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1
p. 110-133
Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Début :
Je passe à une Avanture qui merite bien que vous [...]
Mots clefs :
Tuileries, Amoureux, Honneur, Conduite, Dupe, Pudeur, Fidélité, Rendez-vous, Billet, Suivante
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texteReconnaissance textuelle : Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Je paſſe àune Avanture qui merite bien que vous l'appre- niez . Un Cavalier qui ſe fait appeller Marquis , & que l'on prendroitpour cela , à ſes airs &àfesmanieres , d'un bout à
l'autre des Thuilleries , devint
amoureux d'une Dame quia de la jeuneſſe , de la bauté &
de l'eſprit. Il aima , il fut aimé.
Juſques-là il n'y aqu'honneur,
tout eſt dans les Regles ; mais comme il eſt aſſez rare quel'A- mour laiſſe jouir les Amans
GALANT. 83
d'une longue tranquillité , &
que le relâchement commence toûjours par quelqu'une des
Parties , le Cavalier( àla honte
de fon Sexe ) commença à ſe rellentir; ſes Viſites devinrent
YON
=
moins frequentes , ſes ſoins
moins empreſſez ;
;&les Amis THEATE
delaDamequi estoientenétat dejuger fainementde la con-4803777
duite du Marquis, parce qu'ils ne s'eſtoient pas laiſſé ébloüir comme elle à fes grands airs,&
àl'éclatde fon merite,n'eurent
pas depeineàs'appercevoirde ✓ ladiminution de ſa tendreſſe.
Une de ſes Amies ſe chargea
$ du ſoin de l'en avertir ( Commiffion dangereuſe, &qui atti- re d'ordinaire plus de haine que de reconnoiſſance. ) Elle s'y prit pourtat d'une maniere affez délicate ; il y euſt eude la
84 LE MERCVRE
groffiereté, &meſmede la du- reté, àluy dire tout d'un coup qu'elle n'eſtoit plus aimée , &
que tout le monde connoiſſoit que le Marquis en faiſoit fa Dupe. La Morale eſt d'un grad fecours dans ces fortes d'occaſions: on nefait ſes applicatiōs quequand on veut , &cepen- dantona la liberté de dire que les Hommes de ce temps-cy fontfaits dune étrangemanie- re ; que les Femmes font bien follesde conter ſur leur fidelité,&mille autres choſes qui ne font que trop veritables. Če fut àpeu prés ledifcours que cette Dame tintà ſon Amie.D'abord
cela ſe paſſa enplaiſanterie, el- leenconvint, ou du moins elle
fit ſemblant d'en covonir, par- ce qu'il y avoit un Homme
preſent
GALANT. 85
ne
preſent à cette converſation , à
qui elle eſtoie bien aiſe de faire la guerre ; mais enfin la choſe futtout de nouveau fi fort rebatuë apres ſon départ , que la Dame regardāt fon Amie avec quelque forte d'inquietude,
pût s'empeſcherde luydeman- der pourquoyelle traitoit cette
matiere fi à fond,&fi elle avoit
appris quelque chofe duMar- quis qui luy en fiſt craindre pour elle quelque mauvais tour. Cette Amierépődqu'elle ne ſçait rien de poſitif, qu'elle ſçait ſeulement qu'il a beau- coup de vanité , & qu'elle ga- geroit bien que fi on luy don- noit un Rendez-vous par un Billetde la partd'une Incõnuë,
il ſe feroit une agreable affaire d'y courir , & que peut-eftre meſme il ne ſe defendroit pas
TomeV.
1
H
86 LE MERCVRE
de la facrifier, ſi la nouvelle cõ
queſte avoitdu brillant. LaDa- me qui aimoit le Marquis,pred fortemet ſon party; & fur cette conteftatio,elle voit entrer une
aimable Provinciale de ſes inti--
mes Amies,quin'eſtoit que de- puis deuxjours à Paris. Onla faitarbitre du Difered. LaBelle, que quelque intrigue parti- culiere n'avoit pas trop bien perfuadée de la probité des Hommes , ſe declare contre le
Marquis.L'affaire confiftoit en preuve , & l'expédient en fut trouvé. LaProvinciale avoit de
l'efprit &de la beauté ; elle é- toit incõnuë au Marquis &on convint qu'elle luy donneroit un Rédez-vous où elle ſe trouveroit avec la Dame , qui dé- guiſée en Suivante, feroit té- moin de tout cequi ſe paſſe
GALANT. 87
droit. La choſe eſt executée fur
l'heure; on fait écrire le Billet,
&il eſt porté chez le Marquis par unGrifon qui a ordre de le laiſſer au premier qui luy ou- *. vrira,&de s'en revenir ſans attendre de Réponſe. Ce Billet paroiſſoit d'une Dame qui a- voitdiſputé long-temps entre ſa pudeur&le merite du Cavalier , &qui apres beaucoup de reſiſtance inutile, n'avoit pû s'empeſcher de luy donnerun
Rendez - vous au lendemain
dansl'Allée laplus écartéedes Thuilleries , oùelle devoit luy ✓ apprendre des choſes auſquel- les elle ne pouvoit penſer ſans rougir. Le papier , la cire , la foye , le chiffre , le caractere ,
enfintoutfentoit ſon bien;& il
yavoit dansla Lettre de cer- taines manieres de s'exprimer,
H 2
88 LE MERCVRE
la
qui faiſoiet juger que la Dame n'avoit pas moins de qualité qued'eſprit. Le Marquis trou- ve cette Lettre à ſon retour,
l'ouvre avec empreſſement ,
lit, larelit, &croyanttoutpof- fible furlafoyde ſa vanité , il nefonge plus qu'àſe mettre en état de faire une entrée pom- peufe & magnifique dans le
cœur d'une Dame qu'il veut
croiretout au moinsDucheffe.
La Broderie, le Point de Frace,
les Plumes, une Perruque neu- ve,enfin rien n'eſt épargné.Un Valet de chambre a ordrede
tenir tout preſt pour cettegra- de journée ; & apres que le Marquis a fait plus d'un juge- ment temeraire fur quelques Dames qu'il foupçonne de la Lettre & du Rendez-vous , il
ſe couche & s'endort fur l'a-
GALANT. 89 - greable penſée dont il ſe flate,
qu'il doit eſtre le lendemain le
plus heureuxde tous les Hom- mes. Ce lendemain ſi defiré arrive, il ſe met ſous les armes,&
apres avoir conſulté 4. ou cinq fois fon Miroir, &tout cequ'il
a de Laquais chez luy, il monte enCaroffe,&fe fait mener aux
Thuilleries . L'Allée du Rédezvous eſtoit ſi biédeſignée qu'il ne s'y pouvoit tromper.L'aima- ble Provinciale arrive un moment apres avec la Dame inte- reffée: l'unedans une propreté qui donnoit un nouvel éclat aux agrémens de ſa perſonne,
&l'autre affez negligée pour nedémentirpoint le perſonna- ge qu'elle s'eſtoit reſoluë de joüer. Ce ne fut pas unleger ſujet de chagrin àcettedernie- re , de voir la diligence de fon
H 3
90 LE MERCVRE
Amant à ſe trouver au lieu qui luy avoit eſté marqué pour le Rendez- vous. Elle ne doute
plus de ce qu'il eſt capablede faire contre elle;&pour n'eſtre point détrőpée , il ne s'en faut guere qu'elle ne ſouhaite que quelque rencontre impréveuë oblige le Marquis à ſe retirer.
Elledemande un peu de temps àfonAmie pour ſe remettre de l'émotion que cette avanture luycauſe. Elle l'obferve, & fi le hazard fait entrer quelque Damedans 1 Allée où ilſe pro- menefeul, elle eft au deſeſpoir
de voir avec quelle miſterieuſe complaiſance pour luy-meſme il ſe prepare à recevoir l'heu- reuſedeclaration qu'il attend.
Cefontfaluts redoublez àchaque perſonne bien faite qui paffe; &àla maniere chagrine
GALANT. 91
1
dont elle voit qu il ſe détourne quand il connoiſt que ce n'eſt point à luy qu on enveut , elle juge de la diſpoſition oùil eſt deluymanquerde fidelité.En- fin 1 impatience la prend,elle a
trop fait pour n'achever pas.
Labelle Provinciale qui n'at- tendoit que fon conſentement pour s'acquiter defon rolle,en- tre dans l'Allée du Marquis ,
avance lentementversluy ,le regarde, s'arreſte,&apresavoir donné lieu à quatre ou cinq gracieuſes reverences qu'elle luy fait , elle luy demande ce qu'il peut penſer d'une Dame qui le prévient pardes decla- rations ſi cõtraires àla retenuë
de sõ Sexe. Quoyque ce qu'el- le avoit à dire fuft concerté, la
matiere eſtoit délicate , &elle
ne put commencerà la traiter,
92 LE MERCVRE
ſans ſentir un je ne ſçayquel trouble qui meſloit beaucoup de pudeur à l'effort qu'elle se- bloit faire fur elle-meſme. Le
Marquis eft charmé de l'em- barras où il la voit. Il s'applau- dit, réïtere ſes reveréces, &luy faiſant deviner qu'il n'oſe rien dire àcauſe qu'ileſt écoutéde la Suivante ,il apprend d'elle quec'eſt uneFille pourquielle n'a riende caché, &dont le ſecours luy eft neceſſaire pour la liaifon qu'elle veut prendre a- vec luy. Grandes proteſtations d'une eternelle recõnoiſſance.
Elles ſont ſuivies de la plus in- ſtantepriere de luy laiſſer voir l'aimable perſonne à qui il eſt redevable de tant de bontez.
L'adroite Provinciale répond que quoy qu'elle tienne un rang affez confiderabledans le
GALANT. 93
monde , il ſera difficile qu'il la connoiſſe, parcequ'ayanttoû- jours aimé la retraite, elle a vê- cu juſques là pour ſes plus par- ticulieres Amies;quefon meri- te la force à ne vouloirplus vi- vre que pour luy;& que s'il eſt
difcret, il trouvera en l'aimant
toutes les douceurs qu'on peut efperer refpondance de la.plus Toutfincere cela estcor-THÈQUE D do
d'un air modeſte & embaraffe,
qui achevant de charmer le pauvreMarquis,redoublel'im- patience qu'il a de voir ſi ſon viſage répond àl'idée qu'il s'en -eſt forme.Elle oſteſon Loup; &
cõme elle a beaucoup de bril- = lant , &qu'un peude rougeur avoit donné une nouvelle vivacité à ſon teint , elle paroiſt aux yeux du Marquis la plus belle Perſonne qu'il ait jamais
94 LE MERCVRE
veuë. Il ne trouve point de ter-- mes à luy exprimer fon ravif- ſement. Il eſt charmé , il meurt pour elle , & voudroit eſtre en lieu de pouvoir ſe jetter à ſes genoux pour la remercier cõ- me il doitdes favorables ſentimensqu'elleluytémoigne.Elle remet fon Maſque,&profitant de l'effet qu'ont produit fes charmes, elle luv fait cõnoiſtre
quequoyqu'elle n'ait pûvain- cre le penchant qui luya fait faire un pas fi dangereux con- tre l'intereſt deſa gloire , elle a
unedélicateſſe qui ne luyper- met pas de s'accommoder d'un cœurpartagésqu'elle ſçait qu'il a de l'attachement pour une Dame en qui elle veut croire
beaucoup de merite , mais que cet attachementeſt ſi fort incompatible evec celuy qu'elle
GALANT. 95 luy demande , que s'il ne peut obtenir de luyde rompre ,il ne doitjamais eſperer de la revoir.
Le Marquis la laiſſe à peine achever.La Dame qu'elle luy a
nommée le touche fi peu,qu'il nemanquera pointde pretexte - pour la rupture,&il n'y a point de facrifice qu'il ne luy faffe pour ſe rendredigne de les bo- tez. Jugez ſi la fauſſe Suivante quientendoit tout, pafſoit bien ſon temps. Sur cette afſurance force promeſſesde part &d'au- tre de s'aimer eternellement.
Onprenddes meſures pour ſe voir. L'aimable Provinciale
nomme un lieu connu où le
Marquisſe trouvera ſeuldés le foir mefme entre onze heures
&minuit , & où ſa Suivante aura ſoin de le venir prendre pourle mener chez elle à dix
96 LE MERCVRE pasde là. En meſme temps il entre du monde dans l'Allée.
Elle en prend occafion de ſe ſe- parer du Marquis , ofte fon Loup de nouveau,&luy diſant un adieu tendre des yeux , le laiſſe le plus amoureux de tous lesHommes.Il arreſte la fauffe
Suivante,la cõjure de luy eſtre favorable , &luy fait entendre qu'elle n'aura pas lieu de ſe plaindre de ſon manque de li- beralité. C'eſt le dénouëment
de la Piece. La Suivante luy ré- pond de tous les bons offices qu'ilendoit attendre, &fe co- tente apres cela de ſe démaf- quer. Jamais il n'y eut rien de pareil à la ſurpriſe du Marquis.
On l'a rendu infidelle, &il voit qu'il n'en remporteque la hõte de l'eſtre inutilement.
l'autre des Thuilleries , devint
amoureux d'une Dame quia de la jeuneſſe , de la bauté &
de l'eſprit. Il aima , il fut aimé.
Juſques-là il n'y aqu'honneur,
tout eſt dans les Regles ; mais comme il eſt aſſez rare quel'A- mour laiſſe jouir les Amans
GALANT. 83
d'une longue tranquillité , &
que le relâchement commence toûjours par quelqu'une des
Parties , le Cavalier( àla honte
de fon Sexe ) commença à ſe rellentir; ſes Viſites devinrent
YON
=
moins frequentes , ſes ſoins
moins empreſſez ;
;&les Amis THEATE
delaDamequi estoientenétat dejuger fainementde la con-4803777
duite du Marquis, parce qu'ils ne s'eſtoient pas laiſſé ébloüir comme elle à fes grands airs,&
àl'éclatde fon merite,n'eurent
pas depeineàs'appercevoirde ✓ ladiminution de ſa tendreſſe.
Une de ſes Amies ſe chargea
$ du ſoin de l'en avertir ( Commiffion dangereuſe, &qui atti- re d'ordinaire plus de haine que de reconnoiſſance. ) Elle s'y prit pourtat d'une maniere affez délicate ; il y euſt eude la
84 LE MERCVRE
groffiereté, &meſmede la du- reté, àluy dire tout d'un coup qu'elle n'eſtoit plus aimée , &
que tout le monde connoiſſoit que le Marquis en faiſoit fa Dupe. La Morale eſt d'un grad fecours dans ces fortes d'occaſions: on nefait ſes applicatiōs quequand on veut , &cepen- dantona la liberté de dire que les Hommes de ce temps-cy fontfaits dune étrangemanie- re ; que les Femmes font bien follesde conter ſur leur fidelité,&mille autres choſes qui ne font que trop veritables. Če fut àpeu prés ledifcours que cette Dame tintà ſon Amie.D'abord
cela ſe paſſa enplaiſanterie, el- leenconvint, ou du moins elle
fit ſemblant d'en covonir, par- ce qu'il y avoit un Homme
preſent
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ne
preſent à cette converſation , à
qui elle eſtoie bien aiſe de faire la guerre ; mais enfin la choſe futtout de nouveau fi fort rebatuë apres ſon départ , que la Dame regardāt fon Amie avec quelque forte d'inquietude,
pût s'empeſcherde luydeman- der pourquoyelle traitoit cette
matiere fi à fond,&fi elle avoit
appris quelque chofe duMar- quis qui luy en fiſt craindre pour elle quelque mauvais tour. Cette Amierépődqu'elle ne ſçait rien de poſitif, qu'elle ſçait ſeulement qu'il a beau- coup de vanité , & qu'elle ga- geroit bien que fi on luy don- noit un Rendez-vous par un Billetde la partd'une Incõnuë,
il ſe feroit une agreable affaire d'y courir , & que peut-eftre meſme il ne ſe defendroit pas
TomeV.
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H
86 LE MERCVRE
de la facrifier, ſi la nouvelle cõ
queſte avoitdu brillant. LaDa- me qui aimoit le Marquis,pred fortemet ſon party; & fur cette conteftatio,elle voit entrer une
aimable Provinciale de ſes inti--
mes Amies,quin'eſtoit que de- puis deuxjours à Paris. Onla faitarbitre du Difered. LaBelle, que quelque intrigue parti- culiere n'avoit pas trop bien perfuadée de la probité des Hommes , ſe declare contre le
Marquis.L'affaire confiftoit en preuve , & l'expédient en fut trouvé. LaProvinciale avoit de
l'efprit &de la beauté ; elle é- toit incõnuë au Marquis &on convint qu'elle luy donneroit un Rédez-vous où elle ſe trouveroit avec la Dame , qui dé- guiſée en Suivante, feroit té- moin de tout cequi ſe paſſe
GALANT. 87
droit. La choſe eſt executée fur
l'heure; on fait écrire le Billet,
&il eſt porté chez le Marquis par unGrifon qui a ordre de le laiſſer au premier qui luy ou- *. vrira,&de s'en revenir ſans attendre de Réponſe. Ce Billet paroiſſoit d'une Dame qui a- voitdiſputé long-temps entre ſa pudeur&le merite du Cavalier , &qui apres beaucoup de reſiſtance inutile, n'avoit pû s'empeſcher de luy donnerun
Rendez - vous au lendemain
dansl'Allée laplus écartéedes Thuilleries , oùelle devoit luy ✓ apprendre des choſes auſquel- les elle ne pouvoit penſer ſans rougir. Le papier , la cire , la foye , le chiffre , le caractere ,
enfintoutfentoit ſon bien;& il
yavoit dansla Lettre de cer- taines manieres de s'exprimer,
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qui faiſoiet juger que la Dame n'avoit pas moins de qualité qued'eſprit. Le Marquis trou- ve cette Lettre à ſon retour,
l'ouvre avec empreſſement ,
lit, larelit, &croyanttoutpof- fible furlafoyde ſa vanité , il nefonge plus qu'àſe mettre en état de faire une entrée pom- peufe & magnifique dans le
cœur d'une Dame qu'il veut
croiretout au moinsDucheffe.
La Broderie, le Point de Frace,
les Plumes, une Perruque neu- ve,enfin rien n'eſt épargné.Un Valet de chambre a ordrede
tenir tout preſt pour cettegra- de journée ; & apres que le Marquis a fait plus d'un juge- ment temeraire fur quelques Dames qu'il foupçonne de la Lettre & du Rendez-vous , il
ſe couche & s'endort fur l'a-
GALANT. 89 - greable penſée dont il ſe flate,
qu'il doit eſtre le lendemain le
plus heureuxde tous les Hom- mes. Ce lendemain ſi defiré arrive, il ſe met ſous les armes,&
apres avoir conſulté 4. ou cinq fois fon Miroir, &tout cequ'il
a de Laquais chez luy, il monte enCaroffe,&fe fait mener aux
Thuilleries . L'Allée du Rédezvous eſtoit ſi biédeſignée qu'il ne s'y pouvoit tromper.L'aima- ble Provinciale arrive un moment apres avec la Dame inte- reffée: l'unedans une propreté qui donnoit un nouvel éclat aux agrémens de ſa perſonne,
&l'autre affez negligée pour nedémentirpoint le perſonna- ge qu'elle s'eſtoit reſoluë de joüer. Ce ne fut pas unleger ſujet de chagrin àcettedernie- re , de voir la diligence de fon
H 3
90 LE MERCVRE
Amant à ſe trouver au lieu qui luy avoit eſté marqué pour le Rendez- vous. Elle ne doute
plus de ce qu'il eſt capablede faire contre elle;&pour n'eſtre point détrőpée , il ne s'en faut guere qu'elle ne ſouhaite que quelque rencontre impréveuë oblige le Marquis à ſe retirer.
Elledemande un peu de temps àfonAmie pour ſe remettre de l'émotion que cette avanture luycauſe. Elle l'obferve, & fi le hazard fait entrer quelque Damedans 1 Allée où ilſe pro- menefeul, elle eft au deſeſpoir
de voir avec quelle miſterieuſe complaiſance pour luy-meſme il ſe prepare à recevoir l'heu- reuſedeclaration qu'il attend.
Cefontfaluts redoublez àchaque perſonne bien faite qui paffe; &àla maniere chagrine
GALANT. 91
1
dont elle voit qu il ſe détourne quand il connoiſt que ce n'eſt point à luy qu on enveut , elle juge de la diſpoſition oùil eſt deluymanquerde fidelité.En- fin 1 impatience la prend,elle a
trop fait pour n'achever pas.
Labelle Provinciale qui n'at- tendoit que fon conſentement pour s'acquiter defon rolle,en- tre dans l'Allée du Marquis ,
avance lentementversluy ,le regarde, s'arreſte,&apresavoir donné lieu à quatre ou cinq gracieuſes reverences qu'elle luy fait , elle luy demande ce qu'il peut penſer d'une Dame qui le prévient pardes decla- rations ſi cõtraires àla retenuë
de sõ Sexe. Quoyque ce qu'el- le avoit à dire fuft concerté, la
matiere eſtoit délicate , &elle
ne put commencerà la traiter,
92 LE MERCVRE
ſans ſentir un je ne ſçayquel trouble qui meſloit beaucoup de pudeur à l'effort qu'elle se- bloit faire fur elle-meſme. Le
Marquis eft charmé de l'em- barras où il la voit. Il s'applau- dit, réïtere ſes reveréces, &luy faiſant deviner qu'il n'oſe rien dire àcauſe qu'ileſt écoutéde la Suivante ,il apprend d'elle quec'eſt uneFille pourquielle n'a riende caché, &dont le ſecours luy eft neceſſaire pour la liaifon qu'elle veut prendre a- vec luy. Grandes proteſtations d'une eternelle recõnoiſſance.
Elles ſont ſuivies de la plus in- ſtantepriere de luy laiſſer voir l'aimable perſonne à qui il eſt redevable de tant de bontez.
L'adroite Provinciale répond que quoy qu'elle tienne un rang affez confiderabledans le
GALANT. 93
monde , il ſera difficile qu'il la connoiſſe, parcequ'ayanttoû- jours aimé la retraite, elle a vê- cu juſques là pour ſes plus par- ticulieres Amies;quefon meri- te la force à ne vouloirplus vi- vre que pour luy;& que s'il eſt
difcret, il trouvera en l'aimant
toutes les douceurs qu'on peut efperer refpondance de la.plus Toutfincere cela estcor-THÈQUE D do
d'un air modeſte & embaraffe,
qui achevant de charmer le pauvreMarquis,redoublel'im- patience qu'il a de voir ſi ſon viſage répond àl'idée qu'il s'en -eſt forme.Elle oſteſon Loup; &
cõme elle a beaucoup de bril- = lant , &qu'un peude rougeur avoit donné une nouvelle vivacité à ſon teint , elle paroiſt aux yeux du Marquis la plus belle Perſonne qu'il ait jamais
94 LE MERCVRE
veuë. Il ne trouve point de ter-- mes à luy exprimer fon ravif- ſement. Il eſt charmé , il meurt pour elle , & voudroit eſtre en lieu de pouvoir ſe jetter à ſes genoux pour la remercier cõ- me il doitdes favorables ſentimensqu'elleluytémoigne.Elle remet fon Maſque,&profitant de l'effet qu'ont produit fes charmes, elle luv fait cõnoiſtre
quequoyqu'elle n'ait pûvain- cre le penchant qui luya fait faire un pas fi dangereux con- tre l'intereſt deſa gloire , elle a
unedélicateſſe qui ne luyper- met pas de s'accommoder d'un cœurpartagésqu'elle ſçait qu'il a de l'attachement pour une Dame en qui elle veut croire
beaucoup de merite , mais que cet attachementeſt ſi fort incompatible evec celuy qu'elle
GALANT. 95 luy demande , que s'il ne peut obtenir de luyde rompre ,il ne doitjamais eſperer de la revoir.
Le Marquis la laiſſe à peine achever.La Dame qu'elle luy a
nommée le touche fi peu,qu'il nemanquera pointde pretexte - pour la rupture,&il n'y a point de facrifice qu'il ne luy faffe pour ſe rendredigne de les bo- tez. Jugez ſi la fauſſe Suivante quientendoit tout, pafſoit bien ſon temps. Sur cette afſurance force promeſſesde part &d'au- tre de s'aimer eternellement.
Onprenddes meſures pour ſe voir. L'aimable Provinciale
nomme un lieu connu où le
Marquisſe trouvera ſeuldés le foir mefme entre onze heures
&minuit , & où ſa Suivante aura ſoin de le venir prendre pourle mener chez elle à dix
96 LE MERCVRE pasde là. En meſme temps il entre du monde dans l'Allée.
Elle en prend occafion de ſe ſe- parer du Marquis , ofte fon Loup de nouveau,&luy diſant un adieu tendre des yeux , le laiſſe le plus amoureux de tous lesHommes.Il arreſte la fauffe
Suivante,la cõjure de luy eſtre favorable , &luy fait entendre qu'elle n'aura pas lieu de ſe plaindre de ſon manque de li- beralité. C'eſt le dénouëment
de la Piece. La Suivante luy ré- pond de tous les bons offices qu'ilendoit attendre, &fe co- tente apres cela de ſe démaf- quer. Jamais il n'y eut rien de pareil à la ſurpriſe du Marquis.
On l'a rendu infidelle, &il voit qu'il n'en remporteque la hõte de l'eſtre inutilement.
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Résumé : Avanture des Thuilleries. [titre d'après la table]
Le texte narre une aventure amoureuse entre un marquis et une dame. Le marquis, réputé pour ses manières distinguées, s'éprend d'une dame jeune, belle et spirituelle. Leur relation semble parfaite jusqu'à ce que le marquis commence à réduire ses visites et ses attentions. Les amis de la dame, remarquant ce changement, décident d'intervenir. Une amie de la dame lui révèle la situation, mais le marquis, présent lors de cette conversation, ne montre aucun remords. Inquiète, la dame demande des explications à son amie, qui suggère que le marquis pourrait être tenté par une nouvelle aventure. Pour vérifier cette hypothèse, elles élaborent un plan. Une provinciale, amie de la dame, accepte de jouer le rôle d'une inconnue séduisante. Elle écrit une lettre au marquis, lui fixant un rendez-vous dans les Tuileries. Flatté et excité, le marquis se prépare avec soin pour ce rendez-vous. Le jour convenu, le marquis se rend aux Tuileries. La provinciale et la dame, déguisée en suivante, arrivent peu après. La dame observe la réaction du marquis face à chaque personne qui passe, confirmant ses soupçons sur son infidélité. La provinciale, jouant son rôle, approche le marquis et lui révèle qu'elle est une jeune fille en quête de son aide pour une liaison. Charmé, le marquis promet son aide et sa discrétion. La provinciale, profitant de l'effet de ses charmes, lui fait comprendre qu'elle sait de son attachement pour une autre dame mais exige son cœur exclusif. Le marquis, sans hésiter, promet de rompre avec la dame mentionnée. Ils conviennent d'un lieu et d'un moment pour se revoir. La provinciale, après avoir obtenu cette promesse, se sépare du marquis, le laissant plus amoureux que jamais. La surprise du marquis est totale lorsqu'il découvre la supercherie.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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2
p. 236-237
PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Début :
Se broüiller quelques fois avec l'Objet qu'on aime, [...]
Mots clefs :
Amour, Coeur, Amant, Fidélité, Engagement
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
PLAISIRS D'UN AMANT..
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
SE
SONNET.
E brouiller quelquefois avec l'Objet
qu'on aime,
Et fe raccommoder dans le meſme moment,
Feindre de temps en temps un fondain
changement,
Et dans le fonds du coeur eftre toûjours le
mefme.
ទ
Emprunter de Bacchus la puiſſance ſu
préme,
Paroistre aux yeux de tous un infidellee
Amants
du Mercure Galant.. 237
Affecter au dehors un autre engagement,.
Et garder an dedans une tendreſſe ex--
tréme.
€3
Paffer des jours entiersfans vifiter Cloris,
Luy
celer le beau feu dont onfe fent épris,,
La regarderfouvent avec indiférence,
*3
S'appliquer tout entier à tromper lesfaloux,
Inftruirepar autruyCloris defa foufrance,
Ge font-la de l'amour les plaifirs les plus
doux.
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Résumé : PLAISIR D'UN AMANT. SONNET.
Le sonnet 'PLAISIRS D'UN AMANT' décrit un amant qui alterne entre brouilles et réconciliations avec sa bien-aimée. Il feint des changements d'humeur et utilise l'ivresse pour paraître infidèle. Extérieurement indifférent, il cache un ardent désir pour Cloris. Son objectif est de tromper les apparences et de révéler sa souffrance à travers autrui. Ces actions représentent les plaisirs les plus doux de l'amour.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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3
p. 188-262
Mort du Roy d'Angleterre, [titre d'après la table]
Début :
Ce jeune Prince s'estant fait donner un jour la Clef [...]
Mots clefs :
Roi, Prince, Comte, Angleterre, Duc, Troupes, Colonnel, Peuple, Matelot, Ennemis, Noblesse, Vaisseaux, Gentilhomme, Fidélité, Obstacles, Seigneur, Commissaires, Habits, Royaume, Rivière, Général, Crainte, Avantage, Succès, Décès, Héritiers, Reine
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texteReconnaissance textuelle : Mort du Roy d'Angleterre, [titre d'après la table]
Ce
GALANT. 189
jeune Prince s'eftant fait donner
un jour la Clef du Parc ,
fous prétexte de chaffer, fut
affez heureux pour ſe dérober
de ceux qui l'obfervoient ; &
fe déguifant avec une Perruque
noire , & un emplaître
fur l'oeil , il fortit du Parc , &
entra dans un Carroffe , qui
le porta juſqu'au bord de la
Tamife. Une Gondole l'y
ayant reçû , il fe rendit en
un lieu où il prit un habit
de Femme. Il revint de là
dans fa Gondole , qui le rendit
à Grenvic fans aucun
obftacle ; mais en ce lieu-là)
190 MERCURE
celuy qui le conduifoit refufa
de paffer outre , non feulement
à cause d'un vent contraire
qui venoit de s'élever,
mais la crainte de conpar
tribuer à la fuite de quelque
Perfonne confidérable
, ce
qui eſtoit dangereux en ce
temps - là . Malheureuſement
pour le jeune Prince , for
Cordon bleu qu'il avoit mal
caché en ſe déguiſant
, parut
aux yeux de ce Marinier, qui
plus intelligent que plufieurs.
de fa profeffion , fçachant
qu'une marque fi illuftre ne
fe donne en Angleterre
qu
GALANTA 191
aux Perfonnes du premier
rang , comprit le miftere , &
ne douta point que ce ne fuft
le Duc d'York qu'il menoit.
L'embarras où le met cette
rencontre, le fit s'obftiner à
n'avancer plus. Banfila qui
accompagnoit le Prince , defefperé
du retardement,
conjura le Matelot de paſſer
promptement la Dame qui
étoit dans fa Gondole , parce
qu'elle avoit des affaires trespreffantes.
Il luy répondit
d'un ton fèvere , qu'il falloit
que cette Dame cuft des privileges
bien particuliers, pour
192 MERCURE
avoir receu l'Ordre de la Jar
retiére, qu'on ne donne point
aux Femmes . Le Prince qui
avoit l'ame intrépide , & les
maniéres perfuadantes , prit
une réſolution digne de lay.
Il tendit la main au Matelot,.
& avec une douceur qui auroit
gagné les moins traitables
; le fuis le Duc d'York,
luy dit- il . Tu peux tout pour
ma fortune , & peut- eftre pourma
vie . C'est à toy à voirſi tu
veux me fervir fidellement. Ce
peu de mots defarma le Matelot.
Il luy demanda pardon
de fa réfiftance ,& commença
1
GALANT:
1932
a ramer avec tant de vigueur,
qu'il fit arriver le Prince
à Tibury , plûtoft qu'il ne
l'avoit efperé. Il y trouva un
Vaiffeau Hollandois qui l'ac- ,
tendoit , & qui le porta à Mi-.
delbourg. Son evaſion inquiéta
les Etats. Il arriva des
defordres en Ecoffe. Les
Communes du Comté de
Kent
prirent les armes , pour
demander la liberté de leur
Roy. La
Nobleffe
appuya
leurs juftes
prétentions , & la
plupart
des
Vaiffeaux
qui
étoient aux Dunes , fe déclara
pour les mefmes interefts,
Fevrier 1685. R
194
MERCURE
Ce foûlevement
donna lieu à
une entrepriſe affez furprenante.
Un jeune Homme
appellé Corneille Evans , né
dans Marſeille , d'un Pere
forty du Païs de Galles , arriva
dans la Ville de Sandvvic ,
couvert d'un habit fi déchiré,
qu'étant pris par tout pour
un Homme de néant , il eut
de la peine à trouver où ſe
loger. Enfin , ayant eſté receu
dans une Maifon de peu
d'apparence
, où il fe fit affez
bien traiter , il tira fon Hofte
à part , & luy dit que pour re
connoiftre l'honnefteré
qu'il
•
GALANT. 195
yenoit d'avoir pour luy , il
vouloit luy confier un fecret
dont il pouvoit attendre de
grands avantages , s'il en fçavoit
bien ufer. Il ajoûta qu'il
étoit le Prince de Galles ; qu'il
s'étoit mis en l'état où il le
voyoit , pour le dérober aux
yeux de ſes Ennemis ; qu'
ayant appris que les Peuples
de cette Province fe foûlevoient,
il prétendoit leur donner
courage , & commencer
avec eux le fecours qu'ils devoient
au Roy fon Pere . Cet
Homme crédule fe laiffa perfuader
, & tout glorieux d'a-
Rij
196 MERCURE
voir chez luy le Fils de fort
Roy , il alla fur l'heure avertir
le Maire , qui étant venu rendre
fes refpects à ce faux
Prince , le fit loger dans la
plus belle Maifon de la Ville.
Chacun le traita de la meſme
forte. On luy donna des Gardes
avec ordre de fe tenir découverts
en fa prefence , & le
bruit de fon arrivée s'étant
répandu dans tout le Comté
de Kent , grand nombre de
Gentilshommes, & de Dames
mefme , vinrent luy offrir
leurs biens , pour le fecourir
dans fon entrepriſe. Ceux qui
GALANT. 197
s'étoient foûlevez , députe
rent auffi-toft pour le prier
de fe vouloir montrer à leur
tefte , & il auroit joué plus
long- temps ce perfonnage , fi
le Chevalier Dishinton que
la Reyne & le Prince de Gal
les avoient envoyé en Angleterre
, pour s'informer du veritable
état des affaires , n'euft
fait connoiftre la fourbe. Il fe
diſpoſoit à retourner en France
, lors qu'il apprit ce qui fe
paffoit à Sandvvic. Il y courut
, & convainquit l'Impo
fteur, qui fut arrefté, conduit
à Cantorbery , & delà à Lon
Rij
198 MERCURE
dres , d'où il ſe fauva quelques
mois apres . On n'en a
point entendu parler depuis.
Les Vaiffeaux des Dunes
que Farfax tâcha inutilement
de féduire
par Les offres , étant
paffez en Hollande , ceux qui
les
commandoient envoyerent
avertir le Prince de Galles
, qu'ils ne s'étoient fouftraits
de l'obeïffance des
Etats , que pour recevoir ſes
ordres. Il partit de S. Germain
en Laye , où il avoit
toûjoursdemeurédepuis qu'il
étoit forty d'Angleterre , &
s'étant embarqué à Calais acGALANT.
199
compagné du Prince Robert,
& d'un grand nombre de Nobleffe
Angloife & Ecoffoife,
que la perfecution des Ennemis
du Roy avoit contrainte
de fe retirer en France , il
pafla heureuſement en Hol
lande au commencement de
Juillet en 1648. Apres avoir
loué la fidelité des Officicrs
qui perfiftoient courageule
ment dans le deffein de perir
, s'il le falloit , pour s'op
pofer aux Rebelles , il monta
fur l'Amiral , fit courir un
Manifefte , par lequel il dé
clara qu'il ne prenoit les ar
R iiij
200 MERCURE
mes que pour maintenir la
Religion dans la pureté de
fes Inftructions
, pour donner
la Paix aux trois Royaumes
,en
remettant les Loix dans leur
force, & pour delivrer le Roy
fon Pere d'une tyrannique
oppreffion, & enfuite il alla fe
prefenter devant Yarmouth,
demandant que les Portes de
la Ville luy fuffent ouvertes.
Les Magiftrats réponditent
qu'ils n'en eftoient pas les
maiftres , & leur obftination
l'emporta fur l'inclination du.
Peuple qui envoya des ta
fraîchiffemens
à ce Prince.
piz
GALANT. 201
Il fe retira vers les Dunes
avec fa Flote , & n'ayant reçû
aucune réponſe favorable des
Lettres qu'il avoit écrites à
Londres fur fon Manifefte,
il alla chercher le Comte de
Warvvic , qui eftoit en mer
avec feizeVaiffeaux , & que les
Etats avoient étably Grand
Amiral du Royaume . Le
Comte évita les occafions.
d'en venir aux mains ; & la
nuit les ayant obligez de
jetter l'ancre à une lieue l'un
de l'autre, le Prince luy manda
par un Officier , qu'eftant
en perfonne fur les Vaiffeaux.
202 MERCURE
qu'il avoit veus , il luy commandoit
de le venir joindre
pour fervir le Roy , & de
mettre Pavillon bas quand il
leveroit les ancres . Le Comte
luy répondit qu'il ne reconnoiffoit
que les Etats pour
fes Maiftres , & qu'il ne devoit
attendre de luy aucune
foûmiflion . Le Prince irritée
de cet orgueil , fit mettre à
la voile fi- toft qu'il fut jour,
& alla droit à Warvic , dont
il trouva la Flote augmentée
de douze Vaiffeaux fortis du
Port de Porthmouth ; ce qui
ne l'euft pas empefché de le
GALANT. 203
combatre , fi une tempefte
qui dura vingt- quatre heures
n'euft féparé fi bien les deux
Flotes, que le Prince fut contraint
de relâcher en Hollande.
Tout ce qu'il pouvoit
tenter pour la liberté
du Roy fon Pere , eftant
ainfi renversé , & tout luy
manquant pour la fubfiftance
de fon Armée , il ne fe
remit point en mer, & atendit
le fuccés de quelques
Traitez d'Accommodement
dont on parloit ; mais apres
des Procédures qu'on ne
peut entendre fans horreur,
204 MERCURE
le Roy forcé de comparoiftre
devant fes Sujets , fut con
damné, comme Traître , Ty
ran , & Perturbateur du repos
public , à avoir la tefte
coupée ; & cet effroyable
Arreft fut exécuté le 9. Fe
vrier 1649. à la porte de fon
Palais , dans la meſme Ville
où il eftoit né , & au milieu
d'un Peuple dont fa bonté
luy devoit avoir gagné tous
les coeurs.
Le Prince ayant appris
cette funefte nouvelle à la
Haye, fçût en mefme temps
que les Etats avoient déclaré
GALANT 205
qu'on aboliroit le nom de
Roy , & que le Royaume
prendroit celuy de République.
On ne laiffa pas , malgré
ces défenſes, de voir des
Placards affichez dans toutes
les Villes d'Angleterre,
avec ces mots , CHARLES
STUART DEUXIEME
DU NOM , ROY D'ANGLETERRE,
D'IRLANDE
ET D'ECOSSE. Il y eut auffi
une fort grande conteftation
à
Londres pour les intérefts
du jeune Roy. Les Etats
qui en avoient fupprimé le
tître , ne pûrent obtenir du
206 MERCURE
Maire qu'il fift la Publica
tion de cette Ordonnance.
On l'interdit de fa Charge;
& celuy qui la remplit s'étant
diſpoſé à obeïr aux Etats,
le Peuple courut aux armes ,
en criant de toutes parts,
Vive Charles II. Le tumulte
euft efté loin , fi Cromvvel,
qui avoit prévû ce zéle des
Habitans, n'euftfait paroiftre
quatre Compagnies de Cavalerie
, qui diffipérent la
foule , & qui couvrant le
nouveau Maire , luy donnérent
le temps de publier l'injuſte
Ordonnance qui avoit
•
GALANT. 207
efté faite.
Pendant ce temps
le Prince
cherchoit à vanger
l'exécrable
Parricide qui venoit
d'eſtre commis. Il fçût
que les Ecoffois l'avoient fait
proclamer
Roy dans la grande
Place
d'Edimbourg
avec
toutes les formalitez
néceffaires
à rendre cette reconnoiffance
autentique; & comme
il avoit une haute eftime
pour la vertu du Marquis de
Montroffe
, voulant fe fervir
de luy pour remonter
fur le
Trône , il l'envoya
chercher
jufqu'en
Allemagne
, où il
s'eftoit engagé au ſervice de
208 MERCURE
l'Empereur. Montroffe ne
balança point fur ce qu'il
avoit à faire. Il fupplia l'Empereur
qui l'avoit fait Grand
Maréchal de l'Empire , de
trouver bon qu'il allaft fervir
fon Prince. L'Empereur loüa
fa fidélité. Il luy permit de
lever des Troupes ; & les
Roys de Suéde , & de Dan..
nemark , luy ayant donné
la mefme liberté dans leurs
Etats , il fit paffer fes premieres
Levées aux Ifles Or
cades , fous les ordres du
Comte de Kennoüil , l'affûrant
qu'il ne manqueroit pas
"
GALANT. 209
de le joindre avec mille Chevaux
& cinq mille Hommes
de pied. Ceux qui compo
foient lesEtats d'Ecoffe , étant
avertis que le Roy avoit envoyé
chercherMontroffe, qui
n'eftoit pas bien dans leurs
efprits , demandérent par un
des Articles de Paix qu'ils
firent avec ce Prince pour
le reconnoiftre, que ce Marquis
ne rentraft point dans
le Royaume. Le Roy nepût
fe réfoudre à l'abandonner.
Il fit voir aux Commiffaires.
envoyez à Breda pour con--
clurre le Traité , qu'il y al-
Février 1685, S
210 MERCURE
loit de fon fervice , de ne
pas laiffer inutile le courage
d'un Homme dont le zéle
& la valeur luy efſtoient connus
par de grandes preuves.
Ces Commiffaires infiftérent
fur leur demande
, & pendant
ce temps , les Troupes
qui eftoient defcenduës aux
Orcades arrivérent , & Montroffe
arriva luy-mefme peu
de temps apres avec un Corps
de quatre mille Hommes.Les
Etats s'en trouvérent alarmez.
Ils avoient plus de
douze mille Soldats fous les
armes , commandez parDavid
GALANT 211
Lelley. Ce Genéral détacha
fix Cornetes de Cavalerie tous
les ordres d'un Colonel Anglois
nommé Stranghan ,pour
aller s'oppofer au paffage du
Marquis de Montrofle. Ils
fe rencontrérent en un lieu
fort avantageux pour la Ca
valerie de Stranghan , qui
l'ayant défait , le fit prisonnier.
