
est banni; &: que les droits
d'un chacunsont clairement
,diecllarez & specifiez.Certes, cftgeneralement manifesté
& notoire àtout le Monde,
que les Illustres le Roy de
Boheme, le Comte Palatin du
Rhin, le Duc de Saxe &: le
Marquis de Brandebourg : le
premier envertude son Royaume
, & les autres en vertu
de leurs Principautez, ont
droit, voix&séanceen l'tlection
du Roy des Romains futur
Empereur, avec les Princes
Ecclesiastiques leurs Coélec-
.'teints, avec lesquels ils sont
tous reputez, comme ils sont
en effet, vrais & légitimés
-
Princes Electeurs du saint
Empire.
§. 2. Néanmoins
,
afinqu'à
-l'avenir onjie puisse fufclcer
;¡aucun sujet de scandale & de
division entre les Fils de ces Princes Electeurs Seculiers,,
touchant lesdits droit, voix
&&: faculté d'élection ; SC
qu'àinsi le bien public ne cour- te aucun risque d'estre retardé
ou troublé par des délais dangereux
; Nous, avec l'aide de
Dieu, desirant en prévenir les
perils à venir.
§. ;. Statuons &: ordonnons
,
de notrePuissance &
Autorité Iir periale, par la presente
Loi perpetuelle, que cas
avenant que lesdits Princes
Electeurs Seculiers, &: quelqu'un
d'eux viennent à deceder,
le droit, la voix,& le
pouvoir d'élire, fera dévolu
librement & Las contradiction
de qui que ce (cit) à îoà
Fils aîné légitimé & laïque ;&
en cas que l'aîné ne fust plus
au monde, au Fils aînédel'ainé
semblablementlaïque.
§. 4. Et si ledit Fils aîné,
venoit à mourir sans laisser
d'enfansmâleslegitimes Iaft
ques, le droit, la voix &, le
pouvoir de l'élection feront
dévolus en vertu du presens
Edit, à son Frere puîné descenduen
ligne directe légitime
paternelle, & ensuite au Fîfé
aîné laïque de celui-ci.
§. y. Cette succession des
aînez &: des Héritiers de ces
Princes fera perpétuellement
observée en ce qui regarde le
sdurositd,liat. vvooiixx,. Ô&C le ppoouuvvooiirr
l, §. 6. A cette condition&
en sorte toutefois, que si le
Prince Eleaeur ou son Fils
aîné, ou le Filspuisné laïque
venoit à deceder, laissant des
Heritiers mâles legitimes laïques
mineurs, le plusâgé
Frere de ce désunt aîné fera
Tuteur &Administrateur desdits
mineurs
,
jusqu'à ce que
l'aîné d'entr'eux ait atteint
l'âge légitime »
lequel âge en
^in Prince Electeur, voulons
ordonnons estre à toujours
dedix-huit ans accomplis ; &
lorsquel'Electeur mineur aujra
atteint cet âge,son Tuteur
ou Administrateur fera tenu
de luy remettre incontinent
& entièrement le droit
,
la
yoix & le pouvoir avec l'Qf;
jrr
fices d;gieéteur ,Se généralement
tout ce qui en dé..
pend. .:tJ §. 7. Etsi quelqu'une deces
Principautez venoitàvacquer
au profit de l'Empire
,
l'Em",
pereur ou le Roy des Romains
d'alors en pourra disposer
comme d'une chose dévoluë
légitimement à luy &
au saintEmpire.
§. 8. Sans préjudice néan~
moins des Privileges,Droits
& Coutumes de nostre Royaume
de Boheme
,
pour ce qui
regardel'Election d'un nouveau
Royen cas de vaccance;
en vertu desquels les Regnicoles
de Boheme peuvent élire
un Roy de Boheme suivant
la Coutume observée detout
temps , &: la teneur desdits
Priviléges obtenus des Empereurs
ou Rois nos Predecesseurs
; ausquels Privilèges
1Nous n'entendons nullement
prejudicier par la presente
Sanction Imperiale, au contraire
ordonnons expressement
que nostredit Royaume
y soit maintenu
,
& que ses
Privilegesluy soient confervez
à perpétuité
,
selon leur
forme & teneur.
Article VIII.
De 1,Immunité du Roy de Bohê*
, ~me3& des Habitans audit
Royaume.
Ski.cOMME les Empe»
reurs & Rois nos
Predecesseurs ont accordé
aux Illustres Rois de Boheme
nos Ayeuls&Predecesseurs,
aussi-bien qu'au Royaume ÔC
à la Couronne de Boheme , Je Privilege qui par grace a
esté accordé & qui a eu son
effet dans ledit Royaume, sans
interruption dèpuis un temps
immemorial, par une lo.üa.
ble Coutume incontestablement
observée pendant tout
ce temps &: prescrite par l'ufage,
sans contradiction 8c interruption
aucune, qui est
qu'aucun Prince, Baron
Noble, Homme de , guerre,
Vassal, Bourgeois, Habitant,
Paisan & autre personne de
ce Royaume & de ses appartenances,
de quelque Etat,
Dignité,Prééminence ou
condition qu'il puisse être, ne
puisse pour quelque cause ou
fous quelque prétexte, ou par
quelque personne que ce soit,
être ajourné & cité hors le
Royaume &: pardevant d'autre
Tribunal, que celui du Roy
de Boheme &; des juges de sa
Cour Royale. Nous, desirans
renouveller &: confirmerledit
Induit,Usage&Privilege,Ordonnons
de nostre autorité &:
pleine Puissance Imperiale, par
cette Constitution perpetuelle
& irrévocable à toujours, que
si nonobstant ce Privilege,
Coûtume & Indult, quelque
Prince, Baron, Noble, Vassal,
Bourgeois ou Paisan,ouquelque,
autre personne susdite
, étoitcité ou ajourné à quelque
Tribunal que ce fut hors du
Royaume, pour cause quelconque
civile, criminelle ou
mixte, il ne foit nullement
tenu d'y comparoistre &: d'y
répond re, en aucun temps, en
personne ou parProcureur:Et
1 le Juge étranger &: qui ne
demeure point dans le Royaume,
quelque autorité qu'il
.air, ne laisse pas de proceder
contre les Défaillans ou le non
Comparant, & de passer outre
jusques à Jugementinterlocutoire
on definitif, &de rendre
.une ou plusieurs Sentences
.<lans les Causes &: Affaires
susdites., dequelque maniere
que cesoit;Nous déclarons,
de nostre Autorité & pleine
Puissence Imperiale, toutes
lesditesCitations, Commandemens
,P rocédures,Sentences
&: executions faitesen
consequence generaloment
quelconques, nulles. &de nul
effet,sansqu'il puisse <eftt?è
.., ïienexecutéou attentéaupréjudice
de ce Privilege.
§. 2. Surquoi Nous ajouicons
expressement & ordonjnons
par cet Edit Imperial,
perpetuel &: irrévocable,de
la même pleine Puissance &
Autorité;que comme dans ledit
Royaume de Boheme ila
été toujours & de tems immémorial
observé, il ne soit
permis à aucun Prince, Baron,
Noble, Homme de guerre,
Vassal, Citoyen, Bourgeois,
JPaïfan, ou tout autre Habitant
du Royaume de Boheme susdit,
de quelque Etat, Prééminence,
Dignité ou condition
qu'il foit, d'appeller à tout
autre Tribunal de quelcon<
tues, Procedures, Sentences
interlocutoires& définitives,
Mandemens ou Jugemens du
Roy de Boheme ou de ses
Juges; comme aussi de l'execution
desdites Sentences
--& jugemens rendus contre
acun d'eux, par le Roy ou
par les Tribunaux du Roy,
du Royaume &: des autres
Juges susdits, &C s'il arrive
qu'au préjudice de ce que
l'on interjette de tels appels,
qu'ilssoientdéclarez nuls ,(&
que les Appellans encourent
dés-lors réellement & de fait
la peine de leur Cause.
ARTICLEIX.
DesMinés d'or, d'Argent d.-
autres Métaux, NOu s ordonnons par la
presente Constitution
perpetuelle &: irrévocable
, & déclarons denostre Science
, que nos Successeurs Rois
de Bohême
, comme aussi
tous &: chacuns les Princes
ElecteursEcclesiastiques &
Seculiers presens & à venir,
pourrontjustement & legitimement
avoir & posseder toutes
les Mines & Minieres
d'Or,d'Argent, d' E taim, de
Cuivre,de Fer & de Plomb
3. & de toutes fortes d'au res
Métaux ; comme aussi les Salines
découvertes ou qui se
découvriront avec le tir ps
en nostredit Royam e & dans
les Terres &: Pays sujets audit
Royaume
, ce même que
lesdits Princes dans leursPrincipautez
,
Terres, Domaines
& Appartenances, avec tous
Droits, sans en excepter aucun
, comme ils peuveut ou
ont accoutumé de les posseder.
Pourront aussi donner retraite
aux Juifs & recevoir à
l'avenir les Droits <5c les Peages
établis par le passé, tout
ainsi qu'il a esté Jusqu'à present
observé & pratiqué legU
timement par nos Predecesseurs
Rois de Boheme d'heureuse
memoire
,
& par les
Princes Electeurs
,
& leurs
Predecesseurs
,
suivant l'ancienne
,
loüable & approuvée
Coutume, & le cours d'un
temps immemorial.
Fermer
Résumé : BULLE D'OR. Au nom de la sainte & indivisible Trinité. Ainsi soit-il.
Le document 'BULLED'OR' expose les procédures et obligations relatives à l'élection du Roi des Romains et futur Empereur du Saint-Empire. Les Princes Électeurs doivent éviter les divisions et les querelles, et toute personne tentant de nuire à un Électeur encourt des sanctions. Tous les Princes Électeurs et autres princes doivent promettre par lettres et serment d'accomplir leurs obligations, sous peine de sanctions. Tout prince refusant d'accomplir les ordonnances impériales est exclu de la société des Électeurs et privé de ses droits et dignités. Chaque Électeur doit être escorté par des princes, comtes, barons, nobles, bourgeois, et communautés de villes spécifiques, selon les pays et lieux traversés. Après la nouvelle du décès de l'Empereur, l'Archevêque de Mayence informe les autres Électeurs, qui doivent se rendre à Francfort ou y envoyer des ambassadeurs pour procéder à l'élection. Les Électeurs ou leurs plénipotentiaires se rendent à l'église de Saint Barthélemy à Francfort, assistent à une messe, prêtent serment, et procèdent à l'élection d'un Roi des Romains. Les Électeurs jurent de choisir un chef temporel digne, sans pacte ni récompense, et donnent leur voix en conséquence. Si l'élection n'est pas réalisée dans les trente jours, les Électeurs ne reçoivent que du pain et de l'eau jusqu'à ce qu'un chef temporel soit élu. Un Électeur arrivant tard à Francfort peut être admis à l'élection en cours. Les procédures décrites doivent être observées invariablement, conformément aux coutumes anciennes et approuvées. Après son élection, le roi des Romains doit confirmer les privilèges, droits, libertés, immunités, et dignités des princes électeurs, tant ecclésiastiques que laïques, par des lettres et un sceau. Cette confirmation est renouvelée après son couronnement impérial. Les princes électeurs, par leur union et leur concorde, soutiennent l'édifice sacré du Saint-Empire Romain. Leur amitié mutuelle est essentielle pour la paix et la tranquillité du peuple chrétien. Lors des assemblées impériales, les archevêques de Trèves, de Mayence, et de Cologne ont des places spécifiques. Le roi de Bohême occupe la première place après l'archevêque de Mayence ou de Cologne, suivi du comte palatin, du duc de Saxe, et du marquis de Brandebourg. En cas de vacance de l'Empire, l'archevêque de Mayence invite les autres électeurs à l'élection. L'archevêque de Trèves donne le premier suffrage, celui de Cologne pose le diadème sur la tête du roi des Romains, et le roi de Bohême a la primauté parmi les électeurs laïques. Les princes électeurs sécularisés ont des droits spécifiques lors de l'élection du roi des Romains. En cas de décès d'un électeur, le droit de vote passe à son fils aîné légitime et laïque, ou à son frère puîné en ligne directe légitime. Si un électeur ou son fils aîné décède en laissant des héritiers mâles légitimes mineurs, le frère aîné du défunt devient tuteur et administrateur jusqu'à ce que l'aîné atteigne l'âge de dix-huit ans.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
8
p. 97-144
Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
Début :
Les effets du feu son si admirables & si terribles, / Il y a si peu de choses qui puissent passer pour certaines [...]
Mots clefs :
Feu, Incendie, Corps, Auteur, Eau, Nature, Chaleur, Esprits, Vertu, Dieu, Terre, Froid, Avantages, Traité, Principes, Force, Divinité, Substance, Couleur, Grandeur, Soleil, Physique, Entretiens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
admirables & si terribles,
si utiles & si dangereux, &
j'en ai déja parlé tant de
fois superficiellement, que
4 je croy ne pouvoir mieux
faire, pourinstruire & pour
amuser le lecteur, que lui
donner un extrait des dissertationssuivantes,
oùil
verra un tableau assez exact
des qualitez & des proprietez
de cet élement.
h) ;>-t'ï
J, Traité du feu, dans lequel on établît les vraisfondemens
n' de la Physique.
-'u-j
,
Il y a si peu de choses qui
puissent passer pour certaines
& pour confiantes dans
la Physique, qu'il n'ya
rien de plus aisé que dese
tromper, lors qu'on entreprend
de prononcer decisivement
sur les matierés qui
s'y traitent. D'ailleurs,les
methodes Ics- plus regulieres
ne fonc pas toûjours les
meilleures; elles ont fouvent
beaucoup plus de
montre que d'utilité solide,
& l'on peut dire qu'en bien
des rencontres elles servent
bien plus à gêner l'esprit,
qu'à le conduire droit à la
verité. C'a été pour prendre
uneroute qui l'exposât
moins àces deux inconve-
,
niens, que le P. C. a donné
la formed'entretiens à cet
ouvrage, parce qu9ona accoûtumé
de bannir de tout
ce qui porte ce titrele ton
decisif de Docteur,aavec
ce faste & cet apparat qui
l'accompagne d'ordinaire,
&. que du reste on n'y reçoit
point les regularitez importunes,
ni les formalitez
gênantes des manieres de
l'Ecole. Ainsi les
13.
dissertarions
dont il a composé son
livre, sontautant de ron'Ver.
sations libres& sçavantes,
où il fait entrer trois personnes
d'un rare merire &
d'une fort grande érudition;
à peu prés comme Ciceron
introduit sesillustres
amis parlansdans ses ouvrages
de Philosophie. Je tjU
cherai d'informer les lecteurs
de ce qui s'y trouve
de plus remarquable 8; de
principal: mais comme je
suis obligé d'éviter la longueur
des extraits , autant
qu'il me fera possible,
& qu'il feroit difficile de
rendre compte en peu de
mots de 13.dissertations pleines
de choses considerables
&qui font un gros volume,
je me contenterai de donner
ici le précis des 5. premieres,
& je renvoyerai le
reste à un autre mois.
Nôtre auteur entre en
matiere,dans la premiere
dissertation;d'une maniere
agreable -" par une petite
disputequ'il fait naître entre
ses personnages sur cette
question curieuse : Lequel
desdeuxestleplus excellent &
le plus utile, de l'eau ou du
feu ? C'est pour se donner
jour à faire l'élogedu sujet
qu'il veut traiter, en montrant
l'avantage qu'a le feu
sur tous les corps simples,
dont il pretend qu'il est le
plusnoble à bien des égards.
On ne pouvoit gueres
mieuxtourner la chose qu'-
en laprenant de cette maniere
,
ni faire voir un plus
beau mélange de la belle
litterature avec la Philosophie,
que celui que nous
donne ici le P.C. On allegue
• de part & d'autre ce qu'on
pouvoir dire de plus curieux
à l'avantage du feu ou de
l'eau. On cite les autoritez
des Poëtes & des Philosophes,
on produit le celebre
passage de Pindare, qui des
le commencement de ses
Odes dit qu'il n'y a rien de
meilleur que l'eau. Et on lui
opposePlutarque,qui ayant
traité la même question
qu'on a gite ici, l'adecidée
en faveur du feu. On peut
bien croire qu'on n'oublie
pas là-dessus ni Vulcain, qui
étoit du nombre des grandes
Divinitez Payennes, ni le
feusucré,qui étoit l'objet de
la devotion des Perfes
; ni
l'adoration que les Chaldéens
rendoient à cet element,
qu'ils, consideroient
comme leur supreme Divinité.
Cependant comme le
feu ne craint rien si fort que
l'eau,on raconte ici une as
fez plaisante avanture,tirée
de Ruffln & de Suidas, oùles
choses ne tournerent pas à
l'avantage du Dieu de Chaldée.
Ceux de cette nation
vantoient leur Divinité,
comme la plus puissante de
toutes; & quelques-uns de
leurs Prêtres, courans de
Province enProvince,défioient
au combat tous les
f
autresDieux. Maiscomme
ceux-ci, de que lque matierequ'ils
fussent, de bois,
, ou d'airain ,ou d'argent
ou d'or, ne pouvoientresister
au feu, qui en venoit
-
enfin à bout,il le trouva un
Prêtre d'Egypte qui arrêta
de cette maniere les triomphes
de ce Dieu, qui en avoit
dévoré tant d'autres. Il
prit une cruche percée de
quantité de petits trous,
qu'il boucha avec de la cire,
mais si proprement, qu'on
n'en pouvoitrien connoître
; & après avoir rempli
cette cruche d'eau, & avoir
mis au dessus la tête de son
Idole qu'on nommoit Canope,
il accepta le défi. Les
Chaldéens mirent aussitôt
le feu à l'entour de l'Idôle:
mais la cire se fondant au
feu, ouvrit incontinent le
passage à l'eau, qui sortant
de tous cotez par les petits
trous ,qu'on ne voyoit pas,
éteignit le feu, & faisant
triompher Canope, fit avoüer
aux Chaldéens que.
le Dieu des Egyptiensétoit
le plus fort. Avec tout cela,
comme il estaussi naturel
au feu de consumerl'eau,
qu'ill'est à l'eau d'éteindre
le feu, on ne peut nier que
celui-ci ne se dédommage
quelquefois au double, parce
qu'il gagne à son tour
sur l'autre.Mais pourétablir
sur quelque chose de c'on.,
fiderable l'avantage qu'on
donne aufeu,on remarque
ici que si on recüeille les
suffrages des Philolophes,
on trouvera que le plus
grand nombre est celui de
ceux qui ont mis le feuen
tre les principes deschoses;
ce qui vient sans douce de
l'impression nature lle qu'on
a de ion excellence & de
son utilité. Qu'au reste ce
n'est pas un foible argument
pour nous en persuader,
que de voir qu'entre »
tant de sortes d'animauxil
n'y ait que l'homme à qui
a nature en ait proprement
accordé l'usage : ce qui va
siloin
,
selon la pensée de
Lactance
,
qu'il semble que
Dieu ait voulu assurer les
hommes de leur immortalité
, en leur abandonnant
l'usage & la disposition de
cet element, qui est celui de
la lumiere & de la vie. Que
quoy qu'il en soit, lavie est
un feu, & que si le feu en
est le symbole,il en est aussi
le soûtien, & leplus necessaire
instrument, puis qu'-
après tout il n'est pas possïble
ni de cuire les alimens,
ni de préparer les remedes,
ni de se prévaloir de cent
autres choses necessaires à
la vie, sans le secours de
cet element. Que d'ailleurs
quand on pourroit vivre
sans l'usage du feu,la vie
ne sçauroit être qu'extremement
miserable, privée
de tous les avantages qu'on
tire des sciences & des arts,
& plongée dans une obscurité
qui lui ôteroit tout ce
qu'elle a dagreable. Qu'en
un mot on est redevable de
toutes lescommoditez, ôc
de tous les ornemens de la
: vie au feu ,qui eR: d'une utiflité
si étenduë & si gene- rale, qu'outre le secours
qu'il prête à la vûé au milieu
de l'obscurité , il supplée
quelquefois à l'usage
[. de la parole, en donnant
aux amis éloignez de quelques
lieuës le moyen de se
pouvoir parler la nuit par
des flambeauxallumez. Enl'
fin, après avoir remarqué
que les effets mêmequ'on
lui reproche sont des preuves
de noblesse & des marques
de grandeur,on observe
quetousles peuples
l'ont prispour le symbole
de la puissance, & pourle
caractere de la majesté:d'où
vient qu'on le portoit autrefois
devant les Rois de
l'Asie, & devant les Empereurs
Romains. Et pour
achever par un endroitqui
en couronne dignementl'éloge,
on ajoûte qu'il n'y a
point eu de nation dans le
monde qui ne l'ait regardé
non feulement comme un
excellent present duCiel,
mais encore comme une illustre*
imagerdela-Divinité. Que
rQue de là est venu qu'on Fa
employé dans toutes les Religious,&
que ce n'ont point
été les Chaldéens feu ls, ni
les Poëtes, ni les Philosophesqui
ont dit que Dieu
est unfeu : mais que l'Ecriture
sainte a parlélemême
langage, & n'a pas faitdifficulté
de nous assurer que
Dieu estunfeuconsumant. 1
Aprés ces préliminaires,
il passe dans le deuxiéme
entretien à l'explication de
lanature du feu. Lefeu, sef!
on" lui, est un esprit qui soy a en unechaleur vive brûlante.
Mais il faut sçavoir
que par cet esprit il n'entend
pas ce que les Chymistes
appellent de ce nom &
qu'ils distinguent par là mêmedavec
leursouphre &
leur mercure. Dans ce que
nôtre auteur nomme ainsi,
il n'est pas tant question de
larareté dela matiere,ou
'de la legereté, quede la subtilité
& de la sorce:&en
un mot, l'esprit, dans son
sens
,
estune substance tres-déliée&
trés-subtile,très-capablede
s'insinuer&depenetrer
dans les pores de tous les corps.
cr >
Quand donc cette subtilité
se trouve jointe avec la É-lieleur,
& que celle-ci est dars
un degré de force & d'ardeur
considerable, nôtre
auteurpretend quec'estce
qui fait propremenr le feu.
D'où vient qu'il ne fait pas
de difficulté de mettre le
sel aunombredes corpsde
nature ignées parce qu outre
•
qu'il désechetoutes leschop
ses ou il s'attache, & qu'il
consume puissamment les
-
humiditez, on en tire, en
ledistillent,des eaux fortes
qui ont la vertu de dissoudre
les metaux,en bien
moins
,-
de temps quene
sçauroit faire le feu leplus
fort &le plusardentde nos
fourneaux.Au reste; comme,
l'ondistingue diverses
sortes de terres,qui, quoy
qu'ellesconviennent toutes
dans cette nature generale,
qui leur est commune; ne
laissent pas d'être differentes
en espece les unesdes
autres; nôtre aauurteeuurrine j ne
doute pointqu'on ne doive
aussidistinguer diverses sortes
de feux, qui tenant tous
en général de la nature de
cet element , différent entr'eux,
en ce qu'ilssont d'une
vivacité,d'un éclat,d'une
subtilité ,d'une force, Si
d'une activité inégale.Quelquedifferensneanmoins
qu'ils soiênt,ilveutqu'ils se
reduisent tous à deux genres
principaux:les uns, qui
ont,tout enlemble de la lumiere&
de la chaleur &
lesautres qui ont de la chaleur
,mais quin'ont point
de lumiere. Les premiers
sont ceux qu'on nomme
feux par excellence : aussi
l'auteur lesappelle-1-il des
feuxvifs, parce qu'ils renfermenc
une quantité d'esprits
vifs & lumineux, comme
font ceux d'une vive
flamme. Les autres sont des
feux beaucoup moins parfaits:
c'est pourquoyl'auteur
les appelle des feux
morts, parce qu'ils sont composez
d'espritsqui n'ont ni
vivacité, ni clarté, & qu'avec
la vertu de brûler , ils
n'ont pas celle d'eclairer &
de luire. Le poivre, le pyretbre,
l'argent vifprécipité, ôc
generalement tous lescaustiques
renferment des eA
prits de cette espece, & doivent
par cette raison être
mis entre les corps qui tiennent
de la nature du feu. /',
Maiscequ'ilyaicid'aussi
remarquable; & qui pourra
surprendre ceux qui n'aurontpoint
oüi parler du
traité de M. Boyle; deflam-
; mæ ponderabilitate y cest qu'-
excepté le feu celeste & de
la nature de celui des astres,
qu'on veut bien qui soit ler
ger. & capable de s'élever
sen haut, on soûtient que
* tous les autres tendent naturellement
vers le centre,
& qu'ilssontmême plus
pesans que tous les autres
elemens.
La troisiéme dissertation
est employée toute entiere
à soûtenir ce paradoxe,& il
fautavoüerqu'on lui donne
un grand air de vraifemblance
par les preuves qu'-
on apporte pour l'établir.
Par exemple , to.. L'on remarque
que les briques,
qui demeurent long-temps
dans le feu, y deviennent
beaucoup plus pesantes,
quoique l'évaporation de
l'humidité en dûtdiminuer
le
le poids.2°. On rapporte un
grand nombre d'experiences
du traité de M. Boyle,
par lesquelles il paroît que
delachaux vive &, divers
metauxayant été exposez
au feu pendant deuxon
trois heures, ont considerablement
augmenté leur
poids; ce qui ne pouvoit
venir que des particules du
feu qui s'étoientmêlées
avec ces matieres. 3°. Enfin
on soûtient que le lieu prow
pre & naturel de nôtre feu
élémentaire est dans les entrailles
de la terre, levrai
cétre des choses pefanses^
lendrpiçle.plus basde tonné
l'univers, ôcquec'estçefils
central, &: non pas la chaleuo
du soleil,ou la vertu ôdesin-j
lfweçesque1,onattribueau^
astrequi est le véritable
principe de la génération
des métaux, & la veritablq
çausequi produit les sources
des rivieres&des fontaines;
;:
En .effet3il est si peuvrai
que la vertu des astres fQ
false sentirdans- les pro-l
fonds cachotsdes lieux [oûi
terrains, que l'on pose en
fait que dans les plus gran4eschaleurs
de l'Esté,lorfque
le soleil darde ses.rayons
avec plus de force, & qu'ils
donnent sur la terre à
plomb, si Tonveut bienfe
donner la peine d'observer
l'effet qu'ilsyfont, on ne
itrouvera point, je ne dirai
pas quils l'ayent penetrée
de quelque milles, mais feu-,
lement qu'ils l'ayent réchauffée
de quelques pieds
de profondeur. L'auteur
nous apprend quelque cho.
se d'asser remarquable làideflus.
Il dit que tous ceux
qui ont écrit touchant les
mi,nes, au moi,ns tous ceux1
dont il, a lû les ecrits rapportent
constammentque.
la terre est froide vers sa fuperficie;
qu'on çommence
à la trouver un peu rechauf-j
fée, lors qu'on y est defcen,
du plus avant;& qu'ensuite
plus on l'enfonce, plus on
trouve que sa chaleur se forciné,
& qu'elle s'augmente
sensiblement. C'est ce que
témoigné entr'autres J. B.
Adorin dans sa relation de
lotis fubterraneis, où il rapporte,
qu'ayant eu la curiofit-R
dedépendre dans les minesd'or
de Hongrie au mots deJuillet,
il avoit trouvé la région superieure
de la terre extremement
froide jusques environ 480.
pieds : mais quétantdescendu
plusbas, ily aVoit trouvé de
la chaleur, qui saugmentait de
relie forte a mesure qu'il s'avançoit
vers lefond,que dans
l'endroit ou étoient les ouvriers
,
ils ne poyvoient travailler
que nuds. Et l'onremarque
qu'il en est de même
dans routes les autres
mines de ce pays-là.
La quatrième -diflertation
roule
sur cette quêstion
assez curieufc
: Si lorfqueï
quelque choje est brûUe>ils'en-t
gendre une nouvellefubflancef1
Pour la resoudre clairemenr,
l'auteurexplique fort,
au long toute la nature de la
génération des substances
inanimées. Il ne reconnoit^
aucune matierepremière proprement
airifi nommée', ôc ilsoûtientfqu'il n'yen ai
point d'autre que divers
corpuscules (impies, qui onci
chacun leur figure, leur!
grandeur, & leurs autre,
proprietez; de
maniéréquel
ne dépendant nullement lest
uns des-autres, ils peuvent
également [ublifler & ensemble,
& fcparez
:
après
cela on conçoit aflfez que,
félon cet auteur, laforme des
chosesinanimées ne doit consister
que dans la conformation,
qui refaite de l'union legitimé&
naturelle deflujieurs
Jecescorpujèule., qui composent
rtt.vtJCm1l "' om-mye par exemple, la forme d'urn--emaison
n'etf autre chose
que cette ftrudture qui le
forme de l'union & de l'arrangement
convenable des
matériaux dont on la bâtir.
Et de cettemanière il'.cÍt
clairque lagenerationde toutes
ces choses ne confifie
non plus que dans taffimblage
que la na«tureIfait de ces fM- diierfespartiesqu'elleuniten- j
semblefour enfaire unmême
corps: comme à lopposite,
la corruprion n'est rien autre
chose que 14 diffilution
& laseparation de ces mêmes
parties,-que lagénération avoit
assemblées;comme on le fait
voir clairement parune experiencecurieule
du vitriol
diûile dans le fourneau de
réverbere. Car après en
Ravoir tiré d'abord un phleg:.
me presque insipide, & enfuite
une liqueur fortace-
; teuse, il ne restera plus au [fond qu'une terre d'un beau [rouge couleur de poùrprë.
I Mais si vous versez vos deux
j[ liqueurs sur cette rerre,vous
l verrez aussitôt vôtre vitriol
; réproduit
, avec sa même
couleur 1V presque son même
poids, parce qu'il a peu
,
d'esprit & dé fou phre volatile.
Enfinnôtre auteur prei
tend que les principesde cetteunion
des parties des corps.
naturels
,
dans laquelle il
veut que la génération cohj
Me, ne font autre chose,
que lesesprits & lesfels auf- j
quels il attribuë tant de
force,qu'il tient que là Oùi
les mêmes efprirs & les memes
fels se trouvent, ils ne
manquent presque jamais
de produire à peu prés la.
Inêmeconfiguratron,quél-
1
,.r que peu ae diipoirm.on qu"r1ry--
rencontrent assezsouvent
dans lamatiere sur laquelle
ils agissent. Onenrapporte
ici deux preuves, qui fèroient
bien considerables &
bien cotivaincantessi elles
étoient bien averées.La premiere
est que la terre cremt
pée&imbuëdecefanggâté
•5 & de ces humeurs infedtes
& corrompues qui forcent
des corps de ces malheureux
qu'on laisse arrachez
aux gibets
,
après leur avoir
fait souffrir le dernier supplice
; que cette terre3 disje,
ainsi detrempée prociuic
une herbe, dont la racine
exprime beaucoup mieux la
forme du corps humain>
que ne fait la racine dela
mandragore. L'autre experience
qu'on alléguéest que
tous les raiforts, qui venoient
dans un jardin,&où
l'on avoitautrefois enterré
un grand nombre de personnes,
avoient la figure de
la moitié du corps humain,
mais si bien representée,
qu'il ne se pouvoir rien de
plus rèssemblant.Cesèxemples
qui quadrent si bien
aux principes de nôtre auteur,
lui donnent occasion
depenser qu'il y a bien plus
de raison qu'on ne s'imagine
dans les regles des
physionomistes, qui tiennent
pour une de leurs grandes
maximes, que les hommes
ont d'ordinaire les inclina..
tions des animaux avec leC
quels ils ont du rapport
dans les traits & dans la forme
exterieure ; parce qu'il
paroît par là qu'ils ont à peu
prés les mêmes esprits, &
qu'il y a bien de l'affinité
entre les particules qui les
composent.
Il nest pas mal aisé de
juger, après tout ce qu'on
vient de voir, ce que nôtre
auteur doit répondre à la
question qu'on a proposée;
car. puis qu'il fait consister
la générationdans un assemblage,&
dans une union
de plusieurs parties pour ne
composer qu'un seul tour,
on voit bien que pour raisonner
consequemment sur
ses principes, il ne peut pas
dire que le feu, qui en embrasant
une matiere combustible,
ne fait qu'en dissoudre
& en separer les parties
,
produise une nouvelle
substance. Il pose donc ici en
fait que tout ceque l'embrasement
peut faire, ne peur
être toutau plus que de prd."
duire de nouvelles qualitez.Et
pour faire voir qu'en celail
ne fait que suivre le sentiment
des anciens, il allègue
là dessus un paisage d'Ari.
stote, qui ne sçauroit être
plus exprés pour,lui quoy
il joint ces beaux vers d'Oise
, où il dit que la garde
du feu sacré avoit été donnée
à des vierges,pourmarquer
,
s'il faut ainsi dire, la
virginité de cet element,par
lequel rien n'est produit.
Comme l'auteur est per.
suadé qu'il n'y a rien de plus
essentiel au feu que la chalent,
il en parle à fond dans
la cinquièmedissertation,
où il s'accache à en expliquerexactement
la nature:,
mais comme pour y bien
reüssir sélon ses principes, il
se trouve obligé de faire
comprendre comment il
conçoit que les corps qui enj
font susceptibles sont composez,
il entre d'abord dans1
un examen fort particulier j
de cette matiere, Bien qu'ilJ
rejette tout à fait lesatomes
d'Epicure, il ne laisse pas de
croire que ces corpuscules,
dont nous avons vû qu'il
composetous lescorps îèn- :';.' fibles,
sibles;sontsi minces, qu'on
n'en peut assez concevoir la
petitesse. Ce qui l'en a convaincu,
c'est,dit- il, quayanc
regardeau travers d'un microscope
de petits grains de
fromage vermoulu
,
qu'il
avoit exposez au soleil, ily
apperçut unefourmilliere
de petits vers, quel'oeil n'auroit
jamais sçû découvrir
sans l'aide de cet instrument.
Il remarque d'ailleurs
qu'on en a observé quelquefois
une grandequantité de
la même petitesse dans le
sang qu'on a tiré à des personnesqui
avoient lafievre,
& qu'il se trouvoir qu'ils
avoient la têtenoire:c'etoit
un signe que la fievre étoit
maligne & dangereuse.Nô- i
tre auteur croiroit assez-que
ces fortes de vers pourroient
devoir leur origineà
ces petits animaux queVarron
dit quisont dans l'air
mais quiyfont imperceptibles
& qui entrant dans nos corps
par la bouche & par les nari
nés,yengendrent desmaladies
difficiles & perilleuses. Mais,
pour revenir à ses corpuscules,
il tient que comme ils.
ne peuvent pas être tous de
la même grandeur) il ne se
peut pas non plus qu'ils
Soient tous de la même sigure;
Chaque espece, selon
lui, a la sienne particulière,
comme on le voit dans les
cristaux, dont chacun a ses
parties configurées d'une
certaine manière qui lui est
propre ; & ç'est de là qu'il
pretend que vient la diversitéqu'on
remarque dans la
contexture des corps, dont
les uns sont plus rares, les
autres plus ferrez, & les autresd'une
consistance mediocre.
Mij
4 Celaposé, ilvientà montrer
ce que c'est que la chaleur,
& commentilconçoit
qu'elle, se produit dans les
corps quisechauffent. Il
n'est pas dusentiment de
ceux qui en font un pur accident.
Il croit quelle envelope
necessairement dans
sa notion une substance,
puisqu'elleconsille dans
l'agitation de ces petitsfeux
ou esprits ignez, qui sont
renfermez dans les corps
chauds; ou pour mieux dire,
qu'elle n'estaucrechose que
ces mêmes feux ou esprits
violemment agitez. En effet il
n'a pas de peine à ren d re raison
par ce principe de la plupart
des effets qu'on attribuë a la
chaleur, comme de secher les
draps mouillez,d'amolir la cire,
de durcir la bouë, de faire évanouir
l'esprit de vin qui fera
dans une phiole ouverte,&c. Il
fait voir que tout cela se fait par
le mouvement & par l'agitation
violente de ces petits feuxou efpritsdont
les lieux où toutes
ces choses arrivent setrouvent
remplis. Il ne trouve pasplus de
difficulté à expliquer la maniere
dont la chaleur s'engendre
en de certains corps, &
pourquoy il y en a qui n'en font
point susceptibles. Il dit que les
premiers s'échauffent aisément,
parce qu'a yant une contexture
rare, ils reçoivent facilemenr
dans leurs pores les petits feux
étrangers qui réveillent ceux
qu'ils avoient déja dans leur
propre sein,ouils étoient comme
assoupis,& qui les remuent
& lesagitent: mais que les autres
ne s'échauffent pas, parce
que leurs pores ne font pas faits
d'une maniéré propre à admettre
ces petits feux ou esprits.
C'est de là que vient, selon lui,
que le ru bis soutient la chaleur
du feu jusques à 5. jours, & le
diamantjusques à 9 ;ce qui a
fait que les Grecs lui ont donne
le nom d'adamas, qui signifie
invincible.C'est encore, à son
avis,ce qui fait que la pierre aprelié
chalazia, parce qu'elle a la
couleur & la figure de la grêle,
conserve sa froideur dansJe
feu? comme au contraire ce,le
queles-Grecsont appelléeapiyilos,
c'etf à dire irrefrigerable),
étant une fois échauffée, conserve
toute sa chaleur pendant
plusieurs jours.
'-Il ne faut pas oublier que nôtre
auteur ne croit pas que le
froid soit une simple privation
dechaleur, comme la plupart
dumon deselepersuade. Il pretend
que comme la chaleur
consiste dans desesprits de nature
ignée ,
le froid consiste à
l'oppalire dans des esprits froids
églacez.Etil croit le prouver
invinciblement par deux experiences.
La premiere est le froid
insupportable que l'Atlasdela
Chine rapporte qu'il fait toûjours
sur une montagne de la
Prov ince Quan^ft, qui pour cet
te raison est appellée la montagnefroide
;car quoy qu'elle soit
dans la zone torride, elle est
pourtant inhabitable par l'extreme
rigueur du froid. L'autre
est la vertu qu'a la pierre nommée
æmatite, d'empêcher l'eau
de boüillir,sion la jette dans le
vaisseau; & celle qn'elle a d'arrêter
le fang, lors qu'une trop
grande fermentation le fait sortir
hors des veines. L'auteur
croit qu'une même cause produit
l'un & l'autre de ces effets,
& il ne conçoit pas qu'on
puisse attribuer ni le froid de
cette montagne,ni la vertu de
cette pierre, qu'à des exhalaisons
froides,qui arrêtent l'action
& le mouvement des esprits
chauds.
si utiles & si dangereux, &
j'en ai déja parlé tant de
fois superficiellement, que
4 je croy ne pouvoir mieux
faire, pourinstruire & pour
amuser le lecteur, que lui
donner un extrait des dissertationssuivantes,
oùil
verra un tableau assez exact
des qualitez & des proprietez
de cet élement.
h) ;>-t'ï
J, Traité du feu, dans lequel on établît les vraisfondemens
n' de la Physique.
