Résultats : 1867 texte(s)
Détail
Liste
251
p. 80-89
Leur arrivée à Vincennes, avec des remarques curieuses de ce qui s'y est passé pendant le sejour qu'ils y ont fait. [titre d'après la table]
Début :
On alla le soir coucher à Vincennes. Les Ambassadeurs auroient [...]
Mots clefs :
Roi de Siam, Vincennes, Chambre, Paris, Coucher, Ambassadeurs, Château de Vincennes, Storf, Père de La Chaise, Entrée publique
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texteReconnaissance textuelle : Leur arrivée à Vincennes, avec des remarques curieuses de ce qui s'y est passé pendant le sejour qu'ils y ont fait. [titre d'après la table]
On alla
le foir coucher à Vincennes.
Les Ambaſſadeurs
auroient couché dans le
Chaſteau , s'il n'euſt point
eſté remply d'Ouvriers
qui y travailloient à quel.
ques racommodemens .
de Siam. 81
On les logea dans la. Maifon
du lieu qu'on trouva
la plus commode . On avoit
marqué une chambre
pour le troifiéme Ambaſſadeur
au deſſus de
celle du premier . M² Storf
le mena voir cette chambre
, qui luy pleut beaucoup
à cauſe de la veuë.
Aprés qu'il l'eut bien confiderée
, & qu'il eut auffi
regardé Paris , & l'Arc de
Triomphe qui est hors la
Porte de S. Antoine , il
82 Voyage des Amb.
&
s'aviſa de demander qui
eſtoit celuy qui devoit
coucher au deſſous de
cette Chambre. On luy
répondit que c'eſtoit le
premier Ambaffadeur ,
auffi- toft changeant de
viſage , & ne pouvant déguiſer
le trouble qui l'agitoit
, il fortit avec précipitation
comme s'il luy
fuſt arrivé quelque malheur
extraordinaire . On
luy endemanda la cauſe ,
&il dit , Que la Lettre du
de Siam. 83
e
Roy de Siam devoit estre
dans la chambre qui estoit
au deffons de celle que l'on
vouloit luy donner , & que
devant eftre toûjours plus
3 bas que la Lettre, il n'avoit
garde de coucher au deffus
d'unlieu où il ſçavoit bien
qu'on la mettroit. Quoy
Y
10
qu'il ne fuſt pas aifé de
trouver une autre cham-
1. bre dans tout ce logis qui
convinſt à fadignitéd'Ame,
baſſadeur , il aima mieux
eftre incommodé & mal
84 Voyage des Amb.
logé, que de ne pas fatisfaire
à un reſpect qu'il regardoit
comme un devoir
indiſpenſable , & auquel
il ne pouvoit manquer
fans commettre un crime
capital. Le lendemain ils
allerent voir les Animaux
qui font gardez dans le
Parc . Ils virent auſſi le
Chaſteau , & ayant remarqué
d'abord que les
Appartemens en eſtoient
doubles , ils dirent que de
pareils Logemens eſtoient
de Siam. 85
fort commodes. Ils vifiterent
les Tours ,&firent
plufieurs queſtions , fur
tout ce qui leur parut digned'eſtre
examiné. Si toſt
qu'on eut ſçeu icy leur
arrivée à Vincennes , &
quele bruit ſe fut répandu
e qu'ils y devoient paffer
e quelque temps , les plus
curieux s'y rendirent pour
es les voir , croyant qu'il y
at auroit moins de foule
e qu'on n'en trouveroit
quand ils feroient à Paris .
86 Voyage des Amb.
Cependant le nombre de
ceux dont la curiofité ne
put fouffrir de retardement
ſe trouva fort
grand. Le Pere de la Chaife
, plein de reconnoiffance
de l'eſtime particuliere
que le Roy de Siam fait
de tous ceuxde fonOrdre,
des marques qu'il en a
données aux Jefuites qui
paffoient par ſes Etats
pour ſe rendreà la Chine ,
& de l'honneur qu'il a
fait à leur Societé , en dede
Siam. 87
mandant pluſieurs de
1 leurs Peres pour demeurer
dans fon Royaume ,
avec offre de leur faire
baſtir des Eglifes & des
Maiſons , alla leur faire
compliment à Vincennes.
Lors qu'ils eurent ſceu le
Trang que ce Pere tient en
France ,& fon merite perfonnel,
ils ſe tinrent extremement
honorez de fa
e viſite , & luy firent tous
les honneurs qu'ils purent
s'imaginer . A durnos
88 Voyage des Amb.
Comme les Balots qui
renfermoient leurs Preſens
, ne pouvoient fi- toſt
arriver icy, parce qu'aprés
avoir eſté débarquez , il
avoit falu les mettre à
Roüen dans des Bateaux
qui ſont obligez de remonter
la Riviere de Seine
pour venir à Paris , ce
qui demande beaucoup
de temps , les Ambaſſadeurs
voyant qu'ils ne
pourroient avoir fi promtement
Audience de Sa
de Siam. 89
1
Majesté , à cauſe que ces
Preſens devoient eftre
conduits à Versailles , &
expoſez dans le lieu de
l'Audience , fuivant l'uſage
de leur Pays , furent
bien aiſes de differer leur
Entrée publique à Paris.
le foir coucher à Vincennes.
Les Ambaſſadeurs
auroient couché dans le
Chaſteau , s'il n'euſt point
eſté remply d'Ouvriers
qui y travailloient à quel.
ques racommodemens .
de Siam. 81
On les logea dans la. Maifon
du lieu qu'on trouva
la plus commode . On avoit
marqué une chambre
pour le troifiéme Ambaſſadeur
au deſſus de
celle du premier . M² Storf
le mena voir cette chambre
, qui luy pleut beaucoup
à cauſe de la veuë.
Aprés qu'il l'eut bien confiderée
, & qu'il eut auffi
regardé Paris , & l'Arc de
Triomphe qui est hors la
Porte de S. Antoine , il
82 Voyage des Amb.
&
s'aviſa de demander qui
eſtoit celuy qui devoit
coucher au deſſous de
cette Chambre. On luy
répondit que c'eſtoit le
premier Ambaffadeur ,
auffi- toft changeant de
viſage , & ne pouvant déguiſer
le trouble qui l'agitoit
, il fortit avec précipitation
comme s'il luy
fuſt arrivé quelque malheur
extraordinaire . On
luy endemanda la cauſe ,
&il dit , Que la Lettre du
de Siam. 83
e
Roy de Siam devoit estre
dans la chambre qui estoit
au deffons de celle que l'on
vouloit luy donner , & que
devant eftre toûjours plus
3 bas que la Lettre, il n'avoit
garde de coucher au deffus
d'unlieu où il ſçavoit bien
qu'on la mettroit. Quoy
Y
10
qu'il ne fuſt pas aifé de
trouver une autre cham-
1. bre dans tout ce logis qui
convinſt à fadignitéd'Ame,
baſſadeur , il aima mieux
eftre incommodé & mal
84 Voyage des Amb.
logé, que de ne pas fatisfaire
à un reſpect qu'il regardoit
comme un devoir
indiſpenſable , & auquel
il ne pouvoit manquer
fans commettre un crime
capital. Le lendemain ils
allerent voir les Animaux
qui font gardez dans le
Parc . Ils virent auſſi le
Chaſteau , & ayant remarqué
d'abord que les
Appartemens en eſtoient
doubles , ils dirent que de
pareils Logemens eſtoient
de Siam. 85
fort commodes. Ils vifiterent
les Tours ,&firent
plufieurs queſtions , fur
tout ce qui leur parut digned'eſtre
examiné. Si toſt
qu'on eut ſçeu icy leur
arrivée à Vincennes , &
quele bruit ſe fut répandu
e qu'ils y devoient paffer
e quelque temps , les plus
curieux s'y rendirent pour
es les voir , croyant qu'il y
at auroit moins de foule
e qu'on n'en trouveroit
quand ils feroient à Paris .
86 Voyage des Amb.
Cependant le nombre de
ceux dont la curiofité ne
put fouffrir de retardement
ſe trouva fort
grand. Le Pere de la Chaife
, plein de reconnoiffance
de l'eſtime particuliere
que le Roy de Siam fait
de tous ceuxde fonOrdre,
des marques qu'il en a
données aux Jefuites qui
paffoient par ſes Etats
pour ſe rendreà la Chine ,
& de l'honneur qu'il a
fait à leur Societé , en dede
Siam. 87
mandant pluſieurs de
1 leurs Peres pour demeurer
dans fon Royaume ,
avec offre de leur faire
baſtir des Eglifes & des
Maiſons , alla leur faire
compliment à Vincennes.
Lors qu'ils eurent ſceu le
Trang que ce Pere tient en
France ,& fon merite perfonnel,
ils ſe tinrent extremement
honorez de fa
e viſite , & luy firent tous
les honneurs qu'ils purent
s'imaginer . A durnos
88 Voyage des Amb.
Comme les Balots qui
renfermoient leurs Preſens
, ne pouvoient fi- toſt
arriver icy, parce qu'aprés
avoir eſté débarquez , il
avoit falu les mettre à
Roüen dans des Bateaux
qui ſont obligez de remonter
la Riviere de Seine
pour venir à Paris , ce
qui demande beaucoup
de temps , les Ambaſſadeurs
voyant qu'ils ne
pourroient avoir fi promtement
Audience de Sa
de Siam. 89
1
Majesté , à cauſe que ces
Preſens devoient eftre
conduits à Versailles , &
expoſez dans le lieu de
l'Audience , fuivant l'uſage
de leur Pays , furent
bien aiſes de differer leur
Entrée publique à Paris.
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Résumé : Leur arrivée à Vincennes, avec des remarques curieuses de ce qui s'y est passé pendant le sejour qu'ils y ont fait. [titre d'après la table]
Le texte décrit l'arrivée des ambassadeurs de Siam à Vincennes. Initialement destinés à loger au château, ils furent hébergés dans une maison locale en raison des travaux. Le troisième ambassadeur insista pour ne pas loger au-dessus du premier, afin de respecter la hiérarchie imposée par la lettre du roi de Siam. Le lendemain, ils visitèrent les animaux du parc et le château, appréciant les appartements doubles. Leur arrivée suscita la curiosité des habitants. Le Père de la Chaise leur rendit visite, exprimant la gratitude du roi de Siam envers les Jésuites. Les ambassadeurs retardèrent leur entrée publique à Paris en attendant l'arrivée de leurs présents, nécessaires pour l'audience avec le roi de France.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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252
p. 89-99
Leur arrivée à Berny, avec ce qu'ils y ont fait & dit pendant le temps qu'ils y ont demeuré. [titre d'après la table]
Début :
Ainsi on choisit Berny pour leur demeure jusques au jour [...]
Mots clefs :
Berny, Château de Berny, Roi, Majesté, Manières françaises, Mansard, Vers siamois, Monsieur de Seignelay, Madame de Seignelay, Langue siamoise, Habillement des femmes, Demi-nudité
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texteReconnaissance textuelle : Leur arrivée à Berny, avec ce qu'ils y ont fait & dit pendant le temps qu'ils y ont demeuré. [titre d'après la table]
Ainſa on choiſit Berny
( pour leur demeure. jufques
au jour de cette Entrée.
Berny eſt une Mai
fon tres agreable , baſties
↑ par le plus fameux Archi
( recte que la France ait eu
f
H
90 Voyage des Amb.
r
depuis long- temps . C'eſt
M Manfard , Oncle de
M'Manſard, aujourd'huy
premier Architecte du
Roy , & Intendant des
Baftimens de Sa Majefté ,
qui a fait tant de beaux
Ouvrages à Verfailles , &
fur tout la grande & la
petite Ecurie , & l'Eglife
Paroiffiale qu'on vient
d'achever , & que le Roy
a fait faire à ſes dépens. Ce
Chasteau estoit autrefois
à la Maiſon de Puyfieux ,
qui la fait baſtir. Il a dede
Siam:
puis efté à Mª de Lionne ,
Secretaire d'Etat, &il appartient
preſentement à
M² l'Abbé de Sainte Genevieve
. On meubla tou
r
te cette Maiſon des meubles
du Roy , & les portes
du Chaſteau, & celles
des Antichambres desAmbaſſadeurs
y ont toujours
efté gardées par les Suiffes.
de Sa Majefté . Ils ont
reçu beaucoup de Vifires
en ce lieu la , & les Per
fonnes de la premiere
Hij;
92 Voyage des Amb.
د
qualité s'y font renduës
pour les voir. Comme
Berny n'eſt qu'à deux
lieuës de Paris on les
a vûs ſans incommodité ,
parce que la foule du
Peuple y a eſté moins
grande que celle des honneſtes
gens. Le ſéjour
que ces Ambaſſadeurs ont
fait dans ce Chaſteau leur
a donné lieu d'en examiner
toutes les Parties , &
ils en ont meſme compré
tous les Arbres. Non feu
de Siam. 93
lement ils font tous les
foirs des memoires de ce
: qu'ils ont vû pendant la
5 journée , mais il y a mefmeun
Mandarin avec eux
qui écrit leur Voyage en
S Vers Siamois .
M'de Bonneüil, Introducteur
des Ambaſſadeurs ,
les alla complimenter à
1 Berny de la part du Roy ,
- &M'de Seignelay leur envoya
dire par un Gentilhomme
, qu'il avoit beaucoup
d'impatience de les
94 Voyage des Amb.
voir , mais que son Employle
retenoit auprés de Sa
Majefté. Il envoya depuis
fçavoir fort ſouvent de
leurs nouvelles , à quoy
ils ont toujours répondu
avec des marques de la
plus forte reconnoiffance.
Ily avoit déja quelque
temps qu'ils eftoient à
Berny lorſque parmy les
diverſes Compagnies qui
y venoient chaque jour ,
ils remarquerent Madame
de Seignelay, comme
deSiam. 95
une Perſonne qui meritoit
de la diſtinction,&le principalAmbaſſadeur
l'ayant
faluée , luy preſenta un
Baffin de Fruits& deCon-
| fitures . Comme elle vouloit
eſtre inconnue, on dit
( à cet Ambaſſadeur que
c'eſtoir une Dame de Bretagne.
Il répondit , Qu'il
avoit traversé toute laBre-
-tagne , & qu'il n'y avoit
point veu de Dame dont la
beauté approchaft de laſienne.
On luy demanda en
96 Voyage des Amb.
fuite s'il la trouvoit bien
mife , & fila maniere dont
les Femmes s'habilloient
en France , luy plaiſoit . Il
répondit , qu'elles ſeroient
encore mieux fi elles estoient
veſtuës comme celles de fon
Pays. On luy demanda
quelle eſtoit la maniere
de leur habillement , & il
répartit qu'elles estoient à
demy nuës. Lors que des
Perſonnes de qualité les
venoient voir à l'heure du
difner , ou du fouper , ils
les
deSiam.
97
1
기
les obligeoient à demeurer
, & les en prioient de
la maniere du monde la
plus engageante
plus honnefte; ils cedoient
& la
meſme leurs Fauteüils,felon
la qualité des Perfonnes
; ils ſervoient à table,
beuvoient à la ſanté de
ceux qu'ils avoient cone
e
viez , & l'on voyoit qu'ils
entroient naturellement
dans les manieres Françoiſes
. Ils ſçavent déja
1 quelques mots François,
I
98 Voyage des Amb.
& ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'ils les prononcent
fans aucun accent
étranger , ce que ne
font pas les Allemans , les
Italiens , & preſque tous
ceux qui veulent parler
la Langue d'une autre
Nation que la leur , ce
qui fait croire que la Langue
Siamoiſe n'a point
d'accent . Rien n'égale l'adreffe
, & la propreté avec
laquelleils pelent du fruit.
Leur maniere eft à re-
4
de Siam. 99
bours de la noftre . Nous
le pelons en dedans , &
eux en dehors ; ils font de
mefme de tout ce qu'ils
coupent. Ils diſent qu'en
coupant ainſi on n'est point
au hazard de ſe bleffer , &
e ils ont raiſon .
( pour leur demeure. jufques
au jour de cette Entrée.
Berny eſt une Mai
fon tres agreable , baſties
↑ par le plus fameux Archi
( recte que la France ait eu
f
H
90 Voyage des Amb.
r
depuis long- temps . C'eſt
M Manfard , Oncle de
M'Manſard, aujourd'huy
premier Architecte du
Roy , & Intendant des
Baftimens de Sa Majefté ,
qui a fait tant de beaux
Ouvrages à Verfailles , &
fur tout la grande & la
petite Ecurie , & l'Eglife
Paroiffiale qu'on vient
d'achever , & que le Roy
a fait faire à ſes dépens. Ce
Chasteau estoit autrefois
à la Maiſon de Puyfieux ,
qui la fait baſtir. Il a dede
Siam:
puis efté à Mª de Lionne ,
Secretaire d'Etat, &il appartient
preſentement à
M² l'Abbé de Sainte Genevieve
. On meubla tou
r
te cette Maiſon des meubles
du Roy , & les portes
du Chaſteau, & celles
des Antichambres desAmbaſſadeurs
y ont toujours
efté gardées par les Suiffes.
de Sa Majefté . Ils ont
reçu beaucoup de Vifires
en ce lieu la , & les Per
fonnes de la premiere
Hij;
92 Voyage des Amb.
د
qualité s'y font renduës
pour les voir. Comme
Berny n'eſt qu'à deux
lieuës de Paris on les
a vûs ſans incommodité ,
parce que la foule du
Peuple y a eſté moins
grande que celle des honneſtes
gens. Le ſéjour
que ces Ambaſſadeurs ont
fait dans ce Chaſteau leur
a donné lieu d'en examiner
toutes les Parties , &
ils en ont meſme compré
tous les Arbres. Non feu
de Siam. 93
lement ils font tous les
foirs des memoires de ce
: qu'ils ont vû pendant la
5 journée , mais il y a mefmeun
Mandarin avec eux
qui écrit leur Voyage en
S Vers Siamois .
M'de Bonneüil, Introducteur
des Ambaſſadeurs ,
les alla complimenter à
1 Berny de la part du Roy ,
- &M'de Seignelay leur envoya
dire par un Gentilhomme
, qu'il avoit beaucoup
d'impatience de les
94 Voyage des Amb.
voir , mais que son Employle
retenoit auprés de Sa
Majefté. Il envoya depuis
fçavoir fort ſouvent de
leurs nouvelles , à quoy
ils ont toujours répondu
avec des marques de la
plus forte reconnoiffance.
Ily avoit déja quelque
temps qu'ils eftoient à
Berny lorſque parmy les
diverſes Compagnies qui
y venoient chaque jour ,
ils remarquerent Madame
de Seignelay, comme
deSiam. 95
une Perſonne qui meritoit
de la diſtinction,&le principalAmbaſſadeur
l'ayant
faluée , luy preſenta un
Baffin de Fruits& deCon-
| fitures . Comme elle vouloit
eſtre inconnue, on dit
( à cet Ambaſſadeur que
c'eſtoir une Dame de Bretagne.
Il répondit , Qu'il
avoit traversé toute laBre-
-tagne , & qu'il n'y avoit
point veu de Dame dont la
beauté approchaft de laſienne.
On luy demanda en
96 Voyage des Amb.
fuite s'il la trouvoit bien
mife , & fila maniere dont
les Femmes s'habilloient
en France , luy plaiſoit . Il
répondit , qu'elles ſeroient
encore mieux fi elles estoient
veſtuës comme celles de fon
Pays. On luy demanda
quelle eſtoit la maniere
de leur habillement , & il
répartit qu'elles estoient à
demy nuës. Lors que des
Perſonnes de qualité les
venoient voir à l'heure du
difner , ou du fouper , ils
les
deSiam.
97
1
기
les obligeoient à demeurer
, & les en prioient de
la maniere du monde la
plus engageante
plus honnefte; ils cedoient
& la
meſme leurs Fauteüils,felon
la qualité des Perfonnes
; ils ſervoient à table,
beuvoient à la ſanté de
ceux qu'ils avoient cone
e
viez , & l'on voyoit qu'ils
entroient naturellement
dans les manieres Françoiſes
. Ils ſçavent déja
1 quelques mots François,
I
98 Voyage des Amb.
& ce qu'il y a de furprenant
, c'eſt qu'ils les prononcent
fans aucun accent
étranger , ce que ne
font pas les Allemans , les
Italiens , & preſque tous
ceux qui veulent parler
la Langue d'une autre
Nation que la leur , ce
qui fait croire que la Langue
Siamoiſe n'a point
d'accent . Rien n'égale l'adreffe
, & la propreté avec
laquelleils pelent du fruit.
Leur maniere eft à re-
4
de Siam. 99
bours de la noftre . Nous
le pelons en dedans , &
eux en dehors ; ils font de
mefme de tout ce qu'ils
coupent. Ils diſent qu'en
coupant ainſi on n'est point
au hazard de ſe bleffer , &
e ils ont raiſon .
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Résumé : Leur arrivée à Berny, avec ce qu'ils y ont fait & dit pendant le temps qu'ils y ont demeuré. [titre d'après la table]
Le texte relate l'accueil des ambassadeurs de Siam à Berny, une demeure choisie pour leur séjour. Berny est décrite comme une maison agréable, construite par l'architecte Mansart, oncle de Jules Hardouin-Mansart, premier architecte du roi et intendant des bâtiments de Sa Majesté. Mansart a réalisé plusieurs ouvrages à Versailles, notamment les grandes et petites écuries ainsi que l'église paroissiale. Le château appartenait autrefois à la Maison de Puyfieux, puis à Madame de Lionne, secrétaire d'État, et appartient actuellement à l'abbé de Sainte-Geneviève. La maison a été meublée avec les meubles du roi, et les portes du château et des antichambres des ambassadeurs sont gardées par les Suisses du roi. Les ambassadeurs ont reçu de nombreux visiteurs à Berny, situé à deux lieues de Paris, ce qui a permis une visite sans encombre. Ils ont examiné toutes les parties du château et ses jardins. Chaque soir, ils rédigeaient des mémoires de leur journée, et un mandarin les accompagnait pour écrire leur voyage en vers siamois. Monsieur de Bonneuil, introducteur des ambassadeurs, les a complimentés de la part du roi, et Monsieur de Seignelay envoyait des nouvelles fréquentes, recevant toujours des réponses reconnaissantes. Les ambassadeurs ont remarqué Madame de Seignelay parmi les visiteurs et lui ont offert un bassin de fruits et confitures. Ils ont également adopté les manières françaises, servant à table et buvant à la santé des visiteurs. Ils ont appris quelques mots de français sans accent étranger, ce qui suggère que la langue siamoise n'a pas d'accent. Leur adresse et propreté dans la pelure des fruits et la coupe des aliments ont également été notées.
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253
p. 99-102
Ils sont regalez à Sceaux par l'ordre de M. de Seignelay, [titre d'après la table]
Début :
Comme la Maison de Sceaux qui est à Mr de Seignelay, [...]
Mots clefs :
Monsieur de Seignelay, Sceaux, Repas, Collation, Manières honnêtes
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils sont regalez à Sceaux par l'ordre de M. de Seignelay, [titre d'après la table]
Comme la Maiſon de
- Sceaux qui est à M de
Seignelay, eſt tout proche
de Berny , on les y mena.
Ils y virent joüer toutes
-les Eaux , dont la beauté
furprend , & étonne tous
I ij
100 Voyage des Amb.
ceux qui n'ont pas encore
eu le plaifir de les voir. Ils
les regarderent avecbeaucoup
d'attention, & comme
on leur demanda s'ils
n'en étoient point ſurpris,
ils répondirent que non.
Ce non étonna , & fut
cauſe qu'on leur dit qu'elles
paſſoient pour belles.
Le principal Ambaſſadeur
répondit , Qu'ils les trouvoient
encore plus belles
qu'on ne croyoit , außi- bien
que le Chasteau, & les meu-
1
de Siam. IOI
bles ; mais que rien de ce qui
appartenoit auauMinistre Ministre de
la Mer du plus grand Roy
de l'Europe , ne les furprenoit
, & qu'ils estoient perfuadez
qu'illuy estoitfacile
d'avoir , tout ce qu'on pouvoit
s'imaginer de beau. II
dit enfuite , que s'ils ne
lovoient pas toutes ces chofes
comme elles le meritoient
, c'estoit parce qu'ils
gardoiet toutes leurs loüanges
pour les beautez de Ver-
Sailles. Ils furent regalez
I iij
102 Voyage des Amb.
و
avant que de partir, d'une
fuperbe Collation fervie
en ambigu, &ils fortirent
fort contens & de ce
qu'ils avoient vû , & du
Repas qu'on leur avoit
fait. Ils ont toujours efté
fi fatisfaits de M² de Seignelay
, qu'il s'eſt paffé
peu dejours , qu'ils ne ſe
foient louez defes manieres
honneftes .
- Sceaux qui est à M de
Seignelay, eſt tout proche
de Berny , on les y mena.
Ils y virent joüer toutes
-les Eaux , dont la beauté
furprend , & étonne tous
I ij
100 Voyage des Amb.
ceux qui n'ont pas encore
eu le plaifir de les voir. Ils
les regarderent avecbeaucoup
d'attention, & comme
on leur demanda s'ils
n'en étoient point ſurpris,
ils répondirent que non.
Ce non étonna , & fut
cauſe qu'on leur dit qu'elles
paſſoient pour belles.
Le principal Ambaſſadeur
répondit , Qu'ils les trouvoient
encore plus belles
qu'on ne croyoit , außi- bien
que le Chasteau, & les meu-
1
de Siam. IOI
bles ; mais que rien de ce qui
appartenoit auauMinistre Ministre de
la Mer du plus grand Roy
de l'Europe , ne les furprenoit
, & qu'ils estoient perfuadez
qu'illuy estoitfacile
d'avoir , tout ce qu'on pouvoit
s'imaginer de beau. II
dit enfuite , que s'ils ne
lovoient pas toutes ces chofes
comme elles le meritoient
, c'estoit parce qu'ils
gardoiet toutes leurs loüanges
pour les beautez de Ver-
Sailles. Ils furent regalez
I iij
102 Voyage des Amb.
و
avant que de partir, d'une
fuperbe Collation fervie
en ambigu, &ils fortirent
fort contens & de ce
qu'ils avoient vû , & du
Repas qu'on leur avoit
fait. Ils ont toujours efté
fi fatisfaits de M² de Seignelay
, qu'il s'eſt paffé
peu dejours , qu'ils ne ſe
foient louez defes manieres
honneftes .
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Résumé : Ils sont regalez à Sceaux par l'ordre de M. de Seignelay, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs visitèrent la Maison de Sceaux, propriété de M. de Seignelay, près de Berny. Ils admirèrent les jeux d'eau, bien que leur beauté ne les surprît pas autant qu'ils l'auraient cru. Interrogés sur leur réaction, ils répondirent qu'ils n'étaient pas étonnés, ce qui suscita de la surprise. Le principal ambassadeur expliqua que les jeux d'eau, le château et les meubles étaient plus beaux qu'ils ne l'avaient imaginé, mais qu'ils n'étaient pas surpris car ils savaient que le ministre de la Mer du plus grand roi d'Europe pouvait posséder tout ce qu'on pouvait imaginer de beau. Ils ajoutèrent qu'ils réservaient leurs louanges pour les beautés de Versailles. Avant leur départ, ils furent invités à une somptueuse collation. Les ambassadeurs furent toujours satisfaits de M. de Seignelay, louant ses manières honnêtes.
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254
p. 102-131
Ils viennent à la Tragedie qu'on represente tous les ans au College de Loüis le Grand, & tout ce qui s'est passé à cet égard. [titre d'après la table]
Début :
Ils estoient encore à Berny, lors qu'ils furent priez [...]
Mots clefs :
Tragédie, Femmes, Berny, Ambassadeurs, Roi, Collège Louis le Grand, Hercule, Ballet, Siam, Ambassadeur, Père de La Chaise, Enfants, Plaisir, Esprit, Princesses, Cheval, Portrait, Clovis, Hôtel des ambassadeurs, Abbé de Dangeau
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texteReconnaissance textuelle : Ils viennent à la Tragedie qu'on represente tous les ans au College de Loüis le Grand, & tout ce qui s'est passé à cet égard. [titre d'après la table]
Ils estoient encore à
Berny , lors qu'ils furent
priez par le Pere de la
de Siam.
103
ב
Ce
e Chaife , de venir à la Traitgedie
du College de Loüis:
le Grand , intitulée Clovis ..
Ils luy répondirent , qu'ils
nc croyoient pas qu'ils duf-
Sent voir perſonne , ny aller
en quelque Maiſon que ce
fust avant que d'avoir rendu
leurs respects au Roy ;
U
t
1
é
e
mais que puis qu'une Pere
Sonne auß ſage, les affuroit
que celaſe pouvoit , ilsy affifteroient
avec plaisir , ne
doutant point qu' allant au
[
College ,ils ne fiffent une
L iiij
104 Voyage des Amb.
choſe agreable aux deux
grands Roys. Le jour que
la Tragedie ſe devoit repreſenter
, ils partirent de
Berny des fix heures du
matin dans des Caroffes
dont les rideaux estoient
tirez , & vinrent incognita
ſe repoſer a l'Hoſtel des
Ambaſſadeurs , qui estoit
tout meublé pour les recevoir
le jour de leur Entrée.
L'heure de la Tragedie
approchant , les Jefuites
du Collegeleur ende
Siam. 105
α
e
0
S
voyerent quatreCaroffes,
avec les livrées de quelques
Princes Etrangers
qui y font en Penfion ,
parmy leſquels eftoient
celles du Fils naturel du
( Roy d'Angleterre, des Enfans
de M le Grand Ge-
S
-
neral de Pologne , & du
Fils de Mele grand General
de Lithuanie. Eſtant
arrivez au lieu qui leur
. eſtoit deſtiné , ils furent
furpris de la grandeur &
de la beauté du Theatre
106 Voyage des Amb.
où l'Action ſe devoit repreſenter
,& ils ne furent
pas moins étonnez de la
grande multitude de perſonnes
de la premiere
qualité , & d'une infinité
de peuple qui s'y trouva ,
fans qu'il y euſt la moindre
confufion. Ils admirerent
l'air dégagé des
Acteurs , & la beautédes
Danfes , & ils prirent un
tres - grand plaifir à voir
danfer les Enfans de Male
Duc de Villeroy , & de
de Siam. 107
.
1
2
-
Mts de Coëtquin, de Sourches
,& de la Mareliere ,
auffi- bien que M'le Chevalier
d'Avaux , tous Penfionnaires
, & qui charmerent
toute l'Affemblée .
Il eft neceffaire que je
yous faſſe icy un court
détail du Balet , afin de
vous faire mieux comprendre
ce qu'ils dirent de
ceDivertiſſement.
Ce Balet avoit quatre
- Parties , & chaque Partie
cinq Entrées .
108 VoyagedesAmb.
On voyoit dans la premiere
partie ce qu'Hercule
a fait pour ſa propre
gloire.
Dans la feconde
و
ce
qu'il a fait pour le bonheur
& pour l'utilité de
fes Peuples .
Dans la troifiéme , ce
qu'il a entrepris pour la
confervation defes Amis ,
&de fes Alliez .
Dans la quatriéme , ce
qu'ila execuré pour l'honneur
des Dieux.
de Siam. 109
t
Le Temps faifoit l'ouverture
du Balet . Il eſtoit
accompagné des Siecles.
Ce Dieu , aprés avoir attendu
pendant pluſieurs
années un Heros que le
Ciel luy avoit promis ,&
qui devoit effacer la gloire
de tous ceux qui a-
1 voient parujuſques alors,
› apprenoit enfin de Mercure,
qu'Hercule eſtoit ce
Heros qui devoit étonner
toute la terre par le nombre
, & par la grandeur
110 Voyage des Amb.
de fes belles actions .
Les travaux d'Hercule
eſtant rapportez à ceux
du Roy dans ce Balet , on
y voyoit ce Monarque
terraffer la Flandre , appaiſer
les Troubles au dedans
, & au dehors de fon
Royaume , dompter la
Triple Alliance , paffer le
Rhin , entrer en Hollande
, défendre les Duels ,
donner la Paix , rendre le
Commerce floriffant ,joindre
les Mers , donner du
de Siam. II
7
fecours à Candie , à la
Hongrie , auffi-bien qu'à
la Suede , foudroyer Alger
& Tripoli , delivrer
les Captifs', proteger fes
↑ Alliez , affoiblir l'Impieté,
foûtenir la vrayeReligion,
□ & détruire l'Herefie.
Il y a longtemps qu'on
| n'a fait de Balet dont le
deſſein ait efte fi beau , &
s qui ait mieux remply l'efprit.
Lors qu'on en explii
quoit les differentes Entrées
aux Ambaſſadeurs ,
112 Voyage des Amb.
ils prévenoient , ſansavoir
fçeu l'Allegorie que l'on avoit
voulu faire, tous ceux
qui leur parloient d'Hercule
, & difoient Que cet
Hercule devoit representer
leRoy , puis qu'il triomphoit
de tous ſes Ennemis , S
portoit la victoire par tout
où il paſſoit . Ils loüerent
fort la Collation qu'on
leur preſenta , & la trouverent
d'une beauté furprenante
, & d'une magnificence
extraordinaire .
de Siam. 113
Pluſieurs perſonnes de la
premiere qualité , comme
Princes , Ducs , Ambaffa-.
- deurs , & autres , les vinrent
voir pendant cette
Tragedie. Illes reçeurent
fort obligeamment ,
répondirent à chacun fe-
&
lon fon Employ , fon rang,
&fa qualité .
| M l'Abbé de Dangeau:
qui connoiſſoit parfaitement
leur merite ,&leur
eſprit , parce qu'il eſt in
time Amy de M'l'Abbé de
K
114 Voyage des Amb.
Choify , & que cet Abbé
luy a meſme adreffé une
fort belle Relation de fon
Voyage de Siam , qui n'a
point eſté imprimée, plein
de la réputation de ces
Ambaſſadeurs , & d'eftime
pour leurs belles qualitez
, les alla voir à Berny
, où ils le retinrent à
fouper . Ils ſe dirent beaucoup
de choſes ſpirituelles
; & enfin M² l'Abbé de
Dangoau dit au premier
Ambaſſadeur , Que dans
de Siam. 115
le defir qu'il avoit de converſer
avecun homme d'efprit
comme luy , il alloit
apprendre la Langue Siamoiſe
L'Ambaſſadeur luy
répondit , Que bien que ce
fuft une Langue a fée , il
luy épargneroit la moitiéde
la peine , en tachant luy
mesme d'aprendre le François
. Comme les Sçavans
font curieux , & que nous
en avons peu qui s'atta
chent plus à apprendre
que M' l'Abbé de Dan
Kij
116 Voyage des Amb.
geau , il luy fit beaucoup
de queſtions , & fut fort
content de ſes réponfes
. Tous ceux qui ont eſt é
voir ces Ambaſſadeurs , &
qui estoient d'un rang à
les entretenir, en font revenus
tout remplisde leur
efprit, & l'on a vû juſques
à vingt Compagnies en
un meſmejour ſortiravec
une entiere fatisfaction
de leurs reparties, toutes
fpirituelles ,& toutes differentes.
Leur civilité n'a
deSiam.
117
pas moins brillé que leur
- eſprit , & dés qu'ils ont
- connu parmy ceux qui les
font venus voir, quelques
perſonnes qui meritoient
d'être diftinguées,ils n'ont
- pas manqué à redoubler
leurs honneſterez . Medu
5 Mets , Garde du Trefor
Royal, eſtant alle un jour
leur rendre viſite , ils le
prierent de diſner fi-toft
qu'ils ſçeurent quiil eſtoit;
-& comme il répondit qu'il
ne pouvoit avoir cet hon118
Voyage des Amb.
neur , parce que des affaires
preffées l'obligeoient
de s'en retourner , ils dirent
que s'il vouloit leur
faire cette grace, ils prieroient
qu'on avançaſt le
difner , ce qu'ils firent ,
Mª du Mers n'ayant pů
A
refifter à une civilité fi engageante
.
Quelques Dames étant
alléesles voir à Berny , ils
ſe ſouvinrent en les enrendant
nommer qu'ils
avoient vú dancer leurs
de Siam. 119
Enfans dans la Tragedie
des Jefuites . Ils demanderent
à les voir , on répondit
qu'on les leur meneroit
dés que le Roy leur
auroit donné Audience ,
& l'on ajoûta que s'ils
vouloient , on les envoyeroitjuſques
à Siam; à quoy
ils répondirent , qu'ils y
Seroient bien receus 2
gnitez . Un autre jour apourvûs
des plus hautes di--
]
vant qu'ils partiffent de
Berny, l'Affemblée ſe trou
120 Voyage des Amb.
va tres - nombreuſe , & il
y avoit un cercle de fort
belles Dames , ce qui fut
cauſe qu'on leur fit diverfes
queſtions pendant cetteApreſdinée
là. Ily en eut
qui leur demanderent.
pourquoy ils n'avoient
pas amené leurs Femmes
avec eux , & ils demanderent
à leur tour , s'il y en
avoit parmy elles qui vouluffent
faire ce voyage en
cas que leurs Marisfe trouvaffent
obligez d'aller à
Siam
de Siam. 121
Siam. Les plus jeunes &
les plus belles de la Compagnie
leur demanderent
s'ils vouloient bien les
prendre pour Femmes, ce
qu'ellescroyoient qui leur
ſeroit permis , puis qu'ils
pouvoient en avoir pluſieurs.
Ils repartirent, Que
nonseulement ils le vouloient
bien , mais qu'ils les
traiteroient avec la diftin-
Etion qu'elles meritoient,
Leur donneroient les plus
beaux Appartemens .
L
122 Voyage des Amb.
Comme on voulut les
railler ſur ce qu'ils avoient
juſqu'à vingt-deux Femmes
, le premier Ambaf.
fadeur dit, Qu'on ne devoit
point s'en étonner , que c'étoit
l'usage du Pays , &que
dans les lieux où les modes
s'établiſſfoient , on s'y accoûtumoit
infeniblement , de
maniere qu'avec le temps ,
elles ne paroiſſfoient plus étranges
,&que par exemple
s'il arrivoit que ce fuft un
jour l'usage queles Femmes
de Siam. 123
-
de France euffent vingtdeux
Maris, il croyoit qu'il
ne leur faudroit pas beaucoup
de temps pour s'accoûtumer
à cette mode , &
- qu'elles seroient ſurpriſes
qu'on y trouvaſt un jour à
redire , de mesme qu'elles
trouvoient aujourd'huy étrange
qu'ily euft des hommes
à Siam qui euffent un
fi grand nombre de Femmes.
Ainfi ils raillerent galamment
, & avec eſprit,
celles qui avoient cru les
Lij
1.24 Voyage des Amb.
embarraffer , ce qu'ils ont
fait pluſieurs fois .
Ils reçeurent un jour
une viſite d'une Compagnie
auffi brillante qu'illuſtre.
Il y avoit M² &
Madame la Princeſſe d'IG
finguen, Madame la Princeffe
de Bournonville , &
Madame la Marquiſe de
Lavardin . Les deux Princeſſes
eſtoient à cheval ,
en Jufte- au- corps & en
Peruques,& veſtuës enfin
comme les Dames l'efde
Siam. 125
-
-
toient dans les Repetitions
du Carroufel , &
comme elles font ordinairement
lors qu'elles
vont à la Chaffe avec le
- Roy. Elles ſe mirent en
cercle,&la converſation
fut auffi galante quefpirituelle.
Les Ambaſfadeurs
furent furpris de leur voir
- des habits fi differens de
ceux des autres Femmes ,
& en demanderent la rai .
fon . On les eclaircit làdeſſus
,& ils loüerent l'a
Liij
126 Voyage des Amb.
dreffe des Dames qui ſças
voient fi bien monter à
cheval ,& comme on s'aperçeut
qu'ils auroient
bien ſouhaité voir de ces
galantes Cavalcades , les
deux Princeſſes , & Mile
Prince d'Iffinguen s'offrirent
à leur donner ce
plaifir; ce qu'ils accepterent
, mais en faiſant paroiſtre
leur refpect , &
en marquant qu'ils n'auroient
ofé le demander.
Les Dames defcendirent
ॐ
127 de Siam.
S
en meſme temps , & les
Ambaſſadeurs ſe mirent
-fur les Balcons qui regardent
la court. M'le Prince
d'Iffinguen , les deux
Princeſſes , & quelques
Gentilshommes de leur
- fuite,monterent auffi- toft
e à cheval , & aprés avoir
- fait quelques tours dans
- la court , on ouvrit le Jardin
, afin que cette galan--
te Troupe euſt plus d'étendue
pour faire voir
fon adreſſe ; les Ambaſſa-
L. iiij
128 Voyage des Amb.
dcurs pafferent de l'autre
cofté, & s'allerent mettre
aux feneftres quidonnent
fur le Jardin . Ils curent
pendant un quart d'heure
le plaifir de voir l'adreſſe
avec laquelle cesilluftres
Perſonnes ſçavoient manier
leurs chevaux. Aprés
cette Cavalcade ils monterent
tous pour prendre
congé des Ambaſfadeurs.
Le Soupé eſtoit preft , &
les Ambaſſadeurs les prefferent
de fi bonne grace
de Siam. 129
:
de leur faire l'honneur de
demeurer à fouper , qu'il
Ieur fut impoffible de s'en
défendre . Ils cederent
e leurs Fautcüils aux Princoffes
, les fervirent pendant
tout le Soupé , &
- burent à leur ſanté. On
but auffi à celle du principal
Ambaſſadeur , &
e de fes vingt- deux Femmes
. On parla du nombre
, & l'on dit agréable-
- ment que c'eſtoit beaue
coup. Il répondit qu'elles
130 Voyage des Amb.
estoient fatisfaites de luy,
& dit en s'adreffant à un
homme qui estoit à table,
Ie pourrois bien, Monfieur,
vous apprendre le Secret
d'en avoir autant . maisje
craindrois que cela ne plût
pas à Madame vostre
Femme.
Les Diamans qu'environnoient
un Portrait
une qu'avoit au bras
Dame qui estoit de ceSoupé
, ayant obligé à le regarder
, on luy demanda
de Siam. 131
de qui estoit ce Portrait.
Elle répondit que c'eſtoit
| celuy de fa Mere,&l'Ambaſſadeur
dit qu'elle devoit
mettre le Portrait
de fon Mary à l'autre
bras . Je paſse par deſsus
beaucoup de reparties ſpirituelles
qu'ils ont faites
à d'autres perſonnes.
de qualité qui ont eſté les
voir à Berny , parce que
cela me meneroit trop
- loin , & que j'ay beaucoup
de chofes curieuſes
à vous dire .
Berny , lors qu'ils furent
priez par le Pere de la
de Siam.
103
ב
Ce
e Chaife , de venir à la Traitgedie
du College de Loüis:
le Grand , intitulée Clovis ..
Ils luy répondirent , qu'ils
nc croyoient pas qu'ils duf-
Sent voir perſonne , ny aller
en quelque Maiſon que ce
fust avant que d'avoir rendu
leurs respects au Roy ;
U
t
1
é
e
mais que puis qu'une Pere
Sonne auß ſage, les affuroit
que celaſe pouvoit , ilsy affifteroient
avec plaisir , ne
doutant point qu' allant au
[
College ,ils ne fiffent une
L iiij
104 Voyage des Amb.
choſe agreable aux deux
grands Roys. Le jour que
la Tragedie ſe devoit repreſenter
, ils partirent de
Berny des fix heures du
matin dans des Caroffes
dont les rideaux estoient
tirez , & vinrent incognita
ſe repoſer a l'Hoſtel des
Ambaſſadeurs , qui estoit
tout meublé pour les recevoir
le jour de leur Entrée.
L'heure de la Tragedie
approchant , les Jefuites
du Collegeleur ende
Siam. 105
α
e
0
S
voyerent quatreCaroffes,
avec les livrées de quelques
Princes Etrangers
qui y font en Penfion ,
parmy leſquels eftoient
celles du Fils naturel du
( Roy d'Angleterre, des Enfans
de M le Grand Ge-
S
-
neral de Pologne , & du
Fils de Mele grand General
de Lithuanie. Eſtant
arrivez au lieu qui leur
. eſtoit deſtiné , ils furent
furpris de la grandeur &
de la beauté du Theatre
106 Voyage des Amb.
où l'Action ſe devoit repreſenter
,& ils ne furent
pas moins étonnez de la
grande multitude de perſonnes
de la premiere
qualité , & d'une infinité
de peuple qui s'y trouva ,
fans qu'il y euſt la moindre
confufion. Ils admirerent
l'air dégagé des
Acteurs , & la beautédes
Danfes , & ils prirent un
tres - grand plaifir à voir
danfer les Enfans de Male
Duc de Villeroy , & de
de Siam. 107
.
1
2
-
Mts de Coëtquin, de Sourches
,& de la Mareliere ,
auffi- bien que M'le Chevalier
d'Avaux , tous Penfionnaires
, & qui charmerent
toute l'Affemblée .
Il eft neceffaire que je
yous faſſe icy un court
détail du Balet , afin de
vous faire mieux comprendre
ce qu'ils dirent de
ceDivertiſſement.
Ce Balet avoit quatre
- Parties , & chaque Partie
cinq Entrées .
108 VoyagedesAmb.
On voyoit dans la premiere
partie ce qu'Hercule
a fait pour ſa propre
gloire.
Dans la feconde
و
ce
qu'il a fait pour le bonheur
& pour l'utilité de
fes Peuples .
Dans la troifiéme , ce
qu'il a entrepris pour la
confervation defes Amis ,
&de fes Alliez .
Dans la quatriéme , ce
qu'ila execuré pour l'honneur
des Dieux.
de Siam. 109
t
Le Temps faifoit l'ouverture
du Balet . Il eſtoit
accompagné des Siecles.
Ce Dieu , aprés avoir attendu
pendant pluſieurs
années un Heros que le
Ciel luy avoit promis ,&
qui devoit effacer la gloire
de tous ceux qui a-
1 voient parujuſques alors,
› apprenoit enfin de Mercure,
qu'Hercule eſtoit ce
Heros qui devoit étonner
toute la terre par le nombre
, & par la grandeur
110 Voyage des Amb.
de fes belles actions .
Les travaux d'Hercule
eſtant rapportez à ceux
du Roy dans ce Balet , on
y voyoit ce Monarque
terraffer la Flandre , appaiſer
les Troubles au dedans
, & au dehors de fon
Royaume , dompter la
Triple Alliance , paffer le
Rhin , entrer en Hollande
, défendre les Duels ,
donner la Paix , rendre le
Commerce floriffant ,joindre
les Mers , donner du
de Siam. II
7
fecours à Candie , à la
Hongrie , auffi-bien qu'à
la Suede , foudroyer Alger
& Tripoli , delivrer
les Captifs', proteger fes
↑ Alliez , affoiblir l'Impieté,
foûtenir la vrayeReligion,
□ & détruire l'Herefie.
Il y a longtemps qu'on
| n'a fait de Balet dont le
deſſein ait efte fi beau , &
s qui ait mieux remply l'efprit.
Lors qu'on en explii
quoit les differentes Entrées
aux Ambaſſadeurs ,
112 Voyage des Amb.
ils prévenoient , ſansavoir
fçeu l'Allegorie que l'on avoit
voulu faire, tous ceux
qui leur parloient d'Hercule
, & difoient Que cet
Hercule devoit representer
leRoy , puis qu'il triomphoit
de tous ſes Ennemis , S
portoit la victoire par tout
où il paſſoit . Ils loüerent
fort la Collation qu'on
leur preſenta , & la trouverent
d'une beauté furprenante
, & d'une magnificence
extraordinaire .
de Siam. 113
Pluſieurs perſonnes de la
premiere qualité , comme
Princes , Ducs , Ambaffa-.
- deurs , & autres , les vinrent
voir pendant cette
Tragedie. Illes reçeurent
fort obligeamment ,
répondirent à chacun fe-
&
lon fon Employ , fon rang,
&fa qualité .
| M l'Abbé de Dangeau:
qui connoiſſoit parfaitement
leur merite ,&leur
eſprit , parce qu'il eſt in
time Amy de M'l'Abbé de
K
114 Voyage des Amb.
Choify , & que cet Abbé
luy a meſme adreffé une
fort belle Relation de fon
Voyage de Siam , qui n'a
point eſté imprimée, plein
de la réputation de ces
Ambaſſadeurs , & d'eftime
pour leurs belles qualitez
, les alla voir à Berny
, où ils le retinrent à
fouper . Ils ſe dirent beaucoup
de choſes ſpirituelles
; & enfin M² l'Abbé de
Dangoau dit au premier
Ambaſſadeur , Que dans
de Siam. 115
le defir qu'il avoit de converſer
avecun homme d'efprit
comme luy , il alloit
apprendre la Langue Siamoiſe
L'Ambaſſadeur luy
répondit , Que bien que ce
fuft une Langue a fée , il
luy épargneroit la moitiéde
la peine , en tachant luy
mesme d'aprendre le François
. Comme les Sçavans
font curieux , & que nous
en avons peu qui s'atta
chent plus à apprendre
que M' l'Abbé de Dan
Kij
116 Voyage des Amb.
geau , il luy fit beaucoup
de queſtions , & fut fort
content de ſes réponfes
. Tous ceux qui ont eſt é
voir ces Ambaſſadeurs , &
qui estoient d'un rang à
les entretenir, en font revenus
tout remplisde leur
efprit, & l'on a vû juſques
à vingt Compagnies en
un meſmejour ſortiravec
une entiere fatisfaction
de leurs reparties, toutes
fpirituelles ,& toutes differentes.
Leur civilité n'a
deSiam.
117
pas moins brillé que leur
- eſprit , & dés qu'ils ont
- connu parmy ceux qui les
font venus voir, quelques
perſonnes qui meritoient
d'être diftinguées,ils n'ont
- pas manqué à redoubler
leurs honneſterez . Medu
5 Mets , Garde du Trefor
Royal, eſtant alle un jour
leur rendre viſite , ils le
prierent de diſner fi-toft
qu'ils ſçeurent quiil eſtoit;
-& comme il répondit qu'il
ne pouvoit avoir cet hon118
Voyage des Amb.
neur , parce que des affaires
preffées l'obligeoient
de s'en retourner , ils dirent
que s'il vouloit leur
faire cette grace, ils prieroient
qu'on avançaſt le
difner , ce qu'ils firent ,
Mª du Mers n'ayant pů
A
refifter à une civilité fi engageante
.
Quelques Dames étant
alléesles voir à Berny , ils
ſe ſouvinrent en les enrendant
nommer qu'ils
avoient vú dancer leurs
de Siam. 119
Enfans dans la Tragedie
des Jefuites . Ils demanderent
à les voir , on répondit
qu'on les leur meneroit
dés que le Roy leur
auroit donné Audience ,
& l'on ajoûta que s'ils
vouloient , on les envoyeroitjuſques
à Siam; à quoy
ils répondirent , qu'ils y
Seroient bien receus 2
gnitez . Un autre jour apourvûs
des plus hautes di--
]
vant qu'ils partiffent de
Berny, l'Affemblée ſe trou
120 Voyage des Amb.
va tres - nombreuſe , & il
y avoit un cercle de fort
belles Dames , ce qui fut
cauſe qu'on leur fit diverfes
queſtions pendant cetteApreſdinée
là. Ily en eut
qui leur demanderent.
pourquoy ils n'avoient
pas amené leurs Femmes
avec eux , & ils demanderent
à leur tour , s'il y en
avoit parmy elles qui vouluffent
faire ce voyage en
cas que leurs Marisfe trouvaffent
obligez d'aller à
Siam
de Siam. 121
Siam. Les plus jeunes &
les plus belles de la Compagnie
leur demanderent
s'ils vouloient bien les
prendre pour Femmes, ce
qu'ellescroyoient qui leur
ſeroit permis , puis qu'ils
pouvoient en avoir pluſieurs.
Ils repartirent, Que
nonseulement ils le vouloient
bien , mais qu'ils les
traiteroient avec la diftin-
Etion qu'elles meritoient,
Leur donneroient les plus
beaux Appartemens .
L
122 Voyage des Amb.
Comme on voulut les
railler ſur ce qu'ils avoient
juſqu'à vingt-deux Femmes
, le premier Ambaf.
fadeur dit, Qu'on ne devoit
point s'en étonner , que c'étoit
l'usage du Pays , &que
dans les lieux où les modes
s'établiſſfoient , on s'y accoûtumoit
infeniblement , de
maniere qu'avec le temps ,
elles ne paroiſſfoient plus étranges
,&que par exemple
s'il arrivoit que ce fuft un
jour l'usage queles Femmes
de Siam. 123
-
de France euffent vingtdeux
Maris, il croyoit qu'il
ne leur faudroit pas beaucoup
de temps pour s'accoûtumer
à cette mode , &
- qu'elles seroient ſurpriſes
qu'on y trouvaſt un jour à
redire , de mesme qu'elles
trouvoient aujourd'huy étrange
qu'ily euft des hommes
à Siam qui euffent un
fi grand nombre de Femmes.
Ainfi ils raillerent galamment
, & avec eſprit,
celles qui avoient cru les
Lij
1.24 Voyage des Amb.
embarraffer , ce qu'ils ont
fait pluſieurs fois .
Ils reçeurent un jour
une viſite d'une Compagnie
auffi brillante qu'illuſtre.
Il y avoit M² &
Madame la Princeſſe d'IG
finguen, Madame la Princeffe
de Bournonville , &
Madame la Marquiſe de
Lavardin . Les deux Princeſſes
eſtoient à cheval ,
en Jufte- au- corps & en
Peruques,& veſtuës enfin
comme les Dames l'efde
Siam. 125
-
-
toient dans les Repetitions
du Carroufel , &
comme elles font ordinairement
lors qu'elles
vont à la Chaffe avec le
- Roy. Elles ſe mirent en
cercle,&la converſation
fut auffi galante quefpirituelle.
Les Ambaſfadeurs
furent furpris de leur voir
- des habits fi differens de
ceux des autres Femmes ,
& en demanderent la rai .
fon . On les eclaircit làdeſſus
,& ils loüerent l'a
Liij
126 Voyage des Amb.
dreffe des Dames qui ſças
voient fi bien monter à
cheval ,& comme on s'aperçeut
qu'ils auroient
bien ſouhaité voir de ces
galantes Cavalcades , les
deux Princeſſes , & Mile
Prince d'Iffinguen s'offrirent
à leur donner ce
plaifir; ce qu'ils accepterent
, mais en faiſant paroiſtre
leur refpect , &
en marquant qu'ils n'auroient
ofé le demander.
Les Dames defcendirent
ॐ
127 de Siam.
S
en meſme temps , & les
Ambaſſadeurs ſe mirent
-fur les Balcons qui regardent
la court. M'le Prince
d'Iffinguen , les deux
Princeſſes , & quelques
Gentilshommes de leur
- fuite,monterent auffi- toft
e à cheval , & aprés avoir
- fait quelques tours dans
- la court , on ouvrit le Jardin
, afin que cette galan--
te Troupe euſt plus d'étendue
pour faire voir
fon adreſſe ; les Ambaſſa-
L. iiij
128 Voyage des Amb.
dcurs pafferent de l'autre
cofté, & s'allerent mettre
aux feneftres quidonnent
fur le Jardin . Ils curent
pendant un quart d'heure
le plaifir de voir l'adreſſe
avec laquelle cesilluftres
Perſonnes ſçavoient manier
leurs chevaux. Aprés
cette Cavalcade ils monterent
tous pour prendre
congé des Ambaſfadeurs.
Le Soupé eſtoit preft , &
les Ambaſſadeurs les prefferent
de fi bonne grace
de Siam. 129
:
de leur faire l'honneur de
demeurer à fouper , qu'il
Ieur fut impoffible de s'en
défendre . Ils cederent
e leurs Fautcüils aux Princoffes
, les fervirent pendant
tout le Soupé , &
- burent à leur ſanté. On
but auffi à celle du principal
Ambaſſadeur , &
e de fes vingt- deux Femmes
. On parla du nombre
, & l'on dit agréable-
- ment que c'eſtoit beaue
coup. Il répondit qu'elles
130 Voyage des Amb.
estoient fatisfaites de luy,
& dit en s'adreffant à un
homme qui estoit à table,
Ie pourrois bien, Monfieur,
vous apprendre le Secret
d'en avoir autant . maisje
craindrois que cela ne plût
pas à Madame vostre
Femme.
Les Diamans qu'environnoient
un Portrait
une qu'avoit au bras
Dame qui estoit de ceSoupé
, ayant obligé à le regarder
, on luy demanda
de Siam. 131
de qui estoit ce Portrait.
Elle répondit que c'eſtoit
| celuy de fa Mere,&l'Ambaſſadeur
dit qu'elle devoit
mettre le Portrait
de fon Mary à l'autre
bras . Je paſse par deſsus
beaucoup de reparties ſpirituelles
qu'ils ont faites
à d'autres perſonnes.
de qualité qui ont eſté les
voir à Berny , parce que
cela me meneroit trop
- loin , & que j'ay beaucoup
de chofes curieuſes
à vous dire .
Fermer
Résumé : Ils viennent à la Tragedie qu'on represente tous les ans au College de Loüis le Grand, & tout ce qui s'est passé à cet égard. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, alors à Berny, reçurent une invitation du Père de la Chaise pour assister à une tragédie intitulée 'Clovis' au Collège de Louis-le-Grand. Ils déclinèrent initialement, souhaitant d'abord rendre leurs respects au roi, mais acceptèrent finalement en raison de la sagesse du Père. Le jour de la tragédie, ils se rendirent incognito à l'Hôtel des Ambassadeurs pour se reposer. Ils furent impressionnés par la grandeur du théâtre et la multitude de personnes présentes. La tragédie comprenait un ballet en quatre parties, représentant les exploits d'Hercule et les actions du roi de France. Les ambassadeurs apprécièrent particulièrement les danses des enfants pensionnaires, dont ceux du Duc de Villeroy et du Chevalier d'Avaux. Après la représentation, ils reçurent diverses visites, notamment celle de l'Abbé de Dangeau, qui exprima son désir d'apprendre la langue siamoise. Les ambassadeurs montrèrent une grande civilité et esprit, répondant avec finesse aux questions et railleries des visiteurs. Ils assistèrent également à une cavalcade de princesses et dames françaises, qu'ils complimentèrent sur leur adresse à cheval. Lors d'un souper, ils burent à la santé des princesses et répondirent avec humour aux questions sur leurs vingt-deux femmes.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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255
p. 132-145
Tout ce qui s'est passe le jour de leur Entrée publique à Paris, avec le compliment fait à M. de la Feuillade. [titre d'après la table]
Début :
Le Roy ayant arresté que ces Ambassadeurs feroient leur entrée [...]
Mots clefs :
Roi, Carosses, Ambassadeurs, Madame la Dauphine, Duc de La Feuillade, Maison, Paris, Maison, Valets, Rois, Entrée publique à Paris, Maison de Rambouillet, Siam, Storf, Compliment
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texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est passe le jour de leur Entrée publique à Paris, avec le compliment fait à M. de la Feuillade. [titre d'après la table]
Le Roy ayant arreſté
que ces Ambaſſadeurs feroient
leur entréeà Paris
le 12. du mois paffé , ils
furent conduits à Ramboüillet,
qui eft une Maifon
fort agréable au bout
du Fauxbourg S.Antoine.
C'eſt en ce lieu là qu'on
va ordinairement recevoir
les Ambaſſadeurs des
Rois , & ceux des Souverains
qui font traitez comme
Teſtes couronnées.
Outre les Caroffes du
2
de Siam.
13
Roy , de Madame la Dauphine
, de Monfieur , de
- Madame , & des Princes
& Princeffes du Sang , il y
en eut beaucoup d'autres
qu'envoyerent pluſieurs
Perſonnes de marque , qui
font obligées à la Couronne
de Siam , comme
Ms de Chaumont , de
Lionne , de Choiſy , les
Jefuites , & les Miffionnaires
des Miffions Etrangeres
. Ceux de M'leMaréchal
Duc de la Feüilla
134 Voyage des Amb.
de, & de M² de Bonneüil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, s'y joignirent , &
tout cela faifoit environ
foixante Caroffes à fix
chevaux. Vous pourriez
eftre ſurpriſe de n'en point
trouver de Monfeigneur
le Dauphin parmy ce
grand nombre , ſi vous
ignoriez que ce Prince eft
fervy par les Officiers du
Roy , & qu'il n'a point
d'autre Maiſon . Il y avoit
dans chaque Caroffe de
de Siam.
135
ceux qui en avoient en
voyé, un Ecuyer, ou quelque
autre Gentilhomme
- de la Maiſon. A meſure
i que ces Caroffes arrive-
- rent, tous les Ecuyers en
defcendirent , & furent
el preſentez par Mr Storf
aux Ambaſſadeurs.Ils leur
firent tous compliment
en peu de paroles de la
part de leurs Maiſtres, ou
or de leurs Maiſtreffes . Le
20 premier Ambaſſadeur ré-
{ pondit à tous , & quoy
9
136 Voyage des Amb.
qu'il n'euſt que des remer
ciemens à faire, onremarqua
qu'il y avoit quelque
choſe de different dans
tout ce qu'il dit. Tous les
complimens finis , M² le
Duc de la Feüillade arriva
avec les Caroffes du Roy,
de Madame la Dauphine,
de Monfieur& de Madame.
Il eſtoit accompagné
de pluſieurs Valets de
pied de Sa Majefté , &
d'un grand nombre des
fiens , avec une fort belle
deSiam.
137
ne Livrée & toute neuve. Il
al
01
y avoit auffi deux de ſes.
Caroffes remplis de Genan
tilshommes. Il fit unCompliment
fort court aux
Ambaſſadeurs fur leur
heureux Voyage , & fur
la joye qu'il avoit d'avoir
eſté nommé pour les redcevoir.
A quoy le premier
Ambaſſadeur répondit
Quesa valeur esſon me..
rite avoient paßé jusques
en Alie , &qu'onysçavoit
les victoires qu'il avoit
M
D
138 Voyagedes Amb.
2
remportées contre les Turcs.
On monta enfuite en Caroffe.
Le premier Ambaffadeur
fut placé dans le
fond de celuy du Roy
avec M. de la Feuillade ,
M.de Bonncüil & M.Storf
ſe mirent vis à vis d'eux.
Les deux autres Ambaffadeurs
eftoient dans le
Caroſse de Madame la
Dauphine avecM.Giraut,
les Mandarins dans ceux
de Monfieur & de Madame
, & les Secretaires &
deSiam
139
Valets de Chambre des
Ambaſſadeurs dans plufieurs
autres Caroffes. Le
Roy en avoit auffi envoyé
매 pour leurs Valets , & ces
e, Carroffes qui n'avoient
pourtant pointles Armes.
I de Sa Majesté , marche--
frent à la teſte de tout. Ils.
k furent ſuivis de douze
Trompetes du Royà che
val , qui precederent tous
☑les Carroffes dont je viens
de vous parler . On paffa
☆ par le Faux- bourg , & la
aa
Miy
140 Voyage des Amb.
Porte Saint Antoine. On
traverſa la rue du mefme
nom juques au Cimetiere
S. Jean , par lequel
on ſe rendit dans la ruë
de la Verrerie. On vint
enfuite par cellesde laFerronnerie
, de S. Honoré ,
& de l'Arbre-fec . On paffa
fur le Pont- neuf , &
dans la ruë Dauphine, &
l'on gagna la ruë de Tournon
où eſt l'Hostel des
Ambaſſadeurs. La foule
ſe trouva fi grande dans
de Siam. 141
On tout ce paffage , & il y avoit
ſur tout une fi grande
quantité de Caroffes
ad que les rues en estoient
bordées de chaque coſté ;
nt deforte que ceux des Amer.
baffadeurs ne pouvant
4, paffer , eſtoient ſouvent
af arreſtez pendant des
& quart- d'heures , & meſme
& des demy-heures entieres .
r. Ils reconnurent dans leur
les route les Dames qui ae
voient bien voulu leur
ns donner le plaifir de mon142
Voyage des Amb.
ter à cheval devant eux à
Berny, & ils les ſalüerent
d'un air qui marquoit la
joye qu'ils avoient de les
revoir Enfin aprés avoir
fait cette longue marche,
ils arriverent à l'Hoſtel
des Ambassadeurs. M le
Duc de la Feuillade les
accompagna juſque dans
leur Chambre , & n'eut
qu'une converſation fort
courte avec eux , aprés
quoy il les quitta. Ils l'accompagnerentjuſqu'àfon
deSiam. 143
es
רוז
Carofse , & fe retirerent
ſans vouloir voir perfonne.
Quoy que l'uſage ſoit
de détrayer les Ambaſsadeurs
des Rois dont les
Etats font hors de l'Europe
, & dene traiter que
| trois jours ceux des Rois
nos voiſins , on fuivit l'un
al & l'autre uſage pour les
Ambassadeurs de Siam
For car bien qu'ils euſsent eſté
Je
Cu
Ori
Siam,
traitez tous les jours par
A l'ordre & aux dépens de
Sa Majefté depuis leur
144 Voyage des Amb.
débarquement à Breſt , les
Pourvoyeurs du Roy ne
laiſscrent pas de fournir
eux-meſmes tout ce qui
eſtoit neceſsaire pour
leur traitement, pendant
les trois premiers jours
qui ſuivirent leur Entrée,
& M² de Chanteloup,
Maistre d'Hoſtel de quartier
, & un des Controleurs
de la Maiſon du
Roy auſſi de quartier
vinrent tous les matins
pendant ces trois jours,
faire
deSiam.
145
It faire là-deſsus ce qui estoit
de leur Charge.
que ces Ambaſſadeurs feroient
leur entréeà Paris
le 12. du mois paffé , ils
furent conduits à Ramboüillet,
qui eft une Maifon
fort agréable au bout
du Fauxbourg S.Antoine.
C'eſt en ce lieu là qu'on
va ordinairement recevoir
les Ambaſſadeurs des
Rois , & ceux des Souverains
qui font traitez comme
Teſtes couronnées.
Outre les Caroffes du
2
de Siam.
13
Roy , de Madame la Dauphine
, de Monfieur , de
- Madame , & des Princes
& Princeffes du Sang , il y
en eut beaucoup d'autres
qu'envoyerent pluſieurs
Perſonnes de marque , qui
font obligées à la Couronne
de Siam , comme
Ms de Chaumont , de
Lionne , de Choiſy , les
Jefuites , & les Miffionnaires
des Miffions Etrangeres
. Ceux de M'leMaréchal
Duc de la Feüilla
134 Voyage des Amb.
de, & de M² de Bonneüil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, s'y joignirent , &
tout cela faifoit environ
foixante Caroffes à fix
chevaux. Vous pourriez
eftre ſurpriſe de n'en point
trouver de Monfeigneur
le Dauphin parmy ce
grand nombre , ſi vous
ignoriez que ce Prince eft
fervy par les Officiers du
Roy , & qu'il n'a point
d'autre Maiſon . Il y avoit
dans chaque Caroffe de
de Siam.
135
ceux qui en avoient en
voyé, un Ecuyer, ou quelque
autre Gentilhomme
- de la Maiſon. A meſure
i que ces Caroffes arrive-
- rent, tous les Ecuyers en
defcendirent , & furent
el preſentez par Mr Storf
aux Ambaſſadeurs.Ils leur
firent tous compliment
en peu de paroles de la
part de leurs Maiſtres, ou
or de leurs Maiſtreffes . Le
20 premier Ambaſſadeur ré-
{ pondit à tous , & quoy
9
136 Voyage des Amb.
qu'il n'euſt que des remer
ciemens à faire, onremarqua
qu'il y avoit quelque
choſe de different dans
tout ce qu'il dit. Tous les
complimens finis , M² le
Duc de la Feüillade arriva
avec les Caroffes du Roy,
de Madame la Dauphine,
de Monfieur& de Madame.
Il eſtoit accompagné
de pluſieurs Valets de
pied de Sa Majefté , &
d'un grand nombre des
fiens , avec une fort belle
deSiam.
137
ne Livrée & toute neuve. Il
al
01
y avoit auffi deux de ſes.
Caroffes remplis de Genan
tilshommes. Il fit unCompliment
fort court aux
Ambaſſadeurs fur leur
heureux Voyage , & fur
la joye qu'il avoit d'avoir
eſté nommé pour les redcevoir.
A quoy le premier
Ambaſſadeur répondit
Quesa valeur esſon me..
rite avoient paßé jusques
en Alie , &qu'onysçavoit
les victoires qu'il avoit
M
D
138 Voyagedes Amb.
2
remportées contre les Turcs.
On monta enfuite en Caroffe.
Le premier Ambaffadeur
fut placé dans le
fond de celuy du Roy
avec M. de la Feuillade ,
M.de Bonncüil & M.Storf
ſe mirent vis à vis d'eux.
Les deux autres Ambaffadeurs
eftoient dans le
Caroſse de Madame la
Dauphine avecM.Giraut,
les Mandarins dans ceux
de Monfieur & de Madame
, & les Secretaires &
deSiam
139
Valets de Chambre des
Ambaſſadeurs dans plufieurs
autres Caroffes. Le
Roy en avoit auffi envoyé
매 pour leurs Valets , & ces
e, Carroffes qui n'avoient
pourtant pointles Armes.
I de Sa Majesté , marche--
frent à la teſte de tout. Ils.
k furent ſuivis de douze
Trompetes du Royà che
val , qui precederent tous
☑les Carroffes dont je viens
de vous parler . On paffa
☆ par le Faux- bourg , & la
aa
Miy
140 Voyage des Amb.
Porte Saint Antoine. On
traverſa la rue du mefme
nom juques au Cimetiere
S. Jean , par lequel
on ſe rendit dans la ruë
de la Verrerie. On vint
enfuite par cellesde laFerronnerie
, de S. Honoré ,
& de l'Arbre-fec . On paffa
fur le Pont- neuf , &
dans la ruë Dauphine, &
l'on gagna la ruë de Tournon
où eſt l'Hostel des
Ambaſſadeurs. La foule
ſe trouva fi grande dans
de Siam. 141
On tout ce paffage , & il y avoit
ſur tout une fi grande
quantité de Caroffes
ad que les rues en estoient
bordées de chaque coſté ;
nt deforte que ceux des Amer.
baffadeurs ne pouvant
4, paffer , eſtoient ſouvent
af arreſtez pendant des
& quart- d'heures , & meſme
& des demy-heures entieres .
r. Ils reconnurent dans leur
les route les Dames qui ae
voient bien voulu leur
ns donner le plaifir de mon142
Voyage des Amb.
ter à cheval devant eux à
Berny, & ils les ſalüerent
d'un air qui marquoit la
joye qu'ils avoient de les
revoir Enfin aprés avoir
fait cette longue marche,
ils arriverent à l'Hoſtel
des Ambassadeurs. M le
Duc de la Feuillade les
accompagna juſque dans
leur Chambre , & n'eut
qu'une converſation fort
courte avec eux , aprés
quoy il les quitta. Ils l'accompagnerentjuſqu'àfon
deSiam. 143
es
רוז
Carofse , & fe retirerent
ſans vouloir voir perfonne.
Quoy que l'uſage ſoit
de détrayer les Ambaſsadeurs
des Rois dont les
Etats font hors de l'Europe
, & dene traiter que
| trois jours ceux des Rois
nos voiſins , on fuivit l'un
al & l'autre uſage pour les
Ambassadeurs de Siam
For car bien qu'ils euſsent eſté
Je
Cu
Ori
Siam,
traitez tous les jours par
A l'ordre & aux dépens de
Sa Majefté depuis leur
144 Voyage des Amb.
débarquement à Breſt , les
Pourvoyeurs du Roy ne
laiſscrent pas de fournir
eux-meſmes tout ce qui
eſtoit neceſsaire pour
leur traitement, pendant
les trois premiers jours
qui ſuivirent leur Entrée,
& M² de Chanteloup,
Maistre d'Hoſtel de quartier
, & un des Controleurs
de la Maiſon du
Roy auſſi de quartier
vinrent tous les matins
pendant ces trois jours,
faire
deSiam.
145
It faire là-deſsus ce qui estoit
de leur Charge.
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Résumé : Tout ce qui s'est passe le jour de leur Entrée publique à Paris, avec le compliment fait à M. de la Feuillade. [titre d'après la table]
Le roi a ordonné l'entrée des ambassadeurs de Siam à Paris le 12 du mois précédent. Ils ont été accueillis à Rambouillet, une résidence habituellement réservée aux ambassadeurs de haut rang. Leur cortège comprenait des carrosses du roi, de Madame la Dauphine, de Monsieur, de Madame, et de divers princes et princesses du sang, ainsi que des personnalités notables comme M. de Chaumont, de Lionne, de Choisy, les Jésuites, et les missionnaires des Missions Étrangères. Environ soixante carrosses à six chevaux, incluant ceux du maréchal Duc de La Feuillade et de M. de Bonneüil, ont accompagné les ambassadeurs. Notamment, aucun carrosse du Dauphin n'était présent, car ce dernier est servi par les officiers du roi et n'a pas de maison séparée. À leur arrivée, les écuyers et gentilshommes des maisons des envoyants ont présenté leurs compliments. Le Duc de La Feuillade, accompagné de valets de pied du roi et de nombreux laquais, a salué les ambassadeurs en soulignant la joie de les recevoir. Les ambassadeurs ont répondu en évoquant les victoires du roi contre les Turcs. Le cortège a ensuite traversé Paris, passant par divers quartiers et rues jusqu'à l'Hôtel des Ambassadeurs. La foule était si dense que les carrosses étaient souvent arrêtés. À leur arrivée, le Duc de La Feuillade a accompagné les ambassadeurs dans leur chambre et a eu une brève conversation avec eux avant de les quitter. Depuis leur débarquement à Brest, les ambassadeurs ont été traités quotidiennement, et les pourvoyeurs du roi ont assuré leur subsistance pendant les trois premiers jours suivant leur entrée à Paris.
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256
p. 145-171
Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Début :
Comme les Ambassadeurs n'avoient pas encore eu Audience, ils [...]
Mots clefs :
Paris, France, Chine, Maladie du roi, Roi, Audience, Procession, Abbé de La Mothe, Office, Ambassadeurs, Entrer, Manger, Église, Parlement, Monde, Lettre, Femmes, Religion, Jardins, Père de La Chaise, Hôtel des ambassadeurs, Église de Notre-Dame de Paris
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texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Comme les Ambaſsadeurs
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
n'avoient pas encore
eu Audience , ils crurent
ne devoir point pa
roiftre en public avant
que d'avoir falué Sa Majeſté
,& ainſi ils demanderent
qu'on ne laiſsaſt entrer
perſonne pour les
dvoir manger. L'ordre en
fut donné , & la connoif
fance qu'on en eur , empefcha
les curieux de fe
33 20 7653333330 27N 28
146 Voyage des Amb.
preſenter à la porte de
leur Hoſtel ; mais quoy
qu'ils euſſent reſolu de
n'en point fortir juſqu'au
jour de l'Audience , on jugea
neanmoins a propos
de leur faire voir la Proceffion
qu'on fait tous les
ans a Noftre-Dame le
jourde l'Aſsomption, parce
qu'elle édifie beaucoup
,& que ne ſe faiſant
qu'une fois l'année , ils
s'en retourneroient fans
la voir s'ils ne prenoient
pas cette occafion. On
de Siam. 147
laiſſa à M l'Abbé de la
Mothe , grand Archidiadf
cre , le ſoin de faire les
honneurs du Chapitre. Il
reſolut qu'avant que de
faire entrer les Ambaffa-
- deurs dans l'Eglife , ils
viendroient ſe repofer
| chez luy , & qu'ils y feroient
collation en atten-
0
ar
dant que l'Office fuſt preſt
■ à commencer . Il fit tout
1 preparer pour cela , mais
inutilement , car la foule
ſe trouva fi grande dans
Nij
148 Voyage des Amb.
le Cloiſtre , qu'il fut impoffible
d'approcher de
fon logis , de forte qu'il
falur aller droit à l'Eglife .
On les conduifit d'abord
devant le Grand Autel,
où voyant que M'l'Abbé
de la Mothe , & M² Stolf
s'agenouilloient , ils ſe mirent
auffi à genoux . On
monta enſuite au Jubé
que M'l'Abbé de la Mothe
avoit fait preparer
pour eux , & où l'on n'avoit
laiſſe entrer perfonne.
Ils confidererent toude
Siam. 149
tel'Eglife avec une applim
di
cation que je ne puis vous
repreſenter. Ils endemanderent
la hauteur , & la
largeur , & témoignerent
or
mefme qu'on leur feroit
-el
b
un fort grand plaifir fi on
leur en donnoit lePlan. La
ol
Muſique leur parut tres-
1 belle ,& ils firent par leur
11
b
10
r
Interprete pluſieurs quer
ſtions à M. l'Abbé de la
* Morhe , qui les éclaircit
de ce qu'ils fouhaitoient
12
UC
مح
fçavoir là- deſſus. Ils de-
Niij
150 Voyage des Amb.
manderent auſſi qu'on
leur expliquaſt quelques
Ceremonies , qui regardoient
l'Office , & l'on fatisfit
leur curiofité , auffibien
que celle qu'ils eurent
de vouloir apprendre
ce que c'eſt que l'Orgue
qu'ils écouterent avec
une grande attention,
& fur laquelle ils firent
des demandes pleines d'efprit.
Is firent mille remercimens
à M. l'Abbé de la
Mothe de la peine qu'il ſe
de Siam. ISE
1.
1-
Ia
1,
d
A
e
donnoit de leur expliquer
toutes ces chofes , & le
premier Ambaſſadeur luy
offrit du Betel , je vous
en ay déja parlé dans ma
Relation de Siam . Ils en
machent auſſi ſouvent ,
que prennent icy du Tabac
en poudre ceux qui
l'aiment davantage , &
qui ont toujours la Tabatiere
à la main . Le Be-
.tel fortifie l'estomach , ८
rend l'haleine plus douce.
L'Office eftant finy , on fir
Niiij
152 Voyage des Amb.
la Proceffion, ou fe trouvent
les Chanoines de fix
Chapitres de Paris , fans
compter ceux de Noftre-
Dame , avec le Parlement
&la Ville en Corps . Comme
cette Proceffion eft
fort celebre , & fort auguſte
, M' l'Archeveſque
de Paris y aſſiſte. Jamais
on n'a regardé plus attentivement
aucune Ceremonie
, que les Ambaſſadeurs
firent cette Proceffion
,&jamais on n'a fait
I
de Siam.
153
S
dequeſtions plus fpirituelles
que X celles qu'ils firent,
fur tout pour ſçavoir ce
e que fignifioit la difference
t
t
des habits des Prefidens
& des Confeillers , & de
ceux du Parlement & de
Meffieurs de Ville . Ils
n'en demeurerent pas là ;
car comme on leur parla
1. des differentes Chambres
e
2.
S
du Parlement , comme de
a. la grand Chambre , des
1. Enqueſtes , des Requeſtes,
it ainſi que de la Chambre
154- Voyagedes Amb.
des Comptes , & de la
Cour des Aydes , ils s'informerent
de la fonction
de tous ces Corps , ce
qui ne leur pût eſtre expliqué
qu'en peu de paroles
, à cauſe du peu de
temps que l'on avoit pour
cela ; M'le Doyen , &
pluſieurs Chanoines , les
vinrent falüer au Jubé, &
ils les receurent avec des
honneſtetez qu'il feroit
difficile d'exprimer . En
fortant ils ſe mirent à gede
Siam. 155
a
-
n
a.
汇
noux devant l'Autel de
la Vierge , & dirent qu'ils
avoient esté tellement édifiez
de ce qu'ils avoient
vû, &fur tout de l' air dont
M'l'Archevesque avoit
fait l'Office , que nonſeulement
ils estoient prefts de
demeurer pour l'entendre
encore, s'il vouloit recommencer,
maisque s'il officioit
quatre fois par jour , 5.
qu'ils puſſent y aßifter autant
de fois , ils le feroient
avec beaucoup de plaisir.
156 Voyage des Amb.
Ils s'en retournerent fi
fatisfaits , & fi remplis de
toutes les chofes qu'ils avoient
veuës , qu'ils employerent
quatre Secreraires
tout le foir , pour
écrire leurs remarques.
Je vous ay déja appris
que le ſecond Ambaffadeur
a eſté en Ambaffade
à la Chine de la part du
Roy de Siam. Comme
c'eft un homme de bon
efprit , fage& fort fincere
, on a voulu ſçavoir de
de Siam.
157
-
iluy la difference qu'il faifoit
de ces deux Erats . Il a
dit qu'il y avoit beaucoup
de monde en la Chine ; que
les bords des Rivieres y efsoient
beaucoup plus peuplez
que le reſte du Païs ,
5 que si la France estoit
à proportion außi peuplée
4 dans toutes ſes Campagnes
quelle l'estoit le long des
bords de la Loire qu'il avoit
vûs, il y avoit autant
de monde en France qu'en
S
1
la Chine , à proportion de
158 Voyage des Amb.
l'étendue de l'unes de l'autre
Etat ; que ſuivant même
ce qu'il venoit de dire ,
on devoit croire qu'ily en a
davantage en France; mais
que ce qui les égaloit , au
moins felon ce qu'il avoit
vû , estoit que la Chine luy
avoit paru peuplée , ainsi
que je viens de vous marquer,
quoy qu'il n'eust point
vû de Femmes , parce qu'-
elles ne s'y montrent point.
Il dit à l'égard de Paris ,
& de la Capitale de la
de Siam.
159
111
re
all
Chine , qu'il avoit vû autant
d'hommes à Pequin ,
qui est le nom de cette Cappiittaallee,,
que d'hommes es de
femmes ensemble à. Paris.
Il peut dire vray , mais il
peut auſſi ſe tromper,
1) n'ayant pas encore affez
vù Paris pour en juger.
Il en parle fur deux chofes
; fur ce qu'il a vû le
jour qu'il fit ſon Entrée ,
&ce qu'il vit dans Noſtre
me&aux environs le jour
nt
s
I de l'Afſomption . A l'égard
150 Voyage des Amb.
des Jardins , que ceux qui
ont fait imprimer des
Voyages de la Chine ,
vantent tant , il affcure
qu'ils font infiniment plus
beaux en France , comme
beaucoup d'autres chofes
. Il faut remarquer que
lors qu'il a parlé ainfi , il
n'avoit point eu Audience
, ny vù les Jardins
de Versailles & de Saint
Cloud;& que ce qu'il dit
à l'égarddu peuple de Paris
feulement , parce qu'il
de Siam. 161
ne l'a pas encore tout vù,
de eſt avantageux à la France
, puis que fa fincerité
ne
paroiffant par là ( au lieu
que d'autres flateroient
m
10
;
el
al
d
Pa
ceux du Pays où ils font )
fait connoiſtre qu'il dit
vray , lors qu'il nous donne
l'avantage fur d'autres
articles..
Quoy que lesAmbaffa
deurs euffent refolu de ne
manger en publicqu'aprés
avoir euAudienceduRoy,
ils ne laiſserentpas de voir
162 Voyage des Amb.
,
quelques Perſonnes diftinguées.
Ils font ſi reconnoifſans
que dés que
parmy beaucoup d'autres,
ils apercevoient quelqu'un
de ceux qui les avoient
reçeusſur leur rou
te avec plus d'affection
que
que d'autres, ils les demêloient
auſſi- toft , leur parloient
les premiers , &
leur faifoient cent careffes
. On ne peut exprimer
celles qu'ils firent à Madame
l'Intendante de
de Siam. 163
1
Je
U
a
UA
e
r
&
de
Breſt , lors qu'ils la virent
à Paris . Ils ne fe contentent
pas de trouver à leur
gouſt les Metsqu'on aprête
en France , ils veulent
ſçavoir de quoy ils font
compofez , & font aporter
devant eux tout ce
qui entre dans les Ragoufts
les plus délicats
non pour le defir d'avoir
de quoy manger délicatement,
mais pour ne s'em
pas retourner en leur Païs
fans y porter tout ce qui
O ij
164 Voyage des Amb.
regarde les Arts , & les
Coûtumes de France , &
afin de nerien oublier, ils
ont mefme greffé des Arbres
dans le Jardin de
l'Hoſtel des Ambaſſadeurs.
Ce qu'ils fouhairent
le plus d'emporter
d'icy , & qu'ils préferent
à ce qu'on leur pourroit
donner de plus précieux ,
& de plus riche , ce font
des Cartes du Royaume ,
des Plans des Places fortes
,&des Maiſons Royade
Siam. 165
les , des Tableaux ou des
3 Eſtampes , où le Roy
| foit à la teſte de ſes Armées,
d'autres qui leur redeprefentent
, les Armées
1. Navales de Sa Majefté,&
d'autres où ils puiſſent
et voir toutes fes Chaffes .Le
nt Pere de la Chaife , en leur
bit rendant une ſeconde vifite
à Paris , leur fit preſent
de liqueurs , & leur dit ,
2. Que le Roy avoit beaucoup
r. de joye , de ce qu'il entendoit
-2. dire tous les jours d'eux & a
166 Voyage des Amb.
de leur esprit. Lors qu'ils
eſtoient fur le point d'avoir
Audience , le Roy fut
attaqué d'une fiévre quarte,
& ce futalors qu'ils redoublerent
leurs inſtances
pour ne voir perfonne
; ils dirent Que voir du
monde d'eftoit se divertir,
qu'ils ne devoient prendre
aucun plaisir tant que la
Ma'adre du Roy dureroit .
S'ils en uſent de cette maniere
pour un Monarque
dont ils ne font pas nez
A
n
Dolinar Del F
de Siam.
167
Sujets , vous pouvezjuger
de ce qu'ils font pour leur
Souverain . Le profond
refpect qu'ils ont pour luy
leur en a fait rendre un
tres grand à la Lettre dont
il les avoit chargez , pour
l'apporter à Sa Majefté.
Elle estoit placée à l'Hô
tel des Ambaſſadeurs ,
dans le fond de la Ruelle
du Lit de Parade du premier
Ambaſſadeur , de la
maniere que vous la
yoyez dans la Planche
168 Voyage des Amb.
que je vous envoye , &
que j'ay fait deffiner exprés
fur le lieu. On l'avoit
enfermée dans trois
Boëtes . Celle de deffus étoit
de bois verny du Japon;
la feconde d'argent,
& la troifiéme d'or. La
Lettre qui estoit écrite
fur une Lame d'or roulée,
les Roys de Siam n'écrivant
jamais que fur l'or ,
eſtoit dans cette derniere .
Toutes cesBoëtes estoient
couvertes d'un Brocard
d'or
de Siam. 169
1
d'or , & fermées avec le
Sceau du premier Ambaffadeur
qui estoit en Cire
blanche. Les Ambaſſadeurs
mettoient tous les
jours des fleurs nouvelles
deffus ,& toutes les fois
qu'ils paffoient devant
cette Lettre , ils faifoient
de profondes inclinations .
Quoy qu'ils n'ayent point
icy de Talapoins , ils ne
laiſsent pas d'y faire des
exercices de leur Religion
. Ils se mettent à ge
0
P
170 Voyagedes Amb.
noux , élevent les mains
pluſieurs fois,& touchent
la terre de la teſte. Ils diſent
qu'on a rapporté
beaucoup de choſes de
leur Religion qui ne font
pas vrayes , qu'ils font
pluſieurs de Meditations
dont les principales font,
de faire reflexion fur ce
que le Mary doit à ſaFemme
, & la Femme à fon
Mary , le Pere à fon Fils ,
le Fils a fon Pere,& l'Amy
à fon Amy ,& que le plus
de Siam. 171
S
t
1
e
e
t
S
vertueux eft parmy eux
le plus ſaint.
Fermer
Résumé : Ce qu'ils ont fait & dit à Paris depuis le jour de leur Entrée jusques à celuy qu'ils ont eu Audience du Roy, où l'on voit ce qui s'est passé à Nostre-Dame le jour qu'ils y ont esté, & quantité d'autres choses curieuses. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam, en attente de leur audience avec le roi de France, décidèrent de ne pas apparaître en public avant cette rencontre et demandèrent que personne ne les voie manger. Ils furent invités à assister à la procession annuelle de l'Assomption à Notre-Dame, où ils furent accueillis par l'abbé de la Mothe. La foule les obligea à se rendre directement à l'église. À l'intérieur, ils montrèrent un grand intérêt pour l'architecture de l'église, posant des questions sur sa hauteur et sa largeur et exprimant le désir d'obtenir un plan. Ils furent également impressionnés par la musique et l'orgue, posant des questions détaillées à l'abbé de la Mothe. Après l'office, ils observèrent attentivement les différences dans les habits des dignitaires et reçurent plusieurs d'entre eux avec honneur. Les ambassadeurs étaient très reconnaissants et curieux, posant des questions sur divers aspects de la religion et des cérémonies. Ils offrirent du bétel à l'abbé de la Mothe, expliquant ses bienfaits. Après la procession, ils s'agenouillèrent devant l'autel de la Vierge, déclarant qu'ils auraient aimé assister à d'autres offices. Ils employèrent quatre secrétaires pour noter toutes leurs observations. Le second ambassadeur, ayant été en mission en Chine, compara les deux pays, notant que la France semblait aussi peuplée que la Chine, bien qu'il n'ait pas vu de femmes en Chine. Il trouva les jardins français plus beaux que ceux de la Chine. Les ambassadeurs rencontrèrent plusieurs personnes distinguées et leur firent des marques d'affection, malgré leur résolution de ne pas manger en public avant l'audience royale. Ils étaient également intéressés par la composition des mets français et voulurent tout apprendre sur les arts et coutumes de France. Ils plantèrent même des arbres dans le jardin de leur hôtel pour ne rien oublier. Lorsqu'ils furent sur le point d'avoir audience, le roi tomba malade, et ils redoublèrent leurs instances pour ne voir personne, montrant un profond respect pour leur souverain. La lettre qu'ils devaient remettre au roi de France était placée dans trois boîtes emboîtées, la dernière en or, et était écrite sur une lame d'or. Ils faisaient des inclinations profondes chaque fois qu'ils passaient devant cette lettre. Malgré l'absence de talapoins en France, ils pratiquaient leur religion en se mettant à genoux et en touchant le sol avec leur tête. Ils méditaient sur les devoirs familiaux et amicaux, considérant la vertu comme la sainteté suprême.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
257
p. 171-225
Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Début :
Le Roy estant guery de la Fiévre-quarte, dont il [...]
Mots clefs :
Roi, Roi de Siam, Trône, Audience, Ambassadeur, Ambassadeurs, Gardes du corps, Prince, Galerie, Duc de La Feuillade, Dauphin, Gardes de la porte, Suisses, Bonnets, Fleurs, Inclinations, Religion, Parler, France, Officiers, Versailles, Gardes françaises, Louvre, Trompettes, Compliments, Cérémonies, Maison royale
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Le Roy estant guery de
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
la Fiévre- quarte , dont il
ayoit eu quelques accés ,
declara qu'il donneroit
Audience aux Ambaſſadeus
le premier jour de
Septembre . Ce jour - là
M'le Maréchal Duc de la
Feuillade, M'de Bonneuil,
Introducteur des Ambaffadeurs
, &M* Giraut, qui
맥 l'accompagne toujours
dans cette fonction , les
Pij
172 Voyage des Amb.
allerent prendre à l'Ho
ſtel des Ambaſſadeurs ,
dans les Caroffes du Roy,
& de Madame la Dauphine
, avec pluſieurs autres
Caroſſes de ſuite. M.
de la Feuillade leur marqua
la joye qu'il avoit de
les venir querir pour les
mener à l'Audience du
Roy , & leur dit qu'il auroit
l'honneur deles conduire
à toutes les Audiences
que leur donneroit Sa
Majefté. Le premier Amde
Siam.
