ELEGI Ε.
Vgrandmonde&dubruit l'ame
penSatisfaire,
Pourtrouverdurepos je cherche une re- traite ,
GALANT. 149 Etfortant dela Ville apres cent maux Soufferts,
Ie viens chercher du Bec les aimables
Deserts..
CeSéjour agréable encor qu'ilfoit champestre,
Ne fert que rarement à son illustre
Maistre,
Et l'obligeant Emire en tous lieux reveré
AmaBarque agitéeoffre un Portaſſuré.
Trompeuse ambition ! Grandeur imagi- naire!
Qu'en vous lebien est rare &le mal
ordinaire!
Queleplus inſenſible &le mieux pre- paré,
Boit chez vous de Poison dans un Vase doré !
Qu'unefoule importune auſeul gain at- tachée ,
Sous un fasteapparent tient de fraude cachée!
Que les fermes Amisfe trouvent peu Souvent !
Qu'on barit des projets sur un fable mouvant!
Gij
igo LE MERCVRE Etqu'heureux est celuy , dont l'adroite
Science
Sçaitjoindre leſecret avecladéfiance Apeu de vrais Amis qui ſçait se re- trancher ,
Qui garde bien te nombre &n'en va point chercher,
Et qui ſur l'apparence enfin iamais ne -fonde
La folle opinion de plaire àtout le monde!
Onferoit unprodige en vertus achevé.
Qu'onseroit vicieux, pour un goust dépravé,
L'onavencomparer l'honneur à l'arti fice,
Les liberalitezàl'infame avarice,
La douceur à l'aigreur , l'orgueil àla bonté,
Aux laſches actions la generosité,
Lemodeste à celuy, qui fait le necef
faire,
Et l'ame laplusfourbe, au cœur leplus:
fincere.
Cependantdumensonge, infamesArti- fans VnMonstre vous devore , &fait des Partisans,
GALANT. 15.4
k
Voit dans ſes interests ceux qu'il rend miserables ,
Etdesplus oppreſſez fait les plusfavo rables.
On vanteſa conduite , on vanteſon efprit,
On n'oſe contredire àtout ce qu'il écrit,
L'Amour ar tout des
efolavesde l'interest faitpar to
Et regnequelquefois dans les cœurs les
plusbraves.
Al'éclat de la gloire on prefere lebien,
Et pour en acquerir les Crimes nefont
rien.
Quels divers embarras ne m'a-t-on pointfait naiſtre !
Combien , où je commande ay-je ven plusd'unMaistre ?
D'un Roy victorieux la iuste autorités
Apeineapûfléchir un Suiet irrité;
Ceux que i'aimois le mieux , emportez par la brigue,
Ont- ils à ce Torrent opposé quelque Digue!
LaGloirequi m'afait un grand Corps
effembler .... Giij
152 LE MERCVRE Contre les Ennemis qui voudroient nous troubler,
Mapreste des Lauriers dans une vaste Plaine,
Etjevois dansla Ville une Palme incertaine.
Vn indigne Ennemy , qui fort de fon devoir,
Songeàme faire teste , &nesefait pas
voir,
Devient l'injuste Chefd'une infameCabale ,
Trouvedes Courtiſans ſans partirdeſa Salle ,
Etdansſes noirs deſſeins doit estre sa- tisfait D'avoir ofé combatre , encor qu'il soit
défait.
Ilme force àrougir lors que je le furmonte ,
Au plus fort de ma gloire il me couvre
dehonte,
Et donne par caprice en cette occafion,
Au Vainqueur & Vaincu mesme con- fusion.
Ab ! que de mon dépit la juste vian lence .D
GALAN T. 153 Maisle Roy nous l'ordonne,imposons- nousfilence ,
Mon cœur,ilfaut donner encesfacheux
momens,
Au plus grand des Mortels tous nos reffentimens.
Opaisible retraite ? aimable folitude ?
Qui des plus fortunez charmez l'in- quietude , :
M'arrachantauxplaiſirs que vouspou- vezdonner:
Ah! que j'ay de regret de vous aban- donner,
De preferer au mien l'avantage des
autres ,
Etnevoirde long-temps des lieux com- meles vostres! ..
Mais deux jours fans agir mefont à regretter,
4
Etce temps, àmon gré ,nese peut ra- chetera
Pourrons- nous bien changer dans ma plainte inutile,
L'innocence des Champs aux fracas de.
la Ville ?
De cent Beautez en vain on vante les
appas,
Gv
154 LE MERCVRE Moncœur nepeut aimer ce qu'il n'estin
me pas:
Commeil ne fut jamais capable de foi- bleffe ,
Un effort genereux rompt le trait qui le bleffe ,
Etpenchant vers la Gloire
plusqu'àiny.
n'estant
Ilpeuthairdemain, ce qu'il aime aujourd'huy ;
Mais pour vos beaux Deferts , iln'en
estpas demefme,
Pastre repos flateur donne un plaifir extrême
Sans Iris,fans mon Maistre, ô Sejour fortuné.
Vous auriez tout le cœurque je leur ay donné
Le quitte donc l'émail de vos vertes.
Prairies,
Et tout. ce qui flatoit mes douces ré
veries:
Allons tendre les bras à nos illustres
fers,
Allons-nous redonner au Grand Roy que je fers
GALANT Obſerverles proiets d'une fouleimportune,
Ettrouver des plaisirs dans ma noble infortune int Maisil faut bienpenser àce que nous ferons,
Regler nos sentimens par ce que nous Sçaurons , 5
Et fuivant les conseils que la raison
inspire,
Koir,écouterbeaucoup , agir&nevien dire
L