-'u-j
,
Il y a si peu de choses qui
puissent passer pour certaines
& pour confiantes dans
la Physique, qu'il n'ya
rien de plus aisé que dese
tromper, lors qu'on entreprend
de prononcer decisivement
sur les matierés qui
s'y traitent. D'ailleurs,les
methodes Ics- plus regulieres
ne fonc pas toûjours les
meilleures; elles ont fouvent
beaucoup plus de
montre que d'utilité solide,
& l'on peut dire qu'en bien
des rencontres elles servent
bien plus à gêner l'esprit,
qu'à le conduire droit à la
verité. C'a été pour prendre
uneroute qui l'exposât
moins àces deux inconve-
,
niens, que le P. C. a donné
la formed'entretiens à cet
ouvrage, parce qu9ona accoûtumé
de bannir de tout
ce qui porte ce titrele ton
decisif de Docteur,aavec
ce faste & cet apparat qui
l'accompagne d'ordinaire,
&. que du reste on n'y reçoit
point les regularitez importunes,
ni les formalitez
gênantes des manieres de
l'Ecole. Ainsi les
13.
dissertarions
dont il a composé son
livre, sontautant de ron'Ver.
sations libres& sçavantes,
où il fait entrer trois personnes
d'un rare merire &
d'une fort grande érudition;
à peu prés comme Ciceron
introduit sesillustres
amis parlansdans ses ouvrages
de Philosophie. Je tjU
cherai d'informer les lecteurs
de ce qui s'y trouve
de plus remarquable 8; de
principal: mais comme je
suis obligé d'éviter la longueur
des extraits , autant
qu'il me fera possible,
& qu'il feroit difficile de
rendre compte en peu de
mots de 13.dissertations pleines
de choses considerables
&qui font un gros volume,
je me contenterai de donner
ici le précis des 5. premieres,
& je renvoyerai le
reste à un autre mois.
Nôtre auteur entre en
matiere,dans la premiere
dissertation;d'une maniere
agreable -" par une petite
disputequ'il fait naître entre
ses personnages sur cette
question curieuse : Lequel
desdeuxestleplus excellent &
le plus utile, de l'eau ou du
feu ? C'est pour se donner
jour à faire l'élogedu sujet
qu'il veut traiter, en montrant
l'avantage qu'a le feu
sur tous les corps simples,
dont il pretend qu'il est le
plusnoble à bien des égards.
On ne pouvoit gueres
mieuxtourner la chose qu'-
en laprenant de cette maniere
,
ni faire voir un plus
beau mélange de la belle
litterature avec la Philosophie,
que celui que nous
donne ici le P.C. On allegue
• de part & d'autre ce qu'on
pouvoir dire de plus curieux
à l'avantage du feu ou de
l'eau. On cite les autoritez
des Poëtes & des Philosophes,
on produit le celebre
passage de Pindare, qui des
le commencement de ses
Odes dit qu'il n'y a rien de
meilleur que l'eau. Et on lui
opposePlutarque,qui ayant
traité la même question
qu'on a gite ici, l'adecidée
en faveur du feu. On peut
bien croire qu'on n'oublie
pas là-dessus ni Vulcain, qui
étoit du nombre des grandes
Divinitez Payennes, ni le
feusucré,qui étoit l'objet de
la devotion des Perfes
; ni
l'adoration que les Chaldéens
rendoient à cet element,
qu'ils, consideroient
comme leur supreme Divinité.
Cependant comme le
feu ne craint rien si fort que
l'eau,on raconte ici une as
fez plaisante avanture,tirée
de Ruffln & de Suidas, oùles
choses ne tournerent pas à
l'avantage du Dieu de Chaldée.
Ceux de cette nation
vantoient leur Divinité,
comme la plus puissante de
toutes; & quelques-uns de
leurs Prêtres, courans de
Province enProvince,défioient
au combat tous les
f
autresDieux. Maiscomme
ceux-ci, de que lque matierequ'ils
fussent, de bois,
, ou d'airain ,ou d'argent
ou d'or, ne pouvoientresister
au feu, qui en venoit
-
enfin à bout,il le trouva un
Prêtre d'Egypte qui arrêta
de cette maniere les triomphes
de ce Dieu, qui en avoit
dévoré tant d'autres. Il
prit une cruche percée de
quantité de petits trous,
qu'il boucha avec de la cire,
mais si proprement, qu'on
n'en pouvoitrien connoître
; & après avoir rempli
cette cruche d'eau, & avoir
mis au dessus la tête de son
Idole qu'on nommoit Canope,
il accepta le défi. Les
Chaldéens mirent aussitôt
le feu à l'entour de l'Idôle:
mais la cire se fondant au
feu, ouvrit incontinent le
passage à l'eau, qui sortant
de tous cotez par les petits
trous ,qu'on ne voyoit pas,
éteignit le feu, & faisant
triompher Canope, fit avoüer
aux Chaldéens que.
le Dieu des Egyptiensétoit
le plus fort. Avec tout cela,
comme il estaussi naturel
au feu de consumerl'eau,
qu'ill'est à l'eau d'éteindre
le feu, on ne peut nier que
celui-ci ne se dédommage
quelquefois au double, parce
qu'il gagne à son tour
sur l'autre.Mais pourétablir
sur quelque chose de c'on.,
fiderable l'avantage qu'on
donne aufeu,on remarque
ici que si on recüeille les
suffrages des Philolophes,
on trouvera que le plus
grand nombre est celui de
ceux qui ont mis le feuen
tre les principes deschoses;
ce qui vient sans douce de
l'impression nature lle qu'on
a de ion excellence & de
son utilité. Qu'au reste ce
n'est pas un foible argument
pour nous en persuader,
que de voir qu'entre »
tant de sortes d'animauxil
n'y ait que l'homme à qui
a nature en ait proprement
accordé l'usage : ce qui va
siloin
,
selon la pensée de
Lactance
,
qu'il semble que
Dieu ait voulu assurer les
hommes de leur immortalité
, en leur abandonnant
l'usage & la disposition de
cet element, qui est celui de
la lumiere & de la vie. Que
quoy qu'il en soit, lavie est
un feu, & que si le feu en
est le symbole,il en est aussi
le soûtien, & leplus necessaire
instrument, puis qu'-
après tout il n'est pas possïble
ni de cuire les alimens,
ni de préparer les remedes,
ni de se prévaloir de cent
autres choses necessaires à
la vie, sans le secours de
cet element. Que d'ailleurs
quand on pourroit vivre
sans l'usage du feu,la vie
ne sçauroit être qu'extremement
miserable, privée
de tous les avantages qu'on
tire des sciences & des arts,
& plongée dans une obscurité
qui lui ôteroit tout ce
qu'elle a dagreable. Qu'en
un mot on est redevable de
toutes lescommoditez, ôc
de tous les ornemens de la
: vie au feu ,qui eR: d'une utiflité
si étenduë & si gene- rale, qu'outre le secours
qu'il prête à la vûé au milieu
de l'obscurité , il supplée
quelquefois à l'usage
[. de la parole, en donnant
aux amis éloignez de quelques
lieuës le moyen de se
pouvoir parler la nuit par
des flambeauxallumez. Enl'
fin, après avoir remarqué
que les effets mêmequ'on
lui reproche sont des preuves
de noblesse & des marques
de grandeur,on observe
quetousles peuples
l'ont prispour le symbole
de la puissance, & pourle
caractere de la majesté:d'où
vient qu'on le portoit autrefois
devant les Rois de
l'Asie, & devant les Empereurs
Romains. Et pour
achever par un endroitqui
en couronne dignementl'éloge,
on ajoûte qu'il n'y a
point eu de nation dans le
monde qui ne l'ait regardé
non feulement comme un
excellent present duCiel,
mais encore comme une illustre*
imagerdela-Divinité. Que
rQue de là est venu qu'on Fa
employé dans toutes les Religious,&
que ce n'ont point
été les Chaldéens feu ls, ni
les Poëtes, ni les Philosophesqui
ont dit que Dieu
est unfeu : mais que l'Ecriture
sainte a parlélemême
langage, & n'a pas faitdifficulté
de nous assurer que
Dieu estunfeuconsumant. 1
Aprés ces préliminaires,
il passe dans le deuxiéme
entretien à l'explication de
lanature du feu. Lefeu, sef!
on" lui, est un esprit qui soy a en unechaleur vive brûlante.
Mais il faut sçavoir
que par cet esprit il n'entend
pas ce que les Chymistes
appellent de ce nom &
qu'ils distinguent par là mêmedavec
leursouphre &
leur mercure. Dans ce que
nôtre auteur nomme ainsi,
il n'est pas tant question de
larareté dela matiere,ou
'de la legereté, quede la subtilité
& de la sorce:&en
un mot, l'esprit, dans son
sens
,
estune substance tres-déliée&
trés-subtile,très-capablede
s'insinuer&depenetrer
dans les pores de tous les corps.
cr >
Quand donc cette subtilité
se trouve jointe avec la É-lieleur,
& que celle-ci est dars
un degré de force & d'ardeur
considerable, nôtre
auteurpretend quec'estce
qui fait propremenr le feu.
D'où vient qu'il ne fait pas
de difficulté de mettre le
sel aunombredes corpsde
nature ignées parce qu outre
•
qu'il désechetoutes leschop
ses ou il s'attache, & qu'il
consume puissamment les
-
humiditez, on en tire, en
ledistillent,des eaux fortes
qui ont la vertu de dissoudre
les metaux,en bien
moins
,-
de temps quene
sçauroit faire le feu leplus
fort &le plusardentde nos
fourneaux.Au reste; comme,
l'ondistingue diverses
sortes de terres,qui, quoy
qu'ellesconviennent toutes
dans cette nature generale,
qui leur est commune; ne
laissent pas d'être differentes
en espece les unesdes
autres; nôtre aauurteeuurrine j ne
doute pointqu'on ne doive
aussidistinguer diverses sortes
de feux, qui tenant tous
en général de la nature de
cet element , différent entr'eux,
en ce qu'ilssont d'une
vivacité,d'un éclat,d'une
subtilité ,d'une force, Si
d'une activité inégale.Quelquedifferensneanmoins
qu'ils soiênt,ilveutqu'ils se
reduisent tous à deux genres
principaux:les uns, qui
ont,tout enlemble de la lumiere&
de la chaleur &
lesautres qui ont de la chaleur
,mais quin'ont point
de lumiere. Les premiers
sont ceux qu'on nomme
feux par excellence : aussi
l'auteur lesappelle-1-il des
feuxvifs, parce qu'ils renfermenc
une quantité d'esprits
vifs & lumineux, comme
font ceux d'une vive
flamme. Les autres sont des
feux beaucoup moins parfaits:
c'est pourquoyl'auteur
les appelle des feux
morts, parce qu'ils sont composez
d'espritsqui n'ont ni
vivacité, ni clarté, & qu'avec
la vertu de brûler , ils
n'ont pas celle d'eclairer &
de luire. Le poivre, le pyretbre,
l'argent vifprécipité, ôc
generalement tous lescaustiques
renferment des eA
prits de cette espece, & doivent
par cette raison être
mis entre les corps qui tiennent
de la nature du feu. /',
Maiscequ'ilyaicid'aussi
remarquable; & qui pourra
surprendre ceux qui n'aurontpoint
oüi parler du
traité de M. Boyle; deflam-
; mæ ponderabilitate y cest qu'-
excepté le feu celeste & de
la nature de celui des astres,
qu'on veut bien qui soit ler
ger. & capable de s'élever
sen haut, on soûtient que
* tous les autres tendent naturellement
vers le centre,
& qu'ilssontmême plus
pesans que tous les autres
elemens.
La troisiéme dissertation
est employée toute entiere
à soûtenir ce paradoxe,& il
fautavoüerqu'on lui donne
un grand air de vraifemblance
par les preuves qu'-
on apporte pour l'établir.
Par exemple , to.. L'on remarque
que les briques,
qui demeurent long-temps
dans le feu, y deviennent
beaucoup plus pesantes,
quoique l'évaporation de
l'humidité en dûtdiminuer
le
le poids.2°. On rapporte un
grand nombre d'experiences
du traité de M. Boyle,
par lesquelles il paroît que
delachaux vive &, divers
metauxayant été exposez
au feu pendant deuxon
trois heures, ont considerablement
augmenté leur
poids; ce qui ne pouvoit
venir que des particules du
feu qui s'étoientmêlées
avec ces matieres. 3°. Enfin
on soûtient que le lieu prow
pre & naturel de nôtre feu
élémentaire est dans les entrailles
de la terre, levrai
cétre des choses pefanses^
lendrpiçle.plus basde tonné
l'univers, ôcquec'estçefils
central, &: non pas la chaleuo
du soleil,ou la vertu ôdesin-j
lfweçesque1,onattribueau^
astrequi est le véritable
principe de la génération
des métaux, & la veritablq
çausequi produit les sources
des rivieres&des fontaines;
;:
En .effet3il est si peuvrai
que la vertu des astres fQ
false sentirdans- les pro-l
fonds cachotsdes lieux [oûi
terrains, que l'on pose en
fait que dans les plus gran4eschaleurs
de l'Esté,lorfque
le soleil darde ses.rayons
avec plus de force, & qu'ils
donnent sur la terre à
plomb, si Tonveut bienfe
donner la peine d'observer
l'effet qu'ilsyfont, on ne
itrouvera point, je ne dirai
pas quils l'ayent penetrée
de quelque milles, mais feu-,
lement qu'ils l'ayent réchauffée
de quelques pieds
de profondeur. L'auteur
nous apprend quelque cho.
se d'asser remarquable làideflus.
Il dit que tous ceux
qui ont écrit touchant les
mi,nes, au moi,ns tous ceux1
dont il, a lû les ecrits rapportent
constammentque.
la terre est froide vers sa fuperficie;
qu'on çommence
à la trouver un peu rechauf-j
fée, lors qu'on y est defcen,
du plus avant;& qu'ensuite
plus on l'enfonce, plus on
trouve que sa chaleur se forciné,
& qu'elle s'augmente
sensiblement. C'est ce que
témoigné entr'autres J. B.
Adorin dans sa relation de
lotis fubterraneis, où il rapporte,
qu'ayant eu la curiofit-R
dedépendre dans les minesd'or
de Hongrie au mots deJuillet,
il avoit trouvé la région superieure
de la terre extremement
froide jusques environ 480.
pieds : mais quétantdescendu
plusbas, ily aVoit trouvé de
la chaleur, qui saugmentait de
relie forte a mesure qu'il s'avançoit
vers lefond,que dans
l'endroit ou étoient les ouvriers
,
ils ne poyvoient travailler
que nuds. Et l'onremarque
qu'il en est de même
dans routes les autres
mines de ce pays-là.
La quatrième -diflertation
roule
sur cette quêstion
assez curieufc
: Si lorfqueï
quelque choje est brûUe>ils'en-t
gendre une nouvellefubflancef1
Pour la resoudre clairemenr,
l'auteurexplique fort,
au long toute la nature de la
génération des substances
inanimées. Il ne reconnoit^
aucune matierepremière proprement
airifi nommée', ôc ilsoûtientfqu'il n'yen ai
point d'autre que divers
corpuscules (impies, qui onci
chacun leur figure, leur!
grandeur, & leurs autre,
proprietez; de
maniéréquel
ne dépendant nullement lest
uns des-autres, ils peuvent
également [ublifler & ensemble,
& fcparez
:
après
cela on conçoit aflfez que,
félon cet auteur, laforme des
chosesinanimées ne doit consister
que dans la conformation,
qui refaite de l'union legitimé&
naturelle deflujieurs
Jecescorpujèule., qui composent
rtt.vtJCm1l "' om-mye par exemple, la forme d'urn--emaison
n'etf autre chose
que cette ftrudture qui le
forme de l'union & de l'arrangement
convenable des
matériaux dont on la bâtir.
Et de cettemanière il'.cÍt
clairque lagenerationde toutes
ces choses ne confifie
non plus que dans taffimblage
que la na«tureIfait de ces fM- diierfespartiesqu'elleuniten- j
semblefour enfaire unmême
corps: comme à lopposite,
la corruprion n'est rien autre
chose que 14 diffilution
& laseparation de ces mêmes
parties,-que lagénération avoit
assemblées;comme on le fait
voir clairement parune experiencecurieule
du vitriol
diûile dans le fourneau de
réverbere. Car après en
Ravoir tiré d'abord un phleg:.
me presque insipide, & enfuite
une liqueur fortace-
; teuse, il ne restera plus au [fond qu'une terre d'un beau [rouge couleur de poùrprë.
I Mais si vous versez vos deux
j[ liqueurs sur cette rerre,vous
l verrez aussitôt vôtre vitriol
; réproduit
, avec sa même
couleur 1V presque son même
poids, parce qu'il a peu
,
d'esprit & dé fou phre volatile.
Enfinnôtre auteur prei
tend que les principesde cetteunion
des parties des corps.
naturels
,
dans laquelle il
veut que la génération cohj
Me, ne font autre chose,
que lesesprits & lesfels auf- j
quels il attribuë tant de
force,qu'il tient que là Oùi
les mêmes efprirs & les memes
fels se trouvent, ils ne
manquent presque jamais
de produire à peu prés la.
Inêmeconfiguratron,quél-
1
,.r que peu ae diipoirm.on qu"r1ry--
rencontrent assezsouvent
dans lamatiere sur laquelle
ils agissent. Onenrapporte
ici deux preuves, qui fèroient
bien considerables &
bien cotivaincantessi elles
étoient bien averées.La premiere
est que la terre cremt
pée&imbuëdecefanggâté
•5 & de ces humeurs infedtes
& corrompues qui forcent
des corps de ces malheureux
qu'on laisse arrachez
aux gibets
,
après leur avoir
fait souffrir le dernier supplice
; que cette terre3 disje,
ainsi detrempée prociuic
une herbe, dont la racine
exprime beaucoup mieux la
forme du corps humain>
que ne fait la racine dela
mandragore. L'autre experience
qu'on alléguéest que
tous les raiforts, qui venoient
dans un jardin,&où
l'on avoitautrefois enterré
un grand nombre de personnes,
avoient la figure de
la moitié du corps humain,
mais si bien representée,
qu'il ne se pouvoir rien de
plus rèssemblant.Cesèxemples
qui quadrent si bien
aux principes de nôtre auteur,
lui donnent occasion
depenser qu'il y a bien plus
de raison qu'on ne s'imagine
dans les regles des
physionomistes, qui tiennent
pour une de leurs grandes
maximes, que les hommes
ont d'ordinaire les inclina..
tions des animaux avec leC
quels ils ont du rapport
dans les traits & dans la forme
exterieure ; parce qu'il
paroît par là qu'ils ont à peu
prés les mêmes esprits, &
qu'il y a bien de l'affinité
entre les particules qui les
composent.
Il nest pas mal aisé de
juger, après tout ce qu'on
vient de voir, ce que nôtre
auteur doit répondre à la
question qu'on a proposée;
car. puis qu'il fait consister
la générationdans un assemblage,&
dans une union
de plusieurs parties pour ne
composer qu'un seul tour,
on voit bien que pour raisonner
consequemment sur
ses principes, il ne peut pas
dire que le feu, qui en embrasant
une matiere combustible,
ne fait qu'en dissoudre
& en separer les parties
,
produise une nouvelle
substance. Il pose donc ici en
fait que tout ceque l'embrasement
peut faire, ne peur
être toutau plus que de prd."
duire de nouvelles qualitez.Et
pour faire voir qu'en celail
ne fait que suivre le sentiment
des anciens, il allègue
là dessus un paisage d'Ari.
stote, qui ne sçauroit être
plus exprés pour,lui quoy
il joint ces beaux vers d'Oise
, où il dit que la garde
du feu sacré avoit été donnée
à des vierges,pourmarquer
,
s'il faut ainsi dire, la
virginité de cet element,par
lequel rien n'est produit.
Comme l'auteur est per.
suadé qu'il n'y a rien de plus
essentiel au feu que la chalent,
il en parle à fond dans
la cinquièmedissertation,
où il s'accache à en expliquerexactement
la nature:,
mais comme pour y bien
reüssir sélon ses principes, il
se trouve obligé de faire
comprendre comment il
conçoit que les corps qui enj
font susceptibles sont composez,
il entre d'abord dans1
un examen fort particulier j
de cette matiere, Bien qu'ilJ
rejette tout à fait lesatomes
d'Epicure, il ne laisse pas de
croire que ces corpuscules,
dont nous avons vû qu'il
composetous lescorps îèn- :';.' fibles,
sibles;sontsi minces, qu'on
n'en peut assez concevoir la
petitesse. Ce qui l'en a convaincu,
c'est,dit- il, quayanc
regardeau travers d'un microscope
de petits grains de
fromage vermoulu
,
qu'il
avoit exposez au soleil, ily
apperçut unefourmilliere
de petits vers, quel'oeil n'auroit
jamais sçû découvrir
sans l'aide de cet instrument.
Il remarque d'ailleurs
qu'on en a observé quelquefois
une grandequantité de
la même petitesse dans le
sang qu'on a tiré à des personnesqui
avoient lafievre,
& qu'il se trouvoir qu'ils
avoient la têtenoire:c'etoit
un signe que la fievre étoit
maligne & dangereuse.Nô- i
tre auteur croiroit assez-que
ces fortes de vers pourroient
devoir leur origineà
ces petits animaux queVarron
dit quisont dans l'air
mais quiyfont imperceptibles
& qui entrant dans nos corps
par la bouche & par les nari
nés,yengendrent desmaladies
difficiles & perilleuses. Mais,
pour revenir à ses corpuscules,
il tient que comme ils.
ne peuvent pas être tous de
la même grandeur) il ne se
peut pas non plus qu'ils
Soient tous de la même sigure;
Chaque espece, selon
lui, a la sienne particulière,
comme on le voit dans les
cristaux, dont chacun a ses
parties configurées d'une
certaine manière qui lui est
propre ; & ç'est de là qu'il
pretend que vient la diversitéqu'on
remarque dans la
contexture des corps, dont
les uns sont plus rares, les
autres plus ferrez, & les autresd'une
consistance mediocre.
Mij
4 Celaposé, ilvientà montrer
ce que c'est que la chaleur,
& commentilconçoit
qu'elle, se produit dans les
corps quisechauffent. Il
n'est pas dusentiment de
ceux qui en font un pur accident.
Il croit quelle envelope
necessairement dans
sa notion une substance,
puisqu'elleconsille dans
l'agitation de ces petitsfeux
ou esprits ignez, qui sont
renfermez dans les corps
chauds; ou pour mieux dire,
qu'elle n'estaucrechose que
ces mêmes feux ou esprits
violemment agitez. En effet il
n'a pas de peine à ren d re raison
par ce principe de la plupart
des effets qu'on attribuë a la
chaleur, comme de secher les
draps mouillez,d'amolir la cire,
de durcir la bouë, de faire évanouir
l'esprit de vin qui fera
dans une phiole ouverte,&c. Il
fait voir que tout cela se fait par
le mouvement & par l'agitation
violente de ces petits feuxou efpritsdont
les lieux où toutes
ces choses arrivent setrouvent
remplis. Il ne trouve pasplus de
difficulté à expliquer la maniere
dont la chaleur s'engendre
en de certains corps, &
pourquoy il y en a qui n'en font
point susceptibles. Il dit que les
premiers s'échauffent aisément,
parce qu'a yant une contexture
rare, ils reçoivent facilemenr
dans leurs pores les petits feux
étrangers qui réveillent ceux
qu'ils avoient déja dans leur
propre sein,ouils étoient comme
assoupis,& qui les remuent
& lesagitent: mais que les autres
ne s'échauffent pas, parce
que leurs pores ne font pas faits
d'une maniéré propre à admettre
ces petits feux ou esprits.
C'est de là que vient, selon lui,
que le ru bis soutient la chaleur
du feu jusques à 5. jours, & le
diamantjusques à 9 ;ce qui a
fait que les Grecs lui ont donne
le nom d'adamas, qui signifie
invincible.C'est encore, à son
avis,ce qui fait que la pierre aprelié
chalazia, parce qu'elle a la
couleur & la figure de la grêle,
conserve sa froideur dansJe
feu? comme au contraire ce,le
queles-Grecsont appelléeapiyilos,
c'etf à dire irrefrigerable),
étant une fois échauffée, conserve
toute sa chaleur pendant
plusieurs jours.
'-Il ne faut pas oublier que nôtre
auteur ne croit pas que le
froid soit une simple privation
dechaleur, comme la plupart
dumon deselepersuade. Il pretend
que comme la chaleur
consiste dans desesprits de nature
ignée ,
le froid consiste à
l'oppalire dans des esprits froids
églacez.Etil croit le prouver
invinciblement par deux experiences.
La premiere est le froid
insupportable que l'Atlasdela
Chine rapporte qu'il fait toûjours
sur une montagne de la
Prov ince Quan^ft, qui pour cet
te raison est appellée la montagnefroide
;car quoy qu'elle soit
dans la zone torride, elle est
pourtant inhabitable par l'extreme
rigueur du froid. L'autre
est la vertu qu'a la pierre nommée
æmatite, d'empêcher l'eau
de boüillir,sion la jette dans le
vaisseau; & celle qn'elle a d'arrêter
le fang, lors qu'une trop
grande fermentation le fait sortir
hors des veines. L'auteur
croit qu'une même cause produit
l'un & l'autre de ces effets,
& il ne conçoit pas qu'on
puisse attribuer ni le froid de
cette montagne,ni la vertu de
cette pierre, qu'à des exhalaisons
froides,qui arrêtent l'action
& le mouvement des esprits
chauds.
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Résumé : Traité du feu, dans lequel on établit les vrais fondemens de la Physique.
Le texte, rédigé par le P. C., explore la nature et les propriétés du feu, élément à la fois admirable et dangereux. L'auteur choisit une structure d'entretiens pour éviter un ton trop formel. Il commence par discuter de la supériorité du feu sur l'eau, le considérant comme le plus noble des éléments, essentiel à la vie et aux arts. Le feu est décrit comme un esprit subtil et brûlant, capable de pénétrer tous les corps. L'auteur distingue deux types de feu : les feux vifs, qui possèdent lumière et chaleur, et les feux morts, qui n'ont que la chaleur. Il soutient que, contrairement au feu céleste, tous les autres feux tendent vers le centre de la terre et sont plus pesants que les autres éléments. La troisième dissertation affirme que le feu élémentaire se trouve dans les entrailles de la terre, et non dans la chaleur du soleil ou la vertu des astres. Le texte aborde également des observations et théories scientifiques sur la chaleur, le froid et la génération des substances inanimées. Dans les mines, la chaleur augmente avec la profondeur, rendant le travail des ouvriers difficile. La quatrième dissertation explore la question de savoir si une substance brûlée engendre une nouvelle substance. L'auteur explique que les substances inanimées sont composées de divers corpuscules ayant des propriétés spécifiques. La forme des choses inanimées résulte de l'arrangement naturel de ces corpuscules. Par exemple, la forme d'une maison dépend de la structure et de l'arrangement de ses matériaux. La génération des substances consiste en l'assemblage de différentes parties, tandis que la corruption est la séparation de ces mêmes parties. Une expérience avec du vitriol illustre ce processus : en chauffant le vitriol, on obtient d'abord un phlegme insipide, puis une liqueur astringente, et enfin une terre rouge. En mélangeant les deux liquides avec la terre, le vitriol se reforme. L'auteur affirme que les principes de l'union des parties des corps naturels, impliqués dans la génération, sont les esprits et les sels. Il cite des exemples comme la croissance d'une herbe à partir de terre imbibée de fluides humains et la forme humaine des raiforts poussant sur des lieux d'enterrement. La cinquième dissertation examine la nature du feu et de la chaleur. L'auteur rejette les atomes d'Épicure mais croit en l'existence de corpuscules extrêmement petits, observables au microscope et présents dans divers phénomènes, comme la fièvre. La chaleur est due à l'agitation de petits feux ou esprits ignés dans les corps chauds. L'auteur distingue les corps susceptibles de s'échauffer de ceux qui ne le sont pas, en fonction de leur structure poreuse. Enfin, il ne considère pas le froid comme une simple privation de chaleur, mais comme la présence d'esprits froids, illustrée par des exemples comme le froid extrême sur une montagne en Chine et les propriétés de la pierre hématite.
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9
p. 1887-1891
RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Début :
Toy, dont la voix brillante a volé sur nos Rives, [...]
Mots clefs :
Voix brillante, Art de plaire, Charles XII, Henry IV, Vers, Science, Esprits, Muses, Beaux-arts, Captivité
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
REPONSE
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
A Me de Malcrais de la Vigne , par
M. de Voltaire , en lui envoyani la
Henriade et l'Histoire de Charles XI I.
T
Oy, dont la voix brillante a volé
sur nos Rives ,
Toi , qui tiens dans Paris nos Muses attentives ,
Qui sçais si bien associer ,
Et la science et l'art de plaire ,
A ij Et
1888 MERCURE DE FRE
Et les talens de Deshoulieres ,
Et les études de Dacier ,
J'ose envoyer aux pieds de ta Muse divine ,
Quelques foibles Ecrits , enfans de mon repos ;
Charles fut seulement l'objet de mes travaux.
Henry quatre fut mon Heros ,
Et tu seras mon Héroïne.
En te donnant mes Vers , je te veux avoüer ,
Ce que je suis , ce que je voudrois être ,
Te peindre ici mon ame et te faire connoître ,
Celui que tu daignas loüer.
'Apollon présidoit au jour qui m'avu naître;
J'aurai vudans trois ans passer quarante hyvers.
Au sortir du Berceau j'ai bégayé des Vers.
Bien tôt ce Dieu puissant m'ouvrit son Sanc ruaire ;
Mon cœur vaincu par lui fut soumis à sa Loi.
D'autres ont fait des Vers par le desir d'en faire ;
Je fus Poëte malgré moi.
Tous les goûts à la fois sont entrez dans mon ame ;
Tout Art à mon hommage, et tout plaisir m'en- flamme ;
La Peinture me charme; On me voit quelquefois
Au
SEPTEMBRE. 1732. 1889
Au Palais de Philippe , ou dans celui des Rois ,
Sous les efforts de l'Art , admirer la Nature.
Du brillant Cagliari , * saisir l'Esprit divin ,
Et devorer des yeux la touche noble et sûre ,
De Raphaël et du Poussin.
De ces Apartemens qu'anime la Peinture ,
Sur les pas du Plaisir je vole à l'Opera ;
J'applaudis tout ce qui me touche :
La fertilité de Campra ,
La gayeté de Mouret , les graces de Destouches.
Pelissier par son Art , le Maure par sa voix.
L'agile Camargo, Sallé l'Enchanteresse ,
Cette austere Sallé faite pour la tendresse ,
Tour à tour ont mes vœux, et suspendent mon
choix.
Quelquefois embrassant la science hardie ,
Que la curiosité ,
Honora par vanité ,
Du nom de Philosophie ,
Je cours après Newton dans l'abîme des Cieux.
Je veux voir si des nuits la courriere inégale ,
Par le pouvoir changeant d'une force centrale ,
Paul Veronese.
A iij En
1890 MERCURE DE FRANCE
En gravitant vers nous s'approche de nos yeux ,
Et pese d'autant plus qu'elle est près de ces lieux
Dans les limites d'une ovale.
J'en entends raisonner les plus profonds esprits ;
Je les vois qui des Cieux franchissent l'intervale ,
Et je vois avec eux que je n'ai rien compris.
De ces obscuritez je passe à la morale ;.
Je'lis au cœur de l'homme, et souvent j'en rougis
J'examine avec soin les informes Ecrits ,
Les monumens épars et le stile énergique ,
De ce fameux Pascal , ce dévot satyrique.
Je vois ce rare esprit trop prompt à s'eflammer.
Je combats ses rigueurs extrêmes,
Il enseigne aux humains à se haïr eux-mêmes ;
Je voudrois, s'il se peut, leur apprendre à s'aimer..
Ainsi mes jours égaux , que les Muses remplis- sent ,
Sans soins , sans passions, sans préjugez fâcheux ,
Commencent avec joye , et vivement finissent ,
Par des soupers délicieux .
L'amour dans mes plaisirs ne mêle plus ses peines ;
J'ai quitté prudemment ce Dieu qui m'a quitté.
J'ai passé l'heureux temps fait pour la volupté .
*Les Pensées de M. Pascal.
Il
SEPTEMBRE. 7732. 18 ) F
Il est donc vrai , grands Dieux , il ne faut plus
que j'aime !
La foule des beaux Arts dont je veux tour à tour,
Remplir le vuide de moi- même ,
N'est point encor assez pour remplacer l'Amour
Je fais ce que je puis , hélas ! pour être sage ,
Pour amuser ma liberté ;
Mais si quelque jeune Beauté
Empruntant ta vivacité ,
Me parloit ton charmant langage
Je rentrerois bien- tôt dans ma captivité.
A Paris ce 15. Août 1732
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Résumé : RÉPONSE A Mlle de Malcrais de la Vigne, par M. de Voltaire, en lui envoyant la Henriade et l'Histoire de Charles XII.
Dans une lettre datée du 15 août 1732, Voltaire adresse à Madame de Malcrais de la Vigne deux de ses œuvres, 'L'Henriade' et 'L'Histoire de Charles XII'. Il exprime son admiration pour la muse de Madame de Malcrais et partage ses aspirations et talents variés. Voltaire mentionne avoir écrit des vers dès son jeune âge, inspiré par Apollon. Il décrit ses multiples intérêts, allant de la poésie à la peinture, en passant par la musique et la philosophie. Il admire les œuvres de Raphaël, Poussin, Campra, Mouret, Destouches, ainsi que les danseurs Camargo et Sallé. Voltaire s'intéresse également aux découvertes scientifiques de Newton et aux pensées de Pascal, bien qu'il critique les rigueurs extrêmes de ce dernier. Il conclut en affirmant que, malgré ses efforts pour remplir ses jours de divers plaisirs et arts, il ne peut remplacer l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 81
RÉPONSE aux dix Vers adressez à Mlle de Malcrais, dans le Mercure d'Octobre 1732. sur les mêmes Rimes, par Mlle D. S. F. **
Début :
Toy, qui prétends que parmi bons Ecrits, [...]
Mots clefs :
Mlle de Malcrais, Esprits, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : RÉPONSE aux dix Vers adressez à Mlle de Malcrais, dans le Mercure d'Octobre 1732. sur les mêmes Rimes, par Mlle D. S. F. **
R ÊP O NS E aux dix Ver: adrersez. à
M “‘ a’: Malcmir, dam le Mercure
d'Octa6'æ 1732. sur les même: Rime: ,
par Mm D. S. F.’* *
TOy , qui prétends que parmi bons Ecrits ,
Ceux d'une femme ont peine à trouver place ,
Qyi re l’a dit .> apprends-le nous , degraçe ,
'I_‘u te connois assez ‘mal en Esprits ,'
Du nôtre , Ami, soiLdit-sans te déplaire,
L’esprit de _l’hom'me emprunte sa façon ;
Qxoique Malcrais l’ait brillant et profond;
Ceci n’est pas chose extraordinaire ,
Mais naturelle , et partant, ton soupçon ,
N’.est que 1e fruit d’un être imaginaire.
M “‘ a’: Malcmir, dam le Mercure
d'Octa6'æ 1732. sur les même: Rime: ,
par Mm D. S. F.’* *
TOy , qui prétends que parmi bons Ecrits ,
Ceux d'une femme ont peine à trouver place ,
Qyi re l’a dit .> apprends-le nous , degraçe ,
'I_‘u te connois assez ‘mal en Esprits ,'
Du nôtre , Ami, soiLdit-sans te déplaire,
L’esprit de _l’hom'me emprunte sa façon ;
Qxoique Malcrais l’ait brillant et profond;
Ceci n’est pas chose extraordinaire ,
Mais naturelle , et partant, ton soupçon ,
N’.est que 1e fruit d’un être imaginaire.
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Résumé : RÉPONSE aux dix Vers adressez à Mlle de Malcrais, dans le Mercure d'Octobre 1732. sur les mêmes Rimes, par Mlle D. S. F. **
Le 6 octobre 1732, l'auteur répond à Malcmir, contestant l'idée que les écrits des femmes sont moins valorisés. Il affirme que l'esprit humain, masculin ou féminin, est similaire. Il conclut que les préjugés contre les écrits féminins sont infondés.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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11
p. 2549-2556
DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
Début :
MESSIEURS, Vos nouveaux Confreres seroient fondez à demander que vous [...]
Mots clefs :
Amour, Sujet, Amitié, Ouvrage, Matière, Lettre, Réflexions, Goût, Esprits, Confrères, Académie des jeux floraux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
DISCOURS de M. de Ponsan , Trésorier,
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
de France à Toulouse , prononcé, dans »
l'Académie des Jeux Floraux peu de
temps après sa reception...
MESSIE ESSIEURS,
EURS
,
Vos nouveaux Confreres seroient fondez
à demander que vous eussiez pour
eux la condescendance de les dispensers
de remplir leur tour dans vos conferen
I. Vel A.Y COS S
2550 MERCURE DE FRANCE
ces ; avant qu'ils fussent obligez de parler
devant vous , il seroit juste qu'ils eus
sent joui quelque temps de l'avantage de
vous entendre ; le respect que j'ai pour
vos usages , m'engage à m'y conformer ,
ils me seront toujours plus chers. que mes.
interêts ; je connois tout le danger de ce
que j'ose entreprendre ; mais je m'y expose
d'autant plus volontiers , que je croi
qu'il n'y a pas moins de modestie à subir
votre fine et judicieuse critique , qu'à
n'oser la soutenir ; une attention cons
tante à ne rien mettre sous vos yeux ,
pourroit bien être soupçonnée de quelque
présomption ; rien ne seroit en
moi plus déplacé qu'une pareille pru--
dence; je n'ai pas àà craindre de craindre de compromettre
une réputation acquise ; ce sentiment
trop précautionné a quelquefois
séduit de grands hommes ; ils n'ont pas
sans doute fait attention qu'il est trespréjudiciable
aux interêts du public ; il
lui enleve les avantages que pourroient
lui procurer des Esprits, d'ailleurs excellens
; on a lieu d'être surpris qu'oubliant
ce qu'ils doivent à la société , ils veuil--
lent se condamner au silence , et priver
leurs bons Ouvrages de la lumiere , à
cause que malheureusement pour nous ,
ils se sont fait une idée de perfection à
Vol.
laeDECEMBRE
. 1733. 4551
laquelle ils ne croient jamais pouvoir atteindre
; il seroit à souhaiter que quelque
Génie du premier Ordre , écrivit sur
cette matiere , il tâcheroit de guérir l'esprit
de cette orgueilleuse modestie , et
désabuseroit d'une ambition qui devient
infructueuse , parce qu'elle est démesurée.