173
.
a
baffadeur luy fit connoiſtre
l'extrême paffion qu'-
ils avoient de voir le Roy,
&luy dit, Que cet heureux
jour, pour lequel ils avoient
traverſé tant de Mers ,
estoit enfin arrivé Ils monterent
enfuite dans le Caroffe
du Roy , qui fut environné
de pluſieurs Va-
Iets de pied de Sa Majeſté
, & précedé par ceux
de M. de la Feuillade. Ils
s'entretinrent pendant la
plus grande partie du che-
Pij
174 Voyage des Amb.
min de la Religion des Siamois
, dont M. de la Feuillade
demanda les particularitez
. L'Ambaffadeur
luy répondit avec beaucoup
d'eſprit , Que tout ce
qu'on diſoit d'une Religion
inconnuë devoit d'abord
paroiftre ridicule à des per
Sonnes qui n'en avoient
nulle connoiffance , & qui
en profefforent une autre ,
parce qu'il eft naturel de
croire toûjours la Religion
que l'on a embraßee , 04
deSiam.
175
汇
dans laquelle on est né , la
1 meilleure de toutes , esqu'-
+ enfin il falloit plus de temps
pour parler à fond fur une
Afi grande matiere, &entrer
dans des details qui de
mandoient plus d'application
qu'ils n'en pouvoient
alors donner; qu'autrement
201
e
01
les choses les plus réelles pa-
* roiſſoient fans fondement
Es sans vray -Semblance..
Aprés cela ilsentrerent.en
10
conversation, & l'Ambaf_
fadeur ayant expliqué à
Pij
176 Voyage des Amb.
peu prés les chofes que je
vous ay déja marquées ſur
leur Religion , en ajoûta
trois , qu'il dit en eſtre les
trois principaux points ,
qui font, l'Amour des Ennemis
, l'Humilité , & la
Penitence.
Comme on ne peut aller
à Versailles fans voir
Saint Cloud & Meudon ,
& que ces Maiſons paroiffent
beaucoup , on dit
à l'Ambaſſadeur que l'une
appartenoit à Monfieur,
deSiam. 177
1
Frere unique de Sa Majeſté
, & l'autre à M. de
Louvois , Miniſtre d'Etat .
Il dit qu'il ne s'étonnoit
point de voir de fi belles
- Maiſons dans le Royaume,
Essur tout aprés le haut
point de gloire où le Roy avoit
mis la France. Enfin
on arriva à Versailles par
la grande avenuë, aprés
une converſation toute
pleine d'eſprit. Il y avoit
e dans la premiere Court
r mille hommes du Regi
178 Voyage des Amb.
ment des Gardes Françoi
fes& Suiffes ſous les armes
. Ils estoient tous veftus
en Juſteau corps rouges
brodez , & formoient
cinq files de chaque cofté,
Enſeignes déployées , &
tous lesOfficiers laPique à
la main. Les Suiffes eftoiet
à droite , & les François
à gauche , mais fans qu'ils
changent de diſpoſition ,
les François fe trouvent à
la droite de ceux qui fortent
du Chafteau , & les
de Siam. 179
S
ر
a
es
Suiffes à la gauche . On dit
aux Ambaſſadeurs que
c'eſtoit la Garde ordinaire
de dehors , qui monte
tous les trois jours. On
trouva les Gardes de la
Porte, qui formoient deux
hayes au delà de la porte
de la feconde Court . Ces
Gardes font pour ouvrir
la porte à ceux dont les
Caroffes ont droit d'enrrer
dans le Louvre ; ils
ne la gardent point la
nuit , & à fix heures du
180 Voyage des Amb.
ſoir les Gardes du Corps
en prennent poffeffion .
Les Ambaſſadeurs furent
conduits dans une Salle
appellée la Salle de Def
cente. C'est un lieu où l'on
mene tous les Ambaſſadeurs
en attendant l'heure
de l'Audience . On leur
fervit à déjeuner , mais ils
ne voulurent point manger
; ils ſe laverent feulement
, car ils font d'une
propreté extraordinaire .
Ils mirent enfuire les Bonde
Siam. 181
nets qui marquent leur
Dignité , & dont je vous
ay déja parlé. Ils ont au
bas de ces Bonnets , des
Couronnes d'or larges de
deux à trois doigts , d'où
fortent des fleurs faites de
feuilles d'or tres- minces ,
au milieu deſquelles font
1 quelques Rubis à la place
de la graine . Comme les
feüilles d'or qui forment
ces fleurs font fort lege-
-fres , elles ont un mouvement
qui les fait paroiſtre
e.
182 Voyage des Amb.
toûjours agitées. Le troifiéme
Ambaſſadeur n'a
point de ces fleurs autour
de ſa Couronne , il n'a
qu'un Cercle d'or large
de deux grands doigts &
cizelé. Lors qu'ils faifoient
travailler à ces Couronnes
par un Orphévre de
Paris , cét Orphévre leur
ayant dit qu'elles eſtoient
bien legeres , le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Qu'ils les faisoient faire
pour des hommes, & quefi
de Siam. 183
10
هللا
be
elles estoient plus lourdes, il
les faudroit donner à porter
àdesBeftes . Leshuit Mandarins
qui accompagnent
les Ambaſsadeurs,ont une
pareille coëfure de Moufſeline
, mais il n'y a point
de Couronne autour de
leurs Bonnets. Ceux à qui
ces marquesde dignitéont
eſté données , n'oferoient
paroiftre devant le Roy
de Siam ſans les avoir,
L'heure de l'Audience étant
venuë , l'Introduce
184 Voyage des7
Amb.
teur des Ambassadeurs les
vint avertir que le Roy étoit
preſt á ſe mettre dans
fon Trône , & qu'il eſtoit
temps de partir. Il faut remarquer
que la Salle où
ils eftoient , regarde prefque
l'Eſcalierpar lequel ils
devoient monter chez le
Roy , & que pour ſe rendre
à cét Efcalier , il falloit
qu'ils traverſaffent la
Court. Ils trouverent en
haye dans cette Court les
Gardes de la Prevoſté, &
de Siam. 185
lesCent- Suiſses en approchant
de l'Eſcalier . M
Giraut marchoit à la teſte
des Domeſtiques des Ambassadeurs
; M' de Blainville
, grand Maiſtre des
Ceremonies , M. de Bon-
1 neuil Introducteur des
Ambassadeurs , & M
- Stolff Gentilhomme or-
Idinaire de la Maiſon du
| Roy , & nommé par Sa
Majesté pour les accom- el
pagner pendant tout le
| temps qu'ils feront ent
உ
186 Voyage des Amb.
France , venoient enfuite.
La Lettre du Roy de Siam
eſtoit portée par douze
Suifses dans la mesme
machine qui estoit à la
ruelle du Lit du premier
Ambassadeur , & que je
vous ay déja fait voir
gravée , & l'on portoit
quatre Parasols pour
couvrir cette Machine.
On avoit ordonné que
pour faire honneur à cette
Lettre , ily auroit au pied
de l'Escalier , en dehors ,
1
1
de Siam. 187
e
trente-fix Tambours , &
و
vingt - quatre Trompetes.
Les trois Ambaſsa
deurs marchoient de
front avec M² de la Feuillade
, & l'on portoit auprés
d'eux les marques de
leur dignité , qui font de
grandes Boetes rondes cizelées
avec des couvercles
relevez . C'eſt le Roy
de Siam qui les donne , &
l'on ne paroiſt jamais de--
vant luy ſans les avoir..
Elles font differentes auf
4
Qij
188 Voyage des Amb.
fi- bien que les Couronnes
, & font connoiſtre le
rang de ceux à qui elles apartiennent.
LesCours du
Chasteau estoient toutes
remplies de monde pour
voir paffer les Ambaffadeurs
. Ils trouverent deux
hayes desCent Suiffes, fur
le grand Efcalier , dont les
Eaux joüoient & faifoient
plufieurs napes dans le
milieu. Ils le traverſerent
au bruit des Fanfares des
yingt- quatre Trompetes
de Siam.
197
a
les falüa auffi. On ne
ſçauroit rien repreſenter
où le reſpect puiſse eftre
plus marqué , qu'il
l'eſtoit fur le viſage des
Ambassadeurs & de tous
ceux de leur fuire. Ils l'imprimerent
dans tous les
coeurs , & cette extreme
veneration qu'ilsfirent paroiſtre
pour laPerſonne de
Sa Majesté, leur attira de
S
S
grandes loüanges. Le Roy
avoit à la droite de fon
Trône Monſeigneur le
Riij
198 Voyage des Amb.
Dauphin , Monfieur le
Duc de Chartres , Monfieur
le Duc de Bourbon,
& Monfieur le Comte
de Toulouſe ; & à fa gauche,
Monfieur , Monfieur
le Duc , & Monfieur le
Ducdu Maine . Sonhabit
eftoit brodé à plein. Il y
avoit deſsus pour plufieurs
millions de Pierreries
, leſquelles formoient
en beaucoup d'endroisles
ornemens de la broderie.
Tous les Princes avoient
de Siam.
199
۲
د
des habits ou brodez , ou
de brocards d'or tous
couverts de Pierreries.Celuy
de Monfieur eftoit
noir , à cauſe que ce Prince
porte le deuil, & cette
couleur donnant un plus
vif éclat aux Diamans
dont il eſtoit remply, il n'y
avoit rien de plus brillant..
L'habit de Monfieur le
Duc du Maine estoit auffi
【
S
diftingué par un tresgrand
nombre de Rubis .Tous les
حا
grands Officiers du Roy
ו
Riiij
200 Voyage des Amb.
M.le Duc de Montaufier,
& ceux qui ont des Survivances
, eſtoient derriere
Sa Majesté , & derriere
ces Princes. Aprés
les troifiémes inclinations
dont je vous viens de parler
, le premier Ambaffadeur
commença ſa Harangue
. Quand il eut achevé,
M'l'Abbé de Lionne
, qui l'avoit traduire ,
la lût en François . Comme
c'eſt une Piece qui
peut eftre dérachée , je la
de Siam. 201
referve pour la fin de cette
Relation , afin de n'interrompre
pas les particularitez
de l'Audience.
M² l'Abbé de Lionne
ayant ceffé de parler ,
le premier Ambaſſadeur
monta pour remettre la
Lettre du Roy de Siam
entre les mains de SaMajeſté.
Les deux autres l'accompagnerent
, mais ils
laifferent toûjours une
marche entre eux , & le
premier Ambaſſadeur; ain202
Voyagedes Amb.
fi ils n'approcherent pas fi
prés . Le Roy ſeleva pour
prendre la Lettre , & la
reçeut debout , &découvert.
Enfuite Sa Majesté
appella M² l'Abbé de
Lionne , & luy dit qu'il
demandaſt à l'Ambaffadeur
des nouvelles de la
Santé du Roy de Siam, &
en quel eſtat il l'avoit
laiſsé quandil eſtoit party.
Le Roy demanda auſſi des
nouvelles de la Santé de
la Princeſse Reyne , & a
de Siam. 203
1
prés les réponſes de l'Ambaſsadeur,
Sa Majesté luy
ba
dit , Que s'il avoit quelque
choſe à luy propoſer , il le
pouvoitfaire,esqu Elle l'écouteroit.
L'Ambassadeur
demeura fi penetré des
bontez du Roy , qu'il ne
répondit qu'en ſe profternant
le plus bas qu'il put,
Ils recommencerent tous
juſqu'à trois fois les mefmes
inclinations qu'ils avoient
faires en s'approchant
du Trône du Roy,
204 Voyage des Amb.
& fe retirerent ayant toujours
les mains jointes, &
marchant à reculons jufqu'au
bout dela Galerie .
Ils ne ſe retournerent que
lors qu'ils ne pûrent plus
voir le Roy , qui demeura
dans ſon Trônejuſqu'à ce
qu'ils fuſsent fortis de la
Galerie. Comme ils avoient
traverſé tous les
Appartemens fans tourner
les yeux d'aucun coſté
, ſe croyant à tous momens
fur le point de pa
de Siam. 189
2
S
qui ſuivirent. Quand on
fut au haut de l'Efcalier ,
le premier Ambaffadeur
prit dans la Machine un
Vaſe où l'on avoit mis la
Boëte d'or qui renfermoit
la Lettre du Roy fon
Maistre , & le donna à
porter au troifiéme Ambaſſadeur
, puis l'on entra
dans la premiere Salle
des Gardes . Les Gardes du
Corps estoient en haye,
& fort ferrez des deux
coftez des deux premieres
190 Voyage des Amb.
Salles du grand Aparte
ment du Roy . M'le Duc
de Luxembourg les receut
à la porte de la premiere
avec trente Officiers
des Gardes fort lettes
& en jufte-au- corps bleu.
Le compliment de M'de
Luxembourg eftant finy ,
il accompagna les Ambaffadeurs
avec tous les Officiers
de ſa fuite , juſques
au bout de la Galerie où
eſtoir le Trône du Roy ,
& les Trompetes qui é
de Siam. 191
toient entrez avec les
meſmes Ambaffadeurs
pour accompagner la Lettre
du Roy de Siam,&luy
faire plus d'honneur,joue
rent juſques au bout de
la ſeconde Salle où les
Gardes du Corps eſtoient
en haye , & ne pafferent
point dans le reſte de l'Appartement,
que tous ceux
que je vous ay marquez
traverſerent. Ils entrerent
enfuite dans le Salon qui
eſt au bout de l'Apparte
192 Voyage des Amb.
ment , & par lequel on
va dans la Galerie , &
dés qu'ils furent ſous la
grande Arcade qui la ſepare
de ce Salon , & d'où
l'on pouvoit voir le Roy
en face , ils firent trois
profondes inclinations , &
tenant leurs mains jointes
, ils les éleverent autant
de fois juſques à leur
front . Ils firent la meſme
choſe au milieu de la Galerie,
dans laquelle étoient
environ quinze cens perſonnes
deSiam.
193
ſonnes , ce quiformoit fix
à fept rangs de chaque
cofté,& malgré cette foule
M'le Duc d'Aumont,
premier Gentilhomme de
la Chambre d'année , &
qui en cette qualité commandoit
dans lesAppartemens
avoit fi bien pris
ſes meſures , que fix perſonnes
pouvoient paffer
de front dans l'eſpace qui
reftoit vuide au milieu de
la Galerie . Le Trône d'argent
du Roy estoit poſé
د
R
194 Voyage des Amb.
fur une Eſtrade elevée de
neuf marches , & les marches
eftoient couvertes
d'un Tapis à fonds d'or.
Il y en avoit encore un
plus riche ſur l'eſplanade
, & autour de ce Tapis
eftoit une campanne
en broderie qui débordoit
fur la neuvième marche.
Les coſtez de ces neuf
marches eftoient garnis
de grandes Torcheres
d'argent de neuf pieds de
haut,&par delà les mar
de Siam. 195
ches , en élargiſſant toujours
, il y en avoit environ
dans l'eſpace de quatorze
ou quinze pieds de
long, entremelez de grandes
Buires , & de grands
Vaſes d'argent . Cet efpace
eſtoit pour mettre la
fuite des Ambaſſadeurs .
Comme elle precedoit ,
elley fut rangée à droite
& à gauche par M'Giraut ,
& ceux qui la compofoient
ſe profternerent
auffi - toft .Ils auroient toû-
Rij
196 Voyage des Amb.
jours eu le viſage contre
terre , fi le Roy n'euſt
permis qu'ils le regardaffent.
Lors qu'on en parla
à Sa Majesté , Elle dit,
Qu'ils estoient venus de
trop loin pour ne leur pas
permettre de le voir Quand
les trois Ambaſſadeurs furent
au pied de l'Eſtrade ,
ils firent leurs troiſiémes
inclinations , & les firent
fi profondes , qu'on
peut dire , que leur tefte
toucha la terre ; le Roy
de Siam.
205
roiſtre devant le Roy, la
beauté & la richesse des
Appartemens les furprirent
en fortant, & cedant
alors à la curiofité , ils ſe
détacherent pour en regarder
les Meubles . On
leur dit qu'on les ameneroit
tout exprés , afin qu'-
ils pûffent les voir à loifir ,
& le premier Ambaffadeur
répondit , Que c'eftoient
des choses à voir plus
d'une fois. Ils furent reconduits
dans la Salle où
206 Voyage des Amb.
,
ils eftoient defcendus en
arrivant ; & aprés qu'ils
s'y furent un peu repoſez ,
& qu'ils eurent ofté leurs
Bonnets de Ceremonie ,
on les mena dans une autre
Salle , où l'on avoit
ſervy un magnifique Difné.
Ils estoient tout remplis
de l'air majestueux &
delabontédu Roy , & en
parlement avec admiration
pendant la plus grande
partie du Repas ; ce
qu'ils font encore tous
de Siam .
T
0
207
les jours. M'de la Feüillade
diſna avec eux , &
fut placé à la droite entre
le premier , & le fecond
Ambaſſadeur . A la gauche
eſtoient le ſecond Ambaffadeur,
& M² de Bonneüil
enfuite ; à la droite M.
Stolf, à la gauche M. le
Chevalier de Chaumont;
à la droite les huit Mandarins
, à la gauche & vis
à vis , M' Delrieu , Maiftre
d'Hoſtel ordinaire de
la Maiſon du Roy , M.
r
208 Voyage des Amb.
l'Abbé de Lionne , & M.
Giraut. La Table estoit à
Pans,& comme elle estoit
extrémement grande , &
qu'il auroit eſté impoffible
que le plus grand
homme euſt placé des
plats juſques au milieu ,
on yavoit mis cinq Corbeilles
d'argent remplies
des plus belles fleurs, qui
toutes enſemble formoient
une piramide tresagreable.
Les plats furent
portez par les Cent Suif
de Siam. 209)
fes du Roy, ayant en tefte
M² de Riveroles , Controleur
de la Maiſon de Sa
Majeſté. Il y eur trois Services
,fans celuy du Fruit,,
& chaque fervice fut de
trente grands Plats , fans.
comprer les Hors- d'oen--
vre , & les Salades . Le
Defferr eſtoit parfaites
ment beau , & de pirami--
des fort élevées , & le
coloris des fruits , des
fleurs , & des confitures
1
ſeches faifoir un effer
2
S
210 Voyage des Amb.
plaiſant à la veuë. On fervit
quantité de Sous- coupes
, les unes remplies de
differentes liqueurs , &
les autres couvertes de
Taffes , remplies de toutes
fortes d'Eaux glacées ,
Onferviten meſme temps
une autre Table dans un
autre endroit , pour les
Secretaires , & les autres
Perſonnes de la fuite des
Ambaſſadeurs , fans celle
qui fut fervie pour les
Domestiques.Les Ambaf
deSiam. 211
fadeurs & les Mandarins
allerent en fortant de ta--
ble prendre leurs Bonnets.
de Ceremonie , parce que
c'eſtoit l'heure marquée:
pour l'Audience qu'ils de--
voient avoir de Monfeigueur
le Dauphin. Ils fe
rendirent chez ce Prince,
conduits par les mcfmess
Perſonnes qui les avoient
accompagnez à l'Audien
ce du Roy , & pafferent
au travers d'une double
S
e
es
1 haye de Gardes du Corps..
S. ij
212 Voyage des Amb.
Dés qu'ils apperçeûrent
Monſeigneur le Dauphin,
ils firent les meſmes inclinations
qu'ils avoient
faires chez leRoy.Le ſujet
du Compliment de l'Ambaſſadeur
fut fur ce que
le Roy Son Maistre regardoit
ce Prince comme le
digne Fils du plus grand
Roy de l'Europe , & dont
les grandes qualitez,
les Victoires s'estoient fait
connoistre jusques aux extrémite,
z de l'Univers , &
de Siam.
213
que mesme dans le temps
que le Roy faisoit des choses
qui paroiffent incroyables à
Ses Sujets-mefmes , le Roy
Son Maistre avoit eu le
bonheur de les apprendre ,
& d'en recevoir les confirmations
. Ilajoûta , que ce
mesme Roy esperoit que
Monseigneur le Dauphin
eftant forty d'un Sang ft
glorieux es fi genereux ,
-estant luy - mesme si bien-
- faisant , luy accorderoit les
= mesmes avantages , & la
214 Voyage des Amb.
misme amitié que le Roy
Son Pere , esqu'il estoit faché
de n'avoir pas eu le
temps de chercher dans toutes
les Indes des chofes plus
curieuses que celles qu'il luy
envoyoit. Monfcigneur le
Dauphin remercia non
ſeulement le Roy de
Siam , & les Ambaffadeurs
dans fa réponſe;
mais ce Prince fit auffi
connoiſtre qu'il leur donneroit
des marques de ſa
reconnoiffance . Les mou
deSiam. 215
vemens de leurs viſages
montrerent combien ils
eſtoient ſenſibles à des paroles
fi obligeantes , & ils
n'oferent y répondre
qu'en ſe profternant le
plus bas qu'il leur fut
poffible. Ils ſe retirerent
de la même maniere qu'ils
avoient fait chez le Roy.
Ils n'eurent point Audience
de Madame la Dauphine
, parce qu'elle eftoir
accouchée le jour precedent,&
en fortant de chez
216 Voyage des Amb.
Monteigneur le Dauphin,
ils allerent chez Monfeigneur
le Duc de Bourgogne.
Les meſmes Ceremonies
y furent obfervées.
Je ne les repereray
point , & vous diray feulement
qu'elles ont eſté
égales pour toute la Maifon
Royale. L'Ambaffadeur
dit à Monſeigneur le
Duc de Bourgogne , Que
le Roy de Siam s'estoit réjozy
de fon heureuse Naif-
Sance, &les avoit chargez,
de
de Siam. 217
2
de l'en afſeurer; que la Princeffe
Reine luy envoyoit de
petites bagatelles pour le divertir
quelques momens ,
&quefi elles luy plaiſoient,
elle auroit ſoin de luy en envoyer
d'autres. Ils firent à
peu prés le meſme compliment
chez Monfeigneur
le Duc d'Anjou ,
& pafferent enfuite dans
la Chambre de Monfeigneur
le Duc de Berry.
L'Ambaſſadeur luy dit
Qu'il ne pouvoit que Sou-
T
218 Voyage des Amb.
haitertoutessortes de profperitez
à un Prince qui ne
Sçavoit pas encore parler,
qu'il estoit persuadé qu'il
feroit un jour un tres- grand
Prince, puis qu'il ſembloit
n'eſtre né que pour donner
ſa premiere Audience
à des Ambaſſadeurs venus
defix mille lieuës , & d'un
Païs d'où il n'en estoit point
encore venu en France, &
qu'il ne doutoit pas que lors
qu'il feroit plus grand , le
Roy Son Maistre ne luy
de Siam. 219
fuft connu , & qu'il ne s'en
Souvinſt, puis qu'on avoit
foin d'écrire l'Histoire des
Princes , &que l'Audience
qu'ils avoient ,ſeroit le premier
évenement qu'il rencontreroit
dans la fienne aprés
ſa Naiſſance. Madame
la Mareſchale de la
Mothe, Gouvernantedes
Enfans de France, répondit
à tous ces Complimens
avec l'eſprit qu'on ſçait
qu'elle a toûjours fait paroiſtre
en de pareilles oc-
Tij
220 Voyagedes Amb.
cafions. Ils traverſerent
enfuite la Galerie qui conduit
à l'Appartement de
Monfieur. Ils furent reçûs
par le Capitaine , &
les Officiers deſes Gardes ,
& pafferent la premiere
Sale au travers d'une
double haye des Gardes
du Corps de fon Alteſſe
Royale , & aprés avoir
traverſé pluſieurs Chambres
ils trouverent ce
Prince environné de toude
ſa Cour qui estoit fort
de Siam. 220
nombreuſe. Le Premier
Ambaffadeur , aprés avoir
felicité Monfieur fur les
Villes qu'il a prifes , & fur
le gain de la Bataille de
Caffel , s'étendit ſur la
parfaite union qui eſt en-
:
tre le Roy & ce Prince ,
& qui fait que les Ennemis
du Roy tont les fiens. IL
ajoûta , Qu'il ne doutoit
point que cette union &cette
conformité defentimens
ne fust cauſe qu'il n'eust
pour le Roy Son Maſtre les
Tij
222 Voyage des Amb.
mesmes sentimens que le
Roy avoit pour ce Monarque
, & qu'il eſperoit
que les Amis du Roy Son
Frere seroient ſes Amis,
commeſes Ennemis étoient
devenus lesſiens. Monfieur -
ayant fait à ce compliment
une réponſe auſſi favorable
que les Ambaffadeurs
la pouvoient attendre
, ils allerent chez
Madame, & pafferent encore
au travers d'une
double haye de Gardes
de Siam. 223
du Corps rangez dans la
premiere Salle . Madame
eſtoit accompagnée d'un
grand nombre de Princeffes
& de Ducheffes , & des
principales Dames de fa
Mailo Maiſon , dont les habits
eſtoient tout garnis de
pierreries. Il dit à Madame
, Que c'estoit pour eux
un honneurfort grand , que
de pouvoirfalüer une Heroïne
, Femme d'un Heros
quiestoit Frere d'un grand
5 invincible Monarque ..
Tij (
224 Voyage des Amb.
Es qu'ils mettroient ce jour
là au nombre des plus heureux
de leur vie. Aprés cette
Audience on les reconduifit
dans la Salle où ils
eſtoient defcendus d'abord.
Ilsy quiterent leurs
Bonnets de ceremonie , &
on leur prefenta la Collation
, mais ils ne mangerent
point. Ils monterent
enfuire en Caroffe pour
s'en retourner , & pafferent
encore entre les
Compagnies Françoiſes &
de Siam. 22.5
Suiffes de Garde qui eftoient
fous les Armes. Le
reſte du jour ils ne parlerent
que du Roy , de fa
bonne mine,de ſa taille,&
de la bonté qu'il mefle fi
dignement avec la fierté
Royale qu'un Monarque
doit avoir.
Fermer
Résumé : Tout ce qui s'est fait le jour qu'ils ont esté à l'Audience du Roy à Versailles, les Ceremonies qui ont esté observées avec les complimens qu'ils ont faits à la pluspart des Princes & Princesses de la Maison Royale, [titre d'après la table]
Après sa guérison de la fièvre quarte, le roi de France annonça qu'il recevrait les ambassadeurs siamois le 1er septembre. Le maréchal Duc de la Feuillade, accompagné de M. de Bonneuil et M. Giraut, se rendit à leur hôtel pour les escorter. Durant le trajet vers Versailles, les ambassadeurs discutèrent de la religion des Siamois, soulignant que chaque religion peut sembler ridicule à ceux qui en ignorent les détails. À Versailles, les ambassadeurs furent accueillis par des gardes en uniforme et traversèrent plusieurs cours avant d'être conduits dans la salle de descente. Ils refusèrent de déjeuner mais se préparèrent en mettant leurs bonnets de dignité ornés de couronnes d'or et de rubis. Escortés par plusieurs dignitaires, ils furent conduits à l'escalier du roi. La lettre du roi de Siam, portée par douze Suisses, fut accompagnée de tambours et de trompettes. Les ambassadeurs traversèrent les cours remplies de monde, montèrent l'escalier au son des fanfares et firent des inclinations profondes en entrant dans la galerie. Le roi, vêtu d'un habit brodé de pierreries, était entouré de princes et de grands officiers. Après la harangue de l'ambassadeur, traduite par l'abbé de Lionne, le roi reçut la lettre debout et découvert. Il demanda des nouvelles du roi de Siam et de la reine, puis invita l'ambassadeur à faire des propositions. Les ambassadeurs se retirèrent en faisant des inclinations et en marchant à reculons jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus voir le roi. Les ambassadeurs exprimèrent leur admiration pour la beauté et la richesse des appartements royaux. Ils furent invités à un dîner somptueux, avec une table décorée de fleurs et de nombreux plats. Après le repas, ils rencontrèrent le Dauphin, qui répondit favorablement à leurs compliments. Ils rendirent également visite au duc de Bourgogne, au duc d'Anjou, et au duc de Berry, en leur adressant des compliments appropriés. Ils rencontrèrent également Monsieur et Madame, exprimant leur admiration pour leurs exploits et leur union avec le roi. Tout au long de leur visite, les ambassadeurs montrèrent une grande déférence et furent reçus avec des honneurs égaux pour toute la maison royale.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
258
p. 225-228
Ce qui s'est passé à Paris aprés leur retour. [titre d'après la table]
Début :
Ils estoient si satisfaits de l'avoir vû, & des [...]
Mots clefs :
Pierreries, Roi, Honneur, Ville, Storf, Feu d'artifice, Duc de Berry, Paris
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à Paris aprés leur retour. [titre d'après la table]
Ils eftoient fi
fatisfaits de l'avoir vû , &
des chofes obligeantes
qu'il leur avoirdites , qu'à
leur retour ils embraſſerent
M'Stolf pour loy en
témoigner leur joye , &
226 Voyagedes Amb.
comme on parla au premier
Ambaſſadeur , du
grand nombre de Pierreries
dont l'habit du Roy
eſtoit couvert , il dit , Que
tant qu'ilpourroit avoir le
meſme honneur qu'il avoit
reçû , quelques Pierreries
qu'eust SaMajesté, il neles
verroitjamais , parce qu'il
neregarderoit que le Roy ,
mais qu'il feroit bien aise
de les voir en particulier.
M' le Prevoſt des Marchands
les pria le lende
de Siam.
227
main qu'ils eurent eu Audience
, de ſe trouver à
l'Hôtel de Ville pour voir
le Feu d'Artifice que la
Ville faiſoit tirer pour fe
réjoüir de l'heureuſe Naiffance
de Monſeigneur le
Duc de Berry. Il répondit,
Qu'ils luy estoient extremement
obligez de l'honneur
qu'il leur faisoit , mais que
n'ayant point encore euAudience
du refte der la Mai-
Son Royale , ils ne croyoient
pas devoir aller en aucun
228 Voyage des Amb.
lieu public. Une Demoifelle
qui chante fort bien,
& qui a beaucoup de
charmes pour ſe faire regarder,
ayant eſté chanter
deuant eux on luy demanda
ce qu'il trouvoit
de ſa voix , & il répondit
Qu'il n'avoit point d'oreilles
quand il avoit beſoin de
tous fes yeux.
fatisfaits de l'avoir vû , &
des chofes obligeantes
qu'il leur avoirdites , qu'à
leur retour ils embraſſerent
M'Stolf pour loy en
témoigner leur joye , &
226 Voyagedes Amb.
comme on parla au premier
Ambaſſadeur , du
grand nombre de Pierreries
dont l'habit du Roy
eſtoit couvert , il dit , Que
tant qu'ilpourroit avoir le
meſme honneur qu'il avoit
reçû , quelques Pierreries
qu'eust SaMajesté, il neles
verroitjamais , parce qu'il
neregarderoit que le Roy ,
mais qu'il feroit bien aise
de les voir en particulier.
M' le Prevoſt des Marchands
les pria le lende
de Siam.
227
main qu'ils eurent eu Audience
, de ſe trouver à
l'Hôtel de Ville pour voir
le Feu d'Artifice que la
Ville faiſoit tirer pour fe
réjoüir de l'heureuſe Naiffance
de Monſeigneur le
Duc de Berry. Il répondit,
Qu'ils luy estoient extremement
obligez de l'honneur
qu'il leur faisoit , mais que
n'ayant point encore euAudience
du refte der la Mai-
Son Royale , ils ne croyoient
pas devoir aller en aucun
228 Voyage des Amb.
lieu public. Une Demoifelle
qui chante fort bien,
& qui a beaucoup de
charmes pour ſe faire regarder,
ayant eſté chanter
deuant eux on luy demanda
ce qu'il trouvoit
de ſa voix , & il répondit
Qu'il n'avoit point d'oreilles
quand il avoit beſoin de
tous fes yeux.
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Résumé : Ce qui s'est passé à Paris aprés leur retour. [titre d'après la table]
Lors d'une rencontre avec le roi, les ambassadeurs ont exprimé leur satisfaction et ont témoigné leur joie en embrassant M'Stoff. Une discussion sur les pierreries de l'habit royal a eu lieu, un ambassadeur déclarant qu'il préférait voir le roi mais aimerait également admirer les pierreries. Le Prévost des Marchands les a invités à un feu d'artifice à l'Hôtel de Ville pour célébrer la naissance du Duc de Berry, mais les ambassadeurs ont décliné, estimant qu'ils ne devaient pas se rendre en lieu public avant d'avoir eu audience avec l'ensemble de la Maison Royale. Lors d'une performance musicale par une demoiselle, un ambassadeur a répondu qu'il n'avait pas d'oreilles lorsqu'il avait besoin de tous ses yeux.
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259
p. 228-232
Ils sont conduits à l'Audience de Monsieur le Duc de Chartres, & de Mademoiselle à S. Cloud. [titre d'après la table]
Début :
Le 4. de Septembre, Mr Aubert, Introducteur des Ambassadeurs auprés [...]
Mots clefs :
Voir, Honneur, Prince, Ambassadeur, Alliance, Maison de Saint-Cloud, Duc de Chartres, Mademoiselle
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texteReconnaissance textuelle : Ils sont conduits à l'Audience de Monsieur le Duc de Chartres, & de Mademoiselle à S. Cloud. [titre d'après la table]
Le 4. de Septembre ,
M'Aubert , Introducteur
des Ambaffadeurs auprés
de Monfieur , les vint
de Siam. 229
prendre avec les Caroffes
de leurs Alteſſes Royales,
& les conduifit à Saint
Cloud , où ils eurent Au
dience de Monfieur le
Duc de Chartres , dans
l'Appartement qui eſt au
bout de la Galerie. Ils
furent ſurpris de l'eſprit de
cejeune Prince , qui eft affurement
beaucoup au
deſſus de fon âge. Ils eurent
enfuite Audience de
Mademoiselle. Le premier
Ambaſſadeur luy dit ,
rit de
230 Voyage des Amb.
-
qu'eſtant venu pour lier une
Alliance entre les deux
Rois , il s'estoit crú obligé
de venir voir une Princeſſe
du Sang Royal , es qu'il
efperoit qu'elle porteroit un
jour parson Mariage, cette
Alliance dans une autre
Famille Royale. Ils furent
charmez des bontez de
Monfieur & de Madame ,
qui s'eſtant trouvez à S.
Cloud , leur firent l'honneur
de les entretenir. On
leur temoigna qu'on étoit
de Siam.
231
au
faſché qu'ils ne puffent
voir les Jardins à cauſe de
la pluye qui estoit fort
grande ce jour là , & on
leur dit qu'il y avoit une
Collation preparee
bout du Mail. Le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Que quand mesme il auroit
faitbeau , ilsſeferoient contentez
de l'honneur qu'ils
venoient de recevoir d'un
grand Prince , & d'une
grande Princeße , qu'ils ſeroient
revenus une autrefois
232 Voyage des Amb.
pour voir les Fardins , qu'ils
ne méloient point leursplaifirs
avec leur devoir , &
que pour ce jour là ils étoient
comblez d'honneur
defatisfaction . En parlant
à leur retour de la
Maiſon de Saint Cloud , il
dit , Qu'elle luy avoit paru
enchantée , mais qu'il vouloit
voir à loiſir s'il n'estoit
point la dupe deſa premiere
vûë, ce qu'il ne croyoit
pas pourtant.
M'Aubert , Introducteur
des Ambaffadeurs auprés
de Monfieur , les vint
de Siam. 229
prendre avec les Caroffes
de leurs Alteſſes Royales,
& les conduifit à Saint
Cloud , où ils eurent Au
dience de Monfieur le
Duc de Chartres , dans
l'Appartement qui eſt au
bout de la Galerie. Ils
furent ſurpris de l'eſprit de
cejeune Prince , qui eft affurement
beaucoup au
deſſus de fon âge. Ils eurent
enfuite Audience de
Mademoiselle. Le premier
Ambaſſadeur luy dit ,
rit de
230 Voyage des Amb.
-
qu'eſtant venu pour lier une
Alliance entre les deux
Rois , il s'estoit crú obligé
de venir voir une Princeſſe
du Sang Royal , es qu'il
efperoit qu'elle porteroit un
jour parson Mariage, cette
Alliance dans une autre
Famille Royale. Ils furent
charmez des bontez de
Monfieur & de Madame ,
qui s'eſtant trouvez à S.
Cloud , leur firent l'honneur
de les entretenir. On
leur temoigna qu'on étoit
de Siam.
231
au
faſché qu'ils ne puffent
voir les Jardins à cauſe de
la pluye qui estoit fort
grande ce jour là , & on
leur dit qu'il y avoit une
Collation preparee
bout du Mail. Le premier
Ambaſſadeur répondit ,
Que quand mesme il auroit
faitbeau , ilsſeferoient contentez
de l'honneur qu'ils
venoient de recevoir d'un
grand Prince , & d'une
grande Princeße , qu'ils ſeroient
revenus une autrefois
232 Voyage des Amb.
pour voir les Fardins , qu'ils
ne méloient point leursplaifirs
avec leur devoir , &
que pour ce jour là ils étoient
comblez d'honneur
defatisfaction . En parlant
à leur retour de la
Maiſon de Saint Cloud , il
dit , Qu'elle luy avoit paru
enchantée , mais qu'il vouloit
voir à loiſir s'il n'estoit
point la dupe deſa premiere
vûë, ce qu'il ne croyoit
pas pourtant.
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Résumé : Ils sont conduits à l'Audience de Monsieur le Duc de Chartres, & de Mademoiselle à S. Cloud. [titre d'après la table]
Le 4 septembre, M'Aubert, introducteur des ambassadeurs auprès de Monsieur, accueillit les ambassadeurs de Siam et les conduisit à Saint-Cloud. Ils y rencontrèrent Monsieur le Duc de Chartres, qui les impressionna par son esprit et sa maturité. Ensuite, ils furent présentés à Mademoiselle. Le premier ambassadeur exprima l'espoir que cette rencontre pourrait renforcer l'alliance entre les deux royaumes par un futur mariage royal. Les ambassadeurs furent charmés par la gentillesse de Monsieur et de Madame, présents à Saint-Cloud. Ils regrettèrent de ne pas pouvoir visiter les jardins en raison de la pluie, mais affirmèrent être satisfaits de l'honneur reçu. Le premier ambassadeur déclara qu'ils reviendraient pour voir les jardins, ne voulant pas mêler leurs plaisirs à leur devoir. À leur retour, il commenta que la maison de Saint-Cloud lui avait paru enchantée, mais qu'il souhaitait la revoir pour confirmer cette impression.
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260
p. 232-235
Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Début :
Le 5. ils furent conduits au Palais de Luxembourg par [...]
Mots clefs :
Princesse, Audience, Ambassadeurs, Mademoiselle d'Orléans, Palais du Luxembourg
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texteReconnaissance textuelle : Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Le 5.ils furent conduits
de Siam. 233
au Palais de Luxembourg
par M de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſa
deurs , à l'Audience de
Mademoiselle d'Orleans ,,
où se trouva Madame la
Grande Ducheffe Sa Cour
eſtoit fort groffe & fort
brillante , & comme certe
Princeffe eft extréme--
ment aimée , un ſi grand.
nombre de Princeffes ,de
Ducheffes ,& d'autres Da--
mes qualifiées , s'eftoient
rendues dans ſon Appar
V
234 Voyage des Amb.
tement , pour l'accompagner
pendant cette Audience
, que beaucoup ne
pûrent trouver place dans
la chambre où elle receut
les Ambaſſadeurs . Le ſujet
du Compliment du
premier Ambaſſadeur fut,
fur ce que le merite defon
Alteffe Royale auroit esté
feul capable de l'attirer ,
quand ce qu'il estoit obligé
de rendre au Sang Royal ,
ne l'auroit pas obligé à la
voir. Il fut extrémement
de Siam.
237
fatisfait de la réponſe que
luy fit cette Princeffe ,
tant à l'égard du Roy de
Siam , que pour ce qui
regardoit ſes Ambaſſadeurs
,& il le fut encore
beaucoup des honnefterez
qu'elle eut pour
eux, cette Princeffe ayant
toûjours avancé pour less
reconduire, à meſure qu
ils marchoientpour ſe retirer
ſans tourner le dos...
de Siam. 233
au Palais de Luxembourg
par M de Bonneüil , Introducteur
des Ambaſſa
deurs , à l'Audience de
Mademoiselle d'Orleans ,,
où se trouva Madame la
Grande Ducheffe Sa Cour
eſtoit fort groffe & fort
brillante , & comme certe
Princeffe eft extréme--
ment aimée , un ſi grand.
nombre de Princeffes ,de
Ducheffes ,& d'autres Da--
mes qualifiées , s'eftoient
rendues dans ſon Appar
V
234 Voyage des Amb.
tement , pour l'accompagner
pendant cette Audience
, que beaucoup ne
pûrent trouver place dans
la chambre où elle receut
les Ambaſſadeurs . Le ſujet
du Compliment du
premier Ambaſſadeur fut,
fur ce que le merite defon
Alteffe Royale auroit esté
feul capable de l'attirer ,
quand ce qu'il estoit obligé
de rendre au Sang Royal ,
ne l'auroit pas obligé à la
voir. Il fut extrémement
de Siam.
237
fatisfait de la réponſe que
luy fit cette Princeffe ,
tant à l'égard du Roy de
Siam , que pour ce qui
regardoit ſes Ambaſſadeurs
,& il le fut encore
beaucoup des honnefterez
qu'elle eut pour
eux, cette Princeffe ayant
toûjours avancé pour less
reconduire, à meſure qu
ils marchoientpour ſe retirer
ſans tourner le dos...
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Résumé : Ils sont conduits à l'Audience de Mademoiselle d'Orleans, au Palais de Luxembourg. [titre d'après la table]
Le 5, les ambassadeurs de Siam furent conduits au Palais de Luxembourg par M. de Bonneüil pour une audience avec Mademoiselle d'Orléans. La cour de la Grande Duchesse était très nombreuse et brillante, avec de nombreuses princesses, duchesses et autres dames qualifiées présentes pour accompagner Mademoiselle d'Orléans. Le premier ambassadeur souligna le mérite de Mademoiselle d'Orléans, capable d'attirer les ambassadeurs indépendamment de l'obligation liée au sang royal. L'ambassadeur exprima sa satisfaction quant à la réponse de Mademoiselle d'Orléans, tant pour le roi de Siam que pour ses ambassadeurs. Il fut également impressionné par les honneurs qu'elle leur accorda, notamment en les reconduisant sans qu'ils aient à tourner le dos.
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261
p. 235-237
Ils vont chez le Pere de la Chaise, & à l'Eglise de S. Loüis. [titre d'après la table]
Début :
Les grandes civilitez qu'ils ont reçeuës du Pere de [...]
Mots clefs :
Voir, Père de La Chaise, Église de Saint-Louis
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont chez le Pere de la Chaise, & à l'Eglise de S. Loüis. [titre d'après la table]
Les grandes civilitez
qu'ils ont reçeuës du Perę
Vij
236 Voyage des Amb.
de la Chaife, & des autres
Peres de la mefme Compagnie,
les ayant engagez
à leur rendre une vifite ,
ils allerent à Saint Louis ,
& virent d'abord le Pere
de la Chaiſe. Aprés qu'il
les eut entretenus quelque
temps d'une maniere
fort agreable, on lesmena
voir la Maiſon , la Bibliotheque
, 1 Eglife , l'Argenterie
, les Ornemens , &
la belle Chapelle de la
Congregation ,& ils exa
de Siam. 237
minerent toutes ces chofes
avec la regularité que
vous ſçavez qu'ils obtervent
en regardant tout
ce qu'on leur fait voir .
qu'ils ont reçeuës du Perę
Vij
236 Voyage des Amb.
de la Chaife, & des autres
Peres de la mefme Compagnie,
les ayant engagez
à leur rendre une vifite ,
ils allerent à Saint Louis ,
& virent d'abord le Pere
de la Chaiſe. Aprés qu'il
les eut entretenus quelque
temps d'une maniere
fort agreable, on lesmena
voir la Maiſon , la Bibliotheque
, 1 Eglife , l'Argenterie
, les Ornemens , &
la belle Chapelle de la
Congregation ,& ils exa
de Siam. 237
minerent toutes ces chofes
avec la regularité que
vous ſçavez qu'ils obtervent
en regardant tout
ce qu'on leur fait voir .
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Résumé : Ils vont chez le Pere de la Chaise, & à l'Eglise de S. Loüis. [titre d'après la table]
Des ambassadeurs de Siam, invités par des pères de la Compagnie, visitèrent Saint Louis. Ils furent accueillis par le Père de la Chaise, qui les reçut aimablement. Ils visitèrent la Maison, la Bibliothèque, l'Église, l'Argenterie, les Ornemens et la Chapelle de la Congrégation, examinant chaque lieu avec attention.
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262
p. 237-273
Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Début :
Rien ne marquant mieux la grandeur du Roy, & le [...]
Mots clefs :
Troupes, Maintenon, Pieds, Hauteur, Aqueduc , Terre, Roi, Rivière, Nivellements, Arcades, Maçonnerie, Canal, Talus, Berchères, Rivière d'Eure, Revue des troupes, Travaux, Eaux, Versailles, Louvois, La Hire
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Rien ne marquant
mieux la grandeur du
- Roy , & le glorieux eftat
où eſt la France , que les
travaux qu'on fait pour
conduire laRiviere d'Fure
à Versailles,& les Ambaffadeurs
ſouhaitant avec
ardeur de voir quelques
Troupes de Sa Majesté ,
2
238 Voyage des Amb.
و
on les a menez à Maintenon
pour leur faire
voir en bataille celles qui
travaillent à l'Aqueduc ,
&pour fatisfaire en mefme
temps leur curioſité
fur ce grand Ouvrage.
Comme c'eſt icy une occafion
de vous en parler à
fond, jeprendray la choſe
dés ſon origine .
Toutes les meſures
7
qu'on avoit priſes , & tous
les nivellemens qui avoient
eſté faits ily a plu
de Siam. 239
2
ſieurs années , pour faire
venir des Eaux vives à
Verfailles , fans y employer
des Pompes ou
d'autres Machines femblables
, avoient fait voir
qu'il eſtoit impoffible d'en
avoir que de la Riviere de
Loire , mais pour la conduire
en cette Maiſon
Royale , il auroit fallu la
détourner au deſſus de la
Charité, ce qui avoit paru
d'une fi grande difficulté,
pour la longueur du che
240 Voyage des Amb.
min , & à caufe des lieux
bas par où l'on auroit efté
contraint de paffer , que
Sa Majesté avoit entierement
abandonné ce deffein
, eftant d'ailleurs tresperfuadée
de la juſteſſe
avec laquelle feu M.Picard
de l'Academie des
Sciences , avoit pris tous
les niveaux , quoy qu'on
vouluſt affcurer qu'un
ruiſſeau de cette Riviere
étant dérournéàOrleans ,
,
pouvoit eſtre conduit jufque
de Siam . 241
que fur la Montagne de
Sataury , qui eft de pluſieurs
toiſes plus haute
que le dessus duChaſteau .
Il n'y avoit point d'apparence
qu'on pût trouver
quelqueautre Riviere, ou
quelques eaux vives pour
eſtre conduites à Verſailles
, puis que par ſes nivellemens
on ſçavoit que la
Seine étoit beaucoup plus
baſse que la Loire, & que
par confequent tout le
terrein entre ces deux Ri
X
242 Voyage des Amb.
vieres ne pouvoit fournir
que quelques eaux qui
n'avoient pas assez de
hauteur pour ce qu'on avoit
deſsein de faire ; &
comme il y a de l'apparence
que plus on s'approche
de la Mer, plus les terreins
vont en defcendant,
il ſembloit que c'eſtoit
inutilementqu'on croyoit
trouver des eaux aſsez
hautes dans les terres
qui font au Couchant
à l'égard de Verſailles,
de Siam.
243
puis que c'eſt vers ce côtélà
queles Rivieres de Loire
& de Seine ont leur
cours . Cependant fur la
fin de l'année 1684. M² de
Louvois ayant confideré
que la Riviere d'Eure devoit
avoir beaucoup de
hauteur, puis que tous les
terreins depuis Verſailles
en tirant versMaintenon,
où elle paſſe , estoient extrémement
hauts,& qu'il
y avoit vers ce coſté-là
des eaux que l'on foute
X ij
244 Voyage des Amb.
noit dans des canaux avec
une tres - grande hauteur
, il jugea que cette
Riviere , qui étoit fort rapide
dans ſa courſe , en
pouvoit au moins avoir
aſſez pour eftre élevée
commodement par le fecours
de quelque petite
Machine juſque dans les
Eſtangs de Trape & des
environs , qui ſervoient
de refervoir aux eaux
de ces Quartiers - là. Il
donna ordre à M de la
deSiam.
245
Hire, Profeffeur Royal en
Mathematique , & de
l'Academie des Sciencès ,
à qui il avoit déja confié
pluſieurs nivellemens importans
pour Fontainebleau
&Verfailles , d'aller
reconnoiſtre la hauteur
de la Riviere d'Eure dans
fa courſe en remontant
depuis Maintenon , &
de chercher vers le Perche
quellesen étoient leseaux
& quelles hauteurs elles
avoient. M' de la Hire
r
25
Xij
246 Voyagedes Amb.
partit de Versailles dans
le mois d'Octobre de la
mefme année ; & en nivellant
toûjours juſqu'à
Maintenon , il y trouva
la Riviere d'Eure plus bafſe
que le deſſus du Chafteau
de Versailles d'environ
cent cinquante pieds,
& remontant cette Riviere
, il trouva enfin qu'à
Pontgüoin, qui eft à ſept
lieuës au deffus de Chartres
, elle estoit plus haute
que ce Chaſteau de prés
de Siam. 247
de quatre - vingt pieds.
Cette découverte luy
donna d'abord beaucoup
de joye , mais auffi beaucoup
de crainte de quelque
erreur , qui pouvoit
s'eftre infenfiblement gliffée
dans les operations
quifont tres difficiles dans
des nivellemens de plus
de trente lieues . Il verifia
toutes fes obfervations ,
autant que la ſaiſon le luy
pût permettre , à cauſe du
mauvais remps , & fur
Xinj
248 Voyagedes Amb.
tout des grands vents, qui
nuifent fort aux nivellemens
, & il trouva qu'il
ne pouvoit y avoir que
tres - peu d'erreur. Le Roy
eſtant alors à Fontainebleau
, il apporta cette
nouvelle à M'de Louvois,
qui témoigna en eſtre fort
fatisfait . Cependant M. de
la Hire luy ayant remontré
les difficultez des operarions
pendant l'Hiver ,
M'de Louvois luy donna
ordre de retourner dans
de Siam.
249
ces meſmes lieux vers le
Printemps , pour faire les
verifications des hauteurs
qu'il avoit trouvées dans
tous les points principaux
où il avoit marqué que
l'eau devoit paffer , de la
maniere que l'on comence
à l'executer preſentement
. Il trouva dans la
verification des premiers
nivellemens , un pied ou
deux plus de hauteur que
la premiere fois , & il reconnut
par des nivelle
250 Voyage des Amb.
mens un peu plus longs
queles premiers , que les
eaux des Rivieres qui paffent
à Verneuil & à Breteüil,
pouvoient eftre conduites
dans des canaux
fur terrejuſqu'à l'emboucheure
de l'Aqueduc qui
devoit porter les eaux de
la Riviere d'Eure pardeffus
le valon de Maintenon
. On travaille prefentement
à cette grande
Entrepriſe qui furpaffera
en magnificence tout ce
de Siam.
251
que les Empereurs Romains
ont fait dans l'étenduë
de pluſieurs Siecles..
Tous les canaux fur la fuperficie
de la terre font achevez
; l'eau que l'on y a
fait couler a confirméla
juſteſfedes nivellemens,&
l'Aqueduc qui doit paffer
dans le valon de Maintenon
eft fort avancé. La
partie de cet Aqueduc qui
eſt dans le plus profond
du valon doit eftre de
pierre,& le reſte des deux
252 Voyage des Amb.
C
coftez , où la hauteur est
mediocre , paffera fur de
grandes Terraffes élevées
pour ce ſujet . Voicy les
meſures & le détail de
cetOuvrage.
Ily a environ vingt mille
toiſes de Canal depuis
Pontgoüin, où l'on prend
laRiviere, juſque àBercherelaMangor.
CeCanal, qui
eft conduit fur la fuperficie
de la terre , felon fon
niveau , a par bas quinze
pieds , & plus ou moins
de Siam.
253
de hauteur felon le terrein
;& le Talus des bords
eſt double de la profondeur.
Dans le fond de
Berchere, où devoit commencer
l'Aqueduc de maçonnerie
, on fait une Levée
ou Aqueduc de terre,
rapportée à l'Aqueduc de
maçonnerie pendant trois
mille fix cens ſept toiſes.
- Cet Aqueduc de terre a
comme le Canal quinze
pieds de large par le fond,
de haut fix , ſept, ou huit
هللا
254 Voyage des Amb.
pieds ,&de talus le double
de la hauteur ; les
bords font fortifiez de
chauffées de neuf pieds
de large. Le talus de la
Levée eſt auſſi double de
ſa hauteur , pour empefcher
que les terres ne s'éboulent.
Dans le fond de
Berchere la Levée de terrea
cent pieds, & en d'autres
endroits foixante &
dix, cinquante , quarante
&vingt de hauteur.
A l'endroit où cette lede
Siam.
255
vée de terre joint l'Aqueduc
de Maçonnerie qui
eft vers Maintenon , elle
a 79. pieds de haut. Cét
Aqueduc de Maçonnerie
à 2960. toiſes de longueur
en 242. Arcades qui ont
40. pieds de large. Leurs
piles en ont vingt- quatre,
& de longueur quaranteſepta
quarante-huit pieds ,
avec des pilliers boutans
de onze pieds de large , aprés
les retraites , & de
faillie fix pieds. Il a dans
256 Voyage des Amb.
le plus profond trois Ar
cades l'une fur l'autre .
Du coſté de Berchere,
le nombre des Arcades
ſimples eftde trente- trois.
De doubles foixante-
& onze.
De triples quarante- fix.
Puis de doubles , foixante
& douze .
Et enfin de ſimples ,
vingt.
Leſquelles réjoignent
l'Aqueduc de terre rap.
portée du coſté de Ver
de Siam
257
&
failles afoixante cinq pieds
environ de hauteur , qui
continuë en. diminuant:
pendant fix mille cinquante
cinq , juſqu'à ce qu'il
vienne à la hauteur du
terrain , & depuis la juf
ques à Verfailles , il continue
fur terre de meſme
qu'entre Pontgouin &
Berchere pendant vingtcinq
mille toiſes , horſmis :
qu'en quelques endrois il
y aura dans terre unAque--
duc de Maçonnerie. La
298 Voyage des Amb.
plus grande hauteur de
l'Aqueduc dans le fondde
Maintenon , où paſſent
les Rivieres d'Eure & de
Gallardon , & où font les
triples arcades , eft de216.
pieds 6. pouces , juſqu'au
pavé des Corridors , ſans
les fondemens qui doivent
avoir 15. ou 16. pieds
de profondeur , & fans le
Parapet qui a trois pieds
fix pouces.
La hauteur des premieresArcades
juſque ſous la
de Siam. 252
voûte eſt de foixante &
ſeize pieds ,& juſqu'au pavé
des ſecondes quatre--
vingt-un pied fix pouces.
Les fecondes arcades
ont juſque ſous la voûte
foixante&dix pieds ,&jufqu'au
pavédes troiſiemes ,
quatre-vingt- cinq pieds.
Les troifiémes arcades
ont juſque ſous la voure
trente pieds trois pouces,
& juſqu'aux Corridors
neuf pieds neuf pouces,
fur leſquels font les Para
Yij
260 Voyage desAmb.
pets de trois pieds fix pou
ces .
Le Canal à ſept pieds
de large par bas , & s'élargit
juſqu'à ſept pieds fix
pouces , à la hauteur de
quatre pieds où commence
lavoute à plein ceintre.
Il y a de coſté & d'autre
du Canal un Corridor
-de trois pieds , & un Parapet
de dix- fept pouces de
large.
Les piles font à plomb
par le dedans hors de ter
de Siam. 261
re ,& par les coſtez . Il y
a par tout l'Aquedue un
pouce pour toiſe de talus,
mais les piliers bourans
en ont davantage au deffus
des premieres Arcades .
Il ſe fait de part & d'autre
une retraite d'environ
-ſept pieds , & au deffus
des fecondes , de prés de
fix pieds .
Ily a une porte au milieu
de chaque pile pour
pouvoir paffer tout du
long de l'Aqueduc , tant
262 Voyage des Amb.
aux ſecondes Arcades
qu'aux troifiémes. Lesportes
des fecondes ont quatre
pieds de large ,& celles
des troifiémes trois pieds
fix pouces , fur ſept pieds
dehaut.
Il y a des Eſcaliers qui
montent de terre au premier
étage par le dehors.
Ceux qui montent au
ſecond ſont pratiquez
dans l'épaiffeur des piles,
& ceux qui montent au
troifiéme font partie de
de Siam. 263
dans , partie dehors.
Voilà l'eſtat où eftoient
ces Ouvrages il y a fix
mois. Ils doivent eftre prefentement
bien plus avancez,
puisque plus de trente
mille hommes n'ont point
ceffé d'y travailler pendat
ce temps- là. De ces trente
mille hommes, il y en
a une partie de Maçons,
d'Apareilleurs , & d'autres
gens neceſſaires pour
les choſes qui ne peuvent
être faites par lesTroupes.
264 Vyage des Amb.
Elles font employées tant
l'Aqueduc qu'aux CarrieresdeGallardon
&d'Epernon
, & aux Ouvrages de
terre & fe montent à
vingt - deux mille hommes
où environ. Voicy les
noms des Regimens qui
les compoſent. Je ne vous
les envoye pas felon leur
rang.
REGIMENS.
Picardie.
Champagne..point
Royal
de Siam. 265
Royal des Vaiſſeaux.
Languedoc.
Navarre.
Feuquieres.
Cruffol.
La Fare .
Fufiliers du Roy.
Alface.
Vaubecour.
Lyonnois.
Dauphin .
La Reyne .
Anjou.
Vermandois.
Il y a outre cela trois
Z
266 Voyage des Amb.
Efcadrons de Dragons .
Le Logis des Ambaffadeurs
fut gardé par une
Compagnie dont le Capitaine
, le Lieutenant &
1 ' Enſeigne étoient en
Hauſſe - Col , pour leur
faire plus d'honneur. M
le Marquis d'Uxelles qui
commande toutes ces
Troupes , alla luy- meſme
le premier jour demander
le mot aux Ambaſſadeurs ,
&ils donnerent pour mot
Prosperité. Le Major Ge
deSiam. 267
neraly alla le prendre les
deuxjours fuivans , & les
motsqu'ils luy donnerent
furent l'Alliance Royale,
& Deux contre tous . Je
ne vous dis point qu'ils
entendoient parler des
Rois de France & de
Siam Ils admirerent les
Travaux dont je viens
de vous faire la defcription.
Le premier Ambaffadeur
les conçeut fi bien,
& en donna des marques
fi convaincantes , qu'iln'y
Zij
268 Voyage des Amb.
a point d'Architecte ny
d'Ingenieur qui euft pû les
mieux comprendre . Il dit
auffi , Qu'il ne croyoit pas
que tous les Rois de l' Europe
ensemble en puſſentfaire
autant. On leur fit voir
toutes les Troupes qui bátirent
aux Champs , &
falüerent du Drapeau.
Elles firent l'Exercice au
fon du Tambour, & montrerent
la parfaite intelligence
qu'elles ontdu Mêtier
de la Guerre.Il y avoit
de Siam. 269
douze Chevaux de l'Ecurie
du Roy que l'Ambaffadeur
& les Mandarins
monterent. Le premier
Ambaffadeur montra
d'un air fort déliberé ,
de quelle maniere les Siamois
ſe battent avec la
Lance. On luy demanda
s'il trouvoit les Troupes
du Roy belles , & il répondit,
qu'il ne croyoit pas
en avoir veu Cette réponfe
furprit , mais il tira bientoſt
d'embarras ceux qui
Z iij
270 Voyage des Amb.
l'avoient entenduë ,&dit
Qu'il ne croyoit pas avoir
vû des Troupes, maisfeulement
des Officiers , parce
qu'ils en avoient tous l'air,
&& l'adreſſe . M' le Marquis
d'Uxelles luy don.
na un magnifique Repas,
avec les Princes d'Hano
ver
, d'Holſtein , d'Harmeſtein
& d'Hanau. On
y but la Santédu Roy , &
l'on peut dire que c'eſt
la ſcule choſe dont il ait
efté ſurpris en France ,
de Siam.
27
ayant toûjours dit , Que
comme on devoit tout attendre
des François il n'étoit
étonné de rien ; mais
il eut de la peine à ſe perfuader
qu'on puft boire à
la Santé du Roy ſans manquer
de reſpect. On luy
dit que les diftinctions
qu'on faiſoit en la beuvant,
marquoient le refpect
, & qu'enfin le Roy
donnoit cette liberté ,
parce qu'elle faiſoit voir le
zele , & l'amour qu'on a-
Zij
272 Voyage des Amb.
'voit pour luy. Il joüa aprés
leRepas à toute table
avec Mª d'Uxelles , & le
gagna. Il dit lors qu'il eut
vû les Ouvrages , & les
Troupes , Qu'il ne s'éton
noit point de la grandeur,
&de la prosperité du Roy ,
& que beaucoup de choſes
ycontribuoient,Scavoir l'union
de la Famille Royale ,
l'avantage qu'il avoit de
gouverner par luy-mesme,
lafidelité , la ponctualité ,
Pintelligence, &la vigilande
Siam. 273
ce de ſes Ministres , es la
bonté deſes Troupes remplies
de jeuneſfe adroite,
& propre à tout.
mieux la grandeur du
- Roy , & le glorieux eftat
où eſt la France , que les
travaux qu'on fait pour
conduire laRiviere d'Fure
à Versailles,& les Ambaffadeurs
ſouhaitant avec
ardeur de voir quelques
Troupes de Sa Majesté ,
2
238 Voyage des Amb.
و
on les a menez à Maintenon
pour leur faire
voir en bataille celles qui
travaillent à l'Aqueduc ,
&pour fatisfaire en mefme
temps leur curioſité
fur ce grand Ouvrage.
Comme c'eſt icy une occafion
de vous en parler à
fond, jeprendray la choſe
dés ſon origine .
Toutes les meſures
7
qu'on avoit priſes , & tous
les nivellemens qui avoient
eſté faits ily a plu
de Siam. 239
2
ſieurs années , pour faire
venir des Eaux vives à
Verfailles , fans y employer
des Pompes ou
d'autres Machines femblables
, avoient fait voir
qu'il eſtoit impoffible d'en
avoir que de la Riviere de
Loire , mais pour la conduire
en cette Maiſon
Royale , il auroit fallu la
détourner au deſſus de la
Charité, ce qui avoit paru
d'une fi grande difficulté,
pour la longueur du che
240 Voyage des Amb.
min , & à caufe des lieux
bas par où l'on auroit efté
contraint de paffer , que
Sa Majesté avoit entierement
abandonné ce deffein
, eftant d'ailleurs tresperfuadée
de la juſteſſe
avec laquelle feu M.Picard
de l'Academie des
Sciences , avoit pris tous
les niveaux , quoy qu'on
vouluſt affcurer qu'un
ruiſſeau de cette Riviere
étant dérournéàOrleans ,
,
pouvoit eſtre conduit jufque
de Siam . 241
que fur la Montagne de
Sataury , qui eft de pluſieurs
toiſes plus haute
que le dessus duChaſteau .
Il n'y avoit point d'apparence
qu'on pût trouver
quelqueautre Riviere, ou
quelques eaux vives pour
eſtre conduites à Verſailles
, puis que par ſes nivellemens
on ſçavoit que la
Seine étoit beaucoup plus
baſse que la Loire, & que
par confequent tout le
terrein entre ces deux Ri
X
242 Voyage des Amb.
vieres ne pouvoit fournir
que quelques eaux qui
n'avoient pas assez de
hauteur pour ce qu'on avoit
deſsein de faire ; &
comme il y a de l'apparence
que plus on s'approche
de la Mer, plus les terreins
vont en defcendant,
il ſembloit que c'eſtoit
inutilementqu'on croyoit
trouver des eaux aſsez
hautes dans les terres
qui font au Couchant
à l'égard de Verſailles,
de Siam.
243
puis que c'eſt vers ce côtélà
queles Rivieres de Loire
& de Seine ont leur
cours . Cependant fur la
fin de l'année 1684. M² de
Louvois ayant confideré
que la Riviere d'Eure devoit
avoir beaucoup de
hauteur, puis que tous les
terreins depuis Verſailles
en tirant versMaintenon,
où elle paſſe , estoient extrémement
hauts,& qu'il
y avoit vers ce coſté-là
des eaux que l'on foute
X ij
244 Voyage des Amb.
noit dans des canaux avec
une tres - grande hauteur
, il jugea que cette
Riviere , qui étoit fort rapide
dans ſa courſe , en
pouvoit au moins avoir
aſſez pour eftre élevée
commodement par le fecours
de quelque petite
Machine juſque dans les
Eſtangs de Trape & des
environs , qui ſervoient
de refervoir aux eaux
de ces Quartiers - là. Il
donna ordre à M de la
deSiam.
245
Hire, Profeffeur Royal en
Mathematique , & de
l'Academie des Sciencès ,
à qui il avoit déja confié
pluſieurs nivellemens importans
pour Fontainebleau
&Verfailles , d'aller
reconnoiſtre la hauteur
de la Riviere d'Eure dans
fa courſe en remontant
depuis Maintenon , &
de chercher vers le Perche
quellesen étoient leseaux
& quelles hauteurs elles
avoient. M' de la Hire
r
25
Xij
246 Voyagedes Amb.
partit de Versailles dans
le mois d'Octobre de la
mefme année ; & en nivellant
toûjours juſqu'à
Maintenon , il y trouva
la Riviere d'Eure plus bafſe
que le deſſus du Chafteau
de Versailles d'environ
cent cinquante pieds,
& remontant cette Riviere
, il trouva enfin qu'à
Pontgüoin, qui eft à ſept
lieuës au deffus de Chartres
, elle estoit plus haute
que ce Chaſteau de prés
de Siam. 247
de quatre - vingt pieds.
Cette découverte luy
donna d'abord beaucoup
de joye , mais auffi beaucoup
de crainte de quelque
erreur , qui pouvoit
s'eftre infenfiblement gliffée
dans les operations
quifont tres difficiles dans
des nivellemens de plus
de trente lieues . Il verifia
toutes fes obfervations ,
autant que la ſaiſon le luy
pût permettre , à cauſe du
mauvais remps , & fur
Xinj
248 Voyagedes Amb.
tout des grands vents, qui
nuifent fort aux nivellemens
, & il trouva qu'il
ne pouvoit y avoir que
tres - peu d'erreur. Le Roy
eſtant alors à Fontainebleau
, il apporta cette
nouvelle à M'de Louvois,
qui témoigna en eſtre fort
fatisfait . Cependant M. de
la Hire luy ayant remontré
les difficultez des operarions
pendant l'Hiver ,
M'de Louvois luy donna
ordre de retourner dans
de Siam.
249
ces meſmes lieux vers le
Printemps , pour faire les
verifications des hauteurs
qu'il avoit trouvées dans
tous les points principaux
où il avoit marqué que
l'eau devoit paffer , de la
maniere que l'on comence
à l'executer preſentement
. Il trouva dans la
verification des premiers
nivellemens , un pied ou
deux plus de hauteur que
la premiere fois , & il reconnut
par des nivelle
250 Voyage des Amb.
mens un peu plus longs
queles premiers , que les
eaux des Rivieres qui paffent
à Verneuil & à Breteüil,
pouvoient eftre conduites
dans des canaux
fur terrejuſqu'à l'emboucheure
de l'Aqueduc qui
devoit porter les eaux de
la Riviere d'Eure pardeffus
le valon de Maintenon
. On travaille prefentement
à cette grande
Entrepriſe qui furpaffera
en magnificence tout ce
de Siam.
251
que les Empereurs Romains
ont fait dans l'étenduë
de pluſieurs Siecles..
Tous les canaux fur la fuperficie
de la terre font achevez
; l'eau que l'on y a
fait couler a confirméla
juſteſfedes nivellemens,&
l'Aqueduc qui doit paffer
dans le valon de Maintenon
eft fort avancé. La
partie de cet Aqueduc qui
eſt dans le plus profond
du valon doit eftre de
pierre,& le reſte des deux
252 Voyage des Amb.
C
coftez , où la hauteur est
mediocre , paffera fur de
grandes Terraffes élevées
pour ce ſujet . Voicy les
meſures & le détail de
cetOuvrage.
Ily a environ vingt mille
toiſes de Canal depuis
Pontgoüin, où l'on prend
laRiviere, juſque àBercherelaMangor.
CeCanal, qui
eft conduit fur la fuperficie
de la terre , felon fon
niveau , a par bas quinze
pieds , & plus ou moins
de Siam.
253
de hauteur felon le terrein
;& le Talus des bords
eſt double de la profondeur.
Dans le fond de
Berchere, où devoit commencer
l'Aqueduc de maçonnerie
, on fait une Levée
ou Aqueduc de terre,
rapportée à l'Aqueduc de
maçonnerie pendant trois
mille fix cens ſept toiſes.
- Cet Aqueduc de terre a
comme le Canal quinze
pieds de large par le fond,
de haut fix , ſept, ou huit
هللا
254 Voyage des Amb.
pieds ,&de talus le double
de la hauteur ; les
bords font fortifiez de
chauffées de neuf pieds
de large. Le talus de la
Levée eſt auſſi double de
ſa hauteur , pour empefcher
que les terres ne s'éboulent.
Dans le fond de
Berchere la Levée de terrea
cent pieds, & en d'autres
endroits foixante &
dix, cinquante , quarante
&vingt de hauteur.
A l'endroit où cette lede
Siam.
255
vée de terre joint l'Aqueduc
de Maçonnerie qui
eft vers Maintenon , elle
a 79. pieds de haut. Cét
Aqueduc de Maçonnerie
à 2960. toiſes de longueur
en 242. Arcades qui ont
40. pieds de large. Leurs
piles en ont vingt- quatre,
& de longueur quaranteſepta
quarante-huit pieds ,
avec des pilliers boutans
de onze pieds de large , aprés
les retraites , & de
faillie fix pieds. Il a dans
256 Voyage des Amb.
le plus profond trois Ar
cades l'une fur l'autre .
Du coſté de Berchere,
le nombre des Arcades
ſimples eftde trente- trois.
De doubles foixante-
& onze.
De triples quarante- fix.
Puis de doubles , foixante
& douze .
Et enfin de ſimples ,
vingt.
Leſquelles réjoignent
l'Aqueduc de terre rap.
portée du coſté de Ver
de Siam
257
&
failles afoixante cinq pieds
environ de hauteur , qui
continuë en. diminuant:
pendant fix mille cinquante
cinq , juſqu'à ce qu'il
vienne à la hauteur du
terrain , & depuis la juf
ques à Verfailles , il continue
fur terre de meſme
qu'entre Pontgouin &
Berchere pendant vingtcinq
mille toiſes , horſmis :
qu'en quelques endrois il
y aura dans terre unAque--
duc de Maçonnerie. La
298 Voyage des Amb.
plus grande hauteur de
l'Aqueduc dans le fondde
Maintenon , où paſſent
les Rivieres d'Eure & de
Gallardon , & où font les
triples arcades , eft de216.
pieds 6. pouces , juſqu'au
pavé des Corridors , ſans
les fondemens qui doivent
avoir 15. ou 16. pieds
de profondeur , & fans le
Parapet qui a trois pieds
fix pouces.
La hauteur des premieresArcades
juſque ſous la
de Siam. 252
voûte eſt de foixante &
ſeize pieds ,& juſqu'au pavé
des ſecondes quatre--
vingt-un pied fix pouces.
Les fecondes arcades
ont juſque ſous la voûte
foixante&dix pieds ,&jufqu'au
pavédes troiſiemes ,
quatre-vingt- cinq pieds.
Les troifiémes arcades
ont juſque ſous la voure
trente pieds trois pouces,
& juſqu'aux Corridors
neuf pieds neuf pouces,
fur leſquels font les Para
Yij
260 Voyage desAmb.
pets de trois pieds fix pou
ces .
Le Canal à ſept pieds
de large par bas , & s'élargit
juſqu'à ſept pieds fix
pouces , à la hauteur de
quatre pieds où commence
lavoute à plein ceintre.
Il y a de coſté & d'autre
du Canal un Corridor
-de trois pieds , & un Parapet
de dix- fept pouces de
large.
Les piles font à plomb
par le dedans hors de ter
de Siam. 261
re ,& par les coſtez . Il y
a par tout l'Aquedue un
pouce pour toiſe de talus,
mais les piliers bourans
en ont davantage au deffus
des premieres Arcades .
Il ſe fait de part & d'autre
une retraite d'environ
-ſept pieds , & au deffus
des fecondes , de prés de
fix pieds .
Ily a une porte au milieu
de chaque pile pour
pouvoir paffer tout du
long de l'Aqueduc , tant
262 Voyage des Amb.
aux ſecondes Arcades
qu'aux troifiémes. Lesportes
des fecondes ont quatre
pieds de large ,& celles
des troifiémes trois pieds
fix pouces , fur ſept pieds
dehaut.
Il y a des Eſcaliers qui
montent de terre au premier
étage par le dehors.
Ceux qui montent au
ſecond ſont pratiquez
dans l'épaiffeur des piles,
& ceux qui montent au
troifiéme font partie de
de Siam. 263
dans , partie dehors.
Voilà l'eſtat où eftoient
ces Ouvrages il y a fix
mois. Ils doivent eftre prefentement
bien plus avancez,
puisque plus de trente
mille hommes n'ont point
ceffé d'y travailler pendat
ce temps- là. De ces trente
mille hommes, il y en
a une partie de Maçons,
d'Apareilleurs , & d'autres
gens neceſſaires pour
les choſes qui ne peuvent
être faites par lesTroupes.
264 Vyage des Amb.
Elles font employées tant
l'Aqueduc qu'aux CarrieresdeGallardon
&d'Epernon
, & aux Ouvrages de
terre & fe montent à
vingt - deux mille hommes
où environ. Voicy les
noms des Regimens qui
les compoſent. Je ne vous
les envoye pas felon leur
rang.
REGIMENS.
Picardie.
Champagne..point
Royal
de Siam. 265
Royal des Vaiſſeaux.
Languedoc.
Navarre.
Feuquieres.
Cruffol.
La Fare .
Fufiliers du Roy.
Alface.
Vaubecour.
Lyonnois.
Dauphin .
La Reyne .
Anjou.
Vermandois.
Il y a outre cela trois
Z
266 Voyage des Amb.
Efcadrons de Dragons .
Le Logis des Ambaffadeurs
fut gardé par une
Compagnie dont le Capitaine
, le Lieutenant &
1 ' Enſeigne étoient en
Hauſſe - Col , pour leur
faire plus d'honneur. M
le Marquis d'Uxelles qui
commande toutes ces
Troupes , alla luy- meſme
le premier jour demander
le mot aux Ambaſſadeurs ,
&ils donnerent pour mot
Prosperité. Le Major Ge
deSiam. 267
neraly alla le prendre les
deuxjours fuivans , & les
motsqu'ils luy donnerent
furent l'Alliance Royale,
& Deux contre tous . Je
ne vous dis point qu'ils
entendoient parler des
Rois de France & de
Siam Ils admirerent les
Travaux dont je viens
de vous faire la defcription.
Le premier Ambaffadeur
les conçeut fi bien,
& en donna des marques
fi convaincantes , qu'iln'y
Zij
268 Voyage des Amb.
a point d'Architecte ny
d'Ingenieur qui euft pû les
mieux comprendre . Il dit
auffi , Qu'il ne croyoit pas
que tous les Rois de l' Europe
ensemble en puſſentfaire
autant. On leur fit voir
toutes les Troupes qui bátirent
aux Champs , &
falüerent du Drapeau.
Elles firent l'Exercice au
fon du Tambour, & montrerent
la parfaite intelligence
qu'elles ontdu Mêtier
de la Guerre.Il y avoit
de Siam. 269
douze Chevaux de l'Ecurie
du Roy que l'Ambaffadeur
& les Mandarins
monterent. Le premier
Ambaffadeur montra
d'un air fort déliberé ,
de quelle maniere les Siamois
ſe battent avec la
Lance. On luy demanda
s'il trouvoit les Troupes
du Roy belles , & il répondit,
qu'il ne croyoit pas
en avoir veu Cette réponfe
furprit , mais il tira bientoſt
d'embarras ceux qui
Z iij
270 Voyage des Amb.
l'avoient entenduë ,&dit
Qu'il ne croyoit pas avoir
vû des Troupes, maisfeulement
des Officiers , parce
qu'ils en avoient tous l'air,
&& l'adreſſe . M' le Marquis
d'Uxelles luy don.
na un magnifique Repas,
avec les Princes d'Hano
ver
, d'Holſtein , d'Harmeſtein
& d'Hanau. On
y but la Santédu Roy , &
l'on peut dire que c'eſt
la ſcule choſe dont il ait
efté ſurpris en France ,
de Siam.
27
ayant toûjours dit , Que
comme on devoit tout attendre
des François il n'étoit
étonné de rien ; mais
il eut de la peine à ſe perfuader
qu'on puft boire à
la Santé du Roy ſans manquer
de reſpect. On luy
dit que les diftinctions
qu'on faiſoit en la beuvant,
marquoient le refpect
, & qu'enfin le Roy
donnoit cette liberté ,
parce qu'elle faiſoit voir le
zele , & l'amour qu'on a-
Zij
272 Voyage des Amb.
'voit pour luy. Il joüa aprés
leRepas à toute table
avec Mª d'Uxelles , & le
gagna. Il dit lors qu'il eut
vû les Ouvrages , & les
Troupes , Qu'il ne s'éton
noit point de la grandeur,
&de la prosperité du Roy ,
& que beaucoup de choſes
ycontribuoient,Scavoir l'union
de la Famille Royale ,
l'avantage qu'il avoit de
gouverner par luy-mesme,
lafidelité , la ponctualité ,
Pintelligence, &la vigilande
Siam. 273
ce de ſes Ministres , es la
bonté deſes Troupes remplies
de jeuneſfe adroite,
& propre à tout.
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Résumé : Ils vont voir les travaux que l'on fait à la Riviere d'Eure. Description de cet Ouvrage, avec tout ce qui s'est passé à la reveuë des Troupes qui y travaillent. [titre d'après la table]
Le texte décrit les travaux entrepris pour approvisionner en eau le château de Versailles en utilisant la rivière d'Eure. Initialement, des projets visant à utiliser la Loire furent jugés impraticables en raison de la longueur du trajet et des difficultés topographiques. Le roi abandonna cette idée après avoir été convaincu par les relevés de Picard de l'Académie des Sciences. En 1684, Louvois, en considérant la hauteur de la rivière d'Eure et les terrains élevés entre Versailles et Maintenon, ordonna à La Hire, professeur en mathématiques et membre de l'Académie des Sciences, de vérifier la hauteur de cette rivière. La Hire découvrit que l'Eure était suffisamment haute à Pontgouin pour alimenter Versailles. Après vérifications, les travaux commencèrent, incluant la construction de canaux et d'un aqueduc en maçonnerie et en terre. L'aqueduc, long de 2960 toises avec 242 arcades, fut décrit en détail avec des hauteurs variées selon les sections. Les travaux impliquèrent plus de 30 000 hommes, incluant des régiments de troupes et des artisans spécialisés. Les ambassadeurs étrangers, impressionnés par les travaux et les troupes, admirèrent la grandeur du projet et la discipline des soldats français. Par ailleurs, le texte relate la surprise d'un ambassadeur de Siam en France face à une coutume locale. Cet ambassadeur, bien que toujours admiratif des Français, eut du mal à comprendre comment on pouvait porter un toast à la santé du roi sans manquer de respect. On lui expliqua que les distinctions faites en buvant à la santé du roi montraient le respect et que cette liberté était accordée par le roi pour démontrer l'ardeur et l'amour du peuple à son égard. Après le repas, l'ambassadeur joua à des jeux de table avec Madame d'Uxelles et la gagna. Il exprima ensuite son admiration pour les œuvres et les troupes françaises, soulignant que la grandeur et la prospérité du roi étaient dues à plusieurs facteurs, notamment l'union de la famille royale, la capacité du roi à gouverner personnellement, la fidélité, la ponctualité, l'intelligence et la vigilance de ses ministres, ainsi que la qualité des troupes, composées de jeunes gens adroits et compétents.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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263
p. 273-275
Reparties. [titre d'après la table]
Début :
Je suis obligé de passer legerement sur chaque article, parce [...]
Mots clefs :
Madame du Repaire, Honneur, Voir, Réparties
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Reparties. [titre d'après la table]
Je ſuis
obligé de paffer legerement
fur chaque article
, parce qu'il me reſte
trop de choſes à vous apprendre
. M'Storfluy dit
au premier Repas qu'il fit
à Paris aprés ſon retour
de l'Audience , qu'il ne
mangeoit point. Il répondit
, Qu'ayant eu l'honneur
de voir le Roy , il ne
274 Voyage des Amb.
pouvoit employer trop de
temps ày penser , & qu'il
s'en souviendroit juſques:
à Siam , & toute ſa vie.
Quelquesjours aprés,Madame
du Repaire eftant
venuë le voir difner , on
luy dit qu'elle estoit Soeur
de M'le Marquis d'Uxel-
Ies , dont il avoit reçeu
tant d'honneur au Camp.
Il luy fit auffi toft compliment
, & luy prefenta
les plus beaux fruits de la
rable ; & quoy qu'il cuſt
de Siam. 275
coutume d'en preſenter
aux Perſonnes les plus diſtinguées
, & aux plus belles
Dames, il n'en prefenta
ce jour- là à aucune.
On s'en étonna , mais on
remarqua enfin qu'il ne
l'avoit fait , qu'afin que
Madame du Repaire eust
l'avantage d'eſtre ſeule
diftinguée.
obligé de paffer legerement
fur chaque article
, parce qu'il me reſte
trop de choſes à vous apprendre
. M'Storfluy dit
au premier Repas qu'il fit
à Paris aprés ſon retour
de l'Audience , qu'il ne
mangeoit point. Il répondit
, Qu'ayant eu l'honneur
de voir le Roy , il ne
274 Voyage des Amb.
pouvoit employer trop de
temps ày penser , & qu'il
s'en souviendroit juſques:
à Siam , & toute ſa vie.
Quelquesjours aprés,Madame
du Repaire eftant
venuë le voir difner , on
luy dit qu'elle estoit Soeur
de M'le Marquis d'Uxel-
Ies , dont il avoit reçeu
tant d'honneur au Camp.
Il luy fit auffi toft compliment
, & luy prefenta
les plus beaux fruits de la
rable ; & quoy qu'il cuſt
de Siam. 275
coutume d'en preſenter
aux Perſonnes les plus diſtinguées
, & aux plus belles
Dames, il n'en prefenta
ce jour- là à aucune.
On s'en étonna , mais on
remarqua enfin qu'il ne
l'avoit fait , qu'afin que
Madame du Repaire eust
l'avantage d'eſtre ſeule
diftinguée.
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Résumé : Reparties. [titre d'après la table]
M'Stofluy, de retour d'une audience à Paris, refuse de manger lors de son premier repas, trop occupé à penser à l'honneur de voir le roi. Il affirme se souvenir de cette rencontre jusqu'à Siam et toute sa vie. Quelques jours plus tard, Madame du Repaire, sœur du Marquis d'Uxelles, le visite. M'Stofluy lui offre les plus beaux fruits de la table, la distinguant particulièrement.
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Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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264
p. 275-279
Ce qui s'est passé à la Comedie Françoise le premier jour que les Ambassadeurs y ont esté. [titre d'après la table]
Début :
Ayant vû jouer la Comedie du Bourgeois Gentilhomme, il comprit [...]
Mots clefs :
Comédie-Française, Pièce, Bourgeois gentilhomme, La Grange, Comédie, Compliment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à la Comedie Françoise le premier jour que les Ambassadeurs y ont esté. [titre d'après la table]
Ayant vu jouer
la Comedie du Bourgeois
Gentilhomme , il comprit
tout le ſujet de la Piece
fur ce qu'on luy en expli
276 Voyagedes Amb.
qua , & dit à la fin qu'il
auroit fouhaité qu'il y euſt
eu dans le dénoüement
de certaines chofes qu'il
marqua. Mª de la Grange
dit dans ſon Compliment,
- Qu'ils avoient estéſouvent
honorez de la presence de
pluſieurs Ambaſſadeurs ,
qui pouſſez par leur curiofité
estoient venus admirer
leurs Spectacles, mais qu'ils
n'avoient jamais eu l'avantage
de voir chez eux
des Perſonnes,dont la qua
deSiam.
277
lité de l'Ambassade dans
toutesses circonstances eust
plus attiré d'admiration ,
& que c'estoit ce qui leur
arrivoit ce jour-làpar leur
prefence; que toute la France
estoit pleinement informée
de l'eſtime particuliere
que nostre Auguste Monarque
faisoit de leur merite
, &qu'außi s'empresfoit-
on àleur rendre de toutes
parts leshonneurs dûs à
leur Caractere , chacun allant
au devant de ce qui
278 Voyage des Amb.
afin
leur pouvoit estre agreables
qu'il auroit estéà souhaiter
pour la Troupe , qu'un peu
d'habitude de la Langue
Françoise leur euſt rendu
la Piece intelligible ,
qu'ils en euſſent på ſentir
la beauté, ce qui leur auroit
fait mieux comprendre le
zele aveclequel ils s'estoient
portez à leur donner quelque
plaisir ; qu'ils prioient
leurs Interpretes de le leur
faire entendre , außi- bien
que le defir qu'ils auroient
de Siam.
279
de contribuer encore à leur
divertiſſementpendant leur
Sejour à Paris.Ce difcours
receut beaucoup d'aplaudiffemens
, & l'Ambaffadeur
ayant rencontré M.
de la Grange lors qu'il
fortoit de la Comedie ,
luy dit en François,Je vous
remercie , M' le Marquis,
parce qu'il avoit joué le
rôle du Marquis dans la
Piece.
la Comedie du Bourgeois
Gentilhomme , il comprit
tout le ſujet de la Piece
fur ce qu'on luy en expli
276 Voyagedes Amb.
qua , & dit à la fin qu'il
auroit fouhaité qu'il y euſt
eu dans le dénoüement
de certaines chofes qu'il
marqua. Mª de la Grange
dit dans ſon Compliment,
- Qu'ils avoient estéſouvent
honorez de la presence de
pluſieurs Ambaſſadeurs ,
qui pouſſez par leur curiofité
estoient venus admirer
leurs Spectacles, mais qu'ils
n'avoient jamais eu l'avantage
de voir chez eux
des Perſonnes,dont la qua
deSiam.
277
lité de l'Ambassade dans
toutesses circonstances eust
plus attiré d'admiration ,
& que c'estoit ce qui leur
arrivoit ce jour-làpar leur
prefence; que toute la France
estoit pleinement informée
de l'eſtime particuliere
que nostre Auguste Monarque
faisoit de leur merite
, &qu'außi s'empresfoit-
on àleur rendre de toutes
parts leshonneurs dûs à
leur Caractere , chacun allant
au devant de ce qui
278 Voyage des Amb.
afin
leur pouvoit estre agreables
qu'il auroit estéà souhaiter
pour la Troupe , qu'un peu
d'habitude de la Langue
Françoise leur euſt rendu
la Piece intelligible ,
qu'ils en euſſent på ſentir
la beauté, ce qui leur auroit
fait mieux comprendre le
zele aveclequel ils s'estoient
portez à leur donner quelque
plaisir ; qu'ils prioient
leurs Interpretes de le leur
faire entendre , außi- bien
que le defir qu'ils auroient
de Siam.
279
de contribuer encore à leur
divertiſſementpendant leur
Sejour à Paris.Ce difcours
receut beaucoup d'aplaudiffemens
, & l'Ambaffadeur
ayant rencontré M.
de la Grange lors qu'il
fortoit de la Comedie ,
luy dit en François,Je vous
remercie , M' le Marquis,
parce qu'il avoit joué le
rôle du Marquis dans la
Piece.
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Résumé : Ce qui s'est passé à la Comedie Françoise le premier jour que les Ambassadeurs y ont esté. [titre d'après la table]
Le texte décrit la visite d'ambassadeurs siamois à une représentation de la comédie 'Le Bourgeois Gentilhomme'. Un des ambassadeurs comprit le sujet de la pièce grâce aux explications fournies et proposa des suggestions pour le dénouement. Madame de la Grange, dans son compliment, souligna que les ambassadeurs étaient les premiers de leur qualité à assister à leurs spectacles. Elle mentionna l'estime particulière du monarque français pour leur mérite et les honneurs qui leur étaient rendus. Elle regretta que la troupe ne maîtrisât pas la langue française, ce qui aurait rendu la pièce plus intelligible. Les ambassadeurs exprimèrent leur désir de mieux comprendre la pièce et leur volonté de contribuer au divertissement pendant leur séjour à Paris. Le discours de Madame de la Grange fut applaudi. En sortant, un ambassadeur remercia Monsieur de la Grange en français pour son rôle dans la pièce.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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265
p. 279-282
Ils vont voir le Magasin d'Armes à la Bastille. [titre d'après la table]
Début :
Ils ont esté à la Bastille voir le Magazin d'Armes, [...]
Mots clefs :
Magasin d'armes, Bastille, Armes, Magasins, Écrire
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texteReconnaissance textuelle : Ils vont voir le Magasin d'Armes à la Bastille. [titre d'après la table]
Ils ont eſté à la Baſtille
voir le Magazin d'Armes ,
280 Voyage des Amb.
où il y en a toujours de
preſtes pour armer trente
mille hommes. Je ne vous
en fais point ledétail. Imaginez
- vous toutes les fortes
d'Armes qui peuvent
eſtre employées dans une
Armée,& ce ſera vous repreſenter
tout ce qu'on
trouve dans ce Magazin.
Rien n'en égale le bon ordre
&la propreté. C'eſt un
effer des foins de M Thiton
, mais l'établiſſement
en eſt deu à M² de Lou
de Siam: 201
vois . Il n'y en avoit point
encore eu en France. Les
Ambaffadeurs ne fe contenterent
pas de l'admirer
, mais ils ſe donnerene
la peine d'écrire& de faire
écrire par leursSecretaires
tour ce qu'ilsy virent. Om
Ieur dit qu'il y avoit en
France encore vingt Magazins
qui n'eſtoient pass
moins remplis. Ainfi ea
quelque lieu qu'on puide
envoyer des Soldats fans
Armes ils en trouvent
Aa
2
282. Voyage des Amb.
dans ces Magazins , &
cela n'a pas peu contribué
aux Conqueſtes de Sa
Majefte.
voir le Magazin d'Armes ,
280 Voyage des Amb.
où il y en a toujours de
preſtes pour armer trente
mille hommes. Je ne vous
en fais point ledétail. Imaginez
- vous toutes les fortes
d'Armes qui peuvent
eſtre employées dans une
Armée,& ce ſera vous repreſenter
tout ce qu'on
trouve dans ce Magazin.
Rien n'en égale le bon ordre
&la propreté. C'eſt un
effer des foins de M Thiton
, mais l'établiſſement
en eſt deu à M² de Lou
de Siam: 201
vois . Il n'y en avoit point
encore eu en France. Les
Ambaffadeurs ne fe contenterent
pas de l'admirer
, mais ils ſe donnerene
la peine d'écrire& de faire
écrire par leursSecretaires
tour ce qu'ilsy virent. Om
Ieur dit qu'il y avoit en
France encore vingt Magazins
qui n'eſtoient pass
moins remplis. Ainfi ea
quelque lieu qu'on puide
envoyer des Soldats fans
Armes ils en trouvent
Aa
2
282. Voyage des Amb.
dans ces Magazins , &
cela n'a pas peu contribué
aux Conqueſtes de Sa
Majefte.
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Résumé : Ils vont voir le Magasin d'Armes à la Bastille. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs ont visité la Bastille et découvert un magasin d'armes capable d'équiper trente mille hommes. Le lieu, ordonné et propre, a été établi par Monsieur de Louv de Siam. Ils ont appris l'existence de vingt autres magasins similaires en France, facilitant l'équipement rapide des soldats et contribuant aux conquêtes royales.
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266
p. 282-283
Ce qu'ils ont dit des Invalides. [titre d'après la table]
Début :
Lors qu'ils virent les Invalides, le premier Ambassadeur dit [...]