On le conduifit à Edimbourg
, les mains liées , &
avec les plus indigne's traitel'on
peut
faire à
mens que
un Criminel
. La Sentence
de mort qui fut exécutée con-
甘ae luy , portoit qu'il ferois
Sij
212 MERCURE
pendu, qu'on mettroit fate ftè
au plus haut lieu du Palais
d'Edimbourg , & que fon
corps partagé en quatre , feroit
expofe fur les Portes des
Villes de Sterling, Glafcovv ,
Perth , & Aberdin . La lec .
ture de cette injufte Sentence
ne l'étonna point. Il dit avec
une fermeté digne de fon
grand courage , que fos Ennemis
en le condamnant ne
luy avoient pas fait tant de
mal qu'ils avoient crû , &
qu'il eftoit faché que fon
corps ne puft eftre partagé en
autant de pieces qu'il y avoir
GALANT. 213
de Villes au Monde , parce
que c'euft efté autant de
Bouches qui auroient parlé
éternellement
de fa fidélité
pour fon Roy. Ce Prince fut
fenfiblement touché de cette
mort, qu'il connut bien qu'on
avoit précipitée de peur qu'il
ne l'empeſchaft
par fon au
torité , ou par fes prieres. Il
fut fur le point de rompre le
Traité de Breda , & tout commerce
avec les Etats d'Ecoffe
, mais la néceffité du
temps & de fes Affaires ne
le permit pas . Il s'embarqua
à Scheveling
le z. de Juin,
214 MERCURE
pour paffer dans ce Royau
me , & eftant arrivé à l'embouchure
de la Riviere de
Spey, il y prit terre. Un grand
nombre des plus confidérables
Seigneurs Ecoffois étant
venu le trouver
lefcorta
jufqu'à Dundée , où il reçût
les Députez chargez de luy
dire que tous fes Peuples
d'Ecoffe le voyoient arriver
avec une joye extréme , &
qu'ils eftoient prefts de donner
leurs biens , leur fang &
leurs vies, pour luy faire avoir
raifon de fes Ennemis. Le
Roy répondit à ce compli
GALANT 215
ment avec de grandes marques
d'affection pour les
Ecoffois; & fes empreffemens
à folliciter les Etats de lever
des Troupes , les y ayant
obligez , les Commiflions furent
données pour ſeize mille
Hommes de pied , & pour
fix mille Chevaux . On fit
le Comte de Leven Genéral
de l'Infanterie , & Holborne
de la Cavalerie , avec Mongommery
& Lefley , & le
Roy fut Genéraliffime . Le
bruit de ces Armemens s'étant
répandu en Angleterre,
Cromvvel qui avoit accepté
216 MERCURE
l'Employ de Farfax, s'avança
entre les Villes d'Edimbourg
& de Leith , où les Troupes
Ecoffoifes s'eftoient retranchées.
Apres deux Combats
donnez , fans nul avantage
pour l'un ny l'autre Party, les
Armées fe rencontrérent le
10. de Septembre prés de
Copperfpec , & vinrent aux
mains avec tant de malheur
pour celle d'Ecoffe , qu'il demeura
de ce cofté là pres de
einq mille Morts fur la place,
avec toute l'Artillerie & tout
le Bagage. Le nombre des
Prifonniers mota à huit mille.
Cette
GALANT. 217
Cette Victoire enfla le courage
de Cromvvel , qui n'eut
pas de peine enfuite de fe
rendre Maistre d'Edimbourg
+
& de Leith. Des fuccez fi
malheureux refroidirent les
Etats. Ils établirent des Comamiffaires
pour régler le nombre
des Domestiques duRoy,
& des Officiers néceffaires à
fon fervice . Ils éloignoient
les Affaires de fa connoiffance,
ne mettoient que de leurs
Créatures aupres de luy , &
ce Prince ne pouvant fouffrir
cet esclavage , réfolut enfin
de fe retirer. Il partit de faint
Fevrier 1685.
T
218 MERCURE
Johnſtons , feulement avec
quatre Hommes , & alla au
Port d'Ecoffe chercher un
azıle chez Milord Deduper,
où il fçavoit qu'il devoit trouver
le Marquis de Huntley;
les Comtes de Seaforth &
d'Atholl ; & plufieurs autres
Seigneurs , qui étoient inviolablement
attachez à luy avec
un Party affez puiſſant. Son
départ ayant fait naiſtre divers
fentimens fur la condui
te qu'on devoit tenir , il fut
réfolu qu'on l'envoyeroit fu
plier de revenir à S.Johnſtons,
pour y recevoir les témoignaGALANT.
219
1
ges du zéle que les Etats
avoient pour fon fervice.
Montgommery Genéral Major
fut honoré de cette Commiffion
. Il fe rendit chez Mi.
lord Déduper , & apres avoir
marqué au Roy le terrible
déplaifir que fon éloigne .
ment avoit caufé aux Etats ,
il le conjura de vouloir bien
le faire ceffer par la
prefence ,
& luy proteſta qu'il ne trouveroit
dans les Ecoffois que
des Sujets tres - foûmis. Le
Roy que l'experience avoit
perfuadé de leur peu de foy,
rejetta d'abord cette priere.
Tij
220 MERCURE
Il dit qu'il étoit las de fouffrir
des Maiftres dans un lieu où
il devoit commander
abfolument
; qu'eſtant né Roy , il
ignoroit comme il falloit
obéir , & qu'il avoit fait affez
d'honneur
aux Etats , pour les
engager à avoir pour luy les
déferences
qui luy étoient
deuës .
dit des chofes fi perfuafives,
& elles furent fi puiffamment
appuyées par le Marquis de
Huntley , que le Roy ſe laiſſa
vaincre. Il confidera qu'un
refus pourroitirriter ces Peuples
dont il devoit tout atten-
Montgommery luy
GALANT. 221
·
dre , & confentit à reprendre
le chemin de S. Johnftons,
Coù il receut des Etats des remercimens
qui luy firent
-perdre toute la crainte qu'il
avoit eue. Ce bonheur ne
dura pas. La divifion fe mit
entre les Generaux des Troupes
, qui avoient effé conjointement
levées par les Etats &
par le Clergé. Le Roy n'oublia
rien de ce qui pouvoit la
faire ceffer , mais il ne put en
venir à bout: Les Anglois en
profiterent. Le Château d'Edimbourg
qui avoit toûjours
refifté , fe rendit par l'infide-
✓ T iij
222 MERCURE
perte
lité de Dundaffe , qui fut féduit
par Cromvvel. Cette
& d'autres progrés que
les Anglois faifoient en Ecoffe
, firent juger aux Erats que
les querelles qui divifoient le
Royaume, ne finiroient point
que par une Autorité Royale.
Afin que tout le monde fuft
obligé de la reconnoiſtre ,
on réfolut de ne point differer
davantage le Couronnement
du Rov. La Cerémonie
s'en fit le 4. Janvier 1651. dans
l'Abbaye de Schoone
་
où
l'on avoit accouftumé de la
faire , & Charles Left le
GALANT. 223
quarante -huitiéme Roy que
l'on y a couronné. Il partit
de S. Jonftons avec une
pompe digne de fon rang.
Il eftoit accompagné de la
Nobleffe , & efcorté de l'Armée.
Milord Angus, en qualite
de Grand Chambellan ,
le reçût dans la Maifon qui
luy avoit efté préparée ; &
le Comte d'Argil , au nont
des Etats , luy fit un Difcours
plein d'affurances tres - ref
pectueuses , & de proteftations
d'une inviolable fidélité.
Apres la Harangue , le
Roy marcha vers l'Eglife,
Tij
224MERCURE
fuivy de tous les Seigneurs
d'Ecoffe , & des Officiers de
fa Maifon , fous un Dais de
Velours cramoify , qui eftoit
porté par quatre Perfonnes
confidérables . Il avoit le
Grand Connétable à fa droite,
& à fa gauche , le Grand.
Maréchal du Royaume . Le
Marquis d'Argil portoit la
Couronne , le Comte de Craford-
Lindley , le Sceptre ; le
Comte de Rothes , l'Epée ,
& le Comte d'Eglinton , les
Eperons . Le Roy , fuivant
l'ufage des Roys fes Prédeceffeurs
, fit le Serment fur.
GALANT. 224
un Trône que l'on avoit élevé
dans cette Eglife. Trois Per
fonnes qui repréfentoient les
trois Etats d'Ecofle , ſe préfentérent
devant luy , fourenant
chacune la Couronne
d'une main. Ils la remîrent
à trois Miniftres députez du
Clergé , dont l'un dit au Roy,
Sire , je vous préfente la Cou
ronne & la Dignitéde ce Royaume,
& s'eftant tourné vers le
Peuple , il ajoûta , Voulez- vous
reconnoiftre Charles II. pour vôtre
Roy, & devenir fes Sujets ?
Le Roy s'eftant auffi tourné
vers le Peuple , ce furens
226 MERCURE
par tour des cris de Vive
Charles II. Les Miniftres luy
ayant enfuite donné l'On
ction Royale , le Comte d'Argil
luy mit la Couronne fur
la tefte , & le Sceptre dans
la main. Son Couronnement
étoufa beaucoup de troubles.
On ordonna de nouvelles
Levées , & l'on fit fortifier
Sterlin .
Cromvvel voyant
l'Armée du Roy prés de cette
Ville où l'on apportoit fa
cilement toute forte de munitions
& de vivres , & apprenant
qu'elle eſtoit dans la
difpofition de marcher vers
GALANT 227
l'Angleterre , fe campa aux
environs d'Edimbourg , afin
de luy en fermer le paffage.
Il voulut engager ce Prince
à un Combat en s'aprochant
à la vue de fon Camp , &
hazarda une Attaque , dans
laquelle il fut repouffé & mis
en defordre . Ce mauvais fuc
cés le fit réfoudre à quiter
la place. Le Roy aprit qu'il
cftoit allé s'emparer de Fife,
& détacha malheureuſement
quatre mille Hommes , que
commandoit le Chevalier
Brovvn. Lambert les ataqua
avec un Party plus fort , &
228 MERCURE
❤
les défit prés de Nefterton
Ce coup , quoy que fort fenfible
au Roy , n'abatit point
fon courage. Il fit aſſembler
le Confeil de Guerre , où les
Capitaines luy ayant repréfenté
que beaucoup de fes
fidelles Sujets qui n'ofoient
fe déclarer en Angleterre,
prendroient fon Party lors
qu'ils l'y verroient entrer à la
tefte d'une Armée. Il réfolut
de le faire fans aucun retar
dement. Il partit de Sterlin
le 10. Aouft , & fitoft qu'il
fut dans le Comté de l'Enclaftre,
il fit publier une Am
GALANT. 229
nittie Genérale , & défendit
"
toutes les hoftilitez que les
Gens de Guerre ont accoûtumé
de commettre lors qu'ils
entrent dans un Païs Ennemy
, afin de montrer par là,
qu'il ne venoit qu'en Prince
qui aimoit le bien de fes Sujets.
Cromvvel le fuivit , &
Lambert voulut luy difputer
le paffage du Pont de Warifton
, mais il ne pût l'empeſcher
d'arriver àWorceſter,
dont les Habitans luy ouvri
rent les Portes le 22. Aouft,
apres luy avoir aidé à chaffer
la Garniſon que les Etats Y
230 MERCURE
avoient mife. Le Roy y ens
tra au milieu des cris de joye,
& y fit celébrer un Jeûne,
qui fat accompagné de Prieres
extraordinaires. Cromvvel
à qui les Paffages étoient
libres , arriva devant la Place
le 2. de Septembre , & fit
attaquer dés le lendemain le
Pont de Hapton , qui en défendoit
l'entrée du cofté de
la Riviere de Saverne. Ce
le Colonel Maffey
Pofte
que
défendit
avec
beaucoup
de
valeur
, fut
enfin
forcé
. La
mefme
chofe
arriva
à un autre
Pont
, appellé
Porvvik
"
GALANT. 231
1
Bridge , encore plus important
que le premier. Le
Duc d'Hamilton fut mortellement
bleffé en le défendant,
& mourut peu de jours
apres de fa bleſſure . Cetavantage
ne laiffa pas de couſter
cher à Cromvel . Le Roy
chargea luy-même fon Quartier
, bleffa de fa main le Capitaine
de fesGardes , & donna
mille preuves de conduite &
de valeur ; mais enfin un
Corps de huit mille Anglois
s'eftant approché de la Ville,
dans le trouble où le mau.
vais fuccés du Combatavoit
232
MERCURE
mis les Habitans , les Rebel
les fe rendirent maîtres d'une
de fes Portes , y traitérent impitoyablement
tout ce qu'ils
trouverent du Party du Roys
& tout ce que pût faire ce
malheureux Prince , fut de
rallier promptement mille
Chevaux , & de fortir fur le
foir par une Porte oppofée
à celle dont les Ennemis s'étoient
emparez . Toute cette
Troupe marcha plus d'une
heure fans fçavoir où elle alloit.
On s'arrefta pour tenir
Confeil. Quelques
- uns propoférent
de gagner quelque·
GALANT 233
Pofte
avantageux , pour y
attendre
le ralliement
des
Fuyards ; mais Milord Wilmot
leur fit connoiftre
qu'il
eftoit impoffible de réfilter
à cinquante
mille Hommesqui
les pourfuivroient
dés le
lendemain , & qu'il faloit fongerfeulement
à mettre le Roy
en fûreté.Le Comte de Darby
fe chargea de luy trouver une
Retraite affurée , & prenant
Wilmot pour
compagnon de
fon entreprife
, il ne voulut
eftre accompagné
que de
denx
Gentilshommes
nommez:
Giffard , & Walker, Le
Fevrier 1685 . V
1234 MERCURE
Roy partit fous la feule ef
corte de ces quatre Hommes
, & ils firent une telle
diligence , que lors que le
jour parut , ils fe trouvérent
à demy- lieue d'un Chateau
nommé Boscobel
, éloigné
de Worcester
de vingt-fix
milles . Comme
on n'y pouvoit
entrer à une heure indue
fans découvrir
le fecret,
Giffard propofa de prendre
la routed
petit Hameau
appellé les Dames Blanches,
où il répondit de la fidélité
d'un Païfan qu'on nommoit
George Pendrille . On alla
GALANT 23
chez luy mettre pied à terre ,
& le malheur du Roy luy fat
confié , ainfi qu'à trois de
fes Freres , qui promirent
tous de périr plûtoft que de
parler. Enfuite on coupa les
cheveux du Prince , il noircit
fes mains , fes habits fu
rent cachez dans la terre , on
luy en donna un de Païfan,
& George Pendrille luy ayant
fait prendre une Serpe , le
mena couper du bois avec
luy . Comme le fejour de ceux
l'accompagnoient pouqui
voit le trahir , ils s'en fop
érent , apres luy avoir u
236 MERCURE
qué par leurs larmes la vive
douleur que
leur caufoit fa
difgrace . A peine le Roy fut
dans la Foreſt , que deux cens
Chevaux arrivérent au même
Hameau . Les Commandans
voulurent d'abord en vifiter
les Maiſons , mais quelques
Femmes leur ayant dit qu'el
les n'avoient
veu que quatre
Hommes à cheval , qui s'étoient
féparez il n'y avoit
que deux heures , & avoient
pris diférentes routes , ils crûrent
que le Roy eftoit un
de ces Fuyards , & ayant fait
quatre Efcadrons de leurs
GALANT. 237
Troupes , ils prirent tous des
chemins divers. Ce Prince
paffa le jour dans le Bois , &
revint le foir avec Pendrille .
Comme il eftoit réfolu de fe
retirer au Païs de Galles , il
fe fit conduire cette mefme
nuit chez un Gentilhomme
nommé Carelos , dont il con
noiffoit la fidélité . Quoy qu'il
y
euft trois lieuës du Hameau
à la Maifon de ce Gentilhomme
, il les fit à pied avec
ardeur , & luy communiqua
le deffein où il eftoit de paf
fer la Riviere de Saverne.
Carelos l'en détourna ne luy
238 MERCURE
apprenant que tous les Paf
fages en eftoient gardez , &
la nuit fuivante
il le remena.
chez le Païſan qui l'avoit déja
caché. Pendrille craignant
que l'habit de Bucheron ne
trompaſt pas les Habitans du
Hameau , qui pouvoient le
remarquer
, luy propofa un
plus fûr azile. Il y avoit dans
le Bois un Chefne que la Nature
ſembloit avoir fait pour
un deffein extraordinaire
. Il
eftoit fi gros , & toutes fes
branches eftoient fi toufuës,
que vingt Hommes auroient
pû eftre deffus , fans qu'on
GALANT 239
les cuft découverts . Il pria
le Roy d'y vouloir monter ;
ce qu'il fit avec Carelos . Ils
s'y ajustérent fur deux Oreillers
, & y pafférent le jour,
fans autre nourriture
que du
Pain & une Bouteille d'Eau,
Ce Chefne a depuis efté nommé
le Chefne Royal . La nuit
ils retournérent dans la Maifon
de Pendrille . Le Roy y
trouva un Billet de Milord
Wilmot, par lequel il le prioit
de fe rendre chez un Gentilhomme
apellé Witgraves.
Le Roy partit auffi- toft, apres
avoir congedié Carelos . Il fit
240 MERCURE
ce petit Voyage , accompa
gné des quatre Freres , &
monté fur le Cheval d'un
Meulnier. Lajoyede Wilmot
fut grande lors qu'il vit fon
Prince . Il luy dit qu'il n'y avoit
aucune affurance pour fa vie,
s'il ne fortoit du Royaume, &
qu'il avoit pris des mefures
avec Witgraves pour
duire à Bristol, que Mademoi
felle Lane,Fille du Colonel de
ce nom , y devoit aller pour
les Couches d'une Soeur , &
qu'en qualité de Domeſtique
il la porteroit en croupe. La
chole fut fort bien exécutée,
Quelques
le conGALANT.
241
Quelques jours auparavant,
çette Demoiſelle avoit obtenu
un Pafleport pour aller à Briftol
avec un Valet. Elle étoit
adroite & fpirituelle , & déguifa
fi bien le Roy en luy la
vant le vifage d'une Eau dans
laquelle elle avoit fait bouillir
des écorces de noix , & d'au
tres drogues , qu'il eftoit
difficile de le réconnoiftre .
On luy donna un Habit conforme
à ce nouveau Perfonnage
, que la fortune luy faifoit
jouer, & dans cet état ils
prirent le chemin de Briſtol.
Wilmot feignant de chaffer
Fevrier
1685. X
242 MERCURE
un Oyſeau fur le poing , les
accompagna jufques à Brons
graves. Le Cheval du Royys
perdit un fer , & il falut luy
en faire mettre un autre. On
s'adreffarà un Maréchal , qui
en ble ferrant demanda des
nouvelles du Roy , au Roy
mefme. Le Prince ayant répondu
qu'il le croyoit en
Ecoffe , le Maréchal ajoûta
qu'affeurément il étoit caché
dans quelque Maifon d'Angleterre
, & qu'il cuft bien
voulu le découvrir parce
qu'il n'auroit plus à fe mettre
en peine de travailler , s'il
GALANT. 243
trouvoit moyen de le livrer
aux Etats . Cette converfation
finie , le Roy continua
fon chemin , avec la Demor
felle qu'il portoit toûjours en
croupe. Peu de temps apres
à l'entrée d'un Bourg, quel
ques Cavaliers envoyez pour
l'arrefter, vinrent à luy , & len
regardant attentivement , ce
luy qui les commandoit leur
dit qu'ils le laiffaffent paffer,
& que ce n'étoit pas ce qu'ils
cherchoient.
Eftant enfin arrivez chez
M'Norton à trois miiles de
Bristol , le Roy feignit de fe
X
ij
244 MERCURE
trouver mal , & Mademoiſelle
Lane qui paffoit pour la Maitreffe
, luy fit donner une
Chambre . Le lendemain un
Sommelier nommé Jean Pope
, qui avoit long- temps fervy
dans les Armées du feu
Roy , démefla les Traits du
Prince dans ceux du Conducteur
de Mademoiſelle Lane,
& l'ayant prié de defcendre
dans la Cave , il luy prefenta
du Vin , mit enfuite un genoüil
en terre , & luy fit de fi
ardentes proteftations de fidelité
, que le Roy le chargea
du foin de luy chercher un
GALANT. 245
Vaiffeau pour paffer en France
, mais il luy fut impoffible
de s'embarquer à Bristol . Milord
Wilmot l'étant venu joindre
, le conduifit chez le Co.
lonel Windhams , dans le
Comté de Dorfet. Ilssyy furent
trois femaines , attendant les
facilitez d'un Paffage à Lime.
Il y eut encore un fecond obftacle.
Un Capitaine dont on
s'étoit affeuré, manqua de parole
, & pour nouvelle difgra
le Cheval de Milord Wilce,
mot s'étant déferré , le Maréchal
connur aux clouds , que
celuy qui le montoit venoit
X
iij
246 MERCURE
C
du cofté du Nord , & le bruit
fut auffi toft répandu que le
Roy y étoit caché . Cela l'obligea
de fe rendre à Bridport
fans aucun retardement. La
nuit fuivante , il arriva à Braadvvindfor
, ou quantité de
Soldats qui s'embarquoient,
l'ayant mis dans la néceffité
de fe cacher, il retourna chez
le Colonel Windhams , avec
lequel il trouva à propos d'al
ler chez M' Hides , du cofté
de Salisbury. Eftant arrivez
à Mere, ils defcendirent à l'1-
mage S George. L'Hofte qui
connoiffoit le Colonel ,voyant
GALANT. 247
le Roy debout dans la poſture
d'un Domestique,luy demanda
fi c'étoit un de fes Gens.
Enfuite il porta la Santé du
Roy au Colonel. Ils fe rendirent
de là chez M'Hides ; mais
quoy qu'on puft faire , il fur
impoffible de trouver unVaiſ
feau dans tous les environs
de la Mer , du cofté de Southompton,
M' Philips que l'on
avoit envoyé pour cela , rencontra
le Colonel Gunter, qui
fe chargea de tenir une Barque
prefte à Britemhfthed en
Suffex. Le Roy s'y rendit en
diligence & y trouva Milord
X iiij
248 MERCURE
;
Wilmot & Maumfel Mar
chand , dont Gunter s'étoit
fervi pour le fuccés de fon en.
trepriſe . Le Capitaine du Vaifſeau
, nommé Tetershall , fe
mit à table avec le Roy &
Milord Wilmot. Comme il
avoit vû ce Prince aux Du
nes , il le reconnur, & s'apro
chant de l'oreille du Milord;
Vous avez des Domestiques de
bonne Maison , luy dic il , & je
croy qu'il y a peu de Gentils
hommes en Europe auffi bien fer
ruis que vous . Il ne perdit point
de temps. Il donna ſes ordres
pour l'embarquement ; & le
GALANT. 249
Vaiffeau fe mit en Mer le 20.
Octobre à cinq heures du
matin. Dans le Trajer un Matelot
prenant du Tabac , & le
Capitaine connoiffant que la
fumée incommodoit Sa Majefté,
il le gronda , & luy or
donna de fe retirer . Le Matelot
le fit avec peine , & luy
répondit en murmurant par
une façon de parler Angloife
, Qu'un Chat regardoit bien
in Roy. Le Voyage fe fit
fans obftacle . On arriva à
Fécamp en Normandie , où
le Milord qui n'avoit rien dit
jufque- là , avoua au Capitai250
MERCURE
ne que c'étoit le Roy qu'il
avoit paffé. Il fe jetta aux
pieds de fon Prince , qui luy
promit de récompenter un
jour fa fidelité. Le Roy ayant
changé d'habits à Rouen , où
il demeura peu de temps
chez M'Scot, vint à Paris attendre
les Révolutions qui
font ordinaires à la tyrannie.
Olivier Cromvvel, déclaré
Protecteur des trois Royaumes
en 1653. mourut en 1658
Apres fa mort on donna la
mefme qualité à Richard fon
Fils ; mais eftant incapable
de la foûtenir , le Parlement
GALANT 251
luy fit demander fa démif
fion , & il la donna . Le Ges
néral Monk fe fervit avec
tant de zéle , de prudence &
de conduire , des difpofitions
où il voyoit les efprits pour
le rétabliffement de la Monarchie,
qu'il fut réfolu qu'on
rappelleroit le Roy. Le Par
lement luy dépeſcha le 19. de
May 1660. un Gentilhomme
nommé Kilgrevv , pour luy
porter la nouvelle de fa Proclamation
, qui avoit efté faite
à Londres ce mefme jour ,
& ayant donné ordre à l'Amiral
Montagu de fe mettre en
252 MERCURE
mer pour aller le recevoir fur
les Coftes de Hollande , il
nomma dixhuit , Commiffaires
, fix de la Chambre des
Pairs , & douze de la Chambre
des Communes
, pour
le fapplier de venir prendre
poffeflion de fes trois Royau
mes. La Ville de fon cofté
choifit vingt de fes plus illuftres
Habitans
, pour luy
aller rendre les mefmes devoirs.
Tous ces Députez furent
favorablement reçûs à
la Haye , où le Roy eftoit
alors . Ce Prince en partit le
2. de Juin , &le Vaiffeau furGALANT.
253
lequel il s'embarqua , parut
au Port de Douvres deux
jours apres , 4 du mefme
mois. Il y fut reçû par Monk,
qui fe mit d'abord à genoux.
Le Roy le releva en l'embraffant
, & en l'appellant fon
Pere. Apres une conférence
d'une demie heure qu'il eut
avec luy en particulier , ce
Prince fe mit fous un Dais
qui eftoit tendu au bord de
lå Mer, fous lequel les Ducs
d'York , & de Gloceſter , fes
Freres, fe mirent auffi Ils reçûrent
là les refpects de laNobleffe,
& mótérent enfuite en
254 MERCURE
Carroffe, où le Genéral Monk
prit place , auffi-bien que le
Duc de Buckincam. Dans
le chemin de Cantorbery ils
trouvérent quelques vieux
Régimens , avec les Compagnies
de la Nobleffe en
Bataille. Le Roy monta à
cheval , & y fit fon Entrée
à leur tefte . Pendant fon féjour
dans cette Ville , il donna
l'Ordre de la Jarretiere au
Genéral Monk. Elle luy fuc
attachée par les Ducs d'York
& de Glocefter. Le Duc de
Southampton y reçût le même
honneur ; mais il y cut
GALANT. 255
·
cette diférence , que ce fut
feulement un Héraut qui luy
mit l'Ordre. Peu de jours
apres le Roy fit fon entrée à
Londres . Elle fut fort éclatante.
Plufieurs Troupes de
Gentilshommes & de Bour-
>
geois richement vétus , & fu
perbement montez mar
choient devant luy. Celle qui
l'environnoit étoit compofée
des Herauts, des Porte-Maffe ,
du Maire qui étoit teſte nuë
avec l'épée Royale à la main ,
du General Monk , & du Duc
de Buckincam
. qui le precédoient
auffi tefte nue. Il mar
256 MERCURE
•
choit entre les Ducs d'Yorck
& de Glocefter , & à pei
ne eut-il mis pied à terre à
Witheal , qu'au lieu de fe rafraîchir
, il alla au Parlement.
Il entra dans la Chambre des
Pairs , manda celle des Com
munes , & les voyant affenblez
, il les affeura qu'il fe
fouviendroit toûjours de la
fidelité qu'ils avoient gardée
pour fon fervice , & les pria
tous d'agir pour le foulage.
ment de fon Peuple. Il fut
Couronné en 1661 dans la
mefme Ville , avec une Pompe
extraordinaire , & l'année
GALANT 257
fuivante, il épousa Catherine,
Infante de Portugal , Fille de
Jean IV. & Soeur du Roy Alphonfe
VI. C'est une Princeffe
dont la vertu & la pieté,,
vont au delà de tout ce qu'on
en peut dire. Il s'eft depuis :
appliqué avec de grands foinsà
étouffer les defordres que
les Factieux tâchoient de fai
re revivre. Il en eft venu à
bout, & a remporté de grands
avantages fur les Hollandois ,,
en deux diverfes rencontres.
Une preuve incóteftable dess
grandes qualitez de ce Monarque
, c'est qu'il s'eftoire
Fevrier 1685,
Y
218 MERCURE
1
acquis l'amitié du Roy. Je
viens aux particularitez de fa
pg zed eated xusb. sb
mort.
+
97 Le Dimanche au foir 11. de
ce mois , il parut dans une
parfaite fanté, & plus gay qu'à
l'ordinaire. Il eut la nuit de
grandes inquietudes , & fon
fommeil fut interrompu . Il
ne voulut neanmoins appeller
perfonne , & s'eftant levé
dés fept heures du matin , il
demanda qu'on luy fiſt le
poil. A peine luy eut on mis
un Peignoir, qu'un fort grand
treffaillement luy fit pouffer
avec force les coudes en ar
A
GALANT
259
&
riere.
fois , Mon Il cria trots
Dies & demeura
enfuite
prés
de deux heures
fans pouvoir
parler. Un Valet de Chambre
courut
à l'Apartement
de
Monfieur
le Duc d'York
,
luy dit que l'on croyoit
le
Roy mort. Ce Duc vint toute
effrayé, & en Robe de Cham--
bre. On faigna le Roy deux:
fois , on luy appliqua
des
Vantoufes
, & on luy donna:
un Vomitif
, La connoiffance
kay revint un peu , & il de--
manda
à boire. On eut quelque
efpérance
de fa guériſon
,
jufqu'au
Mercredy
au foir
Y it
260 MERCURE
Cependant le mal l'ayant re
pris avec plus de violence , il
mourut le Vendredy 16. entre
onze heures & midy . Il
n'a eu aucuns Enfans de la
Reyne , mais il en a laiffé de
naturels , qui font
Jacques Scotty Duc de
Montmouth, Comte de Dun .
cafter , & de Dolkeith , Chevalier
de la Jarretiere , & c.
"Charles Lenox , Duc de
Richemont , Fils de la Du--
cheffe de Porthmouth ..
Charles Filts Roy, Duc de
Southampton.
Henry Files Roy , Duc de
GALANT.: 261
Grafton , qui a épousé en
1672. la Fille unique de Henry
2 Baron d'Arlington ,Secretaire
d'Etat.
-Georges
Filts Roy, Comte
de Northumberland
.
"
Anne Filts Roy , qui a
-époufé Thomas Leonard ,
Comte de Suffeк ; tous Enfans
de Barbe Villiers , Ducheffe
de Cleveland , Comteffe
de Caftelmene, Baronne
deNonfuch,& Fille du Comte
de Grandiffon.
Charles Filts Charles ,Comte
de Plimouth , Filts de Mademoiſelle
de Kyroüel , Du262
MERCURE
*
cheffe de Portzhmouth , &
Comteffe d'Aubigny. I a
épouté une Fille de Thomas
Ofborn , Comte de Damby,
Grand Tréforier d'Angle
terre. 968
3 Charlote Filts Roy , qui
a époufé le Comte de Lieghfield
.
Barbe Filts - Roy.
GALANT. 189
jeune Prince s'eftant fait donner
un jour la Clef du Parc ,
fous prétexte de chaffer, fut
affez heureux pour ſe dérober
de ceux qui l'obfervoient ; &
fe déguifant avec une Perruque
noire , & un emplaître
fur l'oeil , il fortit du Parc , &
entra dans un Carroffe , qui
le porta juſqu'au bord de la
Tamife. Une Gondole l'y
ayant reçû , il fe rendit en
un lieu où il prit un habit
de Femme. Il revint de là
dans fa Gondole , qui le rendit
à Grenvic fans aucun
obftacle ; mais en ce lieu-là)
190 MERCURE
celuy qui le conduifoit refufa
de paffer outre , non feulement
à cause d'un vent contraire
qui venoit de s'élever,
mais la crainte de conpar
tribuer à la fuite de quelque
Perfonne confidérable
, ce
qui eſtoit dangereux en ce
temps - là . Malheureuſement
pour le jeune Prince , for
Cordon bleu qu'il avoit mal
caché en ſe déguiſant
, parut
aux yeux de ce Marinier, qui
plus intelligent que plufieurs.
de fa profeffion , fçachant
qu'une marque fi illuftre ne
fe donne en Angleterre
qu
GALANTA 191
aux Perfonnes du premier
rang , comprit le miftere , &
ne douta point que ce ne fuft
le Duc d'York qu'il menoit.
L'embarras où le met cette
rencontre, le fit s'obftiner à
n'avancer plus. Banfila qui
accompagnoit le Prince , defefperé
du retardement,
conjura le Matelot de paſſer
promptement la Dame qui
étoit dans fa Gondole , parce
qu'elle avoit des affaires trespreffantes.
Il luy répondit
d'un ton fèvere , qu'il falloit
que cette Dame cuft des privileges
bien particuliers, pour
192 MERCURE
avoir receu l'Ordre de la Jar
retiére, qu'on ne donne point
aux Femmes . Le Prince qui
avoit l'ame intrépide , & les
maniéres perfuadantes , prit
une réſolution digne de lay.
Il tendit la main au Matelot,.
& avec une douceur qui auroit
gagné les moins traitables
; le fuis le Duc d'York,
luy dit- il . Tu peux tout pour
ma fortune , & peut- eftre pourma
vie . C'est à toy à voirſi tu
veux me fervir fidellement. Ce
peu de mots defarma le Matelot.
Il luy demanda pardon
de fa réfiftance ,& commença
1
GALANT:
1932
a ramer avec tant de vigueur,
qu'il fit arriver le Prince
à Tibury , plûtoft qu'il ne
l'avoit efperé. Il y trouva un
Vaiffeau Hollandois qui l'ac- ,
tendoit , & qui le porta à Mi-.
delbourg. Son evaſion inquiéta
les Etats. Il arriva des
defordres en Ecoffe. Les
Communes du Comté de
Kent
prirent les armes , pour
demander la liberté de leur
Roy. La
Nobleffe
appuya
leurs juftes
prétentions , & la
plupart
des
Vaiffeaux
qui
étoient aux Dunes , fe déclara
pour les mefmes interefts,
Fevrier 1685. R
194
MERCURE
Ce foûlevement
donna lieu à
une entrepriſe affez furprenante.
Un jeune Homme
appellé Corneille Evans , né
dans Marſeille , d'un Pere
forty du Païs de Galles , arriva
dans la Ville de Sandvvic ,
couvert d'un habit fi déchiré,
qu'étant pris par tout pour
un Homme de néant , il eut
de la peine à trouver où ſe
loger. Enfin , ayant eſté receu
dans une Maifon de peu
d'apparence
, où il fe fit affez
bien traiter , il tira fon Hofte
à part , & luy dit que pour re
connoiftre l'honnefteré
qu'il
•
GALANT. 195
yenoit d'avoir pour luy , il
vouloit luy confier un fecret
dont il pouvoit attendre de
grands avantages , s'il en fçavoit
bien ufer. Il ajoûta qu'il
étoit le Prince de Galles ; qu'il
s'étoit mis en l'état où il le
voyoit , pour le dérober aux
yeux de ſes Ennemis ; qu'
ayant appris que les Peuples
de cette Province fe foûlevoient,
il prétendoit leur donner
courage , & commencer
avec eux le fecours qu'ils devoient
au Roy fon Pere . Cet
Homme crédule fe laiffa perfuader
, & tout glorieux d'a-
Rij
196 MERCURE
voir chez luy le Fils de fort
Roy , il alla fur l'heure avertir
le Maire , qui étant venu rendre
fes refpects à ce faux
Prince , le fit loger dans la
plus belle Maifon de la Ville.
Chacun le traita de la meſme
forte. On luy donna des Gardes
avec ordre de fe tenir découverts
en fa prefence , & le
bruit de fon arrivée s'étant
répandu dans tout le Comté
de Kent , grand nombre de
Gentilshommes, & de Dames
mefme , vinrent luy offrir
leurs biens , pour le fecourir
dans fon entrepriſe. Ceux qui
GALANT. 197
s'étoient foûlevez , députe
rent auffi-toft pour le prier
de fe vouloir montrer à leur
tefte , & il auroit joué plus
long- temps ce perfonnage , fi
le Chevalier Dishinton que
la Reyne & le Prince de Gal
les avoient envoyé en Angleterre
, pour s'informer du veritable
état des affaires , n'euft
fait connoiftre la fourbe. Il fe
diſpoſoit à retourner en France
, lors qu'il apprit ce qui fe
paffoit à Sandvvic. Il y courut
, & convainquit l'Impo
fteur, qui fut arrefté, conduit
à Cantorbery , & delà à Lon
Rij
198 MERCURE
dres , d'où il ſe fauva quelques
mois apres . On n'en a
point entendu parler depuis.
Les Vaiffeaux des Dunes
que Farfax tâcha inutilement
de féduire
par Les offres , étant
paffez en Hollande , ceux qui
les
commandoient envoyerent
avertir le Prince de Galles
, qu'ils ne s'étoient fouftraits
de l'obeïffance des
Etats , que pour recevoir ſes
ordres. Il partit de S. Germain
en Laye , où il avoit
toûjoursdemeurédepuis qu'il
étoit forty d'Angleterre , &
s'étant embarqué à Calais acGALANT.
199
compagné du Prince Robert,
& d'un grand nombre de Nobleffe
Angloife & Ecoffoife,
que la perfecution des Ennemis
du Roy avoit contrainte
de fe retirer en France , il
pafla heureuſement en Hol
lande au commencement de
Juillet en 1648. Apres avoir
loué la fidelité des Officicrs
qui perfiftoient courageule
ment dans le deffein de perir
, s'il le falloit , pour s'op
pofer aux Rebelles , il monta
fur l'Amiral , fit courir un
Manifefte , par lequel il dé
clara qu'il ne prenoit les ar
R iiij
200 MERCURE
mes que pour maintenir la
Religion dans la pureté de
fes Inftructions
, pour donner
la Paix aux trois Royaumes
,en
remettant les Loix dans leur
force, & pour delivrer le Roy
fon Pere d'une tyrannique
oppreffion, & enfuite il alla fe
prefenter devant Yarmouth,
demandant que les Portes de
la Ville luy fuffent ouvertes.
Les Magiftrats réponditent
qu'ils n'en eftoient pas les
maiftres , & leur obftination
l'emporta fur l'inclination du.
Peuple qui envoya des ta
fraîchiffemens
à ce Prince.
piz
GALANT. 201
Il fe retira vers les Dunes
avec fa Flote , & n'ayant reçû
aucune réponſe favorable des
Lettres qu'il avoit écrites à
Londres fur fon Manifefte,
il alla chercher le Comte de
Warvvic , qui eftoit en mer
avec feizeVaiffeaux , & que les
Etats avoient étably Grand
Amiral du Royaume . Le
Comte évita les occafions.
d'en venir aux mains ; & la
nuit les ayant obligez de
jetter l'ancre à une lieue l'un
de l'autre, le Prince luy manda
par un Officier , qu'eftant
en perfonne fur les Vaiffeaux.
202 MERCURE
qu'il avoit veus , il luy commandoit
de le venir joindre
pour fervir le Roy , & de
mettre Pavillon bas quand il
leveroit les ancres . Le Comte
luy répondit qu'il ne reconnoiffoit
que les Etats pour
fes Maiftres , & qu'il ne devoit
attendre de luy aucune
foûmiflion . Le Prince irritée
de cet orgueil , fit mettre à
la voile fi- toft qu'il fut jour,
& alla droit à Warvic , dont
il trouva la Flote augmentée
de douze Vaiffeaux fortis du
Port de Porthmouth ; ce qui
ne l'euft pas empefché de le
GALANT. 203
combatre , fi une tempefte
qui dura vingt- quatre heures
n'euft féparé fi bien les deux
Flotes, que le Prince fut contraint
de relâcher en Hollande.
Tout ce qu'il pouvoit
tenter pour la liberté
du Roy fon Pere , eftant
ainfi renversé , & tout luy
manquant pour la fubfiftance
de fon Armée , il ne fe
remit point en mer, & atendit
le fuccés de quelques
Traitez d'Accommodement
dont on parloit ; mais apres
des Procédures qu'on ne
peut entendre fans horreur,
204 MERCURE
le Roy forcé de comparoiftre
devant fes Sujets , fut con
damné, comme Traître , Ty
ran , & Perturbateur du repos
public , à avoir la tefte
coupée ; & cet effroyable
Arreft fut exécuté le 9. Fe
vrier 1649. à la porte de fon
Palais , dans la meſme Ville
où il eftoit né , & au milieu
d'un Peuple dont fa bonté
luy devoit avoir gagné tous
les coeurs.
Le Prince ayant appris
cette funefte nouvelle à la
Haye, fçût en mefme temps
que les Etats avoient déclaré
GALANT 205
qu'on aboliroit le nom de
Roy , & que le Royaume
prendroit celuy de République.
On ne laiffa pas , malgré
ces défenſes, de voir des
Placards affichez dans toutes
les Villes d'Angleterre,
avec ces mots , CHARLES
STUART DEUXIEME
DU NOM , ROY D'ANGLETERRE,
D'IRLANDE
ET D'ECOSSE. Il y eut auffi
une fort grande conteftation
à
Londres pour les intérefts
du jeune Roy. Les Etats
qui en avoient fupprimé le
tître , ne pûrent obtenir du
206 MERCURE
Maire qu'il fift la Publica
tion de cette Ordonnance.
On l'interdit de fa Charge;
& celuy qui la remplit s'étant
diſpoſé à obeïr aux Etats,
le Peuple courut aux armes ,
en criant de toutes parts,
Vive Charles II. Le tumulte
euft efté loin , fi Cromvvel,
qui avoit prévû ce zéle des
Habitans, n'euftfait paroiftre
quatre Compagnies de Cavalerie
, qui diffipérent la
foule , & qui couvrant le
nouveau Maire , luy donnérent
le temps de publier l'injuſte
Ordonnance qui avoit
•
GALANT. 207
efté faite.
Pendant ce temps
le Prince
cherchoit à vanger
l'exécrable
Parricide qui venoit
d'eſtre commis. Il fçût
que les Ecoffois l'avoient fait
proclamer
Roy dans la grande
Place
d'Edimbourg
avec
toutes les formalitez
néceffaires
à rendre cette reconnoiffance
autentique; & comme
il avoit une haute eftime
pour la vertu du Marquis de
Montroffe
, voulant fe fervir
de luy pour remonter
fur le
Trône , il l'envoya
chercher
jufqu'en
Allemagne
, où il
s'eftoit engagé au ſervice de
208 MERCURE
l'Empereur. Montroffe ne
balança point fur ce qu'il
avoit à faire. Il fupplia l'Empereur
qui l'avoit fait Grand
Maréchal de l'Empire , de
trouver bon qu'il allaft fervir
fon Prince. L'Empereur loüa
fa fidélité. Il luy permit de
lever des Troupes ; & les
Roys de Suéde , & de Dan..
nemark , luy ayant donné
la mefme liberté dans leurs
Etats , il fit paffer fes premieres
Levées aux Ifles Or
cades , fous les ordres du
Comte de Kennoüil , l'affûrant
qu'il ne manqueroit pas
"
GALANT. 209
de le joindre avec mille Chevaux
& cinq mille Hommes
de pied. Ceux qui compo
foient lesEtats d'Ecoffe , étant
avertis que le Roy avoit envoyé
chercherMontroffe, qui
n'eftoit pas bien dans leurs
efprits , demandérent par un
des Articles de Paix qu'ils
firent avec ce Prince pour
le reconnoiftre, que ce Marquis
ne rentraft point dans
le Royaume. Le Roy nepût
fe réfoudre à l'abandonner.
Il fit voir aux Commiffaires.
envoyez à Breda pour con--
clurre le Traité , qu'il y al-
Février 1685, S
210 MERCURE
loit de fon fervice , de ne
pas laiffer inutile le courage
d'un Homme dont le zéle
& la valeur luy efſtoient connus
par de grandes preuves.
Ces Commiffaires infiftérent
fur leur demande
, & pendant
ce temps , les Troupes
qui eftoient defcenduës aux
Orcades arrivérent , & Montroffe
arriva luy-mefme peu
de temps apres avec un Corps
de quatre mille Hommes.Les
Etats s'en trouvérent alarmez.