Pous vous , Messieurs , vous ne vous
laissez pas surprendre à ces piéges de l'amour
propre ; votre goût pour les Belles
Lettres maintient avec ardeur les travaux
Litteraires de cette ancienne Académie ;
vous remplissez tour à tour nos séances
par des Ouvrages pleins d'agrément , et
en même temps tres utiles , ce qui me
met en droit de dire avec Horace , que
tout ce qui vient de vous est marqué au.
coin de la perfection :
Omne tulit punctum qui miscuit utile dulci.
Depuis que j'ai l'honneur d'être témoin
de vos occupations Académiques ( 1 ).
un de vos plus zélez confreres a fait voir
dans un ingénieux Dialogue que l'imagi
nation et la raison se nuisent réciproquement.
Nous devons moderer les fougues
de l'une , fuir les contraintes de l'autre , eten
exciter les lenteurs ; celle - ci nous gê--
(11) M. le Chevalier Daliés,.
I: Vol . A vj
2552 MERCURE DE FRANCE
ne ; celle-là nous égare ; elles peuvent
pourtant se prêter de mutuels secours :-
pour tourner leurs défauts à notre avantage
, il ne faut que mettre en pratique .
les excellens préceptes qui sont semez
dans le Dialogue dont je parle.
Nous avons ensuite écouté avec beau-..
coup de plaisir , la lecture ( 1 ) d'un ou
vrage mêlé de recherches utiles et curieuses
, qui explique le chimérique projet
de cet avanturier , qui prétendoic
avoir un secret pour changer le Fer en
Cuivre , et qui abusa dans cette Ville , il
y a quelques années , de la crédulité de
ceux qui mirent en lui une confiance intéressée
; rien n'égale les illusions de la
Chimie , lorsque sa folle ambition la
porte à s'occuper de la transmutation
des Métaux ; on peut bien dire que l'imagination
égare alors la raison;le grand
oeuvre ne peut faire perdre le temps
qu'aux petits Esprits ; les vaines recherches
qu'on en fait se réduisent à acque
rir à grands frais l'indigence ..
L'Auteur ( 2 ) des Réfléxions sur le
goût nous a donné par cet Ouvrage une
( ) Cet Ouvrage est de M. le Marquis d'Aus-
Bone.
( 2 ) Les Réfléxions sont de M. Rabaudy Vis
ruier de Toulouse
Jakdla..
nou
DECEMBRE. 1733 25535
;
nouvelle preuve de sa délicatesse; il nous .
a fourni en même - temps des Préceptes.
et des Exemples ; ce sujet étoit digne de.
son choix le public ne sçauroit trop ,
marquer sa reconnoissance aux personnes
qui veulent bien tâcher d'établir quelque
chose de certain sur une matiere aussi
importante, et qui ne devient que trop
arbitraire.
Des obstacles , sans doute considéra-,
bles , nous ont privez de la satisfaction.
d'entendre deux autres de nos Confreres; ..
leurs excuses ne sçauroient être aussi lé-..
gitimes que mes regrets ; ils ne peuventqu'être
grands , dès qu'ils sont proportionnez
à ce que je crois avoir perdu ; ils .
seroient extrêmes, si je ne me flattois que ,
cette perte n'est pas irréparable.
L'impossibilité où je me trouve , Messieurs
, de vous procurer dans cette Séan-.
ce autant de plaisir que j'en ai goûté dans
les précédentes , mortifie ma reconnois-,
sance , qui certainement ne seroit pas en
reste , s'il ne falloit beaucoup d'esprit ene
cette occasion pour m'acquitter envers
vous ; je ne négligerai rien pour tâcher
du moins de vous faire connoître ma.
bonne volonté , le hazard m'a fourni le.
sujet sur lequel je vais vous parler.
Je reçûs il y a quelques jours une. Let-
•
JVola
2554 MERCURE DE FRANCE
tre d'une Dame , et comme elle me demandoit
une réponse fort longue , je lui
addressai , après avoir répondu à sa ettre
, un petit Ouvrage pour l'amuser
dans sa Campagne. Je prens la liberté de
vous le présenter pour remplir mon tour
dans cette Séance.
La Dame à laquelle s'addresse ma Lettre
est de ces Personnes dont la beauté
fait le moindre mérite ; elle a le précieux
secret de plaire à tout le monde , et d'obtenir
toutes les préférences ,avec ces avantages
vous n'aurez pas de peine à croire
qu'elle ait inspiré beaucoup de passions ;
mais , ce qui est plus glorieux , elle a sçû
s'attacher plusieurs amis; faites- moi l'honneur
, Messieurs , de croire sur ma parole
, quelque incroïable que cela soit , que
cette Dame , malgré le nombre et le mérite
de ses Amans , a toujours méprisé
l'Amour , et a fait grand cas de l'amitié 3 .
vous voïez par là que son discernement
exquis , l'a mise au dessus des préjugez.
les plus établis , et des usages les mieux
observez ; elle a de l'esprit infiniment, ses
pensées sont ingénicuses , solides et enjouées,
ses expressions sont fortes et pleines
de sens , elle aime , mais sans mali--
gnité , tout ce qui attaque les moeurs corrompues
du siécle ; elle peint vivement
I. Vol. less
DECEMBR E. 1733 . 2555
es travers et les ridicules ; son heureux
génie est fertile en traits que l'amour propre
qualifie d'outrez , et qu'on pourroit
souvent regarder comme adoucis , si l'on
connoissoit toute la malice des hommes.
Les Personnes qui n'aiment pas les
propos
galans ne trouveront rien dans ma
Lettre , sur ce sujet, qui puisse n'être pas
de leur goût , quoiqu'elle soit addressée
à une Dame ; toute ma galanterie se réduit
à lui dire galament , si cela se peut ,
que je n'ai jamais eu d'amour pour elle ;
mon dessein est de lui parler en general
de l'amitié , de faire les éloges de cette
vertu , de démasquer l'amour , et d'établir
la superiorité que l'amitié a sur lui ;
ce sujet fait naître des réfléxions dont je
tâche de tirer parti , pour mêler , s'il .
m'est possible , quelque utilité avec des
badinages.
Quis vetat.
Ridendo dicere verum 2
De pareils sujets ne sont pas déplacez
dans nos Conferences. Messieurs de l'Académie
Françoise s'occupoient dans les
premiers temps à faire de petits Discours
sur telle matiére qu'il leur plaisoit ; ces
Ouvrages n'ont pas été imprimez , mais
Pillustre Historien de cette celebre Com-
La Vol.. pagnie
2556 MERCURE DE FRANCE
pagnie nous apprend que M. Porcheres
Laugier parla sur les différences et les
conformitez qui sont entre l'amour et
l'amitié. M.Chapelain fit un Discours contre
l'amour. M. Desmarais fit une Dissertation
sur l'amour des Esprits , et M. de
Boissat en fit une autre sur l'amour des
corps . J'ai cru que je pouvois après ces
modelles , traiter icy un sujet qui a beaucoup
de rapport avec ceux là .
Comme ma Lettre n'est pas une fiction
, et que je l'ai véritablement écrite
pour répondre à celle que j'avois reçûë ,
il n'est pas possible qu'il n'y ait des choses
personnelles ; je n'ai pû les supprimer
sans déranger le tissu de ce petit Ouvrage
; je ne sçai , Messieus , si je n'abuserai ·
pas , en vous les lisant , de l'entiere liberté
que vous donnez sur le choix des
sujets ; j'use de cette liberté en commençant
par vous lire , avant que d'entrer en
matière sur le sujet annoncé, ma réponse
à la Lettre de cette Dame.
Fermer
Résumé : DISCOURS de M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, prononcé dans l'Académie des Jeux Floraux peu de temps après sa reception.
M. de Ponsan, Trésorier de France à Toulouse, a prononcé un discours à l'Académie des Jeux Floraux peu après sa réception. Il commence par exprimer son respect pour les usages de l'Académie et sa volonté de s'y conformer. Ponsan reconnaît le danger de s'exprimer devant une assemblée critique mais affirme que subir cette critique est une forme de modestie. Il critique ceux qui, par excès de prudence, se privent de contribuer au public par peur de ne pas atteindre la perfection. Ponsan loue l'Académie pour son goût des Belles Lettres et ses travaux littéraires, citant Horace pour souligner la perfection des œuvres académiques. Il mentionne un dialogue sur l'imagination et la raison, ainsi qu'un ouvrage sur un projet chimérique de transformer le fer en cuivre, illustrant comment l'imagination peut égarer la raison. Le discours se poursuit avec la présentation d'un ouvrage sur le goût, suivi de regrets pour l'absence de deux confrères. Ponsan exprime ensuite sa difficulté à égaler les plaisirs des séances précédentes et présente une lettre adressée à une dame, qui est le sujet de son intervention. Cette dame, connue pour sa beauté et son esprit, a toujours privilégié l'amitié à l'amour. La lettre vise à discuter de l'amitié, à démasquer l'amour et à établir la supériorité de l'amitié. Ponsan justifie son choix de sujet en citant des exemples de l'Académie Française, qui traitait de thèmes similaires. Il conclut en lisant sa réponse à la lettre de la dame, malgré la présence de détails personnels qu'il n'a pas pu supprimer.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
12
p. 1117-1120
LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
Début :
Quel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire, [...]
Mots clefs :
Liqueurs, Esprits, Mercure, Jupiter, Phébus, Talents, Dieu, Qualités, Sens
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
LES
URNE'S ,
Ou la cause de la diversité des Esprits.
Au Reverend Pere d ...... Jefuite.
Q
>
Uel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire
,
Qui dirige mes pas sur ce vaste hemisphere ,
Qui mesure du Ciel l'incroyable grandeur
Et sonde des Enfers l'affreuse profondeur !
Plus vite que éclair qui partage la nuë ,
Sur mille objets divers l'Esprit porte sa vûë >
Rien ne peut l'arrêter et jusque sur les Dieux
Il ose promener ses regards curieux .
Seroit-ce une matiere ou vapeur étherée ?
Est-ce le feu du Ciel surpris par Promethée ›
D'atomes un amas fortuit , ou medité?
Ou quelque écoulement de la Divinité ?
1. Vob D
Ah !
1118 MERCURE DE FRANCE
8
Ah ! c'est une substance en tout spirituelle , a
Toujours indivisible et partant immortelle.
Mais d'où vient trouve- t'on dans ce vaste Univers
Tant d'espris differens ? tant de talens divers a
En est - il des Esprits ainsi que des visages ?
Chaque Esprit a ses traits, ses dons, et ses usages ;
Tous les Esprits enfin que l'on trouve ici bas ,
Faits de la même main , ne se ressemblent pas
L'un éleve son vol vers la plaine azurée , N
L'autre vole plus bas d'une aîle mesurée
Chez Pun regne un bon sens, simple et sans or
nement ;
L'autre dans ses discours répand un sel charg
mant ;
De la naïveté l'un a le caractere
1:2
Et l'autre sçait railler d'une façon legere ;
L'un est grave , profond , savant , misterieux
L'autre toujours badin , aimable , ingenieux :
Je sens que je m'égare ; oui , plus je m'évertuë ,
Moins de ces dons divers la source m'est connuë,
Je raisonnois ainsi , quand je vis Apollon
Laissant les doctes Soeurs et le sacré vallon.
Ce Dieu vint me trouver , pour dissiper mon
doute ; I
Viens vers moi , me dit- il , et suis moi dans ma
route ,
Ecarte de tes yeux le bandeau qui te nuit ,
Et montant dans les Cieux , sois par toi - même
instruit ›
Apollon part alors , il prend un vol rapide;
I. Vel. Mor
JUIN. 1734. TII
Mon corp's devient leger, le Dieu me sert de guide,
Je franchis avec lui les espaces des airs
Et laisse sous mes pieds et la Terre et les Mers ;
Nous arrivons tous deux à la Celeste Sphere ,
Sejour des Immortels que l'Univers revere ;
Là , mille objets charmans frapent mes yeux surpris
,
De les representer que ne m'est- il permis
Sept Dieux s'offrent à moi , chacun d'eux
tient une Urne ,
Mars , Jupiter , Venus , et Mercure et Saturne
Et le brillant Phoebus , et Diane sa Soeur ,
Chaque Urne transparente enferme une liqueur,.
Et toutes ces liqueurs different en essence ;
L'une à l'amour et l'autre à la vengeance , porte
L'une nous rend subtils , l'autre tardifs , pesans
Jupiter nous départ ses nobles sentimens
Les Rayons de Phoebus rendent l'ame brillante
Et Diane produit une humeur inconstante .
Sur un trône est assis l'imperieux Destin ,
Il regle notre sort , et la Parque soudain
Plonge dans ces liqueurs de plus d'une maniere
Chaque ame qui du jour entre dans la carriere ;
Des celestes liqueurs , dotés differemment ,
Nous apportons ici divers temperamens ,
Diverses qualités et diverse nature ;
L'un est Saturnien , l'autre tient de Mercure ,
L'un a de Jupiter le vol ambitieux ,
I.Vol. Dij
Et
120 MERCURE DE FRANCE
Et l'autre de Veuus les talens gracieux ;
Souvent un même Esprit deux qualités rassemble,
On y trouve Mercure et Jupiter ensemble ;
Ici , c'est le Dieu Mars adouci par Venus;
Là,le triste Saturne animé par Phoebus.
Plus des saintes liqueurs nos ames furent teintés
Plus elles ont des Dieux les qualités empreintes ;
Comme de l'alphabet les foibles élemens
Dans leurs nombres bornez et vuiles de tout sens
Par des combinaisons et par des assemblages
Forment differens mots , diferentes images ,
Et peuvent exprimer par mille divers sons
Des Etres d'ici bas la nature et les noms ;
Ainsi de ces liqueurs la diverse teinture
Forme de nos talens l'aimable bigarrure ;
De- là naît des Esprits l'ample diversité ,
Du Destin seul dépend cette varieté ;
Il en donne la trempe ou forte , ou bien legere,
Et choisit des liqueurs pour chaque caractere ;
Ses mélanges enfin nuancés et parfaits ,
Sont toujours variés par cent differens traits ;
Des Esprits differens la source est découverte ,
Un autre dira mieux et la route est ouverte.
D ....... Vous lirez ces vers rimés pour vous
Et des tristes Censeurs vous parerez les coups ;
Aux Urnes accordez un gracieux suffrage
Ami, vous leur devez mille fois davantage,
Pierre Defrasnoy.
URNE'S ,
Ou la cause de la diversité des Esprits.
Au Reverend Pere d ...... Jefuite.
Q
>
Uel est ce feu Divin qui m'échauffe et m'éclaire
,
Qui dirige mes pas sur ce vaste hemisphere ,
Qui mesure du Ciel l'incroyable grandeur
Et sonde des Enfers l'affreuse profondeur !
Plus vite que éclair qui partage la nuë ,
Sur mille objets divers l'Esprit porte sa vûë >
Rien ne peut l'arrêter et jusque sur les Dieux
Il ose promener ses regards curieux .
Seroit-ce une matiere ou vapeur étherée ?
Est-ce le feu du Ciel surpris par Promethée ›
D'atomes un amas fortuit , ou medité?
Ou quelque écoulement de la Divinité ?
1. Vob D
Ah !
1118 MERCURE DE FRANCE
8
Ah ! c'est une substance en tout spirituelle , a
Toujours indivisible et partant immortelle.
Mais d'où vient trouve- t'on dans ce vaste Univers
Tant d'espris differens ? tant de talens divers a
En est - il des Esprits ainsi que des visages ?
Chaque Esprit a ses traits, ses dons, et ses usages ;
Tous les Esprits enfin que l'on trouve ici bas ,
Faits de la même main , ne se ressemblent pas
L'un éleve son vol vers la plaine azurée , N
L'autre vole plus bas d'une aîle mesurée
Chez Pun regne un bon sens, simple et sans or
nement ;
L'autre dans ses discours répand un sel charg
mant ;
De la naïveté l'un a le caractere
1:2
Et l'autre sçait railler d'une façon legere ;
L'un est grave , profond , savant , misterieux
L'autre toujours badin , aimable , ingenieux :
Je sens que je m'égare ; oui , plus je m'évertuë ,
Moins de ces dons divers la source m'est connuë,
Je raisonnois ainsi , quand je vis Apollon
Laissant les doctes Soeurs et le sacré vallon.
Ce Dieu vint me trouver , pour dissiper mon
doute ; I
Viens vers moi , me dit- il , et suis moi dans ma
route ,
Ecarte de tes yeux le bandeau qui te nuit ,
Et montant dans les Cieux , sois par toi - même
instruit ›
Apollon part alors , il prend un vol rapide;
I. Vel. Mor
JUIN. 1734. TII
Mon corp's devient leger, le Dieu me sert de guide,
Je franchis avec lui les espaces des airs
Et laisse sous mes pieds et la Terre et les Mers ;
Nous arrivons tous deux à la Celeste Sphere ,
Sejour des Immortels que l'Univers revere ;
Là , mille objets charmans frapent mes yeux surpris
,
De les representer que ne m'est- il permis
Sept Dieux s'offrent à moi , chacun d'eux
tient une Urne ,
Mars , Jupiter , Venus , et Mercure et Saturne
Et le brillant Phoebus , et Diane sa Soeur ,
Chaque Urne transparente enferme une liqueur,.
Et toutes ces liqueurs different en essence ;
L'une à l'amour et l'autre à la vengeance , porte
L'une nous rend subtils , l'autre tardifs , pesans
Jupiter nous départ ses nobles sentimens
Les Rayons de Phoebus rendent l'ame brillante
Et Diane produit une humeur inconstante .
Sur un trône est assis l'imperieux Destin ,
Il regle notre sort , et la Parque soudain
Plonge dans ces liqueurs de plus d'une maniere
Chaque ame qui du jour entre dans la carriere ;
Des celestes liqueurs , dotés differemment ,
Nous apportons ici divers temperamens ,
Diverses qualités et diverse nature ;
L'un est Saturnien , l'autre tient de Mercure ,
L'un a de Jupiter le vol ambitieux ,
I.Vol. Dij
Et
120 MERCURE DE FRANCE
Et l'autre de Veuus les talens gracieux ;
Souvent un même Esprit deux qualités rassemble,
On y trouve Mercure et Jupiter ensemble ;
Ici , c'est le Dieu Mars adouci par Venus;
Là,le triste Saturne animé par Phoebus.
Plus des saintes liqueurs nos ames furent teintés
Plus elles ont des Dieux les qualités empreintes ;
Comme de l'alphabet les foibles élemens
Dans leurs nombres bornez et vuiles de tout sens
Par des combinaisons et par des assemblages
Forment differens mots , diferentes images ,
Et peuvent exprimer par mille divers sons
Des Etres d'ici bas la nature et les noms ;
Ainsi de ces liqueurs la diverse teinture
Forme de nos talens l'aimable bigarrure ;
De- là naît des Esprits l'ample diversité ,
Du Destin seul dépend cette varieté ;
Il en donne la trempe ou forte , ou bien legere,
Et choisit des liqueurs pour chaque caractere ;
Ses mélanges enfin nuancés et parfaits ,
Sont toujours variés par cent differens traits ;
Des Esprits differens la source est découverte ,
Un autre dira mieux et la route est ouverte.
D ....... Vous lirez ces vers rimés pour vous
Et des tristes Censeurs vous parerez les coups ;
Aux Urnes accordez un gracieux suffrage
Ami, vous leur devez mille fois davantage,
Pierre Defrasnoy.
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Résumé : LES URNES, Ou la cause de la diversité des Esprits. Au Reverend Pere d...... Jesuite.
Le texte 'Les Urnes' examine la diversité des esprits humains. L'auteur compare les esprits à des visages uniques, chacun possédant des traits et des talents distincts. Il observe que certains esprits sont élevés et savants, tandis que d'autres sont badins et ingénieux. Apollon, le dieu, apparaît pour guider l'auteur et dissiper ses doutes. Ensemble, ils se rendent dans la sphère céleste où sept dieux — Mars, Jupiter, Vénus, Mercure, Saturne, Apollon et Diane — présentent chacun une urne contenant une liqueur différente. Ces liqueurs influencent les qualités et les tempéraments des âmes humaines. Le Destin et les Parques déterminent quelle liqueur chaque âme recevra, créant ainsi la diversité des esprits. Les âmes sont teintées par ces liqueurs, acquérant des qualités divines variées. L'auteur compare ce processus à la formation de mots à partir de lettres, soulignant que la diversité des esprits dépend du Destin, qui choisit et mélange les liqueurs pour chaque caractère.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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13
p. 1291-1306
DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Début :
Les Sciences ont leurs révolutions aussi bien que les Empires, il est un [...]
Mots clefs :
Charlemagne, Sciences, Discours critique, Génie, Goût, Maîtres, Savants, Langue, Arts, Hommes, Peuples, Esprit, Jeunesse, Nature, Lumières, Conciles, Sang, Esprits, Politesse
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texteReconnaissance textuelle : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
DISCOURS CRITIQUE ,
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
sur l'état des Sciences dans l'étendue de
la Monarchie Françoise , sous Charlemagne.
L
"
Es Sciences ont leurs révolutions
aussi bien que les Empires , il est un
tems où elles sont florissantes ce tems
passé , elles ne font plus que languir ;
quelquefois elles se relevent et se soutiennent
avec assez d'honneur ; et quelquefois
aussi elles tombent pour ne se
relever jamais . Elles ont comme le Soleil
leurs solstices et leurs périodes ; elles
aiment à passer de climats en climats
et souvent après avoir éclairé quelques
IL. Vol.
B.vj
Con
و
1292 MERCURE DE FRANCE
contrées , elles se plongent , pour ainst
dire , dans l'abîme , et vont porter leurs
lumieres à des peuples nouveaux. Ainsi
après avoir autrefois parcouru les plus
belles régions de l'Orient où elles prirent
naissance , les vit- on passer dans la Grece
d'où elles se répandirent dans quelques
Provinces de l'Empire Romain ; et par
tout elles éprouverent des changemens
considérables er des alternatives , qui les
firent souvent paroître sous des faces differentes.
Quelle est la cause de ces révolutions a
est- ce l'influence des Astres ? la température
de l'air ou la qualité des esprits ,
dont nos corps sont animés et qui changent
avec les genérations et les aspects
du Soleil ? tout cela peut y contribuer :
mais tout cela n'explique pas d'une maniere
assez sensible la cause de ces fre
quentes vicissitudes ; il en est une plus
simple , et qui servira de baze à tout
ce que je dirai dans ce Discours . La
Science est attachée au gout des peuples
qui la cultivent , c'est le gout qui lui
donne sa qualité , son prix , son excellence
; or le gout se conforme toujours
au génie , le génie se regle ordinairement
sur les maximes , et les maximes changent
avec les circonstances des tems et
11. Vel. des
JUIN. 1734. 1293
des lieux. D'ailleurs , et c'est ici le point
capital , ce gout exquis , ce génie vaste
et sublime , si nécessaires à la perfection
des Sciences , sont des dons que le Ciel ne
répand pas toujours sur la terre , et qu'il
ne communique qu'à un petit nombre
d'hommes privilegiez .
En faut il davantage pour prouver
que la Science doit se ressentir de l'instabilité
propre à toutes les choses humaines
? C'est sur ce plan , que je vais exposer
aujourd'hui l'état où se trouvoient
les Sciences dans l'étendue de la Monarchie
Françoise au tems de Charlemagne .
Le gout pour lors étoit si corrompu , que
jamais on ne put le rectifier , le génie
tenoit beaucoup du barbare , et les maxime
n'avoient rien de noble ni de délicat.
Quel étoit donc l'état où se trouvoient
les Sciences ? Il ne pouvoit guere être
plus pitoyable. Je n'en veux point d'autres
preuves que ce qui nous reste de monumens
de ces tems qu'on peut dire
malheureux . Si ce que je dirai ne fait pas
beaucoup d'honneur au siécle de Charlemagne
, il en fera du moins à la verité ,
et c'est tout ce que je me proposé dans
ce Discours.
Depuis que les Gots, les Bourguignons.
et les Francs s'étoient établis dans les
11 Vol.
Gall
1294 MERCURE DE FRANCE
Gaules , la ferocité de ces peuples barbares
s'étoit communiquée aux naturels du
pays,qui ne firentplus avec leurs nouveaux
maîtres , qu'une même et seule nation .
Nos Gaulois changerent de maximes en
changeant de Souverains , la douceur de
leur génie s'altéra bien - tôt , et du mélange
qui se fit de leur sang avec le -sang
Germanique se forma un génie singulier
plus barbare que poli ; les travaux Militaires
qui furent assez long - tems leur
principal exercice , firent disparoître avec
le peu de politesse qu'on avoit puisé dans
le commerce des Romains , le gout des
Sciences et l'amour de l'étude ; on ne
suspendit ces travaux que pour se jetter
dais le sein de la mollesse ; les esprits
incultes n'étant animez d'aucun noble
motif s'énerverent bien- tôt , et l'on se
plongea dans un assoupissement si profond
, qu'il n'y eut que les désordres affreux
dont les Sarazins d'Espagne inondérent
la France sous Charles Martel et sous
Pepin qui pussent les reveiller ; le besoin
pressant et la necessité les animérent
plutôt qu'une noble émulation ; la gloire
avec tous ses appas ne pouvoit toucher
des hommes à demi barbares ; elle auroit
élevé les esprits en les polissant . On vôla
tout à coup aux armes , on se couvrit de
II. Val. sang
JUIN. 1734 1295
sang et de poussiere dans les champs de
Mars , et personne ou presque personne
ne songcoit à cultiver son esprit ; depuis
l'embouchure du Rhône , jusques à celle
du Rhin , des Alpes aux Pirenées , à peine
pouvoit- on trouver quelques vestiges des
Sciences ; il n'en étoit pas même resté la
moindre trace dans ces belles Provinces
( a ) si fécondes autrefois en Sçavans
Hommes.
"
L'Eglise depuis très-long- tems leur
avoit servi d'azile les Ministres des
Autels étoient devenus les dépositaires
de ces précieux Trésors : mais cette Eglise
étoit elle-même entierement défigurée ;
tout le Clergé croupissoit dans la plus
profonde ignorance. Qu'il me soit permis
d'exposer en peu de mots la triste.
situation où se trouvoit l'Ordre de l'Etat
le plus Saint et le plus éclairé.. Les Chanoines
suivant la regle de Grodegang
leur Réformateur n'étoient obligez qu'à
chanter les louanges de Dieu , et le reste
de leur tems ils devoient le donner au
travail de leurs mains ; c'étoit toute l'occupation
des plus réguliers ; la regle
n'exigeoit rien davantage , et tout nous
porte à croire qu'ils se renfermoient étroitement
dans les bornes de leurs obliga-
( a ) Ly Gaule Aquitanique et la Lyonnoise..
II. Vol. tions.
1296 MERCURE DE FRA CE
tions. Les Moines malgré le premier esprit
de leur Institut , avoient presque
toujours fait profession de cultiver les
Sciences ; ils s'étoient sur ce point conformez
en Occident à la sage pratique
des Orientaux , et leurs maisons étoient
devenuës les Séminaires où se formoient
les plus Saints et les plus Sçavans Ministres
de l'Eglise : mais depuis près d'un
siécle ces saintes retraites étoient , sur
tout en France , le centre de l'oisiveté.
Les Moines loin de s'enrichir des dépoüilles
des Peres , dont ils étoient les
possesseurs , se contentoient de les sçavoir
lire et copier , les plus éclairez parvenoient
jusqu'à les comprendre , aucun
n'osoit prendre l'essor ni marcher sur les
traces de ces grands Modéles ; le respect
m'empêche de parler de l'Episcopat destiné
particulierement à éclairer les peuples
; les Capitulaires de Charlemagne ,
et les Actes des Conciles Provinciaux qui
se tinrent dans ces tems - là ne publient
que trop la honte de ce Corps respectable.
Pour tout dire en deux mots , le sel
de la terre avoit perdu sa force , l'or
s'étoit obscurci , les horreurs de la guerre,
et la mollesse avoient , comme à l'envi ,
porté la désolation dans l'Etat , la corruption
dans les moeurs , et la grossiereté
II. Vol. dars
JUIN 1734. 1297
dans les esprits. Achevons de mettre ce
tableau dans tout son jour . Deux ou trois
traits des plus marquez lui donneront
cet air de ressemblance dont il a besoin
pour être veritable...
Les beaux Arts sont , comme tout le
monde sçait , une partie essentielle de la
Science, ils en sont la baze et l'ornement.
Ces Arts, fondés sur la nature , mais que
la nature n'apprend pas , étoient presque
entierement ignorés ; on ne les enseigna
dans aucun endroit du Royaume avant
Charlemagne , dit une ancienne Cronique
des Rois de France . Ante ipsum enim
Dominum Regem Carolum in Gallia nullibi
studiumfuerat liberalium Artium . Appuions.
un témoignage si fort et si décisif des
preuves les plus autentiques ; elles sont
tirées des ordres réïterés du Prince pour
l'établissement des Ecoles ; je vais les
exposer simplement telles qu'on les lit
dans le Receuil des Conciles de France.
Charlemagne au retour de son troisiéme
Voyage d'Italie l'an787, par une( 1 ) Lettre
circulaire adressée à tous les Evêques et
aux Abbez ( Lettre que je voudrois pou-.
voir rapporter ici toute entiere , mais
que je me contenterai de citer plus d'une
fois ) leur recommande d'établir dans
( 1 ) Tome 2. Conc. Gall. p. 32 .
II. Vol. des
1298 MERCURE DE FRANCE
leurs Chapitres et dans leurs Monasteres
des Ecoles où l'on forme la jeunesse à
l'Etude des Lettres et à la pięté . Et par
le Capitulaire soixante - douzième d'Aixla
Chapelle , il veut que dans ces mêmes
maisons on apprenne aux jeunes gens à
lire , à psalmodier , à écrire , à compter ,
et les regles de la Grammaire. Ut scola
Legentium puerorum fiant psalmos * notas
computum , Grammaticam , per singula Monasteria
et Episcopia discant . Les Conciles
Provinciaux qui se tinrent sous ce même
*
* Notas. Je crois qu'il faut entendre ce terme
de l'Ecriture , pour deux raisons . 1º . Parce qu'il
s'agit dans cet endroit de ce qu'il faut apprendre à
la jeunesse ; il est fait mention de la lecture , de
la psalmodie ou du chant , de la Grammaire ;
pourquoi auroit -on obmis l'Ecriture également nécessaire
à la jeunesse . 2. Ces caractéres nets et
distincts, qui sans jamais changer, diversifient par
leur mélange les differens objets qu'ils représentent,
n'étoient pas alors fort en usage ; ils n'étoient connus
que des Sçavans ; Charlemagne lui- même, si
nous en croyons Eginard, n'apprit que très tard et
presque sans succès à les former. Tentabat scribere .
sed parum prosperè successit labor præposterus
ac sero inchoatus. L'Ecriture commune consistoit
dans de grands traits informes , arbitraires pour la
plupart , et sujets au changement. C'est ce qui paroit
par les anciennes Chartres et par quelques monumens
lapidaires et metalliques , qui sont parvenus
jusqu'à nous sur quoi on peut consulter la Diplo
matique du P. Mabillon .
II Vol.
EmJUIN.
1734. 1299
Empereur, les s'expliquent à peu près dans
les mêmes termes. Les Arts qui sont la
partie des Sciences la plus simple et la
plus facile , n'étoient donc pas enseignési
et par une suite nécessaire , ils étoient
ignorez d'une nation qui n'avoit ni disposition
pour s'y former de soi- même ,
ni la volonté de les apprendre. Que devons-
nous penser des hautes Sciences ,
des Sciences abstraites et difficiles , si celles
qui sont plus aisées , cellesqui sont la baze,
n'étoient pas connus , Encore un nouveau
trait; il achevera de mettre ce que nous
venons de dire dans la derniere évidence.
Les Langues sont l'instrument general
des Sciences , l'organe de l'esprit , l'image
de la pensée , l'interprete du goût , et
le theatre où le genie se développe . La
Langue Teutonique , rude et grossiere
étoit celle de nos nouveaux Maîtres , conforme
à leur genie ; elle n'a rien de cette
douceur ni de cette politesse que demandent
les Sciences. La Grecque ,harmonieuse
, douce et énergique ne me paroît pas
avoir été bien connue au Sçavant Alcuin ,
et j'ai peine à croire sur le seul témoignage
d'Eginard , Charlemagne lait
jamais bien comprise ; toutes les apparencescombattent
l'un et l'autre fair.La Langue
Latine avoit été long - tems dominan-
11. Vol. tc
100 MERCURE DE FRANCE
te dans les Gaules , les Francs l'avoient
adoptée pour les Actes publics ; elle étoit
sur tout destinée aux Ouvrages d'esprit:
mais cette Langue si noble , si polie étoit
devenue la proye du barbarisme , le genie
et le tour de la Teutonique s'étoient glissés
dans l'idiome Romain , et de ce lliage
s'étoit formé un langage dur , sans
cadence , sans pureté , sans ortographe
Il falloit, sans doute, qu'il fut défectueux
au suprême dégré pour blesser les oreilles
de Charlemagne , que l'on ne peut pas
dire avoir été trop délicates.
Ecoutons ce Prince parler dans la Lettre
que nous avons déja citée aux Evêques
et Abbés , c'est -à - dire, aux plus Sçavans
hommes de son Royaume. J'ai reconnu
, leur dit- il , dans la plûpart des
Ecrits que vous m'avez envoyés assez de
justesse dans les sentimens , et beaucoup de
grossiereté dans le langage; et j'ai compris
que pour avoir négligé de vous instruire
Vous avez peine à exprimer les pieus
reflexions que vous avez puisées dans
Meditation . Ce ne fut qu'avec le
>
* Cognovimus in plerisque prafatis conscript
bus vestris eorumdem et sensus rectos et serr.
incultos , quia quod pia devotio interius fidelite
tabat , hoc exterius propter negligentiam dis
lingua inerudita exprimere sine reprehensi: •
alebat.
JUIN. 1734. 1301
cours des Maîtres de Grammaire qui vinrent
d'Italie , qu'on épura la Langue
Latine , et qu'on en banit les expressions
Teutoniques dont elle étoit infectée;
elles se refugierent dans le Romain ou Latin
vulgaire , qui s'étant peu à peu purifié
et poli est devenu depuis une des plus
belle Langue du monde. Mais on ne
réussit pas à rendre à la Langue Latine sa
beauté naturelle , on exprima toujours
grossierement ce que l'on pensoit sans
délicatesse . Il est inutile d'entrer dans un
plus long détail ; ce que nous avons dit
est plus que suffisant pour prouver combien
étoit triste la situation des Sciences
quand Charlemagne entreprit de les rétatablir.
Voyons comment il s'y prit , quels
Maîtres il employa pour seconder son
dessein , quel en fut les succès.
Charles , surnommé le Grand, pour ses
grandes qualités encore plus que pour ses
grandes actions , fut un de ces hommes
rares , que la Nature se plaît de tems en
tems à former et sur qui la fortune ou
pour parler plus juste , la Providence divine,
répand ses faveurs avec complaisan
ce ; genie superieur , hardi , ferme , pénétrant
, il ne lui manqua du côté de l'esprit
que ce que son siecle ne pouvoit lui
donner , je veux dire la politesse et le
II. Vol.
bon
`
1302 MERCURE DE FRANCE
bon goût. Les vertus qui font les veritables
Heros , sembloient nées avec lui ;
la magnanimité , la droiture , là prudence
, la bonté , la Religion faisoient son
caractere , et se déployoient dans toutes
ses actions ; Maître d'une partie considerable
de l'Europe , cheri particulierement
de ses Sujets, admiré de tout l'Univers ,
il songea encore à immortaliser son nom
en banissant l'ignorance de ses Etats ; entreprise
glorieuse et digne du plus grand
Prince qui fût alors au monde , elle auroit
eu, sans doute,un succès entier et par-
' fait , si le mauvais goût n'eût infecté les
Maîtres aussi bien que les Disciples . Il se
presenta des obstacles presques insurmontables
, il ne s'en rebuta pas , il eut recours
à sa prudence, et rien n'étoit au-dessus de
ses lumieres. Non content d'animer ses
Peuples par son exemple et par ses bienfaits
, il se servit encore de son autorité
pour engager ceux qui par leur profession
devoient avoir quelque teinture de Scien-'
ces à les cultiver , et à en faire pare au ;
reste de ses Sujets . Mais comment trouver
dans toute la France des Maîtres capables
de former la jeunesse ? L'ignorance
, la grossiereté avoient , comme nous
avons dit , pénétré jusques dans le Sanctuaire
, les moins ignorans étoient les
II. Vol. seuls
JUI N. 1734 1303
seuls qui pussent passer pour Sçavans ,
Charlemagne y pourvoit , et pour suppléer
àlce deffaut il rassemble de toute
l'Europe ce qu'il pût trouver d'hommes
versés dans les Sciences ; il fait venir d'Italiele
PoëteThéodulphe , Pierre de Pise ,
Grammairien ; Paul Diacre , fameux Historiographe
, le Fape: Adrien lui envoye
deux Maîtres de Chant , deux Antiphoniers
et les sept Arts Liberaux , comme
dit Eginard. Mais de tous les Ecrivains
qu'il reçût dans ses Etats il n'en est aucun
qui puisse être comparé au Sçavant Alcuin
, Anglois de naissance et Saxon d'origine.