Mots clefs :
Invalides, Roi
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texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont dit des Invalides. [titre d'après la table]
Lors qu'ils virent
les Invalides , le premier
Ambaſſadeur dit en parlant
du Roy & de fes
Troupes ; Il les habille
les paye , & recompense
leurs belles act ons ; il les loge
, il les nourrit. Peut-il
manquer aprés cela d'eftre
toûjours Vainqueur ? Jamais
on n'a tant dit de
choſesen fi peude paroles,
de Siam 283
&je nefçay ti des Panegyriques
entiers pourroient
mieux louer le Roy.
les Invalides , le premier
Ambaſſadeur dit en parlant
du Roy & de fes
Troupes ; Il les habille
les paye , & recompense
leurs belles act ons ; il les loge
, il les nourrit. Peut-il
manquer aprés cela d'eftre
toûjours Vainqueur ? Jamais
on n'a tant dit de
choſesen fi peude paroles,
de Siam 283
&je nefçay ti des Panegyriques
entiers pourroient
mieux louer le Roy.
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267
p. 283-287
Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Début :
Quand ils allerent à la Comedie Italienne, & qu'on [...]
Mots clefs :
Comédie-Italienne, Interprète, Paris, Roi, France, Portugais, Compliment italien, Giovanni Veneroni
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Quand ils allerent à la
Comedie Italienne , &
qu'on leur voulut faire :
remarquer la Salle qui eft
tres-belle , ils dirent qu'el
le estoit à Paris es que cela
Suffifoit , Paris eftant ca
pable de produire tout ce
qu'on peut s'imaginer de
plus beau. Voicy à peu prés
le fujet du Compliments
Italien que leur fit M
Aaij
284 Voyage des Amb.
Cinthio . Il dit , Que c'étorent
de ſages & illustres
Minſtres , qui portoient
imprimée ſur leurfront la
grandeurde leur Roy , qu'ils
eftoient venus en France du
ford des Indes pour nous
découvrir les merveilles de
IAfie , que leur Royaume
eftoit divſé en onze Provinces
qu'onpouvoit appeller
autant de Royaumes, &
que tout estoit d'unfi grand
exemple dans le Gouvernement
de Siam , que si les
de Siam. 285
Ecoles de la Prudence &
de la Politique estoient neceffaires
en France , ils
pourroient en donner les
premiers enfeignemens ; à
quoy il ajouta , qu'il les
prioit defouffrirqu' au nom
de toute la Troupe , il leur
rend ft graces de l'honneur
qu'il leur avoit plû de faire
à leur Theatre , cơ quà
leurretour à Siam ils daignaſſont
dire à leur Souverain
Seigneur , que les Nations
les plus éloignées don
286 Voyage des Amb.
nent un tribut de loüanges
àſa grandeur, 5 reverent
fa Puiſſance , d'autant
plus confiderable qu'elle a
merité l'estime de noftre
Monarque , toûjours Invincible
LOUIS XIV. 5.
que cependant ils attendroient
d'eux de nouveaux
ordres ponr leur donner de
nouvelles marques de leur
zele & de leur obeiffance.
CeCompliment fut interpreté
en François parM
Veneroni , Interprete du
de Siam. 287
Roy en Langue Italienne,
qui parle Portugais auffibien
que l'Interprete des
Ambaffadeurs qui eft né à
Siam , & Fils d'un Portugais
qui s'y eft habitué.
Comedie Italienne , &
qu'on leur voulut faire :
remarquer la Salle qui eft
tres-belle , ils dirent qu'el
le estoit à Paris es que cela
Suffifoit , Paris eftant ca
pable de produire tout ce
qu'on peut s'imaginer de
plus beau. Voicy à peu prés
le fujet du Compliments
Italien que leur fit M
Aaij
284 Voyage des Amb.
Cinthio . Il dit , Que c'étorent
de ſages & illustres
Minſtres , qui portoient
imprimée ſur leurfront la
grandeurde leur Roy , qu'ils
eftoient venus en France du
ford des Indes pour nous
découvrir les merveilles de
IAfie , que leur Royaume
eftoit divſé en onze Provinces
qu'onpouvoit appeller
autant de Royaumes, &
que tout estoit d'unfi grand
exemple dans le Gouvernement
de Siam , que si les
de Siam. 285
Ecoles de la Prudence &
de la Politique estoient neceffaires
en France , ils
pourroient en donner les
premiers enfeignemens ; à
quoy il ajouta , qu'il les
prioit defouffrirqu' au nom
de toute la Troupe , il leur
rend ft graces de l'honneur
qu'il leur avoit plû de faire
à leur Theatre , cơ quà
leurretour à Siam ils daignaſſont
dire à leur Souverain
Seigneur , que les Nations
les plus éloignées don
286 Voyage des Amb.
nent un tribut de loüanges
àſa grandeur, 5 reverent
fa Puiſſance , d'autant
plus confiderable qu'elle a
merité l'estime de noftre
Monarque , toûjours Invincible
LOUIS XIV. 5.
que cependant ils attendroient
d'eux de nouveaux
ordres ponr leur donner de
nouvelles marques de leur
zele & de leur obeiffance.
CeCompliment fut interpreté
en François parM
Veneroni , Interprete du
de Siam. 287
Roy en Langue Italienne,
qui parle Portugais auffibien
que l'Interprete des
Ambaffadeurs qui eft né à
Siam , & Fils d'un Portugais
qui s'y eft habitué.
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Résumé : Ce qui s'est passé à la Comedie Italienne la premiere fois qu'ils ont esté à ce Theatre. [titre d'après la table]
Des ambassadeurs visitèrent la Comédie Italienne et admirèrent sa beauté, la comparant aux salles parisiennes. M. Aaij, représentant, les qualifia de sages et illustres ministres, soulignant la grandeur de leur roi. Il mentionna leur voyage depuis les Indes pour découvrir les merveilles de l'Asie et décrivit leur royaume, divisé en onze provinces ou royaumes, gouverné avec sagesse. M. Aaij exprima l'admiration pour leur gouvernement et demanda aux ambassadeurs de transmettre leurs louanges au souverain de Siam, Louis XIV. Le compliment fut interprété en français par M. Veneroni, interprète du roi en langue italienne et portugais, et par l'interprète des ambassadeurs, né à Siam et fils d'un Portugais.
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268
p. 287-290
Ce qu'ils ont dit de Montmartre, de la Porte de S. Denis, de celle de S. Martin, & des nouveaux Ramparts. [titre d'après la table]
Début :
Comme ils veulent voir Paris par tous les endroits d'où [...]
Mots clefs :
Paris, Porte Saint-Denis, Porte Saint-Martin, Remparts
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont dit de Montmartre, de la Porte de S. Denis, de celle de S. Martin, & des nouveaux Ramparts. [titre d'après la table]
Comme ils veulent voir
Paris par tous les endroits
d'où l'on en peut remarquer
quelques parties
principales , ils ont efté fur
la Montagne de Montmartre.
Ils ont dit Que
Siam avoit autant d'éten
due que Paris , mais que
288 Voyage des Amb.
cependant à cause de la
hauteur des Maisons,Paris
estoit fix fois außi grand
que Siam. Ils allerent au
Convent & firent compliment
à Madame de
Montmartre. Ils y entendirent
Vefpres , trouverent
beaucoup de dou
ceur dans le chant des Religieufes,&
remarquerent
qu'elles n'avoient point
levé leur Voile pour les
regarder Le premier Ambaſſadeur
dit , Qu'il les ad
miroit
de Siam. 289
miroitſans en estre étonné ,
&qu'on en devoit uſer ainfi
quand on avoit une fois
quité l'exterieur pour l'interieur.
Ils allerent enfuite
voir la Porte Saint Denis
&la Porte Saint Martin ,
qu'ils trouverent tres-belles
, mais ils dirent , qu'auprés
de ces grandsOuvrages
ilfalloit de plus belles Mai-
Sons. Ils virent enfuite le
Rempart qui s'étend jufques
à la Porte Saint Antoine
, & ils dirent , Que
Bb
290 Voyage des Amb.
quand cét Ouvrage ſeroit
achevé , ilferoit digne de
Paris.
Paris par tous les endroits
d'où l'on en peut remarquer
quelques parties
principales , ils ont efté fur
la Montagne de Montmartre.
Ils ont dit Que
Siam avoit autant d'éten
due que Paris , mais que
288 Voyage des Amb.
cependant à cause de la
hauteur des Maisons,Paris
estoit fix fois außi grand
que Siam. Ils allerent au
Convent & firent compliment
à Madame de
Montmartre. Ils y entendirent
Vefpres , trouverent
beaucoup de dou
ceur dans le chant des Religieufes,&
remarquerent
qu'elles n'avoient point
levé leur Voile pour les
regarder Le premier Ambaſſadeur
dit , Qu'il les ad
miroit
de Siam. 289
miroitſans en estre étonné ,
&qu'on en devoit uſer ainfi
quand on avoit une fois
quité l'exterieur pour l'interieur.
Ils allerent enfuite
voir la Porte Saint Denis
&la Porte Saint Martin ,
qu'ils trouverent tres-belles
, mais ils dirent , qu'auprés
de ces grandsOuvrages
ilfalloit de plus belles Mai-
Sons. Ils virent enfuite le
Rempart qui s'étend jufques
à la Porte Saint Antoine
, & ils dirent , Que
Bb
290 Voyage des Amb.
quand cét Ouvrage ſeroit
achevé , ilferoit digne de
Paris.
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Résumé : Ce qu'ils ont dit de Montmartre, de la Porte de S. Denis, de celle de S. Martin, & des nouveaux Ramparts. [titre d'après la table]
Des ambassadeurs ont visité Paris et ont gravi la Montagne de Montmartre pour observer la ville. Ils ont comparé Paris à Siam, notant que Paris était six fois plus grand en raison de la hauteur des bâtiments. Ils se sont ensuite rendus au couvent de Montmartre, où ils ont salué Madame de Montmartre et assisté aux vêpres. Ils ont apprécié le chant des religieuses, qui n'avaient pas levé leur voile pour les regarder. Un ambassadeur a admiré les religieuses de Siam, soulignant leur concentration sur l'intérieur plutôt que sur l'extérieur. Les ambassadeurs ont ensuite visité les portes Saint-Denis et Saint-Martin, les trouvant belles mais suggérant que des maisons plus belles devraient les entourer. Ils ont également observé le rempart jusqu'à la porte Saint-Antoine, estimant que cet ouvrage, une fois achevé, serait digne de Paris.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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269
p. 290-297
Ce qui s'est passé à Meudon pendant une journée entiere qu'ils ont employée à visiter ce Chasteau. [titre d'après la table]
Début :
Lors qu'ils allerent à Meudon, ils demanderent si Madame [...]
Mots clefs :
Abbé de Louvois, Madame de Louvois, Meudon, Maison, Compliment, Chevalier de Nogent, Galerie, Cabinet des miroirs
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à Meudon pendant une journée entiere qu'ils ont employée à visiter ce Chasteau. [titre d'après la table]
Lors qu'ils allerent à
Meudon, ils demanderent
fi Madame de Louvois y
feroit. On connut que
c'eſtoit pour luy faire
compliment , parce qu'ils
ſçavent ceux à qui ils en
doivent. On leur réponditqu'elle
auroit bien foudit
quelle
haité avoir cet honneur ,
mais qu'elle ne s'y trouveroit
pas, afin qu'ils puf
de Siam. 291
ſent avoir pleine liberté
dans toute la Maiſon. On
fit aller le Caroſſe en arrivant
le long de la Terraffe,
pour leurdonner lieu
de remarquer la beautéde
laveuë. Ils dirent Que cette
Terraſſe devoit cftre bien
haute , puis que la pointe du
Clocher du Village ftoit
beaucoup au dessous . M²
l'Abbé de Louvois , Mles
Chevaliers de Nogent &
deChaumont, M'le Comte
d'Asfeld , & pluſieurs
Bb ij
292 Voyage des Amb.
autres les reçeurent à la
porte du Veſtibule. M'le
Chevalier de Nogent leur
dit que M de Louvois
eſtant avec leRoy àMaintenon
, ils estoient venus
pour leur faire compliment
de ſa part , & pour
leur témoigner qu'il auroit
bien voulu avoir
l'honneur de les recevoir
luy- mefme. Ils remercierent
M'de Louvois , &
ces Ms auffi en leur particulier
, & pafferent en
de Siam. 293
fuire dans le Veſtibule, où
ils s'attacherent à regarder
les Marbres . Ils firent
de mefme dans la Galerie,
dont les Tables , les Buftes
& les Tableaux leur plûrent
fort . Ils allerent fe
promener juſqu'aux Capucins
, & on leur dit que
ce Convent eſtoit une
Fondation dela Maiſon de
Meudon . Ils revinrent en
fuite dans le Salon , où on
leur fervit un Diſné fort
magnifique. Aprés le Re-
Bb ij
294 Voyage des Amb.
pas on les mena dans une
chambre , où ils trouverent
du Thé, du Caffé, des
Pipes,& des Lits de repos .
M² l'Abbé de Louvois qui
n'eſt ágé que de dix ans ,
prit du Thé avec eux , &
leur dit tant de choſes ſpirituelles
& obligeantes ,
qu'ils en furent charmez.
Ils retournerent voir le
Cabinet des Miroirs, qu'-
ils ne ſe pouvoient laffer
d'admirer ; puis en repaffant
ils s'attacherent a rede
Siam. 295
garder le Portrait duRoy,
qu'ils avoient long- temps
confideré le matin. Ils virent
l'apréſdinée le refte
du Jardin , les Eaux , & le
lieu appellé les Cloiſtres,
parce que les arbres yfont
diſpoſez d'une maniere
qui peut leur faire donner
ce nom. Ils ſe repoferent
chez M² Girardo,Capitaine
du Chaftcau , où ils furent
divertis par Mefdemoiſelles
Girardo , ſes Fil--
les , qui danfent , & qui
Bb iiij
296 Voyage des Amb.
joüent fort bien du Cla
veffin. Ils retournerent à
la promenade, où on leur
fervit une fuperbe Colation
dans un lieu fort agreable
; & aprés qu'ils ſe
furent encore promenez ,
l'heure les obligea de partir.
Ils crurent encore
partir trop toſt ; car quoy
qu'ils euffent paffélajournée
entiere dans cette
belle Maiſon , ils y découvroient
toujours quelques
nouvelles beautez.
de Siam. 297
Ils voulurent donner de
l'argent à ceux qui avoient
pris le ſoin de leur
faire tout voir , mais on
le refuſa , parce qu'on n'y
en a jamais pris de perfonne
.
Meudon, ils demanderent
fi Madame de Louvois y
feroit. On connut que
c'eſtoit pour luy faire
compliment , parce qu'ils
ſçavent ceux à qui ils en
doivent. On leur réponditqu'elle
auroit bien foudit
quelle
haité avoir cet honneur ,
mais qu'elle ne s'y trouveroit
pas, afin qu'ils puf
de Siam. 291
ſent avoir pleine liberté
dans toute la Maiſon. On
fit aller le Caroſſe en arrivant
le long de la Terraffe,
pour leurdonner lieu
de remarquer la beautéde
laveuë. Ils dirent Que cette
Terraſſe devoit cftre bien
haute , puis que la pointe du
Clocher du Village ftoit
beaucoup au dessous . M²
l'Abbé de Louvois , Mles
Chevaliers de Nogent &
deChaumont, M'le Comte
d'Asfeld , & pluſieurs
Bb ij
292 Voyage des Amb.
autres les reçeurent à la
porte du Veſtibule. M'le
Chevalier de Nogent leur
dit que M de Louvois
eſtant avec leRoy àMaintenon
, ils estoient venus
pour leur faire compliment
de ſa part , & pour
leur témoigner qu'il auroit
bien voulu avoir
l'honneur de les recevoir
luy- mefme. Ils remercierent
M'de Louvois , &
ces Ms auffi en leur particulier
, & pafferent en
de Siam. 293
fuire dans le Veſtibule, où
ils s'attacherent à regarder
les Marbres . Ils firent
de mefme dans la Galerie,
dont les Tables , les Buftes
& les Tableaux leur plûrent
fort . Ils allerent fe
promener juſqu'aux Capucins
, & on leur dit que
ce Convent eſtoit une
Fondation dela Maiſon de
Meudon . Ils revinrent en
fuite dans le Salon , où on
leur fervit un Diſné fort
magnifique. Aprés le Re-
Bb ij
294 Voyage des Amb.
pas on les mena dans une
chambre , où ils trouverent
du Thé, du Caffé, des
Pipes,& des Lits de repos .
M² l'Abbé de Louvois qui
n'eſt ágé que de dix ans ,
prit du Thé avec eux , &
leur dit tant de choſes ſpirituelles
& obligeantes ,
qu'ils en furent charmez.
Ils retournerent voir le
Cabinet des Miroirs, qu'-
ils ne ſe pouvoient laffer
d'admirer ; puis en repaffant
ils s'attacherent a rede
Siam. 295
garder le Portrait duRoy,
qu'ils avoient long- temps
confideré le matin. Ils virent
l'apréſdinée le refte
du Jardin , les Eaux , & le
lieu appellé les Cloiſtres,
parce que les arbres yfont
diſpoſez d'une maniere
qui peut leur faire donner
ce nom. Ils ſe repoferent
chez M² Girardo,Capitaine
du Chaftcau , où ils furent
divertis par Mefdemoiſelles
Girardo , ſes Fil--
les , qui danfent , & qui
Bb iiij
296 Voyage des Amb.
joüent fort bien du Cla
veffin. Ils retournerent à
la promenade, où on leur
fervit une fuperbe Colation
dans un lieu fort agreable
; & aprés qu'ils ſe
furent encore promenez ,
l'heure les obligea de partir.
Ils crurent encore
partir trop toſt ; car quoy
qu'ils euffent paffélajournée
entiere dans cette
belle Maiſon , ils y découvroient
toujours quelques
nouvelles beautez.
de Siam. 297
Ils voulurent donner de
l'argent à ceux qui avoient
pris le ſoin de leur
faire tout voir , mais on
le refuſa , parce qu'on n'y
en a jamais pris de perfonne
.
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Résumé : Ce qui s'est passé à Meudon pendant une journée entiere qu'ils ont employée à visiter ce Chasteau. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam visitèrent la maison de Meudon. À leur arrivée, ils souhaitèrent rencontrer Madame de Louvois, mais on leur indiqua qu'elle ne serait pas présente pour leur laisser toute liberté. Ils furent accueillis par l'Abbé de Louvois, les Chevaliers de Nogent et de Chaumont, et le Comte d'Asfeld, qui leur transmirent les compliments de Monsieur de Louvois. Les ambassadeurs explorèrent la terrasse, admirèrent les marbres et les tableaux de la galerie, et se promenèrent jusqu'au couvent des Capucins. Ils participèrent ensuite à un dîner somptueux, suivi d'une pause avec du thé, du café et des pipes. L'Abbé de Louvois, âgé de dix ans, les impressionna par sa conversation. Ils continuèrent leur visite en admirant le cabinet des miroirs et le portrait du roi. L'après-midi, ils explorèrent le reste du jardin et les eaux. Ils se reposèrent chez Monsieur Girardo, divertis par ses filles. Après une collation, ils durent partir, regrettant de quitter cette belle maison. Ils offrirent de l'argent aux guides, mais leur offre fut refusée.
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270
p. 297-308
Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le lendemain au Garde-Meuble de la Couronne, [...]
Mots clefs :
Garde-meuble de la couronne, Roi, Louvre, Argent, Pièces, Grande galerie, Médailles, Meubles, Maisons royales
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Ils allerent le len
demain auGarde- Meuble
de la Couronne , proche
le Louvre, dans le lieu appellé
autrefois , le Petit
Bourbon , parce que c'eſt
une aifle du Logis duConneſtable
de Bourbon, qu'-
on a abatu , à cauſe qu'il
298 Voyage des Amb.
eftoit dans le grand deffein
du Louvre. Ils virent
d'abord les Couvertures.
de Mulets du Roy. Il y
en a vingt-huit dont le
fond eſt de velours bleu.
Les A mes deFrance & de
Navarre font dans le milieu
, & d'une broderie
fort relevée , ainſi que les
ornemens , qui font aux
quatre coins. Ils virent
enfuire foixante Lits tresmagnifiques
, car on ne
voulut pas leur montrer
deSiam.
299
ceux qui ſont moins
beaux , quoy qu'ils foient
fort riches. Les premiers
qu'on leur fit voir , font
de Perfe , de Turquie , de
la Chine , de Portugal ,&
de pluſieurs autres Nations
où l'on travaille le
mieux. Il ya le Lit du Sacre
àdeux envers de broderie,
eftimé fix cens mille
livres ; le Lit de l'Hiſtoire
de Proferpine , & le Lit
appellé de la Reyne Marguerite
; il y en a de Petit
300 Voyage des Amb.
Point , que ceux qui les
voyent de quatre pas ,
prennentpour de la Peinture;
d'autres fur des fonds.
d'or,& fur des fonds d'argent
, & d'autres brodez
fur des velours de toutes
fortes de couleurs , On
leur montra l'équipage
d'un Vaiſſeau du Roy qui
eft à Toulon , nommé Le
Royal Louis .Il contient en
eent cinquante pieces fix
mille aunes de Damas
paffé d'or , avec les Corde
Siam.
301
dages qui font or, argent,
squ
& foye. On leur fit voir
auffi une piece de chaque
Tenture de Tapiſſerie.
Ces Tentures ſont Scipion
, Conftantin , Coriolan,
les Actes des Apoſtres,
Alexandre , Fructus belli ,
les Elemens , les Maiſons
Royales , les Chaffes , les
Groteſques , les douze
Mois, le Triomphe de l'Amour,
les SeptAges, l'Hiftoire
du Roy , fon Sacre ,
l'Alliance des Suiffes , les
302 Voyage des Amb.
Priſes de Villes . Ils virent
auffi un Tapis fait au lieu
appellé , la Savonnerie , il
eft de ſept aulnes & demie
de long . Il y en a quatre-
vingt - treize de mef.
me, qui tous enſemble ne
font qu'un Tapis . Cet
Ouvrage a eſté fait pour
la grande Galerie du Louvre.
Il y en a douze autres
pour la Galerie d'Apollon
, qui eft à coſté de la
grande Galerie. Quoy
qu'il y euſt beaucoup
deSiam. 303
d'argenterie , je n'en fais
point de détail , parce que
la plus belle eft à Verſailles
; mais il y a un Service
avec le Bufet de Vermeil
doré à coſtes , qui eſt trescurieux.
On l'appelle Service
de Medailles , parce
qu'il eſt tout remply de
petites Médailles qui re
preſentent les Empereurs
Romains , & d'autres
Teſtes Antiques. Ce qu'il
y a de ſurprenant dans
ce Service , c'eſt que les
304 Voyage des Amb.
Médailles ne font point
dorées , quoy que tout
le reſte le ſoit. Ils s'attacherent
fort à regarder
un Cabinet aſſez grand ,
&tout d'acier , qui eſt un
Preſent qu'on a fait au
Roy. Outre tous ces
Meubles , Sa Majefté en
a encore une infinité d'autres
dans toutes les Maiſons
Royales , afin qu'on
ne foit pas obligé d'y en
tranſporrer lors qu'Elle y
va faire quelque ſéjour.
de Siam. 30
1
Ily en a grand nombre de
beaux à Vincennes ,
ceux qui font dans le Gardemeuble
de Verſailles
font fi magnifiques qu'on
peut dire qu'ils furpaffent
ceux de Paris. Non feulement
le Roy en fait faire
tous les jours de nouveaux
, mais Sa Majefté
fait travailler à des Etofes
extraordinaires pourr
en faire , & l'on montra
aux Ambaſſadeurs prés de
cent pieces de Brocards
C
306 Voyage des Amb.
d'or& d'argent, faites fur
des deffeins nouveaux , &
auſquels on n'a rien veu
encore de pareil. Il y en
a fur tout d'une telle hauteur
, qu'ils paffent tous
ceux qu'on a faits juſqu'à
preſent en quelque lieu
dumonde que ce foit , &
mefme ceux du Levant.
Ils font de laManufacture
que le Roy a fait établir
à S. Maur par M² Charlier.
Il y avoit auffi des
Rideaux de Damas blanc
de Siam.
307
9
pour les feneftres de Verfailles
, avec des Couron-
,
nes des Chiffres , & des
Lires d'or, mais feulement
d'eſpace en eſpace , parce
qu'on ne doit pas trop
charger d'or un Rideau
qui doit eſtre aide à mi
nier Je ne vous parle de
ces Rideaux que parce
qu'ils font tout d'une pie--
ce, quov qu'il ſo end en
viron ſeptaulnes &demie:
de haut , & de quatre &
demie de large. Le pre-
Ccij
308 Voyage des Amb.
mier Ambaſfadeur en furt
fi furpris qu'il meſura luymefme
ce Rideau . Quant
aux Brocards il y en a d'affez
larges , pour faire des
Pieces de Tenture de Tapifferie
de Cabinet , tout
d'un morceau. Le Roy
s'en fert pour faire des
Meubles d'Eſté ; il y en a
dont on peut auffi faire
des Meubles d'Hyver. Ils
font tout remplis de fleurs
d'or frifé
demain auGarde- Meuble
de la Couronne , proche
le Louvre, dans le lieu appellé
autrefois , le Petit
Bourbon , parce que c'eſt
une aifle du Logis duConneſtable
de Bourbon, qu'-
on a abatu , à cauſe qu'il
298 Voyage des Amb.
eftoit dans le grand deffein
du Louvre. Ils virent
d'abord les Couvertures.
de Mulets du Roy. Il y
en a vingt-huit dont le
fond eſt de velours bleu.
Les A mes deFrance & de
Navarre font dans le milieu
, & d'une broderie
fort relevée , ainſi que les
ornemens , qui font aux
quatre coins. Ils virent
enfuire foixante Lits tresmagnifiques
, car on ne
voulut pas leur montrer
deSiam.
299
ceux qui ſont moins
beaux , quoy qu'ils foient
fort riches. Les premiers
qu'on leur fit voir , font
de Perfe , de Turquie , de
la Chine , de Portugal ,&
de pluſieurs autres Nations
où l'on travaille le
mieux. Il ya le Lit du Sacre
àdeux envers de broderie,
eftimé fix cens mille
livres ; le Lit de l'Hiſtoire
de Proferpine , & le Lit
appellé de la Reyne Marguerite
; il y en a de Petit
300 Voyage des Amb.
Point , que ceux qui les
voyent de quatre pas ,
prennentpour de la Peinture;
d'autres fur des fonds.
d'or,& fur des fonds d'argent
, & d'autres brodez
fur des velours de toutes
fortes de couleurs , On
leur montra l'équipage
d'un Vaiſſeau du Roy qui
eft à Toulon , nommé Le
Royal Louis .Il contient en
eent cinquante pieces fix
mille aunes de Damas
paffé d'or , avec les Corde
Siam.
301
dages qui font or, argent,
squ
& foye. On leur fit voir
auffi une piece de chaque
Tenture de Tapiſſerie.
Ces Tentures ſont Scipion
, Conftantin , Coriolan,
les Actes des Apoſtres,
Alexandre , Fructus belli ,
les Elemens , les Maiſons
Royales , les Chaffes , les
Groteſques , les douze
Mois, le Triomphe de l'Amour,
les SeptAges, l'Hiftoire
du Roy , fon Sacre ,
l'Alliance des Suiffes , les
302 Voyage des Amb.
Priſes de Villes . Ils virent
auffi un Tapis fait au lieu
appellé , la Savonnerie , il
eft de ſept aulnes & demie
de long . Il y en a quatre-
vingt - treize de mef.
me, qui tous enſemble ne
font qu'un Tapis . Cet
Ouvrage a eſté fait pour
la grande Galerie du Louvre.
Il y en a douze autres
pour la Galerie d'Apollon
, qui eft à coſté de la
grande Galerie. Quoy
qu'il y euſt beaucoup
deSiam. 303
d'argenterie , je n'en fais
point de détail , parce que
la plus belle eft à Verſailles
; mais il y a un Service
avec le Bufet de Vermeil
doré à coſtes , qui eſt trescurieux.
On l'appelle Service
de Medailles , parce
qu'il eſt tout remply de
petites Médailles qui re
preſentent les Empereurs
Romains , & d'autres
Teſtes Antiques. Ce qu'il
y a de ſurprenant dans
ce Service , c'eſt que les
304 Voyage des Amb.
Médailles ne font point
dorées , quoy que tout
le reſte le ſoit. Ils s'attacherent
fort à regarder
un Cabinet aſſez grand ,
&tout d'acier , qui eſt un
Preſent qu'on a fait au
Roy. Outre tous ces
Meubles , Sa Majefté en
a encore une infinité d'autres
dans toutes les Maiſons
Royales , afin qu'on
ne foit pas obligé d'y en
tranſporrer lors qu'Elle y
va faire quelque ſéjour.
de Siam. 30
1
Ily en a grand nombre de
beaux à Vincennes ,
ceux qui font dans le Gardemeuble
de Verſailles
font fi magnifiques qu'on
peut dire qu'ils furpaffent
ceux de Paris. Non feulement
le Roy en fait faire
tous les jours de nouveaux
, mais Sa Majefté
fait travailler à des Etofes
extraordinaires pourr
en faire , & l'on montra
aux Ambaſſadeurs prés de
cent pieces de Brocards
C
306 Voyage des Amb.
d'or& d'argent, faites fur
des deffeins nouveaux , &
auſquels on n'a rien veu
encore de pareil. Il y en
a fur tout d'une telle hauteur
, qu'ils paffent tous
ceux qu'on a faits juſqu'à
preſent en quelque lieu
dumonde que ce foit , &
mefme ceux du Levant.
Ils font de laManufacture
que le Roy a fait établir
à S. Maur par M² Charlier.
Il y avoit auffi des
Rideaux de Damas blanc
de Siam.
307
9
pour les feneftres de Verfailles
, avec des Couron-
,
nes des Chiffres , & des
Lires d'or, mais feulement
d'eſpace en eſpace , parce
qu'on ne doit pas trop
charger d'or un Rideau
qui doit eſtre aide à mi
nier Je ne vous parle de
ces Rideaux que parce
qu'ils font tout d'une pie--
ce, quov qu'il ſo end en
viron ſeptaulnes &demie:
de haut , & de quatre &
demie de large. Le pre-
Ccij
308 Voyage des Amb.
mier Ambaſfadeur en furt
fi furpris qu'il meſura luymefme
ce Rideau . Quant
aux Brocards il y en a d'affez
larges , pour faire des
Pieces de Tenture de Tapifferie
de Cabinet , tout
d'un morceau. Le Roy
s'en fert pour faire des
Meubles d'Eſté ; il y en a
dont on peut auffi faire
des Meubles d'Hyver. Ils
font tout remplis de fleurs
d'or frifé
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Résumé : Description de tous les Meubles qui sont au Gardemeuble de la Couronne, où les Ambassadeurs ont esté. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs ont visité le Garde-Meuble de la Couronne, situé près du Louvre, dans un lieu autrefois appelé le Petit Bourbon. Ils ont examiné diverses couvertures de mulets du roi, dont vingt-huit avec un fond de velours bleu et des armes de France et de Navarre brodées. Ils ont également observé soixante lits magnifiques, provenant de Perse, de Turquie, de Chine et du Portugal. Parmi ces lits, le Lit du Sacre, estimé à six cents mille livres, et le Lit de l'Histoire de Proserpine étaient particulièrement remarquables. Les ambassadeurs ont aussi vu l'équipage du vaisseau royal, le Royal Louis, contenant cinquante pièces de damas passé d'or. Diverses tentures de tapisserie, telles que Scipion, Constantin, Coriolan et les Actes des Apôtres, leur ont été présentées. Ils ont admiré un tapis de la Savonnerie, mesurant sept aulnes et demie de long, destiné à la grande galerie du Louvre. Le texte mentionne également un service d'argenterie appelé Service de Médailles, rempli de petites médailles représentant des empereurs romains. Les ambassadeurs ont également vu un cabinet en acier, offert au roi, et divers autres meubles dans les maisons royales. Le roi possède une grande collection de meubles magnifiques, notamment à Vincennes et à Versailles, où des étoffes extraordinaires sont fabriquées. Ils ont vu près de cent pièces de brocards d'or et d'argent, ainsi que des rideaux de damas blanc ornés de couronnes, de chiffres et de lires d'or.
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271
p. 309-313
Description du Cabinet d'Armes du Roy. [titre d'après la table]
Début :
Dans le mesme Logis où sont les Meubles, il y [...]
Mots clefs :
Cabinet d'armes du roi, Armes, Roi, Armure, Présent, Dauphin, Épée, Japon
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texteReconnaissance textuelle : Description du Cabinet d'Armes du Roy. [titre d'après la table]
Dans le meſme Logis
de Siam. 309
où font les Meubles , il y
a une fort grande chambre
, appellée le Cabinet
d' Armes du Roy . Elle en
eſt toute remplie , & ce
qui eft furprenant , c'eſt
qu'il n'y a rien que de rare
,& que ce font autant
de chefs d'oeuvres de l'Art.
On y voit l'Armure que
François I. porta au Siege
de Pavie , & fur laquelle
fes Conquestes font cizelées
; celle qu Henry II.
avoit lors que l'éclat de
310 Voyage des Amb.
la Lance du Comte de
Montgommery luy donna
dans la vifiere , au
Tournoy fur le Pont Noftre
Dame ; celle dont
Louis XIII . fe fervoit;
celle dont les Venitiens
ont fait preſent à Sa Majefté
, & où ſes Conqueſtes
font gravées ; celle
que le Roy a portée en
Flandre, & celle de Monſeigneur
le Dauphin . On
voit auſſi l'Epée d'Henry
I V. fur la garde de la
de Siam.
31
quelle eft fon Portrait; il
s'eſt ſervy de cette Epée
en quatre- vingt Batailles,
ou autres Occafions remarquables.
Il y a une
Armure du Japon , fort
legere , qui garantit des
fléches , & l'on y trouve
des Sabres de la pluſpart
des Nations du monde ,
&entre autres de Turquie
, du Japon , du Tonquin
, & de la Chine. Les
Ambaffadeursnommerent
d'abord tous les Païs
312 Voyage des Amb.
d'où cesSabresſontvenus .
Ily a auffi pluſieurs Arbaleftes,&
quantitéde Fufils
tres- rares,parmy leſquels
ils envirent un qui porte
juſqu'à neuf cens pas ; on
lepeut encore tirer deux
autres coups defuire,dont
T'un porte fix cens pas ,
& l'autre trois cens . On
leur en montra un autre
qui tire quatre coups dans
l'eau . Celuv dont la Ville
a fait preſent à Monfeigaeur
le Dauphin , & qui
eft
de Siam. 313
eft de Me Piraube, eſt tresbeau.
Il y a auſſi beaucoup
de Piques & de Maſſes
d'Armes , & mefme de
petites Coulevrines. Les
Ambaſſadeurs manierent
preſque tout ce qu'il y a
de plus curieux dans ce
Cabinet , &fe firent expliquer
beaucoup de chofes.
de Siam. 309
où font les Meubles , il y
a une fort grande chambre
, appellée le Cabinet
d' Armes du Roy . Elle en
eſt toute remplie , & ce
qui eft furprenant , c'eſt
qu'il n'y a rien que de rare
,& que ce font autant
de chefs d'oeuvres de l'Art.
On y voit l'Armure que
François I. porta au Siege
de Pavie , & fur laquelle
fes Conquestes font cizelées
; celle qu Henry II.
avoit lors que l'éclat de
310 Voyage des Amb.
la Lance du Comte de
Montgommery luy donna
dans la vifiere , au
Tournoy fur le Pont Noftre
Dame ; celle dont
Louis XIII . fe fervoit;
celle dont les Venitiens
ont fait preſent à Sa Majefté
, & où ſes Conqueſtes
font gravées ; celle
que le Roy a portée en
Flandre, & celle de Monſeigneur
le Dauphin . On
voit auſſi l'Epée d'Henry
I V. fur la garde de la
de Siam.
31
quelle eft fon Portrait; il
s'eſt ſervy de cette Epée
en quatre- vingt Batailles,
ou autres Occafions remarquables.
Il y a une
Armure du Japon , fort
legere , qui garantit des
fléches , & l'on y trouve
des Sabres de la pluſpart
des Nations du monde ,
&entre autres de Turquie
, du Japon , du Tonquin
, & de la Chine. Les
Ambaffadeursnommerent
d'abord tous les Païs
312 Voyage des Amb.
d'où cesSabresſontvenus .
Ily a auffi pluſieurs Arbaleftes,&
quantitéde Fufils
tres- rares,parmy leſquels
ils envirent un qui porte
juſqu'à neuf cens pas ; on
lepeut encore tirer deux
autres coups defuire,dont
T'un porte fix cens pas ,
& l'autre trois cens . On
leur en montra un autre
qui tire quatre coups dans
l'eau . Celuv dont la Ville
a fait preſent à Monfeigaeur
le Dauphin , & qui
eft
de Siam. 313
eft de Me Piraube, eſt tresbeau.
Il y a auſſi beaucoup
de Piques & de Maſſes
d'Armes , & mefme de
petites Coulevrines. Les
Ambaſſadeurs manierent
preſque tout ce qu'il y a
de plus curieux dans ce
Cabinet , &fe firent expliquer
beaucoup de chofes.
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Résumé : Description du Cabinet d'Armes du Roy. [titre d'après la table]
Le texte présente un cabinet d'armes situé dans un logis en Siam, renfermant des armes rares et précieuses. Parmi les pièces exposées figurent les armures de François I, Henri II et Louis XIII, ainsi que celles offertes par les Vénitiens et utilisées en Flandre et par le Dauphin. L'épée d'Henri IV, ayant servi dans quatre-vingts batailles, est également présente avec son portrait. Le cabinet abrite aussi une armure légère du Japon et des sabres provenant de la Turquie, du Japon, du Tonquin et de la Chine. Les ambassadeurs ont identifié les pays d'origine de ces sabres. On y trouve également plusieurs arbalètes et fusils rares, certains capables de tirer jusqu'à neuf cents pas. Des armes telles que des piques, des masses d'armes et des coulevrines complètent la collection. Les ambassadeurs ont examiné et manipulé les pièces les plus remarquables, se faisant expliquer leurs caractéristiques.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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272
p. 313-319
Ce qui s'est passé à la visite renduë par les Ambassadeurs à M[.] le Marquis de Croissy [titre d'après la table]
Début :
Lors qu'ils allerent rendre visite à Mr le Marquis [...]
Mots clefs :
Marquis de Croissy, Roi, Collation, Voyage, Ministre
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qui s'est passé à la visite renduë par les Ambassadeurs à M[.] le Marquis de Croissy [titre d'après la table]
Lors qu'ils allerent rendre
viſite à M'le Marquis
de Croiffy. Miniftre & Secretaire
d'Etat, ils avoient
Dd
314 Voyage des Amb.
leurs Bonnets de Ceremo
nie. Ils furent conduits
par Mª de Bonneüil. M ' de
Croiſſy les reçeut au haut
de fon Efcalier . Ils traverferent
une fort grande Sale
, une chambre magnifiquement
parée,& entrerent
de là dans une fort
belle Galerie , au bout de
laquelle les Fauteuils eftoientpréparez
ſur un Tapis
. Ils furent placez à la
droite , & M'de Croiffy
vis à vis . Comme les
ba
de Siam.
315
loüanges du Roy ſont
toûjours mêléesdans leurs
complimens, ils parlerent
du ſujet de leur Voyage ,
qu
qui estoit pour le venir admirer
,& dirent enfuite à
M'de Croiſffy , Qu'ils avoient
eu beaucoup d'impatience
de le voir , le Royleur
Maistre leur ayant dit qu' -
ils trouveroient en luy un
Sage Ministre, fameux par
un grand nombre de Negotiations
, où ſon eſprit , &
fon intelligence danslleessaf
Ddij
316 Voyage des Amb.
faires avoient paru , &
dont le nom estantàla teſte
de plusieurs Traitez glorieux
au Roy , estoit connu
par toute la terre. M'de
Croiſſy répondit modeſtement
à ces louanges , &
leur dit, Qu'il avoit appris
que le Roy de Siam avoit
déja envoyé d'autres Ambafſadeurs
en France, de la
perte desquels on ne devoit
preſque plus douter , mais
que cette perte estoit reparèe
par le choix que le Roy leur
de Siam. 317
Maistre avoit fait de fi
Sages , & de si judicieux
Miniftres. On entra enfuite
en converfation ,&
M'de Croiſſy leur demanda
s'ils n'avoient point
eflé incommodez d'un
Voyage auffi longque celuy
qu'ils avoient fait , &
fi le changement d'air n'avoit
point alteré leur fanté.
Ils répondirent , Que
d'abord ils s'estoient fentis
un peu incommodez , mais
que cela n'avoit pas eu de
Dd iij
318 Voyage des Amb.
Suite , & que d'ailleurs
quand ilsſouffriroient quelque
chose, le bon traitement
qu'on leur faisoit les empefcheroit
delellee ſentir.Onfervit
enfuite une Colation
de confitures feches dans
desbaffins de vermeil doré
, qui furent accompagnez
de liqueurs. Ils fortirent
aprés avoir remercié
M'de Croiffy de l'obligeante
maniere dont il
les avoit reçeus ,& firent
à differentes repriſes tout
de Siam. 319
ce qu'il leur fut poffible
pour l'empefcher de les
reconduire , mais il voulut
defcendre juſques au
bas du degré. Ils le remercierent
de nouveau
de toutes ſes honneſtetez
avec les termes les plus
remplis de reconnoiſſance
; aprés quoy ils monterent
en Caroffe fans que
ce Miniftre les y viſt monter.
viſite à M'le Marquis
de Croiffy. Miniftre & Secretaire
d'Etat, ils avoient
Dd
314 Voyage des Amb.
leurs Bonnets de Ceremo
nie. Ils furent conduits
par Mª de Bonneüil. M ' de
Croiſſy les reçeut au haut
de fon Efcalier . Ils traverferent
une fort grande Sale
, une chambre magnifiquement
parée,& entrerent
de là dans une fort
belle Galerie , au bout de
laquelle les Fauteuils eftoientpréparez
ſur un Tapis
. Ils furent placez à la
droite , & M'de Croiffy
vis à vis . Comme les
ba
de Siam.
315
loüanges du Roy ſont
toûjours mêléesdans leurs
complimens, ils parlerent
du ſujet de leur Voyage ,
qu
qui estoit pour le venir admirer
,& dirent enfuite à
M'de Croiſffy , Qu'ils avoient
eu beaucoup d'impatience
de le voir , le Royleur
Maistre leur ayant dit qu' -
ils trouveroient en luy un
Sage Ministre, fameux par
un grand nombre de Negotiations
, où ſon eſprit , &
fon intelligence danslleessaf
Ddij
316 Voyage des Amb.
faires avoient paru , &
dont le nom estantàla teſte
de plusieurs Traitez glorieux
au Roy , estoit connu
par toute la terre. M'de
Croiſſy répondit modeſtement
à ces louanges , &
leur dit, Qu'il avoit appris
que le Roy de Siam avoit
déja envoyé d'autres Ambafſadeurs
en France, de la
perte desquels on ne devoit
preſque plus douter , mais
que cette perte estoit reparèe
par le choix que le Roy leur
de Siam. 317
Maistre avoit fait de fi
Sages , & de si judicieux
Miniftres. On entra enfuite
en converfation ,&
M'de Croiſſy leur demanda
s'ils n'avoient point
eflé incommodez d'un
Voyage auffi longque celuy
qu'ils avoient fait , &
fi le changement d'air n'avoit
point alteré leur fanté.
Ils répondirent , Que
d'abord ils s'estoient fentis
un peu incommodez , mais
que cela n'avoit pas eu de
Dd iij
318 Voyage des Amb.
Suite , & que d'ailleurs
quand ilsſouffriroient quelque
chose, le bon traitement
qu'on leur faisoit les empefcheroit
delellee ſentir.Onfervit
enfuite une Colation
de confitures feches dans
desbaffins de vermeil doré
, qui furent accompagnez
de liqueurs. Ils fortirent
aprés avoir remercié
M'de Croiffy de l'obligeante
maniere dont il
les avoit reçeus ,& firent
à differentes repriſes tout
de Siam. 319
ce qu'il leur fut poffible
pour l'empefcher de les
reconduire , mais il voulut
defcendre juſques au
bas du degré. Ils le remercierent
de nouveau
de toutes ſes honneſtetez
avec les termes les plus
remplis de reconnoiſſance
; aprés quoy ils monterent
en Caroffe fans que
ce Miniftre les y viſt monter.
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Résumé : Ce qui s'est passé à la visite renduë par les Ambassadeurs à M[.] le Marquis de Croissy [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam ont rendu visite au Marquis de Croissy, ministre et secrétaire d'État. Accompagnés par Madame de Bonneuil, ils portaient des bonnets de cérémonie. Le Marquis de Croissy les accueillit en haut de son escalier et les guida à travers plusieurs pièces magnifiquement décorées. Les ambassadeurs furent placés à droite, face à Monsieur de Croissy. Ils exprimèrent leur admiration pour le roi de France et leur impatience de rencontrer Monsieur de Croissy, louant son intelligence et son expérience. Ce dernier répondit modestement, mentionnant les précédents ambassadeurs de Siam et la sagesse du roi de Siam dans le choix de ses ministres. La conversation porta ensuite sur le long voyage des ambassadeurs, leur santé et les conditions de leur trajet. Ils affirmèrent se porter bien grâce au bon traitement reçu. Une collation de confitures et de liqueurs fut servie dans des bassins de vermeil doré. Après avoir remercié Monsieur de Croissy, les ambassadeurs tentèrent de l'empêcher de les reconduire, mais il insista pour les accompagner jusqu'en bas de l'escalier. Ils le remercièrent à nouveau avec reconnaissance avant de monter en carrosse.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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273
p. 319-338
Audience donnée par Monsieur le Duc à ces Ambassadeurs, avec le détail de la conversation que ce Prince a euë avec eux. [titre d'après la table]
Début :
J'ay oublié à vous marquer que lors qu'ils allerent [...]
Mots clefs :
Monsieur le Duc, Roi, Troupes, Ambassadeur, Ordre de bataille, Prince, Mandarins, Rois, Inclinations, Plaisir, Henri-Jules de Bourbon-Condé, Compliment, Bataille
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texteReconnaissance textuelle : Audience donnée par Monsieur le Duc à ces Ambassadeurs, avec le détail de la conversation que ce Prince a euë avec eux. [titre d'après la table]
J'ay oubliéà vous mar
quer que lors qu'ils alle
Dd iiij
320 Voyage des Amb.
rent chez Mademoiſelle
d'Orleans , ils demanderent
à voir Madame de
Guife. Cette Princeffe, qui
avoit alors quelque indifpoſition
, leur fit faire excuſe
de ce qu'elle ne pouvoit
les recevoir. Ils auroient
eſté dés ce temps
là chez Monfieur le Duc,
mais cePrince n'eſtantpas
àParis, ils attendirent fon
retour deVerſailles . Mrde
Bonneüilles conduifit , &
Son Alteffe Sereniffime
de Siam.
321
leurdonnaAudience dans
fon Appartement bas de
l'Hôtel deCondé. On leur
fit compliment de ſa part
lors qu'ils deſcendirent de
caroffe , & Monfieur le
Ducles reçût à la ſeconde
porte de l'Appartement.
Ils estoient reveſtus de
toutes les marques de leur
Dignité ,& tous les Mandarins
avoient leurs Bonnets
de Ceremonie.Si- toft
qu'ils apperceurent ce
Prince,ils firent trois incli322
Voyage des Amb.
nations tres - profondes ,
les mains jointes & élevées
juſques à leur front.
Il traverſa enfuire avec
cux ſept ou huit Antichambres
, & Chambres
magnifiquement meublées
, & ils trouverent
dans un grand Cabinet
deftiné pour l'Audience,
trois Fauteuils d'un coſté,
&un autre vis à vis . Avant
que de commencer
leur Complimeut , ils fi
rent encore trois inclinade
Siam.
323
tions comme ils avoient
fait en entrant , & aprés
un Compliment remply
d'éloges de Monfieur le
Duc , auquel fon Alteſſe
répondit , ils commencerent
une Converſation
qui fut admirée & louée
tout haut de tous ceux
qui l'entendirent .J'en parle
comme témoin , & vay
vous rapporter en peu de
paroles , ce qui ſe dit pendant
trois quart- d'heures
qu'elle dura. Monfieur le
324 Voyage des Amb.
Duc dit d'abord , que ce
que Mle Chevalier de
Chaumont avoit rapporté
à Sa Majefté du Roy
de Siam , joint aux honneurs
,& aux bons traitemens
qu'il luy avoit faits ,
augmenteroit l'amitié qui
eſtoit entre les deux Rois.
Ils ne répondirent à cela
que par de profondes inclinations
, comme ils avoient
fait , lorſque Monfieur
le Ducavoit parlé de
chaque Roy , ou des deux
de Siam.
325
イ
Rois enſemble. Ce Prince
leur dit enſuite qu'ils avoient
vù quelques Troupes
du Roy à Maintenon,
& leur demanda comment
ils les trouvoient.
Le premier Ambaſſadeur
répondit , qu'il ne croyoit
pas qu'on en puſt voir de
plus belles , mais que cepen--
dant elles ne l'avoient point
furpris , puis qu'on ne peut
penfer trop de bien desTroupes
à qui le Roy a apris à
vaincre. Monfieur le Duc
326 Voyagedes Amb.
repliqua , que puis qu'il
trouvoit ces Troupes fi
belles , il feroit à ſouhaiter
que Siam ne fuſt pas fi éloignéafin
qu'elles s'y pufſent
plus facilement tranfporter
en cas de beſoin .
L'Ambaſſadeur repartir ,
Que Dieu ayant déja fait
un miracle en liant les deux
Rois d'une étroite amitié,
malgré le grand éloignement
de leurs Etats , il en
pouvoit faire encore un autrepour
le transport de ces
de Siam.
327
-
1
Troupes. Son Alteſſe luy
demanda quel ordre de
Bataille obſervoient les
Siamois , & s'il eſtoit à
peu prés le meſme qu'en
ce Pays- cy . L'Ambaffadeur
fitalors avec ſa Cane
la demonstration d'une
Armée Siamoiſe en Bataille.
Monfieur le Duc luy
fit des objections fur les
défauts qu'il y trouva , &
luy fit voir que les aifles
d'une Armée en maniere
de croiffant , ainſi qu'il
1
328 Voyage des Amb.
les luy avoit marquées, é
toient preſque toûjours
batues en détail , parce
que peu de Soldats pouvoient
combatre à la fois,
au lieu que nos Troupes
eſtant de front ont beaucoup
plus de force . L'Ambaſſadeur
donna quelques
raiſons pour combattre
celles de Monfieur
le Duc Cependant comme
il ne trouva pas luymeſme
fes raiſons affez
fortes , il fe retrancha fur
de Siam.
320
ce qu'il n'avoit pas pr
tendu dire que leurs Ar
mées estoient tout à faic.
en croiffant & dit qu'elles
étoient bien plus en ovale.
Monfieur le Duc repartit
, que pour ſuivre cet
ordre de Bataille , il faloit
que les Armées euffent un
front égal , puiſque celle
qui en auroit un plus
grand envelopperoit l'autre.
L'Ambaſſadeur repliqua
, Que leur ordre de Bataille
n'estoit pas toûjours le
Ee
332 Voyage des Amb.
mesme , & qu'ils le changeoient
selon qu'ils Sçavoient
que leurs Ennemis
avoient plus ou moins de
Troupes ; qu'ils avoient des
ordres de Bataille pour les
Montagnes, pourles vallées
& pourles lieux étroits , &
qu'il y avoit en leur Pays
beaucoup de Livres qui
marquoient ces divers ordres.
Monfieur le Duc avant
que de pouffer plus
loin la matiere , leur fit
quelque excuſe de toutes
1
de Siam.
331
les queſtions qu'il faiſoir
&dit que c'eſtoit à cauſe
de l'eſtime qu'il avoit
pour le Roy leur Maiſtre ,
&pour les Ambaffadeurs,
& par le plaifir qu'il prenoit
à les entendre Ils firentune
profondeinclination
,& ce Prince pourfuivit
en demandant la
maniere d'armer les Elephans
L'Ambaffadeur la
luy expliqua , & luy die
meme qu'on y mettoir
du Canon. Monficut le
Ecij
332 Voyage des Amb.
,
Duc alla au devant de ce
qu'on luy dit là- deffus , &
expliqua luy-mefme plufieurs
chofes.Ce Princedemanda
enfuite combien il
y avoit à peu prés de chevaux
dans Siam , & d'où
ils venoient , ce qui les fir
entrer dans le détail d'une
Guerre , qui eft prefentement
dans le Royaume
de Camboie , Monſieur
le Duc luy fit plufieurs
queſtions qui firent
paroiſtre fon eſprit,& la
de Siam.
333
connoiſſance qu'il a de
de 1 Hiftoire . Ce Prince
demanda en ſuite s'ils
faifoient des Prifonniers
dans le Combat, ou s'ils
ne donnoient point de
quartier , & fi quand ils
avoient fait des Prifonniers
, en cas que ce fuft
leur maniere, ils les échangeoient.
L'Ambaſſadeur
répondit , Qu'ilsfaisoient
des Prisonniers , mais
qu'ils attendoient que la
Guerre fust finie pour les
334 Voyage des Amb.
rendre. Monfieur le Duc
eut la bonté de dire du
bien de deux Mandarins
qu'il avoit vûs àVerſailles,
lors qu'ils eſtoient allez y
conduire les Prefensavant
le jour de l'Audience des
Ambaſladeurs . Ils marquerent
que ces Mandarins
leur avoient rémoigné
l'honneur qu'il leur
avoit fait , dont ils le remercioient
tres-humblemenr.
Monfieur le Duc
leur dit enfuite qu'ils efde
Siam.
335
toient fur le point de partir
pour aller paffer quelques
jours à Verfailles ,&
qu'il avoit pris tant de
plaifir dans leur converfation
, qu'il vouloit les entretenir
encore quandsils
yferoient ,& fe promener
avec eux . L'Ambaſſadour
répondit , Qu'ils attendroient
ſes ordres là-deſſus,
& que c'estoit à luy à leur
faire sçavoir quand il luy
plairoit qu'ils euffent cet
bonneur. La converſation
336 Voyagedes Amb.
finit là, fans que perſonne
ſe levaſt , ce qui fut cauſe
que M' l'Abbé de Lionne,
qui avoit fervy d'Interprete
, dit à Monfieur le
Duc , que les Ambaffadeurs
ne feleveroient pas
qu'il ne felevaſt , & ils fe
leverent tous en meſme
temps. Ils firent encore
trois profondes inclinations
telles qu'ils les avoient
faites en entrant ,
& avant que de s'affeoir .
Monfieur le Duc voulut
les
de Siam.
337
Jes reconduirejuſques à la
meſme porte où il les avoit
reçeus , quelque inſtance
qu'ils fiffent pour
l'en empefcher. Ils firent
de pareilles inclinations
pareilles
en le quittant , & furent
reconduits par les Gentilshommes
de la Maiſon qui
lesavoient reçeus à la defcente.
Ils fortirent non
ſeulement charmez de
l'efprit de Monfieur le
Duc , mais encore ravis
de ce qu'il avoit eu la
Ff
338 Voyage des Amb.
bonté de les entretenir ,
& dirent que rien ne pouvoit
leur faire plus de plaifir
que cet honneur .
quer que lors qu'ils alle
Dd iiij
320 Voyage des Amb.
rent chez Mademoiſelle
d'Orleans , ils demanderent
à voir Madame de
Guife. Cette Princeffe, qui
avoit alors quelque indifpoſition
, leur fit faire excuſe
de ce qu'elle ne pouvoit
les recevoir. Ils auroient
eſté dés ce temps
là chez Monfieur le Duc,
mais cePrince n'eſtantpas
àParis, ils attendirent fon
retour deVerſailles . Mrde
Bonneüilles conduifit , &
Son Alteffe Sereniffime
de Siam.
321
leurdonnaAudience dans
fon Appartement bas de
l'Hôtel deCondé. On leur
fit compliment de ſa part
lors qu'ils deſcendirent de
caroffe , & Monfieur le
Ducles reçût à la ſeconde
porte de l'Appartement.
Ils estoient reveſtus de
toutes les marques de leur
Dignité ,& tous les Mandarins
avoient leurs Bonnets
de Ceremonie.Si- toft
qu'ils apperceurent ce
Prince,ils firent trois incli322
Voyage des Amb.
nations tres - profondes ,
les mains jointes & élevées
juſques à leur front.
Il traverſa enfuire avec
cux ſept ou huit Antichambres
, & Chambres
magnifiquement meublées
, & ils trouverent
dans un grand Cabinet
deftiné pour l'Audience,
trois Fauteuils d'un coſté,
&un autre vis à vis . Avant
que de commencer
leur Complimeut , ils fi
rent encore trois inclinade
Siam.
323
tions comme ils avoient
fait en entrant , & aprés
un Compliment remply
d'éloges de Monfieur le
Duc , auquel fon Alteſſe
répondit , ils commencerent
une Converſation
qui fut admirée & louée
tout haut de tous ceux
qui l'entendirent .J'en parle
comme témoin , & vay
vous rapporter en peu de
paroles , ce qui ſe dit pendant
trois quart- d'heures
qu'elle dura. Monfieur le
324 Voyage des Amb.
Duc dit d'abord , que ce
que Mle Chevalier de
Chaumont avoit rapporté
à Sa Majefté du Roy
de Siam , joint aux honneurs
,& aux bons traitemens
qu'il luy avoit faits ,
augmenteroit l'amitié qui
eſtoit entre les deux Rois.
Ils ne répondirent à cela
que par de profondes inclinations
, comme ils avoient
fait , lorſque Monfieur
le Ducavoit parlé de
chaque Roy , ou des deux
de Siam.
325
イ
Rois enſemble. Ce Prince
leur dit enſuite qu'ils avoient
vù quelques Troupes
du Roy à Maintenon,
& leur demanda comment
ils les trouvoient.
Le premier Ambaſſadeur
répondit , qu'il ne croyoit
pas qu'on en puſt voir de
plus belles , mais que cepen--
dant elles ne l'avoient point
furpris , puis qu'on ne peut
penfer trop de bien desTroupes
à qui le Roy a apris à
vaincre. Monfieur le Duc
326 Voyagedes Amb.
repliqua , que puis qu'il
trouvoit ces Troupes fi
belles , il feroit à ſouhaiter
que Siam ne fuſt pas fi éloignéafin
qu'elles s'y pufſent
plus facilement tranfporter
en cas de beſoin .
L'Ambaſſadeur repartir ,
Que Dieu ayant déja fait
un miracle en liant les deux
Rois d'une étroite amitié,
malgré le grand éloignement
de leurs Etats , il en
pouvoit faire encore un autrepour
le transport de ces
de Siam.
327
-
1
Troupes. Son Alteſſe luy
demanda quel ordre de
Bataille obſervoient les
Siamois , & s'il eſtoit à
peu prés le meſme qu'en
ce Pays- cy . L'Ambaffadeur
fitalors avec ſa Cane
la demonstration d'une
Armée Siamoiſe en Bataille.
Monfieur le Duc luy
fit des objections fur les
défauts qu'il y trouva , &
luy fit voir que les aifles
d'une Armée en maniere
de croiffant , ainſi qu'il
1
328 Voyage des Amb.
les luy avoit marquées, é
toient preſque toûjours
batues en détail , parce
que peu de Soldats pouvoient
combatre à la fois,
au lieu que nos Troupes
eſtant de front ont beaucoup
plus de force . L'Ambaſſadeur
donna quelques
raiſons pour combattre
celles de Monfieur
le Duc Cependant comme
il ne trouva pas luymeſme
fes raiſons affez
fortes , il fe retrancha fur
de Siam.
320
ce qu'il n'avoit pas pr
tendu dire que leurs Ar
mées estoient tout à faic.
en croiffant & dit qu'elles
étoient bien plus en ovale.
Monfieur le Duc repartit
, que pour ſuivre cet
ordre de Bataille , il faloit
que les Armées euffent un
front égal , puiſque celle
qui en auroit un plus
grand envelopperoit l'autre.
L'Ambaſſadeur repliqua
, Que leur ordre de Bataille
n'estoit pas toûjours le
Ee
332 Voyage des Amb.
mesme , & qu'ils le changeoient
selon qu'ils Sçavoient
que leurs Ennemis
avoient plus ou moins de
Troupes ; qu'ils avoient des
ordres de Bataille pour les
Montagnes, pourles vallées
& pourles lieux étroits , &
qu'il y avoit en leur Pays
beaucoup de Livres qui
marquoient ces divers ordres.
Monfieur le Duc avant
que de pouffer plus
loin la matiere , leur fit
quelque excuſe de toutes
1
de Siam.
331
les queſtions qu'il faiſoir
&dit que c'eſtoit à cauſe
de l'eſtime qu'il avoit
pour le Roy leur Maiſtre ,
&pour les Ambaffadeurs,
& par le plaifir qu'il prenoit
à les entendre Ils firentune
profondeinclination
,& ce Prince pourfuivit
en demandant la
maniere d'armer les Elephans
L'Ambaffadeur la
luy expliqua , & luy die
meme qu'on y mettoir
du Canon. Monficut le
Ecij
332 Voyage des Amb.
,
Duc alla au devant de ce
qu'on luy dit là- deffus , &
expliqua luy-mefme plufieurs
chofes.Ce Princedemanda
enfuite combien il
y avoit à peu prés de chevaux
dans Siam , & d'où
ils venoient , ce qui les fir
entrer dans le détail d'une
Guerre , qui eft prefentement
dans le Royaume
de Camboie , Monſieur
le Duc luy fit plufieurs
queſtions qui firent
paroiſtre fon eſprit,& la
de Siam.
333
connoiſſance qu'il a de
de 1 Hiftoire . Ce Prince
demanda en ſuite s'ils
faifoient des Prifonniers
dans le Combat, ou s'ils
ne donnoient point de
quartier , & fi quand ils
avoient fait des Prifonniers
, en cas que ce fuft
leur maniere, ils les échangeoient.
L'Ambaſſadeur
répondit , Qu'ilsfaisoient
des Prisonniers , mais
qu'ils attendoient que la
Guerre fust finie pour les
334 Voyage des Amb.
rendre. Monfieur le Duc
eut la bonté de dire du
bien de deux Mandarins
qu'il avoit vûs àVerſailles,
lors qu'ils eſtoient allez y
conduire les Prefensavant
le jour de l'Audience des
Ambaſladeurs . Ils marquerent
que ces Mandarins
leur avoient rémoigné
l'honneur qu'il leur
avoit fait , dont ils le remercioient
tres-humblemenr.
Monfieur le Duc
leur dit enfuite qu'ils efde
Siam.
335
toient fur le point de partir
pour aller paffer quelques
jours à Verfailles ,&
qu'il avoit pris tant de
plaifir dans leur converfation
, qu'il vouloit les entretenir
encore quandsils
yferoient ,& fe promener
avec eux . L'Ambaſſadour
répondit , Qu'ils attendroient
ſes ordres là-deſſus,
& que c'estoit à luy à leur
faire sçavoir quand il luy
plairoit qu'ils euffent cet
bonneur. La converſation
336 Voyagedes Amb.
finit là, fans que perſonne
ſe levaſt , ce qui fut cauſe
que M' l'Abbé de Lionne,
qui avoit fervy d'Interprete
, dit à Monfieur le
Duc , que les Ambaffadeurs
ne feleveroient pas
qu'il ne felevaſt , & ils fe
leverent tous en meſme
temps. Ils firent encore
trois profondes inclinations
telles qu'ils les avoient
faites en entrant ,
& avant que de s'affeoir .
Monfieur le Duc voulut
les
de Siam.
337
Jes reconduirejuſques à la
meſme porte où il les avoit
reçeus , quelque inſtance
qu'ils fiffent pour
l'en empefcher. Ils firent
de pareilles inclinations
pareilles
en le quittant , & furent
reconduits par les Gentilshommes
de la Maiſon qui
lesavoient reçeus à la defcente.
Ils fortirent non
ſeulement charmez de
l'efprit de Monfieur le
Duc , mais encore ravis
de ce qu'il avoit eu la
Ff
338 Voyage des Amb.
bonté de les entretenir ,
& dirent que rien ne pouvoit
leur faire plus de plaifir
que cet honneur .
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Résumé : Audience donnée par Monsieur le Duc à ces Ambassadeurs, avec le détail de la conversation que ce Prince a euë avec eux. [titre d'après la table]
Le texte relate une audience accordée par Monsieur le Duc d'Orléans aux ambassadeurs de Siam. Initialement, les ambassadeurs souhaitaient rencontrer Madame de Guise, mais celle-ci était indisposée. Ils attendirent ensuite le retour de Monsieur le Duc de Versailles. L'audience se déroula à l'Hôtel de Condé, où les ambassadeurs furent reçus avec tous les honneurs dus à leur dignité et effectuèrent plusieurs inclinations profondes en signe de respect. Lors de l'audience, Monsieur le Duc souligna l'amitié entre les rois de France et de Siam, renforcée par les honneurs et les bons traitements accordés à l'ambassadeur Chevalier de Chaumont. Les ambassadeurs répondirent par des inclinations. La conversation porta ensuite sur les troupes françaises vues à Maintenon, que les ambassadeurs trouvèrent impressionnantes. Monsieur le Duc exprima le souhait que les troupes puissent être transportées plus facilement en Siam en cas de besoin. La discussion se poursuivit sur les ordres de bataille des armées siamoises et françaises. Les ambassadeurs expliquèrent les différentes formations utilisées en fonction du terrain et des ennemis. Monsieur le Duc fit des objections sur les faiblesses de certaines formations, mais les ambassadeurs défendirent leur efficacité. L'audience se conclut par des questions sur l'armement des éléphants, le nombre de chevaux en Siam, et les pratiques concernant les prisonniers de guerre. Monsieur le Duc exprima son désir de continuer la conversation à Versailles et les ambassadeurs acceptèrent avec gratitude. L'audience se termina par des inclinations profondes et des remerciements mutuels.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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274
p. 338-339
Audience donnée par Monsieur le Duc de Bourbon aux mesmes Ambassadeurs. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent ensuite chez Monsieur le Duc de Bourbon, qui [...]
Mots clefs :
Duc de Bourbon, Louis III de Bourbon-Condé, Audience, Compliment
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Audience donnée par Monsieur le Duc de Bourbon aux mesmes Ambassadeurs. [titre d'après la table]
Ils allerent enfuite chez
Monfieur le Duc de Bourbon
, qui répondit a leur
compliment , qu'il contribuëroit
de tout fon pouvoir
à l'amitié quele Roy
de Siam luy témoignoit .
Comme il eſtoit déja tard,
parce que l'Audience avoit
efté fort longue chez
Monfieur le Duc , leur
de Siam.
339
conversation fut cour
Elle roula fur les fatigues
de leur Voyage. Ils furent
reçeus chez ce Prince en
entrant & en fortant , de
même qu'ils l'avoient efte
chez Monfieur le Duc.
Monfieur le Duc de Bourbon
, qui répondit a leur
compliment , qu'il contribuëroit
de tout fon pouvoir
à l'amitié quele Roy
de Siam luy témoignoit .
Comme il eſtoit déja tard,
parce que l'Audience avoit
efté fort longue chez
Monfieur le Duc , leur
de Siam.
339
conversation fut cour
Elle roula fur les fatigues
de leur Voyage. Ils furent
reçeus chez ce Prince en
entrant & en fortant , de
même qu'ils l'avoient efte
chez Monfieur le Duc.
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275
p. 339-356
Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Début :
Lors qu'ils allerent au vieux Louvre, ils furent reçeus [...]
Mots clefs :
Galerie, Louvre, Salle, Fenêtres, Roi, Dorure, Ambassadeurs, Tableaux, Sculpture, Voir, Vieux Louvre, Appartement, Cabinet, Colonnes de marbre, Beauté, Majesté, Dessin, Palais, Tuileries, Machines
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Lors qu'ils allerent au
vieux Louvre , ils furent reçeus
à la defcente du Caroſſe
par Mr Seguin , qui en eft
Capitaine. Ils entrerent d'abord
dans la Sale des Cent
• Suiffes , & traverferent tout
l'Appartement de la feuë
Reyne- Mere , dont la dorure
•
F fij
340 Voyage des Amb.
eft fort ancienne , mais fort
belle. La derniere Piece qu'-
ils y virent , fut le Cabinet
appellé des Bains . Il y a deux
voutes , qui ſont ſoûtenuës
dans le milieu par pluſieurs
colomnes de Marbre. On
ne voit en ce lieu - là pour
toutes couleurs que de l'azur
& de l'or. Tous les Portraits
de la Maiſon d'Auſtriche
en font le tour. Il y a
quelques glaces au deſſous
&dans le fond eſt une Cuve
de Marbre, où l'eau chaude
qui eft en dehors, entre par
desRobinets.Leplancher eft
deSiam.
341
de fleurs de toutes fortes de
bois rapportez. Ce fut ce
que les Ambaſſadeurs regarderent
le plus , avec les colomnes
de Marbre. Ils ſe fi
rent nommer tous les Princes
dont ils voyoient les Portraits.
En fortant de cet Appartement
ils pafferent dans
un grand Salon , où ils virent
de fort grands & de fort
beaux Tableaux , & de là ils
erent dans l'Apparte
ment de la Reyne-Mere, qui
eſt une enfilade de ſept ou
huit grandes Pieces. Toute
la Sculpture en eſt dorée , &
entrerent
Ef iij
342 Voyage des Amb.
tous les Plafonds ont eſté
peins parRomanelle,fameux
Peintre Italien. Il y a beau .
coup deTableauxdeM'Bourſon,
qui eſt un des plus fameux
Peintres que nous
ayons eu pour les veuës de
Mer. Ces Tableaux font de la
largeur des pans de muraille,
& ont eſté faits poury fervir
de Tapiſſerie . On entra enfuite
dans un Cabinet , qui
eſt tout au bout de cet Appartement
, & qui donne fur
la Riviere. On ne peut rien
ajoûter à la beauté de la dorure
; les peintures en font
de Siam.
343
tres belles , mais en petit
nombre , à cauſe qu'il y a
beaucoup de Glaces fort
grandes. Le plancher cſt de
ff belles fleurs de rapport ,
qu'on ne peut ſe laſſer de
l'admirer . En tournant de là
fur la droite on traverſa une
fort grande Piece, &l'on entra
dans la Sale des Antiques.
Cette Sale eſt toutede Marbre,
à la referve de la voûte,
qui futdétruite par le feu lors
qu'il prit à la petite Galerie
haute , un peu aprés le Ma.
riage du Roy . On paffa enfuite
dans la Galerie où Sa
F f iiij
344 Voyage des Amb.
Majefté loge tous ceux qui
excellent dans les beaux
Arts , & les Ambaſſadeurs
marquerent que le Roy ne
leur paroiffoit pas moins
grand par là,que parla beau
té des Baſtimens , & des
Apartemens qu'ils venoient
de voir. Ils monterent
chez M² Girardon , qui eſt
un de ces Illuftres logez par
leRoy , & virent ſon Cabinet
remply de pluſieurs Ouvrages
curieux & antiques ,
de Marbre & de Bronze , &
de quantité d'autres raretez .
Ils en firent le tour , & de.
de Siam. 345
manderent à eſtre éclaircis
debeaucoup de chofes , fur
leſquelles M² Girardon les
fatisfit. Ils le remercierent
avec beaucoup d'honneſteté
, & luy témoignerent le
plaifir qu'ils avoient pris à
voir tant de belles choſes.
Ils repafferent enſuite par
l'Apartement neufde la Reine-
Mere , qu'ils avoient déja
vû , & monterent chez le
Roy parle grand Efcalier du
Louvre. Des qu'ils furent entrez
dans la Sale des Gardes
ils paſſerent fur une maniere
de terraſſe , pour voir l'éten346
Voyage des Amb.
duë de la Court , & fe firent
expliquer en quoy confittoir
le Baſtiment du vieux Louvre
, & du neuf, & comment
le Louvre devoit eſtre quand
il ſeroit achevé. Aprés cela
on traverſa tout l'Apparrement
du Roy , & celuy de la
feuë Reine . Les Alcoves ,
dont on ſe ſervoit beaucoup
il y a quelques années , le ir
parutent belles & tres - bien
dorées . De là on entra dans
trois ou quatre grandes Pieces
, où ſont plufieurs TableauxduRoy.
Ils s'attacherét
avec un ſoin particulier à
de Siam .
347
confiderer ceux de l'Histoire
d'Alexandre , peints par M²
le Brun , & le premier Ambaffadeur
en fut fi charmé,
qu'il en examina toutes les
Figures les unes aprés les
autres . Il demanda enſuite
le prix de quelques autres
Tableaux , & fe fit montrer
ceux qui avoient eſté peints
en France , & ceux qui étoienr
d'Italie . On entra de
là dans la Galerie appellée
d'Apollon qui n'eſt pas achevée
; elle eſt à la place de
celle qui a eſté brulée. Tout
l'ouvrage eſt du deſſein de
r
348 Voyage des Amb.
Me le Brun , & il y a quel
ques Tableaux de fa main.
C'eſt une tres belle Sculpture
,& la Ferrure des Portes
& des Feneftres eft fort eftimée
à cause de la beauté de
la cizelure. Ce qu'il y a de
fait de cette Galerie revient
à un million. On paſſa de là
dans la grande Gallerie , qui
commence au vieux Louvre,
& finit au Palais des Thuileries.
Sa longueur furprit les
Ambaſſadeurs . Le premier
demanda combien elle avoit
de toiſes de long. On luy
répondit qu'on croyoit
de Siam.
349
د
qu'elle en avoit environ trois
cens. Lors qu'il fut vers le
milieu de la Galerie il mit
la teſte à la feneftre du coſté
de Saint Thomas du Louvre,
& regardant le vieux Louvre
& les Thuilleries , il
comprit ce qu'on luy avoit
dit du grand deſſein du Louvre
; il traça meſme ce defſein
avec ſa Cane fur le bord
de la feneftre , & y joignit
l'autre grande Galerie qui
n'eſt pas faite. Ayant enfuite
avancé juſqu'au milieu de
la Galerie , il entra furle Bal
con qui eſt au deſſus de la
350 Voyage des Amb.
Porte nommée le grand Gui
chet , regarda l'Ifle du Palais ,
les Maiſons qui ſont ſur les
Ponts , & reconnut les Tours
de Noftre Dame qu'il n'avoit
vûës qu'une fois lors
qu'il eſtoit entré dans l'Eglife.
De ce Balcon il alla
juſques au bout de la Galerie,
&mit la teſte à la feneftre
vis à vis le Pont de pierre
qu'on éleve en cet endroit.
Il l'examina avec beaucoup
d'attention , & fit pluſieurs
queſtions fur les machines avec
lesquelles on ofte l'eau ,
afin de pouvoir travailler
de Siam.
351
aux fondemens . M² Seguin
prit alors congé de luy , parce
quele reſte regardoit M²
le Marquis de Congis qui
eft Capitaine des Thuilleries.
Il parut à la porte par laquelle
on entre dans cet
autre Palais , & y receut les
Ambaſſadeurs. Ils s'attache
rent d'abord à regarder un
Theatre qui eſt dans le gros
Pavillon du bout , & qui
n'eſt la que pour les repetitions
des Opera de Sa Majefté.
On traverſa enſuite
tous les Appartemens. Je
ne vous parle ny de la Pein352
Voyagedes Amb.
,
tureny de la Dorure dont ils
font tout remplis. Comme
ce Corps de Logis eſt double
on tourna delà dans
une fort belle Galerie qui
regne le long de ces Ap.
partemens. Il y a dans cette
Galerie dix ou douze Cabinets
d'un tres-grand prix ,
dont la pluſpart ont eſté faits
aux Gobelins. Ces Cabinets
jont chacun leur nom. Les
Colomnes de ceuxqui en ont
ſont de Pierres precieuſes. Il
y a des Figures d'or , & des
Miniatures d'une beauté ſurprenante.
Il y avoit trop à
de Siam. 353
voir , & trop de foule pour
les pouvoir examiner comme
ils le meritent. On tra
verſa quelques Antichambrer
& la Salle des Gardes ,
puis on paſſa par deſſus la
Te raffe pour aller à la Salle
des Machines. Les Ambaffa
deurs s'arreſterent quelque
temps ſur la Terrafle pour
regarder le Jardin , qui leur
plut beaucoup. Ils entrerent
enfuite dans la Salle des Ma
chines, qui pour la Peinture,
la Sculpture , la Dorure , la
grandeur & la conſtruction,
eſt le plus bel Ouvrage de
Gg
354 Voyagedes Amb.
cette naturel qu'on ait jamais
veu. Il y a pluſieurs
rangs de Balcons en faillie,
qui produifent un effet admirable.
Rien n'eſt plus
beau que le Theatre qui eft
plus profond que la Salle
n'eſt longue . Cette Salle eft
du deſſein de feu M'de Vigarani
, Gentilhomme Modenois
. Celle de Modene
qu'il avoit faite , paffoit pour
la plus belle de l'Europe ,
avant qu'on euft veu la Salle
des Thuilleries , qui fut bâtie
pour le Mariage de Sa
Majefté. Me de Vigarani le
deSiam.
355
Fils qui eſt au Roy , & qui
depuis ce temps - là a eu toûjours
l'honneur d'eftre à fon
ſervice, y fit travailler avec
Mª de Vigarani ſon Pere,
aufli bien qu'au premier Balet
Intitulé Hercule , qui y
fut dancé aprés le Mariage
de ce Prince . Les Machines
en eſtoient fi grandes , & fi
furprenantes, qu'il y en avoit
qui enlevoient juſqu'à cent
Perfonnes à la fois. Au fortir
de cette Salle on defcen
dit par le Grand Efcalier,
& aprés que les Ambaſſa.
deurs l'eurent confideré ain
Ggi
58 Voyage des Amb .
ſi que la Façade du Baſti.
ment , & qu'ils eurent remercié
Me de Congis qui les
avoit accompagnez par
tour , ils furent conduits à
l'Academie Royale de Peinture
& de Sculpture , dont
M'de Louvois eſt le Prorecteur.
vieux Louvre , ils furent reçeus
à la defcente du Caroſſe
par Mr Seguin , qui en eft
Capitaine. Ils entrerent d'abord
dans la Sale des Cent
• Suiffes , & traverferent tout
l'Appartement de la feuë
Reyne- Mere , dont la dorure
•
F fij
340 Voyage des Amb.
eft fort ancienne , mais fort
belle. La derniere Piece qu'-
ils y virent , fut le Cabinet
appellé des Bains . Il y a deux
voutes , qui ſont ſoûtenuës
dans le milieu par pluſieurs
colomnes de Marbre. On
ne voit en ce lieu - là pour
toutes couleurs que de l'azur
& de l'or. Tous les Portraits
de la Maiſon d'Auſtriche
en font le tour. Il y a
quelques glaces au deſſous
&dans le fond eſt une Cuve
de Marbre, où l'eau chaude
qui eft en dehors, entre par
desRobinets.Leplancher eft
deSiam.
341
de fleurs de toutes fortes de
bois rapportez. Ce fut ce
que les Ambaſſadeurs regarderent
le plus , avec les colomnes
de Marbre. Ils ſe fi
rent nommer tous les Princes
dont ils voyoient les Portraits.
En fortant de cet Appartement
ils pafferent dans
un grand Salon , où ils virent
de fort grands & de fort
beaux Tableaux , & de là ils
erent dans l'Apparte
ment de la Reyne-Mere, qui
eſt une enfilade de ſept ou
huit grandes Pieces. Toute
la Sculpture en eſt dorée , &
entrerent
Ef iij
342 Voyage des Amb.
tous les Plafonds ont eſté
peins parRomanelle,fameux
Peintre Italien. Il y a beau .
coup deTableauxdeM'Bourſon,
qui eſt un des plus fameux
Peintres que nous
ayons eu pour les veuës de
Mer. Ces Tableaux font de la
largeur des pans de muraille,
& ont eſté faits poury fervir
de Tapiſſerie . On entra enfuite
dans un Cabinet , qui
eſt tout au bout de cet Appartement
, & qui donne fur
la Riviere. On ne peut rien
ajoûter à la beauté de la dorure
; les peintures en font
de Siam.
343
tres belles , mais en petit
nombre , à cauſe qu'il y a
beaucoup de Glaces fort
grandes. Le plancher cſt de
ff belles fleurs de rapport ,
qu'on ne peut ſe laſſer de
l'admirer . En tournant de là
fur la droite on traverſa une
fort grande Piece, &l'on entra
dans la Sale des Antiques.
Cette Sale eſt toutede Marbre,
à la referve de la voûte,
qui futdétruite par le feu lors
qu'il prit à la petite Galerie
haute , un peu aprés le Ma.
riage du Roy . On paffa enfuite
dans la Galerie où Sa
F f iiij
344 Voyage des Amb.
Majefté loge tous ceux qui
excellent dans les beaux
Arts , & les Ambaſſadeurs
marquerent que le Roy ne
leur paroiffoit pas moins
grand par là,que parla beau
té des Baſtimens , & des
Apartemens qu'ils venoient
de voir. Ils monterent
chez M² Girardon , qui eſt
un de ces Illuftres logez par
leRoy , & virent ſon Cabinet
remply de pluſieurs Ouvrages
curieux & antiques ,
de Marbre & de Bronze , &
de quantité d'autres raretez .
Ils en firent le tour , & de.
de Siam. 345
manderent à eſtre éclaircis
debeaucoup de chofes , fur
leſquelles M² Girardon les
fatisfit. Ils le remercierent
avec beaucoup d'honneſteté
, & luy témoignerent le
plaifir qu'ils avoient pris à
voir tant de belles choſes.
Ils repafferent enſuite par
l'Apartement neufde la Reine-
Mere , qu'ils avoient déja
vû , & monterent chez le
Roy parle grand Efcalier du
Louvre. Des qu'ils furent entrez
dans la Sale des Gardes
ils paſſerent fur une maniere
de terraſſe , pour voir l'éten346
Voyage des Amb.
duë de la Court , & fe firent
expliquer en quoy confittoir
le Baſtiment du vieux Louvre
, & du neuf, & comment
le Louvre devoit eſtre quand
il ſeroit achevé. Aprés cela
on traverſa tout l'Apparrement
du Roy , & celuy de la
feuë Reine . Les Alcoves ,
dont on ſe ſervoit beaucoup
il y a quelques années , le ir
parutent belles & tres - bien
dorées . De là on entra dans
trois ou quatre grandes Pieces
, où ſont plufieurs TableauxduRoy.
Ils s'attacherét
avec un ſoin particulier à
de Siam .
347
confiderer ceux de l'Histoire
d'Alexandre , peints par M²
le Brun , & le premier Ambaffadeur
en fut fi charmé,
qu'il en examina toutes les
Figures les unes aprés les
autres . Il demanda enſuite
le prix de quelques autres
Tableaux , & fe fit montrer
ceux qui avoient eſté peints
en France , & ceux qui étoienr
d'Italie . On entra de
là dans la Galerie appellée
d'Apollon qui n'eſt pas achevée
; elle eſt à la place de
celle qui a eſté brulée. Tout
l'ouvrage eſt du deſſein de
r
348 Voyage des Amb.
Me le Brun , & il y a quel
ques Tableaux de fa main.
C'eſt une tres belle Sculpture
,& la Ferrure des Portes
& des Feneftres eft fort eftimée
à cause de la beauté de
la cizelure. Ce qu'il y a de
fait de cette Galerie revient
à un million. On paſſa de là
dans la grande Gallerie , qui
commence au vieux Louvre,
& finit au Palais des Thuileries.
Sa longueur furprit les
Ambaſſadeurs . Le premier
demanda combien elle avoit
de toiſes de long. On luy
répondit qu'on croyoit
de Siam.
349
د
qu'elle en avoit environ trois
cens. Lors qu'il fut vers le
milieu de la Galerie il mit
la teſte à la feneftre du coſté
de Saint Thomas du Louvre,
& regardant le vieux Louvre
& les Thuilleries , il
comprit ce qu'on luy avoit
dit du grand deſſein du Louvre
; il traça meſme ce defſein
avec ſa Cane fur le bord
de la feneftre , & y joignit
l'autre grande Galerie qui
n'eſt pas faite. Ayant enfuite
avancé juſqu'au milieu de
la Galerie , il entra furle Bal
con qui eſt au deſſus de la
350 Voyage des Amb.
Porte nommée le grand Gui
chet , regarda l'Ifle du Palais ,
les Maiſons qui ſont ſur les
Ponts , & reconnut les Tours
de Noftre Dame qu'il n'avoit
vûës qu'une fois lors
qu'il eſtoit entré dans l'Eglife.
De ce Balcon il alla
juſques au bout de la Galerie,
&mit la teſte à la feneftre
vis à vis le Pont de pierre
qu'on éleve en cet endroit.
Il l'examina avec beaucoup
d'attention , & fit pluſieurs
queſtions fur les machines avec
lesquelles on ofte l'eau ,
afin de pouvoir travailler
de Siam.
351
aux fondemens . M² Seguin
prit alors congé de luy , parce
quele reſte regardoit M²
le Marquis de Congis qui
eft Capitaine des Thuilleries.
Il parut à la porte par laquelle
on entre dans cet
autre Palais , & y receut les
Ambaſſadeurs. Ils s'attache
rent d'abord à regarder un
Theatre qui eſt dans le gros
Pavillon du bout , & qui
n'eſt la que pour les repetitions
des Opera de Sa Majefté.
On traverſa enſuite
tous les Appartemens. Je
ne vous parle ny de la Pein352
Voyagedes Amb.
,
tureny de la Dorure dont ils
font tout remplis. Comme
ce Corps de Logis eſt double
on tourna delà dans
une fort belle Galerie qui
regne le long de ces Ap.
partemens. Il y a dans cette
Galerie dix ou douze Cabinets
d'un tres-grand prix ,
dont la pluſpart ont eſté faits
aux Gobelins. Ces Cabinets
jont chacun leur nom. Les
Colomnes de ceuxqui en ont
ſont de Pierres precieuſes. Il
y a des Figures d'or , & des
Miniatures d'une beauté ſurprenante.
Il y avoit trop à
de Siam. 353
voir , & trop de foule pour
les pouvoir examiner comme
ils le meritent. On tra
verſa quelques Antichambrer
& la Salle des Gardes ,
puis on paſſa par deſſus la
Te raffe pour aller à la Salle
des Machines. Les Ambaffa
deurs s'arreſterent quelque
temps ſur la Terrafle pour
regarder le Jardin , qui leur
plut beaucoup. Ils entrerent
enfuite dans la Salle des Ma
chines, qui pour la Peinture,
la Sculpture , la Dorure , la
grandeur & la conſtruction,
eſt le plus bel Ouvrage de
Gg
354 Voyagedes Amb.
cette naturel qu'on ait jamais
veu. Il y a pluſieurs
rangs de Balcons en faillie,
qui produifent un effet admirable.
Rien n'eſt plus
beau que le Theatre qui eft
plus profond que la Salle
n'eſt longue . Cette Salle eft
du deſſein de feu M'de Vigarani
, Gentilhomme Modenois
. Celle de Modene
qu'il avoit faite , paffoit pour
la plus belle de l'Europe ,
avant qu'on euft veu la Salle
des Thuilleries , qui fut bâtie
pour le Mariage de Sa
Majefté. Me de Vigarani le
deSiam.
355
Fils qui eſt au Roy , & qui
depuis ce temps - là a eu toûjours
l'honneur d'eftre à fon
ſervice, y fit travailler avec
Mª de Vigarani ſon Pere,
aufli bien qu'au premier Balet
Intitulé Hercule , qui y
fut dancé aprés le Mariage
de ce Prince . Les Machines
en eſtoient fi grandes , & fi
furprenantes, qu'il y en avoit
qui enlevoient juſqu'à cent
Perfonnes à la fois. Au fortir
de cette Salle on defcen
dit par le Grand Efcalier,
& aprés que les Ambaſſa.
deurs l'eurent confideré ain
Ggi
58 Voyage des Amb .
ſi que la Façade du Baſti.
ment , & qu'ils eurent remercié
Me de Congis qui les
avoit accompagnez par
tour , ils furent conduits à
l'Academie Royale de Peinture
& de Sculpture , dont
M'de Louvois eſt le Prorecteur.
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Résumé : Description de tout ce qu'il y a de curieux à voir dans le vieux Louvre, & dans le Palais des Thuileries, où les Ambassadeurs ont esté, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs visitèrent le vieux Louvre, accueillis par M. Seguin, capitaine. Ils commencèrent par la salle des Cent Suisses et traversèrent l'appartement de la reine-mère, admirant la dorure ancienne. Ils visitèrent ensuite le cabinet des Bains, orné de colonnes de marbre et de portraits de la Maison d'Autriche, avec une cuve de marbre et un plancher de Siam. Les ambassadeurs furent particulièrement impressionnés par les colonnes de marbre et les fleurs de bois rapportées. Ils passèrent dans un grand salon avec de grands tableaux, puis dans l'appartement de la reine-mère, une enfilade de sept ou huit grandes pièces avec des sculptures dorées et des plafonds peints par Romanelli. Ils virent également des tableaux de M. Bourson représentant des vues de mer. Ils entrèrent ensuite dans un cabinet donnant sur la rivière, admirant la dorure et les peintures de Siam. Les ambassadeurs traversèrent la salle des Antiques, détruite par un incendie, et visitèrent la galerie où le roi loge les artistes. Ils montèrent chez M. Girardon, dont le cabinet était rempli d'ouvrages curieux et antiques. Ils remercièrent M. Girardon pour ses explications et traversèrent à nouveau l'appartement de la reine-mère avant de monter chez le roi par le grand escalier du Louvre. Ils visitèrent la salle des Gardes, une terrasse pour voir l'étendue de la cour, et traversèrent les appartements du roi et de la reine défunte. Ils admirèrent les alcôves dorées et plusieurs tableaux, notamment ceux de l'histoire d'Alexandre peints par M. le Brun. Ils visitèrent ensuite la galerie d'Apollon, encore inachevée, et la grande galerie, longue de trois cents toises, qui commence au vieux Louvre et finit au Palais des Tuileries. Les ambassadeurs traversèrent ensuite les Tuileries, admirant le théâtre et les appartements remplis de peintures et de dorures. Ils visitèrent une galerie avec des cabinets précieux, dont certains faits aux Gobelins, et traversèrent la salle des Machines, considérée comme l'un des plus beaux ouvrages de son temps. Ils descendirent par le grand escalier et furent conduits à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture, dont M. de Louvois est le protecteur.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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276
p. 356-363
Ils vont à l'Academie Royale de Peinture & de Sculpture. Description de cette Academie. [titre d'après la table]
Début :
Tout le monde sçait ce qu'elle doit à ses soins. [...]
Mots clefs :
Académie royale de peinture et de sculpture, Ambassadeurs, Charles Le Brun, Marbre, Figures, Salle, Cheval de bronze, Tableaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ils vont à l'Academie Royale de Peinture & de Sculpture. Description de cette Academie. [titre d'après la table]
Tout le monde ſçait
ce qu'elle doit à ſes ſoins.
Elle est à l'entrée de la ruë
de Richelieu dans une des
Galleries du Palais Royal.
Les Ambaſſadeurs furent reçûs
en deſcendant de Carof
ſe , par M. le Brun qui eſt
Chancelier & Directeur de
de Siam. 357
cette Academie , & par Mrs
Girardon, Desjardins , de Seye,
le Hongre , Beaubrun , &
Coëpel qui en font les principaux
Officiers , & les plus
illuftres dans leurArt. Ils efaoient
accompagnez de plufieurs
autres , & d'un grand
nombre d'Academiciens qui
ne font point du Corps des
Officiers . Les Ambaſſadeurs
virent d'abord dans la premiere
Salle pluſieurs Tableaux
& pluſieurs Basreliefs de
1 marbie, faits par lesEtudians
qui travaillent tous les ans
pour lesPrix que le Roy don358
Voyage des Amb.
ne . Ils entrerent enſuite dans
la Sale , où les Ecoliers deffinent
d'aprés les Modeles ,
& où ils travailloient alors
aprés un Groupe de deux
hommes nuds , qui estoient
au milieu de cette Sale. Le
premier Ambaſſadeur fit une
choſe qui furprit toute l'Affemblée
, & qui le fit admi
rer . Il prit les deſſeins de la
pluſpart des Ecoliers,les confidera
les uns aprés les autres
, & montra celuy qu'il
croyoit le meilleur. M le
Brun dit quil avoit jugé juſte
, & pour faire voir qu'il
de Siam.