Ils avoient plus de
douze mille Soldats fous les
armes , commandez parDavid
GALANT 211
Lelley. Ce Genéral détacha
fix Cornetes de Cavalerie tous
les ordres d'un Colonel Anglois
nommé Stranghan ,pour
aller s'oppofer au paffage du
Marquis de Montrofle. Ils
fe rencontrérent en un lieu
fort avantageux pour la Ca
valerie de Stranghan , qui
l'ayant défait , le fit prisonnier.
On le conduifit à Edimbourg
, les mains liées , &
avec les plus indigne's traitel'on
peut
faire à
mens que
un Criminel
. La Sentence
de mort qui fut exécutée con-
甘ae luy , portoit qu'il ferois
Sij
212 MERCURE
pendu, qu'on mettroit fate ftè
au plus haut lieu du Palais
d'Edimbourg , & que fon
corps partagé en quatre , feroit
expofe fur les Portes des
Villes de Sterling, Glafcovv ,
Perth , & Aberdin . La lec .
ture de cette injufte Sentence
ne l'étonna point. Il dit avec
une fermeté digne de fon
grand courage , que fos Ennemis
en le condamnant ne
luy avoient pas fait tant de
mal qu'ils avoient crû , &
qu'il eftoit faché que fon
corps ne puft eftre partagé en
autant de pieces qu'il y avoir
GALANT. 213
de Villes au Monde , parce
que c'euft efté autant de
Bouches qui auroient parlé
éternellement
de fa fidélité
pour fon Roy. Ce Prince fut
fenfiblement touché de cette
mort, qu'il connut bien qu'on
avoit précipitée de peur qu'il
ne l'empeſchaft
par fon au
torité , ou par fes prieres. Il
fut fur le point de rompre le
Traité de Breda , & tout commerce
avec les Etats d'Ecoffe
, mais la néceffité du
temps & de fes Affaires ne
le permit pas . Il s'embarqua
à Scheveling
le z. de Juin,
214 MERCURE
pour paffer dans ce Royau
me , & eftant arrivé à l'embouchure
de la Riviere de
Spey, il y prit terre. Un grand
nombre des plus confidérables
Seigneurs Ecoffois étant
venu le trouver
lefcorta
jufqu'à Dundée , où il reçût
les Députez chargez de luy
dire que tous fes Peuples
d'Ecoffe le voyoient arriver
avec une joye extréme , &
qu'ils eftoient prefts de donner
leurs biens , leur fang &
leurs vies, pour luy faire avoir
raifon de fes Ennemis. Le
Roy répondit à ce compli
GALANT 215
ment avec de grandes marques
d'affection pour les
Ecoffois; & fes empreffemens
à folliciter les Etats de lever
des Troupes , les y ayant
obligez , les Commiflions furent
données pour ſeize mille
Hommes de pied , & pour
fix mille Chevaux . On fit
le Comte de Leven Genéral
de l'Infanterie , & Holborne
de la Cavalerie , avec Mongommery
& Lefley , & le
Roy fut Genéraliffime . Le
bruit de ces Armemens s'étant
répandu en Angleterre,
Cromvvel qui avoit accepté
216 MERCURE
l'Employ de Farfax, s'avança
entre les Villes d'Edimbourg
& de Leith , où les Troupes
Ecoffoifes s'eftoient retranchées.
Apres deux Combats
donnez , fans nul avantage
pour l'un ny l'autre Party, les
Armées fe rencontrérent le
10. de Septembre prés de
Copperfpec , & vinrent aux
mains avec tant de malheur
pour celle d'Ecoffe , qu'il demeura
de ce cofté là pres de
einq mille Morts fur la place,
avec toute l'Artillerie & tout
le Bagage. Le nombre des
Prifonniers mota à huit mille.
Cette
GALANT. 217
Cette Victoire enfla le courage
de Cromvvel , qui n'eut
pas de peine enfuite de fe
rendre Maistre d'Edimbourg
+
& de Leith. Des fuccez fi
malheureux refroidirent les
Etats. Ils établirent des Comamiffaires
pour régler le nombre
des Domestiques duRoy,
& des Officiers néceffaires à
fon fervice . Ils éloignoient
les Affaires de fa connoiffance,
ne mettoient que de leurs
Créatures aupres de luy , &
ce Prince ne pouvant fouffrir
cet esclavage , réfolut enfin
de fe retirer. Il partit de faint
Fevrier 1685.
T
218 MERCURE
Johnſtons , feulement avec
quatre Hommes , & alla au
Port d'Ecoffe chercher un
azıle chez Milord Deduper,
où il fçavoit qu'il devoit trouver
le Marquis de Huntley;
les Comtes de Seaforth &
d'Atholl ; & plufieurs autres
Seigneurs , qui étoient inviolablement
attachez à luy avec
un Party affez puiſſant. Son
départ ayant fait naiſtre divers
fentimens fur la condui
te qu'on devoit tenir , il fut
réfolu qu'on l'envoyeroit fu
plier de revenir à S.Johnſtons,
pour y recevoir les témoignaGALANT.
219
1
ges du zéle que les Etats
avoient pour fon fervice.
Montgommery Genéral Major
fut honoré de cette Commiffion
. Il fe rendit chez Mi.
lord Déduper , & apres avoir
marqué au Roy le terrible
déplaifir que fon éloigne .
ment avoit caufé aux Etats ,
il le conjura de vouloir bien
le faire ceffer par la
prefence ,
& luy proteſta qu'il ne trouveroit
dans les Ecoffois que
des Sujets tres - foûmis. Le
Roy que l'experience avoit
perfuadé de leur peu de foy,
rejetta d'abord cette priere.
Tij
220 MERCURE
Il dit qu'il étoit las de fouffrir
des Maiftres dans un lieu où
il devoit commander
abfolument
; qu'eſtant né Roy , il
ignoroit comme il falloit
obéir , & qu'il avoit fait affez
d'honneur
aux Etats , pour les
engager à avoir pour luy les
déferences
qui luy étoient
deuës .
dit des chofes fi perfuafives,
& elles furent fi puiffamment
appuyées par le Marquis de
Huntley , que le Roy ſe laiſſa
vaincre. Il confidera qu'un
refus pourroitirriter ces Peuples
dont il devoit tout atten-
Montgommery luy
GALANT. 221
·
dre , & confentit à reprendre
le chemin de S. Johnftons,
Coù il receut des Etats des remercimens
qui luy firent
-perdre toute la crainte qu'il
avoit eue. Ce bonheur ne
dura pas. La divifion fe mit
entre les Generaux des Troupes
, qui avoient effé conjointement
levées par les Etats &
par le Clergé. Le Roy n'oublia
rien de ce qui pouvoit la
faire ceffer , mais il ne put en
venir à bout: Les Anglois en
profiterent. Le Château d'Edimbourg
qui avoit toûjours
refifté , fe rendit par l'infide-
✓ T iij
222 MERCURE
perte
lité de Dundaffe , qui fut féduit
par Cromvvel. Cette
& d'autres progrés que
les Anglois faifoient en Ecoffe
, firent juger aux Erats que
les querelles qui divifoient le
Royaume, ne finiroient point
que par une Autorité Royale.
Afin que tout le monde fuft
obligé de la reconnoiſtre ,
on réfolut de ne point differer
davantage le Couronnement
du Rov. La Cerémonie
s'en fit le 4. Janvier 1651. dans
l'Abbaye de Schoone
་
où
l'on avoit accouftumé de la
faire , & Charles Left le
GALANT. 223
quarante -huitiéme Roy que
l'on y a couronné. Il partit
de S. Jonftons avec une
pompe digne de fon rang.
Il eftoit accompagné de la
Nobleffe , & efcorté de l'Armée.
Milord Angus, en qualite
de Grand Chambellan ,
le reçût dans la Maifon qui
luy avoit efté préparée ; &
le Comte d'Argil , au nont
des Etats , luy fit un Difcours
plein d'affurances tres - ref
pectueuses , & de proteftations
d'une inviolable fidélité.
Apres la Harangue , le
Roy marcha vers l'Eglife,
Tij
224MERCURE
fuivy de tous les Seigneurs
d'Ecoffe , & des Officiers de
fa Maifon , fous un Dais de
Velours cramoify , qui eftoit
porté par quatre Perfonnes
confidérables . Il avoit le
Grand Connétable à fa droite,
& à fa gauche , le Grand.
Maréchal du Royaume . Le
Marquis d'Argil portoit la
Couronne , le Comte de Craford-
Lindley , le Sceptre ; le
Comte de Rothes , l'Epée ,
& le Comte d'Eglinton , les
Eperons . Le Roy , fuivant
l'ufage des Roys fes Prédeceffeurs
, fit le Serment fur.
GALANT. 224
un Trône que l'on avoit élevé
dans cette Eglife. Trois Per
fonnes qui repréfentoient les
trois Etats d'Ecofle , ſe préfentérent
devant luy , fourenant
chacune la Couronne
d'une main. Ils la remîrent
à trois Miniftres députez du
Clergé , dont l'un dit au Roy,
Sire , je vous préfente la Cou
ronne & la Dignitéde ce Royaume,
& s'eftant tourné vers le
Peuple , il ajoûta , Voulez- vous
reconnoiftre Charles II. pour vôtre
Roy, & devenir fes Sujets ?
Le Roy s'eftant auffi tourné
vers le Peuple , ce furens
226 MERCURE
par tour des cris de Vive
Charles II. Les Miniftres luy
ayant enfuite donné l'On
ction Royale , le Comte d'Argil
luy mit la Couronne fur
la tefte , & le Sceptre dans
la main. Son Couronnement
étoufa beaucoup de troubles.
On ordonna de nouvelles
Levées , & l'on fit fortifier
Sterlin .
Cromvvel voyant
l'Armée du Roy prés de cette
Ville où l'on apportoit fa
cilement toute forte de munitions
& de vivres , & apprenant
qu'elle eſtoit dans la
difpofition de marcher vers
GALANT 227
l'Angleterre , fe campa aux
environs d'Edimbourg , afin
de luy en fermer le paffage.
Il voulut engager ce Prince
à un Combat en s'aprochant
à la vue de fon Camp , &
hazarda une Attaque , dans
laquelle il fut repouffé & mis
en defordre . Ce mauvais fuc
cés le fit réfoudre à quiter
la place. Le Roy aprit qu'il
cftoit allé s'emparer de Fife,
& détacha malheureuſement
quatre mille Hommes , que
commandoit le Chevalier
Brovvn. Lambert les ataqua
avec un Party plus fort , &
228 MERCURE
❤
les défit prés de Nefterton
Ce coup , quoy que fort fenfible
au Roy , n'abatit point
fon courage. Il fit aſſembler
le Confeil de Guerre , où les
Capitaines luy ayant repréfenté
que beaucoup de fes
fidelles Sujets qui n'ofoient
fe déclarer en Angleterre,
prendroient fon Party lors
qu'ils l'y verroient entrer à la
tefte d'une Armée. Il réfolut
de le faire fans aucun retar
dement. Il partit de Sterlin
le 10. Aouft , & fitoft qu'il
fut dans le Comté de l'Enclaftre,
il fit publier une Am
GALANT. 229
nittie Genérale , & défendit
"
toutes les hoftilitez que les
Gens de Guerre ont accoûtumé
de commettre lors qu'ils
entrent dans un Païs Ennemy
, afin de montrer par là,
qu'il ne venoit qu'en Prince
qui aimoit le bien de fes Sujets.
Cromvvel le fuivit , &
Lambert voulut luy difputer
le paffage du Pont de Warifton
, mais il ne pût l'empeſcher
d'arriver àWorceſter,
dont les Habitans luy ouvri
rent les Portes le 22. Aouft,
apres luy avoir aidé à chaffer
la Garniſon que les Etats Y
230 MERCURE
avoient mife. Le Roy y ens
tra au milieu des cris de joye,
& y fit celébrer un Jeûne,
qui fat accompagné de Prieres
extraordinaires. Cromvvel
à qui les Paffages étoient
libres , arriva devant la Place
le 2. de Septembre , & fit
attaquer dés le lendemain le
Pont de Hapton , qui en défendoit
l'entrée du cofté de
la Riviere de Saverne. Ce
le Colonel Maffey
Pofte
que
défendit
avec
beaucoup
de
valeur
, fut
enfin
forcé
. La
mefme
chofe
arriva
à un autre
Pont
, appellé
Porvvik
"
GALANT. 231
1
Bridge , encore plus important
que le premier. Le
Duc d'Hamilton fut mortellement
bleffé en le défendant,
& mourut peu de jours
apres de fa bleſſure . Cetavantage
ne laiffa pas de couſter
cher à Cromvel . Le Roy
chargea luy-même fon Quartier
, bleffa de fa main le Capitaine
de fesGardes , & donna
mille preuves de conduite &
de valeur ; mais enfin un
Corps de huit mille Anglois
s'eftant approché de la Ville,
dans le trouble où le mau.
vais fuccés du Combatavoit
232
MERCURE
mis les Habitans , les Rebel
les fe rendirent maîtres d'une
de fes Portes , y traitérent impitoyablement
tout ce qu'ils
trouverent du Party du Roys
& tout ce que pût faire ce
malheureux Prince , fut de
rallier promptement mille
Chevaux , & de fortir fur le
foir par une Porte oppofée
à celle dont les Ennemis s'étoient
emparez . Toute cette
Troupe marcha plus d'une
heure fans fçavoir où elle alloit.
On s'arrefta pour tenir
Confeil. Quelques
- uns propoférent
de gagner quelque·
GALANT 233
Pofte
avantageux , pour y
attendre
le ralliement
des
Fuyards ; mais Milord Wilmot
leur fit connoiftre
qu'il
eftoit impoffible de réfilter
à cinquante
mille Hommesqui
les pourfuivroient
dés le
lendemain , & qu'il faloit fongerfeulement
à mettre le Roy
en fûreté.Le Comte de Darby
fe chargea de luy trouver une
Retraite affurée , & prenant
Wilmot pour
compagnon de
fon entreprife
, il ne voulut
eftre accompagné
que de
denx
Gentilshommes
nommez:
Giffard , & Walker, Le
Fevrier 1685 . V
1234 MERCURE
Roy partit fous la feule ef
corte de ces quatre Hommes
, & ils firent une telle
diligence , que lors que le
jour parut , ils fe trouvérent
à demy- lieue d'un Chateau
nommé Boscobel
, éloigné
de Worcester
de vingt-fix
milles . Comme
on n'y pouvoit
entrer à une heure indue
fans découvrir
le fecret,
Giffard propofa de prendre
la routed
petit Hameau
appellé les Dames Blanches,
où il répondit de la fidélité
d'un Païfan qu'on nommoit
George Pendrille . On alla
GALANT 23
chez luy mettre pied à terre ,
& le malheur du Roy luy fat
confié , ainfi qu'à trois de
fes Freres , qui promirent
tous de périr plûtoft que de
parler. Enfuite on coupa les
cheveux du Prince , il noircit
fes mains , fes habits fu
rent cachez dans la terre , on
luy en donna un de Païfan,
& George Pendrille luy ayant
fait prendre une Serpe , le
mena couper du bois avec
luy . Comme le fejour de ceux
l'accompagnoient pouqui
voit le trahir , ils s'en fop
érent , apres luy avoir u
236 MERCURE
qué par leurs larmes la vive
douleur que
leur caufoit fa
difgrace . A peine le Roy fut
dans la Foreſt , que deux cens
Chevaux arrivérent au même
Hameau . Les Commandans
voulurent d'abord en vifiter
les Maiſons , mais quelques
Femmes leur ayant dit qu'el
les n'avoient
veu que quatre
Hommes à cheval , qui s'étoient
féparez il n'y avoit
que deux heures , & avoient
pris diférentes routes , ils crûrent
que le Roy eftoit un
de ces Fuyards , & ayant fait
quatre Efcadrons de leurs
GALANT. 237
Troupes , ils prirent tous des
chemins divers. Ce Prince
paffa le jour dans le Bois , &
revint le foir avec Pendrille .
Comme il eftoit réfolu de fe
retirer au Païs de Galles , il
fe fit conduire cette mefme
nuit chez un Gentilhomme
nommé Carelos , dont il con
noiffoit la fidélité . Quoy qu'il
y
euft trois lieuës du Hameau
à la Maifon de ce Gentilhomme
, il les fit à pied avec
ardeur , & luy communiqua
le deffein où il eftoit de paf
fer la Riviere de Saverne.
Carelos l'en détourna ne luy
238 MERCURE
apprenant que tous les Paf
fages en eftoient gardez , &
la nuit fuivante
il le remena.
chez le Païſan qui l'avoit déja
caché. Pendrille craignant
que l'habit de Bucheron ne
trompaſt pas les Habitans du
Hameau , qui pouvoient le
remarquer
, luy propofa un
plus fûr azile. Il y avoit dans
le Bois un Chefne que la Nature
ſembloit avoir fait pour
un deffein extraordinaire
. Il
eftoit fi gros , & toutes fes
branches eftoient fi toufuës,
que vingt Hommes auroient
pû eftre deffus , fans qu'on
GALANT 239
les cuft découverts . Il pria
le Roy d'y vouloir monter ;
ce qu'il fit avec Carelos . Ils
s'y ajustérent fur deux Oreillers
, & y pafférent le jour,
fans autre nourriture
que du
Pain & une Bouteille d'Eau,
Ce Chefne a depuis efté nommé
le Chefne Royal . La nuit
ils retournérent dans la Maifon
de Pendrille . Le Roy y
trouva un Billet de Milord
Wilmot, par lequel il le prioit
de fe rendre chez un Gentilhomme
apellé Witgraves.
Le Roy partit auffi- toft, apres
avoir congedié Carelos . Il fit
240 MERCURE
ce petit Voyage , accompa
gné des quatre Freres , &
monté fur le Cheval d'un
Meulnier. Lajoyede Wilmot
fut grande lors qu'il vit fon
Prince . Il luy dit qu'il n'y avoit
aucune affurance pour fa vie,
s'il ne fortoit du Royaume, &
qu'il avoit pris des mefures
avec Witgraves pour
duire à Bristol, que Mademoi
felle Lane,Fille du Colonel de
ce nom , y devoit aller pour
les Couches d'une Soeur , &
qu'en qualité de Domeſtique
il la porteroit en croupe. La
chole fut fort bien exécutée,
Quelques
le conGALANT.
241
Quelques jours auparavant,
çette Demoiſelle avoit obtenu
un Pafleport pour aller à Briftol
avec un Valet. Elle étoit
adroite & fpirituelle , & déguifa
fi bien le Roy en luy la
vant le vifage d'une Eau dans
laquelle elle avoit fait bouillir
des écorces de noix , & d'au
tres drogues , qu'il eftoit
difficile de le réconnoiftre .
On luy donna un Habit conforme
à ce nouveau Perfonnage
, que la fortune luy faifoit
jouer, & dans cet état ils
prirent le chemin de Briſtol.
Wilmot feignant de chaffer
Fevrier
1685. X
242 MERCURE
un Oyſeau fur le poing , les
accompagna jufques à Brons
graves. Le Cheval du Royys
perdit un fer , & il falut luy
en faire mettre un autre. On
s'adreffarà un Maréchal , qui
en ble ferrant demanda des
nouvelles du Roy , au Roy
mefme. Le Prince ayant répondu
qu'il le croyoit en
Ecoffe , le Maréchal ajoûta
qu'affeurément il étoit caché
dans quelque Maifon d'Angleterre
, & qu'il cuft bien
voulu le découvrir parce
qu'il n'auroit plus à fe mettre
en peine de travailler , s'il
GALANT. 243
trouvoit moyen de le livrer
aux Etats . Cette converfation
finie , le Roy continua
fon chemin , avec la Demor
felle qu'il portoit toûjours en
croupe. Peu de temps apres
à l'entrée d'un Bourg, quel
ques Cavaliers envoyez pour
l'arrefter, vinrent à luy , & len
regardant attentivement , ce
luy qui les commandoit leur
dit qu'ils le laiffaffent paffer,
& que ce n'étoit pas ce qu'ils
cherchoient.
Eftant enfin arrivez chez
M'Norton à trois miiles de
Bristol , le Roy feignit de fe
X
ij
244 MERCURE
trouver mal , & Mademoiſelle
Lane qui paffoit pour la Maitreffe
, luy fit donner une
Chambre . Le lendemain un
Sommelier nommé Jean Pope
, qui avoit long- temps fervy
dans les Armées du feu
Roy , démefla les Traits du
Prince dans ceux du Conducteur
de Mademoiſelle Lane,
& l'ayant prié de defcendre
dans la Cave , il luy prefenta
du Vin , mit enfuite un genoüil
en terre , & luy fit de fi
ardentes proteftations de fidelité
, que le Roy le chargea
du foin de luy chercher un
GALANT. 245
Vaiffeau pour paffer en France
, mais il luy fut impoffible
de s'embarquer à Bristol . Milord
Wilmot l'étant venu joindre
, le conduifit chez le Co.
lonel Windhams , dans le
Comté de Dorfet. Ilssyy furent
trois femaines , attendant les
facilitez d'un Paffage à Lime.
Il y eut encore un fecond obftacle.
Un Capitaine dont on
s'étoit affeuré, manqua de parole
, & pour nouvelle difgra
le Cheval de Milord Wilce,
mot s'étant déferré , le Maréchal
connur aux clouds , que
celuy qui le montoit venoit
X
iij
246 MERCURE
C
du cofté du Nord , & le bruit
fut auffi toft répandu que le
Roy y étoit caché . Cela l'obligea
de fe rendre à Bridport
fans aucun retardement. La
nuit fuivante , il arriva à Braadvvindfor
, ou quantité de
Soldats qui s'embarquoient,
l'ayant mis dans la néceffité
de fe cacher, il retourna chez
le Colonel Windhams , avec
lequel il trouva à propos d'al
ler chez M' Hides , du cofté
de Salisbury. Eftant arrivez
à Mere, ils defcendirent à l'1-
mage S George. L'Hofte qui
connoiffoit le Colonel ,voyant
GALANT. 247
le Roy debout dans la poſture
d'un Domestique,luy demanda
fi c'étoit un de fes Gens.
Enfuite il porta la Santé du
Roy au Colonel. Ils fe rendirent
de là chez M'Hides ; mais
quoy qu'on puft faire , il fur
impoffible de trouver unVaiſ
feau dans tous les environs
de la Mer , du cofté de Southompton,
M' Philips que l'on
avoit envoyé pour cela , rencontra
le Colonel Gunter, qui
fe chargea de tenir une Barque
prefte à Britemhfthed en
Suffex. Le Roy s'y rendit en
diligence & y trouva Milord
X iiij
248 MERCURE
;
Wilmot & Maumfel Mar
chand , dont Gunter s'étoit
fervi pour le fuccés de fon en.
trepriſe . Le Capitaine du Vaifſeau
, nommé Tetershall , fe
mit à table avec le Roy &
Milord Wilmot. Comme il
avoit vû ce Prince aux Du
nes , il le reconnur, & s'apro
chant de l'oreille du Milord;
Vous avez des Domestiques de
bonne Maison , luy dic il , & je
croy qu'il y a peu de Gentils
hommes en Europe auffi bien fer
ruis que vous . Il ne perdit point
de temps. Il donna ſes ordres
pour l'embarquement ; & le
GALANT. 249
Vaiffeau fe mit en Mer le 20.
Octobre à cinq heures du
matin. Dans le Trajer un Matelot
prenant du Tabac , & le
Capitaine connoiffant que la
fumée incommodoit Sa Majefté,
il le gronda , & luy or
donna de fe retirer . Le Matelot
le fit avec peine , & luy
répondit en murmurant par
une façon de parler Angloife
, Qu'un Chat regardoit bien
in Roy. Le Voyage fe fit
fans obftacle . On arriva à
Fécamp en Normandie , où
le Milord qui n'avoit rien dit
jufque- là , avoua au Capitai250
MERCURE
ne que c'étoit le Roy qu'il
avoit paffé. Il fe jetta aux
pieds de fon Prince , qui luy
promit de récompenter un
jour fa fidelité. Le Roy ayant
changé d'habits à Rouen , où
il demeura peu de temps
chez M'Scot, vint à Paris attendre
les Révolutions qui
font ordinaires à la tyrannie.
Olivier Cromvvel, déclaré
Protecteur des trois Royaumes
en 1653. mourut en 1658
Apres fa mort on donna la
mefme qualité à Richard fon
Fils ; mais eftant incapable
de la foûtenir , le Parlement
GALANT 251
luy fit demander fa démif
fion , & il la donna . Le Ges
néral Monk fe fervit avec
tant de zéle , de prudence &
de conduire , des difpofitions
où il voyoit les efprits pour
le rétabliffement de la Monarchie,
qu'il fut réfolu qu'on
rappelleroit le Roy. Le Par
lement luy dépeſcha le 19. de
May 1660. un Gentilhomme
nommé Kilgrevv , pour luy
porter la nouvelle de fa Proclamation
, qui avoit efté faite
à Londres ce mefme jour ,
& ayant donné ordre à l'Amiral
Montagu de fe mettre en
252 MERCURE
mer pour aller le recevoir fur
les Coftes de Hollande , il
nomma dixhuit , Commiffaires
, fix de la Chambre des
Pairs , & douze de la Chambre
des Communes
, pour
le fapplier de venir prendre
poffeflion de fes trois Royau
mes. La Ville de fon cofté
choifit vingt de fes plus illuftres
Habitans
, pour luy
aller rendre les mefmes devoirs.
Tous ces Députez furent
favorablement reçûs à
la Haye , où le Roy eftoit
alors . Ce Prince en partit le
2. de Juin , &le Vaiffeau furGALANT.
253
lequel il s'embarqua , parut
au Port de Douvres deux
jours apres , 4 du mefme
mois. Il y fut reçû par Monk,
qui fe mit d'abord à genoux.
Le Roy le releva en l'embraffant
, & en l'appellant fon
Pere. Apres une conférence
d'une demie heure qu'il eut
avec luy en particulier , ce
Prince fe mit fous un Dais
qui eftoit tendu au bord de
lå Mer, fous lequel les Ducs
d'York , & de Gloceſter , fes
Freres, fe mirent auffi Ils reçûrent
là les refpects de laNobleffe,
& mótérent enfuite en
254 MERCURE
Carroffe, où le Genéral Monk
prit place , auffi-bien que le
Duc de Buckincam. Dans
le chemin de Cantorbery ils
trouvérent quelques vieux
Régimens , avec les Compagnies
de la Nobleffe en
Bataille. Le Roy monta à
cheval , & y fit fon Entrée
à leur tefte . Pendant fon féjour
dans cette Ville , il donna
l'Ordre de la Jarretiere au
Genéral Monk. Elle luy fuc
attachée par les Ducs d'York
& de Glocefter. Le Duc de
Southampton y reçût le même
honneur ; mais il y cut
GALANT. 255
·
cette diférence , que ce fut
feulement un Héraut qui luy
mit l'Ordre. Peu de jours
apres le Roy fit fon entrée à
Londres . Elle fut fort éclatante.
Plufieurs Troupes de
Gentilshommes & de Bour-
>
geois richement vétus , & fu
perbement montez mar
choient devant luy. Celle qui
l'environnoit étoit compofée
des Herauts, des Porte-Maffe ,
du Maire qui étoit teſte nuë
avec l'épée Royale à la main ,
du General Monk , & du Duc
de Buckincam
. qui le precédoient
auffi tefte nue. Il mar
256 MERCURE
•
choit entre les Ducs d'Yorck
& de Glocefter , & à pei
ne eut-il mis pied à terre à
Witheal , qu'au lieu de fe rafraîchir
, il alla au Parlement.
Il entra dans la Chambre des
Pairs , manda celle des Com
munes , & les voyant affenblez
, il les affeura qu'il fe
fouviendroit toûjours de la
fidelité qu'ils avoient gardée
pour fon fervice , & les pria
tous d'agir pour le foulage.
ment de fon Peuple. Il fut
Couronné en 1661 dans la
mefme Ville , avec une Pompe
extraordinaire , & l'année
GALANT 257
fuivante, il épousa Catherine,
Infante de Portugal , Fille de
Jean IV. & Soeur du Roy Alphonfe
VI. C'est une Princeffe
dont la vertu & la pieté,,
vont au delà de tout ce qu'on
en peut dire. Il s'eft depuis :
appliqué avec de grands foinsà
étouffer les defordres que
les Factieux tâchoient de fai
re revivre. Il en eft venu à
bout, & a remporté de grands
avantages fur les Hollandois ,,
en deux diverfes rencontres.
Une preuve incóteftable dess
grandes qualitez de ce Monarque
, c'est qu'il s'eftoire
Fevrier 1685,
Y
218 MERCURE
1
acquis l'amitié du Roy. Je
viens aux particularitez de fa
pg zed eated xusb. sb
mort.
+
97 Le Dimanche au foir 11. de
ce mois , il parut dans une
parfaite fanté, & plus gay qu'à
l'ordinaire. Il eut la nuit de
grandes inquietudes , & fon
fommeil fut interrompu . Il
ne voulut neanmoins appeller
perfonne , & s'eftant levé
dés fept heures du matin , il
demanda qu'on luy fiſt le
poil. A peine luy eut on mis
un Peignoir, qu'un fort grand
treffaillement luy fit pouffer
avec force les coudes en ar
A
GALANT
259
&
riere.
fois , Mon Il cria trots
Dies & demeura
enfuite
prés
de deux heures
fans pouvoir
parler. Un Valet de Chambre
courut
à l'Apartement
de
Monfieur
le Duc d'York
,
luy dit que l'on croyoit
le
Roy mort. Ce Duc vint toute
effrayé, & en Robe de Cham--
bre. On faigna le Roy deux:
fois , on luy appliqua
des
Vantoufes
, & on luy donna:
un Vomitif
, La connoiffance
kay revint un peu , & il de--
manda
à boire. On eut quelque
efpérance
de fa guériſon
,
jufqu'au
Mercredy
au foir
Y it
260 MERCURE
Cependant le mal l'ayant re
pris avec plus de violence , il
mourut le Vendredy 16. entre
onze heures & midy . Il
n'a eu aucuns Enfans de la
Reyne , mais il en a laiffé de
naturels , qui font
Jacques Scotty Duc de
Montmouth, Comte de Dun .
cafter , & de Dolkeith , Chevalier
de la Jarretiere , & c.
"Charles Lenox , Duc de
Richemont , Fils de la Du--
cheffe de Porthmouth ..
Charles Filts Roy, Duc de
Southampton.
Henry Files Roy , Duc de
GALANT.: 261
Grafton , qui a épousé en
1672. la Fille unique de Henry
2 Baron d'Arlington ,Secretaire
d'Etat.
-Georges
Filts Roy, Comte
de Northumberland
.
"
Anne Filts Roy , qui a
-époufé Thomas Leonard ,
Comte de Suffeк ; tous Enfans
de Barbe Villiers , Ducheffe
de Cleveland , Comteffe
de Caftelmene, Baronne
deNonfuch,& Fille du Comte
de Grandiffon.
Charles Filts Charles ,Comte
de Plimouth , Filts de Mademoiſelle
de Kyroüel , Du262
MERCURE
*
cheffe de Portzhmouth , &
Comteffe d'Aubigny. I a
épouté une Fille de Thomas
Ofborn , Comte de Damby,
Grand Tréforier d'Angle
terre. 968
3 Charlote Filts Roy , qui
a époufé le Comte de Lieghfield
.
Barbe Filts - Roy.
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Résumé : Mort du Roy d'Angleterre, [titre d'après la table]
Le texte relate les événements entourant la fuite et les tentatives de restauration du Duc d'York, futur Jacques II, et du Prince de Galles, futur Charles II. Le Duc d'York, déguisé, s'échappe d'Angleterre et parvient à embarquer malgré les réticences d'un marinier qui reconnaît son ordre de la Jarretière. Le Prince de Galles, après son évasion, suscite une révolte en Angleterre et en Écosse, mais est démasqué par le chevalier Dishinton. En 1648, Charles II tente de rallier des vaisseaux hollandais et anglais pour libérer son père, Charles Ier, mais échoue face à la résistance et à une tempête. Charles Ier est exécuté en 1649, et Charles II, proclamé roi en Écosse, cherche à venger son père. Il envoie chercher le marquis de Montrose, qui est capturé et exécuté malgré ses efforts pour rejoindre Charles II. Ce dernier, malgré les obstacles, continue ses tentatives pour restaurer la monarchie. Le texte décrit également les événements entourant le règne de Charles II en Écosse. Le roi obtient des États écossais l'autorisation de lever seize mille hommes de pied et six mille chevaux. Les commandants nommés incluent le comte de Leven pour l'infanterie et Holborne pour la cavalerie, avec Montgomery et Lefley comme adjoints. Charles II est nommé généralissime. Cependant, les troupes écossaises sont défaites par Cromwell à la bataille de Copperfpec, subissant de lourdes pertes. Cette défaite refroidit les États écossais, qui imposent des restrictions au roi et cherchent à limiter son pouvoir. Malgré ces difficultés, Charles II est couronné roi d'Écosse le 4 janvier 1651 à l'abbaye de Schoone. Après son couronnement, il marche vers l'Angleterre avec son armée, mais est finalement défait à la bataille de Worcester le 22 août 1651. Forcé de fuir, il se cache dans diverses maisons et forêts, notamment dans le célèbre 'Chêne Royal'. Avec l'aide de fidèles sujets comme George Pendrille et Milord Wilmot, il parvient à échapper à ses poursuivants et à se mettre en sécurité. Le texte relate également la fuite du roi Jacques II, déguisé en domestique, accompagné de la demoiselle Lane, vers Bristol. Déguisé grâce à un mélange d'écorces de noix et d'autres drogues, le roi parvient à éviter la reconnaissance. Leur chemin est marqué par plusieurs incidents, comme la perte d'un fer de cheval du roi, qui doit être remplacé, et des rencontres avec des cavaliers envoyés pour l'arrêter. Grâce à l'aide de fidèles sujets, dont Jean Pope et Milord Wilmot, le roi parvient à éviter les obstacles et à se cacher chez divers nobles, tels que le colonel Windhams et M. Hides. Après plusieurs tentatives infructueuses pour trouver un vaisseau, le roi s'embarque finalement à Britemhsthed en Suffolk et arrive à Fécamp en Normandie. Le voyage se déroule sans encombre, et le roi est reconnu par le capitaine du vaisseau, Tetershall. À Rouen, le roi change d'habits et se rend à Paris pour attendre les révolutions politiques. Le texte mentionne également la mort d'Olivier Cromwell et la restauration de la monarchie avec le retour du roi, proclamé par le Parlement et accueilli triomphalement à Londres. Le roi est couronné en 1661 et épouse Catherine de Portugal. Il lutte contre les factieux et remporte des victoires contre les Hollandais. Le texte se termine par la description de la mort du roi en février 1685, après une nuit d'inquiétudes et de souffrances. Le roi laisse plusieurs enfants naturels, dont Jacques Scott, duc de Monmouth, et Charles Lenox, duc de Richemont.
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4
p. 262-265
Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Début :
Si tost que le Roy fut mort, le Conseil Privé s'assembla, & / MILORDS, Avant que de commencer aucune Affaire, il est à propos [...]
Mots clefs :
Roi, Duc de York, Conseil, Discours, Déclaration, Affection, Gouvernement, Sujets, Fidélité, Prérogatives de la couronne
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texteReconnaissance textuelle : Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Si toft que le Roy fut mort,
le Confeil Privé s'affembla, &
Monfieur le Duc d'York,préfentemét
Roy fous le nom de
Jacques II. s'y eftant trouvé,
-parla de cette maniere à ceux
qui compofent ce Confeil
GALANT 263
MILORDS ,
ILORDS , OR
Avant que de commencer
aucune Affaire , il est à propos
que je vous faffe une Déclaration
, que puis qu'il a plû à Dieu
de me placer fur le Trône , &
de me faire fucceder à un Roy
fi bon & fi clément , & à un
Frere qui m'a aimé fi tendrement
, je feray tous mes efforts
pourfuivrefon exemple, & pour
L'imiter, particuliérement dans fa
grande douceur , & dans l'affection
qu'il avoit pourfon Peuple.
On m'a repréſenté dans le
264 MERCURE
1
les
Monde, comme un Homme paffionnépour
le Pouvoir Arbitraire;
mais ce n'est pas là lafeule fauf
feté qu'on a publiée de moy. Je
feray tout mon poffible pour conferver
le Gouvernement de l'Etat
& de l'Eglife , amfi qu'il
est préfentement étably par
Loix. Je fçay que Les Principes
de l'Eglife d' Angleterrefont pour
la Monarchie , & que ceux qui
en font Membres , ont fait voir
qu'ils font bons & fidelles Sujets;,
c'est pourquoy j'auray toûjours:
foin de la défendre & de la fou
tenir. Je fçay auffs que les Loix
de ce Royaumefuffisent pour rens
dre
GALANT. 265
Idre un Roy auffi grand Monar
que que je fçaurois fouhaiter de
l'eftre ; & comme je n'abandonneray
jamais les juftes Droits
Prérogatives de la Couronne,
auffi n'ôteray-je jamais aux autres
ce qui leur appartient. J'ay
fouvent autrefois hazardé ma vie
pour la défenfe de cette Nation,
j'iray encore auffi avant que
perfonne , pour luy conferverfes
juftes Droits & fes Priviléges.
le Confeil Privé s'affembla, &
Monfieur le Duc d'York,préfentemét
Roy fous le nom de
Jacques II. s'y eftant trouvé,
-parla de cette maniere à ceux
qui compofent ce Confeil
GALANT 263
MILORDS ,
ILORDS , OR
Avant que de commencer
aucune Affaire , il est à propos
que je vous faffe une Déclaration
, que puis qu'il a plû à Dieu
de me placer fur le Trône , &
de me faire fucceder à un Roy
fi bon & fi clément , & à un
Frere qui m'a aimé fi tendrement
, je feray tous mes efforts
pourfuivrefon exemple, & pour
L'imiter, particuliérement dans fa
grande douceur , & dans l'affection
qu'il avoit pourfon Peuple.
On m'a repréſenté dans le
264 MERCURE
1
les
Monde, comme un Homme paffionnépour
le Pouvoir Arbitraire;
mais ce n'est pas là lafeule fauf
feté qu'on a publiée de moy. Je
feray tout mon poffible pour conferver
le Gouvernement de l'Etat
& de l'Eglife , amfi qu'il
est préfentement étably par
Loix. Je fçay que Les Principes
de l'Eglife d' Angleterrefont pour
la Monarchie , & que ceux qui
en font Membres , ont fait voir
qu'ils font bons & fidelles Sujets;,
c'est pourquoy j'auray toûjours:
foin de la défendre & de la fou
tenir. Je fçay auffs que les Loix
de ce Royaumefuffisent pour rens
dre
GALANT. 265
Idre un Roy auffi grand Monar
que que je fçaurois fouhaiter de
l'eftre ; & comme je n'abandonneray
jamais les juftes Droits
Prérogatives de la Couronne,
auffi n'ôteray-je jamais aux autres
ce qui leur appartient. J'ay
fouvent autrefois hazardé ma vie
pour la défenfe de cette Nation,
j'iray encore auffi avant que
perfonne , pour luy conferverfes
juftes Droits & fes Priviléges.
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Résumé : Harangue du Roy d'Angleterre Jacques II. apres la mort du Roy son Frere, [titre d'après la table]
Après la mort du roi, Jacques II, alors Duc d'York, s'adresse en conseil privé aux membres du conseil. Il exprime son intention de suivre l'exemple de son prédécesseur en matière de douceur et d'affection envers le peuple. Jacques II reconnaît les représentations le décrivant comme un partisan du pouvoir arbitraire, mais assure qu'il maintiendra le gouvernement de l'État et de l'Église conformément aux lois. Il souligne l'importance des principes de l'Église d'Angleterre pour la monarchie et son soutien aux membres de cette Église, qu'il considère comme de bons et fidèles sujets. Jacques II affirme que les lois du royaume sont suffisantes pour gouverner et qu'il ne les abandonnera pas. Il promet de défendre les droits et privilèges de la nation tout en respectant les prérogatives de la couronne et les droits des autres.
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5
p. 159-161
M. le Comte de Tessé preste Serment de fidelité pour la Charge de Mestre de Camp Général des Dragons, [titre d'après la table]
Début :
Le dixiéme de ce mois Mr le Comte de Tessé presta le [...]
Mots clefs :
Serment, Comte de Tessé, Fidélité, Marquis, Colonel des dragons, Chevalier, Officiers, Charge, Maitre de camp
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : M. le Comte de Tessé preste Serment de fidelité pour la Charge de Mestre de Camp Général des Dragons, [titre d'après la table]
Le dixiéme de ce mois M'
le Comte de Teffé prefta le
Serment de fidelité entre les
mains de M' le Marquis de
160 MERCURE
で
Bouflers , Colonel General
des Dragons de France , de
la Charge de Meftre deCamp
General des Dragons , dont
il a efté pourveu par Sa Majefté.
Cela fe fit en prefence
de M's les Marquis de Litfenoy
, Longueval , Barbefieres
, Chevalier de Teffé, Chevilly
, Chevalier de Marcé,
Colonels de Dragons, & plu
fieurs autres Officiers de ce
Corps. Je vous ay fi fouvent
entretenuë de M le Comte
de Teffé , & de ce qu'il a fait
dans les occafions importan
tes où il s'eft trouvé , que je
GALANT. 161
ne croy pas dévoir vous en
dire davantage
.
le Comte de Teffé prefta le
Serment de fidelité entre les
mains de M' le Marquis de
160 MERCURE
で
Bouflers , Colonel General
des Dragons de France , de
la Charge de Meftre deCamp
General des Dragons , dont
il a efté pourveu par Sa Majefté.
Cela fe fit en prefence
de M's les Marquis de Litfenoy
, Longueval , Barbefieres
, Chevalier de Teffé, Chevilly
, Chevalier de Marcé,
Colonels de Dragons, & plu
fieurs autres Officiers de ce
Corps. Je vous ay fi fouvent
entretenuë de M le Comte
de Teffé , & de ce qu'il a fait
dans les occafions importan
tes où il s'eft trouvé , que je
GALANT. 161
ne croy pas dévoir vous en
dire davantage
.
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Résumé : M. le Comte de Tessé preste Serment de fidelité pour la Charge de Mestre de Camp Général des Dragons, [titre d'après la table]
Le 10 du mois, le Comte de Teffé a prêté serment au Marquis. Bouflers a été nommé Maître de Camp Général des Dragons par le roi. La cérémonie a réuni plusieurs Marquis et Chevaliers, dont Litfenoy, Longueval et Chevilly. Le narrateur a déjà évoqué les actions du Comte de Teffé sans donner de détails supplémentaires.
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6
p. 351-353
Affaires d'Espagne. [titre d'après la table]
Début :
Je n'ay rien de nouveau à vous dire d'Espagne, parce que toutes les choses [...]
Mots clefs :
Espagne, Fidélité, Reine, Roi d'Espagne
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : Affaires d'Espagne. [titre d'après la table]
mes d'équipage.