Alcuin étoit un de ces Sçavans qui
remplacent par la multitude de leurs connoissances
ce qui leur manque de perfection
et de singularité dans le genie , Grammairien
, Poëte , Rheteur , Dialecticien ,
Historiographe , Astronome , Théologien
, il fut l'oracle de son siecle , et il
merita de l'être ; ce fut lui qui inspira l'amour
des Lettres aux François , et qui
contribua plus que personne à répandre
ces semences précieuses , qui commencerent
bientôt à fructifier. La Cour fut le
premiet théatre où il parut , et il eut la
gloire de voir le Souverain et les Princesses
ses Filles au nombre de ses Disciples.
II. Vol. A
1304 MERCURE DE FRANCE
A leur exemple toute la France pleine
d'admiration pour son merite , conçût
de l'amour pour l'étude , et tâcha de profiter
de ses lumieres ; mais ce vaste genie
n'eut ni assez de force , ni assez de sublimité
pour s'élever au dessus du mauvais
goût de son siecle , il s'y laissa malheureusement
entraîner , il y entretint ses
éleves et par cette raison seule il laissa
son Ouvrage imparfait. Pour le connoître
il ne faut que jetter les yeux sur ses Ecrits,
il s'y est peint lui -même on voit par
tout un esprit fécond , mais âpre et diffùs ,
une grande étendue de connoissances , et
peu
•
de critiques , plus de subtilité que
de politesse ; son stile n'est assaisonné
d'aucun de ces traits nobles, vifs , et déli→
cats , qui élevent l'esprit et qui le frappent
par l'éclat de leurs lumieres ; il ins
truit sans persuader , il convainc sans
plaire ; le travail paroît en lui avoir surpassé
la nature , et l'art qui le forma
étoit lui même imparfait. On ne sçauroit
cependant lui refuser la loüange qu'il
mérite , d'avoir été par l'étendue de son
sçavoir le Photius des Latins ; moins
poli , moins chatié , moins profond que
le Patriarche Grec il le surpasse de
beaucoup par les belles qualitez qui font
l'honnête homme et par les vertus solides,
II. Vol, .qui
JUIN. 1734 1305
qui font le véritable Chrétien . Ce grand
Personnage après avoir suivi la Cour
pendant quelques années , se retira enfin
à Tours auprès du tombeau de Saint
Martin ; mais cette retraite ne fut pas
lui un lieu de repos ,
pour
il n'enfouit
pas dans une honteuse oisiveté les talens
qui l'avoient fait briller ; il sçavoit ce
qu'il devoir à Dieu et à l'Etat ainsi rapellant
dans cet aimable séjour ce qu'il·
avoit de connoissances , il s'appliqua de
nouveau à former des éleves qui se dispersant
dans plusieurs Monasteres de
T'Empire François , renouvellérent les
Sciences, et répandirent par tout l'esprit
de leur Maître
Je n'entreprens pas de refuter ici l'opinion
de quelques ( a ) Auteurs , qui ont
prétendu qu'Alcuin avoit jetté les fondemens
de l'Université de Paris , devenuë
depuis si fameuse dans toute l'Europe
le silence des Ectivains de ces tems - là
suffit pour en démontrer la fausseté . Ce
qu'il y a de certain , c'est que ce fut à
Tours , à Saint Denis en France , à Corbie
, à Fulde , à Richenou , et dans quelques
autres Monasteres , que l'on commença
dès- lors à enseigner les hautes
Sciences ; on y enseigna aussi Is beaux
( a ) Raban, Simeon, Sigulphe, Amalarius ¿e.
II. Vol. C Arts
1308 MERCURE DE FRANCE
,
Arts , et les Ecoles établies dans chaque
Diocèse conformément aux Statuts des
Conciles Provinciaux , et aux Capitulaires
de Charlemagne concourant à la
même fin ; on vit bien- tôt les Sciences
prendre une face nouvelle dans toute la
Monarchie Françoise. Mais quel en fut
le progrès à quel degré de perfection
arrivérent elles ? c'est ce qui nous restę
à examiner.
?
La suite pour le Mercure prochain.
Fermer
Résumé : DISCOURS CRITIQUE, sur l'état des Sciences dans l'étenduë de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne.
Le texte 'Discours critique sur l'état des Sciences dans l'étendue de la Monarchie Françoise, sous Charlemagne' analyse les fluctuations historiques des sciences, comparées aux révolutions des empires. Les sciences connaissent des périodes de floraison et de déclin, influencées par divers facteurs tels que le goût des peuples, le génie et les maximes de chaque époque. Sous Charlemagne, le goût était corrompu et le génie barbare, ce qui a conduit à un état pitoyable des sciences. Les Gaulois, après l'établissement des Goths, des Bourguignons et des Francs, ont adopté des maximes barbares, perdant ainsi leur douceur et leur goût pour les sciences. Les travaux militaires et la mollesse ont contribué à cet assoupissement intellectuel. L'Église, bien que refuge des sciences, était elle-même plongée dans l'ignorance. Les chanoines et les moines, malgré leurs rôles initiaux, étaient devenus oisifs et ne cultivaient plus les sciences. Les beaux-arts, essentiels aux sciences, étaient presque inconnus avant Charlemagne. Charlemagne a tenté de rétablir les sciences en établissant des écoles dans les chapitres et monastères pour enseigner la lecture, la psalmodie, l'écriture, le calcul et la grammaire. Cependant, les langues, instruments des sciences, étaient également corrompues. La langue latine, autrefois noble, était infectée par des expressions teutoniques, rendant difficile l'expression délicate des pensées. Le texte décrit Charlemagne comme un homme exceptionnel, doté d'un génie supérieur, de hardiesse, de fermeté et de pénétration. Bien que son époque ne lui ait pas permis d'acquérir la politesse et le bon goût, il possédait des vertus héroïques telles que la magnanimité, la droiture, la prudence, la bonté et la religion. Maître d'une partie considérable de l'Europe, il était chéri de ses sujets et admiré dans l'univers. Il entreprit de bannir l'ignorance de ses États, une initiative glorieuse mais confrontée à des obstacles dus au mauvais goût des maîtres et des disciples. Pour pallier l'ignorance et la grossièreté, il fit venir des savants de toute l'Europe, notamment Alcuin, un érudit anglo-saxon versé dans de nombreuses disciplines. Alcuin inspira l'amour des lettres à la cour et dans toute la France, mais son œuvre resta imparfaite en raison du mauvais goût de son siècle. Après avoir suivi la cour, Alcuin se retira à Tours où il continua à former des élèves, contribuant ainsi à la renaissance des sciences dans l'Empire franc. Le texte mentionne également l'établissement d'écoles dans divers monastères et diocèses, conformément aux statuts des conciles provinciaux et aux capitulaires de Charlemagne, marquant le début d'une nouvelle ère pour les sciences dans la monarchie franque.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 36-46
PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
Début :
Avant que le fils de Japet [...]
Mots clefs :
Homme, Pandore, Dieux, Yeux, Vertu, Esprits, Amour, Coeur
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
PANDORE ,
OU L'ORIGINE DES PASSIONS .
ET DES CRIME S.
V
PAR M. YO N.
Avant Vant que le fils de Japet
Eut dérobé le feu célefte ,
Et que par un zéle indiſcret
Son audace à l'homme funefte ,
Eût fait éclore fa raiſon ,
En prenant chez les Dieux un dangereux rayon
De leur fuprême intelligence ,
L'homme innocent , dans un heureux filence
Se livroit au penchant du naïf ſentiment ;
Et ne diftinguant point les vertus ni les vices
Sans crainte & fans remords , il fuivoit les ca→
prices
Que le Ciel imprima fur fon tempérament.
On s'entendoit pourtant ; & dans ce premier âge
Le coeur dictoit aux yeux un ingénu langage .
* Cette allégorie excéde un peu les bornes que je
me fuis preferites pour les piéces en vers ; mais j'ai
cru que les beautés dont elle m'a paru remplie , méritoient
une diftinction . J'efpere que ceux qui la liront
, me fauront gré d'avoir franchi la régle en
fa faveur.
JANVIE R. 1755 . 37
On y lifoit fes befoins , fes defirs ,
Et la belle pouvoit ſe fier aux ſoupirs
Qu'elle voyoit fortir du coeur
De l'Amant qu'elle avoit choisi pour fon vain
queur.
Mais l'attentat de Promethée
Alluma bientôt contre nous
Le feu du céleſte couroux ,
Et fa vengeance concertée
Commit le foin aux Cyclopes brulans ,
De rebattre fur leur enclume ,
De la foudre la noire écume ,
Et d'en forger , pour éblouir nos fens ,
Un monftre orné des dons les plus brillans.
L'Olympe entier prit plaifir à répandre
Sur fon vifage féminin
Ces charmes féduifans , cet air piquant & fin
Qui fecondés d'un oeil fubtil & tendre ,
Fournit à ce fexe malin ,
En fe jouant , l'art de tout entreprendre,
Et comme au ciel tout concourut ,
Pour mieux déguifer l'impofture ,
Chaque Divinité tira de ſa nature
Le plus éclatant attribut.
Phébus lui montra fur fon luth ,
Des beaux chants & des vers le flateur affemblage .
Junon lui fouffla fur le front
L'art de rougir pour paroître plus fage ,
Qui , joint au don des pleurs , fait un effet fi
prompt
35 MERCURE DE FRANCE.
Dans les refforts d'un beau vifage ,
Qu'il n'eft point de couroux que ne puiffe fléchir
L'artifice trompeur de ce double avantage.
Pour achaver de l'embellir ,
Hébé compofa fa coëlfure ,
Et la Mere d'amour lui prêta fa ceinture .
Enfin le traître Amour ſe logea dans les yeux ,
Pour la guider dans ces terreftres lieux.
Tel éclata ce brillant météore
Aux regards des mortels , fous le nom de Pandore.
Jufque là le pouvoir du ciel
Avoit décoré ce fantôme ;
Mais il falloit que l'infernal Royaume
Contribuât par un préfent cruel
Qu'Alcalaphe apporta de la part des furies ,
Chef-d'oeuvre de leurs mains impics ,
Ouvrage éblouiffant , compofé d'un métal
Que depuis l'avarice arracha de la terre ,
D'où fortit le germe fatal
De la difcorde & de la guerre.
Peux-tu , miferable univers ,
Réfifter aux efforts des cieux & des enfers ?
Ils ont remis aux mains d'une beauté divine
Le foin de leurs deffeins vengeurs :
La foif de l'or va caufer ta iuine ;
Son éclat & celui de deux yeux enchanteurs
Vont pour jamais caufer tous tes malheurs.
Enfin , Pandore arrive , & fa bouche vermeille
Fit d'abord éclater fur nos fens étonnés ,
JANVIER. 1755 39
De fa touchante voix la fonore merveille .
Soudain les hommes profternés ,
A ce charme prêtent l'oreille.
Les femmes , de la voix admirant les talens ,
Déja cherchent des fons dans leurs bouches béantes
,
Et leurs levres impatientes
Précipitant leurs mouvemens ,
S'efforcent de faifir le don de la parole.
Pendant que tous enchantés & furpris ,
Soupirent aux pieds de l'idole ;
Elle pour s'acquitter de fon perfide rolle ,
Fit briller aux regards des hommes éblouis
Ce métal dangereux , cette boîte infernale ,
Qui frappant leurs efprits de curiofité ,
Se fit des yeux aux coeurs une route fatale
Pour y développer la cauſe initiale
De l'humaine cupidité.
L'effet fut prompt , & l'ardeur de connoître
Soudain bouillonne en leurs coeurs embrafés
Leurs regards pétillans , leurs geftes empreffés
Exigent fans retard que l'on faffe paroître
Ce que contient ce vaſe en fes brillans contours.
Je comprens vos defirs ; écoutez , dit Pandore ,
Jupiter ne veut plus que l'univers ignore
Ce qui doit augmenter le bonheur de vos jours.
Il vous enjoint de déchirer la terre ,
De percer , s'il fe peut , juſqu'aux bords d'Acheron
,
40 MERCURE DE FRANCE .
C'eft par de tels fentiers que votre ambition
Doit découvrir cetterare matiere :
Or eft fon nom ; fouillez , creufez pour en avoir;
Rien n'eft égal à fon pouvoir :
Celui qui plus avide en aura davantage ,
Sur les pareils régnera deformais .
Ce n'est point tout , pour comble de bienfaits
Ouvrez la bouche , & recevez l'ufage
De l'inftrument artifte de la voix.
Cet infatigable mobile ,
De vos plaifirs panégyrifte habile ,
Souinis aux paffions , en défendra les droits :
Et quand d'un fier cenfeur la morale ennemie
D'une vertu bizarre alléguera les loix ,
Qu'un grand nombre de mots étouffe fous leurs
poids
Les noirs accès de fa miſantropie ,
En criant plus que lui vous mettrez aux abois
Sa raifon étourdie .
Enfin , pour exciter les mortels généreux ,
J'ordonne que ce vaſe , objet de votre envie ,
Soit le prix du plus fort ou du plus courageux.
Ainfi parla Pandore à la muette troupe ;
Et de langues foudain un effain bourdonnant ,
En prenant l'air , s'échappe de la coupe.
Chacune au hazard ſe lançant ,
Dans les gofiers ouverts fe greffe & s'enracine,
D'abord les animaux par des cris menaçans ,
JANVIER . 1755.
De leurs foibles tyrans confpirent la ruine ;
Ils ne prétendent plas que l'homme les domine ;
Ils dédaignent déja ſes ordres impuiffans.
Le taureau révolté , briſe fon joug , rumines
Le lion indigné de fon abaiffement ,
Etincelle , rugit , bat fes flancs & s'anime ;
Et pour fignal de fon foulevement ,
Fait de fon maître la victime.
Le ferpent s'applaudit par un fier fifflement ;
Des poiſons dont fa langue s'envenime ;
Et l'homme s'énonçant pour la premiere fois ,
Sur le tien & le mien , fait l'effai de ſa voix.
L'air retentit de cris , écho rompt le filence ;
Mais le fexe fur- tout eft le plus éloquent :
On dit même qu'en débutant
Il inventa la médiſance ,
Et fut prompt à faifir le tour infinuant
D'une mordante & badine élégance ,
Pour décrier plus finement
La plus frivole impertinence ;
Même il trouva dans fon tempérament
Cette cauftique nonchalance ,
Qui prête un faux air d'innocence
Au trait le plus piquant.
Bientôt fon altiere éloquence ,
Organe impérieux de fon reffentiment ,
A l'aveugle bravoure enjoignit la vengeance
D'un mot fur les appas lâché trop hardiment.
Courez , mortels , prenez les armes ,
42 MERCURE DE FRANCE.
Faites - vous égorger pour l'honneur de fes char
mes ;
Ces mêmes auraits outragés ,
Vont devenir le prix de votre frénéfie ,
Et la pudeur fe facrifie
Au plaifir de les voir vengés.
Lorfque Pandore vit que l'humaine lignée ,
Par le double préfent des langues & de l'or ,
Ne pouvoit éviter de vivre infortunée ,
En fouriant , elle prit fon effor
Vers les céleftes lieux , & fes perfides mains ,
Pour confommer fes noirs deffeins ,
Laifferent échapper ce pernicieux vafe
De nos malheurs l'origine & la bafe.
11 eft à moi , dit l'un , car je fuis le plus fort :
Soumettez- vous aux loix de la Déeffe ;
Qui de le difputer aura la hardieffe ,
De ce bras recevra la mort .
Ce titre feul vous rend tous mes efclaves.
Crois-tu , s'écrie un autre , infpirer de l'effroit
Ta force n'y fait rien , & ce font les plus braves
Qui , maîtres de cet or doivent donner la loi.
Ainfi l'on vit & la force & l'audace
Dans leurs premiers accens exhaler la menace :
L'or en fut le motif , & pour peupler l'enfer
Dès cet inftant l'or éguifa le fer.
Dès lors auffi l'égalité bannie ,
Fit place aux plus noirs attentats ,
JANVIER. 1755. 43.
Et la farouche tyrannie
Se faifant précéder du démon des combats ,
Un poignard à la main , fe traça des Etats. ,
Mais pour faire aux humains refpecter fa furie ,
Elle s'appropria le beau nom de patrie.
Ce nom facré fubjuguant les efprits ,
Cimenta fur l'honneur fon altier defpotifme.
De leurs droits confondus , l'homme de coeur épris,
Par des routes de fang courut à l'héroïſme ,
Et plein d'amour il fut , en barbare appareil ,
A fa chere patrie immoler fon pareil .
Avec moins de fracas , & plus d'adreffe encore
Pour l'ufage commun , les langues font éclore
Du fond des coeurs des vices inconnus.
En politique adroit , l'amour propre à leur tête ,
Les entremêle avec quelques vertus.
L'efprit lui-même eft bientôt fa conquête,
Et vil adulateur , il prête fes talens
2
A la tendreffe opiniâtre
Dont cet orgueilleux idolâtre
Ses plus monftrueux fentimens.
En vain la vérité plaintive & gémiffante ,
S'éleve dans l'intérieur ,
L'indomptable tyran étouffe la lueur
De far emontrance impuiffante.
Déja le menteur effronté
Traite l'homme vrai d'imbécile ,
Et , felon lui , la verité
7
44 MERCURE DE FRANCE.
N'eft qu'une vertu puerile ,
Dont cependant le fourbe habile
Contrefait l'ingénuité ,
Pour fe gliffer en dangereux reptile ,
Dans le fein ouvert & facile
De la naïve probité.
Déja la noire calomnie ,
Pour déployer fes jalouſes fureurs ,
Broye en fecret les affreuſes couleurs
Dont elle va fouiller la plus illuftre vie.
Tel eft le fort d'un mérite éclatant ,
Que fa profpérité la choque & l'importune ,
Et fon inventive rancune
Ne fe taira qu'en le précipitant .
Dans la plus obfcure infortune .
Et vous , qui dans vos traits n'offrez rien de plus
beau
Que le modefte & fincere tableau
D'une ame généreufe & fage ,
Vous , de l'honneur , la plus aimable image ,
Chaftes beautés , tremblez à l'afpect du couteau
Que tient fur vous l'impofteur en fa rage ;
D'un coup il va percer le précieux bandeau
Dont la pudeur vous couvre le viſage.
Hélas ! la playe eft faite ; armez -vous de courage :
Ce ne fera peut- être qu'au tombeau
Que l'humaine équité vous rendra témoignage ;
Mais le crime ici - bas vous devoit eet outrage,
JANVIER . 1755 . 45
Et c'eft en vous plaçant à fon niveau ;
Qu'il vous punit d'ofer dans le bel âge
Porter , de la vertu , l'honorable fardeau.
A voir la langue en fa naiffance
Obfcurcir les vertus , & fervir les forfaits ,
Qui ne croiroit que fa licence
Ne peut pouffer plus loin fes rapides effais !
A peine cependant l'eſprit lui tend l'amorcę .
De l'orgueilleufe impiété ,
Que dès l'iftant elle s'efforce
D'en outrer la témérité ;
Et franchiffant la fphere trop obfcure
Qui la retient dans l'univers ,
Ses facrileges fons exhalent dans les airs ,
Et le blafphême & le parjure .
Ne croyez pas , Dieux immortels ,
Que fon audace épargne vos autels :
Ces monumens facrés , où la reconnoiffance
Brûle un refpectueux encens ,
D'un coeur féditieux choquent la dépendance ,
Et pour les renverfer attaquant votre eflence ,
La langue lui fournit ces rebelles accens.
L'ordre des cieux , le ciron , la lumiere ,
N'émanent point d'un Créateur ;
Un concours fortuit eft l'unique moteur
D'une éternelle & féconde matiere.
Ne craignez point des Dieux , leur culte n'eft
qu'un frein ;
46 MERCURE DE FRANCE.
Némefis , & ce noir Tartare
N'eft qu'une invention bizare
Pour contenir le genre humain
Dans la néceffité des devoirs fociables ;
Et les Législateurs armés d'un vain pouvoir ,
De ces fantômes redoutables ,
'Arrêtent par la crainte , & flatent par l'espoir
Ceux que l'oppreffion rend ici miférables .
Des fens voluptueux écoutez les tranfports ;
Qu'héfitez- vous ? laiffez à des efprits vulgaires
Le foin de fe forger des terreurs , des remords ;
Nos defirs font nos Dieux , & pour des efprits
forts
Le vice & la vertu font des mots arbitraires.
Le corps enfin eft notre unique bien ;
Et cette effence fantaſtique
Indéfiniffable & myſtique ,
Qu'on appelle ame , eft moins que rien.
C'est ainsi que l'impie enyvré d'un fyftême
Dont il voudroit étourdir fes frayeurs ,
D'un avenir affreux écartant les horreurs ,
Avec les Dieux , s'anéantit lui-même.
OU L'ORIGINE DES PASSIONS .
ET DES CRIME S.
V
PAR M. YO N.
Avant Vant que le fils de Japet
Eut dérobé le feu célefte ,
Et que par un zéle indiſcret
Son audace à l'homme funefte ,
Eût fait éclore fa raiſon ,
En prenant chez les Dieux un dangereux rayon
De leur fuprême intelligence ,
L'homme innocent , dans un heureux filence
Se livroit au penchant du naïf ſentiment ;
Et ne diftinguant point les vertus ni les vices
Sans crainte & fans remords , il fuivoit les ca→
prices
Que le Ciel imprima fur fon tempérament.
On s'entendoit pourtant ; & dans ce premier âge
Le coeur dictoit aux yeux un ingénu langage .
* Cette allégorie excéde un peu les bornes que je
me fuis preferites pour les piéces en vers ; mais j'ai
cru que les beautés dont elle m'a paru remplie , méritoient
une diftinction . J'efpere que ceux qui la liront
, me fauront gré d'avoir franchi la régle en
fa faveur.
JANVIE R. 1755 . 37
On y lifoit fes befoins , fes defirs ,
Et la belle pouvoit ſe fier aux ſoupirs
Qu'elle voyoit fortir du coeur
De l'Amant qu'elle avoit choisi pour fon vain
queur.
Mais l'attentat de Promethée
Alluma bientôt contre nous
Le feu du céleſte couroux ,
Et fa vengeance concertée
Commit le foin aux Cyclopes brulans ,
De rebattre fur leur enclume ,
De la foudre la noire écume ,
Et d'en forger , pour éblouir nos fens ,
Un monftre orné des dons les plus brillans.
L'Olympe entier prit plaifir à répandre
Sur fon vifage féminin
Ces charmes féduifans , cet air piquant & fin
Qui fecondés d'un oeil fubtil & tendre ,
Fournit à ce fexe malin ,
En fe jouant , l'art de tout entreprendre,
Et comme au ciel tout concourut ,
Pour mieux déguifer l'impofture ,
Chaque Divinité tira de ſa nature
Le plus éclatant attribut.
Phébus lui montra fur fon luth ,
Des beaux chants & des vers le flateur affemblage .
Junon lui fouffla fur le front
L'art de rougir pour paroître plus fage ,
Qui , joint au don des pleurs , fait un effet fi
prompt
35 MERCURE DE FRANCE.
Dans les refforts d'un beau vifage ,
Qu'il n'eft point de couroux que ne puiffe fléchir
L'artifice trompeur de ce double avantage.
Pour achaver de l'embellir ,
Hébé compofa fa coëlfure ,
Et la Mere d'amour lui prêta fa ceinture .
Enfin le traître Amour ſe logea dans les yeux ,
Pour la guider dans ces terreftres lieux.
Tel éclata ce brillant météore
Aux regards des mortels , fous le nom de Pandore.
Jufque là le pouvoir du ciel
Avoit décoré ce fantôme ;
Mais il falloit que l'infernal Royaume
Contribuât par un préfent cruel
Qu'Alcalaphe apporta de la part des furies ,
Chef-d'oeuvre de leurs mains impics ,
Ouvrage éblouiffant , compofé d'un métal
Que depuis l'avarice arracha de la terre ,
D'où fortit le germe fatal
De la difcorde & de la guerre.
Peux-tu , miferable univers ,
Réfifter aux efforts des cieux & des enfers ?
Ils ont remis aux mains d'une beauté divine
Le foin de leurs deffeins vengeurs :
La foif de l'or va caufer ta iuine ;
Son éclat & celui de deux yeux enchanteurs
Vont pour jamais caufer tous tes malheurs.
Enfin , Pandore arrive , & fa bouche vermeille
Fit d'abord éclater fur nos fens étonnés ,
JANVIER. 1755 39
De fa touchante voix la fonore merveille .
Soudain les hommes profternés ,
A ce charme prêtent l'oreille.
Les femmes , de la voix admirant les talens ,
Déja cherchent des fons dans leurs bouches béantes
,
Et leurs levres impatientes
Précipitant leurs mouvemens ,
S'efforcent de faifir le don de la parole.
Pendant que tous enchantés & furpris ,
Soupirent aux pieds de l'idole ;
Elle pour s'acquitter de fon perfide rolle ,
Fit briller aux regards des hommes éblouis
Ce métal dangereux , cette boîte infernale ,
Qui frappant leurs efprits de curiofité ,
Se fit des yeux aux coeurs une route fatale
Pour y développer la cauſe initiale
De l'humaine cupidité.
L'effet fut prompt , & l'ardeur de connoître
Soudain bouillonne en leurs coeurs embrafés
Leurs regards pétillans , leurs geftes empreffés
Exigent fans retard que l'on faffe paroître
Ce que contient ce vaſe en fes brillans contours.
Je comprens vos defirs ; écoutez , dit Pandore ,
Jupiter ne veut plus que l'univers ignore
Ce qui doit augmenter le bonheur de vos jours.
Il vous enjoint de déchirer la terre ,
De percer , s'il fe peut , juſqu'aux bords d'Acheron
,
40 MERCURE DE FRANCE .
C'eft par de tels fentiers que votre ambition
Doit découvrir cetterare matiere :
Or eft fon nom ; fouillez , creufez pour en avoir;
Rien n'eft égal à fon pouvoir :
Celui qui plus avide en aura davantage ,
Sur les pareils régnera deformais .
Ce n'est point tout , pour comble de bienfaits
Ouvrez la bouche , & recevez l'ufage
De l'inftrument artifte de la voix.
Cet infatigable mobile ,
De vos plaifirs panégyrifte habile ,
Souinis aux paffions , en défendra les droits :
Et quand d'un fier cenfeur la morale ennemie
D'une vertu bizarre alléguera les loix ,
Qu'un grand nombre de mots étouffe fous leurs
poids
Les noirs accès de fa miſantropie ,
En criant plus que lui vous mettrez aux abois
Sa raifon étourdie .
Enfin , pour exciter les mortels généreux ,
J'ordonne que ce vaſe , objet de votre envie ,
Soit le prix du plus fort ou du plus courageux.
Ainfi parla Pandore à la muette troupe ;
Et de langues foudain un effain bourdonnant ,
En prenant l'air , s'échappe de la coupe.
Chacune au hazard ſe lançant ,
Dans les gofiers ouverts fe greffe & s'enracine,
D'abord les animaux par des cris menaçans ,
JANVIER . 1755.
De leurs foibles tyrans confpirent la ruine ;
Ils ne prétendent plas que l'homme les domine ;
Ils dédaignent déja ſes ordres impuiffans.
Le taureau révolté , briſe fon joug , rumines
Le lion indigné de fon abaiffement ,
Etincelle , rugit , bat fes flancs & s'anime ;
Et pour fignal de fon foulevement ,
Fait de fon maître la victime.
Le ferpent s'applaudit par un fier fifflement ;
Des poiſons dont fa langue s'envenime ;
Et l'homme s'énonçant pour la premiere fois ,
Sur le tien & le mien , fait l'effai de ſa voix.
L'air retentit de cris , écho rompt le filence ;
Mais le fexe fur- tout eft le plus éloquent :
On dit même qu'en débutant
Il inventa la médiſance ,
Et fut prompt à faifir le tour infinuant
D'une mordante & badine élégance ,
Pour décrier plus finement
La plus frivole impertinence ;
Même il trouva dans fon tempérament
Cette cauftique nonchalance ,
Qui prête un faux air d'innocence
Au trait le plus piquant.
Bientôt fon altiere éloquence ,
Organe impérieux de fon reffentiment ,
A l'aveugle bravoure enjoignit la vengeance
D'un mot fur les appas lâché trop hardiment.
Courez , mortels , prenez les armes ,
42 MERCURE DE FRANCE.
Faites - vous égorger pour l'honneur de fes char
mes ;
Ces mêmes auraits outragés ,
Vont devenir le prix de votre frénéfie ,
Et la pudeur fe facrifie
Au plaifir de les voir vengés.
Lorfque Pandore vit que l'humaine lignée ,
Par le double préfent des langues & de l'or ,
Ne pouvoit éviter de vivre infortunée ,
En fouriant , elle prit fon effor
Vers les céleftes lieux , & fes perfides mains ,
Pour confommer fes noirs deffeins ,
Laifferent échapper ce pernicieux vafe
De nos malheurs l'origine & la bafe.
11 eft à moi , dit l'un , car je fuis le plus fort :
Soumettez- vous aux loix de la Déeffe ;
Qui de le difputer aura la hardieffe ,
De ce bras recevra la mort .
Ce titre feul vous rend tous mes efclaves.
Crois-tu , s'écrie un autre , infpirer de l'effroit
Ta force n'y fait rien , & ce font les plus braves
Qui , maîtres de cet or doivent donner la loi.
Ainfi l'on vit & la force & l'audace
Dans leurs premiers accens exhaler la menace :
L'or en fut le motif , & pour peupler l'enfer
Dès cet inftant l'or éguifa le fer.
Dès lors auffi l'égalité bannie ,
Fit place aux plus noirs attentats ,
JANVIER. 1755. 43.
Et la farouche tyrannie
Se faifant précéder du démon des combats ,
Un poignard à la main , fe traça des Etats. ,
Mais pour faire aux humains refpecter fa furie ,
Elle s'appropria le beau nom de patrie.
Ce nom facré fubjuguant les efprits ,
Cimenta fur l'honneur fon altier defpotifme.
De leurs droits confondus , l'homme de coeur épris,
Par des routes de fang courut à l'héroïſme ,
Et plein d'amour il fut , en barbare appareil ,
A fa chere patrie immoler fon pareil .
Avec moins de fracas , & plus d'adreffe encore
Pour l'ufage commun , les langues font éclore
Du fond des coeurs des vices inconnus.
En politique adroit , l'amour propre à leur tête ,
Les entremêle avec quelques vertus.
L'efprit lui-même eft bientôt fa conquête,
Et vil adulateur , il prête fes talens
2
A la tendreffe opiniâtre
Dont cet orgueilleux idolâtre
Ses plus monftrueux fentimens.
En vain la vérité plaintive & gémiffante ,
S'éleve dans l'intérieur ,
L'indomptable tyran étouffe la lueur
De far emontrance impuiffante.
Déja le menteur effronté
Traite l'homme vrai d'imbécile ,
Et , felon lui , la verité
7
44 MERCURE DE FRANCE.
N'eft qu'une vertu puerile ,
Dont cependant le fourbe habile
Contrefait l'ingénuité ,
Pour fe gliffer en dangereux reptile ,
Dans le fein ouvert & facile
De la naïve probité.
Déja la noire calomnie ,
Pour déployer fes jalouſes fureurs ,
Broye en fecret les affreuſes couleurs
Dont elle va fouiller la plus illuftre vie.
Tel eft le fort d'un mérite éclatant ,
Que fa profpérité la choque & l'importune ,
Et fon inventive rancune
Ne fe taira qu'en le précipitant .
Dans la plus obfcure infortune .
Et vous , qui dans vos traits n'offrez rien de plus
beau
Que le modefte & fincere tableau
D'une ame généreufe & fage ,
Vous , de l'honneur , la plus aimable image ,
Chaftes beautés , tremblez à l'afpect du couteau
Que tient fur vous l'impofteur en fa rage ;
D'un coup il va percer le précieux bandeau
Dont la pudeur vous couvre le viſage.
Hélas ! la playe eft faite ; armez -vous de courage :
Ce ne fera peut- être qu'au tombeau
Que l'humaine équité vous rendra témoignage ;
Mais le crime ici - bas vous devoit eet outrage,
JANVIER . 1755 . 45
Et c'eft en vous plaçant à fon niveau ;
Qu'il vous punit d'ofer dans le bel âge
Porter , de la vertu , l'honorable fardeau.
A voir la langue en fa naiffance
Obfcurcir les vertus , & fervir les forfaits ,
Qui ne croiroit que fa licence
Ne peut pouffer plus loin fes rapides effais !
A peine cependant l'eſprit lui tend l'amorcę .
De l'orgueilleufe impiété ,
Que dès l'iftant elle s'efforce
D'en outrer la témérité ;
Et franchiffant la fphere trop obfcure
Qui la retient dans l'univers ,
Ses facrileges fons exhalent dans les airs ,
Et le blafphême & le parjure .
Ne croyez pas , Dieux immortels ,
Que fon audace épargne vos autels :
Ces monumens facrés , où la reconnoiffance
Brûle un refpectueux encens ,
D'un coeur féditieux choquent la dépendance ,
Et pour les renverfer attaquant votre eflence ,
La langue lui fournit ces rebelles accens.
L'ordre des cieux , le ciron , la lumiere ,
N'émanent point d'un Créateur ;
Un concours fortuit eft l'unique moteur
D'une éternelle & féconde matiere.
Ne craignez point des Dieux , leur culte n'eft
qu'un frein ;
46 MERCURE DE FRANCE.
Némefis , & ce noir Tartare
N'eft qu'une invention bizare
Pour contenir le genre humain
Dans la néceffité des devoirs fociables ;
Et les Législateurs armés d'un vain pouvoir ,
De ces fantômes redoutables ,
'Arrêtent par la crainte , & flatent par l'espoir
Ceux que l'oppreffion rend ici miférables .
Des fens voluptueux écoutez les tranfports ;
Qu'héfitez- vous ? laiffez à des efprits vulgaires
Le foin de fe forger des terreurs , des remords ;
Nos defirs font nos Dieux , & pour des efprits
forts
Le vice & la vertu font des mots arbitraires.
Le corps enfin eft notre unique bien ;
Et cette effence fantaſtique
Indéfiniffable & myſtique ,
Qu'on appelle ame , eft moins que rien.
C'est ainsi que l'impie enyvré d'un fyftême
Dont il voudroit étourdir fes frayeurs ,
D'un avenir affreux écartant les horreurs ,
Avec les Dieux , s'anéantit lui-même.
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Résumé : PANDORE, OU L'ORIGINE DES PASSIONS ET DES CRIMES. * PAR M. YON.
Le texte 'Pandore, ou l'origine des passions et des crimes' raconte une allégorie sur l'origine des maux humains. Avant que Prométhée ne vole le feu divin, les hommes vivaient innocemment, guidés par leurs sentiments naturels et sans distinction entre vertus et vices. La création de Pandore, un être doté de multiples talents et beautés par les dieux, marque un tournant. Pandore, accompagnée d'une boîte contenant des maux, est envoyée sur Terre. Elle séduit les hommes et leur montre un métal précieux, l'or, éveillant ainsi leur curiosité et leur cupidité. Pandore révèle ensuite que l'or et la parole sont des dons divins, incitant les hommes à creuser la terre pour en obtenir davantage. Cette action provoque la discorde et la guerre. Les animaux, inspirés par les nouvelles capacités humaines, se révoltent contre leurs maîtres. Les hommes, dotés de la parole, inventent la médisance et l'éloquence pour justifier leurs actions. La tyrannie et les conflits naissent, souvent au nom de la patrie. Les langues humaines, libérées par Pandore, révèlent des vices cachés et des vertus mêlées à l'amour-propre. La vérité est étouffée, et la calomnie, la flatterie et l'imposture prospèrent. La langue humaine, dans sa licence, outrepasse ses limites, blasphémant même les dieux et niant leur existence. Les hommes, guidés par leurs désirs, considèrent le vice et la vertu comme des concepts arbitraires, et réduisent leur essence à la matérialité du corps.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
15
p. 71-102
LE MIROIR. Par M. DE MARIVAUX.
Début :
Si vous aimez, Monsieur, les aventures un peu singulieres, en voici une [...]
Mots clefs :
Aventure singulière, Esprits, Esprit, Hommes, Idées, Auteur, Génies, Homme, Sophocole, Racine, Corneille, Jean Chapelain, Miroir, Mérite, Estime, Poème, Cicéron
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : LE MIROIR. Par M. DE MARIVAUX.
LE MIROIR.
Par M. DE MARIVAU X.
vous aimez , Monfieur , les aventures
un peu fingulieres , en voici une
qui a dequoi vous contenter : je ne vous
prefferai point de la croire ; vous pouvez
la regarder comme un pur jeu d'efprit ,
elle a l'air de cela ; cependant c'eſt à moi
qu'elle est arrivée.
Je ne vous dirai point au refte dans quel
endroit de la terre j'ai vû ce que je vais
vous dire. C'eft un pays dont les Géographes
n'ont jamais fait mention , non qu'il
ne foit très- fréquenté ; tout le monde y va ,
vous y avez fouvent voyagé vous- même ,
& c'est l'envie de m'y amufer qui m'y a
infenfiblement conduit. Commençons.
Il y avoit trois ou quatre jours que j'étois
à ma campagne , quand je m'avifai
un matin de me promener dans une allée
de mon parc ; retenez bien cette allée ,
car c'eft de la d'où je fuis parti pour le
voyage dont j'ai à vous entretenir.
Dans cette allée je lifois un livre dont
la lecture me jetta dans de profondes réflexions
fur les hommes,
Et de réflexions en réflexions , tou72
MERCURE DE FRANCE.
jours marchant , toujours allant , je mar
chai tant , j'allai tant , je réfléchis tant , &
fi diverſement , que fans prendre garde à
ce que je devenois , fans obferver par où
je paffois , je me trouvai infenfiblement
dans le pays dont je parlois tout à l'heure ,
où j'achevai de m'oublier , pour me livrer
tout entier au plaifir d'examiner ce qui
s'offroit à mes regards , & en effet le ſpectacle
étoit curieux. Il me fembla donc ;
mais je dis mal , il ne me fembla point :
je vis fûrement une infinité de fourneaux
plus ou moins ardens , mais dont le feune
m'incommodait point , quoique j'en
approchaffe de fort près.
Je ne vous dirai pas à préſent à quoi
ils fervoient ; il n'eft pas encore tems .
Ce n'eft pas là tout ; j'ai bien d'autres
chofes à vous raconter. Au milieu de tous
les fourneaux étoit une perfonne , ou , fi
vous voulez , une Divinité , dont il me feroit
inutile d'entreprendre le portrait , auſſi
n'y tâcherai-je point.