359
ne le flatoit point , il donna
le defſſein à examiner à ceux
de 'l Academie , qui estoient
autour de luy . On entra de
là dans la grande Sale , où
M's de l'Academie tiennent
leurs Affmblées Elle est toute
remplie de Tableaux, faits
par les plus excellens Peintres
que nous ayons , & de
Buftes , de Bas-reliefs , & de
Médailles de Marbre , travaillez
par les plus habiles
Sculpteurs. On peut dire que
ce font autant de Chefsd'oeuvres
, puis que ce font
en effet les Chefs-d'oeuvres ,
360 Voyage des Amb.
de tous les Peintres , & de
tous les Sculpteurs qui font
reçeus à l'Academie, où chacun
est obligé de donner ou
unTableau, ou unOuvragede
Sculpture pour y eftre reçû.
Les Ambaſſadeurs eſtant au
milieu de tant de belles choſes
, en examinerent le plus
grand nombre qu'ils pûrent,
& firent tant de queſtions ,
que la pluſpart des Academiciens
ſe trouverent occupez
en mefme temps à leur
répondre. Ils virent dans le
mefine lieu l'Hercule , & la
Flore , qui font des Figures
de
de Siam.
361
de dix pieds de haut , & demanderent
fi ces Figures eftoient
d'Italie. On leur dit
que ce n'eſtoit là que des
Modelles ; qu'il y en avoit
de ſemblables en Italie qui
eſtoient de Marbre, & qu'on
en faifoit auffi de Marbre à
Paris , pour le Roy , qui devoient
eſtre bien - toft achevées.
Aprés cela ils approcherent
des feneftres qui
donnent dans la Court de
l'Academie, & s'attacherent
à regarder un Cheval de
bronze qui eſt au milieu fur
un piedestal , & un Modelle
Hh
362 Voyage des Amb.
de plaftre de l'Empereur
Marc-Aurele à cheval. De
cette Sale ils paſſerent dans
celle où font les Portraits des
perſonnes de l'Academie,
que ceux qui ont eſté reçeus
ont choiſy de faire pour
leurs Tableaux de reception.
En entrant le premier Am..
baffadeur reconnut de loin
celuy de M² le Brun , & s'attacha
enſuite à quelques autres
, dont la peinture fembloit
donner du relief aux
Figures. Ils fortirent aprés
avoir confideré tous ces Tableaux,&
dirent à ces Ms,
de Siam.to 363
Qu'ils ne s'étonnoient pas fi l'on
voyoit tant de belles choses en
France ,puis qu'il y avoit un ft
grand nombre d'habiles Gens. Ils
furent reconduits juſques à
leur Caroffe par tous ceux
qui avoient eſtéles recevoir,
àla referve de M² le Brun ,
qui eſtoit partyun peu avant
eux, afin de les aller attendre
aux Gobelins. Les Ambaſſadeurs
eftant montez en Caroſſe
, ſaluërent encore tous
ceux de l'Academie avant
que de partir .
ce qu'elle doit à ſes ſoins.
Elle est à l'entrée de la ruë
de Richelieu dans une des
Galleries du Palais Royal.
Les Ambaſſadeurs furent reçûs
en deſcendant de Carof
ſe , par M. le Brun qui eſt
Chancelier & Directeur de
de Siam. 357
cette Academie , & par Mrs
Girardon, Desjardins , de Seye,
le Hongre , Beaubrun , &
Coëpel qui en font les principaux
Officiers , & les plus
illuftres dans leurArt. Ils efaoient
accompagnez de plufieurs
autres , & d'un grand
nombre d'Academiciens qui
ne font point du Corps des
Officiers . Les Ambaſſadeurs
virent d'abord dans la premiere
Salle pluſieurs Tableaux
& pluſieurs Basreliefs de
1 marbie, faits par lesEtudians
qui travaillent tous les ans
pour lesPrix que le Roy don358
Voyage des Amb.
ne . Ils entrerent enſuite dans
la Sale , où les Ecoliers deffinent
d'aprés les Modeles ,
& où ils travailloient alors
aprés un Groupe de deux
hommes nuds , qui estoient
au milieu de cette Sale. Le
premier Ambaſſadeur fit une
choſe qui furprit toute l'Affemblée
, & qui le fit admi
rer . Il prit les deſſeins de la
pluſpart des Ecoliers,les confidera
les uns aprés les autres
, & montra celuy qu'il
croyoit le meilleur. M le
Brun dit quil avoit jugé juſte
, & pour faire voir qu'il
de Siam.
359
ne le flatoit point , il donna
le defſſein à examiner à ceux
de 'l Academie , qui estoient
autour de luy . On entra de
là dans la grande Sale , où
M's de l'Academie tiennent
leurs Affmblées Elle est toute
remplie de Tableaux, faits
par les plus excellens Peintres
que nous ayons , & de
Buftes , de Bas-reliefs , & de
Médailles de Marbre , travaillez
par les plus habiles
Sculpteurs. On peut dire que
ce font autant de Chefsd'oeuvres
, puis que ce font
en effet les Chefs-d'oeuvres ,
360 Voyage des Amb.
de tous les Peintres , & de
tous les Sculpteurs qui font
reçeus à l'Academie, où chacun
est obligé de donner ou
unTableau, ou unOuvragede
Sculpture pour y eftre reçû.
Les Ambaſſadeurs eſtant au
milieu de tant de belles choſes
, en examinerent le plus
grand nombre qu'ils pûrent,
& firent tant de queſtions ,
que la pluſpart des Academiciens
ſe trouverent occupez
en mefme temps à leur
répondre. Ils virent dans le
mefine lieu l'Hercule , & la
Flore , qui font des Figures
de
de Siam.
361
de dix pieds de haut , & demanderent
fi ces Figures eftoient
d'Italie. On leur dit
que ce n'eſtoit là que des
Modelles ; qu'il y en avoit
de ſemblables en Italie qui
eſtoient de Marbre, & qu'on
en faifoit auffi de Marbre à
Paris , pour le Roy , qui devoient
eſtre bien - toft achevées.
Aprés cela ils approcherent
des feneftres qui
donnent dans la Court de
l'Academie, & s'attacherent
à regarder un Cheval de
bronze qui eſt au milieu fur
un piedestal , & un Modelle
Hh
362 Voyage des Amb.
de plaftre de l'Empereur
Marc-Aurele à cheval. De
cette Sale ils paſſerent dans
celle où font les Portraits des
perſonnes de l'Academie,
que ceux qui ont eſté reçeus
ont choiſy de faire pour
leurs Tableaux de reception.
En entrant le premier Am..
baffadeur reconnut de loin
celuy de M² le Brun , & s'attacha
enſuite à quelques autres
, dont la peinture fembloit
donner du relief aux
Figures. Ils fortirent aprés
avoir confideré tous ces Tableaux,&
dirent à ces Ms,
de Siam.to 363
Qu'ils ne s'étonnoient pas fi l'on
voyoit tant de belles choses en
France ,puis qu'il y avoit un ft
grand nombre d'habiles Gens. Ils
furent reconduits juſques à
leur Caroffe par tous ceux
qui avoient eſtéles recevoir,
àla referve de M² le Brun ,
qui eſtoit partyun peu avant
eux, afin de les aller attendre
aux Gobelins. Les Ambaſſadeurs
eftant montez en Caroſſe
, ſaluërent encore tous
ceux de l'Academie avant
que de partir .
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Résumé : Ils vont à l'Academie Royale de Peinture & de Sculpture. Description de cette Academie. [titre d'après la table]
Le texte relate la visite des ambassadeurs de Siam à l'Académie royale de peinture et de sculpture, située dans les Galleries du Palais Royal. Ils furent reçus par Charles Le Brun, Chancelier et Directeur de l'Académie, ainsi que par des membres éminents tels que Girardon, Desjardins, de Seye, le Hongre, Beaubrun et Coëpel. Les ambassadeurs commencèrent par admirer des tableaux et des bas-reliefs réalisés par les étudiants pour les prix royaux. Ils observèrent ensuite les élèves dessiner d'après des modèles, notamment un groupe de deux hommes nus. Un ambassadeur surprit l'assemblée en choisissant le meilleur dessin parmi ceux des élèves, choix approuvé par Le Brun. La visite se poursuivit dans la grande salle où sont exposés des chefs-d'œuvre des peintres et sculpteurs de l'Académie. Les ambassadeurs posèrent de nombreuses questions, admirèrent des figures comme l'Hercule et la Flore, et observèrent un cheval de bronze et un modèle en plâtre de l'empereur Marc-Aurèle. Ils terminèrent par la salle des portraits des membres de l'Académie, reconnaissant notamment celui de Le Brun. Avant de partir, ils complimentèrent les membres de l'Académie sur la qualité des œuvres et furent reconduits à leur carrosse.
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277
p. 363-374
Detail de ce qui s'est passé aux Gobelins le jour que les Ambassadeurs y ont esté, avec la description de tout ce qu'ils ont vû en ce lieu. [titre d'après la table]
Début :
M le Brun les reçeut aux Gobelins, accompagné des plus [...]
Mots clefs :
Charles Le Brun, Gobelins, Ouvrage, Ambassadeur, Roi, Pièces, Pierres, Galerie, Travail
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texteReconnaissance textuelle : Detail de ce qui s'est passé aux Gobelins le jour que les Ambassadeurs y ont esté, avec la description de tout ce qu'ils ont vû en ce lieu. [titre d'après la table]
M. le Brun les
reçeut aux Gobelins , accompagné
des plus Illuftres de ce
Hh ij
364 Voyage des Amb.
lieu- là. Ils entrerent d'abord
dans laGalerie de Mele Brun,
& falüerent Madame le Brun
d'une maniere fort obligeante.
Je laiſſe quantité de choſes
qu'ils admirerent,& vous
diray ſeulement que le premier
Ambaſſadeur reconnut
un Groupe de Figures qui
reprefentent des Luteurs , &
dit , qu'il en venoit de voir un
pareil à l' Academie . On examina
en uite un grand Tableau
d'Autel de M. le Brun.
C'est une Deſcente de Croix.
Il l'avoit fait pour M. l'Archeveſque
de Lyon , mais
de Siam. 383
M. de Louvois ayant jugé
qu'on n'en pouvoit avoir un
plus beau pour la Chapelle
neuve qu'on doit bâtir à
Verſailles, l'a retenu pour le
Roy. Ayant enſuite traverſé
tout l'Appartement de M.
le Brun , ils deſcendirent
dans la grande Court, où ils
trouverent ſept ou huit pieces
de Tapifleries tendues
dans le fonds , & faites aux
Gobelins.On en admira l'ous
vrage & la beauté. Le premier
Ambaſſadeur demanda
s'il ne verroit point travailler
seux qui faisoient de ſi belles chos
Hhij
366 Voyage des Amb.
و
fes , & M. le Brun répondit
qu'on luy alloit donner ce
plaifir. On entra enſuite dans
le lieu où l'on travaille aux
Ouvrages de Pierres de raport,
& dont le pied en carré
revient à plus de mille écus
felon qu'on le dit à l'Ambaffadeur
qui le demanda. Toutes
les Pierres qui entrent
dans cet Ouvrage font Pierres
precieuſes , & l'on en
taille de ſi petites qu'il eſt
preſque impoſſible de les
voir avant qu'ellesayent efté
miſes en oeuvre . Ce travail
eft dune tres grande lon.
de Siam. 367
gueur à cauſe de la dureté de
Lamatiere, & il faut pluſieurs
années pour en achever un
feul carreau . L'Ambaſſadeur
ne regarda pas ſeulement les
Pierres dont on ſe ſert pour
cet Ouvrage , il examina
tous les morceaux qui en avoient
eſté tirez ,& tous les
outils dont les Ouvriers ſe
fervent. On paffſa de là dans
la Salle des Orphévres , où
l'on demeura peu , parce que
ce travail n'eſtoit pas une
nouveauté pour les Ambaffadeurs.
Ils virent enfuite travailler
aux Tapifleriesi On
Hhinj
368 Voyage des Amb.
ne sçauroit exprimer avee
quelle attention ils s'atracherentà
regarder ce travail,
ny le plaiſir qu'ils y prirent.
Ils virent aufli le lieu où l'on
teint les Laines pour cesTapiſſeries
, & virent faire du
Lapis dans un autre endroit
pour un grand Ouvrage ,
dont je vay vous parler. Ils
allerent en un autre lieu
où travaillent les Sculpteurs?
en Bois , & virent toutes les
pieces d'une Gondole qu'on
y fait pour le Canal de Ver.
failles . L'Ambaffadeur y tra
vailla , & entre vingt Outils
de Siam 369
il prit juſtement celuy qui
eſtoit propre à l'endroit auquel
il vouloit toucher. Ils
virent auſſi travailler aux
Tapiſſeries de Baffe-Lice ,
& ce travail joint à celuy
qu'ils avoient vû , fut cauſe
qu'ils dirent , qu'on ne travail
loit passi bien aux Indes. Enfin
ils paſſerent dans une Galerie
qu'on a bâtie exprés de la
grandeur de celle dont M.
Mignard peint le Platfonds
à Verſailles . Les Pilaſtres de
cette Galerie , la Corniche ,
& generalement tout ce qui
regarde l'Architecture , &
370 Vobage des Amb.
le Corps de l'Ouvrage, doit
eſtre de Lapis , & tout remply
d'ornemens de bronze
doré. Le deſſein de cette
Architecture eſt de M. Manfard.
Les grands Paneaux
qui font entre ces Pilaftres,
feront remplis de grandes
glaces , dont les jointures
doivent eſtre cachées pari
des branches d'ornemens &
de groteſques répandus negligemment
ſur ces glaces ;
de maniere qu'une vingtaine
des plus grandes n'en paroi
tront qu'une ſeule. A mefure
que les morceaux de ce
de Siam.
37
grand Ouvrage s'achevent ,
on les place dans cette Galerie
faite pour modele aux
Gobelins , de forte que hors
le Platfonds elle s'y trouvera
toute entiere , & qu'il n'y
aura plus qu'à la tranſpotter
par pieces à Verſailles. On
n'a jamais oüy parler d'un
fi bel Ouvrage en aucun lieu
du monde , & l'on ne peut
ſe le repreſenter tel qu'il eſt ,
à moins que de l'avoir vû.
Cette Galerie fera pour mettre
les Bijoux qui font dans.
le Cabinet du Roy. L'Am
baſſadeur examina non ſeu372
Voyage desAmb.
lement ce qui en eſtoit dref
fé , mais il prit meſme les
Pieces qui n'eſtoient pas encore
dorées & les plaça
fur le Lapis à l'endroit où
elles doivent ſervir d'ornement.
Ils trouverent en fortant
de nouvelles Tapiſſeries
tendues dans la Court à la
place de celles qu'ils y avoient
veuës en entrant , &
les loüanges qu'on avoit dé
ja données à M. le Fevre
à M. Jance & aux autres qui
excellent en ces fortes d'Ouvrages,
redoublerent. Comme
la nuit approchoit , on
de Siam.
fut obligé d'apporter dans
la Court quatre grands Tableaux
de M. de Vandermeulen.
Ils reprefentent pluſieurs
Places priſes par le
Roy , & furent admirez . M.
le Brun qui accompagna par
tout les Ambaſſadeurs , donna
l'intelligence de tout ce
qu'ils virent , & répondit à
toutes leurs queſtions. Le
premier Ambaſſadeur charmé
, & de fon eſprit , & de
ſes Ouvrages , luy dit en fortant
aprés l'avoir remercié
des peines qu'il s'eſtoit données
, Qu'il n'avoit jamais veu
374 Voyage des Amb.
t'homme ſi univerſel , &que le
Roy le devoit faire travailler le
reſte de sa vie , parce qu'il n'en
trouveroit pas un autre aprés luy
qui pust remplir fa place. Il ajouta
, Que quoy qu'il fust beaucoup
occupé , il le prioit de trouver
le temps de venir diner avec
luy.
reçeut aux Gobelins , accompagné
des plus Illuftres de ce
Hh ij
364 Voyage des Amb.
lieu- là. Ils entrerent d'abord
dans laGalerie de Mele Brun,
& falüerent Madame le Brun
d'une maniere fort obligeante.
Je laiſſe quantité de choſes
qu'ils admirerent,& vous
diray ſeulement que le premier
Ambaſſadeur reconnut
un Groupe de Figures qui
reprefentent des Luteurs , &
dit , qu'il en venoit de voir un
pareil à l' Academie . On examina
en uite un grand Tableau
d'Autel de M. le Brun.
C'est une Deſcente de Croix.
Il l'avoit fait pour M. l'Archeveſque
de Lyon , mais
de Siam. 383
M. de Louvois ayant jugé
qu'on n'en pouvoit avoir un
plus beau pour la Chapelle
neuve qu'on doit bâtir à
Verſailles, l'a retenu pour le
Roy. Ayant enſuite traverſé
tout l'Appartement de M.
le Brun , ils deſcendirent
dans la grande Court, où ils
trouverent ſept ou huit pieces
de Tapifleries tendues
dans le fonds , & faites aux
Gobelins.On en admira l'ous
vrage & la beauté. Le premier
Ambaſſadeur demanda
s'il ne verroit point travailler
seux qui faisoient de ſi belles chos
Hhij
366 Voyage des Amb.
و
fes , & M. le Brun répondit
qu'on luy alloit donner ce
plaifir. On entra enſuite dans
le lieu où l'on travaille aux
Ouvrages de Pierres de raport,
& dont le pied en carré
revient à plus de mille écus
felon qu'on le dit à l'Ambaffadeur
qui le demanda. Toutes
les Pierres qui entrent
dans cet Ouvrage font Pierres
precieuſes , & l'on en
taille de ſi petites qu'il eſt
preſque impoſſible de les
voir avant qu'ellesayent efté
miſes en oeuvre . Ce travail
eft dune tres grande lon.
de Siam. 367
gueur à cauſe de la dureté de
Lamatiere, & il faut pluſieurs
années pour en achever un
feul carreau . L'Ambaſſadeur
ne regarda pas ſeulement les
Pierres dont on ſe ſert pour
cet Ouvrage , il examina
tous les morceaux qui en avoient
eſté tirez ,& tous les
outils dont les Ouvriers ſe
fervent. On paffſa de là dans
la Salle des Orphévres , où
l'on demeura peu , parce que
ce travail n'eſtoit pas une
nouveauté pour les Ambaffadeurs.
Ils virent enfuite travailler
aux Tapifleriesi On
Hhinj
368 Voyage des Amb.
ne sçauroit exprimer avee
quelle attention ils s'atracherentà
regarder ce travail,
ny le plaiſir qu'ils y prirent.
Ils virent aufli le lieu où l'on
teint les Laines pour cesTapiſſeries
, & virent faire du
Lapis dans un autre endroit
pour un grand Ouvrage ,
dont je vay vous parler. Ils
allerent en un autre lieu
où travaillent les Sculpteurs?
en Bois , & virent toutes les
pieces d'une Gondole qu'on
y fait pour le Canal de Ver.
failles . L'Ambaffadeur y tra
vailla , & entre vingt Outils
de Siam 369
il prit juſtement celuy qui
eſtoit propre à l'endroit auquel
il vouloit toucher. Ils
virent auſſi travailler aux
Tapiſſeries de Baffe-Lice ,
& ce travail joint à celuy
qu'ils avoient vû , fut cauſe
qu'ils dirent , qu'on ne travail
loit passi bien aux Indes. Enfin
ils paſſerent dans une Galerie
qu'on a bâtie exprés de la
grandeur de celle dont M.
Mignard peint le Platfonds
à Verſailles . Les Pilaſtres de
cette Galerie , la Corniche ,
& generalement tout ce qui
regarde l'Architecture , &
370 Vobage des Amb.
le Corps de l'Ouvrage, doit
eſtre de Lapis , & tout remply
d'ornemens de bronze
doré. Le deſſein de cette
Architecture eſt de M. Manfard.
Les grands Paneaux
qui font entre ces Pilaftres,
feront remplis de grandes
glaces , dont les jointures
doivent eſtre cachées pari
des branches d'ornemens &
de groteſques répandus negligemment
ſur ces glaces ;
de maniere qu'une vingtaine
des plus grandes n'en paroi
tront qu'une ſeule. A mefure
que les morceaux de ce
de Siam.
37
grand Ouvrage s'achevent ,
on les place dans cette Galerie
faite pour modele aux
Gobelins , de forte que hors
le Platfonds elle s'y trouvera
toute entiere , & qu'il n'y
aura plus qu'à la tranſpotter
par pieces à Verſailles. On
n'a jamais oüy parler d'un
fi bel Ouvrage en aucun lieu
du monde , & l'on ne peut
ſe le repreſenter tel qu'il eſt ,
à moins que de l'avoir vû.
Cette Galerie fera pour mettre
les Bijoux qui font dans.
le Cabinet du Roy. L'Am
baſſadeur examina non ſeu372
Voyage desAmb.
lement ce qui en eſtoit dref
fé , mais il prit meſme les
Pieces qui n'eſtoient pas encore
dorées & les plaça
fur le Lapis à l'endroit où
elles doivent ſervir d'ornement.
Ils trouverent en fortant
de nouvelles Tapiſſeries
tendues dans la Court à la
place de celles qu'ils y avoient
veuës en entrant , &
les loüanges qu'on avoit dé
ja données à M. le Fevre
à M. Jance & aux autres qui
excellent en ces fortes d'Ouvrages,
redoublerent. Comme
la nuit approchoit , on
de Siam.
fut obligé d'apporter dans
la Court quatre grands Tableaux
de M. de Vandermeulen.
Ils reprefentent pluſieurs
Places priſes par le
Roy , & furent admirez . M.
le Brun qui accompagna par
tout les Ambaſſadeurs , donna
l'intelligence de tout ce
qu'ils virent , & répondit à
toutes leurs queſtions. Le
premier Ambaſſadeur charmé
, & de fon eſprit , & de
ſes Ouvrages , luy dit en fortant
aprés l'avoir remercié
des peines qu'il s'eſtoit données
, Qu'il n'avoit jamais veu
374 Voyage des Amb.
t'homme ſi univerſel , &que le
Roy le devoit faire travailler le
reſte de sa vie , parce qu'il n'en
trouveroit pas un autre aprés luy
qui pust remplir fa place. Il ajouta
, Que quoy qu'il fust beaucoup
occupé , il le prioit de trouver
le temps de venir diner avec
luy.
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Résumé : Detail de ce qui s'est passé aux Gobelins le jour que les Ambassadeurs y ont esté, avec la description de tout ce qu'ils ont vû en ce lieu. [titre d'après la table]
Le texte relate la visite d'ambassadeurs aux ateliers des Gobelins, guidés par Charles Le Brun. La visite débuta par la galerie de Le Brun, où les ambassadeurs admirèrent un groupe de figures représentant des lutteurs et un grand tableau d'autel, 'La Descente de Croix', initialement destiné à l'archevêque de Lyon mais retenu pour la chapelle de Versailles par M. de Louvois. Ils traversèrent ensuite l'appartement de Le Brun et apprécièrent des tapisseries dans la cour. Les ambassadeurs exprimèrent le souhait de voir les artisans en action, ce que Le Brun leur permit. Ils visitèrent divers ateliers, notamment ceux de taille de pierres précieuses, d'orfèvrerie, de tapisserie, et de sculpture sur bois, où ils observèrent la fabrication de pièces pour une gondole. Ils admirèrent également les tapisseries de Basse-Lisse et comparèrent favorablement la qualité du travail français à celle des Indes. La visite se poursuivit dans une galerie conçue pour être reproduite à Versailles, ornée de lapis et de bronze doré, destinée à exposer les bijoux du cabinet du roi. Les ambassadeurs examinèrent les œuvres en cours et placèrent eux-mêmes certaines pièces. En fin de journée, ils admirèrent des tableaux de Vandermeulen représentant des places prises par le roi. Le Brun expliqua tout ce qu'ils virent et répondit à leurs questions. L'ambassadeur principal, impressionné par l'esprit et les œuvres de Le Brun, le complimenta sur son universalité et l'invita à dîner.
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278
s. p.
A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
Début :
MONSEIGNEUR, Depuis onze années que je travaille au Mercure, qu'on [...]
Mots clefs :
Souverains, Actions, Rang, Cour, Sujets, Prince, Peuples, États, Souverains, Fêtes, Spectacles, Parler, Troupes, Gloire, Sang
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texteReconnaissance textuelle : A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
A SON
ALTESSE SERENISSIME.
MONSEIGNEUR
ERNEST 3 AUGUSTE
Duc de Brunfvic- Lunebourg,
de Hanover,de Calemberg, de
Gottinghem , de Grubenha-
Prince d'Ofnabruc , &c.
gen,
ONSEIGNEUR,
Depuis onze années que je travaille
au Mercure , qu'on peut
a ij
EPISTRE.
"
nommer l'Abbregé de l'Hiftoire du
Monde, & dont j'ay déja fait prés
de deux cens Volumes avec quelque
forte d'approbation , puis que le
Public a fouffert que le nombre en
foit devenu fi grand , il y a peu
de Cours , & particulierement dans
l'Europe , dont je n'aye fait voir la
galanterie , la magnificence , & la
grandeur , & par confequent peu
de Souverains dont je n'aye décrit
les plus éclatantes Actions ; mais
comme tant d'augufte Perfonnes ne
font pas toujours également diftinguées
, & qu'il s'en trouve qui font
plus d'honneur à leur rang qu'ils
n'en reçoivent d'éclat , tout ce que
la Renommée a pris foin de m'apprendre
de Vous ,
MONSEIGNEUR
,
pour embellir mon Hiftoire , m'afait
connoiftre qu'un nombre infiny de
brillantes Actions ont fait meriter
EPISTRE.
à V. A.S. une des premieres places
entre les Souverains , qui à force de
vertus fe font élevez au deffus de
beur Naiffance. Qui peut mieux en
eſtre informé que moy ,
MONSEIGNEUR
, qui ayant pris foin de
m'en inftruire , en ay rendu à toute
la terre un compte exact & fidel
le ? J'ay marqué la joye de vos
Peuples lors que vous priftes poffef
fion des Eftats où un droit hereditaire
vous a appellé. Ils connoif-
·foient V. A. S. & le bonheur dont
ils devoient jouir , fous le Regne
glorieux & fortuné d'un-Souverain.
fi digne d'eftre leur Maiftre , &
Si parfaitement honnefte Homme
qualité plus rare & plus eftimée
que les Titres les plus faftueux que
puiffent donner la naissance & la
fortune. Il feroit difficile qu'on
puft porter la magnificence plus loin
a iij
EPISTRE.
que vous avez fait , lors que vous
avez receu chez vous des Souverains
avec leur Cour entiere . Auffi
je travaillay avec beaucoup de
plaifir à la defcription des galantes
& fuperbes Feftes que vous donnaftes
à la feue Reyne Douairiere
de Dannemark , Soeur de V. A. S.
lors que cette Princeſſe y fut regalée
de tous les Spectacles qu'un magnifique
& grand Prince peut donner.
Voftre Ame genereufe n'en
demeura pas-là , & la Cour de cette
auguste Reyne ne quitta la vofre
que comblée de Prefens ; il ne
faut qu'entendre parler là- deffus
ceux qui s'y trouverent , auffi- bien
que tous les Sujets des Souverains
qui ont eu l'avantage de vous voir
dans leurs Eftats ,pour apprendre la
maniere de fe diftinguer en donnant.
L'Allemagne ne s'en tait
pass
EPISTRE.
pas ; l'Italie en parle ; Rome le
publie , & Venife fait retentir
vos loüanges fur un article fi dignes
d'une belle Ame , & qui marque
avec tant d'éclat le caractere d'un
Souverain. C'est par cet endroit,
par vos manieres galantes , & par
vos Troupes , qui ont tant cueilly de
Lauriers cette Campagne avec l'Armée
Venitienne , que vous regnez
dans les coeurs des Sujets de cette
puiffante Republique , comme dans
ceux des voftres mefmes. Quels
Spectacles n'y avez - vous point donnez
? Quels applaudiffemens
n'y
avez - vous point reccns , & avec
quelle ardeur n'y eftes vous point
fouhaité , puis qu'avec l'allegreffe
que vostre galanterie & vos Feftes
y répandent , vos liberalite font
ques ces Peuples n'oublieront jamais
V. A. S. Toutes ces Feftes, tous
-
ces
EPISTRE.
ne
ces Spectacles aufquels un Souve
rain femble eftre obligé pour fou
tenir la gloire de fon rang ,
vous ont point détourné des foins
que vous devez à la conduite de
vos Eftats , & n'ont point empef
ché que vous n'ayez toûjours en
de bonnes Troupes & bien difciplinées.
Je n'entre point dans le
détail de ce que vous avez souvent
fait à leur tefte , & je diray fenlement
que depuis ce temps-là vous
en avez eu en Hongrie qui ont eu
part aux defaites des Ennemis de
la Chreftienté , & que cette année
voftre Sang s'eft partagé pour combattre
ces mefmes Ennemis. Deux
Princes qui tiennent de Vous le
Sang glorieux qui les anime . &
qui les pouffe à chercher la gloire
par tout où on peut la trouver ,
ont combattu , l'un à la tefte des
Cui
EPISTR E.
Cuiraffters de l'Empereur , qu'il
commande , & l'autre avec les Troupes
de Voftre Alteffe Sereniffime
qui font employées dans l'Armée
Venitienne. Je devrois icy, MONSEIGNEUR
parler de voftre Perfonne
, & de cet air grand &
noble qui n'attire pas moins les regards
de tous ceux qui voyent Voftre
Alteffe Sereniffime , que le
rang que vous tenez entre les Souverains.
Je devrois auffi faire une
peinture de vostre Efprit , afin
de vous montrer tout entier aux
Peuples des Nations qui ne peuvent
vous connoistre que par ce
qu'ils entendent dire de Voftre Alteffe
Sereniffime. Mais , MO NSEIGNEUR
il feroit inutile
d'en parler aprés ce que je viens de
dire de Vous , puis qu'il eft impoffable
qu'on ne foit perfuadé qu'un
a v
EPISTRE.
Prince fi galant , fi magnifique
& fi plein de coeur , n'ait pas toutes
les qualite du corps & de l'aqu'on
peut fouhaitter dans me
ر
un Souverain accomply. Tout ce
qui vous touche de plus prés,Mon-
SEIGNEUR , & mefme tout ce qui
vous appartient , jouit des mefmes
dons de la Nature . La France a
reconnu ces veritez lors que voftre
augufte Efpoufe , & la Princeffe
voftre Fille ont brillé à la Cour
de Louis LE GRAND ,
puis qu'elles y ont efté fi eftimées
par tous les endroits qui peuvent
faire meriter au beau Sexe les
louanges d'une Cour difficile , &
de bon gouft , on ne fcauroit douter
qu'elles ne foient außi parfaites
qu'elles y ont paru. Je ne parleray
point ici de l'ancienneté de
voftre Augufte Maifon , il faudroit
fouil
EPISTR E.
fouiller trop avant dans les ficcles
les plus reculez pour penetrerjufques
à fa glorieufe fource , & puis
que les plus anciennesfont les plus
confiderables , & que celle de Voftre
Alteffe Sereniffime , eft generalement
reconnue pour eftre de ce.
nombre , ilfuffit ,fans que je m'étende
plus au long fur une chofe
fi connue , de la mettre au premier
rang des plus illuftres de la terre.
Je n'ouvriray point non plus les
Tombeaux de vos Anceftres , & ne
chercheray point leur Histoire pour
vous louer par ce qu'ils ont fait de
grand , puis que Voftre Alteffe Sereniffime
eft affe digne d'éloges
parce qu'Elle fait Elle - mefme.
Oy , MONSEIGNEUR , mille &
mille endroits de vostre vie porteront
la gloire de vostre nom jufqu'à
la pofterité la plus éloignée.
Vos
EPISTRE.
On ne
Vos Sujets ne font pas les feuls qui
vantent la douceur de voftre Regne
, & le bon choix que vous avez
fait des Miniftres qui gouvernent
fous vos ordres. Ils ne
publient pas feuls vos grandes qualitez
, mais les Etrangers mêlent
leurs voix à celles de ces Sujets
pleins d'amour & de zele.
fçauroit douter de ces veritez qui
vous font fi glorieufes , puis que
tant de Nations differentes en conviennent.
Auffi l'éloge que j'ay ofe
entreprendre, ne contient- il que des
faits , & non de ces paroles flatenfes
qu'on applique à tous ceux dont
la Vie ne fournit aucunes Actions
éclatantes qui meritent qu'on en
parle. QQuuooyy qquuee la reconnoiffance
m'ait engagé à dedier cet Ouvrage
à Voftre Alteffe Sereniffime,
j'ay au moins l'avantage qu'on ne
pren
EPISTR E.
prendra point pour flateries les éloges
que je viens de luy donner.
Je dois cette reconnoiſſance à l'eftime
que vous avez fait voirpour
le Mercure , en témoignant il y au
Sept ans que vous fouhaitiez que
j'euffe l'honneur de vous l'envoyer,
& à la bonté que vous avez euë
de vouloir bien le recevoir depuis
ce temps - là. J'ofe dire , MO NSEIGNEUR
, qu'il n'eftoit pas
indigne de vostre curiofité , puis
que vous y avez veu un nombre infini
des Actions toutes merveillenfes
de Louis LE GRAND,
& que vous y avez lû tout ce que
Vous avez fait de remarquable depuis
un affez grand nombre d'années.
Je ne vous dis rien du Livre
que je prends aujourd'huy la
liberté de vous offrir , puis que
Voftre Alteffe Sereniffime en va
juger
EPISTR E.
juger Elle - mefme. La matiere ,
MONSEIGNEUR , vous en doit
eftre d'autant plus agreable , qu'en
faifant voir les pertes que les Infidelles
viennent de faire, elle vous
fera fouvenir que vostre Sang a
beaucoup contribué à les humilier
en Hongrie,& dans la Morée. Ainfi
c'est beauconp que de vous prefenter
un Ouvrage dont le sujet doit
plaire à Voftre Alteffe Sereniffime,
& il ne me reste plus qu'à vous fupplier
de vouloir permettre que l'Autheur
fe dife avec un profond refpect
,
MONSEIGNEUR ,
De V. A. S.
Le tres- humble & tresobeïffant
ferviteur.
DEVIZE
ALTESSE SERENISSIME.
MONSEIGNEUR
ERNEST 3 AUGUSTE
Duc de Brunfvic- Lunebourg,
de Hanover,de Calemberg, de
Gottinghem , de Grubenha-
Prince d'Ofnabruc , &c.
gen,
ONSEIGNEUR,
Depuis onze années que je travaille
au Mercure , qu'on peut
a ij
EPISTRE.
"
nommer l'Abbregé de l'Hiftoire du
Monde, & dont j'ay déja fait prés
de deux cens Volumes avec quelque
forte d'approbation , puis que le
Public a fouffert que le nombre en
foit devenu fi grand , il y a peu
de Cours , & particulierement dans
l'Europe , dont je n'aye fait voir la
galanterie , la magnificence , & la
grandeur , & par confequent peu
de Souverains dont je n'aye décrit
les plus éclatantes Actions ; mais
comme tant d'augufte Perfonnes ne
font pas toujours également diftinguées
, & qu'il s'en trouve qui font
plus d'honneur à leur rang qu'ils
n'en reçoivent d'éclat , tout ce que
la Renommée a pris foin de m'apprendre
de Vous ,
MONSEIGNEUR
,
pour embellir mon Hiftoire , m'afait
connoiftre qu'un nombre infiny de
brillantes Actions ont fait meriter
EPISTRE.
à V. A.S. une des premieres places
entre les Souverains , qui à force de
vertus fe font élevez au deffus de
beur Naiffance. Qui peut mieux en
eſtre informé que moy ,
MONSEIGNEUR
, qui ayant pris foin de
m'en inftruire , en ay rendu à toute
la terre un compte exact & fidel
le ? J'ay marqué la joye de vos
Peuples lors que vous priftes poffef
fion des Eftats où un droit hereditaire
vous a appellé. Ils connoif-
·foient V. A. S. & le bonheur dont
ils devoient jouir , fous le Regne
glorieux & fortuné d'un-Souverain.
fi digne d'eftre leur Maiftre , &
Si parfaitement honnefte Homme
qualité plus rare & plus eftimée
que les Titres les plus faftueux que
puiffent donner la naissance & la
fortune. Il feroit difficile qu'on
puft porter la magnificence plus loin
a iij
EPISTRE.
que vous avez fait , lors que vous
avez receu chez vous des Souverains
avec leur Cour entiere . Auffi
je travaillay avec beaucoup de
plaifir à la defcription des galantes
& fuperbes Feftes que vous donnaftes
à la feue Reyne Douairiere
de Dannemark , Soeur de V. A. S.
lors que cette Princeſſe y fut regalée
de tous les Spectacles qu'un magnifique
& grand Prince peut donner.
Voftre Ame genereufe n'en
demeura pas-là , & la Cour de cette
auguste Reyne ne quitta la vofre
que comblée de Prefens ; il ne
faut qu'entendre parler là- deffus
ceux qui s'y trouverent , auffi- bien
que tous les Sujets des Souverains
qui ont eu l'avantage de vous voir
dans leurs Eftats ,pour apprendre la
maniere de fe diftinguer en donnant.
L'Allemagne ne s'en tait
pass
EPISTRE.
pas ; l'Italie en parle ; Rome le
publie , & Venife fait retentir
vos loüanges fur un article fi dignes
d'une belle Ame , & qui marque
avec tant d'éclat le caractere d'un
Souverain. C'est par cet endroit,
par vos manieres galantes , & par
vos Troupes , qui ont tant cueilly de
Lauriers cette Campagne avec l'Armée
Venitienne , que vous regnez
dans les coeurs des Sujets de cette
puiffante Republique , comme dans
ceux des voftres mefmes. Quels
Spectacles n'y avez - vous point donnez
? Quels applaudiffemens
n'y
avez - vous point reccns , & avec
quelle ardeur n'y eftes vous point
fouhaité , puis qu'avec l'allegreffe
que vostre galanterie & vos Feftes
y répandent , vos liberalite font
ques ces Peuples n'oublieront jamais
V. A. S. Toutes ces Feftes, tous
-
ces
EPISTRE.
ne
ces Spectacles aufquels un Souve
rain femble eftre obligé pour fou
tenir la gloire de fon rang ,
vous ont point détourné des foins
que vous devez à la conduite de
vos Eftats , & n'ont point empef
ché que vous n'ayez toûjours en
de bonnes Troupes & bien difciplinées.
Je n'entre point dans le
détail de ce que vous avez souvent
fait à leur tefte , & je diray fenlement
que depuis ce temps-là vous
en avez eu en Hongrie qui ont eu
part aux defaites des Ennemis de
la Chreftienté , & que cette année
voftre Sang s'eft partagé pour combattre
ces mefmes Ennemis. Deux
Princes qui tiennent de Vous le
Sang glorieux qui les anime . &
qui les pouffe à chercher la gloire
par tout où on peut la trouver ,
ont combattu , l'un à la tefte des
Cui
EPISTR E.
Cuiraffters de l'Empereur , qu'il
commande , & l'autre avec les Troupes
de Voftre Alteffe Sereniffime
qui font employées dans l'Armée
Venitienne. Je devrois icy, MONSEIGNEUR
parler de voftre Perfonne
, & de cet air grand &
noble qui n'attire pas moins les regards
de tous ceux qui voyent Voftre
Alteffe Sereniffime , que le
rang que vous tenez entre les Souverains.
Je devrois auffi faire une
peinture de vostre Efprit , afin
de vous montrer tout entier aux
Peuples des Nations qui ne peuvent
vous connoistre que par ce
qu'ils entendent dire de Voftre Alteffe
Sereniffime. Mais , MO NSEIGNEUR
il feroit inutile
d'en parler aprés ce que je viens de
dire de Vous , puis qu'il eft impoffable
qu'on ne foit perfuadé qu'un
a v
EPISTRE.
Prince fi galant , fi magnifique
& fi plein de coeur , n'ait pas toutes
les qualite du corps & de l'aqu'on
peut fouhaitter dans me
ر
un Souverain accomply. Tout ce
qui vous touche de plus prés,Mon-
SEIGNEUR , & mefme tout ce qui
vous appartient , jouit des mefmes
dons de la Nature . La France a
reconnu ces veritez lors que voftre
augufte Efpoufe , & la Princeffe
voftre Fille ont brillé à la Cour
de Louis LE GRAND ,
puis qu'elles y ont efté fi eftimées
par tous les endroits qui peuvent
faire meriter au beau Sexe les
louanges d'une Cour difficile , &
de bon gouft , on ne fcauroit douter
qu'elles ne foient außi parfaites
qu'elles y ont paru. Je ne parleray
point ici de l'ancienneté de
voftre Augufte Maifon , il faudroit
fouil
EPISTR E.
fouiller trop avant dans les ficcles
les plus reculez pour penetrerjufques
à fa glorieufe fource , & puis
que les plus anciennesfont les plus
confiderables , & que celle de Voftre
Alteffe Sereniffime , eft generalement
reconnue pour eftre de ce.
nombre , ilfuffit ,fans que je m'étende
plus au long fur une chofe
fi connue , de la mettre au premier
rang des plus illuftres de la terre.
Je n'ouvriray point non plus les
Tombeaux de vos Anceftres , & ne
chercheray point leur Histoire pour
vous louer par ce qu'ils ont fait de
grand , puis que Voftre Alteffe Sereniffime
eft affe digne d'éloges
parce qu'Elle fait Elle - mefme.
Oy , MONSEIGNEUR , mille &
mille endroits de vostre vie porteront
la gloire de vostre nom jufqu'à
la pofterité la plus éloignée.
Vos
EPISTRE.
On ne
Vos Sujets ne font pas les feuls qui
vantent la douceur de voftre Regne
, & le bon choix que vous avez
fait des Miniftres qui gouvernent
fous vos ordres. Ils ne
publient pas feuls vos grandes qualitez
, mais les Etrangers mêlent
leurs voix à celles de ces Sujets
pleins d'amour & de zele.
fçauroit douter de ces veritez qui
vous font fi glorieufes , puis que
tant de Nations differentes en conviennent.
Auffi l'éloge que j'ay ofe
entreprendre, ne contient- il que des
faits , & non de ces paroles flatenfes
qu'on applique à tous ceux dont
la Vie ne fournit aucunes Actions
éclatantes qui meritent qu'on en
parle. QQuuooyy qquuee la reconnoiffance
m'ait engagé à dedier cet Ouvrage
à Voftre Alteffe Sereniffime,
j'ay au moins l'avantage qu'on ne
pren
EPISTR E.
prendra point pour flateries les éloges
que je viens de luy donner.
Je dois cette reconnoiſſance à l'eftime
que vous avez fait voirpour
le Mercure , en témoignant il y au
Sept ans que vous fouhaitiez que
j'euffe l'honneur de vous l'envoyer,
& à la bonté que vous avez euë
de vouloir bien le recevoir depuis
ce temps - là. J'ofe dire , MO NSEIGNEUR
, qu'il n'eftoit pas
indigne de vostre curiofité , puis
que vous y avez veu un nombre infini
des Actions toutes merveillenfes
de Louis LE GRAND,
& que vous y avez lû tout ce que
Vous avez fait de remarquable depuis
un affez grand nombre d'années.
Je ne vous dis rien du Livre
que je prends aujourd'huy la
liberté de vous offrir , puis que
Voftre Alteffe Sereniffime en va
juger
EPISTR E.
juger Elle - mefme. La matiere ,
MONSEIGNEUR , vous en doit
eftre d'autant plus agreable , qu'en
faifant voir les pertes que les Infidelles
viennent de faire, elle vous
fera fouvenir que vostre Sang a
beaucoup contribué à les humilier
en Hongrie,& dans la Morée. Ainfi
c'est beauconp que de vous prefenter
un Ouvrage dont le sujet doit
plaire à Voftre Alteffe Sereniffime,
& il ne me reste plus qu'à vous fupplier
de vouloir permettre que l'Autheur
fe dife avec un profond refpect
,
MONSEIGNEUR ,
De V. A. S.
Le tres- humble & tresobeïffant
ferviteur.
DEVIZE
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Résumé : A SON ALTESSE SERENISSIME MONSEIGNEUR ERNEST-AUGUSTE Duc de Brunsvic-Lunebourg, de Hanover, de Calemberg, de Gottinghem, de Grubenhagen, Prince d'Osnabruc, &c.
L'épître est adressée à Ernest-Auguste, Duc de Brunswick-Lunebourg, de Hanovre, de Calenberg, de Göttingen, de Grubenhagen, et Prince d'Osnabrück. L'auteur, collaborateur du Mercure, un abrégé de l'histoire du monde, exprime son admiration pour les nombreuses actions brillantes du Duc. Il met en avant les fêtes somptueuses organisées en l'honneur de la reine douairière de Danemark, soulignant la générosité du Duc envers les souverains et leurs cours. L'auteur mentionne également les exploits militaires du Duc aux côtés des armées vénitiennes. La magnificence et la galanterie du Duc sont soulignées, ainsi que son sens du devoir envers ses sujets. La famille du Duc, notamment son épouse et sa fille, est également louée pour leurs qualités à la cour de Louis XIV. L'épître se conclut par une expression de gratitude pour le soutien du Duc au Mercure et par l'offrande d'un ouvrage traitant des victoires contre les infidèles, auxquelles le Duc a contribué.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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279
p. 1-216
HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Début :
Nous avons vû en moins d'une année deux choses [...]
Mots clefs :
Bude, Siège de Buda, Siège, Prince, Histoire, Comte, Troupes, Place, Hommes, Armée, Ville, Attaque, Canon, Assiéger, Place, Prince Charles, Charles V de Lorraine, Électeur de Bavière, Maximilien-Emmanuel de Bavière, Général, Camp, Assiégés, Brandebourg, Assiégeants, Pièces, Travaux, Soldats, Ennemis, Rondelle, Brèche, Nuit, Turcs, Bavarois, Lieutenant, Colonel, Janissaires, Lignes, Major, Régiment, Palissades, Côté
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texteReconnaissance textuelle : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
HISTOIRE
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
DU SIEGE
DE BUD E.
OUS avons vu en
moins d'une annéedeux
chofes fi remarquables ,
l'une en France , & l'autre
en Hongrie , qu'il eft impoffible
qu'elles ne paffent jufqu'à la
pofterité la plus éloignée , puifque
plufieurs fiecles enſemble ne
fourniffent pas quelquefois des
actions d'un fi grand éclat. Tout
A
Hiftoire du Siege
l'Empire Ottoman employoit fes
foins & fes principales forces à
empefcher que l'on ne prît Bude,
parce que cette Ville peut ouvrir
le paffage jufques à Conftantinople
, & qu'il eft malaisé que le
Royaume de Hongrie dont elle
eft la Capitale , ne foit pasfoumis
à la domination de celuy qui
la poffede. C'eſt pour cela que les
Tures fe font toûjours attachez à
la conferver. Elle a foûtenu quatre
fieges depuis qu'ils en font les
maiſtres , & n'a efté prife qu'au
cinquième , qui eft celuy qui
vient d'eftre fait par l'Armée confedérée
des Chrétiens. L'Empereur
à qui tant de Troupes auxiliaires
jointes aux fiennes , ont
facilité cette Conquête , y va rétablir
la veritable Religion , pendant
que Sa Majefté fortifie cette
méme Religion dans huit cens
Villes
de Bude. 3
t
Villes ou Bourgs , d'où Elle a
chaffe la fauffe , que fept de fes
predeceffeurs n'avoient pû détruire.
Ces deux Nouvelles ayant
donné au Pape la plus fenfible
joye qu'il ait receue depuis fon
Exaltation au Pontificat , il a ordonné
de femblables remerciemens
à Dieu , & d'égales rejoüiffances
dans Rome, pour des actions
qui font du plus grand merite au
prés du S. Siege. On n'y a parlé
jufqu'à la prife de Bude , que de
ce que l'Eglife doit au Roy de
France , & depuis la Conquête
de cette importante Place, on n'y
parle que de l'une & de l'autre
action, & on les regardes comme
les deux plus grands Triomphes
que l'Eglife pouvoit remporter.
Je vous ay entretenue de l'une
pendant plufieurs mois , il faut
vous entretenir de l'autre ; mais
A ij
4 Hiftoire
du Siege
pour le faire avec un peu d'ordre ,
je croy qu'il fera bon de vous expliquer
en peu de mots comment
la Ville de Bude a paffé au pouvoir
des Ottomans.
Louis II. dit le Jeune , Roy de
Hongrie , ayant pery en 1526. à
la bataille de Mohacs , Jean de
Zapol , Comte de Scepus , Vaivode
de Tranfilvanie fut falué
Roy par une partie des Hongrois.
L'autre élut Ferdinand Roy de
Boheme , qui avoit époufé Anne ,
Soeur du defunt Roy Loiys . Ferdinand
affifté des forces de l'Empereur
Charle Quint fon frere ,
alla droit à Bude , dont il fe fai fit
en ayant chaffe Jean de Zapol , qui
par diverfes pratiques qu'il eut à
la Porte , vint enfin à bout de faire
venir Soliman à fon fecours . Solyman
eftant entré dans la Hongrie
avec de puiffantes forces en 1529.
marcha
de Bude.
5
€
C
marcha vers Bude , la prit & retablit
le Roy Jean dans fon Eftat.
Ce dernier pour s'y maintenir
fans trouble , fit un accord avec
Ferdinand , par lequel il devoit
jour du Royaume de Hongrie
jufques à fa mort , à condition
que Ferdinand , ou l'un de fes
Fils , luy fuccederoit , & comme
il fe pouvoit faire que Jean venant
à fe marier auroit des enfans
, il fut arrefté que s'il avoit
un Fils , ce Fils feroit Prince de
Tranfilvanie, & poffederoit toutes
les terres , Villes & Chateaux
qui avoient appartenu à Jean avant
que les Hongrois l'euffent
fait leur Roy. Ce Traité eftant
conclu, il fe maria avec Elifabeth.
fille de Sigifmond Roy de Polog.
ne, & mourut prefque auffi - toft ,
laiffant au berceau un Fils qu'il
en eut. Quelques- uns mirent la
A iij
6 .
Hiftoire du Siege
Couronne fur la tefte de l'Enfant
le jour qu'il fut baptifé , & Ferdinand
ayant demandé à Elifabeth
l'execution du Traité fait
avec le Royfon Mary cette malheureufe
Reyne qui fut avertie
qu'il preparoit une Armée pour
la contraindre à l'obeïffance , envoya
des Ambaffadeurs à Solimã .
Ils en furent bien receus , & en
rapporterent une Robe d'écarlate
en broderie , une maffe de fer
avec le pommeau & la poignée
d'or , & un cimeterre dont le fourreau
eftoit tout femé de pierreries
, pour marque de fon amitié
& de fa protection . En mefme
temps Solyman donna fes ordres
pour faire fecourir Elifabeth fi
elle eftoit attaquée , & Guillaume
Rocandolph, General des Troupes
de Ferdinand , ayant commencé
le Siege de Bude , Mahomet Bacha
de Bude ..
7
cha , & Mahomet Sangiac de
Belgrade , pour obeir à leur Empereur
, marcherent vers cette
Place avec toute la diligence poffible
. Rocandolph remüa fon
Camp à leur arrivée . Il le mit au
pied du Mont S. Girard . Le Sangiac
de Belgrade alla camper fur
les cofteaux de la Plaine qui s'étend
depuis ce Mont le long du
Danube pour enfermer les Chreftiens,
& Mahomet Bacha campa
d'un autre cofté , & fi prés de
Rocandolph , que les Tentes de
l'une & de l'autre Armée n'étoient
éloignées que d'une demie
lieuë. Il y eut de legers combats
entre les deux Camps , avec des
fuccez , tantoft favorables pour
l'un des partis , & tantoft pour
l'autre ; mais enfin Rocandolph
ayant appris que Solyman venoit
luy- mefme appuyer les deffeins
A iiij
8
Hiftoire du Siege
de fes Generaux à la tefte de
deux- cens mille hommes , jugea à
propos de fe retirer . Les Turcs
avertis de fon deffein l'attaquerent
dans fa retraite , & plus de
vingt mille Chrêtiens demeurerent
fur la place . La levée du Siege
n'empefcha pas Solyman de
pourfuivre fon voyage , & de venir
jufque devant Bude . Il envoya
de là affurer la Reine Elifabeth
de fa bienveillance ; & la fit
prier de fatisfaire l'envie qu'il
avoit de voir le jeune Eftienne
fon Fils. Elifabeth trouvant dangereux
de le refufer , parce que
c'eût été marquer de la défiance ,
& irriter un Prince puiffant, l'envoya
au Camp de Solyman , avec
les principaux Seigneurs de fa
Cour. Le Turc le receut avec
beaucoup de careffes , & le fit
loger avec Bajazet & Selim fes
Fils ,
de Bude.
Fils , qu'il avoit eus de Roxelane .
Les Bachas traiterent magnifiquement
les Seigneurs Hongrois
qui avoient accompagné leur
jeune Roy , & cependant les Janiffaires
de Solyman qui avoient
fes ordres , eftant entrez dans la
Ville comme amis , fe répandirent
par tout fous pretexte de
confiderer la beauté des Bâtimens
, & fe voyant affez forts
pour executer leur entreprife , ils
fe faifirent de toutes les Places ,
forcerent les Gardes des Portes
qui ne foupçonnoient point cette
trahifon , & les ouvrirent à quelques
Troupes qu'on avoit fait
avancer. Enfuite on commanda
aux Bourgeois de rendre les armes
, & ce fut ainfi que Solyman
s'empara de Bude , fans qu'il en
coutât le fang d'un feul homme .
Cela arriva en 1541. Apres un
•
A V
Hiftoire du Siege
évenement fi favorable , l'Empereur
Turc tint confeil , & l'on
y
mit en deliberation s'il retiendroit
le Royaume de Hongrie,
ou s'il le rendroit au jeune Roy.
Mahomet Bacha eftoit d'avis que
Solyman le menaſt à Conſtantinople
avec les Seigneurs Hongrois
qu'il avoit entre fes mains ,
& qu'il mift à Bude un Gouverneur
qui ufant de moderation ,
apprit à ce Peuple à fe foumettre
au joug Ottoman . Ruftan
, Gendre de l'Empereur &
de Roxelane , luy voulut perfuader
de garder ſa foy , qu'il ne
pouvoit violer fans honte , & le
Sangiac de Belgrade fut d'avis
qu'en reduifant la Hongrie en
Province , il fe delivraft par là
de la neceffité, où il pourroit eftre
encore de revenir de fi loin fecourir
une Femme & un Enfant.
Il
de Bude. I
Il luy reprefenta qu'ils ne pourroient
refifter aux forces Allemandes
que par le fecours de
celles de la Hauteffe , & que les
Guerres ne fe devant faire que
pour avoir le moyen de vivre en
paix , il eftoit de l'intereft du
Sultan fon Maiftre, de reduire en
Province un Royaume qu'il avoit
fi fouvent défendu ; qu'ainfi il
falloit renvoyer la Reyne en Pologne
à fon Pere Sigifmond , mener
le jeune Roy Eftienne à
Conftantinople pour l'y élever
dans la Loy Mahometane , faire
trancher la tefte à tous les
Seigneurs Hongrois prifonniers,
rafer leurs Fortereffes , tranfporter
une pattie des familles en
Afie , & tenir les autres dans le
devoir par de fortes Garnifons.
Soliman ne fuivit aucun de ces
avis. Il entra dans Bude, & aprés
avoir
12
Hiftoire du Siege
, avoir renverfé les Autels &
fait brifer toutes les Images de
l'Eglife Cathedrale pour la confacrer
felon les Superftitions Mahometanes
, il fit fortir Elifabeth
de la Ville , & l'obligea de ſe retirer
à Lippe avec fon Fils pour
gouverner la Transilvanie , l'affurant
qu'il le rétabliroit fur le
Trône quand il feroit dans un
âge plus avancé. Cependant il la
declara Tutrice de ce jeune Prince
dont il luy promit d'eftre le
Protecteur, & luy rendit Georges
Martinufius pour eftre Miniftre
de fes Eftats. Depuis ce temps-là
la Ville de Bude que les Allemans
appellent offen , eftoit toûjours
demeurée au pouvoir des Turcs.
Elle fut affiegée en 1598. fous
le Regne de Mahomet III . par
l'Archiduc Mathias . Il força le
Fauxbourg qui eft du cofté du
Da
de Bude . 13
1
I
Danube , & fe rendit maiſtre
du Fort bafty fur le Mont Saint
Girard , où il trova quatre- vingt
pieces de canon , mais il ne put
venir à bout de la Citadelle .
Elle fut & vigoureufement défendue
, que la mauvaiſe faifon
s'avançant , il fe vit contraint de
lever le Siege. Comme il n'abandonnoit
le deffein de faire
cette conquefte que par la confideration
de l'hyver , fi - toſt
qu'il vit le temps propre à l'entreprendre
, il ramena fon Armée
devant cette Place. Les
Turcs qui en apprehendoient
la perte , s'avancerent promptement
pour la fecourir. Ils furent
défaits , mais cette victoire qui
donnoit de fi grandes efperances
aux Princes Chreftiens qui attaquoient
Bude ne pût rien
diminuer de la fermeté des
,
Affie
14 Hiftoire du Siege
Affiegez à fe bien défendre .
L'Armée Chreftienne trouva
dans ce fecond Siege les mefmes
hommes , & la mefme refiftance
qui luy avoit fait quitter
le premier , & elle fe retira
encore une fois.
>
Apres la perte d'Albe - Royale
, repriſe en 1602. par les
Turcs qui l'avoient perduë
l'année precedente , le mefine
Archiduc Mathias , qui commandoit
une Armée de quarante
mille hommes , marcha pour
la troifiéme fois contre Bude.
La Ville - baffe ayant efté
facilement emportée , il affiegea
la haute , furprit la Ville de
Peft , & ces commencemens furent
fi heureux , qu'on ne douta
point qu'il ne vint à bout de
fon entrepriſe. Cependant toute
la valeur & la prévoyance
des
de Bude.
15
des Chreftiens ne put empefcher
que la Citadelle ne fût rafraîchie
d'hommes , de vivres &
de munitions . de Guerre ; ainfi
il fallut encore lever le Siège.
Charles de Gonzague , Duc de
Nevers , y fut bleffé d'un coup de
moufquet à l'épaule.
Le dernier Siege eft connu
de tout le monde. Il fut commencé
par le Prince Charles de
Lorraine le 14 de Juillet 1684.
& le fecours jetté dans la Place
, le mauvais eftat dés Troupes
, l'incommodité de la faifon
, & le hazard auquel on fe
feroit exposé en donnant un
affaut general , dans lequel on
auroit eu à combattre en meſme
temps & ceux de la Ville , &
le Seraskier qui n'eftoit pas éloigné
des Lignes , ayant fait
craindre un mauvais fuccez de
cette
16 Histoire du Siege
cette entrepriſe , l'Armée Chreftienne
fe retira le premier jour
de Septembre , fans eftre inquietée
par les Ennemis dans fa
retraite .
Je viens au cinquième Siege
de cette importante Place.
Rien n'eft plus difficile qu'u
ne Relation de cette nature ,
fur tout lors qu'un Siege a efté
long , qu'il a fait verfer beaucoup
de fang, & que l'évenement
en a efté attendu de toute
l'Europe. Comme dans celuy
que j'entreprens de décrire , le
nombre des Intereffez a efté
grand , & qu'il y a eu differens
quartiers de divers Souverains,
fans compter quantité de Volontaires
repandus de plufieurs
Nations, chacun voudroit qu'on
n'oubliaft rien de ce qui le regarde
, & c'est une exactitude
qui
de Bude.
17
,
qui eft entieremet impoffible.Cependant
s'il arrive qu'on ne parle
point d'une action d'un feul Volotaire
lors qu'il eft d'une qualité.
diftinguée, cela eft caufe que tous
ceux de la mefme Nation fe récrient
fur la fauffeté d'un ouvrage
, qui ne manque quelquefois
qu'en ces fortes de circonftances
qui ne meriteroient pas
qu'on s'en mift en peine . Il y en
a d'autres qui pouffent le point
d'honneur plus loing , & qui ne
voudroient pas qu'on marquaft
que ceux de leur Nation ont eu
fouvent du defavantage pendant
le cours du Siege , comme fi la
- Victoire qui couronne tous les
travaux par la priſe d'une Place,
& qui efface toutes les pertes,
pouvoit empécher que l'on n'euft
efté quelquefois batu avant le
triomphe. S'il ne faloit point
parler
18
Hiftoire du Siege
parler des de avantages du Vainqueur,
il faudroit feulement marquer
la Prife , & la Victoire &
ce ne feroit plus alors la Relation
d'un Siege , mais le détail de la
derniere action. Bien que l'on
foit affuré de la priſe de la Place
avant que d'écrire la premiere
ligne du Siege , & qu'on fçache
que ceux qui fe font venus rendre
aux Afliegeans ont dit la
plus - part des fauffetez , il faut
pourtant faire mention de ces
fauffetez ,quoy que dans le tems
qu'on les écrit , on les connoiffe
pour telles. Il faut mettre dans
un journal tout ce qui s'est fait
& tout ce qui s'eft dit , parce que
felon ces chofes ont voit les vraies
& les fauffes mefures qu'ont pris
tant les Affiegeans que les Affiegez.
C'eſt par là que la Pofterité
s'inftruit , & c'eft ce qui doit
donner
de Bude. 19
3:
donner des lumieres à ceux qui
en de pareilles occafions peuvent
un jour avoir des commandemens.
Ainfi quand je diray la
verité de ce qui s'eft paffe pendant
le cours du Siege de Bude
,je ne feray pas pour cela contre
les Allemans. Tout depend
de la derniere action , puifque
lors qu'on reuffit , on a toûjours
pris de juítes mefures. Je dois
dire à l'avantage de la France,
qu'une Place fans dehors , com-
I me celle que vient de reduire
l'Armée des Confederez, fe pourroit
compter prife d'abord
les François l'affiegeoient , puifqu'on
ne manque jamais de capituler
dés qu'ils ont pris les dehors
de quelque Place , & que
Bude n'en avoit point . Ils auroient
pû faire voir en cette occafion
ce qu'ils ont fouvent fait
, fi
éprou
20
Hiftoire du Siege
éprouver à plufieurs Villes , mais
l'Allemagne avoit trop connu
leur valeur en la fameufe journée
de S. Godard pour vouloir
donner lieu à d'autres qu'à fes
Sujets d'acquerir une auffi grande
gloire , & elle a mieux aimé
faire lentement cette Conquête,
quand mefme elle auroit deu
rifquer à ne la pas faire
,, que de
laiffer aux François les avantages
qu'ils font toûjours feurs de
remporter dans toutes leurs entrepriſes.
Comme le fuccés de
celle- cy paroiffoit douteux , elle
fut fort debatue au Confeil de
l'Empereur.Les fentimens étoient
partagez, & il y en avoit d'entierement
cotraires à l'avis du Prince
Charles de Lorraine , qui fouhaitoit
d'ouvrir la Campagne par
un Siege auffi confiderable que
celuy de Bude paroiffoit aux Allemans
.
de Bude. 21
lemans. Il avoit efté contraint
de le lever en 1684. & il croyoit
qu'il y alloit de fa gloire de reparer
par la prife de cette Place
qu'on jugeoit fi importante , le
malheur qu'il avoit eu l'affiegeant
inutilement. Il trouvoit l'occafion
favorable , & qu'il luy eftoit
facile d'acquerir beaucoup de
gloire , à moins qu'il n'euft toû
jours le mefme malheur , puis
qu'il devoit eftre fecondé dans
cette Expedition , non feulement
par les Troupes de l'Empire , mais
encore par celles de plufieurs
Souverains , dont il y en avoit
un tout remply de coeur , qui
vouloit commander les fiennes en
perfonne , & que ces Troupes
qui ne manquoient de rien , étoient
aguerries à l'exemple de
leur Chef , qui a déja fait voir
fon courage & fon intrepidité
en
22 Hiftoire du Siege
en plufieurs occafions . Ileft aisé
de juger que c'eft de l'Electeur
de Baviere que je parle. Outre
tout cela ,le Prince Charles voyoit
accourir en foule quantité d'illuftres
Volontaires de toutes les
Cours de l'Europe , parmi lefquels
eftoient beaucoup de François
qui fe trouvent toujours dans les
lieux où ils peuvent voir qu'il y
a de la gloire à acquerir. Ce n'étoit
pas encore tout ce qui foutenoit
l'efperance de ce Prince. Il
fçavoit que les liberalitez du Pape
fe répadoient à pleines mains,
pour faire fubfifter fes Troupes,
que chaque Souverain de l'Europe
fourniffoit des hommes , de
l'argent , ou des munitions pour
avancer le fuccés de fes deffeins,
& qu'enfin le Siege de Bude étoit
pluftoft l'entrepriſe de la
Chreftienté entiere,que de l'Empire.
de Bude.
23
pire. Comme tous ces avantages
pouvoient contribuer à fa.
gloire & le faire triompher , il
eftoit de ſes interefts de profiter
de l'occafion , puis que l'honneur
de remporter la Victoire , quoy
que deuë aux plus braves fujets
de tous les Souverains de l'Eurodevoit
réjaillir preſque fur
pe ,
luy feul.
Si ce Prince fouhaittoit avec
une extreme impatience qu'il luy
fuft permis d'affieger Bude , les
Turcs qui n'avoient point d'armée
en campagne , ne defiroient
pas avec moins d'ardeur de luy
voir former ce Siege . Celle des
Chreftiens eftoit puiffante , de
forte que l'on eftoit affeuré que
la Place qu'ils attaqueroient ne
pourroit refifter long- temps , ny
attendre le fecours , à moins
qu'on n'affiegeaft la plus forte, &
la
24 Hiftoire du Siege
la mieux remplie d'hommes , &
de munitions & tout cela fe
trouvant à Bude , les Turcs avoient
raiſon de fouhaiter qu'on
mift le Siege devant cette Place,
afin que la longue refiftace qu'elle
feroit, leur puft donner lieu de
preparer un puiffant fecours , &
de le faire mefme venir du fond
de la Turquie , s'il en eftoit befoin
. Michel Abaffi , Prince de
Tranfilvanie , qui eftoit de concert
avec eux fit entendre aux
Imperiaux qu'il fe declareroit
plus ouvertement en leur faveur,
files Ottomans n'eftoient plus
maiftres de Bude. Ainfi tout
contribua à cette entreprife,quoy
que le fuccez en fuft incertain,
parce que la Place , ainfi que la
fuite l'a fait voir , ne manquoit
ny de Soldats , ny de Chefs intrepides
& aguerris, ny d'argent,
2
ny
de Bude.
25
Ο
C
ny de toutes fortes de munitions.
D'ailleurs la forte & longue reſiſtance
que le Gouverneur avoit
faite pendant le dernier Siege
, devoit fervir de regle à celuy
à qui l'on en avoit commis
la défenfe , & comme il étoit
feur d'eftre étranglé s'il rendoit
la Place , il y avoit
apparence
qu'il la défendroit jufqu'à la derniere
extremité. Il y avoit auffi
lieu de prefumer pour plufieurs
raifons , que le grand Vizir venant
en perfonne , periroit plutoft
, que de ne la pas fecourir.
La deftinée de fes deux Predeceffeurs
le devoient engager à
cet effort , c'eftoit par la qu'il
pouvoit fe monftrer digne du
choix qu'on venoit de faire en
Il'élevant à la dignité où il fe
voyoit. Il avoit eu l'adreffe de
fe faire mettre . en la place de
B
16
Hiftoire du Siege
fon Predeceffeur, & il avoit commandé
une Armée contre la Pologne
avec affez de fuccés pour
faire attendre de plus grandes
chofes de luy , quand il feroit à
la tefte d'un plus grand nombre
de Troupes , & cependant c'eft
luy qui eft caufe que l'on a pris
Bude.
Quelque nombreuse que foit
une Armée devant une Place, &
quelque fortifiée qu'elle foit , il eft
prefque impoffible ( & c'eft ce
qu'on n'a prefque point vû depuis
plufieurs ficcles) qu'elle empefche
une Armée Royale de fecourir
la Place affiegée lors que
cette Armée a pu faire affez de
diligence pour arriver avant la
prife de la Ville qu'elle a voulu
delivrer d'un fiege . C'est pour ceque
dans la plufpart des capitulations
, les Villes affiegées metla
tent
de Bude.
27
tent qu'elles fe rendront au jour
dont on convient, pourveu qu'avant
ce jour-là il n'arrive point
d'Armée Royale pour les fecourir.
Il eft enfin conftant que de
vingt Armées qui ont donné
dans des Lignes pour les forcer,
quoy que défenduës par un plus
grand nombre de Troupes , dixneuf
y ont réuffi. La raifon en
eft facile à comprendre. Une Armée
,, quoy que tres -nombreuſe,
qui entoure une Place, peut eftre
forcée par une plus foible , parce
qu'elle eft obligée d'occuper plufieurs
lieues de terrain autour de
la Place qu'elle affiege, & quainfi
chaque quartier eft peu garny
de Troupe , au lieu que l'Armée
qui attaque eft toute raf
femblée en un corps , ce qui la
rend beaucoup plus forte. Celle
qui eft dans les lignes pour-
Bij
28 Hiftoire du Siege
roit faire la mefme chofe , &
unir auffi toutes les forces pour
défendre l'endroit par lequel elle
eft attaquée , mais quand ceux
qui la veulent forcer font habiles
, ils donnent de fauffes attaques
fi à propos qu'on n'ofe dégarnir
aucun Pofte , parce qu'on
ne peut deviner la veritable at
taque. Ainfi l'Armée qui veut
paffer dans une Place , & qui
prend toutes les mesures qu'il
faut pour cela , cela , ne trouvant que
les Troupes d'un feul quartier
à combattre , les forces , aidée
de la Garniſon qui en ce rencontre
ne manque jamais de vigoureufes
forties. Ceft par là que
les Villes affiegées qui ont be
foin d'eftre fecouruës , le font
toujours, quand les Armées qu'on
veut employer pour ce fecours,
arrivent affez à temps . Le Grand
•
Vizir
de Bude. 29
Vizir au lieu de fe fervir de
tous ces avantages , a fait quan
tité de fautes , & elles ont efté
caufe de la prife de la Place
qu'il auroit pû fecourir. Il a fait
batre plufieurs fois fes meilleures
Troupes en détail , ce qui
ne pouvoit manquer d'arriver ,
puifque les corps qu'il envoyoit
eftoient moins forts que toute
Farmée qu'ils avoient à combatre.
Il a laiffé le temps de connoiſtre
que celle qu'il amenoit,
eftoit moins nombreuſe qu'on
n'avoit crû. Il a fait rallentir la
chaleur de fes Troupes , en les
faifant battre trop fouvent , & en
sobftinant à ne pas attaquer les
lignes avec toute fon Armée . Il
a par la frequente défaite de ces
mefmes Troupes rehauffé le courage
des Chreftiens. Il leur a
donné le temps de faire venir
Bij
30
Hiftoire du Siege
le General Scheffemberg avec
les fiennes , qui n'eſtant rebutées
par aucun affaut , ont emporté
la Place ; il eſt cauſe de
la mort du Gouverneur , & de
perte de tout ce qui reftoit
de bonnes Troupes dans Bude,
parce que fi fa preſence n'euft
pas fait efperer un
la
prompt
& vigoureux fecours , on auroit
capitulé lors qu'on auroit
crû n'eftre plus en eftat de fe
défendre. Ainfi fa prefence a
donné aux Affiegeans une Vitoire
, & plus grande , & plus
complette . Elle a fait voir le
peu
de valeur , & le petit nombre
des Troupes Ottomanes
que le peu d'experience de fes
Chefs. Elle a caufé les pertes
que les Troupes ont faites depuis
la prife de Bude , & qui entraifneront
celles qui les doivent
fuivre .
•
>
ainfi
de Bude.
31
e
fuivre. Elle a donné du coeur
aux Victorieux ; elle a ofté la
terreur qui depuis long - temps
faifoit apprehender l'Empire Ot-
& fera caufe qu'aucu- toman
ne Place forte ne ſe défendra autant
qu'elle pourroit faire quand
elle fera affiegée , de crainte
d'éprouver le fort de Neuhaufel
& de Bude .
Toute l'Europe eſtoit attentive
fur l'entreprife par laquelle
les Imperiaux feroient cette année
l'ouverture de la Campagne.
L'Electeur de Baviere eſtant
arrivé à Neuftadt le vingtiéme
de May , l'Empereur y tint plufieurs
fois confeil de guerre avec
les Officiers generaux &
ſes Miniftres. On y propofa le
fiege d'Albe Royale , auquel il
y eut quantité d'avis contraires .
-
B üij
32 Hiftoire du Siege
pes
·
On reprefentoit que les Troueftant
fraifches , & l'Artillerie
en bon eftat , il feroit beaucoup
plus avantageux d'attaquer
Bude. On convenoit que ce Siege
ne fe pouvoit faire fans beaucoup
de peine , à caufe que les
fortifications en avoient efté
tres bien rétablies , & qu'on
y avoit ajouté quelques ouvrages
pour en fortifier les dehors
le long du Danube jufqu'à la
Montagne.On fçavoit encore que
le Foffe avoit efté aprofondy de
l'autre coſté de la Ville , que
avoit contreminé les endroits où
les Imperiaux avoient preparé
des mines lors qu'ils l'affiegerent
en 1684. qu'il y avoit de fauffes
portes pour faire des forties par
deffous , & qu'on avoit dépavé
les rues , ofté les toits , & fait
couvrir de terre toutes les maifons
,
l'on
de Bude.
33
C
3
fons , afin d'empefcher l'effet des
Bombes & des Carcaffes. Des
Deferteurs avoient auffi rapporté
qu'il y avoit dans la Place des
munitions de guerre & de bouche
, pour foutenir un Siege de
plus de fix mois ,,
que la garnifon
eftoit de plus de dix mille
hommes choifis entre les Janiffaires
& les Spahis , & que le
1 Bacha Abdi qui commandoit
dans la Place , eftoit un homme
tres - confommé dans le meftier
de la Guerre , qui avoit fous luy
fix autres Officiers fort experimenteż.
On balança toutes ces
raifons , & elles ne furent point
affez fortes pour empêcher qu'on
ne refoluft d'affieger Bude. Le
rendez vous general fut donné
aux Troupes pour le 29. de
ce mefme mois à la referve de
celles de Brandebourg , qui tra-
·
B v
34 Hiftoire du Siege
verfant la Silefie de fort mau
par
vais chemins, ne pouvoient marcher
qu'à petites journées. Il fut
arrefté fuivant la divifion qui
s'en fit que la grande Armée
que commanderoit le Prince
Charles de Lorraine , feroit de
cinquante- huit à foixante mille
hommes , fçavoir de quinze mille
hommes d'Infanterie Allemande
, de quatorze mille Chevaux
& Dragons Allemans , des Troupes
auxiliaires de Saxe , de Brandebourg
, & de Suabe , & de
quatre mille Hongrois , & que
l'Armée dont l'Electeur de Baviere
auroit le commandement ,
feroit compofée de douze mille
Fantaffins Allemans , de dix
mille Chevaux auffi Allemans
des Troupes de cet Electeur ,
& de celles des Cercles de Baviere
& de Franconie , & de
troisde
Bude..
35
+
trois- mille Hongrois . Dans l'Armée
du Prince Charles les
Comtes de Caprara & de Staremberg
furent nommez Marefchaux
de Camp Generaux ;
le Duc de Croy General d'Infanterie
, le Prince Louis de
Neubourg , & le Comte de Suze
Lieutenans Generaux ; les
Barons de Thingen & de Thun,
& le Marquis de Nigrelli Sergeans
Majors de Bataille ; les
Comtes de Schults & de Dunevald
Generaux de Cavalerie ;
les Comtes de Taff , & de Palfi
, & le Baron de Mercy Lieutenans
Generaux ; le Prince Eugene
de Savoye qui eftoit arrivé
d'Efpagne en pofte depuis
peu de jours , le Comte Philippe
de Thaun , le Baron de Lodron,
& le Comte de Stirum Sergeans
Majors de Bataille .
Le
Comte
36
Hiftoire
du Siege
Comte de Leſlie fut fait Maref
chal de Camp General de l'Armée
de l'Electeur de Baviere ; le
Comte de Sherini General d'Infanterie
, le Marquis de la Verne
& le Comte de Schaffemberg
Lieutenans Generaux, & les Barons
de Wallis & de Berk , &
le Comte d'Afpremont Majors
Generaux . Il fut auffi arrefté que
le Comte de Scherffemberg demeureroit
en Tranfilvanie , &
le Comte Caraffa vers Zatmar
avec les détachemens qu'ils y
commandoient pour la confervation
des Conqueftes nouvellement
faites. Quelques accés.
de fievre qui retinrent le Prince
Charles à Edembourg , l'ayant
empéché d'aller fe mettre à la tête
des Troupes dont on devoit
faire le 29. une reveue Generale
dans les Plaines de Barcam , elle
fut
de Bude.
37
fut remife au 8. de Juin. Ce Prince
partit d'Edembourg le 20.
après avoir eu une longue conference
avec l'Electeur de Baviere
, qui fe rendit à Neuſtadt
le lendemain pour en rendre
compte à l'Empereur. Cependant
tout le trajet du Danube
depuis Ratisbonne jufqu'à Presbourg
eftoit couvert de Barques
& autres petits Vaiffeaux chargez
de munitions & de vivres, & des
Troupes de Baviere , de Franconie
& de Suabe qui defcendoient
vers la Hongrie. Jamais entrepriſe
n'a efté executée avec tant de
joye. On fe preparoit au Siege
de Bude avec un courage & une
ardeur qui ne fe peut exprimer.
Les Volontaires accouroient , de
France, d'Espagne , d'Angleterre,
d'Allemagne & de tous les endroits
de la Chrêtienté , & le
Duc
E
38 Hiftoire du Siege
Duc de Bejar Grand d'Eſpagne,
vint joindre à Vienne le Marquis
de Valero fon frere , qui s'y
eftoit déja rendu avec quelques
autres. Le 29. le Prince Loüis
de Bade partit de Neuftadt en
pofte pour aller joindre l'Electeur
de Baviere , & le Prince
Charles s'y eſtant rendu de Raab
le premier de Juin pour prendre
congé de Sa Majefté Imperiale,
reprit la route de Hongrie , accompagné
du Comte Stratman,
Grand Chancelier. Le 5. il arriva
à Comorrhe , où l'Electeur de
Baviere avoit efté receu deux
jours auparavant au bruit du
Canon & de la Moufqueterie. Ils
en partirent enſemble pour aller
au rendez - vous general. Le Prince
Charles y trouva les Troupes
dont l'Armée Imperiale devoit
eftre compofée. Elles avoient eſté
affem
A
de Bude.
39
affemblées proche de Barkam ,
par les foins du Comte de Staremberg.
On ne peut s'imaginer
la joyé qu'elles témoignerent en
voyant leur General . Il fut aisé
de connoître par toutes les marques
qu'elles en donnerent l'impatience
que chacun avoit de
marcher fous fa conduite . Les
Troupes de Saxe eſtant arrivées
au nombre de mille Chevaux
, & de quatre mille hommes
d'Infanterie , le Prince de
Saxe qui les commandoit , envoya
prier le Prince Charles
de les venir voir. Ce Prince
en fit la reveuë , & alla enfuite
difner dans la Tente de l'Electeur
de Baviere , qui luy fit voir les
fiennes rangées en bataille . I
retourna de là à Comorre pour
quelques ordres qu'il avoit à y
donner. Cependant les Troupes
du
40 Hiftoire du Siege
du Cercle de Suabe , commandées
par le Marquis de Bade-
Dourlach , joignirent l'Armée.
Elles étoient de trois mille hommes
de pied , & de trois mille
Chevaux. On intercepta des
Lettres , par lesquelles on apprit
, que le Grand- Viſir eſtoit
venu à Belgrade , qu'il avoit
donné le commandement en
Chef de l'Armée Ottomane en
Hongrie à Achmet Bacha , auquel
il avoit laiffé des ordres
particuliers , de ne rien épargner
pour la confervation de
Bude & d'Effek comme des
deux Places qui leur eftoient les
plus importantes , & qui faifoient
la feureté de toutes celles
qui leur reftoient dans le Royaume,
& qu'il eftoit enſuite retourné
à Andrinople avec une extreme
diligence. On fçeut auffi
›
par
de Bude. 41
par les Efpions que l'on avoit
envoyez pour reconnoiftre les
forces des Turcs , qu'ils ne pouvoient
mettre au plus que quarante
mille hommes en Campagne
, & que les Troupes d'Afie
avoient pour la plufpart deferté
dans leur marche d'Andrinople
à Belgrade. Les Huffars de Papa,
Dotis , Vefprin & Comorre allerent
en courſe au nombre de
quinze cens jufqu'à quatre lieuës
plus bas que Bude , & jufqu'à
deux lieues du Camp que les
Turcs avoient formé entre cette
Ville & le Pont d'Effeck . Ils emmenerent
prés de deux mille
moutons , deux cens boeufs , &
quantité de chevaux , fans avoir
trouvé perfonne qui leur difputaft
tout ce butin.
9 .
Le le Confeil de guerre fut
tenu au Camp , où tous les Officiers
42 Hiftoire du Siege
ciers Generaux s'eftoient affemblez.
Le Comte Stratman s'y
trouva de la part de Sa Majesté
Imperiale . On leur fit part de ce
qu'on avoit refolu touchant le
Siege de Bude , & deux jours
aprés le Comte de Stratman partit
pour Vienne , où il rendit
compte à l'Empereur de tout ce
qui s'eftoit paffé dans ce Confeil
. Le Comte Rabata , Commif
faire general , s'en retourna auffi
à Vienne , afin de donner ſes ordres
pour faire venir inceffamment
les vivres & les munitions
neceffaires.
Le 12. le Prince Charles partit
de Comorre , & fe rendit au
Camp de Barkan . L'Electeur de
Baviere l'y joignit le lendemain ,
& aprés que l'on eut fait une Reveuë
generale des Troupes , on
commença à leur faire paffer le
Da
de Bude.
43
9
Danube fur le Pont de Gran.
Celles de Saxe marcherent à l'Avant-
garde. L'Electeur de Baviere
partit à la tefte d'un Corps
d'Armée de vingt quatre mille
hommes , compofé des Troupes
Bavaroifes , & de plufieurs Regimens
Imperiaux , & prit fa mar
che en deçà de la Riviere. I
s'avança vers Hatwan , dans le
deffein de s'en rendre Maistre ,
& d'attaquer Peft enfuite. La
priſe de ces deux Places , dont la
derniere n'eft feparée de Bude
que par le Danube , devoit empefcher
les Ennemis d'avoir aut
cune communication entre Bude
& Agria. Le 14. les Défilez,
& la difficulté des chemins qu'il
fallut élargir en plufieurs endroits
, pour les rendre pratiquables
, ayant obligé l'Infanterie à
demeurer derriere avec l'Artillerie,
44 Hiftoire du Siege
lerie , le Prince Charles la laiffa
fous la conduite du Comte de
Staremberg , & s'avança vers
Vicegrad , du côté droit du Danube
, tandis que l'Electeur de
Baviere continuoit fa marche de
l'autre cofté , à une diſtance égale
, en forte que les deux Armées
euffent pû fe fecourir reciproquement
en cas de befoin .
Le 15.
la Cavalerie Imperiale
campa à Poftkamp , & le lendemain
à Saint André. L'Electeur
de Baviere marcha toûjours fous
une meſme ligne , n'ayant que le
Danube entre deux , & vint
le 16. camper à Weitzen. Les Ennemis
qui les pouvoient découvrir
des Ramparts de Bude des
deux coftez de ce Fleuve , ne firent
aucun mouvement pour les
venir reconnoiftre. On fceut par
quelques Turcs qui furent pris
pen
de Bude.
45
pendant cette marche , que le
Commandant de Bude ne s'attendoit
point à voir fa Place affiegée
que dans la croyance
que l'Armée Chreftienne attaqueroit
Agria ou Albe Royale,
on les avoit munies de bonnes
Garnifons & de quantité de vivres
, & qu'on en avort tranf
porté à Bude la pluſpart des richeffes
& des plus beaux meubles
des Officiers & des Bourgeois
, avec les femmes , les enfans
, & les bouches inutiles ; que
fur l'avis que ce Commandant
avoit receu qu'on venoit à luy,
il avoit envoyé demander des
Troupes à ceux des Places voifines
pour en renforcer fa Garnifon
, mais qu'il n'y avoit pas
d'apparence qu'on luy en puft
envoyer avant que les Princes
eunent inveſty la Place . Certe
Gar
46 Hiftoire du Siege
Garnifon ne laiffoit pas d'eftre
forte, puis qu'elle eftoit de douze
mille hommes de pied & trois
mille Chevaux , à ce qu'on aprit
de ces mefmes prifonniers. ,
Le 17. la Cavalerie fe repofa
dans le mefme campement afin
d'attendre que l'Infanterie fuft
arrivée , & l'on fit defcendre les
Bateaux dont on fe devoit fervir
pour conftruire un Pont à faire
paffer le Corps d'Armée de l'E
lecteur de Baviere. Ce Prince
qui defcendoit à gauche du
Fleuve s'empara de Peft , d'où
la garnifon Turque s'eftoit retirée
, aprés avoir fait fauter une
partie des murailles , & tiré de
la Place les munitions & les vivres.
Elle avoit enfuite rompu le
Pont qui luy donnoit communication
avec Bude , mais elle ne
put fi bien faire fa retraite,
qu'un
de Bude.
47
qu'un Aga ne tombaft entre les
mains des Bavarois avec trente
Janiffaires. Son Alteffe Electorale,
ayant laiffé garnifon dan Peft
& donné les ordres pour en reparer
les fortifications , détacha
le Comte de Steinaw avec fix
mille hommes pour aller attar
quer Hatwan , & fe mit en marche
vers l'ifte de S. André pour
paffer le Danube fur les Ponts
que l'on devoit y avoir dieffez,
& fe trouver au Camp devanţ
Bude. Le Prince Charles y étoit
arrivé le 18 & ce mefme jour
toute l'Infanterie ayant joint
l'Armée , il luy fit prendre des
poftes à demie lieuë de la Place,
La Cavalerie les prit de l'autre
cofté vers Albe Royale , & l'on
commença à travailler aux lignes
de circonvallation . Pendant ce
temps il fut tiré des Rempars
plu
48
Hiftoire du Siege
plufieurs volées de Cañon , dont
tout l'effet fut de tuer un Païfan
. On vit auffi paroiftre un detachement
de Cavalerie & d'Infanterie
de la Garnifon de Bude
qui fe prefenta pour embaraffer
les Travailleurs , mais il fe retira
prefque auffi- toft , ne fe trouvant
pas en eftat de foutenir un
gros de Cavalerie Imperiale qui
fe preparoit à le charger . L'avantgarde
du détachement que le
Prince Charles avoit envoyé
pour inveftir la Place, enleva un
Chaoux avec vingt Turcs de
quarante qui l'eſcortoient . Il venoit
de Belgrade, & apportoit des
Lettres au Bacha de Bude . Elles
confirmoient que l'Armée Ottomane
feroit commandée par Achmet
Bacha & que le Grand-
Vifir avoit eu ordre de fe rendre
promptement auprés de fa
Hauteffe
>
>
de Bude. 49
Hauteffe qui eftoit allée à Conftantinople.
Le 19. on ferra la Place de tous
les coftez par où elle eft acceffible
, & le Quartier general fut
étably à un quart de lieuë , avec
quelques Regimens d'Infanterie .
Le lendemain les Affiegez ayant
fait une fortie de trois cens Chevaux
foûtenus d'un pareil nombre
de Janiffaires , il y eut quel
que
Efcarmouche , mais elle fut
de peu de durée , parce qu'ils fe
tinrent toûjours fous le Canon
de la Place , fans qu'on les puft
attirer plus loin . Le Comte d'Altheim
y fut bleffé. Ce mefme
jour on commença d'ouvrir les
Lignes de circonvallation , & de
tracer les premieres Places d'Armes.
On marqua auffi trois Batteries
, & autant d'épaulemens
pour tenir à couvert la Cavalerie
C
50 Hiftoire du Siege
,
dont les Travailleurs devoient
eftre foûtenus dans les approches.
Sur le foir , le Comte de
Staremberg receut ordre d'aller
fe pofter proche les Bains afin
d'attaquer le Vafferftadt ou la
Ville baffe contre laquelle on
drefla deux Batteries du cofté
qui defcend vers le Danube. I
fit ouvrir la Tranchée , & on la
pouffa affez avant. Le Bacha de
Bude trouvant à propos de fe
défaire de beaucoup de bouches
inutiles >
donna la liberté
à tous les Chreftiens .
que
l'on trouva incapables de porter
les armes , & l'on fceut par
eux , qu'ayant affemblé la Garnifon
dans la grande Place , il
leur avoit leu les ordres du
Grand Seigneur qui les exhortoit
à refifter vigoureufement;
qu'il avoit enfuite défendu aux
Sol
de Bude.
51
X
1 Soldats & aux Habitans fous
peine de la vie de parler de Capitulation
, & que s'il arrivoit
qu'il fut tué en leur donnant
l'exemple de fe bien défendre,
on avoit nommé quatre Bachas
qui devoient l'un aprés l'autre
prendre le Commandement.
Le 21. les Bavarois commencerent
à paffer le Danube fur le
Pont de Bateaux de l'Ile de
S. André , & ce jour là fut employé
à ranger les Bagages dans
les Lignes , & à divifer les Troupes
par Eſcadrons & par Batail-
Ilons , afin de faire la diftinction
des Quartiers. Le Prince Charles
occupa les mefmes Poftes qu'il
avoit pris dans le dernier Siege.
L'Electeur de Baviere fit la mefme
chofe , & vint fe camper au
pied du Mont S. Gerard .
Le 22. on dreffa une nou-
Cij
52 Hiftoire du Siege
velle Batterie de fix pieces de
Canon contre la Ville baffe , &
l'on commença en mefme temps
à travailler aux Tranchées par
l'ouverture de trois grandes Places
d'Armes ; beaucoup plus prés
de la Ville que l'on n'avoit fait
en 1684. Il fut refolu qu'il y au
roit trois Attaques ; la premiere
commandée par l'Electeur de
Baviere ; la feconde par le Comte
de Staremberg , & la troifiéme
par les Troupes de l'Electeur
de Brandebourg que l'on attendoit
inceffamment , & auf
quelles on devoit joindre quelques
Regimens Imperiaux , &
d'autres Troupes Auxiliaires . Le
Prince Charles ne garda que
dix hommes de Cavalerie par
Compagnie pour fervir au
Camp à couvrir les Travailleurs
fous les ordres du Comte de Pal-
,
fi,
de Bude.
53
fi , & il envoya le reste aux environs
d'Albe- Royale , afin d'y
confumer les Fourages, & d'ofter
par là aux Infidelles les moyens
d'y fubfifter. Les Affiegez firent
grand feu tout le jour & toute la
nuit fuivante, & il y eut neuf Soldats
tuez ou bleffez .
Le 23. la nouvelle Batterie de
fix pieces de Canon s'eftant
trouvée prefte , commença dés
le matin à tirer , & fit une Bréche
de fix pas. Ceux qui estoient
au haut des Montagnes , apperçurent
par cette bréche quantité
de Betail & de Chevaux , mais
les Ennemis ne parurent point.
Il y eut fix Soldats à la Batterie
emportez par le Canon de la Place.