Je n'ay rien de nouveau à vous dire
d'Espagne , parce que toutes les chofes
dont je vous ay déja parlé , continuent
à s'executer de même, & fi je pouvois
y ajoûter quelque chofe d'avantageux,
ce qui eft impoffible , je vous dirois que
l'extrême fidelité des Efpagnols pour
leur legitime Souverain , & leur ardeur
de combatre , femble augmenter tous
les jours ; mais cependant elles font à un
point qu'il eft impoffible qu'elles puiffent aller plus loin. Tous les Royaumes
du Roy d'Espagne continuent de fournir à l'envy tout ce que la nature produit
dans toutes leursVilles, & ils offrent tous
les jours avecun empreffement à S.M.C.
quelque chofe de nouveau. Ce Monarque a fans ceffe travaillé avec application à tout ce qui regardoit la Campagne , afin que rien ne manquât à fes
Gg ij
352 MERCURE
Troupes lorfqu'elle s'ouvriroit. Il a
montré luy-mefme l'exemple à fes Sujets par les grands Reglemens qu'il a
faits dans fa Maiſon , dont il a tout reglé luy-mefme , en forte que fa dépense
fera fort modique , & qu'il n'y aura rien
de fuperflu ; mais en mefme temps il a
tellement pourvû à tout ce qui regarde
les Troupes , qu'elles auront abondamment tout ce qui leur fera neceffaire
fans aucune exception.
La Reine pour y contribuer de fon
cofté, a fait des chofes furprenantes , &
qui ont fait redoubler l'amour & l'admiration que tous les Espagnols ont toujours eues pour cette Princeffe , & dés
qu'on lui a donné quelque chofe de trop
magnifique, ou en trop grande quantité
& de fuperflu , elle a voulu qu'on le retranchât en difant toûjours que cela pouvoit fervir, à l'entretien des Trouppes, &
qu'enfin s'il eftoit befoin pour les encourager , ce qui n'eftoit pas pourtant
neceffaire , elle iroit à la tefte des Troupes , le Prince des Afturies entre fes bras
pour les animer , ce que je crois vous
GALANT 353
*
2
avoir déja rapporté , cette Princeffe
l'ayant fouvent dit. Enfin rien n'eſt égal
àtoutce qui fe paffe aujourd'huy en Efpagne , tant du cofté du Roy & de la
Reine, que de celuy de toute la Nation,
& l'on n'a rien vu de pareil dans aucun
fiecle. Les Ennemis de cette Nation ne
peuvent eux-mêmes s'empêcher de louer
fon zele &fa fidelité, & eftant perfuadez
que rien n'est capable de l'en faire manquer ; ils commencent à douter que leur
entrepriſe puiffe reüffir , & de la maniere que les chofes fe paffent en Espagne,
ils font perfuadez que le Ciel protegera
toujours les Efpagnols , tant à caufe de
leur extrême fidelité que de la grandeur
de leur zele , & que le defordre nefe
mettra pas dans une Armée où le luxe
ne regne pas.
Je n'ay rien de nouveau à vous dire
d'Espagne , parce que toutes les chofes
dont je vous ay déja parlé , continuent
à s'executer de même, & fi je pouvois
y ajoûter quelque chofe d'avantageux,
ce qui eft impoffible , je vous dirois que
l'extrême fidelité des Efpagnols pour
leur legitime Souverain , & leur ardeur
de combatre , femble augmenter tous
les jours ; mais cependant elles font à un
point qu'il eft impoffible qu'elles puiffent aller plus loin. Tous les Royaumes
du Roy d'Espagne continuent de fournir à l'envy tout ce que la nature produit
dans toutes leursVilles, & ils offrent tous
les jours avecun empreffement à S.M.C.
quelque chofe de nouveau. Ce Monarque a fans ceffe travaillé avec application à tout ce qui regardoit la Campagne , afin que rien ne manquât à fes
Gg ij
352 MERCURE
Troupes lorfqu'elle s'ouvriroit. Il a
montré luy-mefme l'exemple à fes Sujets par les grands Reglemens qu'il a
faits dans fa Maiſon , dont il a tout reglé luy-mefme , en forte que fa dépense
fera fort modique , & qu'il n'y aura rien
de fuperflu ; mais en mefme temps il a
tellement pourvû à tout ce qui regarde
les Troupes , qu'elles auront abondamment tout ce qui leur fera neceffaire
fans aucune exception.
La Reine pour y contribuer de fon
cofté, a fait des chofes furprenantes , &
qui ont fait redoubler l'amour & l'admiration que tous les Espagnols ont toujours eues pour cette Princeffe , & dés
qu'on lui a donné quelque chofe de trop
magnifique, ou en trop grande quantité
& de fuperflu , elle a voulu qu'on le retranchât en difant toûjours que cela pouvoit fervir, à l'entretien des Trouppes, &
qu'enfin s'il eftoit befoin pour les encourager , ce qui n'eftoit pas pourtant
neceffaire , elle iroit à la tefte des Troupes , le Prince des Afturies entre fes bras
pour les animer , ce que je crois vous
GALANT 353
*
2
avoir déja rapporté , cette Princeffe
l'ayant fouvent dit. Enfin rien n'eſt égal
àtoutce qui fe paffe aujourd'huy en Efpagne , tant du cofté du Roy & de la
Reine, que de celuy de toute la Nation,
& l'on n'a rien vu de pareil dans aucun
fiecle. Les Ennemis de cette Nation ne
peuvent eux-mêmes s'empêcher de louer
fon zele &fa fidelité, & eftant perfuadez
que rien n'est capable de l'en faire manquer ; ils commencent à douter que leur
entrepriſe puiffe reüffir , & de la maniere que les chofes fe paffent en Espagne,
ils font perfuadez que le Ciel protegera
toujours les Efpagnols , tant à caufe de
leur extrême fidelité que de la grandeur
de leur zele , & que le defordre nefe
mettra pas dans une Armée où le luxe
ne regne pas.
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Résumé : Affaires d'Espagne. [titre d'après la table]
En Espagne, la fidélité des Espagnols envers leur souverain légitime et leur ardeur au combat croissent chaque jour. Tous les royaumes du roi d'Espagne fournissent abondamment les ressources nécessaires. Le monarque a préparé la campagne en établissant des règlements stricts pour réduire les dépenses superflues tout en assurant que les troupes disposent de tout le nécessaire. La reine a également contribué en réduisant les dépenses excessives pour les rediriger vers l'entretien des troupes. Elle a exprimé sa volonté de mener les troupes au combat si nécessaire, accompagnant le prince des Asturies. La nation entière montre un zèle et une fidélité exceptionnels, impressionnant même les ennemis, qui reconnaissent la détermination et la loyauté des Espagnols. Cette situation unique en Espagne laisse présager une protection divine en raison de leur fidélité et de leur zèle.
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7
p. 217-xi
AVANTURE du Carnaval dernier.
Début :
Plusieurs personnes d'une mesme famille s'estoient assemblées pour [...]
Mots clefs :
Amour, Amant, Carnaval, Cavalier, Mariage, Fidélité, Infidélité, Mère
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE du Carnaval dernier.
AVANTURE
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
du Carnaval dernier.
Plufieurs
perfonnes
d'une mefme famille s'eftoient
affemblées pour
parler d'un mariage : la
fille dont il s'agilloit y
vint avec fa mere ; elle
eftoit habillée fort negligemment,
& cependant
elle fçavoit que le Cavalier
à qui on la deſtinoit
devoit venir fouper auffi
Fevrier 1711.
T
218 MERCURE
dans cette maiſon . On
s'eftonna de ce qu'elle ne
s'eftoit point parée , elle
dit pour les raifons qu'el
le s'eftoit rencontrée la
veille par hazard dans
une compagnie , ou cẹ
Cavalier n'avoit fait nulle
attention fur elle , &
elle qu'apparemment
n'eftoit point faite de ma
niere à luy donner de l'amour
, qu'elle taſcheroit
du moins de fe faire efti
mer de luy par fa modeCALANT.
219
ftie. On ne trouva pas
fa raifon autrement
bonne,
mais elle en avoitune
meilleure
qu'elle ne di
foit pas ; c'eftoit la perfonne
du monde qui
avoit le plus d'efprit &
de raifon , comme vous
le verrez dans la fuite,
Le Cavalier qu'on attendoit
, arriva ; c'eſtoit
un jeune homme trésaimable,
mais d'unefranchife
outrée. Il difoit tout
ce qu'il penfoit , mais il
Tij
210 MERCURE
ne difoit rien de mal à
propos , car il eſtoit tresgalant
homme , & avoit
beaucoup d'efprit, La
premiere chofe qu'il fit
en entrant ce fut de s'adreffer
à la mere , & de
luy dire qu'il venoit de
fon logis pour luy rendre
fes devoirs ; qu'il
n'avoit appris que lematin
le mariage où fon
pere vouloit l'engager.
Si j'avois fçu hier , ditil
, en faluant la fille
GALANT. 22zz I
que vous eftiez celle avec
qui je dois paffer ma
T
vie, je vouseufle prié de
me dire franchement ,
fi dans un mariage
que nos parents font
fimplement par intereſt
de famille , vous obéiffez
aufli volontiers à
voftre mere , que j'obeïs
à mon pere ; car fi cette
alliance vous faifoit la
- moindre peine , rien ne
pourroit m'y contraindre
; il faut parler fran-
T
iij
222 MERCURE
chement dans ces occa
fions. La mere prit aufſitoft
la parole , & protefta
au Cavalier que fa
fille luy obéiffoit de trésbon
coeur.Mais Mr continua-
t'elle , en le tirant
en particulier , je vous
prie deme dire avec votre
fincerité naturelle, fi
ma fille eft de voſtre
gouft . Je vois qu'on fert
le fouper , dit- il tout
haut , je m'expliqueray
au fruit , mettons- nous
GALANT. 223
&
ne
a table. On s'y mit , &
pendant tout le repas on
ne parla que de la fingularité
d'un mariage fi
brufquement réfolu La
fille ne difoit mot ,
regardoit que rarement
le Cavalier , quoyqu'elle
T'aima déja mais elle
avoit fon deffein.
Elle n'eftoit ny belle
ny laide , & mefme elle
avoit une de ces phifionomies
qui ne plaiſent
que lorsqu'on y eft ac-
Tij
224 MERCURE
couftumé. On fut longtemps
à table , le fruit
vint , les Valets furent
congediez , & la mere
fomma le Cavalier de
luy tenir parole . Il avoit
promis de parler franchement
, il le fit , &
avec toute la politeffe
imaginable il luy dit
que fon coeur n'eftoit
point touché pour la fille ,
mais il luy protefta qu'elle
pouvoit compter fur
tous les bons procedez
GALANT . 2: 5
quepourroit avoir le mary
le plus tendre. On .
plaiſanta
fort fur cette
nouvelle maniere de faire
une déclaration
d'amour
; enfin on fe fepara,
& la mere en retournant
chez eile , fit de
grands reproches à fa fille
, de ce qu'elle n'avoit
pas faitparoiftre le moindre
efprit à table. Je l'ay
fait exprés , luy dit la fille
, pour taſcher de me
-faire aimer..
226 MERCURE
La mère ne comprit
rien à ce Paradoxe, mais
cette prudente fille luy
expliquafibien le deffein
qu'elle avoit, que la mere
promit d'aider à l'executer
, c'eft ce que vous
allez voir dans la fuite.
Le lendemain le Ca-
, parce
valier rendit vifite àcelle
qu'il n'aimoit point &
qu'il eftimoit
qu'on l'avoit affuréqu'elle
eftoit eſtimable: Aprés
quelques moments de fi
GALANT. 227
lence , elle luy dit d'un
air à ne luy pas donner
grande idée de fon efprit,
que ne contant point ſur
fa tendreffe , elle luy demandoit
au moins une
preuve exceffive de fon
eftime ; c'eſtoit qu'il la
fit fa confidente , en cas
que dans la fuite il eut
de l'inclination pour
quelqué autre.Cette propofition
lui parut ridicule
& leconfirma dans l'opinion
que fa Maiſtreffe
228 MERCURE
"
eftoit un trés-petit genie
Il luy répondit qu'il ne
fe croyoit pas d'un caratere
a devenir fort fenfible
, mais qu'en cas
qu'il le devint jamais , il
fçauroit eftouffer une
paſſion par raiſon , & fe
la cacher à luy - meſme
pluftoft que d'en faire
confidence à fa femme.
Elle luy dit qu'elle vouloit
dans fon coeur au
moins la place d'un
bon amy . Ils eurent l'àGALANT.
229
deffus une longue conteftation.
Il refufoit tousjours
de luy promettre
une confidence fi extravagante
; mais elle le
preffa tant , qu'enfin il
luy promit ce qu'elle .
ſouhaittoit , & ce qu'il
avoit une fois promis ,
il le tenoit. Il la quitta
aprés luy avoir dit par
maniere deconverſation :
qu'il iroit ce foir-là au
bal , & qu'il y alloit
prefquc tous les jours.
230 MERCURE
Elle luy dit que pourelle
elle haiffoit le bal , parce
qu'elle ne fçavoit pas af
fez bien danfer.
Dés qu'il fut partielle
envoya chercher un habit
deSultanne, fçachant
qu'il devoit courir ce
foir-là en habit de Ba- ,
cha , & elle avoit niedité
de le fuivre dans tous
les bals où il iroit.
Avec la plus noble &
la plus fine taille du
monde , elle avoit touGALANT.
231
tes les
graces du gefte
,
& danfoit à ravir ; elle
avoit la gorge , le tour
duvifage & les yeux d'une
beauté parfaite , enforte
qu'avec un tréspetit
mafque dont les
yeux eftoient fort ouverts
, c'eftoit la plus
charmante
perfonne
qu'on put voir. Dés
qu'elle parut au bal, elle
yattira
les yeux de tout
lemonde, & fonBacha en
fut ébloui comme les au232
MERCURE
tres . On la prit d'abord
à danfer , elle acheva de
charmer toute l'Affemblée
, & prit pour danfer
le Bacha qui s'avançoit
plus que les autres
pour l'admirer. Aprés
qu'ils eurent danſé enfemble
, ils fe prirent de
converfation . Le Bacha
qui avoitbeaucoup d'ef
prit , fut eftonné de fes
reparties brillantes` , du
tour & de la jufteffe de
fes penfées . Il n'avoit gar
de
GALANT . 233
de de la reconnoiftre. Ilne
l'avoit encore vue ,
comme nous l'avons dit ,
que dans un negligé qui
luy avoit caché fa taille
& fon air. Elle avoit
tousjours affecté une
indolence prefque ébetée
, dont elle avoit voilé
la vivacité de fon efil
comprit.
En un mot ,
mença à l'aimer plus
qu'il ne penfoit , & fe
crut heureux d'appren
dre feulement d'elle ,
Fevrier 1711. V
234 MERCURE
qu'elle devoit courir encore
le bal la nuit fuivantedans
le mefme habit.
Le
lendemain aprés
midy il alla chez elle , il
la trouva
beaucoup plus:
negligée , & auffi indolente
qu'à l'ordinaire
mais dans les chofes,
qu'elle luy difoit , elle .
marquoit
une raiſon fi
folide , un fi bon caractere
d'efprit , & une douceur
fi aimable , qu'ilfe
GALANT. 235
.
confoloit prefque de ne
pas trouver en elle , le
brillant & les charmes
de la Sultanne. Il eftoit
pourtant extrêmement
agité, & il avoit de temps
entemps des diſtractions
qui la charmerent
. Elle
vit bien qu'il eftoit pris..
Ils ne manquerent
pas
de fe rejoindre le foir au
bal , ou une converfation
encor plus vive que celle
de la nuit precedente
,
augmenta fon amour de
V ij ·
236 MERCURE
moitié. Cependant les
réflexions qu'il faifoit
für fon mariage prirent
le deffus , & par un ef
fort de raiſon , il voulut
quitter brufquement la
Sultane. Quoy vous me
fuyez , luy dit-elle d'un
air à le rendre amoureux
s'il ne l'eut pas efté . Il retomba
fur le fiege d'où
il s'eftoit levé , & ne
-put répondre un feul
mot. Je vois bien , luy
dit - elle , que j'ay be
GALANT . 237
foin de tous mes charmes
pour vous arreſter .
Je vais donc me démafquer.
Ah , n'en faites
rien , s'écria-t'il , par un
fecond effort de raiſon ;
que deviendrois-je. H
craignit en effet de s'engager
davantage, & la
quitta dans le moment .
C'eſt peut-eftre la premiere
fois qu'une Maiftreffe
ait efté charmée
devoir fon Amant vaincre
lapaffion qu'il a pour
238 MERCURE
elle . La Sultane voyant
fuir fon Bacha , fut auſſi
contente de faraifon que
de fon amour .
Comme la fincerité
eftoit le caractere dominant
de ce Cavalier
il refolut d'ouvrir fon .
coeur à celle qu'il regardoit
déja comme ſon amie
, & de plus il avoit
promis , il n'avoit garde
d'y manquer. Des qu'il
put luy parler , il luy fit
voir le fondde foncoeur.
GALANT . 239
Elle feignit feulement
autant de jaloufie qu'il
fallait pour luy faire fen
tir qu'elle l'aimoit , &
luy montra enfuite tant
de douceur , & tant de
confiance en la fidelité
qu'il ſe haïfſoit luy-mefme
en ce moment d'avoir
efté capable de luy
faire une demi infidelité.
Elle tâchoit de le confoler,
en louant la conftance
qu'il avoit eu en refufant
de voir la Sultane
240 MERCURE
démafquée , mais elle
luy confeilla pourtant
de la voir s'il pouvoit
s
car , luy difoit-elle, c'eft
le feul moyen de vous
guerir : fans doute elle
eft moins belle fous le
mafque qu'elle ne l'eſt
dans voftre imagination
,
& fi par bonheur pour
vous , elle n'avoit nulle
beauté , vous oubliriez
bientoft fonefprit. Non,
non , luy repliqua-t'il ,
le plus feur eft de l'éviter
,
*
GALANT. ' j
ter, & je vais prier mon
pere de differer noſtre
mariage ; je vous eftime
trop pour me donner
à
vous dans l'eftat où je
fuis . Je veux aller pour
quelques jours à la campagne
ou je diffiperay à
coup leur cette idée.
Non , luy dit-elle , non ,
je vous aideray mieux
que perſonne a oublier
les charmes de la Sultane
, & j'ay tousjours en
tefte que le feul moyen
Fevrier
1711 . a
jj MERCURE
de guerir la paffion que
vous avez pour elle, c'eſt
de vous la taire voir fans
mafque , car quelqu'un
qui la connoift m'en par
la hier. On m'a dit
qu'aux yeux prés , elle
eft d'une laideur à dégouſter
de la taille & de
fon efprit.
Noftre Amant inſiſta
tousjours pour s'abſenter
, mais le pere qui fut
inftruit de tout ce qui s'e
ftoit paffé , força fon fils
GALANT. iij
a terminer dés le lendemain
..
On figna le Contrat ;
on futà l'Eglife , & l'on
revintfouper. Une Mafcarade
avec des violons ,
vint juftement comme
on fortoit de table. La
nouvelle Epoufe qui avoit
feint de fe trouver
mal en foupant , pria for
Epoux de faire les honneurs
de la Mafcarade
pendant
qu'elle iroit ſe
repofer. Elle difparut
,
a ij
iv
MERGURE
& fit une telle
diligence
à reprendre ſon
déguiſement,
qu'ellerentra
dans
la fale où l'on dançoit ,
avec une autre troupe de
Mafques qui parut fuivre
de prés la premiere.
C'eftoit
quelques amis
qu'on avoit priez de venir
danfer pour faciliter
le
dénouement de tout
сесу.
Dés que noftre Epoux
fidele apperçût celle qu'il
craignoit
tant , il voulut
GALANT. V
fuir , mais la mere le retint
, & luy dit qu'elle
avoit exprés fait prier
cette Sultanne qui eftoit
dans un bal du voifinage,
de venirdanfer
chez
ma
elle avec la troupe ;
fille continua
- t'elle
veut abfolument
vous
guérir l'efprit en la faifant
démafquer
, car elle
eft, dit-on, d'une laideur
à furprendre
. Ah ! quand
elle auroit le vifage af
freux , s'écria t'il , elle ne
a iij
wj MERGURE
me guérira point par-la
d'une maudite paffion
que tant d'autres charmes
ont fait naiftre. Je
me la fuis desja
reprefentée
plus hideufe qu'el
le ne peut eftre , & je
n'en fuis pas plus tranquille
.. Ah Madame y
pourquay m'arreftez-
Vousicy .
Pendant qu'il parloit
ainfi , la Sultanne animée
par cette Scene qu'elle
voyoit , redoubloit de
GALANT. vij
vivacité dans fon air &
dans fa danfe . Il détournoit
ſa vûë d'un objet fi
dangereux , mais elle
vint , tout en danfant
paffer malignement ſi
prés de luy , qu'il oublia,
en la voyant , fa raiſon ,
fon devoir , & la prefence
de fa belle-mere ; enfin
la Sultane , en luy
prenant la main , acheva
de le troubler ; il ne fe
poffedoit plus. Sa bellemere
le prit par def
vil MERCURE
fous le bras ; il fe laiffa
ainfi conduire dans un
cabinet , fans fçavoir of
il alloit , & la mere s'y
enferma avec eux.
La Sultane fit alors un
grand foupir , & le faifoit
naturellement , cap
elle craignoit de perdre
en fe démafquant , le
plaifir de voir fonEpoux
fi tendre. Elle l'aimoit
autant qu'il aimoit la
Sultane , fes regards languiffans
fe confondoient
GALANT. ix
avec ceux de cetAmant,
qui ne gardoit plus de
mefures. Ils fe regarderent
quelque temps fans
rien dire , pendant que
la mere tafchoit de donner
à fon Gendre l'idée
de la plus affreuſe laideur
, afin que par ce
contraſte, fa fille démafquée
luy paruft plus aimable,
La tendre Epou-
Le profita le plus longtemps
qu'elle putde l'erreur
de fon Epoux . Elle
MERCURE
ne pouvoit fe refoudre à
finir cette fcene : mais
enfin la mere ofta le
ma que de fa fille.
L'effet étonnant
que
cette furpriſe fit fur nofire
Amant Epoux , eſt
une de ces chofes qu'on
ne peut dépeindre
fans
en diminuer
la force.
Que chacun s'imagine
la
fituation
d'un parfaite
ment honnefte homme
cruellement
agité entre
L'amour
& le devoir
,
GALANT. *
qui eftime infiniment une
perfonne qui en aime
paſſionnement une autre
, & qui trouve tout
réuni dans un feul objet.
A l'égard de la femme
quel charme pour elle ,
d'avoir ſçû faire en fi
peu de temps, un Epoux
paffionné , d'un Amant
indifferent.
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Résumé : AVANTURE du Carnaval dernier.
Le texte raconte une aventure amoureuse et stratégique centrée autour d'un mariage arrangé. Une famille se rassemble pour discuter d'un mariage imminent. La fille, vêtue de manière négligée, explique qu'elle n'a pas pris soin de son apparence car elle a rencontré le cavalier la veille sans attirer son attention. Le cavalier arrive et avoue son honnêteté et son manque d'intérêt pour le mariage, mais promet de bien traiter la fille s'il doit l'épouser. La fille, bien que d'apparence ordinaire, est intelligente et a un plan. Elle se rend à un bal déguisée en sultane, charmant ainsi le cavalier. Ce dernier, malgré ses efforts pour résister, finit par tomber amoureux de la sultane sans reconnaître la fille. La mère de la fille organise une mascarade pour révéler la vérité. Lors de cette mascarade, la fille, toujours déguisée, danse avec le cavalier, qui est troublé par sa beauté. La mère révèle finalement l'identité de la sultane, provoquant une surprise et une révélation émotionnelle. La fille, démasquée, montre son amour et son intelligence, réussissant à conquérir le cœur du cavalier.
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8
p. 195-208
CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
Début :
Un jeune Officier devint amoureux d'une jeune personne appellée [...]
Mots clefs :
Mère, Fille, Lyon, Deux pères, Officier amoureux, Fidélité, Marianne, Juge, Procès, Loi
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texteReconnaissance textuelle : CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
CONTRE-PARTII
duprocès deLion.
LA PETITE FILLE.
àdeux feres, UN -
jeuneOfficier devint amoureux d'une jeune
personne appellée Marianne ;elle: lepréféra à un
vieux Bourgeoistrés-opulent. CetOScierecoic si
bienfait & si pauvre,
qu'il fit. compassionà une
riche veuve,, ni jeune, ni
belle, mais d'un bon natu- rel. Elle eut autant d'envie
de faire la fortune de l'Ofsicier, que l'Officier enavoit defairecelle de Marianne: mais quel parti
prendre ?
S'épouser sans
bIen, c'étoit se rendremiserablesépouserle vieillard
& lavieille,c'étoit sacrifierleur bonheur pour des
richesses nos jeunes amans
ne pouvoient s'y resoudre.
Cependant le vieillard &
la vieille les pressoientfort,
ôc le mauvais état de leurs
adiréslesprenant encore
davantage, ilsse conseillejent
enfin
l'un àl'autre ce
qu'ils ne pouvaient se resoudre d'executer :ce fut;
d'épouser ceux qui pouvoient leur donner moyen
d'être quelque jour l'un &
l'autre bienà leur aise; car
quoyqu'ils ne souhaitassent
pas en se mariant de devenir bientôt veufs, le grand
âge du Bourgeois & de la
veuve devoirprévenir leur
souhait en peu d'années. Ils
prirent donc la verrueufe
refollition de ne se jamais,
voir,dés, qu'ils auroient
promis chacunà leur vieille
moitié une fidélité inviolable. Ilsalut se separer
que ne se dirent point ces
tendres amans! que de soûpirs ! que de larmes ! La,,
douleur d'une separationsi
cruelle redoubla leur ten.
dresse, & troubla leur rarson. L'Officier perditlerespeét
,
Marianne perdit la
ttamqnrane;ils ne se poffedoientplus. Jenesçaicomment ilsse separerent:mais
ils promirentde se revoir
encore; cependant levieillard & la vieille vouloient
terminer leurs mariages;
les jeunes remettoienttoujours aulendemain; & de
lendemainen lendemain ils
auroient;différé. toute leur
vie,sansunecrainte fecrece
qui obligea Marianne de
conclure les noces au plûtôfcv Elle n'y perdit pas un
moment,&au moyen de
cette diligence levieillard
eut lignée justement au
bout de neuf mois.
,
L'Officier s'étoit marié
dés le même jour à cette
vieille veuve, enquil'amour fit par miraclel'effet
de la jeunesse;car à 60. ans,..
dit-on, elle accoucha d'une:
fille, à qui ayant donné le
peu de chaleur naturelle
quilui restoit, ellemourut à
rinftantj&rÔfficier se trouvant pere & veuf en même
jour, se fit un plaisir de
-
don.
ner secretement cette fille
à nourrir à la même nourrice qui nourrissoitdéjà
celle de Marianne. Ensuite
roncier partit pour la
guerre, parce que la vertueuseMarianne nevouloir
:
point le voir tant. que [olt;
mari vivroit,
Peu de temps après le
vieillard & Marianne sa
femme furent,obligez dé
faire un longvoyage pour des affaires importantes;
en tprie que lesdeux petites
filles resterent en nourrice
ensèmble, & l'une des deux
ecant morte peu aprés,
la nourrice avare voyant la
mere 6c tes, deuxperes absens, continua de se faire
payer des deux côtex lapensîôn de celle qui restoit
;
mais; l'embarras fut que là*
nourrice étant morteenfuite subitement. la fille, qui pouvoiravoirquatre oucinqans,resta entre
les mainsd'une voisine,qui
s'en chargea pour tâcherde
tirer encoreles deux pensions.Mais l'Officier revint
Bientôtde l'armée, & s'empara dela petitefille, qu'il
crut de bonne foy être celle
qu'ilavoit euë deson mariage, parce quelle avoit
beaucoup de son air.
-
Il faut remarquer que
personne ne sçavoit plus véritablement àqui elle, ap-
-.
«
p^fceaoic :la jeune mere ficeles deuxperes ne l'avoient,
point vuedepuis sa naissance, 6c cela doiuia lieu à.
un grand procès
; car le
vieillardde retour
,.
voulut
avoir le fruit desonmariage ,
dontl'Officiers'étoit
emparé.Onplaida la causè,
quelquesJuges opinerenc.x
~t~c~M/~ de iobfeuritêimfmttrairitrépandissur
xt4tte affaire
y
l'enfant reftttroit au perc leplusriche parcemieux qu'iletoitélever. en ÇÏAÏ de III
Un autre Juge, plusér
claire, demanda si la petite
fille n'avoit point encore VIL la mere ; on Ion. réponditque
-
Il nousresse donc,dit ce
*
Jpge, deux moyens de con
noitresi la femme du vieillard
te mere ou non. Le premier, *
cVyî la ressemblance,quenous
examineron dans lafuite.
Vautre moyen,.t'ifl qu'il!
fautmettre la petite fille au
milieu d'une douzaine dam..dtres du mêmeâge, v', qu'on
.l(S amene toutes ensemble. deJ
vant nous.
On!executa l'arrêtcom-
rne ce dernierJuge. l'avoit
prononcé; onamena à
laudience suivante cette troupe de petitesfilles,l'ondit
-"a lamere de choisir celle
de toutespour qui elle se
sentoit le plus d'inclination
naturelle,&ellechoisitjustement entre toutes la pe- tite filleen question.
Je sçavoisbien, dit le Juge,quel'instinctferoit meilleurJuge
que moy :
la ressemblnceparfaitequeje vois entre lamere & lafillemepersuade encore que
Cinfliniléfl
veritable.
Les deuxperescepenJant etoieil'tns à ce
jugement. Le vieillard
,,, -transporté de joye qu'on feûtjugépubliquement qu'à
sonâge il pouvoitêtre >
pere,
courut pour embrasser la
;;petite fille
;
maiselle eut
peur, & s'écria en le repoussant: Ah
ce n'est point là monpapa, j'aime bien mieux
celui.ci;continuait-elle, en
se tournant vers l'Officier,
qu'elle courutembrasser ;
ahjevois bien que celui-ci est
mon "iraipapa.
Cet évenementimprévu
embarassaquelques-uns des oient-.:tdHoie,nt-ils i si s,t
CinjlinB a donnél'enfant àla
•
mere.tSPau-vieill.irdy le même
injlinÛ taaujji donné a
l'Ofsficier :
ainjïcelanedécidé
rIen.
.,Ol\JNt queIey pluscensez opinerent pour le premierinstinct; parce que la
inerc' étant designée sûrementparl'instinct
,
&le
pere demontréparlemariage avec la mere,ilfaloit
suivrelaloyà l'égard du
pere,&non l'instinct. En
effetcen'estpasla faute des
.)uges si la loy ne s'accorde
pastoûjours avec l'instinct.
duprocès deLion.
LA PETITE FILLE.
àdeux feres, UN -
jeuneOfficier devint amoureux d'une jeune
personne appellée Marianne ;elle: lepréféra à un
vieux Bourgeoistrés-opulent. CetOScierecoic si
bienfait & si pauvre,
qu'il fit. compassionà une
riche veuve,, ni jeune, ni
belle, mais d'un bon natu- rel. Elle eut autant d'envie
de faire la fortune de l'Ofsicier, que l'Officier enavoit defairecelle de Marianne: mais quel parti
prendre ?
S'épouser sans
bIen, c'étoit se rendremiserablesépouserle vieillard
& lavieille,c'étoit sacrifierleur bonheur pour des
richesses nos jeunes amans
ne pouvoient s'y resoudre.
Cependant le vieillard &
la vieille les pressoientfort,
ôc le mauvais état de leurs
adiréslesprenant encore
davantage, ilsse conseillejent
enfin
l'un àl'autre ce
qu'ils ne pouvaient se resoudre d'executer :ce fut;
d'épouser ceux qui pouvoient leur donner moyen
d'être quelque jour l'un &
l'autre bienà leur aise; car
quoyqu'ils ne souhaitassent
pas en se mariant de devenir bientôt veufs, le grand
âge du Bourgeois & de la
veuve devoirprévenir leur
souhait en peu d'années. Ils
prirent donc la verrueufe
refollition de ne se jamais,
voir,dés, qu'ils auroient
promis chacunà leur vieille
moitié une fidélité inviolable. Ilsalut se separer
que ne se dirent point ces
tendres amans! que de soûpirs ! que de larmes ! La,,
douleur d'une separationsi
cruelle redoubla leur ten.
dresse, & troubla leur rarson. L'Officier perditlerespeét
,
Marianne perdit la
ttamqnrane;ils ne se poffedoientplus. Jenesçaicomment ilsse separerent:mais
ils promirentde se revoir
encore; cependant levieillard & la vieille vouloient
terminer leurs mariages;
les jeunes remettoienttoujours aulendemain; & de
lendemainen lendemain ils
auroient;différé. toute leur
vie,sansunecrainte fecrece
qui obligea Marianne de
conclure les noces au plûtôfcv Elle n'y perdit pas un
moment,&au moyen de
cette diligence levieillard
eut lignée justement au
bout de neuf mois.
,
L'Officier s'étoit marié
dés le même jour à cette
vieille veuve, enquil'amour fit par miraclel'effet
de la jeunesse;car à 60. ans,..
dit-on, elle accoucha d'une:
fille, à qui ayant donné le
peu de chaleur naturelle
quilui restoit, ellemourut à
rinftantj&rÔfficier se trouvant pere & veuf en même
jour, se fit un plaisir de
-
don.
ner secretement cette fille
à nourrir à la même nourrice qui nourrissoitdéjà
celle de Marianne. Ensuite
roncier partit pour la
guerre, parce que la vertueuseMarianne nevouloir
:
point le voir tant. que [olt;
mari vivroit,
Peu de temps après le
vieillard & Marianne sa
femme furent,obligez dé
faire un longvoyage pour des affaires importantes;
en tprie que lesdeux petites
filles resterent en nourrice
ensèmble, & l'une des deux
ecant morte peu aprés,
la nourrice avare voyant la
mere 6c tes, deuxperes absens, continua de se faire
payer des deux côtex lapensîôn de celle qui restoit
;
mais; l'embarras fut que là*
nourrice étant morteenfuite subitement. la fille, qui pouvoiravoirquatre oucinqans,resta entre
les mainsd'une voisine,qui
s'en chargea pour tâcherde
tirer encoreles deux pensions.Mais l'Officier revint
Bientôtde l'armée, & s'empara dela petitefille, qu'il
crut de bonne foy être celle
qu'ilavoit euë deson mariage, parce quelle avoit
beaucoup de son air.
-
Il faut remarquer que
personne ne sçavoit plus véritablement àqui elle, ap-
-.
«
p^fceaoic :la jeune mere ficeles deuxperes ne l'avoient,
point vuedepuis sa naissance, 6c cela doiuia lieu à.
un grand procès
; car le
vieillardde retour
,.
voulut
avoir le fruit desonmariage ,
dontl'Officiers'étoit
emparé.Onplaida la causè,
quelquesJuges opinerenc.x
~t~c~M/~ de iobfeuritêimfmttrairitrépandissur
xt4tte affaire
y
l'enfant reftttroit au perc leplusriche parcemieux qu'iletoitélever. en ÇÏAÏ de III
Un autre Juge, plusér
claire, demanda si la petite
fille n'avoit point encore VIL la mere ; on Ion. réponditque
-
Il nousresse donc,dit ce
*
Jpge, deux moyens de con
noitresi la femme du vieillard
te mere ou non. Le premier, *
cVyî la ressemblance,quenous
examineron dans lafuite.
Vautre moyen,.t'ifl qu'il!
fautmettre la petite fille au
milieu d'une douzaine dam..dtres du mêmeâge, v', qu'on
.l(S amene toutes ensemble. deJ
vant nous.
On!executa l'arrêtcom-
rne ce dernierJuge. l'avoit
prononcé; onamena à
laudience suivante cette troupe de petitesfilles,l'ondit
-"a lamere de choisir celle
de toutespour qui elle se
sentoit le plus d'inclination
naturelle,&ellechoisitjustement entre toutes la pe- tite filleen question.
Je sçavoisbien, dit le Juge,quel'instinctferoit meilleurJuge
que moy :
la ressemblnceparfaitequeje vois entre lamere & lafillemepersuade encore que
Cinfliniléfl
veritable.
Les deuxperescepenJant etoieil'tns à ce
jugement. Le vieillard
,,, -transporté de joye qu'on feûtjugépubliquement qu'à
sonâge il pouvoitêtre >
pere,
courut pour embrasser la
;;petite fille
;
maiselle eut
peur, & s'écria en le repoussant: Ah
ce n'est point là monpapa, j'aime bien mieux
celui.ci;continuait-elle, en
se tournant vers l'Officier,
qu'elle courutembrasser ;
ahjevois bien que celui-ci est
mon "iraipapa.
Cet évenementimprévu
embarassaquelques-uns des oient-.:tdHoie,nt-ils i si s,t
CinjlinB a donnél'enfant àla
•
mere.tSPau-vieill.irdy le même
injlinÛ taaujji donné a
l'Ofsficier :
ainjïcelanedécidé
rIen.
.,Ol\JNt queIey pluscensez opinerent pour le premierinstinct; parce que la
inerc' étant designée sûrementparl'instinct
,
&le
pere demontréparlemariage avec la mere,ilfaloit
suivrelaloyà l'égard du
pere,&non l'instinct. En
effetcen'estpasla faute des
.)uges si la loy ne s'accorde
pastoûjours avec l'instinct.
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Résumé : CONTRE-PARTIE du procés de Lion. LA PETITE FILLE à deux peres.
Le texte raconte l'histoire d'un jeune officier amoureux de Marianne, une jeune femme qu'il préfère à un vieux bourgeois riche. Une riche veuve, bienveillante mais ni jeune ni belle, souhaite également aider l'officier. Les deux jeunes amants, confrontés à des pressions et des difficultés financières, décident de se marier chacun avec l'aîné de l'autre pour assurer leur avenir, promettant de ne jamais se revoir après leur mariage. Marianne épouse rapidement le vieillard, qui décède neuf mois plus tard. L'officier épouse la veuve, qui donne naissance à une fille avant de mourir. L'officier confie sa fille à la même nourrice que celle de Marianne. Marianne refuse de voir l'officier tant que son mari est en vie. Peu après, Marianne et son beau-père doivent partir en voyage, laissant les deux filles chez la nourrice. À la mort de la nourrice, une voisine prend en charge la fille restante pour percevoir les deux pensions. L'officier revient de la guerre et récupère la petite fille, croyant qu'elle est la sienne. Un procès s'ensuit entre les deux pères pour déterminer la véritable filiation de l'enfant. Un juge propose de laisser la mère choisir son enfant parmi plusieurs filles. Marianne reconnaît immédiatement sa fille. Les juges, bien que divisés, décident de suivre la loi, attribuant l'enfant au père légitime, le vieillard. Cependant, l'enfant refuse le vieillard et court vers l'officier, affirmant qu'il est son vrai père.
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9
p. 10-19
APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
Début :
UN Renard dégoûté de poule & de poulet, [...]
Mots clefs :
Apologue, Renard, Tourterelles, Morale, Fidélité, Honneur, Vertu
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texteReconnaissance textuelle : APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
APOLOGUE,
ov
CONTENOUVEAU.
LES TOURTERELLES
&leRenard.
Par Madame de***- UN Renard débouté
de poule & depoulet,
Vouluttâter.de chair nou-
'Vclle.
C'estunragoût,dit-on.
Un jaur prés d'un
volet
11 étoit à l'afu de quelque
tourterelle
:
A lafin fatigué degarder
lemulet, Ilpassasonmuseau parle
trou delaporte,
Etsi mit à prêcher la timi de cohorte.
On dit qu'au scelerat qui
fait l'homme de bien
La morale ne coûte rien.
Il en débita de très-fine:
Il n'ep rien
,
leur dit-il,
plus trompeur que
la mines
crel que vous tYJe voyez,,
je fii's le protectur
De l'innccen,ce& de l'honneur :
Sij'ai croquéparfois quelque jeune poulettey
C'étoit pour la punir Savoir été J.coqettey
Si je la croque,helas! ce
n'est qu'avec douleur:
Monfotblefut toujours la
tendresse de cœur;
Mais l'horreur que J'ai
pour le vice,
Et mon zele pour la jtlr
tice9
ji changéma complexion.
Pour faire la correction
J'ai dugrand Jupiter de
nouvelles patentes,
Et J'en ai deplus obtenu
Pour recompenser la vertu.
O tourterellesinnocentes,
Aiodeles de pudicité,
Je veux recompenser votre fidélité;
Venez donc dans cette
avenue
Devantmoy passerenrevue
Je prendrai vos noms f0
surnoms,
Pour vous citer dans mes
sermons.
Quandjecite une femme,
ouneme veutplus
crOIre:
Mais par moy vous aureZj lagloire
Ifêtre données à la fofterite
Pour modèles de chasteté.
Par ce discoursflateur le
Renardse pt croire:
De sortir il fut question,
Chacune fit reflexion
Quesagesse cfi choseéquivoquei
Chacune craint qu'on ne
la croque.
Ho bo, dit leRenard,
vous vous faites
prier;
Ma foy jevaisvous décrier.
Toujours on a
cité les
chastes tourterelles:
Vous ne servirez plus
aux femmes de modeles.
Nôtre honneur efrperdu>
disoient-elles tout bas:
Sors la premiere toy. Je
ne sortirai pas.
Aioj, disoit celle-ci, je
sortirais sans peine:
Mais je crois que faila
migraine.
Aieyjeserois déja dehors,
Ditl'autre: maisjecrains
une prise de corps
,
certain billet échu. Bref
chacune *exeuse,
AVcf#nt dire auelle reu
Prfe
) Et
Et croit que fin honneur
ne periclite pa*.
Voyant les autres dans le
cas,
Uneenfin par orgüeil à
tout risquer s'engage:
Oui, dit
-
elle, on verra
que je suis la plus
{age)
Oui seule je m'exposeraI,
Ouiseule je triompherai.
Pendant que pour sortir
elleétendoitsesailes,
Les autres impromptu
tinrent conseil entr'elles,
Et conclurent que seule
ainsije distinguer,
C'étoit les Accuser, les
honnir: les morguer;
Contr'elle un arrêt prononcerent,
Sur elle AU/fitôt s'élancerent,
Et malgré sa vertu,
sans pitié, sans
refpeéî
L'assommerent à coups de
bec.
C'est ainsique les femmes
assommentà coups de
becycejt à dire à coups
de langue,celles qui veulentse distinguer, st) faire
voirpar une conduite singuliere qu'elles n'approuvent pas celle
ov
CONTENOUVEAU.
LES TOURTERELLES
&leRenard.
Par Madame de***- UN Renard débouté
de poule & depoulet,
Vouluttâter.de chair nou-
'Vclle.
C'estunragoût,dit-on.
Un jaur prés d'un
volet
11 étoit à l'afu de quelque
tourterelle
:
A lafin fatigué degarder
lemulet, Ilpassasonmuseau parle
trou delaporte,
Etsi mit à prêcher la timi de cohorte.
On dit qu'au scelerat qui
fait l'homme de bien
La morale ne coûte rien.
Il en débita de très-fine:
Il n'ep rien
,
leur dit-il,
plus trompeur que
la mines
crel que vous tYJe voyez,,
je fii's le protectur
De l'innccen,ce& de l'honneur :
Sij'ai croquéparfois quelque jeune poulettey
C'étoit pour la punir Savoir été J.coqettey
Si je la croque,helas! ce
n'est qu'avec douleur:
Monfotblefut toujours la
tendresse de cœur;
Mais l'horreur que J'ai
pour le vice,
Et mon zele pour la jtlr
tice9
ji changéma complexion.
Pour faire la correction
J'ai dugrand Jupiter de
nouvelles patentes,
Et J'en ai deplus obtenu
Pour recompenser la vertu.