Qu'il vous fuffife de fçavoir que cette
perfonne ou cette Divinité , qui en gros
me parut avoir l'air jeune , & cependant
antique , étoit dans un mouvement perpétuel
, & en même tems fi rapide , qu'il
me fut impoffible de la confiderer en face.
Ce qui eft de certain , c'eft que dans le
mouvement
JANVIER. 1755 . 73
mouvement qui l'agitoit , je la vis fous
tant d'afpects , que je crus voir fucceffivement
paffer toutes les phifionomies du
monde , fans pouvoir faifir la fienne , qui
apparemment les contenoit toutes.
Ce que je démêlai le mieux , & ce que
je ne perdis jamais de vue , malgré fon
agitation continuelle , ce fut une efpece
de bandeau , ou de diadême , qui lui ceignoit
le front, & fur lequel on voyoit écrit
LA NATURE.
Ce bandeau étoit large , élevé , & comme
partagé en deux Miroirs éclatans ,
dans l'un defquels on voyoit une repréfentation
inexplicable de l'étendue en gé
néral , & de tous les myfteres ; je veux
dire des vertus occultes de la matiere , de
l'efpace qu'elle occupe , du reffort qui la
meut , de fa divifibilité à l'infini ; en un
mot de tous les attributs dont nous ne
connoiffons qu'une partie.
L'autre miroir qui n'étoit féparé du
premier que d'une ligne extrêmement déliée
, repréſentoit un être encore plus indéfiniffable.
C'étoit comme une image de l'ame , ou
de la penſée en général ; car j'y vis toutes
les façons poffibles de penfer & de fentir
des hommes , avec la fubdivifion de tous
les degrés d'efprit & de fentiment , de vices
D
74 MERCURE DE FRANCE.
& de vertus , de courage & de foibleffe ,
de malice & de bonté , de vanité & de
fimplicité que nous pouvons avoir.
Enfin tout ce que les hommes font ,
tout ce qu'ils peuvent être , & tout ce
qu'ils ont été , fe trouvoit dans cet exemplaire
des grandeurs & des miferes de l'ane
humaine.
J'y vis , je ne fçai comment , tout ce
qu'en fait d'ouvrages , l'efprit de l'homme
avoit jufqu'ici produit ou rêvé , c'eſt-àdire
j'y vis depuis le plus mauvais conte
de Fée , jufqu'aux fyftêmes anciens & modernes
les plus ingénieufement imaginés
; depuis le plus plat écrivain jufqu'à
l'auteur des Mondes : c'étoit y trouver les
deux extrêmités. J'y remarquai l'obſcure
Philofophie d'Ariftote ; & malgré fon obfcurité
, j'en admirai l'auteur , dont l'efprit
n'a point eu d'autres bornes que celles que
l'efprit humain avoit de fon tems ; il me
fembla même qu'il les avoit paffées .
J'y obfervai l'incompréhenfible & merveilleux
tour d'imagination de ceux qui
durant tant de fiécles ont cru non feulement
qu'Ariftote avoit tout connu , tout
expliqué , tout entendu , mais qui ont encore
cru tout comprendre eux - mêmes ,
& pouvoir rendre raifon de tout d'après
lui.
JANVIER. 1755. 75
J'y trouvai cette idée du Pere Mallebranche
, ou , fi vous voulez , cette viſion
auffi raifonnée que fubtile & finguliere ,
& qui n'a pu s'arranger qu'avec tant d'efprit
, qui eft que nous voyons tout en
Dieu .
Le fyftême du fameux Defcartes , cet
homme unique , à qui tous les hommes
des fiécles à venir auront l'éternelle obligation
de fçavoir penfer , & de penfer
mieux que lui ; cet homme qui a éclairé
la terre , qui a détruit cette ancienne idole
de notre ignorance ; je veux dire le tiſſu
de fuppofitions , refpecté depuis fi longtems
, qu'on appelloit Philofophie , & qui
n'en étoit pas moins l'ouvrage des meil,
leurs génies de l'antiquité ; cet homme
enfin qui , même en s'écartant quelquefois
de la vérité , ne s'en écarte plus en
enfant comme on faifoit avant lui , mais
en homme , mais en Philofophe , qui nous
a appris à remarquer quand il s'en écarte
qui nous a laiffé le fecret de nous redreffer
nous mêmes ; qui , d'enfans que nous
étions , nous a changés en hommes à notre
tour, & qui, n'eût- il fait qu'un excellent Roman
, comme quelques- uns le difent , nous
a du moins mis en état de n'en plus faire .
Le fyftême du célebre , du grand
Newton , & par la fagacité de fes dé-
D ij
75 MERCURE DE FRANCE.
couvertes , peut-être plus grand que Defcartes
même , s'il n'avoit pas été bien plus
aifé d'être Newton après Defcartes , que
d'être Defcartes fans le fecours de perfonne
, & fi ce n'étoit pas avec les forces
que ce dernier a données à l'efprit humain
, qu'on peut aujourd'hui furpaffer
Defcartes même. Auffi voyois- je qu'il y a
des génies admirables , pourvû qu'ils viennent
après d'autres , & qu'il y en a de faits
pour venir les premiers. Les uns changent
l'état de l'efprit humain , ils caufent une
révolution dans les idées. Les autres , pour
être à leur place , ont befoin de trouver
cette révolution toute arrivée , ils en corrigent
les Auteurs , & cependant ils ne l'auroient
pas faite .
J'obfervai tous les Poëmes qu'on appelle
épiques , celui de l'Iliade dont je ne
juge point , parce que je n'en fuis pas digne
, attendu que je ne l'ai lû qu'en françois
, & que ce n'eft pas la le connoître
mais qu'on met le premier de tous , &
qui auroit bien de la peine à ne pas l'être ,
parce qu'il eft Grec , & le plus ancien, Celui
de l'Enéide qui a tort de n'être venu
que le fecond , & dont j'admirai l'éléganla
fageffe & la majefté ; mais qui eft
ce ,
un peu long.
Celui du Taffe qui eft fi intéressant ,
JANVIER. 1755 77
qui eft un ouvrage fi bien fait , qu'on lit
encore avec tant de plaifir dans la derniere
traduction françoife qu'un habile
Académicien en a faite ; qui y a conſervé
tant de graces; qui ne vous enleve pas ,
mais qui vous mene avec douceur , par un
attrait moins apperçu que fenti ; enfin qui
vous gagne , & que vous aimez à fuivre ,
en françois comme en italien , malgré
quelques petits conchettis qu'on lui reproche
, & qui ne font pas fréquens.
Celui de Milton , qui eft peut - être le
plus fuivi , le plus contagieux , le plus fublime
écart de l'imagination qu'on ait ja
mais vû jufques ici
J'y vis le Paradis terreftre , imité de Mil
ron , par Madame Du .. Bo ... ouvrage
dont Milton même eut infailliblement
adopté la fageffe & les corrections , &
qui prouve que les forces de l'efprit humain
n'ont point de fexe . Ouvrage enfin
fait par un auteur qui par-tout y a laiffé
l'empreinte d'un efprit à fon tour créateur
de ce qu'il imite , & qui tient en lui , quand
il voudra , de quoi mériter l'honneur d'être
imité lui-même.
Celui de la Henriade , ce Poëme fi agréa
blement irrégulier , & qui à force de
beautés vives , jeunes , brillantes & continues
, nous a prouvé qu'il y a une magie
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
d'efprit , au moyen de laquelle un ouvrage
peut avoir des défauts fans conféquence.
J'oubliois celui de Lucain qui mérite
attention, & où je trouvai une fierté tantôt
Romaine & tantôt Gafconne , qui m'amufa
beaucoup.
Je n'aurois jamais fait fi je voulois parler
de tous les Poëmes que je vis ; mais
j'avoue que je confiderai quelque tems
celui de Chapelain , cette Pucelle fi fameufe
& fi admirée avant qu'elle parut ,
& fi ridicule dès qu'elle fe montra .
L'efprit que Chapelain avoit en de fon
vivant , étoit là auffi bien que fon Poëme ,
& il me fembla que le Poëme étoit bien
au deffous de l'efprit.
J'examinai en même tems d'où cela ve
noit , & je compris , à n'en pouvoir douter
, que fi Chapelain n'avoit fçu que la
moitié de la bonne opinion qu'on avoit
de lui , fon Poëme auroit été meilleur , ou
moins mauvais.
·
Mais cet auteur , fur la foi de fa réputation
, conçut une fi grande & fi férieuſe
vénération pour lui-même , fe crut obligé
d'être fi merveilleux , qu'en cet état il n'y
eut point de vers fur lequel il ne s'appefantit
gravement pour le mieux faire ,
point de raffinement difficile & bizarre
dont il ne s'avisất ; & qu'enfin il ne fir
JANVIER, 1755. 79
plus que des efforts de miférable pédant ,
qui prend les contorfions de fon efprit
pour de l'art , fon froid orgueil pour de la
capacité , & fes recherches hétéroclites
pour du fublime.
Et je voyois que tout cela ne lui feroit
point arrivé , s'il avoit ignoré l'admiration
qu'on avoit eue d'avance pour fa Pucelle .
Je voyois que Chapelain moins eftimé
en feroit devenu plus eftimable ; car dans
le fond il avoit beaucoup d'efprit , mais il
n'en avoit pas affez pour voir clair à travers
tout l'amour propre qu'on lui donna ;
& ce fut un malheur pour lui d'avoir été
mis à une fi forte épreuve que bien d'autres
que lui n'ont pas foutenue.
Il n'y a gueres que les hommes abfolument
fupérieurs qui la foutiennent, & qui
en profitent , parce qu'ils ne prennent jamais
de ce fentiment d'amour propre que
ce qu'il leur en faut pour encourager leur
efprit .
Auffi le public peut-il préfumer de ceuxlà
tant qu'il voudra , il n'y fera point
trompé , & ils n'en feront que mieux . Ce
n'eft qu'en les admirant un peu d'avance ,
qu'il les met en état de devenir admirables
; ils n'oferoient pas l'être fans cela ,
on peut- être ignoreroient- ils combien ils
peuvent l'être.
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Voici encore des hommes d'une autre
efpece à cet égard là , & que je vis auffi
dans la glace . L'eftime du public perdit
Chapelain , elle fut caufe qu'il s'excéda
pour s'élever au deffus de la haute idée
qu'on avoit de lui , & il y périt : ceux- ci
au contraire fe relâchent en pareil cas ;
dès que le public eft prévenu d'une cer
taine maniere en leur faveur , ils ofent en
conclure qu'il le fera toujours , & qu'ils
ont tant d'efprit , que même en le laiffant
aller cavalierement à ce qui leur en viendra
, fans tant fe fatiguer, ils ne fçauroient
manquer d'en avoir affez & de reite , pour
continuer de plaire à ce public déja fr
prévenu.
Là- deffus ils fe négligent , & ils tombent.
Ce n'eft pas là tout. Veulent - ils fe
corriger de cet excès de confiance qui leur
a nui ? je compris qu'ils s'en corrigent
tant , qu'après cela ils ne fçavent plus où
ils en font. Je vis que dans la peur qui
les prend de mal faire , ils ne peuvent plus
fe remettre à cet heureux point de hardieffe
& de retenue , où ils étoient avant
leur chûte , & qui a fait le fuccès de leurs
premiers ouvrages.
C'est comme un équilibre qu'ils ne re
trouvent plus , & quand ils le retrouve
roient , le public ne s'en apperçoit pas d'a
JANVIER. 1755.
8'r
bord : il renonce difficilement à fe mocquer
d'eux ; il aime à prendre fa revanche de
l'eftime qu'il leur a accordée ; leur chûte
eft une bonne fortune pour lui.
Il faut pourtant faire une obfervation :
c'est que parmi ceux dont je parle , il y en
a quelques- uns que leur difgrace fcandalife
plus qu'elle ne les abbat , & qui ramaffant
fierement leurs forces , lancent ,
pour ainfi dire , un ouvrage qui fait taire
les rieurs , & qui rétablit l'ordre.
En voilà affez là - deffus : je me fuis:
peut-être un peu trop arrêté fur cette matere
; mais on fait volontiers de trop longues,
relations des chofes qu'on a confidérées
avec attention .
Venons à d'autres objets : j'en remar
quai quatre ou cinq qui me frapperent ,
& quí , chacun dans leur genre , étoient
d'une beauté fublime :
C'étoit l'inimitable élégance de Racine ,
le puiffant génie de Corneille , la fagacité
de l'efprit de la Motte , l'emportement admirable
du fentiment de l'auteur de Rhadamifte
, & le charme des graces de l'auteur
de Zaïre .
Je m'attendriffois avec Racine , je me
trouvois grand avec Corneille ; j'aimois
mes foibleffes avec l'un , elles m'auroient:
deshonoré avec l'autre,
D vi
82 MERCURE DE FRANCE.
L'auteur de Zaïre ennobliffoit mes idées
celui de Rhadamifte m'infpiroit des paffions
terribles ; il fondoit les profondeurs
de mon ame , & je penfois avec la Motte.
Permettez-moi de m'arrêter un peu
fur ce
dernier.
C'étoit un excellent homme , quoiqu'il
ait eu tant de contradicteurs : on l'a mis
au deffous de gens qui étoient bien audeffous
de lui , & le miroir m'a appris d'où
cela venoit en partie .
C'eft qu'il étoit bon à tout , ce qui eft un
grand défaut il vaut mieux , avec les hommes
, n'être bon qu'à quelque chofe , & la
Motte avoit ce tort.
Qu'est- ce que c'eft qu'un homme qui ne
fe contente pas d'être un des meilleurs
efprits du monde en profe , & qui veut
encore faire des opera , des tragédies , des
odes pindariques , anacréontiques , des
comédies même , & qui réuffit en tout
ce que je dis là , qui plus eft cela eſt ri—·
dicule.
Il faut prendre un état dans la République
des Lettres , & ce n'eft pas en avoir
un que d'y faire le métier de tout le
monde ; auffi fes critiques ont- ils habilement
découvert que la Motte avec toute fa.
capacité prétendue , n'étoit qu'un Philofophe
adroit qui fçavoit fe déguifer en ce qu'il
JANVIER. 1755 .
83
vouloit être , au point que fans fon excellent
efprit, qui le trahiffoit quelquefois ,
on l'auroit pris pour un très -bel efprit ;
c'étoit comme un fage qui auroit très - bien
contrefait le petit maître .
On dit que la premiere tragédie dont
on ignoroit qu'il fut l'auteur , paſſa d'abord
pour être un ouvrage pofthume de
Racine.
Dans fes fables même qu'on a tant décriées
, il y en a quelques- unes où il abufe
tant de fa foupleffe , que des gens d'ef
prit qui les avoient lûes fans plaifit dans
le recueil , mais qui ne s'en reffouvenoient
plus , & à qui un mauvais plaifant , quel
que tems après , les récitoit comme de la
Fontaine , les trouverent admirables , &
crurent en effet. que c'étoit la Fontaine qui
les avoit faites. Voilà le plus fouvent comme
on juge, & cependant on croit juger,
Car pourquoi leur avoient- elles paru mauvaifes
la premiere fois qu'ils les avoient
lues : c'eft que la mode étoit que l'auteur
ne réuffit pas; c'eft qu'ils fçavoient alors
que la Motte en étoit l'auteur ; c'eft qu'à la
tête du livre ils avoient vû le nom d'un
homme qui vouloit avoir trop de fortes
de mérite à la fois , qui effectivement les
auroit eus , fi on n'avoit pas empêché le
public de s'y méprendre , & qui même n'a
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
pas laiffé de les avoir à travers les contra--
dictions qu'il a éprouvées ; car on l'a plus
perfécuté que détruit , malgré l'efpece d'oftracifme
qu'on a exercé contre lui , & qu'il'
méritoit bien.
Il faut pourtant convenir qu'on lui fait
un reproche affez juſte , c'eſt qu'il remuoit
moins qu'il n'éclairoit ; qu'il parloit
plus à l'homme intelligent qu'à l'hom
me fenfible ; ce qui eft un defavantage:
avec nous , qu'un auteur ne peut affectionner
ni rendre attentifs à l'efprit qu'il nous.
préfente , qu'en donnant , pour ainfi dire ,
des chairs à fes idées ; ne nous donner
que des lumieres , ce n'eft encore embraffer
que la moitié de ce que nous fommes ,
& même la moitié qui nous eft la plus indifférente
: nous nous fouçions bien moins
de connoître que de jouir , & en pareit
cas l'ame jouit quand elle fent.
Mais je fais une reflexion ; je vous ai
parlé de la Motte , de Corneille , de Racine
, des Poëmes d'Homere , de Virgile ,
du Taffe , de Milton , de Chapelain , des
fyftèmes des Philofophes paffés , & il n'y
a pas de mal à cela.
pas
Beaucoup de gens , je penfe , ne feront
de l'avis du Miroir , & je m'y attends ,
par hazard vous montrez mes relations
comme je vous permets de le faire.
fi
JANVIER. 1755. 85
Mais en ce cas , fupprimez- en , je vous
prie , tout ce qui regardera les auteurs vivans.
Je connois ces Meffieurs là , ils ne
feroient pas même contens des éloges que
j'ai trouvés pour eux.
Je veux pourtant bien qu'ils fçachent
que je les épargne , & qu'il ne tiendroit
qu'à moi de rapporter leurs défauts qui fe
trouvoient auffi ; qu'à la vérité , j'ai vu
moins diftinctement que leurs beautés ,
parce que je n'ai pas voulu m'y arrêter ,
& que je n'ai fait que les appercevoir.
Mais c'eft affez que d'appercevoir des
défauts pour les avoir bien vûs , on a malgré
foi de fi bons yeux là - deffus. Il n'y a
que le mérite des gens qui a befoin d'être
extrêmement confidéré pour être connu ; on
croit toujours s'être trompé quand on n'a
fait que le voir. Quoiqu'il en foit , j'ai remarqué
les défauts de nos auteurs , & je
m'abſtiens de les dire . Il me femble même
les avoir oubliés : mais ce font encore là
de ces chofes qu'on oublie toujours affez
mal , & je me les rappellerois bien s'il
le falloit ; qu'on ne me fache pas ..
A propos d'Auteurs ou de Poëtes , j'apperçus
un Poëme intitulé le Bonheur , qui
n'a point encore paru , & qui vient d'un
génie qui ne s'eft point encore montré an
public , qui s'eft formé dans le filence ,
86 MERCURE DE FRANCE.
& qui menaceroit nos plus grands Poëtes
de l'apparition la plus brillante : il iroit
de pair avec eux , ou , pour me fervir de
l'expreffion de Racine , il marcheroit du
moins leur égal , fi le plaifir de penfer philofophiquement
en profe ne le débauche
pas , comme j'en ai peur.
Il étoit fur la ligne des meilleurs efprits ;
il y occupoit même une place à part , &
étoit là comme en réferve fous une trèsaimable
figure , mais en même tems fi
modefte qu'il ne tint pas à lui que je ne
le viffe point.
Mais venons à d'autres objets ; je parle
des génies du tems paffé ou de ceux d'au
jourd'hui , fuivant que leur article fe préfente
à ma mémoire ; ne m'en demandez
pas davantage. Il y en aura beaucoup d'autres
, tant auteurs tragiques que comiques
, dont je ferai mention dans la fuite
de ma relation .
Entre tous ceux de l'antiquité qu'on
admire encore > & par l'excellence de
leurs talens , & par une ancienne tradition
d'eftime qui s'eft confervée pour eux ; enfin
par une fage précaution contre le mérite
des modernes , car il entre de tout
cela dans cette perpétuité d'admiration qui
fe foutient en leur faveur.
Entre tant de beaux génies , dis -je , Eus
JANVIE R. 1755 . 87
ripide & Sophocle furent de ceux que je
diftinguai les plus dans le miroir.
Je les confiderai donc fort attentivement
& avec grand plaifir , fans les trouver
, je l'avoue , auffi inimitables qu'ils le
font dans l'opinion des partifans des anciens.
L'idée qui me les a montrés n'eft
d'aucun parti , elle leur fait auffi beaucoup
plus d'honneur que ne leur en font les
partifans des modernes.
Il eft vrai que le fentiment de ceux- ci
ne fera jamais le plus généralement applaudi
; car ils difent qu'on peut valoir les anciens
, ce qui eft déja bien hardi ; ils difent
qu'on peut valoir mieux , ce qui eſt encore
pis.
Ils foutiennent que des gens de notre
nation , que nous avons vûs ou que nous
aurions pû voir ; en un mot , que des modernes
qui vivoient il n'y a gueres plus
d'un demi-fiécle , les ont furpaffés ; voilà
qui eft bien mal entendu .
Car cette poffibilité de les valoir , &
même de valoir mieux , une fois bien établie
, & tirée d'après des modernes qui
vivoient il n'y a pas long- tems , pourquoi
nos illuftres modernes d'aujourd'hui ne
pourroient- ils pas à leur tour leur être
égaux , & même leur être fupérieurs ? il
ne feroit pas ridicule de le penfer ; il ne
SS MERCURE DE FRANCE.
fe feroit pas même de regarder la chofe
comme arrivée ; mais ce qui eft ridicule
& même infenfé , à ce que marque la glace
, c'eft d'efperer que cette poffibilité &
fes conféquences puiffent jamais paffer.
Quoi , nous aurons parmi nous des
hommes qu'il feroit raifonnable d'honorer"
autant & plus que d'anciens Grecs ou d'anciens
Romains !
Eh mais , que feroit- on d'eux dans la fociété
: & quel fcandale ne feroit -ce point là ?
Comment ! des hommes à qui on ne'
pourroit plus faire que de très- humbles
repréſentations fur leurs ouvrages , & non
pas des critiques de pair à pair comme en
font tant de gens du monde , qui pour'
n'être point auteurs , ne prétendent pas
en avoir moins d'efprit que ceux qui le
font , & qui ont peut- être raifon ?
Des hommes vis- à vis de qui tant de
fçavans auteurs & traducteurs des anciens
ne feroient plus rien , & perdroient leus
état ? car ils en ont un très- diftingué , &
qu'ils meritent , à l'excès près des privileges
qu'ils fe donnent. Un fçavant eft
exempt d'admirer les plus grands génies
de fon tems ; il tient leur mérite en échec ,
il leur fait face ; il en a bien vû d'autres.
Des hommes enfin qui romproient tout
équilibre dans la république des Lettres 2:
JAN VIE K. 1755.
qui laifferoient une diſtance trop décidée
entr'eux & leurs confreres ? diftance qui a
toujours plus l'air d'une opinion que d'un
fait.
Non , Monfieur , jamais il n'y eut de
pareils modernes , & il n'y en aura jamais .
La nature elle-même eft trop fage pour
avoir permis que les grands hommes de
chaque fiécle affiftaffent en perfonne à la
plénitude des éloges qu'ils méritent , &
qu'on pourra leur donner quelque jour
il feroit indécent pour eux & injurieux
pour les autres qu'ils en fuffent témoins .
Auffi dans tous les âges ont- ils affaire
à un public fait exprès pour les tenir en
refpect , & dont je vais en deux mots vous
définir le caractere.
Je commence par vous dire que c'eft le
public de leur tems ; voilà déja fa définition
bien avancée .
Ce public , tout à la fois juge & partie
de ces grands hommes qu'il aime & qu'il
humilie ; ce public , tout avide qu'il eft
des plaifirs qu'ils s'efforcent de lui donner
, & qu'en effet ils lui donnent , eft ce--
pendant aflez curieux de les voir manquer
leur coup , & l'on diroit qu'il manque
le fien , quand il eft content d'eux.
Au furplus la glace m'a convaincu d'une
shofe ; c'eft que la poftérité , fi nos grands
90 MERCURE DE FRANCE.
}
hommes parviennent juſqu'à elle , ne ſçaura
ni fi bien , nifi exactement ce qu'ils valent
que nous pouvons le fçavoir aujourd'hui .
Cette poftérité , faite comme toutes les poftérités
du monde , aura infailliblement le
défaut de les louer trop , elle voudra qu'ils
foient incomparables ; elle s'imaginera fentir
qu'ils le font , fans fe douter que ce
ne fera là qu'une malice de fa part pour
mortifier fes illuftres modernes , & pour
fe difpenfer de leur rendre juftice. Or je
vous le demande , dans de pareilles difpofitions
pourra-t- elle apprécier nos modernes
qui feront fes anciens le mérite
imaginaire qu'elle voudra leur trouver , ne
l'empêchera-t- il pas de difcerner le mérite
réel qu'ils auront ? Qui eft-ce qui pourra
démêler alors à quel dégré d'eftime on
s'arrêteroit pour eux , fi on n'avoit pas
envie de les eftimer tant au lieu qu'au
jourd'hui je fçais à peu près au jufte la
véritable opinion qu'on a d'eux , & je fuis
fûr que je le fçais bien , car il me l'a dit ,
à moins qu'elle ne lui échappe.
Je pourrois m'y tromper fi je n'en croyois
que la diverfité des difcours qu'il tient
mais il fe hâte d'acheter & de lire leurs
ouvrages , mais il court aux parodies qu'on
en fait , mais il eft avide de toutes les critiques
bien ou mal tournées qu'on répand
1
JANVIER. 1755. 91
contr'eux ; & qu'est- ce que tout cela fignifie
finon beaucoup d'eftime qu'on
ne veut pas déclarer franchement.
Eh ! ne fommes nous pas toujours de cette
humeur là ? n'aimons nous pas mieux vanter
un étranger qu'un compatriote ? un homme
abfent qu'un homme préfent ? Prenez-y.
garde , avons-nous deux citoyens également
illuftres celui dont on eft le plus
voifin eft celui qu'on loue le plus fobrement.
Si Euripide & Sophocle , fi Virgile &
le divin Homere lui-même revenoient au
monde , je ne dis pas avec l'efprit de leur
tems , car il ne fuffiroit peut-être pas aujourd'hui
pour nous ; mais avec la même
capacité d'efprit qu'ils avoient, précisément
avec le même cerveau , qui fe rempliroit
des idées de notre âge ; fi fans nous avertir
de ce qu'ils ont été , ils devenoient nos
contemporains , dans l'efpérance de nous
ravir & de nous enchanter encore , en s'adonnant
au même genre d'ouvrage auquel
ils s'adonnerent autrefois , ils feroient
bien étourdis de voir qu'il faudroit qu'ils
s'humiliaffent devant ce qu'ils furent; qu'ils
ne pourroient plus entrer en comparaiſon
avec eux-mêmes , à quelque fublimité d'efprit
qu'ils s'élevaffent ; bien étourdis de fe
trouver de fumples modernes apparemment
2 MERCURE DE FRANCE.
bons ou excellens , mais cependant des
Poëtes médiocres auprès de l'Euripide ,
du Sophocle , du Virgile , & de l'Homere
d'autrefois , qui leur paroîtroient , fuivant
toute apparence, bien inférieurs à ce qu'ils
feroient alors. Car comment , diroient-ils ,
ne ferions-nous pas à préfent plus habiles
que nous ne l'étions ? Ce n'eft pas la capa
cité qui nous manque' ; on n'a rien changé
à la tête excellente que nous avions , &
qui fait dire à nos partifans qu'il n'y en a
plus de pareilles. L'efprit humain dont nous.
avons aujourd'hui notre part , auroit- il
baiffé ? au contraire il doit être plus avancé
que jamais ; il y a fi long- tems qu'il féjourne
fur la terre , & qu'il y voyage , &
qu'il s'y inftruit ; il y a vu tant de chofes
, & il s'y eft fortifié de tant d'expériences
, diroient- ils .... Vous riez , Monfieur
; voilà pourtant ce qui leur arrive
roit , & ce qu'ils diroient . Je vous parle
d'après la glace , d'où je recueille tout ce
que je vous dis-là,
Il ne faut pas croire que les plus grands'
hommes de l'antiquité ayent joui dans'
leur tems de cette admiration que nous
avons pour eux , & qui eft devenue avec
juftice , comme un dogme de religion litréraire.
Il ne faut pas croire que Demof
thene & que Ciceron ( & c'eft ce que nous
JANVIER. 1755. 93
avons de plus grand ) n'ayent pas fçu à
leur tour ce que c'étoit que d'être modernes,
& n'ayent pas effuyé les contradictions
attachées à cette condition- là ? Figurezvous
, Monfieur , qu'il n'y a pas un homine
illuftre à qui fon fiécle ait pardonné l'eftime
& la réputation qu'il y a acquifes , &
qu'enfin jamais le mérite n'a été impuné
ment contemporain .
Quelques vertus , quelques qualités
qu'on ait , par quelque talent qu'on ſe diftingue
, c'est toujours en pareil cas un
grand défaut que de vivre.
Je ne fçache que les Rois , qui de leur
tems même & pendant qu'ils regnent, ayent
le privilege d'être d'avance un peu anciens;
encore l'hommage que nous leur rendons
alors , eft-il bien inférieur à celui qu'on
leur rend cent ans après eux. On ne fçauroit
croire jufqu'où va là deffus la force ,
le bénéfice & le preftige des diftances .
Leur effet s'étend fi loin , qu'il n'y a point
aujourd'hui de femme qu'on n'honorât,
qu'on ne patût flater en la comparant à
Helene ; & je vous garantis , fur la foi
de la glace , qu'Helene , dans fon-tems , fut
extrêmement critiquée , & qu'on vantoit
alors quelque ancienne beauté qu'on mettoit
bien au- deffus d'elle , parce qu'on ne
la voyoit plus , & qu'on voyoit Helene ,
94 MERCURE DE FRANCE.
Je vous affure que nous avons actuellement
d'auffi belles femmes que les plus
belles de l'antiquité ; mais fuffent - elles
des Anges dans leur fexe ( & je ris moimême
de ce que je vais dire ) ce font des
Anges qui ont le tort d'être vifibles , &
qui dans notre opinion jalouſe ne ſçauroient
approcher des beautés anciennes que
nous ne faifons qu'imaginer , & que nous
avons la malice ou la duperie de nous repréfenter
comme des prodiges fans retour.
Revenons à Sophocle & à Euripide dont
j'ai déja parlé ; & achevons d'en rapporter
ce que le miroir m'en a appris.
C'eft qu'ils ont été , pour le moins , les
Corneille , les Racine , les Crébillon &
les Voltaire de leur tems , & qu'ils auroient
été tout cela du nôtre ; de même
que nos modernes , à ce que je voyois auffi
, auroient été à peu près les SSoophocle
& les Euripide du tems paffé.
Je dis à peu près , car je ne veux blafphêmer
dans l'efprit d'aucun amateur des
anciens : il eſt vrai que ce n'eft pas là mé
nager les modernes , mais je ne fais pas
tant de façon avec eux qu'avec les partifans
des anciens , qui n'entendent pas raillerie
fur cet article - ci ; au lieu que les
autres , en leur qualité de modernes & de
gens moins favorifés , font plus accommoJANVIER.
1755. 95
dans , & le prennent fur un ton moins fier .
J'avouerai pourtant que la glace n'eft pas
de l'avis des premiers fur le prétendu affoibliffement
des efprits d'aujourd'hui .
Non, Monfieur, la nature n'eft pas fur fon
déclin, du moins ne reffemblons - nous guere
à des vieillards , & la force de nos paſſions ,
de nos folies , & la médiocrité de nos connoiffances
, malgré les progrès qu'elles ont
faites , devroient nous faire foupçonner que
cette nature est encore bien jeune en nous.
Quoiqu'il en foit , nous ne fçavons pas
l'âge qu'elle a , peut - être n'en a- t -elle point,
& le miroir ne m'a rien appris là - deſſus.
Mais ce que j'y ai remarqué , c'eft que
depuis les tems fi renommés de Rome &
d'Athenes , il n'y a pas eu de fiécle où il n'y
ait eu d'auffi grands efprits qu'il en fut
jamais , où il n'y ait eu d'auffi bonnes têtes
que l'étoient celles de Ciceron , de Démofthene
, de Virgile , de Sophocle , d'Euripide
, d'Homere même , de cet homme
divin , que je fuis comme effrayé de ne pas
voir excepté dans la glace , mais enfin qui
ne l'eft point.
Voilà qui eft bien fort, m'allez-vous dire
comment donc votre glace l'entend- elle ?
Où font ces grands efprits , comparables
à ceux de l'antiquité & depuis les Grecs
& les Romains , où prendrez- vous ces Ci96
MERCURE DE FRANCE.
1
ceron , ces Démofthene , &c. dont vous
parlez ?
Sera -ce dans notre nation , chez qui ,
pendant je ne fçais combien de fiécles &
jufqu'à celui de Louis XIV , il n'a paru en
fait de Belles- Lettres , que de mauvais ouvrages
, que des ouvrages ridicules ?
Oui , Monfieur , vous avez raifon , trèsridicules
, le miroir lui- même en convient,
& n'en fait pas plus de cas que vous ; &
cependant il affure qu'il y eut alors des génies
fupérieurs , des hommes de la plus
grande capacité..
Que firent- ils donc ? de mauvais - ouvrages
auffi , tant en vers qu'en profe ; mais
des infiniment moins mauvais ,
ouvrages
( pefez ce que je vous dis là ) infiniment
moins ridicules que ceux de leurs contemporains.
Et la capacité qu'il fallut avoir alors
pour n'y laiffer que le degré de ridicule
dont je parle , auroit fuffi dans d'autres
tems pour les rendre admirables .
N'imputez point à leurs Auteurs ce
qu'il y refta de vicieux , prenez - vous en
aux fiécles barbares où ces grands efprits
arriverent , & à la déteſtable éducation
qu'ils y recurent en fait d'ouvrages d'efprit .
Ils auroient été les premiers efprits d'un
autre fiécle , comme ils furent les premiers
efprits
JANVIER. 1755 . 97
efprits du left ; il ne falloit pas pour cela
qu'ils fuffent plus forts , il falloit feulement
qu'ils fuffent mieux placés .
Ciceron auffi mal élevé , auffi peu encouragé
qu'eux , né comme eux dans un fiécle
groffier , où il n'auroit trouvé ni cette
tribune aux harangues , ni ce Sénat , ni ces
affemblées du peuple devant qui il s'agiffoit
des plus grands intérêts du monde , ni
enfin toute cette forme de gouvernement
qui foumettoit la fortune des nations &
des Rois au pouvoir & à l'autorité de l'éloquence
, & qui déféroit les honneurs &
les dignités à l'orateur qui fçavoit le mieux
parler.
Ciceron privé des reffources que je viens
de dire , ne s'en feroit pas mieux tiré que
ceux dont il eft queftion ; & quoiqu'infailliblement
il eut été l'homme de fon tems
le plus éloquent , l'homme le plus éloquent
de ce tems là ne feroit pas aujourd'hui
l'objet de notre admiration ; il nous paroîtroit
bien étrange que la glace en fit un
homme fupérieur , & ce feroit pourtant
Ciceron , c'est -à- dire un des plus grands
hommes du monde, que nous n'eftimerions
pas plus que ceux dont nous parlons , & à
qui , comme je l'ai dit , il n'a manqué que
d'avoir été mieux placés.
Quand je dis mieux placés , je n'entends
E
93 MERCURE DE FRANCE.
pas que l'efprit manquât dans les fiécles que
j'appelle barbares. Jamais encore il n'y en
avoit eu tant de répandu ni d'amaffé parmi
les hommes , comme j'ai remarqué que
l'auroient dit Euripide & Sophocle que
j'ai fait parler plus bas.
Jamais l'efprit humain n'avoit encore
été le produit de tant d'efprits , c'est une
vérité que la glace m'a rendu fenfible .
J'y ai vû que l'accroiffement de l'efprit
eft une fuite infaillible de la durée du
monde , & qu'il en auroit toujours été
nné fuite , à la vérité plus lente , quand
Fécriture d'abord , enfuite l'imprimerie
n'auroient jamais été inventées.
Il feroit en effet impoffible , Monfieur ,
que tant de générations d'hommes euffent
paffé fur la terre fans y verfer de nouvelles
idées , & fans y en verfer beaucoup plus
que les révolutions , ou d'autres accidens ,
n'ont pû en anéantir ou en diffiper.
Ajoûtez que les idées qui fe diffipent ou
qui s'éteignent , ne font pas comme fi elles
n'avoient jamais été ; elles ne difparoiffent
pas en pure perte ; l'impreffion en refte
dans l'humanité , qui en vaut mieux feulement
de les avoir eues , & qui leur doit
une infinité d'idées qu'elle n'auroit pas
fans elles.
eue
Le plus ftupide ou le plus borné de tous
JANVIER. 1755 . ୭୭
les peuples d'aujourd'hui , l'eft beaucoup
moins que ne l'étoit le plus borné de tous
les peuples d'autrefois .
La difette d'efprit dans le monde connu ,
n'eft nulle part à préfent auffi grande qu'elle
l'a été , ce n'eft plus la même difette.
La glace va plus loin. Par- tout où il y a
des hommes bien ou mal affemblés , ditelle
, quelqu'inconnus qu'ils foient au reſte
de la terre , ils fe fuffifent à eux - mêmes
pour acquerir des idées ; ils en ont aujourd'hui
plus qu'ils n'en avoient il y a deux
mille ans , l'efprit n'a pû demeurer chez
eux dans le même état .
Comparez , fi vous voulez , cet efprit
à un infiniment petit , qui par un accroiffement
infiniment lent , perd toujours quelque
chofe de fa petiteffe.
Enfin , je le repéte encore , l'humanité
en général reçoit toujours plus d'idées
qu'il ne lui en échappe , & fes malheurs
même lui en donnent fouvent plus qu'ils
ne lui en enlevent.
La quantité d'idées qui étoit dans le
monde avant que les Romains l'euffent
foumis , & par conféquent tant agité , étoit
bien au-deffous de la quantité d'idées qui
y entra par l'infolente profpérité des vainqueurs
, & par le trouble & l'abaiffement
du monde vaincu..
E ij
335236
100 MERCURE DE FRANCE.
Chacun de ces états enfanta un nouvel
efprit , & fut une expérience de plus pour.
la terre.
Et de même qu'on n'a pas encore trouvé
toutes les formes dont la matiere eſt
fufceptible , l'ame humaine n'a pas encore
montré tout ce qu'elle peut être ; toutes
fes façons poffibles de penfer & de fentir
ne font pas épuifées .
Et de ce que les hommes ont toujours
les mêmes pailions , les mêmes vices & les
mêmes vertus , il ne faut pas en conclure
qu'ils ne font plus que fe repérer.
Il en eft de cela comme des vifages ; il
n'y en a pas un qui n'ait un nez , une bouche
& des yeux ; mais auffi pas un qui n'ait
tout ce que je dis là avec des différences
& des fingularités qui l'empêchent de reffembler
exactement à tout autre vifage.