Quelques Huffarts & Croates
qui s'étoient avancez trois
lieuës au delà de Bude fous la
conduite du Comte Budiani ,
C iij
$4 Hiftoire du Siege
,
ayant efté avertis que le Bacha
en avoit fait fortir quantité de
Barques chargées de femmes ,
d'enfans & de quantité de
meubles qu'il envoyoit à Belgrade
, les pourſuivirent avec
trois cens Dragons , & les rencontrerent
à l'Ile de Sainte Marguerite.
Ils taillerent en pieces
tous ceux qui les eſcortoient,
s'emparerent de leurs Trefors ,
& amenerent deux cens Prifonniers
, qui furent les Vieillards
, & autres qu'ils jugerent
les plus propres à fe faire ra
cheter.
Le 24. la bréche ayant efté
élargie de vingt pas , on examina
la contenance des Affiegez
qui s'eftoient retranchez à droit
& à gauche au nombre de quatre
cens . Il fut refolu que l'on
iroit à l'Affaut , & comme c'eftoit
de Bude.
55
1 ftoit la premiere action du Siege
, chacun à l'envy chercha à
fe diftinguer. Les difpofitions
de l'attaque furent faites , & à
dix heures du foir on en donna
le fignal par trois volées de Ca-
1 non. Cent Grenadiers s'avancerent
les premiers , ayant un Capitaine
à leur tefte ; ils furent
fuivis de deux cens Moufquetaires
que commandoit un Sergent
Major , & foûtenus de trois
cens autres fous la conduite d'un
Lieutenant Colonel. Ils allerent
vers la brèche , & attaquerent
avec tant de force & de bravoure
les Ennemis qui la défendoient,
qu'ils les forcerent d'abandonner
leurs retranchemens. Six cens
hommes d'Infanterie en deux
Brigades marcherent aprés ceuxcy
, & fe pofterent au pied de
la bréche avec cinq petites pie-
C iiij
$6
Hiftoire
du
Siege
ces de Canon qu'ils avoient fait.
conduire avec eux . Elle fut franchie
par le Prince de Vaudemont,
par le Prince de Commercy,
& par un tres grand nombre
de Volontaires qui s'eftoient
mis à la tefte de l'Infanterie , &
qui fe pofterent dans la Ville
baffe malgré le feu continuel
que firent les Affiegez . Il n'y eut
que cinq Soldats tuez & onze
bleffez. Le Comte de Marfilly,
Infpecteur general des Ingenieurs
, eut le bras caffé au deffus
du coude , d'un coup de Mouf
quet qu'il réceut dans la tranchée
avant que l'on commençant l'Attaque
.
Le 25. fut employé à perfectionner
les Poftes que l'on avoit
occupez dans la baffe Ville , &
fix Bataillons furent logez au
pied des murailles. Il y eut un
Lieu
de Bude .
57
Lieutenant des Grenadiers tué
d'un boulet qui tomba dans la
Tranchée, & qui emporta les bras
& les jambes à cinq Soldats. Un
Chevalier de Malte François fut
auffi dangereufement bleffé . Il
eftoit avec le Marquis de Souvray,
qui fit paroiftre beaucoup
de bravoure .
Le 26. on s'apperceut que les
Affiegez faifoient gliffer du monde
le long de l'eau par dedans la
Ville baffe , pour venir attaquer
un Pofte qui eftoit devant une
groffe Tour joignant le Danube.
Le Chevalier de Rhofne , Capitaine
du Regiment de Staremberg,
foûtenu du Comte d'Awersbergs
, Lieutenant Colonel du
Regiment de Mansfeld , vint à
leur rencontre , & ils les repoufferent
avec beaucoup de vigueur.
Le Prince de Vaudemont le
,
C v
58
Hiftoire
du Siege
Prince de Commercy , & plufieurs
autres Volontaires qualifiez
, accoururent à l'efcarmouche
, qui dura une heure fous le
Canon de la Place. Il n'y eut que
quinze hommes tuez ou bleffez
du cofté des Affiegeans . Le Sieur
Bourgers , Capitaine du Regiment
de Staremberg fut de ces
derniers , & Milord Mongois receut
une contufion à la temple.
Les Affiegez perdirent trente
hommes, & le nombre des bleffez
fut beaucoup plus grand. Ce jour
là le Prince de Neubourg, Grand
Maître de l'Ordre Teutonique,
Lieutenant General , qui eftoit
arrivé au Camp le 22. & le
Comte de Diepenthal , General
Major , monterent la Tranchée,
fuivant ce qui avoit efté arreſté
quelques jours auparavant au
Confeil de Guerre , que tous les
jours
de Bude.
59.
jours ce feroit un Lieutenant General
, & un General Major qui
la monteroient à chaque Attaque
avec deux mille hommes,
& qu'on les releveroit de vingtquatre
heures , en vingt- quatre
heures . Outre ces deux mille
hommes , il y avoit toûjours fix
Bataillons de referve , & une
Garde de Cavalerie pour les
foûtenir. On travailla la nuit à
pouffer une grande Coupure fur
Ela droite le long de la muraille ,
afin de couvrir une Batterie de
douze Pieces qu'on vouloit mettre
en estat contre les défences
de deux Rondelles, & de la Courtine,
vers laquelle on devoit conduire
la Tranchée. On ouvrit
auffi une porte au coin de cette
Muraille , où l'on fe logea en dedans
de la baffe Ville , à trois
cens pas du Corps de la haute,
&
60
Histoire
du siege
& en tous ces logemens on ne
perdit que quinze hommes.
Le 27. les Travaux fe trouverent
fort avancez à l'Attaque
de l'Electeur de Baviere , qui fit
dreffer une Batterie fur le panchant
de la Montagne. Il fit faire
auffi fur la hauteur de cette
meſme, Montagne un Logement
affez grand pour contenir mille
hommes , & affeurer la tefte de
la Tranchée , qui fut ouverte au
pied du Chafteau , vis à vis la
grande Tour qui en couvre la
façade. Le foir les Affiegeans firent
une fortie au nombre de
quatre
cens, Cavalerie & Infanterie,
fur cent hommes retranchez à la
teſte des Travaux qu'on avoit
faits la nuit précedente. Le Comte
de Saur, Capitaine au Regiment
de Lorraine qui les commandoit
fit une fi vigoureuſe reſiſtance,
de Bude. 61
cè , que la grande Garde eut le
temps d'y accourir. Les Ennemis
furent repouflez ; ils laifferent
feize des leurs fur la place , &.
eurent quelques bleffez.La Tranchée
fut relevée ce jour- là par
le Comte de Souches , Lieutenant
General , & par le Comte
de Tinghen , Mareſchal Major.
Le 28. on joignit les deux Attaques
par une Ligne de communication
de quatre cens pas .
On mit auffi huit groffes pieces
de Canon fur une nouvelle Baterie
à l'Attaque du Prince Charles
, devant laquelle on tira une
Ligne de deux cens pas ,
afin
qu'on y puft aller de la Tranchée
fans eftre infulté des Ennemis.
Cette Baterie fervit à tirer
contre deux Ouvrages avancez
en forme de pafté , qui défendoient
la Porte du cofté de
la
62 Hiftoire du Siege
la baffe-Ville . Les Ennemis faifoient
de là un feu continuel de
Canon , dont les Affiegeans eftoient
fort incommodez . Les Travaux
furent continuez fans beaucoup
d'obſtacle la nuit de ce
même jour , & on perfectionna la
Ligne de communication
entre
la Porte du milieu & la derniere
, ce qui donnoit moyen
moyen d'entrer
à couvert dans la nouvelle
Baterie.
Le 29. le Sieur Soulars , Ingenieur
, fut bleffé en faifant travailler
à de nouvelles Lignes
qu'on fit en forme de paralelles,
pour communiquer avec les au
tres Travaux , & s'approcher plus
prés de la Place . L'Electeur de
Baviere ayant eu quelque indifpofition
, le Prince Charles l'alla
vifiter fur les cinq heures du foir,
& dans ce temps mefme , les Af-
י
Liegez
de Bude.
63
fiegez firent une Sortie en bien
plus grand nombre qu'ils n'avoient
encore fait du cofté de
l'Attaque des Bavarois. Ils attaquerent
les Travailleurs & les
Troupes qui eftoient en garde
dans la Tranchée , & les
ayant
mis en defordre , ils euffent comblé
les Travaux , fi le Comte de
Hoffkirken n'euft promptement
amené la Garde de Cavalerie.
L'Electeur de Baviere ayant efté
averty de cette Sortie , rien ne
fut capable de le retenir. Il y
courut , quoy qu'indifpofé , auffi-
bien que le Prince Charles , &
leur prefence anima fi bien tous
ceux qui avoient déja commencé
à foûtenir les efforts des Infidelles,
qu'après en avoir tué beaucoup,
ils les forcerent à fe retirer,
& les pourſuivirent jufqu'à quarante
pas de la Tranchée Le Prin64
Hiftoire du Siege
ce Eugene de Savoye fe fit remarquer
par fa bravoure , & eut
un cheval tué fous luy
, auffibien
qu'un de fes Gentilshommes.
Le Baron de Zwitterthal ,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Steinaw , fut tué avec
trente ou quarante Bavarois. Il
y eut auffi quelques bleffez . Le
Baron de Billes , Capitaine dans
le Regiment d'Arko , le fut dangereuſement
.
Le 30. on repara les Travaux
que les Ennemis avoient ruinez
le jour precedent , & on avança
jufqu'à fix-vingt pas de la muraille.
Ce méme jour , deux Compagnies
de Paffau & de Ratisbonne
arriverent au Camp, auffi
- bien que les Troupes de Suabe
& de Franconie . Elles étoient
en tres-bon eftat , & au nombre
de cinq à fix mille hommes . Celles
de Suede commandées par le
de Bude.
65
po-
Marquis de Turlac , arriverent
pareillement , & prirent leur
ite fur une hauteur, afin de pouvoir
agir où il feroit le plus neceffaire.
Le feu parut en differens
endroits de la Ville ; il y avoit
efté mis par des Bombes .
qu'une Baterie de Mortiers avoit
jettées. Le Comte de Dunewald
partit ce jour- là du Camp , pour
aller commander la Cavalerie
inutile au Siege , qui eftoit venuë
camper au nombre de plus
de douze mille hommes jufqu'à
la portée du Canon d'Albe Royale
, ce qui avoit obligé les Turcs
à abandonner plufieurs Chafteaux
, & d'autres petits Poftes
aux environs.
Le 1. de Juillet fut employé à
perfectionner la ligne de communication
à l'attaque du Prince
Charles , & les Poftes deftinez
66
Hiftoire du Siege
par
nez aux Poftes de Suabe & de
Franconie leur furent donnez.
On apprit par des Transfuges
qu'il y avoit une grande confternation
dans la Ville, caufée
la perte qu'avoient fait les Affiegez
à la fortie du 29. il y eut
quatorze de leurs Officiers tuez
avec quantité de Janiffaires. Les
ouvrages qui avoiết eſté comencez
fur la droite , furent achevez .
la nuit fuivante , & on pouffa
ceux de la gauche jufqu'à cent
cinquante pas de la muraille .
Le 2. douze pieces de Canon
& huit Mortiers batirent la Ville.
Deux bateries que les Affiegez
avoient , l'une fur la groffe
Tour , & l'autre fur une autre
Tour , furent démontées en peu
de temps. Les Bombes cauferent
ce jour- là beaucoup de dommage
dans la Ville , à ce qu'on apprit
de Bude. 67
prit d'un Deferteur qui dit qu'elle
n'eftoit défenduë que par ſept
ou huit mille hommes , & que
les vivres commençoient à eſtre
chers , parce qu'ils n'y eftoient
pas en grande abondance. Il parut
quelques Troupes Ennemies
du cofté de Peft , & fur l'avis
qu'on en eut , le Prince Charles
ordonn que l'on fift conſtruire
trois redoutes au bord du Danube
, que les Heiduques & les
Hongrois garderoient . On fit
une brêche de quinze pas du
cofté de l'attaque du Prince
Charles.
Le 3. le Regiment du Prince
Eugene de Savoye arriva au
Camp , & on eut avis que les
Troupes de Brandebourg n'en
eftoient qu'à une lieuë. Quatre .
Mortiers furent ajoutez aux 8.
que l'on avoit mis fur la baterie
dreffée
68
Hiftoire du Siege
dreffée à l'attaque des Imperiaux,
& tout cela fit grand feu la nuit
fuivante. La Baterie des Bavarois
n'en fit pas moins , elle eftoit de
fept Mortiers. L'Artillerie des
Ennemis fit auffi grand feu , &
les Affiegeans furent fort incommodez
des Pierres qu'on leur jetta.
Le Sieur Collery , Capitaine
dans le Regiment de Lorraine,
eut le genouil fracaffé d'un éclat
de Bombe , & un des meilleurs
Bombardiers receut un coup à la
tefte. Il y eut encore quinze ou
vingt hommes bleffez . Un Offi
cier Turc qui vint ſe rendre, fur
mené à l'Electeur de Baviere,auquel
il conta qu'ayant tué le mary
d'une femme dont il eftoit amoureux
, il avoit eſté obligé de
quitter la Ville , & s'eftoit tenu
caché pendant quelques heures
dans un endroit où fa maiftreffe
luy
de Bude. 69
luy avoit promis de le venir joindre
, mais , mais que la crainte d'eftre
découvert par les Affiegeans qui
luy auroient fait un mechant
party , ne luy avoit pas permis de
l'attendre. Il ajouta qu'il n'y avoit
dans la Place que trois mille
Janiflaires , & un pareil nombre
de Soldats ; que malgré l'effet des
Carcaffes & des Bombes , qui avoient
obligé le Commandant à
fe loger dans une cave voutée
prés du Chateau pour y eftre
plus en feureté , ils eftoient tous
refolus de fe bien défendre ; qu'il
n'eftoit entré perfonne dans la
Ville comme on l'avoit crû, mais
que des Turcs en eftoient fortis
pour aller demander un prompt
fecours à Achmet Bacha Seraf
Kier , & aux Tartares.
Le 4. ce mefme Officier montra
à l'Electeur de Baviere , &
aux
70 Hiftoire du Siege
Le
aux Princes de Bade & de Savoye
, le Magafin à poudres &
les mines des Affiegez . Il dit
qu'il y en avoit fous la Rondelle
du Chafteau & à l'endroit de la
breche des Imperiaux. Un autre
Transfuge qui fe difoit Polonois,
fe rendit au Camp & affeura que
les Affiegez ne pourroient tenir
encore un mois , fi l'Armée du
Seraskier ne les fecouroit.
Prince Charles paſſa le Danube
pour aller voir les Troupes de
Brandebourg qui eftoient arri
vées le jour precedent avec une
belle Artillerie. Elles eftoient
compofées de huit mille hommes
, en fix Eſcadrons de Cavalerie
& dix Bataillons d'Infanterie
Le General Schoning qui
les commandoit, receut ce Prince
au bruit du Canon , qui fut
ſuivy de 3. décharges de Mouſque
de Bude.
71
I
queterie. Il luy donna enfuite
un magnifique difner dans fa
tente.
Le
4
5. on fit paffer le Danube
à ces Troupes , qui prirent le pofte
qui leur avoit eſté deſtiné du
cofté de la Ville baffe. Il fut refolu
qu'on en tireroit quinze
cens hommes tous les jours pour
monter la tranchée , & qu'on les
joindroit aux Imperiaux & aux
Suedois, afin de faire quatre mille
hommes pour les Poles qui étoient
du coſté de l'attaque du
Prince Charles.
Un Deferteur Grec arriva en-
*
core au Camp & raporta que
cinq Turcs qu'on avoit fait fortit
à la nage , eftoient allez preffer
le fecours que lors
que les Trou
pes de Brandebourg avoient paru
, les Affiegez avoient fait
roiftre beaucoup de joye dans la
penfée
pa72
Hiftoire du Siege
1
penféc que ce fuft celles du Se
raskier , & que le Commendant ,
ayant appris que c'eftoit un renfort
pour l'Armée Chreftienne,
avoit taché de le déguifer à la
garnifon , en difant que c'eftoit
un mouvement que les Affiegeans
avoient fait faire à leurs Troupes
pour faire croire qu'il leur en
eftoit venu de nouvelles . La plufpart
des Bateries des Affiegez furent
miſes en defordre par le grad
feu qui fut fait de l'attaque des
Imperiaux & de celle des Bavarois.
Il leur demonta plufieurs pieces
de Canon, & fit un fort grand
dommage au couronnement des
deux Pâtez,en forte qu'ils ne pouvoient
prefque plus y demeurer
à couvert . La breche ſe trouva
large de quatre - vingt pas , &
comme les ruines n'avoient point
couvert le pied de la muraille
qui
de Bude.
73
qui paroiffoit encore haute de
dix pieds , ont refolut de l'égaler
avec des Fafcines & des facs à
terre. L'attaque des Bavarois fut
auffi fort avancée , mais la breche
n'eftoit pas fi fpacieuſe.Ceux
Ide Brandebourg qui avoient ou-
Evert la tranchée à leur attaque
avec 1200. hommes , avancerent
- leurs travaux fur la gauche avec
tant de diligence , qu'ils fe trouverent
prefque au pied de la muraille
. Ce jour- là mefme ils donnerent
des marques de leur valeur.
Les Affiegez n'avoient point
fait de fortie depuis celle du 29.
= & pour eftonner ces nouveaux
1 venus ils en firent une fort
brufque & bien concertée fur
leurs Travailleurs , mais ils furent
repouffez avec grand carnage
jufques à la porte de la
Ville , devant laquelle fe pofte-
,
D
74 Hiftoire du Siege
rent ceux qui les avoient pourfuivis.
Ils s'y maintinrent , &
travaillerent de ces Poftes avancez
en reculant , & de la tefte
de la Tranchée en avançant ,
pour rejoindre les Travaux , &
les faire communiquer les uns
avec les autres. Les Ennemis
perdirent quatre ou cinq cens
hommes , & il en coufta à ceux
de Brandebourg un de leurs Ingenieurs
, quatre Lieutenans ,
autant d'Enfeignes, environ . trente
Soldats , & le Fils aifné du
General d'Orffling . il eftoit venu
en Hongrie pour faire cette
Campagne en qualité de Volontaire
, & il fut tué d'un coup
de Moufquet au travers du corps.
La nuit on jetta quantité de
Bombes & de Carcaffes dans la
Ville , principalement du cofté
de l'attaque des Imperiaux. L'Eglife
de Bude.
75
glife de faint Jean , qui fervoit
aux Turcs de grande Moſquée,
fut reduite en cendres avec cinquante
maiſons voifines.Le nombre
des Travailleurs ayant efté
augmenté , on pouffa encore les
approches, & les Lignes de communication
entre les trois attaques
qui furent perfectionnées. ›
Le fixiéme les Troupes de
Brandebourg continuerent leurs
travaux , & ils les poufferent
de telle forte qu'ils fe trouverent
auffi avancez que ceux des
deux autres attaques. Un Capitaine
& quatre de leurs Soldats
furent bleffez , & il y en
eut huit tuez . On fit jouer du
cofté de l'attaque des Bavarois
une Batterie de dix pieces de
Canon dont une fut demontée
auffi- toft par le Canon de
la Ville. Ils fe pofterent la nuit
Dij
76 Hiftoire du Siege
tout proche les Pallades , &
eurent prés de foixante hommes
tuez ou bleffez . Le Sieur Funck,
Lieutenant
Colonel du Regiment
de Souches , fut de ces derniers.
Le 7. les Travaux furent avancez
à droit & à gauche , jufques
à dix ou douze pas de la
bréche , où les Imperiaux fe pofterent.
Ils perdirent prés de cin-
Le Sergent
quante hommes .
General de Dinghen fut bleffé
au pied , à la tefte de l'attaque,
où il eftoit cette nuit de garde
avec le Comte de Souches , &
le Chevalier de Rofne receut
un coup de Moufquet au travers
corps. Les Mineurs eurent ordre
de faire éventer les Contremines
des Affiegez dont on
avoit eſté averty , & les Troupes
de Brandebourg qui travaillerent
de Bude.
77
lerent à dreffer leurs bateries,
les mirent prefque en eftat. Le
bruit fe repandit dans le Camp
que le Grand Vizir eftoit en
marche entre Belgrade & Effek
avec une Armée confiderable,
mais on connut auffi - toft la fauffeté
de ce bruit. C'eftoit Benfi
Bacha , Aga des Jani ffaires. Il
avoit joint les Troupes des Turcs
qui eftoient campez depuis longtemps
en ce lieu - là.
Le huitiéme on travailla à
élever deux nouvelles Batteries
à l'Attaque de Lorraine , l'une
de cinq pieces de Canon , &
l'autre de quatre , afin d'élargir
les brèches. La petite Rondelle
fut abatue par le Canon des Bavarois,
qu'elle incommodoit beaucoup
dans les Tranchées , & la
nuit fuivante on tira une Ligne
qui traverfoit le long de la Ron-
Dij
78 Hiftoire du Siege
,
delle gauche vers la Courtine
droite. Comme ce travail ſe faifoit
fort prés , les pierres & les
Grenades que jetterent les Ennemis
, tuerent ou blefferent prés.
de trente hommes. Le Comte
Guido de Staremberg , Lieutenant
Colonel du Regiment de
ce nom qui commandoit à la
Tranchée , s'y fit diftinguer par
fa valeur , auffi bien que le Major
Bifchoffhaufen , qui fut bleffé
au bras d'une balle de Moufquet.
Un Capitaine de Staremberg
le fut auffi à l'épaule , &
fon Capitaine Lieutenant au
pied . Trois Turcs fe rendirent,
& on apprit d'eux que les Affiegez
avoient grande impatience
qu'il leur vinft quelque fecours,
& qu'ils fe défendoient avec
d'autant plus de réſolution &
de courage, que les belles actions
eftoient
de Bude.
79
eftoient récompenſées par le
Commandant. Quelques autres.
Turcs fortirent de la Ville , dans.
le deffein de brûler les Batteries
des Affiegeans , mais l'un d'eux
ayant efté mis par terre d'un
coup de Moufquet , tout le refte
prit la fuite.
Le neuvième les Affiegez à
la pointe du jour firent jouer
un Fourneau entre la Porte &
la Rondelle du milieu. Il ruina
la Mine que les Imperiaux
avoient faite. Il y eut fept Mineurs
enterrez , & leur Capitaine
fut dangereufement bleffé
. Ils firent enfuite une Sortie
entre cette Attaque & celle
de Brandebourg. Les Troupes
de cette derniere furent d'abord
mifes en defordre , & fe renverferent
fur les Travailleurs avec
perte d'environ cent hom-
D iiij
80
Hiftoire du Siege
mes , entre lefquels furent deux
Lieutenans Colonels ,
II
quatre Capitaines
, & quelques Officiers
fubalternes
. Cependant le Corps
de réſerve de la Place d'Armes
la plus voifine eftant accouru,
on chargea les Turcs d'une maniere
fi vigoureufe , qu'ils fe retirerent
avec plus de précipitation
qu'ils n'eftoient venus.
demeura plus de quatre - vingt
des leurs fur la Place , fans les
bleffez , & l'on fit fix prifonniers.
Aprés qu'ils eurent efté
repouffez , on travailla à retirer
les Mineurs & les Travailleurs
des ruines que le Fourneau avoit
faites. Il n'y en eut qu'un
que l'on ne put retrouver. On
continua les Travaux avec autant
d'ardeur que s'il ne s'eftoit
point fait de Sortie. Les Bavarois
firent jouer une autre Batterie
de Bude. 81
terie de dix pieces , ayant eſté
obligez de changer la premiere,
à caufe que le Canon de la Ville.
l'incommodoit , & qu'elle en
eftoit trop éloignée . Ce mefme
jour , quelques Hongrois donnerent
avis à l'Electeur de Baviere
que fept mille Tartares étoient
en marche , pour jetter
du fecours avec un Bacha dans
Bude du cofté de Peft. Cela
obligea d'envoyer en diligence
trois cens . cinquante hommes :
dans cette derniere Place , avec
ordre de travailler à des Redoutes
, afin que les Ennemis trouvant
les Paffages coupez, ne pûffent
executer leur deffein.
Le dixième on attacha les
Mineurs fous la Paliffade de la
Rondelle oppofée à l'Attaque de
Baviere , & l'on redreffa en celle
de Lorraine la Galerie qui
D v
821 Hiftoire du Siege
→
avoit efté brûlée en partie le
jour précedent . On y attacha
auffi les Mineurs , pour tâcher
d'éventer les Contre- mines fous
la Rondelle qui eftoit à gauche
& fous celle du milieu .
Quoy qu'il tombaſt ce jour- là
une groffe pluye , elle ne put
empefcher que le Prince Charles
ne fift dreffer deux nouvelles
Batteries l'une au milieu
des Travaux , & l'autre de
neuf pieces de Canon fur la
gauche .
Le 11. fut employé à perfectionner
les approches à l'Attaque
de Lorraine , & l'on mit le
Canon fur les deux nouvelles :
Batteries , & deux Mortiers fur
une autre. Il y eut quelques Soldats
tuez & bleffez , mais en
petit nombre. On travailla auffaux
Mines , & à rencontrer
celles
de Bude.
83
celles
,
que les Affiegez pouvoient
avoir préparées pour les faire fauter
contre les Affiegeans , s'ils
donnoient l'affaut. Pendant tout
ce jour , les Canons & les Mortiers
tirerent fans ceffe tant
pour élargir les bréches, que pour
ruiner les Retranchemens qu'avoient
fait les Affiegez , dans le
deffein de bien foûtenir l'affaut.
La Batterie de ceux de Brandebourg
joia , auffi- bien que
celle de Dom Antonio Gonçales
, Lieutenant general de l'Artillerie
, & d'un Ingenieur Efpagnol
, qui par l'élevation de fes
feux d'artifice donna beaucoup
de plaifirs aux Affiegeans , en
mefme temps qu'il caufoit de
grands dommages aux Affiegez .
Les Bavarois battirent inceffam-.
ment la Rondelle du Chafteau,
& y jetterent des Bombes de
deux
$4 Hiftoire du Siege
deux Batteries de trois Mortiers
chacune , dont l'une n'eftoit qu'à
trente pas de la Paliffade . Trois
de leurs Mineurs furent tuez par
leurs propres Cannoniers & le
mefme malheur feroit arrivé à
l'Electeur de Baviere , s'il n'euft
pas changé de place un moment
auparavant.Sur l'avis qu'on avoit
eu que le Seraskier s'eftoit avancé
jufqu'à trois lieuës de Peſt as
vec un Corps de huit mille hommes,
tirez des Garnifons de Themifwar,
Lippa, Giula, grand Waradin
, Segedin , Agria , Hatwan
, & autres Places des Turcs
en la baffe Hongrie , & fur
les Frontieres de Tranfylvanie,
dans le deffein de fecourir Bude
le Prince Charles détacha
le Baron de Mercy & le
Prince Eugene de Savoye avec
trois
,
de Bude. 85
un
trois mille chevaux , & fix Bataillons
d'Infanterie , qui pafferent
le Danube , & fe pofterent
proche de Peft de l'autre colté
du Pont , hors de la portée du Canon
, pour y attendre les Turcs,
& empefcher qu'ils ne fe puffent.
= jetter dans la Place . On fit auffi
un Détachement confiderable de
Cavalerie & de Dragons pour
renforcer ceux que l'on avoit envoyez
à Peſt , où ils travailloient
à de nouvelles fortifications du
cofté du Danube , & pour refferrer
la garnifon d'Albe- Royale,
qui auroit pu faire quelque diverfion
en faveur des Affiegez ,
afin de faciliter le fecours qu'ils
attendoient .
Le 12. on fit applanir à l'attaque
de Lorraine la defcente dans
les Foffez oppofez aux breches,
à la faveur du Canon & des
Bom
86
Hiftoire du Siege
Bombes , afin de pouvoir monter
à l'Affaut , & l'on fit auffi grand
feu aux attaques de Baviere &
de Brandebourg. Quoy que la
breche que l'on avoit commencé
à faire dans cette derniere le
jour precedent , fe trouvaſt élargie
de plus de quinze pas , la muraille
eftoit encore trop haute depuis
fon pied jufques à l'éboulement.
Ainfi l'on continua de
tirer le Canon avec plus de violence
, pour taſcher d'y faire des
ruines plus confiderables , & les
Affiegez qui jetterent inceffamment
des feux d'artifice & des
pierres de leurs Mortiers , n'empêcherent
point qu'en l'une &
en l'autre on n'avançaft les approches
fort prés des foffez . On
vit paroiftre la flâme pendant
plus de huit heures en plufieurs
endroits de la Ville , ce qui fit
2
juger
de Bude.
juger que
les Bombes & les Carcaffes
des Affiegeans
y avoient
caufé un grand dommage. Le
feu de la Baterie des Bavarois
prit à des Tonneaux
de poudre,
& fit fauter en l'air prés de vingt
perfonnes.
Le 13. les Regimens de Steireim
, de Pafc , & de Goucqfes
arriverent des environs de Stulweiſenbourg
au camp des Troupes
commandées par le Baron de
Mercy & par le Prince Eugene
de Savoye , ce qui fit un corps de
neufmille hommes. Les Ennemis
éventerent la mine des Imperiaux
, mais les Mineurs eurent
le loifir de fe fauver. Ils mirent
auffi le feu à un Fourneau dans
l'efperance de faire fauter la
grande garde des Imperiaux , &
l'effet en fut contraire à ce qu'ils
avoient attendu les terres retom
88
Hiftoire du Siege
tomberent fur eux , & remplirent
feulement une partie de la tefte
des travaux des Affiegeans . Cependant
le feu mis à ce Fourneau
ayant ebranlé la Tour fous
laquelle le Mineur avoit eſté attaché
, on pointa contre cette
mefme Tour huit pieces de Canon
qui y firent une breche confiderable.
On tint un Confeil de
guerre où l'on refolut de donner
Affaut par trois endroits , à la
breche de l'attaque de Lorraine.
Le Comte Guido de Staremberg
, & le Comte d'Awersberg
furent commandez , chacun avec
deux- cens quatre - vingts hommes
, le premier à la droite de
l'attaque proche la grande Rondelle
, & le fecond à la gauche.
Le Comte de Herberftein , avec
qui marchoient les Fufeliers ,
Pionniers , & Travailleurs, avoit
or
1
de Bude. 8.9
ordre de donner au milieu de la
Courtine. Il eftoit auffi fuivy de
deux cens quatre - vingts hommes
, & le refte , au nombre de
deux-mille , demeura de referve
pour les foutenir . Sur les fept
heures du foir , le Signal ayant
efté donné pour l'affaut par une
décharge de tout le Canon qui
eftoit en baterie à cette attaque,
on commença de monter à la breche
, ce qui n'eftoit pas aisé , à
caufe que les Ennemis l'avoient
I reparée par plufieurs rangs
de
Paliffades . On ne laiffa pas de les
forcer, quoy qu'ils fiffent une vigoureufe
refiftance , & l'on fe pofta
fur la brêche à la faveur de
la Moufqueterie & des Grenades
qu'on tira dans les retranchemens
paliffadez qu'ils avoient.
faits , derriere lefquels ils fe maintinrent
en tres- bon ordre. Rie
n'e
୨୦ Hiftoire du Siege
·
n'eft égal à l'ardeur que firent
paroiftre tout ce qu'il y avoit de
Volontaires & de Braves à l'Armée
, pour eſtre des premiers à
fe trouver fur la breche . On y
demeura prés de deux heures:
que l'efcarmouche dura, & pendant
ce temps les Affiegez firent
fauter deux Mines , qui cauferent
moins de perte aux Affiegeans
, que les Fleches , les Bombes
, les Grenades & les Pierres.
Cependant on ne pût venir à
bout de faire le logement ; le
defordre & la chaleur du combat
avoient éloigné les Travailleurs
, & d'ailleurs il auroit falu
plus de Fafcines & de facs à terre
, qu'on n'en avoit , pour pou
voir fe mettre à couvert & ſe retrancher.
Cela fut cauſe que l'on
ugea à propos de faire retirer les
raupes dans leurs Poftes, ce que
l'on
de Bude . 91
lon fit à neuf heures du foir, tandis
que le
Canon
, des
Bombes
&
la Moufqueterie
de
deux
Bataillons
de
Souches
&
de
Mansfeld
favorifoient
la retraite
. Le
Prince
Charles
fut
preſent
à l'action
, &
eut
deux
Pages
, l'un
tué
à fes
coftez
, &
l'autre
bleffé
.
La
perte
fut
grande
de
part
& d'autre
. On
tient
qu'il
y
eut
plus
de
cinq
cens
Soldats
tuez
du
cofté
des
Affiegeans
, &
prés
de
trois
cens
bleffez
, ' outre
quelques
Colonels
,
Capitaines
, autres
Officiers
, &
beaucoup
de
Volontaires
. Parmy
ces
derniers
fut
le
Prince
de
Commercy
, qui
demeura
longtemps
fur
la
bréche
expofé
au
feu
. Le
Sieur
du
Pleffis
, fon
Ecuyer
, fut
tué
auprés
de
luy
, &
le
Sieur
de
S. Sulpice
, l'un
de
fes
Gentilhommes
, y_receut
quelques
bleffures
. Le
Duc
de
Bejar
,
Grand
92
Hiftoire du Siege
Grand d'Espagne , monta un des
premiers à l'affaut. Il y fut bleffé
dangereufement , & mourut trois
jours aprés . Le Fils du Prince Robert,
& Milord Georges Savil, fe
cond Fils du Marquis d'Halifax,
avec plufieurs autres Seigneurs
Anglois furent tuez , ainfi que
le
Prince Palatin de Veldens,le jeune
Comte de Maldeghen , le Chevalier
de Cormaillon , le Comte
de Herberſtein , le Comte de
Kouffstein , Capitaine dans Staremberg
, le Baron de Rolle , &
le Sieur Kirchmeir , tous deux
Capitaines dans le Regiment de
Souches, le Baron de Chiffer , le
Comte de Strottembach , & plufieurs
autres Volontaires & Officiers
fubalternes. Milord Fitz-
James, Fils naturel du Roy d'Angleterre
, fut bleffé legerement.
Le Prince Picolomini mourut
dés
de Bude.
93
dés le lendemain de fes bleffures,
& fut enterré dans Peft . Les autres
Bleffez confiderables , dont
les noms ont efté fçeus , furent le
Comte de Staremberg , Lieutenant
Colonel , qui avoit le commandement
de la droite ; le
Comte d'Aversberg , auffi Lieutenant
Colonel , qui commandoit
la gauche ; le Comte de Dona ,
Colonel dans les Troupes de
Brandebourg ; le Marquis de la
Verne , Lieutenant Maréchal de
Camp ; le Duc de Scalona , Grand
d'Efpagne ; le Comte de Valero,
frere du Duc de Bejar ; Dom
Gafpard de Suneja , fon Coufin;
le Comte de Cormaillon ; le Fils
du Comte d'Urfet , & fon Ecuyer;
le Sieur de Longueval ; le Chevalier
de Rhofne ; le Sieur de Landas
, Capitaine de Starembergs
les Capitaines Herrero & le Bay,
&
94 Hiftoire du Siege
& quelques Officiers venus de
Flandre ; le Sieur de Vaubonne ,
Capitaine des Grenadiers de
Bade ; le Baron Golenski , Capitaine
de Becq ; Dom Francifco
l'Africain ; le Sieur de la Brigondelle
, & le Sieur de Vaucou-
Gentilhomme du jeune leur
Prince de Vaudemont. Le Marquis
de Blanchefort , Fils du Maréchal
de Crequi , fut auffi bleffé ,
& la maniere dont il fe diftingua
fit affez connoiftre de quel
Sang il eft forty. Les Affiegez
perdirent beaucoup de monde.
On fçeut d'un Transfuge , qu'une
feule Bombe , qui eftoit tombée
dans leurs Retranchemens après
l'action , avoit emporté deux Agas
des Janiffaires, & plus de quarante
Soldats. Comme ils croyoient les
Troupes des Affiegeans fort en
defordre, il voulurent profiter de
l'oc
de Bude.
95
l'occafion , en faifant une Sortie
fur celles de Brandebourg , mais
ils furent repouffez avec beaucoup
de vigueur, & laifferent plus
de 40. des leurs fur la place. On
fit quinze Prifonniers.
Le 14. on travailla à applanir
les débris que les Contremines
des Affiegez avoient faits à l'Attaque
de Lorraine , & à combler
les Foffez de celles de Baviere
& de Brandebourg. On continua
de canonner la Place , & d'y
jetter des Carcaffes & des Bombes.
On nettoya auffi la Tranchée
, & on en ofta les terres ,
dont les Fourneaux des Ennemis
en avoient remply une partie . On
en découvrit deux ce jour là , &
l'on en tira les Poudres. ' Il y eut
un Mineur tué par l'imprudence,
d'un Canonnier, La Mine prit
feu, & vingt Soldats & deux Ca-
$
no
96
Hiftoire du Siege
nonniers furent emportez. On
eut avis que les Troupes d'Afie
eſtoient arrivées à Belgrade fous
la conduite du Grand Vifir , qu'il
y en avoit encore pris de nouvelles
, & qu'il s'eftoit enfuite
avancé vers le Pont d'Effeck ,
aprés avoir envoyé fix mille Spahis
à Walpo & à Poffega , avec
ordre d'obferver le General
Schults , qui avoit mené huit
mille Allemans & cinq cens
Croates de ce coſté - là.
Le 15. on attacha le Mineur
à la Muraille de la grande Rondelle
, & on commença deux Galaries
au pied de la Courtine.
Quelques Païfans fortis de Bude
furent conduits à l'Attaque de
Lorraine . Ils dirent qu'à l'affaut
du 13. il y avoit eu plus de cinq
cens hommes tuez du cofté des
Ennemis. On avança les Travaux
juſqu'au
de Bude.
97
jufqu'au Foffé , fur le bord du
quel on dreffa une nouvelle bat--
terie , pour ruiner à droit le cofté
de la grande Rondelle , qu'on
n'avoit pas encore attaqué. Tandis
que les Mineurs travailloient
à deux chambres de Mine , les
Affiegez en firent fauter une à
la gauche de l'Attaque. Elle ne
fit qu'agrandir la brèche du cofté
de ceux de Brandebourg. On
en éventa deux autres qu'on n'avoit
point encore chargées. Les
Bombes que l'Ingenieur Espagnol
fembloit élever jufqu'aux Etoiles,
faifoient un effet fi prodigieux
en retombant , qu'un Transfuge
rapporta qu'une feule avoit enfoncé
deux planchers & deux
voûtes , & tué plus de
perfonnes dans la plus baffe ; ce
qui caufoit une grande defolation
, parce qu'il n'y avoit pref-
E
quarante
98
Hiftoire
du
Siege
que plus d'endroits où l'on fe
puft tenir à couvert. On eut
avis que les Turcs qui venoient
fecourir Bude , eftoient campez
vers Hatwan , aprés avoir paffe
la Teyffe avec un Convoy prés
de Segedin. On détacha auffitoft
les Regimens de Stirum , de
Taff , & de Trurks , pour aller
joindre le Barón de Mercy , afin
d'obliger les Infidelles à repaffer
la Riviere..
Le 16. les Bavarois firent jouer
deux Mines , qui au lieu de
combler le Foffe de la Rondelle
du Chafteau , & de faire fauter
la Paliffade , comme on l'avoit
creu , renverferent les premiers
poftes de leurs Tranchées,
de forte qu'il y eut plus de trente
hommes tuez ou bleffez. Le
Marquis de la Verne , qui n'avoit
efté bleffé que legerement
à
de Bude.
୨୨
#
à l'affaut du 13. le fut ce jourlà
d'un éclat de pierre. Cet accident
fit qu'on réfolut de ne
plus faire jouer de Mines , qu'on
n'euft achevé toutes celles où
l'on travailloit , afin de les faire
fauter toutes à la fois , quand
les trois Attaques donneroient
l'affaut. Un Armenien , qui avoit
fa Femme & fes Enfans à Vienne
, s'eftant échapé de Bude , vint
donner avis que les Janiffaires
avoient preffé deux fois le Bacha
de rendre la Place mais
que ne l'ayant pas trouvé de ce
fentiment , ils luy avoient déclaré
qu'ils fe défendroient encore
quelque temps , mais qu'ils
ne vouloient pas attendre l'extremité
. Il ajoûta que les Affiegez
avoient perdu beaucoup de
monde dans l'action du 13. qu'ils
auroient capitulé fi l'on avoit
E ij
TE
DE
LA
>-
LYON
1895
roo
Hiftoire du Siege
pû fe maintenir fur la brèche,
qu'ils ne s'eftoient tenus en fi
bon ordre derriere leurs rétranchemens
, que parce qu'un Deferteur
eftoit venu leur donner
avis de la refolution que l'on
avoit priſe de donner l'Affaut ;
que cependant l'ayant pris pour
un Efpion , ils luy avoient fait
couper la tefte , & qu'ils en feroient
autant à tous ceux qui
viendroient ſe rendre ; que l'on
avoit commencé à manger les
Chevaux , faute de fourage &
d'autre viande ; qu'un pain
pour vivre un feul jour couftoit
un écu , & que les Bombes de
I'Ingenieur Eſpagnol , qu'ils nommoient
le feu du Ciel , perçoient
les voûtes des Caves. La nuit
les Bavarois fe pofterent derriete
la Paliffade du Foffé de la
Rondelle du Chafteau , de forte
.
que
de Bude. ΙΟΥ
que les Ennemis furent obligez
de s'en retirer avec perte de
quelques hommes. Le Comte
de Fontaine , qui commandoit
les Bavarois , fut tué d'un coup
de Moufquet. Le Comte d'Apre
mont fut bleffé dans la mefme
occafion , auffi bien que le Capitaine
des Grenadiers du Regiment
de Bade. Son Lieutenant
fut tué , & il y eut encore environ
quarante Soldats tuez ou
bleſſez Les Ennemis deffendoient
ce poſte au nombre de deux
cens cinquante , & comme on
leur coupa d'abord le chemin
de la retraite , il n'en échappa
que vingt-fix qui demanderent
quartier. Tout le reste fut tué .
Un Turc qui fortoit de Bude fut
arrefté cette mefme nuit. Il eftoit
Mineur. On apprit de luy que
quoy que la Ville fuft extremé-
E iij
102
Hiftoire du Siege
ment incommodée de l'infection
des Cadavres , qu'on ne pouvoit
enterrer faute de trouver des
lieux où l'on puft les mettre , &
que les Habitans fouffriffent une
fort grande difette à cauſe qu'on
ne diftribuoit des vivres qu'aux
Soldats , les Affiegez ne laiffoient.
pas d'eftre refolus de continuer à
fe bien défendre , & qu'il y avoit
des Fourneaux en divers endroits
avec des coupures & des retranchemens
dans les ruës , à la teſte
defquels ils avoient mis plufieurs
pieces de Canon chargées de
Cartouches.
Le 17. le Prince Charles de
Neubourg eftant arrivé au Camp,
alla fe pofter avec fon Regiment
de l'autre cofté du Pont . Le
Maréchal Caprara , & le General
Palfi , revinrent des environs de
Stulweifembourg avec plufieurs
Re
de Bude.
103
Regimens de Cavalerie . Le premier
paffa le Danube , & prit
le commandement
des Troupes
qui eftoient campées proche de
Peft. Le Marquis de la Verne,
quoy que bleffé , eftant demeurẻ
feul à remplir la Charge de
Lieutenant Maréchal de Camp
general d'Infanterie , ne voulut
plus fortir de l'attaque à caufe
que
le Comte de Fontaine ayant
efté tué la nuit precedente , il
n'y avoit plus d'Officier de fon
caractere pour le relever. On
avança les approches des trois
attaques jufqu'au pied de la
muraille , & l'on acheva une baterie
de trois pieces de Canon à
celle de Lorraine pour battre
l'Angle de la Tour. On travailla
aux Mines à l'Attaque de Brandebourg,
& les Mineurs fe trouverent
fous la Courtine proche
E iiij
104 Hiftoire du Siege
la troifieme Rondelle de celle de
Lorraine , & fous une autre à
gauche. On applanit auffi la defcente
dans les foflez , & pendant
tout le jour & toute la nuit on
ne ceffa point aux trois Attaques
de faire un grand feu de toutes
les Bateries , afin d'agrandir les
bréches & d'achever de ruiner
toutes les defences & les coupures
qui eftoient derriere , ce qui
devoit mettre les Generaux en
eftat de faire donner l'Affaut general
, qu'ils ne vouloient point
hazarder qu'on n'euft éventé les
Contremines.
Le 18. une partie de ceux qui
eftoient campez proche de Peft ,
& qui ne compófoient point
de Regiment , retournerent à
leurs premiers Poftes , fur les
avis qu'on receut que les Troupes
Ottomanes , qu'on croyoit
de
de Bude.
105
,
devoir venir de ce cofté là jetter
du fecours dans Bude s'efloient
retirées apres avoir mis
des vivres dans Hatwan & dans
Erlaw. On apprit le mefme jour
que des Turcs eftoient venus à
deux lieues du Camp couper la
tefte à quelques Fourageurs &
Vivandiers . Sur les onze heures
du foir , les Affiegez fe montrerent
fur la breche . Ils poufferent
de grands cris , & cela fit croire
qu'ils fe preparoient à une fortie .
On fit fur eux un grand feu qui
les contraignit de fe retirer . Ils
éventerent la Mine de l'Attaque
des Imperiaux par un Fourneau
qu'ils firent jouer. Quatre Mineurs
& le Sieur Liber leur Capitaine
, y furent enfevelis . On
les chercha auffi- toft , & on ne
put trouver que deux Mineurs ,
qui n'eftoient pas morts. Les Ba
E v
106
Hiftoire du Siege
varois mirent le feu dans le Chafteau
par une Bombe qu'ils y firent
tomber. Cependant les Ennemis
barricaderent d'une nouvelle
Paliffade la Breche de la
Rondelle .
Le 19.les Affiegez travaillerent
inceffamment entre la Breche des
Imperiaux & la muraille de la
Ville, ce qui fit croire qu'ils y faifoient
un nouveau retranchement.
Les Bavarois travaillerent
de mefme pendant tout le jour à
à une Baterie fur le bord du Foffé
, afin d'abatre la Paliffade , & le
refte de la Rondelle du Cha fteau .
Ils attacherent en mefme temps
le Mineur, pour chercher les Mines
des Ennemis . La nuit les
Troupes de l'Attaque de Lorraine
donnerent un faux Affaut , &
firent jouer plufieurs Mortiers
chargez de Bombes , de Carcaffes
&
de Bude.
107
& de Grenades. L'effet en fut
terrible pour les Affiegez , qui
eftoient accourus en foule pour fe
defendre. Un Transfuge paffa
de la Ville au Camp , & en parlant
des defordres que faifoient
les Bombés dans la Place , il dit
qu'il en eftoit tombé une fur une
voute , qu'elle l'avoit enfoncée, &
que plus de cent hommes qui
eftoient deffous , en avoient efté
tuez .
Le 20. les Affiegez donnerent
trois fauffes allarmes, ce qui obligea
de faire avancer contr'eux
un détachement de Grenadiers
à chaque attaque. On s'apperceus
qu'ils s'aflembloient derriere leurs
Paliffades, & dans la penfée qu'on
eut qu'ils avoient deffein de faire
une fortie, on fit pointer le Canon
& les Mortiers de ce costé là . Les
Bateries firent un grand feu , & le
fuc
108
Hiftoire du Siege
fuccez en fut fort avantageux
aux Affiegeans. Le mefine jour le
General Palfi retourna fur fes pas
avec fix Regimens , & eut ordre
d'obferver les mouvemens des
Troupes Ottomanes , qui avoient
déja paffé le Pont d'Effeck , à ce
que difoient tous les Efpions. Le
Prince Charles alla reconnoiftre
les endroits par où les Turcs pouvoient
jetter du fecours dans la
Place. Il y eut encore un Armenien
qui fe fauva de la Ville. Il
dit que la confternation yeftoit
tres -grande ; qu'il n'y reftoit plus.
que deux mille Janiffaires dont
le nombre diminuoit tous les
jours , & qu'ils ne ſe defendoient
que parce qu'on les avoit affurez,
qu'il y avoit deux Armées en
marche , pour venir faire lever
le Siege .
Le 21. on continua d'élargir
la
de Bude. 109
la brêche à coups de Canon à
l'Attaque de Lorraine , & de
rompre la Paliffade que les Ennemis
y avoient mife. Le Baron
de Mercy , qui avoit fait repaffer
la Teyffe aux Turcs qui s'étoient
avancez vers Hatwan , &
dont il avoit défait une partie de
l'Arriere garde , receut ordre de
repaffer le Danube , & de marcher
avec la Cavalerie que l'on
avoit jugée inutile pour le Siege,
à la rencontre des Infidelles qu'on
difoit s'eftre affemblez vers le
Pont d'Effeck , au nombre de
vingt- cinq à trente mille. Un Cavalier
du Regiment de Caprara
fe faifit d'un Turc qui eftoit caché
dans un Marais . Il avoit des
Lettres pour le Grand Vizir , &
pour quelques Officiers de l'Armée
Turque. Elles furent déchifrées.
Le Bacha de Bude leur
don
110
Hiftoire du Siege
donnoit avis de l'eftat de la Place
, & du preffant befoin qu'il
avoit qu'on le fecouruft.
Le 22. de grand matin les Af
fiegez fortirent du cofté des Bavarois
, & ayant pouffe la Garde
qui étoit à la tefte de la Tracheé,
ils tuerent prés de cent hommes,
entre lefquels fe trouverent le
Sieur Lôben Colonel dans les
Troupes de Saxe , un Capitaine
, & quelques Officiers fubalternes.
Le Sieur Defchwint, Colonel
de l'Artillerie de Baviere,
fut mortellement bleffé au cou.
Ils enclouerent trois pieces de
Canon & un Mortier, & auroient
caufé un plus grand defordre , fi
un Lieutenant & quelques Fantaffins
du Regiment de Bade qui
accoururent n'euffent foûtenu
les Bavarois , & contraint les Ennemis
de fe retirer avec perte de
>
plus
de Bude. III
plus de fix- vingt des leurs, qu'ils
laifferent fur la place. L'avis en
ayant efté donné à l'Electeur de
Baviere , il vint auffi - toft dans la
Tranchée. On décloüa le Mortier
& deux pieces de Canon, &
en fuite on jetta une Bombe de
ce Mortier. Un peu après, on entendit
un bruit extraordinaire,
& il fe fit comme un tremblement
de terre qui ébranla tout
le Camp, & dont plufieurs Tentes
furent renversées. Il s'éleva
une fumée fi épaiffe qu'on' fut
quelque temps fans voir la Ville.
Soit par l'effet de la Bombe,
foit par quelque autre accident,
le feu s'eftoit mis à un Magafin
à poudre , qui eftant proche de
la muraille en renverfa plus de
quarante pas de longueur, en forte
qu'on y euft pû monter aifément;
IIZ
Hiftoire du Siege
ment , fi la Riviere n'en avoit
pas empêché l'accez. Des Fantaffs
fe jetterent fur l'Electeur
de Baviere pour le garantir des
pierres qui tomboient en quantité
dans les Tranchées . On en
trouva un fort grand nombre
dans Peft & dans tout le Camp,
de la pefanteur de deux , trois,
& quatre cens livres , jufques à
cinq cens. On dit qu'il y avoit
neuf cens Quintaux de poudre
dans ce Magafin , & qu'il fit perir
, en fautant en l'air , plus de
quinze cens perfonnes , hommes
femmes & enfans , fans compter
ceux qui demeurerent enfevelis
dans les caves voifines qui furent
couvertes des ruïnes de ce
grand bâtiment. La nuit, on travailla
à la chambre de la Mine
fous la grande Rondelle . Les Af
fiegez la contreminerent , ce qui
obligea
de Bude. 113
geans
obligea les Mineurs des Affied'abandonner
le travail. Il
n'y eut que celuy qui eftoit attaché
à la Courtine du milieu à
la gauche , qui continua . Il arri-
Iva dans la chambre de la Mine
que les Ennemis avoient éventée
, & la voulut rétablir , mais
ayant entendu travailler fous lui,
il fe retira, & laiffa quelques barils
de poudres découverts ; le
feu y prit pluftoft qu'on ne l'avoit
crû , & jetta le Lieutenant
des Mineurs jufque fur la batterie
de Brandebourg . Celuy qui
les commandoit fut brûlé . Comme
la Mine n'eftoit pas affez profonde
, l'ouverture qu'elle fit au
pied de la Courtine , fut feulement
de deux toifes. Les Turcs
fortirent en fi grand nombre ,
qu'on ne les put arrefter que par
un feu extraordinaire que l'on fit
fur eux.
Le
114 Hiftoire du Siege
a
Le 23. Le Mineur attaché à la
Rondelle du milieu, ayant achevé
de perfectionner la Mine , il
fut refolu que fi elle avoit l'effet
que l'on pouvoit s'en promettre,
on donneroit l'Affaut , general,,
Cependant le Prince Charles jugea
à propos
de faire fommer les
Afliegez avant que de l'entreprendre.
Le Magaſin fanté le
jour précedent , avoit mis un fi
grand defordre dans la Place
qu'il y avoit lieu de croire qu'on
les trouveroit moins obftinez , &
qu'ils fe refoudroient à fe rendre
fi on leur offroit des conditions
avantageufes. Ainfi fur les trois
heures aprés midy, ce Prince envoya
le Comte de Konigfek, fon
Aide de Camp general , avec un
Tambour & un Interprete pour
fommer la Ville. Les Affiegez
le voyant venir , & connoiffant
au
de Bude.
115
,
au fignal d'un mouchoir blanc
qu'il avoit quelque propofition
à leur faire planterent fur la
Muraille un Drapeau de mefme
couleur , & vinrent enfuite
prendre la Lettre du Prince
Charles pour la porter au Bacha
, qui dormoit alors , à ce
qu'ils dirent. En attendant la
réponſe , on luy laiffa trois Turcs
pour Oftages , & on luy vint
dire un peu aprés que le Bacha
avoit affemblé fes Officiers,
pour deliberer fur cette Lettre.
Il y eut de part & d'autre fufpenfion
d'armes pendant deux
heures
, & aprés ce temps on
apporta la réponſe du Bacha au
Prince Charles , envelopée d'écarlate.
Voicy les termes qu'elle
contenoit .
GRAND
116
Hiftoire du Siege
RAND VISIR DES
G&RESTIENS,
Tu es bien présomptueux de venir
une feconde fois mettre le Siege
devant Bude , qui a déja couté tant
de monde & tant d'argent aux
Chreftiens. Il est bien vray que ce
Siege nous a furpris , parce que nous
ne nous y attendions point ; mais
par l'affiftance de Dieu, & de noftre
Prophete Mahomet, vous aurez efte
par deux fois honteufement repous-
Sez, & vous n'aurez pas à nous
donner tat d'affauts que vous croiez.
Nous efperons qu'il vous en arrivera
comme il vous est déja arrivé . Si
voftre Empereur vous a commandé
de nous attaquer , nous avons ordre
du noftre de nous bien défendre .
Cette réponſe pleine de fierté
obligea les Affiegeans à faire joüer
le Canon des trois Attaques , &
de Bude.
117
à bombarder la Place avec plus
de furie que l'on n'avoit fait auparavant.
Le 24. Les Imperiaux firent
jouer une Mine , qui au lieu de
renverfer la Rondelle qui eftoit
entre leur bréche & celle des
Troupes de Brandebourg , combla
les premiers poftes de leurs
Tranchées , ce qui fâcha fort les
Hongrois , qui au nombre de
deux mille eftoient tout prefts de
monter à l'affaut , à la tefte des
Troupes de l'Attaque de Lorraine.
Le Capitaine des Mineurs &
deux Travailleurs furent accablez
par les débris de la Mine,
dont plus de deux cens Soldats
furent tuez ou bleffez. Un fugitif
vint apprendre au Prince
Charles que le Treforier des Janiffaires
avoit eu deffein de livrer
la Ville , à condition qu'on
l'en
118 Hiftoire du Siege
t
l'en feroit Vice - Commandant ,
mais que deux Païfans qui luy
devoient apporter la Lettre aïant
efté arreftez , le Bacha avoit fait
couper la tefte au Treforier , &
pendre les Païfans . Il ajoûta que
cinquante Turcs & un Aga a-
- voient efté tuez de la Mine, que
les Imperiaux avoient fait jouër
ce mefme jour, a
Le 25. une Bombe des Affiegeans
renverfa fur la Rondelle
du Chafteau quelques Paliffades,
& deux ou trois cofres chargez
de terre & de pierres qui les foûtenoient.
Le General Dunewald
receut ordre de prendre langue
de l'Armée des Infidelles. Sur les
cinq heures du foir , les Affiegez
firent une Sortie avec 200. hommes
fur la droite de l'Attaque de
Lorraine , où commandoit le
Comte de Saur , qui les repouſſa
vigou
de Bude.
119
quelque
.
vigoureufement avec
perte de leut cofté , mais elle
ne les empefcha pas d'en faire
une autre fur la gauche , où é-.
toient les Troupes de Brandebourg.
Ils couperent la tefte à
quarante hommes , & après avoir
encore efté répouffez de ce coſté
là , ils revinrent de nouveau , 1 , &
poufferent ceux de Brandebourg,
qui furent contraints de quitter
leurs Lignes. Le Prince Charles
en fut averty , & fit incontinent
avancer les Bataillons de referve,
qui eftoient poftez le long du
Danube prés des murailles de la
Ville- baffe. Les Turcs plierent
-lors qu'ils virent ce fecours , &
quoy qu'ils en euffent receu du
Bacha,qui leur envoyoit dé temps
en temps de nouvelles Troupes
pour les foûtenir , ils rentrerent
dans la Ville aprés une Efcarmouche
I 20
Hiftoire du Siege
che qui dura prés de quatre heures.
Il ne demeura que vingt
des leurs fur la place. Ceux de
Brandebourg perdirent le Lieutenant
Colonel de leurs Gardes.
Le Baron d'Ati qui commandoit
le Corps de referve , fut bleffé
au pied d'un coup de Moufquet,
& l'Aide de Camp du Comte de
Staremberg eut les deux jambes
emportées d'un coup de Canon.
Le Baron de Hoenwart fut tué
avec un Enſeigne du Regiment
de Souches , & quelques autres
Officiers.
Le 26. on prepara toutes les
chofes neceffaires pour donner le
lendemain l'Affaut general . Le
Maréchal Caprara paffa le Danube
, & vint fe camper au milieu
des Imperiaux & des Bavarois
, afin de fermer le paffage
· par où les Ennemis auroient pû
fe
de Bude. 121
fe fauver , ou faire des Sorties
fur les Affiegeans. Le Prince
Charles, qui avoit refolu de faire
donner l'Affaut à la pointe du
jour , paffa toute la nuit dans la
Tranchée , & pendant ce temps
on executa la refolution que l'on
avoit priſe d'attacher aux Paliffades
une certaine compofition
de feu artificiel pour les brûler;
elle eut un tres- grand effet .
,
Le 17. au matin les Paliffades
eftant encore toutes enflâmées
par la quantité qu'on y
avoit mis de cette compofition,
on attendit pour donner l'Affaut
qu'une petite pluye , qui
commença à tomber , euft éteint
les feux qui fervoient comme de
défenſe aux Ennemis. Tous les
ordres avoient été donnez le jour
précedent à tous les Officiers Generaux
Subalternes qui devoient
F
7 122 Hiftoire du Siege
eftre employez aux 3.Attaques,&
ils fçavoient en quel lieu & en
quelle maniere ils devoient agir
lors qu'ils auroient oüy le Signal.
Ce Signal eftoit 3. décharges de
12.petites pieces de Canon du côté
de Peft,afin qu'on en puft entendre
le bruit auffibien au quartier
de Baviere, qu'à ceux de Lorraine
& de Brandebourg. Il fut
donné fur les fix heures du foir, &
auffi- toft ceux qui eftoient commandez
à l'Attaque de Lortaine,
marcherent en fort bon ordre
vers la groffe Rondelle à droit,afin
de fe loger fur la bréche . Quarante
Grenadiers ayant un Capitaine
à leur tefte avec un Lieutenant
& un Sergent , furent fuivis
de cinquante Fufeliers , &
d'un pareil nombre d'hommes armez
de faulx , fous les ordres
d'un Capitaine , d'un Lieutenam
,
de Bude. 123
nant , d'un Sergent , & des autres
Officiers fubalternels. Cent
hommes chargez de haches &
pelles eftoient à la premiere ligne,
commandez par un Capitaine
, par un Lieutenant , & par
un Sergent, & avoient deux cens
Moufquetaires pour les foûtenir.
Le Prince de Neubourg, Grand-
Maistre de l'Ordre, Teutonique
, commandoit en cet endroit
de l'Attaque , & le Marquis de
Nigrelli , General de Bataille ,
le Colonel Keth , le Baron Reder
, Lieutenant Colonel , & le
Lieutenant Major de Staremberg
l'accompagnoient pour
porter fes ordres , & les faire
executer avec plus de promptitude.
Le Comte de Souches, qui
avoit auprés de luy le Sergent
general Diepental , le Colonel
d'Oetingen , le Comte Jorger,
,
Fij
124 Hiftoire du Siege
1
Lieutenant Colonel , & le Sergent
Major de Croy, marcha au milieu
vers la Courtine , précedé de 50.
Grenadiers , de cent Fufeliers, &
-de cent autres hommes armez de
faulx & de bâtons ferrez par les
deux bouts . Ceux - cy ayant leurs
Officiers à leur tefte , avoient
auffi pour les foûtenir 200. Moufquetaires
& 5o.hommes avec des
haches & des bêches propres à faper
& à faire des logemens après
qu'on auroit chaffe les Ennemis
de leurs poftes. La difpofition fut
pareille à l'Attaque de Brandebourg.
Ceux qui devoient donner
à la bréche de la Rondelle à gauche,
eftoient foutenus d'un pareil
nombre de Moufquetaires , & avoient
ordre de faire grand feu
contre les Turcs fi- toft qu'ils fe
montreroient hors de leurs Coupures.
Les Heiduques furent
commandez pour donner une
de Bude. 125
fauffe alarme du cofté de l'eau ,
à l'endroit où l'embrafement du
Magafin avoit ouvert la Murailles.
Trois cens hommes les foutenoient
fous les ordres d'un Sergent
Major , de trois Capitaines
& des autres Officiers Inferieurs.
Tous les autres Generaux
furent poftez en divers endroits
pour y faire la fonction
de leurs charges fuivant le commandement
qu'ils avoient receu
. On avoit mis douce cens
hommes de reſerve dans un fond
au pied de la brêche , & ils devoient
s'avancer par files afin de
remplir la place de ceux qui feroient
tuez . Le General Dinghen
les commandoit. Le refte de l'Infanterie
eftoit deftiné pour s'avancer
de la mefme forte fi les
Generaux & les autre Officiers
à qui l'on avoit confié la garde
Y
Fiij
126 Hiftoire du Siege
de la Tranchée , l'euffent jugé
à propos. Tout ayant efté difpofé
de cette forte , les Troupes
Imperiales & celles de Brandebourg
marcherent en mefme
temps du coté des brêches ,
chacun en fon rang , tant les Of
ficiers que les Soldats , principalement
vers la grande Rondelle,
dont la maçonnerie n'avoit
pas
efté bien éboulée , quoy qu'on
y euft fait jouer plufieurs Mines.
Ce fut de part & d'autre
un feu effroyable & un bruit
terrible qu'on ne sçauroit exprimer.
Si le Canon , les Bombes
, les Carcaffes , les Grenades,
& la moufqueterie des Affiegeans
, firent un fracas qui euſt
pû épouvanter les plus intrepides
, le feu que firent les Affiegez
& par leur Canon & par
leurs Mortiers à pierres qu'ils ac- .
compagnerent d'une grefle de
de Bude.
127
Fleches , de Dards , de Bombes
ardentes , & autres Machines,
qu'ils faifoient rouler du haut
des brêches où ils s'expofoient
à corps découvert , fit voir aux
Chreftiens qu'ils avoient à faire
à des gens determinez qui leur
vendroient cherement leurs vies.
Les Imperiaux s'avancerent
bord jufqu'aux Paliffades , dont
les Ennemis avoient reparé les
bréches des Rondelles . Ils eurert
peine à y conferver leur
pofte , à caufe du grand nombre
de Fourneaux qu'on y fit
jouer. Plus de trois cens hommes
furent tuez ou accablez du
premier , & la refiftance des
Affiegez qui fut extraordinaire ,
fit reculer les Imperiaux juf
qu'à trois fois. Le Prince Charles
qui s'en appercent du lieu où
il donnoit les ordres , & qui les
F
128
Hiftoire
du Siege
રે
vit au milieu des feux , tant des
Machines que les Ennemis faifoient
rouler , que de neuf Mines
& de neuf fourneaux qu'ils
firent fauter en fort peu de
temps , s'avança luy - meſme au
pied de la brêche pour les foûtenir
avec de nouvelles Troupes
Sa prefence les anima telle.
ment , que voyant leur General
s'expofer comme eux au plus
grand peril , & vouloir fe rendre
témoin de leurs actions , ils
forcerent les Paliffades , & fe
rendirent maiftres de la grande
Rondelle où ils fe logerent. Ceux
de Brandebourg n'eurent
moins de fuccez à leur attaque.
Ils vinrent à bout de fe loger
fur la Courtine & fur la Rondelle
à gauche. Les Ennemis qui
s'eftoient retirez derriere les retranchemens
qu'ils avoient faits
pas
all
de Bude. 129
= au de- là des Paliffades , firent
leurs efforts pour les en chaffer,
& jetterent fur les uns & fur
les autres quantité de Fleches ,
de feux d'artifices , & d'autres
Inftrumens remplis de foufre ;
fur tout leurs Mortiers à pierres,
les Mines & les Sacs à poudre
aufquels ils mettoient le feu en
ſe retirant des Poftes qu'on les
forçoit de quitter , tuerent &
blefferent un grand nombre de
Chreftiens. La prefence du Prince
Charles qui ne voulut point
abandonner l'entreprife , contribua
fort à l'heureux fuccez qu'elle
cut. Chacun cherchoit à fe
fignaler avec une intrepidité qui
n'eft pas croyable , & les Soldats
à envy les uns des autres,
prenoient le Pofte que leurs camarades
leur abandonnoient en
perdant la vie. Les Imperiaux
F v
130 Hiftoire du Siege.
trouverent dans la grande Rondelle
deux Etendarts des Janiffaires
, & trois Pieces de Canon,
& ceux de Brandebourg en trouverent
fept & quelques Mortiers
dans la Rondelle dont ils s'étoient
emparez à gauche.
Pendant que l'on donna l'affaut
de ce cofté - là , l'Electeur de Baviere
le donna auffi du cofté de
fon attaque . Il avoit fait brûler le
jour precedent les Paliffades que
les Ennemis avoient plantées fur
la brêche, & fi-toft qu'on eut entendu
le Signal pour y monter,les
Fufeliers , & les Grenadiers avec
les hommes armez de haches qui
avoient fes ordres pour faper celles
qui pouvoient encore embaraffer
, fortirent de la Tranchée,
fuivis de cent Moufquetaires fous
un Capitaine & deux Lieutenans
, pour monter à l'affaut, tant
à
de Bude.
à droit qu'à gauche. Ĉent Travailleurs
marcherent en fuite, 25 .
avec des Pelles , & foixante &
quinze avec des faux , pour faire
un logement fur la hauteur de la
Rondelle, aprés qu'on s'en feroit
emparé. Ils eftoient fouftenus de
50. Fufeliers , de 30. Grenadiers,
& de 200. Moufquetaires. D'autres
Moufquetaires choifis avoiết
efté commandez pour feconder
de chaque cofté les trois Bataillons
Imperiaux , Bavarois & Saxons
qui devoient fouftenir les
premiers. On fe mit en marche
par les Ouvertures qui avoient
efté faites aux foffez vers la brêche
à droit & à gauche de la
Rondelle. En mefme temps toutes
les bateries commencerent à
tirer fur les brêches, & contre les
murailles hautes & les feneftres
des maifons du Chafteau, & l'on
jetta
132
Hiftoire du Siege
jetta auffi fans aucun relâche des
bombes & des carcaffes , dont il
y en eut quantité qui furent jettées
contre les retranchemens
des Affiegez , & entre les deux
premieres murailles du cofté du
Danube. Quoy que la muraille
fuft encore haute & difficile
à monter , on s'avança vers
la brêche à droit & à gauche
avec tant de valeur , de courage
& de conduite , que l'on
s'empara de la Rondelle , malgré
les coups de Moufquets que
les Ennemis tiroient fans ceffe
des Crenaux de cette meſme
muraille . On s'empara auffi à
gauche d'un lieu fitué entre les
maifons , & la muraille exterieure
, ce qui n'eftoit pas aifé
, parce que les endroits les
plus éminens du Chateau le
commandoient , & que l'on jettoit
de Bude .
133
toit de là fur les Affiegeans
une infinité de pierres , de Grenades
, de Bombes & de Sacs
à poudre. Ce feu continuel ne
put arrefter l'ardeur qui les emportoit
, & ils l'effuyerent avec
une bravoure qu'on ne peut affez
loüer, mais la nuit qui commençoit
d'approcher , ne permit pas
qu'on avançaft davantage. On
travailla à des Logemens fur la
Rondelle , & dans les autres Poftes
que l'on avoit occupez . L'Electeur
de Baviere fe tint expofé
au feu pendant toute l'action . Il
vifita tous les Poftes , & alla par
tout donner les ordres qu'il jugea
utiles pour la feureté & pour la
perfection du travail. Non feulement
il animoit les Soldats par
fa prefence , mais il les engageoit
à continuer de bien faire en leur
donnant des marques de fa liberali
F34
Histoire du Siege
ralité . Le Prince Louis de Bade
fit paroiftre auffi beaucoup d'intrepidité
, & demeura expofé
aux coups pendant toute l'efcarmouche
, afin qu'on apprift par
fon exemple à méprifer le peril.
Le Prince de Neubourg, le Prince
Eugene de Savoye , & plufieurs
autres Generaux montrerent
de leur cofté toute la bravoure
qui pouvoit donner un
nouveau courage aux Attaquans,
& la fermeté avec laquelle ils les
voyoient foûtenir le grand feu
des Ennemis , fervit beaucoup à
leur faire remporter les avantages
qu'ils eurent en cette journée.
Ce que firent les Heiduques
ne fut pas confiderable. Auffi ne
faifoient- ils qu'une fauffe attaque
afin d'attirer les Ennemis de
ce cofté- là . Ils y trouverent les
Poftes tres -bien garnis , à caufe
que
de Bude..
135
*
que c'eftoit l'endroit où te Magafin
avoit fauté , & par confequent
le plus découvert. L'affaut:
dura trois heures avec grand
perte du côté des Affiegeans . Ils .
eurent prés de deux mille hom .
mes tuez ou bleffez , fans un fort
grand nombre d'autres qui furent
brûlez ou enterrez par les
mines. Le Prince Charles fut
atteint legerement d'un coup de
pierre à la jambe , & le Sieur
d'Artein fon Ayde de Camp general
de ce Prince , fut tué auprés
de luy. Le Duc de Croy qui
n'avoit receu d'abord qu'une
bleffure peu confiderable , receut
enfuite un coup de Moufquet qui
luy perça le genoüil . Le Duc de
Curland Colonel dans les Troudes
de Brandebourg , fut bleffé
dangereufement , auffi bien que
le Comte Schileck, & le Marquis
Sa
136
Hiftoire
du Siege
,
Sanati . Le General Major de
Thingen le fut mortellement à la
teſte. Le Baron d'Afti qui n'eſtoit
pas encore guery d'une bleffure
qu'il avoit receu e deux jours auparavant
, eut les deux cuiffes
percées , & le Baron de Welbersheim
, les deux bras caffez . Le
Prince de Comercy qui s'eft
toûjours fignalé dans les occafions
où il y avoit le plus de peril
à effuyer , receut auffi une legere
bleffure. Les autres bleffez
dont on a pû jufqu'icy fçavoir les
noms , furent le Duc de Scalona ,
le General Major Diepenthal , le
Comte & le Chevalier d'Apremont
, Freres , le Colonel Goeling
; le Comte d'Archinto ; le
Comte Zacco Sergent Major , le
Lieutenant Colonel Rotten ; le
Comte de Saur ; le Sieur Reder,
Lieutenant Colonel du Regiment
de Bude 137
ment de Neubourg . Le Sergent-
Major Pini , le Marquis de la
Verne , le General Rummel , le
Baron de Welberg , Lieutenant
Colonel de Beck , avec plufieurs
Officiers de ce mefme Regiment:
le Comte de Palfi , Lieutenant
Colonel ; le Baron d'Aversberg,
le Sergent Major , un Capitaine
& un Lieutenant de Staremberg,
& plufieurs autres Officiers
des Regimens de Bade , de Beck,
de Steinau, de Rummel , de Selbolftoff,
de Gallensfels , & autres.
Le Comte de Dona , & le Sergent
Major de Marwitz , furent
tuez à l'attaque de Brandebourg.
Le 28. on dreffa une Batterie
fur la Rondelle du milieu , dont
les Imperiaux s'eftoient rendus
maiſtres à l'Attaque de Lorraine ,
& l'on applanit les bréches , afin
d'y
138 Hiftoire du Siege
d'y pouvoir guinder l'Artillerie .
On travailla à perfectionner les
Lignes de communication des
logemens , & l'on pourfuivit le
travail de trois Mines , qui avoient
efté commencées fous la
feconde Muraille incontinent aprés
l'Affaut du jour précedent.
Le Mineur fut attaché en deux
endroits de cette mefme Muraille.
Ceux de Brandebourg tirerent
une Ligne paralelle à cette
Attaque .
Le 29. on fit fauter deux mines
à l'Attaque de Lorraine. Il y
en eut une qui renverfa quinze
toifes de maçonnerie dans le Foffé
. Elle ne laifferent pas de caufer
du dommage aux Affiegeans ,
puis que deux Capitaines des
Troupes de Brandebourg , & environ
cinquante Fantaffins , la
plufpart des mefmes Troupes.
£u
de Bude.
139
furent enterrez fous leur debris .
Une Batterie de trois pieces de
Canon fut achevée ce jour - là à
la mefine Attaque . Quelques Armeniens
fugitifs vinrent avertir
que plus de mille perfonnes , hommes
, femmes & enfans , avoient
efté tuez dans la Place le jour
qu'on avoit donné l'Affaut ; qu'une
grande quantité avoient voulu
fe fauver du cofté de la Ri
viere , mais qu'ils y avoient trouvé
tous les Bateaux enchaifnez;
que la Garnifon n'eftoit plus que
de mille Combattans , & que le
Muphti les exhortoit inceffammet
à fe rédre,mais que le Bacha
les animoit à refifter jufqu'au
bout par l'efperance du fecours
qu'il attendoit ; qu'il y avoit par
tout des Retranchemens & des
Coupures , & qu'à la derniere
extremité il avoit efté refolus
qu'on
140 Hiftoire du Siege
qu'on mettroit le feu aux Magagafins
, pour faire fauter la Ville
avec tous ceux qui fe trouveroient
dedans. La nuit , les Bavarois
avancerent environ de quarante
pas dans la Rondelle du
Chafteau , en tirant du cofté de
la Riviere , avec perte de cinquante
hommes , & ils y firent
mener deux pieces de Canon,afin
d'élargir la bréche de la feconde
Muraille .
Le 30. le Comte de Souches
& le Comte de Lodron ,Major de
Cavalerie , monterent la Tranchée
. Ce dernier avoit efté nommé
pour la relever , aina que le
Comte de Stirum , auffi Major de
Cavalerie , parce qu'il n'y avoit
plus que le Comte de Nigrelli ,
Major general d'Infanterie , qui
puft fervir. On fit jouër ce jourlà
une troifiéme Mine à l'Attaque
de Bude. 141
que de Lorraine , & deux à l'Attaque
de Baviere, qui firent affez
d'effet. Cependant le Prince
Charles jugeant qu'il y alloit du
fervice de l'Empereur de ne pas
expofer la Ville à l'affaut & au
pillage , envoya une ſeconde fois
fommer le Commandant de fe
rendre. Comme il eftoit déja
tard , les Affiegez prierent les Députez
d'attendre jufqu'au lendemain
la réponſe qu'ils leur demandoient
, parce qu'il falloit affembler
le Confeil fur une affaire
d'une fi grande importance.
Le 31. le Prince Eugene de
Savoye & un Interprete allerent
à la Porte de la Ville , où aprés
qu'on les eut fait attendre une
heure & demie , on leur apporta
deux Lettres du Commandant,
l'une adreffée au Prince Charles,
&
142 Hiftoire du Siege
& l'autre à l'Electeur de Baviere .
Elles contenoient , que la confervation
de Bude , qui eftoit la clef
de Conftantinople & de Jerufalem,
eftoit d'une telle confequence
pour les Ottomans , qu'il ne
pouvoit fe refoudre à la remettre
entre les mains des Chreftiens
mais qu'on n'avoit qu'à
choifir une autre Ville , & qu'il
eftoit preſt à la donner , efperant
par là qu'on luy voudroit bien
accorder la Paix . Ce mefme jour
le premier Capitaine d'Artillerie
eut le bras percé , & le Comte de
Staremberg , en reconnoiffant la
bréche, receut un coup de Moufquet
qui luy emporta un doigt,
& le bleffa à l'épaule . La fièvre
qui luy furvint , accompagnée
d'une diffenterie , l'obligea de fe
faire tranfporter à Comore , où le
Prince de Vaudemont , qu'une
vio
de Bude.
143
violente maladie avoit forcé de
quitter le Camp , eftoit déja depuis
quelques jours. Sur les huit
heures du foir , les Affiegez qui
n'avoient point eu de réponſe,
envoyerent deux Agas au Prince
Charles , & emmenerent avec
eux le Baron de Crentz , Ayde
de Camp du Prince Louis de
Bade , & un Interprete. On crut
que le Commandant avoit deffein
de capituler , mais toute la
negociation aboutit encore à dire
, qu'il feroit livrer telle Ville
qu'on voudroit fi on levoit le
Siege de Bude , ou qu'il rendroit
cette Place pourveu qu'on fift
une Paix generale avec l'Empire
Ottoman . Le Prince Charles
voyant que l'on n'avoit point
d'autres propofitions à luy faire,
renvoya les deux Agas , & rappella
les Oftages. Ils dirent qu'on
les
144 Hiftoire du Siege
les avoit receus fort civilement,
& qu'à leur départ ils avoient
veu beaucoup de confternation
dans la Ville. On fceut ce jour
là que l'Aga des Janiffaires eftoit
mort des bleffures qu'il avoit receues
à l'Affaut du 27. & qu'il y
avoit plus de deux mille hommes
des Ennernis bleffez ou malades.
Le premier jour d'Aouft les
Imperiaux firent jouër une Mine
qui eut un tres - bon effet. Elle fit
bréche dans la feconde Muraille,
& ébranla mefme la troifiéme , ce
qui obligea les Affiegez d'y accourir
en grand nombre. Les
Bavarois profiterent de ce moment
pour attaquer le Chafteau .
Ils y entrerent , mais ils ne purent
fe maintenir dans le logement
qu'ils y avoient commencé.
Le Marquis de la Vergne,
Gene
de Bude . 145
General Major , receut deux
coups de Fléches , dont l'un luy
perça le bras & l'autre la cuiffe .
Le Lieutenant Colonel de l'Artillerie
en receut un autre au ventre.
Quatre Fugitifs vinrent a-,
vertir que les Affiegez travailloient
à une Mine pour faire fauter
la grande Rondelle dont les
Imperiaux s'eftoient emparez. Le
General Dunewald arriva au
Camp avec la Cavalerie qu'il
commandoit aux environs de
Stulweiſembourg.
Le 2. le Comte Caraffa , Major
General, & le General Heufler
, arriverent auffi au Camp,
avec un Corps de quatre mille
hommes qu'ils commandoient
dans la haute Hongrie du cofté
de Zolnoch , & ils prirent leurs
poftes au delà du Danube , où
deux mille Hongrois comman-
G
146
Hiftoire du Siege
dez par le Comte Budiani les
joignirent . La nuit on travailla
aux Lignes de circonvallation
, pour arrefter le fecours des
Ennemis.
Le 3. on vit paroiftre des Avant-
coureurs de l'Armée des
Infidelles, & les Affiegez firet une
falve de tous leurs Canons . Comme
on s'eftoit difpofé à donner
un troifiéme Affaut , les Affiegeans
firent jouer une Mine , mais
elle n'eut pas l'effet qu'on en avoit
eſperé , & la bréche ne s'êtant
pas trouvée affez profonde,
le Prince Charles envoya dire à
l'Electeur de Baviere qu'il ne jugeoit
pas à propos de donner
l'Affaut. Les Troupes de cet Electeur
ne laifferent pas d'y monter
, foit que l'ardeur qui les ani
moit leur fift avancer l'heure du
Combat , foit qu'elles euffent
pris
de Bude.
147
-
pris le bruit de la Mine pour le
Signal dont on étoit convenu . Le
Prince Charles qui en eut avis
fit donner l'attaque de fon cofté .
Les Affiegez au nombre de plus
de deux cens , fe montrerent fur
la Bréche , le Sabre à la main , &
le corps tout découvert. Les Femmes
& les Enfans y parurent
mefme tirant des Fléches , &
faifant rouler des pierres. Il y
eut beaucoup de vigueur de part
& d'autre , & la refiftance fut
telle du cofté des Ennemis , que
tout ce que purent faire les Imperiaux
, ce fut d'avancer leurs
Logemens jufqu'au pied de la
troifiéme muraille. Ils eurent plus
de deux cens hommes tuez ou
bleffez. Les Bavarois fe faifirent
de deux ouvrages , où ils trouverent
du Canon & des Mortiers ;
mais ce ne fut pas fans perdre
G
11
148 Hiftoire du Siege
beaucoup de monde . Le Prince
de Bade receut une contufion
d'une Balle de Moufquet qui luy
perça le Ceinturon & le Jufte
au corps par derriere , & le Prince
Eugene eut un coup de Fléche
, dont le fer luy entra entierement
dans la main . Le Comte
de Caunits , Lieutenant Colonel
du Regiment de Metternich , le
Comte Hermeftein Lieutenant
Colonel de Souches , le Sieur de
Breffey , Gentilhomme Bourguignon
, Major du Regiment de
Grana , & le Major du Regiment
de la Vergne, furent bleffez à l'attaque
des Imperiaux avec plufieurs
autres Officiers. Il y eut un
jeune Comte de Staremberg tué
au commencement de cet Allaut.
Le Chevalier Huberti , Capitaine
des Gardes de l'Electeur de
Baviere , fut bleffé à l'attaque des
Ba
de Bude. 149
Bavarois avec quelques Officiers,
qui ne pûrent obliger les Fantaffins
à les fuivre , tant ils eftoient
rebutez par le feu des Ennemis,
& par les Bombes , Pierres & Grenades
qu'ils jettoient fur eux du
haut du Chateau.
Le 4. on continua de, canonner
& de bombarder la Ville , &
Fon eut avis que l'Armée Ottomane
s'approchoit . On acheva
les deux logemens à droit & à
gauche de la grande Rondelle,
& l'on conduifit quatre pieces
de Canon fur la bréche . On mit
plufieurs rangs de Pali ffades, dont
on fortifia les Travaux , que l'on
avança fort prés des Retranchemens
des Affiegez . Le Prince
Charles employa ce jour à vifiter
tous les Poftes , & à difpofer tout
ce qu'il crut neceffaire pour
eftre en eftat d'aller au devant
G iij
150 Hiftoire du Siege
de l'Armée des Ennemis.
l'Ar-
Le 5. on ne fit que travailler
aux Lignes de circonvallation, &
de contrevallation , & à des Redoutes.
On travailla auffi à des
Mines, à de nouvelles Bateries, &
à combler le Foffé à l'Attaque des
Imperiaux . On eut avis que
mée des Ottomans s'avançoit
toûjours , & que le Grand Vifir
la commandoit en perfonne. On
détacha auffi- toft differens partis ,
afin d'en avoir des nouvelles affeurées
; & cependant la garde
fut redoublée dans tous les Pofles
. Les Affiegez jetterent quantité
de Bombes. Il y en eut une
qui tomba à trois pas du Prince
Charles proche les Bateries des
Imperiaux. Elle mit le feu à
quelques barils de poudre , tua
vingt Canonniers ou Soldats , &
en bleffa plufieurs autres. Pendant
de Bude. 151
dant la nuit les Affiegez firent
defcendre un Batteau chargé de
monde & de meubles,ce qui obligea
de faire un Pont prés de Pefty
pour empefcher que la mefme
chofe n'arrivaft encore , & pour
avoir le fourage plus commodement.
Le 6. les Huffars , après avoir
battu un Party de trente Turcs,
qui s'eftoient détachez pour donner
quelques avis au Bacha de
Bude , amenerent quatre Prifonniers
, par lesquels on fçeut qu'il y
avoit une Armée de vingt mille
hommes du cofté de Stulweiſembourg,
fous le commandement du
Seraskier , & que le Grand Vifir
devoit fuivre avec une Armée de
trente mille hommes, & quarante
pieces de Canon . Le Prince Charles
donna auffi toft fes ordres
pour faire tranſporter les Mala-
Güij
152 Hiftoire du Siege
des , les Bleffez , & tout le bagage
fuperflu dans l'Ifle de S. André;
l'on travailla avec toute la diligence
poffible à perfectionner les
Ouvrages neceffaires pour mettre
le Camp en feureté , & pour
empefcher que les Ennemis ne
fecouruffent la Place . Les Bavarois
firent jouer un Fourneau qui
réüffit affez bien . Il y en avoit encore
un autre mais les Mineurs
ayant rencontré ceux de la Ville,
ne le pûrent achever.
,
Le 7. comme on fe trouvoit
fort incommodé d'une Batterie
que les Affiegez avoient derriere
la petite Rondelle , on en dref
fa une de deux . Canons pour la
démonter . Elle fit l'effet qu'on
en avoit attendu . Les , Bavarois
en firent
firent jouer une nouvelle ,
qui eftoit auffi de deux pieces
de Canon. Ils l'avoient dreffée fur
un
de Bude.
153
un échafaut bien élevé au bout
de la premiere muraille de la
Rondelle , pour abatre le Chafteau
. La nuit, on tâcha de combler
le Foffé avec des fafcines,
mais tout ce qu'on y jetta fut confumé
par des fléches ardentes que
tirerent les Affiegez , & qui y mirent
le feu. Sur le midy on fceut
par des Prifonniers que toute l'Armée
Ottomane devoit s'affembler
le lendemain devant Albe Royale.
On vint dire le foir qu'il y en
avoit partie arrivé à une lieuë du
Camp , du cofté du Chateau où
eftoit l'Attaque des Bavarois.Cela
obligea le Prince Charles à changer
fon Camp. Il fit occuper les
hauteurs & les vallons qui environnent
la Place , & nomma les
Regimens que l'on devoit envoyer
au devant des Ennemis, &
ceux qui demeureroient pour
G V
154 Hiftoire du Siege
continuer le Siege. On eut avis
ce jour là que le General Schults
eftoit mort. Il commandoit un
Camp- volant entre la Save & la
Drave.
Le 8. à la pointe du jour , trois
mille Turcs & Tartares parurent
fur une hauteur. Ils enleverent
deux Gardes avancées de douze
hommes chacune , & aprés avoir
efcarmouché avec les Huffars,
ils fe retirerent fur le midy. Cent
cinquante Hongrois qui avoient
efté détachez pour reconnoiftre
l'Armée des Infidelles , & qui
revenoient au Camp avec quelques
Prifonniers , tomberent entre
leurs mains , & en furent taillez
en pieces , à la referve de
quelques- uns qui en apporterent
la nouvelle. Ce mefme jour
les Affiegez ayant ouvert la Porte
du Chafteau , on fit un déta
de Bude.
155
tachement à l'attaque de Baviere
, pour s'avancer de ce coſtélà.
On en vit un fort grand nombre
le fabre à la main derriere
leurs retranchemens , & ils jetterent
tant de Grenades, qu'on fut
obligé de fe retirer , avec perte
de foixante hommes. On continua
de mettre les Lignes de Circonvalation
en défenfe , en les
fortifiant avec des Redoutes , fur
lofquelles on plaça quelques pieces
de Campagne.Douze hommes.
furent tuéz ou bleffez à une Batterie
à laquelle on travailloit depuis
plufieurs jours , & que les
Bombes des Ennemis ruinerent.
&
Le 9. les Tartares & les Turcs
revinrent fur le midy le long de
la Montagne vis à vis le Camp
de l'Electeur de Baviere
pafferent tout le jour à efcarmoucher.
Quoy qu'ils ne fuffent
pas,
156
Hiftoire
du Siege
pas en affez grand nombre pour
forcer les Lignes, ils ne laifferent
pas d'incommoder , parce qu'on
fut obligé de fe tenir toûjours
fous les Armes. Une Bombe des
Affiegez tomba à l'Attaque des
Imperiaux au milieu de plus
de mille Grenades . Elle mit le
feu à quelques unes dont quatre
ou cinq Moufquetaires furent
tuez. Le Comte d'Archinto
fut bleffé legerement. On pour
fuivit le travail des Mines que
l'on deftinoit à renverfer la feconde
muraille, & les retranchemens
des Paliffades dont les Ennemis
avoient reparé les brèches,
& les Heiduques furent employez
à faire des Fafcines & des
Sacs à terre , pour en remplir les
Foffez, qui eftoient de la hauteurde
deux piques .
Le 10. les Affiegez firent une
for
de Bude. 157
fique
fortie à l'Attaque des Bavarois,
& couperent la tefte à quarante
hommes qu'ils trouverent dans la
Rondelle du Chateau. Un gros
de Turcs au nombre de douze
ou quinze cens , s'approcha du
Camp , mais ils n'eurent pas
toft aperceu un détachement.
commandoit le General Dunewald,
qu'ils prirent la fuite .Trente
Huffarts ayant rencontré
quarante
Turcs, les combatirent . Ils.
en tuerent fix , & firent cinq
Prifonniers , parmy lefquels eftoit
un Aga , qui ayant efté déja pris
il y a quelques années , avoit
payé huit mille écus de rançon.
Ils dirent que le Seraskier avoit
ordre de fecourir Bude à quelque
prix que ce fuft ; mais qu'ils
croyoient que l'on auroit peine
à l'engager au Combat .. Un Efpion
vint donner avis que l'Armée
158 Hiftoire du Siege
mée Otomane, compolée de plus
de foixante mille hommes , eftoit
campée le long du Danube à
trois lieues des Affiegeans. Il dit
qu'il avoit efté la reconnoiftre en
habit de Tartare , que le Serafkier
la commandoit , qu'elle occupoit
deux lieues d'étendue, &
que le grand Vifir eftoit demeuré
derriere avec mille hommes
qu'il avoit retenus pour le
garder.
La Ligne de communication
de l'attaque des Bavarois avec
celle des Imperiaux fut achevée
, & un Foffé profond que
l'on fit avec des bons épaulemens,
mit leur Quartier hors d'eftat
d'eftre infulté par les Ennemis.
Le 11. deux mille Chevaux
Turcs parurent fur la hauteur vis
à vis de l'Attaque de Baviere.
Quelques Efcadrons furent dé
tachez pour les aller reconnoitre.
de Bude.
159
tre. Il y eut une Efcarmouche
dans laquelle
le Prince
Charles
de Neubourg
eut un Cheval
tué
fous luy ; mais les Infidelles
commencerent
à defcendre
en fi grad
nombre
qu'il fut impoffible
de
les fouftenir
. Ainfi il falut fe retirer,
& fe contenter
de faire fur
eux un feu continuel
de Canon .