O tourterellesinnocentes,
Aiodeles de pudicité,
Je veux recompenser votre fidélité;
Venez donc dans cette
avenue
Devantmoy passerenrevue
Je prendrai vos noms f0
surnoms,
Pour vous citer dans mes
sermons.
Quandjecite une femme,
ouneme veutplus
crOIre:
Mais par moy vous aureZj lagloire
Ifêtre données à la fofterite
Pour modèles de chasteté.
Par ce discoursflateur le
Renardse pt croire:
De sortir il fut question,
Chacune fit reflexion
Quesagesse cfi choseéquivoquei
Chacune craint qu'on ne
la croque.
Ho bo, dit leRenard,
vous vous faites
prier;
Ma foy jevaisvous décrier.
Toujours on a
cité les
chastes tourterelles:
Vous ne servirez plus
aux femmes de modeles.
Nôtre honneur efrperdu>
disoient-elles tout bas:
Sors la premiere toy. Je
ne sortirai pas.
Aioj, disoit celle-ci, je
sortirais sans peine:
Mais je crois que faila
migraine.
Aieyjeserois déja dehors,
Ditl'autre: maisjecrains
une prise de corps
,
certain billet échu. Bref
chacune *exeuse,
AVcf#nt dire auelle reu
Prfe
) Et
Et croit que fin honneur
ne periclite pa*.
Voyant les autres dans le
cas,
Uneenfin par orgüeil à
tout risquer s'engage:
Oui, dit
-
elle, on verra
que je suis la plus
{age)
Oui seule je m'exposeraI,
Ouiseule je triompherai.
Pendant que pour sortir
elleétendoitsesailes,
Les autres impromptu
tinrent conseil entr'elles,
Et conclurent que seule
ainsije distinguer,
C'étoit les Accuser, les
honnir: les morguer;
Contr'elle un arrêt prononcerent,
Sur elle AU/fitôt s'élancerent,
Et malgré sa vertu,
sans pitié, sans
refpeéî
L'assommerent à coups de
bec.
C'est ainsique les femmes
assommentà coups de
becycejt à dire à coups
de langue,celles qui veulentse distinguer, st) faire
voirpar une conduite singuliere qu'elles n'approuvent pas celle
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Résumé : APOLOGUE, OU CONTE NOUVEAU. LES TOURTERELLES & le Renard. Par Madame de ***
L'apologue 'Les Tourterelles et le Renard' relate l'histoire d'un renard affamé qui, après avoir échoué à capturer des poules, tente de séduire des tourterelles. Il se présente comme un défenseur de l'innocence et de l'honneur, justifiant ses actions passées par la justice. Il promet de récompenser la fidélité des tourterelles et de les citer comme modèles de chasteté. Les tourterelles, méfiantes, hésitent à sortir. Une d'elles finit par accepter, mais les autres, jalouses, la frappent à coups de bec dès qu'elle s'expose. Cette histoire illustre comment les femmes peuvent critiquer et attaquer celles qui cherchent à se distinguer par une conduite singulière.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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10
p. 121-131
HARANGUE de la Reine d'Angleterre à son Parlement.
Début :
MYLORDS, & MESSIEURS, Je finis la derniere Seance en vous remerciant [...]
Mots clefs :
Paix, Harangue, Peuple, Reine d'Angleterre, Assemblée, Ratification, Dépenses publiques, Providence divine, Fidélité, Affection
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texteReconnaissance textuelle : HARANGUE de la Reine d'Angleterre à son Parlement.
H A R A N GU E
de la Reine d'Angle-
: terre àson Parlement.
MYLORDS,&
Messieurs,
( Je finis la derniere Sean
ce en vous remerciant des
assurances solemnelles que
vous m'aviez données, par
le moyen desquelles je me
fuis trouvée en estat de furmonter
les difficultez qu'-
on avoit concertées pour
empescher la Paix generale.
J'ay differé la Seance
jusqu'à present, desirant de
vous communiquer à vostre
premiere Assemblée le
succez de cetteimportante
affaire. C'est donc avec un
grand plaisir que je vous
dis que la Paix est signée,
& que dans peu de jours les
ratifications feront eschangées.
La negociation a tiré en
de si grandes longueurs,
que tous nos Alliez ont eu
du temps suffisamment
pour regler leurs differents
interests. Quoyque les despenses
publiques ayent esté
augmentées par ces delais,
j'espere que mes peuples les
su pporteront, puisque nous
avons heureusement obtenu
la fin que nous nous estions
proposée. Ce que j'ay
fait pour la seureté de la
succession Protestante&la
parfaite amitié qui est entre
moy & la Maison de
Hanover,doit convaincre
ceux qui nous souhaittent
du bien, & qui aiment le
re pos & la seureté de leur
pays, combien sont inutiles
les attentats qu'on a
faits pour nous diviser, &
que ceux qui voudroient se
faire un merice de separer
nos interests ne reüssiront
jamais dans leurs mauvais
desseins.
Messieurs de la Chambre
des Communes.
On a fait autant de progrez
pour diminuer les despenses
publiques, que les
circonstances des affaires
l'ont pû permettre.
Je laisse entierement à
mon Parlement lefoin de
voir quelles forces feront
necessaires pour assurernostre
commerce par Mer, &
pour les gardes & les garnisons.
Mettez vous vousmesmes
en seureté
, & je
seray satisfaire. Aprés la
protection de la Providence
divine, je me repose sur
la fidelité & l'affection de
mon peuple, & je n'ay pas
besoin d'autre garant. Je
recommande à vos soins les
braves gens qui ont bien
servi par Mer & par Terre
durant cette guerre,& qui
ne peuvent estre employez
en temps de Paix.
Il faut aussi que je vous
demande de pourvoir aux
subsides que vous jugerez
necessaires, & d'y a pporter
toute la diligence qu'il faudra
pour vostre commodité
& pour le servicepublic.
Mylords & Messieurs,
Les grands avantages que
j'ayobtenus pour mes Sujets
, ont causé beaucoup
d'opposition & de longs délais
à cette Paix. Ce m'est
une grande satisfaction de
voir qu'il feraau pouvoir
de mon peuple de reparer.
peu à peu ce qu'il a souffert
durant cette si longue& si
onereuse guerre.
Il est de vostre interest
d'employer vos soins à rendre
nostre Commerce dans
les pays estrangersaussi aisé
que le peut permettre le
credit de la Narion, & à
choisirles moyens les plus
propres pour avancer &
encourager nostre Commerce
& nos Manufactures
au dedans, & particulierement
la pesche qu'on
peut augmenter pourtous
nos gens inutiles: ce qui
fera d'un grand avantage,
mesmeauxendroits les plus
éloignez de ce Royaume.
Dans la derniere Seance
on mit devant vous plusieurs
choses que le poids
& la multiplicité des affaires
ne permirent pas de
finir. J'espere que vous
prendrezun temps propre
à y donner toute la con sideration
qu'elles meritent.
Je ne fçaurois pourtant
m'empescher de vous marquer
expressément le déplaisir
que j'ay de la licence
sans exemple qu'on
prend de publier des libelles
seditieux & scandaleux.
L'impunité de telles pratiques
a encouragé leblafpheme
contre toutes les
choses les plus sacrées ,&
répandu des opinions qui
tendent à la deftrudion de
toute forte de Religicn &
de Gouvernement. On a
ordonnéde faiie des pourfuites;
mais il faut de nouvelles
Loix pour arrelter ce
mal naissant & vos plus
grands efforts chacun dans
son posse,pour le décourager.
Lacouftumeimpiede?
duels demande au/ïi qu'on
y apporte un remede
prompt & efficace.
Prefenrement que nous
sommes en paix au dehors,
je vous conjure de faire vos
derniers efforts pour calmer
les esprits au dedans,
afin de cultiver les arts pacifiquîs,&
qu'une jalousie
mal fondée formée par une
fadtion, & fomentee par
une rage de parti ne puifïb
effeauer ce que nos ennemis
n'ont pu faire.
Je prie Dieu qu'il dirige
toutes vos déliberations
pour lagloire & pour le
bien du peuple,&c.
de la Reine d'Angle-
: terre àson Parlement.
MYLORDS,&
Messieurs,
( Je finis la derniere Sean
ce en vous remerciant des
assurances solemnelles que
vous m'aviez données, par
le moyen desquelles je me
fuis trouvée en estat de furmonter
les difficultez qu'-
on avoit concertées pour
empescher la Paix generale.
J'ay differé la Seance
jusqu'à present, desirant de
vous communiquer à vostre
premiere Assemblée le
succez de cetteimportante
affaire. C'est donc avec un
grand plaisir que je vous
dis que la Paix est signée,
& que dans peu de jours les
ratifications feront eschangées.
La negociation a tiré en
de si grandes longueurs,
que tous nos Alliez ont eu
du temps suffisamment
pour regler leurs differents
interests. Quoyque les despenses
publiques ayent esté
augmentées par ces delais,
j'espere que mes peuples les
su pporteront, puisque nous
avons heureusement obtenu
la fin que nous nous estions
proposée. Ce que j'ay
fait pour la seureté de la
succession Protestante&la
parfaite amitié qui est entre
moy & la Maison de
Hanover,doit convaincre
ceux qui nous souhaittent
du bien, & qui aiment le
re pos & la seureté de leur
pays, combien sont inutiles
les attentats qu'on a
faits pour nous diviser, &
que ceux qui voudroient se
faire un merice de separer
nos interests ne reüssiront
jamais dans leurs mauvais
desseins.
Messieurs de la Chambre
des Communes.
On a fait autant de progrez
pour diminuer les despenses
publiques, que les
circonstances des affaires
l'ont pû permettre.
Je laisse entierement à
mon Parlement lefoin de
voir quelles forces feront
necessaires pour assurernostre
commerce par Mer, &
pour les gardes & les garnisons.
Mettez vous vousmesmes
en seureté
, & je
seray satisfaire. Aprés la
protection de la Providence
divine, je me repose sur
la fidelité & l'affection de
mon peuple, & je n'ay pas
besoin d'autre garant. Je
recommande à vos soins les
braves gens qui ont bien
servi par Mer & par Terre
durant cette guerre,& qui
ne peuvent estre employez
en temps de Paix.
Il faut aussi que je vous
demande de pourvoir aux
subsides que vous jugerez
necessaires, & d'y a pporter
toute la diligence qu'il faudra
pour vostre commodité
& pour le servicepublic.
Mylords & Messieurs,
Les grands avantages que
j'ayobtenus pour mes Sujets
, ont causé beaucoup
d'opposition & de longs délais
à cette Paix. Ce m'est
une grande satisfaction de
voir qu'il feraau pouvoir
de mon peuple de reparer.
peu à peu ce qu'il a souffert
durant cette si longue& si
onereuse guerre.
Il est de vostre interest
d'employer vos soins à rendre
nostre Commerce dans
les pays estrangersaussi aisé
que le peut permettre le
credit de la Narion, & à
choisirles moyens les plus
propres pour avancer &
encourager nostre Commerce
& nos Manufactures
au dedans, & particulierement
la pesche qu'on
peut augmenter pourtous
nos gens inutiles: ce qui
fera d'un grand avantage,
mesmeauxendroits les plus
éloignez de ce Royaume.
Dans la derniere Seance
on mit devant vous plusieurs
choses que le poids
& la multiplicité des affaires
ne permirent pas de
finir. J'espere que vous
prendrezun temps propre
à y donner toute la con sideration
qu'elles meritent.
Je ne fçaurois pourtant
m'empescher de vous marquer
expressément le déplaisir
que j'ay de la licence
sans exemple qu'on
prend de publier des libelles
seditieux & scandaleux.
L'impunité de telles pratiques
a encouragé leblafpheme
contre toutes les
choses les plus sacrées ,&
répandu des opinions qui
tendent à la deftrudion de
toute forte de Religicn &
de Gouvernement. On a
ordonnéde faiie des pourfuites;
mais il faut de nouvelles
Loix pour arrelter ce
mal naissant & vos plus
grands efforts chacun dans
son posse,pour le décourager.
Lacouftumeimpiede?
duels demande au/ïi qu'on
y apporte un remede
prompt & efficace.
Prefenrement que nous
sommes en paix au dehors,
je vous conjure de faire vos
derniers efforts pour calmer
les esprits au dedans,
afin de cultiver les arts pacifiquîs,&
qu'une jalousie
mal fondée formée par une
fadtion, & fomentee par
une rage de parti ne puifïb
effeauer ce que nos ennemis
n'ont pu faire.
Je prie Dieu qu'il dirige
toutes vos déliberations
pour lagloire & pour le
bien du peuple,&c.
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Résumé : HARANGUE de la Reine d'Angleterre à son Parlement.
La Reine d'Angleterre adresse un discours au Parlement pour annoncer la signature de la paix et l'échange imminent des ratifications. Les négociations ont été longues, permettant à tous les alliés de régler leurs intérêts. Bien que les dépenses publiques aient augmenté, la Reine espère que ses peuples les supporteront, car la paix a été obtenue. Elle réaffirme son engagement pour la sécurité de la succession protestante et l'amitié avec la Maison de Hanovre, condamnant les tentatives de division. La Reine laisse au Parlement le soin de déterminer les forces nécessaires pour sécuriser le commerce maritime et les garnisons. Elle recommande de prendre soin des vétérans et de pourvoir aux subsides nécessaires. Elle exprime sa satisfaction de voir que le peuple pourra réparer les dommages causés par la guerre et encourage le développement du commerce et des manufactures, notamment la pêche. La Reine déplore la publication de libelles séditieux et scandaleux, appelant à des lois pour arrêter ce fléau. Elle condamne également la coutume des duels et conjure le Parlement de calmer les esprits intérieurs pour cultiver les arts pacifiques et éviter les divisions partisanes. Elle conclut en priant Dieu de diriger les délibérations pour la gloire et le bien du peuple.
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11
p. 145-214
Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Début :
Une personne de ma connoissance qui a vescu pendant 9. [...]
Mots clefs :
Dissertation philosophique, Âme, Bêtes, Castors, Sociétés animales , Éducation des petits , Remèdes naturels , Prévoyance , Société, Instinct, Architectures animales, Médecine animale , Machines, Liberté, Intelligence, Fidélité, Reconnaissance, Chien, Observation, Vertus animales, Chasse, Perfection, Construction, Architecture, Géométrie, Abeilles, Taons , Fourmis, Pigeons, Mouches à miel, Diligence, Enfants animaux, Jeux, Éducation, Perception
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texteReconnaissance textuelle : Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Suite de la DijjertationPhilofopbiquesur
lame des befles.
w Une personne de ma
connoissance qui a vescu
pendant9.années dans la
Loüiziane au Canada,m'a
assuré que rien n'etf plus
certain,que ce que Lahontan
& autres Auteurs rapportent
des Castors de ce
Pays; sçavoir
, que ces
animaux s'assemblent en
quantité, & rongent par le
pied,des arbres qui font le
long des bords des ruisseaux
, en telle forte qu'ils
les font tomber dans le
travers de l'eau pour en arrester
le cours, & soustenir
la terre qu'ils jettent
ensuite dedans au devant
de ces arbres,& dontils
font des Chaussées. Et pour
cet effet la societé de ces..,
ouvriers est commandée
par un chef; les uns cernent
& arrachent à belles
dents des gazons, & les
chargent ensuite sur les
queuës des autres ,
qui
font faites comme une
fole ; ceux-cy marchant
gravement & droits sur
leurs jambes de derriere,
traifnent leur charge jusques
surces arbres, &la
déchargent ensuite dans
l'eau. A mesure que la digue
s'esleve il y a des ouvriers
qui ont soin d'y pratiquer
des appartements
pour se loger
,
des greniers
pour conserverl'écorce
d'arbre qu'ils y amassent
pour leur nourriture; & des
galleries souterraines pour
aller à la pesche dans les
estangs formez par ces digues.
Ily a jusqu'à des hospitaux
pour retirer leurs
malades fatiguez du travail
; & d'un autre costéles
faineants qui se couchent
sur le dos pour sereposer,
sans avoir le dessous de la
queuë écorché,à force de
charier des gazons, y sont
rigoureusement punis &
chassez. Les digues sontartissement
recouverres de
gazon,ensorteque la pluye
ne peut les endommager,
&qu'on passe aifémenc desfus
sans se douter de rien.
Beaux exemples que les
stupides bestes nous fournissent,
nonseulement pour
avoir soin des malheureux,
mais encore pour ne point
souffrir dans les Etats de
ces gens qui se croyent
uniquement faits pour vivre
& joüir du travail d'autruy.
f
4. On sçait assez que les
bestes ontaussil'instinctde
chercher des remedes pour
leurs malades; que les
Chiens mangent du chiendant
pour s'exciter à vomir;
que les Gruës se donnent
des lavements;que
les Macreuses qui n'ont
pointde jabot avalent force
petits cailloux, pour broyer
dans leur gozier les petits
coquillages dont elles se
nourrissent
, & quantité
d'autres singularitez qui
regardent leur santé. Et
peut estre les hommessont
ils encore redevables aux
bestes des premieres régles,
de la Medecine.
Prétendra-t-on donc en-»
core que les machines font
aussi capables de prévoyance
& de crainte, de former
des societez, de bastir des
domicilles, d'avoir pitié
des malheureux,de punir
les vauriens,& en un mot
1
de trouver des remedes
contre ce qui peut les endommager?
Il vaut mieux
penser que les premiersAuteurs
de ce beau systesme
n'avoient pasune parfaite
connoissance des proprietez
des bestes, & que leurs
Sectateurs ont mieux aimé
s'attacher servilement à
leur opinion; que dese
donner la peine d'examiner
eux mêmes la question
avec toute rexaaitlldeù'loo
elle demande,comme ce
n'est que trop l'ordinaire.
5. A l'égard de rinfiind:
des belles pour ce qui regarde
l'éducation de leurs
petits, qu'yac-il de plus
admirable que de voir cette
méprisable & stupide
Araignée, dont nousavons
déjà parle, s'ourdir un sac
d'une toiletres-fine& trèsforte,
pour y pondre & y
conserver ses oeufs. & ses
petits : Un Loriot suspendre
son nid à 3. branches
d'arbre par trois fils de plus
d'une demie aulne-de longueur
chacun, de crainte
apparemment que les Ecureuils
ou les Belettes ne.
viennent manger les oeufs,
ou ses petits; & qui fçaic
aussi si ce n'est point en^-
core pour bercer ces nouveaux
nez, & les endor*-
mir, tandis que leurs pa.
rens leur cherchent la vie?
UnTirarache ou Moineau
aquatique attache le ben
librement à deux ou trois
roseaux
,
afin qu'il puisse
flotter sur l'eau-, hausser &
baisser comme eUe, rani
en estré emporré, c'estce
que j'ay vû plusieurs fois
avec beaucoup d'admiration.
On raconteaussi
Jes stupides Hiboux ont
foin decasser les pattesaux
souris qu'ils apportent à
leurs petits, & qu'ils la-if.
sent en reserve dans leurs
trous, ôc mesme d'appor.
ter dubledà ces souris pour
vivre, afin que leurs jeunes
éleves ayent le plaisir de
lescroquertoutesvivantes^
quand la faim les prend
e qu'ils trouvent tousjours,
par ce moyen dela viande
fraischeàmanger.Sur tout
les Aigles ont grand foin
de plumer ôc çl'a^acher le
poil des animaux qu'ils apportent
à leurs petits, de
crainte qu'un peu trop de
gloutonnerie ne les sasse
étrangler. Jeneparle point
des Guenons qui portent
leurs petits sur leurs épau*
les jusques au haut des
toits & des arbres, pour
leur apprendre à grimperr
& peut estreaussiàmépris
ser les dangers.
Mais je ne fçauroisassez
admirerlirft'nd: qui don
ne une intrépidité & un
courage surprenant
, ( &
qui va quelquefois jusqu'à
la sureur)aux animaux qui
ont des petits, pourenoser
attaquer d'autres d'ailleurs
beaucoup plus méchants
qu'eux,& les chasser, lorsqu'ils
s'en veulent approcher
; ny cette tendresse
plus que maternelle qui
porte les Perd rix à se jetter
pour ainsi dire dans la
gueule des chiens de chasse
pour les amuser,& don
ner lieu à leur petits de
sévader; cVil ce que j'ay
veu cent fois, non
lins
un
veritible estonnement.
Qu'y a t il deplusconstante.
& en mesme temps
de plus inconcevable que
l'histoire des Pigeons qu'on
emporte d'Alep à Alexandrette
en Syrie( ou tout au
contraire) par l'espace de
50. ou 60. lieuës, & qu'on
lasche ensuite avec une lettre
aucol, sitostqu'on est
arrive; car ces courriers
de l'air prennent aussitost
leur essor jurques au dessus
des nuées, & montent tant
qu'ils apperçoivent leur
chere patrie, & le lieu de
leurs petits,& de leurcompagne,
où ils se rendent en
trois ou quatre heures de
temps au plus. Par ce moyen
on apprend des nouvelles
toutes recentes, quon
ne pourroit sçavoir,que
plusieurs jours aprés. Ilest
évident aussi que les différentes
especes de Mouches
à miel, comme les Abeilles,
lesGuespes, les Freflons
,
Bourdons) Taons
,
&c. doivent avoir une sagacité
pareille à celle des
oiseaux,pourreconnoistre
le lieu de leur domicile &
leurs rusches. Goedart écrit
dans son Livre des insectes,
qu'il a eu chez luy
unetaniereouil aobserve
que les Taons, lorsqu'ils
travaillent aux cellules devinées
pour leurs oeufs, ont
aussi un Commandant
comme les Castors, lequel
a soind'eveillerles ouvriers
dès la pointe du jour par le
bruit de Ces ailes. Qu'auuitost
chacun s'en va à son
ouvrage , ceux qui ont un
an paffé vont chercher la
cire & le miel, pour bastir
les cellules ou nids, & pour
vivre, & outre cela de l'eau
pour détrem per de la terre
& en former des voûtes.
Les jeunes Taons comme
aides maçons,détrempent
cette terre, & en font des
boulins ou rouleaux qu'ils
roulent ensuite avec leurs
pieds dederrière jusqu'aux
sommets des ouvrages, ou
les plus anciens qui ne sont
plus propres qu'à bastir les
reçoivent, & en forment
des voutes au dessus deces
nids, de crainte qu'il ne
tombe de la terre dedans.
Les plus vigoureux ont foin
de faire la chatTe) & d'étrangler
sans misericorde
les vauriens, qui non contens
tens dene pointtravailler,
vont encore manger la
nourriture des leur, ouvriers en absence,;
Sil'ontraittoit ainsitous
ceux qui en usent de mesme
dans les Estars policez,
il n'y auroit pas tant
de faineants& de voleurs
& l'abondance y regneroic
en la place du brigandage.
Au reste quoyque je n'aye
pas de témoin oculaire des
merveilles des Taons, il
n'y a pas
@
cependant plus
de peine à les-croire que
celles des;Fourmis& dee
Castors dont je suis certain,
ou que celles des Abeilles
qui les surpassent
peut-estre encore de bien
loin, comme on laveudans
le Mercure de Paris de fan.
née1712.. au mois d'Avril.
Car on peut asseurer qu'il
n'y a peut-estrepasd'animal
si brute qu'il foit
;
qui ne devienne comme
sensé &intelligent lorsqu'il
s'agit de sa conservation,
ou de la production
de ses petits. Est- il rien
qi4i paroiiflcplustbFute ql.Í.
ui* Limaçon?ilcreuse cc*
pendant un nid en terre
pour y pondte ses oettfs; il
les couvre ensuite d'une
especedecole quise durcit
extrêmement, & qui les
conserve contre les insectes
& contre toutes les injures
du temps. Qu'estildeplus
pefanc qu'une Tortue, elle
fort néanmoins du fond de
la mer, elle vient creuser
un nid dans le fable où elle
fait sa ponte,& recouvre
ensuite ses oeufs de ce met
me fable,afin que la chaleur
du soleil suppléé au
deffaut de lasienne
, qui
ne feroit pas suffisante pour
les faire éclorre. Les Saumons
& plusieurs autres
poissons remontent les ri.
vieres jusqu'à leur source,
& fouvenc par. respace de
plus de cent cinquante
lieues
, pour femer leurs
oeufs sur la bouë Ôc dans
une eau peu profonde afin
que la chaleur du Soleil
puisse les faire éclorre.
Faut-il que desbestes
pour qui nous avons tant
de mépris., surpassent la
,
pluspart des Peres & Meres
en tendresse &.. en soins
1
pour l'éducation de leurs
enfants?
•
Quoy donc les Machines
opereront-elles aussi des
prodiges pour enfanter
d'autres Machines, pour
les conserver, & pour leur
sauverla vie; & a pprendront-
elles à nos amesraisonnables
à avoir des sentimens
de rendresse & de
crainte;àestrelaborieuses,
soigneuses , courageuses ,
& tantd'autres vertus necessaires
à l'éducation des
pietits?Mais auparavant que
de quitter ce sujet,considerons
un peu quel plaisir
nos bestes brutes prennent
à exercer leurs jeunes adul.A
Ks, désqu'ils commencent
à courir, voler, ou
nager. Ne diroit-on pas
qu'elles ont recouvert une
nouvelle jeunesse pour
jouër & folastreravec eux?
Que ne doit.on point penser
aussi des jeux de ces
jeunes animaux,qui sont
remplis de feintises,d'imitations
,
& de singeries ;
tantost ils feignent d'estre
fort en colere ; & dese
mordre tantost de fuïr tantost de poursuivre,tan-r
tost de flatter
,
tantost
-
de
craindre,en un mot ils imitent
parfaitement les jeux
des enfants, qui ne font
jeux qu'en ce qu'ils ne sont,
comme ceux- là
, que de
pures fictions. Il n'est pas
jusques aux plus stupides
animaux,dont les amufementis
de jeunesse ne eausent
beaucou p d'admiration
,
& de plaisir à ceux
qui les observent. Si quelqu'un
en doute,iln'a qu'à
considerer pendant quelque
beau jour de Printems,
les jeux des jeunes Arai-r gnées des jardins. On les
trouve au iixleil contre les
muraillesqui selivrent mita
le combats,moitié feints,
moitié san g lants
; là elles
(e mordent
,
se précipitent.
s'arrachent les pattes, 5e..
tranglent, & surpassent de
bien loin,tout ce qu'on rapporte
des gladiateuts sur les
arenes.
Les Machines seront-elles
donc encore capables
de fictions
,
& d'imitation
comme les enfants, & produiront-
elles
duiront-elles des opera»
tions pour lesquelles e lles
ne sont pas veritablement
montées? Une montre par
exemple qui est montée
pour marquer deux fois
douze heures par jour, s'a).
visera-t-elle, pour se divertir
, & pour nous jouër, de
les marquer en une heure,
& reprendra telle ensuite
d'elle-mesme son serieux,
& son veritable train. J'avouë
qu'on entrevoit des
étincelles de liberté dans le
delire des enfants, par la
communication qu'ils ont
avec nous de leurs pensées
, & que nous ne pouvons
rien appercevoir de
semblable dans les animaux,
avec lesquels nous ne
pouvons point avoir cette
sorte de commerce. Mais
avantd'entrer plus avant
dans cette discussion, examinons
encore quc!qucs
vertus des bef.l:e)q.ui nous
aideront à prendre parti
plusseurement.
7. Tout le monde sçait
assez l'arrache,la fidélité,
la soumission & la reconnoissance
, que les Chiens
ont pour leurs maistres,leur
docilité,l'impatience qu'ils
ont de les revoir quand
ils sont absens
,
la tristesse
que cette absence leurcause
,& la joye qu'ils marquent
quand ils les retrouvent,
ou lorsqu'ils peuvent
leur rendre quelque service;
avec quelle chaleur ils
prennent leur deffense,
leur patience à en souffrir,
leur perseverance à leur
estresoumis,leur contrain- te&leurcomplaisance pour
eux. Undemesamisayant
fait emporter à dix lieuës
de Paris un vilain Chien ,
qui s'estoit addonné chez
luy
5
& qu'on n'avoit pû en
estranger à force de coups
de baston; ce Chien revintà
samaison aprésquelques
jours.Le maistre las de
lemaltraiter luy fit lier les
quatre pattes, attacher une
pierre au col, & lefit jetter
de dessus le pont Marie
dans la Seine. Le Chien ne
laissa pas de se sauver, ( ce
que j'aurois toutes les peines
du monde à croire,s'il
ne m'estoit arrivé une chose
toute pareille, ) & s en
revint au plus viste donner
de nouveaux tefmoignages
d'une fidélité & d'une foumission
inviolables à son
maistre adoptif, lequel en
fut tellement touché d'estonnement,
qu'il changea
dans le moment toute sa
rigueur enaffection.Tout
Paris a veu avec surprise, il
y a eennYvilrroonncfi.:nlnqquuaannttec 'ilnn's)
la constanceinvincible
d'un Chien,qui demeura
pendant plusieurs années
collé sur la fosse de son maistre,
dans le cimetiere des
saints Innocens , sans que
"Dy flatteries, ny nlrnaces.
ny lâFhecelïite peussent l'en
tirer. Ayantblesséunefois
un Lievre,il k sauva dans
tuàfe vigne
y
oùje le suivis
à lâ vbix de mes Chiens;
peu dete-n, psaprês;les voix
ayant etffé-,jc&urav
qu'ils*T-avoientafrêïïé-,<K
comme je les clltrèhÓisa
costé & d'autre
,
j'en ap -
perceus un qui venoit à
moyen grande diligence;
me flattant & thc caressant
,
aprés quoy il s'en
retourna avec beaucoup
-V
d'em pressement,ce qui me
fit comprendre qu'il falloir
le suivre: pendant que je
marchois, il prenoit le devant,
& revenoit fouvenc
sur ses pas, marquant tousjours
de l'im patience; à la
fin il ne revint plus, &
m'estant un peu avancé,
j'entendis mes deuxChiens
( d'ailleurs tousjours tresbons
amis) qui se mangeoient
l'un l'autre.Dés que
le second m'aperceut il prit
aussitost la suite
,
fentané
apparemment que ficatifë
n'estoit pas bonne. 1c vis
effectivement que le sujet
de leur querelle estoit que
le second avoit fort endommage
le Lievre pendantl'absence
dupremier,
lequel au contraire me caressoit
avec beaucoup de
confiance,comme pour me
marquer son innocence de
sa Cfiodmélibtiée.n
de belles regles
de morale ne peut-on
pas tirer de tousces exemples
; mais il vaut mieux
que chacun aitle plaisir de
les endeduire, que d'ennuyer
icy le kdieur par des
reflexions qu'il peut faire
aisément luy-mesme.
Je ne sçaurois cependant
m'empescher de luy
faire observer,que ces marques
de fidelité, de complaisance
& de retenuë,
n'ont gueres de compatibilité
avec l'idée que nous
avons d'une machine, qui
doit tousjours aller son
train, & tendre droit à sa
fin, dez qu'elle est une fois
desmontée d'une certaine
façon.
8. Que ne devons. nous
point penser encore de la
réglé que la pluspart des
belles observent dans toutes
leurs actions; les unes
ne sortent jamais qu'à une
certaine heure de nuit pour
chercher leur vie, ou une
com pagne,comme les Becasses,
les Lapins,les Limaces
,
les Herissons
,
les
Hiboux, & quantité d'autres
animaufc nocturnes
& sauvages qui rentrent
tous constamment à une
certaine heure du matin;
D'autres au contraire tid
manquent jamais de s'éJ
Veiller au lever du soleilJ
&de se rendormir à ion
coucher, ne perdanr pas
pour ainsi dire un seul ravon
de sa lumiere. En
Jquoy certes ils font beaucoup
plus dignes de louanges
que tant d'hommes déréglées,
qui paissentléurvie
comme les Hiboux, veillant
toute la nuit, & dormant
tout le jour.
On sçaicaussi que quan
tité d'oiseauxpassent tous
les ans des pays chauds:
dans des contrées plus temperées,
pour se sauver de
l'ardeurdusoleil. D'autres
au contraire
, vont des
paysfroids dans les mesmes
comrees, pour eviter
la rigueur de l'hyver, & les
uns & les autres s'en retournent
tous les ans d'où
ils font venus; sans que la
distance decinq ousixcens,
lieuës de pays, ny les trajets
des mers,soient capables
de leur faire Interrompre
leur réglé ( passant airtsi
toute leur vie comme des
voyageurs .& des étrangers
sur la rerre) Entre les differens
oisèaux les uns se
marient pour un temps,
d'autres mesme pour toute
leur vie) comme les
Tourterelles. Ils ne connoissent
point le divorce,
&. leurs mariages demeurent
inviolables, jusques à
ce que leurs petits n'ayent
plus besoin de leur secours.
Quel sujet de confusion
pour tant d'hommes d'ailleurs
raisonnables, mais
certainement inférieurs en
cecy aux bestes. De plus
le mariage n'est point en
eux une lubricitépuisqu'il
ne se contracte unique.
ment que pour la generation.
C'est pour cela que
leur rut dure si peu,&qu'il
ne vient que dans des tems
reglez& propres pour l'é.
ducatiori des petits; au lieu
que la lubricité des hommes
débauchez est perpetuelle.
«>. Disons encore un mot
de la chanté, de l'honnes.
teté & de lajustice que les
belles exercent entre elles,
outre ce que nous avons
remarqué des Cerfs à l'égard
de leurs compagnons
fatiguez, des Castors, des
Taons,& des peres &meres
a regard de leurs petits.
Plusieurs, ont apparemment
entendu dire un ancien
Proverbe, asinus asinum
fricat, mais peu en
gavent la vericable raison,
& peut estre que çeluy qui
la mis au jour ne la sçavoit
pas bien IUY.tesme. Pour
donc l'entendre
,
il faut
considererque quandun
Cheval, Asne ouMulet ne
sçauroit se gratter en quel.
que partie de son corps qui
: hlY démange, comme sur
le dos, le col, ou la teste, ils'approche de son cama.
rade, & le grate al'endroit
pareil à celuy quiluy démange.
Aussitost ce compagnon
charitable ne manque
pas, comme comprenant
le besoin de son camarade
, de le grater au
mesme endroit où il a esté
graté, & souventmesme
de l'avertir d'un endroit
qui luy demange aussi
> ôc
c'est alors qu'il est vray de
dire (qu'un Cheval grate
un autre Cheval, ) ces animaux
se prellant alors un
secours mutuel, dont chacun
a bes•oin, & dans l'en. k droic
droit qu'il souhaine. Qui
est-ce qui n'a pas veu les
Chiens d'un logis, & mesme
d'une rue, courir à la
deffense d'un de leurs camarades
attaque par quelqu'autre?
Qui ne sçait pas
la complaisance & les égards
qu'un animal a pour
un autre de mesme espece
plus jeune, ou plus foible
que luy
, & celle que les
masles en general ont pour
toutes les femelles? Qui
est:ce qui n'a pas remarque
le soin que les Chats
ont de cacher leur ordure,
ôc de nettoyer leur toison ?
Les oiseaux ont le mesme
foin de nettoyer les nids de
leurs petits, & les fourmis
leurs fourmillieresOnsçait
assez que les animaux corrigent
leurs perirs,-& quemesme
cespetits ont pour
létor^merèstoute'sa fbumissionpossible,
mais peutestre
tout le rriendenè sçait
f>rs queles Fôùrrftfa àidenif
courêS en : tbminun 'ccllè&:.
quiviennent s'estabmordans
fëurvôisinàge^Icdnftrmfé
fài/tfelji^iltiere*, qu'elfes
tfeÂir1 ^rêft?entdateur'graiiï
pendant ce temps-là, &
que celles-cy le leur rendent
fidellement
,
quand
leurestablissement est fini.
Que les Fourmis exercent
en rigoureux supplice contre
les Fourmis larronnefses
ou paresseuses, en les
déchirant à quatre. Mais
on ne finiroit jamais, si l'on
vouloit ra pporter toutes les
singularitez morales qu'on
remarque dans la conduite
des animaux;& peut-estre
arriveroit- on à s'asseurer
un repos & un bonheur
parfait dés cette vie, si on
estoit allez prudent pour
en bien profiter.
Qui pourra penser aprés
cela que les belles soient
de pures Machines, toutes
matérielles, meuës feule-
X ment par des loix du mouvement
générales & estoignées
J
dépendemment
d'une organisation de parties.
Il vaudroit autant faire
tout d'un cou p de la raison
& de la prudence hu-,
maine une espece de Ma-,
chine, necessitée aussipar
les mesmes loix, & par consequent
aveugle & sans li.
berté; mais dans quel excez
d'aveuglement faudroit-
il tomber pour imaginer
une telle chimere;
& quand mesme uneraison
dérangée pourroit y consentir,
nostre sentiment intérieur
ladementiroittousjours.
10. Que penser donc
maintenant sur la nature
du principe qui meut les
bestes, voyant qu'il est
pourveu de tant de belles
& bonnes qualirez ; qu'il
cft si judicieux, si vigilant,
si prudent, & si reglé dans
toutes ses opérations; tandis
que nostre amé au contraire
est sujette à tant
d'imperëfdibns&devices;
à T-éVréur5 à linjtTftice; à
l'ingràtitude, à l'infidélité,
àl'oisivetéà l'inhumanité,
à: l'impicte,a I'hypocrifie&
au dereglementdes moeurs.
Mais cette différence est
encore peu de chose, (s'il
rit permis de le dire) en
comparaison de cettequi
setire de la sagacité des
bestes à executer leursou.
vrages sans aucune estude,
&mesme sans aucun inftrument
étranger; tandis
que nos ouvriers font au
contraire obligez de faire
dé longs apprentissages,
d'où souvent ils sortent encore
fort ignorants, quelquefois
mesme font-ils
tout-à-fair incapables dé
rien apprendre. Nos Architectes
( par exemple) ne
sçatiroient bastirsansavoir
âppris avec bien du temps
&des peines les réglés dé
la Geornerrie& de l'Archirecture.
Cependant les Gac.
tors duCanada font des
digues&desappartements
pourse loger, conformes
à la droite architeaure sans
avoirappris aucunes réglés.;
Les Taons font de
mesme leurs voûtes sans le.
secours d'aucuns precepres,
que de leur bon genie. En
un mot les animaux construisent
leurs ouvrages de
la maniere qu! est tousjours
la plus parfaite en
chaque espece, comme
nous l'avons fait voir par
l'examen des raïons des Abeilles;
dans le mémoire
cite cy- devant, article l.
J'avoue qu'en cela mesme
me les bestes paroissent
bornées dans leurs operations;
elles ne sçavent point
varier leurs ouvrages en
uneinfinité de manieres.
comme l'homme, elles
sont, pour ainsi dire, asservies
à leur sujet ;au lieu que
l'homme travailleen maistre
dans ce qu'il possede.
Outre qu'il rassemble, pour
ainsi dire, éminemment en
luy toutes les inventions
dont les différents animaux
sont capables;& quoyqu'ii
n'y parvienne qu'à force
de travail&de temps,cela
ne laisse pas de prouver
parfaitement la fecondité
de son genie. Mais cette
secondité ne suffit pas pour
luy donner la Préférence
du codé de la perfection;
d'autant plus que les bestes
sont aussi capables par leur
docilité, d'apprendre une
infinité dechosestrès singuliere,
outre celles qu'elles
tiennent de leur inClinét
naturel. Ensorte que si les
bestes pouvoient le communiquer
leurs idées comme
les hommes font entre
eux, & si elles avoient des
mains, & des instruments
propres à tout executer
comme nous, peut-estre
auroient-elles aussi chez elles
des arts beaucoup plus
parfairs que lesnostres.J'ay
veu il y a environ dix ans
à la foire de saint Germain
un animal appelle Fecan,
assez semblable à un Renard
,
excepté qu'il a les
pattes d'un Singe, il se fervoit
de celles de devant
avec une adresse surprenante.
Au contraire les animaux
les plus stupides ont
les pieds ordinairement les
moins divitez. Il y a plusieurs
animaux qui ont la
partie de l'oreille appellée
le labyrinthe, semblable à
celle de l'homme, comme
les Chiens
J
les Chevaux,
les Elephans, les oiseaux
,
&c. lesquels sont tres- sensïbles
à la musique;ôc ceux
au contraire qui en font
privez y sont tout-a-fait in.
sensibles, furquoy l'on peut
voir nostre discours de l'oreille
imprimé en 1711.
dans le Mercure de Février,
d'où l'on pourroit inferer,
que si les bestes paroissent
si bornées, c'est du moins
en partie, parce que les instruments
leur manquent.
Mais du costé de la perfection
il ne faut qu'examiner
leurs ouvrages avec exactitude
, pour voir qu'elles
remportent de bien loin
sur nous. Si l'on se donne
la peine, par exemple,de
considerer la figure du
fond des cellules des Abeil.
les, & de quelle maniere
cescellules sontassemble'es
&oppocées les unes aux autres,
on fera forcé d'avouer
que l'intelligence qui les
conduit,est naturellement
pourveuë des connoissances
de la Géométrie,& de
l'Architeâure, & que pour
donner la mesure la plus
parfaite aux angles plans
ôc solides qui s'y rencontrent,
il faut qu'ellesçache
non seulementle calcu l des
triangles, mais mesme l'Algebre
; qu'elle possede les
proprietez de la sphere, &
des polyedres in scrits ôc
circonscrits; & en un mot
tout ce que nos plus habiles
Architectes ne sçavent
que fort mediocrement;
puisque ces cellules admirables
renferment toute la
perfeaion quecessciences
demandent,tant pour avoir
de la solidité & de la régularité
, que pour s'assembler
les unes avec les autres,&
pour s'y loger commodément
& seurement j ôc je
ne douté nullement que si
l'on faisoit un examen pareil
à celuy-cy des ouvrages
des Castors, des Taons ôc
des autres animaux archicettes)
on y trouveroit la
mesme perfection que dans
les raïons desAbeilles.
11. Nous voicy donc forcez
par nostre propre experience
d'avouer que l'intelligence
qui guide les animaux,
de quelque nature
qu'elle foit, est infiniment
plus parfaite en son essence
, que l'esprit de l'homme.
Maisenmesmetemps
quelle honte n'est
- ce pas
pour nous, si nous faisons
cet aveu en faveur de créatures,
que nous traittons de
stupides, & pour lesquelles
nous avons le dernier mépris-
N'est-ce pas la nous
précipiter nous-mesmes de
ce throne de gloire ou nous
nous estions placez au def-
-
fus detoutce quirespire?
- Quel parti prendré dans
une telle conjoncture,ne
pouvant ny osterla raison
aux belles pour en faire de
pures Machines, sans tomber
dans un ridicule intolérable
; ny leur donner un
principe spirituel sans estre
obligezd'abbaisser nostre
amour proprejusquà consentir
de le faire infiniment
plus parfait que nostre
ame.
Je ne voy plus d'autre
parti que de reconnoistre
dans tous ces effets singuliers,
oùla raison & le jugement
reluisent, le doigt
de l'Autheur de la nature,
( vereeniimdigitus Dei hi,cess )
ôc d'avouer que c'est sa
main qui se fert alors librement
des bestes, comme
d'un instrument sensible
pour se faire admirer, 0&
pour nous enseigner les leçons
de sa sagesse & de sa
justice. Voilàcetteintelligence
toujours libre, & infiniment
estevée au dessus
dela nostre, qui n'a besoin
ny de regles,ny d'apprentissage,
ny d'instruments,
pour operer tous ses miracles;
qui est toute en toutes
ses créatures,& toute en
chacune, sans leur estre aucunement
asservie,,& sans
estre déterminée par leurs
organizations presentes,
comme les Carthesiens le
prétendent, puisque c'est
elle au contraire qui en
produit librement tous les
mouven ens judicieux,selon
les differentes conjonétures
où elles se trouvent; le
tout uniquement pour leur
conservation
, pour nostre
utilité, 6c pour sa gloire.