Mais revenons à ces efprits fupérieurs
de notre nation , qui firent de mauvais
ouvrages dans les fiécles paflés.
J'ai dit qu'ils y trouverent plus d'idées
qu'il n'y en avoit dans les précédens , mais
malheureufement ils n'y trouverent point
de goût ; de forte qu'ils n'en eurent que
plus d'efpace pour s'égarer.
La quantité d'idées en pareil cas , Monfieur
, eft un inconvénient , & non pas
un fecours ; elle empêche d'être fimple ,
JANVIER. 1755 . TOI'
& fournit abondamment les moyens d'être
tidicule.
Mettez beaucoup de ticheffes entre les
mains d'un homme qui ne fçait pas s'en
fervir , toutes les dépenfes ne feront que
des folies.
Et les anciens n'avoient pas de quoi être
auffi fous , auffi ridicules qu'il ne tierdroit
qu'à nous de l'être.
En revanche jamais ils n'ont été fimples.
avec autant de magnificence que nous ; il
en faut convenir. C'eft du moins le fentiment
de la glace , qui en louant la fimplicité
des anciens, dit qu'elle eft plus litterale
que la nôtre , & que la nôtre eft plus riche
; c'eft fimplicité de grand Seigneur .
Attendez , me direz - vous encore , vous
parlez de fiécles où il n'y avoit point de
goût , quoiqu'il y eût plus d'efprit & plus
d'idées que jamais ; cela n'implique-t- il pas
quelque contradiction ?
Non , Monfieur , fi j'en crois la glace ;
une grande quantité d'idées & une grande
difette de goût dans les ouvrages d'efprit ,
peuvent fort bien fe rencontrer enfemble ,
& ne font point du tout incompatibles.
L'augmentation des idées eft une fuite infaillible
de la durée du monde : la fource
de cette augmentation ne tarit point tant
qu'ily a des hommes qui fe fuccédent , &
E iij
101 MERCURE DE FRANCE.
des aventures qui leur arrivent.
:
Mais l'art d'employer les idées pour des
ouvrages d'efprit , pent fe perdre les lettres
tombent , la critique & le goût difpa-
.roiffent ; les Auteurs deviennent ridicules
ou groffiers , pendant que le fond de l'efprit
humain va toujours croiffant parmi les
hommes.
Par M. DE MARIVAU X.
vous aimez , Monfieur , les aventures
un peu fingulieres , en voici une
qui a dequoi vous contenter : je ne vous
prefferai point de la croire ; vous pouvez
la regarder comme un pur jeu d'efprit ,
elle a l'air de cela ; cependant c'eſt à moi
qu'elle est arrivée.
Je ne vous dirai point au refte dans quel
endroit de la terre j'ai vû ce que je vais
vous dire. C'eft un pays dont les Géographes
n'ont jamais fait mention , non qu'il
ne foit très- fréquenté ; tout le monde y va ,
vous y avez fouvent voyagé vous- même ,
& c'est l'envie de m'y amufer qui m'y a
infenfiblement conduit. Commençons.
Il y avoit trois ou quatre jours que j'étois
à ma campagne , quand je m'avifai
un matin de me promener dans une allée
de mon parc ; retenez bien cette allée ,
car c'eft de la d'où je fuis parti pour le
voyage dont j'ai à vous entretenir.
Dans cette allée je lifois un livre dont
la lecture me jetta dans de profondes réflexions
fur les hommes,
Et de réflexions en réflexions , tou72
MERCURE DE FRANCE.
jours marchant , toujours allant , je mar
chai tant , j'allai tant , je réfléchis tant , &
fi diverſement , que fans prendre garde à
ce que je devenois , fans obferver par où
je paffois , je me trouvai infenfiblement
dans le pays dont je parlois tout à l'heure ,
où j'achevai de m'oublier , pour me livrer
tout entier au plaifir d'examiner ce qui
s'offroit à mes regards , & en effet le ſpectacle
étoit curieux. Il me fembla donc ;
mais je dis mal , il ne me fembla point :
je vis fûrement une infinité de fourneaux
plus ou moins ardens , mais dont le feune
m'incommodait point , quoique j'en
approchaffe de fort près.
Je ne vous dirai pas à préſent à quoi
ils fervoient ; il n'eft pas encore tems .
Ce n'eft pas là tout ; j'ai bien d'autres
chofes à vous raconter. Au milieu de tous
les fourneaux étoit une perfonne , ou , fi
vous voulez , une Divinité , dont il me feroit
inutile d'entreprendre le portrait , auſſi
n'y tâcherai-je point.
Qu'il vous fuffife de fçavoir que cette
perfonne ou cette Divinité , qui en gros
me parut avoir l'air jeune , & cependant
antique , étoit dans un mouvement perpétuel
, & en même tems fi rapide , qu'il
me fut impoffible de la confiderer en face.
Ce qui eft de certain , c'eft que dans le
mouvement
JANVIER. 1755 . 73
mouvement qui l'agitoit , je la vis fous
tant d'afpects , que je crus voir fucceffivement
paffer toutes les phifionomies du
monde , fans pouvoir faifir la fienne , qui
apparemment les contenoit toutes.
Ce que je démêlai le mieux , & ce que
je ne perdis jamais de vue , malgré fon
agitation continuelle , ce fut une efpece
de bandeau , ou de diadême , qui lui ceignoit
le front, & fur lequel on voyoit écrit
LA NATURE.
Ce bandeau étoit large , élevé , & comme
partagé en deux Miroirs éclatans ,
dans l'un defquels on voyoit une repréfentation
inexplicable de l'étendue en gé
néral , & de tous les myfteres ; je veux
dire des vertus occultes de la matiere , de
l'efpace qu'elle occupe , du reffort qui la
meut , de fa divifibilité à l'infini ; en un
mot de tous les attributs dont nous ne
connoiffons qu'une partie.
L'autre miroir qui n'étoit féparé du
premier que d'une ligne extrêmement déliée
, repréſentoit un être encore plus indéfiniffable.
C'étoit comme une image de l'ame , ou
de la penſée en général ; car j'y vis toutes
les façons poffibles de penfer & de fentir
des hommes , avec la fubdivifion de tous
les degrés d'efprit & de fentiment , de vices
D
74 MERCURE DE FRANCE.
& de vertus , de courage & de foibleffe ,
de malice & de bonté , de vanité & de
fimplicité que nous pouvons avoir.
Enfin tout ce que les hommes font ,
tout ce qu'ils peuvent être , & tout ce
qu'ils ont été , fe trouvoit dans cet exemplaire
des grandeurs & des miferes de l'ane
humaine.
J'y vis , je ne fçai comment , tout ce
qu'en fait d'ouvrages , l'efprit de l'homme
avoit jufqu'ici produit ou rêvé , c'eſt-àdire
j'y vis depuis le plus mauvais conte
de Fée , jufqu'aux fyftêmes anciens & modernes
les plus ingénieufement imaginés
; depuis le plus plat écrivain jufqu'à
l'auteur des Mondes : c'étoit y trouver les
deux extrêmités. J'y remarquai l'obſcure
Philofophie d'Ariftote ; & malgré fon obfcurité
, j'en admirai l'auteur , dont l'efprit
n'a point eu d'autres bornes que celles que
l'efprit humain avoit de fon tems ; il me
fembla même qu'il les avoit paffées .
J'y obfervai l'incompréhenfible & merveilleux
tour d'imagination de ceux qui
durant tant de fiécles ont cru non feulement
qu'Ariftote avoit tout connu , tout
expliqué , tout entendu , mais qui ont encore
cru tout comprendre eux - mêmes ,
& pouvoir rendre raifon de tout d'après
lui.
JANVIER. 1755. 75
J'y trouvai cette idée du Pere Mallebranche
, ou , fi vous voulez , cette viſion
auffi raifonnée que fubtile & finguliere ,
& qui n'a pu s'arranger qu'avec tant d'efprit
, qui eft que nous voyons tout en
Dieu .
Le fyftême du fameux Defcartes , cet
homme unique , à qui tous les hommes
des fiécles à venir auront l'éternelle obligation
de fçavoir penfer , & de penfer
mieux que lui ; cet homme qui a éclairé
la terre , qui a détruit cette ancienne idole
de notre ignorance ; je veux dire le tiſſu
de fuppofitions , refpecté depuis fi longtems
, qu'on appelloit Philofophie , & qui
n'en étoit pas moins l'ouvrage des meil,
leurs génies de l'antiquité ; cet homme
enfin qui , même en s'écartant quelquefois
de la vérité , ne s'en écarte plus en
enfant comme on faifoit avant lui , mais
en homme , mais en Philofophe , qui nous
a appris à remarquer quand il s'en écarte
qui nous a laiffé le fecret de nous redreffer
nous mêmes ; qui , d'enfans que nous
étions , nous a changés en hommes à notre
tour, & qui, n'eût- il fait qu'un excellent Roman
, comme quelques- uns le difent , nous
a du moins mis en état de n'en plus faire .
Le fyftême du célebre , du grand
Newton , & par la fagacité de fes dé-
D ij
75 MERCURE DE FRANCE.
couvertes , peut-être plus grand que Defcartes
même , s'il n'avoit pas été bien plus
aifé d'être Newton après Defcartes , que
d'être Defcartes fans le fecours de perfonne
, & fi ce n'étoit pas avec les forces
que ce dernier a données à l'efprit humain
, qu'on peut aujourd'hui furpaffer
Defcartes même. Auffi voyois- je qu'il y a
des génies admirables , pourvû qu'ils viennent
après d'autres , & qu'il y en a de faits
pour venir les premiers. Les uns changent
l'état de l'efprit humain , ils caufent une
révolution dans les idées. Les autres , pour
être à leur place , ont befoin de trouver
cette révolution toute arrivée , ils en corrigent
les Auteurs , & cependant ils ne l'auroient
pas faite .
J'obfervai tous les Poëmes qu'on appelle
épiques , celui de l'Iliade dont je ne
juge point , parce que je n'en fuis pas digne
, attendu que je ne l'ai lû qu'en françois
, & que ce n'eft pas la le connoître
mais qu'on met le premier de tous , &
qui auroit bien de la peine à ne pas l'être ,
parce qu'il eft Grec , & le plus ancien, Celui
de l'Enéide qui a tort de n'être venu
que le fecond , & dont j'admirai l'éléganla
fageffe & la majefté ; mais qui eft
ce ,
un peu long.
Celui du Taffe qui eft fi intéressant ,
JANVIER. 1755 77
qui eft un ouvrage fi bien fait , qu'on lit
encore avec tant de plaifir dans la derniere
traduction françoife qu'un habile
Académicien en a faite ; qui y a conſervé
tant de graces; qui ne vous enleve pas ,
mais qui vous mene avec douceur , par un
attrait moins apperçu que fenti ; enfin qui
vous gagne , & que vous aimez à fuivre ,
en françois comme en italien , malgré
quelques petits conchettis qu'on lui reproche
, & qui ne font pas fréquens.
Celui de Milton , qui eft peut - être le
plus fuivi , le plus contagieux , le plus fublime
écart de l'imagination qu'on ait ja
mais vû jufques ici
J'y vis le Paradis terreftre , imité de Mil
ron , par Madame Du .. Bo ... ouvrage
dont Milton même eut infailliblement
adopté la fageffe & les corrections , &
qui prouve que les forces de l'efprit humain
n'ont point de fexe . Ouvrage enfin
fait par un auteur qui par-tout y a laiffé
l'empreinte d'un efprit à fon tour créateur
de ce qu'il imite , & qui tient en lui , quand
il voudra , de quoi mériter l'honneur d'être
imité lui-même.
Celui de la Henriade , ce Poëme fi agréa
blement irrégulier , & qui à force de
beautés vives , jeunes , brillantes & continues
, nous a prouvé qu'il y a une magie
D iij
78 MERCURE DE FRANCE.
d'efprit , au moyen de laquelle un ouvrage
peut avoir des défauts fans conféquence.
J'oubliois celui de Lucain qui mérite
attention, & où je trouvai une fierté tantôt
Romaine & tantôt Gafconne , qui m'amufa
beaucoup.
Je n'aurois jamais fait fi je voulois parler
de tous les Poëmes que je vis ; mais
j'avoue que je confiderai quelque tems
celui de Chapelain , cette Pucelle fi fameufe
& fi admirée avant qu'elle parut ,
& fi ridicule dès qu'elle fe montra .
L'efprit que Chapelain avoit en de fon
vivant , étoit là auffi bien que fon Poëme ,
& il me fembla que le Poëme étoit bien
au deffous de l'efprit.
J'examinai en même tems d'où cela ve
noit , & je compris , à n'en pouvoir douter
, que fi Chapelain n'avoit fçu que la
moitié de la bonne opinion qu'on avoit
de lui , fon Poëme auroit été meilleur , ou
moins mauvais.
·
Mais cet auteur , fur la foi de fa réputation
, conçut une fi grande & fi férieuſe
vénération pour lui-même , fe crut obligé
d'être fi merveilleux , qu'en cet état il n'y
eut point de vers fur lequel il ne s'appefantit
gravement pour le mieux faire ,
point de raffinement difficile & bizarre
dont il ne s'avisất ; & qu'enfin il ne fir
JANVIER, 1755. 79
plus que des efforts de miférable pédant ,
qui prend les contorfions de fon efprit
pour de l'art , fon froid orgueil pour de la
capacité , & fes recherches hétéroclites
pour du fublime.
Et je voyois que tout cela ne lui feroit
point arrivé , s'il avoit ignoré l'admiration
qu'on avoit eue d'avance pour fa Pucelle .
Je voyois que Chapelain moins eftimé
en feroit devenu plus eftimable ; car dans
le fond il avoit beaucoup d'efprit , mais il
n'en avoit pas affez pour voir clair à travers
tout l'amour propre qu'on lui donna ;
& ce fut un malheur pour lui d'avoir été
mis à une fi forte épreuve que bien d'autres
que lui n'ont pas foutenue.
Il n'y a gueres que les hommes abfolument
fupérieurs qui la foutiennent, & qui
en profitent , parce qu'ils ne prennent jamais
de ce fentiment d'amour propre que
ce qu'il leur en faut pour encourager leur
efprit .
Auffi le public peut-il préfumer de ceuxlà
tant qu'il voudra , il n'y fera point
trompé , & ils n'en feront que mieux . Ce
n'eft qu'en les admirant un peu d'avance ,
qu'il les met en état de devenir admirables
; ils n'oferoient pas l'être fans cela ,
on peut- être ignoreroient- ils combien ils
peuvent l'être.
Div
So MERCURE DE FRANCE.
Voici encore des hommes d'une autre
efpece à cet égard là , & que je vis auffi
dans la glace . L'eftime du public perdit
Chapelain , elle fut caufe qu'il s'excéda
pour s'élever au deffus de la haute idée
qu'on avoit de lui , & il y périt : ceux- ci
au contraire fe relâchent en pareil cas ;
dès que le public eft prévenu d'une cer
taine maniere en leur faveur , ils ofent en
conclure qu'il le fera toujours , & qu'ils
ont tant d'efprit , que même en le laiffant
aller cavalierement à ce qui leur en viendra
, fans tant fe fatiguer, ils ne fçauroient
manquer d'en avoir affez & de reite , pour
continuer de plaire à ce public déja fr
prévenu.
Là- deffus ils fe négligent , & ils tombent.
Ce n'eft pas là tout. Veulent - ils fe
corriger de cet excès de confiance qui leur
a nui ? je compris qu'ils s'en corrigent
tant , qu'après cela ils ne fçavent plus où
ils en font. Je vis que dans la peur qui
les prend de mal faire , ils ne peuvent plus
fe remettre à cet heureux point de hardieffe
& de retenue , où ils étoient avant
leur chûte , & qui a fait le fuccès de leurs
premiers ouvrages.
C'est comme un équilibre qu'ils ne re
trouvent plus , & quand ils le retrouve
roient , le public ne s'en apperçoit pas d'a
JANVIER. 1755.
8'r
bord : il renonce difficilement à fe mocquer
d'eux ; il aime à prendre fa revanche de
l'eftime qu'il leur a accordée ; leur chûte
eft une bonne fortune pour lui.
Il faut pourtant faire une obfervation :
c'est que parmi ceux dont je parle , il y en
a quelques- uns que leur difgrace fcandalife
plus qu'elle ne les abbat , & qui ramaffant
fierement leurs forces , lancent ,
pour ainfi dire , un ouvrage qui fait taire
les rieurs , & qui rétablit l'ordre.
En voilà affez là - deffus : je me fuis:
peut-être un peu trop arrêté fur cette matere
; mais on fait volontiers de trop longues,
relations des chofes qu'on a confidérées
avec attention .
Venons à d'autres objets : j'en remar
quai quatre ou cinq qui me frapperent ,
& quí , chacun dans leur genre , étoient
d'une beauté fublime :
C'étoit l'inimitable élégance de Racine ,
le puiffant génie de Corneille , la fagacité
de l'efprit de la Motte , l'emportement admirable
du fentiment de l'auteur de Rhadamifte
, & le charme des graces de l'auteur
de Zaïre .
Je m'attendriffois avec Racine , je me
trouvois grand avec Corneille ; j'aimois
mes foibleffes avec l'un , elles m'auroient:
deshonoré avec l'autre,
D vi
82 MERCURE DE FRANCE.
L'auteur de Zaïre ennobliffoit mes idées
celui de Rhadamifte m'infpiroit des paffions
terribles ; il fondoit les profondeurs
de mon ame , & je penfois avec la Motte.
Permettez-moi de m'arrêter un peu
fur ce
dernier.
C'étoit un excellent homme , quoiqu'il
ait eu tant de contradicteurs : on l'a mis
au deffous de gens qui étoient bien audeffous
de lui , & le miroir m'a appris d'où
cela venoit en partie .
C'eft qu'il étoit bon à tout , ce qui eft un
grand défaut il vaut mieux , avec les hommes
, n'être bon qu'à quelque chofe , & la
Motte avoit ce tort.
Qu'est- ce que c'eft qu'un homme qui ne
fe contente pas d'être un des meilleurs
efprits du monde en profe , & qui veut
encore faire des opera , des tragédies , des
odes pindariques , anacréontiques , des
comédies même , & qui réuffit en tout
ce que je dis là , qui plus eft cela eſt ri—·
dicule.
Il faut prendre un état dans la République
des Lettres , & ce n'eft pas en avoir
un que d'y faire le métier de tout le
monde ; auffi fes critiques ont- ils habilement
découvert que la Motte avec toute fa.
capacité prétendue , n'étoit qu'un Philofophe
adroit qui fçavoit fe déguifer en ce qu'il
JANVIER. 1755 .
83
vouloit être , au point que fans fon excellent
efprit, qui le trahiffoit quelquefois ,
on l'auroit pris pour un très -bel efprit ;
c'étoit comme un fage qui auroit très - bien
contrefait le petit maître .
On dit que la premiere tragédie dont
on ignoroit qu'il fut l'auteur , paſſa d'abord
pour être un ouvrage pofthume de
Racine.
Dans fes fables même qu'on a tant décriées
, il y en a quelques- unes où il abufe
tant de fa foupleffe , que des gens d'ef
prit qui les avoient lûes fans plaifit dans
le recueil , mais qui ne s'en reffouvenoient
plus , & à qui un mauvais plaifant , quel
que tems après , les récitoit comme de la
Fontaine , les trouverent admirables , &
crurent en effet. que c'étoit la Fontaine qui
les avoit faites. Voilà le plus fouvent comme
on juge, & cependant on croit juger,
Car pourquoi leur avoient- elles paru mauvaifes
la premiere fois qu'ils les avoient
lues : c'eft que la mode étoit que l'auteur
ne réuffit pas; c'eft qu'ils fçavoient alors
que la Motte en étoit l'auteur ; c'eft qu'à la
tête du livre ils avoient vû le nom d'un
homme qui vouloit avoir trop de fortes
de mérite à la fois , qui effectivement les
auroit eus , fi on n'avoit pas empêché le
public de s'y méprendre , & qui même n'a
D vj
84 MERCURE DE FRANCE.
pas laiffé de les avoir à travers les contra--
dictions qu'il a éprouvées ; car on l'a plus
perfécuté que détruit , malgré l'efpece d'oftracifme
qu'on a exercé contre lui , & qu'il'
méritoit bien.
Il faut pourtant convenir qu'on lui fait
un reproche affez juſte , c'eſt qu'il remuoit
moins qu'il n'éclairoit ; qu'il parloit
plus à l'homme intelligent qu'à l'hom
me fenfible ; ce qui eft un defavantage:
avec nous , qu'un auteur ne peut affectionner
ni rendre attentifs à l'efprit qu'il nous.
préfente , qu'en donnant , pour ainfi dire ,
des chairs à fes idées ; ne nous donner
que des lumieres , ce n'eft encore embraffer
que la moitié de ce que nous fommes ,
& même la moitié qui nous eft la plus indifférente
: nous nous fouçions bien moins
de connoître que de jouir , & en pareit
cas l'ame jouit quand elle fent.
Mais je fais une reflexion ; je vous ai
parlé de la Motte , de Corneille , de Racine
, des Poëmes d'Homere , de Virgile ,
du Taffe , de Milton , de Chapelain , des
fyftèmes des Philofophes paffés , & il n'y
a pas de mal à cela.
pas
Beaucoup de gens , je penfe , ne feront
de l'avis du Miroir , & je m'y attends ,
par hazard vous montrez mes relations
comme je vous permets de le faire.
fi
JANVIER. 1755. 85
Mais en ce cas , fupprimez- en , je vous
prie , tout ce qui regardera les auteurs vivans.
Je connois ces Meffieurs là , ils ne
feroient pas même contens des éloges que
j'ai trouvés pour eux.
Je veux pourtant bien qu'ils fçachent
que je les épargne , & qu'il ne tiendroit
qu'à moi de rapporter leurs défauts qui fe
trouvoient auffi ; qu'à la vérité , j'ai vu
moins diftinctement que leurs beautés ,
parce que je n'ai pas voulu m'y arrêter ,
& que je n'ai fait que les appercevoir.
Mais c'eft affez que d'appercevoir des
défauts pour les avoir bien vûs , on a malgré
foi de fi bons yeux là - deffus. Il n'y a
que le mérite des gens qui a befoin d'être
extrêmement confidéré pour être connu ; on
croit toujours s'être trompé quand on n'a
fait que le voir. Quoiqu'il en foit , j'ai remarqué
les défauts de nos auteurs , & je
m'abſtiens de les dire . Il me femble même
les avoir oubliés : mais ce font encore là
de ces chofes qu'on oublie toujours affez
mal , & je me les rappellerois bien s'il
le falloit ; qu'on ne me fache pas ..
A propos d'Auteurs ou de Poëtes , j'apperçus
un Poëme intitulé le Bonheur , qui
n'a point encore paru , & qui vient d'un
génie qui ne s'eft point encore montré an
public , qui s'eft formé dans le filence ,
86 MERCURE DE FRANCE.
& qui menaceroit nos plus grands Poëtes
de l'apparition la plus brillante : il iroit
de pair avec eux , ou , pour me fervir de
l'expreffion de Racine , il marcheroit du
moins leur égal , fi le plaifir de penfer philofophiquement
en profe ne le débauche
pas , comme j'en ai peur.
Il étoit fur la ligne des meilleurs efprits ;
il y occupoit même une place à part , &
étoit là comme en réferve fous une trèsaimable
figure , mais en même tems fi
modefte qu'il ne tint pas à lui que je ne
le viffe point.
Mais venons à d'autres objets ; je parle
des génies du tems paffé ou de ceux d'au
jourd'hui , fuivant que leur article fe préfente
à ma mémoire ; ne m'en demandez
pas davantage. Il y en aura beaucoup d'autres
, tant auteurs tragiques que comiques
, dont je ferai mention dans la fuite
de ma relation .
Entre tous ceux de l'antiquité qu'on
admire encore > & par l'excellence de
leurs talens , & par une ancienne tradition
d'eftime qui s'eft confervée pour eux ; enfin
par une fage précaution contre le mérite
des modernes , car il entre de tout
cela dans cette perpétuité d'admiration qui
fe foutient en leur faveur.
Entre tant de beaux génies , dis -je , Eus
JANVIE R. 1755 . 87
ripide & Sophocle furent de ceux que je
diftinguai les plus dans le miroir.
Je les confiderai donc fort attentivement
& avec grand plaifir , fans les trouver
, je l'avoue , auffi inimitables qu'ils le
font dans l'opinion des partifans des anciens.
L'idée qui me les a montrés n'eft
d'aucun parti , elle leur fait auffi beaucoup
plus d'honneur que ne leur en font les
partifans des modernes.
Il eft vrai que le fentiment de ceux- ci
ne fera jamais le plus généralement applaudi
; car ils difent qu'on peut valoir les anciens
, ce qui eft déja bien hardi ; ils difent
qu'on peut valoir mieux , ce qui eſt encore
pis.
Ils foutiennent que des gens de notre
nation , que nous avons vûs ou que nous
aurions pû voir ; en un mot , que des modernes
qui vivoient il n'y a gueres plus
d'un demi-fiécle , les ont furpaffés ; voilà
qui eft bien mal entendu .
Car cette poffibilité de les valoir , &
même de valoir mieux , une fois bien établie
, & tirée d'après des modernes qui
vivoient il n'y a pas long- tems , pourquoi
nos illuftres modernes d'aujourd'hui ne
pourroient- ils pas à leur tour leur être
égaux , & même leur être fupérieurs ? il
ne feroit pas ridicule de le penfer ; il ne
SS MERCURE DE FRANCE.
fe feroit pas même de regarder la chofe
comme arrivée ; mais ce qui eft ridicule
& même infenfé , à ce que marque la glace
, c'eft d'efperer que cette poffibilité &
fes conféquences puiffent jamais paffer.
Quoi , nous aurons parmi nous des
hommes qu'il feroit raifonnable d'honorer"
autant & plus que d'anciens Grecs ou d'anciens
Romains !
Eh mais , que feroit- on d'eux dans la fociété
: & quel fcandale ne feroit -ce point là ?
Comment ! des hommes à qui on ne'
pourroit plus faire que de très- humbles
repréſentations fur leurs ouvrages , & non
pas des critiques de pair à pair comme en
font tant de gens du monde , qui pour'
n'être point auteurs , ne prétendent pas
en avoir moins d'efprit que ceux qui le
font , & qui ont peut- être raifon ?
Des hommes vis- à vis de qui tant de
fçavans auteurs & traducteurs des anciens
ne feroient plus rien , & perdroient leus
état ? car ils en ont un très- diftingué , &
qu'ils meritent , à l'excès près des privileges
qu'ils fe donnent. Un fçavant eft
exempt d'admirer les plus grands génies
de fon tems ; il tient leur mérite en échec ,
il leur fait face ; il en a bien vû d'autres.
Des hommes enfin qui romproient tout
équilibre dans la république des Lettres 2:
JAN VIE K. 1755.
qui laifferoient une diſtance trop décidée
entr'eux & leurs confreres ? diftance qui a
toujours plus l'air d'une opinion que d'un
fait.
Non , Monfieur , jamais il n'y eut de
pareils modernes , & il n'y en aura jamais .
La nature elle-même eft trop fage pour
avoir permis que les grands hommes de
chaque fiécle affiftaffent en perfonne à la
plénitude des éloges qu'ils méritent , &
qu'on pourra leur donner quelque jour
il feroit indécent pour eux & injurieux
pour les autres qu'ils en fuffent témoins .
Auffi dans tous les âges ont- ils affaire
à un public fait exprès pour les tenir en
refpect , & dont je vais en deux mots vous
définir le caractere.
Je commence par vous dire que c'eft le
public de leur tems ; voilà déja fa définition
bien avancée .
Ce public , tout à la fois juge & partie
de ces grands hommes qu'il aime & qu'il
humilie ; ce public , tout avide qu'il eft
des plaifirs qu'ils s'efforcent de lui donner
, & qu'en effet ils lui donnent , eft ce--
pendant aflez curieux de les voir manquer
leur coup , & l'on diroit qu'il manque
le fien , quand il eft content d'eux.
Au furplus la glace m'a convaincu d'une
shofe ; c'eft que la poftérité , fi nos grands
90 MERCURE DE FRANCE.
}
hommes parviennent juſqu'à elle , ne ſçaura
ni fi bien , nifi exactement ce qu'ils valent
que nous pouvons le fçavoir aujourd'hui .
Cette poftérité , faite comme toutes les poftérités
du monde , aura infailliblement le
défaut de les louer trop , elle voudra qu'ils
foient incomparables ; elle s'imaginera fentir
qu'ils le font , fans fe douter que ce
ne fera là qu'une malice de fa part pour
mortifier fes illuftres modernes , & pour
fe difpenfer de leur rendre juftice. Or je
vous le demande , dans de pareilles difpofitions
pourra-t- elle apprécier nos modernes
qui feront fes anciens le mérite
imaginaire qu'elle voudra leur trouver , ne
l'empêchera-t- il pas de difcerner le mérite
réel qu'ils auront ? Qui eft-ce qui pourra
démêler alors à quel dégré d'eftime on
s'arrêteroit pour eux , fi on n'avoit pas
envie de les eftimer tant au lieu qu'au
jourd'hui je fçais à peu près au jufte la
véritable opinion qu'on a d'eux , & je fuis
fûr que je le fçais bien , car il me l'a dit ,
à moins qu'elle ne lui échappe.
Je pourrois m'y tromper fi je n'en croyois
que la diverfité des difcours qu'il tient
mais il fe hâte d'acheter & de lire leurs
ouvrages , mais il court aux parodies qu'on
en fait , mais il eft avide de toutes les critiques
bien ou mal tournées qu'on répand
1
JANVIER. 1755. 91
contr'eux ; & qu'est- ce que tout cela fignifie
finon beaucoup d'eftime qu'on
ne veut pas déclarer franchement.
Eh ! ne fommes nous pas toujours de cette
humeur là ? n'aimons nous pas mieux vanter
un étranger qu'un compatriote ? un homme
abfent qu'un homme préfent ? Prenez-y.
garde , avons-nous deux citoyens également
illuftres celui dont on eft le plus
voifin eft celui qu'on loue le plus fobrement.
Si Euripide & Sophocle , fi Virgile &
le divin Homere lui-même revenoient au
monde , je ne dis pas avec l'efprit de leur
tems , car il ne fuffiroit peut-être pas aujourd'hui
pour nous ; mais avec la même
capacité d'efprit qu'ils avoient, précisément
avec le même cerveau , qui fe rempliroit
des idées de notre âge ; fi fans nous avertir
de ce qu'ils ont été , ils devenoient nos
contemporains , dans l'efpérance de nous
ravir & de nous enchanter encore , en s'adonnant
au même genre d'ouvrage auquel
ils s'adonnerent autrefois , ils feroient
bien étourdis de voir qu'il faudroit qu'ils
s'humiliaffent devant ce qu'ils furent; qu'ils
ne pourroient plus entrer en comparaiſon
avec eux-mêmes , à quelque fublimité d'efprit
qu'ils s'élevaffent ; bien étourdis de fe
trouver de fumples modernes apparemment
2 MERCURE DE FRANCE.
bons ou excellens , mais cependant des
Poëtes médiocres auprès de l'Euripide ,
du Sophocle , du Virgile , & de l'Homere
d'autrefois , qui leur paroîtroient , fuivant
toute apparence, bien inférieurs à ce qu'ils
feroient alors. Car comment , diroient-ils ,
ne ferions-nous pas à préfent plus habiles
que nous ne l'étions ? Ce n'eft pas la capa
cité qui nous manque' ; on n'a rien changé
à la tête excellente que nous avions , &
qui fait dire à nos partifans qu'il n'y en a
plus de pareilles. L'efprit humain dont nous.
avons aujourd'hui notre part , auroit- il
baiffé ? au contraire il doit être plus avancé
que jamais ; il y a fi long- tems qu'il féjourne
fur la terre , & qu'il y voyage , &
qu'il s'y inftruit ; il y a vu tant de chofes
, & il s'y eft fortifié de tant d'expériences
, diroient- ils .... Vous riez , Monfieur
; voilà pourtant ce qui leur arrive
roit , & ce qu'ils diroient . Je vous parle
d'après la glace , d'où je recueille tout ce
que je vous dis-là,
Il ne faut pas croire que les plus grands'
hommes de l'antiquité ayent joui dans'
leur tems de cette admiration que nous
avons pour eux , & qui eft devenue avec
juftice , comme un dogme de religion litréraire.
Il ne faut pas croire que Demof
thene & que Ciceron ( & c'eft ce que nous
JANVIER. 1755. 93
avons de plus grand ) n'ayent pas fçu à
leur tour ce que c'étoit que d'être modernes,
& n'ayent pas effuyé les contradictions
attachées à cette condition- là ? Figurezvous
, Monfieur , qu'il n'y a pas un homine
illuftre à qui fon fiécle ait pardonné l'eftime
& la réputation qu'il y a acquifes , &
qu'enfin jamais le mérite n'a été impuné
ment contemporain .
Quelques vertus , quelques qualités
qu'on ait , par quelque talent qu'on ſe diftingue
, c'est toujours en pareil cas un
grand défaut que de vivre.
Je ne fçache que les Rois , qui de leur
tems même & pendant qu'ils regnent, ayent
le privilege d'être d'avance un peu anciens;
encore l'hommage que nous leur rendons
alors , eft-il bien inférieur à celui qu'on
leur rend cent ans après eux. On ne fçauroit
croire jufqu'où va là deffus la force ,
le bénéfice & le preftige des diftances .
Leur effet s'étend fi loin , qu'il n'y a point
aujourd'hui de femme qu'on n'honorât,
qu'on ne patût flater en la comparant à
Helene ; & je vous garantis , fur la foi
de la glace , qu'Helene , dans fon-tems , fut
extrêmement critiquée , & qu'on vantoit
alors quelque ancienne beauté qu'on mettoit
bien au- deffus d'elle , parce qu'on ne
la voyoit plus , & qu'on voyoit Helene ,
94 MERCURE DE FRANCE.
Je vous affure que nous avons actuellement
d'auffi belles femmes que les plus
belles de l'antiquité ; mais fuffent - elles
des Anges dans leur fexe ( & je ris moimême
de ce que je vais dire ) ce font des
Anges qui ont le tort d'être vifibles , &
qui dans notre opinion jalouſe ne ſçauroient
approcher des beautés anciennes que
nous ne faifons qu'imaginer , & que nous
avons la malice ou la duperie de nous repréfenter
comme des prodiges fans retour.
Revenons à Sophocle & à Euripide dont
j'ai déja parlé ; & achevons d'en rapporter
ce que le miroir m'en a appris.
C'eft qu'ils ont été , pour le moins , les
Corneille , les Racine , les Crébillon &
les Voltaire de leur tems , & qu'ils auroient
été tout cela du nôtre ; de même
que nos modernes , à ce que je voyois auffi
, auroient été à peu près les SSoophocle
& les Euripide du tems paffé.
Je dis à peu près , car je ne veux blafphêmer
dans l'efprit d'aucun amateur des
anciens : il eſt vrai que ce n'eft pas là mé
nager les modernes , mais je ne fais pas
tant de façon avec eux qu'avec les partifans
des anciens , qui n'entendent pas raillerie
fur cet article - ci ; au lieu que les
autres , en leur qualité de modernes & de
gens moins favorifés , font plus accommoJANVIER.
1755. 95
dans , & le prennent fur un ton moins fier .
J'avouerai pourtant que la glace n'eft pas
de l'avis des premiers fur le prétendu affoibliffement
des efprits d'aujourd'hui .
Non, Monfieur, la nature n'eft pas fur fon
déclin, du moins ne reffemblons - nous guere
à des vieillards , & la force de nos paſſions ,
de nos folies , & la médiocrité de nos connoiffances
, malgré les progrès qu'elles ont
faites , devroient nous faire foupçonner que
cette nature est encore bien jeune en nous.
Quoiqu'il en foit , nous ne fçavons pas
l'âge qu'elle a , peut - être n'en a- t -elle point,
& le miroir ne m'a rien appris là - deſſus.
Mais ce que j'y ai remarqué , c'eft que
depuis les tems fi renommés de Rome &
d'Athenes , il n'y a pas eu de fiécle où il n'y
ait eu d'auffi grands efprits qu'il en fut
jamais , où il n'y ait eu d'auffi bonnes têtes
que l'étoient celles de Ciceron , de Démofthene
, de Virgile , de Sophocle , d'Euripide
, d'Homere même , de cet homme
divin , que je fuis comme effrayé de ne pas
voir excepté dans la glace , mais enfin qui
ne l'eft point.
Voilà qui eft bien fort, m'allez-vous dire
comment donc votre glace l'entend- elle ?
Où font ces grands efprits , comparables
à ceux de l'antiquité & depuis les Grecs
& les Romains , où prendrez- vous ces Ci96
MERCURE DE FRANCE.
1
ceron , ces Démofthene , &c. dont vous
parlez ?
Sera -ce dans notre nation , chez qui ,
pendant je ne fçais combien de fiécles &
jufqu'à celui de Louis XIV , il n'a paru en
fait de Belles- Lettres , que de mauvais ouvrages
, que des ouvrages ridicules ?
Oui , Monfieur , vous avez raifon , trèsridicules
, le miroir lui- même en convient,
& n'en fait pas plus de cas que vous ; &
cependant il affure qu'il y eut alors des génies
fupérieurs , des hommes de la plus
grande capacité..
Que firent- ils donc ? de mauvais - ouvrages
auffi , tant en vers qu'en profe ; mais
des infiniment moins mauvais ,
ouvrages
( pefez ce que je vous dis là ) infiniment
moins ridicules que ceux de leurs contemporains.
Et la capacité qu'il fallut avoir alors
pour n'y laiffer que le degré de ridicule
dont je parle , auroit fuffi dans d'autres
tems pour les rendre admirables .
N'imputez point à leurs Auteurs ce
qu'il y refta de vicieux , prenez - vous en
aux fiécles barbares où ces grands efprits
arriverent , & à la déteſtable éducation
qu'ils y recurent en fait d'ouvrages d'efprit .
Ils auroient été les premiers efprits d'un
autre fiécle , comme ils furent les premiers
efprits
JANVIER. 1755 . 97
efprits du left ; il ne falloit pas pour cela
qu'ils fuffent plus forts , il falloit feulement
qu'ils fuffent mieux placés .