Trois Mines
furent
miſes en état
de jouer le lendemain
. La plus
grande
avoit huit Chambres
, &
leur charge
eftoit de cinq milliers
de poudre
. Comme
on avoit
refolu
d'aller
à l'Affaut
fi elles
réuffiffoient
, le Prince
Charles
commanda
trois mille hommes
de pied avec quinze
cens Chevaux
ou Dragons
, pour les foûtenir
. Le Comte
Petnehafi
arriva
au Camp
avec trois mille
Hongrois
,
Le 12. on fit jouer les trois Mines,
160
Hiftoire du Siege
nes, dont la plus grande n'eut aucun
effet , ce qui fit croire qu'el
le avoit efté découverte, & qu'on
en avoit tiré les poudres. Les
deux autres ne firent qu'une ouverture
pour dix hommes de
front , encore n'eut- elle pas efté
pluftoft faite que les Affiegez la
reboucherent par le moyen des
chevaux de frife , de forte que
l'on ne jugea pas qu'on d'euft
hazerder l'affaut ,
, quoy qu'on s'y
fuft déja difpofé . On fit retirer
les detachemens , & les Mineurs
eurent ordre de commencer un
nouveau travail . Les Mines jettérent
dans la Tranchée quantité
de pierres , dont plufieurs des
Affiegeans furent bleffez ,entr'autres
le Prince de Wirtemberg , le
Comte de Ridberg , & les Lieutenans
Colonels des Regimens de
Lodron de Neubourg. L'Armée
des
de Bude. 161
des Infidelles vint camper fur le
haut d'une Montagne qui n'étoit
pas fort éloignée des Lignes.
Ceux qu'on avoit envoyez pour
s'en informer,rapporterent qu'elle
eftoit de cinquante mille hommes
avec du Canon .
Le 13. les Affiegez firent une
fortie à cheval fur la grande Garde
des Imperiaux ,dont ils tuerent
douze hommes , & emmenerent
quatre Prifonniers qu'ils firent .
Le Comte de Colonitz , Page du
Prince Charles , & un Trompette
de l'Electeur de Baviere , eurent
la tefte coupée dans cette
efcarmouche. Les Turcs parurent
en bataille devat leur Camp,
& comme ils firent defcendre une
partie de leur Armée, on crut
qu'ils avoiet envie de döner combat.
Cela obligea le Prince Charles,
quidésle jour precedent avoit
fait
162
Hiftoire du Siege
fait fortir des Lignes toute la Cavalerie
, Dragons , Huffars , &
Croates,d'en faire auffi fortir l'Infanterie
, à la referve de vingt
mille hommes ,aufquels il en confia
la garde , & celle des trois attaques.
On forma deux Efcadrons
de la plupart des Volontaires , &
deux mille Heiduques , & un pareil
nombre de Hongrois , furent
commandez pour faire l'avantgarde
de l'Armee , & pour venir
les premiers aux mains fi les
Turcs vouloient entreprendre
quelque chofe. Ceux qu'on avoit
veus d'abord ne tenterent rien,
& fe retirerent le foir dans leur
Camp.
Le 14 dés fix heures du matin
, on s'apperceut qu'ils avoient
formé un corps de trois mille Janiffaires
& d'environ 5000. Chevaux
, qui devoit fervir d'avantgarde,
de Bude.
163
que
garde à leur Armée , tandis
le refte demeureroit derriere rangé
en bataille pour les fouftenir.
On apprit que leur deſſein eftoit
de faire paffer les trois mille Janiffaires
entre le quartier des Imperiaux
, & celuy de Brandebourg,
& que pendant l'action les Affiegez
devoient faire une Sortie
pour leur faciliter le paffage, &
leur donner moyen d'entrer dans
la Ville.En meſme temps le Prince
Charles commanda le Comte
de Dunewald pour former l'aifle
gauche de la Bataille avec neuf
Kegimens Imperiaux , qui furent
ceux de Caprara , Palfi , Taff, Lodron
, Neubourg , Furftemberg,
Stirum , Serau, & Schultz , & huit
cens Huffars. Le General Heufler
eut la droite avec un pareil
nombre de Regimens , tant Imperiaux
& Bavarois, que de ceux
de
164 Hiftoire du Siege
de Saxe & de Brandebourg , qui
occuperent une hauteur dont le
terrein leur eftoit avantageux, &
d'où tous les mouvemens des Ennemis
pouvoient eftre décou
verts . Le gros de l'Armée eftoit
difpofé en fort bon ordre , &
dans une diſtance de terrein- qui
luy donnoit facilité de charger
tout ce qui s'avanceroit pour fecourir
Bude. Les huit mille Janiffaires
& Spahis qui devoient
forcer les Lignes, après avoir voltigé
derriere les hauteurs pendant
deux heures , prirent leur
marche entre ces mefmes hauteurs
, & rencontrerent d'abord
les quatre mille hommes de l'Avantgarde
, qui furent rompus au
premier choc. Le Baron de Mercy
les voyant plier , ſe mit à la
tefte du Regiment de Schultz
pour les fouftenir , & en faifant
fermé,
de Bude. 165
>
ferme , il donna le temps au
Comte de Dunewald d'avancer
avec les Regimens de Taff , de
Lodron , & autres. Ce fut alors
que l'on vint à un Combat tresrude
& tres - opiniaftré . Les
Infidelles furent chargez avec
toute la vigueur poffible , & ces
Regimens faifant leurs decharges
à propos , renverferent
leur
Cavalerie qui prit la fuite & abandonna
les Janiffaires. Il y en
eut deux mille de tuez . Chacun
d'eux portoit quatre à cinq Grenades
, & ils avoient tous , les uns
des haches , les autres des pelles
pour rompre les Lignes & les
applanir s'ils euffent pu aller jufques-
là. On prit huit pieces de
Canon , quarante Etendarts , &
fon fit quatre à cinq cens Prifonniers.
Aprés le Combat , les
Infidelles firent divers mouvemens
166
Hiftoire du Siege
mens en s'avançant dans la Plaine
oppofée au Čamp de l'Electeur
de Baviere , qui ayant fait
auffi fortir fon Armée des Lignes
, la tenoit en ordre de Bataille.
Il fut refolu dans un Confeil
general qui fe tint , qu'on iroit
les attaquer , ce qui fut executé
par cet Electeur , mais ſe voyant
pourfuivis ils fe retirerent dans
leur Camp.Le Comte de Dunewald
, & le General Heufler , qui
s'étoient avacez avec les Huffars
par de là les hauteurs , rencontrerent
un gros de Spahis , que
les Ennemis avoient laiffé pour
couvrir leur retraite. Ils en tuerent
prés de deux cens , & en
firent trente Prifonniers. Il n'y
eut qu'environ cent hommes tuez
du cofté des Imperiaux , entre
lefquels fe trouvèrent le Comte
de Lodron , Lieutenant Colonel
de Bude. 167
nel du Regiment de Croates de
ce nom , & le Major du Regiment
de Caprara On fceut que
les Tures avoient perdu plus de
quatre mille hommes , fans un
fort grand nombre de bleffez, &
qu'ils eftoient d'autant plus touchez
de cette perte , que les Janiffaires
qui avoient eſté tuez
eftoient l'élite de leurs Troupes,
& que c'eftoit par eux principalement
qu'ils s'eftoient flatez
de pouvoir jetter du fecours dans
Bude. Les Affiegez firent une
fortie pendant le Combat , mais
ils furent fi vigoureufement repouffez
, qu'ils tarderent peu à
fe retirer. L'Armée Imperiale
eſtant retournée dans ſon Camp ,
& celle de l'Electeur de Baviere
dans le fien , on fit une falve de
tout le Canon des trois Attaques.
On expofa fur des Piques
plu
168
Hiftoire du Siege
plufieurs teftes de ceux qui avoient
efté tuez dans le Combat
, & l'on planta fur la brêche
les Drapeaux gagnez , afin que
les Affiegez ne puffent douter
de la Victoire qu'on venoit de
remporter. La nuit on furprit
deux Efpions avec des lettres
pour le Grand Vifir. Le Bacha
de Bude luy mandoit qu'il avoit
beſoin d'un prompt fecours , &
qu'il falloit fe fervir de la nuit
pour enfoncer les Lignes des Affiegeans
; que pour luy il s'eftoit
retranché dans la Ville , mais
qu'ils eftoient trop avancez pour
leur pouvoir refiſter.
Le 15. on connut que les
Ennemis avoient decampé , &
qu'ils s'eftoient éloignez de deux
lieuës. Le Prince Charles ordonna
qu'on fift enterrer les
Morts qui eftoient demeurez
dans
de Bude.
169
dans le Champ de Bataille , afin
qu'ils n'infectaffent point l'air, &
aprés avoir envoyé aux Affiegez
un des Prifonniers qu'on avoit
faits , pour les informer de
l'heureux fuccez du jour precedent
, qui les devoit empefcher
d'efperer aucun fecours , il fit
partir le Comte de Lamberg
pour aller fommer la Ville , mais
il ne fut pas pluſtoſt arrivé à la
porte , qu'ils commencerent à
tirer fur luy , de forte qu'il fut
obligé de fe retirer . Le foir,
on apprit par un Transfuge que
trois Bachas eftoient demeurez
au dernier Combat que le
Grand Vifir avoit fait couper
la tefte à un autre , & qu'at- '
tribuant au Seraskier le mauvais
fuccez de cette journée , il
l'avoit infulté avec toutes for-
H
>
170 Hiftoire du Siege
tes de marques de, mépris & de
colere.
Le 16. les Affiegez firent joier
une Mine à l'Attaque des imperiaux
, & fortirent en mefme
temps pour tâcher de profiter de
la confufion où ils croyoient les
trouver dans leurs Tranchées,
mas ils connurent que leur Mine
n'avoit eu aucun effet , & fe retirerent
avec quelque perte . Les
Imperiaux mirent le feu aux Paliffades
de la brêche , & en brû
lerent une partie , mais les Affiegez
en remirent d'autres pendant
la nuit. On s'apperceut
qu'il y en avoit un double rang
derriere les premieres , & qu'ils
les avoient moüillées , afin d'empefcher
que celles qui eftoient
en feu ne les confumaffent.Cinq
Polonois qui vinrent ſe rendre,
rapporterent que les Jani ffaires
avoient
de Bude. 171
avoient declaré qu'ils ne vouloient
plus aller au Combat, parce
que la Cavalerie les abandonnoit
toûjours dans le peril. Ils
ajoûterent que le Grand Vifir en
avoit fait mourir quelques - uns
pour remettre les autres dans l'obeillance.
Le 17. une Mine des Affiegeans
fut éventée à l'Attaque des
Imperiaux. Un Transfuge rapporta
que le foir qu'on avoit brulé
les Paliffades , prés de cent
Turcs avoient été bleffez ou tuez
par les Bombes qu'ils y avoient
enterrées , & aufquelles ils auroient
mis le feu , fi Ton euſt
monté à l'affaut ; qu'il ne reftoit
dans la Ville qu'environ mille
hommes capables de porter les
armes , mais que chacun eftoit
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang. Six
.
H ij
172 Hiftoire du Siege
Fantaffins qui avoient merité la
mort , monterent par ordre de
l'Electeur de Baviere au haut du
Chafteau pour en découvrir le
dedans , mais les Affiegez qui les
découvrirent les firent defcendre
trop toft. La nuit , trente
Volontaires qui s'eftoient détachez
voulurent mettre le feu aux
Paliffades qui défendoient la
brêche de la derniere enceinte
de la Place , mais il y avoit des
poudres répandues aux environs
qui en brûlerent quelquesuns
, & les Affiegez en tuerent
quelques autres , de forte qu'ils
ne purent executer leur def
fein.
Le 18. deux Polonois qui s'étoient
fauvez de l'Armée des
Turcs, rapporterent que le Grand
Vifir avoit promis trente écus
à chacun des Janiffaires qui
pour
de Bude.
173
pourroient forcer les Lignes &
fe jetter dans la Place , qu'ils s'étoient
mis en marche au nombre
de deux mille avec quantité
de Tartares , pour aller gagner
les Montagnes qui regardent la
Ville- baffe , que c'eftoit par là
que les Ennemis pretendoient
faire entrer dans Bude le fecours
que le Commandant continuoit
de preffer , & qu'ayant un Pont
à cinq lieues du Camp des Chrétiens,
ils avoient envoyé du monde
en de là du Danube pour
faire diverfion. Oń fit jouer une
Mine à l'Attaque des Imperiaux
, &le peu de ffuucccceezz qu'elle
eut , obligea de differer l'Affaut
general , & de retirer les
détachemens que l'on avoit faits
à ce deffein. La nuit , on refolut
de nouveau de brûler les Paliffades
, & trois cens hommes
-
Hiij
174 Hiftoire du Siege
furent commandez pour cela ,
mais il n'y eut qu'un fort petit
nombre de Grenadiers qui monterent.
Le grand feu que firent
les Affiegez , & la quantité de
Grenades & de Sacs à poudre
qu'ils jetterent , épouvanterent
fi fort les Moufquetaires qui les
devoient fouftenir , qu'une partie
fe cacha , en forte que les
Officiers s'avancerent prefque
feuls.
Le 19.les Imperiaux tâcherent
de fe pofter fur la petite Rondelle
de la feconde muraille,mais
la refiftance qu'ils trouverent les
en empefcha . Ils eurent prés
de quarante hommes tuez , ou
bleffez. On fut averty par un
Transfuge que le Grand Vifir
avoit commencé de fe mettre
en marche pour revenir vers le
Camp des Affiegeans mais
qu'ayant
de Bude.
175
qu'ayant appris d'un Deferteur
qu'il leur eftoit arrivé un corps
de dix mille hommes , cette nouvelle
l'avoit obligé de retourner
fur fes pas , & que vingt - cinq
mille Tartares eftoient au de- là
du Danube peur tâcher d'y faire
diverfion.
Le 20. à la pointe du jour,
pendant que l'Armée Ottomane
venoit le mettre en Bataille devant
le Camp de- l'Electeur de
Baviere , deux mille Janitaires
qui s'eftoient tenus cachez la
nuit , defcendirent par le grand
Vallon aprés que le Biouac fe fut
retiré , & ils paffetent les Lignes.
de circonvallation que l'on n'avoit
pû laiffer garnies faute de
monde. Ils poufferent la grande
Garde , mais les Generaux
Caprara, & Heufler s'eftant trouvez
heureuſement à cheval , y
Hij
176
Hiftoire du Siege
accoururent. Ils couperent ceux
qui avoient déja forcé les retranchemens
, & les taillerent en pieces
, mais toute leur refiftance,
quoyque des plus vigoureuſes ,
n'empefcha pas que prés de trois
cens ne paffaffent dans la Place,
le refte fut repouffé hors du
Camp. On fit trois cens Prifonniers
, & il y en eut beaucoup
de tuez. Le Sieur Sentini Chevalier
de Malte , & Capitaine
de Cavalerie dans les Troupes
de Baviere , s'eftant trop avancé
pour reconnoiftre les Ennemis,
fut fait prifonnier. Le Comte
de Konigfmark Lieutenant Cólonel
de Beck fut tué , & le General
Heufler bleffé au pied.
Quoy que ceux qui entrerent
dans la Ville , fuffent la plufpart
bleffez & en petit nombre , les
Affiegez ne laifferent pas de faire
de Bude.
177
re une falve de tous leurs Canons
, pour faire croire qu'il leur
eftoit arrivé un plus grand fecours.
On apprit par un Chrétien
qui s'échappa de l'Armée
des Ottomans , que le Grand Vifir
avoit fait affembler fes Troupes
,,
pour leur dire que le fecours
qu'il avoit envoyé , eftoit
entierement entré dans la Ville,
& qu'il donneroit à tous ceux
qui auroient envie de s'y jetter,
la mefme fomme qu'il avoit donnée
aux autres . L'Armée des Infidelles
fe retira à quelques lieuës
du Camp des Chreftiens .
>
Le 21. la Baterie de l'attaque
des Imperiaux qui battoit en
flanc les retranchemens des Af-
Liegez receut un fort grand
dommage du feu que fit leur Artillerie
. Elle en fut prefque entierement
démontée , ce qui fit
H v
178
Hiftoire
du Siege
qu'on augmenta le nombre des
Travailleurs pour la rétablir pen
dant la nuit.Ön redoubla auffi les
Troupes de la Tranchée , & l'on
fit un feu continuel afin d'occu
per les Ennemis. Cette même nuit
on fe prepara à donner un Affaut
au Chafteau du cofté de l'attaque
des Bavarois.
Le 22. le Prince . Charles fit
faire une fauffe Attaque , pour
faciliter par une diverfion celle
que l'Electeur de Baviere commençoit
de fon cofté. Les Turcs.
eftant accourus en grand nom.
bre fur la brêche du cofté des
Imperiaux , on fit fur eux une
décharge de Mortiers , qui leur
tuerent cent hommes , & pen
dant ce temps les Bavarois , qu'animoit
la prefence de leur Prince
, fe rendirent maiftres de la
plus grande partie du Chateau,
malgré
de Bude..
179
malgré la refiftance opiniaftre
de ceux qui le défendoient. Le
General Rummel qui commandoit
l'Attaque , fut tué d'un coup
de Moufquet dans les approches.
H fut extremement regretté .C'étoit
un Officier d'une grande experience
. On ne perdit que trente
hommes , mais plus de deux
cens furent bleffez , la plufpart
par des Sacs à poudre . Un Duc
de Saxe- Mesbourg , ayant une
Compagnie dans le Regiment
de Bade , receut deux coups de
Moufquet, dont l'un luy calla la
jambe. La nuit , les Ennemis
tacherent de repoufler les Bava-
Fois du Pofte qu'ils occupoient,
mais ils ne purent en venir
bout.
Le 23. les Affiegez firent une
Sortie fur la grande Garde des
Bavarois , mais ceux - cy les contrai
180 Hiftoire du Siege
traignirent de fe retirer , & les
pourfuivirent jufques aux portes.
Le Lieutenant Colonel d'Arco
y ayant efté tué d'un coup de
Moufquet , les Turcs emporterent
le corps dans la Ville . On
prit dans l'lfle de Sainte Marguerite
un Turc qui eftoit fortyde
Bude à la nage avec un More
, pendant un orage qui s'eftoit
élevé la nuit . Il dit que ce More
qu'on n'avoit pu arrefter , eftoit
envoyé au Grand Vifir avec
des lettres , par lesquelles le Bacha
de Bude le preffoit de luy
donner promptement un fecours
plus fort que celuy qu'il avoit re
ceu que la Ville ne pouvoit te
nir encore bien long- temps , &
que le Chafteau eftoit fur le
point d'eftre perdu . Il ajoûta ,
qu'il n'eftoit entré que deux
cens cinquante Janiffaires la
plus
de Bude. 181
plufparts bleffez , & hors de combat
, & que le Bacha en publioit
le nombre plus grand pour donner
courage à ceux de la Ville;
que les Affiegez avoient perdu
cent hommes le jour que les Bavarois
s'eftoient poſtez au haut
-du Chafteau & que le Bacha
avoit promis cinq cens écus à
ceux qui eftoient venus la nuit
pour les en chaffer , mais que celuy
qui les commandoit avoit
pris la fuite...
Le 24. les Bavarois fe fortifierent
dans les Poftes dont ils s'eftoient
emparez. Les Affiegez firent
contre eux de nouveaux efforts
mais ils furent inutiles.
Trente Soldats y furent tuez avec
le Lieutenant Colonel du Regiment
Saxon de Trautmansdorf.
L'Armée Ottomane parut de
nouveau à la veuë du Camp , &
sen
182
Hiftoire du Siege
›
s'en retourna le mefmejour à une
lieuë de là. Comme les Affiegez
avoient fait des feu pendant la
nuit, & allumé plufieurs fois de la
poudre au deffus de la grande
Rondelle , on ne douta point que
ce ne fuffent autant de Signaux
pour preffer les Turcs de faire
encore quelque tentative. Le
Prince Charles , pour prevenir
leurs deffeins , détacha fix Efca
drons, & fix Bataillons , qu'il fit
commander par le Baron de Mercy
, le Comte de Souches & le
General Heufler. Ils pafferent
toute la nuit fous les armes fans
qu'il fe fift aucun mouvement du
cofté des Infidelles. On continua
pendant cette mefme nuit , de
combler les Foffez, & d'affurer les
Travaux qui avoient eſté faits
du cofté de l'attaque de Lorrai
ne. On eut avis que le Comte de
Scherf
de Bade. 183
Scherffemberg dont on preffoit
Farrivée , eftoit auprés de Zolnoch
avec les Troupes qu'il commandoit
en Tranfilvanie, & qu'il
feroit toute la diligence poffible
pour le rendre promptement au
Camp , quoy que fon Infanterie
fuft fort fatiguée .
Le 25 deux Escadrons que l'on
avoit détachez , eurent ordre de
revenir au Camp , & les quatre
autres furent poftez au pied des
murailles. Le Prince Charles fit
fortifier les Lignes le long du Danube
, de plufieurs rangs de Paliffades,
& quatre cens Allemans
& deux cens Hongrois y furent
envoyez fous le commandement
du Baron d'Afti pour s'oppofer
au fecours , fi les Ennemis tachoient
d'en faire paffer par là.
Les Travaux que les Bavarois avoient
faits au hautdu Chafteau ,
fu
184 Hiftoire du Siege
furent entierement brûlez par les
facs à poudre, & autres Machines
à feu que les Affiegez y jetterent.
Ainfi l'on fut obligé de fe
retirer , & de fe pofter plus à la
droite. Il y eut en cette occafion
dix ou douze hommes tuez , &
plus de deux-cens bleſſez .
Le 26. le Canon des Affiegeans
ayant ruiné la face de la grande
Rondelle dont ils s'eftoient ren
dus maiftres , on y fit une maniere
de pont avec des poutres. Elles
alloient d'une muraille à l'autre,
& faifoient la communication
des Logemens . Les Ennemis firent
ce qu'ils purent pour bruler
ce Pont, mais on le garnit fi bien
de toutes les chofes qui le pou
voient garantir du feu, qu'ils furent
forcez d'abandonner ce deffen.
Il ne leur reftoit plus que
fept groffes pieces de Canon en
bat
de Bude.
185
batterie ; toutes les autres avoient
efté demontées. Un Turc fut arrêté
proche de la Ville. Il dit que
quantité de Janiffaires animez
par les promeffes du Grand Vifir,
montoient tous les jours à cheval
avec refolution de fe venir
jetter dans la Place , mais que le
courage leur manquoit , fſii toft
qu'ils découvroient le Camp des
Chreftiens.
Le 27. on terraffa le Pont de
communication , & on fit une
forte Redoute pour en defendre
la tefte . On travailla auffi à un
Logement fur la grande Rondelle.
Il fut étendu fur un terrain
uny qui donnoit paffage jufqu'à
la derniere muraille de la Ville.
Ainfi les Affiegeans n'eftoient
plus qu'à cinq ou fix pas des Ennemis
, qui tâcherent de redoubler
leur defence. Ils jetterent
quan
186 Hiftoire du Siege
quantité de feux d'artifice , fans
pouvoir endommager le Logement
qui touchoit leurs Palifades
. Un Croate Deferteur vint
avertir que les Ennemis avoient
receu un renfort de huit mille
hommes , & tiré de Stulweifembourg
huit groffes pieces de Canon
; que le Grand Viſir ayant
promis de récompenfer tous ceux
qui fe jetteroient dans la Ville,
plufieurs s'eftoient déja prefentez
, & que la nuit fuivante on
devoit venir attaquer le Camp
des Chrefliens par deux endroits .
Ce rapport fit qu'on la paffa toute
entiere fous les armes . On s'y
tint mefme le lendemain jufques
à midy , mais on ne vit que quelques
détachemens qui ne firent
que paroiftre, & fe retirerent prefque
auffi - toft.
Le 28. les Affiegeans fe fortific
de Bude.
187
1
fierent dans leur Logement, malgré
tout le feu des Affiegez qui
commença à diminuer. On ag
grandit la bréche du flanc de ce
Logement , & toutes chofes furent
heureuſement difpofées pour
reüffir dans l'affaut. La Baterie de
Suabe continua de faire grand
feu. Elle eftoit fur le panchant
de la Montagne d'où l'on tiroit
avec des Boulets enchaifnez,afin
qu'il fuft plus ailé d'abatre les
Paliffades. Ce mefme jour on
furprit on Turc qui eftoit encore
forty de la Ville à la nage . Il avoitpaffé
fous les deux Ponts , &
s'eftoit caché dans un trou au
de - là des Lignes . Il n'avoit fur
luy qu'une écharpe & un Sabre
avec une Lettre qu'il portoit à
l'Armée Turque pour l'Aga des
Janiffaires. Elle eftoit écrite par
ce
188 Histoire du Siege
celuy qui commandoit les Janiffaires
dans Bude , & n'avoit rien
de particulier , finon que l'Homme
que le Grand Vifir avoit envoyé
, eftoit entré dans la Ville,
& qu'elle eftoit fort preffe. Il fut
impoffible pendant tout le jour
de faire parler ce Turc , mais enfin
on l'intimida fi bien par les
menaces , qu'il avoüa fur le foir,
que le Commandant de Bude
l'avoit chargé de dire au Grand
Vifir, qu'il yavoit prés de quinze
jours qu'il eftoit campé devant
la Ville , & qu'il s'étonnoit que
fcachant le preffant danger où
ilfe trouvoit , il ne luy envoyat
pas un fecours confiderable ; que
les Troupes qu'il commandoit
témoignoient avoir moins de
courage que les Femmes de la
Ville , puifqu'on ne tentoit aucune
chofe , que pour luy il eftoit
re
de Bude. 189
refolu de fe défendre jufqu'à la
derniere goute de fon fang , mais
qu'il ne pouvoit répondre de la
Place s'il ne recevoit un prompt
fecours. Ce Turc ajoûta que le
Bacha luy avoit auffi donné ordre
de recommander la Ville de
Bude & l'honneur de l'Empire
Ottoman au Commandant des
Tartares ; qu'il y avoit encore
2000. hommes dans la Place , avec
quatre cens Janiffaires qui
s'y eftoient jettez le 20 que les
Affiegez s'eftoient bien retranchez
du coſté de l'Attaque des
Imperiaux ; que derriere la Paliffade
de la feconde brêche il y
avoit encore un Foffe & une autre
Paliffade , mais qu'ils n'avoient
point travaillé du cofté
du Chafteau , eſperant eſtre ſecourus.
Le 29. un Polonois vint ſe rendre
190 Hiftoire du Siege
dre le matin , & raporta que les
Infidelles devoient venir atta,
quer le Camp par trois endroits.
Peu de temps aprés , mille Spahis
& deux mille Janiffaires commandez
par deux Bachas, & foutenus
de quinze mille Tartares,
qui avoient ordre de leur faciliter
l'entrée dans la Ville, vinrent
du cofté d'Actoffen pour s'y jetter
, mais comme ils n'y trouve
rent point de paffage & qu'ils
virent qu'on faifoit fur eux une
vigoureufe décharge , ils gagnerent
une colline , d'où eftant enfuite
defcendus dans un Marais
qu'on trouve dans le Vallon , ils
furent envelopez par des Efcadrons
, à la tefte defquels eftoient
le Baron de Mercy & le General
Heufler , & par la garde des Bavarois
. Il en refta huit cens fur la
place. Ils avoient chacun trente
écus
de Bude. 191
écus qu'on leur trouva dans la
poche , le refte fut mis en fuite,
& il n'y en eut que quinze qui
purent paffer ; encore n'en entra↓
t- il que quatre dans la Ville , les
onze autres ayant eſté tuez avant
que d'y arriver. On coupa chemin
à cent Spahis , dont foixante
& feize furent paffez au fil de
l'épée par deux differentes Troupes
de celles de Brandebourg , &
quatre autres tuez dans le quar
tier du General. Le Baron de
Mercy receut trois coups de Sabre
dans cette action,un à l'épaule
, & deux à la tefte , Son Ayde
de Camp fut tué à ſes coftez .
Dans ce mefme temps les Affiegez
voulant faciliter l'entrée du
Secours , hazarderent une Sortie,
mais les Bavarois qui avoient la
garde de la Tranchée , les contraignirent
de fe retirer avec perte
192 Hiftoire du Siege
te de cinquante hommes. D'un
autre cofté l'Armée des Ennemis
vint en ordre de Bataille vers les
Lignes du Camp de Baviere ,
mais elle ne tenta rien , & le
Grand Vifir ayant veu paroiſtre
vingt cinq Efcadrons du corps
d'Armée du Comte de Scherffemberg
qui paffoient le Pont du
Danube , fous le commandement
du General Picolomini , prit le
parti de fe retirer. On gagna
trente Drapeaux, la plufpart rou
ges , les autres eftoient de differentes
couleurs. On fceut par un
Deferteur , que des trois mille
Janiffaires ou Spahis qui avoient
juré au Grand Vifir qu'ils ne reculeroient
, ny ne fuiroient point,
il n'en eftoit pas retourné plus de
cinq cens.
Le 30.quatre Chreftiens écha
pez des mains des Infidelles , fe
rendi
de Bude.
193
Jap
rendirent dans le Camp , & rapporterent
que l'Armée Ottomane
eftoit allée camper une lieuë plus
loin que la plufpart de leurs
Troupes defertoient avec les Drapeaux
, & qu'elles avoient une
grande difette de vivres . Ce mef
me jour le Comte de Scherffemberg
arriva de Tranfilvanie avec
les trois Regimens d'Infanterie ,
de Sherini , de Scherffemberg ,
de Spinola , & le refte de la Cavalerie
, fçavoir soo . Hongrois &
les Regimens de Picolomini ; de
Veterani , de Sainte Croix ; de
Magni , & de Tefvin. Celuy de
Sherini fut joint au corps de Ba
viere , & les autres allerent occu
per le terrein qui reftoit vuide
du cofté de la baffe Ville , depuis'
la droite des Imperiaux jufques
au Dambe."
Le 31 on eit avis, que fept
isque I
194 Hiftoire du Siege
mille Tartares s'eftoient avancez
vers Gran , afin d'empécher
qu'il ne defcendift des vivres
pour les Affiegeans. On entendit
mefme tirer le Canon de cette
Ville. Les Bavarois firent mener
de nouvelles Pieces fur leurs Batteries
à la place de celles qui avoient
eſté gaſtées . Les Troupes
demeurerent fous les armes toute
la nuit , fur ce que le bruit
s'eftoit répandu le foir , que l'Armée
des Infidelles s'eftoit mife
en marche pour les venir attaquer.
Le premier jour de Septembre
on ne ceffa de jetter dans la
Ville des Carcaffes & des Bombes
, & de battre les Paliffades
avec le Canon . Ce mefme jour on
tint un Confeil de Guerre , où ſe
trouverent tous les Generaux
des Troupes auxiliaires . Il fut
agité
de Bude.
195
agité fi l'on iroit attaquer le
Grand Vifir en laiffant affez de
Troupes pour continuer le Siege
, où fi on l'attendroit dans
les Lignes. Plufieurs crurent qu'il
falloit aller aux Ennemis & profiter
de la confternation où les
mettoit la perte qu'ils avoient faite,
mais l'avis contraire l'emporta
, & on refolut de donner l'affaut.
Cette reſolution fut tenuë
fecrette , & le Prince Charles fit
fortir des Lignes trente mille
hommes de Cavalerie & dix mille
d'Infanterie qu'il fit ranger en
Bataille dans la plaine oppofée
au front du terrain que les Infidelles
occupoient > comme s'il
euft eu deffein de les aller attaquer.
Il les empefchoit par là de
faire des détachemens pour le
fecours de la Place. Les Generaux
qui eurent le commande-
I ij
196
Hiftoire du Siege
ment de la Cavalerie , furent le
General Bielke , le Prince Eugene
de Savoye , & les Comtes de
la Torre & d'Arco . Le General
Steinau & le Comte d'Afpremont
commanderent l'Infanterie.
Les ordres furent enfuite
donnez pour l'affaut . Le Comte
de Souches fut commandé pour
l'Attaque de la droite, & le Comte
de Scherffemberg le fut pour
la gauche, chacun avec trois mille
chevaux choifis , & un pareil
nombre d'hommes de pied . La
marche des Volontaires , qui attendoient
ce grand jour avec une
extreme impatience , fut ordonnée
entre les deux aifles, avecordre
de ne pas preceder les premieres
files.
Le 2 . tous les Generaux ſe
trouverent à cheval fi- toft que le
jour parut . Ils allerent vifiter les
Tra
de Bude.
197
Travaux , & le Prince Charles
ayant fait venir les Officiers Ma-.
jors dans fa Tente , les avertit de
tenir toutes les Troupes preftes
pour donner l'affaut à deux heures
aprés midy. L'Electeur de Baviere
n'oublia de fon cofté aucun
des ordres qui pouvoient
eftre neceffaires pour achever de
fe rendre maiftres du Chateau.
Le General Schoning tint auffi
toutes chofes difpofées à l'attaque
de Brandebourg , & d'abord
que le Signal cut efté donné par
fix Pieces de Canon tirées du
quartier des Troupes de Suabe,
quatre Capitaines fuivis chacun
de cinquante Grenadiers , avec
quatre Lieutenans , quatre Sergens
, & les autres Officiers inferieurs
, marcherent à la droite
de l'Attaque. Le Baron d'Afti
eftoit à leur tefte , & ils eftoient
I iij
198 Hiftoire du Siege
fouftenus de deux cens Moufquetaires
que commandoient
quatre Capitaines & d'autres
Officiers fubalternes, ayant à leur
tefte un Lieutenant Colonel &
un Major. Ceux - cy eftoient fuivis
de cent hommes armez d'une
demie Pique & d'un Sabre , chacun
avec deux Piftolets de ceinture
. On fit marcher à quelque
diſtance trois cens Arquebufiers
commandez par quatre Capitaines,
& trois Bataillons de reſerve
les fuivoient. Ils eftoient chacun
de fix cens hommes avec leurs
Officiers. La difpofition de la
gauche fut pareille . Toute la difference
qu'il y eut , c'eſt que cent
cinquante Arquebufiers furent
les premiers qui s'avancerent, &
qu'ils n'eftoient precedez que de
cinquante Grenadiers , & de
vingt- cinq à trente hommes armez
de Bude. 199
mez de Pertuifanes , d'une Epée,
& d'une Hache . Tout fut difpofé
de la muc torte à l'Attaque
de Daviere, & à celle de Rrandebourg
, & jamais Affaut ne fut
entrepris avec plus d'ardeur , &
plus d'intrepidité . Le Baron
d'Afti qui avoit l'Avant- garde
des Grenadiers , & qui marchoit
à leur tefte , fut bleffé d'abord,
& le Sieur Bifchoff- haufen , Sergent
Major du Regiment de Diepenthal
, prit le Commandement
en fa place. Quoy qu'ils fuffent
foûtenus des Bataillons qu'on avoit
fait fuivre , ils trouverent
une fi furieuſe refiftance de la
part des Affiegez , qu'ils furent
contraints de reculer. Outre la
grande quantité de facs à poudre
qu'on jetta fur eux , les Ennemis
firent jouer une Mine qui
leur caufa un fort grand defor-
I iiij
200
Hiftoire du Siege
dre. Ils retournerent une feconde
fois à l'affaut avec une vigueur
extraordine , & ils ne
Purent encore obliger les Tercs
a fuir , mais enfin aprés une tresrude
Efcarmouche qui dura une
heure devant la Ville , les Affiegez
ayant perdu courage par la mort
du Commandant qui fut tué fur
la Bréche , ils firent fi bien qu'ils
vinrent à bout d'arracher les
Paliffades , & de forcer leurs
Retranchemens. Ils y trouverent
huit cens Janiffaires qu'ils taillerent
en pieces , fans avoir aucun
égard à la poſture foûmife
où ils fe mirent en leur demandant
quartier , & jettant leurs
Armes bas. Quelques - uns d'entre
eux voyant qu'ils ne vouloient
épargner perfonne , reprirent
leurs Armes , fe défendirent
en defefperez , & firent
jouër
•
de Bude. 201
jouer un Fourneau dont plufieurs
Maifons fauterent . Le feu
du Fourneau fe communiqua à
une certaine machine qu'il avoient
difpofée auparavant , &
produifit un autre feu bien plus
dangereux qui couroit de place
en place, & que perfonne ne prenoit
le foin d'efteindre , parce
que les Victorieux eftoient alors
occupez à pourfuivre , & à exterminer
tout ce qui pouvoit
refter d'Ennemis dans la Ville ,
où quelques ordres que les Of
ficiers puffent donner , il fut impoffible
d'empefcher le carnage.
Ainfi l'embrafement fut prefque
general. Ceux de Brandebourg
entrerent en mefme temps dans
la Ville , & penetrant dans les
rues au travers des flâmes , ils
firent main baffe fur tout ce
qu'ils rencontrerent , fans épar
I v
202 Hiftoire du Siege
gner Vieillards , Femmes & Enfans
. Les Victorieux n'en confultoient
que la fureur qui les
animoit , & qui les portoit à fe
vanger de l'opiniâtre reſiſtance
que ces malheureux avoient faite
fur la Bréche à force de Bombes
, de Mines , de Pots à feu &
autres machines roulantes qu'ils
avoient jettées à la faveur de
leur Moufqueterie , & d'une
grefle de fléches. Cependant la
Cavalerie qu'on avoit tirée des
Lignes fous les Generaux nommez
pour la commander eftoit
demeurée , ainsi que l'Infanterie,
toûjours en action , & en Bataille
avec les Ennemis , dont
l'Armée , non feulement avoit
paru de ce coſté là , mais meſme
avoit commencé à attaquer l'Avantgarde
des Chreftiens. D'un
autre cofté les Generaux Sherini
,
de Bude.
203
rini, la Vergne & de Beck , n'ou
blierent rien pour achever de
fe rendre maiftres de ce qui reftoit
à occuper du Chateau,
fouftenant avec un courage tout
heroïque l'affaut qu'ils y avoient
donné , & en mefme temps les
Grenades & les Pierres que jettoient
les Janiffaires , qui ne fçachant
encore rien du fuccez de
l'autre attaque , faifoient leurs
derniers efforts pour fe maintenir
fur une hauteur d'où dépendoit
la confervation du Chafteau.
Pendant qu'ils fe deffendoient
avec toute la bravoure
qu'on peut attendre de gens.
auffi aguerris que determinez ,
les Turcs qui eftoient auparavant
de l'autre cofté , s'eftoient
venus retirer de celuy - cy , partie
du cofté de la Riviere , &
partie du cofté du Chaſteau où
ils
204 Hiftoire du Siege
ils avoient merveilleufement renforcé
les Janiflaires. Pour s'oppofer
au fecours qu'ils leurs donnoient
, l'Electeur de Baviere ,
qui remarqua que le Grand Vifir
n'agifloit point , & qu'il ne
faifoit mine d'aucun mouvement
, commanda le Comte d'Apremont
avec 500. hommes , &
le fit aller à l'affaut avec les autres
pour les foûtenir. Le Prince
Louis de Bade s'apercevant de
l'inevitable neceffité qu'il y a
voit de s'emparer de la hauteur
qui occupoient encore les Affiegez
, pour le rendre enfuite maifres
du bas où ils avoient plufieurs
places d'armes & autres
Logemens , paffa luy mefme de
ce coflé-là , & ordonna de l'efcalader
& de grimper au deffus,
ce qui fut fait fi heureuſement,
que
de Bude.
205
que l'on envoya une grefle de
de moufquerades & de Grenades
fur les Turcs qui fe voyant foudroyez
de cette forte , arborerent
un Drapeau blanc , & jufques à
leurs Turbans , criant de toute
leur force qu'on leur donnaft
quartier & la vie. Il y en cut
plufieurs , qui ne voulant point
attendre ce qu'on refoudroit, pafferent
par deffus le mur d'un
chemin couvert , & tâcherent de
fe fauver avec quelques Juifs par
le Danube dans de petits Bateaux
qu'ils trouverent mais
les Tolpazes les ayant atteints
avec leurs Saiques , coulerent à
fond plufieurs de ces petits Baftimens
, tuerent la plupart de
ceux qui avoient cru s'échaper,
& les autres qui avoient déja
paffe la Riviere , furent taillez
2
en
206
Hiftoire du Siege
>
en pieces , ou faits prifonniers
par les Hongrois qui eftoient
dans Peft . L'Electeur de Baviere
accorda la vie au Lieutenant
du Bacha & à plus de
douze cens hommes , qui voyant
les Imperiaux Maitres de la
Place , l'avoient fuivy dans une
Rondelle où il s'eftoit retiré
entre le Chafteau & la Ville.
Il fit de mefine quartier à ce qui
reftoit de Turcs dans le Chafteau
, d'où il les envoya fous
bonne garde dans une grande
Mofquée & dans un grand Magafin
. Les Soldats qu'on ne
put faire revenir fi - toft de leur
premiere fureur , affommerent
& jetterent dans la Riviere les
vieilles Gens fans nulle diftinction
de Sexe , & il y en eut
quelques - uns de fi
,
cruels ,
qu'ayant
de Bude.
207
cruautez ,
qu'ayant trouvé des Femmes
avec des Enfans de deux ou trois
mois , ils leur ouvrirent le ventre
, & y fourrerent ces miferables
Enfans. L'Electeur de Baviere
, & le Comte de Stratman ,
Chancelier de l'Empereur , qui
arriverent dans la Ville pendant
que l'on commettoit ces
ne pûrent les faire
ceffer qu'aprés des défenfes tres
rigoureufes , & plufieurs fois reïterées.
Le feu eftoit répandu par
tout , & avec le fang qui couloit
de tous coftez , il est aisé de
s'imaginer quel affreux Spectacle
offroit cette trifte Ville abandonnée
au pillage . Cependant
la principale Mofquée , qui
avoit efté autrefois l'Eglife de
Saint Etienne , Roy de Hongrie
, fut préfervée de l'embrafement,
208
Hiftoire du Siege
>
fement , ainfi qu'un grand Magafin
, dans lequel eftoient quantité
de vivres , & un autre plein
de poudres . Ces deux Magalins
furent confervez par les foins
du Commiffaire Rabata qui
eut là - deffus beaucoup de conduite
& de vigilance . On perdit
prés de deux cens hommes
à l'Attaque de Lorraine , avec
le Marquis de Spinola , Colonel
d'un Regiment d'Infanterie . Il
y eut trois cens cinquante Soldats
tuez à celle de Baviere , à
caufe d'un Fourneau que les Ennemis
y firent jouër . Le Comte
de Tartembac fut auffi tué à
cette Attaque , & le Comte de
Zacco , Major du Regiment
d'Alpremont , y fut bleffé à
mort ainfi que le Sieur Mon-
.ticolli , Capitaine dans le meſme
>
Re
de Bude . 209
Regiment. Ceux de Brandebourg
ne perdirent que cent
hommes , & le nombre des Blef
fez ne fut que de quatre cens
dans toutes les trois Attaques .
11 y eut plus de trois mille hommes
tuez ce jour- là - du cofté des
Affiegez . On jetta les corps des
Turcs & des Juifs dans la Riviere
, & les Chretiens furent enterrez.
Le Lieutenant du Bacha
dit qu'au commencement du Siege
la Garnifon eftoit de dix mille
Janiffaires , fans compter les Juifs
& les Habitans capables de porter
les armes , qui faifoient encore
plus de cinq mille hommes.
L'Aga des Janiffaires &
le Mufthi demeurerent prifonniers
avec ce Lieutenant du Bacha
, & plufieurs autres Offciers.
L'Aga fut donné au Prince
Char
210 Hiftoire du Siege
Charles. Cette conqueſte eft
d'autant plus glorienfe , qu'elle
s'eft faite à la veuë de l'Armée
des Ottomans , qui fans ofer rien
tenter , ont laiffé prendre une
Ville auffi importante que Bude,
& dont ils eftoient en poffeffion
dépuis cent quarante-cinq ans.
On dit que lors qu'ils connurent
que les Chreftiens y eftoient entrez
, ils s'arracherent la barbe
de defefpoir , & fe jetterent par
terre. Le foir ils fe retirerent à la
faveur de la nuit .
dans la Place trois à
On a trouvé
quatre cens
dont il dont y en
pieces de Canon ,
a quantité d'un fort grand calibre
, avec foixante Mortiers,
& un nombre incroyable de Boulets
, de Grenades , de Carcaffes ,
de Bombes , & d'autres Machines
de Guerre. On fit environ
deux
de Bude. 211
deux mille prifonniers , & l'on
prit plus de cent Juifs qui s'eftoient
refugiez dans leur Synagogue.
Le Prince Charles fit tout
ce qu'on peut attendre d'un
grand & experimenté Capitaine,
donnant les ordres par tout où
fa prefence eftoit neceffaire , &
n'oubliant rien de ce qui pouvoit
contribuer à l'heureux fuccés
de cette grande journée . L'Electeur
de Baviere s'y acquit
beaucoup de gloire , & fit
roiftre combien il eft intrepide
par la maniere dont il s'expofa
au feu. Tous les Volontaires
chercherent à fe fignaler à l'envy
les uns des autres , & le Prince
de Commercy donna d'éclatantes
marques de valeur &
de courage. Comme ils pouvoient
fe trouver par tout , le
pa-
Mar
212
Hiftoire du Siege
allerent
Marquis de Blanchefort , & le
Marquis de Souvray
dans tous les Poftes où le peril
eftoit le plus apparent. C'eſt ce
qu'ils avoient déja fait pendant
tout le Siege, n'ayant laiffé échaper
aucune occafion , quelque
dangereufe quelle fuft , fans y
courir avec une ardeur qui ne
fe peut exprimer. Le Prince
Louis de Bade receut un coup
de Moufquet qui luy éfleura la
chair. Il monta un des premiers
à l'affaut , & anima les Soldats
par fa valeur . Le Prince Euge
ne de Savoye , qui eft fon Coufin
Germain , ne fe diftingua
pas
moins. Il avoit cfté deftiné
à l'Eglife , mais le Chevalier de
Savoye , fon Frere , qui commandoit
un Regiment de Dragons
au fervice de l'Empereur,
eftant
de Bude .
2137
eftant mort au Siege de Vienne,
il refolut de quitter l'Etat Ecclefiaftique
, & s'eftant rendu en
pofte à ce mefme Siege aprés a--
voir efté faluër S. M. I. qui étoit '
à Lints , il s'y fignala , & acheva
la Campagne en qualité de Volontaire
, âgé feulement de dixneuf
ans. L'Empereur voulant
reconnoiftre la valeur de ce jeune
Prince , luy donna un Regiment
de Dragons , à la tefte duquel
il fervit la Campagne fui- :
vante , & fit des chofes au delà !
de fon âge à la prife de Strigonie,
& au premier Siege de Bude , où
il fut bleffé d'un coup de Moufquet
au bras. Aprés la Campa
gne, il alla voir le Duc de Savoye
Chef de fa Maifon , qui le receut
avec toutes les marques d'honneur
deuës à ſa naiffance & à fon
me
214 Hiftoire du Siege
merite. Il paffa de là à Veniſe , revint
à la Cour de l'Empereur , &
fe trouva àla Prife de Neuhaufel
& autres Places . Au retour.
de cette Campagne , quoy qu'il
n'euft alors que vingt & un an,
l'Empereur le fit General Major.
de fes Troupes fur la fin de l'année
derniere . Le Siege de Bude
ayant efté refolu , il fe rendit au
Camp des Impériaux pour y faire
les fonctions de cet employ , dont
il s'eft acquité avec toute la gloire
poffible.
Si-toft
que
la Place
eut eſté
prife
, le Prince
Antoine
de Neubourg
, Grand
Maiftre
de l'Or.
dre Teutonique
, & le Prince
de Commercy
partirent
pour
en
apporter
la nouvelle
, l'un à l'Empereur
, & l'autre
à l'Imperatrice
.
Doüairiere
, le Comte
de Sherini
,
de Bude. 215
rini , dépefché par l'Electeur de
Baviere , l'apporta à l'Electrice fa
Femme. Le Comte de Konigfeeck
fut auffi dépeſché par le
Prince Charles avec le grand
Drapeau des Turcs trouvé dans
Bude qu'il apporta au Prince Hereditaire
Imperial .
Le 3. le Prince Charles & les
Generaux vinrent au Quartier
de l'Electeur de Baviere , où le
Te Deum fut chanté au bruit des
Trompettes , des Timbales , &
des Canons , dont on fit faire trois
décharges autour des Lignes. On
mit auffi le feu aux Bombes qu'on
y avoit enterrées pour les Ennemis,
s'ils euffent ofé entreprendre
de les
attaquer.
Le 6. toute l'Armée partit en
bon ordre pour marcher du cofté
du Pont d'Effeck. On laiffa
dans
216 Hiftoire du Siege de Dude.
dans Bude les Regimens d'In-1
fanterie de Beck , de Salme &
de Diepenthal , avec des détachemens
des Alliez fous le
Commandement du Baron de
Beck .
F I
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Résumé : HISTOIRE DU SIEGE DE BUDE.
Le siège de Buda, capitale stratégique du royaume de Hongrie, fut marqué par plusieurs événements militaires significatifs. En 1526, après la mort du roi Louis II à la bataille de Mohács, Jean de Zapolya et Ferdinand de Bohême se disputèrent le trône. Ferdinand, soutenu par Charles Quint, prit Buda mais dut la rendre en 1529 après l'intervention de Soliman le Magnifique, qui rétablit Jean de Zapolya. À la mort de ce dernier, sa veuve Élisabeth envoya leur fils Étienne à Soliman, qui s'empara de Buda en 1541 sans combat. La ville resta sous domination ottomane jusqu'en 1686. Plusieurs sièges eurent lieu par la suite. En 1598 et 1602, l'archiduc Mathias échoua à prendre la citadelle. En 1684, le prince Charles de Lorraine commença un siège mais dut se retirer. Le cinquième et dernier siège, en 1686, fut mené par une armée chrétienne confédérée et aboutit à la prise de Buda, rétablissant ainsi la domination chrétienne sur la ville. Les préparatifs du siège de 1686 inclurent la revue des troupes et les travaux de circonvallation. Les attaques impériales et bavaroises désorganisèrent les batteries des assiégés, ouvrant une brèche dans la muraille. Les combats furent intenses, avec des pertes des deux côtés. Le 2 septembre 1686, les troupes impériales entrèrent dans Buda après une résistance farouche. Les pertes furent lourdes : les troupes de Brandebourg perdirent 100 hommes, les forces adverses 400, et 3 000 hommes furent tués du côté des assiégés. Les corps des Turcs et des Juifs furent jetés dans la rivière, tandis que les chrétiens furent enterrés. La garnison comptait 10 000 janissaires, 5 000 Juifs et habitants armés. Plusieurs officiers ottomans furent capturés. La conquête de Buda eut lieu sous les yeux de l'armée ottomane, qui se retira sans intervenir. Dans la ville, on découvrit 400 pièces de canon, 60 mortiers et une grande quantité de munitions. Environ 2 000 prisonniers furent faits, dont plus de 100 Juifs réfugiés dans leur synagogue. Le Prince Charles et l'Électeur de Bavière se distinguèrent par leur bravoure, ainsi que le Prince Eugène de Savoie. Après la prise de la ville, un Te Deum fut chanté pour célébrer la victoire.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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280
p. 126
MADRIGAL.
Début :
Les Siamois, ces Testes Bazanées, [...]
Mots clefs :
Siamois, Esprit, Dieu
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texteReconnaissance textuelle : MADRIGAL.
MADRIGAL. LEs Siamois, ces Testes Basanées
,
Ont de espritassurement..
Lassezde chercher vainement
Le Dieu qu'ils ont perdu Idepui4
longues années
Avec des Tréfors znoiïis
Ilsfont venus en diligence
Voirs'ilnesenispoint en France
Caché dans lAuitific LOrIS.
,
Ont de espritassurement..
Lassezde chercher vainement
Le Dieu qu'ils ont perdu Idepui4
longues années
Avec des Tréfors znoiïis
Ilsfont venus en diligence
Voirs'ilnesenispoint en France
Caché dans lAuitific LOrIS.
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281
s. p.
AU LECTEUR.
Début :
Ceux qui ne jugent des Ouvrages que par le Titre, [...]
Mots clefs :
Siam, France, Titre, Partie, Livre, Roi, Voyage, Ambassadeurs, Description
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AU LECTEUR.
AU LECTEUR.
Eux qui ne jugent dei
Ouvrages quepar le Titre
)
sans fè donner 14
peine d'en rien lire5 & sans faire
mesme un injlant de reflexion sur
ce qutlsvoyent, pourront se rebu.
ter d'abord du mot de Siam qu'ils
trouveront à la tefie de lafecende
Partie de ce Mercure. {0 dire que
cefltrop parlerfurune mefrne mat\
ere> cependant avec une mefmc
matiere on fait tous les jour! mille
chojesdifférentes On pur"V
< FL
gures £Homm°s & d\Anim-.nx
avec du Marbre, AUJJIbv n que
des colomnes,&tout ce qu'onveut
fairerepresenter, c& 1-i fuite dn
Livrefoenquil ait le mesme Titre
t ne doit avoir que le Titre de
commun avec ce quil'a précédé.Il
fautfeparerce quireperde les Livre*
qui parlent de Shtm en deux
matières3 qui renferment deux
dmbafjad?.;fçavoir Ârr. baJJade
de M le ChevalierdeCb-vmont
AU Royaume de Siam, FFR) celle des
j4rrib-jfadeurs du Roy de Siam en
France. Ldmbajfade de M1 le
Chevalier de Chaumont a esle
faite par luy
-
mejme en un seul
~c~~w~~r la me/me Ambajjade,
& non 1afuite>a eslé mise dans le-
Mercure de Juillet, & dans un
Volume entier qui luy [en de fécondé
Partie. On a traite le mefme
sujet,parce qu'on a eu divers Memoires
pour faire cette R lation
plus ample 3&tout ce qui r rardecctte
AmbaJJade efl finy dans ces
trois Volume4. A-inif il rieflplusquefilon
que de ïAmi? ffide des
(" F C '1 l ,
)
ySiamoisen France. Celle a riessit;
ppOoiinntt doOuUbUleit}.,rinayant -fié traitée- l'ffe traueeque
par le stul Autheur du Mercure.
Le premier Prolumea pou*
Titre, Voyage des Ambassadeurs
deSiam en France contenant
la Reception quileur
a esté faite dans les Villes où
ils ont pafle^ leur Entrée à
Paris, les Ceremonies observées
dans l'Audience qu'ils
ont euë du Roy, & de la Mait>
n Royale, les Complimens
quils ont faits,la Description
des lieux ou ils ont ciléy& ce
qu'ils ont dit de remarquablefîiriout
ce au'ils ont veu.
Le secondVolume est intitul*é,
Suite du Voyage des Ambassadeurs
de Siam en France,
contenant ce qui s'est pasle
à l'Audience de Madame la
Dauphine,des Princesses du
Sang, & de MC; de Croissy
& deSeignelay, avec une
Description exacte des Chafteaux,
Appartenons, Jardins,
& Fontaines de Versailles,
S. Germain, Marly,& Clagny;
de la Machine de Marly
, des Invalides, de l'Observatoire,&
de ce que ces
Ambassadeurs ont veu dans
tous les autres lieux où ilsont
esté depuis la premiere Relation,
à quoy l'on a joint le
Discours qu'ils ont fait au
Roy.
AU LECTEUR.
Onpeut'voirpar ces deux Titres,
que ces Ouvrages ne parlent
point desmesmesebofes,mais on
Avertiticy que l'extrême curio/îté
desAmbdfjadeurs de Siam ayant
toujoursaumente,&leurayant
faitdemanderl'explrcaton de tout
ce qu'ilsrntv>u, {."S mrMerei qui
font dans leje. ndjournal de cette
j4mbc\j]ttde, font t>\rtee$encre
plus à fond que dans le pr:micr
Volume) & que les AUnfns
Royales3&surtout Verfaillesty
font décrites avec tvite texachtuÀe
pGjJt!?!?
,
$ff d'une maniéré à
donner autant dintelligence sux
curieux, que s'ils avoient le Plan
AU LECTEUR.
ala main. On peut dire que l'on
verra dans ce Vo!ume la feule
Description de Verfailles qui ait
elle jufquizydonnée au Public,
les
Lambeaux
qui en ontparu ne
pouvant pas monter à la vingtième
partie de ce qu'ony trouvera9
& les chofis mesmesayant entierement
changé de figure depuis ce
temps-là. On ne dit rien du refledu
Livre qui contientJeptou huit
autres Articles aussi curieux quenouveaux,
cess à dire
, qui riont
point encore esié imprime^
On peut cuire que cette Amhajfiade
ayant déja remply deux
Volumesy on ne la laissera po
AU LECTEUR.
imparfaite, sans quoy ce qu'on a
donné au Public ne pajfroit que
pour des Fragmens. Ainftaprès
avoir fait un Journal de tout ce
qui regarde les Ambajpideurs depuis
Tïrefk, où on les a pris en
débarquant, on les y reconduit,
afin que tous ces Volumes ensemble
ne fajftnt qu'un corps de cette
Ambajfiidcyqui pourratenirrang
parmy les Voyants les plus cu- rieux qui pourraeflre utile à
tous les Ambassadeursquiviendronten
France,pour leur appren,
ire ce qu'ils doivent voir. Les Lu
wm dambaeades ont toûjouri
ffiéfort recherchez
3 c, nous ne
AU LECTEUR.
connoiffions point mieux taChine
que dans un Livre in folioremply
de Figures, qui décrit lagrande
udmbaffiade que les HolLudoisy
firent en léçj. dédié a feu Mt
Colbert. On noubliera pas dans
lIt fécondé Partie de ce Iournalle
Voyage de Flandres, qui afait
connoifireauxdmbajfia.deur$ la
Grandeur du RoyJ &qui enfaifiantvoir
mille ebofiesquiregardent
la Guerre3 n'a pas laififéd'eflre
tout remply de Fejles dr de
'galanteries. On ne marque point
qu'onnelaififera rien à dire sur
cette mattere
y
on peut voirsil'on
a traité à fiond celle que renserAU
LECTEUR.
ment les deux Volumes de celte
.ArnbajJadej dont le dernier vient
de paroistre avec celuy-cy.
Eux qui ne jugent dei
Ouvrages quepar le Titre
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sans fè donner 14
peine d'en rien lire5 & sans faire
mesme un injlant de reflexion sur
ce qutlsvoyent, pourront se rebu.
ter d'abord du mot de Siam qu'ils
trouveront à la tefie de lafecende
Partie de ce Mercure. {0 dire que
cefltrop parlerfurune mefrne mat\
ere> cependant avec une mefmc
matiere on fait tous les jour! mille
chojesdifférentes On pur"V
< FL
gures £Homm°s & d\Anim-.nx
avec du Marbre, AUJJIbv n que
des colomnes,&tout ce qu'onveut
fairerepresenter, c& 1-i fuite dn
Livrefoenquil ait le mesme Titre
t ne doit avoir que le Titre de
commun avec ce quil'a précédé.Il
fautfeparerce quireperde les Livre*
qui parlent de Shtm en deux
matières3 qui renferment deux
dmbafjad?.;fçavoir Ârr. baJJade
de M le ChevalierdeCb-vmont
AU Royaume de Siam, FFR) celle des
j4rrib-jfadeurs du Roy de Siam en
France. Ldmbajfade de M1 le
Chevalier de Chaumont a esle
faite par luy
-
mejme en un seul
~c~~w~~r la me/me Ambajjade,
& non 1afuite>a eslé mise dans le-
Mercure de Juillet, & dans un
Volume entier qui luy [en de fécondé
Partie. On a traite le mefme
sujet,parce qu'on a eu divers Memoires
pour faire cette R lation
plus ample 3&tout ce qui r rardecctte
AmbaJJade efl finy dans ces
trois Volume4. A-inif il rieflplusquefilon
que de ïAmi? ffide des
(" F C '1 l ,
)
ySiamoisen France. Celle a riessit;
ppOoiinntt doOuUbUleit}.,rinayant -fié traitée- l'ffe traueeque
par le stul Autheur du Mercure.
Le premier Prolumea pou*
Titre, Voyage des Ambassadeurs
deSiam en France contenant
la Reception quileur
a esté faite dans les Villes où
ils ont pafle^ leur Entrée à
Paris, les Ceremonies observées
dans l'Audience qu'ils
ont euë du Roy, & de la Mait>
n Royale, les Complimens
quils ont faits,la Description
des lieux ou ils ont ciléy& ce
qu'ils ont dit de remarquablefîiriout
ce au'ils ont veu.
Le secondVolume est intitul*é,
Suite du Voyage des Ambassadeurs
de Siam en France,
contenant ce qui s'est pasle
à l'Audience de Madame la
Dauphine,des Princesses du
Sang, & de MC; de Croissy
& deSeignelay, avec une
Description exacte des Chafteaux,
Appartenons, Jardins,
& Fontaines de Versailles,
S. Germain, Marly,& Clagny;
de la Machine de Marly
, des Invalides, de l'Observatoire,&
de ce que ces
Ambassadeurs ont veu dans
tous les autres lieux où ilsont
esté depuis la premiere Relation,
à quoy l'on a joint le
Discours qu'ils ont fait au
Roy.
AU LECTEUR.
Onpeut'voirpar ces deux Titres,
que ces Ouvrages ne parlent
point desmesmesebofes,mais on
Avertiticy que l'extrême curio/îté
desAmbdfjadeurs de Siam ayant
toujoursaumente,&leurayant
faitdemanderl'explrcaton de tout
ce qu'ilsrntv>u, {."S mrMerei qui
font dans leje. ndjournal de cette
j4mbc\j]ttde, font t>\rtee$encre
plus à fond que dans le pr:micr
Volume) & que les AUnfns
Royales3&surtout Verfaillesty
font décrites avec tvite texachtuÀe
pGjJt!?!?
,
$ff d'une maniéré à
donner autant dintelligence sux
curieux, que s'ils avoient le Plan
AU LECTEUR.
ala main. On peut dire que l'on
verra dans ce Vo!ume la feule
Description de Verfailles qui ait
elle jufquizydonnée au Public,
les
Lambeaux
qui en ontparu ne
pouvant pas monter à la vingtième
partie de ce qu'ony trouvera9
& les chofis mesmesayant entierement
changé de figure depuis ce
temps-là. On ne dit rien du refledu
Livre qui contientJeptou huit
autres Articles aussi curieux quenouveaux,
cess à dire
, qui riont
point encore esié imprime^
On peut cuire que cette Amhajfiade
ayant déja remply deux
Volumesy on ne la laissera po
AU LECTEUR.
imparfaite, sans quoy ce qu'on a
donné au Public ne pajfroit que
pour des Fragmens. Ainftaprès
avoir fait un Journal de tout ce
qui regarde les Ambajpideurs depuis
Tïrefk, où on les a pris en
débarquant, on les y reconduit,
afin que tous ces Volumes ensemble
ne fajftnt qu'un corps de cette
Ambajfiidcyqui pourratenirrang
parmy les Voyants les plus cu- rieux qui pourraeflre utile à
tous les Ambassadeursquiviendronten
France,pour leur appren,
ire ce qu'ils doivent voir. Les Lu
wm dambaeades ont toûjouri
ffiéfort recherchez
3 c, nous ne
AU LECTEUR.
connoiffions point mieux taChine
que dans un Livre in folioremply
de Figures, qui décrit lagrande
udmbaffiade que les HolLudoisy
firent en léçj. dédié a feu Mt
Colbert. On noubliera pas dans
lIt fécondé Partie de ce Iournalle
Voyage de Flandres, qui afait
connoifireauxdmbajfia.deur$ la
Grandeur du RoyJ &qui enfaifiantvoir
mille ebofiesquiregardent
la Guerre3 n'a pas laififéd'eflre
tout remply de Fejles dr de
'galanteries. On ne marque point
qu'onnelaififera rien à dire sur
cette mattere
y
on peut voirsil'on
a traité à fiond celle que renserAU
LECTEUR.
ment les deux Volumes de celte
.ArnbajJadej dont le dernier vient
de paroistre avec celuy-cy.
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Résumé : AU LECTEUR.
Le texte met en garde les lecteurs contre le jugement hâtif des ouvrages uniquement par leur titre, soulignant que le mot 'Siam' peut prêter à confusion. Il existe deux principaux ouvrages sur l'ambassade des Siamois en France : celui du Chevalier de Chaumont et celui des ambassadeurs du roi de Siam. Le premier ouvrage, écrit par le Chevalier de Chaumont, a été publié en plusieurs parties, dont une dans le Mercure de Juillet et un volume entier. Ce sujet a été repris en raison de la disponibilité de divers mémoires enrichissant la relation de l'ambassade. Le premier volume, intitulé 'Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', décrit la réception des ambassadeurs dans les villes traversées, leur entrée à Paris, les cérémonies lors de l'audience royale, les compliments échangés, et les descriptions des lieux visités. Le second volume, intitulé 'Suite du Voyage des Ambassadeurs de Siam en France', couvre les audiences avec Madame la Dauphine, les princesses du sang, et des ministres, ainsi que des descriptions détaillées des châteaux, jardins, et autres lieux visités. Les ouvrages ne traitent pas des mêmes sujets mais répondent à la curiosité croissante des ambassadeurs de Siam, qui ont demandé des explications sur tout ce qu'ils ont vu. Les descriptions des lieux, notamment de Versailles, sont très détaillées et exactes, offrant une intelligence complète aux curieux. Le troisième volume promet de compléter l'ambassade, offrant une description exhaustive et utile pour les futurs ambassadeurs. Le texte mentionne également d'autres ouvrages, comme celui sur l'ambassade hollandaise en Chine dédié à Colbert, et un journal de voyage en Flandre, qui montrent la grandeur du roi et la guerre sans se concentrer sur des sujets frivoles.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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282
s. p.
A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
Début :
MONSEIGNEUR, Entre les merveilles que les Ambassadeurs de Siam ont [...]
Mots clefs :
Monseigneur, Comte de Toulouse, Sang, Monde, Admiration, Rang, Éclat
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texteReconnaissance textuelle : A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
A MONSEIGNEUR
MONSEIGNEUR
LE COMTE
DE
THOULOUSE ,
* GRAND ADMIRAL
M
DE FRANCE.
ONSEIGNEUR ,
Entre les merveilles que les Ambas-
Sadeurs de Siam ont vûës en France',
rien ne les a Surpris davantage que
a ij
EPITRE.
V. A. Apeine furent ils arrivez à
Clagny , où ils devoient loger pendant
leur séjour à Versailles , que leur cu
riofité les porta dans le fardin. Vous
vous y promeniez , MONSEIGNEUR ,
ils vous virent ,& demeurerent dans
une admiration qu'ilferoit difficile de
bien exprimer. Ils ne sçavoien: point
que vous fortiez da plus auguste ,
du plus beau Sang du monde ; mais
vous ne laiſſâtes pas d'imprimer dans
leurs coeurs la veneration qui luy eft
deuë. S'estant ensuite avancez vers
V. A. ils furent d'abord frapezde certains
traits vifs qui les charmerent.
Ils vous prirent presque pour un Dieu
&une crainte reſpectueuse les empescha
de vous aborder. Mais comme ils
curent lieu de mieux remarquer toute
voſtre Personne , parce qu'ils estoient
alors plus prés de V. A. vostre beauté
leur caufa une nouvelle ſurpriſe , dont
ils ne fortirent qu'après avoirſceuvô
EPITRE .
t
5
د
S
tre Naiſſance. Ils se Sceurent bon gré
d'avoir cru que vous ne pouviez estre
- forty que d'un Sang dont l'éclat a cau
s ſe de l'admiration à toute la terre ,&
demanderent qu'il leur fust permis d'avoir
l'honneur de vous faluër ; mais
leur furprise augmenta pour la troifié.
me fois , lors qu'avec un air de grandeur
qui brilloit parmy les traits d'une
vive jeunesse , & toute la beautéde
l'Amour, ils trouverent un esprit beauf
coup au deſſus de vos années , avec des
manieres toutes engageantes , quoy que
- foûtenues de cette noble fierté qui fied
- fi bien à tous ceux de vostre rang. Il
t
s
S
S
4
S
e
est impoſſible d'entrer affez dans les
- fentimens que V.A.leur inspira. Ils mirent
tous leurs yeux & toute leur atten
tion à vous confiderer , toutes les forces
de leur imagination à bien concevoir ce
é qu'ils voyoient,& tout leur eſprit àvous
admirer.Ainsi tout agiſſant eneux avec
- force,& en même temps, ils auroient es
t
t
EPITRE.
beaucoup de peine àdire eux-mêmes ce
qu'ils pensoient en ce moment , parce
qu'ils estoient trop remplis de tout ce
qu'ils trouvoient digned'admiration en
V.A.Vous n'avez qu'à croiſtre , MONSEIGNEUR
, & nous entendrons parler
de vous d'une maniere qui fera biendu
bruit dans le monde. Vous ne jetterez
pas seulement de l'effroy dans les coeurs
des Ennemis de Sa Majesté , les Belles
craindront , les Maris trembleront, &
les Armans auront grand peur. Combien
alors de jaloux au deſeſpoir ! mais vOUS
ne joüirez qu'imparfaitement du plai
fir de la victoire , estant certain que
quand mesme vous auriez tous les Rois
du monde pour Rivaux , il n'y en auroit
arcun qui ofaft vous l'avoüer. Afin que
vous fuffiez tout- à-fait heureux, il fe
roit à fouhaiter qu'ils se déclaraſſent ,
puis que vous auriez la ſenſiblefatisfaction
den triompher de toutes manie
res. Tout se trouve dans vostre Sang
EPITRE.
5
5
S
e
Lanaiſſance,la beauté,la valeur& l'efprit
,&pardeſſus toutes ces chofes , une
éducation digne de ce que vous estes
né , & de la Perſonne qui en prend
foin , met le comble à tout ce que la
Nature vous a liberalement donné..
Vous voyez dans ce mesme Sang tout
ce qu'ily a de plus grand au monde ;
Vous y remarquez le bon & le grand
goust,& le juste discernement pourtout
ce qui en demande , & tout cela joint à
une pieté d'autant plus veritable , que
l'Hypocrifie n'y ayant aucune part ,
n'a rien de l'austerité qui la rendroit
ridicule , & pen pratiquable à la Cour.
Vous voyez tout ce qu'un rang élevé
demande de magnificence , tout ceque
la generosité & la parfaite connoisfancede
toutes choses , exigent pour la
faire briller , tout l'esprit qu'il faut
avoir pourſoûtenir avec dignité l'éclat
d'un rang si baut &fi glorieux;& en
fin toutce qui fait l'accomplisſſement dus
elle
a iij
EPITRE..
vray merite. Tout ce que je vous dis ,
MONSEIGNEUR , vous doit faire affez
connoistre que je ne parle que d'une
partie du Sang qui vous aformé,puis
que l'autre n'est pas moins au deſſus
des loüanges,qu'elle est au deſſus de tous
les Souverains de la Terre. Jefçay que
je n'aurois pas à craindre de 'vous en
nuyer , ſi j'ofois me hazarder à vous en
entretenir , mais ce n'estpas icy le lien
d'entrer dans une matiere si vaste
Comme on ne la peut quitter quand
on en a une fois commencé l'ébauche ,
elle m'empefcheroit trop long-temps de
vous affeurer que je suis avec un tresprofond
respect
MONSEIGNEUR ,
De V. A.
Le tres-humble& tres-
> obeiffant Serviteur ..
DEVIZE
MONSEIGNEUR
LE COMTE
DE
THOULOUSE ,
* GRAND ADMIRAL
M
DE FRANCE.
ONSEIGNEUR ,
Entre les merveilles que les Ambas-
Sadeurs de Siam ont vûës en France',
rien ne les a Surpris davantage que
a ij
EPITRE.
V. A. Apeine furent ils arrivez à
Clagny , où ils devoient loger pendant
leur séjour à Versailles , que leur cu
riofité les porta dans le fardin. Vous
vous y promeniez , MONSEIGNEUR ,
ils vous virent ,& demeurerent dans
une admiration qu'ilferoit difficile de
bien exprimer. Ils ne sçavoien: point
que vous fortiez da plus auguste ,
du plus beau Sang du monde ; mais
vous ne laiſſâtes pas d'imprimer dans
leurs coeurs la veneration qui luy eft
deuë. S'estant ensuite avancez vers
V. A. ils furent d'abord frapezde certains
traits vifs qui les charmerent.
Ils vous prirent presque pour un Dieu
&une crainte reſpectueuse les empescha
de vous aborder. Mais comme ils
curent lieu de mieux remarquer toute
voſtre Personne , parce qu'ils estoient
alors plus prés de V. A. vostre beauté
leur caufa une nouvelle ſurpriſe , dont
ils ne fortirent qu'après avoirſceuvô
EPITRE .
t
5
د
S
tre Naiſſance. Ils se Sceurent bon gré
d'avoir cru que vous ne pouviez estre
- forty que d'un Sang dont l'éclat a cau
s ſe de l'admiration à toute la terre ,&
demanderent qu'il leur fust permis d'avoir
l'honneur de vous faluër ; mais
leur furprise augmenta pour la troifié.
me fois , lors qu'avec un air de grandeur
qui brilloit parmy les traits d'une
vive jeunesse , & toute la beautéde
l'Amour, ils trouverent un esprit beauf
coup au deſſus de vos années , avec des
manieres toutes engageantes , quoy que
- foûtenues de cette noble fierté qui fied
- fi bien à tous ceux de vostre rang. Il
t
s
S
S
4
S
e
est impoſſible d'entrer affez dans les
- fentimens que V.A.leur inspira. Ils mirent
tous leurs yeux & toute leur atten
tion à vous confiderer , toutes les forces
de leur imagination à bien concevoir ce
é qu'ils voyoient,& tout leur eſprit àvous
admirer.Ainsi tout agiſſant eneux avec
- force,& en même temps, ils auroient es
t
t
EPITRE.
beaucoup de peine àdire eux-mêmes ce
qu'ils pensoient en ce moment , parce
qu'ils estoient trop remplis de tout ce
qu'ils trouvoient digned'admiration en
V.A.Vous n'avez qu'à croiſtre , MONSEIGNEUR
, & nous entendrons parler
de vous d'une maniere qui fera biendu
bruit dans le monde. Vous ne jetterez
pas seulement de l'effroy dans les coeurs
des Ennemis de Sa Majesté , les Belles
craindront , les Maris trembleront, &
les Armans auront grand peur. Combien
alors de jaloux au deſeſpoir ! mais vOUS
ne joüirez qu'imparfaitement du plai
fir de la victoire , estant certain que
quand mesme vous auriez tous les Rois
du monde pour Rivaux , il n'y en auroit
arcun qui ofaft vous l'avoüer. Afin que
vous fuffiez tout- à-fait heureux, il fe
roit à fouhaiter qu'ils se déclaraſſent ,
puis que vous auriez la ſenſiblefatisfaction
den triompher de toutes manie
res. Tout se trouve dans vostre Sang
EPITRE.
5
5
S
e
Lanaiſſance,la beauté,la valeur& l'efprit
,&pardeſſus toutes ces chofes , une
éducation digne de ce que vous estes
né , & de la Perſonne qui en prend
foin , met le comble à tout ce que la
Nature vous a liberalement donné..
Vous voyez dans ce mesme Sang tout
ce qu'ily a de plus grand au monde ;
Vous y remarquez le bon & le grand
goust,& le juste discernement pourtout
ce qui en demande , & tout cela joint à
une pieté d'autant plus veritable , que
l'Hypocrifie n'y ayant aucune part ,
n'a rien de l'austerité qui la rendroit
ridicule , & pen pratiquable à la Cour.
Vous voyez tout ce qu'un rang élevé
demande de magnificence , tout ceque
la generosité & la parfaite connoisfancede
toutes choses , exigent pour la
faire briller , tout l'esprit qu'il faut
avoir pourſoûtenir avec dignité l'éclat
d'un rang si baut &fi glorieux;& en
fin toutce qui fait l'accomplisſſement dus
elle
a iij
EPITRE..
vray merite. Tout ce que je vous dis ,
MONSEIGNEUR , vous doit faire affez
connoistre que je ne parle que d'une
partie du Sang qui vous aformé,puis
que l'autre n'est pas moins au deſſus
des loüanges,qu'elle est au deſſus de tous
les Souverains de la Terre. Jefçay que
je n'aurois pas à craindre de 'vous en
nuyer , ſi j'ofois me hazarder à vous en
entretenir , mais ce n'estpas icy le lien
d'entrer dans une matiere si vaste
Comme on ne la peut quitter quand
on en a une fois commencé l'ébauche ,
elle m'empefcheroit trop long-temps de
vous affeurer que je suis avec un tresprofond
respect
MONSEIGNEUR ,
De V. A.
Le tres-humble& tres-
> obeiffant Serviteur ..
DEVIZE
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Résumé : A MONSEIGNEUR / MONSEIGNEUR LE COMTE DE THOULOUSE, GRAND ADMIRAL D[E] FRANCE.
Le texte est une épître adressée à Monseigneur le Comte de Thoulouse, Grand Admiral de France. Lors de leur séjour à Clagny et à Versailles, les ambassadeurs de Siam sont profondément impressionnés par Monseigneur. Ils le voient se promener et sont frappés par sa majesté et sa beauté, le prenant presque pour un dieu. Les ambassadeurs admirent sa naissance illustre, sa beauté, son esprit et ses manières engageantes. Monseigneur est décrit comme ayant une éducation digne de son rang et de la personne qui en prend soin. Son sang est loué pour réunir la naissance, la beauté, la valeur, l'esprit et une piété véritable. Le texte souligne également sa magnificence, sa générosité et son discernement. L'auteur exprime son admiration pour Monseigneur et son sang, tout en reconnaissant que l'autre partie de son sang est également au-dessus des louanges et des souverains de la Terre. L'épître se conclut par une assurance de respect profond.
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283
p. 1-10
Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
Début :
PUISQUE vous souhaitez avec tant d'empressement que je vous [...]
Mots clefs :
Honneur, Jour, Ambassadeurs, Roi, France, Siam, Comtesse de Béthune
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texteReconnaissance textuelle : Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
UISQUE VOUSs fou-
Phaitez avec tant
d'empreſſement que
je vous envoye la ſuite du
Voyage des Ambaſſadeurs
: du Roy de Siam en France ,
A
2 Suite du Voyage
je vay non ſeulement fatiffaire
voſtre curioſité ſur ce
que vous attendez de moy ;
mais pour vous marquer
mon exactitude à rechercher
tout ce que ces Ambaſſadeurs
ont dit , & tout ce
qu'ils ont fait , je vay vous
apprendre encore beaucoup
de choſes dignes de remarque
& qui m'eſtoient échapées
lors que je vous écrivis
ma premiere Lettre. Lejour
qu'ils curent Audience à S.
Cloud de Monfieur le Duc
de Chartres , Monfieur leur
ayant fait l'honneur de leur
parler avec cet air de bonté
des Amb. de Siam. 3
- qui luy eſt ſi naturel , le prece
mier Ambaſſadeur dit dans
;
er
l'inſtant meſme qu'il eut quiex
té ſon Alteſſe Royale , en
montrant ceux de ſa ſuite qui
ace
l'accompagnoient, Qu'il estoit
bienheureux d'avoir tant de té
Dus moins de l'honneur qu'il venoit
up de recevoir , puis que le Roy fon
ar- Maistre n'auroit pas cruſurſon
na rapport feul , qu'il euft eu le gloivis
rieux avantage d'entretenir le
Out Frere d'un auffi puißant Roy que
S. celuy de France , avec aurant
Duc de familiarité qu'il avoitplû à
cur Monsieur d'en avoir.
leut On luy demanda s'il vouontt
loit aller voir le Feu que Me
A ij
4 Suite du Voyage
le Comte de Lobcovvits,Envoyé
extraordinaire de l'Empereur
, devoit faire tirer en
réjoüiſſance de la priſe de
Bude, & il répondit, Que quoy
que ſa curiosité fuft grande pour
tout ce qui se faisoit en France ,
parce que tout ce qu'on y voyoit
estoit digne d'admiration , il étoit
neanmoins obligé de ſe priver du
plaisir de voir ce Feu, puis qu'il
n'avoit pû aller à celuy que la
Ville avoit faitpour Monseigneur
le Duc de Berry , dont Mile
"Prevoſt des Marchands luy avoit
fait l'honneur de le prier. Et il
ajoûta , Que n'ayant pas esté
à un Divertiſſement donnépar la
desAmb. de Siam.
5
Ville de Paris , il auroit mauvaiſe
grace d'aller àceluy d'un Etrannger.
e On ne peut avoir plus
d'honnêteté qu'il en a pour
earles Perſonnes diftinguées par
e, leur naiſſance ou par leur
it merite dans les Lettres &
it dans les Arts.Outre les comduplimens
qu'il leur fait , & les
Pilloüanges qu'il leur donne
la proportionnées à ce qu'ils
font , ils les arreſte à diſner ,
boit à leur ſanté ,& prend la
it peine , luy & les deux autres
le
i | Ambaſſadeurs , de leur ſervir
#tout ce qui luy paroît demeil-
14 leur ſur la table. Quant aux
۹
A iij
6 Snite du Voyage
Dames, il donne le plus beau
fruit , à celles qu'il croit les
plus diftinguées , ou qui meritent
de l'eftre par l'agrément
de leur perſonne. Il
fçeut un jour qu'il y avoit
parmy celles qui le regardoient
difner , une Parente
d'un homme dont ils avoient
lieu d'eſtre fatisfaits , à cauſe
de la bonne reception qu'il
leur avoit fait dans un lieur
où ils avoient eſté. Il ne
manqua pas de luy preſenter
du fruit ; & comme il
vouloit luy faire beaucoup
d'honneur , & la traiter avec
distinction , il n'en donna ce
des Amb. de Siam.
70
a
es
it
jour-la à aucune autre. Une
Dame de la compagnie , tou
te brillante d'or & de pierre-
.ries , ſe ſandalifa de n'avoir
Il pas eu le mefme honneur.
L'Ambaſſadeur le comprit,
& dit avec un grand fang
froid : Les bonneurs d'aujournt
d'buy font finis , nous aurons
fe peut efpre celuy de voir Madame
il un autre jour , &nous luy rendrons
ce qui luy est dew.
te
eu
ne
en
il
On ne sçauroit exprimer
les honneurs qu'il fit à Madame
la Comteſſe de Bethune
, lors qu'il eut ſçeu qu'elle
étoit Soeur de la Reyne de Poct
logne. Il fut long- temps fans
up
Jec
A iiij
8 Suite du Voyage
ſe vouloir mettre à table. 11
la pria inſtamment de diſner,
&luy voulut ceder ſa place ;
il en fit auſſi beaucoup au
Fils du grand General de Pologne
, qui eſtoit avec elle ,
& ce jeune Seigneur en fût
ſi charmé , qu'il luy fit le
lendemain preſent du Portrait
de Sa Majeſté Polonoiſe,
parce qu'ils avoient parléde
ce Monarque. Quoy que les
honneſtetez de cet Ambaſladeur
ayent toûjours defté
grandes , il n'eſt point neanmoins
forty du caractere que
fa digneté demande
ſçait le faire paroiſtre à pro-
,
& il
des Amb. de Siam. 9
pos . Il loüe ce qui merite
-, d'eſtre loüé , & ſe taie avec
;
e,
le
eſprit , quand il eſt plus à prou
pos de ſetaire que de parler.
Comme pluſieurs perſonnes
l'accabloient un jour indif
it cretement , en luy deman
dant fi ce qu'il voyoit eſtoit
quin
r. beau , il répondit : Si vous
e, voulez sçavoirsi je trouve une
de chose belle , vous n'avez qu'à
les voirfielle l'est en effet , & alors
a- vous pouvez croire qu'elle ne me
Ne paroist pas moinsbelle qu'à vous.
Phaitez avec tant
d'empreſſement que
je vous envoye la ſuite du
Voyage des Ambaſſadeurs
: du Roy de Siam en France ,
A
2 Suite du Voyage
je vay non ſeulement fatiffaire
voſtre curioſité ſur ce
que vous attendez de moy ;
mais pour vous marquer
mon exactitude à rechercher
tout ce que ces Ambaſſadeurs
ont dit , & tout ce
qu'ils ont fait , je vay vous
apprendre encore beaucoup
de choſes dignes de remarque
& qui m'eſtoient échapées
lors que je vous écrivis
ma premiere Lettre. Lejour
qu'ils curent Audience à S.
Cloud de Monfieur le Duc
de Chartres , Monfieur leur
ayant fait l'honneur de leur
parler avec cet air de bonté
des Amb. de Siam. 3
- qui luy eſt ſi naturel , le prece
mier Ambaſſadeur dit dans
;
er
l'inſtant meſme qu'il eut quiex
té ſon Alteſſe Royale , en
montrant ceux de ſa ſuite qui
ace
l'accompagnoient, Qu'il estoit
bienheureux d'avoir tant de té
Dus moins de l'honneur qu'il venoit
up de recevoir , puis que le Roy fon
ar- Maistre n'auroit pas cruſurſon
na rapport feul , qu'il euft eu le gloivis
rieux avantage d'entretenir le
Out Frere d'un auffi puißant Roy que
S. celuy de France , avec aurant
Duc de familiarité qu'il avoitplû à
cur Monsieur d'en avoir.
leut On luy demanda s'il vouontt
loit aller voir le Feu que Me
A ij
4 Suite du Voyage
le Comte de Lobcovvits,Envoyé
extraordinaire de l'Empereur
, devoit faire tirer en
réjoüiſſance de la priſe de
Bude, & il répondit, Que quoy
que ſa curiosité fuft grande pour
tout ce qui se faisoit en France ,
parce que tout ce qu'on y voyoit
estoit digne d'admiration , il étoit
neanmoins obligé de ſe priver du
plaisir de voir ce Feu, puis qu'il
n'avoit pû aller à celuy que la
Ville avoit faitpour Monseigneur
le Duc de Berry , dont Mile
"Prevoſt des Marchands luy avoit
fait l'honneur de le prier. Et il
ajoûta , Que n'ayant pas esté
à un Divertiſſement donnépar la
desAmb. de Siam.
5
Ville de Paris , il auroit mauvaiſe
grace d'aller àceluy d'un Etrannger.
e On ne peut avoir plus
d'honnêteté qu'il en a pour
earles Perſonnes diftinguées par
e, leur naiſſance ou par leur
it merite dans les Lettres &
it dans les Arts.Outre les comduplimens
qu'il leur fait , & les
Pilloüanges qu'il leur donne
la proportionnées à ce qu'ils
font , ils les arreſte à diſner ,
boit à leur ſanté ,& prend la
it peine , luy & les deux autres
le
i | Ambaſſadeurs , de leur ſervir
#tout ce qui luy paroît demeil-
14 leur ſur la table. Quant aux
۹
A iij
6 Snite du Voyage
Dames, il donne le plus beau
fruit , à celles qu'il croit les
plus diftinguées , ou qui meritent
de l'eftre par l'agrément
de leur perſonne. Il
fçeut un jour qu'il y avoit
parmy celles qui le regardoient
difner , une Parente
d'un homme dont ils avoient
lieu d'eſtre fatisfaits , à cauſe
de la bonne reception qu'il
leur avoit fait dans un lieur
où ils avoient eſté. Il ne
manqua pas de luy preſenter
du fruit ; & comme il
vouloit luy faire beaucoup
d'honneur , & la traiter avec
distinction , il n'en donna ce
des Amb. de Siam.
70
a
es
it
jour-la à aucune autre. Une
Dame de la compagnie , tou
te brillante d'or & de pierre-
.ries , ſe ſandalifa de n'avoir
Il pas eu le mefme honneur.
L'Ambaſſadeur le comprit,
& dit avec un grand fang
froid : Les bonneurs d'aujournt
d'buy font finis , nous aurons
fe peut efpre celuy de voir Madame
il un autre jour , &nous luy rendrons
ce qui luy est dew.
te
eu
ne
en
il
On ne sçauroit exprimer
les honneurs qu'il fit à Madame
la Comteſſe de Bethune
, lors qu'il eut ſçeu qu'elle
étoit Soeur de la Reyne de Poct
logne. Il fut long- temps fans
up
Jec
A iiij
8 Suite du Voyage
ſe vouloir mettre à table. 11
la pria inſtamment de diſner,
&luy voulut ceder ſa place ;
il en fit auſſi beaucoup au
Fils du grand General de Pologne
, qui eſtoit avec elle ,
& ce jeune Seigneur en fût
ſi charmé , qu'il luy fit le
lendemain preſent du Portrait
de Sa Majeſté Polonoiſe,
parce qu'ils avoient parléde
ce Monarque. Quoy que les
honneſtetez de cet Ambaſladeur
ayent toûjours defté
grandes , il n'eſt point neanmoins
forty du caractere que
fa digneté demande
ſçait le faire paroiſtre à pro-
,
& il
des Amb. de Siam. 9
pos . Il loüe ce qui merite
-, d'eſtre loüé , & ſe taie avec
;
e,
le
eſprit , quand il eſt plus à prou
pos de ſetaire que de parler.
Comme pluſieurs perſonnes
l'accabloient un jour indif
it cretement , en luy deman
dant fi ce qu'il voyoit eſtoit
quin
r. beau , il répondit : Si vous
e, voulez sçavoirsi je trouve une
de chose belle , vous n'avez qu'à
les voirfielle l'est en effet , & alors
a- vous pouvez croire qu'elle ne me
Ne paroist pas moinsbelle qu'à vous.
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Résumé : Paroles & actions du premier Ambassadeur, [titre d'après la table]
Le texte décrit la suite du voyage des ambassadeurs du roi de Siam en France. L'auteur exprime son désir de partager davantage de détails sur les actions et les paroles des ambassadeurs. Lors d'une audience avec Monsieur le Duc de Chartres, le premier ambassadeur exprime sa gratitude et son bonheur de recevoir un tel honneur, soulignant la familiarité et la bonté du Duc. Les ambassadeurs montrent une grande curiosité pour les événements en France mais déclinent certaines invitations par politesse, comme celle de voir un feu d'artifice en l'honneur de la prise de Bude, car ils n'avaient pas assisté à celui pour le Duc de Berry. Ils manifestent une honnêteté et un respect particuliers envers les personnes distinguées par leur naissance ou leurs mérites. Ils offrent des compliments, des friandises, et invitent souvent ces personnes à dîner, leur servant eux-mêmes. Avec les dames, ils offrent les meilleurs fruits à celles qu'ils jugent les plus dignes. Un jour, un ambassadeur refuse de donner des fruits à une dame brillante de bijoux, préférant en offrir à une parente d'une personne qui leur avait bien accueillis, promettant de rendre honneur à la première dame un autre jour. Les ambassadeurs montrent également des marques de respect particulières envers des personnes de haut rang, comme la Comtesse de Bethune, sœur de la reine de Pologne. Malgré leurs grandes honnêtetés, ils savent aussi se taire quand il est plus approprié de le faire. Lors d'une discussion sur la beauté des choses, un ambassadeur répond que s'il trouve quelque chose beau, c'est que cela l'est effectivement.
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284
p. 10-15
Description de S. Cir & ce que les Ambassadeurs en ont d[i]t, [titre d'après la table]
Début :
Pour continuer à vous apprendre ce que j'oubliay la [...]
Mots clefs :
Maison de Saint-Cyr, Édifice, Corps de bâtiment, Mansard, Pièces, Storf
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texteReconnaissance textuelle : Description de S. Cir & ce que les Ambassadeurs en ont d[i]t, [titre d'après la table]
Pour continuer àvous apque
prendre ce que j'oubliay la
il derniere fois à vous marquer
0 je vous diray que lors que
Av
10 SuiteduVoyage
A
les Ambaſſadeurs arriverent
àMaintenon , ils virent en
pafiant la maiſon de Saint
Cir. Son entrée eft expofée
au Midy. Cet Edifice
confifte en un grand corps
de bâtiment de 108. toiſes de
longueur , quiforment trois
cours de front , ſeparées par
lesdeux aifles de cette maifon,
le long de chacune def
quelles , font endehors une
court&deux Parterres. L'Eglife
qui eſt aubout de la plus
grande longueur du bâtiment
eſt de 26. toiſes , & le
bâtiment, en a ſix d'épaiffeur.
Ladiſpoſition du Plan con
des Amb. de Siam:
1
τ
-
ce
OS
fifte au rez de chauffée , en
grands corridors , refectoires
, & autres pieces neceffaires.