Et si elle ne tire pas de chaque
sujettout ce qu'elle
pourroiten tirer, c'est quelle
a voulu manifester sa
secondité, en multipliant
& variant ses sujets indefiniment,
afin d'exciter davantage
nostre admiration,
&de lareveiller continuellement
; au lieu qu'elle languiroit
bien tost, si nous
trouvions les mesmes operations
dans coures les bestes.
Par ce moyen toutes
les difficultez sont levées;
nous nous délivrons du ridicule,
de vouloir tirer une
raison ( & une raison tressuperieure
à la nostre ) d'une
Machine purement materielle;
& ceux à quila propre
conscience de leur libertédans
les operations
intellectuelles,nefuflitpas
pour les sauver de la terreur
panique de devenir aussi de
pures Machines,files bestes
estoient telles, font entièrement
rasseurez. Nous
ne nous dégradons point
de nostre estat,en nous mettant
au dessous de l'intelli*
gence qui meut les bestes;
puisque nous y reconnoissons
l'Auteur de la nature,
qui se dévoile, pour ainsi
dire, librement & de luymesme
à nos yeux; nous
confondons aussi l'endurcissement
des Athées, en
adorant sa providence, &
nous trouvons un moyen
facile pour expliquer tout
ce qui paroist de plusmerveilleux
dans les actions
des bestes, sans qu'il nous
en couste aucun travail, ny
aucune estude.
12. Je ne prérends pas
cependant par là osteraux
belles une espece d'ame
materielle
,
qui préside à
leurs operations vitales, &
qui soit mesme susceptible
desentiments,&de perceptions,
de plaisir,de douleur,
de joye,de tristesse,de colere,
d'amour,decrainte, de
haine, de jalousie,&de toutes
les autres passionsqu'on
remarque dans les bestes;
même encore si on le veut,
d'imagination, de memoire&
d'action,parce que ces
operations sont encore infiniment
esloignées de la raison.
Je soustiens au contraire
que toutes ces passions
ou actions se passent
uniquement dans les esprits
animaux,qui sont contenus
dans leur cerveau, ans leurs nerfs, & dans
leurs membranes. Car il
suffit pour cela que ces cCprits
coulent continuellement
dans le sang, dans les
autres humeurs, & dans
toutes les parties de leur
corps; & que de plus ils
soient capables de recevoir
les impressions des objets
extérieurs par les sens, d'en
conserver
conserver les motions ou
images, & que ces images
ayenc communication les
unes avec les autres, pour
produire toutes les actions
destituées de jugement ôc
de raison
, ce que je n'ay
pas entrepris d'expliquer
icy en détail. Je dis seulement
icy que ces esprits
animaux sont la feule ame
matérielle
,
sensitive & animale,
Ôc la forme substantielle
des bestes, dont l'Autheur
de la nature se sert librement
pour produire
tout ce qui est au dessus de
la nature, je veux dire ce
qui tient de la raison & du
jugementsans qu'il soitnecessaire
de leur donner encoreune
ame spirituelle,qui
compare ces images formées
dans les esprits,qui
conçoive des idées & des
partions à leuroccasionqui
reflechissesur elle
-
mesme,
& sursesoperations,qui soit
capabledese déterminer la
première,&quisoitsusceptible
de rtgles.)ou de connoissances
universelles &
âb'ftriiittcs,comme la nostre,&
cela par lesraisons
que nous avons rapportées.
Il est évident que nous
ostons par là toute connoissance
aux bestes, pour leur
laisser feulement la vie, la
perception, & le mouvement
, comme font les CarteGens;
parce que cela
suffit pour leurs opérations
naturelles & vitales; &
qu'à l'égard des autres ope- A rations, cette âme materielle
,
sensitive & animale
, cette forme substantielle
n'enest que l'organe
& l'instrument
,
qui bien
loin de déterminer l'Auteur
de la nature à agir d'ue maniere
machinale&fcrvile,
comme le prétendent ces
Messieurs,est au contraire
déterminée par ce mesme
Auteur àsuivre ses impressions,
& à produire les actions
dont la matière est incapable
par elle.'-mefnJc.
Ainsi nous devons bien distinguer
deux especes d'operations
de Dieu dans les
bestes; la premiere qui est
leur vie est generale& éloignée
,
elle est déterminée
par les loix qu'il a establies
en formant le monde&a
parconsequent une connexion
necessaire avec tous
les autres mouvemens qui
s'y font; on peut l'appeller
à cause de cela naturelle &
necessaire; la secon de au
contraire estlibre & comme
surnaturelle,elle ne dépend
au plus que des conjonctures
presentes, & nullement
des organes ou des
loix gencrales. La première
est ce qu'on entend par
le simple concours de Dieu;
la feconde est l'effet d'une
Providence qui ne differe
du miracle, qu'en ce
qu'il ne produit aucun dé..
rangement sensible dans la
nature, &qu'il ne manque
jamais de se faire dans IC4
mesmescirconstances, parce
que Dieu est toujours le,
mesme;c'est si l'on veut un*
miracle naturel & ordinaire>
qui n'est méconnu ôc
ignoré
, que parce qu'il est
tousjours present aux yeux
detous les hommes.
lame des befles.
w Une personne de ma
connoissance qui a vescu
pendant9.années dans la
Loüiziane au Canada,m'a
assuré que rien n'etf plus
certain,que ce que Lahontan
& autres Auteurs rapportent
des Castors de ce
Pays; sçavoir
, que ces
animaux s'assemblent en
quantité, & rongent par le
pied,des arbres qui font le
long des bords des ruisseaux
, en telle forte qu'ils
les font tomber dans le
travers de l'eau pour en arrester
le cours, & soustenir
la terre qu'ils jettent
ensuite dedans au devant
de ces arbres,& dontils
font des Chaussées. Et pour
cet effet la societé de ces..,
ouvriers est commandée
par un chef; les uns cernent
& arrachent à belles
dents des gazons, & les
chargent ensuite sur les
queuës des autres ,
qui
font faites comme une
fole ; ceux-cy marchant
gravement & droits sur
leurs jambes de derriere,
traifnent leur charge jusques
surces arbres, &la
déchargent ensuite dans
l'eau. A mesure que la digue
s'esleve il y a des ouvriers
qui ont soin d'y pratiquer
des appartements
pour se loger
,
des greniers
pour conserverl'écorce
d'arbre qu'ils y amassent
pour leur nourriture; & des
galleries souterraines pour
aller à la pesche dans les
estangs formez par ces digues.
Ily a jusqu'à des hospitaux
pour retirer leurs
malades fatiguez du travail
; & d'un autre costéles
faineants qui se couchent
sur le dos pour sereposer,
sans avoir le dessous de la
queuë écorché,à force de
charier des gazons, y sont
rigoureusement punis &
chassez. Les digues sontartissement
recouverres de
gazon,ensorteque la pluye
ne peut les endommager,
&qu'on passe aifémenc desfus
sans se douter de rien.
Beaux exemples que les
stupides bestes nous fournissent,
nonseulement pour
avoir soin des malheureux,
mais encore pour ne point
souffrir dans les Etats de
ces gens qui se croyent
uniquement faits pour vivre
& joüir du travail d'autruy.
f
4. On sçait assez que les
bestes ontaussil'instinctde
chercher des remedes pour
leurs malades; que les
Chiens mangent du chiendant
pour s'exciter à vomir;
que les Gruës se donnent
des lavements;que
les Macreuses qui n'ont
pointde jabot avalent force
petits cailloux, pour broyer
dans leur gozier les petits
coquillages dont elles se
nourrissent
, & quantité
d'autres singularitez qui
regardent leur santé. Et
peut estre les hommessont
ils encore redevables aux
bestes des premieres régles,
de la Medecine.
Prétendra-t-on donc en-»
core que les machines font
aussi capables de prévoyance
& de crainte, de former
des societez, de bastir des
domicilles, d'avoir pitié
des malheureux,de punir
les vauriens,& en un mot
1
de trouver des remedes
contre ce qui peut les endommager?
Il vaut mieux
penser que les premiersAuteurs
de ce beau systesme
n'avoient pasune parfaite
connoissance des proprietez
des bestes, & que leurs
Sectateurs ont mieux aimé
s'attacher servilement à
leur opinion; que dese
donner la peine d'examiner
eux mêmes la question
avec toute rexaaitlldeù'loo
elle demande,comme ce
n'est que trop l'ordinaire.
5. A l'égard de rinfiind:
des belles pour ce qui regarde
l'éducation de leurs
petits, qu'yac-il de plus
admirable que de voir cette
méprisable & stupide
Araignée, dont nousavons
déjà parle, s'ourdir un sac
d'une toiletres-fine& trèsforte,
pour y pondre & y
conserver ses oeufs. & ses
petits : Un Loriot suspendre
son nid à 3. branches
d'arbre par trois fils de plus
d'une demie aulne-de longueur
chacun, de crainte
apparemment que les Ecureuils
ou les Belettes ne.
viennent manger les oeufs,
ou ses petits; & qui fçaic
aussi si ce n'est point en^-
core pour bercer ces nouveaux
nez, & les endor*-
mir, tandis que leurs pa.
rens leur cherchent la vie?
UnTirarache ou Moineau
aquatique attache le ben
librement à deux ou trois
roseaux
,
afin qu'il puisse
flotter sur l'eau-, hausser &
baisser comme eUe, rani
en estré emporré, c'estce
que j'ay vû plusieurs fois
avec beaucoup d'admiration.
On raconteaussi
Jes stupides Hiboux ont
foin decasser les pattesaux
souris qu'ils apportent à
leurs petits, & qu'ils la-if.
sent en reserve dans leurs
trous, ôc mesme d'appor.
ter dubledà ces souris pour
vivre, afin que leurs jeunes
éleves ayent le plaisir de
lescroquertoutesvivantes^
quand la faim les prend
e qu'ils trouvent tousjours,
par ce moyen dela viande
fraischeàmanger.Sur tout
les Aigles ont grand foin
de plumer ôc çl'a^acher le
poil des animaux qu'ils apportent
à leurs petits, de
crainte qu'un peu trop de
gloutonnerie ne les sasse
étrangler. Jeneparle point
des Guenons qui portent
leurs petits sur leurs épau*
les jusques au haut des
toits & des arbres, pour
leur apprendre à grimperr
& peut estreaussiàmépris
ser les dangers.
Mais je ne fçauroisassez
admirerlirft'nd: qui don
ne une intrépidité & un
courage surprenant
, ( &
qui va quelquefois jusqu'à
la sureur)aux animaux qui
ont des petits, pourenoser
attaquer d'autres d'ailleurs
beaucoup plus méchants
qu'eux,& les chasser, lorsqu'ils
s'en veulent approcher
; ny cette tendresse
plus que maternelle qui
porte les Perd rix à se jetter
pour ainsi dire dans la
gueule des chiens de chasse
pour les amuser,& don
ner lieu à leur petits de
sévader; cVil ce que j'ay
veu cent fois, non
lins
un
veritible estonnement.
Qu'y a t il deplusconstante.
& en mesme temps
de plus inconcevable que
l'histoire des Pigeons qu'on
emporte d'Alep à Alexandrette
en Syrie( ou tout au
contraire) par l'espace de
50. ou 60. lieuës, & qu'on
lasche ensuite avec une lettre
aucol, sitostqu'on est
arrive; car ces courriers
de l'air prennent aussitost
leur essor jurques au dessus
des nuées, & montent tant
qu'ils apperçoivent leur
chere patrie, & le lieu de
leurs petits,& de leurcompagne,
où ils se rendent en
trois ou quatre heures de
temps au plus. Par ce moyen
on apprend des nouvelles
toutes recentes, quon
ne pourroit sçavoir,que
plusieurs jours aprés. Ilest
évident aussi que les différentes
especes de Mouches
à miel, comme les Abeilles,
lesGuespes, les Freflons
,
Bourdons) Taons
,
&c. doivent avoir une sagacité
pareille à celle des
oiseaux,pourreconnoistre
le lieu de leur domicile &
leurs rusches. Goedart écrit
dans son Livre des insectes,
qu'il a eu chez luy
unetaniereouil aobserve
que les Taons, lorsqu'ils
travaillent aux cellules devinées
pour leurs oeufs, ont
aussi un Commandant
comme les Castors, lequel
a soind'eveillerles ouvriers
dès la pointe du jour par le
bruit de Ces ailes. Qu'auuitost
chacun s'en va à son
ouvrage , ceux qui ont un
an paffé vont chercher la
cire & le miel, pour bastir
les cellules ou nids, & pour
vivre, & outre cela de l'eau
pour détrem per de la terre
& en former des voûtes.
Les jeunes Taons comme
aides maçons,détrempent
cette terre, & en font des
boulins ou rouleaux qu'ils
roulent ensuite avec leurs
pieds dederrière jusqu'aux
sommets des ouvrages, ou
les plus anciens qui ne sont
plus propres qu'à bastir les
reçoivent, & en forment
des voutes au dessus deces
nids, de crainte qu'il ne
tombe de la terre dedans.
Les plus vigoureux ont foin
de faire la chatTe) & d'étrangler
sans misericorde
les vauriens, qui non contens
tens dene pointtravailler,
vont encore manger la
nourriture des leur, ouvriers en absence,;
Sil'ontraittoit ainsitous
ceux qui en usent de mesme
dans les Estars policez,
il n'y auroit pas tant
de faineants& de voleurs
& l'abondance y regneroic
en la place du brigandage.
Au reste quoyque je n'aye
pas de témoin oculaire des
merveilles des Taons, il
n'y a pas
@
cependant plus
de peine à les-croire que
celles des;Fourmis& dee
Castors dont je suis certain,
ou que celles des Abeilles
qui les surpassent
peut-estre encore de bien
loin, comme on laveudans
le Mercure de Paris de fan.
née1712.. au mois d'Avril.
Car on peut asseurer qu'il
n'y a peut-estrepasd'animal
si brute qu'il foit
;
qui ne devienne comme
sensé &intelligent lorsqu'il
s'agit de sa conservation,
ou de la production
de ses petits. Est- il rien
qi4i paroiiflcplustbFute ql.Í.
ui* Limaçon?ilcreuse cc*
pendant un nid en terre
pour y pondte ses oettfs; il
les couvre ensuite d'une
especedecole quise durcit
extrêmement, & qui les
conserve contre les insectes
& contre toutes les injures
du temps. Qu'estildeplus
pefanc qu'une Tortue, elle
fort néanmoins du fond de
la mer, elle vient creuser
un nid dans le fable où elle
fait sa ponte,& recouvre
ensuite ses oeufs de ce met
me fable,afin que la chaleur
du soleil suppléé au
deffaut de lasienne
, qui
ne feroit pas suffisante pour
les faire éclorre. Les Saumons
& plusieurs autres
poissons remontent les ri.
vieres jusqu'à leur source,
& fouvenc par. respace de
plus de cent cinquante
lieues
, pour femer leurs
oeufs sur la bouë Ôc dans
une eau peu profonde afin
que la chaleur du Soleil
puisse les faire éclorre.
Faut-il que desbestes
pour qui nous avons tant
de mépris., surpassent la
,
pluspart des Peres & Meres
en tendresse &.. en soins
1
pour l'éducation de leurs
enfants?
•
Quoy donc les Machines
opereront-elles aussi des
prodiges pour enfanter
d'autres Machines, pour
les conserver, & pour leur
sauverla vie; & a pprendront-
elles à nos amesraisonnables
à avoir des sentimens
de rendresse & de
crainte;àestrelaborieuses,
soigneuses , courageuses ,
& tantd'autres vertus necessaires
à l'éducation des
pietits?Mais auparavant que
de quitter ce sujet,considerons
un peu quel plaisir
nos bestes brutes prennent
à exercer leurs jeunes adul.A
Ks, désqu'ils commencent
à courir, voler, ou
nager. Ne diroit-on pas
qu'elles ont recouvert une
nouvelle jeunesse pour
jouër & folastreravec eux?
Que ne doit.on point penser
aussi des jeux de ces
jeunes animaux,qui sont
remplis de feintises,d'imitations
,
& de singeries ;
tantost ils feignent d'estre
fort en colere ; & dese
mordre tantost de fuïr tantost de poursuivre,tan-r
tost de flatter
,
tantost
-
de
craindre,en un mot ils imitent
parfaitement les jeux
des enfants, qui ne font
jeux qu'en ce qu'ils ne sont,
comme ceux- là
, que de
pures fictions. Il n'est pas
jusques aux plus stupides
animaux,dont les amufementis
de jeunesse ne eausent
beaucou p d'admiration
,
& de plaisir à ceux
qui les observent. Si quelqu'un
en doute,iln'a qu'à
considerer pendant quelque
beau jour de Printems,
les jeux des jeunes Arai-r gnées des jardins. On les
trouve au iixleil contre les
muraillesqui selivrent mita
le combats,moitié feints,
moitié san g lants
; là elles
(e mordent
,
se précipitent.
s'arrachent les pattes, 5e..
tranglent, & surpassent de
bien loin,tout ce qu'on rapporte
des gladiateuts sur les
arenes.
Les Machines seront-elles
donc encore capables
de fictions
,
& d'imitation
comme les enfants, & produiront-
elles
duiront-elles des opera»
tions pour lesquelles e lles
ne sont pas veritablement
montées? Une montre par
exemple qui est montée
pour marquer deux fois
douze heures par jour, s'a).
visera-t-elle, pour se divertir
, & pour nous jouër, de
les marquer en une heure,
& reprendra telle ensuite
d'elle-mesme son serieux,
& son veritable train. J'avouë
qu'on entrevoit des
étincelles de liberté dans le
delire des enfants, par la
communication qu'ils ont
avec nous de leurs pensées
, & que nous ne pouvons
rien appercevoir de
semblable dans les animaux,
avec lesquels nous ne
pouvons point avoir cette
sorte de commerce. Mais
avantd'entrer plus avant
dans cette discussion, examinons
encore quc!qucs
vertus des bef.l:e)q.ui nous
aideront à prendre parti
plusseurement.
7. Tout le monde sçait
assez l'arrache,la fidélité,
la soumission & la reconnoissance
, que les Chiens
ont pour leurs maistres,leur
docilité,l'impatience qu'ils
ont de les revoir quand
ils sont absens
,
la tristesse
que cette absence leurcause
,& la joye qu'ils marquent
quand ils les retrouvent,
ou lorsqu'ils peuvent
leur rendre quelque service;
avec quelle chaleur ils
prennent leur deffense,
leur patience à en souffrir,
leur perseverance à leur
estresoumis,leur contrain- te&leurcomplaisance pour
eux. Undemesamisayant
fait emporter à dix lieuës
de Paris un vilain Chien ,
qui s'estoit addonné chez
luy
5
& qu'on n'avoit pû en
estranger à force de coups
de baston; ce Chien revintà
samaison aprésquelques
jours.Le maistre las de
lemaltraiter luy fit lier les
quatre pattes, attacher une
pierre au col, & lefit jetter
de dessus le pont Marie
dans la Seine. Le Chien ne
laissa pas de se sauver, ( ce
que j'aurois toutes les peines
du monde à croire,s'il
ne m'estoit arrivé une chose
toute pareille, ) & s en
revint au plus viste donner
de nouveaux tefmoignages
d'une fidélité & d'une foumission
inviolables à son
maistre adoptif, lequel en
fut tellement touché d'estonnement,
qu'il changea
dans le moment toute sa
rigueur enaffection.Tout
Paris a veu avec surprise, il
y a eennYvilrroonncfi.:nlnqquuaannttec 'ilnn's)
la constanceinvincible
d'un Chien,qui demeura
pendant plusieurs années
collé sur la fosse de son maistre,
dans le cimetiere des
saints Innocens , sans que
"Dy flatteries, ny nlrnaces.
ny lâFhecelïite peussent l'en
tirer. Ayantblesséunefois
un Lievre,il k sauva dans
tuàfe vigne
y
oùje le suivis
à lâ vbix de mes Chiens;
peu dete-n, psaprês;les voix
ayant etffé-,jc&urav
qu'ils*T-avoientafrêïïé-,<K
comme je les clltrèhÓisa
costé & d'autre
,
j'en ap -
perceus un qui venoit à
moyen grande diligence;
me flattant & thc caressant
,
aprés quoy il s'en
retourna avec beaucoup
-V
d'em pressement,ce qui me
fit comprendre qu'il falloir
le suivre: pendant que je
marchois, il prenoit le devant,
& revenoit fouvenc
sur ses pas, marquant tousjours
de l'im patience; à la
fin il ne revint plus, &
m'estant un peu avancé,
j'entendis mes deuxChiens
( d'ailleurs tousjours tresbons
amis) qui se mangeoient
l'un l'autre.Dés que
le second m'aperceut il prit
aussitost la suite
,
fentané
apparemment que ficatifë
n'estoit pas bonne. 1c vis
effectivement que le sujet
de leur querelle estoit que
le second avoit fort endommage
le Lievre pendantl'absence
dupremier,
lequel au contraire me caressoit
avec beaucoup de
confiance,comme pour me
marquer son innocence de
sa Cfiodmélibtiée.n
de belles regles
de morale ne peut-on
pas tirer de tousces exemples
; mais il vaut mieux
que chacun aitle plaisir de
les endeduire, que d'ennuyer
icy le kdieur par des
reflexions qu'il peut faire
aisément luy-mesme.
Je ne sçaurois cependant
m'empescher de luy
faire observer,que ces marques
de fidelité, de complaisance
& de retenuë,
n'ont gueres de compatibilité
avec l'idée que nous
avons d'une machine, qui
doit tousjours aller son
train, & tendre droit à sa
fin, dez qu'elle est une fois
desmontée d'une certaine
façon.
8. Que ne devons. nous
point penser encore de la
réglé que la pluspart des
belles observent dans toutes
leurs actions; les unes
ne sortent jamais qu'à une
certaine heure de nuit pour
chercher leur vie, ou une
com pagne,comme les Becasses,
les Lapins,les Limaces
,
les Herissons
,
les
Hiboux, & quantité d'autres
animaufc nocturnes
& sauvages qui rentrent
tous constamment à une
certaine heure du matin;
D'autres au contraire tid
manquent jamais de s'éJ
Veiller au lever du soleilJ
&de se rendormir à ion
coucher, ne perdanr pas
pour ainsi dire un seul ravon
de sa lumiere. En
Jquoy certes ils font beaucoup
plus dignes de louanges
que tant d'hommes déréglées,
qui paissentléurvie
comme les Hiboux, veillant
toute la nuit, & dormant
tout le jour.
On sçaicaussi que quan
tité d'oiseauxpassent tous
les ans des pays chauds:
dans des contrées plus temperées,
pour se sauver de
l'ardeurdusoleil. D'autres
au contraire
, vont des
paysfroids dans les mesmes
comrees, pour eviter
la rigueur de l'hyver, & les
uns & les autres s'en retournent
tous les ans d'où
ils font venus; sans que la
distance decinq ousixcens,
lieuës de pays, ny les trajets
des mers,soient capables
de leur faire Interrompre
leur réglé ( passant airtsi
toute leur vie comme des
voyageurs .& des étrangers
sur la rerre) Entre les differens
oisèaux les uns se
marient pour un temps,
d'autres mesme pour toute
leur vie) comme les
Tourterelles. Ils ne connoissent
point le divorce,
&. leurs mariages demeurent
inviolables, jusques à
ce que leurs petits n'ayent
plus besoin de leur secours.
Quel sujet de confusion
pour tant d'hommes d'ailleurs
raisonnables, mais
certainement inférieurs en
cecy aux bestes. De plus
le mariage n'est point en
eux une lubricitépuisqu'il
ne se contracte unique.
ment que pour la generation.
C'est pour cela que
leur rut dure si peu,&qu'il
ne vient que dans des tems
reglez& propres pour l'é.
ducatiori des petits; au lieu
que la lubricité des hommes
débauchez est perpetuelle.
«>. Disons encore un mot
de la chanté, de l'honnes.
teté & de lajustice que les
belles exercent entre elles,
outre ce que nous avons
remarqué des Cerfs à l'égard
de leurs compagnons
fatiguez, des Castors, des
Taons,& des peres &meres
a regard de leurs petits.
Plusieurs, ont apparemment
entendu dire un ancien
Proverbe, asinus asinum
fricat, mais peu en
gavent la vericable raison,
& peut estre que çeluy qui
la mis au jour ne la sçavoit
pas bien IUY.tesme. Pour
donc l'entendre
,
il faut
considererque quandun
Cheval, Asne ouMulet ne
sçauroit se gratter en quel.
que partie de son corps qui
: hlY démange, comme sur
le dos, le col, ou la teste, ils'approche de son cama.
rade, & le grate al'endroit
pareil à celuy quiluy démange.
Aussitost ce compagnon
charitable ne manque
pas, comme comprenant
le besoin de son camarade
, de le grater au
mesme endroit où il a esté
graté, & souventmesme
de l'avertir d'un endroit
qui luy demange aussi
> ôc
c'est alors qu'il est vray de
dire (qu'un Cheval grate
un autre Cheval, ) ces animaux
se prellant alors un
secours mutuel, dont chacun
a bes•oin, & dans l'en. k droic
droit qu'il souhaine. Qui
est-ce qui n'a pas veu les
Chiens d'un logis, & mesme
d'une rue, courir à la
deffense d'un de leurs camarades
attaque par quelqu'autre?
Qui ne sçait pas
la complaisance & les égards
qu'un animal a pour
un autre de mesme espece
plus jeune, ou plus foible
que luy
, & celle que les
masles en general ont pour
toutes les femelles? Qui
est:ce qui n'a pas remarque
le soin que les Chats
ont de cacher leur ordure,
ôc de nettoyer leur toison ?
Les oiseaux ont le mesme
foin de nettoyer les nids de
leurs petits, & les fourmis
leurs fourmillieresOnsçait
assez que les animaux corrigent
leurs perirs,-& quemesme
cespetits ont pour
létor^merèstoute'sa fbumissionpossible,
mais peutestre
tout le rriendenè sçait
f>rs queles Fôùrrftfa àidenif
courêS en : tbminun 'ccllè&:.
quiviennent s'estabmordans
fëurvôisinàge^Icdnftrmfé
fài/tfelji^iltiere*, qu'elfes
tfeÂir1 ^rêft?entdateur'graiiï
pendant ce temps-là, &
que celles-cy le leur rendent
fidellement
,
quand
leurestablissement est fini.
Que les Fourmis exercent
en rigoureux supplice contre
les Fourmis larronnefses
ou paresseuses, en les
déchirant à quatre. Mais
on ne finiroit jamais, si l'on
vouloit ra pporter toutes les
singularitez morales qu'on
remarque dans la conduite
des animaux;& peut-estre
arriveroit- on à s'asseurer
un repos & un bonheur
parfait dés cette vie, si on
estoit allez prudent pour
en bien profiter.
Qui pourra penser aprés
cela que les belles soient
de pures Machines, toutes
matérielles, meuës feule-
X ment par des loix du mouvement
générales & estoignées
J
dépendemment
d'une organisation de parties.
Il vaudroit autant faire
tout d'un cou p de la raison
& de la prudence hu-,
maine une espece de Ma-,
chine, necessitée aussipar
les mesmes loix, & par consequent
aveugle & sans li.
berté; mais dans quel excez
d'aveuglement faudroit-
il tomber pour imaginer
une telle chimere;
& quand mesme uneraison
dérangée pourroit y consentir,
nostre sentiment intérieur
ladementiroittousjours.
10. Que penser donc
maintenant sur la nature
du principe qui meut les
bestes, voyant qu'il est
pourveu de tant de belles
& bonnes qualirez ; qu'il
cft si judicieux, si vigilant,
si prudent, & si reglé dans
toutes ses opérations; tandis
que nostre amé au contraire
est sujette à tant
d'imperëfdibns&devices;
à T-éVréur5 à linjtTftice; à
l'ingràtitude, à l'infidélité,
àl'oisivetéà l'inhumanité,
à: l'impicte,a I'hypocrifie&
au dereglementdes moeurs.
Mais cette différence est
encore peu de chose, (s'il
rit permis de le dire) en
comparaison de cettequi
setire de la sagacité des
bestes à executer leursou.
vrages sans aucune estude,
&mesme sans aucun inftrument
étranger; tandis
que nos ouvriers font au
contraire obligez de faire
dé longs apprentissages,
d'où souvent ils sortent encore
fort ignorants, quelquefois
mesme font-ils
tout-à-fair incapables dé
rien apprendre. Nos Architectes
( par exemple) ne
sçatiroient bastirsansavoir
âppris avec bien du temps
&des peines les réglés dé
la Geornerrie& de l'Archirecture.
Cependant les Gac.
tors duCanada font des
digues&desappartements
pourse loger, conformes
à la droite architeaure sans
avoirappris aucunes réglés.;
Les Taons font de
mesme leurs voûtes sans le.
secours d'aucuns precepres,
que de leur bon genie. En
un mot les animaux construisent
leurs ouvrages de
la maniere qu! est tousjours
la plus parfaite en
chaque espece, comme
nous l'avons fait voir par
l'examen des raïons des Abeilles;
dans le mémoire
cite cy- devant, article l.
J'avoue qu'en cela mesme
me les bestes paroissent
bornées dans leurs operations;
elles ne sçavent point
varier leurs ouvrages en
uneinfinité de manieres.
comme l'homme, elles
sont, pour ainsi dire, asservies
à leur sujet ;au lieu que
l'homme travailleen maistre
dans ce qu'il possede.
Outre qu'il rassemble, pour
ainsi dire, éminemment en
luy toutes les inventions
dont les différents animaux
sont capables;& quoyqu'ii
n'y parvienne qu'à force
de travail&de temps,cela
ne laisse pas de prouver
parfaitement la fecondité
de son genie. Mais cette
secondité ne suffit pas pour
luy donner la Préférence
du codé de la perfection;
d'autant plus que les bestes
sont aussi capables par leur
docilité, d'apprendre une
infinité dechosestrès singuliere,
outre celles qu'elles
tiennent de leur inClinét
naturel. Ensorte que si les
bestes pouvoient le communiquer
leurs idées comme
les hommes font entre
eux, & si elles avoient des
mains, & des instruments
propres à tout executer
comme nous, peut-estre
auroient-elles aussi chez elles
des arts beaucoup plus
parfairs que lesnostres.J'ay
veu il y a environ dix ans
à la foire de saint Germain
un animal appelle Fecan,
assez semblable à un Renard
,
excepté qu'il a les
pattes d'un Singe, il se fervoit
de celles de devant
avec une adresse surprenante.
Au contraire les animaux
les plus stupides ont
les pieds ordinairement les
moins divitez. Il y a plusieurs
animaux qui ont la
partie de l'oreille appellée
le labyrinthe, semblable à
celle de l'homme, comme
les Chiens
J
les Chevaux,
les Elephans, les oiseaux
,
&c. lesquels sont tres- sensïbles
à la musique;ôc ceux
au contraire qui en font
privez y sont tout-a-fait in.
sensibles, furquoy l'on peut
voir nostre discours de l'oreille
imprimé en 1711.
dans le Mercure de Février,
d'où l'on pourroit inferer,
que si les bestes paroissent
si bornées, c'est du moins
en partie, parce que les instruments
leur manquent.
Mais du costé de la perfection
il ne faut qu'examiner
leurs ouvrages avec exactitude
, pour voir qu'elles
remportent de bien loin
sur nous. Si l'on se donne
la peine, par exemple,de
considerer la figure du
fond des cellules des Abeil.
les, & de quelle maniere
cescellules sontassemble'es
&oppocées les unes aux autres,
on fera forcé d'avouer
que l'intelligence qui les
conduit,est naturellement
pourveuë des connoissances
de la Géométrie,& de
l'Architeâure, & que pour
donner la mesure la plus
parfaite aux angles plans
ôc solides qui s'y rencontrent,
il faut qu'ellesçache
non seulementle calcu l des
triangles, mais mesme l'Algebre
; qu'elle possede les
proprietez de la sphere, &
des polyedres in scrits ôc
circonscrits; & en un mot
tout ce que nos plus habiles
Architectes ne sçavent
que fort mediocrement;
puisque ces cellules admirables
renferment toute la
perfeaion quecessciences
demandent,tant pour avoir
de la solidité & de la régularité
, que pour s'assembler
les unes avec les autres,&
pour s'y loger commodément
& seurement j ôc je
ne douté nullement que si
l'on faisoit un examen pareil
à celuy-cy des ouvrages
des Castors, des Taons ôc
des autres animaux archicettes)
on y trouveroit la
mesme perfection que dans
les raïons desAbeilles.
11. Nous voicy donc forcez
par nostre propre experience
d'avouer que l'intelligence
qui guide les animaux,
de quelque nature
qu'elle foit, est infiniment
plus parfaite en son essence
, que l'esprit de l'homme.
Maisenmesmetemps
quelle honte n'est
- ce pas
pour nous, si nous faisons
cet aveu en faveur de créatures,
que nous traittons de
stupides, & pour lesquelles
nous avons le dernier mépris-
N'est-ce pas la nous
précipiter nous-mesmes de
ce throne de gloire ou nous
nous estions placez au def-
-
fus detoutce quirespire?
- Quel parti prendré dans
une telle conjoncture,ne
pouvant ny osterla raison
aux belles pour en faire de
pures Machines, sans tomber
dans un ridicule intolérable
; ny leur donner un
principe spirituel sans estre
obligezd'abbaisser nostre
amour proprejusquà consentir
de le faire infiniment
plus parfait que nostre
ame.
Je ne voy plus d'autre
parti que de reconnoistre
dans tous ces effets singuliers,
oùla raison & le jugement
reluisent, le doigt
de l'Autheur de la nature,
( vereeniimdigitus Dei hi,cess )
ôc d'avouer que c'est sa
main qui se fert alors librement
des bestes, comme
d'un instrument sensible
pour se faire admirer, 0&
pour nous enseigner les leçons
de sa sagesse & de sa
justice. Voilàcetteintelligence
toujours libre, & infiniment
estevée au dessus
dela nostre, qui n'a besoin
ny de regles,ny d'apprentissage,
ny d'instruments,
pour operer tous ses miracles;
qui est toute en toutes
ses créatures,& toute en
chacune, sans leur estre aucunement
asservie,,& sans
estre déterminée par leurs
organizations presentes,
comme les Carthesiens le
prétendent, puisque c'est
elle au contraire qui en
produit librement tous les
mouven ens judicieux,selon
les differentes conjonétures
où elles se trouvent; le
tout uniquement pour leur
conservation
, pour nostre
utilité, 6c pour sa gloire.
Et si elle ne tire pas de chaque
sujettout ce qu'elle
pourroiten tirer, c'est quelle
a voulu manifester sa
secondité, en multipliant
& variant ses sujets indefiniment,
afin d'exciter davantage
nostre admiration,
&de lareveiller continuellement
; au lieu qu'elle languiroit
bien tost, si nous
trouvions les mesmes operations
dans coures les bestes.
Par ce moyen toutes
les difficultez sont levées;
nous nous délivrons du ridicule,
de vouloir tirer une
raison ( & une raison tressuperieure
à la nostre ) d'une
Machine purement materielle;
& ceux à quila propre
conscience de leur libertédans
les operations
intellectuelles,nefuflitpas
pour les sauver de la terreur
panique de devenir aussi de
pures Machines,files bestes
estoient telles, font entièrement
rasseurez. Nous
ne nous dégradons point
de nostre estat,en nous mettant
au dessous de l'intelli*
gence qui meut les bestes;
puisque nous y reconnoissons
l'Auteur de la nature,
qui se dévoile, pour ainsi
dire, librement & de luymesme
à nos yeux; nous
confondons aussi l'endurcissement
des Athées, en
adorant sa providence, &
nous trouvons un moyen
facile pour expliquer tout
ce qui paroist de plusmerveilleux
dans les actions
des bestes, sans qu'il nous
en couste aucun travail, ny
aucune estude.
12. Je ne prérends pas
cependant par là osteraux
belles une espece d'ame
materielle
,
qui préside à
leurs operations vitales, &
qui soit mesme susceptible
desentiments,&de perceptions,
de plaisir,de douleur,
de joye,de tristesse,de colere,
d'amour,decrainte, de
haine, de jalousie,&de toutes
les autres passionsqu'on
remarque dans les bestes;
même encore si on le veut,
d'imagination, de memoire&
d'action,parce que ces
operations sont encore infiniment
esloignées de la raison.
Je soustiens au contraire
que toutes ces passions
ou actions se passent
uniquement dans les esprits
animaux,qui sont contenus
dans leur cerveau, ans leurs nerfs, & dans
leurs membranes. Car il
suffit pour cela que ces cCprits
coulent continuellement
dans le sang, dans les
autres humeurs, & dans
toutes les parties de leur
corps; & que de plus ils
soient capables de recevoir
les impressions des objets
extérieurs par les sens, d'en
conserver
conserver les motions ou
images, & que ces images
ayenc communication les
unes avec les autres, pour
produire toutes les actions
destituées de jugement ôc
de raison
, ce que je n'ay
pas entrepris d'expliquer
icy en détail. Je dis seulement
icy que ces esprits
animaux sont la feule ame
matérielle
,
sensitive & animale,
Ôc la forme substantielle
des bestes, dont l'Autheur
de la nature se sert librement
pour produire
tout ce qui est au dessus de
la nature, je veux dire ce
qui tient de la raison & du
jugementsans qu'il soitnecessaire
de leur donner encoreune
ame spirituelle,qui
compare ces images formées
dans les esprits,qui
conçoive des idées & des
partions à leuroccasionqui
reflechissesur elle
-
mesme,
& sursesoperations,qui soit
capabledese déterminer la
première,&quisoitsusceptible
de rtgles.)ou de connoissances
universelles &
âb'ftriiittcs,comme la nostre,&
cela par lesraisons
que nous avons rapportées.
Il est évident que nous
ostons par là toute connoissance
aux bestes, pour leur
laisser feulement la vie, la
perception, & le mouvement
, comme font les CarteGens;
parce que cela
suffit pour leurs opérations
naturelles & vitales; &
qu'à l'égard des autres ope- A rations, cette âme materielle
,
sensitive & animale
, cette forme substantielle
n'enest que l'organe
& l'instrument
,
qui bien
loin de déterminer l'Auteur
de la nature à agir d'ue maniere
machinale&fcrvile,
comme le prétendent ces
Messieurs,est au contraire
déterminée par ce mesme
Auteur àsuivre ses impressions,
& à produire les actions
dont la matière est incapable
par elle.'-mefnJc.
Ainsi nous devons bien distinguer
deux especes d'operations
de Dieu dans les
bestes; la premiere qui est
leur vie est generale& éloignée
,
elle est déterminée
par les loix qu'il a establies
en formant le monde&a
parconsequent une connexion
necessaire avec tous
les autres mouvemens qui
s'y font; on peut l'appeller
à cause de cela naturelle &
necessaire; la secon de au
contraire estlibre & comme
surnaturelle,elle ne dépend
au plus que des conjonctures
presentes, & nullement
des organes ou des
loix gencrales. La première
est ce qu'on entend par
le simple concours de Dieu;
la feconde est l'effet d'une
Providence qui ne differe
du miracle, qu'en ce
qu'il ne produit aucun dé..
rangement sensible dans la
nature, &qu'il ne manque
jamais de se faire dans IC4
mesmescirconstances, parce
que Dieu est toujours le,
mesme;c'est si l'on veut un*
miracle naturel & ordinaire>
qui n'est méconnu ôc
ignoré
, que parce qu'il est
tousjours present aux yeux
detous les hommes.
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Résumé : Suite de la Dissertation Philosophique sur l'ame des bestes.
Le texte explore les comportements remarquables et les capacités des animaux, illustrant leur intelligence et leur organisation sociale. Les castors, par exemple, construisent des digues et des logements en abattant des arbres et en travaillant en société organisée. Ils prennent soin de leurs malades et punissent les fainéants. Les animaux cherchent également des remèdes pour leurs maladies, comme les chiens qui mangent du chiendent pour vomir. Les araignées construisent des sacs pour leurs œufs, les loriots suspendent leurs nids pour protéger leurs petits, et les hiboux cassent les pattes des souris pour les conserver. Les pigeons voyageurs sont capables de retrouver leur domicile après avoir été transportés sur de longues distances. Les fourmis et les abeilles démontrent une organisation sociale complexe, avec des rôles spécifiques pour chaque membre de la colonie. Le texte souligne la fidélité et la soumission des chiens envers leurs maîtres, illustrées par des exemples de chiens revenant chez eux malgré les obstacles. Les animaux montrent également des comportements admirables dans l'éducation de leurs petits, comme les chats qui cachent leur ordure et nettoient leur toison, et les oiseaux et les fourmis qui entretiennent leurs nids et fourmilières. Les animaux corrigent leurs petits et leur montrent de la soumission. Les fourmis, par exemple, aident celles qui déménagent et punissent les paresseuses. Le texte insiste sur le fait que les animaux ne sont pas de simples machines, mais possèdent des qualités morales et une intelligence remarquable. Ils construisent des ouvrages parfaits sans étude ni instruments, comme les castors et les taons. Les abeilles, par exemple, construisent des cellules géométriquement parfaites, démontrant une connaissance avancée de la géométrie et de l'architecture. Le texte conclut que l'intelligence qui guide les animaux est supérieure à celle des humains, qui sont sujets à des imperfections morales. Il propose que cette intelligence est l'œuvre de l'Auteur de la nature, qui se manifeste librement à travers les animaux. Enfin, il reconnaît que les animaux possèdent une âme matérielle capable de sentiments et de perceptions, mais sans raison ni jugement.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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12
p. 207-240
HISTORIETTE.
Début :
L'Amour n'est point à couvert de la destinée, & [...]
Mots clefs :
Amour, Inconstance, Destinée , Attachement , Beauté, Esprit, Gentilhomme, Affaires, Passion, Ambition, Mariage, Rivalité, Trahison, Séduction, Jalousie, Chagrin, Vengeance, Fidélité
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texteReconnaissance textuelle : HISTORIETTE.
HISTORIETTE.
L'Amour nJielt point à
couvert de la destinée
, &
les changemens qui arrivent
tous les jours dans
les liaisons les mieux establies
sont assez connoistre
que les mouvements de
nostre coeur ne font pas fixez
par le premier choix
que nous faisons. Un certain
je ne sçay quoy qui
nousentraisne en dépitde
nous, nous determine à
estre inconstans;& quand
mille exem ples ne serviroient
pas à justifier ce que
je dis,l'avanture donrje vais
vous faire part en seroit la
preuve. Une Demoiselle
fort bien faite,estimable
par sa beauté, & plus encorepar
son esprit qu'elle
avoir vif&très penetrant,
estantvenuë depuis peu de
-
mois prendre soin de quelques
affaires dans une petite
Ville peu esloignée de
Paris, y fut connuë en fort
peu
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de personnes
denaissance. Son pere
& sa mere qui estoient de
qualité, mais qui avoient
peu de biens, luy connoisfant
du talent pour venir à
bouc de mille chicannes
qui leur estoient faites,&
par lesquelles on taschoit
de renverser leurs précentions
,quoyquejustement
fondées
,
s'estoient reposez
sur elle de la conservation
de leursinterests,&
elles'appliquoitàles mainteniravec
tant d'exactitude
& de conduite, qu'elle
eut bientost demesté les
difficultez quiempefchoient
qu'on ne luy rendit
justice. Son habileté fie
bruit, & tout le monde
marquant de rempressement
pour la servis auprés
de ses Juges, un Gentilhomme
, maistre de son
bien, & des plus riches de
tout le Pays, n'épargna ni
son crédit,ni ses soins pour
luy faire voir combien il
prenoit de part à ses avantages.