Ciceron auffi mal élevé , auffi peu encouragé
qu'eux , né comme eux dans un fiécle
groffier , où il n'auroit trouvé ni cette
tribune aux harangues , ni ce Sénat , ni ces
affemblées du peuple devant qui il s'agiffoit
des plus grands intérêts du monde , ni
enfin toute cette forme de gouvernement
qui foumettoit la fortune des nations &
des Rois au pouvoir & à l'autorité de l'éloquence
, & qui déféroit les honneurs &
les dignités à l'orateur qui fçavoit le mieux
parler.
Ciceron privé des reffources que je viens
de dire , ne s'en feroit pas mieux tiré que
ceux dont il eft queftion ; & quoiqu'infailliblement
il eut été l'homme de fon tems
le plus éloquent , l'homme le plus éloquent
de ce tems là ne feroit pas aujourd'hui
l'objet de notre admiration ; il nous paroîtroit
bien étrange que la glace en fit un
homme fupérieur , & ce feroit pourtant
Ciceron , c'est -à- dire un des plus grands
hommes du monde, que nous n'eftimerions
pas plus que ceux dont nous parlons , & à
qui , comme je l'ai dit , il n'a manqué que
d'avoir été mieux placés.
Quand je dis mieux placés , je n'entends
E
93 MERCURE DE FRANCE.
pas que l'efprit manquât dans les fiécles que
j'appelle barbares. Jamais encore il n'y en
avoit eu tant de répandu ni d'amaffé parmi
les hommes , comme j'ai remarqué que
l'auroient dit Euripide & Sophocle que
j'ai fait parler plus bas.
Jamais l'efprit humain n'avoit encore
été le produit de tant d'efprits , c'est une
vérité que la glace m'a rendu fenfible .
J'y ai vû que l'accroiffement de l'efprit
eft une fuite infaillible de la durée du
monde , & qu'il en auroit toujours été
nné fuite , à la vérité plus lente , quand
Fécriture d'abord , enfuite l'imprimerie
n'auroient jamais été inventées.
Il feroit en effet impoffible , Monfieur ,
que tant de générations d'hommes euffent
paffé fur la terre fans y verfer de nouvelles
idées , & fans y en verfer beaucoup plus
que les révolutions , ou d'autres accidens ,
n'ont pû en anéantir ou en diffiper.
Ajoûtez que les idées qui fe diffipent ou
qui s'éteignent , ne font pas comme fi elles
n'avoient jamais été ; elles ne difparoiffent
pas en pure perte ; l'impreffion en refte
dans l'humanité , qui en vaut mieux feulement
de les avoir eues , & qui leur doit
une infinité d'idées qu'elle n'auroit pas
fans elles.
eue
Le plus ftupide ou le plus borné de tous
JANVIER. 1755 . ୭୭
les peuples d'aujourd'hui , l'eft beaucoup
moins que ne l'étoit le plus borné de tous
les peuples d'autrefois .
La difette d'efprit dans le monde connu ,
n'eft nulle part à préfent auffi grande qu'elle
l'a été , ce n'eft plus la même difette.
La glace va plus loin. Par- tout où il y a
des hommes bien ou mal affemblés , ditelle
, quelqu'inconnus qu'ils foient au reſte
de la terre , ils fe fuffifent à eux - mêmes
pour acquerir des idées ; ils en ont aujourd'hui
plus qu'ils n'en avoient il y a deux
mille ans , l'efprit n'a pû demeurer chez
eux dans le même état .
Comparez , fi vous voulez , cet efprit
à un infiniment petit , qui par un accroiffement
infiniment lent , perd toujours quelque
chofe de fa petiteffe.
Enfin , je le repéte encore , l'humanité
en général reçoit toujours plus d'idées
qu'il ne lui en échappe , & fes malheurs
même lui en donnent fouvent plus qu'ils
ne lui en enlevent.
La quantité d'idées qui étoit dans le
monde avant que les Romains l'euffent
foumis , & par conféquent tant agité , étoit
bien au-deffous de la quantité d'idées qui
y entra par l'infolente profpérité des vainqueurs
, & par le trouble & l'abaiffement
du monde vaincu..
E ij
335236
100 MERCURE DE FRANCE.
Chacun de ces états enfanta un nouvel
efprit , & fut une expérience de plus pour.
la terre.
Et de même qu'on n'a pas encore trouvé
toutes les formes dont la matiere eſt
fufceptible , l'ame humaine n'a pas encore
montré tout ce qu'elle peut être ; toutes
fes façons poffibles de penfer & de fentir
ne font pas épuifées .
Et de ce que les hommes ont toujours
les mêmes pailions , les mêmes vices & les
mêmes vertus , il ne faut pas en conclure
qu'ils ne font plus que fe repérer.
Il en eft de cela comme des vifages ; il
n'y en a pas un qui n'ait un nez , une bouche
& des yeux ; mais auffi pas un qui n'ait
tout ce que je dis là avec des différences
& des fingularités qui l'empêchent de reffembler
exactement à tout autre vifage.
Mais revenons à ces efprits fupérieurs
de notre nation , qui firent de mauvais
ouvrages dans les fiécles paflés.
J'ai dit qu'ils y trouverent plus d'idées
qu'il n'y en avoit dans les précédens , mais
malheureufement ils n'y trouverent point
de goût ; de forte qu'ils n'en eurent que
plus d'efpace pour s'égarer.
La quantité d'idées en pareil cas , Monfieur
, eft un inconvénient , & non pas
un fecours ; elle empêche d'être fimple ,
JANVIER. 1755 . TOI'
& fournit abondamment les moyens d'être
tidicule.
Mettez beaucoup de ticheffes entre les
mains d'un homme qui ne fçait pas s'en
fervir , toutes les dépenfes ne feront que
des folies.
Et les anciens n'avoient pas de quoi être
auffi fous , auffi ridicules qu'il ne tierdroit
qu'à nous de l'être.
En revanche jamais ils n'ont été fimples.
avec autant de magnificence que nous ; il
en faut convenir. C'eft du moins le fentiment
de la glace , qui en louant la fimplicité
des anciens, dit qu'elle eft plus litterale
que la nôtre , & que la nôtre eft plus riche
; c'eft fimplicité de grand Seigneur .
Attendez , me direz - vous encore , vous
parlez de fiécles où il n'y avoit point de
goût , quoiqu'il y eût plus d'efprit & plus
d'idées que jamais ; cela n'implique-t- il pas
quelque contradiction ?
Non , Monfieur , fi j'en crois la glace ;
une grande quantité d'idées & une grande
difette de goût dans les ouvrages d'efprit ,
peuvent fort bien fe rencontrer enfemble ,
& ne font point du tout incompatibles.
L'augmentation des idées eft une fuite infaillible
de la durée du monde : la fource
de cette augmentation ne tarit point tant
qu'ily a des hommes qui fe fuccédent , &
E iij
101 MERCURE DE FRANCE.
des aventures qui leur arrivent.
:
Mais l'art d'employer les idées pour des
ouvrages d'efprit , pent fe perdre les lettres
tombent , la critique & le goût difpa-
.roiffent ; les Auteurs deviennent ridicules
ou groffiers , pendant que le fond de l'efprit
humain va toujours croiffant parmi les
hommes.
Fermer
Résumé : LE MIROIR. Par M. DE MARIVAUX.
Le texte 'Le Miroir' de Marivaux relate une aventure singulière vécue par le narrateur lors d'une promenade dans son parc. Il se retrouve dans un pays inconnu où il observe des fourneaux ardents sans en être incommodé. Au milieu de ces fourneaux, il aperçoit une entité en perpétuel mouvement, portant un bandeau avec l'inscription 'LA NATURE', divisé en deux miroirs. Le premier miroir représente les mystères de la matière, tandis que le second montre les différentes façons de penser et de sentir des hommes, ainsi que leurs œuvres et leurs vertus. Le narrateur observe divers systèmes philosophiques et littéraires, des philosophes anciens comme Aristote aux modernes comme Descartes et Newton. Il admire des poèmes épiques tels que l'Iliade, l'Énéide, et le Paradis perdu, ainsi que des œuvres contemporaines comme la Henriade. Il critique la Pucelle de Chapelain, soulignant les dangers de l'excès d'admiration. Le texte explore également les dangers de l'excès de confiance et de la peur de mal faire, qui peuvent empêcher les auteurs de retrouver leur équilibre créatif. Le narrateur mentionne des qualités littéraires telles que l'élégance de Racine, le génie de Corneille, et le charme de Voltaire. Il critique la mode et les préjugés qui influencent les jugements littéraires, soulignant que les critiques peuvent être injustes et influencées par des opinions préconçues. Le texte aborde la difficulté de juger équitablement les auteurs contemporains, notant que les défauts sont souvent mieux perçus que les qualités. Il mentionne un poème intitulé 'Le Bonheur', écrit par un génie prometteur mais encore inconnu. La réflexion se poursuit sur les grands auteurs de l'antiquité, comme Euripide et Sophocle, dont les œuvres sont admirées pour leur excellence et leur tradition d'estime. L'auteur critique ceux qui pensent que les modernes peuvent égaler ou surpasser les anciens, estimant que cette idée est ridicule et injuste envers les anciens. Il explore également la nature du public et de la postérité, notant que les grands hommes sont souvent mieux appréciés après leur mort. Le texte conclut en soulignant la difficulté de juger équitablement les œuvres littéraires en raison des préjugés et des modes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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16
p. 46-56
REFLEXIONS De M. de Marivaux.
Début :
Il n'est point question ici d'un ouvrage régulierement suivi ; il ne s'agit pas [...]
Mots clefs :
Esprit, Idées, Esprits, Hommes, Nation, Moeurs, Coutume, Thucydide, Traduction, Traduction de Thucydide
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texteReconnaissance textuelle : REFLEXIONS De M. de Marivaux.
REFLEXIONS
De M. de Marivaux.
L n'eft point queftion ici d'un ouvrage
I régulierement fuivi ; il ne s'agit pas
ici
non plus de penfées détachées , celles-.
ci ont toujours une certaine liaiſon les
unes avec les autres ; elles vont toutes au
même but . Je dis feulement qu'elles n'y
vont pas avec autant d'ordre , avec autant
d'exactitude , qu'un plus habile homme
que moi auroit pû y en mettre.
Auffi ne leur ai- je point donné d'autre
titre que celui de réflexions ? Chacune d'elles
en a infenfiblement fait naître une autre
, & tout cela avec fi peu de deffein de
ma part , que lorfque la premiere me vint
dans l'efprit , je ne fçavois pas moi- même
qu'elle en ameneroit une feconde. En
effet, comment aurois- je foupçonné qu'une
fimple obfervation fur une remarque de
d'Ablancourt me meneroit fi loin ? Voici
ce que c'eft .
D'Ablancourt en commençant fa traduction
de Thucidide , au lieu de dire litté
ralement comme l'auteur grec , Thucidide
Athénien , écrit la guerre, & c, le fait comJUN.
1755. 47
mencer ainfi J'entreprens d'écrire l'hiftoire
, & le refte .
Et dans fes remarques for fa traduction
il dit pour raifon du changement qu'il
fait , qu'une traduction plus littérale feroit
plate , & feroit tort à Thucidide.
Mais par- là , peut- on lui répondre , vous
nous faites tort à nous , lecteurs , qui ferions
charmés de connoître Thucidide tel
qu'il eft. Nous croyons voir l'auteur grec ,
l'auteur ancien avec le tour d'efprit qu'on
avoit de fon tems , & vous le traveſtiſſez ,
vous lui ôtez fon âge ; ce n'eſt plus là Thucidide.
Il feroit plat , dites vous , fi vous
ne le corrigiez pas . Eh , qu'importe ! nous
aimerions mieux fa platitude même que
vos corrections , que nous ne demandons
point dans cette occafion- ci .
Quand vous travaillerez fur un fujet
que vous aurez imaginé , ôtez les platitudes
qui vous feront échappées , vous ferez
fort bien , & nous ne les regrettons point ;
elles ne pourroient être que des platitu
des de notre fiecle , & celles - là nous les
connoiffons , nous n'en fommes pas curieux
.
Mais de celles de Thucidide , ou de
tout autre auteur d'une antiquité auffi reculée
, il n'eft pas de même. En les retranchant
vous nous privez d'un ſpectacle qui
48 MERCURE DE FRANCE..
feroit neuf pour nous ; car il y a apparen
ce qu'elles ne reffemblent point aux nôtres
, & fuppofé qu'elles y reffemblaffent ,
ce feroit encore une fingularité que nous
verrions avec plaifir .
:
En un mot , c'est l'hiftoire de l'efprit
humain que vous nous dérobez dans cette
partie- là nous n'en avons que la moitié
quand vous ne nous rendez que les beautés
des anciens , & que vous fupprimez
leurs défauts.
C'estpour l'honneur des anciens que vous
prenez cette précaution - là , dites - vous ;
mais dans le fond leur honneur doit nous
être affez indifférent : il nous feroit bien
auffi agréable de les connoître que de les
eftimer plus qu'ils ne valent.
Votre maniere de traduire Thucidide ,
& votre attention pour fa gloire , direzvous
, n'ôtent rien à l'hiftoire des faits
qu'il raconte. Je n'en fçais rien . On peut
encore vous arrêter là- deffus : s'il eft vrai
qu'il y ait un rapport entre les événemens,
les moeurs , les coutumes d'un certain tems,
& la maniere de penſer , de fentir & de
s'exprimer de ce tems-là ; ce rapport que
je crois indubitable , fe trouve affurément
dans ce que Thucidide a penſé , a fenti , a
exprimé.
Vous ne pouvez donc altérer ſa façon
de
JUIN. 1755. 49,
de raconter fans nuire à ce rapport , fans
altérer ces faits même , fans changer un
peu la forte d'impreffion qu'ils nous feroient.
Je ferois tenté de croire qu'ils
perdent quelque chofe de leur air étranger
, & que vos tours modernes en 'affoi
bliffent le caractere..
Je n'infifte pourtant pas fur ce que jo
dis là , je me contenter de penfer qu'on
peut le dire. Je veux bien auffi que d'A
blancourt ait eu raifon d'en uſer comme
il a fait dans fon Thucidide. Une traduce
tion trop littérale en pareil cas rebuteroit
peut- être la plupart des lecteurs : on auroit
beau leur conferver une fimplicité à
la grecque , ils ne fe foucieroient guere
de les trois mille ans d'antiquité , & ne la
trouveroient pas meilleure qu'une fimplicité
de nos jours. Je dis ici fimplicité , &
non pas platitude ; car je ne fuis pas du
fentiment de d'Ablancourt fur l'endroit
de Thucidide qu'il a corrigé.
Thucidide , Athénien , écrit la guerre ,
ne me paroît point plat , je n'y vois. que
du fimple & du naïf. A la vérité ce n'eſt
ni le fimple ni le naïf de notre tems , &
il feroit prefque impoffible que ce fût la
même chofe.c
Voyons les raifons de cette impoffibilité
, elles ne feront pas difficiles à fentir,
II. Vol. C
to MERCURE DE FRANCE.
quoiqu'elles demandent un peu d'atten
Mon.
-Sans remonter plus haur que Thucidide,
le monde , depuis cet auteur grec juf
qu'à nous , a fi fouvent changé de face , les
paffions des hommes , leurs vices & leurs
vertus fe font déployés en tant de manie,
res différentes ; des hommes ont fucceffivement
paffe par tant d'efpeces de corrup
tion , de fageffe & de folie ; ils ont été
tant de fois & fi différemment polis &
groffiers , bons & méchans , fociables: &
féroces , fi differemment raifonnables &
fots , fi différemment hommes & enfans ;
ils fe font vus par tant de côtés , qu'il doit
aujourd'hui leur en refter un fonds d'idées
confidérablement augmenté.
En un mot , l'efprit que nous avons à
préfent nousivient de trop loin ,il a trop
fermenté avant que d'arriver jufqu'à nous
pour n'être pas très différent de ce qu'il a
été.
C Je ne parle pas feulement de ce qu'on
appelle bet efprit , de l'efprit de Belles-
Lettres , mais de l'efprit des nations en gé
néral.
J. Tous les pay's
reffentent
de la
de l'humanité
du monde à cet égard fe
durée & des événemens
de la diverfité des loix ,
des coutumes & des gouvernemens qu'elle
UNIT
JUI N. 1755.
fr
aéprouvés , du nombre infini de guerres ,
de ravages & d'invafions qu'elle a effuyés .
Sefoftris , Cyrus , Alexandre , les fucceffeurs
de ce dernier , & fur-tout les Romains
même , n'ont pû troubler ni agirer
la terre , ni lui donner de fi violentes fé
couffes , fans y jetter de nouvelles idées ,
fans caufer de nouveaux développemens
dans la capacité de penfer & de fentiv
des hommes.
Je ne compte pas une infinité de moindres
événemens qui fe font paffés dans les
intervalles de ces grandes révolutions ,
mais qui infenfiblement
ont porté coup , &
dont l'impreffion , quoique plus lente , eft
encore venus accroître , nourrir ce fonds
d'idées dont je parle , & n'a peut- être nulle
parr laiffé les hommes dans un état d'efprit
& de moeurs uniforme.
Il est vrai que nous n'avons pas toute la
fuite des idées des hommes , le fonds qui
nous en refte eft bien au - deffous de ce
qu'ilpourroit être ; chaque révolution arri
vée fur la terre , en y excitant de nouvel
les idées , en a diffipé , éteint , & comme
anéanti beaucoup de celles qui y étoient.
-Les conquerans que nous venons de ciser
& les peuples conquis , les uns avant
que de foumettre , les autres avant que
d'être foumis, avoient eu des moeurs , des
f
!
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
coutumes & des façons de penfer différen
tes de celles qu'ils eurent après.
Les vainqueurs en prirent de conformes
à l'orgueil & à la profpérité de leur état
les vaincus en reçurent de conformes à
leur abaiffement & à la volonté de leurs
nouveaux maîtres ; & de ces loix , tant anciennes
que nouvelles , de ces moeurs , de
cés coutumes & du tour d'imagination
qui en réfultoit , nous n'en avons pas , je
l'avoue , une connoiffance bien complette ,
mais enfin tout n'en a pas été perdu , la
tradition , les monumens & l'hiſtoire nous
en ont confervé d'affez amples détails &
quelquefois la plus grande partie.
•
Comparons ce qui nous refte à de fim
ples débris. Jamais l'amas de ces débris n'a
été fi grand qu'il l'eft aujourd'hui , à comp
ter depuis les Grecs , ou même dépuis les
Affyriens jufqu'à nous..
Nous avons donc par conféquent plus
de rélations de l'humanité que les Affyriens,
les Grecs & les Romains n'en avoient,
& par conféquent auffi un plus grand fonds
d'idées qu'eux tous , & un fonds en vertu
duquel nous ne devons être ni naïfs , ni
fimples , ni plats , comme on l'étoit autrefois.
Ce que je dis là ne paroît pas dou
reux. Voici cependant ce qu'on peut m'ob
jecter , c'est que les faits ne s'accordent
pas avec mon raifonnement.
JUIN. 1755
33
Jettons les yeux fur les nations les plus
célebres , me dira- t on . Les Grecs & parmi
eux les Athéniens , lorfqu'ils commencerent
à s'affembler , dûrent , felon vous ,
trouver un affez grand fonds d'efprit &
d'idées déja tout amaffé , car fans doute le
monde avoit déja éprouvé beaucoup d'aventures
que nous ne fçavons pas.
Ce même fonds d'idées devoit être confidérablement
groffi quand il parvint aux
Romains ; il a dû être immenfe quand
nous l'avons reçu .
Cependant voyons l'avantage que les
premiers Athéniens & les premiers Ro
mains en retirerent , & à quoi il nous a
fervi à nous-mêmes.
C
7
que Qu'est- ce que c'étoit
les Athéniens
malgré les avantages
que vous leur fuppofez
? des fauvages
, des hommes
brutes &
féroces , qui fçurent
à peine ſe bâtir des
cabanes , & à qui il fallut que Cecrops ,
Egyptien
, apprit à avoir des loix & des
Dieux.
Reconnoiffez - vous à cela des hommes
qui devoient avoir hérité de cette fucceffion
d'idées dont vous parlez ? & ces aventuriers
qui fonderent Rome , qui n'ont
d'abord ni loix civiles ni Magiftrats , qui
font brutalement confifter tout leur mérite
à être féroces & braves , font- ils ce qu'ils
C iij
34 MERCURE DE FRANCE .
doivent être dans les tems où ils arrivent ?
Diroit-on à les voir que la fageffe d'Egyp
te & même l'efprit d'Athénes ont déja
paru fur la terre ?
Nous - mêmes qui fommes venus bien
plus tard , nous à qui l'univers agité de
puis fi long- tems devoit avoir tranfmis une
fi vafte & fi profonde expérience , quel ufage
avons- nous fait de cette prodigieufe
collection d'idées , qui , felon vous , nous
étoit échue en partage ? nos commencemens
font- ils dignes de tout l'efprit que le
monde avoit en avant nous ? fe reffententils
, comme vous le dites , de la durée de
l'humanité & du paffage des Egyptiens ,
des Grecs & des Romains ? en avons-nous
eu moins de barbarie dans nos moeurs
moins d'ignorance , moins de groffiereré
dans nos préjugés ?
2:
>
S'il a donc fallu que les hommes recommençaffent
à fe former fur nouveaux
frais , fi tout le développement de l'efprit
qui s'étoit fait avant eux , ne les a fauvés
nulle part de la néceffité d'effuyer la même
enfance & les mêmes miferes d'efprit ,
il faut bien que ce fonds d'efprit venu de
fi loin , que cette fucceffion d'idées que
les hommes fe tranfmettent , à ce que vous
prétendez , ne foit pas vraie , & qu'en tout
tems les révolutions Payent rendue impof
fible.
JUIN 17532 33
Elle n'est pas même plus fenfible dans
nos progrès que dans nos commencemens.
Notre efprit eft bien inférieur à ce qu'il
devroit être , il n'y a point de proportion
entre ce que nous en avons & ce que nous
en aurions reçu , fi cette fucceffion étoit
vraie . N'y cherchons donc point tant de
myftere, & convenons que les hommes
en tout pays fe forment eux-mêmes , qu'ils
peuvent bien recevoir quelque chofe de
leurs voisins , ou de leurs contemporains
mais qu'à cela près ils tirent tout de la
fociété qui les unit , & du commerce que
des efprits mis en commun y ont enfemble.
Ainfi l'école d'une nation c'eft la nation
même , ainfi chaque peuple a la fienne ,
où il fait d'âge en âge plus ou moins de
progrès , où il acquiert plus ou moins
d'idées , de fineffe & de goût , fuivant
qu'il fort plus ou moins de lumiere de
la totalité des efprits qui forment fon école.
Car c'eft de ce nombre infini de jugemens
, de réflexions , d'idées folles & fenfées
que la totalité des efprits répand dans
la nation ; c'eſt de la diverfité d'opinions
vraies ou fauffes qu'elle y verfe , que chaque
particulier tire la matiere des nouvelles
idées qu'il a lui-même , & qui vont à leur
tour s'ajoûter à la fource dont elles lui
Civ
36 MERCURE DE FRANCE .
viennent. Oui , vous dites vrai ; l'école
d'une nation , en fait d'efprit , eft la nation
même; mais cette fucceffion d'idées
dont nous parlons n'en eft pas moins fûre.
*
Car le choc.continuel des efprits qui
compofent cette nation , fuffiroit feul pour
accroître infenfiblement la meſure d'efprit
qui s'y trouve ; fuffiroit, de votre propre
aveu , pour y jetter la matiere de nouvelles
idées , pour y produire de nouveaux
accidens de lumiere & de connoiffance ;
mais ce n'eft pas là tout.
Cette nation n'eft pas féparée des autres
par des barrieres impénétrables , & ce
que vous appellez fon école fe fortifie continuellement
de ce que des hommes d'une
autre nation y portent, & s'augmente encore
de la différence de l'efprit étranger
qui vient fe mêler au fien.
De M. de Marivaux.
L n'eft point queftion ici d'un ouvrage
I régulierement fuivi ; il ne s'agit pas
ici
non plus de penfées détachées , celles-.
ci ont toujours une certaine liaiſon les
unes avec les autres ; elles vont toutes au
même but . Je dis feulement qu'elles n'y
vont pas avec autant d'ordre , avec autant
d'exactitude , qu'un plus habile homme
que moi auroit pû y en mettre.
Auffi ne leur ai- je point donné d'autre
titre que celui de réflexions ? Chacune d'elles
en a infenfiblement fait naître une autre
, & tout cela avec fi peu de deffein de
ma part , que lorfque la premiere me vint
dans l'efprit , je ne fçavois pas moi- même
qu'elle en ameneroit une feconde. En
effet, comment aurois- je foupçonné qu'une
fimple obfervation fur une remarque de
d'Ablancourt me meneroit fi loin ? Voici
ce que c'eft .
D'Ablancourt en commençant fa traduction
de Thucidide , au lieu de dire litté
ralement comme l'auteur grec , Thucidide
Athénien , écrit la guerre, & c, le fait comJUN.
1755. 47
mencer ainfi J'entreprens d'écrire l'hiftoire
, & le refte .
Et dans fes remarques for fa traduction
il dit pour raifon du changement qu'il
fait , qu'une traduction plus littérale feroit
plate , & feroit tort à Thucidide.
Mais par- là , peut- on lui répondre , vous
nous faites tort à nous , lecteurs , qui ferions
charmés de connoître Thucidide tel
qu'il eft. Nous croyons voir l'auteur grec ,
l'auteur ancien avec le tour d'efprit qu'on
avoit de fon tems , & vous le traveſtiſſez ,
vous lui ôtez fon âge ; ce n'eſt plus là Thucidide.
Il feroit plat , dites vous , fi vous
ne le corrigiez pas . Eh , qu'importe ! nous
aimerions mieux fa platitude même que
vos corrections , que nous ne demandons
point dans cette occafion- ci .
Quand vous travaillerez fur un fujet
que vous aurez imaginé , ôtez les platitudes
qui vous feront échappées , vous ferez
fort bien , & nous ne les regrettons point ;
elles ne pourroient être que des platitu
des de notre fiecle , & celles - là nous les
connoiffons , nous n'en fommes pas curieux
.
Mais de celles de Thucidide , ou de
tout autre auteur d'une antiquité auffi reculée
, il n'eft pas de même. En les retranchant
vous nous privez d'un ſpectacle qui
48 MERCURE DE FRANCE..
feroit neuf pour nous ; car il y a apparen
ce qu'elles ne reffemblent point aux nôtres
, & fuppofé qu'elles y reffemblaffent ,
ce feroit encore une fingularité que nous
verrions avec plaifir .
:
En un mot , c'est l'hiftoire de l'efprit
humain que vous nous dérobez dans cette
partie- là nous n'en avons que la moitié
quand vous ne nous rendez que les beautés
des anciens , & que vous fupprimez
leurs défauts.
C'estpour l'honneur des anciens que vous
prenez cette précaution - là , dites - vous ;
mais dans le fond leur honneur doit nous
être affez indifférent : il nous feroit bien
auffi agréable de les connoître que de les
eftimer plus qu'ils ne valent.
Votre maniere de traduire Thucidide ,
& votre attention pour fa gloire , direzvous
, n'ôtent rien à l'hiftoire des faits
qu'il raconte. Je n'en fçais rien . On peut
encore vous arrêter là- deffus : s'il eft vrai
qu'il y ait un rapport entre les événemens,
les moeurs , les coutumes d'un certain tems,
& la maniere de penſer , de fentir & de
s'exprimer de ce tems-là ; ce rapport que
je crois indubitable , fe trouve affurément
dans ce que Thucidide a penſé , a fenti , a
exprimé.
Vous ne pouvez donc altérer ſa façon
de
JUIN. 1755. 49,
de raconter fans nuire à ce rapport , fans
altérer ces faits même , fans changer un
peu la forte d'impreffion qu'ils nous feroient.
Je ferois tenté de croire qu'ils
perdent quelque chofe de leur air étranger
, & que vos tours modernes en 'affoi
bliffent le caractere..
Je n'infifte pourtant pas fur ce que jo
dis là , je me contenter de penfer qu'on
peut le dire. Je veux bien auffi que d'A
blancourt ait eu raifon d'en uſer comme
il a fait dans fon Thucidide. Une traduce
tion trop littérale en pareil cas rebuteroit
peut- être la plupart des lecteurs : on auroit
beau leur conferver une fimplicité à
la grecque , ils ne fe foucieroient guere
de les trois mille ans d'antiquité , & ne la
trouveroient pas meilleure qu'une fimplicité
de nos jours. Je dis ici fimplicité , &
non pas platitude ; car je ne fuis pas du
fentiment de d'Ablancourt fur l'endroit
de Thucidide qu'il a corrigé.
Thucidide , Athénien , écrit la guerre ,
ne me paroît point plat , je n'y vois. que
du fimple & du naïf. A la vérité ce n'eſt
ni le fimple ni le naïf de notre tems , &
il feroit prefque impoffible que ce fût la
même chofe.c
Voyons les raifons de cette impoffibilité
, elles ne feront pas difficiles à fentir,
II. Vol. C
to MERCURE DE FRANCE.
quoiqu'elles demandent un peu d'atten
Mon.
-Sans remonter plus haur que Thucidide,
le monde , depuis cet auteur grec juf
qu'à nous , a fi fouvent changé de face , les
paffions des hommes , leurs vices & leurs
vertus fe font déployés en tant de manie,
res différentes ; des hommes ont fucceffivement
paffe par tant d'efpeces de corrup
tion , de fageffe & de folie ; ils ont été
tant de fois & fi différemment polis &
groffiers , bons & méchans , fociables: &
féroces , fi differemment raifonnables &
fots , fi différemment hommes & enfans ;
ils fe font vus par tant de côtés , qu'il doit
aujourd'hui leur en refter un fonds d'idées
confidérablement augmenté.
En un mot , l'efprit que nous avons à
préfent nousivient de trop loin ,il a trop
fermenté avant que d'arriver jufqu'à nous
pour n'être pas très différent de ce qu'il a
été.
C Je ne parle pas feulement de ce qu'on
appelle bet efprit , de l'efprit de Belles-
Lettres , mais de l'efprit des nations en gé
néral.
J. Tous les pay's
reffentent
de la
de l'humanité
du monde à cet égard fe
durée & des événemens
de la diverfité des loix ,
des coutumes & des gouvernemens qu'elle
UNIT
JUI N. 1755.
fr
aéprouvés , du nombre infini de guerres ,
de ravages & d'invafions qu'elle a effuyés .
Sefoftris , Cyrus , Alexandre , les fucceffeurs
de ce dernier , & fur-tout les Romains
même , n'ont pû troubler ni agirer
la terre , ni lui donner de fi violentes fé
couffes , fans y jetter de nouvelles idées ,
fans caufer de nouveaux développemens
dans la capacité de penfer & de fentiv
des hommes.
Je ne compte pas une infinité de moindres
événemens qui fe font paffés dans les
intervalles de ces grandes révolutions ,
mais qui infenfiblement
ont porté coup , &
dont l'impreffion , quoique plus lente , eft
encore venus accroître , nourrir ce fonds
d'idées dont je parle , & n'a peut- être nulle
parr laiffé les hommes dans un état d'efprit
& de moeurs uniforme.
Il est vrai que nous n'avons pas toute la
fuite des idées des hommes , le fonds qui
nous en refte eft bien au - deffous de ce
qu'ilpourroit être ; chaque révolution arri
vée fur la terre , en y excitant de nouvel
les idées , en a diffipé , éteint , & comme
anéanti beaucoup de celles qui y étoient.
-Les conquerans que nous venons de ciser
& les peuples conquis , les uns avant
que de foumettre , les autres avant que
d'être foumis, avoient eu des moeurs , des
f
!
Cij
52 MERCURE DE FRANCE.
coutumes & des façons de penfer différen
tes de celles qu'ils eurent après.
Les vainqueurs en prirent de conformes
à l'orgueil & à la profpérité de leur état
les vaincus en reçurent de conformes à
leur abaiffement & à la volonté de leurs
nouveaux maîtres ; & de ces loix , tant anciennes
que nouvelles , de ces moeurs , de
cés coutumes & du tour d'imagination
qui en réfultoit , nous n'en avons pas , je
l'avoue , une connoiffance bien complette ,
mais enfin tout n'en a pas été perdu , la
tradition , les monumens & l'hiſtoire nous
en ont confervé d'affez amples détails &
quelquefois la plus grande partie.
•
Comparons ce qui nous refte à de fim
ples débris. Jamais l'amas de ces débris n'a
été fi grand qu'il l'eft aujourd'hui , à comp
ter depuis les Grecs , ou même dépuis les
Affyriens jufqu'à nous..
Nous avons donc par conféquent plus
de rélations de l'humanité que les Affyriens,
les Grecs & les Romains n'en avoient,
& par conféquent auffi un plus grand fonds
d'idées qu'eux tous , & un fonds en vertu
duquel nous ne devons être ni naïfs , ni
fimples , ni plats , comme on l'étoit autrefois.
Ce que je dis là ne paroît pas dou
reux. Voici cependant ce qu'on peut m'ob
jecter , c'est que les faits ne s'accordent
pas avec mon raifonnement.
JUIN. 1755
33
Jettons les yeux fur les nations les plus
célebres , me dira- t on . Les Grecs & parmi
eux les Athéniens , lorfqu'ils commencerent
à s'affembler , dûrent , felon vous ,
trouver un affez grand fonds d'efprit &
d'idées déja tout amaffé , car fans doute le
monde avoit déja éprouvé beaucoup d'aventures
que nous ne fçavons pas.
Ce même fonds d'idées devoit être confidérablement
groffi quand il parvint aux
Romains ; il a dû être immenfe quand
nous l'avons reçu .
Cependant voyons l'avantage que les
premiers Athéniens & les premiers Ro
mains en retirerent , & à quoi il nous a
fervi à nous-mêmes.
C
7
que Qu'est- ce que c'étoit
les Athéniens
malgré les avantages
que vous leur fuppofez
? des fauvages
, des hommes
brutes &
féroces , qui fçurent
à peine ſe bâtir des
cabanes , & à qui il fallut que Cecrops ,
Egyptien
, apprit à avoir des loix & des
Dieux.
Reconnoiffez - vous à cela des hommes
qui devoient avoir hérité de cette fucceffion
d'idées dont vous parlez ? & ces aventuriers
qui fonderent Rome , qui n'ont
d'abord ni loix civiles ni Magiftrats , qui
font brutalement confifter tout leur mérite
à être féroces & braves , font- ils ce qu'ils
C iij
34 MERCURE DE FRANCE .
doivent être dans les tems où ils arrivent ?
Diroit-on à les voir que la fageffe d'Egyp
te & même l'efprit d'Athénes ont déja
paru fur la terre ?
Nous - mêmes qui fommes venus bien
plus tard , nous à qui l'univers agité de
puis fi long- tems devoit avoir tranfmis une
fi vafte & fi profonde expérience , quel ufage
avons- nous fait de cette prodigieufe
collection d'idées , qui , felon vous , nous
étoit échue en partage ? nos commencemens
font- ils dignes de tout l'efprit que le
monde avoit en avant nous ? fe reffententils
, comme vous le dites , de la durée de
l'humanité & du paffage des Egyptiens ,
des Grecs & des Romains ? en avons-nous
eu moins de barbarie dans nos moeurs
moins d'ignorance , moins de groffiereré
dans nos préjugés ?
2:
>
S'il a donc fallu que les hommes recommençaffent
à fe former fur nouveaux
frais , fi tout le développement de l'efprit
qui s'étoit fait avant eux , ne les a fauvés
nulle part de la néceffité d'effuyer la même
enfance & les mêmes miferes d'efprit ,
il faut bien que ce fonds d'efprit venu de
fi loin , que cette fucceffion d'idées que
les hommes fe tranfmettent , à ce que vous
prétendez , ne foit pas vraie , & qu'en tout
tems les révolutions Payent rendue impof
fible.
JUIN 17532 33
Elle n'est pas même plus fenfible dans
nos progrès que dans nos commencemens.
Notre efprit eft bien inférieur à ce qu'il
devroit être , il n'y a point de proportion
entre ce que nous en avons & ce que nous
en aurions reçu , fi cette fucceffion étoit
vraie . N'y cherchons donc point tant de
myftere, & convenons que les hommes
en tout pays fe forment eux-mêmes , qu'ils
peuvent bien recevoir quelque chofe de
leurs voisins , ou de leurs contemporains
mais qu'à cela près ils tirent tout de la
fociété qui les unit , & du commerce que
des efprits mis en commun y ont enfemble.
Ainfi l'école d'une nation c'eft la nation
même , ainfi chaque peuple a la fienne ,
où il fait d'âge en âge plus ou moins de
progrès , où il acquiert plus ou moins
d'idées , de fineffe & de goût , fuivant
qu'il fort plus ou moins de lumiere de
la totalité des efprits qui forment fon école.
Car c'eft de ce nombre infini de jugemens
, de réflexions , d'idées folles & fenfées
que la totalité des efprits répand dans
la nation ; c'eſt de la diverfité d'opinions
vraies ou fauffes qu'elle y verfe , que chaque
particulier tire la matiere des nouvelles
idées qu'il a lui-même , & qui vont à leur
tour s'ajoûter à la fource dont elles lui
Civ
36 MERCURE DE FRANCE .
viennent. Oui , vous dites vrai ; l'école
d'une nation , en fait d'efprit , eft la nation
même; mais cette fucceffion d'idées
dont nous parlons n'en eft pas moins fûre.
*
Car le choc.continuel des efprits qui
compofent cette nation , fuffiroit feul pour
accroître infenfiblement la meſure d'efprit
qui s'y trouve ; fuffiroit, de votre propre
aveu , pour y jetter la matiere de nouvelles
idées , pour y produire de nouveaux
accidens de lumiere & de connoiffance ;
mais ce n'eft pas là tout.
Cette nation n'eft pas féparée des autres
par des barrieres impénétrables , & ce
que vous appellez fon école fe fortifie continuellement
de ce que des hommes d'une
autre nation y portent, & s'augmente encore
de la différence de l'efprit étranger
qui vient fe mêler au fien.
Fermer
Résumé : REFLEXIONS De M. de Marivaux.