Il y a dans l'étage
de deſſus de grandes Champs
bres où les jeunes Demoiſelde
le travaillent , des cellules
bis particulieres pour les Dames,
bar & des Chambres communes,
en forteque cela fait quantiefté
de pieces , dont il y en a
ne beaucoup de fort grades,puis
E qu'elles peuvent contenir
Jus juſques à cinquante lits , &&
ati ce qui est conſiderable dans
aicette
maiſon & qui ſe reneur
contre rarement , c'eſt que
on, toutes les pieces ſont confor
12 Suite du Voyage
mes à leurs uſages , & faites
expres pour les chofes auxquelles
elles doivent ſervir.
Elles font dégagées avec beau
coup de pratique , conformes
à la maſſe de l'Edifice ,
qui paroift au dehors un afſemblage
de pluſieurs bâtimens
enſemble. Le Jardin
confifte en un ancien bois
qu'ona conſervé. On a plantéun
nouveau Parterre , &
Pon a fait un potager ſuffifant
pour la commodité de
la maiſon , & c'eſt beaucoup
dire. Cet Edifice eſt du deffein
du fameux Mr Manſard,
premier Architecte du Roy ,
des Amb. de Siam. 13
1.
u
r-
= ,
i
& quia fait un nombre infiny
d'ouvrages ſurprenans , dont
je vous entretiendray dans
-cette lettre. Il auroit autrefois
fallu un grand nombre
d'années pour élever un aufſſi
f. vaſte corps de bâtiment , &
auſſi ſolidement bâty. On
in auroit crû meſme que les
bis chofes n'auroient pu ſe faire
autrement. Cependant il a
& eſté preſque auſſi toſt finy
fique commencé , mais rien
de n'eſt impoſſible ſous le regne
up des miracles. Les Ambaffalet
deurs furent étonnez de la
rd, grandeur , & de la beauté de
oy ,
cet Edifice. Mr Torf leur ex14
Suite du Voyage
pliqua à quel uſage il eſtoit
deſtiné. Je ne vous le repeteray
point , puiſque je vous
en ay donné un ample détail
dans ma derniere Lettre
ordinaire. Ils dirent apres
avoir écouté attentivement
tout ce qu'il leur raconta là
deffus , qu'ilfalloit avoir l'ame
grande &bonne , & eftre naturellement
porté a faire du bien ,
pour s'eftre imaginé un deſſein i
glorieuxàla France , &fi utile
au plublic ,& qu'ilfalou avoir
la grandeur & la pieté du Roy
pour l'executer.
prendre ce que j'oubliay la
il derniere fois à vous marquer
0 je vous diray que lors que
Av
10 SuiteduVoyage
A
les Ambaſſadeurs arriverent
àMaintenon , ils virent en
pafiant la maiſon de Saint
Cir. Son entrée eft expofée
au Midy. Cet Edifice
confifte en un grand corps
de bâtiment de 108. toiſes de
longueur , quiforment trois
cours de front , ſeparées par
lesdeux aifles de cette maifon,
le long de chacune def
quelles , font endehors une
court&deux Parterres. L'Eglife
qui eſt aubout de la plus
grande longueur du bâtiment
eſt de 26. toiſes , & le
bâtiment, en a ſix d'épaiffeur.
Ladiſpoſition du Plan con
des Amb. de Siam:
1
τ
-
ce
OS
fifte au rez de chauffée , en
grands corridors , refectoires
, & autres pieces neceffaires.
Il y a dans l'étage
de deſſus de grandes Champs
bres où les jeunes Demoiſelde
le travaillent , des cellules
bis particulieres pour les Dames,
bar & des Chambres communes,
en forteque cela fait quantiefté
de pieces , dont il y en a
ne beaucoup de fort grades,puis
E qu'elles peuvent contenir
Jus juſques à cinquante lits , &&
ati ce qui est conſiderable dans
aicette
maiſon & qui ſe reneur
contre rarement , c'eſt que
on, toutes les pieces ſont confor
12 Suite du Voyage
mes à leurs uſages , & faites
expres pour les chofes auxquelles
elles doivent ſervir.
Elles font dégagées avec beau
coup de pratique , conformes
à la maſſe de l'Edifice ,
qui paroift au dehors un afſemblage
de pluſieurs bâtimens
enſemble. Le Jardin
confifte en un ancien bois
qu'ona conſervé. On a plantéun
nouveau Parterre , &
Pon a fait un potager ſuffifant
pour la commodité de
la maiſon , & c'eſt beaucoup
dire. Cet Edifice eſt du deffein
du fameux Mr Manſard,
premier Architecte du Roy ,
des Amb. de Siam. 13
1.
u
r-
= ,
i
& quia fait un nombre infiny
d'ouvrages ſurprenans , dont
je vous entretiendray dans
-cette lettre. Il auroit autrefois
fallu un grand nombre
d'années pour élever un aufſſi
f. vaſte corps de bâtiment , &
auſſi ſolidement bâty. On
in auroit crû meſme que les
bis chofes n'auroient pu ſe faire
autrement. Cependant il a
& eſté preſque auſſi toſt finy
fique commencé , mais rien
de n'eſt impoſſible ſous le regne
up des miracles. Les Ambaffalet
deurs furent étonnez de la
rd, grandeur , & de la beauté de
oy ,
cet Edifice. Mr Torf leur ex14
Suite du Voyage
pliqua à quel uſage il eſtoit
deſtiné. Je ne vous le repeteray
point , puiſque je vous
en ay donné un ample détail
dans ma derniere Lettre
ordinaire. Ils dirent apres
avoir écouté attentivement
tout ce qu'il leur raconta là
deffus , qu'ilfalloit avoir l'ame
grande &bonne , & eftre naturellement
porté a faire du bien ,
pour s'eftre imaginé un deſſein i
glorieuxàla France , &fi utile
au plublic ,& qu'ilfalou avoir
la grandeur & la pieté du Roy
pour l'executer.
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Résumé : Description de S. Cir & ce que les Ambassadeurs en ont d[i]t, [titre d'après la table]
En 1686, les ambassadeurs de Siam visitèrent Maintenon, où ils découvrirent la maison de Saint-Cyr. Cet édifice, conçu par l'architecte Mansard, mesure 108 toises de longueur et comprend trois cours séparées par deux ailes. L'église, située à l'extrémité du bâtiment, mesure 26 toises de longueur et 6 toises d'épaisseur. Le rez-de-chaussée abrite des corridors, des réfectoires et d'autres pièces nécessaires. L'étage supérieur comprend de grandes chambres pour les jeunes demoiselles, des cellules particulières pour les dames, et des chambres communes pouvant contenir jusqu'à cinquante lits. Toutes les pièces sont conçues de manière pratique et adaptées à leurs usages. Le jardin comprend un ancien bois, un nouveau parterre et un potager suffisant pour la maison. Les ambassadeurs furent impressionnés par la grandeur et la beauté de l'édifice. Monsieur Torcy leur expliqua son usage, et ils reconnurent la générosité et la piété nécessaires pour un tel projet.
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285
p. 15-21
Description des Invalides, [titre d'après la table]
Début :
Je vous ay mandé ce qu'ils dirent lors qu'ils [...]
Mots clefs :
Invalides, Description, Ordre corinthien, Colonnes, Nouvelle église, Entablement
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texteReconnaissance textuelle : Description des Invalides, [titre d'après la table]
Jevous ay mandé
ce qu'ils dirent lors qu'ils
allerent aux Invalides , mais
des Amb, de Siam.
15
1
it je ne vous ay point parlé de
cl'Egliſe qui ſera un des plus
us beaux ouvrages de ce Siecle.
Elle n'est pas encore achevée,
mais on ne ceffe point d'y
travailler. Elle eſt poſéedient
rectement au milieu du corps
de tout ce vaſte bâtiment.
On y entre par un veſtibule
au droit du portique qui reen,
gne au pourtour de la Cour ,
par trois portes qui repondent
à la nef&aux deux bas
Coil coſtez. La nef eſt décorée
Ry d'ungrand ordre Corinthien,
an dont l'entablement porte un
i piedestal continué en manais
niere d'Attique. C'eſt delà
16 Suite du Voyage
que naiſſent les retombées
de la voute en plein ceintre ,
dont les Arcs doubleaux & la
clefpendante ſont ornez de
ſculpture au niveau du premier
étage. Au deſſus des
bas coſtez eſt une galerie ,
d'où l'on peut entendre le
Service par des arcades à anſes
de pannier , qui forment
autant de tribunes qu'il y a
d'arcades au deſſous. Cette
nefeft terminée en niche , ou
tour creuſe , & communiquée
à la nouvelle Eglife par
une grande arcade prefque
de toute ſa largeur. Le mot de
nouvelle Egliſe pourra vous
furprendre
des Amb. de Siam, 17
furprendre. Il faut vous exepliquer
ce que c'eſt. L'ancienne
eſt celle que je viens de
dvous décrire, & dans laquelle
ort on entre par le Portail qui eſt
de dans la court, du bâtiment ,
je appellé des Invalides, à cauſe
el de ceux qui y demeurent.
21 Cette Egliſe qui a eſté bâtie
et la premiere , fera toûjours
yt comme elle est preſenteett
ment pour lesSoldats Invalides
qui font logez dans cette
maifon. Au bout de cette Epu
gliſe eſt le Maiſtre Autel
qu qui ſervira auſſi à l'Eglife
dqu'on acheve , & qu'on nom-
Le nouvelle Eglife. Elle auen
!
0
ܕ
JOU
ndr B
18 Suite duVoyage
ra une magnifique entrée du
coſté de la campagne. C'eſt
dans cette Egliſe qu'on peut
admirer tout ce que l'Architecture
peut produire de plus
beau. Le plan eſt une Croix
Grecque. Les croifées ſont
terminées enculde four , ou
planovalle ,auffi bien que la
partie qui la joint à l'ancienne
nef. Ily a quatre Chapelles
aux quatre coins , ornées.
d'un petit ordre Corinthien ,
&pluſieurs jours pris dans
des Lunettes percées ſur un
attique dans la voute. L'ordonnancede
tout le corps de
l'Egliſe par dedans eſt un
t
desAmb. de Siam. 19
grand ordre de Pilaftres Corinthien.
Il y aura 8. colomnes
de marbre au devant des
huit Pilaſtres qui ſont pliées
us ſous les quatre pendans du
it Dôme . Ces huit colomnes
nt doivent porter autant de
Statuës , entre leſquelles ſeront
de riches tribunes. Le
n dehors ou ſera la principale
entrée du coſté des champs ,
e doit eſtre decoré par un
1, porche de colomnes d'ordre
Doriqué, dont l'entablement
couronnera le maſſif quifervira
de baſe à tout l'Edifice
de il eſt du deſlein de MrMan
un
fard. La deſcription que je
ايم
Bij
20 Suite du Voyage
1
viens de faire en marque affez
la beautéaux connoiffeurs
fans qu'il foit beſoin que
j'endiſe davantage. Ils eft certain
qu'il ne peut manquer
d'eſtre beau , regulier , &
parfait , puiſque Me de Louvois
s'en meſle.
ce qu'ils dirent lors qu'ils
allerent aux Invalides , mais
des Amb, de Siam.
15
1
it je ne vous ay point parlé de
cl'Egliſe qui ſera un des plus
us beaux ouvrages de ce Siecle.
Elle n'est pas encore achevée,
mais on ne ceffe point d'y
travailler. Elle eſt poſéedient
rectement au milieu du corps
de tout ce vaſte bâtiment.
On y entre par un veſtibule
au droit du portique qui reen,
gne au pourtour de la Cour ,
par trois portes qui repondent
à la nef&aux deux bas
Coil coſtez. La nef eſt décorée
Ry d'ungrand ordre Corinthien,
an dont l'entablement porte un
i piedestal continué en manais
niere d'Attique. C'eſt delà
16 Suite du Voyage
que naiſſent les retombées
de la voute en plein ceintre ,
dont les Arcs doubleaux & la
clefpendante ſont ornez de
ſculpture au niveau du premier
étage. Au deſſus des
bas coſtez eſt une galerie ,
d'où l'on peut entendre le
Service par des arcades à anſes
de pannier , qui forment
autant de tribunes qu'il y a
d'arcades au deſſous. Cette
nefeft terminée en niche , ou
tour creuſe , & communiquée
à la nouvelle Eglife par
une grande arcade prefque
de toute ſa largeur. Le mot de
nouvelle Egliſe pourra vous
furprendre
des Amb. de Siam, 17
furprendre. Il faut vous exepliquer
ce que c'eſt. L'ancienne
eſt celle que je viens de
dvous décrire, & dans laquelle
ort on entre par le Portail qui eſt
de dans la court, du bâtiment ,
je appellé des Invalides, à cauſe
el de ceux qui y demeurent.
21 Cette Egliſe qui a eſté bâtie
et la premiere , fera toûjours
yt comme elle est preſenteett
ment pour lesSoldats Invalides
qui font logez dans cette
maifon. Au bout de cette Epu
gliſe eſt le Maiſtre Autel
qu qui ſervira auſſi à l'Eglife
dqu'on acheve , & qu'on nom-
Le nouvelle Eglife. Elle auen
!
0
ܕ
JOU
ndr B
18 Suite duVoyage
ra une magnifique entrée du
coſté de la campagne. C'eſt
dans cette Egliſe qu'on peut
admirer tout ce que l'Architecture
peut produire de plus
beau. Le plan eſt une Croix
Grecque. Les croifées ſont
terminées enculde four , ou
planovalle ,auffi bien que la
partie qui la joint à l'ancienne
nef. Ily a quatre Chapelles
aux quatre coins , ornées.
d'un petit ordre Corinthien ,
&pluſieurs jours pris dans
des Lunettes percées ſur un
attique dans la voute. L'ordonnancede
tout le corps de
l'Egliſe par dedans eſt un
t
desAmb. de Siam. 19
grand ordre de Pilaftres Corinthien.
Il y aura 8. colomnes
de marbre au devant des
huit Pilaſtres qui ſont pliées
us ſous les quatre pendans du
it Dôme . Ces huit colomnes
nt doivent porter autant de
Statuës , entre leſquelles ſeront
de riches tribunes. Le
n dehors ou ſera la principale
entrée du coſté des champs ,
e doit eſtre decoré par un
1, porche de colomnes d'ordre
Doriqué, dont l'entablement
couronnera le maſſif quifervira
de baſe à tout l'Edifice
de il eſt du deſlein de MrMan
un
fard. La deſcription que je
ايم
Bij
20 Suite du Voyage
1
viens de faire en marque affez
la beautéaux connoiffeurs
fans qu'il foit beſoin que
j'endiſe davantage. Ils eft certain
qu'il ne peut manquer
d'eſtre beau , regulier , &
parfait , puiſque Me de Louvois
s'en meſle.
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Résumé : Description des Invalides, [titre d'après la table]
Le texte décrit une église en construction aux Invalides, considérée comme l'un des plus beaux ouvrages du siècle. Située au centre du bâtiment, elle est accessible par un vestibule menant à trois portes : une pour la nef et deux pour les bas-côtés. La nef, décorée dans le style corinthien, possède une voûte en plein cintre ornée de sculptures. Une galerie permet d'entendre le service divin depuis des tribunes. La nef se termine par une niche ou tour creuse, reliée à la nouvelle église par une grande arcade. L'ancienne église, destinée aux soldats invalides, partage un maître-autel avec la nouvelle église, qui aura une entrée magnifiquement décorée côté campagne. La nouvelle église, de plan en croix grecque, présente des croisées terminées en cul-de-four et des chapelles ornées d'un petit ordre corinthien. L'intérieur est structuré par un grand ordre de pilastres corinthiens, avec huit colonnes de marbre supportant des statues et des tribunes. L'entrée principale, côté champs, sera décorée d'un porche d'ordre dorique. La beauté et la perfection de l'édifice sont garanties par l'implication de Monsieur de Louvois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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286
p. 21-28
Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Début :
Je viens à la suite du Journal. Les Ambassadeurs ayant [...]
Mots clefs :
Charles Colbert de Croissy, Conversation, Croissy, Ambassadeurs, Ministre, Majesté, Ambassadeur, Abbé de Lionne, Religion
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texteReconnaissance textuelle : Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Je viens à la fuire du Journal.
Les Ambaſſadeurs ayant
rendu viſite à Mede Croiſſy ,
Miniſtre & Secretaire d'Etat ,
dans ſon Hoſtel à Paris , ce
Miniſtre leur rendit cette
viſite le 24. Septembre , à
'Hoſtel des Ambaſladeurs
Extraordinaires , où ils font
A
togez . Si toſt qu'il fut entré
desAmb. de Siam . z
rs
er
dans la court , fix Mandarins
deſcendirent pour le receue
voir à la deſcente de ſon Caerroffe
, & les Ambaſſadeurs.
l'attendirent au haut du de-
& gré. Ils paſſerent enſuite dans.
bu la Chambre de parade , fous
le Dais de laquelle il y avoit
ur quatre Fauteüils préparez ;
ant ſçavoir un à la droite ,& les
Ty, trois autres vis à vis de ce
at, Fauteüil. M. de Croiſſy ſe
ce mit dans le premier , & les
ette Ambaſſadeurs ſe placerent
, dans les autres. Ce Miniftre
eus leur dit qu'il n'avoit pasen-
Con core eu le temps de s'acquiter de
La visite qui leur de voir qu'ik AAN
২
Biij
22
t
Suite duVoyage
mé
avoit rendu compte à Sa Majesté
de la Lettre que leRoyde Siam
luy avoit fait l'honneur de luy
écrire , & qu'il l'avoit trouvée
diſpoſee à entretenir l'alliance qui
eſtoit entre les deux Rois ,
me à la fortifier ; que SaMajeſté
avoit souvent ouy parler de
leur esprit , &qu'elle avoit reconnu
qu'ils en avoient beaucoup
parles choses qu'on luy avoit rapportées
cequi luy avoitfaitplaifir;
qu'au refte. Elle estoit tres-
Satisfaite de leur conduitte ,puis
qu'ils n'avoient fait aucune dé
marche depuis qu'ils estoient en
France, qui ne luy eust esté agréa
ble. L'Ambaſſadeur répondit
des Amb. de Siam.
23
favec la maniere honneſte &
am fpirituelle , qui luy a attiré
( Teſtime de tous ceux qui ont
cudes affaires avec luy , ou
qu occaſion de luy parler. Il remt
mercia M² deCroiſſy de ce
daje qu'il avoit dit au Roy , &
marqua une ſenſible joye de
t ce qu'on étoit content d'eux.
400 L dit , Que tout ce qu'il avoient
rap fait , n'estoit que pourse conformer
plat aux ordres du Royleur Maistre
trer qu'ils avoient táché deſuivre en
plus exactement qu'il leur
Jede avoit esté poſſible ; qu'il les avoirs
mt a fur tout chargez de se gouverner
de maniere, qu'il puiffent estre a
و ر
grew
pi tout le
Sindi gréables au Roy , qu'ils y met24
Suite du Voyage
toient toute leur application, qu'ils
voudroient avoir le bonheur de
plaire jusqu'au moindre François,
&qu'ils s'y attacheroient avec
tant de ſoin fi les Coutumes de
France leur estoient mieux connuës
, qu'ils se tiendroient feur
d'y réüffir. Mr de Croiſſy leur
dit enſuite , Que le plusgrand
plaisir que le Roy de Siam pust
faire à Sa Majesté , es la plus
grande marque d'amitié qu'ilpuſt
luy donner , c'estoit nonſeulement
de proteger les Miſſionaires François
qui estoient enſes Estats,mais
auſſi les siamois qui se feroient
Catholiques. L'Ambaſſadeur
répondit , Que leRoyfonMai-
Stre
des Amb. de Siam,
25
-d
stre avoit déja fait tout ce que le
da Roy Souhaitoit de luy là-deſſus ;
ith & il en prit à témoin M'l'Abbé
de Lionne , qui ſervoit
d'Interprete en cette Converſation.
Il ajoûta , Qu'il ne
fem doutoit point que l'amitié des deux
cut Rois eftant augmentée par toutes
and les preuves que ces deux Souvepu
rains s'estoient données d'uneforte
pla &fincere eftime , elle nefist augmenter
auffi la protection que le
met Roy fon Maistre donnoit aux
rah Mißionnaires & aux Catholimai
ques qui estoient dans ſes Estats.
with Cette Converfation , qui fue
Hew publique , attira des applaus
Mar diffemens de tous ceux qui
C
26 Snite du Voyage
l'entendirent , & chacun ſe
récria ſur le diſcours que fit
Mr de Croiſſy en faveurde la
Religion. Mais ce Miniſtre
ayant là - deffus l'efprit du
Roy , dont il ſeconde les intontions
en toutes chofes ,
eſtoit animé d'un zele trop
fincere & trop ardent pour
oublier rien de ce qu'on pouvoit
attendre de luy. Il finit
endiſant aux Ambaffadeurs,
Que ce jour- là eftant un jour de
divertißement pour eux, puis qu'il
devoient aller à l'Opera , il ne
vouloit pas pouffer plus loin la
Conversation , de crainte de reculer
leurs plaisirs. Ils l'accompades
Amb. de Siam.
27
gnerent juſqu'au bas du degré
avec tous les Mandarins
de leur fuire.
Les Ambaſſadeurs ayant
rendu viſite à Mede Croiſſy ,
Miniſtre & Secretaire d'Etat ,
dans ſon Hoſtel à Paris , ce
Miniſtre leur rendit cette
viſite le 24. Septembre , à
'Hoſtel des Ambaſladeurs
Extraordinaires , où ils font
A
togez . Si toſt qu'il fut entré
desAmb. de Siam . z
rs
er
dans la court , fix Mandarins
deſcendirent pour le receue
voir à la deſcente de ſon Caerroffe
, & les Ambaſſadeurs.
l'attendirent au haut du de-
& gré. Ils paſſerent enſuite dans.
bu la Chambre de parade , fous
le Dais de laquelle il y avoit
ur quatre Fauteüils préparez ;
ant ſçavoir un à la droite ,& les
Ty, trois autres vis à vis de ce
at, Fauteüil. M. de Croiſſy ſe
ce mit dans le premier , & les
ette Ambaſſadeurs ſe placerent
, dans les autres. Ce Miniftre
eus leur dit qu'il n'avoit pasen-
Con core eu le temps de s'acquiter de
La visite qui leur de voir qu'ik AAN
২
Biij
22
t
Suite duVoyage
mé
avoit rendu compte à Sa Majesté
de la Lettre que leRoyde Siam
luy avoit fait l'honneur de luy
écrire , & qu'il l'avoit trouvée
diſpoſee à entretenir l'alliance qui
eſtoit entre les deux Rois ,
me à la fortifier ; que SaMajeſté
avoit souvent ouy parler de
leur esprit , &qu'elle avoit reconnu
qu'ils en avoient beaucoup
parles choses qu'on luy avoit rapportées
cequi luy avoitfaitplaifir;
qu'au refte. Elle estoit tres-
Satisfaite de leur conduitte ,puis
qu'ils n'avoient fait aucune dé
marche depuis qu'ils estoient en
France, qui ne luy eust esté agréa
ble. L'Ambaſſadeur répondit
des Amb. de Siam.
23
favec la maniere honneſte &
am fpirituelle , qui luy a attiré
( Teſtime de tous ceux qui ont
cudes affaires avec luy , ou
qu occaſion de luy parler. Il remt
mercia M² deCroiſſy de ce
daje qu'il avoit dit au Roy , &
marqua une ſenſible joye de
t ce qu'on étoit content d'eux.
400 L dit , Que tout ce qu'il avoient
rap fait , n'estoit que pourse conformer
plat aux ordres du Royleur Maistre
trer qu'ils avoient táché deſuivre en
plus exactement qu'il leur
Jede avoit esté poſſible ; qu'il les avoirs
mt a fur tout chargez de se gouverner
de maniere, qu'il puiffent estre a
و ر
grew
pi tout le
Sindi gréables au Roy , qu'ils y met24
Suite du Voyage
toient toute leur application, qu'ils
voudroient avoir le bonheur de
plaire jusqu'au moindre François,
&qu'ils s'y attacheroient avec
tant de ſoin fi les Coutumes de
France leur estoient mieux connuës
, qu'ils se tiendroient feur
d'y réüffir. Mr de Croiſſy leur
dit enſuite , Que le plusgrand
plaisir que le Roy de Siam pust
faire à Sa Majesté , es la plus
grande marque d'amitié qu'ilpuſt
luy donner , c'estoit nonſeulement
de proteger les Miſſionaires François
qui estoient enſes Estats,mais
auſſi les siamois qui se feroient
Catholiques. L'Ambaſſadeur
répondit , Que leRoyfonMai-
Stre
des Amb. de Siam,
25
-d
stre avoit déja fait tout ce que le
da Roy Souhaitoit de luy là-deſſus ;
ith & il en prit à témoin M'l'Abbé
de Lionne , qui ſervoit
d'Interprete en cette Converſation.
Il ajoûta , Qu'il ne
fem doutoit point que l'amitié des deux
cut Rois eftant augmentée par toutes
and les preuves que ces deux Souvepu
rains s'estoient données d'uneforte
pla &fincere eftime , elle nefist augmenter
auffi la protection que le
met Roy fon Maistre donnoit aux
rah Mißionnaires & aux Catholimai
ques qui estoient dans ſes Estats.
with Cette Converfation , qui fue
Hew publique , attira des applaus
Mar diffemens de tous ceux qui
C
26 Snite du Voyage
l'entendirent , & chacun ſe
récria ſur le diſcours que fit
Mr de Croiſſy en faveurde la
Religion. Mais ce Miniſtre
ayant là - deffus l'efprit du
Roy , dont il ſeconde les intontions
en toutes chofes ,
eſtoit animé d'un zele trop
fincere & trop ardent pour
oublier rien de ce qu'on pouvoit
attendre de luy. Il finit
endiſant aux Ambaffadeurs,
Que ce jour- là eftant un jour de
divertißement pour eux, puis qu'il
devoient aller à l'Opera , il ne
vouloit pas pouffer plus loin la
Conversation , de crainte de reculer
leurs plaisirs. Ils l'accompades
Amb. de Siam.
27
gnerent juſqu'au bas du degré
avec tous les Mandarins
de leur fuire.
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Résumé : Visite renduë par M. Colbert de Croissy aux Ambassadeurs avec toute leur Conversation, [titre d'après la table]
Le texte décrit une visite diplomatique entre les ambassadeurs de Siam et M. de Croissy, Ministre et Secrétaire d'État, à Paris. Le 24 septembre, M. de Croissy se rendit à l'hôtel des ambassadeurs. À son arrivée, des mandarins descendirent pour l'accueillir, et les ambassadeurs l'attendirent en haut des marches. Ils se dirigèrent ensuite vers la chambre de parade, où quatre fauteuils étaient préparés. M. de Croissy s'assit dans le premier fauteuil, et les ambassadeurs se placèrent dans les autres. M. de Croissy expliqua qu'il n'avait pas encore eu le temps de rendre compte au roi de France de la lettre du roi de Siam, mais que Sa Majesté était disposée à entretenir et renforcer l'alliance entre les deux royaumes. Il exprima également sa satisfaction quant à la conduite des ambassadeurs depuis leur arrivée en France. L'ambassadeur de Siam répondit avec honneur et esprit, remerciant M. de Croissy et exprimant sa joie de voir que leur conduite était appréciée. Il souligna que leurs actions étaient conformes aux ordres du roi de Siam et qu'ils cherchaient à plaire au roi de France et à tous les Français. M. de Croissy mentionna que la plus grande marque d'amitié que le roi de Siam pouvait offrir au roi de France était de protéger les missionnaires français et les Siamois catholiques dans ses États. L'ambassadeur de Siam assura que le roi de Siam avait déjà pris des mesures en ce sens et que l'amitié entre les deux rois se renforcerait par la protection des missionnaires et des catholiques. La conversation, qui fut publique, reçut des applaudissements pour le discours de M. de Croissy en faveur de la religion. Ce dernier conclut en souhaitant aux ambassadeurs de profiter de leur journée de divertissement à l'opéra, mettant ainsi fin à la conversation.
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287
p. 28-31
Opera & ce qu'ils en ont dit, [titre d'après la table]
Début :
Mr de Lully ayant esté les voir le matin de cette [...]
Mots clefs :
Opéra, Lully, Académie de musique, Représentation, Machines, Spectacle
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Opera & ce qu'ils en ont dit, [titre d'après la table]
Me de Lully ayant effe
les voir le marin de certe
meſime journée , ils le prierent
de dîner avec eux, fi toſt
of qu'ils curent appris l'eſtime
dont le Roy Thonore , àcau
ſe de la beauté de ſon Genie
pour tout ce qui regarde la
Muſique. Ils fe rendirent à
l'Opera , & Mrde Lully les
receur à la porte de l'Acade-
#mie. Commeon reprefentoit
celuy d'Acis & de Galatée ,
dans lequel il n'y a point de
Machines , on leur ditpen-
1
Cij
28 SuiteduVoyage
adant
la repreſentation , Que
ces fortes de Spectacles estoient ordinairement
plus grands que celuy
qu'ils voyoient , parce que celuy-
là avoit eſté fait pour repreſenter
dans un lieu où il n'y avoit
point de Sale , & on leur expliqua
meſme la Feſte pour laquelle
ce Divertiſſement
voit eſté fait. Le premier
Ambaſſadeur dit , Quele Spe-
Etacle dont il eſtoit témoin , &ce
qu'on luy diſoit des autres Opera,
luy faisoit concevoir de grandes
chofes de ce qu'il ne voyoit pas,
s'il estoit vray pourtant que l'on
puſt rien faire de plus beau en ce
geureand. Il marqua pendant
ز
des Amb. de Siam. 29
٥٢٠
cecede
la repreſentation qu'il en
comprenoit le Sujet , & dit
tt des choſes fort galantes ladeſſus.
Ce qu'il dit à Madeto
moiſelle Rochoir , qui l'alla
mot voir aprés l'Opera à l'Hoſtel
oldes Ambaſſadeurs , fait bien
la connoiſtre qu'il l'avoit coma
pris. Il la fit affeoir , & luy
niet dit. Qu'ils ne pouvoientfaire trop
pt d'honneur à la Fille du Dieu de la
Mer , & qu'ils avoient beſoin
74, d'elle ,afin qu'elle calmaſt les flots
da à leur retour , & leurfistfaire une
Dah Navigation beureuſe.
les voir le marin de certe
meſime journée , ils le prierent
de dîner avec eux, fi toſt
of qu'ils curent appris l'eſtime
dont le Roy Thonore , àcau
ſe de la beauté de ſon Genie
pour tout ce qui regarde la
Muſique. Ils fe rendirent à
l'Opera , & Mrde Lully les
receur à la porte de l'Acade-
#mie. Commeon reprefentoit
celuy d'Acis & de Galatée ,
dans lequel il n'y a point de
Machines , on leur ditpen-
1
Cij
28 SuiteduVoyage
adant
la repreſentation , Que
ces fortes de Spectacles estoient ordinairement
plus grands que celuy
qu'ils voyoient , parce que celuy-
là avoit eſté fait pour repreſenter
dans un lieu où il n'y avoit
point de Sale , & on leur expliqua
meſme la Feſte pour laquelle
ce Divertiſſement
voit eſté fait. Le premier
Ambaſſadeur dit , Quele Spe-
Etacle dont il eſtoit témoin , &ce
qu'on luy diſoit des autres Opera,
luy faisoit concevoir de grandes
chofes de ce qu'il ne voyoit pas,
s'il estoit vray pourtant que l'on
puſt rien faire de plus beau en ce
geureand. Il marqua pendant
ز
des Amb. de Siam. 29
٥٢٠
cecede
la repreſentation qu'il en
comprenoit le Sujet , & dit
tt des choſes fort galantes ladeſſus.
Ce qu'il dit à Madeto
moiſelle Rochoir , qui l'alla
mot voir aprés l'Opera à l'Hoſtel
oldes Ambaſſadeurs , fait bien
la connoiſtre qu'il l'avoit coma
pris. Il la fit affeoir , & luy
niet dit. Qu'ils ne pouvoientfaire trop
pt d'honneur à la Fille du Dieu de la
Mer , & qu'ils avoient beſoin
74, d'elle ,afin qu'elle calmaſt les flots
da à leur retour , & leurfistfaire une
Dah Navigation beureuſe.
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Résumé : Opera & ce qu'ils en ont dit, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam ont été invités à dîner et à assister à une représentation de l'œuvre 'Acis et Galatée' de Jean-Baptiste Lully à l'Opéra, en raison de l'estime que le roi Louis XIV portait à Lully. Lors de la représentation, ils découvrirent que ce spectacle était plus modeste que d'autres opéras, car il avait été conçu pour un lieu sans salle. Un des ambassadeurs exprima son admiration pour le spectacle et son intérêt pour d'autres opéras, imaginant leur grandeur. Il montra également qu'il comprenait le sujet de la représentation et fit des compliments élégants à ce sujet. Après l'Opéra, l'ambassadeur rencontra Mademoiselle Rochoir à leur hôtel et lui fit des compliments, la comparant à la fille du dieu de la mer et exprimant le besoin de sa protection pour leur retour en bateau.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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288
p. 31-70
Description de l'Observatoire, & de tout ce qu'il contient de curieux, & de Machines, avec les choses remarquables dites par les Ambassadeurs, [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le lendemain à l'Observatoire, & ils furent [...]
Mots clefs :
Observatoire, Description, Voir, Pieds, Machine, Tour, Verre, Lunettes, Hauteur, Ambassadeur, Bâtiment, Air, Machines, Soleil, Cassini, Paris, Ciel, Longueur, Tuyaux, Lune
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de l'Observatoire, & de tout ce qu'il contient de curieux, & de Machines, avec les choses remarquables dites par les Ambassadeurs, [titre d'après la table]
Ils allerent le lendemain à
a l'Obfervatoire , & ils furent
ant receus à la grande Porte qui
C iij
30 Suite du Voyage
Mr
donne ſur une Terraſſe élevées
de vingt pieds , par
deCaffini,de la Hire, Borilli ,
Thevenot, Couplet , & Cufet
, qui ſont tous de l'Academie
Royale des Sciences .
Le Bâtiment ayant d'abord
frapé la veuë des Ambaſſadeurs
, ils s'attacherent à le
confiderer. Je croy que vous
ne ferez pas fâchéed'aprendre
beaucoup de choſes curieuſes
qui le regardent.
L'Obfervatoire que leRoy
a fait conſtruire , & qu'on appelle
par cette raiſon Obfervatoire
Royal , eſt ſitué à
un des bouts de Paris au lieu
des Amb. de Siam.
31
le plus élevé de la Ville &
M vers le Midy , afin que la
veuë des Aftres, & principale-
Oment des Planettes qui touates
font leur cour en cet endroit
du Ciel , me foit point
ON empechée par les vapeurs de
fla Riviere & par les fumées
qui s'élevent des Maiſons à
ous l'autre coſté.
en La figure de l'Edifice eſt
cr un quarré d'environ quinze
toiſes à chaque face , ayant
Rof deux Tours octogones aux
ap coins de la face du Midy de
fer ſept toiſes de diamettre , &
et une autre Tour quarée & un
Liet peu moins grande au milieu
C iiij
32 Suite du Voyage
de la face du Nord où eſt
l'entrée. Ces trois Tours font
de mefme hauteur que le
reſte du Baſtiment. Celle qui
eſt à l'Orient eſt ouverte depuis
le ſecond étage , & ces
deux faces oppofées & qui
regardent le Midy & le Septentrion
, font fenduës afin
de donner iſſuë à des Lunettes
de plus de cinquante
pieds pour pouvoir obferver
le paſſage des Planettes dans
le Cercle Meridien , & du
coſté du Nord le paſſage des
Etoiles fixes au meſme Meridien
audeſſus & audeſſous
du Pôle pour en conclure fon
des Amb. de Siam.
33
eft élevation fur noſtre Horizon .
ont La Tour quarrée qui eft dans
e la face Septentrionale du
qui Baſtiment eſt couverte en
de Plate- forme avec des cail
ces loux de pierres à feu , de mêqui
me que le Corps du Bafti-
Sep ment & la Tour Occidentaale.
La Plate - forme de cette
net Tour Septentrionale eft ou
antt verte au milieu , afin qu'éryer
tant dans la Chambre à cou-
Lans vert du vent , on puiffe obdu
ſerver les Aftres.
des Le Baſtiment qui ſans le
Mo bas comprend deux étages
Cous voûtez de pierres de taille
fon fur des murs de neuf pieds
Cv
34 Suite du Voyage
d'épaiſſeur , à ſoixante & fix
pieds de haut , en comprenant
l'appuy de la Plate-forme.
Le bas , ou demy érage
de tout leBaſtiment, eft adofſé
du coſté du Midy à une
terraſſe élevée de plus de
vingt pieds par deſſus la
Campagne;de forte que du
premier étage on entre comme
de plein pied ſur cette
terraſſe où eſt un mats qui
porte une Lunette de foixanté
& dix pieds de longueur ,
& une Tour de Charpente
qui a 130. pieds de hauteur.
Je vous en apprendray l'employ
dans la ſuite de cette
Lettre.
:
des Amb. de Siam.
35
X
e.
Tout ce qui paroiſt hors
des rez de chauffée du Baſtiment
, a dix toiſes & demie
de hauteur , & encore plus de
profondeur en terre à caunt
fe des Carrieres fur leſquelde
les il eſt baſty , & au fond
deſquelles on deſcend par un
de degré de pierre de taille
tourné en viz & fufpendu en
l'air par le milieu où il eſt
vuide , de 14. toiſes de profondeur.
Ce degré répond
taumilieu du Baftiment , &
pour cet effet on a fait des
uf ouvertures rondes d'environ
trois pieds de diametre , tant
à la voûte du plancher du
n
tre
36 Suite du Voyage
rez de chauffée qu'aux voûtes
des deux étages , comme auffi
à la Plate-forme. Les centres
de ces quatres ouvertures
font à plomb fur le centre
du vuide du degré à viz . Ainſi
tout cela ne fait que comme
un puits de vingt- quatre
toiſes & demie de profondeur.
Ce Puits de 147. pieds de
profondeur a ſes uſages ,
comme de ſervir à faire des
épreuves pour ſçavoir ſi pendant
le jour eſtant au fond
de ce Puits on verroit les E.
toiles au Zenit. Ilſert encore à
obſerver les degrez de l'accedes
Amb. de Siam.
37
תנ
atu
leration , de la cheute & defcente
des Corps en l'air & les
vibrations des Pendules au
deſſous de 147. pieds de longueur
, ſans craindre que le
mouvement de l'air y apporte
aucunes alterations. Il a
auſſi ſervy pour les Obfervations
des Barometres de plus
de 80. pieds de longueur ,
stant avec les Mercures ſeuls
qu'avec l'eau ſeule. Il a endcore
ſervy à experimenter
dans des tuyaux de fer blanc
ode mefme longueur , comsf
bien il faloit de hauteur d'eau
* pour éclater les tuyaux , d'où
aca l'on a tiré des connoiffances
bel
38 Suite du Voyage
dans ces
de la force que doivent avoir
les tuyaux par lefquels on
veut conduire les eaux qu'on
prend d'une hauteur , pour
Les élever àune ſemblable.
On a pratiqué
Carrieres des Chambres pour
connoiſtre ſi les grains &
les fruits s'y pourroient conſerver;
on a defcouvert differentes
qualitez de l'air enfermé
& fous-terrain & de
l'air découvert & libre ; ony a
fait cent experiences tant avecleThermometre
qu'avec
les Hydrometres , pour reconnoiftre
les differens ef
fets qui proviennent des dif-
7
des Amb. de Siam.
39
00
or ferens degrez de l'humide ,
duſec, du chaud & du froid,
or tant pendantl'hiver que penof
dant l'eſté , dont la Medecine
tirera un jour de grands a-
Co vantages.
OU De l'Appartement du rez
5 de chauffée on monte dans le
Cor premier & fecond étage ,&
dimeſme ſur la Plate forme de
en tout le Baſtiment par un Efcalier
auffi grand qu'il eſt
beau & hardy. Il eſt garny
d'une riche Balustrade de fer,
Lyd &paroiſt pendre en l'air, énya
re tant vuide par le milieu.
ef Comme les faces de ce ſuperdit
be Baftinent regardent dire40
Suite du Voyage
ctement les quatre parties du
Ciel,& que les feneftres du
ſecond étage ont chacune
huivo pieds de largeur , &
vingt- fix pieds de hauteur
d'appuy , elles permettent
aux Aftronomes de découvrir
tous les endroits duCiel ,
&de faire à couvert toutes
les Obervations qui n'ont
pas beſoin de plus grandes
Lunettes que de 15. ou 20.
pieds , & donnent lieu d'avoir
des Inſtrumens fixes &
inébranlables , eſtant ſcellées
dans les murs ; car pour les
Obſervationsqui demandent
de plus grandes Lunetes , elles
desAmb. de Siam.
41
du les ſe font ſur la Terrafle .
d Enfin ce Baſtiment eſt un
Magazin de tous les Inſtru-
,
e
mens neceſſaires aux Aſtrotell
nomes aux Geomettres ,
te aux Geographes , & à la
Cot Navigation. On y trouve
Ciel toutes les machines qui
uto concernent les Arts , avec
'on les machines de Guerre des
and Anciens , de forte qu'en peu
* de temps on y voit & on y
de apprend tout ce qui eft ner
esd ceffaire aux Ingenieurs ,& à
elle ceux qui dans les academies
tenſeignoient l'Art de fortiden
fier , & celuy de naviger.
, Monfieur Perrault qui a fait le
16 D
42 Suite du Voyage
Deſſein de la Façade du Louvre
, a été l'Architecte de
ceBaſtiment ,& ce qu'il fçait
de Medecine & de Mathematiques
, luy a donné licu
d'obſerver des choſes dans
da construction de cet Edifice
, que tous les autres architectes
ne ſont pas obligez
de ſeavoir. 5.
Aprés que les ambaffadeurs
curent conſideré ce
Baſtiment , dont la ſeule vûë
en dehors ne fait pas connoiſtre
toutes les choſes auf
quelles il eſt utile , ils entrerent
dans la premiere Sale, &
paſſerent dela dans la Tour
des Amb. de Siam.
43
he
마 Orientale , où ils virent didvers
Inftrumens pour obſerver
les Aftres , & admirerent
les prodigieux effets d'un
lia grand Miroir ardent de cinq
pieds de diametre , qui fur
Ed expofé au Soleil. Le feu prit
A à une barre de bois de pluige
fleurs pouces d'épaiffeur auffitoſt
qu'elle luy fut preſenaitée
, &le plomb fondit dans
l'inftant meſme qu'il fut exvu
poſée àfon foyer.
COP
A
Ils virent enſuite un Plaad
niſphere de M. de Caffini ,
qui coprend toutes les Etoiet
les viſibles fur l'Horiſon de e,
Tot Paris , & fert à trouver prom-
Dij
44 Suite du Voyage
ptement à chaque inſtant
leurs ſituations dans le Ciel.
Ils en comprirent aiſément
l'ufage , & prierent Monfieur
de Caffini de leur en faire
conſtruire de ſemblables pour
l'Horiſon de Siam. Ils firent
des Experiences ſur unBarometre
, & fur un Thermometre
, & conceurent les cauſes
Phyſiques de leurs mouvemens
, ſur lesquels ils s'entretinrent
long - temps , & ils
firent meſme quelques abjections
auſquelles ondrépondit.
On leur fit voir dans
cette même Tour des Lunettes
de differentes londesAmb.
de Siam.
45
am gueurs , & l'Ambaſſadeur s'é-
Cit tonna de la netteté d'une
en Lunette de vingt- cinq pieds,
ict avec laquelle il confidera
Fain les objets les plus éloignez, &
bot raifonna fur la difficulté d'en
ren avoir d'une extrême lon
aro gueur, comme de 200. pieds ,
oms qui étant braquées contre les
aufe Aftres , peuvent nonobſtant
uye la peſanteur de leurs tuyaux ,
garder leur rectitude , qui eft
abfolument neceffaire aux
ob Lunettes , & qui a toujours
te fait le chagrin des Aftronodan
mes ; mais M² Comiers ayant
Le experimenté qu'on peut fe
lor paffer de tuyaux , en publia
Diij
46 Suite du Voyage ...
l'invention en 1665. dans ſon
Livre de la nouvelle Science
de la nature & des préſages
des Cometes. Il a depuis en
1683.& 1684.inſeré ceTraité
de Lunettes dans les Tomes
des Mercures Extraordinaires.
Comme ils eſtoient fur
cette matiere , Mª Caffini leur
fit voir par experience que
l'on peut ſe ſervir de Lunettes
fans tuyaux , can ayant
placé àune feneſtreun Verre
objectif de 90.pieds de foyer,
au deçà duquel foyer il mit
un Verre oculaire , ils eurent
le plaiſir de regarder differeus
objets fortéloignez
des Amb. e
47 de Siam.
on C'eſt par dette maniere de
ne Lunettes ſans tuyau , que Mr
age Caffini à découvert depuis
5 peu deux nouveaux Satellites
cat de Saturne , qu'il a appellez
MO SIDERA LODOÏCE A.
na Ils entrerent dans ſon Appartement
, où ils virent une
let machine de cuivre compoqu
ſée des Cercles de la Sphere
and qui porte un verre objectif
yas de 140. pieds de longueur de
Vets foyer Solaire , & qui par le
by mouvement d'une Montre
mi ou Horloge à reffort , fait le
red mouvemet diurne de l'Aſtre,
Life lors que l'Aftre n'eſt élevé
gna fur l'Horison que de deux on
48 Suite du Voyage .
trois degrez. On met cette
machine à la hauteur de fix
àſept pieds , de telle maniere
que la furface du verre seſt
paralelle au diſque de l'Aftre
, & on s'en recule en ligne
droite de la longueur de
140. pieds où l'on place le
verre oculaire , en forte que
les quatre centres , ſçavoir
celuy de l'Aſtre , celuy de
la ſurface du verre objectif,
celuy du verre oculaire,& celuy
de l'ouverture de la prunelle
de l'oeil , foient en une
même ligne droite;& lorſque
Paſtre est beaucoup élevé
fur l'Horison , cette machine
des Amb. de Siam. 49
et ne eſt à proportion élevée en
el l'air par le moyen d'une cormit
de vers les Angles ou coins
de la Tour de bois de 150.
|| pieds de hauteur , qui eſt au
en devant de la face meridionaur
le de l'Obſervatoire ; mais il
ace faut- par un long uſage
red aprendre à ſuivre l'Aſtre aavec
le verre oculaire , en forayt
te que l'oeil décrive un cerject
cle preſque de 141. pieds de
& rayons , dont le verre eſt le
a pro centre.
en u Ils y virent encore un
arlos grand Anneau Aſtronomique
éles qui ſert à trouver par le Somachi
leil l'heure & la minute , auf-
#fibien que la déclinaiſon de
50 Snite du Voyage
l'Aiman pour l'uſage de la
Navigation. Ils firent experience
d'un Niveau Lunette
, qui ſe met promptement
en, équilibre. Ils confidererent
la figure de la Lune faite avec
une grande exactitude & les
concavitez , & éminences
que l'on voit dans ſa ſurface.
Ils entrerent enſuite dans
la Tour Occidentale , où Mr
deCaffini a fait faire unegráde
Carte Geographique, fondée
principalement ſur les
Obſervations des Eclipſes
de Lune , & des Satellites
de Jupiter , aprés avoir donné
la methode de les calcu
des Amb. de Siam .
51
ler. Cette Carte eft gravée
pt & pcinte ſur le pavé fait de
me pierres plates dans un Cera
cle gradué de 28. pieds de
ere diametre , noſtre Pôle ter
ak reſtre Septentrional eſtant
au centre dudu cercle de forte
end que c'eſt une projection fur
face la furface de l'Hemisphere
dr Septentrional, ſuppoſant l'oeil
ulau Pole celeſte du Nord, & bié
es que cette projection ne puiffe
to donner que la partie Septenur
trionale de la terre depuis l'EClip
quateur , on y a neanmoins aellt
jouté la deſcription & la figu-
-da re des terres & des mers qui
cals font meſme au delà du Tro-
1
E ij
52 Suite du Voyage
pique d'hyver , afin de voir
enſemble , & tout d'un coup,
toutes les parties de la terre
que nous connoiſſons habitables.
C'eſt pourquoy le
premier Ambaſſadeur , bien
qu'il n'ait aucune connoiffance
de nos lettres ou cara-
Eteres , reconnut d'abord le
Royaume de Siam , & les
Royaumes circonvoiſins. Il
diftingua l'amerique, & plufieurs
autres Parties du Mondequ'il
borna. Il fit la defcription
de leur voyage juſques
à Paris , dont il marqua la
route ſans hefiter , & fans ſe
méprendre , & fit voir qu'ils
des Amb. de Siam, 53
of avoient paffé au delà des
Azores quand les Pilotes ſe
crurent eſtre fort prés de la
br France. Il faut remarquer
+ que la Carte de l'Obſervaroi-
Die re ne met pas plus de diſtanof
ce entre Siam , & les Azores
ath que les autres Cartes en metdl
tent entre Siam , & les coſtes
de France , les Obferva-
5. tionsayant obligé M. de Cafpe
fini à diminuer toutes les diffor
ferences des longitudes dans
fort les continents , & à laiſſer à
que la Mer Paſſifique une étennal
duë beaucoup plus grande.
ns Ainfi le Royaume de Siam
qui ſe trouve trois cens lieuës
E iij
54 Suite du Voyage
moins éloigné de France que
toutes les anciennes Cartes &
les Globes de Hollande ne le
marquent. Cette correction
faite à la Geographie & à
l'Hydrographie a eſté confirmée
par les Obſervations que
l'on a faites depuis ,& particulierement
par celles des deux
Eclipſes de Lune de 1683 .
& 1685.faites à Paris& à Siam .
Les Péres deFontenay & Tachard
Jefuites , ont fait la derniere
en prefence du Roy de
Siam , & c'eſt ce qui a donné
lieu à ce Prince d'avoir un
Obſervatoire dans ſa Ville
Capitale , & de demander
des Amb. de Siam .
55
douze Jefuites pour vaquer
aux Obſervations. Cela pourera
leur donner occaſion de
id faire paroiſtre leur grand zele
pour la Foy.
Les Ambaſſadeurs monqu
terent enſuite fur la Plateforin
me dont je vous ay déja parlé
, & regarderent la Ville de
Paris tant à la veuë fimple
at qu'avec des Lunettes. Le
Premier Ambaſſadeur ayant
de demandé où étoit le Chafteau
de Berny afin de s'orien-
Hot ter , il reconnut Vincennes ,
Montmartre & Sceaux où il
avoit eſté , & quelques ennds
droits des plus remarquaru
E iiij
16 Suite du Voyage..
bles des environs de Paris,
qu'on luy avoit fait voir lors
qu'il eſtoit dans les lieux que
je viens de vous nommer. Cela
ſurprit tous ceux qui le remarquerent
, & luy attira
beaucoup de loüanges. Ils
deſcendirent aprés dans la
grande Salle qui eſt faite
pour la deſcription de la
Meridienne , & pour y marquer
le cours du Soleil. Ils
loüerent Monfieur de Caffini
à diverſes repriſes , & le Premier
Ambaſſadeur dit pluſieurs
fois , qu'il voudroit bien
qu'ily eust un monsieur de Caffini
à Siam. Apres avoir vu toudes
Amb. de Siam.
57
re
$ tes les choſes que je vous ay
marquées, ils entrerent dans
la Salle des Machines , où ils
en virent d'abord une qui
* donne les Eclipſes de Lune,
&de Soleil , dans tous les
| temps propoſez , leur juſte
grandeur , la partie du mon-
Fat de où elles ſe voyent , & l'Ael
pogée , & Perigée de la Lune
qui ſe voit dans chaque Lu-
| naiſon , d'une maniere aiſée
& en tournant ſeulement une
manivelle.L'Ambaſſadeur deph
manda à M. Couplet qui luy
faifoit voir cette Machine ,
Pre
l'Eclipse du 21. deMayde cettol
te année, qu'il trouva entour-
Ev
58 Suite du Voyage
د
nant luy-même la manivelle
& en cótinuant de la tourner,
il.faifoit remarquer ſi l'Eclipſe
que la Machine montroit
eſtoit ou de Soleil ou de Lune.
Il vit enſuite une Machine
pour les Planetes ſuivant
le Syſteme de Copernic
elle peut eſtre nommée Ephemeride
parlante pour
trouver l'état du Cielen quelque
temps qu'on le propoſe ,
ſçavoir paflé , preſent , & avenir
, la longitude , & la latitude
de chaque Planete , &
par confequent ſon vray
lieu dans le Ciel tel jour
qu'on voudra , en tournant
des Amb. de Siam.
59
, fimplement une manivelle
* ainſi que dans la Machine
I precedente. On y voit la vi-
10 teffe , & la lenteur de chaque
Planete , ſon excentricichte
, & lors qu'elle nous paroiſt
var ſtationnaire , ou retrogarde.
ic Cette Machine eft conſtruiel
te de telle maniere que nepo
ceſſairement elle fait tanqut
toſt la viteſſe , & tantoſt la
bok lenteur de chaque Planette
ſuivant qu'elle s'aproche ou
al s'éloigne du Soleil dans fon
e, Apogée & fon Perigée.
vr L'Ambaſſadeur fut longjot
temps à confiderer de comna
bien Saturne alloit plus len60
Suite du Voyage
tement que les autres Planetes.
Mr Couplet luy dit qu'il
estoit prés de trente ans àfairefon
cours , & que Mercure qu'il marquoit
allerſi viſte, n'étoit qu'environ
80. jours àfaire lefien.
Ces deux Machines ont eſté
faites par Me Thuret , Horlogeur
du Roy; dont la reputation
eſt repanduë dans
toutes le parties du monde
à cauſe de la bonté de ſes
Pendules .
L'Ambaſſadeur fit auſſi
mouvoir luy meſine dans la
Salle dont je vous viens de
parler une Machine qui fert
à ſcier pluſieurs pierres à la
desAmb. de Siam. 6г
ер
fois , & montra les actions
du moteur à ceux qui l'ac-
La cu- compagnoient.
# rioſité le porta juſqu'à démonter
une autre Machine
pour en voir l'interieur,& cofnoiſtre
par là ſi les pieces efſencielles
avoient du rapport
en a ce qu'il s'en eſtoit imaginé.
Il confidera toutes les diffe-
One rentes Machines ſervant aux
ef Mécaniques, que Me Perrault
a fait conſtruire , & deffiannées
dans ſon Traité de Vians
truve.
as On luy fit voir uneMachine
Pneufmatique avec laquelle
on fait des experiences du
62 Suite du Voyage
vuide. Il prit plaifir àconfiderer
deux autres Machines ,
l'une à faire des étofes, & l'autre
avec laquelle on dévide
cent bobines de ſoïe à la fois.
Il en fit aufli mouvoir une autre
propre à netoyer les Ports
de mer , ainſi que pluſieurs
autres & particulierement
celle qui eſt la Catapulte des
anciens , tirée auſſi de Vitruve
par Monfieur Perrault , & il
remarqua enfin les principaux
mouvemens de toutes
les Machines qui estoient
dans cette Salle , & qui luy
furent montrées , & expliquées
par Me Couplet , qu'il
des Amb. de Siam.
63
remercia avec beaucoup
$ d'honnêteté de toute la peine
qu'il s'étoit donnée.
10
2
Il vit avant que de fortir
e de cette Salle deux Trompettes
parlantes de differente figure
, qui étoient poſées ſur
its une fenêtre. Il pria que par le
e moyen de l'une de ces Tromed
pettes on fiſt arrêter un homrur
me qui paffoit à un demi-
& quart de lieuë de là ou enviinc
ron.On dit à cet homme qu'il
our ne paſſaſt point outre & il
Dit s'arrêta en regardant de tous
¡ coſtez d'où venoit la voix
xp qu'il avoit entenduë.
qui
Lors qu'ils furent defcen64
Suite du Voyage
dus fur la terraffe , ils regarderent
divers objets par une
Lunette de trente - quatre
pieds , & virent dans l'image
du Soleil fur le papier une
tache de cet Aftre qui paroiſſoit
depuis quelques jours.
L'Ambaſſadeur apres l'avoir
examinée dit en ſouriant , &
en faiſant alluſion aux mouches
dont ſe ſervent les femmes
, Que les Dames de France
avoient raiſon de mettre des taches
noires fur le roiſage , qu'il
n'en estoit plus surpris , & que
comme la beauté de la pluspart
d'elles approchoit déja de celle du
Soleil , il voyoit bien qu'elles vouloient
desAmb. de Siam.
υς
10
OU
loient luy reſſembler en tout , &
qu'elles aimoient tellement cet Aftre
qu'elles se faisoient un ornement
deſes taches mesmes. Iltê-
■ moigna enſuite à Me de Caffini
la fatisfaction qu'il avoit
euë de voir tout ce qu'il avoit
pris la peine de luy expliquer,
& luy dit qu'il reviendroit
un autre jour pour voir quelque
fet choſe au Ciel & pour conferer avec
luy ſur quelques pensées , que
des les entretiens qu'ils venoient d'avoir
luy avoient fait naiſtre. Je
ne vous raporte rien icy dont
je n'aye eſté temoin ; tout ce
que je vous cite de l'Ambaffadeur
, je l'ay entendu moyno
Loit
F
66 Suite du Voyage
mefme. Il auroit monté à
l'appartement de Monfieur de
la Hire , s'il n'euſt point été
preffé de fortir pour ſe rendre
où il eſtoit attendu , & il
y auroit vu des chofes dignes
de ſa curioſité , & capables
d'exercer ſon eſprit.Monfieur
Borelly , de l'Academie
des Sciences , s'étoit auſſi preparé
àluy en faire voir quantité
qui luy auroient donné
beaucoup de plaifir , mais les
mêmes raiſons l'empeſcherent
de s'arrêter plus longtemps.
a l'Obfervatoire , & ils furent
ant receus à la grande Porte qui
C iij
30 Suite du Voyage
Mr
donne ſur une Terraſſe élevées
de vingt pieds , par
deCaffini,de la Hire, Borilli ,
Thevenot, Couplet , & Cufet
, qui ſont tous de l'Academie
Royale des Sciences .
Le Bâtiment ayant d'abord
frapé la veuë des Ambaſſadeurs
, ils s'attacherent à le
confiderer. Je croy que vous
ne ferez pas fâchéed'aprendre
beaucoup de choſes curieuſes
qui le regardent.
L'Obfervatoire que leRoy
a fait conſtruire , & qu'on appelle
par cette raiſon Obfervatoire
Royal , eſt ſitué à
un des bouts de Paris au lieu
des Amb. de Siam.
31
le plus élevé de la Ville &
M vers le Midy , afin que la
veuë des Aftres, & principale-
Oment des Planettes qui touates
font leur cour en cet endroit
du Ciel , me foit point
ON empechée par les vapeurs de
fla Riviere & par les fumées
qui s'élevent des Maiſons à
ous l'autre coſté.
en La figure de l'Edifice eſt
cr un quarré d'environ quinze
toiſes à chaque face , ayant
Rof deux Tours octogones aux
ap coins de la face du Midy de
fer ſept toiſes de diamettre , &
et une autre Tour quarée & un
Liet peu moins grande au milieu
C iiij
32 Suite du Voyage
de la face du Nord où eſt
l'entrée. Ces trois Tours font
de mefme hauteur que le
reſte du Baſtiment. Celle qui
eſt à l'Orient eſt ouverte depuis
le ſecond étage , & ces
deux faces oppofées & qui
regardent le Midy & le Septentrion
, font fenduës afin
de donner iſſuë à des Lunettes
de plus de cinquante
pieds pour pouvoir obferver
le paſſage des Planettes dans
le Cercle Meridien , & du
coſté du Nord le paſſage des
Etoiles fixes au meſme Meridien
audeſſus & audeſſous
du Pôle pour en conclure fon
des Amb. de Siam.
33
eft élevation fur noſtre Horizon .
ont La Tour quarrée qui eft dans
e la face Septentrionale du
qui Baſtiment eſt couverte en
de Plate- forme avec des cail
ces loux de pierres à feu , de mêqui
me que le Corps du Bafti-
Sep ment & la Tour Occidentaale.
La Plate - forme de cette
net Tour Septentrionale eft ou
antt verte au milieu , afin qu'éryer
tant dans la Chambre à cou-
Lans vert du vent , on puiffe obdu
ſerver les Aftres.
des Le Baſtiment qui ſans le
Mo bas comprend deux étages
Cous voûtez de pierres de taille
fon fur des murs de neuf pieds
Cv
34 Suite du Voyage
d'épaiſſeur , à ſoixante & fix
pieds de haut , en comprenant
l'appuy de la Plate-forme.
Le bas , ou demy érage
de tout leBaſtiment, eft adofſé
du coſté du Midy à une
terraſſe élevée de plus de
vingt pieds par deſſus la
Campagne;de forte que du
premier étage on entre comme
de plein pied ſur cette
terraſſe où eſt un mats qui
porte une Lunette de foixanté
& dix pieds de longueur ,
& une Tour de Charpente
qui a 130. pieds de hauteur.
Je vous en apprendray l'employ
dans la ſuite de cette
Lettre.
:
des Amb. de Siam.
35
X
e.
Tout ce qui paroiſt hors
des rez de chauffée du Baſtiment
, a dix toiſes & demie
de hauteur , & encore plus de
profondeur en terre à caunt
fe des Carrieres fur leſquelde
les il eſt baſty , & au fond
deſquelles on deſcend par un
de degré de pierre de taille
tourné en viz & fufpendu en
l'air par le milieu où il eſt
vuide , de 14. toiſes de profondeur.
Ce degré répond
taumilieu du Baftiment , &
pour cet effet on a fait des
uf ouvertures rondes d'environ
trois pieds de diametre , tant
à la voûte du plancher du
n
tre
36 Suite du Voyage
rez de chauffée qu'aux voûtes
des deux étages , comme auffi
à la Plate-forme. Les centres
de ces quatres ouvertures
font à plomb fur le centre
du vuide du degré à viz . Ainſi
tout cela ne fait que comme
un puits de vingt- quatre
toiſes & demie de profondeur.
Ce Puits de 147. pieds de
profondeur a ſes uſages ,
comme de ſervir à faire des
épreuves pour ſçavoir ſi pendant
le jour eſtant au fond
de ce Puits on verroit les E.
toiles au Zenit. Ilſert encore à
obſerver les degrez de l'accedes
Amb. de Siam.
37
תנ
atu
leration , de la cheute & defcente
des Corps en l'air & les
vibrations des Pendules au
deſſous de 147. pieds de longueur
, ſans craindre que le
mouvement de l'air y apporte
aucunes alterations. Il a
auſſi ſervy pour les Obfervations
des Barometres de plus
de 80. pieds de longueur ,
stant avec les Mercures ſeuls
qu'avec l'eau ſeule. Il a endcore
ſervy à experimenter
dans des tuyaux de fer blanc
ode mefme longueur , comsf
bien il faloit de hauteur d'eau
* pour éclater les tuyaux , d'où
aca l'on a tiré des connoiffances
bel
38 Suite du Voyage
dans ces
de la force que doivent avoir
les tuyaux par lefquels on
veut conduire les eaux qu'on
prend d'une hauteur , pour
Les élever àune ſemblable.
On a pratiqué
Carrieres des Chambres pour
connoiſtre ſi les grains &
les fruits s'y pourroient conſerver;
on a defcouvert differentes
qualitez de l'air enfermé
& fous-terrain & de
l'air découvert & libre ; ony a
fait cent experiences tant avecleThermometre
qu'avec
les Hydrometres , pour reconnoiftre
les differens ef
fets qui proviennent des dif-
7
des Amb. de Siam.
39
00
or ferens degrez de l'humide ,
duſec, du chaud & du froid,
or tant pendantl'hiver que penof
dant l'eſté , dont la Medecine
tirera un jour de grands a-
Co vantages.
OU De l'Appartement du rez
5 de chauffée on monte dans le
Cor premier & fecond étage ,&
dimeſme ſur la Plate forme de
en tout le Baſtiment par un Efcalier
auffi grand qu'il eſt
beau & hardy. Il eſt garny
d'une riche Balustrade de fer,
Lyd &paroiſt pendre en l'air, énya
re tant vuide par le milieu.
ef Comme les faces de ce ſuperdit
be Baftinent regardent dire40
Suite du Voyage
ctement les quatre parties du
Ciel,& que les feneftres du
ſecond étage ont chacune
huivo pieds de largeur , &
vingt- fix pieds de hauteur
d'appuy , elles permettent
aux Aftronomes de découvrir
tous les endroits duCiel ,
&de faire à couvert toutes
les Obervations qui n'ont
pas beſoin de plus grandes
Lunettes que de 15. ou 20.
pieds , & donnent lieu d'avoir
des Inſtrumens fixes &
inébranlables , eſtant ſcellées
dans les murs ; car pour les
Obſervationsqui demandent
de plus grandes Lunetes , elles
desAmb. de Siam.
41
du les ſe font ſur la Terrafle .
d Enfin ce Baſtiment eſt un
Magazin de tous les Inſtru-
,
e
mens neceſſaires aux Aſtrotell
nomes aux Geomettres ,
te aux Geographes , & à la
Cot Navigation. On y trouve
Ciel toutes les machines qui
uto concernent les Arts , avec
'on les machines de Guerre des
and Anciens , de forte qu'en peu
* de temps on y voit & on y
de apprend tout ce qui eft ner
esd ceffaire aux Ingenieurs ,& à
elle ceux qui dans les academies
tenſeignoient l'Art de fortiden
fier , & celuy de naviger.
, Monfieur Perrault qui a fait le
16 D
42 Suite du Voyage
Deſſein de la Façade du Louvre
, a été l'Architecte de
ceBaſtiment ,& ce qu'il fçait
de Medecine & de Mathematiques
, luy a donné licu
d'obſerver des choſes dans
da construction de cet Edifice
, que tous les autres architectes
ne ſont pas obligez
de ſeavoir. 5.
Aprés que les ambaffadeurs
curent conſideré ce
Baſtiment , dont la ſeule vûë
en dehors ne fait pas connoiſtre
toutes les choſes auf
quelles il eſt utile , ils entrerent
dans la premiere Sale, &
paſſerent dela dans la Tour
des Amb. de Siam.
43
he
마 Orientale , où ils virent didvers
Inftrumens pour obſerver
les Aftres , & admirerent
les prodigieux effets d'un
lia grand Miroir ardent de cinq
pieds de diametre , qui fur
Ed expofé au Soleil. Le feu prit
A à une barre de bois de pluige
fleurs pouces d'épaiffeur auffitoſt
qu'elle luy fut preſenaitée
, &le plomb fondit dans
l'inftant meſme qu'il fut exvu
poſée àfon foyer.
COP
A
Ils virent enſuite un Plaad
niſphere de M. de Caffini ,
qui coprend toutes les Etoiet
les viſibles fur l'Horiſon de e,
Tot Paris , & fert à trouver prom-
Dij
44 Suite du Voyage
ptement à chaque inſtant
leurs ſituations dans le Ciel.
Ils en comprirent aiſément
l'ufage , & prierent Monfieur
de Caffini de leur en faire
conſtruire de ſemblables pour
l'Horiſon de Siam. Ils firent
des Experiences ſur unBarometre
, & fur un Thermometre
, & conceurent les cauſes
Phyſiques de leurs mouvemens
, ſur lesquels ils s'entretinrent
long - temps , & ils
firent meſme quelques abjections
auſquelles ondrépondit.
On leur fit voir dans
cette même Tour des Lunettes
de differentes londesAmb.
de Siam.
45
am gueurs , & l'Ambaſſadeur s'é-
Cit tonna de la netteté d'une
en Lunette de vingt- cinq pieds,
ict avec laquelle il confidera
Fain les objets les plus éloignez, &
bot raifonna fur la difficulté d'en
ren avoir d'une extrême lon
aro gueur, comme de 200. pieds ,
oms qui étant braquées contre les
aufe Aftres , peuvent nonobſtant
uye la peſanteur de leurs tuyaux ,
garder leur rectitude , qui eft
abfolument neceffaire aux
ob Lunettes , & qui a toujours
te fait le chagrin des Aftronodan
mes ; mais M² Comiers ayant
Le experimenté qu'on peut fe
lor paffer de tuyaux , en publia
Diij
46 Suite du Voyage ...
l'invention en 1665. dans ſon
Livre de la nouvelle Science
de la nature & des préſages
des Cometes. Il a depuis en
1683.& 1684.inſeré ceTraité
de Lunettes dans les Tomes
des Mercures Extraordinaires.
Comme ils eſtoient fur
cette matiere , Mª Caffini leur
fit voir par experience que
l'on peut ſe ſervir de Lunettes
fans tuyaux , can ayant
placé àune feneſtreun Verre
objectif de 90.pieds de foyer,
au deçà duquel foyer il mit
un Verre oculaire , ils eurent
le plaiſir de regarder differeus
objets fortéloignez
des Amb. e
47 de Siam.
on C'eſt par dette maniere de
ne Lunettes ſans tuyau , que Mr
age Caffini à découvert depuis
5 peu deux nouveaux Satellites
cat de Saturne , qu'il a appellez
MO SIDERA LODOÏCE A.
na Ils entrerent dans ſon Appartement
, où ils virent une
let machine de cuivre compoqu
ſée des Cercles de la Sphere
and qui porte un verre objectif
yas de 140. pieds de longueur de
Vets foyer Solaire , & qui par le
by mouvement d'une Montre
mi ou Horloge à reffort , fait le
red mouvemet diurne de l'Aſtre,
Life lors que l'Aftre n'eſt élevé
gna fur l'Horison que de deux on
48 Suite du Voyage .
trois degrez. On met cette
machine à la hauteur de fix
àſept pieds , de telle maniere
que la furface du verre seſt
paralelle au diſque de l'Aftre
, & on s'en recule en ligne
droite de la longueur de
140. pieds où l'on place le
verre oculaire , en forte que
les quatre centres , ſçavoir
celuy de l'Aſtre , celuy de
la ſurface du verre objectif,
celuy du verre oculaire,& celuy
de l'ouverture de la prunelle
de l'oeil , foient en une
même ligne droite;& lorſque
Paſtre est beaucoup élevé
fur l'Horison , cette machine
des Amb. de Siam. 49
et ne eſt à proportion élevée en
el l'air par le moyen d'une cormit
de vers les Angles ou coins
de la Tour de bois de 150.
|| pieds de hauteur , qui eſt au
en devant de la face meridionaur
le de l'Obſervatoire ; mais il
ace faut- par un long uſage
red aprendre à ſuivre l'Aſtre aavec
le verre oculaire , en forayt
te que l'oeil décrive un cerject
cle preſque de 141. pieds de
& rayons , dont le verre eſt le
a pro centre.
en u Ils y virent encore un
arlos grand Anneau Aſtronomique
éles qui ſert à trouver par le Somachi
leil l'heure & la minute , auf-
#fibien que la déclinaiſon de
50 Snite du Voyage
l'Aiman pour l'uſage de la
Navigation. Ils firent experience
d'un Niveau Lunette
, qui ſe met promptement
en, équilibre. Ils confidererent
la figure de la Lune faite avec
une grande exactitude & les
concavitez , & éminences
que l'on voit dans ſa ſurface.
Ils entrerent enſuite dans
la Tour Occidentale , où Mr
deCaffini a fait faire unegráde
Carte Geographique, fondée
principalement ſur les
Obſervations des Eclipſes
de Lune , & des Satellites
de Jupiter , aprés avoir donné
la methode de les calcu
des Amb. de Siam .
51
ler. Cette Carte eft gravée
pt & pcinte ſur le pavé fait de
me pierres plates dans un Cera
cle gradué de 28. pieds de
ere diametre , noſtre Pôle ter
ak reſtre Septentrional eſtant
au centre dudu cercle de forte
end que c'eſt une projection fur
face la furface de l'Hemisphere
dr Septentrional, ſuppoſant l'oeil
ulau Pole celeſte du Nord, & bié
es que cette projection ne puiffe
to donner que la partie Septenur
trionale de la terre depuis l'EClip
quateur , on y a neanmoins aellt
jouté la deſcription & la figu-
-da re des terres & des mers qui
cals font meſme au delà du Tro-
1
E ij
52 Suite du Voyage
pique d'hyver , afin de voir
enſemble , & tout d'un coup,
toutes les parties de la terre
que nous connoiſſons habitables.
C'eſt pourquoy le
premier Ambaſſadeur , bien
qu'il n'ait aucune connoiffance
de nos lettres ou cara-
Eteres , reconnut d'abord le
Royaume de Siam , & les
Royaumes circonvoiſins. Il
diftingua l'amerique, & plufieurs
autres Parties du Mondequ'il
borna. Il fit la defcription
de leur voyage juſques
à Paris , dont il marqua la
route ſans hefiter , & fans ſe
méprendre , & fit voir qu'ils
des Amb. de Siam, 53
of avoient paffé au delà des
Azores quand les Pilotes ſe
crurent eſtre fort prés de la
br France. Il faut remarquer
+ que la Carte de l'Obſervaroi-
Die re ne met pas plus de diſtanof
ce entre Siam , & les Azores
ath que les autres Cartes en metdl
tent entre Siam , & les coſtes
de France , les Obferva-
5. tionsayant obligé M. de Cafpe
fini à diminuer toutes les diffor
ferences des longitudes dans
fort les continents , & à laiſſer à
que la Mer Paſſifique une étennal
duë beaucoup plus grande.
ns Ainfi le Royaume de Siam
qui ſe trouve trois cens lieuës
E iij
54 Suite du Voyage
moins éloigné de France que
toutes les anciennes Cartes &
les Globes de Hollande ne le
marquent. Cette correction
faite à la Geographie & à
l'Hydrographie a eſté confirmée
par les Obſervations que
l'on a faites depuis ,& particulierement
par celles des deux
Eclipſes de Lune de 1683 .
& 1685.faites à Paris& à Siam .
Les Péres deFontenay & Tachard
Jefuites , ont fait la derniere
en prefence du Roy de
Siam , & c'eſt ce qui a donné
lieu à ce Prince d'avoir un
Obſervatoire dans ſa Ville
Capitale , & de demander
des Amb. de Siam .
55
douze Jefuites pour vaquer
aux Obſervations. Cela pourera
leur donner occaſion de
id faire paroiſtre leur grand zele
pour la Foy.
Les Ambaſſadeurs monqu
terent enſuite fur la Plateforin
me dont je vous ay déja parlé
, & regarderent la Ville de
Paris tant à la veuë fimple
at qu'avec des Lunettes. Le
Premier Ambaſſadeur ayant
de demandé où étoit le Chafteau
de Berny afin de s'orien-
Hot ter , il reconnut Vincennes ,
Montmartre & Sceaux où il
avoit eſté , & quelques ennds
droits des plus remarquaru
E iiij
16 Suite du Voyage..
bles des environs de Paris,
qu'on luy avoit fait voir lors
qu'il eſtoit dans les lieux que
je viens de vous nommer. Cela
ſurprit tous ceux qui le remarquerent
, & luy attira
beaucoup de loüanges. Ils
deſcendirent aprés dans la
grande Salle qui eſt faite
pour la deſcription de la
Meridienne , & pour y marquer
le cours du Soleil. Ils
loüerent Monfieur de Caffini
à diverſes repriſes , & le Premier
Ambaſſadeur dit pluſieurs
fois , qu'il voudroit bien
qu'ily eust un monsieur de Caffini
à Siam. Apres avoir vu toudes
Amb. de Siam.
57
re
$ tes les choſes que je vous ay
marquées, ils entrerent dans
la Salle des Machines , où ils
en virent d'abord une qui
* donne les Eclipſes de Lune,
&de Soleil , dans tous les
| temps propoſez , leur juſte
grandeur , la partie du mon-
Fat de où elles ſe voyent , & l'Ael
pogée , & Perigée de la Lune
qui ſe voit dans chaque Lu-
| naiſon , d'une maniere aiſée
& en tournant ſeulement une
manivelle.L'Ambaſſadeur deph
manda à M. Couplet qui luy
faifoit voir cette Machine ,
Pre
l'Eclipse du 21. deMayde cettol
te année, qu'il trouva entour-
Ev
58 Suite du Voyage
د
nant luy-même la manivelle
& en cótinuant de la tourner,
il.faifoit remarquer ſi l'Eclipſe
que la Machine montroit
eſtoit ou de Soleil ou de Lune.
Il vit enſuite une Machine
pour les Planetes ſuivant
le Syſteme de Copernic
elle peut eſtre nommée Ephemeride
parlante pour
trouver l'état du Cielen quelque
temps qu'on le propoſe ,
ſçavoir paflé , preſent , & avenir
, la longitude , & la latitude
de chaque Planete , &
par confequent ſon vray
lieu dans le Ciel tel jour
qu'on voudra , en tournant
des Amb. de Siam.
59
, fimplement une manivelle
* ainſi que dans la Machine
I precedente. On y voit la vi-
10 teffe , & la lenteur de chaque
Planete , ſon excentricichte
, & lors qu'elle nous paroiſt
var ſtationnaire , ou retrogarde.
ic Cette Machine eft conſtruiel
te de telle maniere que nepo
ceſſairement elle fait tanqut
toſt la viteſſe , & tantoſt la
bok lenteur de chaque Planette
ſuivant qu'elle s'aproche ou
al s'éloigne du Soleil dans fon
e, Apogée & fon Perigée.
vr L'Ambaſſadeur fut longjot
temps à confiderer de comna
bien Saturne alloit plus len60
Suite du Voyage
tement que les autres Planetes.
Mr Couplet luy dit qu'il
estoit prés de trente ans àfairefon
cours , & que Mercure qu'il marquoit
allerſi viſte, n'étoit qu'environ
80. jours àfaire lefien.
Ces deux Machines ont eſté
faites par Me Thuret , Horlogeur
du Roy; dont la reputation
eſt repanduë dans
toutes le parties du monde
à cauſe de la bonté de ſes
Pendules .
L'Ambaſſadeur fit auſſi
mouvoir luy meſine dans la
Salle dont je vous viens de
parler une Machine qui fert
à ſcier pluſieurs pierres à la
desAmb. de Siam. 6г
ер
fois , & montra les actions
du moteur à ceux qui l'ac-
La cu- compagnoient.
# rioſité le porta juſqu'à démonter
une autre Machine
pour en voir l'interieur,& cofnoiſtre
par là ſi les pieces efſencielles
avoient du rapport
en a ce qu'il s'en eſtoit imaginé.
Il confidera toutes les diffe-
One rentes Machines ſervant aux
ef Mécaniques, que Me Perrault
a fait conſtruire , & deffiannées
dans ſon Traité de Vians
truve.
as On luy fit voir uneMachine
Pneufmatique avec laquelle
on fait des experiences du
62 Suite du Voyage
vuide. Il prit plaifir àconfiderer
deux autres Machines ,
l'une à faire des étofes, & l'autre
avec laquelle on dévide
cent bobines de ſoïe à la fois.
Il en fit aufli mouvoir une autre
propre à netoyer les Ports
de mer , ainſi que pluſieurs
autres & particulierement
celle qui eſt la Catapulte des
anciens , tirée auſſi de Vitruve
par Monfieur Perrault , & il
remarqua enfin les principaux
mouvemens de toutes
les Machines qui estoient
dans cette Salle , & qui luy
furent montrées , & expliquées
par Me Couplet , qu'il
des Amb. de Siam.
63
remercia avec beaucoup
$ d'honnêteté de toute la peine
qu'il s'étoit donnée.
10
2
Il vit avant que de fortir
e de cette Salle deux Trompettes
parlantes de differente figure
, qui étoient poſées ſur
its une fenêtre. Il pria que par le
e moyen de l'une de ces Tromed
pettes on fiſt arrêter un homrur
me qui paffoit à un demi-
& quart de lieuë de là ou enviinc
ron.On dit à cet homme qu'il
our ne paſſaſt point outre & il
Dit s'arrêta en regardant de tous
¡ coſtez d'où venoit la voix
xp qu'il avoit entenduë.
qui
Lors qu'ils furent defcen64
Suite du Voyage
dus fur la terraffe , ils regarderent
divers objets par une
Lunette de trente - quatre
pieds , & virent dans l'image
du Soleil fur le papier une
tache de cet Aftre qui paroiſſoit
depuis quelques jours.
L'Ambaſſadeur apres l'avoir
examinée dit en ſouriant , &
en faiſant alluſion aux mouches
dont ſe ſervent les femmes
, Que les Dames de France
avoient raiſon de mettre des taches
noires fur le roiſage , qu'il
n'en estoit plus surpris , & que
comme la beauté de la pluspart
d'elles approchoit déja de celle du
Soleil , il voyoit bien qu'elles vouloient
desAmb. de Siam.
υς
10
OU
loient luy reſſembler en tout , &
qu'elles aimoient tellement cet Aftre
qu'elles se faisoient un ornement
deſes taches mesmes. Iltê-
■ moigna enſuite à Me de Caffini
la fatisfaction qu'il avoit
euë de voir tout ce qu'il avoit
pris la peine de luy expliquer,
& luy dit qu'il reviendroit
un autre jour pour voir quelque
fet choſe au Ciel & pour conferer avec
luy ſur quelques pensées , que
des les entretiens qu'ils venoient d'avoir
luy avoient fait naiſtre. Je
ne vous raporte rien icy dont
je n'aye eſté temoin ; tout ce
que je vous cite de l'Ambaffadeur
, je l'ay entendu moyno
Loit
F
66 Suite du Voyage
mefme. Il auroit monté à
l'appartement de Monfieur de
la Hire , s'il n'euſt point été
preffé de fortir pour ſe rendre
où il eſtoit attendu , & il
y auroit vu des chofes dignes
de ſa curioſité , & capables
d'exercer ſon eſprit.Monfieur
Borelly , de l'Academie
des Sciences , s'étoit auſſi preparé
àluy en faire voir quantité
qui luy auroient donné
beaucoup de plaifir , mais les
mêmes raiſons l'empeſcherent
de s'arrêter plus longtemps.
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Résumé : Description de l'Observatoire, & de tout ce qu'il contient de curieux, & de Machines, avec les choses remarquables dites par les Ambassadeurs, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam ont visité l'Observatoire Royal de Paris, situé à l'extrémité sud de la ville. Cet observatoire, conçu pour offrir une vue dégagée des astres, évite les vapeurs de la Seine et les fumées des maisons. Le bâtiment est de forme carrée avec trois tours : deux octogonales aux coins sud et une carrée au nord. Ces tours abritent des lunettes astronomiques pour observer les planètes et les étoiles. La tour nord est équipée d'une plateforme pour les observations et d'une terrasse élevée pour les instruments. L'Observatoire comprend deux étages voûtés et un puits profond de 147 pieds, utilisé pour diverses expériences scientifiques, comme observer les étoiles au zénith ou tester la résistance des tuyaux. Les ambassadeurs ont admiré les instruments et les expériences, notamment un miroir ardent et un planisphère. Ils ont également vu des lunettes de différentes longueurs et ont appris l'utilisation des lunettes sans tuyaux pour découvrir de nouveaux satellites de Saturne. L'Observatoire abrite également une machine astronomique et un anneau astronomique pour déterminer l'heure et la déclinaison magnétique. Une grande carte géographique, basée sur les observations des éclipses et des satellites de Jupiter, est gravée sur le pavé. Les ambassadeurs ont reconnu leur royaume et d'autres parties du monde sur cette carte. L'architecte de l'Observatoire, Monsieur Perrault, a intégré des connaissances en médecine et en mathématiques dans la construction. Les observations astronomiques et les corrections apportées à la géographie et à l'hydrographie par M. de Cassini ont réduit la distance entre le Siam et les Azores, ainsi qu'entre le Siam et les côtes de France, confirmées par les éclipses de lune de 1683 et 1685. Les pères jésuites De Fontenay et Tachard ont joué un rôle clé dans ces observations, ce qui a conduit le roi de Siam à établir un observatoire et à demander des jésuites pour les observations. Les ambassadeurs ont également visité Paris et ont été impressionnés par les machines et les observations astronomiques. Ils ont vu des machines montrant les éclipses et les mouvements des planètes, construites par Me Thuret. Les ambassadeurs ont également examiné diverses machines mécaniques et pneumatiques, et ont été impressionnés par les trompetes parlantes capables de communiquer à distance. L'ambassadeur a exprimé sa satisfaction et a promis de revenir pour discuter davantage. Il a également fait des remarques sur les taches solaires, comparant les taches sur le visage des femmes à celles du Soleil.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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289
p. 70-77
Ce qu'ils ont veu & dit le jour qu'ils ont esté aux Chartreux. [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent le mesme jour au Convent des Chartreux, & [...]
Mots clefs :
Couvent des chartreux, Couvert, Couvent, Religieux, Humilité, Cloître, Pères, Cour, Porte, Tableaux
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Ce qu'ils ont veu & dit le jour qu'ils ont esté aux Chartreux. [titre d'après la table]
Ils allerent le même jour
au Convent des Chartreux
des Amb. de Siam.
67
10
-bi
& defcendirent de Carofle
dans la court devant la porte
de l'Eglife. On leur dit qu'on
ne venoit point le recevoir , parce
que ces Religieux ayant entierement
renoncé au monde ,&fai-
Sant profeſſion de la plus exacte
humilité , ils n'alloient au devant
de personne. Ils entrerent dans
l'Egliſe où il ne ſe trouva que
celuy qui leur en ouvrit la
porte qui eſtoit fermée parce
qu'il eſtoit déja tard. M
Torf s'étant mis d'abord à
genoux , ils ſuivirent ſon exemple
, & ne ſe releverent
jo
qu'aprés luy. Ils admirerent
enfuite toute la menuiferie ,
Fij
68 Suite du Voyage
qui eſt des plus belles que
l'on voye dans le Royaume.Ils
firent le tour du Choeur pour
en conſiderer les Tableaux.Ils
ont eſté faits par les plus excellens
Peintres que nous
ayons aujourd'huy. Mr Coepel
eſt du nombre. Ils remarquerent
une figure de Bronze
qui eft fur un tombeau devant
le grand Autel , & demanderent
le nom de celuy
qu'elle repreſentoit. On leur
dit que c'eſtoit un Chancelier
de France qui avoit fait
du bien à ce Convent. Hs
paſſerent de- là dans la Sacriitie
,& enſuite dans une gran
des Amb. de Siam . 69
de Salle où il y a des Tableaux
anciens & modernes ,
qu'ils trouverent tres -beaux ,
aprés quoy ils furent conduits
dans le Cloiſtre où toute
la vie de S. Bruno eſt peinte
par Feu Male Sueur. C'eſt
un grand ouvrage & fort
eſtimé de tous les connoiffeurs.
Il eſt couvert par des
volets ſur leſquels font peints
divers Païſages. On les ouvrit
tous pour leur mieux faire
voir la vie de ce Saint , qui
eſt Fondateur de l'Ordre. Aprés
avoir été quelque temps
dans le Cloiſtre où ils trouverent
le P. Vicaire qui les ac-
Füj
70 Suite du Voyage
cópagna avec quelques Religieux
dás tous les autres lieux
où ils allerent , ils entrerent
dans le Refectoire où le couvert
eſtoit mis , parce qu'ils
faifoient ce ſoir la collation
en commun . Ils remarquerent
qu'il y avoit un godet
de terre à chaque couvert
& on leur dit que l'humilité
dont ces Peres faisoient
profeſſion ne leur permettoit pas
de boire dans autre chose. Ils vi-
Grerent enfuite une des Cel
lules , & regarderent le lit ,
la Bibliotheque , & le jardin.
Ils vinrent aprés cela voir une
pompe qui eſt au milieu
,
des Amb. de siam.
71
de la court du grand Cloiſtre,
& qui éleve l'eau & la diftribuë
dans les Cellules. Le pre-
- mier Ambafſfadeur examina
tout ce qui dépend de cette
- machine, & fa curiofité le fit
paffer par des endroits d'un
accés aſſez difficile. Comme
il eſtoit déja tard , il n'eut
pas le temps de voir le reſte
de ce Convent & d'aller
dans le grand Jardin. Il fortit
par un lieu couvert , affez
long , bâty en maniere de
Cloître , & qui donne dans la
court. Il ne s'aperçeut point
que les Peres qui l'avoient
accompagné , ne l'avoient
72 Suite du Voyage
)
pas ſuivy dans ce lieu ; on
luy dit lors qu'il fut au bout
que leur Regle ne leur permettoit
pas de reconduire perſonne. Cela
l'obligea de retourner ſur ſes
pas juſqu'au bout du lieu
qu'il avoitdéja traverſé, pour
remercier ces Peres de leur
honneſteté. Les trois Ambaffadeurs
, & les Mandarins
de leur fuite furent fort édifiez
de l'humilité & de l'aufterité
de ceux de cét Ordre.
Plus les Regles des Religieux
qu'ils voïent font aufteres
, plus ils les eſtiment.
au Convent des Chartreux
des Amb. de Siam.
67
10
-bi
& defcendirent de Carofle
dans la court devant la porte
de l'Eglife. On leur dit qu'on
ne venoit point le recevoir , parce
que ces Religieux ayant entierement
renoncé au monde ,&fai-
Sant profeſſion de la plus exacte
humilité , ils n'alloient au devant
de personne. Ils entrerent dans
l'Egliſe où il ne ſe trouva que
celuy qui leur en ouvrit la
porte qui eſtoit fermée parce
qu'il eſtoit déja tard. M
Torf s'étant mis d'abord à
genoux , ils ſuivirent ſon exemple
, & ne ſe releverent
jo
qu'aprés luy. Ils admirerent
enfuite toute la menuiferie ,
Fij
68 Suite du Voyage
qui eſt des plus belles que
l'on voye dans le Royaume.Ils
firent le tour du Choeur pour
en conſiderer les Tableaux.Ils
ont eſté faits par les plus excellens
Peintres que nous
ayons aujourd'huy. Mr Coepel
eſt du nombre. Ils remarquerent
une figure de Bronze
qui eft fur un tombeau devant
le grand Autel , & demanderent
le nom de celuy
qu'elle repreſentoit. On leur
dit que c'eſtoit un Chancelier
de France qui avoit fait
du bien à ce Convent. Hs
paſſerent de- là dans la Sacriitie
,& enſuite dans une gran
des Amb. de Siam . 69
de Salle où il y a des Tableaux
anciens & modernes ,
qu'ils trouverent tres -beaux ,
aprés quoy ils furent conduits
dans le Cloiſtre où toute
la vie de S. Bruno eſt peinte
par Feu Male Sueur. C'eſt
un grand ouvrage & fort
eſtimé de tous les connoiffeurs.
Il eſt couvert par des
volets ſur leſquels font peints
divers Païſages. On les ouvrit
tous pour leur mieux faire
voir la vie de ce Saint , qui
eſt Fondateur de l'Ordre. Aprés
avoir été quelque temps
dans le Cloiſtre où ils trouverent
le P. Vicaire qui les ac-
Füj
70 Suite du Voyage
cópagna avec quelques Religieux
dás tous les autres lieux
où ils allerent , ils entrerent
dans le Refectoire où le couvert
eſtoit mis , parce qu'ils
faifoient ce ſoir la collation
en commun . Ils remarquerent
qu'il y avoit un godet
de terre à chaque couvert
& on leur dit que l'humilité
dont ces Peres faisoient
profeſſion ne leur permettoit pas
de boire dans autre chose. Ils vi-
Grerent enfuite une des Cel
lules , & regarderent le lit ,
la Bibliotheque , & le jardin.
Ils vinrent aprés cela voir une
pompe qui eſt au milieu
,
des Amb. de siam.