Angelique receut
agréablement le secours
i
qu'illuy donnaj&comme
dans le besoin qu'elle avoic
de luy les visites assidues
luy estoient permises
,
insensiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru. Il connut bien
que ce qu'on luy Jonneroiç
en la mariant n'approcheroit
pas
'*
de ce qu'il pouvoit
prérendre; mais l'amour
commençant à l'cc.
bloüir,il considera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires,
& dans cette veuë,
il crut qu'illuy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'épouserunefille
qui luy apportant une
dote considerable
, ne se
mefleroit de rien, & n'auroit
l'esprit porté qu'àfaire
de la dépense.Labellequi
s'apperceut de la conquête
que son merite luy avoir
fait faire , la menagea si
adroitement, que le Cavalier
fut enfin contraint de
luydeclarer sapassion On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaisir. Elle lui
marqua une estimepleine
de reconnoissance ; & en
l'assurant que ses parens ne
luy seroient point contraires,
elle eut pour luy des
égards d'honnesteté & de
complaisance qui luy firent
connoistre qu'il estoitaimé.
Commeelle avoit de
l'ambition,elle voulut s'asfurer
un rang, & se servir
du pouvoir que sa passion
luy donnoit sur son esprit,
pour luy marquer qu'il y alloit
de sa gloire de pren dre
une Charge avant que de
l'épouser. Le Cavalier avoit
ce dessein depuis quelque
temps, & ainsi en luy promettant
de la satisfaire,il
ne faisoitquece qu'il avoic
desja resolu. Les affaires
d'Angelique s'estantterminées
de la maniere la plus
avantageuse qu'elleeût pû
le souhaiter
,
elle retourna
à Paris, où son Amant la
suivit deux jours après. Son
pere & sa mere qu'elle avoit
instruit de l'estas des
choses, luy firent un accuëil
tres-obligeant, & pour estre
moins en peril de le
laisser échapper, ils luy offrirent
un Appartement
chez eux. L'offre estoit trop
favorable à l'amour duCavalier
pour n'estre pas accepté.
Il logea chez le perc
de laBelle;& ne songeant
qu'à avancer ses affaires, il
prit son avis sur la Charge
qu'il vouloit achepter.Tandis
qu'ontravailloit à lever
des difficultez assez legercs
qui empeschoient de conclurre
le marché de cette
Charge, l'amour fit paroitre
sa bizarrerie par les sentimens
qu'il inspira au Cavalier
pour une soeur d'Angelique.
Cette cadetteavoit
dans les yeux un fort grand
deffaut, dont beaucou p de
gensne se seroient pas accommodez
; & ce deffaut,
tout grand qu'ilestoit
,
ne
pur dérourner le Cavalier
du dessein qu'il prit de ne
vivre que pour elle. Il est
vray ,
qu'excepté ce deffaut,
il n'y avoit rien de
plus aimable.Elle avoit un
tein qui ébloüissoit
,
d*$
traits reguliers dans tout
son visaoge,•des mains & desbras d'une beauté (ans
, pareiflle,uinentailleeaisée;&
fine; & ce quiengageoit
encoreplus,elle estoitdu
ne humeur si douce & G.
agreable queparcetteseulequalité
elleestoit digne
duplus fort amour. Plus
leCavalierla vit,plusil la
trouvacharmante.Illuy
contoit cent folies,& l'enjouëment
avec lequel elle
y répondoit, estoit tout plein de
4
feu ,&. d'esprit.
Riennedevenoit suspect
dans leurs conversations,
parce qu'elles se faisoient
sans àQCun. mystere
,
&:
que l'occasion qu'ils avoient
de se parler àtoute
heure les rendant fortfamiliers,
ne laissoitrienvoir
iqlui fûtrecherche.Eneffet/'
n'yavoit que des sentimens
d'honnestetéducôté
decetteaimable cadette,
qui ne doutant point que
leCavalier .n'épousait..sa:;
soeur,estoitincapable d'aller
pour luyplus loin que
l'estime. Il n'enestoit pasi
ainsi du Cavalier. Le pen^*
chantqui l'entraisnoitvers
Julie,c'estoit ainsiqu'on
nommoitlacadette, eut
tant deforcequ'aprés lui
avoit dit plusieursfois en
badinantqu'ilestoitcharmé
desesmanieras,ils'expliqua
enfin serieusement
sur l'ardent amour • qu'elle
layavoitdonné. Julietournantlachose
en plaisanterie,
luyditqu'il perdoit
l'esprit;toutes lesdeclarations
qu'illuyfit ensuite
luy attirant la mesmeréponse,
illuydemanda un
jour quel désegrément Ôir
dans
son
hitmëtïr[du dans
sa personneluy faisoit
croire qu'ilnemeritoitque
ses mépris. Julie, qaecc
reprochefurprir*seAÇEUS
obligée deluy répondre
d'un ton un peu serieuxi,
qu'il se faisoit tort auiff^-
bien qu'à elle quand il
l'accusoit de le me'priser,
,& que s'il lui eût marqué
del'estime avant quede
s'engager avec si^foeur/
peut-estrene lui eust-ellc.
pas donnésujet de seplain-
-ài-é.^u peu dereconnoiC*.
sancequ'elleauroiteu de
: ses sentimens; maisqu'en fl'eftâcoù estoient les choqu'avec
lesïrcferves-qu'il
trouvoit injustes. Cette réponse
animala passion ; Ce
fut assez qu'il crustt nedéplaire
pas pour l'engager
à aimeravecplus de vio-
~îehée;îl abandonna, son
coeur à tout son penchant,
& ne songea plus qu'à persuader
Julie de sonveritable
attachement. Comme
elle estoitsage, ellevoulut
leguérir en lui donnant
moins d'occasionsdel'entretenierdesonamour;
;rnâi$*plus elle avoit soin
de les éviter, plus illes re-
,
cherchoit.Cetempressement
fut remarquée .& il
:,fettahitbientoft& par
soninquiétude ,; lorsque
fpour le fuïr cette cadette- senfermoit exprisdans sa
chambre,&- par, les regards
pleinsdamour,qu'il
;jettoit sur elle quand illa
voyoitdeyant destémoins.
L'aisnée qui trouvaquel?-
cque refroidissementdans
les maniérés du CavalierJ, >» ensoupçonnaauflitoftla
cause.Ellç pritgardejqu^l
navoit plus auprès de sa
joçurces airs enjoiiez & lu
:bres qu1a-vou pris tantdç
ibis. Elle les .voyait embafailes
fitor quoleursyeuxfe
renconcroienr,ôçla contrainte
qu'ils s'ilup.osoient
J'un & rau.tre Ce lon les. div,
veerrescess'vy-ecuuëc1iCq¡uUt\lleessoobbHli--
geoient de s'observer, luy
fut enfin une indice de la
rrahifonqui lay cftoir faite.
Commeelle estoit ficre,
elle s'en feroit volontiers
vengeeenle prévenant par
ion cjungejnçncjmaisd
Je avpird£ fort peu de biens?en renonçantan
Cavalier elle
n'etoitpas furedexroirver
un :aurrc:fPareilquil'eust
confoléc xfesr avanrao-es
qu'elle auroit perdue ERllfe
rsfolut de dissimuler;& fc
Contenta desoulager ses
-t,' chagriné par- ; -, - ]4ùes quelques
plaintes qui deconcercerent
le Cavalier. Le troublequ'il
fit paroiflre suc
un aveu de son crimeelleen
tira desconfequettces
qui lui firent examiner
de plus prés tous lesfujers
quelleavoit de fe- deffier
de on amour.Leunma~-
riage ne se devant faire
quaprès cWEculcer lc+
vees touchantLr charge
qiriti vouloir-avoir'elfe
découvrit qu- ne teneit;
qu'à luy de les voir finies,
f&aqisuoeitlnesaiosbtrsetnacelpeosuqiuro'ii^eyn*c
avoir aucun autre fondée
mène que le defilein de gau
gner du terni. Remplie dfe
tous cés fouprons, & vouw
lanceftre* cclaircie dece
qu'elleapprehendoit relfe
pria son pere & sa mere
de vouloir presserlescheM
ses, leur faisant connoistre,
[ans leur parler de sa
foeur, ce qu'il y avoit
.4.r~q~~:~fqer~nT.
jypbftin^i<pn,4^Çav/alter
fur- les prétenduësdifficihi^
rez de la Charge avoic déjà
commencéàleur devenir
suspecte.-jlç, renrreriQrenten
particulier., & luy
dirent, que comme ilsl'a*-
voient logé chez eux >oni
lqïiuuarrnt^ijejrrodipc,..;dvaonirs'&tolountg^te-
.cçpips ^jiffçrpr le mariage
^IpAÈ p#i^^oit cpnvena>>;
que pour;:einpe^her.Iç?
fafcheu* difcoursril falloir
longerg terminerçette.af- fajre«Reliait mile.
fcefoin
-
d'attendre quileuft
fini (on autretraite. Le Cavalier
ne balançapoint far
le parti qu'il avoit à prendre.
IL leur repçjiditqu'il
se sôuvenoit dela, parole
qu'il avait doppée
, &
qu'il Tâ tiendrour avec joïç
en telteras qu'il leur plairoit*,
quilayoit promis d'entre
leur Gcndre., & qu'ilse
feroit un bonheur de le dc<-
venir, mais que ce feroit
en epousant la cadette pouf
qui il sentoit la plus violente
passion
;
qu'il trouçvoit
enelle tout ce* qui
pouvait lesarefairejq1!s
l'humeur de son aisnée êtoit
si peu compatiflante
avec la tienne , qu'elle rre
'hpeouurerurxoitque'terendre trial- ; Ce ques'ils rIl
soient ce qu'ildemandôté
aveclescplilsinftanresprte^
res; ilférdft côntrainrd'é (h
étirer.IlTenirStcette reponsèavec
tant de fermeté
,& toutcequ'ils purent
ce defleirieue si peud'efset,
quene voulant pas rifquer
une si bonne fortune,
ils se virent obligerde conïcntir
a ce qu'il voulÙr. La
feule condition qu'ils exigèrent
»fut que lachofe lè sirau.plustost&eri fçcrct,
afin Que l'aînée fit moins,
éclater."son rcfTehrimenc
quand elleapprendroic
luip injnftice-qui n'auroic,
plus de remède. Le transl
port qui l'obligea de se jet-l'
tera leurspieds pour leurs
rendre grâce de ce qu'ils
faifoiencpour luy, leur
fut une preuve dekvio-''
lence avec laquelle il aimait.
Ils direntà Angélique,,
que quelques raisons -'"~- :jl ¿Lt.,
q'u'Us eutreht: puappoftrf,
le CavalierNettoie si bien
mis en ceste de ne fc poins
marier-quiIn'tut traJcedc làCharge*qu'illeuravQÎt
este impossible den rien
obtenir.Elle compritce
vouloic direrirt refu?
siobstine, &ejifiic,p(qiie'c
audernierpoint: Cependant
toutseconcerroit fccfrecëitientpôurle
mariage
ifaCavalier & de la cadette,
6cil nemanquoitpoor
l'achever qu'une oçcasion
d'en faire la cercmonie
fins queJîaifnécenpu£k
«Tien^fçayoir.cElliBts^ôfffio
favorable peude joursa
persétosi.sU:-nteeDndamreemdeonntfacimelelcea^,
la priade lui tenir <comp&ȣ
gniedansune partie»de*
promenade qui l'enga- - géoît'àallerpasser^queU:
quesjours ala campagne,
Angelique y alla; &euch
assez de forced'esprit pourd
se rneitreaudessus, der fc*:
chagrins ,y;pàroiftra
d'une humeur toute char,s?
mante. Onluy dit qu'onr«
voyoit bien que lajoye
unmariage prêssà;fefai^*
re iiotkmit :au.JJr belles 4c>
grands sujetsd'en~
rrient 3c f>&ur affoibiir la
bèiïf^ÙfcÇftoic
:'1;W ~po~ sép^#;
<yi,'ori jugeoiemal d'elle;
qu'il falloitpourlatoucher
dfccçrtgînçft çp^plaiJàtW
ççsScéc^rpu^s,4'efpri^
qu'ellen'avoit potfiHfcotfivc
dans le Cavalier ;&que
]$&€&>&$tf/a^pkfbC ji;G-
''¥tt.,..Jà-, traîne
!
çnlon.
gwàF que .paw <~J)~
vouioitl'engagerà épothsersa
cadette.Un vieux
garçonfôrc riche,$c re-
.-, : ve stu
Veftj d'une Charge plus
côn(lderab!e, que; cele
^orn^le*CavalierttrakoiC",
itïi'dieeirriant^que quoif
qi/ft eûttousjours esté indiffèrentpoarle
mariage-,
41 vouloiravoir ces tou«s
dVfpm^qui^lmplaifq»erft
tartr,afin de luyoffrirses
*fcrviccssSe quepourles
^cotîi'pîaifiincc^illoy-ii#ok
'aisëifcritépondreîAng^-
lliquéluyrepartit''-¡Ual'-eR
'riant,quelleavoie cm de-
* cûcfâïr'c&luyoc-quï^ftolc
"ftfoftde Ionjgé&É1, faqu^
liotit premire
3*
iïij seroient
^(Tezl'undel'autre;
Surcepies la levietbQ£±,
t~fipç£jçnf4iar>çnj&$dce*uixdjoeus.rdsçruccoemubïfmeunAmant
declaré eç
die à une maistresse;ilgoû-
~asi bien foû-efpric,que
malgrétoutes lesresolutions
prises de demeurer
toujourslibre,il parla eafin
4cnnnfafriâge, Cetteproposition
fut ct.ua
d'Angelique. Elletrouvoit
un rangquicontetoitson
~M;AtPIC,
me à^ui elle '^ouviic foa
•;
ccçw*entrai dansla contu
sJgacejàp;vieik Officier è.ôç
luyfitpromettreque puisqpril,
scîlcrit;déclaré avec
son amie
,
ilen iroitfaire
la demande dans les fox?
mes apressonretour. Ao*
gelique estantrevenue ccçrmnrta à rscoynn pp~e~ree lr'eenn9g'aaggce,4.
ment ou l'on s'estoit mis
pourelle. Lemariagje de
lacadetteestoitfait;ce fut
• pourJuyune joye sensiblé
de voir finir plustost qu'il
f}cTayoit.^çnirembarrai
de te cacher. Cetteadroite
filledissimulant son reflet^
"timénr, ~tWIia deserendre
coure aimablepourle Cavalier
,afindereveillerson
: amour,&deluydonner
parlaplus de regret dela
perdre. Le lendemainelle
remarqua sans estreveue,
que le Cavàliers'èstoitcouole
dans sa chambre délà
soeur,&que la porte en
avoit esté au{fitbftrFerm'éei
Si elleeut ladouleur,elle eut de la joye en meflriè
temps de ce que sa
I
foeur faisant 0"det
avancessiindignesd'elle,
mettoit leic-al
valier hors d'estat de la voirloir,
pour sa femme.Cetre
penséelui remplie l'esprit,
E|lcçrutqfi'ilr^fufepait de
l'epouseraprés les ofreurs
qu'il enavoit obtenuës, &
qu'ainsielle seroit vengée
&d'elle&deluy, quand
son mariage avec l'Officier
ne laisseroit plus. aucun
prerexteà son pere de garder
leCavalier. CetOfficiertintparole.
Onavoit
esteaverti de savisite,& le
Cavalier qui la sçavoitalia
iQUt expréssouperenville
,
&ne revint que.forttard.
L'Officiercharmédel'ac.
*
cuélquï luifut fait, nesortit
point qu'onn'eustfigné
des articles.Angeliquequi
naspiroitqu'à joüir de
vengeance ,
attendisà G.;,
coucher que leCavalierfust
révenn. Apresluiavoirfait
quelquespUimes.delan}*-
niere dont il en usoit po^fc elledepuisquelque rems,
elleajoustaqu'elle lavpiç
timens favorablesqu'elle
luy avoirmarqué d'abord,
qu'ellevenoit ;d£/eagagejf
à un autre,&qu'un Contrat
dem~gc~~sa
separoit pour jamais. Ilseignit
vivejnençxogtçhiî 4e_cy tte
nouvelle. Augeiique pleinede
son triompheenlevoyant a-iii1
accablé, le quitta sans lui donner
letemsde répondra,c'étoit
ce qu'if avoitsouhaitté.Ilse
coucha forttranquillement, Sç
le lendemain comme il l'avoit
concerté avec sonbeaupere ££
atec sa femme,ilalla
chez
un
amidans un quartier éloigné,
oùildemeurajusqu'à ce qu'on,
~çût:sais;lemari^gplÀng^ljqu^
qui imputa cette retraité a'fj>n
deseespoir ,en
.-
sentir (a Vanité
agréablementflatée. Elleépousal'Officier,&
deuxjqursaprés.
le Cavalier revint auprèsde sa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eûtpasplustost appris,qu'elle
alla trouver son pere, & luy fit
connoitre le péril où Julie eftoit
exposée s'il gardoitchez
luyleCavalier.Son pereluy
dit, que puisqqu'elleavoittout
sujet d'estre contente, il estoit
pesruadé qu'elle aimait sa soeur
pbur prendre partà ses avanta
ges ; après quoy illuyexpliqua
ce quiestoit arrivé: Le dépit
qu'elle,eue*,de s'estrepromis
une veugeance >
qui ne tournoitqu'asahonte
,la mit, dans
ila deff>rdr6~d'éfpVjhcroy2-
ble.Elle sorit blusquement,
& depuis trois moisqu'elle est
mariée
,
elle n'a
,
point encore
voulu.voirsa soeur
L'Amour nJielt point à
couvert de la destinée
, &
les changemens qui arrivent
tous les jours dans
les liaisons les mieux establies
sont assez connoistre
que les mouvements de
nostre coeur ne font pas fixez
par le premier choix
que nous faisons. Un certain
je ne sçay quoy qui
nousentraisne en dépitde
nous, nous determine à
estre inconstans;& quand
mille exem ples ne serviroient
pas à justifier ce que
je dis,l'avanture donrje vais
vous faire part en seroit la
preuve. Une Demoiselle
fort bien faite,estimable
par sa beauté, & plus encorepar
son esprit qu'elle
avoir vif&très penetrant,
estantvenuë depuis peu de
-
mois prendre soin de quelques
affaires dans une petite
Ville peu esloignée de
Paris, y fut connuë en fort
peu
peu de tems de tout ce
qu'elle y trouva de personnes
denaissance. Son pere
& sa mere qui estoient de
qualité, mais qui avoient
peu de biens, luy connoisfant
du talent pour venir à
bouc de mille chicannes
qui leur estoient faites,&
par lesquelles on taschoit
de renverser leurs précentions
,quoyquejustement
fondées
,
s'estoient reposez
sur elle de la conservation
de leursinterests,&
elles'appliquoitàles mainteniravec
tant d'exactitude
& de conduite, qu'elle
eut bientost demesté les
difficultez quiempefchoient
qu'on ne luy rendit
justice. Son habileté fie
bruit, & tout le monde
marquant de rempressement
pour la servis auprés
de ses Juges, un Gentilhomme
, maistre de son
bien, & des plus riches de
tout le Pays, n'épargna ni
son crédit,ni ses soins pour
luy faire voir combien il
prenoit de part à ses avantages.
Angelique receut
agréablement le secours
i
qu'illuy donnaj&comme
dans le besoin qu'elle avoic
de luy les visites assidues
luy estoient permises
,
insensiblement
le Cavalier
prit pour elle un attachement
plus fort qu'il ne l'avoit
cru. Il connut bien
que ce qu'on luy Jonneroiç
en la mariant n'approcheroit
pas
'*
de ce qu'il pouvoit
prérendre; mais l'amour
commençant à l'cc.
bloüir,il considera que les
grands biens qu'il avoit lui
attireroient beaucoup d'affaires,
& dans cette veuë,
il crut qu'illuy feroit plus
avantageux d'avoir une
femme qui y mettroit ordre
, que d'épouserunefille
qui luy apportant une
dote considerable
, ne se
mefleroit de rien, & n'auroit
l'esprit porté qu'àfaire
de la dépense.Labellequi
s'apperceut de la conquête
que son merite luy avoir
fait faire , la menagea si
adroitement, que le Cavalier
fut enfin contraint de
luydeclarer sapassion On
ne doute point qu'il ne fut
écouté avec plaisir. Elle lui
marqua une estimepleine
de reconnoissance ; & en
l'assurant que ses parens ne
luy seroient point contraires,
elle eut pour luy des
égards d'honnesteté & de
complaisance qui luy firent
connoistre qu'il estoitaimé.
Commeelle avoit de
l'ambition,elle voulut s'asfurer
un rang, & se servir
du pouvoir que sa passion
luy donnoit sur son esprit,
pour luy marquer qu'il y alloit
de sa gloire de pren dre
une Charge avant que de
l'épouser. Le Cavalier avoit
ce dessein depuis quelque
temps, & ainsi en luy promettant
de la satisfaire,il
ne faisoitquece qu'il avoic
desja resolu. Les affaires
d'Angelique s'estantterminées
de la maniere la plus
avantageuse qu'elleeût pû
le souhaiter
,
elle retourna
à Paris, où son Amant la
suivit deux jours après. Son
pere & sa mere qu'elle avoit
instruit de l'estas des
choses, luy firent un accuëil
tres-obligeant, & pour estre
moins en peril de le
laisser échapper, ils luy offrirent
un Appartement
chez eux. L'offre estoit trop
favorable à l'amour duCavalier
pour n'estre pas accepté.
Il logea chez le perc
de laBelle;& ne songeant
qu'à avancer ses affaires, il
prit son avis sur la Charge
qu'il vouloit achepter.Tandis
qu'ontravailloit à lever
des difficultez assez legercs
qui empeschoient de conclurre
le marché de cette
Charge, l'amour fit paroitre
sa bizarrerie par les sentimens
qu'il inspira au Cavalier
pour une soeur d'Angelique.
Cette cadetteavoit
dans les yeux un fort grand
deffaut, dont beaucou p de
gensne se seroient pas accommodez
; & ce deffaut,
tout grand qu'ilestoit
,
ne
pur dérourner le Cavalier
du dessein qu'il prit de ne
vivre que pour elle. Il est
vray ,
qu'excepté ce deffaut,
il n'y avoit rien de
plus aimable.Elle avoit un
tein qui ébloüissoit
,
d*$
traits reguliers dans tout
son visaoge,•des mains & desbras d'une beauté (ans
, pareiflle,uinentailleeaisée;&
fine; & ce quiengageoit
encoreplus,elle estoitdu
ne humeur si douce & G.
agreable queparcetteseulequalité
elleestoit digne
duplus fort amour. Plus
leCavalierla vit,plusil la
trouvacharmante.Illuy
contoit cent folies,& l'enjouëment
avec lequel elle
y répondoit, estoit tout plein de
4
feu ,&. d'esprit.
Riennedevenoit suspect
dans leurs conversations,
parce qu'elles se faisoient
sans àQCun. mystere
,
&:
que l'occasion qu'ils avoient
de se parler àtoute
heure les rendant fortfamiliers,
ne laissoitrienvoir
iqlui fûtrecherche.Eneffet/'
n'yavoit que des sentimens
d'honnestetéducôté
decetteaimable cadette,
qui ne doutant point que
leCavalier .n'épousait..sa:;
soeur,estoitincapable d'aller
pour luyplus loin que
l'estime. Il n'enestoit pasi
ainsi du Cavalier. Le pen^*
chantqui l'entraisnoitvers
Julie,c'estoit ainsiqu'on
nommoitlacadette, eut
tant deforcequ'aprés lui
avoit dit plusieursfois en
badinantqu'ilestoitcharmé
desesmanieras,ils'expliqua
enfin serieusement
sur l'ardent amour • qu'elle
layavoitdonné. Julietournantlachose
en plaisanterie,
luyditqu'il perdoit
l'esprit;toutes lesdeclarations
qu'illuyfit ensuite
luy attirant la mesmeréponse,
illuydemanda un
jour quel désegrément Ôir
dans
son
hitmëtïr[du dans
sa personneluy faisoit
croire qu'ilnemeritoitque
ses mépris. Julie, qaecc
reprochefurprir*seAÇEUS
obligée deluy répondre
d'un ton un peu serieuxi,
qu'il se faisoit tort auiff^-
bien qu'à elle quand il
l'accusoit de le me'priser,
,& que s'il lui eût marqué
del'estime avant quede
s'engager avec si^foeur/
peut-estrene lui eust-ellc.
pas donnésujet de seplain-
-ài-é.^u peu dereconnoiC*.
sancequ'elleauroiteu de
: ses sentimens; maisqu'en fl'eftâcoù estoient les choqu'avec
lesïrcferves-qu'il
trouvoit injustes. Cette réponse
animala passion ; Ce
fut assez qu'il crustt nedéplaire
pas pour l'engager
à aimeravecplus de vio-
~îehée;îl abandonna, son
coeur à tout son penchant,
& ne songea plus qu'à persuader
Julie de sonveritable
attachement. Comme
elle estoitsage, ellevoulut
leguérir en lui donnant
moins d'occasionsdel'entretenierdesonamour;
;rnâi$*plus elle avoit soin
de les éviter, plus illes re-
,
cherchoit.Cetempressement
fut remarquée .& il
:,fettahitbientoft& par
soninquiétude ,; lorsque
fpour le fuïr cette cadette- senfermoit exprisdans sa
chambre,&- par, les regards
pleinsdamour,qu'il
;jettoit sur elle quand illa
voyoitdeyant destémoins.
L'aisnée qui trouvaquel?-
cque refroidissementdans
les maniérés du CavalierJ, >» ensoupçonnaauflitoftla
cause.Ellç pritgardejqu^l
navoit plus auprès de sa
joçurces airs enjoiiez & lu
:bres qu1a-vou pris tantdç
ibis. Elle les .voyait embafailes
fitor quoleursyeuxfe
renconcroienr,ôçla contrainte
qu'ils s'ilup.osoient
J'un & rau.tre Ce lon les. div,
veerrescess'vy-ecuuëc1iCq¡uUt\lleessoobbHli--
geoient de s'observer, luy
fut enfin une indice de la
rrahifonqui lay cftoir faite.
Commeelle estoit ficre,
elle s'en feroit volontiers
vengeeenle prévenant par
ion cjungejnçncjmaisd
Je avpird£ fort peu de biens?en renonçantan
Cavalier elle
n'etoitpas furedexroirver
un :aurrc:fPareilquil'eust
confoléc xfesr avanrao-es
qu'elle auroit perdue ERllfe
rsfolut de dissimuler;& fc
Contenta desoulager ses
-t,' chagriné par- ; -, - ]4ùes quelques
plaintes qui deconcercerent
le Cavalier. Le troublequ'il
fit paroiflre suc
un aveu de son crimeelleen
tira desconfequettces
qui lui firent examiner
de plus prés tous lesfujers
quelleavoit de fe- deffier
de on amour.Leunma~-
riage ne se devant faire
quaprès cWEculcer lc+
vees touchantLr charge
qiriti vouloir-avoir'elfe
découvrit qu- ne teneit;
qu'à luy de les voir finies,
f&aqisuoeitlnesaiosbtrsetnacelpeosuqiuro'ii^eyn*c
avoir aucun autre fondée
mène que le defilein de gau
gner du terni. Remplie dfe
tous cés fouprons, & vouw
lanceftre* cclaircie dece
qu'elleapprehendoit relfe
pria son pere & sa mere
de vouloir presserlescheM
ses, leur faisant connoistre,
[ans leur parler de sa
foeur, ce qu'il y avoit
.4.r~q~~:~fqer~nT.
jypbftin^i<pn,4^Çav/alter
fur- les prétenduësdifficihi^
rez de la Charge avoic déjà
commencéàleur devenir
suspecte.-jlç, renrreriQrenten
particulier., & luy
dirent, que comme ilsl'a*-
voient logé chez eux >oni
lqïiuuarrnt^ijejrrodipc,..;dvaonirs'&tolountg^te-
.cçpips ^jiffçrpr le mariage
^IpAÈ p#i^^oit cpnvena>>;
que pour;:einpe^her.Iç?
fafcheu* difcoursril falloir
longerg terminerçette.af- fajre«Reliait mile.
fcefoin
-
d'attendre quileuft
fini (on autretraite. Le Cavalier
ne balançapoint far
le parti qu'il avoit à prendre.
IL leur repçjiditqu'il
se sôuvenoit dela, parole
qu'il avait doppée
, &
qu'il Tâ tiendrour avec joïç
en telteras qu'il leur plairoit*,
quilayoit promis d'entre
leur Gcndre., & qu'ilse
feroit un bonheur de le dc<-
venir, mais que ce feroit
en epousant la cadette pouf
qui il sentoit la plus violente
passion
;
qu'il trouçvoit
enelle tout ce* qui
pouvait lesarefairejq1!s
l'humeur de son aisnée êtoit
si peu compatiflante
avec la tienne , qu'elle rre
'hpeouurerurxoitque'terendre trial- ; Ce ques'ils rIl
soient ce qu'ildemandôté
aveclescplilsinftanresprte^
res; ilférdft côntrainrd'é (h
étirer.IlTenirStcette reponsèavec
tant de fermeté
,& toutcequ'ils purent
ce defleirieue si peud'efset,
quene voulant pas rifquer
une si bonne fortune,
ils se virent obligerde conïcntir
a ce qu'il voulÙr. La
feule condition qu'ils exigèrent
»fut que lachofe lè sirau.plustost&eri fçcrct,
afin Que l'aînée fit moins,
éclater."son rcfTehrimenc
quand elleapprendroic
luip injnftice-qui n'auroic,
plus de remède. Le transl
port qui l'obligea de se jet-l'
tera leurspieds pour leurs
rendre grâce de ce qu'ils
faifoiencpour luy, leur
fut une preuve dekvio-''
lence avec laquelle il aimait.
Ils direntà Angélique,,
que quelques raisons -'"~- :jl ¿Lt.,
q'u'Us eutreht: puappoftrf,
le CavalierNettoie si bien
mis en ceste de ne fc poins
marier-quiIn'tut traJcedc làCharge*qu'illeuravQÎt
este impossible den rien
obtenir.Elle compritce
vouloic direrirt refu?
siobstine, &ejifiic,p(qiie'c
audernierpoint: Cependant
toutseconcerroit fccfrecëitientpôurle
mariage
ifaCavalier & de la cadette,
6cil nemanquoitpoor
l'achever qu'une oçcasion
d'en faire la cercmonie
fins queJîaifnécenpu£k
«Tien^fçayoir.cElliBts^ôfffio
favorable peude joursa
persétosi.sU:-nteeDndamreemdeonntfacimelelcea^,
la priade lui tenir <comp&ȣ
gniedansune partie»de*
promenade qui l'enga- - géoît'àallerpasser^queU:
quesjours ala campagne,
Angelique y alla; &euch
assez de forced'esprit pourd
se rneitreaudessus, der fc*:
chagrins ,y;pàroiftra
d'une humeur toute char,s?
mante. Onluy dit qu'onr«
voyoit bien que lajoye
unmariage prêssà;fefai^*
re iiotkmit :au.JJr belles 4c>
grands sujetsd'en~
rrient 3c f>&ur affoibiir la
bèiïf^ÙfcÇftoic
:'1;W ~po~ sép^#;
<yi,'ori jugeoiemal d'elle;
qu'il falloitpourlatoucher
dfccçrtgînçft çp^plaiJàtW
ççsScéc^rpu^s,4'efpri^
qu'ellen'avoit potfiHfcotfivc
dans le Cavalier ;&que
]$&€&>&$tf/a^pkfbC ji;G-
''¥tt.,..Jà-, traîne
!
çnlon.
gwàF que .paw <~J)~
vouioitl'engagerà épothsersa
cadette.Un vieux
garçonfôrc riche,$c re-
.-, : ve stu
Veftj d'une Charge plus
côn(lderab!e, que; cele
^orn^le*CavalierttrakoiC",
itïi'dieeirriant^que quoif
qi/ft eûttousjours esté indiffèrentpoarle
mariage-,
41 vouloiravoir ces tou«s
dVfpm^qui^lmplaifq»erft
tartr,afin de luyoffrirses
*fcrviccssSe quepourles
^cotîi'pîaifiincc^illoy-ii#ok
'aisëifcritépondreîAng^-
lliquéluyrepartit''-¡Ual'-eR
'riant,quelleavoie cm de-
* cûcfâïr'c&luyoc-quï^ftolc
"ftfoftde Ionjgé&É1, faqu^
liotit premire
3*
iïij seroient
^(Tezl'undel'autre;
Surcepies la levietbQ£±,
t~fipç£jçnf4iar>çnj&$dce*uixdjoeus.rdsçruccoemubïfmeunAmant
declaré eç
die à une maistresse;ilgoû-
~asi bien foû-efpric,que
malgrétoutes lesresolutions
prises de demeurer
toujourslibre,il parla eafin
4cnnnfafriâge, Cetteproposition
fut ct.ua
d'Angelique. Elletrouvoit
un rangquicontetoitson
~M;AtPIC,
me à^ui elle '^ouviic foa
•;
ccçw*entrai dansla contu
sJgacejàp;vieik Officier è.ôç
luyfitpromettreque puisqpril,
scîlcrit;déclaré avec
son amie
,
ilen iroitfaire
la demande dans les fox?
mes apressonretour. Ao*
gelique estantrevenue ccçrmnrta à rscoynn pp~e~ree lr'eenn9g'aaggce,4.
ment ou l'on s'estoit mis
pourelle. Lemariagje de
lacadetteestoitfait;ce fut
• pourJuyune joye sensiblé
de voir finir plustost qu'il
f}cTayoit.^çnirembarrai
de te cacher. Cetteadroite
filledissimulant son reflet^
"timénr, ~tWIia deserendre
coure aimablepourle Cavalier
,afindereveillerson
: amour,&deluydonner
parlaplus de regret dela
perdre. Le lendemainelle
remarqua sans estreveue,
que le Cavàliers'èstoitcouole
dans sa chambre délà
soeur,&que la porte en
avoit esté au{fitbftrFerm'éei
Si elleeut ladouleur,elle eut de la joye en meflriè
temps de ce que sa
I
foeur faisant 0"det
avancessiindignesd'elle,
mettoit leic-al
valier hors d'estat de la voirloir,
pour sa femme.Cetre
penséelui remplie l'esprit,
E|lcçrutqfi'ilr^fufepait de
l'epouseraprés les ofreurs
qu'il enavoit obtenuës, &
qu'ainsielle seroit vengée
&d'elle&deluy, quand
son mariage avec l'Officier
ne laisseroit plus. aucun
prerexteà son pere de garder
leCavalier. CetOfficiertintparole.
Onavoit
esteaverti de savisite,& le
Cavalier qui la sçavoitalia
iQUt expréssouperenville
,
&ne revint que.forttard.
L'Officiercharmédel'ac.
*
cuélquï luifut fait, nesortit
point qu'onn'eustfigné
des articles.Angeliquequi
naspiroitqu'à joüir de
vengeance ,
attendisà G.;,
coucher que leCavalierfust
révenn. Apresluiavoirfait
quelquespUimes.delan}*-
niere dont il en usoit po^fc elledepuisquelque rems,
elleajoustaqu'elle lavpiç
timens favorablesqu'elle
luy avoirmarqué d'abord,
qu'ellevenoit ;d£/eagagejf
à un autre,&qu'un Contrat
dem~gc~~sa
separoit pour jamais. Ilseignit
vivejnençxogtçhiî 4e_cy tte
nouvelle. Augeiique pleinede
son triompheenlevoyant a-iii1
accablé, le quitta sans lui donner
letemsde répondra,c'étoit
ce qu'if avoitsouhaitté.Ilse
coucha forttranquillement, Sç
le lendemain comme il l'avoit
concerté avec sonbeaupere ££
atec sa femme,ilalla
chez
un
amidans un quartier éloigné,
oùildemeurajusqu'à ce qu'on,
~çût:sais;lemari^gplÀng^ljqu^
qui imputa cette retraité a'fj>n
deseespoir ,en
.-
sentir (a Vanité
agréablementflatée. Elleépousal'Officier,&
deuxjqursaprés.
le Cavalier revint auprèsde sa
femme. La nouvelle mariée ne
l'eûtpasplustost appris,qu'elle
alla trouver son pere, & luy fit
connoitre le péril où Julie eftoit
exposée s'il gardoitchez
luyleCavalier.Son pereluy
dit, que puisqqu'elleavoittout
sujet d'estre contente, il estoit
pesruadé qu'elle aimait sa soeur
pbur prendre partà ses avanta
ges ; après quoy illuyexpliqua
ce quiestoit arrivé: Le dépit
qu'elle,eue*,de s'estrepromis
une veugeance >
qui ne tournoitqu'asahonte
,la mit, dans
ila deff>rdr6~d'éfpVjhcroy2-
ble.Elle sorit blusquement,
& depuis trois moisqu'elle est
mariée
,
elle n'a
,
point encore
voulu.voirsa soeur
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Résumé : HISTORIETTE.
Le texte raconte les péripéties amoureuses et les manœuvres stratégiques d'Angélique, une jeune femme intelligente et belle, et d'un gentilhomme riche. Angélique se rend dans une petite ville près de Paris pour régler des affaires et attire rapidement l'attention du gentilhomme, qui tombe amoureux d'elle. Consciente de son pouvoir, Angélique manœuvre habilement pour obtenir une déclaration d'amour et une charge avant le mariage. Cependant, le gentilhomme rencontre Julie, la sœur cadette d'Angélique, et se trouve attiré par elle malgré un défaut physique notable. Julie, sage et douce, repousse d'abord ses avances mais finit par succomber. Angélique, devinant la situation, dissimule sa douleur et accepte de se marier avec un officier. Le gentilhomme obtient la charge et épouse Julie, tandis qu'Angélique se venge en se mariant rapidement, privant ainsi son père de garder le gentilhomme dans la famille. Parallèlement, un cavalier revient tard chez lui après un voyage. Un officier, charmé par Angélique, apprend qu'elle ne sortira pas tant que certains articles ne seront pas signés. Angélique, assoiffée de vengeance, attend le retour du cavalier pour lui révéler qu'elle est fiancée à un autre et que leur contrat de mariage les sépare à jamais. Accablé, le cavalier se couche tranquillement. Le lendemain, il se rend chez un ami dans un quartier éloigné pour éviter d'être saisi. Angélique épouse l'officier deux jours plus tard. Le cavalier revient ensuite auprès de sa femme, mais la nouvelle mariée informe son père du danger que court Julie si le cavalier reste. Le père explique la situation à sa fille, qui, dépitée de ne pas avoir obtenu sa vengeance, refuse de voir sa sœur depuis trois mois.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
Fermer
13
p. 3-79
AVANTURE nouvelle.
Début :
Un jeune Comte, d'une des meilleures Maisons du Royaume, [...]
Mots clefs :
Comte, Marquise , Conseiller, Amant, Coeur, Mari, Passion, Amour, Reproches, Monde, Liberté, Parti, Italien, Maîtresse, Caractère, Charmes, Mérite, Prétexte, Heureux, Colère, Jeu, Espérer, Nouvelles, Lettre, Campagne, Faveur, Commerce, Fidélité, Femmes, Raison
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : AVANTURE nouvelle.
AVANTUR
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
nouvelle.
U
LYON
N jeune Comte ,
d'une des meilleures
Maifons
du Royaume , s'étant
nouvellement établi das
Avril 1714. A ij
4 MERCURE
un quartier où le jeu &
la galanterie regnoient
également , fut obligé
d'y prendre parti comme
les autres ; & parce
que fon coeur avoit des
engagemens ailleurs , il
fe declara pour le jeu ,
comme pour fa paffion
dominante mais le peu
d'empreffement qu'il y
avoit , faifoit affez voir
qu'il fe contraignoit , &
l'on jugea que c'étoir un
homme qui ne s'attaGALANT
.
S
choit à rien , & qui dans
la neceffité de choiſir
avoit encore mieux aimé
cet amuſement, que
de dire à quelque belle
ce qu'il ne fentoit pas .
Un jour une troupe de
jeunes Dames qui ne
joüoient point , l'entreprit
fur fon humeur indifferente.
Il s'en défendit
le mieux qu'il put ,
alleguant fon peu de
merite , & le peu d'ef
perance qu'il auroit d'ê-
A iij
6 MERCURE
tre heureux en amour :
mais on lui dit que
quand il fe connoîtroit
affez mal pour avoir une
fi méchante opinion de
lui - même , cette raiſon
feroit foible contre la
vûë d'une belle perfonne
; & là - deffus on le
menaça des charmes d'u
ne jeune Marquife , qui
demeuroit dans le voifinage
, & qu'on attendoit.
Il ne manqua pas de leur
repartir qu'elles-mêmes
GALANT.
7.
ne fe connoiffoient point
affez , & que s'il pouvoit
échaper au peril où il
fe trouvoit alors , il ne
devoit plus rien craindre
pour fon coeur . Pour
réponse à fa galanterie ,
elles lui montrerent la
Dame dont il étoit queftion
, qui entroit dans
ce moment . Nous parlions
de vous , Madame ,
lui dirent - elles en l'appercevant
. Voici un indifferent
que nous vous
A iiij
8 MERCURE
donnons à convertir :
Vous y êtes engagée
d'honneur ; car il femble
yous défier auffi - bien
que nous. La Dame &
le jeune Comte ſe reconnurent
, pour s'être
vûs quelquefois à la campagne
chez une de leurs
amies . Elle étoit fort convaincuë
qu'il ne meritoit
rien moins que le
reproche qu'on luy faifoit
, & il n'étoit que
trop ſenſible à ſon gré :
GALANT. 9
mais elle avoit les raifons
pour feindre de croire
ce qu'on lui difoit.
C'étoit une occafion de
commerce avec un homme
, fur lequel depuis
long - temps elle avoit
fait des deffeins qu'elle
n'avoit pû executer . Elle
lui trouvoit de l'efprit
& de l'enjouement , &
elle avoit hazardé des
complaisāces pour beaucoup
de gens qui afſurément
ne le valoient
to MERCURE
pas : mais fon plus grand
merite étoit l'opinion
qu'elle avoit qu'il fût aimé
d'une jeune Demoifelle
qu'elle haïffoit , &
dont elle vouloit fe vanger.
Elle prit donc fans
balancer le parti qu'on
lui offroit ; & aprés lui
avoit dit qu'il faloit qu'-
on ne le crût pas bien
endurci , puis qu'on s'adreffoit
à elle pour le
toucher , elle entreprit
de faire un infidele , fous
GALANT . 11
pretexte de convertir un
indifferent. Le Comte
aimoit paffionsément la
Demoiſelle dont on le
croyoit aimé, & il tenoit
à elle par des
engagemens
fi puiffans
, qu'il
ne craignoit
pas que rien
l'en pût détacher
. Sur
tout il fe croyoit
fort en
fûreté contre les charmes
de la Marquife. Il
la connoiffoit pour une
de ces coquettes de profeffion
qui veulent , à
12 MERCURE
quelque prix que ce ſoit ,
engager tout le monde ,
& qui ne trouvent rien
de plus honteux que de
manquer une conquête .