Dans le texte 'Réflexions', Marivaux examine la traduction de Thucydide réalisée par d'Ablancourt. Il critique la méthode de d'Ablancourt, qui ne traduit pas littéralement le texte grec, estimant que cette approche prive les lecteurs de l'expérience authentique de l'auteur ancien. Marivaux considère que les défauts et la simplicité du style de Thucydide sont précieux car ils offrent un aperçu unique de l'esprit humain de l'époque. Il souligne que l'esprit humain a évolué au fil des siècles, influencé par divers événements et cultures, rendant impossible la reproduction exacte des idées anciennes. Marivaux compare les nations modernes aux anciennes, notant que malgré un fonds d'idées accru, les progrès ne sont pas proportionnels. Il conclut que chaque nation forme son propre esprit à travers le commerce et l'interaction des individus, et que cette succession d'idées est inévitable.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
17
p. 115-127
Lettre de M. Dequen, Docteur en Médecine, de la Faculté de Montpellier, à un Médecin de ses amis, sur un accîdent arrivé dans le cuvage de M. le Comte de la Queuille, Brigadier des armées du Roi, Colonel du Régiment de Nice, au château de Chateaugay, près de Riom en Auvergne.
Début :
Avez-vous entendu parler, Monsieur, d'un accident arrivé chez M. [...]
Mots clefs :
Médecine, Accident, Cuvage, Cuve, Vin, Esprits, Vapeur, Fermentation, Médecin, Docteur en médecine
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Lettre de M. Dequen, Docteur en Médecine, de la Faculté de Montpellier, à un Médecin de ses amis, sur un accîdent arrivé dans le cuvage de M. le Comte de la Queuille, Brigadier des armées du Roi, Colonel du Régiment de Nice, au château de Chateaugay, près de Riom en Auvergne.
Lettre de M. Dequen , Docteur en Médecine
, de la Faculté de Montpellier , à un
Médecin defes amis , fur un accident arrivé
dans le cuvage de M. le Comte de la
Queuille , Brigadier des armées du Roi ,
Colonel du Régiment de Nice , au château
de Chateangay , près de Riom en Auvergne.
A
Vez -vous entendu parler , Monfieur
, d'un accident arrivé chez M.
le Comte de la Queuille , à Chateaugay ,
le 24 du mois d'Avril dernier ? il n'eft pas ,
on peut le dire , abſolument nouveau ;
mais il me paroît accompagné de circonf
tances affez frappantes pour mériter peuts
être un peu de votre attention .
On avoit achevé de vuider te matin une
116 MERCURE DE FRANCE.
cuve où l'on avoit confervé pendant l'hiver
fix à fept cens pots de vin de notre
mefure , qui , comme vous le fçavez , à
quinze pintes le pot , font un objet de
neuf à dix mille pintes de Paris.
3
Environ trois quarts d'heure après
l'avoir découverte , le fommelier de la
maiſon , nommé Joli , eut l'imprudence
de commander à un jeune domeftique de
feize à dix-fept ans d'y entrer avec un balai
pour la nettoyer & en faire fortir la
lie. Cet enfant lui repréfenta le danger
auquel il vouloit l'expofer , & qu'il devoit
d'autant plus connoître que peu de
jours avant il étoit forti lui-même à la
hâte & à demi-mort d'une cuve pareille ,
quoique découverte depuis fept à huit
jours. Joli s'obftina , on ne fçait pas trop
pourquoi , & le petit domeftique effrayé
de fes menaces eut le malheur de lui obéir ;
mais à peine fut-il defcendu dans la cuve
qu'il tomba roide , fans connoiffance &
fans mouvement . Joli ne l'entendant
travailler ni repondre aux commandemens
réiterés qu'il lui en faifoit , vit bien alors ,
mais trop tard , les fuites de fon imprudence
; il faute dans la cuve pour le fecourir
, en criant à un marmiton qui fe trouvoit
auffi dans le cuvage , de lui faire venir
du fecours. Il fe baiffe pour relever
pas
JUILLET. 1755 117
#
l'enfant qui fe mouroit , & tombe dans lẹ
même état que lui.
Le marmiton court au château , il trouve
dans la cuifine un payfan , un des Gardes-
chaffe , le Cuifinier & un laquais ; il
feur apprend l'embarras de Joli. On vole
à fon fecours. L'allarme fe répand dans le
château : Maîtres , Domeftiques , tout le
monde s'empreffe de gagner le cuvage. Le
payfan qui étoit un jeune homme de vingtdeux
ans , fort & vigoureux , arrive , &
defcend le premier dans cette cuve funeſte ,
il veut encore fe baiffer pour relever ces
deux perfonnes qu'il voyoit fans mouvement
; & dans l'inftant , comme s'il eût
été frappé de la foudre , il tombe lui - mê-'
me inmobile , & pour ainfi dire mort . Le
Garde- chaffe qui venoit après lui fuit ſon
exemple , & fubit le même fort.
Le Cuifinier qui defcendoit le troifieme,
voyant ce trifte fpectacle , & fe fentant
tout-à- coup étouffer par les vapeurs
qui s'élevoient , remonte au plus vite au
haut de la cuve , il arrête le laquais qui
avoit déja une partie du corps dedans , &
tous deux hors d'état de fecourir les mourans
, bornerent leurs foins à empêcher de
defcendre ceux qui les fuivoient ; mais le
zéle de tous ces domeftiques pour fauver
la vie à leurs camarades étoit fi grand ,
18 MERCURE DE FRANCE.
qu'ils voyoient à peine un danger audi
effrayant. Un paltrenier fe jette dans la
cuve , & le trouve pris auffi tôt , mais
comme le haut en étoit déja bordé de
beaucoup de monde , il fat affez heureux
pout qu'on le faifit aux cheveux dans le
moment qu'il alloit tomber , & qu'on le
retira évanoui. Il en fut de même d'un
poftillon , à qui on paffa une corde fous
Fes bras dans le tems qu'il defcendoit , &
qu'on arracha à la mort par ce moyen ; ils
revinrent l'un & l'autre dès qu'ils furent
expofés à l'air extérieur .
Dansle trouble où l'on étoit , ne voyant
aucune reſſource pour retirer ces quatre
hommes de la cuve , on prit le parti de la
tompre ; mais comme les cercles en étoient
très-forts , garnis de bandes de fer , & que
les douves en étoient unies par des chevilles
, l'opération fut longue , & ces malheureux
étoient morts , lorfqu'on fut à
portée de leur donner du fecours.
Cependant on avoit envoyé chercher
un Chirurgien au bourg le plus près . Dès
qu'il fut arrivé , on effaya de les faigner ;
il ne fortit de fang qu'une ou deux gouttes
de l'ouverture qui fut faite au plus
jeune , qui le premier étoit entré dans la
cuve. Les autres n'en donnerent pas. Оп
deur jetta de l'eau au vifage ; on leur mit
JUILLET . 1755. 119
des eaux fpiritueufes dans la bouche &
dans le nez . Tous ces foins furent inutiles.
Il ne parut aucun figne de vie.
Il eft conftant , Monfieur , qu'on ne peut
attribuer la caufe de ces morts , qu'aux
vapeurs ou efprits ardens du vin qui s'étoient
ramaffés dans cette cuve , & qui
continuoient de s'exhaler de la lie qui y
reftoit. On ne peut pas en reconnoître
d'autre . Le vin étoit très- naturel & fort
bon. Il avoit été vendu en détail à des
marchands de nos montagnes , qui en
avoient débité déja la plus grande partie
dans leurs cabarets , fans que perfonne fe
fût plaint d'en avoir reçu la moindre incommodité.
J'aurois bien fouhaité avoir
été averti à tems pour voir par l'ouverture
de ces cadavres les effets que ces efprits
pénétrans avoient produits fur les différentes
parties qui en avoient fouffert l'impreffion
. M. le Comte de la Queuille qui
me fit appeller deux jours après pour voir
Madame la Comteffe fon époufe , que la
frayeur & la douleur de cet événement
avoient fort incommodée , me dit avoir
été fâché de ne me l'avoir pas mandé plu
iôt ; mais qu'il n'y avoit penfé qu'après
l'enterrement.
Je fus donc forcé de me borner à interroger
ceux qui avoient manqué à être
120 MERCURE DE FRANCE.
>
enveloppés dans ce malheur. Le palfrenier
& le poftillon ne me donnerent pas de
grands éclairciffemens . La maniere promp
te dont ils avoient été pénétrés de la vapeur
, la connoiffance qu'ils avoient perdu
à l'inftant ne leur avoient laiffé le
pas
tems de s'appercevoir de ce qui avoit produit
leur évanouiffement. Le Cuifinier qui
n'avoit reçu cette vapeur qu'à demi , & qui
s'étoit toujours reconnu , fut plus en état
de me rendre compte de ce qu'il en avoit
reffenti. Il me dit qu'elle lui étoit montée
au nez avec tant de force , qu'il en avoit
été fubitement étourdi , & qu'il avoit en
même-tems & par la même caufe , ſenti
que la refpiration lui manquoit.
Je m'informai auffi de l'état de ces malheureux
après qu'on les eût retirés de la
cuve ; ils étoient femblables en tout à
ceux qui font morts fuffoqués. Une Demoiſelle
qui avoit travaillé à leur donner
du fecours , m'en dit une feule particularité
qui l'avoit frappée : c'eft qu'en leur
ouvrant la bouche pour y introduire des
eaux fpiritueufes , elle avoit trouvé leurs
gencives , leurs dents , leur palais & leur
Langue , blancs , deffechés & comme à demi-
cuits. J'en conclus que ces vapeurs
volatiles & pénétrantes ont produit deux
principaux effets , que je regarde comme
la
JUILLE T. 1755. 121
la caufe de la mort prefque fubite de ces
quatre hommes , 1 °. qu'entraînées par l'air
avec abondance & rapidité dans la cavité
du nez & des finus qui y aboutiſſent , elles
ont fecoué & picotté vivement les petites
pointes nerveufes de la membrane pituitaire
faciles à ébranler. Cette irritation
communiquée au cerveau a produit dans
tous les nerfs une contraction fpafmodique
, une conftriction qui a intercepté
dans l'inftant l'écoulement des efprits animaux
vers les organes des fens & vers les
mufcles ; ce qui a donné lieu à la privation
fubite des fenfations & des mouvemens.
2º . Qu'entraînées pareillement au tems
de l'inſpiration dans la trachée artere &
dans les poulmons , elles les ont crepés ,
defféchés & comme cuits , ainsi qu'on l'a
obfervé aux gencives , au palais & à la
langue ; ce qui a rendu les véhicules d'autant
plus incapables d'être dilatées , & de
céder à l'impulfion de l'air , que ce fluide
toujours extrêmement chargé de ces vapeurs
, & conféquemment peu élastique ,
au lieu de vaincre cette réfiſtance ne faifoit
que l'augmenter de plus en plus par
l'irritation continuelle des efprits qu'il y
portoit fans ceffe ; de forte que la refpiration
bientôt fuffoquée a produit néceffairement
une ceffation totale de la circula-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tion du fang , qui dans quelques minutes
a fait périr ces malheureux.
par Ce que j'avance fe trouve confirmé
le prompt rétabliſſement du palfernier &
du poftillon , qui ont eu le bonheur d'étre
retirés de la cuve avant que les poulmons
euffent été confidérablement affectés . Affez
élaſtique pour en vaincre la réſiſtance, l'air
extérieur a rétabli la refpiration , & rendu
à la circulation fa liberté naturelle. Le
poſtillon a feulement confervé pendant
quelques jours un affoibliffement , effet
fenfible des violentes fecouffes que les
nerfs avoient fouffertes.
, Il n'eft pas nouveau comme je l'ai annoncé
, Monfieur , de voir périr des gens
dans de grandes cuves en foulant une
vendange qui fermente, Enivrés & étourdis
par les efprits que la fermentation évapore
, ils tombent dans le vin , & périffent
bientôt noyés s'ils ne font pas fecourus à
tems ; mais dans ce cas-ci il paroît fingu-
Hier de les voir périr prefque fubitement
dans une cuve vuide , où il y avoit à peine
deux ou trois lignes de lie répandue fur le
fond , dans une cuve découverte depuis
plus de trois quarts-d'heure ; de voir enfin
arriver cet accident au mois d'avril , dans
un tems où la fermentation n'eft plus fenfible.
On peut cependant rendre raiſon
de ces effets furprenans.
JUILLET. 1755. 123
1º. On fera moins étonné de la promptitude
de la mort de ces quatre hommes ,
fi l'on fait attention qu'ils fe font tous
baiffés ; le petit domeftique pour balayer
& faire fortir la lie , & les trois autres fucceffivement
pour relever ceux qui étoient
tombés avant eux ; qu'en inclinant ainfi
la face vers le fond de la cuve & en s'enfonçant
dans le plus épais de la vapeur
ils l'ont humée directement avec la plus
grande abondance , & fe font exposés à fa
plus vive impreffion ; au lieu que le Cuifinier
qui n'y eft pas entierement defcendu
& qui eft demeuré debout , n'en a reçu
qu'une petite portion , qui n'ayant agi que
foiblement lui a laiffé le tems de gagner
le haut de la cuve , & de retourner à l'air
pur.
2. On trouve dans la configuration &
dans la fituation de cette cuve la raifon du
fécond effet ; c'est-à-dire comment les vapeurs
avoient pu s'y ramaffer en une auffi
grande quantité dès qu'il n'y avoit pas de
vin , & y demeurer renfermées malgré la
communication qui depuis trois quartsd'heure
étoit ouverte avec l'air extérieur.
C'étoit une grande cuve , d'environ neuf
pieds de profondeur , dont la circonférence
ne répondoit pas à la hauteur , faite en
forme de cône coupé , qui avoit fon fond
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
à la bafe & l'ouverture au fommet , dont
l'ouverture enfin étoit peu éloignée du toît
du cuvage : A quoi on peut ajouter que le
vin n'en ayant pas été tiré tout d'un trait
mais à repriſes , les efprits qui s'exhaloient
fans ceffe de celui qui y reftoit , au lieu
de s'attacher à la couverture de la cuve ,
comme il feroit arrivé fi elle avoit continué
d'être pleine , ſe répandoient & demeuroient
fufpendus dans l'air qui prenoit
à chaque fois la place du vin tiré ; deforte
la Cuve s'eft trouvée remplie par
dégrés d'un air extrêmement chargé de
ces vapeurs , dont les plus baffes n'ont pas
pu fe diffiper , foit a caufe de la profondeur
de la cuve , foit à cauſe de fa figure
conique & de la moindre étendue de fon
ouverture , foit enfin à cauſe de la proxique
mité du toît.
3 °. Les raifons que je viens de rapporter
, font affez voir comment l'évaporation
ordinaire qui fe fait du vin , a pu , fans le
fecours de la fermentation , fournir beau-
Coup de vapeurs dans cette cuve . Il faut
obferver de plus que la chaleur printaniere
qui ranime & fait monter la féve dans les
plantes , excite dans le vin une feconde
fermentation , qui , quoique moins fenfible
que la premiere , ne laiffe pas d'être
confidérable. Les vins blancs fpiritueux ,
JUILLET . 1755. 125
tels que ceux de Champagne , mis en
bouteilles au mois de Mars & d'Avril les
caffent , font partir les bouchons , & s'élancent
en mouffe par l'ouverture. Ils font
tranquilles au contraire , & ne produifent
aucun de ces effets violens fi on les y met
dans d'autres faifons : Or c'eft précisément
fur la fin de Mars & dans le courant d'Avril
que cette cuve avoit été vuidée , c'eftà-
dire au tems de cette feconde fermentation
, & elle a dû être très- grande dans
une auffi grande quantité de vin , parce
que les chaleurs ont été très - vives pendant
tout ce tems dans cette province , &
que cette cuve étoit placée à côté d'une
porte expofée au plein midi ; il n'eft donc
pas furprenant qu'il s'y foit fait une grande
évaporation d'efprits.
Il me femble qu'on peut comparer cette
cave à une espece de méphitis . La feule
différence que j'y vois , c'eft que là ce font
des vapeurs minérales , fulphureufes ou
falines , & qu'ici ce font des foufres végétaux
, exaltés & volatifés par la fermentation.
Je trouve une certaine affinité entre
fes effets & ceux de la fameuse Mofète de
la Grotte du Chien , près du lac Agnano
dans le royaume de Naples. Les hommes
plongés dans la vapeur de la cuve , comme
les animaux plongés dans celle de la
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
grotte font tombés fubitement évanouis ,
& font morts bientôt dès qu'il n'a pas été
poffible de les en retirer affez vîte . Ceux
qui ont eu le bonheur d'être remis promp
tement à l'air extérieur , font revenus de
même fans aucune fuite fâcheufe ; & fi les
hommes font tombés fans mouvement dès
l'inftant qu'ils fe font baiffés dans la cuve ,
au lieu que les animaux dans la vapeur de
la grotte s'agitent quelque tems par des
mouvemens convulfifs , cela vient fans
doute de ce que cette vapeur plus groffiere
& moins pénétrante que les efprits ardens
du vin , ne porte pas au nez , & n'affecte
pas le genre nerveux , de maniere à y cau,
fer cette constriction fubite , qui a intercepté
le cours de ces efprits.
Dans l'impoffibilité où l'on étoit de retirer
affez vîte ces malheureux de la vapeur
, y auroit- il eu quelque moyen de
les empêcher de périr ? Je crois qu'en arrofant
le dedans de la cuve de beaucoup
d'eau , on y auroit peut- être réuffi. D'un
côté les gouttes de ce fluide en fe précipitant
, auroient précipité avec elles les efprits
répandus dans l'air , & lui auroient
rendu fa pureté & fon reffort ; & de l'autre
celles qui feroient tombées fur le corps
de ces mourans , auroient pu en rappellant
la force fiftaltique des vaiffeaux , ranimer
JUILLET. 1755 . 127
la circulation qui s'éteignoit. L'expérience
apprend que les animaux à demi- fuffoqués
dans la grotte du Chien reprennent
beaucoup plus vite leurs efprits , fi on les
plonge dans l'eau du lac Agnano ; mais
il auroit fallu employer ce moyen à tems :
ce qui auroit été difficile dans ce cas , à
caufe de l'éloignement qui fe trouve du
cuvage à la fontaine .
Enfin , Monfieur , fi cet accident eft
pour ceux qui font dans le cas de faire
vuider de pareilles cuves , un avertiffement
de ne point y expofer perfonne fans
avoir donné à la vapeur le tems de fe diffiper
, ou du moins fans l'avoir précipitée
avec de l'eau , il n'en préfente pas un moins
important pour ceux qui font un ufage immodéré
du vin & des liqueurs ardentes ;
car fi ces efprits appliqués au-dehors ont
produit des effets auffi prompts & auffi
funeftes , combien ne doivent - ils pas en
produire de fâcheux , lorfque pris intérieu
rement avec excès , & circulant dans la
maffe des humeurs ils fe portent au cerveau
, & agiffent immédiatement fur les
fibres médullaires & nerveufes ?
J'ai l'honeur d'être , &c .
A Riom en Auvergne , le 15 Mai 1755 .
, de la Faculté de Montpellier , à un
Médecin defes amis , fur un accident arrivé
dans le cuvage de M. le Comte de la
Queuille , Brigadier des armées du Roi ,
Colonel du Régiment de Nice , au château
de Chateangay , près de Riom en Auvergne.
A
Vez -vous entendu parler , Monfieur
, d'un accident arrivé chez M.
le Comte de la Queuille , à Chateaugay ,
le 24 du mois d'Avril dernier ? il n'eft pas ,
on peut le dire , abſolument nouveau ;
mais il me paroît accompagné de circonf
tances affez frappantes pour mériter peuts
être un peu de votre attention .
On avoit achevé de vuider te matin une
116 MERCURE DE FRANCE.
cuve où l'on avoit confervé pendant l'hiver
fix à fept cens pots de vin de notre
mefure , qui , comme vous le fçavez , à
quinze pintes le pot , font un objet de
neuf à dix mille pintes de Paris.
3
Environ trois quarts d'heure après
l'avoir découverte , le fommelier de la
maiſon , nommé Joli , eut l'imprudence
de commander à un jeune domeftique de
feize à dix-fept ans d'y entrer avec un balai
pour la nettoyer & en faire fortir la
lie. Cet enfant lui repréfenta le danger
auquel il vouloit l'expofer , & qu'il devoit
d'autant plus connoître que peu de
jours avant il étoit forti lui-même à la
hâte & à demi-mort d'une cuve pareille ,
quoique découverte depuis fept à huit
jours. Joli s'obftina , on ne fçait pas trop
pourquoi , & le petit domeftique effrayé
de fes menaces eut le malheur de lui obéir ;
mais à peine fut-il defcendu dans la cuve
qu'il tomba roide , fans connoiffance &
fans mouvement . Joli ne l'entendant
travailler ni repondre aux commandemens
réiterés qu'il lui en faifoit , vit bien alors ,
mais trop tard , les fuites de fon imprudence
; il faute dans la cuve pour le fecourir
, en criant à un marmiton qui fe trouvoit
auffi dans le cuvage , de lui faire venir
du fecours. Il fe baiffe pour relever
pas
JUILLET. 1755 117
#
l'enfant qui fe mouroit , & tombe dans lẹ
même état que lui.
Le marmiton court au château , il trouve
dans la cuifine un payfan , un des Gardes-
chaffe , le Cuifinier & un laquais ; il
feur apprend l'embarras de Joli. On vole
à fon fecours. L'allarme fe répand dans le
château : Maîtres , Domeftiques , tout le
monde s'empreffe de gagner le cuvage. Le
payfan qui étoit un jeune homme de vingtdeux
ans , fort & vigoureux , arrive , &
defcend le premier dans cette cuve funeſte ,
il veut encore fe baiffer pour relever ces
deux perfonnes qu'il voyoit fans mouvement
; & dans l'inftant , comme s'il eût
été frappé de la foudre , il tombe lui - mê-'
me inmobile , & pour ainfi dire mort . Le
Garde- chaffe qui venoit après lui fuit ſon
exemple , & fubit le même fort.
Le Cuifinier qui defcendoit le troifieme,
voyant ce trifte fpectacle , & fe fentant
tout-à- coup étouffer par les vapeurs
qui s'élevoient , remonte au plus vite au
haut de la cuve , il arrête le laquais qui
avoit déja une partie du corps dedans , &
tous deux hors d'état de fecourir les mourans
, bornerent leurs foins à empêcher de
defcendre ceux qui les fuivoient ; mais le
zéle de tous ces domeftiques pour fauver
la vie à leurs camarades étoit fi grand ,
18 MERCURE DE FRANCE.
qu'ils voyoient à peine un danger audi
effrayant. Un paltrenier fe jette dans la
cuve , & le trouve pris auffi tôt , mais
comme le haut en étoit déja bordé de
beaucoup de monde , il fat affez heureux
pout qu'on le faifit aux cheveux dans le
moment qu'il alloit tomber , & qu'on le
retira évanoui. Il en fut de même d'un
poftillon , à qui on paffa une corde fous
Fes bras dans le tems qu'il defcendoit , &
qu'on arracha à la mort par ce moyen ; ils
revinrent l'un & l'autre dès qu'ils furent
expofés à l'air extérieur .
Dansle trouble où l'on étoit , ne voyant
aucune reſſource pour retirer ces quatre
hommes de la cuve , on prit le parti de la
tompre ; mais comme les cercles en étoient
très-forts , garnis de bandes de fer , & que
les douves en étoient unies par des chevilles
, l'opération fut longue , & ces malheureux
étoient morts , lorfqu'on fut à
portée de leur donner du fecours.
Cependant on avoit envoyé chercher
un Chirurgien au bourg le plus près . Dès
qu'il fut arrivé , on effaya de les faigner ;
il ne fortit de fang qu'une ou deux gouttes
de l'ouverture qui fut faite au plus
jeune , qui le premier étoit entré dans la
cuve. Les autres n'en donnerent pas. Оп
deur jetta de l'eau au vifage ; on leur mit
JUILLET . 1755. 119
des eaux fpiritueufes dans la bouche &
dans le nez . Tous ces foins furent inutiles.
Il ne parut aucun figne de vie.
Il eft conftant , Monfieur , qu'on ne peut
attribuer la caufe de ces morts , qu'aux
vapeurs ou efprits ardens du vin qui s'étoient
ramaffés dans cette cuve , & qui
continuoient de s'exhaler de la lie qui y
reftoit. On ne peut pas en reconnoître
d'autre . Le vin étoit très- naturel & fort
bon. Il avoit été vendu en détail à des
marchands de nos montagnes , qui en
avoient débité déja la plus grande partie
dans leurs cabarets , fans que perfonne fe
fût plaint d'en avoir reçu la moindre incommodité.
J'aurois bien fouhaité avoir
été averti à tems pour voir par l'ouverture
de ces cadavres les effets que ces efprits
pénétrans avoient produits fur les différentes
parties qui en avoient fouffert l'impreffion
. M. le Comte de la Queuille qui
me fit appeller deux jours après pour voir
Madame la Comteffe fon époufe , que la
frayeur & la douleur de cet événement
avoient fort incommodée , me dit avoir
été fâché de ne me l'avoir pas mandé plu
iôt ; mais qu'il n'y avoit penfé qu'après
l'enterrement.
Je fus donc forcé de me borner à interroger
ceux qui avoient manqué à être
120 MERCURE DE FRANCE.
>
enveloppés dans ce malheur. Le palfrenier
& le poftillon ne me donnerent pas de
grands éclairciffemens . La maniere promp
te dont ils avoient été pénétrés de la vapeur
, la connoiffance qu'ils avoient perdu
à l'inftant ne leur avoient laiffé le
pas
tems de s'appercevoir de ce qui avoit produit
leur évanouiffement. Le Cuifinier qui
n'avoit reçu cette vapeur qu'à demi , & qui
s'étoit toujours reconnu , fut plus en état
de me rendre compte de ce qu'il en avoit
reffenti. Il me dit qu'elle lui étoit montée
au nez avec tant de force , qu'il en avoit
été fubitement étourdi , & qu'il avoit en
même-tems & par la même caufe , ſenti
que la refpiration lui manquoit.
Je m'informai auffi de l'état de ces malheureux
après qu'on les eût retirés de la
cuve ; ils étoient femblables en tout à
ceux qui font morts fuffoqués. Une Demoiſelle
qui avoit travaillé à leur donner
du fecours , m'en dit une feule particularité
qui l'avoit frappée : c'eft qu'en leur
ouvrant la bouche pour y introduire des
eaux fpiritueufes , elle avoit trouvé leurs
gencives , leurs dents , leur palais & leur
Langue , blancs , deffechés & comme à demi-
cuits. J'en conclus que ces vapeurs
volatiles & pénétrantes ont produit deux
principaux effets , que je regarde comme
la
JUILLE T. 1755. 121
la caufe de la mort prefque fubite de ces
quatre hommes , 1 °. qu'entraînées par l'air
avec abondance & rapidité dans la cavité
du nez & des finus qui y aboutiſſent , elles
ont fecoué & picotté vivement les petites
pointes nerveufes de la membrane pituitaire
faciles à ébranler. Cette irritation
communiquée au cerveau a produit dans
tous les nerfs une contraction fpafmodique
, une conftriction qui a intercepté
dans l'inftant l'écoulement des efprits animaux
vers les organes des fens & vers les
mufcles ; ce qui a donné lieu à la privation
fubite des fenfations & des mouvemens.
2º . Qu'entraînées pareillement au tems
de l'inſpiration dans la trachée artere &
dans les poulmons , elles les ont crepés ,
defféchés & comme cuits , ainsi qu'on l'a
obfervé aux gencives , au palais & à la
langue ; ce qui a rendu les véhicules d'autant
plus incapables d'être dilatées , & de
céder à l'impulfion de l'air , que ce fluide
toujours extrêmement chargé de ces vapeurs
, & conféquemment peu élastique ,
au lieu de vaincre cette réfiſtance ne faifoit
que l'augmenter de plus en plus par
l'irritation continuelle des efprits qu'il y
portoit fans ceffe ; de forte que la refpiration
bientôt fuffoquée a produit néceffairement
une ceffation totale de la circula-
F
122 MERCURE DE FRANCE.
tion du fang , qui dans quelques minutes
a fait périr ces malheureux.
par Ce que j'avance fe trouve confirmé
le prompt rétabliſſement du palfernier &
du poftillon , qui ont eu le bonheur d'étre
retirés de la cuve avant que les poulmons
euffent été confidérablement affectés . Affez
élaſtique pour en vaincre la réſiſtance, l'air
extérieur a rétabli la refpiration , & rendu
à la circulation fa liberté naturelle. Le
poſtillon a feulement confervé pendant
quelques jours un affoibliffement , effet
fenfible des violentes fecouffes que les
nerfs avoient fouffertes.
, Il n'eft pas nouveau comme je l'ai annoncé
, Monfieur , de voir périr des gens
dans de grandes cuves en foulant une
vendange qui fermente, Enivrés & étourdis
par les efprits que la fermentation évapore
, ils tombent dans le vin , & périffent
bientôt noyés s'ils ne font pas fecourus à
tems ; mais dans ce cas-ci il paroît fingu-
Hier de les voir périr prefque fubitement
dans une cuve vuide , où il y avoit à peine
deux ou trois lignes de lie répandue fur le
fond , dans une cuve découverte depuis
plus de trois quarts-d'heure ; de voir enfin
arriver cet accident au mois d'avril , dans
un tems où la fermentation n'eft plus fenfible.
On peut cependant rendre raiſon
de ces effets furprenans.
JUILLET. 1755. 123
1º. On fera moins étonné de la promptitude
de la mort de ces quatre hommes ,
fi l'on fait attention qu'ils fe font tous
baiffés ; le petit domeftique pour balayer
& faire fortir la lie , & les trois autres fucceffivement
pour relever ceux qui étoient
tombés avant eux ; qu'en inclinant ainfi
la face vers le fond de la cuve & en s'enfonçant
dans le plus épais de la vapeur
ils l'ont humée directement avec la plus
grande abondance , & fe font exposés à fa
plus vive impreffion ; au lieu que le Cuifinier
qui n'y eft pas entierement defcendu
& qui eft demeuré debout , n'en a reçu
qu'une petite portion , qui n'ayant agi que
foiblement lui a laiffé le tems de gagner
le haut de la cuve , & de retourner à l'air
pur.
2. On trouve dans la configuration &
dans la fituation de cette cuve la raifon du
fécond effet ; c'est-à-dire comment les vapeurs
avoient pu s'y ramaffer en une auffi
grande quantité dès qu'il n'y avoit pas de
vin , & y demeurer renfermées malgré la
communication qui depuis trois quartsd'heure
étoit ouverte avec l'air extérieur.
C'étoit une grande cuve , d'environ neuf
pieds de profondeur , dont la circonférence
ne répondoit pas à la hauteur , faite en
forme de cône coupé , qui avoit fon fond
Fij
124 MERCURE DE FRANCE .
à la bafe & l'ouverture au fommet , dont
l'ouverture enfin étoit peu éloignée du toît
du cuvage : A quoi on peut ajouter que le
vin n'en ayant pas été tiré tout d'un trait
mais à repriſes , les efprits qui s'exhaloient
fans ceffe de celui qui y reftoit , au lieu
de s'attacher à la couverture de la cuve ,
comme il feroit arrivé fi elle avoit continué
d'être pleine , ſe répandoient & demeuroient
fufpendus dans l'air qui prenoit
à chaque fois la place du vin tiré ; deforte
la Cuve s'eft trouvée remplie par
dégrés d'un air extrêmement chargé de
ces vapeurs , dont les plus baffes n'ont pas
pu fe diffiper , foit a caufe de la profondeur
de la cuve , foit à cauſe de fa figure
conique & de la moindre étendue de fon
ouverture , foit enfin à cauſe de la proxique
mité du toît.
3 °. Les raifons que je viens de rapporter
, font affez voir comment l'évaporation
ordinaire qui fe fait du vin , a pu , fans le
fecours de la fermentation , fournir beau-
Coup de vapeurs dans cette cuve . Il faut
obferver de plus que la chaleur printaniere
qui ranime & fait monter la féve dans les
plantes , excite dans le vin une feconde
fermentation , qui , quoique moins fenfible
que la premiere , ne laiffe pas d'être
confidérable. Les vins blancs fpiritueux ,
JUILLET . 1755. 125
tels que ceux de Champagne , mis en
bouteilles au mois de Mars & d'Avril les
caffent , font partir les bouchons , & s'élancent
en mouffe par l'ouverture. Ils font
tranquilles au contraire , & ne produifent
aucun de ces effets violens fi on les y met
dans d'autres faifons : Or c'eft précisément
fur la fin de Mars & dans le courant d'Avril
que cette cuve avoit été vuidée , c'eftà-
dire au tems de cette feconde fermentation
, & elle a dû être très- grande dans
une auffi grande quantité de vin , parce
que les chaleurs ont été très - vives pendant
tout ce tems dans cette province , &
que cette cuve étoit placée à côté d'une
porte expofée au plein midi ; il n'eft donc
pas furprenant qu'il s'y foit fait une grande
évaporation d'efprits.
Il me femble qu'on peut comparer cette
cave à une espece de méphitis . La feule
différence que j'y vois , c'eft que là ce font
des vapeurs minérales , fulphureufes ou
falines , & qu'ici ce font des foufres végétaux
, exaltés & volatifés par la fermentation.
Je trouve une certaine affinité entre
fes effets & ceux de la fameuse Mofète de
la Grotte du Chien , près du lac Agnano
dans le royaume de Naples. Les hommes
plongés dans la vapeur de la cuve , comme
les animaux plongés dans celle de la
Fiij
126 MERCURE DE FRANCE.
grotte font tombés fubitement évanouis ,
& font morts bientôt dès qu'il n'a pas été
poffible de les en retirer affez vîte . Ceux
qui ont eu le bonheur d'être remis promp
tement à l'air extérieur , font revenus de
même fans aucune fuite fâcheufe ; & fi les
hommes font tombés fans mouvement dès
l'inftant qu'ils fe font baiffés dans la cuve ,
au lieu que les animaux dans la vapeur de
la grotte s'agitent quelque tems par des
mouvemens convulfifs , cela vient fans
doute de ce que cette vapeur plus groffiere
& moins pénétrante que les efprits ardens
du vin , ne porte pas au nez , & n'affecte
pas le genre nerveux , de maniere à y cau,
fer cette constriction fubite , qui a intercepté
le cours de ces efprits.
Dans l'impoffibilité où l'on étoit de retirer
affez vîte ces malheureux de la vapeur
, y auroit- il eu quelque moyen de
les empêcher de périr ? Je crois qu'en arrofant
le dedans de la cuve de beaucoup
d'eau , on y auroit peut- être réuffi. D'un
côté les gouttes de ce fluide en fe précipitant
, auroient précipité avec elles les efprits
répandus dans l'air , & lui auroient
rendu fa pureté & fon reffort ; & de l'autre
celles qui feroient tombées fur le corps
de ces mourans , auroient pu en rappellant
la force fiftaltique des vaiffeaux , ranimer
JUILLET. 1755 . 127
la circulation qui s'éteignoit. L'expérience
apprend que les animaux à demi- fuffoqués
dans la grotte du Chien reprennent
beaucoup plus vite leurs efprits , fi on les
plonge dans l'eau du lac Agnano ; mais
il auroit fallu employer ce moyen à tems :
ce qui auroit été difficile dans ce cas , à
caufe de l'éloignement qui fe trouve du
cuvage à la fontaine .
Enfin , Monfieur , fi cet accident eft
pour ceux qui font dans le cas de faire
vuider de pareilles cuves , un avertiffement
de ne point y expofer perfonne fans
avoir donné à la vapeur le tems de fe diffiper
, ou du moins fans l'avoir précipitée
avec de l'eau , il n'en préfente pas un moins
important pour ceux qui font un ufage immodéré
du vin & des liqueurs ardentes ;
car fi ces efprits appliqués au-dehors ont
produit des effets auffi prompts & auffi
funeftes , combien ne doivent - ils pas en
produire de fâcheux , lorfque pris intérieu
rement avec excès , & circulant dans la
maffe des humeurs ils fe portent au cerveau
, & agiffent immédiatement fur les
fibres médullaires & nerveufes ?
J'ai l'honeur d'être , &c .
A Riom en Auvergne , le 15 Mai 1755 .
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Résumé : Lettre de M. Dequen, Docteur en Médecine, de la Faculté de Montpellier, à un Médecin de ses amis, sur un accîdent arrivé dans le cuvage de M. le Comte de la Queuille, Brigadier des armées du Roi, Colonel du Régiment de Nice, au château de Chateaugay, près de Riom en Auvergne.
Le 24 avril, un accident mortel s'est produit au château de Chateaugay, près de Riom en Auvergne. Un jeune domestique, chargé de nettoyer une cuve à vin, tomba inconscient après avoir inhalé des vapeurs toxiques. Le sommelier, tentant de le secourir, connut le même sort, ainsi que plusieurs autres domestiques alertés par la situation. Au total, quatre hommes périrent asphyxiés par les vapeurs du vin, identifiées comme des 'esprits ardents'. Ces vapeurs, malgré la cuve étant vide depuis trois quarts d'heure, étaient suffisamment concentrées pour être mortelles. La configuration de la cuve, en forme de cône coupé et proche du toit du cuvage, ainsi que la chaleur printanière favorisant une seconde fermentation du vin, avaient permis cette concentration. Les symptômes observés chez les victimes, tels que des gencives et une langue blanches et desséchées, confirmèrent l'impact des vapeurs sur les voies respiratoires et le système nerveux. Deux domestiques, retirés à temps, se rétablirent rapidement. Le texte compare cet incident à la fameuse Mofète de la Grotte du Chien près du lac Agnano, dans le royaume de Naples. Les vapeurs de cette grotte provoquent également des évanouissements et la mort rapide des personnes et des animaux exposés. Cependant, les animaux s'agitent avant de succomber, contrairement aux hommes qui perdent connaissance instantanément. Cette différence est attribuée à la nature plus grossière et moins pénétrante de la vapeur de la grotte, qui n'affecte pas les nerfs de la même manière que les esprits ardents du vin. L'auteur suggère que l'arrosage de la cuve avec de l'eau pourrait sauver les personnes exposées, en précipitant les esprits volatils et en rappelant la force systolique des vaisseaux. Cette méthode est efficace pour les animaux dans la grotte du Chien, mais son application rapide est difficile en raison de la distance entre la cuve et la fontaine. Le texte met en garde contre l'exposition aux vapeurs sans précaution et contre l'abus du vin et des liqueurs ardentes, qui peuvent avoir des effets néfastes sur le cerveau et les fibres nerveuses.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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