71
de la court du grand Cloiſtre,
& qui éleve l'eau & la diftribuë
dans les Cellules. Le pre-
- mier Ambafſfadeur examina
tout ce qui dépend de cette
- machine, & fa curiofité le fit
paffer par des endroits d'un
accés aſſez difficile. Comme
il eſtoit déja tard , il n'eut
pas le temps de voir le reſte
de ce Convent & d'aller
dans le grand Jardin. Il fortit
par un lieu couvert , affez
long , bâty en maniere de
Cloître , & qui donne dans la
court. Il ne s'aperçeut point
que les Peres qui l'avoient
accompagné , ne l'avoient
72 Suite du Voyage
)
pas ſuivy dans ce lieu ; on
luy dit lors qu'il fut au bout
que leur Regle ne leur permettoit
pas de reconduire perſonne. Cela
l'obligea de retourner ſur ſes
pas juſqu'au bout du lieu
qu'il avoitdéja traverſé, pour
remercier ces Peres de leur
honneſteté. Les trois Ambaffadeurs
, & les Mandarins
de leur fuite furent fort édifiez
de l'humilité & de l'aufterité
de ceux de cét Ordre.
Plus les Regles des Religieux
qu'ils voïent font aufteres
, plus ils les eſtiment.
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Résumé : Ce qu'ils ont veu & dit le jour qu'ils ont esté aux Chartreux. [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam visitèrent le couvent des Chartreux. Ils furent informés que les religieux ne les accueillaient pas en raison de leur vœu d'humilité. Ils admirèrent l'église, sa menuiserie et ses tableaux, notamment ceux de Mr Coepel. Ils remarquèrent une figure de bronze sur un tombeau, représentant un chancelier de France ayant aidé le couvent. Ils visitèrent la sacristie, une grande salle avec des tableaux anciens et modernes, et le cloître, où la vie de Saint Bruno est peinte par Feu Male Sueur. Accompagnés par le Père Vicaire et quelques religieux, ils observèrent dans le réfectoire que chaque couvert avait un godet de terre, symbole de l'humilité des religieux. Ils visitèrent également une cellule, la bibliothèque, le jardin et une pompe dans la cour du grand cloître. L'ambassadeur examina la pompe avec curiosité. En raison de l'heure tardive, ils ne purent voir le reste du couvent ni le grand jardin. Les religieux ne les reconduisirent pas, conformément à leur règle. Les ambassadeurs furent impressionnés par l'humilité et l'austérité des religieux.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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290
p. 77-85
Ils vont chez M. de Montarsis voir ses Pierreries, ses Médailles, & ses Tableaux, [titre d'après la table]
Début :
Le lendemain ils allerent voir quantité de pierreries chez Mr [...]
Mots clefs :
Monsieur de Montarcis, Voir, Pierreries, Roi, Europe, Ambassadeur, Cabinet, Médailles, Tableaux
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texteReconnaissance textuelle : Ils vont chez M. de Montarsis voir ses Pierreries, ses Médailles, & ses Tableaux, [titre d'après la table]
Le lendemain ils allerent
voir quantité de pierreries
chez
des Amb. de Siam. 73
oeuvre celchez
Monfieur de Montarfis
qui en a toujours des plus
belles de l'Europe , & qui
( ayant Thonneur d'eſtre au
Roy , en fournit ſouvent à Sa
Majesté , & fait mettre en
preſque toutes
Iles de la Couronne. Ils en
virét pour quelques millions,
a les examinerent toutes & en
demanderent le prix& comme
il y a desrubis de diver-
( ſes ſortes de couleurs , le Premier
Ambaſſadeur voulut
ſçavoir la diference qu'on
fait entre chaque couleur , &
et ceux que l'on eftime le plus.
Il apprit à quels ufages la
chi G
74 Suite du Voyage
&
pluſpart des pierreries qu'il
vit eſtoient deſtinées
marqua à quels endroits ſe
mettoient les pieces des dif
ferentes fortes de parures
qu'on luy montra. Ayant
aperçeu un Portrait du Roy
en miniature , & entouré de
pierreries , il le prit à diverſes
fois , dit qu'il eſtoit extrême
ment reſſemblant , & s'atacha
tellement à le confiderer , que
fon attention ceſſa pour les
pierreries qu'il examinoit auparavant
avec un ſoin ſi curieux.
Apres que Mr de Montarfis
leur cut fait voir la plus
des Amb. de Siam .
75
grande partie des pierreries
qui estoient alors chez luy
il leur montra fon cabinet de
Medailles , conſiſtant en plus
de quarante tiroirs , quicomprennent
la France , L'Eſpagne
, L'Allemagne , l'Italie,
l'Angleterre , la Pologne ,
la Suede , la Hollande , &
celles de pluſieurs autres Nations.
Il leur en expliqua
un fort grand nombre , &
fit voir dans toutes ces explications
beaucoup de prefence
d'eſprit , de memoire &
d'érudition , avec une grande
connoiſſance de l'Hiſtoi
re generale , ſans quoy il
Gij
76 Suite duVoyage
n'auroit pu répondre à diverſes
queſtions du Premier
Ambaſſadeur , qui eſt l'homme
du monde qui en faitle
plus , & de plusjuſtes. Me de
Montarſis luy expliqua tour
aulong une Medaille dont
le revers eſtoit tout remply
d'une fort longue infcription
, qui n'eſtoit pas avantageuſe
à la pluſpart des Souverains
de l'Europe. Ie ne
vous dis point le nom qu'on
donne à cette Medaille , ny
le Païs d'où elle venoit , il
ne faut point renouveller les
douleurs de ceux qui ſe font
repentis plus d'une fois de
des Amb: de siam. ブブ
1
l'avoir inventée & fait fraper.
On en fit l'hiſtoire à l'Ambafladeur
, & on luy dit que
cette medaille avoit eſté em
partie cauſe de la Guerre qui
s'eſtoit allumée en Europe
en 1672. Il la confidera attentivement
, mais avec un
air plein d'indignation , &
aprés l'avoir bien examinée ,
il la mit ſur la table , & la
pouſſa enſuite d'une maniere
mépriſante pour l'éloigner
de luy , ce qui merite d'eſtre
remarqué , puiſque l'on n'a
peut- eſtre jamais plus dit de
choſes ſans parler. On luy
montra pluſieurs Medailles
Giij
78 Suite du Voyage
f
du Roy , & aprés avoir regardé
la beauté de l'ouvrage,
& la reffemblance , il dit Que
L'imagination qu'on avoit euë de
faire des Medailles pour immortaliser
les hommes eftoit merveilleuse,
mais qu'elle estoit. inutile
pour le Roy , dont les grandes
actions feroient éternellement vi-
Fure la memoire, ſans que laposte.
vité euſt beſoin de pareils fecours
pour l'en faire souvenir. Aprés
avoir remercié Mª de Montarſis
de la peine qu'il s'eſtoit
donnée nonſeulement de luy
faire voir tant de belles choſes
, mais encore de les luy avoir
expliquées ſi nettement ,
des Amb. de Siam. 79
&de luy en avoir apris de ſi
curleuſes , il examina tous les
Tableaux de ſon cabinet les
uns aprés les autres , & fe fit
expliquer ce qu'ils reprefentoient.
Ces Tableaux donne
rent lieu à Mode Montarlis
de luy apprendre l'Hiftoire
de Christophe Colomb. La
curiofité de cet Ambaſſadeur
le porta juſques à vouloir ſçavoir
les noms , & le païs des
Peintres qui avoient fait de
fi beaux ouvrages , car il ſeeroit
difficile d'en trouver
beaucoup de plus beaux qu'il
y en a dans ce cabinet. Ce
fut ce qui l'engagea à voir le
Giiij
80 Suite du Voyage
reſte de l'apartement , où il
trouva une Pendulſe qui va
trois mois ſans eſtre montée.
Il fit enſuite civilité à
Madame de Montarfis , &
remercia encore Mr de Montarſis
à la portiere de fon
Caroſſe où il le reconduifit.
Comme les Ambaſſadeurs
n'avoient pû voir ny le Cha-
Iteau ny les Jardins de Ver-
Tailles le jour qu'ils eurent
Audience de Sa. Majesté , ils
partirent le lendemain pour
aller paffer quelques jours à
Clagny , qu'on leur avoit fait
meubler.
voir quantité de pierreries
chez
des Amb. de Siam. 73
oeuvre celchez
Monfieur de Montarfis
qui en a toujours des plus
belles de l'Europe , & qui
( ayant Thonneur d'eſtre au
Roy , en fournit ſouvent à Sa
Majesté , & fait mettre en
preſque toutes
Iles de la Couronne. Ils en
virét pour quelques millions,
a les examinerent toutes & en
demanderent le prix& comme
il y a desrubis de diver-
( ſes ſortes de couleurs , le Premier
Ambaſſadeur voulut
ſçavoir la diference qu'on
fait entre chaque couleur , &
et ceux que l'on eftime le plus.
Il apprit à quels ufages la
chi G
74 Suite du Voyage
&
pluſpart des pierreries qu'il
vit eſtoient deſtinées
marqua à quels endroits ſe
mettoient les pieces des dif
ferentes fortes de parures
qu'on luy montra. Ayant
aperçeu un Portrait du Roy
en miniature , & entouré de
pierreries , il le prit à diverſes
fois , dit qu'il eſtoit extrême
ment reſſemblant , & s'atacha
tellement à le confiderer , que
fon attention ceſſa pour les
pierreries qu'il examinoit auparavant
avec un ſoin ſi curieux.
Apres que Mr de Montarfis
leur cut fait voir la plus
des Amb. de Siam .
75
grande partie des pierreries
qui estoient alors chez luy
il leur montra fon cabinet de
Medailles , conſiſtant en plus
de quarante tiroirs , quicomprennent
la France , L'Eſpagne
, L'Allemagne , l'Italie,
l'Angleterre , la Pologne ,
la Suede , la Hollande , &
celles de pluſieurs autres Nations.
Il leur en expliqua
un fort grand nombre , &
fit voir dans toutes ces explications
beaucoup de prefence
d'eſprit , de memoire &
d'érudition , avec une grande
connoiſſance de l'Hiſtoi
re generale , ſans quoy il
Gij
76 Suite duVoyage
n'auroit pu répondre à diverſes
queſtions du Premier
Ambaſſadeur , qui eſt l'homme
du monde qui en faitle
plus , & de plusjuſtes. Me de
Montarſis luy expliqua tour
aulong une Medaille dont
le revers eſtoit tout remply
d'une fort longue infcription
, qui n'eſtoit pas avantageuſe
à la pluſpart des Souverains
de l'Europe. Ie ne
vous dis point le nom qu'on
donne à cette Medaille , ny
le Païs d'où elle venoit , il
ne faut point renouveller les
douleurs de ceux qui ſe font
repentis plus d'une fois de
des Amb: de siam. ブブ
1
l'avoir inventée & fait fraper.
On en fit l'hiſtoire à l'Ambafladeur
, & on luy dit que
cette medaille avoit eſté em
partie cauſe de la Guerre qui
s'eſtoit allumée en Europe
en 1672. Il la confidera attentivement
, mais avec un
air plein d'indignation , &
aprés l'avoir bien examinée ,
il la mit ſur la table , & la
pouſſa enſuite d'une maniere
mépriſante pour l'éloigner
de luy , ce qui merite d'eſtre
remarqué , puiſque l'on n'a
peut- eſtre jamais plus dit de
choſes ſans parler. On luy
montra pluſieurs Medailles
Giij
78 Suite du Voyage
f
du Roy , & aprés avoir regardé
la beauté de l'ouvrage,
& la reffemblance , il dit Que
L'imagination qu'on avoit euë de
faire des Medailles pour immortaliser
les hommes eftoit merveilleuse,
mais qu'elle estoit. inutile
pour le Roy , dont les grandes
actions feroient éternellement vi-
Fure la memoire, ſans que laposte.
vité euſt beſoin de pareils fecours
pour l'en faire souvenir. Aprés
avoir remercié Mª de Montarſis
de la peine qu'il s'eſtoit
donnée nonſeulement de luy
faire voir tant de belles choſes
, mais encore de les luy avoir
expliquées ſi nettement ,
des Amb. de Siam. 79
&de luy en avoir apris de ſi
curleuſes , il examina tous les
Tableaux de ſon cabinet les
uns aprés les autres , & fe fit
expliquer ce qu'ils reprefentoient.
Ces Tableaux donne
rent lieu à Mode Montarlis
de luy apprendre l'Hiftoire
de Christophe Colomb. La
curiofité de cet Ambaſſadeur
le porta juſques à vouloir ſçavoir
les noms , & le païs des
Peintres qui avoient fait de
fi beaux ouvrages , car il ſeeroit
difficile d'en trouver
beaucoup de plus beaux qu'il
y en a dans ce cabinet. Ce
fut ce qui l'engagea à voir le
Giiij
80 Suite du Voyage
reſte de l'apartement , où il
trouva une Pendulſe qui va
trois mois ſans eſtre montée.
Il fit enſuite civilité à
Madame de Montarfis , &
remercia encore Mr de Montarſis
à la portiere de fon
Caroſſe où il le reconduifit.
Comme les Ambaſſadeurs
n'avoient pû voir ny le Cha-
Iteau ny les Jardins de Ver-
Tailles le jour qu'ils eurent
Audience de Sa. Majesté , ils
partirent le lendemain pour
aller paffer quelques jours à
Clagny , qu'on leur avoit fait
meubler.
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Résumé : Ils vont chez M. de Montarsis voir ses Pierreries, ses Médailles, & ses Tableaux, [titre d'après la table]
Le lendemain, les ambassadeurs de Siam visitèrent des pierreries chez des ambassadeurs de Siam et chez Monsieur de Montarsis, connu pour posséder les plus belles pierres d'Europe et pour en fournir souvent au roi. Les ambassadeurs examinèrent les pierreries, s'intéressant particulièrement aux rubis et à leurs usages. Ils remarquèrent un portrait du roi en miniature entouré de pierreries, que le Premier Ambassadeur trouva extrêmement ressemblant. Après cette visite, Monsieur de Montarsis leur montra son cabinet de médailles, comprenant plus de quarante tiroirs avec des médailles de diverses nations. Il expliqua un grand nombre de médailles, démontrant une grande érudition et connaissance de l'histoire générale. Une médaille en particulier, dont l'inscription n'était pas avantageuse pour certains souverains européens, suscita l'indignation du Premier Ambassadeur. Ils examinèrent également plusieurs médailles du roi, et le Premier Ambassadeur exprima son admiration pour les grandes actions du roi, estimant que les médailles étaient inutiles pour immortaliser sa mémoire. Après avoir remercié Monsieur de Montarsis, ils examinèrent les tableaux de son cabinet, apprenant l'histoire de Christophe Colomb et s'intéressant aux peintres. Ils visitèrent ensuite le reste de l'appartement, où ils trouvèrent une pendule fonctionnant trois mois sans être remontée. Ils firent ensuite civilité à Madame de Montarsis et partirent pour Clagny, où ils passèrent quelques jours, n'ayant pas pu visiter le château et les jardins de Versailles lors de leur audience avec le roi.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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291
p. 85-100
Description du Chasteau & Jardin de Clagny, [titre d'après la table]
Début :
Pendant le sejour qu'ils y ont fait, on leur a montré [...]
Mots clefs :
Château de Clagny, Jardin de Clagny, Description, Ortre attique, Corps, Cour, Jardin, Colonnes, Aile, Voûte, Rez-de-chaussée, Sculpture, Pavillon, Figures, Entablement
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texteReconnaissance textuelle : Description du Chasteau & Jardin de Clagny, [titre d'après la table]
Pendant le ſejour qu'ils y
des Amb. de Siam . St
De
10
12
er
ont fait on leur a montré
و
tout ce qu'il y a de beau à
Verſailles , & ils ont auffi
eſté conduits dans les mаі-
ſons Royales qui font aux
environs. Vous ne ferez pas
fachée de voir la deſcription
de tous les lieux où ils ont
eſté ; je commence par le
Chaſteau de Clagny.
Il eſt baſty auprés de
l'ancienne Baronnie de Clagny.
Sa fituation eſt à coſté
of d'un petit Bois fort ancien ,
15 dont la beauté a engagé le
f Roy à en faire la dépenſe..
Ce Chaſteau eſt preſque de
s la meſme poſition que ce-
G. V. L
82 Suite du Voyage
luy de Verſailles ; le corps
n'a point de partie détachée ,
& confifte dans un grand
corps de Bâtiment fimple
ayant deux aifles doubles en
retour , au bout deſquelles
font encore en retour & fur
la face du devant , deux autres
aifles ſimples. La court a
trente toiſes de large fur
rrente - deux de profondeur
, fans y comprendre
une Demie-lune qui la fer
me par devant , & quien
augmente la grandeur. On
monte à l'étage du rez de
chauffée par cinq Perrons
quarrez , qui élevent cet éta
des Amb. de Siam. 83
210
ge de quatre à cinq pieds.
La diftribution du Plan de
l'étage au rez de chauffée ,
qui eſt le principal , & bel
étage,conſiſte en un grand
Sallon , qui fert de paſſage
pour aller de la Court au Jardin
, & dégage & commutnique
deux Apartemens pour
ele Roy. Ce Salon eft decoré
for par dedans de grands Pilaf
nd tres Corinthiens ,avec leur.
entablement regulier
ait deſſus duquel eſt un ordre
attique , dont l'entablement
porte la voûte ſurbaiffée. Les
To Apartemens de part & d'autell
tre ont les pieces preſque pa
au
84 Suite du Voyage
reilles , excepté que du coffe
de l'aifle droite en entrant ,
il y a un Cabinet à l'encoigneure
de la face principale
fur le Jardin , & enſuite un
autre Cabinet , qui eft commun
à un Apartement en
aifle qu'un autre grand Veftibule
dégage d'un autre Apartement
, dont le grand
Cabinet derriere la Chapelle
eſt dans l'aifle fimple en
retour ſur la face. De l'autre
coſté eſt un petit Apartement
des Bains fur la court ,
au derriere duquel il y a une
grande Galerie de trentecinq
toiſes de long , & de
des Amb. de Siam. 85
of vingt - cinq pieds de large ,
at qui est compoſée de trois
Ca
10
Salons un peu plus larges que
ip les Intervalles qui les joignent.
Elle est décorée d'un
grand ordre Corinthien,dont
Pentablement regulier eft
enrichy de ſculpture. La
Tel voûte eſt ornée de divers
compartimens , qui renfer
ament des Quadres , où doilet
vent eſtre des Tableaux qui
205 repreſenteront l'hiſtoire d'EDarti
au
née. Au deſſus de la Corniour
che , & à la naiſſance des arcs
doubleaux , ſont des Groupes
cmt en relief de Figures aſſiſes,
& qui reprefentent pluſieurs
DDiivviinniitteezz ,, lleess Elemens , les
86 Suite du Voyage
Saiſons , & les Parties de la
Terre avec leurs attributs.
Le grand Salon du milieu ,
plus élevé que les autres., eft
d'un ordre attique , & fa
voûte eſt portée par quatre
Trompes,où ſont huit grands
Eſclaves. Les Salons des
bouts font voûtez de maniere
que la voûte porte
fur fix arcs furbaiſſez , &
dans les coins des Groupes ,
des Figures de demy bas-relief
reprefentent des Nymphes
qui portent des corbeilles
de fleurs & de fruits, & retiennent
le grand Quadre du
milieu , qui eſt à huit Pans.
Au bout de cette Galerie on
des Amb. de Siam.
87
del defcend par quelques degrez
dans une Orangerie pavée de
Marbre,longue de vingt-quatre
toiſes , & large de vingtcinq
pieds. A l'autre encoigneure
eft la Chapelle à main
droite, d'un ordre Corinthien.
Son Plan eſt rond,&de trente
pieds de diametre. Le grand
Do Elcalier eſt dans l'aille droite
en entrant. Sa ſtructure eft
extraordinaire , & l'appareil
des pierres eſt fort ingenieux ,
il mene dans un Veſtibule
bd joint à un Salon qui dégage
& deux apartemes joints à deux
red autres petits , d'où l'on peut
Pas entendre la meſſe dans laCha
,
pes
ea
8.8 Suite du Voyage
pelle par des Tribunes. Je ne
vous décris point tous les Appartemens
de ce ſuperbe Edifice
, le détail en ſeroit trop
long, maisje nepuis m'empêcher
de vous parler des beautez
que Me Manſard , quien
eſt l'Architecte , a mêlez en
dehors. L'étage du rez de
chauffée eſt d'ordre Dorique.
Le Pavillon du milieu est décoré
par fix colomnes iſolées ,
& les Veſtibules des aifles
par deux colomnes auffi ifo
lées avec des Pilaftres . Outre
la Saillie dont les Pavillons
fianquent le corps & les aifles
de ce Chaſteau , il y a des a
vant
des Amb, de Siam . 89
vant- corps , les uns ornez de
Pilaſtres , & les autres fans Pi-
Elaſtres ; ils ſont couronnez de
l'entablement de cet ordre.
L'avant- corps du côté du Jardin,
au milieu de la principale
façade , eſt décoré de fix colomnes
comme celuy de la
court ,& les aifles , chacune de
quatre dans le milieu de leur
longueur.Au bout de chaque:
petite aifle en retour , font
deux avant Corps de quatre
pilaſtres chacun. Au deſſus
ur des avant Corps du grand
Pavillon du milieu , & for:
l'Ordre Dorique , rant fur la
Court que fur le Jardin , font
vap2
>
H
وم SuiteduVoyage
Σ poſée des Colomnes d'Ordre
Compoſite qui portent
un fronton dont le timpan
eſt orné de Sculpture , & ter--
mine cette ordonnance..
L'attique au deſſus du Corps,
& des aifles , eft beaucoup
plus bas que l'Ordre Compo--
fite. Les Pilaftres Attiques
répondent aux pilaftres , &
aux colomnes Doriques. Les
avant Corps de la teſte des
Pavillons ſont couronnez
de frontons triangulaires ..
Lentablement de cet Or--
dre Attiquen'est qu'une corniche
architravée qui porter
uno Balustrade au pied des
i
de's Amb. de Siam.
Ou
que
1 combles. Les feneftres dess
étages au rez de chauffée ,
font ornées de chambranles ,
conſoles , friſes de ſculpture ,
n & de corniches avec un a
of douciffement au deſſus. Less
croiſées du grand Sallon du
milieu font trois grandes Ar--
cades entre des Colomnes
Doriques , tant fur le Jardin
que fur la Court , & celles de :
de l'ordre compoſite ſont des
nd feneftres bombées. Les fe
neftres de l'ordre attique
font ornées de conſoles , &de
of friſes taillées d'entrelas. Lee
ort grand Pavillon du milicu
da eft couvert d'un Dome dontt
Hijy
r
92 Suite din Voyage
le plan eſt quarré , & le reſte
du Chaſteau eft couvert de
combles brifez , ou à la manfarde.
Ainſi tout ce que l'on
peut dire de cette.Maiſon ,
c'eſt que le Bâtiment en eft
accomply ; que la ſymetrie.,
& la regularité y font obſer
vées , que les ornemens de
ſculpture y conviennent ,
que les profils en font d'un
excellent goût , & que les
ornemens de dehors fontr
tres-bien accommodez aux é
tagesdu dedans..
Le Jardin tire fon plus
grand, ornement d'un Boiss
de haute futaye , de pluſieurs
!
disAmb. de Siam.
93
८
Parterres en broderie , & des
Boulaingrains de diverſes
figures , ainſi que des Bofquets
de Charmille , & des
Cabinets de treillages ornez
d'Architecture. Il y a de tresbelles
Paliſſades de Mirthes
qui font affez garnies pour
enfermer des Quaiſſes rem?
plies d'Orangers & d'autres
arbriſſeaux , de maniere que
les Quaiſſes n'eſtant point
veuës, il ſemble que lesOran
gers foient nez dans les Paliffades.
L'Etang appellé de
Clagny fert auffi de Canal à la
veuë du Chafteau..
Le ſoir que les Ambaſſa
Hiij
94 Suite duvoyage
deurs y arriverent , Mr Torf
leur dit qu'il alloit chez le
Roy , & leur demanda s'ils
n'avoient rien à faire dire à
Sa Majefté. Le premier Am--
baſſadeur luy répondit qu'ils
avoient trop de respect pour ozer
prendre cette liberté ,qu'ils estoient
venus au lieu où ils estoient fuivant
les ordres duRoy , & qu'ils
attendroient ceux qu'il plairoit à
Sa Majefté de leur donner.
des Amb. de Siam . St
De
10
12
er
ont fait on leur a montré
و
tout ce qu'il y a de beau à
Verſailles , & ils ont auffi
eſté conduits dans les mаі-
ſons Royales qui font aux
environs. Vous ne ferez pas
fachée de voir la deſcription
de tous les lieux où ils ont
eſté ; je commence par le
Chaſteau de Clagny.
Il eſt baſty auprés de
l'ancienne Baronnie de Clagny.
Sa fituation eſt à coſté
of d'un petit Bois fort ancien ,
15 dont la beauté a engagé le
f Roy à en faire la dépenſe..
Ce Chaſteau eſt preſque de
s la meſme poſition que ce-
G. V. L
82 Suite du Voyage
luy de Verſailles ; le corps
n'a point de partie détachée ,
& confifte dans un grand
corps de Bâtiment fimple
ayant deux aifles doubles en
retour , au bout deſquelles
font encore en retour & fur
la face du devant , deux autres
aifles ſimples. La court a
trente toiſes de large fur
rrente - deux de profondeur
, fans y comprendre
une Demie-lune qui la fer
me par devant , & quien
augmente la grandeur. On
monte à l'étage du rez de
chauffée par cinq Perrons
quarrez , qui élevent cet éta
des Amb. de Siam. 83
210
ge de quatre à cinq pieds.
La diftribution du Plan de
l'étage au rez de chauffée ,
qui eſt le principal , & bel
étage,conſiſte en un grand
Sallon , qui fert de paſſage
pour aller de la Court au Jardin
, & dégage & commutnique
deux Apartemens pour
ele Roy. Ce Salon eft decoré
for par dedans de grands Pilaf
nd tres Corinthiens ,avec leur.
entablement regulier
ait deſſus duquel eſt un ordre
attique , dont l'entablement
porte la voûte ſurbaiffée. Les
To Apartemens de part & d'autell
tre ont les pieces preſque pa
au
84 Suite du Voyage
reilles , excepté que du coffe
de l'aifle droite en entrant ,
il y a un Cabinet à l'encoigneure
de la face principale
fur le Jardin , & enſuite un
autre Cabinet , qui eft commun
à un Apartement en
aifle qu'un autre grand Veftibule
dégage d'un autre Apartement
, dont le grand
Cabinet derriere la Chapelle
eſt dans l'aifle fimple en
retour ſur la face. De l'autre
coſté eſt un petit Apartement
des Bains fur la court ,
au derriere duquel il y a une
grande Galerie de trentecinq
toiſes de long , & de
des Amb. de Siam. 85
of vingt - cinq pieds de large ,
at qui est compoſée de trois
Ca
10
Salons un peu plus larges que
ip les Intervalles qui les joignent.
Elle est décorée d'un
grand ordre Corinthien,dont
Pentablement regulier eft
enrichy de ſculpture. La
Tel voûte eſt ornée de divers
compartimens , qui renfer
ament des Quadres , où doilet
vent eſtre des Tableaux qui
205 repreſenteront l'hiſtoire d'EDarti
au
née. Au deſſus de la Corniour
che , & à la naiſſance des arcs
doubleaux , ſont des Groupes
cmt en relief de Figures aſſiſes,
& qui reprefentent pluſieurs
DDiivviinniitteezz ,, lleess Elemens , les
86 Suite du Voyage
Saiſons , & les Parties de la
Terre avec leurs attributs.
Le grand Salon du milieu ,
plus élevé que les autres., eft
d'un ordre attique , & fa
voûte eſt portée par quatre
Trompes,où ſont huit grands
Eſclaves. Les Salons des
bouts font voûtez de maniere
que la voûte porte
fur fix arcs furbaiſſez , &
dans les coins des Groupes ,
des Figures de demy bas-relief
reprefentent des Nymphes
qui portent des corbeilles
de fleurs & de fruits, & retiennent
le grand Quadre du
milieu , qui eſt à huit Pans.
Au bout de cette Galerie on
des Amb. de Siam.
87
del defcend par quelques degrez
dans une Orangerie pavée de
Marbre,longue de vingt-quatre
toiſes , & large de vingtcinq
pieds. A l'autre encoigneure
eft la Chapelle à main
droite, d'un ordre Corinthien.
Son Plan eſt rond,&de trente
pieds de diametre. Le grand
Do Elcalier eſt dans l'aille droite
en entrant. Sa ſtructure eft
extraordinaire , & l'appareil
des pierres eſt fort ingenieux ,
il mene dans un Veſtibule
bd joint à un Salon qui dégage
& deux apartemes joints à deux
red autres petits , d'où l'on peut
Pas entendre la meſſe dans laCha
,
pes
ea
8.8 Suite du Voyage
pelle par des Tribunes. Je ne
vous décris point tous les Appartemens
de ce ſuperbe Edifice
, le détail en ſeroit trop
long, maisje nepuis m'empêcher
de vous parler des beautez
que Me Manſard , quien
eſt l'Architecte , a mêlez en
dehors. L'étage du rez de
chauffée eſt d'ordre Dorique.
Le Pavillon du milieu est décoré
par fix colomnes iſolées ,
& les Veſtibules des aifles
par deux colomnes auffi ifo
lées avec des Pilaftres . Outre
la Saillie dont les Pavillons
fianquent le corps & les aifles
de ce Chaſteau , il y a des a
vant
des Amb, de Siam . 89
vant- corps , les uns ornez de
Pilaſtres , & les autres fans Pi-
Elaſtres ; ils ſont couronnez de
l'entablement de cet ordre.
L'avant- corps du côté du Jardin,
au milieu de la principale
façade , eſt décoré de fix colomnes
comme celuy de la
court ,& les aifles , chacune de
quatre dans le milieu de leur
longueur.Au bout de chaque:
petite aifle en retour , font
deux avant Corps de quatre
pilaſtres chacun. Au deſſus
ur des avant Corps du grand
Pavillon du milieu , & for:
l'Ordre Dorique , rant fur la
Court que fur le Jardin , font
vap2
>
H
وم SuiteduVoyage
Σ poſée des Colomnes d'Ordre
Compoſite qui portent
un fronton dont le timpan
eſt orné de Sculpture , & ter--
mine cette ordonnance..
L'attique au deſſus du Corps,
& des aifles , eft beaucoup
plus bas que l'Ordre Compo--
fite. Les Pilaftres Attiques
répondent aux pilaftres , &
aux colomnes Doriques. Les
avant Corps de la teſte des
Pavillons ſont couronnez
de frontons triangulaires ..
Lentablement de cet Or--
dre Attiquen'est qu'une corniche
architravée qui porter
uno Balustrade au pied des
i
de's Amb. de Siam.
Ou
que
1 combles. Les feneftres dess
étages au rez de chauffée ,
font ornées de chambranles ,
conſoles , friſes de ſculpture ,
n & de corniches avec un a
of douciffement au deſſus. Less
croiſées du grand Sallon du
milieu font trois grandes Ar--
cades entre des Colomnes
Doriques , tant fur le Jardin
que fur la Court , & celles de :
de l'ordre compoſite ſont des
nd feneftres bombées. Les fe
neftres de l'ordre attique
font ornées de conſoles , &de
of friſes taillées d'entrelas. Lee
ort grand Pavillon du milicu
da eft couvert d'un Dome dontt
Hijy
r
92 Suite din Voyage
le plan eſt quarré , & le reſte
du Chaſteau eft couvert de
combles brifez , ou à la manfarde.
Ainſi tout ce que l'on
peut dire de cette.Maiſon ,
c'eſt que le Bâtiment en eft
accomply ; que la ſymetrie.,
& la regularité y font obſer
vées , que les ornemens de
ſculpture y conviennent ,
que les profils en font d'un
excellent goût , & que les
ornemens de dehors fontr
tres-bien accommodez aux é
tagesdu dedans..
Le Jardin tire fon plus
grand, ornement d'un Boiss
de haute futaye , de pluſieurs
!
disAmb. de Siam.
93
८
Parterres en broderie , & des
Boulaingrains de diverſes
figures , ainſi que des Bofquets
de Charmille , & des
Cabinets de treillages ornez
d'Architecture. Il y a de tresbelles
Paliſſades de Mirthes
qui font affez garnies pour
enfermer des Quaiſſes rem?
plies d'Orangers & d'autres
arbriſſeaux , de maniere que
les Quaiſſes n'eſtant point
veuës, il ſemble que lesOran
gers foient nez dans les Paliffades.
L'Etang appellé de
Clagny fert auffi de Canal à la
veuë du Chafteau..
Le ſoir que les Ambaſſa
Hiij
94 Suite duvoyage
deurs y arriverent , Mr Torf
leur dit qu'il alloit chez le
Roy , & leur demanda s'ils
n'avoient rien à faire dire à
Sa Majefté. Le premier Am--
baſſadeur luy répondit qu'ils
avoient trop de respect pour ozer
prendre cette liberté ,qu'ils estoient
venus au lieu où ils estoient fuivant
les ordres duRoy , & qu'ils
attendroient ceux qu'il plairoit à
Sa Majefté de leur donner.
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Résumé : Description du Chasteau & Jardin de Clagny, [titre d'après la table]
Le texte relate la visite des ambassadeurs de Siam au château de Clagny, situé près de l'ancienne baronnie de Clagny et adjacent à un ancien bois. Le château, édifié par le roi, se distingue par son architecture symétrique et régulière. Il se compose d'un grand corps de bâtiment central flanqué de deux ailes doubles en retour et de deux ailes simples sur la façade principale. La cour mesure trente toises de large et trente-deux de profondeur, agrandie par une demi-lune à l'avant. L'étage principal, accessible par cinq perrons, comprend un grand salon central orné de pilastres corinthiens et d'un ordre attique, servant de passage entre la cour et le jardin. De part et d'autre du salon se trouvent deux appartements royaux. Une grande galerie de trente-cinq toises de long et vingt-cinq pieds de large, décorée d'un ordre corinthien et ornée de sculptures et de tableaux, relie divers salons. La galerie se termine par une orangerie pavée de marbre et une chapelle de plan rond. L'extérieur du château, conçu par l'architecte Mansard, présente un ordre dorique avec des colonnes isolées et des pilastres. Les avant-corps sont ornés de sculptures et de frontons triangulaires. Le grand pavillon central est couvert d'un dôme, tandis que le reste du château est couvert de combles brisés. Le jardin est orné de parterres, de bosquets, et de palissades de myrtes abritant des orangers. Un étang et un canal complètent le décor. À leur arrivée, les ambassadeurs ont exprimé leur respect et leur attente des ordres du roi.
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292
p. 100-105
Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Début :
Comme le Chasteau de Clagny leur parut extrémement beau, ils [...]
Mots clefs :
Comte de Toulouse, Prince, Versailles, Beauté, Esprit
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texteReconnaissance textuelle : Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Comme le Chasteau de
Clagny leur parut extrême
ment beau , ils prirent un
fort grand plaifir a en viſiter
les Appartemens , ainſi qu'
ſe promener dans le Jardin.
desAmb. de Siam.
95%
Is'y trouverent Monfieur let
Comte de Thoulouſe. Auffitoſt
que Me Torf eut apperceu
ce prince , il alla le fa
luër. Les Ambaſſadeurs ,
quoy qu'affez éloignez , furent
furpris de fon air. Pluss
ilsien approcherent , plus ils
le trouverent beau , & ils en
furent charmez avant que
d'avoir ſceu fa naiſlance . M
Torf , aprés l'avoir quitté ,
leur apprit qui il eſtoit , &
ils fe fceurent bon gré de
l'admiration qu'il leur avoit
caufée , &de la veneration à
laquelle ils s'estoient ſentis
portez dés qu'ils l'avoient
وہ Suite da Voyage ..
1
apperceu . Ils prierent. M
Torf de les preſenter à ce
jeune Prince , afin qu'ils cuf.
ſent l'honneur de le ſaluër ,
& comme il ne répondit pas
affez- toſt à leur empreflement
ils redoublerent
leur instances , & eurent le
plaifir de voir ce Prince de
plus prés , & de l'entretenir.
S'ils avoient eſté ſurpris de få
beauté , ils ne le furent pas
moins de ſes manieres , & de
fon eſprit , & ils dirent qu'ils
n'avoient jamais veu dans une
perſonne de cet age tant de diffe
vents ſujets d'admiration. Auffi
peut on dire fans flaterie , que
sous
!
des Amb. de Siam.
91
tous ceux qui ont este formez du
Sang dont ce Prince est né font
autant de Chef d'oeuvres de la
Nature.
Il y avoit trop de choſes à
voir à Verſailles , & aux en-
4
virons , pour laiſſer les Ambaffadeurs
un ſeul jour à Clagny
, fans commencer àl les
conduire dans les lieux où ils
devoient aller. Il s'en trouvoit
tant de diferens , que
pour faire les chofes avec ordte
M. Torf alla tous les foirs
ſçavoir de M. de Seignelay
où il conduiroit les Ambaffas
deurs le joür ſuivant. On kuy
dit le premier Soir , que le
I
92 Suite du Voyage
lendemain il les menaſt à
la Court de Marbre ; on les
y attendit pour les conduire
au Canal . Me le Fevre , Intendant
des Batimens , avoit eu
ordre du Roy de les accompagner
dans tous les Jardins
de Verſailles , & dans les lieux
de Plaiſance qui y font attachez
, parce qu'il pouvoit
beaucoup mieux qu'un autre
leur expliquer quantité de
chofes dont il a eu la direction
& qu'il eſtoit neceſſaire
qu'unhomme intelligent , &
qui connoiſſant tout ce qu'il
ya à Versailles , pouvoit en
rendre raiſon aux queſtions
A
des Amb, de Siam.
93
des Ambaſſadeurs , que leur
curioſité naturelle & l'ordre
qu'ils ont de rendre compte
au Roy de Siam de ce qu'ils
auront veu , portent à en faire
beaucoup.
Clagny leur parut extrême
ment beau , ils prirent un
fort grand plaifir a en viſiter
les Appartemens , ainſi qu'
ſe promener dans le Jardin.
desAmb. de Siam.
95%
Is'y trouverent Monfieur let
Comte de Thoulouſe. Auffitoſt
que Me Torf eut apperceu
ce prince , il alla le fa
luër. Les Ambaſſadeurs ,
quoy qu'affez éloignez , furent
furpris de fon air. Pluss
ilsien approcherent , plus ils
le trouverent beau , & ils en
furent charmez avant que
d'avoir ſceu fa naiſlance . M
Torf , aprés l'avoir quitté ,
leur apprit qui il eſtoit , &
ils fe fceurent bon gré de
l'admiration qu'il leur avoit
caufée , &de la veneration à
laquelle ils s'estoient ſentis
portez dés qu'ils l'avoient
وہ Suite da Voyage ..
1
apperceu . Ils prierent. M
Torf de les preſenter à ce
jeune Prince , afin qu'ils cuf.
ſent l'honneur de le ſaluër ,
& comme il ne répondit pas
affez- toſt à leur empreflement
ils redoublerent
leur instances , & eurent le
plaifir de voir ce Prince de
plus prés , & de l'entretenir.
S'ils avoient eſté ſurpris de få
beauté , ils ne le furent pas
moins de ſes manieres , & de
fon eſprit , & ils dirent qu'ils
n'avoient jamais veu dans une
perſonne de cet age tant de diffe
vents ſujets d'admiration. Auffi
peut on dire fans flaterie , que
sous
!
des Amb. de Siam.
91
tous ceux qui ont este formez du
Sang dont ce Prince est né font
autant de Chef d'oeuvres de la
Nature.
Il y avoit trop de choſes à
voir à Verſailles , & aux en-
4
virons , pour laiſſer les Ambaffadeurs
un ſeul jour à Clagny
, fans commencer àl les
conduire dans les lieux où ils
devoient aller. Il s'en trouvoit
tant de diferens , que
pour faire les chofes avec ordte
M. Torf alla tous les foirs
ſçavoir de M. de Seignelay
où il conduiroit les Ambaffas
deurs le joür ſuivant. On kuy
dit le premier Soir , que le
I
92 Suite du Voyage
lendemain il les menaſt à
la Court de Marbre ; on les
y attendit pour les conduire
au Canal . Me le Fevre , Intendant
des Batimens , avoit eu
ordre du Roy de les accompagner
dans tous les Jardins
de Verſailles , & dans les lieux
de Plaiſance qui y font attachez
, parce qu'il pouvoit
beaucoup mieux qu'un autre
leur expliquer quantité de
chofes dont il a eu la direction
& qu'il eſtoit neceſſaire
qu'unhomme intelligent , &
qui connoiſſant tout ce qu'il
ya à Versailles , pouvoit en
rendre raiſon aux queſtions
A
des Amb, de Siam.
93
des Ambaſſadeurs , que leur
curioſité naturelle & l'ordre
qu'ils ont de rendre compte
au Roy de Siam de ce qu'ils
auront veu , portent à en faire
beaucoup.
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Résumé : Les Ambassadeurs surpris de l'esprit, & de la beauté de Mr le Comte de Toulouse, [titre d'après la table]
Les ambassadeurs de Siam visitèrent le château de Clagny et furent impressionnés par sa beauté. Ils y rencontrèrent le comte de Toulouse, dont ils admirèrent la beauté et l'air princier. Après avoir appris son identité, ils demandèrent à être présentés au jeune prince, qu'ils trouvèrent charmant et rempli de qualités admirables pour son âge. Le texte souligne également la richesse des lieux à voir à Versailles et ses environs, nécessitant une organisation minutieuse. Monsieur Torf consultait quotidiennement Monsieur de Seignelay pour planifier les visites. Le premier jour, les ambassadeurs furent conduits à la Cour de Marbre et au Canal, accompagnés par Me le Fevre, l'intendant des bâtiments, qui expliquait les lieux et répondait à leurs questions.
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293
p. 105
Description du Bassin d'Apollon, [titre d'après la table]
Début :
Avant que de monter sur le Canal, ils virent le [...]
Mots clefs :
Bassin d'Apollon, Apollon, Jets d'eau
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description du Bassin d'Apollon, [titre d'après la table]
Avant que de
monter ſur le Canal , ils virent
le baſſin d'Apollon qui
eſt au bout de la grande Allée
qui y conduit. Il eſt octogone
, & a 36. pieds de large
dans fon milieu. Apollon y
eft repréſenté dans un Char
tiré par quatre Chevaux
Quatre Vents font à ſes côtez
, & fouflent dans leurs
Conques , d'où ſortent autant
de Jets d'eau.
monter ſur le Canal , ils virent
le baſſin d'Apollon qui
eſt au bout de la grande Allée
qui y conduit. Il eſt octogone
, & a 36. pieds de large
dans fon milieu. Apollon y
eft repréſenté dans un Char
tiré par quatre Chevaux
Quatre Vents font à ſes côtez
, & fouflent dans leurs
Conques , d'où ſortent autant
de Jets d'eau.
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294
p. 105-107
Promenade des Ambassadeurs sur le Camal avec sa description, [titre d'après la table]
Début :
Aprés avoir consideré ce Bassin, ils monterent dans la Galerie [...]
Mots clefs :
Canal, Promenade, Croisée, Galère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Promenade des Ambassadeurs sur le Camal avec sa description, [titre d'après la table]
Aprés avoir
I ij
94 Suite du Voyage
confideré ce Baffin , ils monterent
dans la Galere qui eft
fur le Canal. Toutes lesGondoles
& tous les autres Batimens
les accompagnerent
avec tous leurs ornemens ,
& agrez , & ces Baſtimens
eſtoient remplis de Timbales
, de Trompetes , & de
divers autres Inſtrumens qui
ne ceſſerent point de joüer ,
tant que les Ambaffadeurs
furent fur leCanal. Les Matelots
avoient tous des habits
fort propres , rouges & bleus.
Aprés qu'on eut fait divers.
tours ſur le Canal , la Galere
entra dans le coſté de la
des Amb. de Siam.
95
croiſée qui conduit à la
Ménagerie. Cette croiſée a
450, toiſes de longueur. Le
Canal en a plus de 150. de
long fur 40. de large , & fept
pieds de profondeur.
I ij
94 Suite du Voyage
confideré ce Baffin , ils monterent
dans la Galere qui eft
fur le Canal. Toutes lesGondoles
& tous les autres Batimens
les accompagnerent
avec tous leurs ornemens ,
& agrez , & ces Baſtimens
eſtoient remplis de Timbales
, de Trompetes , & de
divers autres Inſtrumens qui
ne ceſſerent point de joüer ,
tant que les Ambaffadeurs
furent fur leCanal. Les Matelots
avoient tous des habits
fort propres , rouges & bleus.
Aprés qu'on eut fait divers.
tours ſur le Canal , la Galere
entra dans le coſté de la
des Amb. de Siam.
95
croiſée qui conduit à la
Ménagerie. Cette croiſée a
450, toiſes de longueur. Le
Canal en a plus de 150. de
long fur 40. de large , & fept
pieds de profondeur.
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Résumé : Promenade des Ambassadeurs sur le Camal avec sa description, [titre d'après la table]
Le texte relate une procession maritime en l'honneur des ambassadeurs de Siam. Une galère, accompagnée de gondoles et autres bateaux décorés et musicaux, navigua sur un canal de 150 toises de longueur sur 40 de largeur. Les matelots portaient des habits rouges et bleus. La galère entra ensuite dans une croisée de 450 toises menant à la ménagerie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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295
p. 107-112
Description de la Ménagerie, de son Bâtiment & de toutes ses Cours, [titre d'après la table]
Mots clefs :
Ménagerie, Cour, Animaux, Salon, Grotte, Cours, Dôme, Grille de fer, Figure d'octogone
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Description de la Ménagerie, de son Bâtiment & de toutes ses Cours, [titre d'après la table]
Quoy que la Ménagerie
ne foit qu'un lieu pour entretenir
des Animaux , comme
le porte fon nom , elle ne
laiffe pas d'avoir beaucoup
d'air d'un magnifique Palais ,
& de preſenter d'abord à la
veuë quatre Pavillons , & un
Dôme. On y entre par une
grande avenue d'arbres . On
trouve d'abord une court ferméed'une
grille de fer , d'où
I iij
96 Suite du Voyagersh
l'on entre dans une autre , au
fond de laquelle eſt un Dôme
de figure octogone , qui
fait un Salon de pareille forme
, où l'on monte par une
Rampe de quelques degrez ,
qui conduit à un Veſtibule.
On entre delà dans ce Salon ,
autour duquel ſont pluſieurs
chambres . C'eſt dans le milieu
du meſme Salon que
mange quelquefois le Roy,
lors qu'il va ſe promener
à la Ménagerie. Au deſſous
eſt une grote qui en occupe
tout le terrain & au milieu
de cette Grote il y a un jet
d'eau tournant , qui s'étend
د
des Amb. de siam.
97
د
danstout le tour de la Grote ,
- & du plancher , qui eſt tout
remply de petits trous , d'où
s'éleve une pluye d'eau. Le
Salon eſt entouré d'une court
qui eſt auſſi de figure octogone.
Elle est fermée d'une
grille de fer qui regne
tout au tour , & d'eſpace' en
eſpace on trouve des portes
grillées . Il y en a juſques à
ſept , par leſquelles on entre
dans ſept autres Courts. Les
unes ſont pour les Ecuries
& les autres pour les Bergeries
& pour les Etables. Les
Oiſeaux qu'on ne peut garder
que dans des Cages , ou
د
I iiij
98 Suite du Voyage
dans une Voliere , en ont une
tres belle dans une de ces
courts . Il y a dans une autre
un Reſervoir remply de Poiffons
pour les Pelicans , & autres
Oiseaux auſquels le Poiffon
fert de nourriture. Du
coſté, droit de cette court
font des endroits fermez de
grilles , où font les Animaux,
qui n'ayant pas beſoin d'eftre
enfermez , peuvent paſſer
entre les grilles , pour entrer
&fortir de ce lieu- là. Sur la
gauche de la meſme court
font les Animaux farouches .
Les Beſtes qui ſervent à labourer
, font dans une autre
des Amb. de Siam .
99
court , au fortir de laquelle
( on trouvre des Volailles de
toutes fortes d'eſpeces Enfin
l'on peut dire que l'on voit
dans ces ſept courts tout ce
qu'il y a de plus rare fur la
terre , ſoit pour les Animaux,
foit pour les Oifſeaux d'air , &
pour ceux d'eau , & qu'iln'y
a rien de commun. Les Ambaſſadeurs
furent ſurpris d'en
voir quelques - uns de leur
Païs , & d'autres endroits
qu'ils connoiſſoient. Ils le
furent auſſi de voir en peinture
tout ce qu'il y a eu de
plus curieux dans ce lieu ,
mais rien ne leur parut plus
HEQUE DELA
LYON
ے ہ
LE
Iv
100 Suite du Voyage
digne d'eſtre remarqué que
le grand ordre qu'ils trouverent
dans tout ce qu'ils virent
, & quoy qu'ils attribuaffent
tout au Roy , ils ne
laiſſoient pas de donner des
loüanges à ceux qui ſçavoient
fi bien répondre aux
intentions de Sa Majefté.
ne foit qu'un lieu pour entretenir
des Animaux , comme
le porte fon nom , elle ne
laiffe pas d'avoir beaucoup
d'air d'un magnifique Palais ,
& de preſenter d'abord à la
veuë quatre Pavillons , & un
Dôme. On y entre par une
grande avenue d'arbres . On
trouve d'abord une court ferméed'une
grille de fer , d'où
I iij
96 Suite du Voyagersh
l'on entre dans une autre , au
fond de laquelle eſt un Dôme
de figure octogone , qui
fait un Salon de pareille forme
, où l'on monte par une
Rampe de quelques degrez ,
qui conduit à un Veſtibule.
On entre delà dans ce Salon ,
autour duquel ſont pluſieurs
chambres . C'eſt dans le milieu
du meſme Salon que
mange quelquefois le Roy,
lors qu'il va ſe promener
à la Ménagerie. Au deſſous
eſt une grote qui en occupe
tout le terrain & au milieu
de cette Grote il y a un jet
d'eau tournant , qui s'étend
د
des Amb. de siam.
97
د
danstout le tour de la Grote ,
- & du plancher , qui eſt tout
remply de petits trous , d'où
s'éleve une pluye d'eau. Le
Salon eſt entouré d'une court
qui eſt auſſi de figure octogone.
Elle est fermée d'une
grille de fer qui regne
tout au tour , & d'eſpace' en
eſpace on trouve des portes
grillées . Il y en a juſques à
ſept , par leſquelles on entre
dans ſept autres Courts. Les
unes ſont pour les Ecuries
& les autres pour les Bergeries
& pour les Etables. Les
Oiſeaux qu'on ne peut garder
que dans des Cages , ou
د
I iiij
98 Suite du Voyage
dans une Voliere , en ont une
tres belle dans une de ces
courts . Il y a dans une autre
un Reſervoir remply de Poiffons
pour les Pelicans , & autres
Oiseaux auſquels le Poiffon
fert de nourriture. Du
coſté, droit de cette court
font des endroits fermez de
grilles , où font les Animaux,
qui n'ayant pas beſoin d'eftre
enfermez , peuvent paſſer
entre les grilles , pour entrer
&fortir de ce lieu- là. Sur la
gauche de la meſme court
font les Animaux farouches .
Les Beſtes qui ſervent à labourer
, font dans une autre
des Amb. de Siam .
99
court , au fortir de laquelle
( on trouvre des Volailles de
toutes fortes d'eſpeces Enfin
l'on peut dire que l'on voit
dans ces ſept courts tout ce
qu'il y a de plus rare fur la
terre , ſoit pour les Animaux,
foit pour les Oifſeaux d'air , &
pour ceux d'eau , & qu'iln'y
a rien de commun. Les Ambaſſadeurs
furent ſurpris d'en
voir quelques - uns de leur
Païs , & d'autres endroits
qu'ils connoiſſoient. Ils le
furent auſſi de voir en peinture
tout ce qu'il y a eu de
plus curieux dans ce lieu ,
mais rien ne leur parut plus
HEQUE DELA
LYON
ے ہ
LE
Iv
100 Suite du Voyage
digne d'eſtre remarqué que
le grand ordre qu'ils trouverent
dans tout ce qu'ils virent
, & quoy qu'ils attribuaffent
tout au Roy , ils ne
laiſſoient pas de donner des
loüanges à ceux qui ſçavoient
fi bien répondre aux
intentions de Sa Majefté.
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Résumé : Description de la Ménagerie, de son Bâtiment & de toutes ses Cours, [titre d'après la table]
La Ménagerie est un lieu destiné à l'entretien des animaux, présentant l'apparence d'un palais. L'entrée se fait par une grande avenue d'arbres menant à une cour fermée par une grille de fer. Au fond de cette cour se trouve un dôme octogonal formant un salon, accessible par une rampe et un vestibule. Ce salon, où le roi mange parfois, est entouré de plusieurs chambres. Sous le salon se trouve une grotte avec un jet d'eau tournant et une pluie d'eau s'élevant de trous dans le plancher. Le salon est entouré d'une cour octogonale fermée par une grille de fer, avec plusieurs portes grillagées menant à sept autres cours. Ces cours abritent des écuries, des bergeries, des étables, une volière, un réservoir pour les poissons destinés aux pélicans, et des enclos pour divers animaux. Les animaux sauvages sont logés à gauche de la cour, tandis que ceux utilisés pour le labour se trouvent dans une autre cour. Les ambassadeurs furent impressionnés par la diversité des animaux et des oiseaux, ainsi que par les peintures représentant les curiosités du lieu. Ils louèrent l'ordre et la gestion exemplaire de la Ménagerie, attribuant cela au roi et à ceux qui savaient répondre à ses intentions.
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296
p. 112-117
Description de Trianon & de ses Jardins, [titre d'après la table]
Début :
Au sortir de la Ménagerie, ils allerent à Trianon, qui est [...]
Mots clefs :
Trianon, Porcelaine, Eau, Ovale, Jardins, Corps de logis, Fleurs, Jet d'eau, Vases, Cabinet des parfums
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texteReconnaissance textuelle : Description de Trianon & de ses Jardins, [titre d'après la table]
Aú ſortir de la Ménagerie ,
ils allerent à Trianon , qui eſt
à l'autre bout de la croiſée du
Canal , qu'ils traverſerent fur
les meſmes Baſtimens qui
avoient ſervy à les porter à
la Ménagerie. Ils y monterent
par un tres-beau degré ,
au haut duquel eſt un fort
des Amb. de Siam . JOI
gros Jet d'eau. Au devant de
cette galante Maiſon , il y a
un enfoncement en demieovale.
Aux deux coſtez de
cet Ovale , & au fond , font
trois Portes . Celle du fond
conduit dans la principale
court , & celles des coſtez
dans deux courts ſeparées ,
qui regnent le long de l'Ovale.
Au bout de ces deux courts
ſeparées , en ſuivant toûjours
l'ovale , on trouve deux portes
qui donnent encore entrée
dans la court , au fond de
laquelle eſt le principal corps
de logis d'un ſeul étage ; orné
en dehors d'une fi grande
102 Suite du Voyage
quantité de Vaſes de differentes
figures , qui toutes repreſentent
de la Porcelaine,
que l'on ne voit autre choſe.
Le dedans de ce corps de
logis eſt auſſi tout peint en
Porcelaine. Les murailles
font toutes couvertes de Glaces
, & il eſt auſſi galamment
que richement meublé. Il y
a à coſté deux Pavillons quarrez
, dont la ſtructure , & les
ornemens répondent au corps
de logis , & deux autres Pavillons
plus bas qui terminent
le Bâtiment par devant.
Ce lieu eſtant deſtiné pour y
conſerver toutes fortes de
des Amb. de Siam.
103
fleurs tant l'Hiver que l'Eſté ,
l'Air y ſeconde ſi bien la
Nature , qu'il en eſt remply
en toutes Saifons. Tous les
Baffins font , ou paroiſſent de
Porcelaine. On y voit des
Jets d'eau qui fortent du dedans
de pluſieurs Urnes.
Tous les Pots dans lesquels
ſont des Plantes , des Fleurs ,
ou des Arbriſſeaux , font de
Porcelaine , & les Quaiſſes
les imitent par la peinture.
Les Ambaſſadeurs examinerent
tout ce qu'ils virent en
ce lieu là , avec une intention
qu'il ſeroit difficile d'expri
mer. Ils en compterent les
104 Suite du Voyage
Jets d'eau , & fe contenterent
pas de voir beaucoup de
chofes , ils voulurent auffi
les toucher , ce qu'ils firent
avec tant de curiofité , qu'on
peut dire qu'ils les viſiterent.
LeCabinet des Parfums leur
plût extrémement , car ils
aiment fort les odeurs , & ils
admirerent la mahiere de
parfumer avec des fleurs. Ils
ne s'en retournerent point
par le Canal , mais dans des
Carroffes qui les attendoient,
& qui les remenerent à Clagny.
Ils y arriverent fi remplis
de tout ce qu'ils avoient
vû pendant lajournée , que
des Amb. de Siam.
τος
pour ne les pas oublier , ils écrivirent
pendant une partie
de lanuit ,
ils allerent à Trianon , qui eſt
à l'autre bout de la croiſée du
Canal , qu'ils traverſerent fur
les meſmes Baſtimens qui
avoient ſervy à les porter à
la Ménagerie. Ils y monterent
par un tres-beau degré ,
au haut duquel eſt un fort
des Amb. de Siam . JOI
gros Jet d'eau. Au devant de
cette galante Maiſon , il y a
un enfoncement en demieovale.
Aux deux coſtez de
cet Ovale , & au fond , font
trois Portes . Celle du fond
conduit dans la principale
court , & celles des coſtez
dans deux courts ſeparées ,
qui regnent le long de l'Ovale.
Au bout de ces deux courts
ſeparées , en ſuivant toûjours
l'ovale , on trouve deux portes
qui donnent encore entrée
dans la court , au fond de
laquelle eſt le principal corps
de logis d'un ſeul étage ; orné
en dehors d'une fi grande
102 Suite du Voyage
quantité de Vaſes de differentes
figures , qui toutes repreſentent
de la Porcelaine,
que l'on ne voit autre choſe.
Le dedans de ce corps de
logis eſt auſſi tout peint en
Porcelaine. Les murailles
font toutes couvertes de Glaces
, & il eſt auſſi galamment
que richement meublé. Il y
a à coſté deux Pavillons quarrez
, dont la ſtructure , & les
ornemens répondent au corps
de logis , & deux autres Pavillons
plus bas qui terminent
le Bâtiment par devant.
Ce lieu eſtant deſtiné pour y
conſerver toutes fortes de
des Amb. de Siam.
103
fleurs tant l'Hiver que l'Eſté ,
l'Air y ſeconde ſi bien la
Nature , qu'il en eſt remply
en toutes Saifons. Tous les
Baffins font , ou paroiſſent de
Porcelaine. On y voit des
Jets d'eau qui fortent du dedans
de pluſieurs Urnes.
Tous les Pots dans lesquels
ſont des Plantes , des Fleurs ,
ou des Arbriſſeaux , font de
Porcelaine , & les Quaiſſes
les imitent par la peinture.
Les Ambaſſadeurs examinerent
tout ce qu'ils virent en
ce lieu là , avec une intention
qu'il ſeroit difficile d'expri
mer. Ils en compterent les
104 Suite du Voyage
Jets d'eau , & fe contenterent
pas de voir beaucoup de
chofes , ils voulurent auffi
les toucher , ce qu'ils firent
avec tant de curiofité , qu'on
peut dire qu'ils les viſiterent.
LeCabinet des Parfums leur
plût extrémement , car ils
aiment fort les odeurs , & ils
admirerent la mahiere de
parfumer avec des fleurs. Ils
ne s'en retournerent point
par le Canal , mais dans des
Carroffes qui les attendoient,
& qui les remenerent à Clagny.
Ils y arriverent fi remplis
de tout ce qu'ils avoient
vû pendant lajournée , que
des Amb. de Siam.
τος
pour ne les pas oublier , ils écrivirent
pendant une partie
de lanuit ,
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Résumé : Description de Trianon & de ses Jardins, [titre d'après la table]
Après avoir quitté la Ménagerie, les visiteurs se rendirent à Trianon, situé à l'extrémité opposée du Canal. Ils traversèrent le canal sur les mêmes bâtiments qui les avaient conduits à la Ménagerie. À Trianon, ils montèrent par un escalier majestueux menant à un grand jet d'eau. La maison de Trianon présente un enfoncement en demi-ovale avec trois portes : celle du fond mène à la cour principale, tandis que les portes latérales conduisent à deux cours séparées longeant l'ovale. Au bout de ces cours, deux autres portes donnent accès à la cour principale, où se trouve le corps de logis principal, orné de nombreux vases en porcelaine. L'intérieur est également décoré de porcelaine, avec des murs recouverts de glaces et un mobilier élégant. Deux pavillons carrés et deux autres plus bas complètent la structure. Ce lieu est destiné à la conservation des fleurs toute l'année, grâce à un microclimat favorable. Tous les objets, tels que les pots et les urnes, sont en porcelaine ou imitent la porcelaine par la peinture. Les ambassadeurs examinèrent attentivement chaque détail, comptèrent les jets d'eau et touchèrent les objets avec curiosité. Ils admirèrent particulièrement le cabinet des parfums et la méthode de parfumer avec des fleurs. Ils ne retournèrent pas par le canal mais furent ramenés à Clagny en carrosses. Impressionnés par leur journée, ils écrivirent une partie de la nuit pour ne rien oublier.
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297
p. 117-127
Description de l'Ora[n]gerie, [titre d'après la table]
Début :
Le lendemain ils furent conduits à l'Orangerie, où Mr [...]
Mots clefs :
Orangerie, Colonnes, Rampes, Parterre, Galeries, Galerie, Toises, Murs, Arcades, Trumeaux
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texteReconnaissance textuelle : Description de l'Ora[n]gerie, [titre d'après la table]
Le lendemain ils furent
conduits à l'Orangerie , où
Mile Fevre les accompagna ,
ainſi qu'il avoit fait le jour
precedent , ce qu'il fit encore
les jours ſuivans. Cette Orangerie
qui vient d'eſtre achevée
, & qui eſt du deſſeinde
Mr Manſard , eſt un morceau
fi grand & fi hardy , &
a déja fait tant de bruit dans
le monde , que vous auriez
ſujet de vous plaindre de
moy , fi je ne vous en envoyois
pas une deſcription
4
106 Suite du Voyage
1
fort exacte. Elle eft expoſe
àmain gauche du Midy. La
maſſe en ſoûtient les terres ,
deſquelles un grand Parterre
eft formé. Ce Parterre regarde
la face laterale du Château
& celle de la grande
aifle . Cet Edifice conſiſte
en une grande Galerie dans
le fond de 80. toiſes de longueur
, & en deux autres en
retour , chacune de 60. toifes
ou environ. La largeur de
ces Galeries au nud du mur ,
eft de 38. pieds , ayant ſept
toiſes ſous clef , & les doflerets
d'un pied de faillie por
tant des Arcs doubleaux, qui
parta
des Amb. de Siam.
107
partagent la voûte en autant
d'eſpaces qu'il y a de croifées.
Les Galeries laterales
- ſont communiquées à celles
du fond par deux Tours rondes
ou portions circulaires
qui ont leurs faillies en dehors
, & dont la largeur en
dedans eft pareille à celle
des Galeries. Du coſté & fous
la grande Aifle , le maſſif angulaire
en dedans eſt orné
-de deux grandes Niches , &
de l'autre bout à la place de
ces Niches font deux Arcades
par leſquelles avec des
perrons on monte dans un
Salon ou Veſtibule rond qui
K
108 Suite du Voyage
eſt la principale entrée du
Pare dans l'Orangerie. Outre
ces Niches il y en a une dans
le milieu de la Galerie du
fond , & vis à vis la grande
Porte où eſt la Statuë en pied
du Roy. Elle eſt de marbre
blanc , & a eſté donnée à Sa
Majefté par Me le Duc de la
Feüillade . Il l'avoit fait faire
pour mettre à la Place des
Victoires , au lieu de celle
qu'on y voit preſentement.
Čes grandes Niches font capables
d'eſtre remplies par des
Coloffes ou groupes , com
me pouvoient eſtre celles
des Bains de Titus & de
des Amb. de Siam. 109
Caracalla , où eſtoient les
Statuës d'Hercule & de Flore.
La Galerie du fond eſt éclai
rée par 13. feneftres ceintrées
& priſes par enfoncement
dans des Arcades. Chaque
Tour ronde qui attache les
Galeries en aifles au Corps,
eſt percée de trois croiſées ,
dont celle du milieu fert de
porte de toute la grandeur
de l'Arcade. Le dedans n'eſt
orné d'aucune Sculpture ny
Architecture , ainſi que ce
genre de Baſtiment le demande
, & l'artifice des voûtes
en fait la plus grande
beauté. La Décoration du
Kij
Suite du Voyage
<
dehors n'eſt autre que des
Boſſages de la hauteur d'un
Module, ou demy Diamettre
des Colomnes. Elles font
Toſcanes , de quatre pieds &
demy de diamettre , ayant
dehauteur ſept fois leur grofſeur
; il n'y en a qu'à trois avant-
Corps , celuy du fond
de huit Colomnes accouplées
, & les deux autres de
quatre Colomnes chacun.
Il y a auffi deux Colomnes à
la Porte Royale du Salon ou
Veſtibule qui ſont du meſme
ordre, mais de moindre diamettre.
Ces Colomnes portent
leur entablement regu
des Amb. de Siam. im
lier. Les avant Corps des
coftez arreſtent la partie de
niveau de la terraffe qui porte
ſur les voûtes , en forte
que par deux grandes rampes
de dix toiſes chacune de large
, on defcend dans le bas
de l'Orangerie . Ces rampes
font interrompuës par deux
Palliers , & fous ces Rampes
font des Arcades rampantes
pour donner du jour ſous la
voûte des meſmes rampes.
Tout ce grand Theatre renferme
un Parterre de Compartiment
de gazon , au milieu
duquel eſt un Baffin
rond. Le devant de ce Parterre
eſt fermé par une Balu-
Kiij
112 Suite du Voyage...
ſtrade portée ſur un mur en
talus qui fait un des coſtez
d'un petit foffé en Canal remply
d'eau , dont la contrefcarpe
eſt beaucoup plus bafſe
que ce mur ; de forte que
paſſant par le grand chemin,
ce Baſtiment repreſente un
tres-bel endroit. Les entrées
principales qui font de la largeur
des rampes , font ornées
de deux grands trumeaux ou
pieds droits , décorez chacun
de deux Colomnes Tofcanes
accouplées & ifolées ,
couronnées ainſi que les
trumeaux de leur entablement
regulier , & le 'nud des
des Amb. de Siam .
113
trumeaux eſt couvert de
Boſſages , comme ceux des
faces de l'Orangerie. Au deffus
de chaque pied droit &
des Colomnes font portées
fur un focle des Groupes
de figures . Entre ces pieds
droits de chaque coſté , ainſi
que depuis le derriere des
meſmes pieds droits jufqu'au
pied des rampes , des
grilles de fer renferment l'efpace
qui eſt entre les rampes
& les principales Portes ,
de forte que l'on peut monter
au Parterre d'en haut
fans entrer dans l'Orangerie
Ces grilles font entretenuës
114
T
Suite du Voyage
droits de pierre qui portent
des Vaſes remplis de fruits
& de fleurs. Les portes font
couronnées de riches amortiflemens
de fer à deux paremens
avec les Armes du Roy.
Tous les ornemens de la Serrurerie
doivent eſtre dorez.
conduits à l'Orangerie , où
Mile Fevre les accompagna ,
ainſi qu'il avoit fait le jour
precedent , ce qu'il fit encore
les jours ſuivans. Cette Orangerie
qui vient d'eſtre achevée
, & qui eſt du deſſeinde
Mr Manſard , eſt un morceau
fi grand & fi hardy , &
a déja fait tant de bruit dans
le monde , que vous auriez
ſujet de vous plaindre de
moy , fi je ne vous en envoyois
pas une deſcription
4
106 Suite du Voyage
1
fort exacte. Elle eft expoſe
àmain gauche du Midy. La
maſſe en ſoûtient les terres ,
deſquelles un grand Parterre
eft formé. Ce Parterre regarde
la face laterale du Château
& celle de la grande
aifle . Cet Edifice conſiſte
en une grande Galerie dans
le fond de 80. toiſes de longueur
, & en deux autres en
retour , chacune de 60. toifes
ou environ. La largeur de
ces Galeries au nud du mur ,
eft de 38. pieds , ayant ſept
toiſes ſous clef , & les doflerets
d'un pied de faillie por
tant des Arcs doubleaux, qui
parta
des Amb. de Siam.
107
partagent la voûte en autant
d'eſpaces qu'il y a de croifées.
Les Galeries laterales
- ſont communiquées à celles
du fond par deux Tours rondes
ou portions circulaires
qui ont leurs faillies en dehors
, & dont la largeur en
dedans eft pareille à celle
des Galeries. Du coſté & fous
la grande Aifle , le maſſif angulaire
en dedans eſt orné
-de deux grandes Niches , &
de l'autre bout à la place de
ces Niches font deux Arcades
par leſquelles avec des
perrons on monte dans un
Salon ou Veſtibule rond qui
K
108 Suite du Voyage
eſt la principale entrée du
Pare dans l'Orangerie. Outre
ces Niches il y en a une dans
le milieu de la Galerie du
fond , & vis à vis la grande
Porte où eſt la Statuë en pied
du Roy. Elle eſt de marbre
blanc , & a eſté donnée à Sa
Majefté par Me le Duc de la
Feüillade . Il l'avoit fait faire
pour mettre à la Place des
Victoires , au lieu de celle
qu'on y voit preſentement.
Čes grandes Niches font capables
d'eſtre remplies par des
Coloffes ou groupes , com
me pouvoient eſtre celles
des Bains de Titus & de
des Amb. de Siam. 109
Caracalla , où eſtoient les
Statuës d'Hercule & de Flore.
La Galerie du fond eſt éclai
rée par 13. feneftres ceintrées
& priſes par enfoncement
dans des Arcades. Chaque
Tour ronde qui attache les
Galeries en aifles au Corps,
eſt percée de trois croiſées ,
dont celle du milieu fert de
porte de toute la grandeur
de l'Arcade. Le dedans n'eſt
orné d'aucune Sculpture ny
Architecture , ainſi que ce
genre de Baſtiment le demande
, & l'artifice des voûtes
en fait la plus grande
beauté. La Décoration du
Kij
Suite du Voyage
<
dehors n'eſt autre que des
Boſſages de la hauteur d'un
Module, ou demy Diamettre
des Colomnes. Elles font
Toſcanes , de quatre pieds &
demy de diamettre , ayant
dehauteur ſept fois leur grofſeur
; il n'y en a qu'à trois avant-
Corps , celuy du fond
de huit Colomnes accouplées
, & les deux autres de
quatre Colomnes chacun.
Il y a auffi deux Colomnes à
la Porte Royale du Salon ou
Veſtibule qui ſont du meſme
ordre, mais de moindre diamettre.
Ces Colomnes portent
leur entablement regu
des Amb. de Siam. im
lier. Les avant Corps des
coftez arreſtent la partie de
niveau de la terraffe qui porte
ſur les voûtes , en forte
que par deux grandes rampes
de dix toiſes chacune de large
, on defcend dans le bas
de l'Orangerie . Ces rampes
font interrompuës par deux
Palliers , & fous ces Rampes
font des Arcades rampantes
pour donner du jour ſous la
voûte des meſmes rampes.
Tout ce grand Theatre renferme
un Parterre de Compartiment
de gazon , au milieu
duquel eſt un Baffin
rond. Le devant de ce Parterre
eſt fermé par une Balu-
Kiij
112 Suite du Voyage...
ſtrade portée ſur un mur en
talus qui fait un des coſtez
d'un petit foffé en Canal remply
d'eau , dont la contrefcarpe
eſt beaucoup plus bafſe
que ce mur ; de forte que
paſſant par le grand chemin,
ce Baſtiment repreſente un
tres-bel endroit. Les entrées
principales qui font de la largeur
des rampes , font ornées
de deux grands trumeaux ou
pieds droits , décorez chacun
de deux Colomnes Tofcanes
accouplées & ifolées ,
couronnées ainſi que les
trumeaux de leur entablement
regulier , & le 'nud des
des Amb. de Siam .
113
trumeaux eſt couvert de
Boſſages , comme ceux des
faces de l'Orangerie. Au deffus
de chaque pied droit &
des Colomnes font portées
fur un focle des Groupes
de figures . Entre ces pieds
droits de chaque coſté , ainſi
que depuis le derriere des
meſmes pieds droits jufqu'au
pied des rampes , des
grilles de fer renferment l'efpace
qui eſt entre les rampes
& les principales Portes ,
de forte que l'on peut monter
au Parterre d'en haut
fans entrer dans l'Orangerie
Ces grilles font entretenuës
114
T
Suite du Voyage
droits de pierre qui portent
des Vaſes remplis de fruits
& de fleurs. Les portes font
couronnées de riches amortiflemens
de fer à deux paremens
avec les Armes du Roy.
Tous les ornemens de la Serrurerie
doivent eſtre dorez.
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Résumé : Description de l'Ora[n]gerie, [titre d'après la table]
L'Orangerie, un bâtiment récemment achevé conçu par Monsieur Mansard, a suscité un grand intérêt dans le monde. Située à main gauche du Midi, elle soutient les terres formant un grand parterre. L'Orangerie se compose d'une grande galerie de 80 toises de longueur et de deux autres galeries en retour, chacune mesurant environ 60 toises. La largeur des galeries est de 38 pieds, avec une hauteur sous clef de 7 toises. Les galeries latérales sont reliées à la galerie du fond par deux tours rondes. Du côté de la grande aile, des niches et des arcades mènent à un salon ou vestibule rond, qui sert d'entrée principale au parc dans l'Orangerie. La galerie du fond est éclairée par 13 fenêtres cintrées et comporte une statue en pied du roi, offerte par le Duc de la Feuillade. Les niches peuvent être remplies de colonnes ou de groupes sculptés. L'intérieur n'est pas orné de sculptures ou d'architecture, mais l'artifice des voûtes en constitue la principale beauté. L'extérieur est décoré de bossages et de colonnes toscanes. Le bâtiment comprend également des rampes et des arcades rampantes pour permettre l'éclairage sous les voûtes. Le parterre est fermé par une balustrade et un mur en talus, avec des entrées principales ornées de colonnes et de groupes de figures. Des grilles de fer permettent d'accéder au parterre sans entrer dans l'Orangerie.
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298
p. 127-128
Parterre de l'Orangerie, [titre d'après la table]
Début :
La disposition du Parterre est de six grands carrez de [...]
Mots clefs :
Orangerie, Parterre, Gazon
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Parterre de l'Orangerie, [titre d'après la table]
La diſpoſition du Parterre
eft de fix grands carrez de
compartiment de Gazon , fe
parez par du ſable de la mefme
hauteur que les allées.
Au milieu des quatre Carreaux
les plus proches de la
Galerie du fond , eſt un Baffin
rond bordé de gazon , &
dans l'allée de traverſe qui
fepare
des Amb. de Siam.
115
ſepare les deux autres panneaux
des quatre , eſt élevé
un grand Groupe de marbre
blanc fur, un Piedestal.
eft de fix grands carrez de
compartiment de Gazon , fe
parez par du ſable de la mefme
hauteur que les allées.
Au milieu des quatre Carreaux
les plus proches de la
Galerie du fond , eſt un Baffin
rond bordé de gazon , &
dans l'allée de traverſe qui
fepare
des Amb. de Siam.
115
ſepare les deux autres panneaux
des quatre , eſt élevé
un grand Groupe de marbre
blanc fur, un Piedestal.
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299
p. 128-133
Groupe de Dominico Guidi, [titre d'après la table]
Début :
Ce Groupe represente la Renommée qui écrit l'Histoire du [...]
Mots clefs :
Domenico Guidi, Groupe, Galeries des princes, Roi, Premier ambassadeur, Monsieur Le Fèvre, Le Vau, Aile du château
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Groupe de Dominico Guidi, [titre d'après la table]
Ce
Groupe repreſente la Repommée
qui écrit l'Hiſtore
du Roy. Elle tient de la main
gauche ſon Portrait en Profil
dans une Médaille ovalle
qu'elle poſe ſur un livre qui
eſt l'Histoire , portée par le
temps. La Renommée eſt une
grande Figure aiflée drapée
( noblement & afliſe ſur des
Trophées. Elle foule aux
pieds l'Envie , qui déchire un
coeur , & qui de la main gauche
la tire par fa Robe pour
l'empeſcher d'écrire. parmy
L
116 Suite du Voyage
۱
leTrophées on voit les Portraits
en Médailles des plus
grands Princes de l'Antiquité
, tels qu'Alexandre , Cefar
, Trajan , &c. Ce Groupe
eft terminé de tous coſtez ,
en forte que les veuës en
eſtant riches , il remplit avantageuſement
ſa place , étant
iſolé. Il a eſté fait dans
Rome par Dominico Guidi
du Duché d'Urbin , un des
plus fameux Sculpteurs d'Italie
, & diſciple d'Alexandre
Algardy des premiers de fon
Siecle.
Si ceGroupe dont la grandeur
& la beauté ſurprendes
Amb. de Siam.
117
encore
nent , fert d'une belle déco-
↑ ration à ce parterre , elle eſt
ore bien augmentée ,
(lors que le temps permet
aux Orangers de le remplir ,
& qu'ils laiffent vuide le
vaſte , & fuperbe lieu , où ils
font renfermez pendant l'hiver.
On y peut alors joüir
d'une agreable fraîcheur , &
y prendre toutes les fortes de
divertiſſemens que peut four-
Inir le Theatre , ſans eftre in
commodé de la chaleur. On
pourroit meſime y joüer des
Opera a plus d'un endroit en
1 meſme temps , ſans que ceux
qui les repreſenteroient , s'in
)
Lij
118 Saite du Voyage
commodaſſent les uns les autres.
C'eſt ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur , que
la magnificence du Roy estoitgrande
d'avoirfait un ſi ſuperbe Bátiment
pour ſervir de Maison à
des Orangers. Il ajoûta qu'il y
avoit bien des Roys qui n'enavoient
pas de fi belles. Ce font
les termes dont il ſe ſervit.
Comme du Parterre de l'Orangerie
on voit toute une
Aifle du Chaſteau & la
grande Aifle en retour , les
Ambaſſadeurs admirerent ces
vaſtes Corps enrichis de Colomnes
, & tous les ornemens
de Sculpture , comme
د
des Amb. de Siam. 119
Figures', vaſes , Baluftres , &
Trophée d'Armes.
Ce Bastiment eſt du Defſein
de feu Mrle Vau , à qui
Mr Manſard a ſuccedé , mais
ce dernier en a changé tous
les dedans. Les deux Galeries
qui font adoſées à ce baſtiment
, & qu'on appelle Galeries
des Princes , ſont de fon
- invention , auffi-bien que les
grands Corps de Logis qui
forment pluſieurs courts devant
ces Galeries . La Surin-
- tendance a auſſi eſté faite
fur les deſſeins du meſme
Mr Manfard. Le premier
Ambaſſadeur fit quelques
Lj
1
120 Suite du Voyage
queſtions fort fpirituelles à
Mr le Fevre fur ce qu'il vit
de la face des Aifles qui donnent
fur le Jardin ,& Monfieur
le Fevre Juy donna des éclairciſſemens
qui le fatisfirent.
Groupe repreſente la Repommée
qui écrit l'Hiſtore
du Roy. Elle tient de la main
gauche ſon Portrait en Profil
dans une Médaille ovalle
qu'elle poſe ſur un livre qui
eſt l'Histoire , portée par le
temps. La Renommée eſt une
grande Figure aiflée drapée
( noblement & afliſe ſur des
Trophées. Elle foule aux
pieds l'Envie , qui déchire un
coeur , & qui de la main gauche
la tire par fa Robe pour
l'empeſcher d'écrire. parmy
L
116 Suite du Voyage
۱
leTrophées on voit les Portraits
en Médailles des plus
grands Princes de l'Antiquité
, tels qu'Alexandre , Cefar
, Trajan , &c. Ce Groupe
eft terminé de tous coſtez ,
en forte que les veuës en
eſtant riches , il remplit avantageuſement
ſa place , étant
iſolé. Il a eſté fait dans
Rome par Dominico Guidi
du Duché d'Urbin , un des
plus fameux Sculpteurs d'Italie
, & diſciple d'Alexandre
Algardy des premiers de fon
Siecle.
Si ceGroupe dont la grandeur
& la beauté ſurprendes
Amb. de Siam.
117
encore
nent , fert d'une belle déco-
↑ ration à ce parterre , elle eſt
ore bien augmentée ,
(lors que le temps permet
aux Orangers de le remplir ,
& qu'ils laiffent vuide le
vaſte , & fuperbe lieu , où ils
font renfermez pendant l'hiver.
On y peut alors joüir
d'une agreable fraîcheur , &
y prendre toutes les fortes de
divertiſſemens que peut four-
Inir le Theatre , ſans eftre in
commodé de la chaleur. On
pourroit meſime y joüer des
Opera a plus d'un endroit en
1 meſme temps , ſans que ceux
qui les repreſenteroient , s'in
)
Lij
118 Saite du Voyage
commodaſſent les uns les autres.
C'eſt ce qui fit dire au
premier Ambaſſadeur , que
la magnificence du Roy estoitgrande
d'avoirfait un ſi ſuperbe Bátiment
pour ſervir de Maison à
des Orangers. Il ajoûta qu'il y
avoit bien des Roys qui n'enavoient
pas de fi belles. Ce font
les termes dont il ſe ſervit.
Comme du Parterre de l'Orangerie
on voit toute une
Aifle du Chaſteau & la
grande Aifle en retour , les
Ambaſſadeurs admirerent ces
vaſtes Corps enrichis de Colomnes
, & tous les ornemens
de Sculpture , comme
د
des Amb. de Siam. 119
Figures', vaſes , Baluftres , &
Trophée d'Armes.
Ce Bastiment eſt du Defſein
de feu Mrle Vau , à qui
Mr Manſard a ſuccedé , mais
ce dernier en a changé tous
les dedans. Les deux Galeries
qui font adoſées à ce baſtiment
, & qu'on appelle Galeries
des Princes , ſont de fon
- invention , auffi-bien que les
grands Corps de Logis qui
forment pluſieurs courts devant
ces Galeries . La Surin-
- tendance a auſſi eſté faite
fur les deſſeins du meſme
Mr Manfard. Le premier
Ambaſſadeur fit quelques
Lj
1
120 Suite du Voyage
queſtions fort fpirituelles à
Mr le Fevre fur ce qu'il vit
de la face des Aifles qui donnent
fur le Jardin ,& Monfieur
le Fevre Juy donna des éclairciſſemens
qui le fatisfirent.
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Résumé : Groupe de Dominico Guidi, [titre d'après la table]
Le texte décrit un groupe sculptural représentant la Renommée écrivant l'histoire d'un roi. La Renommée tient un médaillon du roi sur un livre symbolisant l'histoire, porté par le temps. Elle est drapée noblement et assise sur des trophées, foulant l'Envie. Les trophées incluent les portraits d'Alexandre, César et Trajan. Cette sculpture, réalisée par Dominico Guidi, disciple d'Alexandre Algardi, est située à Rome. Le texte mentionne également un parterre de l'Orangerie, agréable en été avec les orangers en fleurs. Ce lieu offre fraîcheur et divertissements, comme des opéras. L'ambassadeur de Siam a admiré la magnificence du bâtiment destiné aux orangers et la beauté des ailes du château, enrichies de colonnes et d'ornements sculptés. Le bâtiment a été conçu par Le Vau, avec des modifications intérieures par Mansart, qui a également créé les galeries des Princes et les grands corps de logis. L'ambassadeur a posé des questions sur les façades des ailes donnant sur le jardin, auxquelles Monsieur Le Fèvre a répondu de manière satisfaisante.
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300
p. 133-139
Potager & ses 31. Jardins, [titre d'après la table]
Début :
Ils allerent ensuite au lieu appellé le Potager, qui est hors [...]
Mots clefs :
Potager, Jardins, Toises, Jardin, Fruits, Soleil, Parallèle, Jean-Baptiste de La Quintinie, Figuerie, Melonnière
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texteReconnaissance textuelle : Potager & ses 31. Jardins, [titre d'après la table]
Ils allerent enſuite au lieu
appellé Le Potager, qui eſt hors
de l'enceinte du petit Parc ,
dans lequel l'Orangerie eft
enfermée. Il eſt du coſté de
la grande Aifle dont je viens
de vous parler , & paralelle
au mail , duquel il eſt ſeparé
par une grande piece
d'eaux dontje vous entretiendray,
aprés vous avoir décrit
des Amb. de Siam. 121
ce Labirinthe de Jardins. Ce
Potager eſt un Clos quarré
long de 157. Toiſes de longueur
fur 134. de large. Sa
diſpoſition eſt de 31. petits.
Jardins ſeparez , & clos de
murs qui ſe communiquant
en renferment un grand de
cent toiſes de long ; fur
84. de large. Au milieu est
un rondeau de vingt toiſes
bordé de gazon. Le Roy y
entre par la Porte appellée
Royale dans l'allée paralelle
au Mail. Le Corps du Baſtiment
preſque à l'encognure
du mur de cloſture , confifte
en deux Corps de Logis
Lmj
122 Suite du Voyage
communiquez par deux G
leries l'une deſſus l'autre , appellées
la Figuerie ; elle a 25.
toiſes de longueur. Le Jardin
nommé la Melonniere eſt auffi
tres -grand. Tous ces Jardins
font pour chaque efpece
d'Arbres fruitiers , & ont
leurs Eſpaliers expofez chacun
à ce qu'ils ont beſoin de
Soleil , les uns en ayant plus,
les autres moins ; les uns à
une heure , les autres à l'autre.
Ainſi l'on peut dire que
tous les fruits en ſont marquez
par le Soleil , & quele
Soleil eſt marqué par tous
les fruits. Chaque Jardin a
auſſi ſa Fontaine particuliedes
Amb. de Siam . 123
( re , où l'on prend de l'eau
pour l'arrofer , & une Terrafle
ſous laquelle font des berceaux
de voûtes qui ſer-
#vent de Serre pour l'hiver ,
ce qui doit eſtre remarqué
comme une dépenſe Royale
à cauſe de leur grand nombre.
Je ne parle point des
Parterres qui font remplis à
proportion de tout ce qui
leur convient. Rien n'eſt ſi
fingulier que ce lieu là , ny
ſt ſurprenant pour ceux qui
s'y trouvent la premiere fois.
Au bout d'un Jardin on en
découvre un nouveau ; d'ane
terraffe on paſſe à une au-
Lv
124 Suite du Voyage
tre ; aprés avoir veu des fruits
tout d'une couleur , la veuë
eft arreſtée par d'autres tous
differens , & l'on voit toûjours
quelque choſe qui ſurprend
& qui fait qu'on prend plaifir
à s'arreſter quelque temps
pour l'examiner. Tout eſt
en ce lieu dans une telle abondance
qu'on ne refuſe
point d'herbages à tous ceux
qui en viennent demander ;
& même il y a des gens entretenus
, dont le principal employ
eſt d'en doner. Ce grand
nombre de Jardins parut fort
extraordinaire aux Ambaffadeurs
, qui le regardant avec
des Amb. de Siam.
125
l'attention qu'ils donnent à
toutes choſes , trouverent
qu'il y en avoit beaucoup
à retenir. Ils furent ſurpris de
voir que chaque eſpece de
fruit avoit fon Jardin. Mr de
la Quinquinie qui en a le ſoin
ſe trouvant indiſpoſé , ſon
Fils leur preſenta force.
fruits , & ils mangerent des
Muſcats qui leur parurent
tres beaux.
appellé Le Potager, qui eſt hors
de l'enceinte du petit Parc ,
dans lequel l'Orangerie eft
enfermée. Il eſt du coſté de
la grande Aifle dont je viens
de vous parler , & paralelle
au mail , duquel il eſt ſeparé
par une grande piece
d'eaux dontje vous entretiendray,
aprés vous avoir décrit
des Amb. de Siam. 121
ce Labirinthe de Jardins. Ce
Potager eſt un Clos quarré
long de 157. Toiſes de longueur
fur 134. de large. Sa
diſpoſition eſt de 31. petits.
Jardins ſeparez , & clos de
murs qui ſe communiquant
en renferment un grand de
cent toiſes de long ; fur
84. de large. Au milieu est
un rondeau de vingt toiſes
bordé de gazon. Le Roy y
entre par la Porte appellée
Royale dans l'allée paralelle
au Mail. Le Corps du Baſtiment
preſque à l'encognure
du mur de cloſture , confifte
en deux Corps de Logis
Lmj
122 Suite du Voyage
communiquez par deux G
leries l'une deſſus l'autre , appellées
la Figuerie ; elle a 25.
toiſes de longueur. Le Jardin
nommé la Melonniere eſt auffi
tres -grand. Tous ces Jardins
font pour chaque efpece
d'Arbres fruitiers , & ont
leurs Eſpaliers expofez chacun
à ce qu'ils ont beſoin de
Soleil , les uns en ayant plus,
les autres moins ; les uns à
une heure , les autres à l'autre.
Ainſi l'on peut dire que
tous les fruits en ſont marquez
par le Soleil , & quele
Soleil eſt marqué par tous
les fruits. Chaque Jardin a
auſſi ſa Fontaine particuliedes
Amb. de Siam . 123
( re , où l'on prend de l'eau
pour l'arrofer , & une Terrafle
ſous laquelle font des berceaux
de voûtes qui ſer-
#vent de Serre pour l'hiver ,
ce qui doit eſtre remarqué
comme une dépenſe Royale
à cauſe de leur grand nombre.
Je ne parle point des
Parterres qui font remplis à
proportion de tout ce qui
leur convient. Rien n'eſt ſi
fingulier que ce lieu là , ny
ſt ſurprenant pour ceux qui
s'y trouvent la premiere fois.
Au bout d'un Jardin on en
découvre un nouveau ; d'ane
terraffe on paſſe à une au-
Lv
124 Suite du Voyage
tre ; aprés avoir veu des fruits
tout d'une couleur , la veuë
eft arreſtée par d'autres tous
differens , & l'on voit toûjours
quelque choſe qui ſurprend
& qui fait qu'on prend plaifir
à s'arreſter quelque temps
pour l'examiner. Tout eſt
en ce lieu dans une telle abondance
qu'on ne refuſe
point d'herbages à tous ceux
qui en viennent demander ;
& même il y a des gens entretenus
, dont le principal employ
eſt d'en doner. Ce grand
nombre de Jardins parut fort
extraordinaire aux Ambaffadeurs
, qui le regardant avec
des Amb. de Siam.
125
l'attention qu'ils donnent à
toutes choſes , trouverent
qu'il y en avoit beaucoup
à retenir. Ils furent ſurpris de
voir que chaque eſpece de
fruit avoit fon Jardin. Mr de
la Quinquinie qui en a le ſoin
ſe trouvant indiſpoſé , ſon
Fils leur preſenta force.
fruits , & ils mangerent des
Muſcats qui leur parurent
tres beaux.
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Résumé : Potager & ses 31. Jardins, [titre d'après la table]
Le texte décrit une visite au Potager, un jardin situé près de la grande Aifle et parallèle au mail, en dehors de l'enceinte du petit Parc. Le Potager est un clos carré de 157 toises de longueur sur 134 de largeur, divisé en 31 petits jardins entourant un grand jardin de cent toises de long sur 84 de large. Au centre se trouve un rondeau de vingt toises bordé de gazon. Le roi y accède par la Porte Royale. Le bâtiment principal, près du mur de clôture, comprend deux corps de logis reliés par deux galeries appelées la Figuerie, chacune de 25 toises de longueur. Le jardin nommé la Melonniere est également très grand. Chaque jardin est dédié à une espèce d'arbres fruitiers, avec des espaliers exposés selon les besoins en soleil. Chaque jardin possède une fontaine pour l'arrosage et une terrasse avec des berceaux voûtés servant de serre en hiver. Les parterres sont remplis en proportion de ce qui convient. Le lieu est remarquable par son abondance et sa diversité, surprenant les visiteurs par la succession de jardins et de fruits variés. Les ambassadeurs de Siam ont été impressionnés par l'organisation et la variété des jardins, notant que chaque espèce de fruit avait son propre jardin. Ils ont goûté des muscats qui leur ont paru très beaux.
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