Il fçavoit encore quedepuis
peu elle avoit un
amant , dont la nouveauté
faifoit le plus grand
merite , & pour qui elle
avoit rompu avec un
autre qu'elle aimoit depuis
long - temps , & à
qui elle avoit des obligations
effentielles . Ces
と
GALANT .
13
connoiffances lui fmbloient
un remede affuré
contre les tentations
les plus preffantes. La
Dame l'avoit affez veu
pour connoître quel étoit
fon éloignement
pour des femmes
de fon
caractere
: mais cela ne
fit que flater fa vanité.
Elle trouva plus de gloire
à triompher
d'un
coeur qui devoit être fi
bien défendu. Elle lui
fit d'abord
des reproches
14 MERCURE
de ne l'eftre pas venu
voir depuis qu'il étoit
dans le quartier , & l'engagea
à reparer fa faute
dés le lendemain . Il
alla chez elle , & s'y fit
introduire par un Confeiller
de fes amis , avec
qui il logcoit , & qui
avoit des liaiſons étroites
avec le mari de la
Marquife, Les honneftetez
qu'elle lui fit l'obligerent
enfuite d'y aller
plufieurs fois fans inGALANT.
15
troducteur ; & à chaque
yifite la Dame mit en
ufage tout ce qu'elle
crut de plus propre à .
l'engager. Elle trouva
d'abord toute la refiftance
qu'elle avoit attendue.
Ses foins , loin .
de faire effet , ne lui attirerent
pas feulement
une parole qui tendît à
une declaration : mais
elle ne defefpera point
pour cela du pouvoir de
fes charmes ; ils l'avoient
16 MERCURE
fervie trop fidelement en
d'autres occafions
, pour
ne lui donner pas lieu
de fe flater d'un pareil
fuccés en celle - ci ; elle
crut mefme remarquer
bientôt qu'elle ne s'étoit
pas trompée. Les vifites
du Comte furent
plus frequentes : elle lui
trouvoit un enjouëment
que l'on n'a point quand
on n'a aucun deffein de
plaire.Mille railleries divertissantes
qu'il faifoit
fur
+
GALANT . 17
für fon nouvel amant ;
le chagrin qu'il témoignoit
quand il ne pouvoit
eftre feul avec elle ;
Fattention qu'il preftoit.
aux moindres chofes
qu'il luy voyoit faire :
tout cela lui parut d'un
augure merveilleux , &
il eft certain que fi elle
n'avoit pas encore le
coeur de ce pretendu indifferent
, elle occupoit.
du moins fon efprit . Ih
alloit plus rarement chez
Avril 1714. B :
18 MERCURE
la Demoiſelle qu'il aimoit
, & quand il étoit
avec elle, il n'avoit point
d'autre foin , que de faire
tomber le difcours fur
la Marquife . Il aimoit
mieux railler d'elle que
de n'en rien dire . Enfin
foit qu'il fût feul , ou
en compagnie , fon idée
ne l'abandonnoit jamais
. Quel dommage ,
difoit - il quelquefois
que le Ciel ait répandu
tant de graces dans une
,
GALANT . 19
coquette ? Faut - il que la
voyant fi aimable , on
ait tant de raiſon de ne
point l'aimer ? Il ne pouvoit
lui pardonner tous
fes charmes ; & plus il
lui en trouvoit , plus il
croyoit la haïr. Il s'oublia
même un foir jufques
à lui reprocher fa
conduite , mais avec une
aigreur qu'elle n'auroit,
pas ofé efperer fitoft. A
quoy bon , lui dit- il ,
Madame , toutes ces oil-
Bij
20 MERCURE
lades & ces manieres étu
diées que chacun regarde
, & dont tant de gens
fe donnent le droit de
parler Ces foins de
chercher à plaire à tout
le monde , ne font pardonnables
qu'à celles à
qui ils tiennent lieu de
beauté . Croyez - moy ,
Madame , quittez des
affectations qui font indignes
de vous. C'étoit
où on l'attendoit . La
Dame étoit trop habile
GALANT. 2ม1
pour ne diftinguer past
les confeils de l'amitié
des reproches de la jaloufie
. Elle lui en marqua
de la reconnoiſſance
, & tâcha enfuite de
lui perfuader que ce qui
paroiffoit coquetterie ,
n'étoit en elle que la
crainte
d'un veritable
attachement ; que du
naturel dont elle fe connoiffoit
, elle ne pourroit
être heureufe dans.
un engagement , parce
22 MERCURE
qu'elle ne ſe verroit jamais
aimée , ni avec la
même fincerité , ni avec
la même delicateſſe dont
elle fouhaiteroit de l'être
, & dont elle fçavoit
bien qu'elle aimeroit .
Enfin elle lui fit an faux
portrait de fon coeur , qui
fut pour lui un veritable
poifon. Il ne pouvoit
croire tout à fait qu'elle
fût fincere : mais il ne
pouvoit s'empefcher de
le fouhaiter. Il cherGALANT.
23
choit des
apparences
ce qu'elle
lui difoit , &
il lui rappelloit
mille actions
qu'il lui avoit vû
faire , afin qu'elle les juſtifiât
; & en effet , fe fervant
du pouvoir qu'elle
commençoit à prendre
fur lui , elle y donna
des couleurs qui diffiperent
une partie de fes
foupçons mais qui
pourtant n'auroient pas
trompé un homme qui
cuft moins fouhaité de
24 MERCURE
l'eftre. Cependant, ajouta-
t- elle d'un air enjoüé ,
je ne veux pas tout à fait
difconvenir d'un défaut
qui peut me donner lieu
de vous avoir quelque
obligation . Vous fçavez
ce que j'ai entrepris pour
vous corriger de celui
qu'on vous reprochoit .
Le peu de fuccés que j'ai
eu ne vous diſpenſe pas
de reconnoître mes bonnes
intentions , & vous
me devez les mefmes
foins.
GALANT. 25
foins . Voyons fi vous ne
ferez pas plus heureux à
fixer une inconftante ,
que je l'ay été à toucher
un infenfible. Cette propofition
, quoique faite
en riant , le fit rentrer en
lui - mefme , & alarma
d'abord fa fidelité . Il vit
qu'elle n'avoit peut - eftre
que trop reüffi dans
fon entrepriſe , & il reconnut
le danger où il
étoit : mais fon penchant
commençant à lui ren-
Avril 1714.
C
26 MERCURE
dre ces reflexions facheuſes
, il tâcha bientôt
à s'en délivrer . Il
penfa avec plaifir que fa
crainte étoit indigne de
lui , & de la perfonne
qu'il aimoit depuis fi
long- temps . Sa delicateffe
alla meſme juſqu'à
fe la reprocher
comme
une infidelité
; & aprés
s'eftre dit à foy- meſme
,
que c'étoit déja eſtre inconftant
que de craindre
de changer , il embraſſa
GALANT . 27
avec joye le parti qu'on
lui offroit . Ce fut un
commerce fort agreable
de part & d'autre. Le
pretexte qu'ils prenoient
rendant leur empreffement
un jeu , ils goutoient
des plaifirs qui
n'étoient troublez d'aucuns
fcrupules. L'Italien
, qu'ils fçavoient tous
deux , étoit l'interprete :
de leurs tendres fentimens.
Ils ne fe voyoient
jamais qu'ils n'euffent à
Cij
28 MERCURE
fe donner un billet en
cette langue ; car pour
plus grande feureté, ils
étoient convenus qu'ils
ne s'enverroient jamais
leurs lettres . Sur - tout
elle lui avoit défendu dé
parler de leur commerce
au Confeiller avec qui
il logcoit , parce qu'il
étoit beaucoup plus des
amis de fon mari que des
fiens , & qu'autrefois ,
fur de moindres apparences,
il lui avoit donné
GALANT . 29
des foupçons d'elle fort
defavantageux . Elle lui
marqua même des heures
où il pouvoit le moins
craindre de les rencontrer
chez elle l'un ou
l'autre , & ils convinrent
de certains fignes d'intelligence
pour les temps
qu'ilsyferoient. Cemyf
tere étoit un nouveau
charme pour le jeune
Comte. La Marquife
prit enfuite des manieres
fiéloignées d'une co-
C
iij
30 MERCURE
quette , qu'elle acheva
bientoft
de le perdre
.
Jufques là elle avoit eu
un de ces caracteres enjoüez
, qui reviennent
quafi à tout le monde ,
mais qui deſeſperent un
amant ; & elle le quitta
pour en prendre un tout
oppofé , fans le lui faire
valoir comme un facri.
fice . Elle écarta fon nouvel
amant , qui étoit un
Cavalier fort bien fait .
Enfin loin d'aimer l'éGALANT.
31
clat , toute fon application
étoit d'empêcher
qu'on ne s'apperçût de
l'attachement que le
Comte avoit pour elle :
mais malgré tous fes
foins, il tomba unjour de
ſes poches une lettre que
fon mari ramaffa fans
qu'elle y prît garde . 11
n'en connut point le caractere
, & n'en entendit
pas le langage : mais ne
doutant pas que ce ne
fût de l'Italien , il courut
Ciiij
32 MERCURE
chez le Conſeiller , qu'il
fçavoit bien n'être pas
chez lui , feignant de lui
vouloir
communiquer
quelque affaire . C'étoit
afin d'avoir occafion de
parler au Comte , qu'il
ne foupçonnoit point
d'être l'auteur de la lettre
, parce qu'elle étoit
d'une autre main. Pour
prévenir les malheurs
qui arrivent quelquefois
des lettres perduës , le
Comte faifoit écrire touGALANT
. 33
tes celles qu'il donnoit à
la Marquise par une perfonne
dont le caractere
étoit inconnu . Il lui avoit
porté le jour precedent
le billet Italien
dont il s'agiffoit. Il étoit
écrit fur ce qu'elle avoit
engagé le Confeiller à
lui donner
à fouper ce
même jour- là ; & parce
qu'elle avoit fçû qu'il
devoit aller avec fon mari
à deux lieuës de Paris
l'apréfdînée , & qu'ils
34 MERCURE
n'en reviendroient que
fort tard , elle étoit convenue
avec ſon amant
qu'elle fe rendroit chez
lui avant leur retour. La
lettre du Comte étoit
pour l'en faire fouvenir ,
& comme un avantgoût
de la fatisfaction qu'ils
promettoient cette fe
foirée. Le mari n'ayant
point trouvé le Confeiller
, demanda le Comte .
Dés qu'il le vit , il tira
de fa poche d'un air emGALANT
.
35
preffé quantité de papiers
, & le pria de les
lui remettre quand il
féroit revenu. Parmi ces
papiers étoit celui qui
lui donnoit tant d'agitation
. En voici un , lui
dit- il en feignant de s'être
mépris , qui n'en eſt
pas. Je ne fçai ce que
c'eft , voyez fi vous l'entendrez
mieux que moy :
& l'ayant ouvert , il en
lut lui - mefme les premie-i
res lignes , de peur que
36 MERCURE
le Comte
jettant les
yeux fur la fuite , ne connût
la part que la Marquife
y pouvoit avoir ,
& que la crainte de lui
apprendre de fâcheufes
nouvelles , ne l'obligeât
à lui déguifer la verité.
Le Comte fut fort furpris
quand il reconnut
fa lettre. Untrouble foudain
s'empara de fon efprit
, & il eut befoin que
le mari fût occupé de fa
lecture , pour lui donner
(
GALANT. 37
le temps de fe remettre .
Aprés en avoir entendu
le commencement : Voila
, dit - il , contrefaifant
¡ l'étonné , ce que je chersche
depuis long - temps .
C'est le rôle d'une fille
qui ne fçait que l'Italien ,
- & qui parle à ſon amant
qui ne l'entend pas . Vous
a
aurez veu cela dans une
Comedie Françoiſe qui
a paru cet hyver. Mille
gens me l'ont demandé ,
& il faut que vous me
38.
MERCURE
faffiez le plaifir de me
le laiffer. J'y confens , lui
répondit le mari , pourveu
que vous le rendiez
à ma femme , car je croy
qu'il eft à elle. Quand le
jeune Comte crut avoir
porté affez loin la crédulité
du mari , il n'y
eut pas un mot dans ce
prétendu rôle Italien ,
dont il ne lui voulût faire
entendre l'explication
: mais le mari ayant
ce qu'il fouhaitoit , béGALANT.
39
nit le Ciel en lui - mefme
de s'être trompé fi
heureuſement , & s'en
alla où l'appelloient fes
affaires . Auffitôt qu'il
e fut forti , le Comte courut
à l'Eglife , où il étoit
fûr de trouver la Dame ,
qu'il avertit par un bilelet
, qu'il lui donna ſecretement
, de ce qui ve-
-noit de fe paffer , & de
1
l'artifice dont il s'étoit
fervi pour retirer fa let
tre. Elle ne fut pas fitôt
40 MERCURE
rentrée chez elle , qu'elle
.mit tous les domeſtiques
à la quête du papier , &
fon mari étant de retour,
elle lui demanda . Il lui
avoüa qu'il l'avoit trouvé
, & que le Comte en
ayant beſoin , il lui avoit
laiffé entre les mains .
Me voyez- vous des curiofitez
femblables pour
les lettres que vous recevez
, lui répondit- elle
d'un ton qui faifoit paroître
un peu de colere ?
Si
GALANT 41
Si c'étoit un billet tendre
, fi c'étoit un rendezvous
que l'on me donnât
, feroit - il , agréable.
que vous nous vinffiez
troubler ? Son mari lui
dic en l'embraffant , qu'il
fçavoit fort bien ce que
c'étoit ; & pour l'empêcher
de croire qu'il l'eût
foupçonnée , il l'affura
qu'il avoit cru ce papier
à lui lors qu'il l'avoit ramaffe.
La Dame ne borna
pas fon reffentiment
Avril 1714. D
42 MERCURE
à une raillerie de cette
nature . Elle fe rendit
chez le Comte de meilleure
heure qu'elle n'auroit
fait . La commodité
d'un jardin dans cette
maiſon étoit un
pretexte
pour y aller avant le
temps du foupé. La jaloufie
dans un mari eft
un défaut fi blâmable ,
quand elle n'eft pas bien
fondée , qu'elle fe fit un
devoir de juftifier ce que
le fien lui en avoit fait
J
GALANT. 43
paroître. Tout favorifoit
un fi beau deffein ;
toutes fortes de témoins
étoient éloignez , & le
Comte & la Marquiſe
pouvoient le parler en
liberté. Ce n'étoit plus
par des lettres & par des
fignes qu'ils exprimoient
leur tendreffe . Loin d'avoir
recours à une langue
étrangere , à peine
trouvoient - ils qu'ils
fçuffent affez bien le
François pour fe dire
Dij
44 MERCURE
tout ce qu'ils fentoient ;
& la défiance du mari
leur rendant tout légitime
, la Dame eut des
complaifances pour le
jeune Comte , qu'il n'auroit
pas ofé efperer. Le
mari & le Confeiller étant
arrivez fort tard ,
leur firent de grandes excufes
de les avoir fait fi
long - temps attendre.
On n'eut pas de peine à
les recevoir
, parce que
jamais on ne
s'étoit
4.
GALANT . 45
moins impatienté . Pendant
le foupé leurs yeux
firent leur devoir admirablement
; & la contrainte
où ils fe trouvoient
par la préſence
de deux témoins incommodes
, prêtoit à leurs
regards une éloquence
qui les confoloit de ne
pouvoir s'expliquer avec
plus de liberté. Le mari :
gea
ayant quelque chofe à
dire au Comte
, l'engaà
venir faire avec lui
46 MERCURE
un tour de jardin . Le
Comte en marqua par
un coup d'oeil fon déplaifir
à la Dame , & la.
Dame lui fit connoître
par un autre figne combien
l'entretien du Confeiller
alloit la faire fouffrir.
On fe fepara . Jamais
le Comte n'avoit
trouvé de fi doux momens
que ceux qu'il paffa
dans fon tête - à - tête
avec la Marquife . Il la
quitta fatisfait au derGALANT
. 47
nier point :mais dés qu'il
fut ſeul , il ne put s'abandonner
à lui mefme
fans reffentir les plus
cruelles agitations. Que
n'eut- il point à fe dire
fur l'état où il furprenoit
fon coeur ! Il n'en étoit
pas à connoître que fon
trop de confiance lui avoit
fait faire plus de
chemin qu'il ne lui étoit
permis : mais il s'étoit
imaginé jufques là qu'-
un amuſement avec une
48 MERCURE
coquete ne pouvoit bleffer
en rien la fidelité qu'il
devoit à fa maîtreffe
. Il
s'étoit toujours repofé
fur ce qu'une femme qui
ne pourroit lui donner
qu'un coeur partagé , ne
feroit jamais capable
d'inſpirer au fien un vrai
amour ; & alors il commença
à voir que ce qu'il
avoit traité d'amufement
, étoit devenu une
paffion dont il n'étoit
plus le maitre. Aprés ce
qui
GALANT 49
qui s'étoit paffé avec la
Marquife
, il fe fût flaté
inutilement de l'efperance
de n'en être point
aimé uniquement , & de
bonne foy: Peut - être
même que des doutes
là - deffus auroient été
d'un foible fecours . Il
fongeoit fans ceffe à tout
ce qu'il lupavoit trouvé
de paffion , à cet air vif
& touchant qu'elle don-*
noit à toutes les actions ;
& 'ces réflexions enfin
Avril 1714.
*
E
fo MERCURE
jointes au peu de fuccés
qu'il avoit eu dans l'attachement
qu'il avoit
pris pour la premiere
maîtreffe , mirent fa raifon
dans le parti de fon
coeur, & diffiperent tous
fes remords. Ainfi il s'abandonna
fans fcrupule
à ſon penchant , & ne
fongea plus qu'à fe ménager
mille nouvelles
douceurs avec la Marquife
; mais la jalouſic
les vinte troubler lors
GALANT. S1
qu'il s'y étoit le moins
attendu. Un jour il la
furprit feule avec l'amant
qu'il croyoit qu'el
le cût banni ; & le Cavalier
ne l'eut pas fitôt
quittée , qu'il lui en fic
des reproches , comme
d'un outrage qui ne pouvoit
être pardonné . Vous
n'avez pû long - temps
vous démentir , lui ditil
, Madame. Lorfque
vous m'avez crû affez
engagé , vous avez cellé
E ij
52 MERCURE
de vous faire violence .
J'avoue que j'applaudif
fois à ma paſſion , d'avoir
pû changer vôtre
naturel ; mais des femmes
comme
vous ne
changent jamais. J'avois
tort d'efperer un miracle
en ma faveur . Il la pria
enfuite de ne ſe plus contraindre
pour lui , & l'aſfura
qu'il la laifferoit en
liberté de recevoir toutes
les vifites qu'il lui
plairoit . La Dame fe
GALANT.
$3
connoiffoit trop bien en
dépit , pour rien apprehender
de celui - là . Elle
en tira de nouvelles affurances
de fon pouvoir
fur le jeune Comte ; &
affectant une colere qu'-
elle n'avoit pas , elle lui
fic comprendre qu'elle
ne daignoit pas ſe juſtifier
, quoy qu'elle eût de
bonnes raifons , qu'elle
lui cachoit pour le punir.
Elle lui fit même
promettre plus pofitive-
E iij
$4 MERCURE
ment qc'il n'avoit fait ,
de ne plus revenir chez
elle. Ce fut là où il put
s'appercevoir combien il
étoit peu maître de ſa
paffion . Dans un moment
il fe trouva le feul
criminel ; & plus affligé
de l'avoir irritée par les
reproches , que de la trahifon
qu'il penfoit lui
eftre faite , il fe jetta à
fes genoux , trop heureux
de pouvoir efperer
le pardon , qu'il croyoit
GALANT .
$$
auparavant qu'on lui devoit
demander
. Par quelles
foumiffions ne tâcha
t- il point de le meriter !
Bien loin de lui remetles
tre devant les yeux
marques de paffion qu'il
avoit reçues d'elle , &
qui fembloient lui donner
le droit de ſe plaindre
, il paroiffoit les avoir
oubliées , ou s'il s'en
refſouvenoit , ce n'étoit
que pour le trouver cent
fois plus coupable . Il
E mij
56 MERCURE
n'alleguoit que l'excés
de fon amour qui le faifoit
ceder à la jalousie ,
& quien de pareilles occafions
ne s'explique jamais
mieux que par la
colere. Quand elle crut
avoir pouffé fon triomphe
affez loin , elle lui
jetta un regard plein de
douceur , qui en un moment
rendit à fon ame
toute fa tranquilité . C'eft
affez me contraindre ,
lui dit- elle ; auffi bien ma
•
"
GALANT. SZ
joye & mon amour commencent
à me trahir.
Non , mon cher Comte
, ne craignez point
que je me plaigne de vôtre
colere. Je me plaindrois
bien plutôt fi vous
n'en aviez point eu . Vos
reproches il est vrai ,
>
bleffent ma fidelité : mais
je leur pardonne ce qu'ils
ont d'injurieux , en faveur
de ce qu'ils ont de
paffionné. Ces affurances
de vôtre tendreffe m'é58
MERCURE
toient fi cheres , qu'elles
ont arrefté jufqu'ici l'im
patience que j'avois de
me juftifier. Là - deffus
elle lui fit connoître
combien ſes ſoupçons étoient
indignes d'elle &
de lui ; que n'ayant point
défendu au Cavalier de
venir chez elle , elle n'avoit
pu refufer de le voir;
qu'un tel refus auroit été
une faveur pour lui ; que.
s'il le
fouhaitoit pourtant
, elle lui défendroit
V
GALANT. 59
fa maiſon pour jamais :
mais qu'il confiderât
combien il feroit peu
agreable pour elle , qu'-
un homme de cette forte
s'allât vanter dans le
monde qu'elle cuft rompu
avec lui , & laiſsât
croire qu'il y euft des
gens à qui il donnoit de
l'ombrage. L'amoureux
Comte étoit fi touché
des marques de tendreſſe
qu'on venoit de lui donner
, qu'il ſe feroit vo60
MERCURE
>
lontiers payé d'une plus
méchante raiſon . Il eut
honte de fes foupçons ,
& la pria lui- meſine de
ne point changer de conduite
. Il paffa ainfi quelques
jours à recevoir fans
ceffe de nouvelles affurances
qu'il étoit aimé ,
& il merita dans peu
qu'on lui accordât une
entrevue fecrete la nuit .
Le mari étoit à la campagne
pour quelque
temps ; & la Marquife ,
*
1
GALANT. 61
maîtreffe alors d'ellemeſme
, ne voulut pas
perdre une occafion fi
favorable de voir fon a
mant avec liberté . Le
jour que le Comte étoit
attendu chez elle fur les
neuf heures du foir , le
Confeiller foupant avec
lui , ( ce qu'il faifoit fort
fouvent ) voulut le mener
à une affemblée de
femmes du voisinage ,
qu'on regaloit d'un concert
de voix & d'inftru62
MERCURE
mens. Le Comte s'en
excufa , & ayant laiffé
fortir le Confeiller , qui
le preffa inutilement de
venir jouir de ce regal ,
il fe rendit chez la Dame
, qui les reçut avec
beaucoup de marques
d'amour
. Aprés quatre
heures d'une converfation
trés-tendre , il falut
fe féparer. Le Comte cut
fait à peine dix pas dans
la ruë , qu'il ſe vit ſuivi
d'un homme qui avoit le
GALANT. 63
vifage envelopé d'un
manteau . Il marcha toujours
; & s'il le regarda
comme un efpion , il eut
du moins le plaifir de
remarquer
qu'il étoit
trop grand pour être le
mari de la Marquife . En
rentrant chez lui , il trouva
encore le pretendu
cfpion , qu'il reconnut
enfin pour le Confeiller.
Les refus du jeune Comte
touchant le concert
de voix , lui avoit fait
64 MERCURE
croire qu'il avoit un rendez-
vous. Il le foupçonnoit
déja d'aimer la Marquife
, & fur ce foupçon
il etoit venu l'attendre à
quelques pas de fa porte
, & l'avoit vû fe couler
chez elle. Il y avoit
frapé auffitôt , & la fui-:
vante lui étoit venu dire
de la part de fa maîtreffe,
qu'un grand mal de tête
l'obligeoit à fe coucher ,
& qu'il lui étoit impoffible
de le recevoir. Par
cette
GALANT. 65
cette réponſe il avoit
compris tout le myftere.
Il fuivit le Comte dans
fa chambre , & lui ayam
declaré ce qu'il avoit fait
depuis qu'ils s'étoient
quittez : Vous avez pris ,
lui dit - il , de l'engagement
pour la Marquife ;
il faut qu'en fincere ami
je vous la faffe connoître.
J'ai commencé à l'aimer
avant que vous yinfficz
loger avec moy , &
quand elle a fçû nôtre
Avril 1714.
F
66 MERCURE
liaifon , elle m'a fait promettre
par tant de fermens
, que je vous ferois
un fecret de cet amour ,
que je n'ai ofé vous en
parler . Vous fçavez , me
difoit - elle , qu'il aime
une perfonne qui me hait
mortellement . Il ne manquera
jamais de lui apprendre
combien mon
coeur eft foible pour
vous. La diſcretion qu'-
on doit à un ami ne tient
guere contre la joye que
GALANT. 67
l'on a quand on croit
pouvoir divertir une
maîtreffe. La perfide
vouloit même que je lui
fuffe obligé de ce qu'elle
conſentoit à recevoir
vos vifites. Elle me recommandoit
fans ceffe
de n'aller jamais la voir
avec vous ; & quand
vous arriviez , elle affectoit
un air chagrin dont
je me plaignois quelquefois
à elle , & qu'apparemment
elle vous laif,
F ij
68 MERCURE
foit expliquer favorablement
pour vous . Mille
fignes & mille geſtes ,
qu'elle faifoit dans ces
temps - là , nous étoient
t
fans doute communs . Je
rappelle préfentement
une infinité de chofes
que je croyois alors indifferentes
, & je ne doute
point qu'elle ne fe foit
fait un merite auprés de
vous , de la partie qu'elle
fit il y a quelque temps
de fouper ici . Cependant
GALANT . 69
quand elle vous vit engagé
dans le jardin avec
fon mari , quels tendres
reproches ne me fit- elle
point d'être revenu ' fi
tard de la campagne , &
de l'avoir laiffée filongtemps
avec un homme
qu'elle n'aimoit pas !
Hier même encore qu'-
elle me préparoit avec
vous une trahiſon ſi noire
elle eut le front de
vous faire porteur d'une
lettre , par laquelle elle
70 MERCURE
me donnoit un rendezvous
pour ce matin ,
vous difant que c'étoit
un papier que fon mari
l'avoit chargée en partant
de me remettre. Le
Comte étoit fi troublé
de tout ce que le Confeiller
lui difoit , qu'il
n'eut pas la force de l'interrompre.
Dés qu'il fut
remis , il lui apprit comme
fon amour au commencement
n'étoit qu'
un jeu , & comme dés
GALANT. 71
S
lors la Marquife lui avoit
fait les mêmes loix
de difcretion qu'à lui.
Ils firent enfuite d'autres
éclairciffemens , qui
découvrirent au Comte
qu'il ne devoit qu'à la
coquetterie de la Dame
ce qu'il croyoit devoir à
fa paffion ; car c'étoit le
Confeiller qui avoit exigé
d'elle qu'elle ne vît
plus tant de monde , &
fur- tout qu'elle éloignât
fon troifiéme amant ; &
72 MERCURE
ils trouverent que quand
elle l'eut rappellé , elle
avoit allegué le même
pretexte
au Confeiller
qu'au Comte , pour continuer
de le voir. Il n'y
a gueres
d'amour
à l'épreuve
d'une telle perfidie
; auffi ne fe piquerent-
ils pas de conftance
pour une femme qui la
méritoit fi peu . Le Comte
honteux de la trahifon
qui'l avoit faite à fa premiere
maitreſſe , refolut
de
GALANT .
73
de n'avoir plus d'affiduitez
que pour elle feule ,
& le Confeiller fut bientôt
determiné fur les mefures
qu'il avoit à prendre
mais quelque promeffe
qu'ils fe fillent l'un
à l'autre de ne plus voir
la Marquife , ils ne purent
fe refufer le foulagement
de lui faire des reproches.
Dés qu'il leur
parut qu'ils la trouveroient
levée , ils fe tendirent
chez elle . Le
Avril
1714.
G
74 MERCURE
Comte lui dit d'abord ,
que le Confeiller étant
fon ami , l'avoit voulu
faire profiter du rendezvous
qu'elle lui avoit
donné , & qu'ainſi elle
ne devoit pas s'étonner
s'ils venoient enſemble .
Le Conſeiller prit aufſi.
tôt la parole , & n'oublia
rien de tout ce qu'il
crut capable de faire
honte à la Dame , & de
le vanger de fon infidelité.
Il lui remit devant
M
GALANT . 75
les yeux l'ardeur fincere
avec laquelle il l'avoit
aimée , les marques de
paffion qu'il avoit reçûës
d'elle , & les fermens
: qu'elle lui avoit tant de
I fois reiterez de n'aimer
jamais que lui . Elle l'écouta
fans l'interrompre
; & ayant pris fon
parti pendant qu'il parloit
: Il eft vrai , lui ré-
#pondit - elle d'un air
moins embaraffé que jamais
, je vous avois pro-
Gij
76 MERCURE
mis de n'aimer que vous :
mais vous avez attiré
Monfieur le Comte dans
ce quartier , vous l'avez
amené chez moy , & il
eft venu à m'aimer .D'ailleurs
, de quoy pouvezvous
vous plaindre ?
Tout ce qui a dépendu
de moy pour vous rendre
heureux , je l'ai fait.
Vous fçavez vous - même
quelles précautions
j'ai prifes pour vous cacher
l'un à l'autre vôtre
GALANT . 77
paffion . Si vous l'aviez
fçûë , vôtre amitié vous
auroit coûté des violences
ou des remords , que
ma bonté & ma prudence
vous ont épargnez .
N'eft- il pas vrai qu'avant
cette nuit , que vous aviez
épić Monfieur le
Comte , vous étiez tous
deux les amans du monde
les plus contens ? Suisje
coupable de vôtre indifcrétion
Pourquoy me
venir chercher le foir ?
Giij
78 MERCURE
Ne vous avois - je pas averti
par une lettre que
je donnai à Monfieur le
Comte , de ne venir que
ce matin ? Tout cela fut
dit d'une maniere fi lipeu
déconcerbre
, &
fi
tée
, que
ce
trait
leur
fit
connoître la Dame encore
mieux qu'ils n'avoient
fait . Ils admirerent
un caractere fi particulier
, & laifferent à
qui le voulut la liberté
d'en être la dupe . La
"
GALANT. 79
Marquife fe confola de
leur perte , en faiſant
croire au troifieme amant
nouvellement rappellé
, qu'elle les avoit
bannis pour lui ; & comme
elle ne pouvoit vivre
fans intrigue , elle en fit
· bientôt une nouvelle .
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Résumé : AVANTURE nouvelle.
En avril 1714, un jeune comte, issu d'une famille prestigieuse du Royaume, s'installe dans un quartier de Lyon où le jeu et la galanterie dominent. Bien qu'il préfère le jeu, il n'y joue pas avec passion. Un groupe de jeunes dames tente de l'intéresser à l'amour, mais il se défend en invoquant son manque de mérite et d'espoir en amour. Elles lui parlent alors d'une jeune marquise voisine qu'elles attendent. Un jour, les jeunes dames montrent au comte la marquise en question, qui entre dans la pièce. Le comte et la marquise se reconnaissent, ayant déjà été présentés à la campagne chez une amie commune. La marquise, convaincue que le comte ne mérite pas les reproches qu'on lui fait, décide de profiter de cette occasion pour engager une relation avec lui. Elle voit en lui un homme d'esprit et d'enjouement, et elle est motivée par le désir de se venger d'une jeune demoiselle qu'elle hait et dont elle croit que le comte est amoureux. Le comte, quant à lui, est passionnément amoureux de cette demoiselle et ne craint pas de se laisser séduire par la marquise, qu'il connaît pour une coquette professionnelle. Cependant, la marquise, flattée par le défi, entreprend de le séduire. Elle l'invite chez elle et utilise divers stratagèmes pour le charmer. Le comte, malgré ses résistances initiales, finit par se laisser séduire par les attentions de la marquise. La marquise utilise des billets en italien pour communiquer avec le comte, évitant ainsi les soupçons. Elle prend des précautions pour éviter que leur relation ne soit découverte, notamment en fixant des heures où ils peuvent se voir sans risque. Le comte, de son côté, fait écrire ses lettres par une personne dont l'écriture est inconnue pour éviter les malentendus. Un jour, le mari de la marquise trouve une lettre italienne dans les poches de sa femme. Ne comprenant pas l'italien, il la montre au comte, feignant de ne pas savoir de quoi il s'agit. Le comte, pris de court, doit improviser une explication. La lettre est en réalité un message du comte à la marquise, lui rappelant un rendez-vous qu'ils doivent avoir. Le mari, sans se douter de la vérité, remet la lettre au comte, qui doit alors trouver une manière de se sortir de cette situation délicate. Le mari, un conseiller, découvre la liaison en suivant le comte jusqu'à la maison de la marquise. Il confronte le comte et révèle qu'il aime également la marquise depuis longtemps. Le comte est troublé mais apprend que la marquise avait imposé la discrétion à tous deux. Ils décident de clarifier leurs sentiments et leurs actions passées. La marquise avait été contrainte par le conseiller de se séparer de son troisième amant, mais elle avait continué à le voir en utilisant le même prétexte auprès du conseiller et du comte. Lorsque le comte et le conseiller découvrirent cette perfidie, ils décidèrent de ne plus avoir confiance en elle. Le comte, honteux de sa trahison envers sa première maîtresse, résolut de n'avoir plus d'attache que pour elle. Le conseiller prit également des mesures, mais malgré leurs promesses de ne plus voir la marquise, ils ne purent s'empêcher de lui faire des reproches.
Généré par Mistral AI et susceptible de contenir des erreurs.
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14
p. 479-480
IMITATION De l'Ode IX. du troisieme Livre d'Horace, Donec gratus eram &c. DIALOGUE. Tirsis, Philis.
Début :
Philis tant que sensible à mes vives tendresses [...]
Mots clefs :
Dialogue, Ode, Horace, Trahison, Fidélité, Réconciliation
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : IMITATION De l'Ode IX. du troisieme Livre d'Horace, Donec gratus eram &c. DIALOGUE. Tirsis, Philis.
IMITATION
De l'Ode IX. du troisieme Livre d'Horace ..
Donec gratus eram & c.
DIALOGUE ,
Tirsis , Philis.
Tirsis.
PHilis tant que sensible à mes vives tendresses
De tout autre Berger tu dédaignas la foi ,
Je préferois ton coeur à l'éclat des Richesses
Je le préferois même à la pourpre d'un Roi.
Philis
480 MERCURE DE FRANCE
Philis.
Ingrat , jusqu'au moment que je te vis changer
J'estimois plus mon sort que celui d'une Reine ; -
Le beau Médor n'eut pû rendre mon coeur leger
Lorsque tu me quittas pour la jeune Climene..
Tirsis.
Elle chante souvent nos amoureux transports;
Le charme de sa voix tient mon ame ravie ;
Climene me feroit voler à mille morts
Si ma mort ajoûtoit quelques jours à sa vie..
Philis.
Oui , je dois à Medor une ardeur éternelle ,
Malgré mes longs mépris il resta sous ma loi;
Il est respectueux , ardent , tendre , fidelle ,
Je lui jure ma vie est plus à lui qu'à moi.
Tirsis.
Quoique son coeur leger m'ait payé de froideur,
Quoiqu'en appas Venus le cede à ma Bergere ,
Si l'oubliant pour toi je te rendois mon coeur
Flechirois - tu , Philis , ton injuste colere ?
Philis.
Quoique Medor soit beau plus que l'Astre du jour
Quoique le vent soit moins inconstant que ton ame
Hélas!rends-moi ton coeur ,je te rends mon amour ,
Et la mort pourra seule en éteindre la flamme.
Le Chevalier de Montador.
De l'Ode IX. du troisieme Livre d'Horace ..
Donec gratus eram & c.
DIALOGUE ,
Tirsis , Philis.
Tirsis.
PHilis tant que sensible à mes vives tendresses
De tout autre Berger tu dédaignas la foi ,
Je préferois ton coeur à l'éclat des Richesses
Je le préferois même à la pourpre d'un Roi.
Philis
480 MERCURE DE FRANCE
Philis.
Ingrat , jusqu'au moment que je te vis changer
J'estimois plus mon sort que celui d'une Reine ; -
Le beau Médor n'eut pû rendre mon coeur leger
Lorsque tu me quittas pour la jeune Climene..
Tirsis.
Elle chante souvent nos amoureux transports;
Le charme de sa voix tient mon ame ravie ;
Climene me feroit voler à mille morts
Si ma mort ajoûtoit quelques jours à sa vie..
Philis.
Oui , je dois à Medor une ardeur éternelle ,
Malgré mes longs mépris il resta sous ma loi;
Il est respectueux , ardent , tendre , fidelle ,
Je lui jure ma vie est plus à lui qu'à moi.
Tirsis.
Quoique son coeur leger m'ait payé de froideur,
Quoiqu'en appas Venus le cede à ma Bergere ,
Si l'oubliant pour toi je te rendois mon coeur
Flechirois - tu , Philis , ton injuste colere ?
Philis.
Quoique Medor soit beau plus que l'Astre du jour
Quoique le vent soit moins inconstant que ton ame
Hélas!rends-moi ton coeur ,je te rends mon amour ,
Et la mort pourra seule en éteindre la flamme.
Le Chevalier de Montador.
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Résumé : IMITATION De l'Ode IX. du troisieme Livre d'Horace, Donec gratus eram &c. DIALOGUE. Tirsis, Philis.
Le texte relate un dialogue entre Tirsis et Philis, deux bergers, qui discutent de leurs amours et déceptions. Tirsis rappelle à Philis qu'elle avait autrefois choisi son amour plutôt que les richesses et la royauté. Philis accuse Tirsis d'ingratitude après qu'il l'a quittée pour Climène. Tirsis admire Climène, tandis que Philis confesse son amour éternel pour Médor, qui est resté fidèle malgré ses mépris. Tirsis propose de revenir vers Philis, mais elle refuse d'abord, critiquant son inconstance. Finalement, Philis accepte de pardonner Tirsis et de lui rendre son amour, affirmant que seule la mort pourra éteindre leur flamme.
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15
p. 93-94
VAUDEVILLE De l'ordre de la Fidélité.
Début :
Parmi nous la simple nature [...]
Mots clefs :
Fidélité, Berger
Afficher :
texteReconnaissance textuelle : VAUDEVILLE De l'ordre de la Fidélité.
VAUDEVILLE
De l'ordre de la Fidélité.
Parmi nous la fimple nature
Donne des loix , & nous unit.
On y méconnoit l'impofture ,
Et tout perfide en eft profcrit.
Fuyez , amants , dont le langage
N'exprime point la vérité,
Les coeurs , que chez nous on engage,
Sont faits pour la fidélité.
餾
Etre tendre , difcret , fincere ,
Toujours s'obliger , fe chérir ,
S'entredonner le nom de frere ,
Se voir fouvent avec plaifir ;
Chez nous , ces vertus admirables
S'uniffent à la volupté :
Et près de nos foeurs adorables ,
Nous goûtons la fidélité.
Tout frere fe fait un fyftême
D'aller toujours droit en amour ♦
Il faut , près de l'objet qu'il aime ,
Qu'il foit attentif nuit & jour.
Il ne faut jamais qu'il ſe vante
= Quand il veut en êtré écouté ,
Il eft un cas où ſon amante
Juge de fa fidélité.
94 MERCURE DE FRANCE.
Quand on entend la tourterelle
Gémir triftement dans les bois :
C'eft fon tourtereau qu'elle appelle ,
Et qui s'attendrit à ſa voix.
Près de fa plaintive maîtreffe
Il vole avec rapidité :
Mille preuves de fa tendreffe
Affurent fa fidélité .
Près du berger le chien timide.
Dans les dangers peut tout prévoir ;
L'inſtinct qui l'éclaire & le guide
Le rend efclave du devoir,
Sur fon exacte vigilance ,
Berger , dormez en fûreté .
On doit bannir la méfiance
Où veille la fidélité.
#
Vous qui faites couler nos larmes
En nous traitant avec rigueur ,
Belles , que vous fervent vos charmes,
S'ils ne caufent que la douleur.
Quand on plaît il faut être tendre ;
Et c'eft un bien que la beâuté.
Ah ! que ne pouvez-vous comprendre
Combien vaut la fidélité ?
La Mufique eft de M. Daveſne.
Les paroles de M. Demontrofy.
De l'ordre de la Fidélité.
Parmi nous la fimple nature
Donne des loix , & nous unit.
On y méconnoit l'impofture ,
Et tout perfide en eft profcrit.
Fuyez , amants , dont le langage
N'exprime point la vérité,
Les coeurs , que chez nous on engage,
Sont faits pour la fidélité.
餾
Etre tendre , difcret , fincere ,
Toujours s'obliger , fe chérir ,
S'entredonner le nom de frere ,
Se voir fouvent avec plaifir ;
Chez nous , ces vertus admirables
S'uniffent à la volupté :
Et près de nos foeurs adorables ,
Nous goûtons la fidélité.
Tout frere fe fait un fyftême
D'aller toujours droit en amour ♦
Il faut , près de l'objet qu'il aime ,
Qu'il foit attentif nuit & jour.
Il ne faut jamais qu'il ſe vante
= Quand il veut en êtré écouté ,
Il eft un cas où ſon amante
Juge de fa fidélité.
94 MERCURE DE FRANCE.
Quand on entend la tourterelle
Gémir triftement dans les bois :
C'eft fon tourtereau qu'elle appelle ,
Et qui s'attendrit à ſa voix.
Près de fa plaintive maîtreffe
Il vole avec rapidité :
Mille preuves de fa tendreffe
Affurent fa fidélité .
Près du berger le chien timide.
Dans les dangers peut tout prévoir ;
L'inſtinct qui l'éclaire & le guide
Le rend efclave du devoir,
Sur fon exacte vigilance ,
Berger , dormez en fûreté .
On doit bannir la méfiance
Où veille la fidélité.
#
Vous qui faites couler nos larmes
En nous traitant avec rigueur ,
Belles , que vous fervent vos charmes,
S'ils ne caufent que la douleur.
Quand on plaît il faut être tendre ;
Et c'eft un bien que la beâuté.
Ah ! que ne pouvez-vous comprendre
Combien vaut la fidélité ?
La Mufique eft de M. Daveſne.
Les paroles de M. Demontrofy.
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Résumé : VAUDEVILLE De l'ordre de la Fidélité.
Le vaudeville 'De l'ordre de la Fidélité' met en avant les valeurs de fidélité et de sincérité dans les relations amoureuses. Il souligne que la nature impose des lois qui unissent les individus et rejettent l'imposture et la perfidie. Les amants sont encouragés à être tendres, discrets, sincères et à s'engager mutuellement. Les vertus telles que la fidélité et l'amour sincère sont associées au plaisir et à la volupté. Le texte compare les amants fidèles à des animaux comme la tourterelle et le chien, qui montrent une fidélité et une dévotion constantes. La tourterelle appelle son tourtereau, qui accourt rapidement, et le chien protège le berger avec vigilance. Le vaudeville critique ceux qui causent de la douleur par leur rigueur, soulignant que la beauté doit être accompagnée de tendresse. Il conclut en valorisant la fidélité comme une qualité essentielle et précieuse. La musique est composée par M. Davesne et les paroles par M. Demontrofy.
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